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L’utilisation répétée de la viscosuppléance dans le traitement de la gonarthrose :
Son efficacité et sa sécurité
Présenté à
Dr. Hugues De Lachevrotière
et
Dr. Daniel Cousineau
Par
Stéphane Boileau
UMF CSSS-Sud-De-Lanaudière
Département de médecine familiale
Université de Montréal
Le 16 septembre 2016
ABRÉGÉ
Objectifs :
La gonarthrose est une maladie articulaire dégénérative qui affecte près de 15 % des
personnes âgées de plus de 60 ans. Avec le vieillissement constant de la population,
cette prévalence est appelée à augmenter. La viscosuppléance fait partie de l’arsenal
disponible afin de contrôler les symptômes associés à cette maladie. Cependant, qu’en
est-il de son utilisation de façon répétée? Est-ce efficace et sécuritaire pour le patient?
Une revue de la littérature a donc permis de répondre à ces questions.
Méthodologie :
La question PICO a utilisé comme population les patients atteints de gonarthrose.
L’intervention était les injections répétées de viscosuppléance. Aucun comparatif en
particulier n’a été utilisé afin d’élargir l’éventail d’études. L’issue primaire et d’évaluer son
efficacité et l’issue secondaire d’examiner sa sécurité. Pour s’y faire, une recherche dans
PubMed a permis de trouver cinq articles répondant aux différents critères de recherche
de ce projet d’érudition, soit un essai clinique randomisé, deux études rétrospectives, et
deux études observationnelles.
Résultats :
Navarro et coll. (2011) ont démontré une réponse clinique significative d’un régime aux six
mois versus un placébo. Abate et coll. (2015) ont trouvé une réduction de douleur et une
amélioration fonctionnelle pour un régime d’injection intra-articulaire répétées aux 4 mois.
Scali (1995) et Petrella et coll. (2015) ont également chacun démontré des effets
bénéfiques soutenus et même additionnels des injections répétées en lien la douleur et de
la distance de marche. Finalement, Altman et coll. (2015) ont démontré une corrélation
directe entre le délai de la chirurgie orthopédique et le nombre d’injections d’acide
hyaluronique. Dans chacun des articles, l’analyse des effets secondaires a démontré la
sécurité de ce traitement. Chacun des articles analysant les effets secondaires ont
également démontré la sécurité de ce traitement.
Conclusion :
L’utilisation répétitive de la viscosuppléance constitue un traitement efficace et sécuritaire
dans le traitement de la gonarthrose. Elle permet non seulement de réduire la douleur,
mais aussi d’accroitre de façon soutenue la mobilité du patient en plus de retarder de
façon significative l’approche chirurgicale.
INTRODUCTION
L’arthrose est la maladie dégénérative chronique la plus commune. Au Canada,
plus de 4,6 millions de personnes en sont atteintes, représentant presque une personne
sur dix. Plus de 60% des personnes âgées de plus de 60 ans en sont atteintes.
Aujourd’hui, il en coute plus de 195 milliards de dollars en frais médicaux annuellement
au gouvernement canadien. Elle est décrite comme un échec du corps humain à réparer
les dommages tissulaires au niveau des articulations. Cette condition amène la
destruction du cartilage, d’une sclérose de l’os sous-chondral, d’une détérioration de
l’articulation et d’une altération de la biochimie et biomécanique de la matrice
extracellulaire. Elle est également caractérisée par des périodes intermittentes de
douleur, de raideur, d’enflure ainsi qu’une diminution de l’amplitude de mouvement. Le
genou n’échappe pas à cette maladie, puisqu’elle est l’articulation la plus fréquemment
atteinte en affectant environ 15% de la population de plus de 60 ans.
Actuellement, tous les traitements médicaux offerts sont indiqués dans le
contrôle des symptômes associés à l’arthrose. Plusieurs approches thérapeutiques, tel
que les traitements conservateurs et pharmacologiques n’ont pas permis de guérir,
d’arrêter ou de renverser cette maladie. Depuis son arrivée sur le marché en 1987, la
viscosuppléance ou l’injection d’acide hyaluronique intra-articulaire a été évaluée
comme étant efficace et sécuritaire. En effet, dans les arthropathies telles que la
gonarthrose, la concentration et le poids moléculaires de l’acide hyaluronique sont
diminués. Ceci altère les propriétés du liquide synovial de l’articulation, causant de ce
coup, la destruction du cartilage. Les traitements par viscosuppléance permettent de
restaurer l’élasticité et la viscosité du liquide synovial, diminuant ainsi la douleur et
augmentant la qualité de vie. Certaines études ont également démontré un effet anti-
inflammatoire dans l’acide hyaluronique. Cependant, cette approche thérapeutique
n’engendre pas des résultats aussi rapides que d’autres alternatives telles que les anti-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou les injections de cortisone. L’effet semble
plutôt retardé, mais détient une durée beaucoup plus longue que ces autres
alternatives. Elle permet également d’éviter les effets secondaires reliés à l’utilisation
prolongée des AINS, tels que les problèmes gastro-duodénaux, l’hypertension artérielle
et l’augmentation de la clearance de la créatinine.
Alors, si la viscosuppléance semble avoir un impact aussi favorable, qu’en est-il
de son utilisation de façon répétée? Une revue de littérature a donc été élaborée afin de
répondre aux nombreuses questions entourant son emploi répété chez une population
atteinte de gonarthrose légère à modérée. Est-ce que son efficacité est conservée après
plusieurs traitements? Existe-t-il une potentialisation des effets positifs à long terme?
Reste-t-il sécuritaire? Permet-il de retarder l’approche chirurgicale? Ce projet d’érudition
explore toutes ces questions et offre une vue d’ensemble de l’utilisation répétée de la
viscosuppléance pour les médecins qui l’utilisent ou qui désirent introduire cette
approche dans leur arsenal contre la gonarthrose.
MÉTHODOLOGIE
Afin de faire une bonne revue de la littérature, certains critères d’inclusions et
d’exclusions se devaient d’être établis avant de débuter toute recherche. Étant donné
son utilisation récente dans le monde médical, un critère temporel à partir de 1990 a été
établi afin d’avoir l’ensemble des articles les plus récents. De plus, afin d’assurer la
recension d’un maximum d’articles, la population évaluée incluait tous les groupes d’âge
ainsi que tous les degrés de sévérité de la gonarthrose. En ce qui concerne le type de
viscosuppléance, et puisque ce projet consiste à analyser leur utilisation répétée,
aucune discrimination n’a été accordée par rapport au poids moléculaire de l’acide
hyaluronique. Aussi, tous les types de groupes contrôles même s’il y a absence de
comparatifs, ont été inclus. Enfin, l’issue primaire était d’évaluer l’efficacité d’un régime
répété d’injections d’acide hyaluronique et l’issue secondaire était d’examiner la sécurité
d’un tel régime.
Peu de critères d’exclusions ont été choisis afin de permettre un plus large
éventail d'études. Premièrement, uniquement les articles en anglais et en français ont
été analysés afin d’aider à la compréhension. Puis, toutes les études animales ou
encore à l’état expérimental ont été exclues de cette revue de la littérature.
L’ensemble de la recherche de la littérature est résumé dans la figure 1.
Figure 1. Résumé de la méthodologie pour la sélection des articles sur les
différents moteurs de recherche médicaux.
Premièrement, l’ensemble des résultats fait entre septembre et mars 2016 sur les
différents moteurs de recherche proviennent de PubMed. Les différents « Mesh », soit
« Hyaluronic acid » et « knee osteoarthritis » et « repeated » ainsi que « hyaluran » et
« knee osteoarthritis » et « repeated cycle » ont permis d’obtenir 43 articles. Les autres
moteurs de recherches médicaux, soit Tripdatabase, Embase, et Google Scholar, n’ont
pas permis de trouver de nouveaux articles.
Une brève consultation des résumés de chaque article a été faite. De ce lot, 32
articles ont été exclus pour diverses raisons. Quinze articles ont été jugés non pertinents
pour le sujet du projet actuel. Ainsi douze études n’avaient étudié qu’une seule dose
sans rappel, trois études avaient été réalisées sur des animaux et finalement deux
articles n’étaient que des doublons des études précédentes. Alors, un total de 11
articles ont été retenus afin de faire une étude plus complète. Après nouvelle analyse,
quatre études ont été jugées peu pertinentes pour répondre à l’hypothèse du projet, une
étude n’était qu’un doublon et puis une étude a été réalisée post-hoc. Finalement, cinq
études ont été conservées pour ce projet puisqu’elles étaient bien réalisées et
répondaient bien à l’hypothèse de la question centrale entourant ce projet d’érudition.
Tous les articles retenus seront maintenant présentés dans cette analyse.
ARTICLES CHOISIS
Le premier article choisi provient du journal « Annals of the Rheumatic
Diseases », paru en juin 2011. C’est le seul essai clinique randomise parmi les cinq
études retenues. L’étude a été réalisée en Espagne, par F. Navarro et coll., entre
octobre 2003 et juillet 2009. Cette étude randomisée, à double insu, contrôlée par un
groupe placébo a permis de comparer l’injection répétée de 2,5 mL de sodium
hyaluronate (acide hyaluronique) d’un poids de 900,000 daltons à un groupe placébo
recevant 2,5 mL de solution saline. La méthodologie consistait à donner quatre cycles
de traitement, consistant chacun à une injection par semaine pour cinq semaines, avec
une période d’observation de six mois entre le premier et second cycle, puis de un an
entre les deuxièmes, troisième et quatrième cycles, pour une période totale de 40 mois.
Les cycles étaient répétés, peu importe la douleur rapportée, ce qui est une
force de l’étude puisqu’elle permettait de vérifier l’efficacité des injections d’acide
hyaluronique répétées.
Méthodologie :
Les critères d’inclusion englobaient les adultes de plus de 45 ans, une
gonarthrose grade II ou III prouvée à la radiographie selon les critères de l’’’American
College of Rheumatology’’ avec un espace interarticulaire du compartiment tibio-fémoral
interne d’au moins 2 mm. Les patients devaient avoir une douleur d’au moins 55 mm ou
plus sur une échelle visuelle analogue (ou ‘’visual analog scale’’, VAS) avant le début du
traitement (annexe 1).
Les critères d’exclusions étaient un indice de masse corporelle (IMC) de plus de
32 kg/m2 , un antécédent traumatique ou chirurgical au niveau du genou traité, une
arthroscopie dans la dernière année, une arthropathie inflammatoire ou microcristalline,
une coagulopathie ou toute autre maladie pouvant intervenir dans l’évaluation du
patient. Également, les patients ayant eu recours à l’administration d’une injection de
cortisone dans les trois derniers mois ainsi que l’utilisation des anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS) dans les deux dernières semaines avant le début de l’intervention
étaient aussi exclus.
À la visite d’évaluation avant le début de l’étude, une radiographie des genoux a
été réalisée. Dans le cas d’une gonarthrose bilatérale, le genou le plus symptomatique a
été considéré pour l’étude, malgré que le traitement a été réalisé dans les deux
articulations. Les patients avec un épanchement articulaire ont été aspirés avant
l’administration des injections. L’utilisation d’analgésie commune était autorisée, soit
l’acétaminophène à raison d’un maximum de 4g/jour et les cycles courts d’AINS.
Cependant, un arrêt de 24 heures de la médication était imposé pour l’usage de
l’acétaminophène et d’une semaine pour celui d’un AINS avant chaque évaluation.
Pour cette étude, l’issue primaire était le pourcentage des sujets ayant eu une
réponse clinique selon les critères de la société internationale de recherche en arthrose
de 2004 (Osteoarthritis Research Society International (OARSI)). Pour ce faire, une
diminution d’au moins 50% et de 20 mm sur le VAS par rapport à la douleur, ou au
moins deux de critère suivant : une diminution de 20% ou de 10 mm, une augmentation
de 20% ou 10 mm au niveau fonctionnel, ou une augmentation de l’état global du sujet
de 20% et de 10 mm, étaient nécessaires. L’issue secondaire incluait les sujets avec
une réponse clinique selon le OMERACT-OARSI (réduction de la douleur, augmentation
de la fonctionnalité selon le ‘’Western Ontario index function subscale’’ et l’état global du
patient selon le VAS) et l’utilisation d’analgésie (acétaminophène et AINS). Afin de
faciliter l’analyse, les critères du OMERACT-OARSI ne seront pas abordés. Finalement,
afin d’atteindre une puissance de 80%, 300 sujets se devaient d’être inclus dans cette
étude.
Résultats :
Au niveau des résultats, 446 patients ont été sélectionnés, et après l’évaluation
initiale, 301 patients ont pris part à l’étude, soit 149 sujets dans le groupe recevant
l’acide hyaluronique (AH) et 152 sujets dans le groupe placébo. À la fin de l’étude, 109
patients dans le groupe AH et 94 patients dans le groupe placébo ont complété l’étude.
La répartition des groupes a été homogène au niveau de l’âge moyen, du sexe, du
degré de la gonarthrose et du niveau de la douleur. Les résultats finaux pour ce qui est
des sujets ayant répondu de façon favorable sont représentés dans la figure 2 ainsi que
dans le tableau 1.
Figure 2. Évolution de la réponse clinique selon le VAS
Tableau 1. Résumé des résultats selon l’issue primaire et secondaire
La figure 1 démontre qu’il y a une réponse cliniquement significative à partir de
14 mois et que cela reste significatif jusqu’à la toute fin de l’étude, soit à 40 mois. Au
total, il y a une différence de 22% entre les deux groupes après le quatrième cycle, en
faveur du groupe AH. Le nombre de sujets dans le groupe AH répondant favorablement
augmente également de façon progressive après chaque cycle, de 71,1% à 80,5% à la
fin de l’étude, ce qui n’est pas le cas du groupe placébo où le pourcentage de répondant
reste stable, soit de 67,8% à 65,8%. De plus, chez les sujets n’ayant pas répondu de
façon favorable au premier cycle, 54% dans le groupe AH et 38% dans le groupe
placébo ont par la suite répondu de façon positive au traitement. Tous les différents
critères de l’issue secondaire (réduction de la douleur, l’augmentation de la
fonctionnalité, et l’état global du sujet) ont également démontré une différence
significative dans les deux groupes. Au total, 26,8% des sujets dans le groupe AH et
38,2% dans le groupe placébo n’ont pas complété l’étude. Fait à noter, la raison
principale des sujets n’ayant pas complété l’étude était suite à un échec au traitement,
celui-ci étant significativement plus élevé dans le groupe placébo (p=0,027) et
l’utilisation de l’analgésie consommée durant l’étude était non-significative entre les
deux groupes. Finalement, les effets secondaires rapportés dans chacun des groupes
étaient similaires, et aucune des réactions adverses n’était sérieuse.
Discussion :
Cette étude a évalué l’efficacité ainsi que la sécurité de l’utilisation répétée
d’acide hyaluronique. Elle a démontré un soulagement significatif de la douleur, une
réduction de l’usage d’analgésiques, une augmentation de la fonctionnalité ainsi qu’une
augmentation de l’état global du patient. L’étude fut bien réalisée, avec une bonne
randomisation et réalisée à double insu. Elle est l’essai clinique randomisé des cinq
études retenues. Le fait de répéter les cycles d’injection malgré l’absence de douleur
renforce l’idée d’une efficacité prolongée et additionnelle à chacun des cycles. De plus,
le pourcentage des sujets répondants favorablement au traitement d’AH augmente à
chaque cycle. Aussi, l’effet est encore significatif même après plus d’un an de
traitements répétés, ce qui n’a pas été démontré dans les études évaluant l’efficacité
d’un seul cycle. La sélection de plus de 300 sujets, permettant d’atteindre une puissance
de plus de 80%, est également un point fort de cette étude. Il est intéressant de noter
l'étonnant effet placébo rencontré dans cette étude. Le simple fait d’injecter une solution
saline semble nettoyer l’articulation et diminuer ainsi la douleur. Malgré tout, les
résultats obtenus dans le groupe AH restent statistiquement significatifs par rapport au
groupe contrôle renforcissant l’idée d’une efficacité accrue et réelle de l’acide
hyaluronique.
D’un autre point de vue, il existe quelques points négatifs dans cette étude.
Premièrement, le fait d’exclure les patients avec un IMC supérieur à 32 kg/m2 semble
aberrant puisqu’il est démontré que la gonarthrose est plus fréquente dans l’obésité.
Une forte proportion de la population générale n’a alors pas été prise en considération
puisque l’obésité est une affection des plus fréquentes aujourd’hui. De plus, les auteurs
n’ont pas été en mesure de trouver le moment exact où l’acide hyaluronique semble
plus efficace que le placébo. Après 7 mois de traitement, aucune différence n’a été
notée entre les deux groupes, probablement masquée par l’effet placébo important
décrit précédemment.
Le deuxième article choisi provient du journal ‘’Drug Design, Development and
Therapy’’. Il a été réalisé au Canada par Robert J. Petrella et Craig Wakeford et est paru
en octobre 2015. C’est une étude de cohorte rétrospective qui consistait à comparer, à
partir de données archivées, des patients ayant reçu au moins deux injections d’acide
hyaluronique à une cohorte de patients appariés au niveau démographique et étant
atteints de gonarthrose, mais n’ayant jamais reçu de viscosuppléance.
Méthodologie :
La cohorte a été sélectionnée à partir du ‘’Southwestern Ontario Database’’, qui
contient plus de 350 000 patients. Les patients ont été choisis entre la 1er janvier 2006 et
le 31 décembre 2012. La cohorte étudiée était des patients de plus de 18 ans, atteints
de gonarthrose uni- ou bilatérale et ayant déjà reçu au moins deux cycles consécutifs
d’hylan G-F 20 (Synvisc) dans un intervalle de 6 mois (± 30 jours). La sévérité de la
gonarthrose était évaluée selon les critères de Kellgren-Lawrence (annexe 2) à partir
d’une radiographie datant de moins d’un an par rapport au début de la première
injection. Cependant, les patients avec une gonarthrose bilatérale ne devaient recevoir
des injections que dans une seule articulation.
La cohorte de comparaison a été identifiée de façon rétrospective. En effet, un
groupe de patients atteints de gonarthrose prouvée, mais sans avoir reçu de traitement
de viscosuppléance avant ou durant l’intervalle de temps choisi a été créé. Les sujets
choisis devaient avoir reçu au moins deux traitements reconnus pour la gonarthrose,
sauf des injections d’acide hyaluronique, dans un intervalle de 6 mois (± 30 jours) afin
d’être conformes au groupe étudié.
La réponse au traitement était évaluée par la distance parcourue lors d’un test de
marche de 6 minutes ainsi que par la même échelle visuelle analogue que dans l’étude
précédente (annexe 1.), mesurant la douleur au repos et après l’épreuve de marche.
Les évaluations ont été faites le 8e et 30e jour après la dernière injection.
Résultats :
Durant l’intervalle de temps choisi, plus de 20 000 patients ont été diagnostiqués
de gonarthrose. De ce groupe, 6 618 ont été traités avec la viscosuppléance et 1 263
patients ont reçu au moins deux traitements consécutifs dans un intervalle de 6 mois. Au
niveau des données démographiques, l’âge moyen était de 68 ±15 ans, 82% des
patients étaient soit dans la catégorie embonpoint (IMC entre 25-29) ou obèses (IMC ≥
30), la sévérité de la gonarthrose était de grade 2 à 4 selon l’échelle de Kellgren-
Lawrence (annexe 2.) chez plus de 90% des patients. Une cohorte contrôle constitué de
3 318 patients a ensuite été créée. Le profil des sujets dans cette cohorte était en tout
point similaire excepté pour l’âge moyen qui était approximativement 5 années plus
jeune. Les valeurs de référence pour les douleurs au repos et après effort ainsi que les
résultats du test de marche sont démontrés dans les figures 3, 4, et 5 respectivement.
Figure 3. Niveau de douleur au repos selon l’échelle visuelle analogue
Figure 4. Niveau de douleur après effort selon l’échelle visuelle analogue
Figure 5. Distance parcourue après un test de marche de 6 minutes
Les figures démontrent plusieurs résultats intéressants. Premièrement, le
niveau de base de chacun des groupes avant le début des traitements est similaire et
les différences sont non-significatives. Au niveau de la douleur au repos, il y a une
diminution significative de 3,66 contre 3,12 (p<0,012) sur l’échelle visuelle de la douleur.
Il en est de même pour la douleur au repos qui a diminué de 5,56 contre 2,99 (p<0,001)
dans la cohorte contrôle. Pour la distance parcourue à l’épreuve de marche de 6
minutes, on note une amélioration de 114,9 m contre 90,8 m (p<0,001), en faveur du
groupe ayant reçu au moins deux traitements de viscosuppléance.
Discussion :
Cette étude a été conçue pour examiner l’impact clinique de l’utilisation répétée
de la viscosuppléance dans la réalité, en dehors des laboratoires scientifiques et des
paramètres entièrement contrôlés. De plus, étant réalisée au Canada, elle offre une
autre dimension plus réelle à notre réalité au Québec. Les comparatifs entre les
traitements des deux groupes renforcissent encore davantage l’efficacité de la
viscosuppléance. Effectivement, les patients du groupe étudié n’ont reçu que des
injections d’acide hyaluronique de type G-F 20 (Synvisc), tandis que la cohorte
contrôle avait accès à tous les autres moyens thérapeutiques reconnus dans le
traitement de la gonarthrose hormis la viscosuppléance. Comparé à ces autres
médications de référence, l’acide hyaluronique est associé à une réduction
supplémentaire non seulement à la douleur au repos, mais encore plus significative à
celle après un effort comme en témoigne la figure 3. Les outils de mesure utilisés dans
cette étude sont robustes, simples et fiables puisqu’ils sont reconnus depuis plus de 50
ans et sont employés fréquemment dans les études du même genre. Cette étude de
cohorte est l’une des plus vastes dans l’évaluation de l’utilisation répétée de la
viscosuppléance.
Quelques limitations ont été notées dans cette étude. Premièrement, il n’y a
aucune donnée par rapport à la compliance de la cohorte contrôle, n’y aucune mesure
de l’utilisation des médicaments sans ordonnance dans chaque groupe. Cependant,
n’étant pas mesuré dans aucun des deux groupes, il est raisonnable de s’attendre à des
données similaires n’ayant pas d’impact significatif dans les résultats actuels. Aussi, une
contribution d’un effet placébo du simple fait d’injecter un produit ne peut être exclue.
Tel que décrit dans l’étude précédente, les injections de normal salin du groupe contrôle
ont réussi à obtenir une réponse clinique favorable pour plus de 60% des patients.
Pour résumé, cette étude démontre que les traitements répétés dans un intervalle
de 6 mois de viscosuppléance sans autre médication réduit la douleur et augmente la
mobilité chez les patients souffrant de gonarthrose, et cela de façon significative face à
une cohorte contrôle utilisant tous les autres traitements reconnus hormis l’acide
hyaluronique.
Le troisième article provient du journal ‘’European Journal of Rheumatology and
Inflammation’’. L’étude a été réalisée en Argentine par le Dr. Scali et a été publiée en
1995. C’est une étude de type « série de cas » qui évaluait l’efficacité des traitements
répétés de viscosuppléance aux 6 mois. Il n’y avait aucun groupe contrôle ou placébo
dans cette étude
Méthodologie :
Pour réaliser son étude, l’auteur a choisi des hommes et des femmes ayant un
diagnostic de gonarthrose et étant confirmé par radiographie selon sa sévérité (1=léger
à 3= sévère). Les critères d’exclusions étaient les patients atteints d’une arthrite
inflammatoire, les femmes enceintes et celles qui allaitent, un antécédent d’allergie ou
d’hypersensibilité aux produits utilisés, ceux ayant reçu une injection intra-articulaire
dans les 6 mois précédant l’étude, ainsi que les patients diabétiques. Le traitement
consistait à injecter une solution d’acide hyaluronique à une fréquence d’une semaine
pour 5 semaines consécutive et puis de répéter ce cycle à chaque 6 mois pour une
période totale de 2 ans. Chaque patient recevait alors 25 injections.
Les paramètres cliniques utilisés pour vérifier l’efficacité de ce régime étaient
variés. L’échelle visuelle analogue a été utilisée pour évaluer la douleur au repos, la
nuit, au toucher, et au mouvement. La quantité d’épanchement intra-articulaire a
également été mesurée, tout comme la circonférence supra-patellaire, la raideur
matinale, l’extension ainsi que la flexion du genou, et l’utilisation d’analgésie.
Finalement, une radiographie du genou atteint a été faite tous les 6 mois. Les
évaluations cliniques ont été faites au début de chacun des cycles, puis le 90e jour après
la dernière injection de chaque cycle, et finalement à la fin de l’étude. L’issue primaire
était la douleur spontanée au repos et les issues secondaires étaient tous les autres
paramètres étudiés.
Résultats :
Un total de 75 patients, soit 40 femmes et 35 hommes, ont participé à cette
étude. La moyenne d’âge était de 60,5 ± 10,1 et le poids de 75,49 ±11, kg. La durée
moyenne de la gonarthrose avant le début des traitements était de 5,8 ±3,9 années.
Au niveau de l’issue primaire, les résultats sont démontrés dans la figure 6. Il y a
une diminution significative de la douleur spontanée au repos dès le 6e mois suivant le
premier cycle d’injection, et cette diminution à continuer à progresser durant la totalité
de l’étude. Après 2 ans, il y a eu une amélioration significative de 55% par rapport aux
valeurs de base.
Figure 6. Évolution de la douleur spontanée au repos selon l’échelle visuelle analogue
Les paramètres des issues secondaires ont également suivi une tendance
similaire avec une nette amélioration après seulement 6 mois de l’intervention et qui
s’est poursuivie durant la totalité de l’étude. Des 20 patients ayant des douleurs sévères
nocturnes, seulement 4 sujets ont rapporté des douleurs similaires à la fin de l’étude. Il
en est de même pour la douleur aux mouvements puisque des 15 patients ayant affirmé
avoir des douleurs sévères, il n’en restait que 2 à la toute fin. Les mouvements
articulaires se sont également améliorés de façon significative (p<0,05), soit d’environ
10° en flexion et 15° en extension. À la base, des 35 patients qui avaient un
épanchement articulaire au début de l’étude, seulement 5 patients en présentaient
encore, mais en moindre quantité. La circonférence supra-patellaire a significativement
diminué d’environ 1 cm par rapport à l’évaluation initiale. Les raideurs matinales ont
également chuté de 80%, principalement après le 3e cycle d’injection d’acide
hyaluronique. L’utilisation d’analgésie a aussi diminué de plus de 85%. Finalement,
après seulement le premier cycle, 60% des patients ont jugé avoir eu une amélioration
significative par rapport à leur niveau de base. À noter cependant qu’aucune
amélioration n’a été notée chez 12% des sujets. Aucun effet secondaire local ou
systémique potentiellement grave n’a été rapporté. Seulement 5 patients se sont plaints
de douleur au site d’injection, ayant disparu dans les 72 heures suivantes.
Discussion :
Cette étude est intéressante puisqu’elle a utilisé plusieurs paramètres pour
évaluer l’efficacité. Chacun de ces paramètres a démontré une amélioration significative
dès le premier cycle de traitement et s’est poursuivi durant la totalité de l’étude. Il
démontre un effet à long terme additionnel par rapport aux injections non répétées. De
plus, l’absence d’effet secondaire significatif permet d’affirmer la sécurité de ce produit.
Aussi, le fait de poursuivre les cycles de traitement même s’il y a une absence de
douleur semble permettre de prolonger et d’améliorer la qualité de vie du patient.
Plusieurs limites ont cependant été notées dans cette étude. Premièrement,
l’année de publication non récente de cette étude (1995) peut nuire à l’interprétation des
résultats puisque plusieurs autres études et autres méthodologies ont été réalisées
depuis. Le nombre restreint de patients (75) ainsi que l’absence de groupe comparatif
permet de juger la qualité des résultats. Il ne prend pas en considération l’effet placébo
important du simple fait d’injecter un produit dans l’articulation, tel que noté dans le
premier article décrit précédemment. Finalement, le fait d’exclure les patients
diabétiques diminue la validité externe de cette étude puisque cette maladie chronique
fait partie de notre réalité d’aujourd’hui.
Somme toute, c’est une étude intéressante avec plusieurs paramètres évaluant
l’efficacité de l’utilisation répétée aux 6 mois de la viscosuppléance. Les résultats
semblent démontrer que l’acide hyaluronique est sécuritaire et efficace, pouvant être
utilisé de façon répétée comme alternative supérieure aux autres traitements reconnus
dans la gonarthrose.
Le quatrième article choisi provient du journal ‘’International Journal of Rheumatic
Diseases’’, paru en janvier 2015. C’est une étude de type « série de cas » avec des
résultats préliminaires pour le moment, réalisé en Italie par Michele Abata et coll. et ses
collègues. Elle a été créée afin d’évaluer une nouvelle trajectoire thérapeutique, soit des
injections de viscosuppléance répétée à des intervalles de 4 mois seulement. Selon les
auteurs, les intervalles de 6 mois sont trop longs puisqu’on assiste déjà à une perte
d’efficacité 4 mois après la dernière injection.
Méthodologie :
Pour évaluer leur hypothèse, les auteurs ont choisi des patients atteints de
gonarthrose légère à modérée (grade 1 à 3) selon les critères de Kellgren-Lawrence
(annexe 2) à partir d’une radiographie exécutée dans les 3 mois avant le début de
l’étude. Les critères d’exclusions étaient les patients ayant reçu une chirurgie au niveau
du genou, ceux ayant eu un trauma récent au genou, les patients avec une asymétrie
au niveau des membres inférieurs, ceux ayant reçu une infiltration de cortisone ou de
viscosuppléance ainsi que les utilisateurs chroniques d’anti-inflammatoire non-
stéroïdiens (AINS) dans les 3 derniers mois. De plus, les patients atteints d’arthrite
rhumatoïde, d’arthrite associée aux maladies inflammatoires intestinales, de
spondyloarthrite, d’endocrinopathologies, de néoplasie ou de maladies systémiques
(rénale, hépatique, cardiaque, etc.) étaient également tous exclus.
Les paramètres mesurés pour évaluer l’efficacité du traitement étaient la douleur
au repos et à l’effort selon l’échelle visuelle analogue (annexe 1), ainsi que l’utilisation
d’AINS mensuel. Au début de l’étude, chaque patient recevait une injection d’acide
hyaluronique à raison de 32 mg/2 mL par semaine pour trois semaines consécutives.
Par la suite, chaque sujet recevait une seule injection à haute concentration, soit de 50
mg/2.5 mL, tous les 4 mois durant un an. L’utilisation des AINS était permise
uniquement lorsque l’acétaminophène était inefficace. L’évaluation fonctionnelle a été
prélevée après le 1er, 4e, 6e, 8e, 12e, et 14e mois en plus de mesurer la satisfaction
personnelle de chaque patient sur une échelle sur 5 points (pas du tout satisfait,
légèrement satisfait, satisfait, très satisfait, extrêmement satisfait)
Résultats :
Seulement 15 patients, 6 femmes et 9 hommes ont été sélectionnés pour cette
étude. L’âge moyen était de 60,1 ± 6,1 ans avec un indice de masse corporelle (IMC)
était de 23,2 ± 3,2 kg/m2 et une durée des symptômes de 11,7 ± 6,3 mois. Les résultats
de l’étude sont représentés dans la figure 7.
Figure 7. Douleur au repos et à l’effort selon l’échelle visuelle analogue
Les résultats obtenus démontrent une diminution significative de la douleur au
repos ainsi qu’à l’effort qui progresse tout au long de l’étude. Effectivement, la douleur
au repos entre le début de l’étude et le 14e mois est passée de 3,7 ± 1,7 mm à 1,0 ± 0,7
mm. Dans le même ordre d’idée, la douleur à l’effort est passée de 6,2 ± 1,7 mm à 2,6 ±
1,3 mm. L’utilisation d’AINS a également diminué et des effets secondaires tels que la
douleur au site d’injection, l’oedème et la rougeur, ont été notés que chez deux patients.
À la fin de l’étude, 11 des 15 patients ont jugé le traitement de « très satisfaisant » ou
« extrêmement satisfaisant ».
Discussion :
Dans cette étude, les auteurs ont tenté de démontrer un effet bénéfice à
rapprocher les intervalles entre les injections d’acide hyaluronique. De plus, ils ont utilisé
un dosage différent, illustré comme un traitement d’entretien sans à avoir à répéter les 3
doses hebdomadaires du début. Avec une simple injection d’une dose à haute
concentration à intervalle de 4 mois, les auteurs ont démontré une amélioration
significative et progressive de la douleur au repos ainsi qu’à l’effort. C’est une étude
intéressante puisqu’elle propose un schéma thérapeutique complètement différent.
L’idée d’injecter une quantité totale moins élevée pourrait avoir également des bénéfices
économiques pour le patient, malgré que ce ne fût pas évalué dans cette étude.
L’intervalle plus court pourrait avoir un effet positif au niveau intra-articulaire, tel qu’un
effet endogène augmentant la production d’acide hyaluronique au niveau des
chondrocytes.
Il existe cependant plusieurs limitations à cette étude. Premièrement, le nombre
très restreint de patients (15) ainsi que l’absence de groupe comparatif ne permet pas
de juger pleinement des résultats de cette expérience. En effet, la puissance de l’étude
est très faible avec si peu de sujets évalués. Le choix d’un intervalle de 4 mois semble
également arbitraire et anecdotique puisqu’il n’est basé sur aucune étude récente.
L’ensemble de la littérature s’oriente plutôt vers une durée de l’effet bénéfique de la
viscosuppléance d’environ 6 mois. Aussi, les auteurs ont sélectionné uniquement des
patients avec une gonarthrose légère à modérée, diminuant ainsi la validité externe pour
les patients avec une atteinte plus sévère. Finalement, et encore une fois, l’absence de
groupe contrôle empêche d’observer l’effet placébo important déjà observé dans
plusieurs autres études.
Bref, malgré que cette étude préliminaire soulève plusieurs questions, elle reste
intéressante par son originalité et par son schéma thérapeutique différent. L’étude finale
qui sera probablement publiée bientôt pourra peut-être permettre d’éclaircir certaines
questions encore en suspens par rapport aux limitations décrites précédemment.
Le 5e et dernier article choisi pour ce projet d’érudition provient du journal « PLoS
One » et a été publié en décembre 2015. C’est une étude de cohorte rétrospective qui a
été réalisée par Dr. Altman et coll. aux États-Unis et qui a comparé le temps nécessaire
avant d’avoir une chirurgie orthopédique, soit une prothèse totale de genoux (PTG),
chez les patients ayant reçu des traitements de viscosuppléance versus ceux n’ayant
pas eu accès à ce traitement.
Méthodologie :
Cette étude rétrospective a été menée entre 2007 et 2013 à l’aide d’une base de
données, soit le « IMS Health PharMetrics Plus database » qui regroupe plus de 79
millions de patients américains. Les auteurs ont identifié tous les patients atteints de
gonarthrose et ayant reçu une prothèse totale de genou durant cet intervalle de temps.
Le moment du diagnostic initial de gonarthrose a servi comme temps de départ afin de
calculer la durée avant la chirurgie. De plus, ils ont évalué s’il y a un lien entre le nombre
de traitements d’acide hyaluronique et le délai avant la chirurgie. Seulement les patients
qui ont été suivis du début à la fin, soit entre le diagnostic et la chirurgie, ont été
sélectionnés. L’issue primaire était le temps entre le diagnostic et la chirurgie chez les
patients avec et sans viscosuppléance. L’issue secondaire était la relation entre le
nombre d’injections d’acide hyaluronique et le temps avant la chirurgie. Leur hypothèse
était que le délai croissait en relation directe avec le nombre de traitements de
viscosuppléance reçus avant la prothèse totale du genou
Résultats :
À partir des 79 millions de patients dans la base de données, 328 306 patients
ont eu recours à la chirurgie orthopédique afin d’avoir une prothèse totale de genou
durant cet intervalle de temps. Après vérifications des dossiers, 182 022 patients
répondaient aux critères de sélections. De ceux-ci, 50 349 patients, soit 27,7% des
sujets ont eu des traitements d’AH et 131 673 patients (72,3%) n’y ont pas eu recours.
D’un point de vue démographique, l’âge, le sexe ainsi que les comorbidités entre les
deux groupes diffèrent de façon significative. En effet, les patients ayant eu une PTG
sans avoir utilisé d’acide hyaluronique étaient 1,8 ans plus âgés. Le groupe n’ayant pas
eu recours à l’AH était d’avantage des hommes, détenant moins d’assurance privée et
plus entrain à consulter un orthopédiste, comparé au groupe utilisateur d’AH.
Cependant, il est important de noter que ces différences significatives sont
principalement expliquées par la grande quantité de patients évalués dans cette étude.
De plus, ces différences n’ont pas influencé les résultats puisque même prises en
considération, les résultats ont conservé leur valeur significative.
Chez les utilisateurs d’acide hyaluronique, 73,2% ont reçu un seul cycle, 17,7%
en ont reçu deux, 5,5% ont reçu trois cycles, 2,1% ont obtenu quatre cycles, et 1,5% ont
reçu cinq cycles ou plus. Les résultats obtenus par rapport à la moyenne de temps entre
le diagnostic de gonarthrose et la chirurgie orthopédique sont représentés dans la figure
8.
Figure 8. Pourcentage de patient n’ayant pas reçu de prothèse totale de genou en
fonction du temps moyen avant la chirurgie
La moyenne de temps requis avant la chirurgie était de 114 jours pour les
groupes n’ayant pas reçu d’AH et de 484 jours chez ceux ayant eu recours à la
viscosuppléance. Ceci représente un délai de plus de 4 fois plus long dans le groupe
AH. Pour leur issue secondaire, la relation entre le nombre de cycles de
viscosuppléance et le délai chirurgical est pratiquement démontrée par une relation
directe. En effet, dans les sous-groupes, le délai chirurgical était de 386 jours chez les
patients ayant reçu qu’un cycle, 648 jours pour deux cycles, 875 jours pour trois cycles,
1 054 jours pour quatre cycles, et 1 312 jours chez ceux ayant reçu cinq cycles ou plus.
Environ 22,2% des patients ayant reçu cinq cycles et plus ont été en mesure de
repousser la chirurgie à plus de 4,5 années. Toutes les données des groupes AH sont
statistiquement significatives par rapport au groupe n’ayant pas reçu de
viscosuppléance.
Discussion :
Les résultats de cette étude sont manifestes; les patients ayant reçu des
traitements de viscosuppléance prolongent de façon significative le délai avant la
chirurgie orthopédique. La preuve la plus forte démontrant l’efficacité de l’acide
hyaluronique est le fait qu’il y a une corrélation presque directe entre le nombre de
cycles de viscosuppléance et le délai chirurgical. La relation est très forte puisque les
courbes de la figure 7 sont constantes, harmonieuses et prédictibles. Alors, il est
possible d’affirmer que la viscosuppléance serait une alternative à la chirurgie puisque
cette dernière possède de longues listes d’attente au Québec, dépassant une année
dans certaines régions. L’hypothèse soulevée derrière ces résultats peut être expliquée
par un effet biologique et endogène sur le cartilage. D’autres études ont mis en
évidence que l’acide hyaluronique supprime partiellement l’activité pro-inflammatoire de
certaines molécules et diminue l’effet des enzymes de dégradation. Alors, la
viscosuppléance peut prévenir la dégradation du cartilage et pourrait même promouvoir
la régénération de cette dernière. De plus, l’approche chirurgicale est associée à une
morbidité non négligeable comportant pour environ 6% des patients des effets
secondaires morbides, tels que la thrombophlébite, l’embolie pulmonaire, la pneumonie,
l’infection de plaie ou du matériel orthopédique et les complications cardiaques.
Il existe également quelques limitations dans cette étude. Premièrement, malgré
qu’il y ait un délai chirurgical, ceci n’évalue pas les bénéfices directs du patient. En effet,
est ce que les patients ayant reçu une prothèse totale du genou pourrait acquérir une
qualité de vie supérieure par rapport à ceux qui n’en ont pas et une amélioration
significative au niveau de l’impact fonctionnel? Aussi, l’étude ne prend pas en
considération l’attitude des patients concernant la chirurgie. Donc, un patient ayant des
craintes ou refusant la chirurgie, sera plus enclin à retarder cette approche, favorisant
ainsi les traitements d’acide hyaluronique ou de cortisone intra articulaires. Finalement,
les patients refusant totalement la chirurgie n’ont pas été considérés puisqu’aucun délai
entre le diagnostic et la chirurgie n’a pu être calculé.
Bref, cette étude démontre une forte association entre le délai chirurgical et le
nombre de traitements de viscosuppléance. Une prolongation d’environ 4 fois la
moyenne des patients n’ayant pas recours à cette alternative, soit de 114 à 484 jours
chez ceux utilisant l’acide hyaluronique. La relation entre le nombre de cycles et le
temps avant la chirurgie suggère fortement un effet clinique bénéfique de la
viscosuppléance.
CONCLUSION
Ce projet d’érudition portant sur une revue extensive de la littérature parmi les
moteurs de recherche médicaux principaux a permis de répondre à la question sur
l’efficacité et la sécurité des traitements répétés de la viscosuppléance dans la
gonarthrose. Effectivement, les cinq études analysées ont démontré des résultats
statiquement significatifs de l’utilisation répétée d’acide hyaluronique. Chaque étude a
illustré cette efficacité de façon différente. Chaque article démontre l’efficacité ainsi que la
sécurité de l’utilisation répétée de la viscosuppléance. Navarro et coll. (2011) ont
démontré une réponse clinique significative d’un régime aux six mois versus un placébo.
Abate et coll. (2015) ont trouvé une réduction de douleur et une amélioration fonctionnelle
pour un régime d’injection intra-articulaire répétées aux 4 mois. Scali (1995) et Petrella et
coll. (2015) ont également chacun démontré des effets bénéfiques soutenus et même
additionnels lors d’injections répétées en lien avec la douleur et de la distance de marche.
Finalement, Altman et coll. (2015) ont démontré une corrélation directe entre le délai de la
chirurgie orthopédique et le nombre de séances d’injections d’acide hyaluronique pour la
gonarthrose. Dans chacun des articles, l’analyse des effets secondaires a démontré la
sécurité de ce traitement. Chacun des articles analysant les effets secondaires ont
également démontré la sécurité de ce traitement.
Pour tenter d’expliquer ces résultats, plusieurs hypothèses ont été suggérées.
Premièrement, le liquide synovial joue un rôle de lubrifiant et d’amortisseur d’impact, et
quelques études récentes ont suggéré que l’injection d’acide hyaluronique rétablit les
propriétés moléculaires du liquide synovial (Ghosh et coll., 2002). De plus, il y de plus en
plus d’évidences que l’AH supprime la production et l’activité des enzymes pro-
inflammatoires qui pourraient altérer les fonctions immunitaires des chondrocytes, les
rendant ainsi plus résistants à l’inflammation (Cianflocco, 2013). Aussi, certaines études
an niveau biologique ont démontré que l’AH peut prévenir la dégradation cartilagineuse et
peut même promouvoir sa régénération (Moreland, 2003). Finalement, les injections de
viscosuppléance stimulent de façon endogène la production d’acide hyaluronique et
stabilisent le liquide synovial des patients atteint de gonarthrose (Bagga et coll., 2006).
Pour conclure, cette revue de la littérature a permis de répondre à la question
PICO établie en début de projet. L’utilisation répétitive de la viscosuppléance constitue
un traitement efficace et sécuritaire dans le traitement de la gonarthrose. Elle permet
non seulement de réduire la douleur, mais aussi d’accroitre de façon soutenue la
mobilité du patient en plus de retarder de façon significative l’approche chirurgicale afin
d’éviter une seconde chirurgie 12 à 15 années plus tard pour remplacer la vieille
prothèse. D’autres essais cliniques randomisés permettront encore de mieux
approfondir cette approche et d’obtenir le régime le plus bénéfique en terme de dosage
et d’intervalle de temps entre les cycles. Enfin, cette revue de la littérature démontre que
son utilisation répétée et ce même en absence de douleur lors des évaluations de
contrôle, est une alternative raisonnable et sécuritaire dans le traitement de la
gonarthrose qui ne cesse de progresser avec le vieillissement de la population.
RÉFÉRENCES
Navarro-Sarabia et coll.. A 40-month multicentre, randomised placebo-controlled study
to assess the efficacy and carry-over effect of repeated intra-articular injections of
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Petrella, RJ., Wakeford, C. Pain relief and improved physical function in knee
osteoarthritis patients receiving ongoing hylan G-F 20, a high-molecular-weight
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Abate, M., Vanni, D., Pantalone, A., Salini, V. Hyaluronic acid in knee osteoarthritis:
preliminary results using a four months administration schedule. International Journal of
Rheumatic Disease. 2015 May 5. doi: 10.1111/1756-185X.12572. PubMed PMID:
25944257.
Scali, JJ. (1995). Intra-articular hyaluronic acid in the treatment of osteoarthritis of the
knee: a long term study. Eur J Rheumatol Inflamm. 1995; 15:57-62.
Altman, R., Lim, S., Grant Steen, R., Dasa, V. (2015). Hyaluronic Acid Injections Are
Associated with Delay of Total Knee Replacement Surgery in Patients with Knee
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December 22. doi:10.1371.
Cianflocco, AJ. Viscosupplementation in patients with osteoarthritis of the knee.
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Moreland, LW. Intra-articular hyaluronan (hyaluronic acid) and hylans for the treatment
of osteoarthritis: mechanisms of action. Arthritis research & therapy. 2003; 5(2):54-67.
Ghosh, P, Guidolin, D. Potential mechanism of action of intra-articular hyaluronan
therapy in osteoarthritis: are the effects molecular weight dependent? Semin Arthritis
Rheum. 2002; 32(1): 10-37.
Bagga, HD, Sambrook, P, March, L. Longterm effects of intraarticular hyaluronan on
synovial fluid in osteoarthritis of the knee. J Rheumatol. 2006; 33(5): 946-50.
ANNEXES
Annexe 1: Exemple d’une échelle visuelle analogue (VAS: Visual Analog Scale)
Annexe 2 : Kellgren-Lawrence rating system