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    Presses

    universitairesde

    ProvenceLe beau et le laid au Moyen Âge

    Suger de Saint-Denis, Bernard deClairvaux et la

    question de l’art

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    sacré André Moisan

    p. 383-399

    Texte intégral

    Parmi les moines dont le prestige domine le XIIe siècle, deuxabbés contemporains : Bernard, abbé de Clairvaux,d’origine noble et d’obédience cistercienne et Suger, abbéde Saint-Denis, de naissance modeste et d’obédienceclunisienne. Certes, la notoriété de Bernard l’a emporté etl’emporte toujours sur celle de Suger, à cause de son rôle

    éminent de fondateur et de réformateur, conseiller desprinces et du pape, mais l’abbé de Saint-Denis fut au plusprès le conseiller de Louis VI et surtout de Louis VII et c’està lui que l’on doit la construction de l’église abbatiale etroyale (1140-4). Derrière leurs personnalités se profilentdeux images, celles des églises cisterciennes à l’écart dumonde, telles Fontenay et Le Thoronet, d’un dépouillement

    radical, élevées selon un type déterminé et celle de Saint-Denis, éclatante de lumière et s’élevant vers le ciel. À simple

     vue, il apparaît que deux formes de pensée, deux écoles despiritualité, ont inspiré deux styles de construction. Assezfacilement, on évoque à ce propos le chapitre XII del’ Apologie à Guillaume de Saint-Thierry, rédigée entre 1123et 1127, où l’abbé de Clairvaux, dans une de ses diatribes,s’emporte contre le luxe et la décoration excessive des

    églises et oratoires, contre « ces monstres ridicules, ceshorribles beautés et ces belles horreurs »1 qui encombrentles cloîtres. Ce que développe Suger dans son traité sur laConsécration de l’église de Saint-Denis est tout autre : rienn’est trop beau ni trop riche pour célébrer Dieu. À y regarder de près, il n’est pas sûr que l’on doive opposerradicalement, sur le plan de leur conception de l’art sacré,

    deux moines aussi saints que savants, aussi présents à leursiècle que pratiquant une ascèse rigoureuse. La questions’éclaire par le contexte de leur action et de leur statut

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    Suger et la gloire de Dieu

    re g eux.

    Dans sa relation de la Consécration de l’église de Saint- Denis rédigée vers 1144 et dans son  Mémoire sur son

    administration abbatiale commencée en 1145 ou 1146,Suger développe ses convictions artistiques2. Une dateprécise, le 9 juin 1140, est donnée par deux fois (Cons. &IV ;  Mém. & XXVIII) pour la consécration du portail. En1138, on travaillait à la façade encadrée de deux tours etdans laquelle s’ouvrait un triple portail destiné à remplacerle vieux portail du temps de Dagobert. C’est le dimanche 14

     juillet 1140 que fut posée la première pierre du chœur, dont

    la consécration solennelle, avec translation des reliques, eutlieu le 11 juin 1144 (Cons. & VI), en présence du roi Louis

     VII, de la reine et d’un grand nombre de nobles, d’évêqueset d’abbés. Puis la construction des voûtes et descouvertures fut achevée vers le 15 octobre 1143. Dès ledébut de son abbatiat, Suger avait eu à cœur de mener à

     bien et vite son projet ; il le fit avec une sorte de rapidité

    fiévreuse, craignant l’indifférence de ses successeurs ( Mém.& XXXIII). Sa dévotion aux saints martyrs le pressait aussi,lui qui avait été, dès son enfance, formé à l’école dumonastère. Des accidents survenus les jours de grandeaffluence par manque d’espace à l’intérieur et de sortiessuffisantes dans la vieille église l’avaient impressionné(Cons. & II ;  Mém. & XXV). Lui-même, par sesdéplacements et les dons qui affluèrent, s’assura le

    concours des meilleurs ouvriers venus de diversesprovinces (Cons. & II). On a pu parler de « l’amourpassionné, immense, qu’il professait pour son monastère etpour son patron », non sans souligner en même temps« l’importance qu’il se donne à lui-même, l’orgueil aveclequel il énumère et exalte les résultats obtenus »3. Suger sedit « prompt à pousser [ses] succès » et ne rien préférer à

    l’honneur de l’Église ( Mém. & XXVIII). Son nom - ego Sugerus - est soigneusement indiqué dans les partiesmajeures de l’édifice : « C’est moi, Suger, qui dirigeais les

      ’

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      », - . .Sur les panneaux des portes en bronze doré quiintroduisent dans le lumineux sanctuaire, huit verscélèbrent le Christ vraie lumière et vraie porte ( Mém. &XXVII) et l’abbé est représenté crosse à la main etprosterné aux pieds du Christ des pèlerins d’Emmaüs. Sur

    le linteau de la grande porte : « Reçois, Juge sévère,l’imploration de ton Suger / Que ta clémence le mette aunombre de tes brebis » (ibid.). Sur la porte principale, untitulus garde le souvenir de la consécration : Suger a mistout son zèle à honorer saint Denis et le supplie del’introduire au Paradis ( Mém. XXVII et XXXI). Bref, toutel’œuvre de Suger est emportée par un élan, un savoir-faireet une efficacité surprenants pour si peu d’années, « grâce àDieu », comme il le dit.

     Ayant réalisé la construction dans la beauté des matériaux,la splendeur des lignes et des proportions, l’abbé à l’âmed’artiste4 s’attache tout autant à la luminosité de la nef et àla richesse des objets. Les vitraux colorés de bleu, vert,rouge, violet, dûs à des maîtres verriers qu’il avait fait venirde divers pays ( Mém. & XXXIV), constituent, selon E. Mâle,

    l’apport le plus original de Suger5, avec l’Arbre de Jessé,composition grandiose qu’il semble avoir inventée. Leursplendeur apportait au sanctuaire une lumière céleste, quitransfigurait une iconographie soulignant l’harmonie entrel’Ancien et le Nouveau Testament. L’autel majeur - quiportait sur le côté droit le nom de l’abbé - était paré d’unfrontal d’or serti de pierres précieuses ( Mém. & XXXIII).Rien ne semblait en effet trop beau à Suger pour la table dusacrifice eucharistique et pour les vases sacrés : « Pour moi,

     je le déclare, ce qui m’a paru juste avant tout, c’est que toutce qu’il y a de plus précieux doit servir d’abord à lacélébration de la sainte Eucharistie... J’affirme aussi quel’on doit servir par les ornements extérieurs des vasessacrés, et plus qu’en tout autre chose dans le Saint Sacrifice,en toute pureté intérieure, en toute noblesse extérieure. »

    Une grande croix - au pied de laquelle l’abbé est représenté- en bois revêtu de feuilles d’or et ornée de pierresprécieuses, « non aussi belle que nous le voulions, du moins

      - -

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      , ,20 avril 1147, jour de Pâques, par le pape Eugène III,disciple de saint Bernard ( Mém. & XXXII). On voit aussique l’abbé de Saint-Denis était à l’affût pour se procurertout ce qui pouvait enrichir le sanctuaire et qu’il reçut descadeaux princiers ( Mém. & XXXIII). Dès lors, la question

    se pose du pourquoi d’une telle passion pour l’art chrétiende la part d’un homme voué à l’humilité et à la pauvreté

     bénédictines. Un vers de Suger, qu’on lit dans uneinscription sur les portails, donne la clé de sa philosophieconcernant le Beau et qui le met en parfaite harmonie avecnombre d’esprits les plus brillants de son siècle : «  Menshebes ad verum per materialia surgit - Notre pauvre espritest si faible, que ce n’est qu’à travers les réalités sensibles

    qu’il s’élève jusqu’au vrai » ( Mém. & XXVII)6.L’homme roman avait en effet pris conscience de la beautédu monde ; il voyait dans la Nature une sorte de miroir quirévélait la présence du Créateur et nourrissait son sens dela Beauté. Il tentera à son tour de la traduire avec une

     jubilation constante et une imagination foisonnante. Touteréalité terrestre est symbole d’une réalité supérieure et c’est

    là une des catégories essentielles de la culture médiévale :tout est signifiant et même plurisignifiant7. L’univers portel’homme, philosophe, théologien, mystique et artiste versles invisibilia par le moyen des visibilia. Toute la Nature, àl’état originel ou façonnée par la main de l’homme, devientenseignement. La beauté terrestre n’est pas un écranfascinant et trompeur ; elle porte à l’épanouissement des

     yeux et de l’âme dans la contemplation du Créateur. En

    quête de sens, l’artiste médiéval remonte à la Beautépremière, source de toute beauté. Ainsi, s’opère dans saconscience une sorte d’équivalence unifiante, entre lesnotions de beauté, d’ordre, d’harmonie, d’équilibre et dedécence8. M.M. Davy a fixé cette attitude dans son

     Initiation à la symbolique romane  : « L’homme romanperméable au sens de l’univers distingue à travers lui la voix

    de Dieu, et parce qu’il lui est attentif, il reçoit unenseignement. Il comprend que l’univers estessentiellement un lieu de théophanies... C’est en aimant la

    nature u’il énètre dans son secret »9.

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    Bernard et le goût de Dieu

     On pourrait multiplier les citations d’auteurs de la premièrepartie du XIIe siècle qui abondent dans ce sens. Hildegardede Bingen, mystique et artiste (1098-1179), parle de cetteanalogie entre microcosme et macrocosme10, qui est à la

     base de la symbolique romane. Alain de Lille (1125-1203), le

    « Docteur universel », voit dans les créatures de l’universun livre, un tableau et un miroir11. Dans son Imago mundi,Honorius d’Autun, avant 1150, soutient que toute créationest l’ombre de la vérité et de la vie12. Dans la penséed’Hugues de Saint-Victor († 1142), le symbole qui se dégagedes formes visibles permet d’accéder à l’invisible, car il n’estpas subjectif, mais inscrit dans la Nature, et donc, objectif et universel13. Déjà, Grégoire le Grand ( † 604) invitait

    l’artiste et le chrétien à passer de l’admiration à l’adorationdu Créateur14, tandis que les écrits attribués à Denysl’Aréopagite ( V e  siècle) avaient déja revendiqué une unitédans la multiplicité des créatures, véritable reflet -littéralement « écho musical » -de la Beauté créatrice15.Suger, passionné de lumière et de forme, aurait pu fairesienne cette phrase : « C’est une loi du monde que ce qui est

    supérieur se reflète en ce qui est inférieur »16

    . Loin d’être unoriginal ambitieux, il fut en parfaite symbiose avec lamentalité ambiante des personnes et artistes. Il était à uneplace de choix pour exalter la magnificence de Dieu17. Il lefit de toute son ardeur d’artiste et de pieux moine.

    Entré à Citeaux en 1112 avec trente jeunes nobles de sesamis, Bernard de Fontaines est envoyé trois ans après, avecdouze moines (dont quatre frères, un cousin et un oncle),fonder l’abbaye de Clairvaux ; il en devient l’abbé, sept ansavant que Suger le soit de Saint-Denis. Dans un élan sanspose, il va pousser à l’extrême sa recherche de l’idéalcistercien, dans la quête de l’absolu de Dieu.Très lucide surla condition humaine et voulant éviter toute illusion, il pose

    l’humilité comme fondement de l’ascèse. « Tout homme qui veut connaître la vérité en lui-même, écrit-il, doit écarter la

    poutre de l’orgueil... afin de pouvoir monter au-dedans de

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     soi à sa propre recherche et parvenir au premier degré de la

     vérité, en gravissant les douze de l’humilité »18. Non queBernard méprise l’homme, mais il veut qu’il retrouve sonauthenticité, sa vraie grandeur devant Dieu. Une humilitétonique, fruit d’une libre conversion, permettra d’ajusterl’âme à la vie divine jusqu’au « ravissement ». Il réclameardeur de l’âme et constante résolution : « Si c’est êtreparfait que d’aspirer sans cesse à le devenir, c’est s’éloignerde la perfection que de cesser d’y tendre... Ne plus vouloiravancer, c’est, effectivement, reculer »19. Un tel radicalismeamène à se poser la question : que pouvait penser Bernardde la magnificence bénédictine, celle des églises de Cluny etde Saint-Denis, ainsi que des cathédrales que

    construisaient alors les évêques ? Lui, dont le premier biographe, Guillaume de Saint-Thierry, écrivait qu’ilméditait les saintes Écritures « au fond des forêts et dansles champs » répétant à ses amis « qu’il n’eut jamaisd’autres maîtres que les chênes et les hêtres »20. Le papeInnocent II, revenant de Saint-Denis où il avait célébré laPâque et séjournant à Auxerre l’été 1131, fut reçu àClairvaux par les « pauvres du Christ » couverts de haillonset portant une croix en bois mal équarrie. La table fut desplus frugales et, selon le témoignage du biographe deBernard, Ernal de Bonneval, « dans cette maison religieuse,le Pontife ne vit rien qui pût exciter ses désirs, pas unmeuble qui attirât les yeux et, dans l’oratoire, rien que lesquatre murailles toutes nues »21.

     Après avoir fustigé, au chapitre XI de l’ Apologie, le luxe de

    certains supérieurs religieux qui mènent un train de vieproche de celui des seigneurs, en opposition totale avec lasimplicité monastique, Bernard, au chapitre suivant,souvent cité, s’en prend au luxe déployé dans les églises etoratoires de monastères : dimensions excessives,décoration somptueuse, peintures qui flattent la curiosité etdistraient du recueillement les moines, hommes spirituelsséparés du monde et qui ont renoncé, pour Jésus-Christ,« à tout ce qui est brillant et précieux ». Reprenant unthème cher à saint Jean Chrysostome, Bernard s’indigne

    que l’on dépense, pour l’ornementation des bâtiments et le

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    culte, des sommes que l’on devrait consacrer aux pauvres.Quant aux décorations fantaisistes des chapitaux descloîtres « là où les moines font leurs lectures », sortiesd’imaginations débridées, elles ne sont qu’horribles etridicules22. On le voit, l’abbé de Clairvaux n’est pas hommede demi-mesures ; sa logique du dépouillement spirituel nesuppporte rien qui puisse l’entraver.La leçon portera, puisque les Chapitres généraux de l’Ordrecistercien, réunis tous les deux ans à partir de 1116, etnotamment pour le XIIe siècle, appliqueront les principes deBernard. Il n’est que d’en parcourir les Statuta23. À l’imagedes vêtements des moines qui seront « simples et

     vulgaires », sans recherches, les ornements liturgiques ne

    comporteront pas de soie, la chasuble sera de couleurunique, les vases d’autel sans or, argent ou pierresprécieuses, sauf le calice et la fistule pour la communion,pas de broderies pour les nappes, pas de chape de soie pourl’abbé en dehors du jour de sa bénédiction, pas de fiorituresnon plus dans le chant. Pas d’or sur les croix de boisseulement peintes et sans dimensions exagérées (on est auxantipodes de la grande croix de Saint-Denis), pas degrandes cloches, tout au plus deux cloches qui ne dépassentpas le poids de 500 livres et qu’on ne sonnera pasensemble. Les vitraux seront blancs, sans croix nipeintures24. Pas de sculptures, ni de peintures dans leséglises ou autres locaux des monastères : elles gênent tropsouvent la méditation et la discipline. Pour les livresliturgiques, ni ornements, ni couvertures recherchées. Pour

    les manuscrits du scriptorium, les lettres initiales serontd’une seule couleur et sans ornements :  Litterœ uniuscoloris fiant et non depictœ. Dans un ouvrage qui faitréférence et est enrichi d’illustrations en couleurs, Y.Z ALUSKA  a caractérisé la période de l’atelier de Cîteaux sousinfluence bernardine, de « troisième style -monochrome »,sous l’abbatiat de Robert de Bar (1134-1150), après le style« anglais » de la Bible d’Étienne Harding et la période dite« byzantine »25.D’autres voix firent écho, à l’époque, aux propos de l’abbé

    de Clairvaux. Le cistercien Aelred, abbé de Rievaulx ( † 

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    1166), dans Le miroir de la Charité, qualifie de « curiositéextérieure, toute la beauté superflue qui charme les yeux :formes variées, couleurs vives et plaisantes, œuvres d’art...peintures, sculptures, images de tous genres quioutrepassent les besoins nécessaires et raisonnables »,estimant que l’église bâtie de pierres brutes, et dépourvue

    de tout ornement qui signifierait richesse, est seuleacceptable pour les disciples de Jésus26. Curieusement, àpremière vue, mais en conformité avec l’ascèse monastiquequi tend l’âme vers Dieu considéré comme l’Unique Bien etle seul Beau, le bénédictin, Hugues de Saint-Victor († 1142),assurément moins rigide que Bernard, admet, avec un brind’humour, que, pour les moines qui se repaissent de

    solitude, un cheval est plus utile dans un champ que sur unmur et que la pierre de construction ne gagne rien à êtresculptée27. Abélard, lui-même, entré à Saint-Denis en 1119,et qui avait bien quelques raisons de ne pas s’inclinerdevant l’abbé de Clairvaux, ne transige pourtant pas quandil s’adresse à Héloïse, fondatrice du monastère du Paraclet(on croirait entendre Bernard) : « Que les ornements del’église n’aient rien de superflu, qu’ils soient propres plutôt

    que précieux. Point de matière d’or ou d’argent, sinon uncalice ou plusieurs, s’il le faut... Point d’images taillées : unecroix de bois sur l’autel ; une peinture de l’image duSauveur n’est pas interdite, mais les autels ne doivent avoiraucune autre image. Deux cloches suffisent aumonastère »28.En conséquence de cet état d’esprit, naît et se diffuse vite,

    sous l’impulsion de Clairvaux, un type de construction pourles abbayes-filles. Le matériau brut, l’équilibre des volumes,une beauté épurée, fascinante dans sa simplicité même,constituent les marques de l’art cistercien dont G. DUBY  a siheureusement analysé les caractéristiques et l’histoire29.Cet art dépouillé suscite le ravissement des yeux et del’âme, sans le chercher, sans mirage : il s’offre à un regardet à une âme purifiés et introduit d’emblée dans cet au-delà

    de l’immédiat qu’est la véritable perception artistique.Guillaume de Saint-Thierry, bénédictin devenu cistercien (†

    1148), dit bien ce qu’il a expérimenté : « À l’âme qui se voue 

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    Bernard contre Suger ?

      a v e n r eure conv en e pr rence ce quextérieurement est sans apprêt et fruste : par là onreconnaît que l’esprit, quoiqu’il habite la maison, chercheailleurs sa plus fréquente société »30. Un tel radicalisme estaux antipodes des splendeurs de l’abbatiale royale de Saint-Denis. Autorise-t-il toutefois à opposer, de manière

    irréductible, deux conceptions de l’art sacré et, surtout, àmettre en conflit les fortes personnalités des deux abbéscontemporains ?

    Tout d’abord, on ne relève, dans les écrits de l’un et l’autreabbés, aucune trace de polémique personnelle, ce qui

    mérite d’être souligné de la part de Bernard prompt às’enflammer, même avec excès, pour toute cause qu’il veutdéfendre. Les noms de Suger et de Saint-Denisn’apparaissent pas sous la plume de l’abbé cistercien, nipour le louer de ses œuvres (prudence ? charité ?), ni pourle critiquer sur ce point. Le « classique » chapitre XII del’ Apologie ne visait pas Suger en personne, même si on a pule laisser entendre parfois31. Le traité se situe dans le cadred’un relâchement réel et plus général de la vie clunisienne,contre lequel l’abbé Pierre le Vénérable, ami de Bernard,s’efforçait de réagir, notamment lors du chapitre général deCluny, convoqué en 113232. Dans une lettre au cardinalPierre (c. 1127), Bernard affirme qu’il a dédié cet opuscule àl’un de ses amis, Guillaume, abbé de Saint-Thierry ; ilprécise : « J’y traite de quelques-unes de nos observances,

    c’est-à-dire, des observances de Cîteaux et de celles deCluny »33. La virulente attaque vise donc les églisesclunisiennes à l’ornementation trop somptueuse et lescloîtres au décor profane et superflu : « Nous qui noussommes séparés du peuple, qui avons renoncé, pour Jésus-Christ, à tout ce qui est brillant et précieux... de qui

     voulons-nous exciter la piété par tous ces moyens, je vous ledemande ? »La correspondance entre les deux abbés est toute empreinte

    d’une charité fraternelle qui, mise à part les banalités 

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    , . ,trois ans après l’élection de Suger à l’abbatiat de Saint-Denis, Bernard le loue d’avoir réformé son abbaye, commeun « général plein de bravoure et de dévouement » qui,sans craindre la mort, mène ses troupes à la victoire. Lerelâchement régnait dans ce « théâtre de la chicane et

    rendez-vous des gens du roi ». « Triste passé », mais àprésent, le chant des psaumes rythme une vie monastiqueauthentique34. N’était-ce pas, d’ailleurs, la conditionessentielle pour que Suger et son abbaye échappent auxinvectives du sévère abbé de Cîteaux ? Qu’en eût-il étéautrement ? En 1151, Bernard exhortera son ami à acceptersa mort prochaine (le 13 janvier 1152, à l’âge de 70 ans), enespérant aller le visiter et en l’assurant que leurs âmes« unies l’une à l’autre d’un ardent amour, ne se séparerontpas »35. Mieux encore, en 1153, Bernard fera, dans unelettre à son disciple le pape Eugène III, une synthèseparfaite sur l’homme et sur son œuvre : « S’il y a dansl’Église de France quelque vase de prix capable de fairehonneur au palais du Roi des rois, ce ne peut être, à monsens, que le vénérable abbé de Saint-Denis. Je connais

    parfaitement ce grand homme et, s’il est fidèle et prudentdans l’administration des choses temporelles, il n’est pasmoins humble et fervent dans les choses spirituelles ; car,ce qui se voit rarement, il est également irrépréhensiblesous le double rapport du temporel et du spirituel »36.Ignorer de tels témoignages pour opposer deux hommestiendrait de la contre-vérité.Mais une question se pose : en mettant son nom en avant(pour la postérité) dans diverses inscriptions qui signaientson œuvre, Suger ne se trompait-il pas lui-même ? Avait-ille goût du faste et de la gloire personnelle, en une sorte decompensation pour sa petite taille et ses originesmodestes ? Tout au contraire, il faut lire, sous la plume dufrère Guillaume, son biographe, ce dont il a été témoin, àsavoir, l’éloge que fit de l’abbé de Saint-Denis celui de

    Cluny lorsqu’il visita l’abbaye : « Cet homme nouscondamne tous ; il bâtit non comme nous [les clunisiens],

    pour lui-même, mais uniquement pour Dieu. » Assidu à’

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    , , ,n’usait ni de carosse ni de litière dans ses déplacements,

     voyageant seulement à cheval. Buvant de l’eau, il sesatisfaisait d’une nourriture frugale, donnant le reste auxpauvres, montrant douceur et indulgence pour les autres.Une pauvre cellule de dix sur quinze pieds lui suffisait avec

    une paillasse comme duvet et de la laine en place de drapde lin37.En fin de compte, opposer Suger et Bernard sur la questionde l’art sacré ne serait-il pas un faux problème ? Toujoursdans le chapitre XII de l’ Apologie, Bernard admet qu’« onne peut certainement pas raisonner sur ce sujet de la mêmemanière pour les moines et pour les évêques. Ceux-ci, eneffet, étant redevables aux insensés comme aux sages,

    doivent recourir à des ornements matériels, pour porter à ladévotion un peuple charnel, sur lequel les chosesspirituelles ont peu de prise. Mais nous qui sommes séparésdu peuple... ». Prudence sans doute dans ses propos, pourne pas s’immiscer dans un domaine qui ne relève pas de sa

     juridiction ou tout simplement bon sens et tolérance sansmépris. Au fond, accord envers Suger qui, certes, a

    construit et orné l’église abbatiale et en même temps royalede Saint-Denis, mais a sauvegardé, pour lui et ses frères, lesexigences de la vie monastique. Bernard, qui était familierdes évêques et des princes, se rendait bien compte quel’abbé Suger était difficilement attaquable dans la situationexceptionnelle et en équilibre qui était la sienne. DomFélibien, historiographe de Saint-Denis, a bien jugé du casde conscience qui se posait à Suger comme à Bernard.

    « Suger rejette l’opinion contraire de ceux qui disent qu’ondoit se contenter d’apporter à l’administration des saintsmystères un cœur pur, de saintes pensées et une droiteintention : en quoy il semble qu’il ait eu dessein decontredire le sentiment de S. Bernard qui déclama pour lorssi hautement contre les ornements superbes des églises.Mais on sait que les Saints mêmes ont esté partagez sur ce

    point ; qu’il peut arriver qu’on recherche plûtost àcontenter sa propre vanité, qu’à honorer Dieu dans ces

    parures ; que cela néammoins dépendant de l’intentionarticulière de ceux ui font ces dé enses il n’est as uste

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     de blasmer absolument ces personnes, de crainte decondamner peut estre en elles, ce que Dieu y approuve »38.En somme, dans le cas spécifique des deux abbés, « deuxmentalités entièrement différentes »39 ? Plutôt deux cas defigure gérés avec intelligence et charité. Suger s’est chargé

    de clôre le débat : « À chacun son sentiment ; pour moi,mon avis est qu’on doit préférer à tout, pour la célébrationdes divins mystères, ce qu’il y a de plus précieux et de pluscher... Ceux qui pensent autrement veulent que la pureté ducœur suffise. Oui, sans doute, cette pureté est l’élément leplus indispensable ; mais il n’est aucunement superflu d’y unir la décence dans les objets extérieurs et ce respect de lanature matérielle que le Rédempteur a daigné joindre à son

    essence immatérielle »40.L’expression du sacré a, de tout temps, agité partisans etadversaires ; l’art sacré moderne, par ses recherchescontinues, suscite toujours des réactions diverses sur laquestion du « spirituel » qu’il s’efforce de traduire. Lesconceptions de Bernard, pour qui la fête est toute« intérieure », donna lieu à un type de construction en de

    multiples exemplaires conformes au prototype de Fontenay (Côte-d’Or). Mais très vite, les Cisterciens se laissèrenttenter par moins d’austérité, comme en témoignent lesreproches d’Hélinand de Froidmont, au début du XIIIe siècle(† 1230) : « Pourquoi donc, vous les Cisterciens, qui aveztout abandonné, pourquoi donc élevez-vous des édifices sisomptueux et superflus ? »41. À l’âge baroque, ils« habillèrent » leurs églises de marbres et d’ors, avec des

    retables monumentaux et tous les excès dans l’expressionartistique de l’époque. Il est piquant, pour le touriste, de

     voir que ces bons et saints moines ont alors rejoint leursconfrères bénédictins...42. Cependant, ce même visiteur, ausortir des cathédrales, vaisseaux de lumière, « continuerad’être fasciné par la pureté » des lignes et des volumes deFontenay ou des trois « sœurs provençales », Le Thoronet,

    Sénanque et Silvacane. Éternel paradoxe de la beautémultiforme qui s’exprime dans ses libertés... Qui songerait

    à opposer, dans cet « art de vivre » qu’est la sainteté, lechemin rocailleux de Jean de la Croix et de Thérèse d’Avila

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    Notes

    1. Oeuvres complètes de saint Bernard , Trad, nouvelle par l’abbéCHARPENTIER , Paris, 1866, II, pp. 379-381. Autre trad, de H. B. DE W  ARRENdans « Bernard et les premiers Cisterciens face au problème de l’art »,

     Bernard de Clairvaux   (Comm. d’Hist. de l’Ordre de Cîteaux, III),Paris, 1953, pp. 498-500.

    2. Oeuvres complètes de Suger , pp. A. LECOY  DE LA  M ARCHE (Soc. del’Histoire de France, 29), Paris, 1867. Dans son ouvrage  Suger, abbéde Saint-Denis, régent de France, Paris, 1991, Michel BUR  traduitdiverses pages des œuvres de Suger et donne, aux chapitres 14 et 15, unexcellent résumé de ses initiatives artistiques. Sur les périodes deconstruction, voir A. S AINT-P AUL, « Suger, l’église de Saint-Denis et saintBernard »,  Bulletin Archéologique du C.H.T.S., 1980, pp. 258-275 ; dom Michel FELIBIEN, Histoire de l’abbaye royale de Saint-

     Denys en France, Paris, 1706, pp. 169-192  ; [dom ArmandGERVAISE],  Histoire de Suger, abbé de Saint-Denis,  Paris, 1721,III, pp. 43-54.

    3. A. S AINT-P AUL, art cité, p. 270.

    4.  E. M ÂLE,  L’art religieux du XIIe  siècle en France,  Paris, T éd.1924, p. 185 : « Sa profonde sensibilité explique son amour pour l’art ; ill’aimait, comme l’aiment les vrais artistes, qui adorent le beau etméprisent le luxe. »

    5. E. M ÂLE, op. cit. pp. 159-174.

    6. On y lit aussi : « La noble clarté de l’ouvrage est là pour éclairer les

    esprits et les conduire par de vraies lumières à la vraie lumière dont leChrist est la vraie porte. »

    7.  A. GOUREVITCH,  Les catégories de la culture médiévale, Paris,1983, p. 17, cf. pp. 64-66,295. Nombreux exemples dans le mondeanimal, dans le  De Bestiis et aliis rebus d’Hugues de Saint-Victor,PL. 177 ; M. M. D AVY , La montagne et sa symbolique, Paris, 1996et  L’oiseau et sa symbolique, Paris, 1998 ; R. GILLES,  Lesymbolisme dans l’art religieux , Paris, 1979 ; J. H ANI,  Le

    symbolisme du Temple chrétien, Paris, 1962 ; F. NÉGRIER 

    .  LeTemple et sa symbolique, Symbolisme cosmique et 

     philosophie de l’architecture sacrée, Paris, 1997 ; J. V OISENET, Bestiaire chrétien. L’imagerie animale des auteurs du Haut 

      e-   e 

    à celui tout fleuri et souriant de François d’Assise et deFrançois de Sales ? Comment les opposer, commentpréférer les lignes épurées de la mélodie grégorienne auxenvolées vertigineuses de cathédrale sonore de la Messe enSi mineur ?...

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      - .  , . . , . . ,dans l’art roman, Paris, 1982 ; G. DE  CHAMPEAUX  et dom S. STERCKX,

     Introduction au monde des symboles, éd. du Zodiaque, 3e  éd.,1980 : « La fonction originale des symboles est cette révélationexistentielle de l’homme à lui-même, à travers une expériencecosmologique » (p. 239) ; D. K IMPEL  et R. SUCKALE,  L’architecturegothique en France 1130-1270, Paris, 1990 : « Suger trouva dans la

    mystique de la lumière du pseudo-Denys l’Aréopagite, une justificationà ses desseins » (p. 90).

    8. A. GOUREVITCH, op. cité, p. 66.

    9. M. M. D AVY , Initiation à la symbolique romane (  XII e  siècle),(Champs, 19), Paris, 1977, pp. 150-151 : « Quiconque éprouve le sens deDieu ne s’arrête pas à la beauté de la forme, mais découvre au-delà decelle-ci la sagesse qui l’anime », p. 171. Voir aussi MM. D AVY   et J.-P.R ENNETEAU, La lumière dans le christianisme, Paris 1989.

    10.  Liber Divinorum Operum Simplicis Hominis,  PL. 197, col.862 ; présenté et traduit par B. GORCEIX,  Le livre des œuvres divines(Visions), (Spir. Vivantes, 79), Paris, 1989.

    11.  Liber de planctu Naturœ, PL. 210, col. 579 A. Voir I. GRODECKI, Le vitrail roman, Fribourg, 1983, pp. 12-14.

    12. Cité dans A. GOUREVITCH, p. 295.

    13. ibid . p. 296.

    14.

      Moralia in Job, V, 29. E. GILSON

    ,  L’esprit de la philosophiemédiévale, Paris, 1944, p. 345 : « Le monde physique lui-même, créépar Dieu pour sa gloire, est travaillé du dedans, par une sorte d’amouraveugle qui le meut vers son auteur. » G. DUBY ,  Art et société au

     Moyen Age,  Paris, 1997, p. 73 : « La vraie leçon que les verrièresentendaient donner était celle d’un passage, de la transmutation ducharnel en spirituel. »

    15.  Denys l’A RÉOPAGITE,  La Hiérarchie céleste  (Sources chrét., 58),Paris, 1958, p. 83.

    16.  Saint Denys l’Aréopagite, Oeuvres traduites du grec,  parMgr D ARBOY , Paris, 1932, p. 1 (Argument du  Livre de la Hiérarchiecéleste).

    17.  G. DUBY ,  Art et société..., p. 57 : « L’œuvre de Suger estl’aboutisement des innovations monastiques du XIe  siècle. Mais, d’unseul coup, elle les dépasse, prenant appui sur la théologie nouvelle,démontrant comme celle-ci, par l’image et le propos architectural, à lafois que Dieu est lumière et qu’il s’est incarné. » J. M ARITAIN,  Art et 

    scolastique, Paris, 3° éd. 1935 : « La part du sens dans la perception

    de la beauté est rendue énorme chez nous, et à peu près indispensable,du fait que notre intelligence n’est pas intuitive comme celle de l’ange...Le beau est essentiellement délectable. C’est our uoi de ar sa nature

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     même et en tant que beau, il meut le désir et produit l’amour, tandisque le vrai comme tel ne fait qu’illuminer », pp. 36, 42. Saint Thomasd’Aquin précise ; « Le beau est identique au bien ; leur seule différenceprocède d’une vue de la raison... Le beau est de nature à apaiser le désirqu’on a de le voir ou de le connaître. » Summa Théol , Ia IIæ, q. 27, a.13.

    18.

     Oeuvres complètes..., II, p. 426.19.  Oeuvres complètes..., I, pp. 460-3 (lettre adressée en 1136 àGUERIN, le vieil abbé de Sainte-Marie des Alpes). On connaît sa formule :« La mesure de l’amour de Dieu est de l’aimer sans mesure. »

    20. Oeuvres complètes..., VIII, p. 23. Bernard écrit à Henry MÜRDACHqui entrera à Clairvaux : « On apprend beaucoup plus de choses dansles bois que dans les livres ; les arbres et les rochers vous enseignentdes choses que vous ne sauriez entendre ailleurs, vous verrez par vous-

    même qu’on peut tirer du miel des pierres et de l’huile des rochers lesplus durs », dans Oeuvres complètes..., I, lettre CVI, p. 199.

    21. ibid., p. 58.

    22. Oeuvres complètes..., II, pp. 378-381.

    23.  Statuta Capitulorum generalium Ordinis cisterciensis abanno 1116 ad annum 1786, éd. J.-M. C ANIVEZ, I (1116-1220), Louvain1933 (Bibl. de la Revue d’Hist. Eccl. Fasc. 9). Mes références sont lessuivantes : 1134, n° 4, 10, 13, 15, 20, 73, 80, 85 ; 1152, n° 10, 16, 17 ;

    1157, n° 15-17, 21 ; 1159,n° 9 ; 1182, n° 11 ; 1185,n° 19 ; 1199, n° 5 ; 1207,n° 7. Seuls les rois, les reines, les archevêques et évêques pourront avoirdes tombeaux dans les églises cisterciennes, 1152, n° 10.

    24. Voir H. J. Z AKIN, French Cistercian Grisaille Glass, New-York,1979.

    25. Yolanta Z ALUSKA ,  L’enluminure et le scriptorium de Cîteaux au  XII e  siècle, Cîteaux, 1989, (Cîteaux. Commentarii cisterciences,Studia et documenta, IV), surtout les pp. 149-167 ; J. PORCHER , dans

     Saint Bernard et l’art cistercien, Dijon, 1953, pp. 19-20.26. Aelred DE R IEVAULX, Le Miroir de la Charité, Bellefontaine, 1992(Vie monastique, n° 27), pp. 172-173.

    27.  Hugues de S AINT-V ICTOR ,  De claustro animœ, PL. 4, t. 176, col.1033.

    28.  Lettres par Héloïse et Abélard , Paris, 1964, (coll. 10/18, n° 188-9), p. 219.

    29.  G. DUBY ,  L’Art cistercien, Paris, 1989 ;  Saint Bernard. L’art cistercien, Paris, 1979 (Champs, n° 77) ; A. DIMIER  et J. PORCHER , L’art 

    cistercien. France, Paris, 1962 (Zodiaque, La nuit des temps, 16) ; A.DIMIER , L’art cistercien. Hors de France, Paris, 1971 (Zodiaque, Lanuit des temps, 34).

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    30.  Lettre aux frères du Mont-Dieu (Lettre d’or), Paris, 1975(Sources chrét, 223), p. 265. Voir  Saint Bernard et le mondecistercien, dir. L. PRESSOUYRE et T. N. K INDER , Paris, 1990, pp. 82, 86,129-132 ; A. M. R OMANINI, « Le projet cistercien », dans Le Moyen Age,dir. G. DUBY , Paris, 1995, pp. 244-248. L’auteur parle des abbayescisterciennes comme de « manifestes de pierre pour une “cité”

    alternative d’une déroutante nouveauté, d’une bouleversante nudité,mais aussi d’une logique inédite et d’une productivité remarquable » (p.246) ; F. V  AN  DER   MEER ,  Atlas de l’Ordre cistercien, Amsterdam,Bruxelles, 1965, pp. 38-56 ; dom J. LECLERCQ  ;  Bernard deClairvaux , Paris, 1989 ; « Tout cet effort réactionnaire, en quelquesorte négatif, était orienté vers un but positif : favoriser l’intériorité,une prière aussi simple que possible, en évitant les distractions, lespensées inutiles, les images ne conduisant pas à Dieu » (p. 33).

    31.  G. DUBY ,  Le Temps des cathédrales. L’art et la société 980-1420,

    Paris, 1976, p. 148 : « L’art du cloître cistercien... refuse toute parure. Ilporte ainsi condamnation de Saint-Denis, que Bernard lui-mêmeinvective » (l’auteur cite longuement le & 28 du traité). L. GRODECKIestime que « toute l’œuvre politique et monastique de Suger s’oppose àcelle de saint Bernard ; leurs idées diffèrent à tel point qu’il ne paraîtpas exagéré de voir dans l’abbatiale construite par Suger une sorte de“réaction”, d’opposition à l’austérité cistercienne », cité dans  Bernard de Clairvaux , p. 495, par H. B. DE W  ARREN, « Bernard et les premierscisterciens face au problème de l’art », pp. 487-534.

    32.  Sur ce contexte, voir l’introduction à l’ Apologie, dans Oeuvrescomplètes..., II, pp. 353-356.

    33.  Oeuvres complètes..., I, p. 68, lettre XVIII. F. V  AN  DER   MEER ,op. cit., p. 50, remarque avec humour que « dans ces tirades tropcitées, plus amusantes que terribles, et où l’humour monastique (carnous sommes entre moines) l’emporte sur l’indignation, il faut faire lapart du lettré, laquelle, chez cet écrivain incorrigible et impulsif, esttoujours celle du lion ».

    34. Oeuvres complètes..., I, pp. 139-148, lettre LXXVIII.

    35. Oeuvres complètes..., I, pp. 476-477, lettre CCLXVI.

    36.  Oeuvres complètes..., I, pp. 525-526, lettre CCCIX. Pierre le Vénérable partageait avec Suger une très forte amitié, cf. PL., t. 186, col.1430, lettre CLXXII. Dans sa Vie de Suger , le frère Guillaume fait étatdes relations amicales entre Suger, Bernard et Pierre de Cluny, dansOeuvres complètes de Suger , p. 392-393. « Petit de corps etd’origine, contraint par sa petitesse, il refusa dans sa petitesse de vivrepetit », écrit Simon CHÈVRE  D’OR , chanoine de Saint-Victor, dans

    l’épitaphe qu’il composa pour Suger, Oeuvres complètes de Suger ,p. 422.

    .  Oeuvres com lètes de Su er   . 88-  Histoire de

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     Suger, abbé de Saint-Denis, Paris, 1721, III, pp. 408-419. On lit,dans ce dernier ouvrage (p. 418) que « Bernard n’hésita pas à demanderà Suger du blé et des sommes d’argent considérables pour des abbayesde l’Ordre de Cîteaux, qui étaient dans le besoin ». Dom M. FELIBIEN,op. cit., pp. 157-162, 169, 179-181 : « Suger estoit un de ces hommesrares qui ne doivent point à la naissance ou à l’éducation ce qu’ils ont

    de grand... On admirait qu’il se rencontrast une si grande âme dans uncorps petit et délié comme le sien » (p. 151).

    38. op. cit., p. 175.

    39. H. B. DE W  ARREN, art cité, p. 496.

    40. Oeuvres complètes de Suger , pp. 199-200.

    41.  Sermon pour la Toussaint , PL., t. CCXII, col. 676, Voir H. B. DE W  ARREN, art cité, pp. 518-523.

    42.  Voir les nombreuses illustrations de l’ Atlas du mondecistercien de F. V  AN DER  MEER .

    Auteur 

     André Moisan

     Vannes

    © Presses universitaires de Provence, 2000

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    Référence électronique du chapitre

    MOISAN, André.  Suger de Saint-Denis, Bernard de Clairvaux et laquestion de l’art sacré In : Le beau et le laid au Moyen Âge [en ligne].

     Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 2000 (généré le04 avril 2016). Disponible sur Internet :

    . ISBN : 9782821836945.

    Référence électronique du livre

    . Le beau et le laid au Moyen Âge. Nouvelle édition [en ligne]. Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 2000 (généré le 04 avril2016). Disponible sur Internet :. ISBN : 9782821836945.Compatible avec Zotero

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