laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac...

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Cahier du « Monde » N o 21755 daté Samedi 27 décembre 2014 - Ne peut être vendu séparément La philosophie à l’épreuve de la viande Dénonçant l’enfer des abattoirs, des penseurs s’emparent d’une question longtemps ignorée: avons-nous moralement le droit de manger des animaux? catherine vincent C ertes, la Journée internationale sans viande (Meat Out Day), fixée chaque année autour du 20 mars, suscite l’intérêt croissant du grand public et des médias. Certes, scien- tifiques et politiques sont chaque jour plus nombreux à dénoncer l’aberration pour l’environnement que représente la produc- tion mondiale de viande (302 millions de tonnes en 2012, soit cinq fois plus qu’en 1950), l’une des grandes causes de la déforestation, du réchauffe- ment climatique et de la pollution de la planète. Certes, de grands chefs cuisiniers prennent posi- tion, tel le Français Alain Ducasse qui a sup- primé la viande de la carte du Plaza Athénée, son restaurant parisien. Certes, le nouveau livre du moine bouddhiste Matthieu Ricard, Plaidoyer pour les animaux, est un joli succès de librairie… Et après ? Après, rien. Ou presque. On sait, et on conti- nue. On évoque avec pessimisme la crise écolo- gique, on s’indigne du scandale des élevages in- dustriels, mais on ne renonce pas à son bifteck. Ni à sa dinde de Noël. Tout juste réduit-on un peu sa consommation… Mais si peu ! Un effort infime au regard de l’essor fulgurant qu’a connu l’industrie de la viande depuis la fin de la seconde guerre mondiale. En France, alors que la population est passée de 40 millions d’habitants à près de 70 millions aujourd’hui, la quantité de viande consommée par personne a presque doublé entre 1950 et 1980, grimpant de 50 à près de 100 kg par an. Elle a, depuis, légèrement régressé, mais avoisine toujours les 90 kg par personne et par an. Soit près de 500 000 bovins, ovins et porcins tués chaque jour dans les abat- toirs, tandis que les végétariens plafonnent à 2 % de la population. « Tous les ans, 60 milliards d’animaux terrestres et 1 000 milliards d’animaux marins sont tués pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur à la cohérence éthique des sociétés humaines », constate Matthieu Ricard. Dans un livre choc paru en 2011, le romancier américain Jonathan Safran Foer allait plus loin encore. Faut-il manger les animaux ?, s’interrogeait-il à l’issue d’une longue enquête, en partie clandes- tine, dans cet enfer insoutenable qu’est l’élevage industriel. « Les animaux sont traités juridique- ment et socialement comme des marchandises », conclut-il. Nous le savons tous, comme nous devinons tous l’horreur des traitements qu’on leur inflige. Sans vouloir nous en souvenir. Car c’est un fait : « La majorité des gens semble avoir accepté le fait de manger les animaux comme un acte banal de l’existence. » En avons-nous moralement le droit ? Le 30 oc- tobre, l’Assemblée nationale adoptait un projet de loi visant à reconnaître aux animaux, dans notre Code civil, le statut d’« êtres vivants doués de sensibilité ». Pouvons-nous continuer, pour notre plaisir ou par simple habitude, à faire souf- frir et mourir ces êtres capables de souffrance, d’émotions, d’intentions, dès lors que notre sur- vie alimentaire n’est pas en jeu ? Et si non, pour- quoi continuons-nous à le faire ? Pour tenter de comprendre, nous avons voulu interroger la philosophie. Et nous devons avouer notre sur- prise : la philosophie, jusqu’à un passé (très) ré- cent, ne s’est jamais posé cette question. Elle ne s’est jamais demandé si cette pratique était ac- ceptable. C’était une évidence. « Dans l’Antiquité grecque, on ne pouvait pas tuer un animal ni manger de la viande n’importe comment, tempère la philosophe Elisabeth de Fontenay, auteur de l’ouvrage somme Le Silence des bêtes. La philosophie à l’épreuve de l’animalité (Fayard, 1999). Pour les Anciens, comme pour Aristote et Platon, cette pratique était très codifiée par les sacrifices religieux. Mais tuer les animaux pour les manger, cela allait de soi. On n’en parlait même pas. » A quelques exceptions près : Pytha- gore (571-495 avant J.-C.), pour qui tuer un animal afin de le manger était un crime ; et, longtemps après, Plutarque (45-120 après J.-C.), dont le traité S’il est loisible de manger chair est un vibrant plaidoyer pour l’abstinence de nourriture carnée. Mais dans leur immense majorité, les Anciens ne se sont intéressés à l’animal que pour démontrer combien l’homme en était différent. Combien il leur était supérieur. lire la suite pages 4-5 Selon le christianisme, la bête a été créée pour le bien de l’homme, centre et maître de la création Photo extraite de la série « Dystopia ». ALEXA BRUNET/TRANSIT/PICTURETANK La persistance des accents Au fil des siècles, la norme de la langue française a été transmise par les écoles et les grands médias. Mais les régions affirment leur singularité. PAGE 7 Cuba oui, Cuba non Nombre d’intellectuels français ont soutenu avec ferveur la révolution cubaine. En 1968, tout s’arrête. Récit d’une volte-face. PAGE 6 Une scène revigorée L’année 2014 a confirmé une tendance : dans les salles comme sur la scène, le théâtre rajeunit. Résultat, des propositions artistiques osées. PAGE 3

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Page 1: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

Cahier du « Monde » No21755 daté Samedi 27 décembre 2014 ­ Ne peut être vendu séparément

Laphilosophieàl’épreuvedelaviandeDénonçantl’enferdesabattoirs,despenseurss’emparentd’unequestion

longtempsignorée:avons­nousmoralementledroitdemangerdesanimaux?

catherine vincent

C ertes, la Journée internationalesans viande (Meat Out Day), fixéechaque année autour du 20 mars,suscite l’intérêt croissant du grandpublic et des médias. Certes, scien­tifiques et politiques sont chaque

jour plus nombreux à dénoncer l’aberrationpour l’environnement que représente la produc­tionmondialedeviande (302millionsde tonnesen 2012, soit cinq fois plus qu’en 1950), l’une desgrandes causesde ladéforestation, du réchauffe­ment climatique et de la pollution de la planète.Certes, de grands chefs cuisiniers prennent posi­tion, tel le Français Alain Ducasse qui a sup­primé la viandede la carteduPlazaAthénée, sonrestaurant parisien. Certes, le nouveau livre dumoine bouddhiste Matthieu Ricard, Plaidoyerpour les animaux, est un joli succès de librairie…Et après ?Après, rien. Ou presque. On sait, et on conti­

nue. On évoque avec pessimisme la crise écolo­gique, on s’indigne du scandale des élevages in­dustriels, mais on ne renonce pas à son bifteck.Ni à sa dinde de Noël. Tout juste réduit­on unpeu sa consommation… Mais si peu ! Un effort

infime au regard de l’essor fulgurant qu’a connul’industrie de la viande depuis la fin de lasecondeguerremondiale. En France, alors que lapopulationestpasséede40millionsd’habitantsà près de 70millions aujourd’hui, la quantité deviande consommée par personne a presquedoublé entre 1950 et 1980, grimpant de 50 à prèsde 100 kg par an. Elle a, depuis, légèrementrégressé, mais avoisine toujours les 90 kg parpersonne et par an. Soit près de 500 000bovins,ovins et porcins tués chaque jour dans les abat­toirs, tandis que les végétariensplafonnent à 2%de la population.« Tous les ans, 60milliards d’animaux terrestres

et 1 000 milliards d’animaux marins sont tuéspour notre consommation, ce qui pose un défimajeur à la cohérence éthique des sociétéshumaines », constate Matthieu Ricard. Dans unlivre choc paru en 2011, le romancier américainJonathan Safran Foer allait plus loin encore.Faut­il manger les animaux ?, s’interrogeait­il àl’issue d’une longue enquête, en partie clandes­tine, dans cet enfer insoutenable qu’est l’élevageindustriel. « Les animaux sont traités juridique­ment et socialement comme desmarchandises »,conclut­il. Nous le savons tous, comme nousdevinons tous l’horreur des traitements qu’on

leur inflige. Sans vouloir nous en souvenir. Carc’est un fait : « Lamajorité des gens semble avoiraccepté le fait demanger les animaux comme unacte banal de l’existence. »En avons­nousmoralement le droit ? Le 30 oc­

tobre, l’Assemblée nationale adoptait un projetde loi visant à reconnaître aux animaux, dans

notre Code civil, le statut d’« êtres vivants douésde sensibilité ». Pouvons­nous continuer, pournotreplaisir oupar simplehabitude, à faire souf­frir et mourir ces êtres capables de souffrance,d’émotions, d’intentions, dès lors que notre sur­vie alimentaire n’est pas en jeu ? Et si non, pour­quoi continuons­nous à le faire ? Pour tenter de

comprendre, nous avons voulu interroger laphilosophie. Et nous devons avouer notre sur­prise : la philosophie, jusqu’à un passé (très) ré­cent, ne s’est jamais posé cette question. Elle nes’est jamais demandé si cette pratique était ac­ceptable. C’était une évidence.« Dans l’Antiquité grecque, on ne pouvait pas

tuer un animal ni manger de la viande n’importecomment, tempère la philosophe Elisabeth deFontenay, auteur de l’ouvrage somme Le Silencedes bêtes. Laphilosophie à l’épreuvede l’animalité(Fayard, 1999). Pour les Anciens, comme pourAristote et Platon, cette pratique était très codifiéepar les sacrifices religieux. Mais tuer les animauxpour lesmanger, cela allait de soi. On n’en parlaitmême pas. »Aquelques exceptions près : Pytha­gore (571­495 avant J.­C.), pourqui tuerunanimalafin de le manger était un crime ; et, longtempsaprès, Plutarque (45­120 après J.­C.), dont le traitéS’il est loisible de manger chair est un vibrantplaidoyer pour l’abstinence de nourriturecarnée. Mais dans leur immense majorité, lesAnciens ne se sont intéressés à l’animal quepour démontrer combien l’homme en étaitdifférent. Combien il leur était supérieur.

lire la suite pages 4­5

Selon le christianisme,la bête a été créée pour lebien de l’homme, centreet maître de la création

Photo extraite de la série «Dystopia». ALEXA BRUNET/TRANSIT/PICTURETANK

La persistance des accentsAu fildes siècles, la norme de la languefrançaise a été transmise par les écoleset les grandsmédias. Mais les régionsaffirment leur singularité. PAGE 7

Cuba oui, Cuba nonNombred’intellectuels français ont soutenuavec ferveur la révolution cubaine.En 1968, tout s’arrête. Récit d’unevolte­face. PAGE 6

Une scène revigorée L’année 2014a confirmé une tendance : dans lessalles comme sur la scène, le théâtrerajeunit. Résultat, des propositionsartistiques osées. PAGE 3

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C’est ce qu’on nomme l’humanismeanthropocentrique : une conception fon­dée sur l’idée de l’exceptionnalisme hu­main, que la tradition judéo­chrétiennen’a fait que renforcer. Notamment lechristianisme, selon lequel la bête a étécréée pour le bien de l’homme, centre etmaître de la création.Toute la tradition philosophique occi­

dentale sera marquée par cette coupureontologique entre l’homme et l’animal.Et il faudra attendre JacquesDerrida, et sadéconstruction du propre de l’homme,pour qu’enfin la question soit posée :comment a­t­on pu à ce point légitimerla violence envers l’animal ? Précisémenten lenommant« l’animal »plutôtquedeparler des animaux, répond­il. Car « l’ani­mal » n’existe pas, si ce n’est pour dési­gner l’ensemble des vivants pouvant êtreexploités, tués et consommés horsdu champ de la morale et de la politique.Le meurtre de « l’animal » n’est pasreconnu comme tel. Alors qu’il y a bel etbien « crime contre les animaux, contredes animaux ».Comme Derrida, Elisabeth de Fontenay

l’affirme : « Il n’y a aucun fondement phi­losophique, métaphysique, juridique, audroit de tuer les animauxpour lesmanger.C’est un assassinat en bonne et due forme,puisque c’est unmeurtre fait de sang­froidavec préméditation. » Elle­même, pour­tant, n’est pas végétarienne. « Je n’en suispas fière,mais comment faireautrement ?Je ne mange pas de la viande tous lesjours, mais j’adore les lasagnes ! J’adore lasauce tomate à la bolognaise ! Les goûtsde chacun, c’est compliqué. C’est idiosyn­crasique, c’est l’histoire de l’enfance… »Eli­sabeth de Fontenay a le courage de cettecontradiction majeure, qu’elle analyse à

l’aune de notre histoire. « Manger de laviande, c’est un héritage du néolithique !Vous vous rendez compte ? Du néolithi­que ! Et toutes les cultures, toutes, sontcarnivores ! »Même en Inde, où le végé­tarismehindouiste comptenombre d’ex­ceptions.Changer une habitude plurimillénaire,

source de protéines animales et d’unplaisir gustatif singulier ? S’interdire l’ac­cès à un aliment qui, de tout temps, futconsidéré comme un mode de distinc­tion sociale ? Pas si facile. Cela coûte dutemps, de l’argent, cela oblige dans nossociétés modernes à se priver d’innom­brables produits fabriqués. Pour unefamille nombreuse à revenus modestes,cela frise vite le sacerdoce. « Je peux très

suite de la page 1 bien comprendre que certains trouventtrop compliqué d’être végétariens, et queces mêmes personnes affirment êtrecontre le fait d’élever les animaux pour lestuer, estime la philosophe Florence Bur­gat, devenue végétarienne “après avoirété hypercarnivore”. Cela ne me semblepas incohérent. Beaucoup tentent deréduire leur consommation de viande, oude la rendre plus éthique. L’important estde tendre vers quelque chose. »Auteur de plusieurs ouvrages sur la

question animale, elle consacrera le pro­chain à « l’option carnivore de l’huma­nité ».Carunequestion la fascine: « Noussommes une espèce omnivore, ce quisignifie que nous avons le choix de notrealimentation, rappelle­t­elle. Pourquoialors l’humanité, au moment où ellearrive àunniveaudedéveloppement suffi­sant pour s’émanciper de l’alimentationcarnée – vers la fin duXIXesiècle, quand lesconnaissances scientifiques et techniqueslibèrent les bêtes d’un certain nombre detâches, et que surviennent les premièresloisdeprotectiondesanimaux–, pourquoifait­elle au contraire le choix d’instituer cedroit ? De l’inscrire dans les techniques,dans les pratiques ? » Un droit désormaisdevenu, dans la plupart des pays dont ledéveloppement le permet, celui de man­ger de la viande tous les jours.Depuis quand ? Symboliquement de­

puis 1865, date à laquelle furent inaugu­rés les abattoirs de Chicago. En 1870, lesUnion Stock Yards (littéralement les« parcs à bestiaux de l’union ») traitaientdéjà deux millions d’animaux par an.En 1890, le chiffre était passé à 14 mil­lions, dont lamort et ledépeçage fournis­saient du travail à 25 000 personnes– Ford, dans ses mémoires, affirme s’êtreinspiré de ces abattoirs pour créer sachaîne de montage à Detroit. C’est ainsi,aux Etats­Unis, que démarre véritable­ment la démocratisation de la nourriturecarnée. Et la production de masse d’uneviande issue de ce que l’historien améri­cain Charles Patterson, dans son ouvrageUn éternel Treblinka (Calmann­Lévy,2008), qualifie de génocide animal. Ungénocide qu’il n’hésite pas à comparer àcelui du peuple juif dans les camps deconcentration nazis.C’est aussi ce que fait le philosophe

Patrice Rouget, auteur d’un récent essaisur La Violence de l’humanisme. « Cettepasserelle tendue d’entre deux horreursest installée aujourd’hui, écrit­il. Desnoms dignes de respect, non suspects demauvaise foi ou de parti pris idéologique,l’ont bâtie pièce à pièce pour que nousosions la franchir. Singer, Lévi­Strauss,Derrida, Adorno, Horkheimer, des victi­mes revenues des camps de la mort y ontapporté leur contribution. » Ce qui fait del’extermination perpétrée par les nazisun événement irréductible à tout autreévénement de l’histoire, et ce qui rappro­che ce crimedemasse de l’enfer de l’abat­toir, c’est le processus industriel qui est àl’œuvre. Un processus qui, à la différencedes autres génocides, rend le meurtre« identiquement interminable, au moinsdans son principe ».Qu’ils soient végétariens ou « carnis­

tes », tous les philosophes s’accordentdonc sur ce point : la production et lamise à mort des bêtes à la chaîne sontune abomination, indigne d’une civili­

sation évoluée. « Le problème éthiquemajeur aujourd’hui, ce n’est pas celui dela consommation de viande, affirme Do­minique Lestel, philosophe et éthologueà l’Ecole normale supérieure de Paris.C’est l’ignominie de l’élevage industriel. Ily a une dégradation non seulement del’animal mais aussi de l’humain à traversces pratiques. »Auteur d’une provocanteApologie du carnivore, il estime cepen­dant que les végétariens « éthiques »– ceux qui refusent de manger de laviande au nom de la souffrance desbêtes et de leur droit à la vie – se trom­pent de cible en s’obstinant à combattre« le méchant carnivore ».« Par rapport à l’enjeu qu’est la ferme­

ture des élevages industriels, ces végéta­riens éthiques seraient infiniment plusefficaces s’ils s’alliaient avec ce que j’ap­pelle les carnivores éthiques : des carni­vores qui refusent demanger de la viande

industrielle, ou qui considèrent que celane se fait pas à n’importe quel prix, ni den’importe quelle façon, précise­t­il. Lamoindre des choses que l’on puisse fairepour un animal que l’on tue, c’est le cuisi­ner convenablement… C’est­à­dire avoirun rapport avec cet animalmort qui n’estpas celui que l’on a face à une barquettede supermarché. » Dominique Lestel, etil n’est pas le seul, opte pour le conceptde la « viande heureuse » – une viandeprovenant d’animaux bien élevés, bientués, que nous pourrions ainsi consom­mer en toute bonne conscience.Un compromis auquel Florence Burgat

s’oppose totalement. « Quelle que soit lamanière dont on s’y prend, la violence quiconsiste à tuer les animaux pour lesman­ger demeure, observe­t­elle. Elle renvoieà des questions de fond : qui sont les ani­maux ? Est­ce que le fait de vivre leur im­porte ? Pourquoi tuer un homme serait

Les mises en scènephotographiquesdécalées de la

série «Dystopia»visent à exposerles dérives de

l’industrialisationagricole.

ALEXA BRUNET/TRANSIT/

PICTURETANK

« Manger de la viande, c’estun héritage du néolithique!

Et toutes les cultures,toutes, sont carnivores ! »

élisabeth de fontenayphilosophe

VersuneéthiquedelachèreProduireetmettreàmortdesbêtesàlachaîne

estuneabomination:touslesphilosophess’accordentsurcepoint.Maiscommentymettrefinalorsquel’humanité,

espèceomnivore,achoisidemangerdelaviande?

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grave, et pourquoi tuer un animal ne leserait pas ? Je n’arrive pas à comprendrece qui motive cet argument, et je le com­prends d’autant moins que les animauxd’élevage, y compris en élevage bio, sonttués très jeunes. Qu’est­ce que cela signi­fie d’offrir à des bêtes de bonnes condi­tions de vie dans lesquelles elles peuvents’épanouir, puis de les tuer en pleine jeu­nesse ? » Vinciane Despret, philosophe àl’université de Liège (Belgique), n’expli­que pas cette contradiction manifeste.Mais elle rappelle que « l’acte de mangerest un acte qui requiert de la pensée », etque la mise en œuvre de cette pensée aété précisément supprimée par notrealimentation moderne. Ce qui a permisque soit instaurée, « sans plus de révolte,la folie furieuse que constitue l’élevage in­dustriel ».« Au fur et à mesure des années, ce qui

constituait un animal d’élevage vivant a

progressivement disparu de tout état devisibilité », souligne­t­elle. La plupart desgens ne mangent plus que sa chair – la­quelle, une fois dans l’assiette, évoque demoinsenmoins labêtedont elle vient. Lecomble est atteint avec le hamburger : àChicago, une étude a montré que 50 %des enfants des classes moyennes ne fai­saient pas le lien avec un animal. « Laconséquence de cette logique, qui est enconnivence avec l’élevage industriel, c’estque l’acte de manger est devenu totale­ment irresponsable : c’est un acte qui ne sepense pas », conclut Vinciane Despret.Penser plus, donc, pour enrayer cette

tuerie et ces souffrances de masse ? Etmanger moins de viande, bien sûr. Maisencore ? Fermer les élevages industriels ?A moins de se payer de mots, il n’y aguère d’autre solution. Mais il s’agiraitd’une solution ultraradicale. Supprimerla production intensive et favoriser l’éle­

¶à lire

« plaidoyerpour les animaux.

vers une bienveillancepour tous »

deMatthieu Ricard(Allary Editions, 382 p., 20,90 €).

« livre blancpour une mort digne des animaux »

coordonné par Jocelyne Porcher(Editions du Palais, 104 p., 14,50 €).

« la violencede l’humanisme.

pourquoi nous faut­ilpersécuter les animaux ? »

de Patrice Rouget(Calmann­Lévy, 160 p., 14,50 €).

« une autre existence.la condition animale »

de Florence Burgat(AlbinMichel, 2012).

« apologie du carnivore »de Dominique Lestel

(Fayard, 2011).

« faut­il manger les animaux ? »de Jonathan Safran Foer

(Editions de l’Olivier, 2011; Points, 2012).

vage artisanal, même en augmentant lessurfaces dévolues aux bêtes, cela revien­drait à disposer d’une quantité de viandeinfinitésimale à l’échelle des 7 milliardsde personnes qui peuplent la planète. Aen faire à nouveau un mets de luxe, rareet accessible seulement à une petite par­tie de la population… L’inverse de lapoule au pot du bon roiHenri IV, en quel­que sorte. Pas très satisfaisant pour quiespère réduire les inégalités.Reste une évidence, non plus philoso­

phique mais écologique : au train où

s’épuisent nos ressources naturelles, laplanète ne pourra pas supporter long­temps les humains et leurs élevages.En 2001, alors que l’épidémie d’encé­phalopathie spongiforme bovine (EBS)battait son plein, Claude Lévi­Strauss pu­bliait un texte magnifique, «La leçon desagesse des vaches folles» (revue Etudesrurales, 157­158). Citant les experts, il yrappelait que « si l’humanité devenaitintégralement végétarienne, les surfacesaujourd’hui cultivées pourraient nourrirune population doublée ». Les agronomesse chargeraient d’accroître la teneur enprotéines des végétaux, les chimistesde produire en quantités industriellesdes protéines de synthèse, les biologistesde fabriquer de la viande in vitro – elleexiste déjà en laboratoire.Mais alors, plus de bêtes ? C’est ce que

redoute Jocelyne Porcher, ancienne éle­veuse devenue sociologue à l’Institutnational de la recherche agronomique(INRA), qui vient de coordonner un Livreblanc pour une mort digne des animaux.Un avenir sans élevage est un avenir sansanimaux, du moins sans ces animauxavec lesquels nous avons une relation detravail, prévient­elle. Ce qui ne convaincguère la philosophe Anne Frémaux,auteurdeLaNécessité d’une écologie radi­cale (Sang de la Terre, 2011). « C’est là unargument qui s’appuie sur la préférenceabstraite pour l’existence plutôt que pourla non­existence, estime­t­elle. Il ne prendpas en compte la vie réellement et concrè­tement vécue par l’individu. » Elle suggèrede réensauvager les animaux domesti­ques et d’agrandir l’espace dévolu aux es­pèces naturelles.Florence Burgat, elle, n’en démord pas :

« Tant que l’homme mangera les ani­maux, rien ne pourra changer dans saconduite envers les autres hommes. On nepeut pas éduquer à la non­violence enversson prochain quand des espèces très pro­ches de nous restent tuables.» p

catherine vincent

« Le problème éthiquemajeuraujourd’hui, c’est l’ignominie

de l’élevage industriel.Il y a une dégradation de

l’animal mais aussi de l’humainà travers ces pratiques »

dominique lestelphilosophe et éthologue

L e 26 novembre, à la veille de la fête deThanksgiving, le président des Etats­UnisBarack Obama a procédé à la Maison Blan­che à une cérémonie assez incompréhensi­

ble pour le reste dumonde : il a gracié deux dindes,leur permettant d’échapper à ce qu’il a appelé « unsort aussi terrible que délicieux », la table du dîner.Les deux dindes, expédiées des meilleures fermes,avaient passé la nuit précédente dans le luxe d’unechambre de l’hôtel Willard, à côté de la MaisonBlanche.Dans un pays qui se sent obligé de procéder à un

rituel de déculpabilisation nationale avant de mas­sacrer 46 millions de dindes (puis 22 millions pourNoël), il ne faut pas s’étonner que la pratique du ga­vage des oies donne la nausée. Le 14 octobre, laCour suprême des Etats­Unis a confirmé l’interdic­tion de la production et de la vente du foie gras, en­trée en vigueur en 2012 en Californie, qui avait étéattaquée par l’association des éleveurs de canard etd’oie duQuébec. Les amateurs californiens devrontaller acheter leur foie gras à Las Vegas (Nevada),voire au­delà.Pourquoi, cela dit, cibler le foie gras quand les pou­

lets américains sont entassés par dizaines de mil­liers dans des hangars où ils passent de vie à trépasen quarante­deux jours ? Quand les dindes ont despoitrines tellement gonflées qu’elles ne peuventplus s’accoupler naturellement ? Comme le relate lephilosophe australien et pionnier des droits anima­liers Peter Singer dans des conférences où il aime àdétailler par le menu les pratiques les plus rebutan­tes, 99%des dindes de Thanksgiving sont le produitd’une insémination artificielle. Ce qui signifie, insis­te­t­il, qu’« il y a des gens dont le travail est de mas­turber les dindons à longueur de semaine pour récol­ter la semence ». Et que d’autres attrapent les femel­les pour leur injecter le produit.

« Schizophrénie culturelle »L’indignation ne serait­elle pas quelque peu sélec­

tive ? Plus vive dès lors qu’il s’agit d’un produit deluxe ? Etranger ? « Les Américains mangent beaucoupdepoulet etpeude foiegras,acquiesce leprofesseurdepsychologieHalHerzog,de l’universitéoccidentaledela Caroline. Il leur est plus facile de s’indigner à proposde quelque chose qu’ils ne consomment pas, notam­ment parce qu’ils ne peuvent pas se l’offrir. » Parmi lesdéfenseurs des droits des animaux, certains jugentd’ailleurs ridicule labatailledufoiegras.« C’estbanali­ser la réelle importance du combat pour améliorer lesconditions d’existence d’un nombre bien plus grandd’animaux », estime Edie Jarolim, qui fait une carrièrede blogueuse en relatant sa relation avec son chien.Pour les associations de protection animalière, le

foie gras n’est d’ailleurs qu’une bataille parmid’autres. Elles s’apprêtent à fêter en janvier une vic­toire autrement significative : l’entrée en vigueur dela loi sur la prévention de la cruauté envers les ani­mauxde ferme. C’est unepremière auxEtats­Unis. Letexteprohibe le confinementdespoules, des cochonset des veaux « d’une manière qui leur interdit de tenirdebout, de s’asseoir, de se retourner ou d’allonger leursmembres ».Les Américains restent les plus gros consomma­

teurs de viande du monde (120 kg par personnecontre 87 en France). La proportion de végétariensn’a pratiquement pas changé en vingt ans : à peineplus de 4 % des Américains de plus de 17 ans sontsoit végétariens, soit végétaliens. Vingt­cinq mil­lions de personnes (8 % de la population améri­caine) se sont essayées au régime sans viande, maisplus de 80 % l’ont abandonné. Les Américains souf­frent de « schizophrénie culturelle », estime le pro­fesseurHerzog. « Ils sont sensibles auxquestionsmo­rales posées par les élevages industriels, le foie gras,les animaux de cirque… En même temps, ils restentopposés à l’interdiction de la chasse et même de l’uti­lisation de cobayes pour la recherche. »Hal Herzog est l’auteur de SomeWe Love, SomeWe

Hate and Some We Eat (« ceux qu’on aime, ceuxqu’on déteste et ceux qu’on mange », Harper, 2010).Il y collectionne lesmanifestations de l’incohérencedes rapports de l’homme à l’animal. Les chiots sontconsidérés comme « un membre de la famille auxEtats­Unis » et comme « de la viande de lunch » enCorée, écrit­il. Vérité ici, erreur au­delà. En Europe,on mange du lapin, une idée qui fait frémir auxEtats­Unis, où il est animal de compagnie – Pâquesn’est pas symbolisé par unepoulemais par un « Eas­ter Bunny ». La chaîne bioWhole Foods, qui a essayéd’introduire la viande de lapin issue de fermes arti­sanales, a dû faire face à des boycottages divers.Pour son livre, Hal Herzog a suivi des combats de

coqs, interdits depuis 2008 dans les 50 Etats dupays, mais qui continuent sous le manteau dansl’Amérique profonde : il a trouvé des animauxbichonnés, adulés, infiniment mieux traités queleurs congénères ligotés en toute légalité dans lesmouroirs à poulets. Que faut­il interdire en prio­rité ? s’interroge­t­il. p

corine lesnes(san francisco, correspondante)

Etats­Unis :labatailledu foiegrasest­ellelabonne ?

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Dystopia est un pays imaginaire situé sur le territoire français. Imaginaire, mais qui plonge ses racines dans la réalité du sys-tème économique et sociétal d’aujourd’hui qui tend à faire de l’agriculture une industrie comme une autre. Le récit utopique des années 1950-1960 sur les bienfaits de l’agriculture dite « moderne » a fait long feu. Chaque jour, nous pouvons constater les atteintes à la santé pu-blique et à l’environnement que cette agriculture porte en elle. Tel est le point de départ de ce travail journalistique incarné par une série de photographies scénographiées et accompagnées de textes documentés. Une enquête qui dénonce en filigrane la responsa-bilité d’un système dans lequel, pour certains, la rentabilité prend le pas sur le devenir de notre territoire commun. « Le chambardement de la France paysanne est, à mes yeux, le spectacle qui l’emporte sur tous les autres, dans la France d’hier et, plus encore, d’aujourd’hui. » Ces

mots de l’historien Fernand Braudel, publiés en 1986 dans L’Identité de la France, restent plus que jamais d’actualité. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une lame de fond balaie les campagnes fran-çaises : il faut nourrir une population épuisée et faire entrer le « progrès » dans un monde paysan jugé archaïque, voire arriéré. Progrès technique et progrès social semblent alors marcher de pair dans l’effervescence d’une « modernisation » menée au pas de charge. L’utopie se décline sous forme d’impératifs qui ne souffrent aucune discussion : de grandes unités produisent plus à surface égale que

de petites et moyennes fermes, la production ne peut augmenter qu’avec l’élimination de nombreux paysans, les exportations permettent de nourrir la planète. Un demi-siècle plus tard, le constat est amer : depuis les années 1970, 60 % des agriculteurs ont disparu et, parmi les survivants, le suicide a un taux de prévalence de 20 % supérieur à la moyenne nationale, l’érosion des sols s’aggrave sans cesse avec la perte de la matière organique indispensable à la vie, des centaines de races animales ont disparu, les pesticides se retrouvent dans nos assiettes, et les algues vertes, sur les côtes, le modèle agroalimentaire

breton est en faillite, tan-dis que la faim gagne du terrain dans le monde. Derrière la modernisa-tion, se dissimulait une industrialisation encou-ragée par l’État, l’utopie des années 1960 est devenue « dystopie ». Ce retournement, Dystopia le raconte par les mots et par les images : 2030, c’est déjà demain !

DYSTOPIA

Afin de préfigurer à quoi pourrait ressembler la France rurale dans quelques années, Alexa Brunet et Patrick Herman ont

réalisé un reportage d’anticipation sur les ruptures profondes qui affectent la paysannerie française. Des mises en scène

qui dénoncent avec beaucoup de sérieux et une pointe d’ironie l’industrialisation de l’agriculture.

TexTe : PaTrick Herman – PHoTos : alexa BruneT

S O C I É T ÉM I S E A U P O I N T

APPAUVRISSEMENT DE LA BIODIVERSITÉ

Les messicoles, plantes associées aux moissons, vivent avec les céréales depuis dix mille ans et ont accompagné les migrations de populations à partir du sud du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient. Depuis le début des années 1970, elles ont reculé en France de 30 à 70 % et la majorité des espèces est en voie de raréfaction, beaucoup sont

même en voie d’extinction. Sécurisant l’alimentation des insectes pollinisateurs – dont les abeilles – et offrant refuge aux insectes auxiliaires contre les ravageurs des cultures, elles sont victimes notamment des pratiques de l’agriculture industrielle : utilisation intensive d’herbicides et développement des cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM).

MISE AU POINT

Page 6: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

60

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4

Paris

Exp

o Po

rte d

e Ve

rsai

lles

/ Pav

illon

4

Hora

ires

: 10h

- 1

9h

Ouve

rtur

e à

9h le

sam

edi

et fe

rmet

ure

à 18

h le

lund

i.

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x300

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heye

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1

22/0

8/14

17

:50

Page 9: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

28 juin 2014 terra eco terra eco juin 2014 29

Agriculture : une ultra moderne servitude

Dans le projet « Dystopia », constructions imaginaires et scènes incongrues font sourire ou tiquer l’œil. Mais derrière se cache un message inquiet : les paysans ne sont plus maîtres de leur destin.

Photos : AlexA Brunet / texte : PAtrick HermAn

le portfolio

Page 10: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

30

juin

201

4

terr

a ec

o te

rra

eco

jui

n 20

14

31

le p

ortf

olio

Fin

de

la D

euxi

ème

Gu

erre

mon

dial

e.

La

Fran

ce e

st d

évas

tée.

Il f

aut

nou

rrir

sa

popu

lati

on.

L’u

sage

des

en

grai

s az

otés

de

syn

thès

e, m

is a

u p

oin

t à

la v

eille

de

la P

rem

ière

Gu

erre

mon

dial

e po

ur

fabr

iqu

er d

es e

xplo

sifs

, se

gén

éral

ise.

Le

sys

tèm

e ag

rair

e de

pol

ycu

ltu

re/é

leva

ge e

st ju

gé o

bsol

ète,

et

l’in

dust

rie

chim

iqu

e lo

urd

e as

sure

dés

orm

ais

la fe

rtili

té d

es s

ols

à la

pla

ce d

u b

étai

l. A

vec

le p

lan

Mar

shal

l, le

s m

ach

ines

mot

oris

ées,

déj

à u

tilis

ées

aux

Eta

ts-

Un

is, d

ébar

quen

t en

Eu

rop

e. P

our

augm

ente

r la

su

per

fici

e de

s pa

rcel

les,

le

s te

rres

son

t re

mem

brée

s, e

t on

voi

t di

spar

aîtr

e le

s zo

nes

tam

pon

s (z

ones

hu

mid

es, t

alu

s, h

aies

). L

es r

égio

ns

agri

cole

s fr

ança

ises

se

spéc

ialis

ent

un

e à

un

e afi

n d

e si

mpl

ifier

les

appr

ovis

ion

nem

ents

pou

r u

ne

indu

stri

e ag

roal

imen

tair

e en

ple

ine

expa

nsi

on, t

andi

s qu

e s’

étei

gnen

t n

ombr

e

de b

assi

ns

de p

rodu

ctio

n h

isto

riqu

es. U

ne

loi d

’ori

enta

tion

agr

icol

e

– la

« lo

i Pis

ani »

– r

édu

it d

rast

iqu

emen

t le

nom

bre

d’ex

ploi

tati

ons

en

acc

élér

ant

la d

ispa

riti

on d

e ce

lles

jugé

es m

oin

s pr

odu

ctiv

es, u

n p

roce

ssu

s de

con

cen

trat

ion

qu

i se

pou

rsu

it e

nco

re a

ujo

urd

’hu

i. D

ans

l’éle

vage

, le

s su

rfac

es e

n p

rair

ie d

ispa

rais

sen

t au

pro

fit

du m

aïs

fou

rrag

e,

subv

enti

onn

é pa

r u

ne

Polit

iqu

e ag

rico

le c

omm

un

e (P

AC

)

inst

auré

e pa

r le

tra

ité

de R

ome

en 1

957.

Mai

s le

mir

acle

ver

t to

uch

e se

s lim

ites

. La

sim

plifi

cati

on

des

itin

érai

res

tech

niq

ues

et

des

asso

lem

ents

con

duit

peu

à p

eu

à u

ne

augm

enta

tion

de

la p

ress

ion

par

asit

aire

su

r le

s cu

ltu

res

et

à u

n r

ecou

rs a

ccru

au

x p

esti

cide

s. L

es a

gric

ult

eurs

, san

s en

pre

ndr

e pl

ein

emen

t co

nsc

ien

ce, v

ien

nen

t de

per

dre

en à

pei

ne

un

dem

i-si

ècle

l’a

uto

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ie q

ui é

tait

la le

ur

depu

is d

es m

illén

aire

s.L’

indu

stri

alis

atio

n d

e l’a

gric

ult

ure

a c

erte

s p

erm

is u

ne

expl

osio

n

de la

pro

duct

ion

agr

icol

e. M

ais

à qu

el p

rix

! La

disp

arit

ion

acc

élér

ée

des

terr

es a

gric

oles

et

des

pays

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la d

égra

dati

on c

onst

ante

de

la q

ual

ité

des

eau

x, l’

appa

uvri

ssem

ent

gén

éral

de

la b

iodi

vers

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l’u

tilis

atio

n m

assi

ve d

es p

esti

cide

s, le

s co

ndi

tion

s et

con

séqu

ence

s

de la

pro

duct

ion

indu

stri

elle

de

vian

de, l

’éro

sion

et

l’app

auvr

isse

men

t de

s so

ls, l

a m

odifi

cati

on g

énét

iqu

e de

s or

gan

ism

es lè

guen

t u

ne

fact

ure

gi

gan

tesq

ue

aux

jeu

nes

gén

érat

ion

s. P

our

l’in

gén

ieu

r ag

ron

ome

M

arce

l Maz

oyer

et

la c

her

cheu

se L

aure

nce

Rou

dart

, coa

ute

urs

d’u

ne

His

toir

e de

s ag

ricu

ltur

es d

u m

onde

(Se

uil,

200

2), «

tout

e po

litiq

ue a

gric

ole

s’in

scri

t d’a

bord

et a

vant

tout

dan

s un

cho

ix »

. Cel

ui d

es g

ouve

rnem

ents

su

cces

sifs

de

la F

ran

ce m

ontr

e, s

elon

eu

x, «

tro

p de

méc

onna

issa

nce

et d

e m

épri

s du

pas

sé, t

rop

de h

âte

et d

e pr

ésom

ptio

n no

vatr

ice,

tr

op d

e pr

oduc

tivi

sme

pure

men

t qua

ntit

atif

, tro

p pe

u de

pré

caut

ions

hu

mai

nes,

éco

logi

ques

et q

ualit

ativ

es »

. Le

proj

et D

ysto

pia,

cor

éalis

é pa

r A

lexa

Bru

net

(ph

otos

) et

Pat

rick

Her

man

(te

xtes

), e

n p

arti

e pr

ésen

dan

s le

s pa

ges

qui s

uiv

ent,

ne

dit

pas

autr

e ch

ose.

lA B

iOD

iVer

Sit

É S

Ou

S c

lOc

He

Les

mes

sico

les

vive

nt a

vec

les

céré

ales

dep

uis

dix

mill

e an

s. D

epui

s le

déb

ut d

es a

nnée

s 19

70,

elle

s on

t rec

ulé

en F

ranc

e de

30

 % à

70

 %. L

a m

ajor

ité d

es e

spèc

es (c

oque

licot

s, b

leue

ts) s

ont

en v

oie

de ra

réfa

ctio

n et

bea

ucou

p en

voi

e d’

extin

ctio

n à

caus

e de

l’agr

icul

ture

indu

strie

lle.

Pour

tant

, elle

s sé

curis

ent l

’alim

enta

tion

des

inse

ctes

pol

linis

ateu

rs, d

ont l

es a

beill

es, e

t of

fren

t ref

uge

aux

inse

ctes

aux

iliai

res

(syr

phes

, coc

cine

lles…

) con

tre

les

rava

geur

s.

leS

PeS

tic

iDeS

, Ar

meS

De

DeS

tru

cti

On

mA

SS

iVe

(Dou

ble

page

pré

céde

nte)

Au

déb

ut d

u XX

e  siè

cle,

l’in

dust

rie a

cré

é de

s ar

mes

chi

miq

ues

qui o

nt fa

it de

s ra

vage

s pe

ndan

t la

Prem

ière

Gue

rre

mon

dial

e. D

es c

ompo

sés

qui o

nt tr

ouvé

de

nouv

eaux

déb

ouch

és

en ta

nt q

ue p

estic

ides

, dan

s l’a

gric

ultu

re. A

vec

plus

de

60

 00

0 to

nnes

de

subs

tanc

es

activ

es v

endu

es e

n 20

11, l

a Fr

ance

est

le tr

oisi

ème 

cons

omm

ateu

r au

mon

de. E

n 20

06

, un

e ét

ude 

(1) r

éalis

ée s

ur n

euf p

estic

ides

form

ulés

a ré

vélé

que

les

effe

ts to

xiqu

es s

ur le

s ce

llule

s hu

mai

nes

sont

des

cen

tain

es d

e fo

is p

lus

impo

rtan

ts q

ue c

eux

caus

és p

ar la

seu

le

mat

ière

act

ive

du p

rodu

it, e

n ra

ison

de

la n

on-p

rise

en c

ompt

e de

s ad

juva

nts

utili

sés.

(1) A

lire

ici :

ww

w.b

it.ly

/1kl

nR6E

Page 11: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

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juin

201

4

terr

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o te

rra

eco

jui

n 20

14

33

le p

ortf

olio

leS

Sem

enc

eS À

l’e

nr

eGiS

trem

ent

Aux

Etat

s-U

nis,

les

firm

es d

e bi

otec

hnol

ogie

s – 

reba

ptis

ées

« sc

ienc

es d

e la

vie

 » –

po

urch

asse

nt c

e qu

’elle

s ap

pelle

nt u

ne «

 pira

terie

des

sem

ence

s ».

L’a

gric

ulte

ur q

ui

a co

nser

vé d

es s

emen

ces

de la

réco

lte p

récé

dent

e, o

u do

nt la

cul

ture

a é

té c

onta

min

ée

par l

e po

llen

tran

sgén

ique

d’u

n vo

isin

, ou

enco

re d

ont d

es g

rain

es re

stée

s au

sol

ont

ge

rmé,

se

voit

pour

suiv

i apr

ès e

nquê

te p

ar u

ne s

orte

de

« po

lice

des

gène

s ».

Il n

e re

ste

pl

us à

l’ag

ricul

teur

qu’

à ra

chet

er le

s se

men

ces

chaq

ue a

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.

A l

A r

ecH

erc

He

DeS

ter

reS

AG

ric

Ole

S P

erD

ueS

C

haqu

e an

née,

plu

s de

60

 00

0 h

ecta

res

de te

rres

agr

icol

es d

ispa

rais

sent

en

Fran

ce, s

oit

l’équ

ival

ent d

’un

dépa

rtem

ent t

ous

les

sept

 ans

. En

régi

on P

rove

nce-

Alpe

s-C

ôte

d’Az

ur,

la s

urfa

ce a

gric

ole

prod

uctiv

e a

dim

inué

de

20 %

ent

re 19

70 e

t 20

00

. On

y co

mpt

ait

490

 00

0 ré

side

nces

sec

onda

ires

en 2

00

9 c

ontr

e 13

9 0

00

en

196

8. S

elon

une

étu

de d

e l’I

nsee

(Ins

titut

nat

iona

l de

la s

tatis

tique

et d

es é

tude

s éc

onom

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s) (1

), au

ryth

me

actu

el

de l’

artifi

cial

isat

ion

des

terr

es, l

e dé

part

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t des

Alp

es-M

ariti

mes

n’a

ura

plus

de

surf

ace

agric

ole

d’ic

i à u

ne d

izai

ne d

’ann

ées

et c

elui

des

Bou

ches

-du-

Rhô

ne d

’ici à

vin

gt-c

inq 

ans.

(1) A

lire

ici :

ww

w.b

it.ly

/R12

uhp

Page 12: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

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4

terr

a ec

o te

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eco

jui

n 20

14

35

le p

ortf

olio

leS

PAY

SA

nS

lA

cO

rD

e A

u c

Ou

Le

s ag

ricul

teur

s « 

mod

erni

sés 

» em

prun

tent

sou

vent

le m

ême

chem

in d

éfini

tif. S

oum

is à

la

bai

sse

cons

tant

e de

s pr

ix a

gric

oles

dan

s de

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breu

x se

cteu

rs, p

ouss

és à

s’e

ndet

ter

pour

êtr

e pe

rfor

man

ts, i

ls s

ont p

lusi

eurs

cen

tain

es à

se

donn

er la

mor

t cha

que

anné

e en

Fr

ance

. Dan

s un

rapp

ort p

ublié

en

sept

embr

e 20

13 (1

), l’I

nstit

ut n

atio

nal d

e ve

ille

sani

taire

év

alua

it à

20 %

l’ex

cès

de m

orta

lité

par s

uici

de c

hez

les

agric

ulte

urs

par r

appo

rt à

la

popu

latio

n fr

ança

ise

en g

énér

al, s

urto

ut d

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le s

ecte

ur d

e l’é

leva

ge b

ovin

(via

nde

et la

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Un

phén

omèn

e sa

ns d

oute

sou

s-es

timé…

(1)

A li

re ic

i : w

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rPS9

4X

leS

SA

iSO

nn

ier

S e

n c

AB

An

eSLe

15 ja

nvie

r 20

14, l

e S

énat

a c

onsi

déré

le li

eu d

e ré

side

nce

com

me

un n

ouve

au

critè

re p

erm

etta

nt d

e ju

ger d

e la

dis

crim

inat

ion.

Le

lieu

d’ha

bita

tion

devi

ent a

insi

le

vin

gtiè

me 

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re d

e di

scrim

inat

ion

de la

légi

slat

ion

fran

çais

e, a

près

le n

om, l

e se

xe,

l’orig

ine,

l’âg

e, le

han

dica

p, e

tc. I

nscr

ite d

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le p

roje

t de

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e pr

ogra

mm

atio

n po

ur la

vill

e et

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ohés

ion

urba

ine,

cet

te d

ispo

sitio

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urra

-t-e

lle s

’app

lique

r aux

ser

res

déla

brée

s,

cara

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s po

urrie

s et

gou

rbis

sont

trop

sou

vent

relé

gués

les

ouvr

iers

agr

icol

es

sais

onni

ers

étra

nger

s ?

En 2

00

5, o

n es

timai

t à 2

 mill

ions

le n

ombr

e de

sai

sonn

iers

en

Fra

nce.

Page 13: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

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terr

a ec

o te

rra

eco

jui

n 20

14

37

le p

ortf

olio

un

e in

Du

Str

ie D

e c

Oc

HO

nS

En s

epte

mbr

e 20

13, J

ean-

Mar

c Ay

raul

t, al

ors

Prem

ier m

inis

tre,

a a

nnon

cé a

u sa

lon

inte

rnat

iona

l de

la p

rodu

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n an

imal

e, S

pace

, à R

enne

s, d

es m

esur

es p

our f

acili

ter

l’agr

andi

ssem

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u l’i

nsta

llatio

n de

por

cher

ies.

Le

seui

l d’a

utor

isat

ion

sera

rele

vé d

e

450

à 2

 00

0 p

lace

s et

un

régi

me

d’en

regi

stre

men

t rem

plac

era

le ré

gim

e ac

tuel

. Exi

t,

donc

, les

étu

des

d’im

pact

, les

enq

uête

s pu

bliq

ues

et le

s av

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es s

ervi

ces

de l’

Etat

 !

Les

anim

aux,

con

sidé

rés

com

me

des

mac

hine

s à

prod

uire

, von

t pou

voir

cont

inue

r à

s’en

tass

er d

ans

les

porc

herie

s in

dust

rielle

s.

mA

nG

er O

u c

On

Du

ire,

il F

Au

Dr

A c

HO

iSir

N

ourr

ir le

s po

pula

tions

ou

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ente

r les

mac

hine

s ?

Telle

est

la q

uest

ion,

impe

nsab

le

il y

a en

core

que

lque

s an

nées

, que

pos

e dé

sorm

ais

l’orie

ntat

ion

pris

e pa

r une

par

tie

de la

pro

duct

ion

agric

ole.

Eta

blis

sem

ent fi

nanc

ier d

e la

filiè

re d

es o

léop

roté

agin

eux

(c

olza

, tou

rnes

ol, s

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, Sofi

prot

éol e

st le

ader

dan

s la

pro

duct

ion

d’ag

roca

rbur

ants

en

Fran

ce. S

on c

hiff

re d

’aff

aire

s s’

élev

ait à

7 m

illia

rds

d’eu

ros

en 2

013

, don

t 2,4

 mill

iard

s

pour

les

seul

s ag

roca

rbur

ants

.

Page 14: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

photographies | Livre

S!lence n°429

décembre 201436

Dystopia, main basse sur l'agricultureComposé de trente photographies d’Alexa Brunet, accompagnées de textes de Patrick Herman, le livre Dystopia propose une approche anticipative originale de ce qui a bouleversé le milieu agricole français. Par le jeu de mises en scène et avec un humour distancié, les auteurs cherchent à montrer ce qui nous attend si rien ne change.

Souveraineté alimentaire (nature morte)

Dans ses propositions budgétaires pour 2014-

2020, la Commission européenne soulignait,

le 29 juin 2011, la nécessité que "le secteur

agricole se prépare à une concurrence mondiale

accrue et à une volatilité des prix à la fois des

produits et des intrants". Vis-à-vis des pays dits

"en développement", l’Union européenne est

fortement importatrice, même si elle y envoie

45 % de ses exportations alimentaires, grâce à

une politique de dumping camouflée par des

aides directes intérieures qui bénéficient aussi

aux produits exportés. Sans réduction de son

déficit alimentaire, les pays "en développement"

continueront à mobiliser, pour l’exportation,

des surfaces indispensables pour nourrir leurs

populations.

Cochons

En septembre 2013, Jean-Marc Ayrault a

annoncé au Salon international des productions

animales (Space), à Rennes, des mesures pour

faciliter l’agrandissement ou l’installation de

porcheries. Le seuil d’autorisation sera relevé

de 450 à 2000 places, ce qui permettra d’éviter

étude d’impact, enquête publique et avis des

services de l’Etat. Les volumes de viande

porcine produite en Bretagne ont augmenté

de plus de 10 % entre 2000 et 2011. La course à

l’exportation pourra-t-elle se faire autrement

qu’avec l’entassement accru d’animaux

considérés comme des machines à produire, et à

profits pour les gros acteurs de la filière ?

Page 15: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

Livre | photographies

S!lence n°429

décembre 201437

Chaque année, les performances de l’agricul-ture industrialisée sont célébrées au Salon de l’agriculture à Paris. Le récit qui nous est pro-

posé est bien rodé : de grandes unités produisent plus, à surface égale, que de petites et moyennes fermes, les exportations permettent de nourrir la planète…

Dystopia propose un contre-récit associant deux écritures parallèles : les mots sont un miroir de la réa-lité, les images sont de l’ordre de la prédiction.

La modernisation de l’agriculture masquait une industrialisation dont nous commençons à mesurer le prix dans les domaines de l’emploi, de l’environne-ment et de la santé publique.

Dystopia

Alexa Brunet, Patrick HermanLe bec en l'air, 80 pp., couleur, 2015, 28 €

Les lecteurs de Silence peuvent pré-acheter le livre au tarif préférentiel de 25 € (frais d'envoi offerts) jusqu'au 15 décembre 2014.

Afin de soutenir la publication de ce livre, envoyez votre chèque et vos coordonnées pour recevoir le livre en février 2015, à : Le bec en l'air, 41, rue Jobin, Friche de la Belle de mai, 13003 Marseille. Infos : [email protected].

Centrale solaire

La loi de modernisation pour l’agriculture du

27 juillet 2010 a institué des commissions qui

donnent un avis sur l’artificialisation des

terres. Les projets de centrales photovoltaïques

implantées au sol se multiplient actuellement. Ils

touchent des terres agricoles, comme en Dordogne

sur une quarantaine d’hectares, ou des zones

forestières, comme les Landes ou la Gironde,

avec près de 10 000 hectares concernés. Les

surfaces déjà artificialisées (parkings, grandes

surfaces, etc.) n’ont pas été retenues pour l’instant.

Cette production locale d’électricité ne vise pas

l’autonomie énergétique des populations : elle est

destinée à alimenter le réseau national. Avec un

bilan carbone sujet à caution, cette fuite en avant

technologique évite de poser la question de la

sobriété énergétique.

Subventions PAC

Le budget de la Politique agricole commune

(PAC) a fait l’objet de dures renégociations pour

la période 2014/2020. Le compromis trouvé ne

modifie qu’à la marge une répartition des aides

profondément injuste : 78 % des subventions

à 22 % des entrepreneurs agricoles et 22 % des

subventions à 78 % des agriculteurs, sans compter

ceux qui ne touchent rien, comme la plupart des

producteurs de fruits et légumes. En 2005, la

société anonyme Fermes françaises, productrice

de riz en Camargue, a reçu un chèque de 872 108

euros. Les aides représentaient 89 % du revenu

agricole pour la période 2003/2007. Les ménages

paient ainsi une deuxième fois pour leur

alimentation.

Page 16: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

Dystopia

Une contre-utopie agricole1 000 vaches Procès à l’automne

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 297 Juillet-août 2014 – 5,50 € – ISSN 945863

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Page 17: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

Hold-up industriel sur l’agricultureSelon l’actuel ministre de l’Agriculture, il faut préserver la diver-

sité de l’agriculture française, avec d’un côté l’agro-écologie et

de l’autre l’exportation sur le marché mondial.

À l’entendre, la cohabitation entre une agriculture paysanne

respectant les sols, les écosystèmes, la qualité des produits et

la santé de ceux et celles qui les consomment et l’agro-indus-

trie est possible et souhaitable.

Peut-être faut-il lui recommander de réviser ses connais-

sances en matière d’histoire récente de l’agriculture française.

L’idée que la « modernisation » de la fin des années cinquante

est venue sortir le monde paysan de son arriération n’a les appa-

rences de l’évidence que pour ceux qui se contentent d’une réécri-

ture de l’histoire. Elle passe sous silence les ruptures radicales

intervenues avec l’irruption de la motorisation et de la méca-

nisation, l’utilisation de la technologie et de la chimie, et la main-

mise du business sur les productions végétales et animales.

La production industrielle de viande, qu’il ne faut pas confondre

avec l’élevage, est un exemple de cette supercherie. Pour la zoo-

technie, fondée sur la foi dans la science comme moteur du

progrès technique, social et humain, les animaux domestiques

ne sont que des machines à produire. La relation de travail avec

les animaux, faite de dix mille ans d’histoire commune, est ainsi

reléguée au rang d’« un rapport néolithique à la nature et aux

animaux » (1). Le scandale de la ferme des 1 000 vaches n’est

que le terme de ce long processus d’industrialisation. Car tel

est le vrai nom d’une « modernisation » qui éliminerait les éle-

vages de petite et moyenne taille.

De même que les cultures OGM ne sont pas compatibles

avec d’autres choix de production, l’agriculture industrielle ne

voisinera pas avec l’agriculture paysanne : elle finira de l’ache-

ver, dans un contexte général de disparition des terres agricoles,

qu’on pense à Notre-Dame-des-Landes !

L’utopie industrielle s’est retournée en dystopie. Cet avenir

qu’on nous prépare et auquel beaucoup résistent, Dystopia l’a

mis en images. N’est pas « moderne » qui l’on croit, et

« archaïque » qui l’on montre du doigt.Patrick Herman

(1) Jocelyne Porcher, Vivre avec les animaux, une utopie pour le XXIe siècle, Éditions Ladécouverte, 2011

Vers le livreUne dystopie – ou contre-utopie – est un récitde fiction peignant une société imaginaireorganisée de telle façon qu’elle empêche sesmembres d’atteindre le bonheur et contrel’avènement de laquelle l’auteur entend mettreen garde le lecteur.La dystopie s’oppose à l’utopie : au lieu deprésenter un monde parfait, la dystopie en pro-pose un des pires qui soient.

Pour le journaliste et paysan aveyronnaisPatrick Herman et la photographe Alexa Bru-net (1) : « Derrière la “modernisation” de l’agri-culture se dissimulait une industrialisationencouragée par l’État, l’utopie des années 1960est devenue dystopie. Ce retournement, Dys-topia le raconte par les mots et par les images :2030 c’est déjà demain. »Ce beau travail combinant enquête journa-listique et photographies d’anticipation déca-

lées fait appel au préfinancement pour sapublication d’ici le début de l’année 2015 parles éditions Le bec en l’air (2) (format 28x22,80 pages).Prix spécial pour les lecteurs de CampagnesSolidaires : 25 euros, frais de port offerts, aulieu de 28 euros prix public :[email protected]

(1) www.alexabrunet.com(2) www.becair.com

Campagnes solidaires • N° 297 Juillet-août 2014 / I

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son

tpl

acée

s au

niv

eau

des

yeux

de

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mal

, pui

s au

niv

eau

de s

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œur

dont

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teur

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ur o

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eur

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ique

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ffis

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ffra

nce

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ront

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nce

de s

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«U

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qu’

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(1)

(1) A

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nim

aux,

pré

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(cf.

p. I)

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nes

so

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s m

achi

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les

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CS 297.qxd:CS actu 245.qxd 7/07/14 12:25 Page VII

Page 21: Laphilosophie àl’épreuvedelaviande...pour notre consommation, ce qui pose un défi majeur àl ac ohérence éthique des sociétés humaines», constate Matthieu Ricard. Dansun

Gen

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atio

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pem

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cess

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duits

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nter

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sur

les 3

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’impo

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nes d

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s 9,1

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liard

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e im

port

és: c

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hé,

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anan

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t dat

tes.

Mai

s il n

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por

ter

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illia

rds

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oyen

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du

béta

il et

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ras

(hor

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le d

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t lég

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tem

-pé

rés,

des

cér

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s, su

cre,

vian

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s. C

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impl

ique

que

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re ré

gim

e al

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ce

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l’on

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duire

,ou

du

moi

ns e

n fr

appa

nt le

s im

port

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ns a

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taire

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que

l’on

rédu

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nsom

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de p

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qui

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irait

le b

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alim

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du

béta

il.»

(1)

(1) J

acqu

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elot

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oéco

nom

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«In

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PAC

201

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laso

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,24

août

201

1, c

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