le bon gustave - l'évolution actuelle du monde illusions et réalités

Bibliothèque de Philosophie scientifique

D' GUSTAVE LE BON

L'évolution actuelle

du monde

Illusions et réalités

Lesforcesimmatériellesdans l'histoire.Lesconflitsentrelesvivantset les morts.

Lesillusionssur la sécurité.Pourquoicertainesguerressontinévitables.

Lenombrecontreles élites.Lesfutursmaîtresdu monde.

L'évolutionde l'Europeversla dictature.La religionsocialiste.— Visionsd'avenir.

ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR

20, RUERACINE,PARIS

1927

mt>liôtli£<]iio <lo Pliilosoplilo scientifique (tuite)

3*HISTOIREGÉNÉRALE

ALEXINSKY'Grégoire),anciendéputéal«Dou-ma.LaRussiemoderne(8*mille).ALEXINSKY(Grégoire).LaRussieetl'Europe(5«rallie).AVENU(VicomteGeorgesd').Découvertesd'histoiresociale(7*mille).BIOITOT(Colontl).LesOrandsinspirésdevantlaScience.Jeanned'Arc.BOUCHÉ-LECLERCQ(A.),delïnMitul,L'Into-lérancereligieuseetlapolitlque(5'm.)CAZAHIAN(Louis).LaGrande-Bretagneet laguerre(5*mille).CHARRIAUT(leuls)ilH.-L.AHICI-GROSSI.L'Ita-lieenguerre(5*mille).COLIN(J.).Général.LesTransforma-tionsdelaguerre(7*mille).COLIN(J.).Général.LesGrandesbatall-lesdel'Histoire.'Di^ni/iju/iéifSriiTfli.)OEONNA(W), ProfesseurAl'UniversitédeGenève.L'Archéologie.DIEHL(CI).),del'Institut.Byzance,gran-deuretdécadeace(10*mille).GENNEP.FormationdesLégendes(6*m.)GUIGNE8ERT(Charlei},professeuràlaSorbonne.LeChristianismeantique(5'mille).GUIGNE8ER1(Charl(S).proie-mura laPor-bonne.LeChristianismemédiévaletmoderne.HARMAND(•)•).ambassadeur.Dominationet Colonisation(4*mille).

NUL,ancienambassadeur.L'Etatmoderne(4*mille).HOMO(Ken),professeuràlafacultédeslettre-deLvoo.ProblèmessociauxdeJadiset d'àprésent.HOYELAQUE(Emile).Inspect»généraldelins-trucilonpublique.LaiPénalesd'Extrlmo-Orieat: LaChine(5amille).HOYELAQUE(Emile),lnspect'généraldeTins-truclloapublique,les Peuplesd'Extrême-Orteat: LeJapon(4*mille).LEGER(lovit),de l'institut.Le Pansla-visme(4*mille).LICHTENBERGEft(H.),professeuradjointAliSorbonne.L'Allemagnemoderne(14*m..LluHTENBERGER(H.)etPaulPETIT.L'Impé-rialismeéconomiqueallemand(7*m.) »KEYNIER(Colonel0.).L'Afriquenoire(6*m.) 1

' MICHELS(Robert),professeuràl'Universitéde rTurin.LesPartispolitiques.(4*mille}.\IUZET(A.).LeMondebalkanique(5«ml. '

NAUDEAU(Ludovic).Le Japon'moderne,

sonÉvolution,(il*mille).OLilVIER(E-),del'Académiefrançaise.Philo-sophie'd'uneGuerre(1870)(6*mlllO-OSTWALO(W.),professeurà l'UniversitéJeLeipzig.LesOrandsHommes(5*mille.

4°HISTOIREDESDÉMOCRATIES

AUftIAC(Julesd').La Nationalitéfran-çaise,saformation.BATiffOL(Lwli).LesanciennesRépu-bliquesalsaciennes(5'mille).BLOÇH(G.),professeurà la Sorbonne.LaRépubliqueromaine(6*mille).-ILCCH(G.),professeuraI»Sorbopne.L'Em-pire romain(5«mille).:'BORGHÊte(PrinceG.).L'Italiemoderne(5-**ai!le),-CUAIIAN(Uuli),m*de CoDférenc«s,»|»Sorbe-an*.L'Angleterremoderne(7«m.)CHARRJAUt.LaBêiglquemodernep*in.).

GARCIA-CAIOEfiON(F.).LesDémocratieslatinesdél'Amérique(6*mille).HANOTÎUX(Gabriel),del'Académie1frtiçaiv.LaDémocratieet leTravail(8-mUi<).LEBON(OrGutUne).LaRévolutionFran-çaiseet laPsychologiedes Révolu{ion»?(t6*miiie).- . : vLUÇH^ÎBtt<J->.IVdel'Institp'tdéFlorence.LesançlennésDémocratiesItaliennesfi»>ipnii>...-.;. -PtCÀYET?(C.-6.);p?adjointà l'Un^ershAdeToulou»»,UneDémocratiehistorique.ik cuisse(• în|ll«)7>- ]>ifcj|IMÈ:M.),Prol',IfVUtfverM,df(San),

'MS(Wia}lJè)>7ivV:ï:;-;--/iV./*^^t';'.

PRINCIPALESPUBLICATIONSDE GUSTAVELE BON

I*VOYAGES,HISTOIREETPSYCHOLOGIEmv»m atni TAIRAS,aveonnecarteet in panoramadressésparl'auteur(publiéparla9<xiH4jtogropMlvd\Pfri»),VOIAC*AD«fm,aveotfiaRetnetilluTtrauonsV'd'iprè»lesphotographie»etdessinsexécutésparl'auteorpendantsonexploration(publiéparle Tourduilondi).

I'HOMIHII us SOUITES.—uns oneisis11uoaHISTOIRE.TomeI" : Dévelop-pementpbvslquaetintellectueldel'homme.—TomeII: Développementdeesociété»,(tpuisi.)

us PREMIÈRESCIVILISAIIOX*ci L'CRIEM(Egypte,ABSVTI*,Judée,etc.).In-ia,v<Illustréde430gravures,î carte*e&9photographies.(Êpuitê.)

u CINUSATIOSSESARABIS.Grandln-4*.illustrédettt gravures,4 carteset11planchéeencouleur*,d'aprèslesdocumentsdel'auteur.(Efvliè.)

us CIVUISATIOSSML'IXDI.Grandin-4\illustrédeS61photogravure*etI cartes,d'aprèslesphotographiesexécutée*parl'auteur,(tpviié.)

us MoacHiNTSDIl'iiss.In-lo'io,illustréde400planchesd'aprèsle*documenta,photographies,planset dessinsdel'auteur.(Firmln-Dldot.)(Épulsi.)

loisrsrcuouxitqcEs01I'EVOIUIIOXCESmms.17'édition.rsiCHoiociiDESrotin.31'édition.MKHOiociiBDSOCIAUSMI.(0*édition,rsicnoiocusi I'EODCAIIOI.30*mille.rsrcuoiociirouiiqcs.19*mille.usornions11us CROUICES.11*mille.u BttotuiiosravsçAisin u rsicuoiocuDISRETOUTIOIS.16'milleSTBORISMESDDTEMPSPRESSA.S4mille.u vuDMVÉRITÉS.11*mille.iKsiicuMitTsrstcBoi.ocio.cESti u GVERRIIIROPEEISI.34*mille.PREMIÈREScossr.qciscxsDIIACCIRRI.Wmille.BIERn DIMAII,PEXSEESIRETES.13'mille. 'MtcaoïoouDISTSMPS«OCTIADI.|i« mille.us lactaiiTVDisDII'BIBRIPRCSIXTI.4*milleu DEsfg.r11.1iRtBUMOM>*.Il*mille.L'ÉTOLltlOSACUELUpuMOXDE.

2' RECHERCHESSCIENTIFIQUESUrCHUDDTABAC.—ANAUSESCHIMIQUES,(tpvlsi.)BECUIRCBESAUTOMI0.CISII KAIHEMAIIO.DUSURUSV1RUII09SDDVOUMIDI«AS».

In-8*.(tpvlst.)LAMÉTHODECRAPBIO,CI11usIPPARIIUIXREOISIRIDRS,contenantladescriptionde*nouveauxInstrument*del'auteur,aveo63figure*.(Epuf'd)

us UTERSPBOIOCRAPBIQCIS.Exposédesnouvelle*méthodesdeleversdocartesetd»plansemployésparl'auteurpendantsesvoyage*.Svolln-18.(Gauthier-Vlllara.)

.'fOMIAIIORACICEUIETSESPRIICIPIS.—RECHERCHESIXPfRIMUTAUS.4*édltlOD1Vol.In-8«,aveo«7figureset unatlasde178photographiesInstantanée*.(Flammarion.)

MÉMOIRESH PHISIO.CE»LumièrenoireCPhosphorescenceinvisibleDissociationde*lamatière.Énergieintrvatomlque,etc.(18mémoires.)

L'fvoiciioi»Iu MAIIEKI,aveo63figures.43emillel'fvoiniosM*roRcss,aveo4Sfigure*.35'mille.Il txlitiit* traiuttioni«nenflai»,ÂlUwtand,Sipâgnot,Italttn,PortvgaU,Danois,Suidoit,An***,Aral»,PclcnaU,TcMtut,T%rt,Hfadottani,Japo-nah,ttc,d*aMilguei-vnidupricldtnt*ouvraitt.

ALALIBRAIRIEFLAMMARIONI'OUVRIetCBSÏAVIu soi,parleBaronMore»,ambassadeurdoJapon,in-8*aveoportrait.

» » '''.

Tousdroitsdo traduction,do reproductionet d'adaptation, rdservc'spour touslespays.

Copyright1937,by EWttSTFLAMMARION.

Au

COLONEL SADI CARNOT

en souvenir

de {ongues années d'amitié.

GUSTAVE LE BON.

INTRODUCTION

PHYSIONOMIEACTUELLEDU MONDE

L'Agoacluol roprésonto uno périodo do progrès ot

do boulovorsomonls qui différencient profondémentla civilisation modorno do toutos collos quo l'huma-

nité a vu naltro, grandir et disparatlroau cours do sa

longuo histoire Los peuples so trouvent entro un

niondo qui finit ot un monde qui commence.La structuro du mondonouveau dépendra dol'issuo ,

du conflit entro los forcoscréàtricos, los forcosconser-vatrices et los forcos dostruclricos qui agitent la viodos pouplos.

Los forcos créàtricos néos chaqùo jour dans loslaboratoires ot los usines ont transformé la vio maté-rlollo ot donné aux civilisations uno physionomionouvollo.

Los forcos consorvatricos rpprésontont l'héritagûancostral dos pouplos. C'est lo domaino do la vio

8 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

inconscionlo où s'élaborent los principaux mobilesdo la conduite.

Los forcosdestructrices agissont on sens contrairedos précédentes. Los ambitions des souverains, lesrivalités entro pouplos, lo mécontentement doâfmul-

titudes, los révolutions, appartionnont au grandcycle des forcosdestructrices. Loscatastrophes obser-véesdepuis losdébuts dola dorniôro guorro montrentà quoi point ollos peuvent ravager lo monde.

La plupart dos problèmes quo nous étudieronsdans cot ouvrage résultent des menaces quo los forcesdestructrices continuent à faire pesor sur les divers

pays. La grando préoccupation dos gouvernants ostdo trouver los moyens do limiter lour action.

Il suffit do jotor un coup d'oeil sur la physionomioactuollo'du.monde pour constater co rôle dos forcos

destructrices.'

. • '

Prcsquo tous los pays do l'Europo ; Allemagne, Ha- _..

lio, Pologne, etc., sont divisés par dos rivalités dofrontièros et no songent qu'à s'agrandir aux dépensdo leurs voisins.

A ces monaecs do conflits extérieure so joignentoncorodos menaces do conflits intérieurs déterminés,

par les ^rivalités' dos partis. Pour se soustraire àl'anarchie résultant docosluttes intestines, do grandesnations toiles quo l'Espagne et l'Italie on ont étéréduites à subir dos dictatures.

.'".'•.'-: \

INTRODUCTION < 9

Les pouplos les plus stabilisés par un long passén'ont pu échapper a l'anarchie dont l'Europe est

aujourd'hui victime. C'est ainsi qu'une grève généralefaillit ruiner l'Angleterre et que collo des mineurs

occasionna des portes dont lo montant a été évalué

au coût d'uno grande guerre.La politiquo oxtérieuro de l'Empire britannique

n'est pas moins troubléo quo sa politique intérieure.

Après avoir perdu l'Irlande il voit los dominions

réclamer lour indépendance et les marchés élrangors,

qui lo faisaient vivro, so fermer devant lui. l.bOO.000

chômeurs montrent la gravité do cette situation.Los autres Etats ouropéens no sont pas dans uno

situation meilleure. La Russio retourne à la bar-

barie, l'Allomagno essaie péniblement do rofairo sa

situation économique,' la Franco est en proio à des

divisions qui ont failli ruiner son existence financière.

L'anarchie qui pèse sur l'Europo peso aussi sur

d'autres parties du monde. L'Orient entier, do la Tur-

quio a la Chine, se trouvo livré à dos luttes civiles

redoutables.

Alors qu'uno grande partie du monde semble plon-

gée dans le chaos, l'Amérique, seul pays ayant profitédo la guerre, a pu se soustraire aux causes do ruine

dont tous les peuples furent victimes. Plus do la

moitié do l'or du mpndo ost passéo entro sos mains.

Les plus grands Etats de l'Europe sont ses débitours.

Elle exerce de plus en plus sur oiix une hégémoniefinancière parfois très lourde. Affranchis do touto

10 L'ÉVOLUTIONACTUELLE^DUMONDE

influonco socialiste, ses ouvriers reçoivent dos salairesfort supérieurs à ceux des autres pays et mènent uno

existence aisée qu'envieraient la plupart des bour-

geois européens.

Un des grands dangers de l'heuro actuelle, le plusgrand pout-ôtro, puisqu'il menace l'oxistonce mêmedos civilisations, résulte des progrès réalisés dans los

moyens do destruction. Les découvertes de la scienceont misjau sorvico de sentiments, dont l'évolution n'a

pas suivi colle de l'intolligenco, des procédés do des-truction tellement puissants quo do grandes capitalespourraient ètro anéanties en quelques heures. C'estun péril quo le monde n'avait pas encoro connu.

Dans l'espoir de prévenir cette perspective redoutée,dos hommes d'Etat éminents ont fondé uno Sociétédos Nations, où los représentants des peuples cher-

chent, au moyen d'arbitrages, à maintonir la paix.Ils n'y ont pas réussi encoro. Lours discussions

montrent que les hommes sont souvent plus séparéspar des différences do sentiments quo par dos diver-

gences d'intérêts.Cetto tentative d'établir uno paix prolongée n'est

d'aillqurs pas nouvelle. Après los grandos périodes,do luttes, les pays épuisés cherchèrent toujoursdes combinaisons capablos do maintonir la paix. Ala stiito des vingt ans do guerres napoléonienneslo congrès do Vionne, véritable société, dos nations,ospérait, lui aussi, terminer l'èro dos conflits.

Toutes los combinaisons de cet ordro sont efficaces

INTRODUCTION il

tant quo n'apparaissont pas des difficultés quo lesdécisions pacillquos sont impuissantes à résoudro. Ona justement remarqué quo si la Société des Nationsavait existé à l'époquo Oùso fondait l'unité do l'Italie,la réalisation do celte unité eût été impossiblo. Cha-cun dos minuscules états dont so composait alorsl'Italio so fût adressé a la Société des Nations quiaurait dû employer son influonco &les proléger.

Tous ces édificesjuridiques prétendant éterniser la

situation du mondo à un moment donné ont uneutilité provisoiro incontestable; mais leur influenceno saurait longtemps durer. On no slabiliso pas plusles nations qu'on no stabilise révolution de la vio.

A côté des efforts tentés par la Société dra Nations

pour établir la paix, les diplomates cherchent à la

fixer par la vieille méthode des alliances. L'histoiroancienne ou moderne montre malheureusement quoles traités restont sans effet dès qu'ils cessent d'être

on harmonie avec los intérêts dos partios contrac-

tantes. On lo vit uno fois do plus dans la dornièro

guerre, lorsque l'Italie n'hésita pasà so tourner contre

son alliée gorrnaniquo'dèd qu'cllo y eut intérêt, mal-

gré de formols ongagomonts.Donos jours, los seulos bases officacosdos alliances

résident dans la communauté dos intérêts écono-

miques. C'est à uno tollo communauté qu'est dû le

rapprochement do la Franco et do l'Allemagne.Losassociationséconomiquos internationales, commo


cello forméo récommout ontro la Franco, l'Allomagnoet divers pays pour réglorcorlainos productions, collo

do l'ncior notamment, feront plus pour lo maintien do

la paix quo tous los projots d'allianco, do désarme-ment et d'arbitrage péniblement élaborés dans los

congrès.

Il est facilo do montrer qu'au point do vuo ration-nel los pouplos ont plus d'intérêt a s'aider qu'à sodé-

truiro. Malhourousomont la raison jouo un rôle bienfniblo dans la vio politique, (lo rôlo a diminué encore,

depuis la prédominauco des forces collectives, carac-

térisliquo do l'évolution tlémocraliquo modomo.Los forces collectives sont nvouglos, soudaines et la

raison n'agit pas plus efficacement sur elles quo surlo cours d'un torront. Les futures guorros naîtront

peut-être du déchalncmont do furours populaires quibalaieront en un instant toutes los conventions péni-blement édifiées par les diplomates. La guerre do 1870est justomonl néo d'uno explosion do fureur dos mul-titudes déchainéo par uno dépôcho habilomcnl falsi^fiéo.

*

Il ost probablo, d'aillours, quo los plus dangcrolisosdes luttos futures seront dos guorros inlériouros

issuos do révolutions populairos provoquéos par los

apôtres do la religion socialiste.

INTRODUCTION 13

On ditjustemontquogouvernor, c'est prévoir; maiscoinmont liro dans l'onchovèlromont compliqué doscauses dont los grands événements résultent?

La difficulté osl considérable parco qu'en politiquodos causes très petites produisent parfois des effetstrès grands. C'est ainsi quo jadis los visions d'unobscur chamelier do l'Arabie auront pour premièresconséquences, avoc la création d'uno religion nou-

vollo, la fondation d'un immonso ompiro et, coinmo

conséquences lointaines, los croisades qui précipi-teront l'Europo sur l'Orient.

Avec l'inlordépondanco actuello dos peuples, les

moindres rivalités onlro états voisins, mémo furt

polits, pouvont déchalnor un conflit universel. La der-nièro gtiorro on est un oxomplo.

Sans prétendre lire dans lo livre du destin, on peutau meins mollro en évidonco quolquos-uns des fac-tours principaux qui semblent dovoir influoncor l'évo-lution prochaino du mondo.

Aux forcos destructrices d'origine plus ou moins

ancionno, énuméréos au début do co chapitre, so

jolgnont dos forcos dostructricos nouvollos, lo syndi-calisme ot lo sociallsmo notammont, résultant do la

prédomtnanco modorno dos influoncos collectives.Sous l'action du syndicalisme los sociétés tondont

à so diviser on polits groupos no considérant chacun


quo sos intérêts et totalement indifférents à l'inté-

rêt général. La puissance dos syndicats est devenue

très grande. Tout récemment ils ont failli désorga-niser ontiôremont l'Anglotorre en provoquant uno

grève gonéralo.Limités jadis au monde ouvrier, ils comprennent

maintenant la classe des fonctionnaires ot celle des

instituteurs. La Confédération généralo du travail,

qui les a fusionnés, so trouvo ainsi avoir absorbé

les défenseurs professionnels do l'Etat.

Il on est résulté quo lo gouvernement so trouve

aussi impuissant contro les exigences do ses em-

ployés que l'était lo gouvernement italien avant l'arri-

vée du fascisme.

L'association dos intérêts corporatifs constituantlo syndicalisme no doit pas être confonduo avec lo

socialismo qui remet à l'Etat, ot non aux corporations,la gestion généralo des entreprises.

Le socialismo est à la fois un mouvement politiqueet rcligioux, il tiro sa forco non do sa doctrine mais

dos éléments mystiques qui lui sorvont do soutien.

Son succès contribuo à prouver que, dos âgos les

plus reculés do l'histoiro aux temps modernes, les

hommbs no so passèrent jamais d'une foi religieuse

pour dirigor leur vio. Co mystiquo besoin somblo

aussi'irréductible quo la faim et l'amour.

INTRODUCTION 15

Aux forces destructrices dont nous venons d'indi-

quer la puissances'opposont,non soulomcntles forcos

créatrices issues des laboratoires, mais aussi les forces

conservatrices créées par lo passé.Une dos plus dangoreusos illusions politiques do

notre âge est de croire qu'un pouplopuissoso dégagerdes influences ancostrales d'où sa nature dérive.

Doectto illusion furent victimes les hommes do la

Révolution quand ils croyaient pouvoir fonder une

ôro nouvello destinée à marquer leur rupturo com-

plôtoavec le passé.Do la mémo illusion sont encoro victimes aujour-

d'hui lospartis politiquos extrêmes, prétondant trans-former les sociétés &coups de décrets. Ils oublient

quo l'homme rie sort jamais do lui-mèmo.Fils do son

passé, il ajoute bien pou à l'héritago apporté on .

naissant. Descombinaisons politiques diverses pour-ront lui ètroimposéesun instant, mais ellesnoduroront

qu'à la condition d'ôtro on rapport avec iosubstratum /

anceslral dos mentalités quo ces institutions doivent *

régir. Losorganisations on apparonco nouvollesdéri-vent le plus souvent des organisations passéescommola plante dérive do la graine C'est justomont pour-quoi l'histoiro des pouplos stabilisés par lour vio an-térieure présonto uno grando continuité, malgré losbouloversomontsapparents dont elle ost parfois rom-

plio,


Un célôbro homme d'État assurait récemment que :« Los questions économiques, politiques et mo-

rales sont subordonnées à des lois généralos, dont laméthode oxpérimonlalc, sainement appliquée, permetdo rechercher les fondements et d'établir la perma-nence. »

En réalité ces lois générales sont fort mal connueset c'est pourquoi l'ompirismo joue en politique unrôle prépondérant.

Cet empirisme n'a pour guide quo la connaissancedos mobiles qui font mouvoir los hommes. C'estdonc à la psychologio qu'il faut s'adresser pouressayer do comprendre les événements dont la suc-cession constitue l'histoire Elle oxpliquo un grandnombro do phénomènes politiques, militaires etsociaux. Los causos do la propagation du socialisme,les oscillations des volontéspopulaires, iorôlomystiquodos croyances, los flnancos ollcs-mèmcs sont du

ressort do la psychologie.Pour les gouvernants modernes, cetto scienco est

devenue indisponsablo. C'est on utilisant sos lois quolos Américains sont parvenus à résoûdro sur leur ter-ritoire' le problème do la lutto des classes qui menacolo vieux mondo do formidables conflits. C'est pouravoir méconnu certainos lois do la psychologio col-,

lectivo, quo les chefs do grands empires ont plongél'Europo dans l'ablmo do ruines ot de désolationsdont ollo n'ost pas sortie encore.

INTRODUCTION 17

Étant donnéo la prépondérance moderne dos in-

fluences collectives c'est surtout la psychologie dos

foulos qu'il importe do bion connaître. Nous savons

aujourd'hui que la mentalité individuelle et la men-

talité collective sont bion différentes. Contrairementà une croyance très généralo encore, l'ôtro collectifest fort infériour à l'ôtro individuel.

Uno des grandes erreurs do la politique modernoost de croire quo losjugemonts dos hommes en groupesont supérieurs à ceux de l'individu isolé. Pour les

politiciens-les décisions dos foulos représentent de

suprêmes vérités,Sans douto los vertus collectives maintiennent la

prospérité des peuples mais c'est seulement do la

pensée individueiloque jaillissent les idées qui élèventle niveau d'une civilisation et assurent sa grandeur.

C'est encoro au domaine do la psychologiocollective

qu'appartient l'étudo des influences ancostrales quidominent la vie des peuples. Chezceux ayant un longpassé l'àmo do la raco limito les oscillations desvolontés populaires quo los événements font naîtreL'àmo d'uno raco c'est la mer immuable ot profondo,

,l'àmo d'uno foulo représente les vaguos mobiles quela tompèto fait surgir. C'est en vain quo l'hommochorcho parfois à rompre avec son passé. Nous ver-rons dans cotouvrago quo malgré toulos les révolu-tions lesactes dosvivants restent soumisà l'impérieusovolonté des morts.

L'évolution actuelle

du monde

LIVRE PREMIER

LE?, FORGESQUIMÈNENTLE MONDE

CHAPITRE PREMIER

LES FORCESMATÉRIELLESET IMMATÉRIELLES

PANS L'HISTOIRE

Les sentiments et les passions .qui mènent les

hommes ont peu varié, mais les peuples furent suc-

cessivement soumis à des influences qui les orien-

tèrent do façons différentes.

Aux impulsions affectives et mystiques ayant tou-.

jours guidé l'homme ait cours de son histoire, sont

venues s'ajouter les forces nouvelles, issues des labôra-

toiros. Ello3 ont transformé les civilisations. En moins

ej'un siècle, quelques-unes de ces forces* ! la Yap^ùtv

20 L'ÉVOLUTIONACTUELLEpU MONDE

• et l'électricité notamment, ont oxorcé sur la vio des

pouples dos influoncosboaucoupplus profondosquotoutes colles subies pondant la succession dos âgesantérieurs.

Lo'rôle dos forcos créatrices nouvelles étant tropconnu pour qu'il soit utile do * 'tudior longuement, ilsuffira do rappolor à quel point uno soûle dos décou-vertes modernes, colle dos forcos motricos extraitesdo la houille, a changé la vio sociale des nations etconditionne los volontés dos gouvernements.

La vio politique du mondo est on parlio soumise,aujourd'hui, au prodigieux pouvoir quo la sciencoafait surgir do l'inerte houille, considérée, il y a un

siècloà poino,comme unoinsignifiantematière. C'est

d'elle,.pourtant, quo sont sortis non seulement tousles éléments do la civilisation moderno, mais aussides moyens de destruction d'uno puissance telle quodans los prochains conflits, ils pourraient anéantirinstantanément los plus brillantes capitales,

Lospeuplos possédant dos mines importantes dohouille — ou do son succédané, le pôtrolo — dé-

tiennent, par ce seul fait, unosupériorité économique'et politique immense.

C'estgràcoà la houilleque l'Anglotorroput dominerlos mers et, par conséquent, le commerce du monde.Ce rie furent pas du tout, comme onl'a répété parfois,les succèsmilitairos do l'Allemagneen 1870,mais bienla découverte de mines nouvelles de houille sur son

territoire, qui U\conduisit à son haut degré de pros-périté. La houille fut l'origine do la puissance indus-trielle do l'Allemagne. Elle lui permit d'aspirer à

supplanter l'Anglotorrodans son hégémoniecommet

LESFORCESQUIMÈNENTLEMONDE 21

cialo sur tous les points du globo. Docotto prétentionuno guerre mondiale dovait fatalement sortir. Losautres causes invoquéos pour expliquer los originesdu conflit sont accessoires.

Le pétrolo a sur la houillo uno supériorité énormoau point do vuo commoditô, mais sa production restelimitée. C'est pourquoi nous voyons tous los peuplesrivaliser d'oflbrts aujourd'hui pour se procurer lossources d'un si précioux liquide.

Le pétrole et la houillo ont déterminé la politiquemondiale do l'Angleterre. Pays industriel sans agri-culture, ollo estjObligéod'importer sos vivres, lis sont

payés avec dos marchandises fabriquées dans sosusines. L'arrôt des exportations ongondrorait bientôtle chômage.

Nombreux sont les oxomples prouvant quo le rôle

des forcés motricos grandit chaque jour' dans la YÎO

politique des pouplos. Leur influence ne se fait passentir seulement en Europe, mais jusqu'aux oxtré-mités do l'univers. Si, aujourd'hui, le Japon man-

quant doQharbonot n'étant pas très sûr que l'Amériquelui en fournira toujours, négocie d'importants traités \avec la Rûssio soviétique, c'ost dans l'espoir de pou-voir exploiter à son profit los mines de Sibérie.

Le rôlo considérablo joué dans l'histoire politiquedos peuplés par les découvertes scientifiques permetde pressentir les transformations quo d'autres dééou-

Vertosferont surgir.Sans parler do la libération de l'énergio intra-atô-


miquo qui changerait ontièromont les conditionsd'oxistoncodos hommos, on pout diro quo la naturocontient dos forcos inutiliséos encore, telles quo lachaleur solaire, qui seront sûvoment captées.

Dans un travail déjà ancien jo faisais obsorver quela machino a vapeur qui utiliso à poino la dixième

partio du charbon qu'ollo consommo était un instru-ment barbare destiné a figurer commo curiosité danslos muséos do l'avonir,

DôsaprésentonontroYoitquolaforcomotriceoxtraitodu charbon, sousformo d'électricité, au fonddosminos,pourra ôtro oxpédiéo au loin par do simples fils,

Acôté dos forcosmatérielles dont le rôle créateur estsi grand so trouvent dos forcos immatériollos dontl'action fut toujours considérable et mémo prépondé-rante à certaines périodes do la vie dos peuples.

Malgréla découvertodo vérités éclatantes issues deslaboratoires oi qui no se contestent pas, le mondeconlinuo à être régi par uno sério de forcosmystiquesextériorisées sous formo do croyances religieuses on

politiques et tenues pour d'indiscutables vérités1/Elles

gouvernent los peuples depuis les origines*de l'His-toire et leur formo soulo a changé.

Losdivin/tés qui do Jupiter à Bouddhaot au DieudoMahometserviront do base à do-grandes civilisations

ont.vu leur prostige pâlir ou disparattre, Mais elles'ont été remplacées par des illusions politiques ou

sociales,auxquollos est attribué un pouvoir'magique.analogue a celui des anciens dieux. . - V

LESFORCESQUIMÈNENTLE MONDE 23

Le mysticisme, qui continuo à régir l'àmo dos peu-

plos, et aussi celle do leurs mattros, ost, comme jelai souvent rappelé ailleurs, d'uno définition facile II

so trouvo constitué par l'attribution d'un pouvoir sur-

naturel à dos dieux, des dogmes ou dos formules.L'homme soumis à uno croyance roligiouso ost un

mystique. Robespiorre, faisant couper hâtivementdes tètes pour établir le règne de la vertu, était un

mystique. Mystique au mémo degré, lo communiste

persuadé quo la réalisation de l'évangile judéo-gor-maniquo do Karl Marx ferait surgir le paradis ici-bas»

La force de l'homme dominé par uno croyance mys-tique devient considérable. Rien ne lui semblant au-dessus du triomphe do sa foi, il sacrifiera sa fortuneot sa vie pour l'imposer.

Lorsque la foi mystique envahit le champ do l'en-

lendomont, aucun argument ne pourrait l'influencer.L'amour maternel lui-même cède devant 'elle. A

l'époque, récente encore, où la secte babiste so pro-

pageait on Perse, los femmes, plutôt que do renoncer

à leur foi, amenaient elles-mêmes leurs enfants aux

bourreaux ot lés voyaient déchiqueter sous leurs yeuxavec uno délirante joie. En Russie, il existe oncorodes sectes où, sous l'empire de leur mysticisme, les

hommes ot les femmes s'imposent les plus atroces

mutilations, et nous ne sommos pas très loin du

temps où, dans le même pays, des prophètes persua-daient à des centaines d'hommes do périr avec eux

sur des bûchers.

24 L'ÉVOLUTIONACTUELLEIJUMONDE

La forcodu bolchovismoost justomont do posséderuncortainnombro do convaincus disposésà ravagorlomondo pour faire triomphor lour croyance

Comment naît, grandit ot mourt uno foi mystique?J'ai trop souvent traité co sujot dans mos livres poury rovonir encore. D'uno très sommairo façon, on poutdire que la porsistanco du mysticisme dans l'Histoiretient au besoin irréductiblo do l'hommo do , sou-meltro l'orientation do sa vio à dos pouvoirs supé-rieurs tonus pour infaillibles.

Co besoin ost si fort quo dès qu'un pouplo perdsos dieux, il cherche aussitôt à los romplacor. La doc-trino socialisto possôdo, aujourd'hui,

' lo pouvoirmystiquo attribué aux anciennos divinités. /

Cerôlo du mysticismo dans l'Histoiro fut pendant

longtemps méconnu, et lo mot mysticisme lui-môme,do plus en plus usité en politique aujourd'hui, était,il y a uno quinzaine d'années à peino, omployé

prosque exclusivement dans un sons roligtoux. Mo

trouvant un jour avec Bergson choz Emile Ollivior,nous eûmes uno longue discussion sur lo vrai sens

du mot mystique.Bergsonm'opposait les dictionnaires

accumulés sur uno table pour me prouver que,ceterme no pouvait avoir qu'une signification reli-

gieuse. Cet avis n'était pas lo mien/puisque jo venais

d'écrire un livre sur La dévolution Française, où jo


montrais lo rôle tout à fait prépondérant du mysti-cismo dans cetto grande tragédie.

Jo no convertis naturellement porsonno, mais josuis cortain qu'aujourd'hui, avec los mômes interlo-

cuteurs, j'aurais plus do succès. Uno preuve m'en futrécommont fournie par un petit livre publié sous cotitro: Une Nouvelle Philosophie de l'Histoire, écrit parun ancien Normalion, M. Gillouin. Pour ce distinguéûniversitairo, la connaissance du rôle du myslicismodans l'Histoire fut uno grande lumière, comparable àcolle qui éclaira saint Paul sur lo chemin do Damas.

Los idées no triomphant en Franco qu'après avoir

passé par l'Université, l'action du mysticisme dans la

politique ancienne et moderne deviendra bientôtune .vérité classique et se substituera à des interpré-tations dites rationnelles qui n'expliquaient rien (1).

En fait, le mysticisme domino l'Histoire. Dos rivesdu Nil à colles du Gange, il a peuplé le mondo d'ôtres

divins, imaginaires sans douto, mais assez puissantscependant pour avoir orienté de grandes civilisations.

Do nos jours, les dieux personnels ont fait placo ades formules mystiques douées de magiques pouvoirset capables, elles aussi, d'asservir les âmes.

Jusqu'à^nos jours, une foi mystique n'avait dorivalo

(0 Aujourd'huile mot mystiquea pénétré dans toutes lesharanguesofficielles.Je l'ai noté deuxfoisdansun discoursduPrésidentdu Conseil.Devantla fédérationde la Seine du partirépublicainsocialiste,M.Painlevéa prononcéun discours,oùl'influencedumysticisme,est plusieursfoisinvoquée: • Qu»ndunparti fait unprogramme,il doity verserdela mystique»...si l'onabandonnela mystiquedesprogrammes,etc.

20 L'ÉYOLUTIONACTUELLEDUMONDE

possiblo qu'unoautro foi mystiquo. lln'on ost plus domémomaintenant. Dosnécossités économiques impé-rieuses, ignorées do nos pôros, so drossent contro los

formes divorsosdu mysticismeMaisquello quo soit la puissanco dos forces écono-

miques nouvollos,aujourd'hui, commohior et proba-blement commo demain, los pouples auront besoind'un idéal mystiquo pour oriontor lour vio. S'ils sotournent vers lo socialismo, lo communismo ot les

pires formes do l'illusion, c'e,st surtout parco quo,ayant perdu les idéals qui soutenaient leurs àmos,ils cherchont à on découvrir d'autros, capablesd'oriontor leurs pensées et leurs volontés.

A côté dos influonces mystiques qui mônont les

peuples, il faut placer les influencosaffectives,c'ost-à'-dire cette gammeimmonsodos sonlimonts et des pas-sions qui dirigent la conduite. Commo los forcos

mystiques ollcs dominont souvent dos forcos ration-

nelles qu'on pourrait crojro irrésistibles.

Bien dos. fois dans lo cours do cet ouvrago, nous

aurons à montrer combien ost faible le rôlo do la

raison dovantlos influoncosmystiques et affectivesqui

jusqu'ici ont gouverné lo monde ot continueront

longtemps sans doute à lo gouverner encoro,

CHAPITREII

COMMENTNAISSENTLESOPINIONSET LESCROYANCES

RÔLEDELACRÉDULITÉDANSL'HISTOIRE.

Dos âges les plus reculés aux tomps modernes,la crédulité a joué un rôle fondamental dans l'his-toire Ello a créé des divinités puissantes qui ontorionté los ftmos ot servi do guido aux grandes civi-lisations. Ello a fait surgir du néant los pyramides,los pagodes, les cathédrales et toutes les merveillesdo l'art qui ont cmbolli la vie. Sans la crédulité,l'hommo vivrait pout-ôtro oncoroau fond des cavernes,

disputant aux monstres qui l'ontouraiont sa maigropàturo.

La crédulité antique poupla lo monde d'uno légiondo divinités do l'existenco desquelles on no doutait

jamais.Pendant des milliors d'années, ces divinités bion-

faisantos ou nuisibles, redoutables toujours, so mèlè-

«,rerit constamment aux actions des hommos.Quolquos

I, rares philosophes commo Lucrèco avaient bien fini


par douter do leur oxistonco, mais son scopticismon'avait pas d'écho.

L'histoiro dos dioux do tous les Agosconstitue undes plus morveilloux et des plus instructifs phéno-mènes do la psychologie.Quodospouplosarrivés aux

phases los plus diverses do civilisation aiont pu con-sidérer commo indubitablement prouvéo l'existoncodo divinités purement chimériques, montro claire-mont quo l'imagination ost capablo do créer dosphé-nomènesillusoires tonus ensuitopour d'incontestablesvérités. En dohors des phénomènes scientifiquesexpérimentalement démontrés, on peut toujours sodemander où finit la vérité et où commonco l'errour.

Grâce aux lumières do la raison, l'âge moderne se

croyait libéré do toutes los illusions du passé, la rai-

son puro dovonait son seul guide.L'observation plus attentive des faits a prouvé

copondant la porsistanco de l'antique crédulité. Endehors dos laboratoires, cette crédulité — crédulité

religieuse, crédulité politique, crédulité pour toutesles formes du merveilleux, — continue à dominerlos esprits.

Et, contrairement à co qui s'enseigne, la crédu-lité n'est pas du tout un simple résultat do l'igno-rance puisqu'elle s'observe, ainsi quo le démontrent

les faits relatés dans ce chapitro, chez les plusillustres savants. Les vieillescroyancesroligieusos, la

magie ot le spiritisme, trouvent chez oux do fervents

adeptes.


Cophénomôno m'avait beaucoup frappé à l'époquooù jo cherchais a déterminor les sources psycholo-giques des opinions ot dos croyances qui ont lo plusinfluencé l'Amedos pouplos. Comment comprondro lafoi d'illustres ponsours dans une religion où l'on voitle Créateur dos mondes innombrables qui pouplentl'espace laisser périr son fils dans un affreux supplice,pour racheter la fauto do lointains ancêtres. Do toilesénormités ont été pourtant acceptées par des maîtresdo la raison commo Galilée, Descartes et Pascal. Il neleur a pas semblé prodigieux do voir un Diou assez

féroco pour condamner au fou éternel do faibles créa-tures ayant oublié un instant d'obéir à ses rigidesdécrets.

Doscroyances du mémo ordro observées dans touteslos religions, choz tous les peuples, démontrent d'uno

péremptoiro façon quo l'absurdité d'un dogme nosaurait nuiro a sa propagation et que l'intelligence la

plus haute n'empêche pas la croyanco dans des

dogmes qu'aucun argument rationnel ne saurait dé-

fendreNous verrons bientôt l'explication do co phénomôno

en constatant quo la genôso dos connaissances scien-

tifiques et celle des croyances obéissent à dos formosdo logiquo différentes superposées quelquefois, maisno s'influençant jamais. Cette dualité Yaêtre étudiéo

maintenant. >

En dehors des besoins organiques à la satisfaction

desquels est consacrée la plus grande partio do son

30' '

L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

oxistonco, l'hommo ost orienté dans la vio par dos

opinions plus ou moins provisoires ot dos croyancosgénéralement durables.

Croyancos ot connaissances sont dos opérationsmontalos fort différentes.

Les croyances no sont ni rationnollcs ni volon-taires contrairement a l'opinion do plusiours philo-sophes.

Unocroyancoest un acto do foi d'origino incons-ciente qui fait admettro on bloc uno doctrine ot

accoptOrsos prescriptions.Lo prostigo, l'affirmation, la répétition, la conta-

gion mentaloet rarement la raison sont los facteurshabituels dos opinionsot des croyancos.

La connaissance diffère boaucoup do la croyanco,c'ost uno opération consciente lontomontédifiéepar,l'observationot l'oxpérionco.L'humanité out porfdantlongtemps dos croyances avant do posséder desconnaissances.

Croyancoset connaissancesappartenant à descyclesdifférentsdo la vio mentale, no s'influonçantpas, oh

comprend quo dos hommes éminehts puissent pro-fesser d'enfantines croyances-.Admottropar oxeraplo,commed'indiscutablescertitudes lospluschimériquesréminiscencesde la sorcolloriodu moyenAge

Coserait donc uno illusion do croire quola compé-toncosur certains sujets scientifiquesdoive s'accom-

pagner d'une compétencoégale sur dos sujots roli- î

gieux ou politiques.• ', '•'••}


Les croyancos politiques et roligieuscs ont dos

raisons quo la logiquo rationnollo ignoro ot n'influonco

guôro.On verra par los oxomplos qui vont suivro quo

la crédulité continue a jouer un rôlo osscnticl dans

l'histoiro dos peuples, c'est pourquoi nous avons

consacré un chapitro spécial a son étudo.

Au moyen Ago, los onvoûtemonts, los évocations des

morts, lo sabbat, lo diablo, los maléfices, etc., oxer-

cèront uno grando inlluonco. Do leur pouvoir, nulho doutait alors. Dos milliers d'hommes avouaientleurs rolations avec lo diable et confossaiont, malgréla crainlo des supplices, s'ôtro rendus au sabbat.

Les procès de sorcellerie étaient A cette époque sinombreux quo les bûchors dostinés à brûler vifs lessorciers no s'éloignaient guôro. Do savants ouvragesrédigés par dos magistrats éminonls indiquaient lamarcho à suivro pour déjouer les maléfices dos dé-mons.

Lo dernier do ces procès, en Franco, out liou sousLouis XIII. Convaincu d'avoir envoyé uno légion dodiables dans lo corps dos Ursulinos do Loudun,Urbain Grandior fut brûlé vif après avoir subi les tor-tures qu'on no méhageait pas aux suppôts do Satan.

Devant los progrès scientifiques, tout co peuple de

diables, do larves, do fantômes, fils dos ténèbres,avait fini par s'évanouir. On croyait los sorciers rolé-

gués dans des villages éloignés do toute civilisation.


La crédulité étant indestructible, les illusions ont

changé do forme, mais sans disparaître. C'est ainsi

quo do nos jours on a vu ronaitro et grandir, sousdos aspects à poine différents do ceux du passé, touto

l'antique magie : évocation dos morts au moyendo tables tournantes, lévitation, matérialisation des

esprits, otc.

Dos savants célèbres furont victimes do ces illu-sions. Lo grand chimislo William Crookos assuroavoir vécu pondant plusieurs mois avec un fantômo

qui so matérialisait joumollomont devant lui. Lo

distingué physicien anglais Lodgo a publié un livreoù il rolato, avec force détails, l'oxistcnco que mènedans unautro mondo son fils Raymond, tué A la

guorre Le célèbre physiologiste Richot assuro avoirvu et examiné longuomont un guerrier casqué sortidu corps d'un médium.

/ Do telles croyancos, appartenant au domaine de

l'irrationnel, no pouventêtro discutéos. Losmillionsd'hommes porsuadés quo l'archango Gabriol fut

envoyépar DiouAMahometafin do lui enseigner losfondements d'uno roligion nouvollono sauraient êtroinfluencéspar aucun raisonnement. La foidu croyant,ignorant ou savant, reste inébranlable. Dans lo cyclodo la foi mystique la raison est sans prise J'ai puconstator moi-môme, par divorsos oxpérion'ces,avec

quollo'facilité los savants so laissent illusionner dès

qu'ils pénètrent dans lo cyclodu mystique

La crédulité ost inllnlo mémo sur des sujots de


science pure II suffit quo los opinions soient suggé-rées par dos hommes auxquels leur situation confère

un grand prestige Loslettres do personnages illustres,

fabriquées do toutos pièces par un faussairo pou

lettré, ot insérées dans los Comptes rendus do l'Aca-

démie des sciences, la polarisation des rayons ura-

niquos affirméo par Bcçquorol et l'cxistonco imagi-nairo des fameux rayons N on sont do mémorables

oxomplos.L'histoire dos faux autographos ost trop connuo

pour qu'il soit utilo do la rappolor. On sait quo cotto

prodigiouso avonturo fournit A Daudet les éléments

do son roman : L'Immortel.

L'histoiro do la polarisation supposéo dos rayons

uraniques est aussi caractéristique. Lorsquo Becque-rel découvrit, on 1893, après Paul do Saint-Victor,les émanations spontanéos Vio l'uranium, il crut so

trouver en présonco d'uno sorto do phosphoroscencoot il institua dos oxpériencos « prouvant catégorique'ment-suivant lui quo les rayons émis so réfractent,so réfléchissent ot so polarisent commo coux de la

lumièro ».

Cotto opinion, quo j'étais seul alors Acombattro au

moyen d'expériences relatées dans mon livro L'iïvo-

lulion de la matière, fut accoptéo pendant trois ans

par tous los savants do l'Europo et rolarda considéra*

biomont la déoouvcrto dos phénomènes radio-actifs.

On reconnut finalomont, commo jo n'avais cessé do lo

répéter, êtro on présence d'uno forco jusqu'alors

inconnuo, sans parenté avec la lumièro Alaquollo jodonnais plus tard lo nom d'énergio intra-atomique.

Le cas des rayons N, quo tous los physiciens fran-

34 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE'

çais crurent voir pendant doux ans et n'aperçurentplus uno soulo fois quand fut dissipéo la suggestiondont ils étaient victimes, est plus instructif encore

Sans entrer dans tous les détails de lour histoire, jomo bornerai Arappoler que la découverte illusoiredos rayons N fut faite par un professeur auquel sestitres académiques conféraient un grand prestige Co

professeur, de tompéramont très nerveux, possédaitAun haut dogré le pouvoir do suggostion particulier

plusieurs fois observé on Europo ot dans l'Indo sur-

tout, qui fait admettre commoréalités toutes les affir-mations du suggostionnour. C'est ainsi quo le physi-cienMascart,quodélégual'AcadémiedosSciencespouraller constater au laboratoiro do l'inventeur l'exacti-tude do sos assortions, fut victimo do cotto prodi-

giouso hallucination : mesurer la déviation et la lon-

gueur d'ondo do rayons qui n'existaient quo dans lacervelle du suggestionneur,

Un prix do 80.000 francs fut alors voté par l'Aca-démio pour récompenser l'autour do cotto grandedécouverte ot pondant doux ans les Comptesrendusde l'Académiedes sciencesfourmillèrent do notos où

étaient décrites los propriétés chaquo jour plus mer-veilleuses do cos rayons. M. Jean Becquorol annon-

çait los avoir chloroformés; M. d'Arsonval faisait Alour sujet dos conférences enthousiastes. Monoxcol*lont ami, Emilo Picard, on perdait lo sommeil.

L'oxistoncodo cos rayons nosoconstatait d'ailleurs

quo par do légères variations d'éclat d'une plaquephosphorescontosur laquelle ils étaiont projotés. Ce

qui explique un pou la suggostibllité dos savants

croyant les observer.

LESFORCESQUIMÈNENTLE MONDE 3&

L'illusion collective fut brusquement dissipéo parla célèbre expérience d'un physicien étranger auquell'inventeur dos rayons N montrait la déviation sup-

poséo de ces rayons par un prismo. Lo prismo ayantété subrepticement rotiré dans l'obscurité, l'invontour

des rayons N continua néanmoins A mesurer la pré-tenduo déviation des imaginaires rayons.

L'expérionco était catégoriquo. Ello fut définitive

puisqu'aucun des physiciens qui avaient vu tant de-fois los rayons N no parvinrent jamais A los revoir*L'onvoi do notes sur cos rayons A l'Académie desscioncos cessa brusquement.

Il serait facile do multiplier dos exemples ana-

loguos du rôlo do la crédulité, surtout dans ios scioncosdomi-oxactos commo la médecine

Jo crois pouvoir résumer dans los propositions sui-vantes les lois générales do la naissanco et do la pro-pagation dos croyances :

1° Los cycles du mystiquo, do l'affectif ot du ration-

nel sont complètement indépendants et no s'influen-cent pas.

29Des savants éminonts peuvent oordro tout espritcritique dès qu'ils pénètrent dans lo cycle de la

croyanco.3° L'absurdité des dogmes — dogmos roligioux et

politiques. — ne saurait nuiro Alour propagation.<i°Les croyances mystiques s'établissent et so pro-

pagent par l'influenco du prestige, do la suggestion ot

3G L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

do la contagion. Le raisonnement no joue aucun rôlodans leur propagation.

b° La conversion A uno croyanco mystique so faitsouvent instantanément commocollodoPaulinodans

Polyeucteadoptant brusquomont une religion dontello no savait d'aillours rien et s'écriant : « Jo vois,jo sais, jo crois, jo suis désabuséol »

G0Certains sujets possèdontun pouvoir do fascina-tion qui fait admoltro commo dos réalités toutosleurs suggestions.

7"La caractéristique d'uno croyancomystiquoquel-conque est do n'èlro influençabloni par l'observation,ni par l'expérionco, ni par lo raisonnement.

8' La foi créée par la suggestion n'est ébranléoquo

par uno suggestion plus forte Locroyant no rononcoalors Asa croyanco quo pour on adopter uno autrodu même ordro. , '

9' Certaines croyancos politiques, telles quo lo

socialismo ot lo communismo, so répandont surtout

parco quo, possédant tous lescaractôrosdoscroyancosreligieuses, olloscréent rapidomont la foi.

10°Locroyant éprouvo toujours un besoin intensodo propager sa foi et sacriflovolontiers sa vioot collodes autres pour la fairo triompher. ,

11° La vision d'un phénomôno d'ordre mystiquepar do nombreux témoins no prouvo rien on favourdo sa réalité. Los témoignagesdosmilliers d'hommes

ayant vu lo diablo et assisté au sabbat n'ont jamaisconstitué uno prouvo do l'oxislonco du diablo ot dusabbat. ,•12°L'origino mystiquo doscroyancos'losdilîéroncio

dos simples opinions. Ces dernières sont constituées


par l'adhésion momentanée A une proposition. C'ost

pourquoi l'expérience, sans action sur la croyance,réussit Amodifier les opinions.

13° Los dieux périssent quelquefois, mais l'espritmystiquo reste indestructible.

CHAPITREIII

LES CONFLITSENTRELESVIVANTSET LESMORTS

Parmi les éléments divers qui orientent la viodos pouplosil faut oncoro citer, Acôté dos besoinsmatériols et des influences mystiques, l'impériousovolontédes morts.

La psychologie,qui n'examinait jadis que f'Amodos vivants, commoncoA étudier collo dos mortsdont l'invisibloarmée domino lo mondoet gouvornol'IIistoiro.

Co n'est pas, Onréalité, dans les cimetières quoroposont les morts. Continuant A vivro on nous-

mêmes, ils sont les vrais maîtres do la plupart donos actions. Quand nous croyons;agir librement,nous obéissons,lo plus souvent, Aleurs volontés.

Cottoarméodes morts représente co qu'on appollotrès justement l'Ainod'uno raco, ftmod'autant plusforto quo la collectivitéconstituée par les morts ost

plus homogèneSa formation n'est pas l'oeuvrod'un jour, flabi-

lisor uno raco au moyen do morts possédant dosvolontés communes et agissant, par conséquent,


d'identiquo façon dans los circonstances importantes,demande généralement des siècles.

Comment so formo l'Ame d'une raco ?Uno masse d'hommos assemblés au hasard dos in-

vasions ou dos conquêtes roprésonto une simplo pous-siôro d'individus, momentanément agrégéo par lavolonté d'un chef. La poussière so désagrège dès quolo chof disparaît ou quo sa puissance "aiblit.

Pour qu'une multitude dovionno un peuple, il faut

qu'elle ait subi, comme on Prusso, uno disciplinomilitaire rigourouso, ou qu'elle, ait accepté pendantdos siècles, commo on Ànglolorro, un réseau do

traditions, do coutumes et do croyancos iden-

tiques.Lorsquo les caractères psychologiques d'uno raco

sont suffisamment fixés, ils so transmettent parl'hérédité avec autant do régularité quo los caraclôros

anatomiques. L'agrégat d'individus, d'abord sans

cohésion, possôdo alors uno Amo ancostralo qui luidonno uno mémo orientation do conduito.

A cotto Amo ancostralo, inconsciente, constituantl'armaturo mentalo do la raco, so superposo l'Ameindividuelle conscionto sans cosso modilléo par lo

miliou, les événements, l'éducation, etc.Cotto Amo individuolloprésontosouvont la mobilité

dos vagues do la mor, mais, chez los races stabiliséos,sos oscillations sont limitées par l'infiuonco do l'Ainoancostralo.


Los-morts ont lour psychologie. Elle diffère do

celle dos vivants par certains caractères, —notam-

ment la fixité.

Toujours conservateurs, los morts possèdent desvolontésimpérieuses qui ne fléchissentpas.

Lour action so manifeste surtout lorsquo les inté-rêts do la raco, c'cst-A-dirola vie dos morts, ost aussimonacéoque collodos vivants. Co furent los morts

qui, on 1914,obligèrent tout un peuplo surpris paruno mobilisation imprévuo A rononcor instantané-»mont A ses intérêts journaliers pour marcher A la

frontière.Aucundos socialistes ayant juré do fairo grôvoon

cas do guorro no recula. Pourquoi? Lourobéissaheo

spontanéofut-ellelo fruit do réflexions rationnelles?En aucuno façon.Ellooui pour uniquo sourco l'irré-

sistiblo volontédos morts.

Loshaines dos morts sont rodoutablos. Ils ne sup-portent pas los vivants qui no sentent pas commoeux. C'est l'arméo dos morts qui força l'AnglotorreAdonner la liberté A l'irlando, ot los peuples de l'Au-triche AsodiviseronEtats distincts. Lorôlodosmortsdans los origines do la dernière guorro fut considé-

rable,'La puissanco dos morts est si forto qu'elle no

peut êtro détruite quo par collo d'autres morts. C'est

justement ce qui arrivo lorsqu'on croise dos indi-vidus do races diverses. Los morts d'origines diffé-rentes no s'accordant pas imprimont A l'Amocous-

LESFORCESQUIMÈNENTLE MONDE Al

cionte dos impulsions contradictoires. C'est pourquoiles croisemonts sur uno grandp échelle dissocient

rapidement l'Ame ancostralo. Flottant entre des

influences contraires, un peuple de métis est compa-tablo au vaisseau voguant sans gouvernail au gré dosvents.

C'est pour avoir méconnu cos principos quo les

Espagnols perdirent toutes leurs colonies alors quoles Anglais, qui no so mélangent pas aux indigènes,ont conservé los tours.

Les observations précédentes, vérifiéos par dos

expérioncos séculaires, conduisent A uno loi fonda-mentale do la politique modorno quo beaucoupd'hommos d'Etat somblont ignorer ot qu'on peut for-mulor do la façon suivanto :

Les institutions politiques d'un peuple jouent un rôletrès faible dans la vie de ce peuple. Son aine anceslrale,et non les institutions qu'on voudrait lui imposer,oriente sa destinée.

Inutile d'invoquor dos faits historiquos pour jus-tifior cotto assertion. Il suffit do considéror dos paysvoisins soumis A dos institutions identiques, maisformés do races différentes. Tel ost, précisément, locas de l'Amérique.

Ello formo doux grands continents prosquo ontiè-romont séparés : los Etats-Unis d'Amériquo du Nord,habités par des Anglo-Saxons, ot les Etats do l'Amé-

riquo du Sud, pouplés d'Espagnols plus ou moins

mélangés d'élémonts indigènos. ,Bion que toutes los Républiques latinos de l'Amé-

riquo aiont adopté los institutions politiques desEtats-Unis ; séparation dos pouvoirs, ministros, par-


lomont, liberté do la presse, c'ost-A-dirotoute la

façadedes institutionsdémocratiques,elles n'ont puarriver A aucuno stabilité. Dosdictatures absoluessont restées, jusou'Aprésont, lour soûl régimoréel.

Do co qui précodo,on déduit facilement qu'unegrande différenceoxistoontrolospeuplesdont l'Ainoa été fixéepar un longpassé et couxdont l'Amonol'est pas encoro. Los i>romiorspouvont,commolos

seconds, subir dos révolutions violontos; mais lo

passé,c'ost-A-dirol'actiondosmorts, roprondbientôtson empire Co fut justoment lo cas do l'Angleterrelorsquolohasard dosélectionsamena los socialistesau pouvoir.Lourgouvernementdifféra bion pou docoluidosconservateurs.

La stabilisationdo l'Amod'uno raco par l'oscortodo ses morts lui confôrounograridoforco,maiscottostabilisationpeut dovenir,si les mortssont par,trop'influonts,uno causod'arrêt et mémodo décadenceSi los pays sans passé, et par conséquentsansAmo

stablo, sont Ala merci do tous les hasards ot sanslondomainassuré, los nationstrop stabilisées,c'ost-A-dirodont l'élémentconsorvatourost trop actif,ontsouvontbeaucoupdo difficultéAréaliserdosprogrès.Fréquemment on retard, elles n'arrivont parfois A

s'adapter aux nécessités nouvollosqu'au prix dorévolutionsviolontos.

Losmorts étant très conservatoursentrent parfoisen lutlo aveclos vivants,condamnésau changomont

par les variations do milieu. Les pouplcsoscillontalors ontro dos combinaisonspolitiques oxtrèmos,suivant quo los vivants ou los morts'ont momenta-

némenttriomphé.


Cos conflits entro los vivants et los morts furentobsorvés en Franco comme on Anglotorro, mais beau-

coup plus fréquemment dans lo premier do ces pays,dont l'unification est incomplôto encore Depuis cont

cinquante ans, nos révolutions n'ont été séparées lesunes dos aulros que par un'polit nombro d'années.A la grando révolution qui prétondait établir l'égalitéot la liberté, succôdo un dictateur militairo qui sup-prime toutes les libortés et rétablit, par la noblosso

qu'il institue, les anciennes inégalités. Il est remplacépar dos souverains prétondant ramener plus oumoins l'ancien régime, puis par un roi constitu-tionnel quo ronvorsent los révolutionnaires socia-listes. Cos dorniors finissent par effrayer tollomont la

nation quo l'immonso majorité du pcuplo acclamoun dictateur dont los orrours psychologiquos condui-sirent la Franco A la ruino après uno prospéritépassagère

La Républiquo qui lo remplaça duro depuis plusdo cinquante ans ; mais si ello évita los révolutions

dynastiques, ello n'ompôeha nullement los change-ments do régimo. Sur uno dizaine do présidents do

la République, la moitié furent forcés do quitter lo

pouvoir et los formos du gouvornoment oscilleront

ontro lo consorvatismo oxcossif, sous la présidoncod'un célèbro maréchal, ot lo radicalisme non moins

excessif durant la longuo périodo dos persécutions

rcligiousos.La grando guorro mit momonlanémont fin A ces


dissensions. Elles roprirent biontôt et la Francoostretombée oncoro dans ses perpétuelles oscillationsontro l'anarchie et la réaction.

Ello so trouve actuellement dans uno période-oùdominent les influencesextrémistes : menacesconlrole capital et l'industrie, luttes do classes,persécutionsreligiousesen Alsace,etc.Toutescesdissensionsrésul-tent des conflitsentre les vivants et les morts.

CHAPITRE IV

LES CONSÉQUENCES POLITIQUES DES ERREURSDE PSYCHOLOGIE

Lo rationalismo kantien, qui fait lo fond do la

philosophio universitaire, chorcho toujours A expli-

quer par la logique rationnello dos événements

auxquels, on réalité, cetto logiquo fut toujours étran-

gèreLe savant, dans son laboratoire, a commo baso do

ses raisonnements' l'oxpérlonco ot l'observation. Les

multitudes raisonnant fort pou n'ont quo dos opi-nions suggérées.

En dohors dos sujets puromont scientifiques, los

hommes les plus instruits n'ont pas souvont dos

opinions mieux fondées quo éollo dos foules. C'est

pourquoi lour conduito politique ost parfois si chan-

gée d'orrours.#

* *

A no consldéror mémo quo quolques-uns dos évé-

nements accomplis depuis cent cinquanlo ans, on

pourrait diro quo notre histoire ost, en grando parlio,créée par dos erreurs do psychologie.


Cofaront des erreurs do cotto nature qui condui-sirent Napoléonà entroprondro les campagnos d'Es-

pagno ot do Russio, qui préparèrent sa chuto. Unoautre errour de psychologie détermina Charlos X à

fairo afflehor les ordonnances qui le renverseront.Unoorrour de psychologie plus importante oncoro

conduisit Napoléon III à favoriser l'entroprise do la

Prusso contre PAutricho, qu'un mot do lui pouvaitfacilement empocher. L'crrour d'où résulta Sadowadevait bientôt engondrer Sedan, qui provoqua la findo l'Empiro.

Cette errour si chargéo do conséquences no fut

pas soulement une errour impériale, mais uno

erreur, collectivo, car la majorité des Français, ycompris les journalistes inlluents et les universi-

taires, accueillirent avec enthousiasme la victoire dola Prusse,

La défaito de l'Allemagneen 1918est également la

conséquenced'une lourde erreur de psychologiecom-mise par l'em,poveurGuillaume. 11croyait raisonnertrès justo en supposant qu'un peuple do marchandssans armée, enrichi par son commerce avec les belli-

gérants, n'aurait jamais l'idée d'entrer dans une

guerre qui, d'ailleurs, no l'intéressait nullement. On

pouvait donc impunément torpiller les vaisseaux

dépassant les limites fixées.Rationnellement assez juste, cotte argumentation

était très fausse au point de vue de la logique collec-tive. Plus familier avec les lois de cette logique spé-ciale, le kaiser eût compris quo l'amour-prbpreblessé d'un peuple lui fait oublier Cousses intérêts.Il fut vaincu, en réalité, pour avoir ignoré que les


lois do la logiquo rationnollo et colles do la logiquocollective n'ont pas do commune mosuro.

Prétendre appliquer la logiquo rationnelle à l'in-

terprétation do la conduito dos peuples conduit, lo

plus souvont, a do gravos orrours. On lo vit uno foisencore avant la guerre do 19M, lorsque los socialistes,

appuyés par plusieurs professeurs éminents do la

Sorbonno, affirmaient qu'une guerre avec l'Allemagneétant rationnellement impossiblo, il fallait réduiroles armoments.

La psychologie enseigne l'art difficile do manior lesfoules et do transformer au besoin lours sontimonts.

Shakospcare en donno, un oxemplo frappant dans lodiscours attribué par lui a Antoine haranguant lafoule dovant le cadavre de César. Bismarck en fournitun oxemplo probablement plus réel lorsque, utilisant

l'irritabilité du pouple français, il falsifia quolquosmots d'uno dépècho inoffensive dans lo but de pro-voquer une explosion de fureur nationale assoz forto

pour déclencher la guerro dont no voulaient ni le roide Prusso, ni l'empereur des Français.

L'art de gouverner est, on grande partie, formé do

la connaissànco des réactions collectives sous l'in-

flùenço d'oxcitations diverses.

, Ces réactions sont soumises, à des lois générales

qu'il serait facile de déterminor, si olles étaient

identiques d'un peuple à un autre. Mais elles varient

suivant les races. Anglais, Français, Espagnols, etc.,

réagissent différemment sous des excitations iden-

'3


tiques, liismarck n'eût probablomont pas obtenu on

Anglolorro,avec sa dépôchofalsifiéo,losmémosrésul-tats qu'on Franco.

Con'ost pas seulement parco quo los lois do la psy-chologie individuollo n'ont quo do lointains rapportsavec colles do la psychologiocolloclivoquo lo gouver-nement dos hommos ost si difficile

Cctto difficulté ost accruo par lo phénomèno dostransformations do personnalités, qui so manifostoacertains moments do la vio dos pouplos, notammont

pondant los grandos périodes révolutionnaires.Contrairement aux idées généralomont admises,

la personnalité do chaquo ôtro n'ost qu'uno synlhèso,ou mémo qu'uno simplo addition de personnalitésmultiples sqporposéos. Gos divorsos personnalités somanifostontquand loscirconstancesdo la vio vionnonth changor. ,

La constanco apparente do notre individualitérésulta simplement do la constanco du miliou oùnous vivons. Encadré par lo groupo social dont il fait

partie et ses occupations' journaliôros, l'hommo no

changb guoro. Si, au contraire,- los circonstancesvionnont à se modiflor, il sora transformé; l'hommodoux pourra doYonirviolent ; le paciflsto,bolliquoux;le vertuoux verra so désagrégor sos vortus.

J'ai, jadis, appliqué cotte conceptiona l'interpréta:tion do la conduite des grandos, assombléos do larévolution française. Elle soulo permettait d'oxpll-quer commont dos bourgeois pacifiques : notaires,

LESFONCESQUIMÈNENTLE MONDE 49

magistrats, médecins olc, devinrent dos êtres sangui-naires faisant couper dos tètes par milliors, arracherlos restes dos rois do lours tombeaux, briser dosmonuments précieux, etc. La tourmonto passéo, lesmémos hommos, devenus les serviteurs docilos do

Napoléon, n'arrivaient pas as'oxpliquor leur conduitoantériouro. Avec la rudimentairo psychologio do

l'époquo, ils ne pouvaient la comprendro.

Si los personnalités nouvellement formées s'éva-nouissont avec la disparition dos événements qui lesavaient fait surgjr, la persistance dos mémos événo-monts peut maintenir cos personnalités nouvellementforméos pondant un tomps très long.

Les illusions roligiousos ot politiques semblent

avoir lo privilôgo do créer ot do maintonir los porson-nalitéf .vi!|0ciollos durablos.

'

La gN>voprolongéo dos minours, qui ébranla los

fondotn..'i.ts do l'Kmpiro Britanniquo, montro los

changements possibles quo los mentalités mémo très

stables peuvont subir, malgré la puissanco dos in-

fluences ancostralos. Dos changements plus profondsoncoro furent jadis créés dans l'amo britanniquo sous

l'infiuonco roligiouso do la Réformo.

L'histoiro do la révolution russo fournit d'autres

oxomplos do tollés transformations, oxomplos moins

probants, d'alllours, parco quo l'amo slavo ost

rostéo trop amôrpho pour avoir jamais pu subir uno

stabilisation durable.


Si los grandes variations do personnalités obsor-'yéos pondant les révolutions sont généralement sans

duréo, c'ost quo l'amo do la raco agit bientôt pourramonor à l'état normal los personnalités momentané-ment formées.

Mais dans los cas do cataclysmo prolongé commecelui do la dernière guorro, l'ame do la raco étant

attointo, sa reconstitution domando parfois la duréod'uno génération.

Nous sommes justement à une do cos périodes'

d'altération prolongée dos personnalités. La jounossoconçue à l'époquo des combats, aussi bion que collo

influencéo par cos combats diffèrent notablomont

des générations précédentes.* f

L'idéal do la jeunesse actuelle n'est pas bien nou-

veau, puisqu'il ost idontiquo à colui q"uopratiquaientlos jounos Romains au temps d'IIoraco ot quorésumaitla maximo : Carpe diem, Ello ost misérable ot ambi-tieuse. Pou souciouso do la valeur dos théories poli-tiques, ollose tourno vers los chofscapables doservirses aspirations»

» ',''* *

Malgrétous los progrès réalisés, la psychologie onest encore & une période aussi rudimontairo quel'était l'alchimie avant de devenir la chimie, Lo jouroù ollo constituera une science, les hçmmos d'Etatsauront éviter les formidables errours politiques dontest tissée l'Histoire.1 .

LIVRE II

LES ILLUSIONSSUR LE PROBLÈME

DE LA SÉCURITÉ

CHAPITRE PREMIER

LES RIVALITESDES PEUPLESET LES ILLUSIONSPACIFISTES

.Tous les peuples sont avides do paix et cependantils ne réussissont pas à s'unir pour la maintenir, mômeau soin do lour propro pays. De grandos nationsrestent divisées on partis politiques ne cherchant qu'as'arracher-dos lambeaux do pouvoir ot disposés àsacrifier lo sort do lour patrie, aussi bien quo colui du

monde, au triompho de vains principes. Donouveaux. petits Etats, formés aux dépens de l'antique monar-

chie autrichienne ot dont l'oxistenco économique ost

chàquo jour plus difficile, no songont qu'à conquérirdes lambeaux do territoires sur lours voisins. Aux

4limites orientales de l'Europe, un immense ompiro,

52 LEVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

retombé dans la bavbario sous l'influonco d'illusoires

doctrines, menaco la paix du mondo. Plus loin oncorola fourmilière asiatique ost prête a so drosser controuno Europe quo dos rivalités intostinos ompôehcntd'aporcovoir lo danger.

Nous avons souvont rappelé quo los nécessités

industrielles de l'âge actuol ont créé uno interdépen-dance dos pouplos qui devrait los rondro solidaires

les uns des autres et, par conséquent, los conduiro

à s'ontr'aider au lieu do s'épuiser en d'inutiles

luttes. Mais ces nécessités, étant d'ordre purementrationnel, restent encore sans action sur. les senti-

monts et les passions régissant la conduite des fouies.Cette-interdépendance est cepondant telle qu'un

gouvernement no peut plus prendro la moindremesure sans qu'elle ontratno dos répercussions dans

lo mondç entier.Si les grandes civilisations survivent aux boulovor-

semonts quo nous traversons la solidarité des peuplesdoviondra uno loi universelle. Mais, avant qu'elle

puissô régnor, il faut vivre avec los réalités de

ï'iiouro présonto et tâcher do so protéger contro los

mendcosque nous voyonsgrandir.Sur l'existence'do ces menaces, les orpôurs sont

redoutables. Lo souvenir do.ee que coûtèrent à la

Franco les illusions pacifistes qui précédèrent la

catastropho do 1914dovrait servir de leçon.

ILLUSIONSSURLE PROBLEMEDELASÉCURITÉ 83

Pourrésoudro lo formidable problèmo du maintiendo la paix, il somblorait suffisant d'amonor plusieursnations à déclarer qu'ollos s'associeraient contro unfutur agrossour.

Cotto concoption primitive do garantie est duo, onlo sait, au président Wilson. D'après son projet, lesEtats-Unis ot l'Anglotorro devaient s'engager à so

ranger aux côtés do la Franco si l'Allemagne l'atta-

quait do nouveau. Dans cos conditions, l'ompiro ger-maniquo n'aurait pu songer a uno guerro do revancheot la paix so fut trouvée ainsi garantio au moins pourquelquo temps.

Rien do plus simple, en apparonco, mais on appa-rence seulement. Malgré les conseils humanitaires du

présidont Wilson, lo Parlement des Etats-Unis rofusa

énergiquement d'accopter son projet.Les différences do mentalité dos divers peuples

constituent los principaux motifs qui empêcherontlos grandes nations do s'unir pour fonder la paixalors mémo quo la raison leur on prouvait lanécessité.

Une trontaino do conférences ont déjà montré l'im-

possibilité pour des peuples do mentalité ot d'intérêtsdissemblables de s'associer dans un but commun.

Quo les conceptions des anciens alliés do la Franco

soiont justos ou injustes, force ost bien d'en tenir

compte. Los idées de droit et do justice varient entiè-

rement, d'ailleurs, suivant los pouples qui les

invoquent,


11ostdonc politiquomontinutile doprétondro impo-ser les idéos d'un pouploà un autro lorsquo la mon-

tante do cos doux peuples ost différente

N'oublions pas d'aillours qu'à l'heure où la réalité

surgit, los formules établies on tomps do paixdoviennont généralement dépourvuosd'efficacité.On

sait combien furont vainos, quoique univorsellomont

accoptéos, los décisions humanitaires du tribunal do

La Hayo, prétondant raréfier los guerros et rendre

plus humainos celles qui pourraient naître. Elles

n'ompécherontaucun conflit,ot, loindose caractériser

par son humanité, la dorniôro guerre fut la plus sau-,

vagement féroco do toutes colles onrogistréos parl'histoire. Elle s'avéra féroco surtout pour coux quivoulurent d'abord respecter lesconventionsdoLaHayedovant un ennomi no los respectant pas.

Vénérons l'idéal paciflsto, tout on le considérantcommo lointain, irréalisable actuollemont et sansefficacité possible contro les passions ot los hainos

qui animent oncorolos peuples.

La grando difficulté potuMosnatipns est do rester

unies au dedans pour n'ôtro pas vaincues au

dehors. ^Los philanthropes, rÔYantd'une paix univorsollo

fondéosiir la fraternité supposée des nations, croiont

volontiers los mentalités do tous les pouples iden-

tiquos et ces peuplesséparés seulement par dos diffé-

rences d'intérêts.

Les divergences d'intérêts sont profondosévidom-

ILLUSIONSSURLE PROBLÈMEDE LA SÉCURITÉ 85

mont, mais collos dos montalités plus profondesencore.

Los nombreuses conféroncos réunies depuis la paixsuffiraient à montrer, jo lo disais plus haut, combien

los incompatibilités île sentiments otdo pensées entro

pouples sont irréductibles. Dos mots semblables

n'éveillant pas los mômes idées dans les divers

esprits, uno incompréhension totale domino leurs

relations.Les conféroncos,congrès, etc., ont égalcmont prouvé

à quel point les forces rationnelles rostent impuis-santes à diriger la conduite dos peuples. L'humanité

a vu naître dos cerveaux capables do calculor lo

poids des astres et do capter la foudre, mais dans

lo domaino do la vio sociale, ollo a compté bien pou

d'esprits sachant orienter utilement la destinée dos

nations.

Co n'ost pas dans les trente conféroncos réunios

depuis la paix qu'il faudrait chercher do tels cerveaux.

Sans douto les collectivités sont* intellectuellement

très médiocres, mais lorsqu'elles se composentdTiommos appartenant à des racos différentes, leur

infériorité mentale est plus manifeste encore.

C'ost seulement à la lumièro de ces notions, ot on

n'oubliant pas quo la France ot l'Angleterro ont étô

en lutte pondant dos sièclos, — sans mémo parlerdos vingt ans do guorre contre Napoléon — qu'on peut

expliquer l'insuccès dos conférences destinées à con-

cilier les peuples.On remarquera, du reste, quo ces conféroncos ont

révélé une grande continuité dans la politique do

certains peuples, Quols qu'aiont été, en Angleterre,


les partis au pouvoir : conservateurs, libéraux, socia-

listes mémo, ils ont tous ponsé et agi d'uno façon

identique Gràcoà ectto continuité l'Angleterre obtintdans cos conféroncos tout co qu'elle pouvait sou-

haiter.

Après uno dos conférences internationales tenuesà Londres sous la présidenco d'un gouvernementsocialisto, los délégués furent invités à voir évoluer

cent cuirassés formidablemont armés. Ils com-

prirent alors sans d'inutiles discours que l'Angle-terre entendait consorvor sur l'Europe l'hégémonie

conquise par la guorro ot qu'oxerçait jadis l'Aile-

magno.

«# *

On no saurait trop insistor sur l'incompatibilitémentalo ontre peuples, dont les politiciens tiennent

parfois si peu çomptoet qui, cependant, domino leurs

relations. Elle se manifeste dès que dos hommes do

races différentes sont réunis dans un congrès pourdiscuter leurs intérêts ou leurs doctrines.

Quelle que soit l'incompréhension réciproque des

peuplée, los guerres sontdevenues si meurtrières ot

si coûteuses, qu'ils hésiteront sûrement pendant

quolquo.temps encore avant de se jeter les uns contro

les autres,Los guerres modernes diffèrent beaucoup d'ail-

leurs, par leurs conséquences, de toutes les guerres

antérieuros, notammont celles du premier Empiro,

qui les dépassèrent cependant on durée, et les éga-lèrent parfois en violence.

ILLUSIONSSURLE PROBLÈMEDELASÉCURITÉ 57

Los longues luttos de la période napoléonionno

n'appauvriront pas l'Europo parce quo lour fin coïn-cida avec dos découvertes capitales, telles quo laforce mécaniquo du charbon, qui permit d'accroitroimmensément la puissancoot la richossodespouplos.

J'ai montré aillours qu'au début do la grandeguorro, la puissanco motrico de la houillo annuelle-mont extraito en Allomagno représentait le travail

qu'auraiont pu produire neuf cont cinquante millionsd'ouvriors (1).

Les volontés dos rois dominaient, jadis, la vio dos

nations, et les guerres résultaient surtout du désirde conquérir dos provinces ou do propagor des

croyancos. Aujourd'hui, los volontés des peuples ont

remplacé colles des rois, mais les conflits no devien-

nent pas plus rares : ils sont simplement plus mour-

triors, non pas souloment on raison do la découverted'armes nouvelles, mai3 surtout parce que les pro-grès des idées démocratiques ont conduit à remplacerles petites armées de jadis par des effectifs de plu-sieurs millions d'hommes, comprenant toute la partievalide d'une population.

L'interdépendance économique dos peuplos lesaidora-t-olle sinon à s'aimer, au moins à se supporter?

Qu'un gouvernement soit monarchiquo, démocra-

tique, communiste ou théocratique, il n'importe. Sa

(1)Voir,pourlesdétailsde cescalculs,lesEnseignementspsi/'chologtquesdetlaguerre, 36»édition,chezFlammarion.


conduite so trouvo aujourd'hui, directement ou

indirectement, réglée par dos volontés étrangèressur. lesquelles il ost sans action. Rien no sort à un

peuplo de souhaiter la paix si ses voisins veulent la

guerre.Et c'est pourquoi l'incortitude dominera longtomps

encore les relations internationales. Malgrédo prodi-gieusos découvertes l'ago moderne rosto toujours sou-mis aux influencesdo l'antique barbarie

CHAPITRE II

LES ILLUSIONS SUR LE DÉSARMEMENTET LES ALLIANCES

Lorsquo, après la plus ofïroyablo des guerres dont

l'Histoire ait gardé la mémoiro, fut signé lo traité de

Versailles, los peuples restèrent convaincus quo, gràcoaux combinaisons savantes imaginées par le prési-dent Wilson et son escorte do professeurs, uneôrode

paix profondo allait s'ouvrir pour lo monde.

Jour après jour toutes ces espérances so sont éva-

nouies. Les conflits à coups de conféroncos entre les

anciens alliés ont remplacé los luttes à coups de canons

Contro l'ennemi commun. Les menacos do guerre sur-

gissent partout. L'enfer, que l'on croyait appartonirau passé, reparait à l'horizon.

Do cos désillusions ost né un mécontontomont uni-

versel qui réagit sur tous les éléments do la vio poli-

tique etsociale. Les peuples se tournent vors losrhétours

faisant luire à leurs yeux de nouvelles espérances.Les causes d'inquiétuder sont tolloment connues

qu'il suffira do les rappeler brièvement. Celte énumé-

ration montrera surtout lo rôlo dos illusions dans

la vie dos peuples.

(50 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

La question du désarmement, qui a provoqué tantdo congrès, est uno do collos qui met lo mieux 1on

évidence lo pouvoir des illusions dont je viens do

parler.Tous les projets do désarmement visent, naturelle-

ment, l'Allemagne, mais les solutions proposéesrestent bien enfantines.

Prétendrait-on priver l'armée allomando do sescanons et do ses fusils? Elle n'aurait alors qu'à en

fabriquer dans lovoisinagedes frontières qui séparentla Prusso Oriontalo do la Russio. Voudrait-on l'em-

pêcher do fabrlquor dos explosifs? C'est complète-ment impossiblo, puisquo los plus dangereux do cos,

explosifs — la nilro-glycérine, par oxemplo — s'ob-tiennont avec un simplo mélange do produits abso-lument inoffensifs quand ils sont séparés et d'un

usago courant dans l'industrie. Songerait-on à inter-dlro la fabrication d'avions do guorro?Mais un avionde guerre n'ost autrochoso qu'un avion do commorco'dont los marchandises ont été remplacées par des

oxplosifsou dos canons.11ost donc do touto évidonco qu'on no saurait

espéror désarmer l'Allomagno et, on fait, toutos lescommissions do surveillanco n'ont absolument rienobtenu.

Los projets do désarmer l'Allomagno,ou d'ailleursun pcuplo quelconque, sont donc ontlèromont illu-soires.

ILLUSIONSSURLE PROBLÈMEDELASÉCURITÉGl

L'ospoir d'une paix obtonuo par des alliancessemble aussi chimérique. J'ai plusieurs fois montrécombien était faible lour utilité et rappelé notammentuno réflexion de M. Iswolski, alors ambassadeur de

Russie, mo conseillant do supprimor commo trop évi-

dent, dans mon petit livre d'aphorismos qu'il tra-duisait en russe, un passago où je montrais quo lesalliances no survivent pas à la disparition dos inté-rêts qui les liront naître.

Nombreux dans l'histoire furent les cas analogues àcelui do l'Italie qui, dans la dernière guerre, so tourna,jo lo rappelais plus haut, contre l'Allemagne, maigreson traité d'allianco avec cotto puissance, dès quo sosintérêts lui prouvèrent l'utilité do changer do camp,. En matièro d'allianco, los intérêts dos peuples cons-

tituent, on no saurait trop lo redire, leur seul guide.Connaissant les intérêts do la politiquo anglaiso, on

voit do la plus indubitablo façon qu'avec ou sans

traité do garantio, la Grande-Bretagne soralt obligée,sous poino d'être bientôt atlaquéo ollo mémo, dos'allier à la Franco on cas d'agression germaniqueLos concessions faites pour obtenir uno allianco bri-

tanniquo étaler donc parfaitement inutiles»

#

Nos gouvornants ont ou cortainomont raison dodonner satisfaction aux aspirations populaires onréclamant avec énorgio, dans d'innombrables congrès,


lo désarmement et la sécurité par les alliances. Mais

ces congrès no pouvaient conduire,à aucun résultat

pratiquo, étant données los divorgonces d'intérêts ot

do mentalité en présence. Leur seul offet utile fut do

créer los espérances illusoires dont losfoules semblont

no pouvoir so passer.Il serait fort dangereux de prendre cos espé-

rances pour des certitudes. Si, grùco au pacto do

garantie tant do fois réclamé, les pouplosso croyaientassurés do la paix, leurs représentants au Parlomontdomanderaiont aussitôt do telles réductions du ser-

vlco militaire quo nos effectifs deviendraient vite

des milices impuissantes, commo toutes los milices,devant uno arméo disciplinée.

La croyanco avougle dans uno paix assuréo auraitd'aulres conséquences oncoro. La Franco est, actuel-,

lemont, diviséo on partis politiques quo séparentd'irréductibles haines ot d'inconciliables aspirations.Lo soûl facteur maintenant oncoro un pou d'unionentre cos partis ost la crainte d'un ennemi qui profi-terait do lour désunion.

Los philosophos n'oseraient pas d'ailleurs affirmer

qu'uno paix assuréo serait un bienfait, Les lignessuivantos d'uno grando rovue étrangère n'ont rlon do

trop paradoxal :

« Dos philosophes soutiendront sans peino quopartout où il y a vio, Il y a guerro, ot qu'on no peutconcovoirla paix univorsollo quo sous la formo d'un

dospotismo univorsol courbant tous les hommes souslo même joug, i

Cofut, d'aillours. par un despotisme scmbablo quol'Empiro romain réussit, pondant plusieurs siècles,

ILLUSIONSSURLE PROBLÈMEDELASÉCURITÉ63

à fairo régner la paix. Elle no dovint générale quo lo

jour où lo monde n'out plus qu'un seul maître,

Il était intéressant do connaitro l'avis d'hommesd'Etat éminents et do savants professeurs sur les

questions qui précôdont. M. Ludovic Naudeau a jus-tement publié los opinions do quolquos-uns d'ontro

oux dans un livro fort intéressant : La guerre el la

paix. Nous reproduisons ici plusieurs extraits do son

onquôto. On y verra qu'uno grando incortitudo règnodans los osprits ot quo, mémo chez les professeurs dis-

tingués, los idées chimériques restent prédominantes.C'ost par M. Aulard, ancien profossour à la Sor-

bonno, quo débuto la sério dos réponsos.

Suiventlui, <la Francono peutavoirdosécuritdquodansuno fédérationcuropdcnnofaisantparliodo la SociétédesNations».

L'autour oubllo d'indiquer los moyons d'assuror

cotto problématique fédération, ot c'est pourquoi,commo il lo reconnaît lul-mêmo, sa réponso « ost

vaguo ot insuffisanto ».M.Scignobos, égalemont professour à la Sorbonno,

ost moins précis encore 11 fait romarquer quo los

quostions qui lui sont poséos portont sur l'avenir,

c Or, dit-il, la provisiondo l'avenirsupposedes lois. 11n'ya pas dolois do l'Histoire,puiBquol'évolutionhumaine,objetd6 sonétude,nos'est produitoqu'unosoulo fois.» Hespèroquo f la guerropourradisparaîtrecommoa disparul'escla-vage > et considèrecommopossiblela formationc d'uno

G4 . L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

moralointernationalequi rcndotous les peuplesincapablesdodésirerla guerre».

Le problèmedo la sécuritéso ramène,suivant lui, < hempêcherlesgouvernementsdofairelaguerroauxpeuples»;poury arriver,« il suffirait: 1*Dodésarmertous lesgrandsKtats,les seuls capablesdo vouloirla guerro;2' Dosuppri-mertoutefabricationd'armes».

Rien, on lo voit, do plus simple!M. do Làtmay, do l'Académie dos Sciences, ost

moins chimériquo ot considère commo illusoires los

moyens proposés pour assurer la sécurité.

« Laguerro,dit-il,serait,malgrésonhorreur,l'état normaldotouslesêtres vivants.Jusqu'àla créationd'unehumanitésupérieure,nousdovronsnouscontenterdotrêveset chercherpar tousles moyensmatérielset morauxa assurerunosécu-rité sanscosso menacée.Comments'altcndroauxprogrèsdela fraternitégénéraloquandon assistechaquojour, dans sonproprepays,audéveloppementrapidedola hainecnlroconci-toyens?...Jo restepartisandesententeséconomiquesot,colo-nlalcsavecl'Allemagne...»

L'auteurconcluten disant:f Si nousavonsla moimiroprudence,il fautnoustenirsur

la défensivearriiéo.»

M.MaurlcoBompard, ambassour do Franco, a éga-lement ùno faiblo confianco dans lo Tribunal do La

llayo ot la Société dos Nations, '

< Lesystèmedo la SociétédesNations,dit-il,n'assuropasla sécurité,pas plusquo celuido l'équlllbroeuropéennol'ajamaisfait...Malheurau peuplequidésarmeraiten comptantuniquementsur un acte dlplomallquopour sauvegardersonIndépendanceLasécuritéest un problèmodes plus terro aterroqui norclèvopas do la métaphysiqueII n'a jamaispu,jusqu'ici,élrorésoluabstracllvemcnt,et lespeuplesqui noluiont pas donnéla solutionslmplocl pratlquonul s'imposaencoreaujourd'huiont disparudola surfaco'duglobosouslescoupsdonations,plus barbarespcul-ctro,mais,en toutcas,plusénergiques.»

ILLUSIONSSURLE PROBLÈMEDELASÉCURITÉ65

M. Painlcvé (1), membre de l'Académie dos Sciences,ot ministro do la guerre, arrive à des conclusions

presqûo identiques. Tout en so refusant à croire quo :

« Les peuplesno s'aperçoiventpas que les guerres nerésolventrien, n'arrangentrien et n'engendrentqu'un appau-vrissementgénéraldo l'humanité».

Il ajouto :

« Touten nourrissantl'ardenteespérancede n'avoirjamaisa s'en servir, la France,dans l'Intérêtmémodo la paix, estobligéodo maintenirsur ses flancsuno cuirassechaquo jourretrempée.»

« *

Si, dos citations qui précèdont, sont éllminéos les

idéologios pacifistos qui no fcralont quo faciliter les

projots do rovancho germaniquo, on constate quo dos

hommes éminonts, de partis forts divers, s'accordent

pour affirmer quo la seulo possibilité do sécurité

actuollo résido dans un armomont suffisant pour ôter

à d'autres peuples l'idée d'attaquer leurs voisins.

La défonso n'est d'ailleurs réalisable quo si les

partis politiquos qui divisent la Franco arrivent à

s'unir contro l'onnoml commun. Un dos plus sûrs

enseignomonts do l'Histoire " t quo los pouples^

(i) Il est permisdo no pas partagerles IdéospolitiquesdoM.Pàïntevé,maisonno peut contesterquocet illustresavantpossèdeunograndeIndépendanced'esprit.J'eneusmol-mômelapreuvelorsquea la suitede mesrecherchesexpérimentalessurla dématérl&llsatlondela matièreconsidéréealorscommeimpos-sible,il publia,en tètedoLa ReçueSctenttflquéde janvier1906,un grandarticleIntituléi«lUMlo\lonsa proposde laThéoriedelaMatlèrodoUustaveLoDon.• tl y défendaitmesIdées,sans tenircomptedel'oppositiongénérale,a ccltoépoque,desesconfrèresde l'AcadémiedesSciences.


désunis disparaissont bientôt de la scèno du monde.La Grècodans les temps antiques, los Républiquesitaliennes au MoyenAge, la Pologne dans (os tempsmodornes, furont réduites en servitudo par suito do

leurs dissensions intostincs.La grande force politiquo d'un peuplo résido dans

son unité do sentiments et do ponsées. Quand coltounité ost perduo, il a tout perdu.

CHAPITRE III

LES ILLUSIONSSUR LA VALEURDES ARBITRAGES

Losopinions collectives formulées dans les diversesréunions do la Société dos Nations sont oncoro tropvaguos pour justifior los espoirs qui accompagnerontla naissance de cotto société. Ses comptes rond us sont

cependant très intéressants car ils révèlent la penséeréolto des représentants do chaquo pays.

Dos discours prononcés à Gonèvo, un dos plus

caractéristiques fut colui du chef du gouvernementanglais do cette époquo, lo socialiste Mac Donald. 11suffirait à montrer combion sont grandos parfois lesillusions dos gouvernants,

La thèso fondamontalo du premier ministro britan-

nique était quo l'arbitrago suffirait à établir uno paixcorlalno dans lo monde.

Los esprits assez simples pour supposer qu'un arbi-

Irago pout assurer la paix approndraiont dans unlivre d'histoire quelconque avoc quollo facilité un

gouvernement qui souhalto une guorro trouvo dos

prétoxlos pour la provoquer ou so la faire déclarer.

Inulilo de romontor, pour trouvor dos oxemples,

jusqu'au roii do Prusso Frédéric H qui, lorsqu'il


envahissait brusquement une province, — la Silésio,

notamment, —laissait aux juristes à sa soldo lo soinde trouver ensuite des arguments justificatifs. Rappe-lons qu'on 1870,Bismarckn'eut qu'à changorquelquesmots dans uno dépêche anodine pour provoquoron

Franco uno explosiond'indignation tellementviolonto

qu'elle obligea un gouvernement paciflquoà déclarorla guerro. Cet unique mobile : uno Franco assez

armée pour so faire craindre, eût alors empochéBismarckdo risquer son aventure.

Croit-on davantago qu'un arbitrago eût empêchéles Japonais do fonder leur puissanco par uno luttoavec la Russie ou los Turcs d'ossayor do sauver lour

empiro par l'expulsion des Grecs do lour torritoiro?Il ost donc bienprobable,commonous l'avonsmon-

tré dans lo précédent chapitre, quo pondant long-temps la forcoarmée restera lo soûl soution efficacodu droit ot des ambitions transformées en droit.

Los ministres anglais eux-mêmes n'en ont proba-blement jamais douté puisqu'ils consacrent dessommes énormes à augmenter les flottes aérionno etmaritimo dorAnglotcrro.Cosontsoulcmont losautres

peuplos — la France notamment — qui suivant euxdevraient so contontor, commo arme défensivo,d'arbitrages. Protégés do cetto façon ils devraient

.désarmer I

* *

Le discours du ministro anglais auquol jo faisais

allusion plus haut contenait d'ailleurs, h côté do

conseils dangereux, des réflexions assez justes. En ;voiciquelques-unes:

ILLUSIONSSURLE PROBLÈMEDE LASÉCURITÉ 6£>

< Les partisans d'uno politique superflcicllos'imaginentqu'en mettant certaines phrases sur lo papier, ils assurerontdes obligationset pourrontdormir tranquilles. Il est insensédo s'en remettre a des apparencesdosécurité et do so reposersur lo droit des nations a l'existence, do croire qu'il seraassuré par des papierset par des pactes. Croyez-moi,jamaisun papier ni un seul traité no vous donneront la sécurité.Vousêtes les victimesd'uno étcrnelloet dangereuseillusion. »

Persuadé qUo la paix pout ôtro maintenuo unique-ment par un systèmo d'arbitrages, M. Mac Donald for-mulait los prédictions suivantes :

« Jo dis aux petites nations:Voussereztoutesécraséesdans unoprochaineconflagration,

si vous vous en remettez do votre sécurité a des apparencestrompeusesqui n'existerontquo sur lo papier. Lo seul moyend'échappera la catastrophe,c'est l'arbitrago. »

Lo même ministre nous dit, onsuito, commentfonctionnerait suivant lui lo tribunal d'arbitrago :

« La première épreuvoa fairo subir aux intéresséssera deleur demander :

—« Etes-vousprêts a accepter l'arbitrage?< Kt la deuxièmesera do leur dire :« —Kxpliquci-vous.Avez-vouspcur.do la lumièroou bien

èlcs-voustoujours les enfants des ténèbres? »

Bien quo l'ancioti chof du gouvernomont anglaisait été, commo son prédécesseur Lloyd George, un

hommo de grando piété, il doit lui êtro difflcilo docroiro quo les roprésontants des puissances prôtosà ontror on lutte puissont reculer dovant la porspec-tivo d'êlro qualifiés d' « onfanls dos ténèbres ». L'in-tervention d'uno flotte do cuirassés serait probable-mont beaucoup plus ofllcaco,


Pendant que los orateurs de Genôvo prononçaientdo philanthropiques harangues dans l'espoir d'éleverdosbarriôros dovantlos haines qui animent lospeuploset los précipitent si souvent les uns contro les autres,l'évolution industriollo du monde continuait et ton-dait à créer cette solidarité d'intérêts dont j'ai, biendos fois, montré la supériorité sur los alliancos,

Et c'est pourquoi, on dépit dos obstacles issus dos

conséquences do la dernière guorro, on ontrovoit lomoment où, malgré los incompréhensions qui los

divisent, Français et Allemands seront condamnés,

par la forco mémo doschoses, à l'association do leursintérêts. Onon voit déjà do nombreux exemples. C'est :ainsi quo los métallurgistes lorrains ayant besoin ducoko allemand, et les Allemands du minorai do fer

français, ont été conduits à s'unir.H semblerait donc quo, sous l'influenco do codestin

mystérieux qui, solvant la sagçjso antiquo, dominaitles volontésdos dioux'ot dos hommes, la Franco soit,llnalcmont, obligéo d'associer sos intérêts à coux doson héréditaire ennemie C'ostmômecottoassociation,comme l'a si bion compris,M.Briand à Locarno, quipourrait devenir uno sourco do paix prolongée.

La conférenco do Locarno no fut pas caractériséeseulement par uno association d'intérêts ontro dos

pouples, mais surtout parco quo lo grand homnio

ILLUSIONSSUnLE PRO&LÈMEDELASÉCURITÉ 71

d'Etat français qui la dirigeait sut étayer los argu-ments de la logique rationnollo d'influences mystiquessi puissantos sur l'amo dos hommes.

Co qui était notoirement irréalisable no fut pas for-

mulé a Locarno, et c'est pourquoi on y parla fort

pou dos grands projets de désarmement.

Plus d'uno fois au cours dosages, los peuples ont

YU so dressor devant les réalités lo mur do lour

incompréhension. Jamais, pout-ètre, co mur no fut si

<}paisqu'aujourd'hui.La causo do l'incompréhonsion actuelle ot do

Tanarchio qui en résulto tient surtout u co quo les

maîtres dos peuples prétendent résoudro par la iogiquorationnelle dos problèmes dérivés d'influences affec-

tives et mystiques, obéissant aux enchatnoments do

logiques spéciales quo no connaît pas la raison.

Et c'est justement pourquoi tous los argumontsrationnels invoqués a Genève on favour do la paix uni-

vorsollo ouront si pou d'action alors quo coux d'ordre

mysllquo employés a Locarno provoquèrent do si im-

portants résultats. En*,éalité, 1V.tlon utilo do la société

do Oonôvo no pourrait 6tro quo d'ordro mystiqueEllo deviendrait alors un do cos grands conciles reli-

gieux où so fondont dos croyances nouvolles capablos,conimo lo bouddhisme, lo christianisme ot l'islamisme

jadis, lo socialisme et lo communismo aujourd'hui,do so transformer on mobiles d'aclion dès qu'ellesont conquis los amos (1).

(I) C'est co qu'avait fort bien compris M.AristideHrlamllorsqu'ilrésolutdo profiterilosa Imilo situationmoralepourétablir entro la Kraiicoet l'Allemagnel'état mental<|u'o»aquallU d'esprit do Locarno.LesUlfIIcultescolossalesdoectto


C'est qu'en effet, malgré tous les progrès do la

science, los illusions mystiques ont, je le répèteoncorc, conservé le pouvoirdominateur qn'ollesexer-

ceront toujours. Sous leur magiquo influence, lo

monde a plusieurs fois changé. Elles firent surgir le

possible do l'impossible, édifièrent ou détruisirentdes empires et transformeront do grandes civili-

sations.

tâchen'avalentpaséchappéa Imminentliommod'Etat.J'eneu»a prouvedansla petitecartoIllustréeiin'llm'envoyadoLocarnoau débutdosonentreprise:

Locarno,17octobreI9M.

«MoncherbonDocteur»,t Danscomagnifiquepaysage,auxprisesavecmessoucis,J'at

souventpenséa vouset auxsarcasmesdontvousnomanquerezpas.dansunprochaindéjeuner,docriblercoquovousappellerezma cblmêrlquoentreprlsos .

'

«L'ullnledestinfavorisequelquefoislesfous.>Toutesmesamitiés.Abientôt.

• ARISTIDEHUIANB.»

LIVRE III

LES GUERRESMODERNES.LEURSCAUSESET LEURSCONSÉQUENCES.

CHAPITREPREMIER

CARACTÈRESDESTRUCTEURS DES PROCHAINES'GUERRES

Los philosophes gormanlguos soutiennent sur la

guerro dos thèses parfois assez dilTéronlcs do collesdos autros savants ouropéons. Suivant eux la forcoconstituerait l'unique sourco du droit ot l'issuo dosbataillos pourrait soulo montrer où ost co droit. Ilsassurent aussi quo los guorres détermineraient lasélection des plus capablos. Elles auraient donc uno

grande utilité pour les pays victorioux.*Los sélections produitos par los guorres pouvaient

otro avantageuses aux époques où les arméos deméllor no' comprenaient qu'uno inflmo partio de la


population ot où los victimes se comptaient par mil-

liors et non comme maintenant par millions.Los conséquonces des sélections guorriôros sont

bion différentes aujourd'hui. Los luttos modornosruinonl non .seulement lo vainqueur mais aussi lo

vaincu ; elles abaissent on outro la vigueur do la popu-lation. Los hécatombes militaires faisant périr les

plus vigouroux, il no reste pour la reproduction quoles éléments les moins forts. Cctto sélection négalivoest donc source do régression et non do progrès.

Los concoplions démocratiques nouvelles, quo lesanciens philosophes allemands ho connaissaient pas,sont l'origino principalo du caraclèro mourtrior dos

guorros modernes. Les dix millions d'hommos quocoula la derniero conflagration ouropéennofuront des

victimes dos nouvelles idéos démocratiques sur/lo

sorvlco univorsol. Pour leur obéir los petites arméesdo métier ont été remplacées»par des millions do

combattants. Los théorios démocratiques so trou-'

vèrent ainsi satlsfaitos, mais leur succès fut torri-

blomont onéreux pour l'humanité.

#* *

11n'était pas difficile, dès los débuts do la grande

guerre» do prédire les conséquences meurtrières de

l'Introduction démocratique du nombre dans les luttes

modornes.On so faisait pourtant, au commencement de la

campagne, d'étranges illusions sur sa duréo, sa naturo

et sou caractère. H semblait évident qu'elle Borait

très courte et quo, grâce aux proscriptions du tribu-

LESGUERRESMODERNES 75

nal de La Haye, les batailles se livreraient avec beau-

coup d'humanité.Contrairement à toutes ces prévisions, la guerre

fut très longue, très meurtrière et la plus barbare

peut-ôtro do toutes cellesenregistrées par l'histoire. Ilfallait vraiment l'aveuglement des philanthropes etde certains diplomates pour ne pas lo prévoir.

Plusieurs journaux reproduisirent, dans les pre-miers temps du conflit, les lignes suivantes quej'écrivais, voici plus de vingt ans, dans « ma Psycho-logie politiquo », sur les conséquences qu'entraîneraitune guerre en Europe :

< « N'oublionspis qu'elleseraunodocesluttes finalesquiamènentla disparitiondéfinitiveet totaledol'unedesnationsauxprises.«Mêléesformidablesignorantla pitiéel damles-« quellesdescontréesentièresserontméthodiquementravagées«jusqu'àcequ'ellesnerenfermentni unemaison,ni unarbre,«niun homme.»

On m'a souvent demandé sur quoi jo m'étais basé

pour formuler ces prédictions. Mes raisons étaientfort simples ot n'exigeaient aucune pénétration par-ticulière. Lesmêmes prévisionsauraient pu être faites

par le plus modeste dos diplomates considérant que,dans la nouvelle guorro, dos millions d'hommos

scratont on présenco, alors quo, dans les anciennes»chaquo pays no possédait qu'une potitoarméo impos-sible & ronouvcler. H suffisait donc jadis d'une oudoux batailles perdues pour contraindre lo vaincu a

demander la paix.Avec les armées de plusieurs millions d'hommes,

fQrcémontétendues sur un front immense, quo pou-vait signifier la perto de une, doux, trois ou dix


batailles, alors mémo qu'ollos eussont coûté chacune

cinquanto millo hommes?

Impossiblo donc do songer à uno dé ces courtes

campagnes réalisables soulomont du temps do Napo-léon. Il dovoriait alors évident quo lo vainqueur,reconnaissant, comme lo firent les Allemands, l'inu-

tilité dos victoiros, chercherait a triompher do l'adver-

sairo par dos moyens do torreur plus offleacosquo lo

gain dos batailles.C'ost justomont co qui arriva quand los armées

gormanlqucs ravageront uno dizaino dodépartementset emmenèrent on osclavago, pour la soumottro a untravail forcé, uno partie valido do la population. Ces

procédés do torrorisation étaient d'ailleurs préconisésparlosécrivainsmilitairosaïlomandslos plus influents,Bornhardi, notamment. ( '

Quanta la disparition do grands empires annon-cée dans la prédiction précédento ot quo dovaitvériflor la désagrégation do l'Autricho, c'était uno

hypothèso dont la réalisation était ronduo infiniment

probablo par la duréo do ia lutte. Si los alliés avaientété vaincus co n'est pas l'Autricho qui eut politique-ment disparu, mais la Bolglquoot plusieurs départe-ments français.

' v

** *

*

i/i,a élémonts qui m'ont sorvi jadis a prédiro locaractèro féroco do la dernière guorro, on poutdédulro quo los prochaines luttos deviendront beau-

coup plus férocosoncoro, destruction dès vlllos ot dotours habitants par dos oxplosifs lancés au moyend'avions, gaz axphyxlants, procédés bactôrlolo-

LESQUERRESMODERNES ^

giquos, etc. La population civilo souffrira certaine-ment plus do la guerre quo los arméos.

Cos perspectives no doivent pas ôlro dissimulées,mais au conlrairo proclamées bien haut afin do faire

comprondro aux pouplos l'immense intérêt qu'ils ontà s'unir pour 6ter à un agrossour évontuol toulo idéo

d'ontroprondro uno nouvello guorro. On no s'attaquopas a uno collectivité quo ses moyonsdo défonsofont

jugor invincible.

CHAPITREII

POURQUOICERTAINESQUERRESSONTINÉVITABLES

En attendant quo la Société des Nations possèdol'autorité et lo prostigo dont elle somblo oncoro

dépourvue, il est utile do dissiper les illusions quo los

pouplcs so font sur la protection quo cotto grandoassociation pourrait lotir fournir on cas d'agression.

La formulo arbitrago, désarmoment, sécurité estfort dangorouso. La nature humaine n'ayant paschangé oncoro, losonscignpmonts do l'histoire restent

toujours npplicablos. Ils montrent co quo dovionnontles pouplos désarmés ou Insuffisamment armés.

Doux raisons catégoriques s'opposeront longtompsa uno paix durable.

La'promièro ost quo certaines guorros sont inévi-tables ; la seconde que si la plupart des guorros sontaussi ruincusos pour lo vainquourquo pour lovaincu,il on ost cependant dont lo vainqueur rcttro dos

avantages très supérieurs a coùx qu'auraient procuréla paix,


Considérons d'abord les guorros inévitables.

Uno guerre ost forûémont inévitable lorsqu'unpeuple est attaqué par un autre, toile la guerre franco*

allomando, telles encoro los luttes soutenues par laFranco on Syrie ot au Maroc, telles également autre-fois la guorro ontro lo Japon ot la Russio et do nos.

jours celle do la Turquio conlro la Grôco.

L'oxemplo du conflit gréco-turc montre qu'une.guerre peut ôtro a la fois inévitable et très, avanta-

geuse pour lo vainquour.On connaît los originos do cotte guerro. La lutte

mondialo avrill colossalomont accru l'Empiro britan-

nique La Mésopotamie, la Palestine, PAfriquo allo-

mando, otc, étaient tombéos sous ses lois. Sa domi-nation on Orient, commo aussi on Europe, s'étondait

chaquojour.Pour compléter ces conquôtos, il importait d'y

adjoindro Conslantinoplo, clofdo l'Asio. C'est alors

qu'eût semblé vérifiée l'assertion do M. Lloyd Oeorgo,quo « la Providence a donné & la raco anglaise lamission do civiliser uno partio do l'univers ».

Pour réaliser co dessein do la Providence, il norestait plus qu'à rofoulor les Turcs hors d'Europo etû falro occuper Constanllnoplo par un pouplo quo safaiblosso eût maintonu facitoment sous la main do

l'Angleterre La Grèco fut chargéo do cclto mission.Afin d'échappor a lotir sort, los Turcs envoyèrent

une sérlo do délégués a Londros. Lo mlnlstro quidovait plus tard subir pondant trois mois a Lausannoleurs ironiquos propos, no consentit même pas à los

recovoir.Jamais pouplo no so vit aussi près dosa fin, Los


Grecs, soutenus par los canons ot l'or britanniques,occupaient Smyrno ot uno partie do la Turquie, onattendant l'houro do marcher 3ur Constantinople.

Réfugiés dans los régions montagneuses voisines

d'Angora, les musulmans semblaient dans uno situa-tion désespérée.

Ello nu l'était pas, pourtant. Lo talont d'un

général la transforma complètement. Avco unoarméo bien inférioure on munitions et on hommes acelle do l'adversaire, il marcha sur Smyrno, mit los

Grecs en complôto dérouto ot los expulsa jusqu'audornior du torritoiro ottoman.

Pou do victoires ouront d'aussi prodigieuses consé-

quences,, Co n'était pas, on réalité, les Grecs, maisbion l'Anglotorro et aussi un pou l'Europo qui, aux

youx dos musulmans, dovenalont les vaincus.Sachant très bion qu'aucun :p;.ys n'onverrait'do

troupes conlro la Turquio, les délégués d'Angoravonus a Lausanno signer la paix parlèrent on

vainquours ot il fallut céder a lours plus invraisem-blables exigences : évacuation complèto do Constan*

tlnoplo par los Anglais, abandon dos capitulations,etc., tout fut accopté.

Los discussions do Lausanno ouront un rotontisso-mont considérable dans lo mondo do l'Islam. L'ancien

chef du gouvernomont anglais, M.LloydGeorgo,écri-vait avec raison t

« Cetlopaixestlaplushumlliantoquol'Anglotorroaitjamais•Ignéo.LoiTurcsont regagnépresquetout coquoloi Britan-niqueslotiravaientcnlovéenquatrolonguesannéesdoguerro.C'estunotaclioindélébilesur la politlquoétrangèrodu gou-vernement,i


Les journaux italiens exprimèrent la môme opinionsur la paix do Lausanno. L'Jdea Nationale disait :

«Touteslespuissancesoccidentalesontplusoumoinscapi-tulédevantla Turquie.

L'Europe—ou plusexactementl'Angleterre,représentantl'Europoet l'Occident—avaitcommisl'erreurgrossièred'ac-cepterla catastrophegrecquecommesa propredéfaite.Elleaeffacésa grandovictoiremondialodevant la petite victoirelocalodesTurcs;elles'est laissédicter par les kémalistcsle« pactonational>d'Angora;ello est passéedirectementdel'exagérationmanifestedu traité do Sèvres,qui reléguaitlaTurquiedansles montagnesd'Anatolle,&l'humiliationmani-festodu traité doLausanno.».

La victoire qui détormina cotto brusquo déviationde la marcho du dostin sera souvent invoquéo contro

l'opinion dos économistes, soutenant quo los guorrossont a notro époquo inutiles, puisqu'elles ruinent lo

vainquour autant quo lo vaincu.Il on ost souvent ainsi, mais pas toujours. Où en

soralont aujourd'hui los Turcs sans la vlctoiro do

Smyrno? Et si lo Japon, petit peuplo fort dédaigné de

PEuropo il y a bion pou d'annéos oncoro, traite au-

jourd'hui d'égal à égal avec los plus grandos puis-sances, n'ost-co pas simplomont parco qu'il anéantiton quolquo3 heures la flolto russo à Toutshima et

força lo plus vasto empire du monde a signer unohumilianto paix ?

Dans les tomps modornos commo dans les tompsantiques, la victoiro reste lo thormomètro décisif dola forco d'un pouple.

Parmi los guerres inévitables ou a pou près inévi-

tables» on, pourrait fairo figurer aussi la dernière


guerre. Elle représente l'effort accompli par Jl'Allo-magno pour la conquêtedo l'hégémonioquo lui dis-

putait l'Anglotorro.Cortainshommesd'Etat anglais ont complètement

oubliél'originovéritablodo cottolutte lorsqu'ilsassu-rent quol'Anglolcrroentra dans loconflituniquement

pour vonir au secoursdo la Franco et lui reprochentson ingratitudo.

M.LloydGeorgetraduisait netlomontl'opinion an-

glaise sur co point quand il disait :

«OuenseraitlaFrancosilaGrande-Bretagnen'avaitpasfaittantdo sacrificesenhommeset enargent?Elioseraitdansl'étaloùse trouveactuellementl'Allemagne.»

L'auteur do cotto assortion pout-ilvraiment croiro

quo si la Francoavait été écrasée,.l'Allomagnono sefût pas tournéo immédiatement contro l'Anglqtorro,concurrentobeaucoupplus dangereusopour elle quela Franco?

Lossontimontsréelsdo^'Allomagneàl'égarddel'An-

gletorro sont fort bien marqués dans les réflexionssuivantes do l'emperourGuillaumoII :

«J'avaisrêvéunoréconciliationaveclaFranco.J'auraisvouluformeravecelle,dansl'intérêtgénéral,un bloccontinentalassezfortpourmettrounfroinauxambitionsdol'Angleterre,quicherchoa confisquerlomondea sonprofit.»

M»LloydGcorgosait parfaitement qu'au momentdo la guerre, dos hommosd'Etat influents,dont il futlo plus actif, voulaientquo l'Anglotorrorestât noutro,Elle n'eût sûroment pas pris part au conflitsi l'arméoallemande n'avait envahi la Bolglquoblmonacédirec-

tement les intérêts anglais onsodirigeant sur Anvers.


Co mémo ministro, ot beaucoup do ses compa-triotes, somblont persuadés quo c'est l'Anglotorro quivint au secours do la Franco. Lorsquo, dans unnombro d'années indéterminé oncoro, il sera possible-d'étudior avec impartialité les originos do la grandeguerro, los historions reconnaîtront, sans <aucun

doute, qu'en dépit dos apparencos, co fut, tout au

contrairo, la Franco qui vint au secours do l'Angle-terre. On

1,considérera alors la conflagration euro-

péenne commo uno lutto pour l'hégémonie ontro l'Al-

lemagne ot l'Anglotorro. Si la Franco, la Bolgiquo etd'autres pays y furent mêlés, co fut simplement parcoqu'ils so trouveront sur lo chomin dos doux grandsrivaux qui aspiraiont a la domination commerciale*du monde.

A oxamiuor soulomont los résultats do la guerre,il n'est pas douteux quo c'est grAco a la Franco quel'Anglotorro triompha d'un rivai dont ollo sontaitgran-dir la monaco puissante. GrAcooncoro à la Franco, ollohérita do l'hégémonio allomando et réussit a so cons-tituer un ompiro tollomont immonso quo, suivant la

déclaration mémo do lord Curzon au Parlcmont, il

dépasse tout co que l'Anglotorro pouvait rôvor. •

A la listo dos guorros prosquo inévitables, il faut

ajoutor la futuro lutto ontro lo Japon et les Etats-

Unis, conséquonco du rofus do l'Amériquo d'acceptersur son sol l'oxcédont do population que lo Japon no-

pourra bientôt plus nourrir. Nous aurons l'occasion

d'y rovonlr on étudiant los conséquences d'un dévo-

loppomont trop rapldo de la population.

CHAPITREIII

LESQUERRESRÉSULTANTD'UNEXCEDENTDEPOPULATION

11n'oxlsto pas do pouploplus convaincudo la puis-sance dos lois quo lesLatins. Hon oxistopou qui los

rospectentmoins.C'estjustomont parco qu'ils sontpersuadés du pou-

voir dos lois quo los Latins onaccumulent sans/cosseet c'est parco quo l'expérience leur montro l'impuis-sancedoslois, qu'ils no los respectent pas longtemps.

Loslois reconnues inefficacesso trouvent bientôt

remplacées par d'autros, chargées dos mêmes ospé-rancos, et nos parlements resteront dos machines à

légiférerjusqu'au jour où on découvrira quo los loisutiles naissont dos nécessités ot des coulumos, maisno los précèdent pas.

Si los lois n'ont qu'un pouvoir constructour bionfaibleet domourontincapablesdo refairo los sociétés— contrairement aux convictionsdo certains partis

politiques,—elles peuventexercerunoactiondestruc-

trice très grande C'est ainsi, par exemple, quo la lot

do huit hourcs dans la marino rondait nolro com-morcooxtériour do plus en plus Impuissant a lutter I

f


contro la concurrence étrangère, ot l'eût flnalomontanéanti si cotto loi n'avait été abrogée. C'ost ainsi

également quo les décrets sur los loyers ont paralyséla construction d'habitations nouvelles ot rondu plusaiguë, uno criso a laquollo cos décrois prétondaientremédier. C'est ainsi oncoro quo los lois proposéespar los socialistes contro lo capital, la propriété ot

ï'induslrio, ont déterminé rapidement la fuilo dos

capitaux a l'étranger, provoqué uno baisso considé-rable do la valeur du franc ot, par voio do consé-

quence, un nouvolaccroissoment du prix do la vio.

*M*

Lo problèmo do la natalité, qui passionno aujour-d'hui tant d'esprits on Franco, va nous fournir unnouvel exomplo dos illusions sur la puissance attri-buée aux lois.

Chacun sait quo lo chiffre do la population fran-

çaiso rosto à pou près stationnairo. On formerait uno

blbltothèquo avec la collection dos discours, con-férences et règlements destinés a augmontor cochiffre.

Los propositions des reformatons so ramènent lo

plus souvent a établir des impôts sur los célibataires au

profit dos famillos nombreuses. Uno dos plus typiquesdo cos suggestions ost celle do l'académicien Emilo

Picard quo ses méditations prolongées conduisirent a

proposer un impôt spécial aux dépens dos individus

n'ayant pas trois enfants ot au profit dos familles quilos possèdent.

Le simpllsmo déconcertant do telles conceptions


prouvoà quel point lo problème do la natalité reste

incompris.

Étant données les causes protondes dos variationsdo la natalité, on pout considérer commocertain quelos lois ot discours formulés depuis vingt-cinq ans

n'ont accru nulle part lochiffre do la population.11faut so féliciter do cet insuccès. En étudiant la

question do plus près, les économistes ont fini pardécouvrir quo la plupart des pays do l'Europo pré-sentaient des excédents do population. Un des plussavants,d'ontro eux, M,Koynos,a très justement fait

observer :

« Qu'avantla guerre,l'Europeétait déjàbeaucouptroppeu*,pléoet se procuraitdoplusen plusdifficilementles moyensdesubsistance,et oncorogrâceaux ressourcesdo moinsenmoinsabondantesdu nouveaumonde.Aujourd'hui,la capa-citédoproductiondespeuplesestsi réduitequ'onpeutaffir-mer quol'Europepossèdoun excédentd'habitantsqu'ellenopourrabientôtplusnourrir.»

Plusieurs pouplos ouropéons sont déjà fort gênéspar leur surcroît do population. L'Anglotorroa quinzecont millo chômours; l'Allemagne, un million septcent millo; l'italio, dont la population augmento de

plus d'un demi-million par an, no saura bientôt,commo l'a fait observer M. Mussolini, où dévorscrl'excédent do sos habitants.

La difficultésera d'autant plus grande quo lospaysétrangers so forment chaquo jour .davantage. Les

Etats-Unisont déjà réduit a quatro mille cinq cents

par an lo chiffre des émigrés dont ils toléreront l'on-


iréo. Les républiques do l'Amérique du Sud so coali-

sent aussi, maintenant, pour ompocher l'immigration.Plusieurs nations considéreraient volontiers qu'un

excédent do population leur constituerait un droit

a s'emparer dos colonios pour y verser cet oxcédont.Lo journal anglais Observer du ït décombro 1926 a

fait a co propos los très justes réflexions suivantes :

< Aucunpays n'est fondé,du simple fait d'une natalité trèsforto,a s'emparerdo territoires appartenanta autrui. Dupointdu vue philosophique,la thèse qu'il convient do limiter unonatalité trop fortoost tout aussi valableque collequi soutient•quoles annexions forcéessont justifiablesdans lo cas d'unerace qui so plaît a produire un excédent biologique. Nousvivons a uuo époquo011lo nombreseul compte do moins enmoins. »

Lajustosso do cotto dornièro réflexion sur lo rôlo

modorno du uombro resto assez contestable. Il ost

possible quo lo nombro devrait compter do moins on

moins mais, on réalité, il compto souvent do plus on

plus»

** *

Los Asiatiques sont également victimes d'une tropintense natalité. Lo Japon, qui contenait trente-troismillions d'habitants il y a un demi-siècle, on possèdo

aujourd'hui soixanto millions et no sachant littérale-

ment où placer cot oxcédont, voudrait forcer los

Etats-Unis, qui s'y rofusent, à l'accepter.Tous les pouplos orientaux, dont aucuno considéra-

tion n'a modéré Ht fécondité, so multiplient avec la

mémo offrayantb rapidité. L'indo ost surpeuplée ot lo

sorait beaucoup plus oncoro si dos famines qui font


périr plusieurs millions d'hommes, commola célèbre

famino d'Orissa, no ramonaiont fréquemment la

population A un chiffro en rapport avec ses moyensdo subsistance.

La llussie a subi un accroissement analoguo : do

soixante-cin([ millions d'habitants en IS.'iO,ollo est

passée aujourd'hui n cont soixante-dix millions. Or,

d'après les leçons do l'Histoire, dès qu'une populationdépasso ses possibilités d'oxistenco il lui faut émi-

grer ou envahir militairement ses voisins. Co sontdo tdlos émigrations qui détruisirent en Gaulo la civi-lisation romaine.

L'observation et lo raisonnoment démontrent faci-lement quo les législateurs sont impuissants Amodi-fier par des décrets les nécessités économiques et

psychologiques qui déterminent lo mouvement d'une

population. Tout co qu'on peut obtenir, c'est d'arri-

ver, par des mesures hygiéniques convenables, Aréduire la mortalité, commo y a réussi l'Allemagne.La mortalité infantile est en effet moitié plus fortoon Franco que dans les pays germaniques.

L'Histoire fournit plusieurs exemples do l'im-

puissance des lois sur lo mouvement do la popu-lation. Lo plus frappant est celui de l'empereurAuguste, qui, dovenu maître du monde, s'imaginafctroassez fort pour remédier par des mesuros dra-coniennes Ala diminution do la population romaine.Elle avait été fortement réduite à la suito des héca-tombes ongendrées par los guorres sociales qui


amonèrcnt la destruction de la république et son

remplacement par des dictateurs couronnés.

C'est en réalité sur des amoncellements do cadavres

que s'était édifié l'empire. Les socialistes de l'époquo,dont los doctrines no différaient guère do celles des

socialistes modernes, n'étaient pas plus tendres quoces derniers. Cinquanto ans doluttes intestines avaient

considérablement réduit la population romaino. A

lui seul, Sylla avait fait massacrer plus do vingt-cinqmillo citoyens. Marius, chef du parti populaire, avaitfait égorger par milliers les plus éminents citoyensdo Itomo, deux cents sénateurs et trois millo chova-

licrs.

Comprenant très bien los dangers do la dépopula-tion, Auguste essaya d'accroître lonombre «lescitoyens

par d'impératifs décrets. La loi Julia, par exemple,frappait do peines sévères les célibataires et récom-

pensait d'avantages divers le mariage et la paternité.Les résultats obtenus furent nuls. Home continua*

a rosier dépoupléo do Romains et peuplée d'étrangers.Co fut une des causes principales do sa décadence.

La tendance fondamentale do la nature est do faironaître infiniment plus d'êtres qu'elle n'en peutnourrir. Cette fécondité, qui joua un rôle prépondé-rant dans l'évolution des êtres aux époques géolo-giques, a exercé une action aussi importante dansl'histoire des peuples.

Devenus' trop nombreux pour trouver sur leur soldes moyens de subsistance, ils vont les chercher au

!)0 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

dehors. L'histoiro do divers pays ost surtout celledes invasions qu'ils ont entreprises ou subies.

Quand ces invasions so multiplient, les pcuplosenvahis no résistent pas longtemps. Malgré touto sa

force, la civilisation romaino périt sous un Ilotd'envahisseurs no possédant quo des rudiments doculture. Les Habylonions et les Assyriens avait déjàconnu un pareil sort.

La fécondité d'un peuple est donc redoutable pourses voisins. I/Allcmagnc n'était pas trop peupléeencore, au moment do la guerre, mais elle allaitbientôt l'être. Cetto surpopulation prochaino était

invoquée par ses écrivains pour conseiller l'envahis-sement «les nations voisines. Mais lous les peuplesmenacés par l'Allemagno s'unirent pour opposer lonombre au nombre. 11on sera sans doute do mémodans l'avenir, et c'est pourquoi l'Allemagne hésitera

probablement longtemps avant d'entroprendro unonouvelle invasion.

L'insuccès des lois d'Auguste et de ses imitateursmodernes tient à co principe fondamental, ignoréévidemment des réformateurs, quo le mouvement dola population résulte do nécessités supérieures aux

volontés dos législateurs.D'une façon générale, on peut dire quo les nais-

sances diminuent quand l'enfant devient, commo

dans la bourgeoisio actuelle, trop coûteux à élever.Les naissances so multiplient chez les paysans, où

l'eufant constitue au contraire uno utilité. Chez les


ouvriers, la natalité diminuo on mémo temps quo la

nuptialité augmonlo, parce quo la femmo est pro-ductive, et quo l'enfant apparaît souvent comino unaccident gênant et dispendieux.

En dehors dos causes particulières qui font varierla natalité dans les diverses classes sociales, on peutdiro quo la situation économique présento du mondeaura bientôt pour résultat une limitation certainedo la population. La surproduction est générale, ot

générale aussi son inévitablo conséquence, lo chô-

mageOn sait quo l'Angleterre so procure au dehors, grAco

à ses marchandises, la presque totalité de son ali-mentation. Ne trouvant plus «lepuis la guerre unnombre suffisant d'acheteurs elle limite ses fabrica-tions ot subit un lourd chômage.

Avant que la Grande-Bretagne revienno à sonancienne richesse sa population devra diminuer nota-blement.

Dans l'évolution actuelle du monde, les pays dontle sol no pourra pas nourrir ses labilants devien-dront fatalement los moins prospères.

Cctto destinée no menace pas la France, puisqueson sol produit la presque totalité do ses moyens dosubsistance et los produirait entièrement si l'on fai-sait subir à l'agriculture des perfectionnements ana-

logues à ceux qu'a réalisés l'Allemagne.


La destinéo des peuples dont la multiplication est

trop rapide so trouvo chargéo do périls.Dans un travail récent, l'amiral Hodger, ancien

commandant do l'escadre asiatiquo des Etats-Unis,déclarait quo, « lorsque la population américaineatteindrait doux cents millions, lo pays serait forcédo so livrer A dos guerres agressives pour donnerdos territoires nouveaux à ses habitants ». C'est làuno application de la vieille loi do Malthus, dont la

justesse, bien quo souvent contestéo, fut toujoursvérifiée par l'Histoire.

Commoconclusion do co qui précède, nou; pouvonsdire que malgré los lamentations dos philanthropes,la Franco n'a pas A regretter do voir sa populationrester stationnaire. Elle possède un nombre presquesuffisant d'habitants; il no lui en faudrait qu'un peuplus pour éviter l'invasion d'ouvriers étrangers.

Voici plus do vingt-cinq ans que j'ai soutenu cesthèses. Elles paraissaient paradoxales alors, maisles événements on ont montré l'exactitude. -

Plusieurs économistes ont fini par arriver auxmêmes conclusions. Je me crois donc fondé Arépéteravec l'un d'eux :

«Detouslespérilsquimenacentl'humanitécivilisée,celuidelasurpopulationest le plusnet, le plussur'et nonle plusloin-tain; si bienquetoutela questioninternationale,les guerrespossiblesdo l'aveniret ledésarmementtant rêveen dépendentdirectement.»

CI1APITHEIV

LESCONFLITSAVECL'ISLAM

Les conflits «lol'Europe avec l'Islam ont déjà jouéun rôlo considérable dans l'histoire. Les Musulmansdominèrent longtemps l'Espagne, lo nord «lel'Afrique,l'Egypte, la Perso et uno partie «lel'Inde. Pour luttercontro leur puissance, le monde européen entrepritplusieurs croisades.

Aujourd'hui lo pouvoir politique de l'Islam so réduità quelques îlots tels que la Turquie et le Maroc, maisson influence sur les Ames s'étend jusqu'aux confinsde la Chine.

On sait le rôlo néfaste joué par la Turquie dans la

dernière guerro et on sait aussi quo l'insurrection du

Maroc a coûté bien des millions à la Franco et à

l'Espagne.Pour réduire un des chefs do la révolte, Abd-el-

Krim, il fallut une importanto armée commandée parun illustre maréchal.

Le chef mulsuman a été capturé, mais la pacifica-tion complète du Maroc oxigora beaucoup de tempsencore.

Les idées d'Abd-ol-Krim sont connues puisqu'il les


a exposées dans plusieurs interviews, notamment

dans colle reproduito par lojournal italien /j'f Popolo.Il attribue Acetfo guerro uno origino rcligiouso et

assuro «jiio les Espagnols l'avaient enlrepriso pourexécuter uno parlio du testament, vieux «locinq conts

ans, d'Isabelle la Calholiquo, rclativo Ala nécessité

do détruiro l'Islamisme.

Avec los indications publiées dans diverses inter-views et la connaissance do la montalilé musulmano,on peut déterminer les pensées d'Abd-ol-Krim. En

voici uno approximative esquisso :

«Masituationestglorieuse; j'ai détruit,ily apeud'années,«ne arméeespagnolede centmillehommes,pris son maté-riel et obligélo roi d'Espagneà me payerune rançondoquatre millionsdo pesetaspour racheter ses prisonniers.Finalement,l'Espagneavaitrenoncéà l'occupationduMaroc.

a JemesuisalorstournécontrelesFrançais,espérantquoj'en triompheraisaussi facilementque des espagnols.LaFrancem'a vaincumais n'y a réussiqu'enenv-yantcontromoiunegrandearméecommandéepar le plushabilede sesruaréchaux.

<L'ennemiù montréà quelpointil meredoutait,puisquesongouvernementfaillitêtre renverséà la suited'un refusdevantle parlementdem'envoyerdesémissairessolliciterlapaix.

< Si je suis devenuun personnagedont les actesétaientenregistréspar touslesjournauxde l'univers,c'estparcequeje représentaisla puissancemusulmane,trèsredoutéedepuisqu'àSmyrneun autregénéralmusulmanvainquitunearméegrecqueappuyéepar legouvernementbritannique.

« Donc,je représentel'Islam,qui est aujourd'huipresquo«ans chef, puisquele commandeurdes croyantsa été simaladroitementexpulsédeConstanlinople.

«Nesuis-jcpasaussi,en réalité,un«leshéritiersdu grandempiremusulmanqui s'étendaitjadisde l'Espagneà l'Inde?Mesancêtresont occupéla plus grandepartie du territoireespagnolpendantplusieurssiècleset l'ont civilisée,ainsid'ailleurs quo le reste de l'Europe.N'est-cepas dans leggrandesuniversitésmusulmanesdo l'Espagnequo tous les

LKSGUEMtKSMODERNES 95

étudiants d'une Europe, alors demi-barbare,venaient s'ins-truire et chercherdans nos livres la connaissancedo la civi-lisationgréco-romainedont nousétions alors, avec ltyzanco,les seuls représentants?

« Sans doute, ces temps sont passés; mais lo drapeaude lafoi islamique,abandonnépar les vainqueursdo Smyrne, quioublient qu'un peuple no rcnonco pas impunémentA sesdieux, doit «Mroarboré par quelqu'un. Les doux cent cin-quante millions«leMusulmansdispersésdans lo monde ontbesoind'un chef spirituel. Pourquoine serais-jepas ce chef?Je suis prisonniermais ma destinéon'est peut-être pas ter-minéeencore.»

Loconflit marocain acquiert uno grande importancequand on le rapproche des événements récents dontfa Turquie musulmane a été et est encore le siège.

Le canon no constitue pas uniquement, commo onlo dit quelquefois, l'ultima ratio région, mais aussi ladernière raison dos idéalsqui cherchent Atriompher.

L'Orient musulman traverse aujourd'hui une doces rares époques où les peuples renoncent aux dieux

qu'ils adoraient pour on choisir d'autres.On connaît l'influence colossale jouéo par l'Isla-

misme dans los annales du monde. Il sut donner àdos nomades ignorés «lo l'histoire une communauté

d'idées, do sentiments et de pensées qui leur permit,en quelques années, do conquérir une partie do l'Em-

pire romain et de fonder un royaume étendu de l'Es-

pagne aux rives dit Gange.A fa suito d'événements divers qui amenèrent,

beaucoup plus tard, la conquête do Constantinoplopar los Turcs, cette grando villo était devenue lecentro do l'Islam. La parolo sainto du commandeur

5

9(i I.'ÊVOI.UTIONACTLKLLKnu MONDK

•les croyants restait révérée <ltiMarocjusqu'à l'IndeL'Islamisme continuait ainsi a unir la penséo de

races los plus diverses, (l'est au nom do cette puis-sante foi que les cinquante millions do Musulmansdo l'Inde formaient un bloc si dangereux pour l'An-

gletorro, et au nom de la foimusulmano encore qu'unch >fmarocain put lancer ses tribus contre les chré-tiens considérés comme ennemis do leur croyance.

Or voici que les héritiers du vieil empire ottoman

renoncent, en Turquie, aux forces religieuses quiunissaient leurs âmes et prétendent lui substituer un

nationalisme étranger à toute religion, ne tenant

compte que des intérêts de chaque peuple.

Après avoir chassé le chef suprême des croyants de

Constantinoplo, les fondateurs do la nouvelle répu-blique turque, établio à Angora, croient pouvoirrem-

placer l'ancien idéal musulman par dos principesdémocratiques européens. Uno politique exclusive-

ment localisée à la Turquie entraîna l'abandon de

toute solidarité religieuse et c'est pourquoi, pendantles différends de l'Egypte avec l'Angleterre, le Parle-

ment turc renonça à la fraternité musulmane.

Les républicains d'Angora ont-ils raison do croire

la politique fondée sur le nationalisme plus forte quecelle établie sur le panislamismo religieux ? L'expé-rience seule pourra répondre.

"

Kn changeant d'idéal, c'est-à-dire en substituant

l'idée d'une patrie locale, baséo sur la communauté

de race, à l'idée d'une patrie générale basée sur la

communauté do croyance, lesTurcs sont évidemment

entrés dans une voie nouvelle. L'Europe civilisée y

gagnera sûrement, mais il est douteux que les pays

LESGUKUUESMODEÙNES 97

orientaux y gagnent quolquo choso, puisque si les

principes d'Angora s'étendaient a tout le mondo isla-

miquo chaque contréo musulmano se trouveraitréduite- a ollc-mème.

La révolte du Maroc no s'est prolongéo qu'on raisondo la protection quo lui accordèrent les socialistes.

Si on les avait écoutés, la Tunisie-ot l'Algérie eussent

été biontôt menacées d'une guerro d'invasion destinéeà l'oxpulsion des chrétiens. Le fait quo los socia-

listes n'aient pas perçu do telles évidencos montro

une fois encore à quel point les idées los plus claires

peuvent devenir inaccessibles aux osprits hypnotiséspar une croyance.

Quoi qu'il en soit de son évolution sur un pointencore très localisé du mondo musulman, l'Islam

constitue toujours une grande force et il on coûterait

cher aux Européens de la méconnaître C'est pourl'avoir ignorée qu'un ministro anglais lit perdre à

l'Angleterre l'espoir de posséder déjînitiveinent Cons-

tantinoplo en lançant les Grecs contre la Turquie.

* * _

?Bien que fort supérieurs aux Russes et à la plupart

des populations balkaniques, los Musulmans en géné-

ral, coux do Turquie en particulier, sont considérés

par beaucoup d'écrivains, un peu trop ignorants do /

la politique et de l'histoire, commodes peuples demi- .

barbares dépourvus do culture. Leur opiniort^çst^;

K8 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

assez bien résumée dans une publication : Kludc

f'ïanco-(irecque,dont voiciun passago :

«Quoiqu'onen puissedire,l'Islama<5tôcl seratoujoursungranddestructeur;il n'admetd'autresciencequola connais-fiancéduCoranlliutal,inloii'rant,il est l'undesplusgrandsllûauxquijamaissesoientahattussur lemonde.»

Evidemment, l'auteur do pareilles diatribes n'a

jamais vu un {\o m̂erveilleuxmonumentsmusulmansdo l'Espagne, de l'Egypte et do l'Inde. Il ignore lo

rôle prépondérant joué par les universités musul-

manes dans la civilisation européenne.C'est pourtant avec do telles ignorancesquo s'écri-

vent les livres servant do guides aux politiciens mo-dernes. Le chef du gouvernement anglais n'en con-naissait probablement pas d'autres quand il songeaità expulser les Musulmansdo l'Europe.

Sans doute, les Turcs ont successivementperdu -

le plus souvent au prolit de l'Anglelcrro — les plusimportants fragments de leur empire : Bulgarie,Syrie, Mésopotamie,Palestine, Egypte,Chypre,Malte,etc., mais ils paraissent décidés, aujourd'hui, à ensauver le reste.

Le gouvernement bolcheviste, qui avait tentéd'étendre sa propagande en Turquie, n'y a obtenuaucun succès. Ses visées sur les détroits et Constan-

tinople, conformes aux anciennes prétentions des

tzars, inspirent naturellement aux Turcs une pro-fonde méfiance.

La Franco pourrait en profiter pour renouer sesanciennes rolations avec la Turquie,,mais l'influencedes socialistesentrave toute sa politique extérieure.

CIIAPITltE V

LES MENACESDE CONFLITS ASIATIQUES

Pendant que se multiplient en Europe congrès et

conférences destinés à rendre la paix moins pré-

Caire, des dangors plus graves, peut-être, que les

menaces do guerres européennes, grandissent en

Orient.Notre petite planète est habitée, on le sait, par

1100 millions d'hommes, sur lesquels TiOOmillions

de blancs exploitent plus ou moins à leur profit,

depuis des siècles, 1200 millions d'hommes do cou-

leur : nègres, jaunes, etc., considérés comme des

races inférieures.

Aujourd'hui, ces populations, si longtemps clemi-

asservies, prétendent repousser leurs anciens maîtres.

L'indo et d'autres colonies réclament l'indépendance.

L'Egypte, qui tient la route do l'Inde par le canal do

Suez, la réclame également. La Chine ne veut plussubir l'influence étrangère.

L'hégémonio de l'Europe sur l'Orient se trouve


d'autant [dus êbranléo quo la solidarité ouropéonno

qui maintenait cotte hégémonie s'est désagrégéeL'Asiesait les Etats européens profondément divisés

et incapablos d'union. Ello n'ignore pas quo les

blancs no pourraient plus, commo à l'époque do la

révoltedos Boxers, envoyer une expédition interna-

tionale on Chine.

La défailo écrasauto infligée par les Japonais aux

Busses a d'ailleurs montré aux Asiatiques quo l'Eu-

rope n'était plus invincible.

En Orient commoen Occident,certains mots pos-sèdent un magique empire. Des formules telles quo :

« L'Inde aux Hindous, l'Afriqueaux Africains», sou-

lèvent les Ames,bien quo no correspondant à aucuno

possibilité.Quedeviendrait, par exemple,l'Inde, sans

la domination anglaise? Ce qu'elle était h l'époquedo la puissance mogolo: une collectiondo royaumes

profondément séparés par la race, la religion, la

langue, sans industrie, sans commerceet constam-

ment on guerre. On connaît également le sort misé-

rable des républiques nègres : Haïti, Libéria, etc.,

quo les hasards des guerres coloniales,avaient fait

naître.Les illusions sur le pouvoir transformateur des

institutions européennes quo les Orientaux rêvent

d'adopter, menacent également, nous l'avons vu, do

désorganiser la Turquie, et les pays soumis à la loidu prophète.

Les soixante millions do musulmans qui préten-tend ravir aux Anglais la domination de l'Indo

deviendront peu dangereux le jour où ils auront

perdu leur foi. Lo bloc encore unifié par la com-

LESGUEIUIESMODERNES 101

munauté do croyances no serait bientôt plus qu'unopoussièro d'hommes.

Les Orfontaux sont, d'ailleurs, bien excusables docommoltro des erreurs dont tant d'Européens sontvictimos quand ils oublient quo les phases politiques,commo les phases biologiques, no peuvent êtro fran-chies que par étapes successives.

Cette évolution, ou plutôt cclto révolution do

l'Orient, a surtout inquiété l'Angleterre, qui espéraitconserver l'hégémonio commerciale du monde défi-nitivement co.nquiso par la dernière guerre.

On sait que la Grande-Bretagne, pays surtout

industriel, est obligée do so procurer au dehors les

produits nécessaires à son alimentation, alors quo laFrance, pays agricole, pourrait, à la rigueur, vivre

des produits do son sol. 11 est donc naturel quo les

quostions coloniales, un peu négligées- en France,

jouent un rèle capital en Angleterre.Sans doute, les colonie» anglaises constituent pour

elle, commo le disait Disraeli, un moyen de s'enri-

chir, mais elles sont d'abord un moyen do vivre.Isolés du reste do l'univers, les Anglais périraientbientôt do famine dans leur île.

Dans une intéressante conférence, M. Albert Sar-

raut, ancion ministre des Colonies, envisage commofort menaçante uno guorro quo pourraient faire, sans


trop do difficultés, les peuples de l'Orient à ceux de

l'Occident.Les Utiles guerriôros dont l'Asie scmblo menacer

l'Euro^', et qui ont vivement frappé cet hommo

d'Etat, no sont pas les plus redoutables. Les luttes

économiques seraient pout-ètro plus meurtrières.Ce côté essentiel do la question no paraissant pas

avoir attiré l'attention do M. Sarraut, je vais résu-mer quelques-unes des pages quo j'écrivis, jadis, à,

co sujet, dans mon livre sur l'Indo, publié à la suito

d'une mission en Asie dont m'avait chargé le gouver-nement français.

Les luttes militaires.font périr en bloc un grandnombre d'hommes, mais les luttes économiquescommo celles qui so préparent entre l'Orient et

l'Occident, pour être plus pacifiques en apparence,n'accumuleraient pas moins do ruines.

Par suite do l'évolution industrielle qui transforme

aujourd'hui le monde, l'Orient tend à devenir l'en-vahisseur commercial de l'Occident, au lieu d'être,commo jadis, envahi par lui.

Invasions d'autant plus redoutables qu'elles n'amè-neraient avec elles ni hommes, ni canons, c'ost-à-dirorien de co qu'on puisse vaincre, mais seulement dosforces que l'on no peut pas vaincre.

Dans la phase acluello du monde, les armes avec

lesquelles combattaient autrefois los peuples ten-dent do plus en plus à so transformer. Ils lutteront

probablement beaucoup plus, désormais, avec leurs

produits industriels et agricoles qu'avec leurs canons.Dans uno tollo lutto, l'avantago cesse do plus on

plus d'appartonir à l'Occident. Lo rapprochement dos


doux mondes sous l'influenco do la vapeur et de

l'électricité aura bientôt pour conséquence une éga-lisation générale de la valeur des produits industrielset agricoles, et, par conséquent, des salaires à la sur-face du globe.

Naturellement, le taux moyen de ces salaires sera

déterminé par celui do la journée do travail dontso contentent les peuples ayant lo moins do be-soins et pouvant, par suite, produiro à moillcurmarché.

Dans uno telle concurrence, les Orientaux, quiforment la majorité du mondo et qui sont en mémo

temps les plus sobres de tous los peuples, deviendrontfatalement les régulateurs des salaires. Ces salaires

s'élèveront probablement un peu, mais ceux des

Européens devront s'abaisser considérablement.Nos descendants se trouveront en face d'uno lourde

tacho s'ils veulent demeurer quelque temps encore à

l'avant-garde do l'humanité et no pas sombrer tropvite dans l'abimo éternel où les lois do l'évolution

conduisent fatalement les hommes, les empires et les

dieux.

Lo bref exposé qui précôdo expliquo comment les

problftmos do l'Orient seront bientôt plus gravos queles maigres questions politiques qui préoccupont tant

les Européens aujourd'hui. Un des plus importants,

pout-èlro, résultera du développement rapido do la

puissanco du japon. Cette nouvelle puissanco paraitdovôir exercer en Orient uno hégémonie analogue à


collerêvéepar l'Allemagneet l'Angleterre en Occident,

Libéré, maintenant, do toutes influences étran-

gères, lo Japon traite d'égal à égal avec les grandespuissances européennes. Sa flotte est uno des pre-mières du monde. Les Etats-Unis jettent des regardsinquiets vers ce minuscule pays, dont il y a moinsd'un siècle l'Europe connaissait à peine l'existence,et dont lo rôle est devenu aujourd'hui considé-rable. Lo petit peuple japonais resta dédaigné jus-qu'au jour où, à la stupéfaction universelle, il obli-

gea lo plus vasto empire du mondo a signer unohumiliante paix.

Grâce à ses incessants progrès, l'Empiro du Soleil

Levant est capable, aujourd'hui, do tenir tôto aux

grandes puissances et vise à devenir maître do l'Asie.

Uno de ses forces principalos réside dans l'accrois-sement rapide do sa population. Alors quo plusieurs

pouplos do l'Occident voient diminuer leur natalité,ccllo du Japon augmente annuellement do près d'un

million. Nous avons rappelé déjà quo les trente mil-

lions d'habitants do 1870 dépassent soixanto mil-lions aujourd'hui.

Cosurpeuplement rapide oblige impérieusement le

Japon a chorcher des territoires pour y verser l'excé-dent de sa population. Impossiblo do caser cet excé-dent en Chino, déjà trop poupléc. La placo no man-

querait pas aux Etats-Unis et dans los Dominions

anglais : Australie, Canada, etc. Mais Anglais et

Américains no veulent à aucun prix accepter l'inva-sion des jaunes et leurs raisons' ont uno grandeforce.

Ils soutiennent, en effet, quo lo jauno pouvant,


gràco à sa sobriété, travailler à dos prix beaucoupmoins élevés quoceux des blancs, ferait aux ouvriers delace blancho une coneun nce désastreuse. Ils remar-

quent ensuite que la race japonaise so multipliantleaucoup plus vito que la race blanche, les Etats-Unis et l'Australie deviendraient, en pou d'années,par co seul fait, de véritables colonies japonaises.

On conçoit donc que les Etats-Unis ne soient nulle-ment disposés à suivre lo conseil humanitaire donnéoar M.Albert Sarraut, de se serrer un peu pour faire)lace aux Japonais.

Los Japonais, étant bien forcés de déverser quclquopart l'excédent d'uno population que, prochainement,ils no pourront plus nourrir, entreront fatalementen lutte avec les peuples refusant de les acceptersur leurs territoires.

Dans l'étal actuel du monde, et à moins de décou-vertes scientifiques imprévues, cette lutte sembleaussi inévitable que lo furent, jadis, celles tic l'em-

pire romain contre les invasions germaniques déter-

minées, elles aussi, par un excédent de population.

J'ai beaucoup do sympalhio pour lo peuple japonais,

depuis quo j'ai appris à lo connaître. J'étais très

lié avec un do ses plus éminonts représentants,lo baron Motono, alors ambassadeur a Paris. Cet<5minent homme d'Etat voulut bien traduire on

japonais plusieurs de mes ouvrages et publier uno

longuo étudo d'ensemble sur mes livres do psycho-logio politique. Nous avons souvent causé du pro-


blèmo qui vient d'être exposé, sans y découvrir desolution claire."Co sont justement les remarquablesqualités des Japonais, leur sobriété, leur ingéniosité'et aussi leur fécondité, qui les rendent si dangereuxpour dos peuples no possédant pas des aptitudespareillement développées. Il faut donc laisser à l'ave-nir lo soin de résoudro un problème dont aucundsolution pacifique n'apparaît encore.

#* #

Dans laconférenco à laquelle nous faisions allusion

plus haut, M.Albert Sarraut envisage non seulementla lutte entre lo Japon et les Etats-Unis, mais aussiC2II0de l'Europe contre tous les peuples do l'Orient,

*

et il écrit :

«Si la conciliationn'intervientpasentrelosforcesantago-nistes,dclatcrale plusformidableconflitdol'Histoire,ûu.irèsduquella guerrequonousavonssubiecinqans n'auraquola valeurd'unoescarmouche.»

II est évidemment possible quo los peuples do

l'Orient, ayant les armées russes à leur tèto, envahis-sent un jour l'Occident. Un journaliste assurait quolotraité russo-japonais serait le prélude d'uno allianceentre le Japon, la Russie et l'Allomagno.

On peut échafaudor sur de tels sujets une foulod'1y; othôses effrayantes,. Mais leur réalisation doitêtre envisagéocommoappartenant à la série dosévé-nements sur losquols nous no pouvons rion, tels

qu'un tremblement de terre ou lo. refroidissementinévitable do notre planète.

CHAPITRE VI

LES GUERRESINTÉRIEURES ET LES VOLONTÉSPOPULAIRES

Les trente congrès réunis a Londres et a Paris

pendant dix ans, et los règlements de la Société des

Nations, avaient pour but d'empêcher les guerres,entro peuples rivaux ; mais personne no parait s'être

préoccupé dos conflits entre les partis politiquesd'un mémo peuple.

Ces conflits intérieurs sont pourtant aussi dange-reux quo les guerres extérieures. Si le triomphe mo-montané du communisme on Hongrie, en Allcmagnoet en Ilalio, s'était prolongé, il serait devenu plusdestructeur oncorc quo des guerres d'invasion.

Un coup d'oeil rapido jeté sur la situation actuelle

do quelques grands pays do l'Europe montrera à quel-point les guerres sociales dovlcnnont menaçantes.

No pouvant faire l'historique do toutes les révolu-tions sociales, dont la plupart dos pays do l'Europo,— Allemagne, Russie, Autricln, Hongrio, Grôco, Bul-

garie, Turquio, etc. — ont été récemmont victimes,nous no considérerons quo los trois grandes nationslatinos : l'italio, l'Espagno et la France.


On sait dans quel désordre les succès du commu-

nisme et du syndicalisme avaient plongé l'Italie. Lo

pillage des propriétés et des usines ainsi quo les

assassinats étaient journaliers. L'arméo devenait

hésitante, l'action du pouvoir royal complètementnulle.

Devant l'immincnco d'une catastrophe, d'anciens

combattants soréunirent sous lo commandementd'un

chef vaillant, M.Mussolini,pour tenter do sauver leur

pays do l'anarchie. A la tête d'uno nombreuse milice,le futur dictateur marcha sur Romeet força lo roi à

l'accepter commochef du gouvernement.

L'énergie du nouveau maître lui conquit, bientôt

tous les suffrages. Les socialistes eux-mêmes so

déclareront ses partisans.Grâce à celte intervention, Pltalio fut sauvée dos

guerres intérieures.

L'Espagnea été —commol'Italie-— menacéod'uno

guerre civilo et n'en fut également préservée quo parun dictatour. Lecoupd'Etat réalisé, enseptembre1923,par lo général Primo do Rivera, et lo Directoiromili-tairo qui en est sorti ont totalement supprimé les

partis politiques espagnols, toujours en luttes achar-nées. Constitution,ministres, Sénat, tout a été balayéet, il faut bien lo constater, à la grande satisfactiondu pays.

La Franco n'a pas encore, depuis la paix, subi dorévolutions analogues à celles de l'Italie ot do l'Es-

pagne, mais ollo on est menacée par l'intervention


croissante do socialistes extrémistes chaquo jour plusnombroux. Son avenir, commo celui de divers pays de

l'Europe, dépendra des résultats de la lutte entre les

partis qui préparent les guerres intérieures et ceux

qui tàchont do les prévenir.Lo conflit entre les forces de destruction et celles

do cohésion grandit chaque jour. Ces deux forces

s'équilibrent à peu près en France; c'est pourquoi ilsera relativement facile d'y faire pencher la balanced'un côté ou do l'autre.

On en eut la preuve lorsque, pour obéir aux théo-ries do jacobins qui préféreraient voir périr le paysplutôt que leurs principes, un gouvernement dominé

par les socialistes s'aliéna tous les catholiques en sup-primant l'ambassade du Vatican, et aussi, la majoritédes Alsaciens en prétendant supprimer leurs ancienneslibertés. Un nouveau gouvernement, comprenant quol'art do gouverner no consisto pas à appliquer des

théorios, mais à tenir compte des réalités, réussit, en

quelques jours, à pacifier l'Alsace en lui laissant seslibertés et à calmer les catholiques en rétablissantl'ambassado auprès du pape. C'était fort simple;mais, à un certain moment, lo fanatisme des extré-

mistes inspirait uno telle crainte quo los ministrestimorés n'osaient pas résister ados suggestions deve-nues bientôt des ordres.

L'action des foules est aujourd'hui prépondérantedans tous les états modernes, et c'est on partie


pour collo raison que les gouvernements européensdeviennent si instables. Leur existonco dépend dovotes populaires toujours incertains.

Un dos grands dangers do l'âge actuel résulte dol'influencedes masses dans la conduite des,nations.Leurs sentiments sont violents, leur raison faibloetleur aptitude à prévoir complètementnulle.

L'incapacitédes foules à prévoir les conséquencesdo leurs actes et surtout do leurs votes, fut toujoursun péril pour les gouvernements populaires. Elles

obéissent aux impulsions du moment commojadisEsailvendant son droit d'aînesse futur pour un platdo lentilles présent. Cetlo mentalité est celle du bar-

baro, et l'hommolo plus intelligent mêléà uno foule

agissante redevient un barbare.

Ons'illusionnerait fort sur l'importance des votes

populaires en oubliant quo le volod'un électeur tra-

duit boaucoup plus son mécontentement que ses

opinions. C'estsurtout en s'appuyant sur co mécon-

tentement quo los meneurs conduisent les hommes.Los électeurs qui donnèrent jadis leurs votes à

un capitainocondamné à mort pour trahison, puis àun autro officier ayant voulu livrer un bâtiment àl'ennemi professaient-ilsvraiment les opinions sub-versives quo do pareils votes sembleraient suppo-ser. En aucune façon. Ces électeurs révolutionnairesétaient simplement dos mécontents.

Losvotesqui en 192i amenèrent un grand nombro

LESGUERRESMODERNES, 111

do socialistes au parlement eurent pour origine dotels mécontentements exploités par les meneurs,

Du groupe des mécontents faisaient partie desfonctionnaires irrités de ne pas obtenir les salaires

réclamés, des universitaires sourdement indignésdo no pas voir reconnaître les qualités qu'ils so sup-posaient, de petits bourgeois exaspérés de l'élévationcon3tantc du prix do la vie, qu'ils attribuaient au

gouvernement, etc.Les candidats députés utilisèrent ces méconten-

tements, et firent do si brillantes promesses deréformes que les électeurs so laissèrent facilementséduire.

Les sonliments populaires sont généralement per-turbés par les flatteries des politiciens. « Le peuple noso trompejamais », disait déjà Robespierre. Les politi-ciens modernes répètent cello assertion, et enseignentaux foules qu'étant les vrais souverains, elles doiventtout obtenir. Lo résultat do cette propagande est

d'avoir fait naître des ospéranecs et des haines aveu-

gles dans l'âmo des multitudes.Lo mécontentement, la défiance, la jalousio et la

haino >ont ainsi dovenus les vérilablos mobiles d'ac-

tion dos gouvornanti obligés do suivro les impulsions

populaires.

L'oxtcnsion dans tous les pays do l'Europe, y com-

pris les plus rationalisés, tels quo l'Anglelerro et lo

Danemark, des sontimonls quo jo viens d'énuméror',

oxpliquo l'orientation universelle vers des partis

extrémistes riches on promesses.


Il est donc naturel quo la religion socialiste,avecses mystiquesespérancesdo bonheur, se généralise.Lo communisme,qui promet aux âmes simples lo

retour à ces temps primitifs où lo sol et les fommos

étaient en commun fait également des progrèsdans

les couchesinférieuresdes populations.Commoil est impossiblodo faire entror beaucoup

d'idées à la foisdans les corvollosprimitives, et qu'il

s'agit surtout pour los moneurs d'exciter des senti-

ments d'hostilité, quelques formulessuffisent ; lutte

des classes, dictaturo du prolétariat, suppressiondu

capitalisme,socialisation des richesses, etc. Sur dixmille électeurs, on n'en trouverait peutôtro pas un

capable d'expliquer nettement lo sens do ces for-

mules, et surtout do pressentir les conséquencesdo leur application, mais elles impressionnent lesauditeurs et cela suffit au but poursuivi par les

menours.Lo pouvoir magique do ces formules est à l'abri

do tout argument rationnol. La plupart des ouvriersrestent persuadésqu'ils travaillent uniquement pourenrichir quelques patrons, quodosconsoilsd'ouvriers

remplaceraientfacilement.

Commentoxpliquorquotouslospays no voiontpasleur civilisationpérir sousl'influencedos forcosrévo-lutionnairesdestructives,qui continuentà grandir, etlos menacesdoguerro civilosredoutablos?Pourquoi,dans certaines nations, los votespopulairesno sont-

LESGUEl'IESMODERNES 113

ils que transiloiroment extrémistos et généralementsuivis do votes très conservateurs?

Simplement parce quo lo mécontentement et l'ir-ritation dont nous parlions plus haut, sont dos senti-monts momentanés, recouvrant un substratum rigideconstitué par l'âmo dos aïeux. C'est en s'appuyantsur cotlo âme anceslralo quo los dictateur» italien ot

espagnol purent sauver leur pays do l'anarchie.On no comprend bien l'histoiro qu'en recherchant

derrière des agitations violentes, mais fugitivescomme les vagues do l'Océan, l'âme profonde do la

raco. Elle intervient toujours dans les grandes cir-constanecaoù les intérêts do cette race sont menacés.L'âme collective dos foules est très mobile, l'âme dola race très fixe quand elle a été stabilisée par un

long passé.L'accroissement do la puissanco des foules a été

considérablement favorisé par l'évolution profondodo l'industrie. La multiplication immense d'ouvriers

sur un môme point a déterminé la création do forces

collectives telles quo lo syndicalisme dont lo rôle

grandit constamment.

*

Guidé jadis par ses élites, lo mondo modorno tend

do plus en plus a obéir aux volontés oscillantes dos

multitudes. Et commo los civilisations sont arrivées à

un degré do complication auquol les cerveaux suffi-

samment dévoloppés pouvont scuis s adapter, il en

résulte une tendanco généralo des foules à ramoner

violemment les sociétés à dos phases d'évolution infé-

111 i:ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE,

rieurcs mieux en rapport avec leur mentalité. Los

progrès du communismetraduisent cette aspiration.Ainsi que nous lo verrons dans un prochain cha-

pitre, les foules sont aujourd'hui en conflit avec les

élites, bien qu'elles no puissent se passer d'elles.

LIVRE IV

LES FORCESPOLITIQUESNOUVELLES

CHAPITRE PREMIER

LE CONFLITENTRE LES NÉCESSITÉSÉCONOMIQUES

ET LES ANCIENSPRINCIPES

« Co n'ost pas la fortune, dit Montesquieu, quidomine le mondo. Les Romains eurent uno suite con-tinucllo de prospérités quand ils so gouvernèrent surun certain plan, et uno sulto non interrompue derevers lorsqu'ils so conduisirent sur un autre. »

11 ost évidemment utilo de posséder des prin-

cipes directeurs et dangeroux do los perdre. Malheu-

reusement, cos principes no so choisissent pas tou-

jours, et la nécossité peut forcer à renoncer aux

meilleurs. Co n'ost pas volontairement quo losRomains subirent los guerres civiles qui transfor-

mèrent leur république en empiro, et co n'est pas


volontairement non plus quo lo Sénat romain finit

par laisser les légionnairos ronversor et élire los

cmporours, co qui fut uno dos*causosdola décadoncodo Romo.

Los conflits entro d'anciens principos politiqueset dos nécessités nouvelles constituent uno phasocritiquo do la vio des pouplos. Il on résulto géné-ralement uno orientation différente do leurs desti-nées.

L'Angleterre- peut être citéo comme exemple do

conflits ontro d'anciens principos et dos nécessités

imprévues obligeant à les modifier.Un do ses principosossentiolsétait lo libre-éphango.

Il avait assuré la prospérité commercialedo la Grande-

Brotagnoet semblait inviolable.Mais l'Angleterrene conslituo plus un empire régis-

sant autocràtiquement dos colonies lointaines. Plu-sieurs do ces colonies sont dovonues des Dominions,

possédant dos parlements, presque indépendants.Ils consentirent à onvoyordes troupes au secours do

la métropole pondant la grande: guorro, mais les yobliger eut été impossible. On on out là preuvolorsque après la défaite des Grecs â Smyrno, le

- premier ministro do l'Empiro britanniquo ayantdemandé dos soldats aux Dominions vit sa requêterejeléo par tous.

Ces dominions so montront de'.plus en plus exi-

geants. On lo constata notamment lorsquo leurs

représentants réunis à Londres demandèrent quo

LESFORCESTOLITIQUESNOUVELLES 117

l'Angleterro, au moyon do taxes douanières sur losmarchandises des autres pays, réservât principale-ment sa cliontôlo a ses anciennes colonies.

L'Australio ayant besoin de capitaux pour étendresos chomins do fer, ses canaux, etc., affirma no pou-voir les obtenir qu'en exportant los produits do son

agriculture et do son élovago. 11 fallait donc quel'Angleterre entravât, par des droits protecteurs, l'en-tréo sur son torritoiro dos marchandises d'autres

pays et, par conséquent, adoptât dos principos con-traires a la liberté d'échangoqui avait créé la prospéritédo l'Empire. Lo promior ministre d'Australio alla jus-qu'à déclarer quo son pays n'accepterait la venuod'ouvriers anglais sur lo torritoiro australien qu'au-tant quo l'Angleterre lui assurerait ses marchés. Ilfit remarquer quo la Grandc-Brelagno, on résorvanl \

spécialomont sa clientèle aux Dominions,)'trouveraitles débouchés quo le rosto du globo ne lui fournit

plus. L'Empire britanniquo, quoique dispersé dansles cinq parties du monde, pourrait ainsi vivre surlui-même.

Uno des difficultés du problème est quo tous les

dominions, lo Canada notamment, n'ayant pas lesmômes intérêts no professent pas los mêmes prin^cipos. Ceux qui possèdent, par oxemplo, uno industrie

développée, n'ont nullemont l'intention do la sacrifier

aux besoins des manufacturiers anglais.Parmi los causes do la campagne protectionniste

figure,encore lo désir do former en grando partio le

marché britanniquo a la concurrence allemande ot

américaine. Los Anglais voudraient bien, naturelle-

ment, voridro lours produits aux Allemands, mais


acheter lo moins possiblo los marchandises do cosdorniors.

Losperturbationséconomiquesdont l'Anglotorroostaujourd'hui victimosont considérables.En 19£Golloétait obligéodo nourrir 1.500millochômeurs,chargofort lourdopour son budget.

Leur accroissement, cauchemar do la Grando-

Brctagno, résulto do co quo, ayant perdu ses plusimportants clients : Russio, Allcmagno, Autricho,ot aussi un pou l'Extrême-Orient,ello voit so réduirolo chiffro do ses exportations ot, par conséquont,celui do sa production.

La lutte entre los ancions principes et los nécessi-tés nouvelloss'accompagnosouvent d'illusions poli-tiques capablesd'avouglor les peuplessur Joursvéri-tables intérêts.

Certainspays,commola Francoet laBolgiquo,sontdifficilement gouvernables par suite, dos principes•contradictoiresdos partis politiquesqui so succèdentau pouvoir.Lesdifficultéscrééospar losrivalitéspoli-

tiques dans divers pays, Italie, Grèce, Espagne, etc.,•sontdovonuestoilesque pour les surmonter il a fallu

recourir à des dictatures.' ^

'L'Orient lul-mômo, malgré sa stabilité séculairo,n'a pas échappéau désordre engendré par les conflitsonlro les principesancionset losnécessitésnouvelles.J'ai rappelé comment la Turquie,'dont la forcoétaitsurtout d'origine religieuse, avait supprimé lo chef

suprême des croyants pour lo remplacer par un pré-

LESFORCESPOLITIQUESNOUVELLES 119

sidonl do république et un parlemont. Los autoursdo colto transformation s'imaginaient sans doulo quodos siôclos d'hérédité pouvont s'effacer on un jour.

Si les luttes outre les nécessités et les principesrésultaient seulement do l'apparition d'exigences éco-

nomiques duos aux progrès do l'évolution scionti-

fiquo et industrielle, il serait relativement facilo d'en

triompher. Elles sont malheureusement aussi los

conséquoncos d'exigences populaires n'ayant quo desillusions sontimontales ou mystiques pour soutien.

Nous venons do voir que des peuples fort tra-

ditionalistes commo l'Anglotorro, étaient obligés do

renoncer a certains principes fondamentaux do leur

politique. Elle on ost môme arrivéo à placer momen-tanément â la tête do son gouvernement lo chef du

parti socialiste. 11est vrai qu'en Angleterre le poidsdo la tradition ost si fort quo co ministre socialiste

gouverna oxactemont commo Tout fait un minislro

consorvatour. Loin do réduire los armements il enaccrut l'importanco.

Cos conflits ontro los principos ancions ot les néces-sités économiques nouvelles ont'plongé l'Europo dansune sério do boulovorsomonts dont la fin no s'entre-voit pas encore

* *

Los observations qui précèdont suffiraient à mon-trer quo lo gouvernement dos peuples modernos ost

6*

12(1 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

entouré do difficultésformidablosquo los âgos anté-rieurs n'avaient pas connues.

Presque isolés do lours voisins, les ancions sou-verains n'avaient pas a so préoccuper dos répercus-sions infinies quo l'interdépondanco dos nations

engendroaujourd'hui. Ils gouvernaientavecquelquesprincipos universellement admis ot rarement con-testés.

La situation des conducteurs d'hommes ost actuol-loment bion différente. Uno simplo orrour de juge-ment engendre parfois do terribles catastrophes. Pours'être trompés dans loursprévisionsles souverains do

l'Allemagne,do l'Autricho ot do la Russio ont plongéleurs peuples dans un abimo do désolation.

Ayant perdu leurs vieux principos directeurs, otentourés do forces dont la puissanco dépasse sou-

vent celle des volontés, beaucoup d'hommes d'Etat

modernes gouvernent au jour lo jour, dominés parla crainte des conséquencesdo leurs actos.

A l'exception do quelques illuminés poursuivantdes chimères, los gouvernants actuels vivent dans

d'incertitudo et doivent souvent ontondro, a l'heure

du repos, la menace qui poursuivait Macbeth,devenu roi :

« Tu as tué le-sommeil,Macbeth,lo douxsommeilqui,,îlel'dchovcauemmêlédola vie,faitifnopelotedosoiounio...Macbetha tué le sommeil.Macbethnodormiraplus.» .

Ces complications do la politique grandissentsans cosse. La vie matérielle ot morale des peuples-


est bouloverséo. Los idéals qui oriontaicnt la con-

duito ont perdu lonr prestige.La désagrégation des aurions concepts est générale

Los vioux rôvos do fraternité so voiont remplacés pardos haines violentes ontro los divers pouplos, et aussi

cnlro los classos do chaquo peuple.L'univorsol mécontentement a ou, jo l'ai montré,

pour conséquonco, dans tous los pay.> l'avôncmont

do partis oxtrômos proposant dos formules pourassuror lo bonheur.

Cctto périodo d'anarchio no saurait durer; l'équi-libre détruit Unit toujours par renaitro. Nous savons

co qu'était la société d'hier, nous voyons collo d'au-

jourd'hui. Que sera cello do demain?

CHAPITREII

ROLEMODERNEDESFORCESCOLLECTIVESDIVISIONDES SOCIÉTÉS

EN GROUPEMENTSCORPORATIFS

En dehors du socialisme qui n'est encore qu'unemonaco et dont l'oxpérionco russo a montré l'im-

puissanco et los dangers, doux éléments politiquesnouveaux jouent un rôle essentiel dans les sociétésmodernes.

Le premier est la substitution des forces collec-tives aux forces individuelles, le second la divisiondos grandes sociétés homogènes on petits groupeshétérogènes ou syndicats,

Les gouvernements modernes" sont do plus on

plus dominés par los forces collectives. Jadis, unchef d'État se préoccupait fort peu des exigencespopulaires. L'opinion no pouvait guère l'influencer

puisqu'elle arrivait rarement jusqu'à lui.Il en est tout autrement aujourd'hui. Les volontés

populaires agissent profondément' sur les volontésconsciontoset surtout inconscientesdosgouvernants.- Losplus grands événements do l'histoire contem-poraine, los guerres do 4870 et-1914, peuvent otro


donnés comme oxemples d'ados attribués aux

volontés do souverains supposés tout puissants, alors

quo ces actes sont issus on réalité do volontés col-

lectives.En ce qui concerne la guorro do 1870, j'ai déjà

rappelé qu'ollo naquit d'une explosion soudaine

d'indignation populaire provoquéo par uno dépêcheinoffonsivo falsilléo par Bismarck, persuadé qu'unoguorro avec la Franco était nécessaire pour fonderl'unité allemande Utilisant l'irritabilité colleclivo du

peuple français, il obligea Napoléon 111, qui déjàmalado souhaitait vivement la paix, a déclarer la

guorro.Lo conflit do 1911 fut également imposé à l'em-

pereur Guillaumo par la volonté do son entourage,conformé d'ailleurs aux conclusions do tous los

écrivains germaniques. En réalité, lo but do sa poli-tique était do posséder uno arméo et uno flotte assezfortes pour imposer ses volontés sans jamais avoir

besoin do déclarer la guerre.Uno des caractéristiques des volontés collectives

est qu'avant d'agir sur les volontés conscientes

individuelles, elles agissent d'abord sur les volontésinconscientes. La mode opère justement do cette

façon : arts, toilottes, etc., pensées mémo, obéissentà ses lois. Son despotisme est tel quo toutes lesclasses sociale3, dos plus humbles aux plus élevées,lo subissent san3 discussion. L'hommo modornodoviont do plus on plus un ôtro collectif et l'origi-nalité est do moins on moins tolérée.

Les opinions collectives, issues d'événomonts du

mqmont, sont générafemonl très instables. Celles

l?l L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

fondées sur los croyances religieuses et politiquossont au contrairo assez fixes, commol'histoiro des

roligions et dos partis politiques lo prouva.La forcodo ces croyances collectivesost do donner

a tous les hommes des volontés identiques, c'ost-a-diro uno unité-do ponséo et do sentiment qui lostout agir d'uno mémo façon dans dos conditionssemblables. C'ost pourquoi lo rolo dos croyancesestsi considérable

Parmi los conséquencesdos influencescollectives

qui dominent lo mondo moderne il faut citer la

transformation progressive des sociétés on petits

groupes corporatifs, dits syndicats; Uniquement

préoccupésdos intérêts do leurs groupes, cos syn-dicats restent indifférentsa l'intérêt général.

Lo syndicalisme et lo socialismes'associent quel-quefois conlro un ennemi politique commun, mais

ces deux doctrines sont fort différentes.

Losocialismoveut confierà un Etat omnipotent la

gostion dotoutes los ontropriscs; lo syndicalismepré-tend établir dans l'Etat uno série do petits états

indépendants. Los formules syndicalistes : la minoaux mineurs, les chemins do fer aux cheminots,etc., représentent bion los tendances do la doc-

trineLo socialismo,surtout sous sa'forme communisto>

constitue, au moins on théorie, uno formo parfaited'altruismo social. Lo syndicalisme roprésento au


contraire un égolsmo do groupes complètement indif-férents a l'intérêt général.

Ces syndicats so soucient fort peu, d'ailleurs, desthéories politiques, lo seul but les intéressant est

l'augmentation do leurs salaires. Pour l'obtenir ilsno reculent pas, commo l'ont montré on Franco eton Angloterro les cheminots, les mineurs et los

postiers, devant l'arrêt total do la vio d'un pays.Dans sa dernièro menaco de grôvo, lo syndicat

anglais dos cheminots annonçait qu'il arrêterait

brusquement tous los trains do chemin do for quandcela lui plairait, sans prévenir lo public.

Pou importo, d'ailleurs, a ces syndicats quo leschefs d'entrepriso aient l'argont nécessaire poursatisfaire leurs demandes. Ils exigent qu'on imposea leur profit lo reste do la nation.

C'ost justement co quo fit d'abord lo gouvernement

anglais on accordant aux mineurs des supplémentsdo salairo aux frais du trésor pour empêcher la fer-incturo des mines. Cette maladroite concession no

pouvant durer, les subsides furent supprimés et il enrésulta uno grève do six mois qui menaça l'oxistoncoindustriolle do l'Angleterre.

Lo syndicalisme, qui divisochaquo pays en groupes,animés d'intérêts corporatifs souvent contraires àl'intérêt commun, n'a conquis sa puissanco actuelle

qu'à la suite do l'évolution industrielle modernechiffrant par millions les ouvriers-do certaines pro-fessions, mines, chemins do fer, ctd. ; mais son

apparition n'est pas nouvello dans l'Histoire. Il fit

périr dans les dissensions plusieurs républiquesitaliennes du moyen ago, Floronco notamment. Pour


échapper à l'anarchio. syndicaliste, l'illustro répu-

blique on fut réduito à subir lojoug des Médicis.

Syndicalismeet socialismoconstituent aujourd'huidoux grandos forcos contro losquollcs les sociétésauront souvent à lutter.

CHAPITRE 111

LA LUTTE DU NOMBRECONTRELES ÉLITES

Toutos los civilisations furont toujours guidéos pardos élites, c'osl-à-diro par un petit nombre d'in-

dividus possédant uno intelligence supérieure à celledos multitudes.

Ces élites ont varié suivant les besoins do chaquo

époque, mais elles curent toujours pour caractéris-

tique oxlériouro lo prestige Dès que ce prestiges'affaiblit, l'influonco do l'élite sur la foulo tond à

disparaître.C'est à co dornior phénomène quo nous assistons

aujourd'hui. Pour des raisons diverses, les élites

perdent do plus en plus lour influence L'aveugle mul-titude so'drosse contro elles et prétend los remplacer.

Comment so crée et so pord le prestige? Ayantdéjà étudié cotto question ailleurs il serait inutilo d'yrevenir. Remarquons seulomont quo lo mécontente-ment général créé par l'incapacité do divers Parle-ments suffirait à expliquer pourquoi le prostige poli-


tiquo oxercéjadis par ccrtainosclassesdirigeantes estsi affaibliaujourd'hui.

Tant quo les élites consorvont Jour prestigo, los

gouverncmonl.jrostent assez forts poursofairoobéir;lorsquocos élitos sont diviséeson groupes politiquesrivaux toujours en lutto, lour autorité s'évanouitotlo

pays tombe dans l'anarchieEn Russio, l'élito ayant fini par devenir impuis-

sante, la victoire du nombro a été complôto. En

Franco, les ancionnos élitos semblent conserveroncoroquolquo autorité; mais celte autorité s'affai-blit chaquo jour et lo torrent populairo avance Dos

députés craintifs no cherchont plus qu'à plairo auxvolontésmobiles des électeurs et oublient do plus en

plus les intérêts généraux do leur patrie

Un soûl pays en Europe, l'Angleterre, semblaitsoustrait à la révolto du nombre Lo peuploanglaisétait lo plus traditionaliste do l'univers.Unopolitiqueimmuable lo guidait depuis des siècles. Los volontésdes morts orientaient impérieusement les actions

des vivants. Commentun toi pouploeût-il pu so ré-

vollor contro dosélitosdont l'influenceséculaireavait

cjétorminésa grandeur? .Et voici qu'uno importante fraction d'une nation

qui semblait un bloc immuable, solidifié pour tou-

jours, a récomment tenté uno des plus profondesrévolutionsdont loschroniquesdu mohdoaiontgardéla mémoiro.

Brusquoment, sur l'ordro brof d'un comité de me-


nours, et sans aucun signo précurseur do l'orago,

postes, usinos, chemins do fer, bateaux, on un mot,tout co qui constituo la vio journalièro d'un pays,cessa do fonctionner.

Si lo gouvernement n'avait pas immédiatement

trouvé assez do volontaires pour romplacor som-

mairement les millions d'ouvriers ayant cessé lo tra-

vail, l'Angloterro so fut trouvée condamnéo par cetlo

grève généralo ou à périr do famino, ou à prendrecomme maîtres do l'empiro los chefs du mouvement

révolutionnaire : roi, ministros, parlement oussent

disparu comme, jadis, les dirigeants do la Russie,pour fairo placo à la pctito oligarchio do moneurs

représentant la puissanco du nombreSi cetto révolution fut évitée, c'est que lo gouver-

nement anglais conserva un prestigo assez fort pouropposer uno barrièro au nombre; mais combien do

temps oncoro pourrat-il dominorunc immense arméofort dangereuse parco qu'cllo met uno puissance con-sidérable au sorvico d'oxigonces d'uno réalisation

impossible?

H ost intérossant do romarquer quo, malgré l'insis-tance des chefs do rinternationalo, la foulo anglaisedes grévistes no trouva, on dehors do quelques plato-

niques adhésions do fonctionnaires français et dorévolutionnaires russes, aucuno aido dans los outres

pays. Uno fois oncoro, lo nationalismo fut plus fort

quo l'internationalisme.L'onvoi'do la dépôcho d'adhésion do fonctionnaires


français aux grévistes anglais mérite d'être noté,

parco qu'il révôlo à quel point lo principe d'autorité

so désagrègo en France Uno tello adhésion eût cons-titué un phénomène invraisemblable, il y a quelquesannées.

Si les agents do l'administration anglaise, au lieud'aider leur gouvernement à so défendre, so fussent

joints aux fonctionnaires français pour so mettro du

côté des révoltés, toute la puissanco do l'Anglotcrroso fût écroulée rapidement.

Parmi les enseignements do la grôvo anglaise,un des plus tyiqucs est l'obéissanco avcuglo des

syndiqués aux ordres impératifs do leurs chefs.Jamais despoto asiatique ne fut plus servilementobéi.

La mémo obéissance s'observa on Italie et en

Espagne, lorsquo l'énorgiquo action des dictateurs

supprima les violencesoxercéospar lo syndicalismeKiloconstituo uno caractéristique do l'amo populaireLos foules sont trop incapables do penser et do rai-sonner pour so passer d'un chef.

Danslosrévolutions analogues à collodont la nation

anglaise faillit ètro victimo, l'influcnco dos meneursest rendue facilo parco qu'elle a pour soutien desintérêts aussi visibles qu'uno promesso d'augmenta-tion do salaires ; mais l'ilistoiro prouvoquo los mul-titudes no sont pas toujours conduites par des motifsaussi intéressés. Desmobiles très immatériels, commouno croyancopolitique ou roligiouso,suffisentparfoisà los entraîner. J'en ai donné do frappants oxomplosdans un livro jadis publié sous co tilro : LesOpinion*cl les Croyance!,


La lutte du nombro contro l'é'le s'est répéléo plusd'uno fois au cours do l'IliMiuro. Do l'antiquitégrecque à nos jours, elle a coûté à divers peuplesleur indépendance.

Los moyens permettant do dominer l'anarchie créée

par la révolto du nombro no sont pas nombreux. Ladictature d'un chef est un dos plus efllcacos. Nousavons déjà dit et y reviendrons encore, que c'est àcelto méthode qu'eurent recours, récemment, l'Italie et

l'Espagne pour échapper aux désordres causés parlessocialistes.

Les formes nouvollos des aspirations populairesont été nettement marquées par lord Groy, dans les

lignes suivantes relatives à la grève anglaiso :

€Lagrèvegénéraloa poséun problèmedans lequellaques-tion des salaires des mineurs disparaît entièrement. Il nes'agit pas, maintenant,de savoir ce. quo seront ces salaires,mais si le gouvernementdémocratique parlementairedoitêtre renversé.C'estpar cogouvernementdémocratiquequolaliberté a été conquise cl c'est par lui seulqu'ellepeut êtremaintenue.Lesautres solutionssont le fascismeou lecommu-nisme'.L'un et l'autre sont contrairesa la liberté et lui sontfunestes. Ni l'un ni l'autre ne permettent la libellé de lapresse,de la parole,la libertéd'agir et la liberté mêmede seincllroen grève. »

C'est justement parco quo l'idéal démocratiquedont vivaient los natîons modernes a perdu son cm-

piro sur les nmos quo plusieurs pouplos sont outrésdans uno période do boulovorsomonts qui no prendrafin quo lo jour où naîtra un idéal assez fort pour uni-

fier les pensées et pacifier les coeurs,

CHAPITREIV

LESPOLESPOLITIQUESNOUVEAUXET LESFUTURSMAITRESDU MONDE

Los polos politiques du monde so sont souvent

déplacés, au cours do l'Histoire. Ninivo, Babylono,Thèbcs et Memphisont disparu dans la nuit étcrnello

après avoirsoumis do nombreux peuplesà lours loisiSans remonter à ces époques lointaines, voisines

do la phéhistoiro, que de changements depuis moins

do cent cinquanto ans! Paris, momentanément de-venu la vraie capitalo do PEuroposous l'égido d'un

grand capitaino; la Prusse, presquo rayéo do la cartodu monde par lo mémoconquérant, arrivant à fonderun empiro assez puissant pour disputer àl'Angletcrroson hégémoniocommercialeet rêver l'asservissementdo l'Europe.

A Tautro extrémité do l'univors, uno politocolonio

anglaise, jadis perduo au soin do tribus sauvagesqui semblaient dovoir bientôt l'anéantir, devenuesi

grando et si forlo, sous lo nom d'Etats-Unis, qu'ollorivalise aujourd'hui avec la formidablo puissancebritannique

Parmi ces nouveaux venus sur la scônodu mondO)


il faut encore citer uno petite île, jadis ignoréo, peu-plée d'hommes jaunes alors sans prestige, devenueassez puissante pour imposer un traité do paix au

gigantesque empiro dos tzars et rêver la dominationde l'Asie

L'Histoire enseigne quo tout pouvoir politique quigrandit aspire à l'hégémonio et tonto do conquérirses voisins jusqu'à co qu'il soit conquis à son tour.

L'AlIcmagno n'a pas échappé à cette antique loi.Pou do temps avant la guerre, l'empereur Guillaumeassurait quo ladivino Providence, dont il connaissaitlés décrets par do mystérieuses voix, avait confié à

l'Allcmagno logouvernement des peuples. Cette cons-tatation ne faisait quo préciser, d'ailleurs, les ensei-

gnements des philosophes Otdes savants germaniquessur la supériorité supposéo du pcuplo allemand.

La guerre lerminéo, co fut l'Anglclerro qui pré-tondit oxercer son hégémonie sur lo monde Dans undo ses discours, lo premier ministre do l'empire bri-

tannique, M.Lloyd George, hommo pieux connaissantles volontés du ciel, déclarait à son tour, jo l'ai

rappelé déjà, « quo la Providence avait visiblement

dt'signé l'Angleterre pour gouverner los peuples. »Ses compatriotes acceptèrent sans poino cette révé-

lation, mais les Américains no l'admirent pas dutout. Après ètro venus au secours do l'Europe, ilsrêvaient do la dominer financièrement d'abord,industriellement onsuito, on raison des supérioritésdiverses dont lour raco los rendait, suivant eux,détenteurs. _


Il n'est pas de regard assez pénétrant pour lire les

pages do la futuro Histoire Bornant les observationsà l'heure présente, on doit bien constater quo lesEtats-Unis tcndont à réduiro uno partio de l'Europoà un (.''.•.cos vassclagcs financiers d'où lo vassolagopolitique découle bientôt. Un créancier suffisam-ment fort imposo toujours ses lois à son débi-

teur,

L'Angletcrroa très bien compris celle situation et,pour éviter do tomber sous la tutello financière do

l'Amérique, s'ost cinprcsséo do régler sa dotto avecelle espérant, d'ailleurs, se fairo rembourser parla France

Si ccllo double opération avait pu complètementréussir, l'cmpirobritannique eut évitéd'ètro lo Yassalfinancierdes Etats-Unis,alors quo la Franco tombaità la fois sous lo vassolago do l'Angleterre et souscelui do l'Amérique

On sait quo, d'après certains arrangements, laFranco devrait payer sa dette envers les Etats-Unisen soixanto-doux annuités, dont les premièrosseraient do trento millionsdo dollars (soit neuf centsmillions do francs par an au cours du change) etles dernières do cent vingt-cinq millions (soit, enmonnaio française, environ trois milliards). Cellodotto oxlérieuro do la Franco sera doubléo quandviondras'y ajouter cello do l'Angleterre


Les journaux français ont accueilli avec uno rési-

gnation un pou irritée ces conventions. Les lignessuivantes du Gaulois résument assez bion l'opinion

générale :

a ...Nousno pensonspasqu'aucunhommeen possessiondoson bon sens, des deux côtésdo l'Atlantique,puissecroirequ'un règlementaussi draconiensoit supportablepar sixgénérationsdo Français.»

Le chiffre des dettes françaises est en voio do dove-

nir tellement invraisemblable quo leur paiementsemblera bientôt impossible

Un grand journal anglais, lo Morning Post, faisait,à propos do la situation llnanciôro actuelle do la

Franco, les réflexions suivantes :

« ...Lespaysalliés sont appelésà supporterleschargesquirésultentde ladéfaite,alorsque lesAllemandsjouissentd'uneprospéritéqui reviendraitdo droit aux vainqueurs.Laréalitédo la guerreest qu'elle s'est dérouléecxclusivcmen'sur lesterritoiresalliés; la réalitéde la paix,quoce sont ks Alliésqui ont à supportertousles frais. »

Co n'est pas ici lo lion d'examiner la prodigiousosério do maladresses économiques cl diplomatiquesqui amenèrent nos gouvernants à consentir d'aussiécrasants paiements à l'Angleterre et à l'Amérique,alors quo l'Allemagiio était do plus en plus dégrovéodans des conféroncos successives.

Lo « Français moyen », étranger à toutes ces

erreurs, voit seulement quo l'Angleterre et l'Amé-

riquo, qui ont immonsément profité do la guerre,prélcndont fairo payer à la Franco los frais d'une


opération jugéo si lucrative quo lord Curzonrecon-

naissait, en plein Parlement, quo « les bénéficesdola guorro avaient dépassé pour l'Angletcrro tout co

qu'olloaurait pu rêver. »

Si les diplomates françaisacceptèrent,au début dola paix, les combinaisonsdont les résultats heurtentviolemmentlo bon sens populaire aujourd'hui, c'est

qu'à cotto époque, si rapprochéopar lo nombro desannéesmais si lointainepar lo changementdes idées,ils professaient à l'égard des interventions do l'An-

gletcrro et do l'Amériquo dos opinionstbien erro-nées. •

La Franco, suivant eux, devait à l'Angletcrroet à

l'Amériquo uno reconnaissanceéternelle N'était-co

pas simplement pour défondro lo bon droit outragé

quo cos doux puissances étaiont généreusomentvonuosà son secours?

Tous los documents publiés depuis cèllo époque,— parmi lesquels les aveux des intéressés eux-mêmes —ont montré quo los interventionson faveurdo la Francon'ouront aucuno tracedo générositépourmobile Co fut uniquement dans leur propro intérêt

quol'Angletcrroet l'Amériqueparticiperontau conflit.Elles n'y outrèrent, d'aillours, qu'à la dornièrocxlré*

mité, et alors qu'il lour était vraimont iinpossiblo

d'agir autrement.En co qui concorno l'Angleterre, si sa première

intentionavait été dosojoindre àla Franco, clloTout

déclaré avant les hostilités, et l'empereur d'Aile-


magno n'eût vraisemblablement pas entrepris la

guerre Elle no so décida à y participer quo lorsquela marcho dos Allemands sur Anvers et Calais luimontra do quel danger sa puissanco maritime étaitmenacée

La Franco est, on réalité une alliéo indispensablepour l'Angleterre Commo l'écrivait justement lo

Morning Post :

«t C'est sur la Franco quo nous devons compter pournous venir en aide dans les dangers a venir. La sécuritédo la Franco est uno condition de la sécurité do l'Angle-terre »

Supposons quo l'Angletcrro eut laissé vaincro laFranco on no so mettant pas à ses côtés combien do

temps so serait-il écoulé avant que l'empire britan-

nique 3iiblt lo mémo sort? Si la Grandc-Brclagno putrester neutre on 1870, c'est qu'alors l'Allomagno no

possédait pas uno flotto suffisante pour résister à cellodo l'Anglotcire

La dernière guorro fut, on réalité, uno lutlo entrolos aspirations hégémoniques commerciales do

l'Allomagno et colles do l'Angleterre On pourraitdonc diro, sans paradoxe, quo l'Angletcrro vint ausecours do l'Anglctorro avec lo concours do laFrance Los incidonls do la Serbie et do la Russioconstitueront simplement des causes occasionnellesd'un conflit quo divorsos circonstances rendirent

mondial, mais qui n'était, au fond qu'uno guorroanglo-germanique.


Des observations analogues pourraient ètro for-mulées pour l'Amériquo,qui n'ontra dans lo conflit

qu'après y avoir été forcée par lo torpillago do sesvaisseaux de commerce. Malgréses hésitations, ollofinit par comprendre do quoi poids aurait pesé surcllo le triomphe de l'Allomagno.

Alors quo la Franco a été ruinée par la guerre,l'Angleterre et les Etats-Unis ont largement bénéficiédu conflit.

c La guerre,écrivaitun grandjournalanglais,a valuauxEtats-Unisuneprospéritéillimitéeet ena faitl'arbitreflnan-,cierdu monde.»

La prospérité actuello do l'Amériquo est indubi-table Ello a pu, sans se gêner, prêter plus do centmilliards à l'Kuropo,équiper uno importante arméoet créer de toutes pièces une immonse flotte Grâceàuno technique supérieure, résultat do son systèmod'éducation, cllo tend à dépasser, au point do vuo

industriel, tous los peuples du monde Ses ouvrierssont les mieux payés do l'univors, et leur aisance

est supériouro à cello d'un grand nombre do bour-

geois curopéons.C'ostaussi au développementdu régimecapitaliste,

si honni desdoctrinairessocialisteseuropéens,quoles

Etats-Unis doivent on grande parlio lotir prospéritéindustriollo et la richosso do lours citoyens. Oncon-

çoit aisément, dès lors, lo mépris avec lequel ils

rejettent los utoplossocialistes. t


C'est justement parce quo l'Europe tend de plus en

plus à se courbsr sous l'étatisme, phaso ultimo du

socialisme, qu'elle devient impuissanto à lutter indus-triellement et commercialement contro les paysrepoussant, commo les Etats-Unis, cet oppressifrégime

Laissant de côté les causes et tenant compto seule-ment des effets, on pout dire quo les Etats-Unis

(l'Amériquo s'apprôlont à priver l'Europo do son

antique prépondérance et à dovonir les grands pôlespolitiques du monde

Commo lo faisait remarquer un journal espagnol,Sol du 8 septembro 1920, l'Europo doit tâcher dos'unir pour contrebalancer la puissanco commorcialo

ot financière do l'Amériquo et so rclovcr économique*mont.

t Kilopossédaitavant la guerre des crédits immensessurl'Amérique.Dienquo politiquementindépendant,le nouveaumondedevaitde grandessommesàl'Huropc.Avecles intérêtsl'Kuropepayait les matières premièreset les alimentsqu'ellerecevaitd'Amérique.

Tout cola a changé. Aujourd'huic'est l'Amériquequi estcréancière.»

Les lignes suivantes, extraitos d'un rapport dos

exports do la commission des réparations, publiéespar lo 7en\ps du i février 11)27,montrent à propos do

l'Allemagne à quoi point devient élroilo la domina-tion financière exercéo par les Etals-Unis sur l'Eu-

ropo :


«L'Allomagno,disent-ils,estentièremententrelesmainsdosEtals-Unis,qui. par lessommesénormesqu'ilslui ontprêtée,la tiennentcomplètementsousleurdominationKiloferacoqu'ilsvoudront.Si los Ktats-l'nistiennentla maina cequol'Allemagnepaie,et ilsferonttousleurs effortspourcela,elles'exécutera.»

Si l'on considère quo l'Angletcrro et la Francodoivent probablement aux Etats-Unis dos sommesaussi importantes quo l'Allemagne,on entrevoit com-bien pourrait ôtro lourde dans l'avenir la tyranniofinancière do l'Amériquo. C'est une forme d'hégé-monie quo lo passé n'avait pas connue

Si l'Europo continuait à s'endetter à l'égard do

l'Amérique,on pourrait considérer commouno formonouvelled'esclavago l'obligation où cllo so trouveraitd'ôtroassujettie à do durs labeurs pour payer un lourdtribut annuel à uno nation dovonant infiniment richo

pondant quo l'Europo deviendrait infiniment pauvreCet avenir est, d'ailleurs, pou probablo pour di-

verses raisons, notamment colle-ci,qu'avec l'évolutionmoniale actuelle du monïo, los peuples préféreronttoujours la guerro à une formoquelconque do servi-tude

LIVRE Y

NÉCESSITÉS DÉTERMINANTLES INSTITUTIONS

POLITIQUES

POURQUOIL'EUROPEMARCHEVERS LA DICTATURE

C11AP1THEPREMIER.

LA DÉCADENCEDU PARLEMENTARISMEETL'ÉVOLUTIONDES PEUPLES VERS LA DICTATURE

Reaucoup d'écrivains, do Platon et Aristoto à Mon-

tesquieu, ont disserté sur les avantages et les incon-

vénients des diverses formes do gouvernement :

monarchie, république, etc.C'est dans los temps modernes seulement qu'on a

bien compris quo los institutions traduisent lesbesoins d'un pouplo à uno époque déterminée et no

dépendent pas du caprice des législateurs. Lo césa-rismo no fut pas créé par César, mais imposé àCésar. Si Ronaparto n'eut pas mis fin à l'anarchie

révolutionnaire, un autro général eut agi commo lui.


Sans la crainto inspirée par los socialistes, Napo-léon 111n'eut pas recuoilli sept millions do suffrages.

Il semble démontré aujourd'hui, malgré dosillusions très répandues encore, surtout chezlos oxtrémistes, quo les institutions politiques noso décrètent pas. Elles naissent des besoins d'un

pays, do -sa situation géographique, etc. C'ost ainsi,par excmplo, quo dans los temps antiques, la ^viopolitiquo ot socialo do l'Egypte fut délorminéo parios crues du Nil.

Donosjours, l'imporlancodosinfluencesextérieuresn'a fait quo grandir, la possession du charbon adéterminé l'évolution économique do l'Angletorro,

puis do l'Allemagno et leurs aspirations à l'hégé-monie

Los pouples changent parfois leurs institutionsmais ils so bornent lo plus souvont à en modifier losformos extérieures. La centralisation do la Francomodernon'a fait qu'accentuer cellodo l'ancien régimeL'Allemagne démocratiquo d'aujourd'hui est bienvoisino do l'Allemagne monarchique d'hier. On a ditavec raison :

« Lapensée,laphilosophie,lalittératureallemandes,depuisHegel,subordonnentl'individuà l'Ktal, l'absorbentdansl'Etat,alorsquoc'est précisémentsur l'oppositiondol'indi-vidu,et dol'Klat,sur la souverainetédo l'individucontrôlantiKlat,qu'estfondéoladémocratie.»

Malgréces évidoncoj, los illusions sur la puissancoréformatrico des lois rostont générales. Dos cohortes

do législateurs prétendent, au moins chez los pouplos

LESINSTITUTIONSPOLITIQUES. 143

latins, transformer la vie socialo à coups dodécrets.

Sans douto des conditions exceptionnelles ont per-mis aux révolutionnaires russes do transformer la viosocialo do la Russie Mais cette transformation appa-rente, loin d'être contraire aux conceptions qui précè-dent, n'a fait quo los justifier. On voit en effet, quomalgré un pouvoir absolu et lo massacre total dos

opposants, lo régimo communiste étatisto russe, im-

posé par la force, retourne graduellement au régimosi abhorré do l'initiativo privée, du capitalisme et dola propriété individuelle.

Suivant les observations d'un diplomato publiéesdans la Revue hebdomadaire :

t LesSovietsen sontréduitsà admettrelo retourh l'ordronormaldo touteslossociétéshumaines:la propriétéprivée,lalibertédestransactions,la monnaie,bientôtl'héritage...

1)n'y a guèrequoles commercesd'exportationet d'impor-tationqui soientrestésencoreun monopolode l'Etat. »

Si lo régimo communiste a pu so prolonger en

Russio, bien quo heurtant plusieurs des condi-tions fondamentales d'oxistonco dos peuples, co fut

simplement parco qu'il eut pour défonsours des

paysans entre lesquels los terres avaient été parta-gées. J'ai déjà fait remarquer ailleurs quo co fut pré-cisément pour uno raison analoguo (vonto à vil prixdos propriétés seigneuriales à la bourgeoisio), quo laRévolution françaiso put so maintonir quolquo tempsmalgré ses violences. Tant quo les paysans russosroutoront possesseurs des terres, ils s'opposerontnaturellement à tout retour do l'ancien régime

La grando difficulté pour un peuple n'ost pas do

7


choisir los institutions lesmoillouros,maisd'accoptorcelles adaptées à sa slructuro moniale II va parfoisdo révolution en révolution avant do los décou-vrir.

Nous sommes justement à un ago où los pouplos

ayant perdu Jour foi dans dos institutions qui noleur

ont pas évité los ruines d'uno guorro désastrouso,cherchent à los remplacer. Ils s'adrossent naturelle-

ment aux formes politiques los plus intelligibles,c'ost-à-diro les plus simples, et c'ost pourquoi l'an-

tique régimo autocratique qualifié do dictature repa-rait partout.

Parmi los causes prépondérantes do cette nouvolle

évolution so trouvo l'impuissance dos collectivités

constituées par los parlements, devant los complica-tions do l'âge moderne.

Los assemblées parlementaires so sont toujoursmontrées impuissantes à résoudre des problèmes dif-

ficiles. Leur capacité est médiocre, commo colle dotoutes los collectivités. Elles obéissent toujours à

quelques meneurs, esclaves eux-mêmesd'aulros me-

neurs : los clubs pendant la Révolution, les comités

électoraux et les congrès do nos jours. On sait avec

quoi craintif respect los socialistes les plus autori-

taires de la Chambre actuollo attendent les décisionsdes congrès do leur parti : autorisation ou défensed'entrer dans une combinaison ministérielle, etc.

Danstoute assembléo politique,aussi bienàl'époquorévolutionnaire quedonos jours, les groupesoxtrêmes

LESINSTITUTIONSPOLITIQUES 14b

à volontés forlos arrivent vito à dominor los groupesmodérés à volontés faiblos.

Si avancé quo soit un parti, il so voit lui-mftmobien*tôtmonacé par un aulro qvV»,pour lo supplanter, ren-chérit sur chacuno do ses propositions.

Co phénomèno do la surenchèro, qui contribua àrondro les parlements si impuissants, s'obsorva tou-

jours dans los grandes assemblées. Camillo Dosmou-lins s'en plaignait déjà. Elle conduisit los Girondinsà la guillotino, où los suivirent rapidement d'autresrenchérisseurs : Danton, puis Robospierro.

Aujourd'hui comme autrefois, la suronchèro, mo-montanémont utile à ses autours, finit par leur dovonirfuneste. Les socialistes de notre Parlomont on liront

l'expérience lorsque après avoir promis aux électeurs,

pour obtenir lourssuffragos, la réduction dos impôts,ils so Yiront obligés au contrairo do los augmentor,

** *

Dans l'évolution actuollo du monde, les Parlementsdo plusieurs états do l'Europo so sont montrés telle-mont inférieurs à leyr t&choqu'il fallut bien, ou les

supprimer, commo on Espagne, ou les placer, commeon Italie, sous l'autorité d'un dictateur capablo de

gouverner le pays.L'impuissance des Parlements à s'adaptor aux

conditions nouvelles de l'évolution modorne est de-venue si évidente quo, même onAngleterre, berceau du

parlementarisme, les journaux présagontsa fin, Voicicomiriont s'exprimait récemment, à ce sujet, un des

principaux; organes anglais, la Westminster Gazelle :


cLosystèmeparlementaireperddulorraindanstoutol'Eu-ropooccidentale.Lespartisconservateursn'aimentpas unsystèmoqui impliqueungouvernementfaible,dontl'existencoprt'cairon'estfaitoquodocompromis.Lessocialistesse ren-dentcomptequ'aveclosystèmeactuol,ils nopourrontjamaiseiïectuerquelques-unesdoleursréformessociales.C'estpour-quoiils n'ensontpaspluspartisansquolesconservateurs.Ondiraitcertainementquonousallonstraverserune périodedogouvernementsautocratiques.»

• Nos députés sont ontourés d'uno atmosphôrod'illu-

sionsquolosréalités nofranchissontplus.Courbéssous

la domination do socialistos menaçants, impérieuxet bruyants, hantés par la crainte d'électours auxquelsfurent faitos d'irréalisables promesses, ils votent los

mesures les plus dangorcuses, et so pordont dans do

byzantines discussions, renversant los ministros sous

les plus futiles prétextes. Un ancion rapporteur do la

commission des finances, M.Lamourcux, a tracé dans

los termes suivants cet aspect de la vio parlemen-taire :

« Pendantsix mois j'ai eu affaireà sept ministresdesfinances,à quatreprésidentsdu conseilet j'ai drt soutenirquatreprojetsdobudget.»

Si loparlementarisme continuo a so maintenir dans

quelques pays il subira forcément la transformation

suivanto :

Pouvoir dictatorial confié à un premier ministre

par lo Parlement pour une périodo limitéo'do quatroou cinq ans. - ,

M. LloydGeorge, en Anglotorre, a exercé pendant

quatro ans une dictaturo analogue, mais il fut ren-

versé par un simple YQtedu Parlement, alors quo lés

futurs promiors ministres dictateurs devront être

indépendants do tels yotes,

LESINSTITUTIONSPOLITIQUES 147

L'évolution des gouvornomonts européens vers dosformos divorses do dictaturo somblo inévitable mais

il ost impossible d'indiquer avec cortitudo do quolspartis politiques proviendront les futurs dictatours.

Dans uno intérossanto éludo, lo savant historien

Madolin, après avoir insisté sur la marcho do l'Eu-

ropo vers lo césarismo, ajoutait : « quo les dictatours

ne sortent généralement pas des partis dits réaction-

naires, mais, au contrairo, des- partis do gaucho. »

Bonaparte fut appuyé, en effet, par les Montagnards

ayant échappé à la guillotine, et Mussolini apparte-nait, jadis, au parti socialisto avancé. Sans doute, les

dictateurs peuvent sortir du parti populaire C'est

pourquoi la future dictature pourrait bion ôtro uno

dictaturo socialisto rappolant la Communo do 1871,avec ses massacres et l'incendio des plus boaux mo-

numents do la capitale, mais l'histoiro montre aussi

quo les dictateurs pouYont venir do partis fort divers.Le dictateur Sylla était chof du parti aristocratique,et Marius, chef du parli populaire Do nos jours,

Napoléon III qui, à sos débuts, doit ôtro considéré

comme un simple dictateur, fut poussé au pouvoiraussi bien par la droito quo par la gaucho, et il est

diffleilo do dire quo lo dictateur espagnol Primo do

Rivera ait été, en Espagne, lo représentant des partisavancés.

Quoi qu'il en soit do cos interprétations, on peutdiro quo si l'évolution politique actuelle de l'Europecontinue, les peuples on seront réduits a choisir entre


une dictature fasciste, uno dictaturo militaire ou uno

dictaturo communiste.

Co n'est pas la force do l'idéal démocratique quipréservera les états ouropéons dos dictatures. Cetidéal s'est profondément modifié depuis la Révo-lution française De la vieillo doviso : « Liberté,

égalité, fraternité », toujours gravée sur nos murs,

l'égalité seulo a conservé son prestige. La fraternitéa été romplacéo par la lutto des classes, et do la

liberté, les partis politiques n'ont nul souci.

Nous montrerons bientôt comment s'est faite, dans

plusiours grands pays européens, la transformationdo monarchies constitutionnelles en dictatures, -

En dehors des considérations psychologiques pré-cédentes, lo mouvement qui so dessine de plus en

plus on Europe contre je parlementarisme peut ôtreconsidéré comme uno phase nouvelle de l'antiquelutto entre les forces individuelles qui dirigèrenttoujours lo monde et les forces collectives qui pré-tendent les remplacer.

Los forces collectives restent immenses mais, pri-vées de direction, elles sont surtout destructrices. Dès

qu'un peuplo s'élève à certaines formes compliquées'do civilisation, lès pouvoirs collectifs, commeles par-lements, deviennent incapables do le gouverner.

Les forces individuelles pouvant être cpnstructivessont nécessaires à la direction dos. forces collectives.La pensée individuelle est aux puissances collectivesce qu'est lo gouvernail d'un cuirassé à la masse

LESINSTITUTIONSPOLITIQUES 141)

formidablo du vaisseau. Co gouvornail parait bien

faiblo ; sans lui pourtant, lo navire so brisorait vito

sur les écuoils.Jamais la lutte ontro los forces individuelles ot los

forces collectives no fut aussi violontoqu'aujourd'hui.Syndicalisme, communisme et toutos les variétésdu socialismo so coalisent contro l'individualisme. Lacolossale et catégorique oxpérionco do Id Russie n'a

encore converti personne

Lo parlementarisme, issu des votes populaires,avait établi uno sorto de transaction entro la penséeindividuelle et les forces collectives ; mais, avec los

nécessités do l'évolution moderne, les Parlementssont devenus, on raison môme des infériorités psycho-logiques do toutes los collectivités, totalement impuis-sants, quand ils n'ont pas à leur teto uno person-nalité suffisamment forte. C'est justement pourquoi,depuis plusieurs années, les premiers ministres des

divors parlements tondent comme*je lo disais plushaut à se transformer en véritables dictatours.

Ainsi, par des voies nouvelles, l'individualisme

arrive à reprendre son rôlo de conducteur du

monde. S'il dovait succombor devant la force bru-

tale ot avouglo des foules, les grandes civilisations

subiraient uno décadence qui précéderait do bien peula fin de leur histoire,

CHAPITREII

LES FORMESRECENTESDE DICTATURERÉALISÉESEN EUROPE

Los dictatures nouvellement nées on Europo ont

revêtu dos formes divorsos suivant los pays : prolé-tarienne on Russie, mililairo on Espagne,onTurquie,on Polognoot en Grèco,politique en Italie ,

Laissant do côté la dictaturo prolétarienne russo,

qui ne diffère qu'en théorie do l'ancien tzarisme, la

dictaturo grecque, qui no représente qu'un conflitd'ambition militaire, los dictatures polonaiso et

turquo qui restent encore un régimo demi-constitu-

tionnel, nous n'envisagerons ici quo los dictaturesitalienne et espagnole Nous dirons ensuito quelquesmots do la demi-dictaturo spontanément réaliséo onFrance à l'époque do la chute du franc.

La dictaturo italiohno sortit de l'excès do désordredans lequel socialistes ot syndicalistes avaient plongél'italio. Meurtres ot pillages ne so comptaient plus.

• i

L'armée restait indifférento, lo roi impuissant.

LESINSTITUTIONSTOLITIQUES 151

On sait comment un citoyon énorgiquo, M. Musso-

lini, mit fin au désordro en marchant sur Homo a latôto d'uno légion d'anciens combattants et déterminalo roi a l'accoptor pour chof do son gouvornomont.

Lo pouplo italien l'acclama comme un sauveur eten fait, le dictalotir, dégagé do l'influonco d'un parle-ment qu'il no conserva quo pour la forme, sut réor-

ganiser rapidement son pays.Résumant los doctrines du*nouveau maître, le Malin

écrivait :

«Mussoliniparle des principesdo 17S9commede l'antithèsedessiens. A l'égalitéil a substitue*la hiérarchie,à la liberté ladiscipline,à la fraternité la dévotionauxdeslinsdola patrie.»

L'énergie et lo jugement du dictateur lo firent

accepter par tous les partis, y compris le commu-nisme et le syndicalisme Los dirigeants de la Confé-dération du Travail demandèrent à s'associer au nou-veau gouvernement. Beaucoup do socialistes renon-cèrent à leurs théories.

Cette conversion dos socialistes ne constituait pas,d'ailleurs, un phénomène bien nouveau. Seule, la

rapidité do cetlo conversion pouvait étonner.Un des*plus influents socialistes déclara « mort lo

socialismo idéologique ». Ajoutant, très justement, quela guerre avait fourni uno preuve catégorique quo< le sôntimont dp race a toujours prévalu sur l'idéo-

logio de l'unité internationale do classe »,Lo dictateur italien a fourni des prouves indubi-

tables do capacité politique Suivant lui : « les divi7sions entre bourgeois ot prolétaires sont do vieillesméthodes de classement qui ont fait leur temps. »


Il s'ost très bion rendu compto quo dans los tompsmodernes la puissancedoschefs d'Etat, rois, ministres

ou dictatours môme dépond en grando partio de

conditions économiques extérieures dont los gouver-nements nosont pas maîtres, C'ostainsi, par oxomple,

quo la vio industrielle do l'Italio dépond on grando

partio do l'Anglotorro et des divers pays qui lui

fournissent lo charbon qu'elle no possède pas. Ces

nécessités quo lo monde n'avait pas encore connues

infiuoncont considérablement la politique étrangèredos nations qui s'y trouvent soumises.

Pour fairo pénétrer dans l'âmo simpliste dos foules

l'importance des conditions économiquesqui régissent

aujourd'hui la vio des peuples, lo dictateur italien so

propose do donner un ministère aux organisations ou-

vrières, < afin do les convaincre quo l'administrationd'un Etat est chosoextrêmement difficileot complexe,

qu'il n'y faut guère improviser, ni fairo tablo rase,commeil est arrivé au cours docertaines révolutions».

Lojour où cesvérités élémentaires pénétreront dans

l'àmo dos multitudes do sérieux progrès so trouveront

réalisés,En attendant, lo dictateur a pris des mesures fort

sages, qu'un parlement n'aurait Jamais pu imposer.

^ Il a égalementcomprisque,contrairementaux théoriessocialistes,un gouvernementmoderne« doit laisserà l'ini-tiativeprivéelo maximumdo libertéd'actionet renoncerà,toutes législations,interventionset entravesqui peuventsansdoutesatisfairelesdémagogiesparlementaires,matsqui,comme l'expériencel'a démontré,n'aboutissentqu'à êtreabsolumentpernicieuses.Tous les systèmeséconomique*négligeantla libreinitiativeet lesressortsindivlduels.seront,dansun brefdélai,vouésà unocomplètefaillite.

Désireuxd'appliquerces conceptions,ledictateurs'estpro-

LESINSTITUTIONSPOLITIQUE^ 15't

posé do confier a l'industrio privée plusieurs monopoles,notammentceluidestéléphones.»

Ces' mesures judiciousos représentent oxactemont

lo contrairo do co quo los socialistes voulont réaliser

ou Franco.L'oeuvre do Mussolini no pout être bien appréciéo

qu'on prenant l'utilité commo élémont do jugement.L'opinion générale en Europe a très bien été formuléo

par M.Churchill à l'ambassaJod'Angletorro do Homo

dovant uno réunion do journalistes, ot dont lo Malin

du 21 janvier 1927 a donné l'extrait suivant :

c 11est parfaitementabsurdede diro que lo gouvernementitalien no s'appuiopas sur une basedémocratique.

Si f avait clé Italien,je suit sur qui j'aurais été entièrementatec tous, depuis le commencementjusqu'à la fin, dans totreluttevictorieuse.

Votremouvementa rendu serviceau mondeentier,L'Italie a démontréqu'il y a uno manièro pour combattro

les forcessubversives.Celtemanièroest d'appelerla massadupeupleà unecoopérationloyaloavecl'Etat. L'Italiea démontréqu'en défendant1honneuret la stabilité de la sociétécivile,elle donnel'antidotenécessaireau poison russe. »

Laissant de côté l'Italie, — qui constitue un des

rarosexomplos où uno dictaturo prolongée ait été utile

à an peuple — arrivons à l'Espagno.La dictature espagnole out pour auteurs des offi-

ciers dirigés par le général do RJvera. Elle fut

comme en Italio la conséquence d'un état d'anarchie

contre lequel la royauté restait impuissante.Le dictateur a rappelé dans ses proclamations que

los assassinats socialistes se multipliaient d'inquié-


tanto façon.Depuistroisans, doscontainosdocitoyensétaient tombés sous loscoupsoxtrémistos.Parmi eux

figuraient un présidont du Conseil, un archovôquo,quatro gouvornourscivils ot de nombreuxchofs d'in-dustrie. Syndicalistes et communistes no so ména-

geaient d'aillours pas entre eux. C'est ainsi quo lochef du syndicat dos charretiers,fut assassiné par desextrémistes encoro plus extrémistes que lui.

Tous ces meurtres restaient impunis. La ma-

gistrature tremblait ot l'anarchio commençait a

gagnor l'armée Dos juntes militaires, — associa-tions do type soviétiquo, — prétendaient imposerlours volontés aux ministros, régler les conditions

d'avancement,etc. L'indisciplino dovenait générale ;plusieurs provinces entamaient des mouvements

séparatistes.La dictature espagnolo fut donc aussi né'cossairo

que la dictaturo italienne Après avoir éliminé lesministros et lo parlement, le dictateur espagnol gou-verna son pays avec un directoire composé do dix

généraux.CeDirectoire,annonçait logénéralde Riveradurera,

cjusqu'à cequodoshommescapableset d'une n<nralitéabsolue soient trouvés pour goitvornor l'Espagne »,On los chercheencore

Convaincudo l'impuissanco grandissante des gou-vernements constitutionnels lo roi subit toutes les

yolontésdu dictateur, y compris la confiscationdesbiens personnelsd'anciens ministres choisis par lui,Sansdoutea t-ilpensé/linsignantdepareillesmesures,

quo les rois modornes finiront par .posséder moinsdo liborté que les plus humbles de leurs sujots.


Au moment où j'écris ces lignes, lo dictateur do l'Es-

pagne est menacé, solon uno loi commimo à touteslos dictatures militairos, dos rivalités do générauxambitieux, désireux d'accédor à lour tour au pouvoir.L'histoire dos républiques ospagnoles do l'Amériquedonno uno idéo assez claire du sort dos pays dans

lesquels la puissanco dos compétitions individuellesest supérieure à cello dos lois.

La Franco n'a pas été obligée do subir un régimedictatorial aussi absolu quo ceux de l'Italie et do

l'Espagno ; mais, pour la sauver do l'anarchie finan-cière dont elle était menacée, il fallut confier au Pré-sident du Conseil un pouvoir demi-dictatorial consti-tué par lo droit de formuler des décrets sans prendrel'avis du Parlement. Los événements qui amenèrentcotte situation ont été oxposés par l'imporlantorovuoanglaise New slatesman du 15 janvier 1927 dans lostermos suivants :

<Le franc continuait à tomber.J' Driandformaunnouveaucabinet avec M. Caillauxaux finances.

M.Caillaux ne put gagner la confiance publique. Le francdescendaitsans arrêt. La Chambreétait en ébullition.Lapopu-lace donnait des signes de colère. Lecapitals'évadait du pays-Le Trésor était vide. M. Herriot joua un peu lo râle do para-tonnerre lorsque le 17juillet il renversa le cabinet Drîand-Caillaux. Son propre ministère fut renversé après uno seulojournée d'existence. Dans les rues, comme le franc touchaitpresque 250à la livro sterling, les foules réclamaient unetrêve des partis. Lobloc des gauches, ou cartel, avait jeté sanef sur les rochers et la France so trouvait < &deux doigts »de la ruine. Et c'est alors que M.Poincaré acceptaun devoirformidable II travailla aveccélérité. Lesclameurss'apaisèrent.

156 L'ÉVOLUTIONACTUBLLEDUMONDE

Le francfut arrêtéau borddol'ablmoet ramenéà uneposi-tionqu'il putdéfendre.Unocaissed'amortissementfutcrééopourvenir en aido au Trésor.La Chambre,profondémentalarmée,fit tout co qui lui fut demandé,et rapidementM. Poincaréût voterdes lois et obtint l'autorisationdegouvernerpardécretsqui, dansla périodeprécédento,ayaitété farouchementcombattuepar les députés.Le budgetfutvoté en trtnte-sixjours.Depuisdes générations,la Francon'avait pas eu le spectacloqiio lui donnait l'actiondoM.Poincaré.»

Quoiqu'il on soit do l'avenir dos divers régimes, ilfaut bien reconnaître quo si les peuples sont los uns

après les autres poussés vers des formes variées do

dictature, c'est qu'ollescorrespondentà des nécessitésnouvelles que l'évolution moderne du mondo à fait

surgir.

CHAPITRE III

RAISONSPSYCHOLOGIQUESDUDANGERDES DICTATURES

Après avoir montré l'utilité des dictatures à cor-tains moments do la vio des peuples, il importe aussi

d'en mentionnor les dangers.L'autorité d'un dictateur étant, par définition, sous-

traite à tout contrôleuses erreurs peuvont, comme le

prouve l'histoiro; entraîner un peuple vers d'irrépa-rables désastres. Lorsque Napoléon III, aveuglé sur

les plus évidonts intérêts do la Franco, favorisa l'écra-

sement do l'Autriche par la Prusse, il préparait sa

future défaite on 1870 et la guerre de 1914 qui on

représente uno lointaine conséquence.Durant la lutte mondiale, ce fut par uno série de

maladresses, dont chacune constituait un acte dictato-

rial, quo Guillaume il amena les pacifiques commer-

çants dos Etats-Unis à entrer dans le conflit. Cette

lourde faute lui fit perdre une guerre dont l'issue

restait fort douteuse avant l'intervention américaine,J'ai déjà rappelé que l'Angleterre commit des

erreurs du même otçlro, notamment quand lo mi-

nistro Lloyd Goorgousadoson pouvoir presque dicta-


torial pour lancer la Grèco contro la Turquie dans

l'ospoir do conquérir indirectement Constantinoplo.La politiquo dictatoriale du mémo ministre envers

la Franco no fut pas plus heureuse. Elle faillit faire

perdro a l'Angleterre uno alliance qui lui était aussinécessaire qu'à son ancienne alliée

Rion d'autres exemples montrent la funeste

influence que peuvent parfois oxorcer losdictatours.Les plus puissants quo lo mondo ait connus depuislongtomps furent Lénineon Russie, ot, pour un ins-

tant on Europe, lo Président Wilson. Lénino ramenala Russioà la barbarie ot lo Présidont Wilson fut undos principaux auteurs do la désorganisation euro-

péenne actuollo.Dèsson arrivée on Europo l'illustro hommo d'Etat

américain vit ses décisions dictatoriales acceptéescomme dosoracles.Oubliantquo les empires naissentde nécessités historiques accumulées ot no sont pascréés par la raison pure, il prétendit rofairola cartedo

l'Europe on nbprônant quol'idéologiquo principedos

nationalités pour guide Co principo lui inspira larédactiond'un traité do paixoù, dédaignant milloans

d'histoire, l'Europe fut découpéoon petits états, sansvio économiqtto possible ot toujours prêts à s'ontro-

déchiror,

Les dictaturos prolongéesprésontonteotautrodan-gor d'amener rapidement l'affaissementdu caraclôro

de ceux qui los subissont, Sans doute la dictaturo

d'Augusto mil fin aux guerres civilosot assura pour


longtemps la prospérité de l'Empire Mais, sous l'in-fluonco despotique de sos successeurs, l'Ame ro-

maine so désagrégea et perdit los qualités do carac-

tère qui avaiont maintenu à travers los âges la

grandeur do Rome.La soumission dos Romains à la puissance impérialo

était dovenuo complète Lorsqu'un César de la déca-donco pénétrait au Sénat, les sénateurs tremblaiontdevant lui ot applaudissaient avec frénésie quand,sur un simple soupçon, le maître onvoyait quolquos-uns d'entre eux au supplice Los Conventionnels ne

montraient pas moins de servilité lorsqu'ils applau-dissaient Robespierro marquant pour l'échafaud los

collègues ayant cossé do lui plairo.

Si los dictatures ont uno tondanco à so porpétucr,c'ost que la plupart des hommes, pour s'évitor l'effort

do so guidor eux-mêmes, cherchent un maitro capablod'orienter lours ponsées ot lour conduite

Jamais lospouplos no parleront plus qu'aujourd'huido liborlé ot jamais pourtant ils no so soumirent aussi

facilement à toutos los servitudes. Si lo bosoin d'éga-lité no cosso do grandir, l'idéo do liborlé a perdutout prostigo. Certains partis, lo communismo par

oxomplo, la rojottont complètement et attendent

avec respoet los ordros venus do lointains dospotes.Dos millions do syndicalistes so conforment aux

injonctions impériousos do lours chois. Sur un gostodo cos maîtres, los chemins do for d'un pays cossont

do fonctionner, los minours d'oxtralro du charbon,


les flottes marchandes suspendent leur commerce.

Tous los éléments de la vio sociale se trouvent ainsi

paralysés.Les purs socialistes no so soucient pas davantage

do liberté. Leur rêve est un étatismo étroit gouver-nant avec rigidité la vio dos citoyens. Loslois votéessous leur influence n'ont fait qu'effacer de plus en

plus les traces do liberté dont los hommesjouissaientencore. Dans los pays latins ils somblent s'y résignerfacilement.

Ici nous touchonsà un élémentpsychologiquefon-damental dont la connaissanceéclairecoqui précède.Si les universités dos Etats-Unis considèront commoessontiollol'éducation du caractère, si néglige dosunivorsités latines, c'est qu'elles savent bion quol'hommô qui parvient à so dominer lui-mèmon'a pasbosoind'ôtro gouverné par d'autres. Possédant uno

disciplino interno qui lo disponso do touto disci-

pline externe, il est son propre dictateur. Rien no

romplacoparoille dictaturo.

LIVRE VI

LES ILLUSIONSSUR L'ORIGINEET LA RÉPARTITIONDES RICHESSES

CHAPITRE PREMIER

LUSILLUSIONSSUR LA NATUREDU CAPITAL

La haine du régime dit capitaliste ost dovonuo un

des éléments fondamentaux du socialismo et du com-

munisme Leur but principal est do détruiro co régimesoit violomniont, soit au moyen d'amputations répé-tées imposées au capital.

Rien quo los illusions no so réfutent guèro avec dos

mots, il no sofa pas inulilo do résumer brièvementles idées qu'on peut so fairo aujourd'hui sur la naturedu capital.

Co résumé montrora, une fois encore, quo l'incom-

préhension dos mots, beaucoup plus pout-ôtro quo


cello des idéos, so trouve à l'origino do bion dos

mouvomontsrévolutionnaires.

Examinonsdonc le sonsréel du tormocapital, l'un

dos plus chargés d'illusions do l'ago moderne

Pour les socialistes, lo capital résulterait unique-mont d'un prélèvementsur lo salairo des ouvriors.

Sonprincipal rôio serait do constituer des rentes à

uno catégorie d'exploiteurs qualifiés do capitalistes.

Cortainosidéos très répanduesoncoro sur' lo capi-tal correspondentà uno phase ancienne d'évolution,

quo les progrès do l'industrie ont fait disparallrodopùislongtemps.

So*-..-'.sa formoprimitive, lo capital était représenté

par ù..'Strésors, l'or notammont,accumulésdans doscoffresd'où ils sortaient raremont ; sa valeur restait

par conséquentinvariable

Aujourd'hui, lo capital est sorti dos coffres, ot sa

grandeur, loin d'ôtro invariablo, vario sans cossoKilodépondon offotdo divers factours : l'intolligoncoentre autres.

J'ai déjà montré dans un précédontouvragoquo larlchossod'un individu ou d'un pouplodépond do la

rapidité do circulationdu capitaldont il dispose.Peu

importo quo lo capital soit minimo si, grAcoà l'in-fluencedos factourscapacitéet travail, sa vitesse docirculationdoviontconsidérable

Cette loi ost analoguoh collo qui régit on méca-

nique la grandeur do la forcovivo.'Elloost égale, onlo sait, au demi-produit do la masso par lo carré do

ORIGINEET RÉPARTITIONDESRICHESSES 163

la vitosso. Uno ballo do masso petite, mais animéo

d'uno grando vitesse, est beaucoup plus pénétrante

qu'uno ballo cent fois plus lourde, mais do faiblo

vitosso. _Cctto analogio mécaniquo doit ôtro introduito dans

les définitions do la richesse L'or enfermé dans un

coffro roprésonto uno ballo do fusil immobiliséo. La

vitosso seule rond actifs l'or ot la ballo.

H faut donc toujours, dans los définitions do la

richesse, considéror ces doux factours : grandeur du

capital et rapidité do sa circulation.

Dans la'richesse lo facteur vitosso dépond surtout

do la capacité : capacité tochniquo do l'ouvrior ot sur-

tout capacité do la direction.

Cos notions fondamentales se répandent do plus on

plus. Résumant mes explications à co sujet, M. l'in-

génieur on chef Marcel Rloch rappelait, dans un

remarquablo rapport sur l'organisation des chomins

do fer, ma démonstration quo l'imporlanco du capi-tal dépond do la vitosso do sa circulation. Un capitalrolativomont modo'sto, mais à circulation rapido,aura biontot uno grandeur très supérlouro à collo

d'un capital important mais à faiblo vitosso do circu-

lation. La vitosso c'ost do la richosse Travailler vito

c'ost s'onrichir, travailler lontomont c'ost s'appauvrir,

** •»

Dans los trois factours dont so compose lo capitalmodorno : l'or, l'intelligonco ot lo travail, Pintelli-

gonco est généralomont lo plus important. On aconstaté depuis longtemps, on Amérique surtout, quo

ICI L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

dans beaucoupd'usines le rondement était au moinsdoublé en y introduisant le facteur capacité.

Contrairement aux croyances communistes, la

capacité intellectuelle,qui dépassait à peine jadis envaleur la capacité manuelle, lui est, aujourd'hui, si

supérieure quo la sccondono peut plus rien sans la

première.C'est la capacité intellectuellequi permet do réali-

ser los découvertesdont profitol'humanité, alors quola capacité manuollo no profite guère qu'à chaquotravailleur. On a évalué à un tiers du revenu actueldo PAngleterrola part imputabloà la capacité d'une

pelito élito.Locapital ost dovonuaujourd'hui l'élément essen-

tiel do la vio industrielle; vouloir lo réduire par toutouno série de mesures vexatoircs commelo rêvent les

socialistos, c'ost méconnaltro son rôle prépondérantdans la vio dos pcuplos, Un impôt sur le capitaln'a d'autro résultat quo d'augmontor lo prix "des

objets et do rendro l'oxistoncoplus chère

Ces notions, un pou abstraites pour dos ouvriers

latins, sont bien comprises do leurs confrères amé-ricains. Plusieurs journaux ont mentionné la péti-tion signée par des ouvriers pour obtonlr qu'ungrand constructeur d'automobiles fût exempté des

impôts capables do réduire son capital. Los signa-taires comprenaient parfaitement quo ces impôtsauraiont pour résultat final d'augmontor lo prix do


vente des automobiles dont un grand nombre d'entre

eux étaient acquéreurs.L'impôt sur lo capital n'est qu'uno illusion. Créa-

tion do l'envie et do la haino, il no forait qu'appau-vrir davantage los classes dont il prétond améliorer

le sort.Les théories socialistes ont été réfutées tant do

fois et ont reçu un si clair démenti dos oxpérienecstontéos dans divers pays, qu'il serait inutile d'yrovonir.

Lo régime dit capitaliste se modifie, d'aillours,

chaque jour. Lo capital, qui souliont les industries,so diffuso actuellement de plus on plus en un tel

nombro do mains qu'il n'y aura bientôt plus d'indi-

vidus pouvant êtro qualifiés do grands capitalistes»

#* *

A quelques-unes dos considérations qui précèdentsur lo régimo capitaliste, los socialistes répondont

quo, s'ils voulont supprimer los capitalistes, leur inten-

tion n'est nullement do détruiro lo capital, mais bien

do le rcmctlro aux mains do l'Etat, qui sorait alors

chargé do la gestion do toutes los indus trios.

Malheureusement pour colto conception, des oxpé-rioncos cent fois répétéos ont prouvé quo los produitsdes industries gérées par l'Etat, c'est-à-dire par un

personnel non intérossé au succès dos entreprises,reviennent beaucoup plus chor que ceux dus à l'in-

dustrie privée Lo prix do revient dos marchandises

fabriquées dans les pays étatisés sorait tel qu'ollosne pourraient concurrencer à l'étranger tes produits


dus à l'industrie des pays ayant échappé au régimesocialisto. La Russio soviétique en fournit un frap-pant exemple

No pouvant entrer ici dans l'étudo détaillée dos

questions concernant lo capital et la monnaiequi le

représente, je me bornerai à résumer en propositionsbrôvosquelques points fondamentaux :

— La valeur d'un capital dépend surtout do la

rapidité de sa circulation.— La richesse d'un pouplone réside pas dans l'or

qu'il possède, moinsoncorodans dos monnaies arti-ficielles sans garantie, fabriquées à volonté. Un

pouploost pauvroou riclio, suivant quo los produitsdo son sol, dosos usines, doson commerco,sont infé-rieurs ou supérieurs à sos besoins. '

—Un pouplos'appauvrit lorsqu'il cohsommoplusqu'il no produit; c'ost co qui arrivo lorsque les mar-chandises qu'il fabrique deviennent, par suite de laréduction dos heures do travail ou d'autres motifs,trop chères pour ôtro exportées. •

— Quand un peuplooxportouno quantité do mar-chandises d'une valeur oxactomontégaloà colloqu'ilimporto, sa monnaio,fùt-elloentièrement fiduciaire,

garde lo mémopouvoird'achat,-* Lorsqu'un pouploimporte plus domarchandises

qu'il n'on oxporto, ot si fauto do ressources il est

obligéd'effectuersospaiementsonmonnaiofiduciaire,cctlo monnaio subit uno porte dépondant du degréde confiancequo l'achotourlui accorde Losmarchan-dises achotéos au dehors augmentant forcémentdo


prix, l'élévation du coût do la vio on sora la consé-

quence.— Dans los échanges de marchandises do valeur

équivalente, l'or n'intervient quo comme unité do

compte, sans qu'il soit besoin do lo déplacer descaisses où il ost conservé.

— Lorsque lo débiteur d'un capital do grandeurquelconque dispose d'un temps suffisant, il peut, parlo mécanismo do l'amortissement, réduire cotte dotto,si grando qu'on la supposo, à un chiffro aussi faible

qu'on le désire

CHAPITREII

LESCONFLITSENTREL'INTELLIGENCE.LECAPITALETLÉTRAVAIL

Lomécontontomontgénéral, dont les effetsont été

étudiés plusieurs fois au coursdo cet ouvrage,s'ob-sorvosurtout dans la masse ouvrièrebien quo sa si-tuation matériellen'ait jamais été aussi satisfaisante

qu'aujourd'hui. Los salaires, mémo on les ramonantà l'ancienétalon-or, ont considérablementaugmenté.

Mais, à mosuro quo cos salairos s'élovaiont,nais-saientdonouvollosaspirationsotdonouveauxbesoins

qui dépasserontbientôt les moyensdo los satisfaire.Par un phénomônodéjà obsorvéà la voillodo la Révo-

lution, la haino des classes inférieures à l'égard dosclassossupériouross'ost accruoon mémotemps quo,par lours ressources, los premièresso rapprochaientdos secondes.Onpourrait énoncor,commounoloido

phUosophiopolitiquoquo, dans la viodospeuplesles

grandes inégalités de situation socialo so tolèrentfacilementalors quo los inégalités légèrosno so sup-portent pas.

Lo besoin d'égalité ot la haino do l'autorité sontdovonusdos caractéristiques do la montalité popu-


lairo moderne. Le rêve de nombreux travailleurs ost

do s'omparer violemment dos mines, dos usines,des chemins de fer, etc., pour les administrer à leur

profit. Les formules : la mine aux mineurs, los che-

mins do fer aux cheminots, etc., synthétisent parfai-tement ces aspirations.

L'illusion dos classes ouvrières est do croire

qu'elles gagneraient quoique chose à cotto transfor-mation alors qu'elles y perdraient beaucoup.

Los productions industrielles modernes oxigdnt, en

effet, non seulomont dos capitaux mais surtout des

capacités. Sans elles les industries los plus brillantes

péricliteraient rapidement.Lo public entier profito des concentrations indus-

trielles actuelles, dues à la combinaison,dos grands

capitaux et dos grandes capacités. 11ost évident,

par oxomplo, qu'un petit patron n'occupant qu'unedizaine d'ouvriers aura fatalement des prix do roviont

plus élevés quo celui dont l'usino comprond un mil-

lier de travailleurs. Lopotit patron ost en effet obligé,

pour vivre et payer ses frais généraux, do préleveruno part importante sur lo travail do chaque ouvrier,alors qu'un chof d'usine employant, jo supposo, millo

ouvriers, gagnerait soixanto-quinîo millo francs paran on se bornant à prélover journellement vingt-

cinq centimes do bénéfleo sur lo travail do l'ouvrier

payé cinquanto francs par jour.Réduiro los prix do roviont, comme lo fai,t la grando

industrio, dite capitalisto, c'est, on réalité, accrottrol'aisance des ouvriers puisquo, avec la mémo somme,ils pouvent acheter plus d'objots,

•170 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

L'observation démontro quo si le rôle du capitalost important dans l'industrio moderne, celui do l'in-

telligence l'est plus encore. Seul, en effet, le capitalintellectuel peut fairo fructifier lo capital matériel.

Aucuuocomparaisonn'est possible entre la psycho-logiod'un chof d'enlropriso ot collodes ouvriers qu'ildirige. Travaillant à ses risques ot périls, engageantdo gros capitaux et oscillant sans cesse entre larichosso cl la ruine, c'est-à-diro entre dos sanctions

personnelles très rigoureuses, lo grand industrieloxcrce nécessairement, dans la civilisation moderne,uno action considérable

c Si la petitelloanglaisearriveanourrirquarante-septmil-lionsd'habitantsdans un pays où no pouvaientvivre,autempsdoh roinoElisabeth,que cinqmillionsdopersonnes,ellonolodoitpas,commolo faitobserverl'EconomistoLysis,a ses travailleursmanuels,maisa ses chofsd'entreprise,asostechniciens.»

«* *

Los socialistes essaient do porsuader aux classos

ouvrières qu'ollos gagnoraiont boaucoup plus qu'au-jourd'hui on s'emparant dosmines, dos usines ot do

tous los moyens do production pouron confier la gos-tion à l'Etat.

L'oxpériencoa copondantprouvé,ainsi qu'on l'a sou-vont rappolé,quolesusinosadministrées par doschofs

non intéressés au succèsdos ontrcprisos donnaiont do

pauvres résultats, Collosgéréos par l'Etat — tabacs,

ORIOINEET RÉPARTITIONDESRICHESSES 171

allumettes, par oxemplo — fournissent dos produitsextrêmement coûteux. Colles administrées par dos

ouvriers — la vorrerio do Carmaux, ontro autres —

donnent dos résultats plus médiocros oncoro, môme

avec des ingéniours intelligents misàlour tôto.La faîblo valeur dos gestions ouvrièros est oncoro

démontrée par l'histoiro dos coopératives do produc-tion, qui ont échoué presquo partout, alors quo les

coopératives do consommation, qui vondent, mais no

produisent pas, réussissont généralomont.Dos raisons psychologiques très simplos oxpliquent

ces échecs. Un directeur a traitement flxo, élu parles travailleurs, n'a ni Pindépeiuïanco d'action, ni lo

pouvoir, ni l'initiative, ni mémo l'intérêt nécessaire à

la bonno marche d'uno ohtrepriso.

» *

Un des grands problèmes modernes est la réparti-tion équitablo dos bénéllcos do la production ontro

les trois sourcos do cotto production : intclligonce,

capital ot travail.

Nombroux furent los ossals elTectuéspour modiflor

celte répartition.La solution du problèmo sorait très simple, si los

producteurs, participant aux bénéfices, participaient

également aux portos, commo les actionnaires do

toutes los ontroprisos industrielles.'

Mais co quo los ouvriers réclamont, c'ost do parti-

ciper aux bénéfices et non aux portos.Los socialistes soutionnont quo los bénéllcos de-

vraient rovonir on totalité aux ouvriors ; or, commo


nous lo disions plus haut, il est évident que sans le

capital, qui supporte seul l'installation des entre-

prises et les risques à courir, et sans l'intelligence,

qui dirige, aucunoproductionéconomiquen'est pos-sible.

il ost évident aussi quo les grands industriels

ont tout intérêt à faire participer l'ouvrier aux béné-

fices,afin do l'intéresser a la bonne marche do l'on-

trepriso ot stimuler son activité. C'est co qui se fait

à peu près partout maintenant.

Donombreusesstatistiques démontrent qu'aujour-d'hui la part do l'ouvrier grandit constamment alors

que collo du capital et do l'intolligoncoso restreint

do plus en plus.D'aprèsles renseignementsfournisparL'Illustration

Economique,les bénéficesdes entreprises minières so

répartiraient do la façonsuivante :

c49p. 100a h maind'oeuvre,48,10p. 100a l'entretienet ala réfectionde l'outillage,2,90p. 100seulementaucapital.

Supposonsquoces2,90p. 100,verséscommorémunérationdu capital,soientrépartisentre les ouvriers,lo salairedochacuns'entrouveraitaccrudebienpeu.»

Examinant los bénéficesd'uno dos plus prospèresusinos du monde, collod'Ksson,qui occupaitavant la

guorro 439.000ouvriers, recovantpar an 870millionsdo marks do salaires, lo mémoautour fait remarquerquo la répartition ontro les ouvriers do la totalité dossommes distribuées en dividende aux actionnairesn'eût procuré à chacun d'oux quo 240 marks par an,L'abandon total des bénéficesaux ouvriors n'ajoute-rait doncqu'uno sommoinfimea loursalaire.

Non seulement la répartition totalo dos bénéfices


ontro les ouvriers n'augmenterait quo d'uno façon

insignifiante lours salaires, mais on outre cotto aug-mentation provisoire serait rapidement suivio d'uneréduction considérable. Bientôt, en effet, la dispari-tion de l'intelligence directrice entraînerait uno di-minution importante do la production des usines.

Les ouvriers et leurs meneurs se font donc do

grandes illusions en supposant qu'une entroprisodirigée par eux, ou simplement sur la gestion de

laquolle ils exerceraient un contrôle prépondérant,leur rapporterait plus do bénéfices qu'ils n'en touchentactuellement.

L'expérience et lo raisonnomont étant sans in-lluonco sur los convaincus, les illusions ouvrières,rostcnt indestructibles. Malgré toutes les démons-

trations, les socialistes continuent a professer a,

l'égard du capital uno haine intonso qui, dans los

pays où lour influonco p^ut s'exercer, so manifosto

par des lois voxatoiros, désastrousos pour l'industrie.Au cours d'uno conversation rolatéo par Le Temps,

un observateur autrichien faisait remarquor qu'àVienne, la municipalité socialisto s'est appliquée partous les moyens à supprimer peu a pou lo capital,a tarir l'uno après l'autro toutes los sourcos do

l'énergie ot do l'activité humaines : impôts extrava-

gants sur los automobiles, dont lo soûl résultat a étéd'anéantir cotto Industrlo et do prlvor do travail donombroux puvriors ; impôts non moins extravagantssur la fabrication des objots do luxo qui faisait vivre


Viennoet dont lo prix, démesurément majoré par los

taxes, los a rendus invendables à l'étranger, etc.

c II faut,disaitlo mômeobservateur,venirà Viennopourse rendrecomptedes conséquenceslamentablesqu'entraînel'applicationdesdoctrinessocialistes.»

Un Américain, qui venait do visiter l'Europe,

ajoute à co propos :

c J'ai l'impressionquo,presquopartout,lesgouvernementsfont leur possiblepour quo ceux qui sont richescessentbientôtdoî'étroet quoceuxquinolosontpasn'aientaucuneenviodo lo devenir.C'estco dernierpointsurtoutqui estgrave.On s'cfTorcod'imposerà tous la mémomédiocritéparesseuse,»

« Eh Amérique,nous no voyonsaucuninconvénienta coqu'il y ail beaucoupdoriches,et lo nombredo ceuxquilodeviennents'accroîtdo jour.en jour. Et,cependant,il n'yapas do paysau mondooù lesouvrierstouchentd'aussigrossalaireset soientaussicontents.»

Los socialistes so soucient peu do toiles considé-

rations. Lours mesures voxatoirosdérivent d'un idéal

do basse envioqui no peut so satisfairo qu'on appau-vrissant los richos pour établir l'égalité dans la

misère.

'La lutto quonousvoyonsgrandir, ontro les classos,n'est pas nouvollc. Elle so manifesta bion des fois

au cours des siècles ot occasionnala clutto do puis-sants empires. La Grècoantiquo, notamment, en fut

victime. Do la guerro du Pélopohèsoà la conquêteromaino, 1'histolro grecquo n'ost quo lo récit dos

lullos ontro les classos fortunées et colles qui no


l'étaient pas. Aveuglés par les mêmes illusions quoles socialistes modernes, les Grecs crurent, aprèsavoir acquis l'égalité des droits politiques, pouvoirimposer au moyen do lois l'égalité dos conditions.Lo soûl résultat obtonu fut uno sério do gucrrosciviles et do dévastations.

Avant cos dissonsions intestines, les Grecs possé-daient uno civilisation quo los pouplos mirent biendes sièclos à égaler. Des philosophes comme Socrato,Platon ot Aristoto, des artistes commo Praxitèle,dos organisateurs commo Aloxandro, illuminaient lo.mondo do leur génio. Un siôclo et demi après cotto

période, unique dans l'Histoiro, los luttes socialesavaiont conduit la Grèco à uno si complôto décadonco

quo los Romains n'ourent aucuno poino a la réduiro

en servitude. Los doscondants dos grands hommes,dont la gloire demouro si vivante encore, furent

vendus commo esclaves sur les marchés,do Uomo.

L'évolution des pcuplos chango souvent, mais les lois

psychologiquos qui on oriontontlo coursrestontinva-

riables,

CHAPITREIII

COMMENTL'AMÉRIQUEA RÉSOLULE PROBLÈMEDE LA LUTTEDESCLASSES

L'Histoiroso composesurtout du récit dos conflitsènlro pouplos et dos luttes entre les diverses classesd'un mômepouple.

Les conflits cntro peuples euront, parfois, desrésultats utilos. C'ost par los armes quo Romeétablitsa civilisation dans lo mondo et finit par. imposeruno paix universelle

Mais si los guorros ontro peuples euront parfoisdos résultats houreux, colles cntro los classes d'unmême pouplon'engendreront quo dos désastres et lafin do plusiours civilisations. Cosont les dissensionsèntro classos, nous venonsdo le voir a l'instant, quiconduisirent la Grècea la sorvitudoot condamneront

la'républiquo romaine à subir lojoug des empereurs.Do nos jours, les guerres ontro classes furont

également Porigino de lourds désastres. Los luttes

sociales do 1848amenèrent ladlctaturo impérialo quise termina par Sedan.

Dosévénementsplus réconts oncoroont montré les

conséquencesdosluttes doclassos.Ellosprovoquèrent

/ ORIGINEET RÉPARTITIONDESRICHESSES 177

la décadence de la Russie et lo massacre dos intellec-

tuels auxquels co vasto empiro dovait quelque appa-ronco de civilisation.

L'Italie faillit subir un sort analogue. Kilon'échappaaux massacres et aux ruines qu'enfantent toujoursles luttos de classes quo par l'énergiquo intorvontiond'un dictateur. On sait aussi quo ce fut sculoment

l'influonco d'un.chof de gouvernement provisoirementdoué do pouvoirs dictatoriaux qui sauva la Franco

d'uno faillito flnancièro résultant dos monacos do

luttes do classos duos au pouvoir croissant des

socialistes.

Donc, à tous les âges, chez tous les pouples, sous

toutes los latitudes, hier commo aujourd'hui, dosluttos do classes déterminent fatalement la ruino des

peuples qui on sont victimes. Il faut donc considérercomme grands bienfaiteurs do l'humanité les hommes

découvrant les moyens sûrs d'éviter do toiles luttes*

## *

Uno dos promiôros tontativos réaliséos pour établir

l'union cntro los classos sociales est duo au Chris-

tianisme. Ko pouvant supprimer les différences résul-tant d'inégalités héréditaires, il promit aux fidèles

un paradis futur où tous les hommes soraiont égaux.Cotto bionfaisanto chimèro donna, pondant dos

siècles, des ospérances empêchant los hommos do

trop souffrir dos inégalités dont ils étaient victimes.

Alors mémo quo lo Diou dos curetions irait rejoindrolos divinités du mondo antiquo dans lo vasto pan-théon où roposont les dtoux morts, H faudrait toit-


jours saluor avec respect la grande ombro qui voilaaux hommes, pendant do longs siècles, los duretésdu sort.

MaisThouro a sonné où les croyances roligiousesont perdu lour pouvoir paciflcatour sur los Ames.Il

fallait donc découvrir d'autres moyens pour offacorlos inégalités quo los peuples modornos no suppor-taient plus.

L'union des classes do situations divorsossomblant

impossibloaux socialistes, ils proclamaient la néces-sité d'uno lulto ontro ces classes. Leur but finaln'était pas, d'aillours, d'établir uno égalité généralemais do soumettre, commoils y réussiront onRussie,les classos supérieures aux classos infériouros. La

formulo « dictature du prolétariat » résumo bion

cette concoption. Contre do telles menaces PEuror)ociviliséocherche a so défendre aujourd'hui,

Co grand problèmo do l'union dos classos, consi-

déré commo insolublo par dos moyens pacifiques,a cependant été résolu do la plus brillante façon aux

Etats-Unis, graco a l'application do certains prin-cipes économiqueset psychologlquos.

Sous lour influonco,l'ouvrier est devonu l'associéet l'ami du patron, et se trouve, on no saurait troplo rappolor, dans une situation supérieure à collo dola plupart dos bourgeois ouropéons.

Lo succès obtenu par los Américains ost d'autant

plus romarquablo qu'eux aussi ont dû, commoen

Europe, subir, dos conflits do classos. Sans doute,


le socialismo étatiste n'a jamais pu influencor lesouvriers américains, qui lo considèrent commo unoforme d'osclavago acceptable soulement par dos men-

talités inférieures; mais lo syndicalisme, très puis-sant pendant longtemps aux Etats-Unis, y fut l'ori-

gino do sérieux conflits entre ouvriors et patronsavant l'union établio aujourd'hui.

L'association de classos quo la mentalité et lesintérêts semblaient devoir toujours séparer, a ou

pour autours dos industriels éminents, doués d'uno

sagacité économique ot psychologique fort remar-

quable.La fusion dos classos obtonuo par oux aétéconstatéo

dans beaucoup do publications, ot tout récemment

oncoro, par uno délégation d'ouvriers anglais onvoyéoon Amériquo par lo Daily Mail,

Les rapports do cos délégués ont été traduits parla Société d'Encouragement pour l'Industrie ; ils sont

précédés d'un résumé do M. do Fréminvillo où est

montré à quoi point sont dovonuos cordiales los rela-

tions cntro ouvriors et patrons.etLa prospérité'actuelle do l'industrie des États-Unis,écrit

cet auteur, résulte,dansuno grandemesure,dorelationsentrepatronset ouvriersabsolumentditTérentcsdocellesquiexistentdans les usinesdo la Grande-Bretagne.Cesrelationsreposent,du resto, sur une conceptionentièrement nouvelledes inté-rêts du patron cl do l'ouvrier. >

En Amériquo, patrons et employés sont dos asso-

ciés; on Angleterre ot en Franco, des ennemis. Cottobrôvo formule condenso lour histoiro.


*

La principalo causo do la situation actuelle do l'in-

dustrie américaine tient, on grando partie, à l'appli-cation do divers principes fondamentaux dus au

grand industriel Taylor.

c Avantlui, onse trouvaitenprésencodoconceptionséco-nomiquescontradictoires.Lesuns croyaientquelochômage,etparconséquentla misèrequol'ouvrieravaitdû subirpérïo-.diquement,nopouvaitétroévitéqu'enlimitantla production.A cesassertions,Tayloret sonécoleopposaientquolo plusbasprixderevientestparfaitementcompatibleaveclesalaireldplusélevé;lo hautsalairedo l'ouvrier,augmentantsa puis-«anco'd'achat,créo pour l'industrieun marchéénorme,enfacoduquelta surproductionn'estpasa craindre.

<Un étatdechosesnouveausuccédabientôta celuiquoTaylor rencontraiten prenantcontactavec l'industrietespatronscomprirenttrès vite qu'uneproductioninfinimentsupérieureàcelled'autrefois,était possible,maisqu'il fallait,pourl'obtenir,organiserlotravaildanssesmoindresdétails,évitera l'ouvriertoutofatigueinutile,lopayerlargementafindol'intéressera l'applicationdotouteslesmesuresdonaturoà augmentersa production.L'ouvrierdevaitétro traité.encollaborateur,en associé;il fallaittout fairepouraméliorersesconditionsd'existèneo.

c L'ouvriers'est facilementprêtéa l'emploidesnouvellesméthodes.Les syndicatseux-mêmes,renonçantaux luttesantérieures,so sont laissé entraînerdans lo mouvementgénéral.

« Suivantla nouvelleécole,l'enscmblodes ouvriersconsti-tuerait l'énormemajoritédes consommateurs,le marchémémode l'industrie.Cemarchéest d'autantmeilleurquolapuissancod'achatdol'ouvrierestplusgrande,c'est-à-direquotessalairessontplusélevés,et quolesproduitsdol'industriepeuventétrooffertshdesprixplusbas».

Touslosdélégués anglais qui ont constaté los résul-

tats des méthodes américaines vonaiontd'un pays on

proio a uno criso industriollo d'uno gravité oxcop-


lionnelle, dont los anciennes formules do la lutte des

classes, du contrat collectif, dos démarcations jalousesentre ouvriers ot patrons, do la restriction do la pro-duction, n'avaient pu donner la solution,

Co qui précède montro nottomont quo la mentalité

des ouvriors américains est devenue fort différente do

celle des travailleurs anglais ot français, on luttoconstanto avec lo patronat. M. A. do Tarlé a très bienmontré dans los lignos suivantes les formes do coconflit on Anglotcrro :

a Mémolorsque les meneurs des Trado'sunions permettentaux ouvriers ilo travailler, ils restreignent leur travail dotelle sortoqu'il en résulte les plus graves inconvénients.Parexemple,un naviroest retenuau port 21 heures do plus qu'ilne faudrait, parcoquo à la findo la journée il reste quelquesrivets a poser, ot quo les ouvriers refusent do travailler lesquelques minutes nécessaires pour achever la réparation,i Lesmécanicienstravaillant aux pièces no doivent fixerquo300a 360rivols dans la mémojournée. Aux Etats-Unis,ils enfixent700.Unouvrier anglais nepeutpas travailler aux piècessans y être autorisé par son syndicat. La plupart des usinessont ferméesauxouvriersnon syndiqués.LesAméricainsesti-ment quo co système est un crimo économiquedont patit loconsommateur,car il empecliol'industrio britannique do sou-tenir la concurrenceétrangère.»

Lerapporlourquirésumolosdépositionsdosouvricrsanglais pose los quostions suivantes :

t Les salaires élevés, aujourd'hui de règlo aux Etats-Unis,sont-ils la causodo la prospéritéactuelloou son effet?Lapro-duction élevée a-t-cllosuccédé aux salaires élevés, ou vicoversa? >


Cesquestions ont été poséesà toutes les personnes

compétentes. L'opiniongénéralo était nettement quola poliliquodos hauts salaires a précédé la produc-tion plus importante et plus économiqueet, par con-

séquent, laconsommationellaprospéritéplusgrandes.

D'après los dernières statistiques lo marché na-

tional consommerait 92 p. 100 dos marchandises

produites aux Etats-Unis.L'Amériquo pont donc so

passer aisémont de PEuropo et n'a pas a craindre do

surproduction, puisqu'elle consommepresquo tout co

qu'elle produit.

# *

No pouvant rapporter ici toutes los intéressantes

observationsconsignéesdans losrapports des ouvriors

anglais, j'on citerai soulomentquelques-unes.'

Suivant les onquètours, plus do 87 p. 100do Pin-

duslrio dos Etats-Unis sont entro los mains des

grandes Compagnies.Lo capitalisme, si redouté des

.socialistes ouropéons,est un dos principaux élémonts

do succès de Pinduslrio américaine Los enquêteursont constaté que les grosses usines, exigeant naturel-

lement d'importants capitaux, sont bien plus avanta-

geuses pour los ouvriers quo les potites.Lo problèmedo la participation aux bénéficesa été

résolu do la plus slmplo façoil,on Amériquo.Los

chefs d'entreprise facilitent aux ouvriors Fachat d'ac-tions do lours usines.

C'est unométhodo dont j'avais signalé l'importancoil y a fort longtemps.

Lo systômo du tfavail aux pièces est pou pra-


tiqué aux Etats-Unis. Los salaires sont rarement au-dessous do dix livres par semaine (environ douzocents francs do notre monnaio actuelle ou soixantomille francs par an).

L'ouvrier américain touche, généralement, uno

pension quand il est trop Agé pour travailler. Desassurances mettent sa famillo a l'abri, on cas. d'acci-

dent, v

L'amélioration du confort do l'ouvrier américain ost

l'objet do méticulousos recherches, L'oxpérionco a

prouvé quo do toiles améliorations sont aussi profi-

tables au patron qu'à l'ouvrior. C'est ainsi qu'il a été

constaté qu'on munissant les tabourets do dossiers,l'ouvrier était moins fatigué et son rondement sensi-

blement accru.Association ontro patrons et employés, hauts

salaires, soins constants donnés aux ouvriers, perfec-tionnements do l'outillage : telles sont les causes

principales do la prospérité industrielle des Etats-

Unis, Elle devient chaquo jour supérieure a l'indus-

trie ouropénno, rongéo par la lutlo des classes et los

illusions socialistes.

L'association amicale ontro patrons ot ouvriers ost

l'application d'un principo psychologique quo connais-

saient sûrement les hommos do la préhistoiro, mais

si fréquemment oublié qu'il faut le redécouvrir cons-

tamment.

Cet antique principo pout ètro formulé dans les

termes suivants : l'intérêt individuel étant très supé-


rieur à l'intérêt collectif, c'est toujours au premier

qu'il faut s'adresser pour agir sur les hommes,La charité, la fraternité, l'altruisme, sont dos sti-

mulants bien faibles auprès do l'intérêt personnel.Quand un chef d'usina américain donne à ses ouvriersdes salaires lour permettant do so procurer los com-modités los plus luxueuses do la vie lorsque, suivant

l'exomplo rapporté plus haut, il so préoccùpode lourbien-ôtroau point do fairo mettre dos dossiers auxanciens tabouro.ls traditionnellement utilisés danslos ateliers, il n'ost nullement poussé par un de cosbesoins do philanthropie humanitaire quo nos chofsd'uslno aimont à manifester quelquefois. En amé-liorant' lo sort do l'ouvrier, lo patron américain

chorcho simplement a amélioror son propro sort.11sait quo ces doux ordres d'amélioration sont soli-

daires. Celte élémentaire constatation a permis do

metlro fin, on Amériquo, à la lutte des classos dont

les effets dovionnont chaquo jour plus monaçants on

Europo.Gracoa la perfection des méthodos d'organisation,

l'ouvrioraméricain, avecunnombre d'heurosdo travailinférieur a celui do ses confrères français, fournit unrondomont trois ou quatrofois supérieur, commoplu-sieurs ingéhiours européens l'ont déjà constaté. 11estdonc naturel qu'à un rondomont plus grand corres-

ponde un salaire plus élové.En résolvant lo problème do la lutto dos classos,

posé depuis dossiècles, les industriels américains sosont révélés économistes habilos ot psychologues

. plus habiles oncoro,


Les croyances à forme religiouso n'étant influen-

çables ni par l'observation ni par l'oxpérionce, un

adepto do la religion socialisto no saurait être impres-sionné par la comparaison entre l'état misérablo dosouvriers russes, soumis au socialisme, et la situationheureuse dos ouvriors américains, collaborateurs du

capitalisme. Egalité dans la misèro d'un côté, égalitédans l'aisanco do l'autre.

Mais si les faits quo résume la précédento étudono- pouvont influencer les socialistos, ils montre-ront aux chefs do nos grandes entreprises quo la

prospérité présonto, et surtout futuro, do cos entre-

prises dépond beaucoup du bien-ôtro dos ouvriers.Privé do confortable à l'usine, ot souvent aussi à son

propro foyer, l'ouvrier européen va chercher au caba-ret les moments houroux dont chaquo ètro a bosoin.il s'y laisse facilement influoncor par los promesses<lo paradis quo lui font entrevoir les adoptes dola foi socialisto. A défaut do réalités fuyantes, ellesdonnont au moins l'illusion d'un futur bonhour.

LIVRE VII

LA SITUATIONFINANCIÈREDUMONDE

CHAPITRE PREMIER

L'APPAUVRISSEMENTDE L'EUROPEET L'HÉGÉMONIEFINANCIÈRE DE L'AMÉRIQUE

Parmi les diverses conséquences de la guerre, unedos plus manifestes est l'appauvrissement do l'Europe.Les réserves accumulées par les patients efforts do

plusieurs générations sont épuiséos et la difficultédo les renouveler grandit chaque jour.

Cet appauvrissement s'observe dans tous les paysdo l'Europe, y compris ceux considérés comme les

plus prospères, — l'Angleterre, notamment.La Franco semblo dans uno situation meilleure,

mais sa prospérité apparente tient à ce quo, depuisla guerro, elle a vécu d'emprunts successifs rem-boursés à leur échéanco avec d'autres emprunts. Le

paioment des intérêts do ces omprunts absorbe

188 l/ÉVOLUTlONACTUELLEt\J MONDE

anuollcment unovingtaine do milliards, soit la moitiédu budget.

Si lo chùmago qui peso sur uno grande partie do

l'Europe no s'est pas manifesté encoro en Franco,c'est surtout parce que la restauration des régionslibérées a permis do donner du travail à uno fouled'ouvriers payés avec les emprunts et l'inflation.

Mais ces opérations dovaient fatalement avoirun ternie. La France finit par ne plus trouver à

emprunter et fut obligéede renoncera l'inflation,quiaccroissait considérablement lo prix do la vie enréduisant chaque jour le pouvoir d'achat do la mon-naie.

En résumé, comme lo disait un ministre desFinances à la tribune, les Français ont perdu les

quatre cinquièmes de leur fortun'.Resté inaperçu pendant la période de richesse

apparente créée par les emprunts et l'inflation,l'appauvrissement finit par devenir visible à tousles yeux.

11faut remarquer, cependant, que les pertes finan-cières n'ont pas sévi sur toutes les classes. Si

quelques-unes furent ruinées, d'autres s'enrichirent.C'est ainsi que les anciens rentiers ont été très

appauvris tandis que les paysans et les commer-

çants voyaient, au contraire, leurs ressources s'éleverconsidérablement.

En dehors des causes d'appauvrissement résultantdes ravages de la guerre et qui sont spéciales*àun

LASITUATIONFINANCIÈREDUMONDE 18î>

petit nombro do pays, tols quo la Franco, il on est

d'autres, tout à fait générales, qui menacent l'Europeonlièro et augmentent chaquo jour.

Elles sont constituées par l'indépendance indus-trielle croissante dos pays asiatiques : colonies, paysdo protectorat, etc.

Jadis, cos pays so bornaient a fournir les matières

promières quo manufacturait l'Europo.« Si l'Amérique, disait Pitt, s'avisait de fabriquer

un bas ou un clou do fer à choval, jo voudrais luifairo sentir tout lo poids do la puissance do l'Angle-terre. »

La petito colonie, que menaçait Pitt, est devonuo larivale redoutée do l'Empire Britanniquo, et les autres

colonies, toiles quo lo Canada et l'Australie, sont,

aujourd'hui, des pays à peu près indépendants de

l'Angleterre. Elle l'a douloureusement reconnu, nousl'avons vu, dans uno conférence avec les représen-tants des Dominions récomment tenue à Londres.

La plupart des pays d'outre-mer rejottent de plusen plus le joug économique do l'Europe. Au lieu doso borner comme jadis a exporter des matières pro-mières, ils fabriquent des produits expédiés à leur

gré dans lo mondo.L'univers asiatique est devonu le rival do l'Europe

et, comme le travail y est exécuté à bien meilleur

marché, sa concurrence devient redoutable.Ce phénomène, dont j'avais autrefois, dans un livre

sur l'Inde, prédit l'apparition certaine, se manifostoavec force aujourd'hui. Les pays encoro soumis à.

l'Angleterre, tols quo l'Inde, aspirent do plus en plusà l'indépendance.


«L'Inde,qui,en 1910,importaitenvironvingtmillelonnesdofonto,ena exporta,en 1023,douxcentmille,écritL'ilus-(rationEconomique.Lodéclindu vieuxcontinents'accom-,pagnedol'ascensiondes pays neufs.La guerrea habituélesnouveauxmondesà se pass'.rdol'Europe.Ilsontvu touslesavantagesdela nouvellesituationet se refusentà retour-ner souslo joug...Lo xix*siccloa vu l'Kuropoproclamer!abolitionde l'esclavage.Lexx'voit se libéreréconomique-mentlespeuplesd'outre-mer,qui veulent,à leurtour, nousassujettir.»

Cette roncurrenco do pays jadis tributaires de

l'Europe, et qui travaillent a bien meilleur compte,aura do multiples conséquences.

Uno des plus importantes sera l'apparition d'uneloi économique nouvelle régissant la valeur îlessalaires et qu'on peut formuler ainsi : le faux dessalaires ne sera bientôt plus \i\è ni par la volontédes ouvriers ni par celle des patrons, mais unique-ment par les prix do vente mondiaux des marchan-dises.

11a fallu unegrèvede six moisot une perte évaluéeh quatre cents millions de livres sterling, soit dixmilliards de francs-or,pour incruster celte vérité éco-

nomique nouvelledans lecerveaudes mineurs britan-

niques.Un économiste anglais disait récemment, à co

propos :

«Sanssoncommerceet sanssonindustrie,l'Angleterreestcondamnéeà mourirde faimà brefdélai.Or,il tombesousle sensque les salaires,en Angleterre,sontbeaucouptropélevéspournouspermettredesupporterlaconcurrencemon-diale. Noussubissonsune hausseabsurde,injustifiéedessalaires,qui risquede nous réduireà la famine...Quanddesouvriersgagnentjusqu'à150p. 100doplusqu'en1915,onest fatalementbattusur tous lesmarchéspar lamarchandiseduvoisin.>

LASITUATIONFINANCIÈREDUMONDE 191

Parmi les causes do l'appauvrissement do l'Europoet dos troubles politiques dont elle ost lo siège, il fautencoro citer les exigences des Etats-Unis h l'égarddes dettes contractées par les alliés pendant la

guerre.L'histoiro des variations dos sentiments do l'Eu-

rope pour l'Amérique est d'un grand intérêt psycho-logique. Au lendemain do la paix, l'Angleterro etla Franco éprouvaient des sentiments d'aflectueuso

sympathie à l'égard de l'Amériquo et une antipathieintense pour l'Allemagne. On a dit avec raison« qu'aujourd'hui la France a des relations plus ami-cales avec l'Allemagne qu'avec l'Amérique. »

Cette variation des sentiments serait, commel'écrivait les IVeues Wiener Tageblall, « une consé-

quence naturelle du fait que l'Europo entière a souf-fert do la guerre et que les Etats-Unis ont été lesseuls à en tirer un gain énorme ».

Aujourd'hui, l'Europe semblo tombée de plus en

plus sous l'hégémonie financière des Etats-Unis, quiréclament àprement l'argent prêté pour une guerredont ils furent seuls à profiter. Personno n'ignoremaintenant que les Américains songeaient unique-ment à leur propre intérêt en venant au secours desAlliés. Voyant leurs navires torpillés par l'Allemagne,qui voulait empocher la vente do marchandises aux

Alliés, ils sont entrés dans la guerre pour so défendre.Los Américains no constatent pas sans regret les

sentiments qu'ils inspirent aujourd'hui. Voici com-

9


ment s'exprimait, a ce sujet, La Nation, do Now-York:

«Nousnousenfonçonsdeplusen plusdanslesdifficultés,toujoursfroissantlessentiments.Nousnoustrouvonsdeplusenplusenpositiond'autocratedu mondede la financeLoprésidentdes Etats-Unisest malheureusementen présencod'uneattitudepresqueunanimequi appuieles réclamationsjusqu'auderniersoucontrenosanciensalliés.L'idéequodesnationsvontcontinuerà nousverserde l'argentpendantsoixante-deuxanspouruneguerrequi s'estterminéeen 1918estabsolumentdéraisonnable.Touslesbanquiersaméricainsle saventparfaitement,maisilsprofitentd'unesituationquileur permetdeprêterauxEtats européensdo l'argenta7et 8p. 100qui,autrement,dormiraitimproductifdansleurcaisso.s>

Cette opinionn'est pas isolée. La rovuoAmericanlleviewof/teviewdo décembre192G,s'exprimecommeil suit :

« Sicetétat dechosessoprolongeilarriveraun jour oùnousdevronspossédertoutce qui, en Europe,a quelquevaleur.Nousdétiendronsdeshypothèquesénormessur lesbudgetsnationauxde la France,de l'Allemagne,dol'Italie,dola Delgiqueet de la Pologne.Detoutenécessité,la vieéconomiquedo ces paysdevra convergersur les verse-mentsà faireauxAméricains,et gracoà cesversements,nousauronsdenouveauxmoyensd'accentuernotreemprisesurlesdiversesnationseuropéennes.11estclairquol'onnelaisseraitpasleschosesarriverà cepoint.L'Europerépudie-rait sesdettesouentreraiten guerre.

L'Europoestaujourd'huitroppauvreet tropfaible,et ellea tropconsciencedocettepauvretéet deceltefaiblesse,pours.ongermômeenrôveà entrerenguerrecontrelesEtats-Unis.Maislabained'oùnaîtlaguerreestlà,toutentière.L'aigreur,la colère,losentimentdol'injustice,l'impressiond'uneme-naced'exploitationpourleprésentet pourl'avenirsonttousélémentsnettementexistants.Laconvictionquenousavonsprofilédesmalheursrécentsdel'Europepournousfairedonnerdeshypothèqueset quenousprofitons-dosadétresseactuellepourétendreceshypothèquesa l'infini,estuneconvictiondéjàétablielargement,et envoiedosodéveloppersansarrêt..">


L'avenir montrora sûrement qu'en prossurant l'Eu-

rope pour lui arracher lo peu d'or qu'elle possèdoencore, l'Amérique n'a pas réalisé du tout uno fruc-tueuse opération.

Pendant que lo nouveau monde, par suite des fata-lités de l'évolution moderne, doviont do plus en plushostile au vieux continent, co dernier lutto pénible-mont pour tacher d'unir les divers pouplos de l'Eu-

rope et aplanir les dissensions qui les séparent.On sait que les stipulations du traité de Versailles

inspirées par le président "Wilson ont complètementbouleversé la structure de l'Europe. La Pologne, sé-

parée do la Russie, a été constituée en république ;l'antique monarchie autrichienne découpée en frag-ments : Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Hongrie, etc.

L'application du principe des nationalités a portéau paroxysme les nationalismes endormis. Les Balka-

niques sont tout prêts à recommencer les luttes sécu-laires qui ont coûté si cher à l'Europe. L'Autriche,ruinée par son isolement, demande son annexion à1Allemagne ; l'Italie veut s'agrandir dans la Méditer-ranée aux dépens de ses voisins. Des causos do conflit

grandissent partout.Aveuglés par des haines séculaires, les peuples

européens n'arrivent pas à s'entendre et dépensenten armements coûteux les derniers vestiges do leurancienne richesse. Les partis politiques so disputentavec fureur pour réaliser leurs chimères; la jalousie,l'envie et la haine dominent l'Europe d'aujourd'hui,

191 LÏ.VOLUTIONACTUELLED*UMONDE

Commentréaliser dosprogrèsavecla porsistancodo

tels sentiments?Les Etats ouropéensn'échapperont pourtant à la

ruinoqui les menacequ'en arrivant à s'unir indus-triellement et commercialementpour fonder lo bloc

européendont un hommod'Etat illustro ébaucha aLocarnoles contours.Prospérerens'unissantoupérirdans les dissensions: tel est lo dilemmequi so poseaujourd'hui.

CHAPITRE 11

LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE

Los philosophes do l'avenir diront sûrement qu'au-cuno époquo do l'histoire ne fut plus fortilo en illu-

sions que la nôtre : illusions politiquos, illusions so-

ciales, illusions financières, pèsent sur l'amo des

peuples depuis les débuts do la grande guerre. Ellesont aveuglé des esprits très clairvoyants. Et c'est

pourquoi tant d'événements ont déjoué leurs prévi-sions.

L'âge des nouvelles illusions a commencé avec la

guerre. Les Allemands en furent les premières vic-times. Persuadés qu'une nation, supérieure par lenombro do ses soldats et la forco de ses armements,était invincible, ils provoquèrent lo conflit mondialet succombèrent devant des coalitions qu'ils no pré-voyaient pas.

La lutte terminée, les vainqueurs entrèrent à leurtour dans un cyclo d'illusions qui devait provoquerbien des ruines.

La paix illusoire do Versailles fut, on effet, une des

causes principales do la terrible situation financièrooù la Franco ost aujourd'hui plongée,


Desesprits dégagésd'illusions auraiont vu facile-mont quo l'Allemagneno pouvantpus payer en orles sommes immenses qui lui étaient réclamées,ilfallait bien so résignera socontentordesréparationsproposées.

Remplacerl'or par des marchandises livrées pon-dant de nombreusesannéesaurait ou pour résultatdorendre l'Allemagnela plusgrande nationexporta-trice de l'univers. Devant l'afflux do ses marchan-

dises, les usines françaises fabriquant des produitssimilaireseussentété réduites au chômage.

Obligerles Allemandsà effectuereux-mêmesles

réparationsdes régionsdévastéesconstituait'donclameilleuresolution,mais, dans la persuasion que lesvaincusfiniraientpar payer ces-réparations,le Gou-vernement français préféra s'en charger. Soixante-

quinzemilliards furent ainsi engloutis et finalementil fallut bien reconnaître que cetto formidable dé-

pense,qui devaitsi lourdementpesersur les financesde la France,ne serait jamais rembourséepar l'Alle-

magne, puisque les sommesannuellementobtenuesd'elle suffiraientà peine à. payer les dettes do la

France enversses alliés.Et c'est ainsi que la période de reconstructionqui

suivit la guerre fut une ôro de grandes dépenses etaussi do grandes erreurs. La formulo magique' :« l'Allemagnepaiera », fit accepter toutes les prodi-galités. Lesministresdépensaientsans compter.

Nullebarrière ne s'opposantà lour imprévoyanceils empruntèrentet quand la répétitiondesempruntsles rendit impossiblesils eurent recoursà l'inflation.

Cettesituationartificiellenopouvaitdurer. Impuis-

LASITUATIONFINANCIÈREDU MONDE 197

santo a équilibrer ses budgets, la Franco finit parperdre bientôt la confiance de l'étranger et sa mon-naio fiduciaire, sans cesse multipliée, se déprécia de

plus en plus. Elle en est arrivée à payer a l'étrangerles marchandises nécessaires cinq à six lois plus cher

quo leur cours mondial. J'ai déjà rappelé que plus dela moitié do son budget est consacrée a payer lesintérêts do ses emprunts.

Les causes réelles de la chuto rapide du franc surles marchés étrangers semblent avoir été assez mal

comprises des ministres qui se sont succédé. Ils l'at-

tribuaient aux influences les plus variées : spécula-tion, exportation des capitaux, etc., auxquelles ilstentaient do remédier par des mesures draconiennes.

Les améliorations espérées furent d'ailleurs complè-tement nulles.

Désespéré de son impuissance, un des derniers mi-nistres des Financos disait : <(Je me heurte à des

phénomènes inconnus. »

Les phénomènes inconnus auxquels se heurtèrent

tant do ministres étaient, en réalité, très simplespour des esprits quo les illusions n'aveuglaient pas.

On les déduit facilement du court exposé qui pré-cède et on peut les résumer dans un petit nombre de

propositions d'une élémentaire évidence.1° Une nation s'appauvrit rapidement quand, d'une

façon permanente, ses dépenses sont supérieures à

ses recettes.2° Tout ce qui ontravo la capacité do production


d'un pays : persécutiondes capitauxgénératoursdos

grandes industries, interdictionaux ouvriers d'aug-menter leurs heures dotravail,etc., accélèrelaruino.

3° Pour restaurer les financesd'un pays, il fautaccroîtresa productionet soncommercopuisréduireses dépenses.

Les chiffres do notre dette sont considérables,

quoiquedifférentssuivantles autours. Dans un dis-

cours prononcéen décombro192G,M. Poincaré lesévaluoa 281 milliards, répartis commoil suit :150milliards do dettes perpétuelles,37milliards dodettesà court termeet 9i milliardsdo detteflottante.Au total do cette delto on dovra bientôt joindro21 milliards nécessairesà l'achèvementdos répara-tions des régionslibérées.

11fav-ciraprobablementajouter encoroaux chiffres

précédents 1Gmilliards 325 millions do francs-ordus à l'Angleterroet 23 milliards de francs-or auxEtats-Unis.Convertiesen billets do banque français,ces sommesreprésenteraientprès do200milliardsaucoursactueldo 125francsla livre.

Le total do toutes ces dettes atteindrait environ500milliards; c'est à peu près lo chiffre donné parle Journal de la Sociétéde statistiquede Paris du19 mai 1926.

Los recettes annuelles produites par l'impôt semontentà 41 milliards,dontplusdo lamoitié(22mil-liards 778 millions)sont consacrésà des dépensesobligatoires : sorvico des rentes, pensions, etc.

Voici,d'ailleurs, commentso répartit cotte dorniôro

LA SITUATIONFINANCIEREDUMONDE 199

sommo : dctto intériouro 12 milliards 90G millions,dolto oxlérieuro 4 milliards 778 millions, pensionsciviles et militaires, f>milliards 91 millions.

L'omprunt, ot surtout l'inflation, ont été jusqu'iciles principales ressources utilisées pour faire face à

nos formidables dépenses.Lo montant des billots do banquo, qui atteignait

déjà 39 milliards et demi en mai 1924, s'est élevé à 51

milliards en juillet 192G. A ce chiffro il faut ajouter44 milliards de bons do laDéfonso nalionalo qui sonten réalité des billets do banquo portant intérêts. Ces

100 milliards environ de billots sont garantis seule-

ment par uno réserve d'or et d'argent ne dépassant

pas 4 milliards.A mesure que s'accroissait lo chiffro des billets sans

garantie, la chute du franc s'accélérait, et son pou-voir d'achat diminuait, phénomène observé invaria-blement dans tous les pays ayant pratiqué l'inflation.

Aujourd'hui lo pouvoir d'achat du franc est cinq foismoindro qu'avant la guerre; ce qui veut dire, natu-

rellement, quo la vio est cinq fois plus chère.

La situation financière quo nous venons do résu-mer a eu pour conséquence la ruine de plusieursclasses do la population française.

L'impôt sur le capital, qui obsède l'imaginationdes socialistes, s'est trouvé, on dehors «le leur inter-

vention, beaucoup plus élevé qu'ils n'auraient pul'espérer. Un particulier possédant un capital «le

100,000 francs do rentes françaises au moment do la


guorro, a vu sa valeur réduite do moitié. Sans doute

lorevenu n'a pas diminué en apparence mais, comme

le pouvoir d'achat du billet de banque no représente

quo lo cinquième au plus do sa valeur primitive, un

revenu actuel do 5.000 francs équivaut à 1.000francs

seulement d'avant guerre.Dol'abaissement du pouvoird'achat du franc, com-

merçants, agriculteurs et ouvriers n'ont, je l'ai mon-

tré plus haut, nullement souffert. Les premiers ont

simplement élevé lo prix de leurs marchandises ; les

derniers, lo taux do leurs salaires. Ces salaires ont

mômeété accrus beaucoupplus quo ne l'aurait justifiéla baisse du franc.

En réalité l'ouvrier est notablement plus à son aise

qu'avant la guerre. Paysans et commerçants so sont

enrichis. Terres et fonds do commerce ont vu s'ac-

croîtra de beaucoup, en effet, leur valeur.

Ce qui précède permet déjà do pressentir qu'àmesuro quo montaient vers l'aisance ou la richesse

ouvriers, paysans et commerçants, l'ancienne bour*

geoisio descendait lentement la pente conduisant à

uno gène frisant la pauvreté.

Nous no pouvons examiner en détail les moyens

poursuivis pour remédier à l'appauvrissement do la

France. Couxindiqués sont généralement assez illu-

soires. On n'améliorora la situation actuelle, ni parles emprunts, ni par l'inflation, ni par la stabilisation

artlilciollo dos monnuios, Ainsi quo nous l'avons

déjà fait romarquor, un pays n'accroît sa richosso


qu'on améliorant son agriculturo ot son industrie.

Sur ces doux éléments do la richesse nous étions

dépassés depuis longtemps. M,Caycux a montré, dans

L'Ingénieur Français, à quoi point, faute d'cntentoontro les industriels et do matériel convenable, nosindustries dépérissaient tour à tour, à mesure quoprogressaient colles do l'Allemagne. Les progrès ger-maniques étaient tollcmont rapides 'qu'on 1913, pourno citer qu'un exemple, elle nous vendait 50.200 tonnesdo matériel électriquo, contre 2.100 tonnes en 1907.« Los uns après les autres, les industriels baissaient

pavillon devant l'importation d'outre-Rhin. »Si les Allemands, au Hou d'une guerro militaire,

so fussent bornés à uno guerro économique, c'est

nous, aujourd'hui, qui serions les vaincus.Sans doute la guorro a fait réaliser quelques pro-

grès, mais ils sont bien insuffisants encore.Lo but à poursuivre est d'arriver à rendro l'expor-

tation supérieure aux importations. Seul cet excédent

permettra un redressement financier.C'est donc très justement quo notre ministro des

Finances, M.Raymond Poincaré, recommandait, dansun important discours, « d'intensifier sous toutes lc3formes la production métropolitaine ot coloniale ».

« Il n'est pas, ajoutait-il, do réforme financière ni surtoutdo réformomonétairedurable, et il n'estpoint déstabilisationvraio, si la Lalancocommerciale,ou tout au moins la balancodes comptes,noprésentepas un excédentpermanent. »

La nécessité d'accrottro notro production nationale,


collo do l'agriculturo notamment, est malheureuse-ment paralysée par uno de ces aborrations démocra-

tiques, d'où dérive souvent la décadence d'un pays.La terrible loi dos 8 heures, qui a supprimé la libertédu travail en interdisant aux ouvriers d'augmenterleur production, a considérablement élevé les frais

d'exploitation do beaucoup d'industries, les cheminsdo fer notamment.

C'est avec uno inlassable vigueur, que d'impré-

voyants ministres ont appliqué cette loi. Dans unoséance do la Chambre des Députés, lo Ministre du

travail s'exprimait comme il suit :

«L'induslrioesttotalementréglementée,nousallonsmain-tenantentreprendrelaréglementationdesautresprofessions:hôtels,restaurants,cafés,banques,assurances,salons docoiffure,pharmacies,etc.. au total,sur 7.000000dotravail-leurs françaispouvantêtre assujettisa la loi, il n'y a pasal'heureactuelle500.000personnesqui y échappentet ellesn'yéchapperontpaslongtemps.»

M.do Dion, sénateur de la Lobe-Inférieure,a eu lacuriosité do rechercher ce quo coûtait à la France,

l'application de cette désaslrcuso loi, conservée en

théorie, mais rejotéo on pratique depuis longtemps,par les Allemands.

Voiciquelques-uns do ses calculs :

<tfi\ les C.SOO.OOOtravailleursfrançaissoumisà la loi do8 heuresavalentlo droitdo travailler10heures,cela.ferait;r uuclleinent4.056.000.000d'heuresdotravail.»

Fixant la valeurdo l'heurea 2 francs,M.do Dionfaitremarquerque : < losperlesdo richesseéconomiquesontde8 milliards112millionsdo francspar année...L'auteurajouteque lesheuresdotravailainsi perduesont été faitespar 1.025.000ouvriersétrangers,qui sontvenuscomblerlaîbjfaillancolégaledo la main-d'oeuvrofrançaise.Si l'ouvrier


françaisavait travaillé 10heures,uno telle immigrationno soserait pas produite.

D'aprèslescalculsdu mômeauteur, « ces ouvriersétrangersenverraient,annuellement,dans leur pays,1 milliard025mil-lionsde francs,économiséspar eux.C'est,depuissix ans, prèsde dix millardsqui ont franchi la frontière.»

Cette importante exportation des capitaux a sûre-ment contribué à l'élévation du change, et à l'aug-mentation du coût do la vie qui en a été la suite. Les

exemples qui précèdent, joints malheureusement à

beaucoup d'autres, montrent quo la Franco a été

victime non pas seulement de ses dépenses, mais

d'une accumulation d'erreurs politioucs et finan-

cières.

CHAPITRE111

LE THERMOMETREPSYCHOLOGIQUEDESSITUATIONSFINANCIÈRES

Lopassagedu qualitatif au quantitatif constitue,jol'ai rappelé ailleurs, un des plus importants progrèsréalisés dans les sciences.Elles ont été transformées

lorsque furent découverts les instruments do mesuro

tels quo le thermomètre. Los progrès so sont mul-

tipliés avec la précision des mosuros. C'est ainsi quela découvertedu bolomètro,qui permet d'évaluer les

variations do tompératuro d'un millionième do

degré, a montré quo lo spectro solaire invisible étaitimmonsémont plus long quo le spectre visible. Il

on résultait quo l'oeil humain no perçoit qu'unoinfimo portion do la lmnièro qui enveloppe leschoses.

Malheureusement,la découverte d'instruments do

mpsuro dos forces qui a transformé la physique, n'a

pu être réaliséo jusqu'ici dans lo domainodo la psy-chologie.Loplaisir et la doulour, l'amour et la haino,la tristesso ot la joie, no peuventso mesurer avecpré-cision encore. Très vagues sont los indications quiprétondontondéterminer approximativementla gran-deur,


Des événements imprévus ont permis do décou.riruno méthode permettant de mesurer avec la rigoureuseprécision qui n'appartient qu'aux chiffres, l'opinioncollective de l'univers sur la situation financière dedivers pays.

Cette méthode do mesuro est constituée par la cotodes changes. Véritable thermomètre psychologique,elle formule nettement l'opinion généralo sur la situa-tion financière d'un pays. Devant ses chiffres, les

gouvernements grandissent ou s'effondrent. Sur sesindications fut instantanément ronverséo toute uno

équipe ministérielle, et le parlement obligé d'accepterun chef do gouvernement dont, quelques jours aupa-ravant, il n'aurait voulu à aucun prix.

Le thermomètro physique traduit les forces maté-rielles. Lo nouvoau thermomètro psychologique ré-

vèle la synthèse d'un immonso réseau do forces col-

lectives.Et il s'agit bien ici d'uno puissance nouvelle qui

viont do surgir do l'infini tourbillon dos causes.On pourrait feuilleter longtemps des pages «l'his-

toire avant do découvrir, parmi los anciens mattrosdu mondo, papes, rois ot omporours, un pouvoir

politiquo ayant égalé celui do la forco nouvello quoles temps modernes ont vu naître.

Les centros do son rayonnemont no sont situés ni


dans les parlements, ni dans les palais «lesrois, mais

dans les édifices imposants où siègent les bourses

«lesgrandes capitales. C'est «leces tribunaux ano-

nymes quo parlent les chiffres qui domineront los

volontés «les parlements, des souverains et des

peuples. Ils feront naltro la pauvreté ou la richesse,les révolutions,l'anarchie et les dictatures.

De quelles influences la puissanco nouvollodont

nous vononsdo montrer la grandeur est-elleforméo?

Jadis inconnue,elle ne pouvait naître qu'à la suito

do découvertes permettant à certains personnagesdisséminésdans tout l'univers,d'associer un instant

leurs volontés individuelles pour la transformer on

une seulevolontécollective.

Sur quels éléments se basent les jugements do

cctlo volonté collcctivodont les arrêts instantanésexercent uno influencesi colossale?

Dansles cas les plus simples,celto volontécollcc-tivo est d'uno interprétation facile,mais il n'en est

pas toujours ainsi. On comprend la brusque haussed'uno cinquantaine do francs do la livre, quandarriva au pouvoir un présidont du Conseil soumisaux volontéssocialistes.Lotribunal mondial entre-vit immédiatement l'évasion des capitaux et lesmesures spoliatrices dos socialistescapablesdo pro-voquer la ruine do la Franco.

Dans des cas aussi simples, la relation des offotsaux causesapparaît notlomont.Elle s'aperçoit moinsdans les circonstancesordinaires,

Sans prétondrorésoudro ontièrtfmcntlo problèmedo l'unanimité dos volontéscollectives,on peut diro

qu'avecla suppressiondosdistancespar lotélégraphe,


il se forme dans lo monde, sur certaines questionsessentielles, uno opinion universcllo moyenne que la

contagion mentale propago rapidement.Un grand nombro dos mesures prises.par les gou-

vernements do certains pays pour provoquer la con-fiance collective et assainir leur monnaie sont les

équivalents d'uno plaidoirie prononcéo par un avocathabilo devant un tribunal redouté dont les décisionssans appel peuvent avoir les plus lourdes consé-

quences sur la vie d'un peuple.

Les forces qui régirent lo monde aux diverses

périodes do son histoire étant inaccessibles a lamentalité populairo furent transformées en person-nalités divines ou humaines douées d'imaginairespouvoirs.

Et c'est pourquoi la mystérieuse évolution desforces qui dirigent la naissance des chiffres enre-

gistrés par les Bourses dépend, dans la croyancopopulaire, des volontés d'uno petite oligarchio do

tout puissants banquiers quo les socialistes poursui-vent do leur haino'ot dont los chefs d'Etat sollicitent10concours.

Et ici, l'erreur dos gouvernants ressemble fort al'erreur populairo : ils croient, eux aussi, qu'avec loconcours do quolquos puissants banquiers, la situa-tion flnancièro d'un pays pourrait ctro transformée.11dépondrait do leur concours, par exemple, quo loours d'uno monnaio fût changé,

En réalité, co pouvoir supposé est imaginairoi


L'expérioncosuffiraità montrer quolesmillions,par-foisprêtéspar les princesdola finance,pour modifierle cours d'uno monnaie, ont toujours été engloutissans résultat durable.

Plusieurs expériencesdu mémo ordre ont prouvéà quoi point los forces individuelles étaient impuis-santes a lutter contre l'immense agrégat do forces

économiques collectives qui, do nos jours, déter-minent la marche financièredu monde.

Dansla plupart des paysouropéens: Franco,Italie,Belgique, Pologne, Autriche, etc., les problèmesfinanciers sont aujourd'hui au premier plan. Ils con-ditionnent la vie politiquoet socialotout entière.

Losdeux points essentiels do ces problèmes sont

l'équilibre du budget et la création d'une monnaieàvaleur fixe, c'est-à-dire n'étant soumiso à aucunooscillation,

Cesdouxproblèmes,lo secondsurtout, nosemblent

pas d'uno solution facile,puisquo les experts nom-més dans divers pays pour les résoudre ont généra-lement abouti à d'insuffisantsrésultats.

Il ne faut pas s'en étonner, d'ailleurs : les expertsno fpnt, on effet,entrer dans leurs calculs quo deséléments économiquesmesurables, alors quo les pro-blèmesà résoudrosont souvent dominéspar dos fac-teurs psychologiqueséchappant à toute mesure,

CHAPITRE IV

DIFFICULTÉS PSYCHOLOGIQUESDES RÉFORMES ADMINISTRATIVES

Parmi les moyens employés par les Etals euro-

péens ; la Franco notamment, pour restaurer leursituation financière, figurent les économies que pour-raient produire les transformations opérées dans desadministrations compliquées et coûteuses.

Lo gouvernement français a débuté dans ecttotache par la phase aiséo des suppressions qui pré-cède la périodo plus difficilo des réorganisations.

La coûteuso multiplication dos fonctionnaires ades causes psychologiques lointaines quo nous résu-merons bientôt ; ollo réstilto également du régimodémocratique Chaquo député réclamo la création

d'emplois nouveaux afin d'y caser les plus influents doses électeurs, et les ministres ont'trop besoin du votodos parlementaires pour leur refuser ces créations.C/ost ainsi quo les fonctionnaires ont pullulé d'unoformidablo façon.


Lo même phénomènos'observodepuis longtempsdans la plupart des pays dotés d'un régimo parle-mentaire,— l'Italie, notamment. Il fallut la révolu-tion fascistepour débarrasser copays d'un oxcédentdo personnelqui loruinait et l'opprimait.

Celte multiplication tics fonctionnaires est unodes causesde la coûteusecomplicationdo l'adminis-tration françaiso; mais il on existe d'aulros, plusprofondesencore,

Malgréses allures révolutionnaires,loFrançaisest

peut-être lo plus conservateurdo tous les peuples,otc'estpourquoiunoadministrationadaptéoauxbesoins

d'époquesantérioureset qui vieillissaitchaque jour,a pu so consorversans changement,depuisla périodelointaineoù ollofut réorganiséopar Napoléon.

Les régimes politiques ont péri tour a tour, dos

partis nouveauxsont nés, dos révolutionsont balayéles trônes; seule, la vioilloadministrationfrançaisoest rostéoimmuable.Kiloest l'unique pouvoirqu'au-cun bouleverscmontn'ait effleuré.Pluspuissantoquoles souverains, les parlomontset les ministros, ollo

continuoà gouvornerdospotiquomentla Franco.Tout en conservant des cadros invariables, les

administrations publiques so sont compliquées on

vieillissant ot ont formé, finalomont,uno série do

potits pouvoirsindépendantsséparés pardoscloisons

étanches.Codernier phénomèneconstituouno dos caracté-

ristiquesdonosadministrations; il ost traduit clairo-

LA SITUATION<U.ANCIÈREDUMONDE 211

mont dans l'histoiro souvent rappelée — parce qu'elloest typiquo — do ces trottoirs parisiens dépavés et

repavés trois fois en un mois, en raison do l'impos-sibilité d'uno entento entro les administrations char-

gées do la pose du gaz, de l'eau et du téléphono pourexécuter leur travail en mémo temps.

Dans toutes los administrations, los bureaux vivent

séparés et persistent à no pas so connaître II enrésulto quo la moindre affairo demando au public dos

dérangements énormes.

L'impuissance des administrations à so concerterdans un intérêt commun est spéciale à la France. Kilono s'obsorvo pas en Allemagne.

Cette différence avait beaucoup frappé un grandindustriel du Nord, M. Guérin, qui, accepté par les

gouvernements allemand et français commo intermé-diaire pendant la guerre pour la distribution dos

vivres reçus d'Amérique, avait l'autorisation do so

rendro alternativement à Paris et à Herlin afin do

régler los difficultés relatives à cetto distribution.— A licrlin, disait-il devant moi, alors mémo quo

l'affairo on cours concernait plusieurs administra-

tions, la décision m'était romiso on vingt-qualrohourcs. A Paris, pour la mémo affaire, jo passaissouvont huit jours a courir do ministère en ministère,

renvoyé do bureau on bureau sans pouvoir obtonir

une solution.

*

Touto tentativo do réformo administrative RO

hourto dans certains pays, la Franco notamment, a

212 L'ÉVOLUTIONACTUELLE'DUMONDE

des conceptspsychologiquesfondamentauxauxquelsl'hérédité et l'habitude ont donné uno grandu force

C'esten raison do telles influencesquo notre his-toire présente,malgrédesapparencescontraires,uno

remarquablo continuité dans les régimes divers quiso sont succédé.Tous tendaient à soumettre le paysà l'autorité d'un pouvoir central chaque jour plusabsorbant.

L'unité faite, les habitudes fixées dans los Amesne pouvaientchanger. Sousdesnomsnouveaux,nous

continuons,en réalité, l'ancienrégimeSous la pression d'uno mentalité créée par des

siècles d'efforts, l'Etat a fini par absorber la ges-tion d'uno foule d'entreprises et a substitué de

plus en plus son autorité à l'initiative des citoyens,Lo développementdu socialisme, c'est-a-diro do

l'étatisme, no représente, en fait, quo la suprêmefloraison d'un long passé, la conséquencedernièred'un idéal poursuivi pendant des siècles. Los socia-listes ne font que continuer uno tradition historiqueon réclamantchaquejour davantagel'interventiondol'Etat.Onpeuttoutauplusleurreprocherd'allerunpouloin dans cettovoie C'estainsiquele mairoet députédu Creusot préconisait récemment la repriso parl'Etat non seulement des usines, mais aussi de laterre. Toutcoquorécolteraientles paysansappartien-drait a la collectivité,

On no peut diro quo lo socialismonous monaco

puisque, en réalité, il est établi depuis longtomps,J'ai souvent répété que, malgré tant d'apparencescontraires, il n'existait en Franco"qu'un seul partipolitiquo: l'étatisme,

LA SITUATIONFINANCIÈREDUMONDE 213

Colto assertion no serait contcstablo quo s'il était

possible do citer un seul groupe politique français quino réclamât pas constamment, dans les moindres

actes do la vie publique ou privéo, l'intervention do

l'Etat. Les socialistes no font qu'exagérer celto ten-

dance

L'influence absorbanto de l'Etat est uno consé-

quence des difficultés qu'éprouva en Franco lo pou-voir central a unifier l^s diverses provinces dont so

composait, jadis, lo pays, et à fairo disparaître les

dernières phases de la vio locale Cotto vio étant

détruite, l'initiative des citoyens, anéantio, no pou-vait renaître

L'Allemagne a pu échapper a celto centralisation

parco quo son unité ost touto récento, puisqu'elleromonto seulomont a 1871. Si la vio provinciale, dis-

paruo on France, est restéo, au contraire, très vivanteen Allemagne, c'est quo chacun des ancions royaumes,principautés, etc., dont so compose aujourd'hui l'Em-

piro, avait joui d'uno oxistonco indépendante pendantdos siècles. Alors qu'en Franco il no rcslo plus guôroqu'un grand centro intellectuel : Paris, l'AlIcmagnoon compte plusieurs.

La formidablo et coûtousocomplication des moindres

opérations administratives on Franco est trop connuo

pour qu'il soit utile d'y revenir longuement. Kilo fut

2U L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

bien dos fois signalée au Parlement ot, notammont,dans un rapport déjà ancion do Camillo Polletan surlo budget do la Marine. On y lisait quo :

c Danslesarsenaux,pourla réceptiondesmoindresobjets,il fautdespiècesdocomptabilitédemandantquinzejours dotravail; descentainesd'employéssontexclusivementoccupésàcalculer,à transcrire,à copierdansd'innombrablesregistres,à reproduiresurd'innombrablesfeuillesvolantes,à diviser,à totaliser.»

Lomême rapporteur, voulant savoir de quelle façon,dans des cas identiques, opérait l'industrie privée,visita un établissement industriel consacré, commeles arsenaux do l'Etat, à la construction dos navires.Cet établissement avait sur chantier deux cuirassés

brésiliens, un grand croiseur et plusieurs bâtimentsà voile Malgré les nombreux détails exigés par cetto

fabrication, un seul livre indiquant los entrées, lessorties et les oxistants, suffisait à la comptabilité'dochaque magasin. Grâceà ces simplifications, les prixdo l'industrio privée étaient do 25 a 50 p. 100 moinsélevés quo ceux dos arsonaux do l'Etat.

Ces différences do prix de revient s'observent danstous les domainos. L'ingénieur R. Carnot écrivait,récemment, que les bateaux charbonniers réquisi-tionnés par l'Etat avaient un rondement inférieur do40 à 60 p. 100a celui des navires dirigés par les im-

portateurs travaillant pour leur compte.Mômesconstatations dans toutes les gestions éta-

tistes. Le Matin on a fourni un nouvel oxomplo avecJ'histoiro do la liquidation des stocks américainsd'Aubervilliers. L'Etat, n'arrivant pas a lormincr

cotte liquidation, la confia à un industriel, Cedernier


commença par remplacer los containos d'employésofllciols par huit agents do •'m choix. En quolquos

jours, la liquidation était achevée

Los causes do la coûtouso complication do la ges-tion do l'Etat sont tout à fait indépendantes do l'in-

tolligonco des employés. Ello résulte surtout do lourterreur dos responsabilités, conséquence du réseau

do vérifications superposées et minutieuses dont los

moindres actes do chaquo' agent sont enveloppés.L'omission do la plus légôro formalité est sévèrementrolovéo.

La crainto dos responsabilités ot l'accumulationdos règlements dans les administrations rondontextrêmement compliquées et longues des opéra-lions qui, dans l'industrie privéo, n'exigeraient quo

quelques minutes. On on pont juger par l'htstoiro quocitait jadis au Parlomont M. Delcassé, sur los longsrapports échangés entre uno demi-douzaine do chefs

do bureaux pour savoir si uno déponso do 77 kilosde for figurerait pour 3 fr. 40 ou 3 fr. 47 dans la

comptabilité. L'intervention directe du ministre futfinalement nécessaire pour tranchor cetto grave ques-tion.

* *

L'organisation conduisant aux complications quivionnont d'ôlro signalées n'a pas seulement pourrésultat un gaspillage énormo d'argent, mais aussi

iO


un véritablo écrasomont du public sous lo poids 10formalités accablantos dont ost onvoloppé, aujour-d'hui, lomoindro actoadministratif. Le 1ïmps faisait,i'icopropos, los réflexions suivantes :

«Lasuppressiondofonctionnairesseraitbienacceptée,siellosignifiaitréellementla suppressiondosformalités,dotant doformalitésadministrativesdontdepuislongtempsil souflïoetdont il est las. Tant do démarchesdans tant do bureaux,tant depaperassesà faires'gncret contresigner»tantd'auto-risationsà solliciter,et tantdo retardsinterminablesdusàl'ingénicusosuperpositiondocontrôles,qui,d'ailleurs,noserventjamaisdorien; tant dodéclarationséchelonnéestoutle longdo l'annéoà proposdo tout; l'impossibilitédo so mouvoirsansla permissionenrèglodoqui dûdroit: voilàbiencoquovoudraientvoirdisparattroou,dumoins,s'atténuerTimmensomajoritédesFrançais.»

On entrevoit déjà combion seront difficiles lesréformos projetées.

Les pouplos très conservateurs, ot par conséquentn'ayant pas su évoluer, n'arrivent souvent à se sous-

trairo au joug do coutumes dovenuos trop posantes

quo par des révolutions violentes.

Co qui précôdo suffit à montref quo la réductiondu personnel administratif aura bien pou d'oflet, si

ollp n'ost accompagnéo d'uno transformation com-

plôto dos méthodes. Cotto transformation sera dif-

ficile, car l'aptitude à l'organisation est uno dos plusrares facultés do l'osprit humain.

Co n'ost pas'à un comité d'experts qu'il faudra

domandor dos réformos, Qu'il s'agisso do financos>d'industrie ou do guerro, los collectivités so sont tou-

LASITUATIONFINANCIÈREDUMONDE £17

jours montréos insuffisantes, je lo répôto, aussi bion à

organiser qu'à décide*.Co n'ost pas, assurément, qu'uno collectivité soit

inutilo, mais a la condition formollo qu'elle soit con-

sultative,ot non dirigoanto. Quand Uonaparto rédigealo codo qui devait fusionner on lois uniformes lo droitcoutumier régissant alors los diverses provincos dola Franco, il laissait discuter librement devant lui lesmembres du Consoil d'Etat, mais décidait seul duloxto qui serait adopté.

** *

Les considérations qui précèdent étaient néces-

saires pour montrer do quollos difficultés soront

entourées los réformos projetéos. Plus on avancodans l'étude do l'Histoiro, plus on constate quo les

institutions dos pouplosdépendent surtout d'influences

psychologiquos crééos par un long passé. L'amo latinoost très stabiliséo, aujourd'hui, et chargée d'inlluences

ataviques fort lourdes.Los progrès do l'industrie ot do l'interdépendance

des peuplos nécessiteront, cependant, uno violontoréaction contre l'étalismo qui domino la Franco. Il

n'est plus possiblo d'onformer la vio des citoyens etleurs entreprises dans un inoxtricablo ot paralysantréseau do formalités tracassièros, dostrûctricos do

toutes los initiatives.

Dos réformos administratives auraiont mémo été


totalement impossibles sans los événements qui for-

ceront les députés a donner au Présidont du Conseil

lo droit dictatorial d'opéror dos transformations sans

l'autorisation du Parlomont.

En raison dos origines do notre Parlomont, touto

économioso heurtait, on ofL-t,à un mur d'impossibi-litésqu'aucuno volonté n'avait réussi à briser oncoro.

Dès qu'un ministro ossayait do réaliser dos écono-

mies il constatait rapidomont qu'on Franco, comme

lo disait un jour dovant moi un ancion ministro des

Finances, aucun porsonnagon'ost as.sozpuissant pour

supprimer un cantonnier inulilo; lo ministro quiaurait tonte un tel acte d'autorité soserait vu menacé

d'interpellations et d'ennuis divers par tous los

députés du départomont auquol aurait appartenu lo

cantonnier supprimé. Plus impossible oncoro do

former un collègo sans élèves, un tribunal sans

clients, un arsenal sans travail, etc.

Non soulomont los ministres restaient impuissantsà réaliser la moindre économie, mais ils étaient

amonés, chaquo jour, par dos députés quo leurs élec-

teurs harcelaient, à créer dos emplois nouveaux inu- .

tilcs et à multiplier les gaspillages. Parmi ces der-

niers on pâtit citer la distribution', pour do simplesfôtos locales à certaines communes privilégiées, de

centaines do millions prélevés sur lo « fonds com-

mun » et toutes les dépenses inutiles critiquéesdans los rapports do la Cour dos comptes.

Pour opéror des réformos somblablos à colles do

Mussolinion Ilalio, il fallut bion accorder au Prési-

dent du Conseil la faculté do réaliser ces économies

par décrot sans consulter lo Parlement.

LASITUATIONFINANCIÈREDUMONDE 2tO

Malgré lo pouvoir conféré au chef du gouvorno-r.iont d'imposor impérativement los réformes jugéesnécessaires, on no doit pas croiro qu'il soit faciledo los imposer par simplo décret. Le décret estuno forco, mais la montalité do coux auxquols onveut l'imposer ost uno autro forcocapable do paralyserla première

LIVRE VIII

ROLE DE LA MONNAIE

DANSL'ÉVOLUTIONÉCONOMIQUEDU MONDE

CHAPITRE PREMIER

LES FORMESDIVERSESDE LA MONNAIEAPPARENCES ET REALITES

La vio do plusiours peuplos ouropéons est suspendue

aujourd'hui a leur monnaie Los quostions do change,déstabilisation, etc., profondément ignorées du publicil y a quelques années a poino, oxorcont maintenant

urio action prépondérant. Souvent mal compriseselles furent l'origine d'erreurs qui firent pordro des

centaines do millions a divers Etats.

-. Pourjetorun peu do'lumière sur un sujot aussi

compliqué il faut remonter aux principes très simplesd'où les notions accossoiros dérivent ; nous allons

l'essayer, maintenant.

'222 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

Originesetnature de la monnaie?— On pout consi-dérer comme monnaio tout objet pouvant sorvir do

moyen d'échango.Chezlespeuplesprimitifs,desmatières fortdiverses

servent do monnaio. C'est la phase dite du troc, à

laquello reviennent les nations civiliséesquand lourancienne monnaio n'ost plus accoptéo. Lorsque'losmarks tomberont onAllemagneau voisinagejde zéro,uno foule l'objels : lo stôro do bois, l'hectolitre do

blé, lo quintal do charbon, etc,. dovinrent des unitésmonétaires servant aux transactions. Los guerriersdu temps d'Homère n'opéraient pas autrement lors-

qu'ils échangeaient un'boeufcontre un bouclier.Lo boeufresta longtemps uno forme de monnaie

usuollo, comme l'indiquait l'oxpression « mettre a

quelqu'un un boeuf sur la languo », c'est-à-diroacheter,sonsilence

Le boeuf,on des unités analogues, n'élanl pas d'unmaniementfacile,oncherchanaturellement une autre

marchandise aiséo à manier et possédant, en mémo

temps, uno certaine valeur sous un faible poids. Dos

métaux divers, l'or et l'argont notamment, divisés en

petits fragments, finiront par devenir la monnaio

UniverselleA uno époquorelativement récente on chercha los

moyens d'éviter les transports incommodesdo mon-

naies on I03déposant dans les coffres-fortsd'établis-sements spéciaux chargésvde. les conserver et quidonnaient, on échange, dos reçus indiquant que l'or

110LEDELAMONNAIE 223

et l'argent déposés seraient rondus immédiatement à

touto porsonno présontant ce reçu do dépôt. Avant la

guerre lo billet do banque n'était pas aulro chose

puisqu'il représentait simplement lo reçu d'un dépôtremboursable a volonté.

Malgré ses apparonces, lo nouveau billot do banquoa cours forcé, non échangeable contro uno valour

métalliquo, n'a aucuno analogio avec l'ancien billetdo banquo remboursable a vue, 11constitua simple-ment un'titre d'emprunt sans date do rembourse-mont ot so trouve commo tous les titres analoguossoumis anx fluctuations du change.

Cetto créanco peut être comparéo à un litro dorente dont la soulo garantie ost la confiance inspiréepar l'état émollour. Son cours vario avec les oscilla-lions do cette confiance, La coto'do la Bourse, commo

il a été précédemment expliqué représento les arrêtssans appel d'une sorto do tribunal mondial décidantdu degré do confianco inspiré par los divers étals.

** #

La facilité d'émettro dos billets sans garantie métal-

lique permet aux états de créer une sourco artificielle

do richesse momonlanée Mais, a mosuro que les

émissions augmentent, phénomène qualifié d'infla-

tion, lacbnlîanco diminue ot la valour des billots

émis' descend rapidement vers zéro, commo l'Alle-

magne en fit l'oxpérionco.L'inflation conlinuo aboutit donc a laruino, commo

le ferait, d'ailleurs, la répétition d'omprunts quel-

conques 1.


Mais si l'oxpérionco prouvo quo l'inflation pro-longée so torminotoujours par la ruino, ollomontroaussi quocotte inflationpontrondromomentanémentdo grands servicesà un pays.

C'estgraco,oneffet,a l'emploiprolongédobilletsdo

banquea cours forcéquo l'Anglotorroput soprocurerlos ressourcesnécessaires pour combattre Napoléon.Plus heuroux quo nos billots modornos, los billots

anglais ne perdirent jamais plus do 50 p. 100do leurcours et, après la guorro, ils purent être biontôtrem-boursés au pair.

Cofut égalementavec lo mark a coursforcéquolosAllemands reconstruisirent leur flotte, bâtiront de

grandes usines et préparèrent leur renaissancoécono-

mique Ello lotir servit également a so constituer a

l'étranger uno résorvodo devisesappréciéesqui cons-titueront plustard lagarantio d'unonouvellemonnaiodès que l'ancien mark, tombé au voisinagodo zéro,fut retiré do la circulation.

Cctlo réserve s'étant nionlréo insuffisante pourservir do garantio a uno émission importante de lanouvelle monnaio,il fallut y ajouter uno garantio*hypolhécairoportant sur un certain nombre d'im-moublos.Lesbillets alors émis étaient comparables,aux obligationshypothécairesdonotroCréditfoncier,c'est à dire parfaitementgarantis. Par le fait seul docette garantie, la nouvollomonnaio so trouva sous-traite aux variationsdu change ot resta aussi stable

quo la livre anglaiseou los dollars américains.La très instructive évolution du mark allemand

présente, ontro autres particularités', co phénomènecurieux qu'avecsa mauvaisomonnaio conslituéopar _~

RÔLEDE LAMONNAIE 225

lo mark déprécié, l'Allomagno altoignit momentané-

ment un certain degré do prospérité, alors qu'avec sa

bonno monnaie ollo so trouvo gônéo, commo lo

montro l'oxistenco do 1.700.000 chômours sur sonterritoire

Co phénômèno résullo do la rareté d'uno monnaio

qu'on no pourrait multiplier qu'on retombant dansl'inflation.

En Franco, l'inflation fut pratiquéo sur une largoéchollo ot donna pondant quelques années l'.illusiondo la richesse, mais emprunts ot inflation so multi-

plieront follement qu'aujourd'hui, sur un budget do40 milliards, plus do la moitié ost consacréo au

paiement do l'intérêt des sommos empruntées.

L'oxpérionco d'un pouplo servant rarement a un

autre, la Franco a répété los mémos erreurs quo l'Allo-

magno sur l'inflation et los emprunts.En Franco, commo en Allemagne, on mit un certain

tomps a comprendre quelo billet do banquo no peutconstituer uno valour invariable qu'à partir du jourou il ost échangeable à volonté conlre une quantitéd'or ou d'argent égale a cello impriméo sur lo billot.C'est un principe fondamental dont l'importanco appa-raîtra dans los problèmes do la stabilisation o', do larevalorisation quo nous allons étudior maintenant.

CHAPITREII

STABILISATIONET REVALORISATION

La guerre ayant obligé lesgrands états ouropéonsà dos dépenses fort supérieuresà loursrossourcos,ilsont été forcésd'utiliser la monnaioartificielle cons-tituée par des billots do banquo sans garantie Cottosourcoapparentedorichesseétant d'un omploifacile,tous les Etats on ont abuséjusqu'au moment où lamonnaioartificielleainsi crééeperdit toute sa valour

commo en Allemagne, ou seulement uno grandepartie do sa valeurcommoonFranco,on Belgiquo,ote

Losgouvernementsayant fini par constater quo la

baisse continuedo la monnaie rendait les relationscommerciales fort difficiles, il était nécessaire dotrouver un romèileà cotte situation,

Plusieurs méthodesfurent successivementtenléos,résumons-losbrièvement.

La plus simple paraissait être de .réduire la valeurattribuéo aux billots dépréciés, déclaror commo los

Bolgos,par exemple,quol'ancien billetdo 5.francsne

RÔLEDE LAMONNAIE 227

sorait plus admis quo pour un franc. Quoi quo soitlo nom donné à l'opération, ollo constituo uno simplofaillite Dans lo cas do la Bolgiquo, la faillito a étédo 80 p. 100.

A côté de celto stabilisation légale, et par consé-

quent forcéo, d'aulros Etats, commo la Franco, so sont

contontés, jusqu'à l'houro où j'écris ces lignes, d'unostabilisation do fait, c'est-à-diro do la stabilisationétablie par la loi générale do l'ofiVoot do la demandeCotto manièro d'opérer ost conformo à la concoptiondos économistes qui pensent quo :

« Lavéritablestabilisation, est celle qui se fait d'ello-mémolorsquo, penJint uno longue-période, lu valeur do la mon-naio a été stable sur le marché dos changes, o

D'aulros économistes assurent quo la revalorisationdu franc obtonuo par la prospérité indtistriollo crois-sante d'un pays, serait supériouro à la faillite cons-tituée par uno stabilisation légale. Ils font remarquerquo la revalorisation succédant à la dévalorisationn'ost pas un fait unique dans l'histoire, puisque l'An-

gleterro fit la guorro à Napoléon avec dos billets do

banquo à cours forcé, qui finiront par perdro plus do

50 p.. 100 de leur valeur, mais reprirent progressi-vement leur ancien cours, après uno prospéritéindustrielle d'uno quinzaino d'années., Cet oxemplo no somble pas malheurousement

applicablo à la situation do divers pays, la Franco

notammont.Los dettes, les traitomonts, les salaires ont été, on

offet, établis à dos époques où les valeurs succossivesdu franc étaiont fort différentes. 11ost évident, par


cxcmplo, quo los emprunts contractés à la parité or,c'est-à-dire à l'époque où lo franc n'avait pas oncoro

baissé, et ceux contractés à un moment où lo francavait perdu los quatre cinquièmesdosa valour, repré-sentent, malgré la similitude des chiffres inscrits

jsur les billets, dos valeurs bien différentes.Onlo voitimmédiatement lorsqu'au moyen d'uno coto des

changes on convertit on dollars ou on livres losvaleurs énoncées on francs,

La consolidationdes dettes, c'ost-à-dirola transfor-

mation d'uno dctlo immédiatement cxigiblo on dettoà échéanco lointaine, ost un dos moyons proposésnon pour stabiliser la monnaio,mais pour rcculor los

dates do paiemonts et [alléger, par conséquent, los

charges financières d'un pays.Lo gouvornoment bolgo employa cotto méthode,

lorsquo utilisant los pouvoirs absolus obtenus du

parlcmont, lo roi décréta, le •')!juillet 192(3,la conso-lidation do la quasi totalité do la dette flottante inté-

rieure, roprésontdo parties bons qui[atteignaientrjuatro milliards, et dont l'échéanco do près de lamoitié venait lo premier décombro suivant. Loscréanciers recevaient, en échango do leurs anciens

titros, dos actions privilégiées do la SociétéNationalodoschemins do for.Losporteurs refusant cot échangodevaient 6tro remboursés par tirngo au sort dans lamesuro dos disponibilités du Trésor, c'ost-à-dirod'unotrès incortaino façon.

La moralité financière do cotto opération ost évi-

ItÔLEDE LAMONNAIE 22*9

demmont contestable; la question était do savoir si

ollo était préférable à l'inflation à laquelle il eut fallu

recourir pour rembourser les bons à lotir échéance.

# *

La tentative au retour à l'étalon or par uno faillite

partiollo, commo on Bolgiquo, est uno opération avan-

tageuse en apparoncj au point do vue mathématique,mais qui, en réalité, no l'est pas plus à co dernier

point do vue qu'au point do vue psychologiquo.Kilono l'est pas au point do vuo psychologiquo pour

les raisons quo voici :

Lorsqu'un billot do banque do cont francs n'ost

accepté à l'étranger quo pour vingt francs, lo franc

est momontanémont stabilisé au cinquième do sa

valour. C'ost donc, on apparence, la niômo chose quesi l'on donnait, commo lo font los Belges, un billot

do vingt francs convertissablo en or, on échango d'un

billot do cont francs ordinaire

En réalité, ces diverses opérations, d'aspect idon-

tiquo, sont psychologiquement bien différentes. Lo

franc a, on" effet, conservé, dans divers pays, en

Franco surtout, un prestigo mystique indépendant do

sa valour réollo d'échange* L'ouvrier auquol on pro-

poserait un salairo do dix francs-or au Hou do cin«

quanto francs-papier, co qui serait pourtant la mémo

choso, n'accoptorail p:\s ectto substitution, et d'autant

moins quo ses fournisseurs habituels no so décide-

raient quo lentement à lui donner pour ses dix francs-

or uno quantité do marchandises idotrtiquo à collo

Hvréo pour clnquanto francs-papier.


11faut remarquer aussi qu'on conseillant do stabi-

liser définitivement lo franc au cinquième do son

ancionnovaleur, opération consistant réellement on

uno faillitodo 80 p. 100,« on somblooublier, commolo fait remarquer la WestminsterGaielle^quo coserait supprimer définitivementuno part très impor-tante dos richesses et dos biens quo possèdola popu-lation. »

Evidemment la stabilisation do fait, indépendantedo toute action gouvernementale,a réduit lo francau

cinquièmode sa valour,mais los intéressésconservent

l'espérance qu'il pourrait reprendre son ancien taux.

Stabilisationdo fait et stabilisation obligatoire sont

au fond la mémo chose, mais la stabilisation forcéo

consacrant, commo collo do la Belgique,uno ruino

définitivedesquatre cinquièmesdola fortuno,nolaisse

placoà aucune espérance La stabilisation naturolle

pormet au conlrairod'espéror le retour do la monnaioà son ancionne valeur. Or, en politique commo on

religion, los hommesvivent surtout d'espérances.Cesinlluoncos psychologiquos,quo no voient pas

toujours los experts, rondont fort dangereusos los

solutions radicales qu'ils proposent on lotir donnantdes arguments mathématiquespour soutien.Cesargu-mentsnosuffisontnullcmonl,d'ailleurs, à justifier uno

stabilisation forcéocommecollodont nous venonsdo

hiontrer los inconvénientspsychologiques.Losraisons mathématiques do l'opération réaliséo

en Bolgiquono seraient valables quo si les billetsnouvellement émis avaient uno représentation équi-valente en or dans les caisses do la lîanquoqui los a

émis, mais il n'en a rien été.

IlÔLEDELAMONNAIE 231

Pratiquement, on effot, il fallut bien so contenter

d'une garantio en or très inférieuro au chiiïro d'émis-

sion des billots.Los nouveaux billets n'ayant qu'uno garantio par-

tiollo on or so trouveront, par co soûl fait, soumis aux

spéculations do la Bourso, c'ost-à-dire à loutos lesfluctuations du change. Les Bolgos on foront proba-blement bientôt l'expérience.

Etant donné la situation do la Franco au momentoù j'écris co livre, on peut dire quo la meilleuresolution acluollo desproblèmos do la stabilisation ostcollo formulée par lo ministro des Finances à la

tribuno :

« Uno stabilif ion de fait doit précéder la stabilisationlégale.Celtosublimation do fait ne so décrètepas, elle s'ob-tient par lv sagesse;ellen'existeraquelorsquotoutes losprin-cipales couses do trouble monétaire auront disparu, etmalheureusementnous n'en sommespas encorelà. »

On sait hs violentes critiques quo provoqua, chezlos députés socialistes, lo refus du ministro do

stabiliser légalement la monnaie Convaincus quolos sociétés so rofont à coups do décrois, ces naïfs

législateurs étaiont porsuadés qu'il suffisait d'un

décret pour obliger tous les peuples do l'univers à

uccoptor los billots do banquo français aq cours déter-

miné par uno loi.

Dans los circonstances actucllos il faut donc vivro

avec uno monnaio dépréciéo, mais no pas oublier

qu'une monnaio qttolconquo devient excellonto dès


quo l'industrie et lo commorcoprospèrent. Essayonsdo les améliorer et renonçons, malgré les conseilsdos exports, aux dangereux emprunts étrangers. Ils

alourdiraient encoro notro budget par lo paiemontdes intérêts ot, en outre, finiraient par mettre laFranco sous la tutollo do l'étranger. Kilo s'y trouve

déjà beaucoup trop.

On a souvent représenté les Américains comme

spéculant contre les monnaies européennesdépréciéespour en fairo baissor lo cours; ils sont, au contraire,très intéressés à la stabilisation do ces monnaies,celle do la Franco notamment. Dans uno conférencefaite a l'Association économique internationale,M. Owon D. Young, un dos autours du plan Da\ves>faisait remarquer :

Qu'« il (?tn'tplus importantpourlesKtals-Untsde rcslnu-rorla stabilité*des monnaiesdu tnondoet do les sauverdesfluctuationsdes changesquod'obtenirlu paiementdo noscréancessur lesnationsétrangères.»

« —C'estmaintenantnotrodevoirdo voiliera COJJUOtesmoyensd'tfcliangoentre tousles paysreposentsur unobasoqui rondolo crédit possibleot lesprêtssûrs, ("estpourquoiaussi l'orqui resteen la possessiondesEtats-Unisconstituaun fondsdogarantlopourlesvaleursdu monde.»

Lo problème do la stabilisation dos monnaies, a

l'étude duquel viont d'ôtro consacré co chapitre, estun nouvel cxcmplodes conflits entro les forcos écono-

IlÔLEDELAMONNAIE S.i3

iniques et les influences' psychologiques qui caracté-risent l'ago actuel.

La solution dos problèmes résultant do ces conflitsrosto difllcilo. Ils représentent, en effet, dos équationsdont les divers tormcs n'ont pus do commune mesure.Ellos contiennent des éléments économiques qui se

pèsent facilement et dos influences psychologiquesdont aucuno méthode no permet d'évaluer exactementla grandeur. Les forces économiques pondérablestondent à dominer lo mondo, mais les impondérablesforces psychologiques sont parfois plus puissantesencore.

CI1AP1THKIII

FACTEURSÉCONOMIQUESET PSYCHOLOGIQUESDU PROBLÈMEDE LASTABILISATION

Nous venonsd'étudier sommaircmontlo problèmodo la stabilisation. 11no sera pas sans intérêt do

rappeler quolquos-unosdes discussions dont il fut

l'objot. Cet exposé fora voir a quel point, dans les

quostions économiquesnouvelles entremêlées d'in-

lluonccspoliliquosot psychologiquos,il est difflcilod'arriver a dos corlitudos.

On sait quo, pour tacher do découvrir les moyensdo restaurer nos llnanccs, ot notamment d'améliorerla valeur du franc, uno commission d'experts fut

chargéodo découvrirles méthodesà employer.Aprèsdo laborieuses réunions, ils formulèrentlos conseilssuivants :

1°reconnaître immédiatementles dettes envers lesKlats-l îiis.

2°l'airo do grands emprunts a l'élrangor a(ln d'ob-tenir uno masso do manoeuvropormottant d'ompô-cher lososcillationsdu franc ;

3"stabiliser la valeur du franc par décret,

Malgrétoulo l'autorité dos oxperts aucun do '.ours

H6LEus LAMONNAIE 235

conseils no fut suivi, l'amélioration du franc fut obte-

nue, commo lo faisait remarquer ironiquement un

grand journal anglais, en opérant d'uno façon oxac-toment contrairo a celle indiquée par los exports,Ils déclaraient indispensable la reconnaissance dosdettes extérieures, et cos dettos n'ont pas élé recon-nues. Ils déclaraient non moins indispensable un grandemprunt a l'élrangor et lo franc a été amélioré sans

qu'il ait élé fait aucun emprunt. Ils déclaraient unostabilisation légalo du franc nécessaire et aucune sta-bilisation n'a élé effectuée.

Ainsi qu'il arrivo souvent, la sagacité d'un seulhommoaété fort supériouro à celle d'une collectivité.Lo ministro dos finances a marqué combien a la tri-

bune, il ont élé onéreux do suivro les consoils des

experts, lorsqu'il disait : « quo la situation actucllo

eût élé beaucoup plus rcdoulablo si nous avions

stabilisé a un taux élevé avec lo concours do l'é-

tranger ».

Dans les problèmos rotatifs à la valorisation du

franc, les illusions ont joué, commo dans beaucoup

d'opinions collectives, un rôlo prépondérant.Los oxports so sont inspirés des illusions les plus

répandues ot c'est pourquoi leurs conclusions furent

si médiocres. Ku co qui concerno, notamment, la sta-

bilisation par décret. M,Charlos Dupuy sous-directour

do l'Kcolo des Sciences politiques, leur a fait juste-ment obsorver quo :

t ... La stabilisationest impuissanteh donner la stabilité*,


parcoquola stabilité*nosauraitdépendred'unedispositionlégislative,qu'ellenopeutrésulterquod'unéquilibreréel,etnonartificiel,entrelesressourceset lesengagements.Stabi-lisationn'estpas stabilité;stabilisationnogarantitpassta-,bilité.t

Les problèmes posés aux experts étaient a la foisd'ordro économiqueot psychologique.C'est en s'ap-puyant principalement sur les factotirs psycholo-giques quo lo gouvernement réussit a relever lavalourdu franc.

Lo rapport do M.Cuéronau Sénatmontre combion,a un certain moment, la situation avait élé critique :

«Logouverneurdela DnnquodoFranco,le 21juillet1020,avaitavertilegouvernementdol'imminenced'unesuspensiondespaiementsdo l'établissement.Lesdemandesderembour-sementd<sbons do la DéfensoNationaleaffluaient.Lesmenacesducartelavalenttuéla confiance.Le20juillet1926,la livresterlingétait coléoen bourso210fr. 25,lo dollarM fr.22,lo coursdo la renlo3'/. était tombéà 41fr. 50....L'Etuiso trouvaitacculésoità une inflationnouvellequieut précipitéla cliulodu franc,soitftla redoutableéventua-litédesuspendresespaiements.»

La situation fut Iransforméopar un nouveauPréti-sidonl du Conseilqui sut inspirer conllanco.

Los conséquencesdo son intervention furent ra-

pides : a la dato du 11 décembro 1020la livro est a122fr. 80, avec unodiminution do près do120pointssur lo mois do juillet.

La criso qui avait failli emporter lo crédit do la

Franco, ot qui ébranla lo pays tout entier, fut unocriso do conllanco.

La conllanco qui permit lo relèvement du frano

IlÔLEDE LAMONNAIE 237

fut lo résultat de plusieurs facteurs, notamment le

rétablissement do l'équilibro budgétaire et la barrière

opposée aux menaces socialistes.Un grand journal a très bien résumé, dans los tonnes

suivants, ce rôlo dos influences psychologiques :

a Tant quo les socialistesont gouvernédans la coulisse,lalivre a 210 francs, la catastrophe toute proche.Dèsque lessocialistes n'ont plus eu do priso sur le gouvernement,lalivre à 123francs, la stabilité de fait. »

La conllanco est un dos soutiens psychologiques dola monnaio mais ce soutien est provisoin. Ainsi quo

jo l'ai précédemment rappelé lo cours do la monnaieno peut ôlro maintenu quo par l'accroissement do larichosso nnlionalo duo aux progrès do l'agriculture et

do l'industrie. Les questions de monnaie s'éva-

nouissont fatalcmont dès qu'un pays peut payer ses

importations avec sos exportations. Toute monnaio

dovient alors prosque inutile.

Le r6Io do la confiance dans lo relèvement du franc

n'avait pas échappé aux oxperls. mais les moyensproposés par oux pour la rétablir auraient élé pro-bablement plus dangeroux qu'utiles.

Parmi ces moyons tlguraicnt commo nous l'avonsdit plus haut î 1° l'urgence do régler les dotlos interal-

liées; 2° la. nécessité do faire un emprunt importantdestiné a procuror a la Manque do Franco les devisesnécessaires pour augmenter la garantie des billetsdo banquo, et accrotlre ainsi leur valeur; 3J la stabi-

lisation du franc par décret.


LOSfaits ont prouvé,qu'une améliorationdu franc

dépassant toutes les espérances des oxportsavait été

obtonnosans aucun dos moyens indiqués par eux.On saisira les causes des illusions dont cetto collcc-

ti\ité d'hommes sages fut victimo en discutant los

causosdo leurs propositions.

*

Lepaiementdesdéliesinteralliéespouvait-ilinfluen-cer la situationfinancière?Aen croire les experts ot

plusieurséconomistes,—anglais ot américains, sur-

tout, —l'amélioration do la situation llnancièrodola Francoaurait été liéoa la reconnaissancedosdettes

envorsses anciensalliés.11est pourtant visible,sans y réfléchirlonguement,

quo lo paiement annuel do nombreux milliards à

l'étranger, loind'améliorer lofranc,n'aurait faitqu'enprécipiter la chute. Pour se procurer les livres et losdollars nécessaires aux paiements, il aurait fallu

vendro,on effet,sur les marchésétrangers desquan-tités colossalesdo francs. Knraison de la souveraino)ni do l'offre ut do la demande, celte opération eutfait baisser énormémentla valeurdu franc, résultatexactementcontrairoa celui ospéré.

( Kn admettant mémoquo les banquiers étrangersaiont pu ètro inlluoncés par la reconnaissancedos

délies, il est inllnimcnt probabloque lo nombrodomilliards prêtés par eux eut été très au-dessousdo la réservo d'or nécessaire, pour améliorer locours descinquanto milliards onvirondes billets do

banque françaisen circulation.'

nôLE DELAMONNAIE 239

J'ai déjà rappelé quo les Américains eux-mêmes com-mencent a voir l'inconvénient de ces délies si aisé-ment reconnues par Us experts. Aux citations déjàreproduitos dans un précédent chapitro j'ajouteraiencoro collo do M.Bakor, ancien secrétaire do la guerroaux Etats-Unis :

« 11ci* inconcevable,quo le reste du mondecontinuedfaire'des nlïairesavec nouspendantles soixante-deuxans oîichaquepays verrapesersurses propresindustriesdes impôtsécrasantspayablesauxEtats-Unissousuno forinonodifférantpas beaucoupdu tribut quo Homeimposaita ses ennemis.»

Los exports no paraissent pas d'ailleurs avoir pos-sédé des notions psychologiquos bien judiciousos surla mentalité dos banquiers américains. Cesbanquierssont, on réalité, dos commerçants no désirant pas lais-ser improductif l'or constituant leur marchandise.

Non seulcmont ils demandent à l'utiliser en prêtsfructuoux, mais ils. chorchont aussi à. prendro dos

intérêts dans les industries susceptibles do rapport.C'est ainsi qu'aujourd'hui ils possèdent beaucoupd'actions d'entreprises diverses en Allemagne.

On voit par co qui précède quo la proposition des

experts d'améliorer notro situation Uuancièro par la

reconnaissance do lourdes dcltos i\ l'étranger cons-

tituait uno illusion dangereuse.

Peut-on stabiliser une monnaie par des rachats en

Bourse? Cette illusion, parlagéopard'éminonts llnun-

ciers, a conté un milliard a l'Allemagne, quand cllo

voulut empêcher la chute du mark, et 800 millions à

240 ;/I':VOLUTIONACTUELLEDUMONDE

la Belgique,dans sa premièretentative do stabilisa-lion.

Scmblabloillusion a élé également partagée partous les ministres des flnanccs-*françaisqui so sontsuccédédopuisquelquetemps.Kiloaengloutibiendosmillions et, sans un changement de ministère, la

réserve d'or do la Ilanquo do Franco ont subi unanéantissomenttotal.

Lorsquenosexpertsconseillaientlareconnaissancodos dettosde la France envers ses alliés, ils suppo-saient sans douto, oux aussi, qu'avec los milliards

prêtés par les banquiers étrangers émus do cetto

reconnaissance dos dettes, on pourrait constituer« uno masso do manoeuvro» permettant, par desrachats méthodiques,do maintenir locoursdu franc.

Assurément,on peut, par dosdemandesd'une do-viso on Hourso, faire monter artillciolloment son

cours; mais, pour réussir a maintenir indéfiniment

çocours, il faudrait unoréservod'or quol'Ktat,ache»

tour do su propromonnaio,no possède pas, puisqttoc'ost justomontsa pauvreté on or qui occasionnola

dépréciationdo la monnaio.Sans douto, l'Ktat rachetour s'imagino volontiers

quo lo rachat on or do lamonnajodépréciéeinspirerauno toile conllanco qu'après quolquos rembourse-ments lo publicconserverasonpapiersansen deman-

der l'échango.Do cetto illusion dont furent successivementvic-

times los gouvornantsallomandot belgo, nous au-

rions été victimos a notro toqr, en suivant les

mêmesorremonts.Tant quo la Holgiquo,a l'époquodo sa promièro

I\0LEDELAMONNAIE 241

tcntativo do stabilisation, posséda assez d'or ou do

devises équivalentes pour racheter ses francs sur lo

marché, elle put maintenir la livro à 107 francs ;mais aussitôt quo sa réservo se trouva épuisée, les

remboursements furent forcément suspendus. Lalivre remonta rapidement à 180 francs, taux qu'elledevait dépasser bientôt.

L'amélioration d'une monnaio par des rachats on

liourso n'a oncoro réussi à aucun Klat.

L'impossibilité do maintonir artificiellement lotaux d'une monnaio fldticiairo par dos rachats on

liourso no semble pas duo uniquement à des motifs

économiquos ou psychologiques, mais aussi a cer-taines raisons mathématiques.

Lo calcul dos probabilités démontro, en eflet, qu'unjoueur a fortune llnio, jouant avec lo possossour d'unofortuno infinie, est fatalomont condamné à la ruino.

Uno Uourso quelconque, on raison do ses relations

télégraphiques instantanées avr > toutes los autros

Bourses do l'univers, représonto une immenso salle

de jeu contenant tous les spéculateurs du monde. Lo

pays qui rachèto sa monnaio représonto lo joueur h

fortuno limitée dont jo parlais plus haut. Le jouourafortuno illimitée est constitué par la totalité dos

joueurs du monde. Kn raison do la loi malhémaliquoformulée plus haut, lo jouour À fortuno Unie, c'ost-à-

diro un simple Klat, est fatalement condamné à en-

gloutir tout l'or qu'il possèdo dans la tcntativo do

fairo monter lo cours do sa monnaie

Qucllo quo soit la valour de l'argument mathéma-

tique qui précède, l'oxpérionco prouve qu'aucun ra-

chat en liourso no pout fairo remonter longtemps la


valourd'uno monnaio,si lo public n'a pas conllancodans celtomonnaio.

A défaut des expériences précédemment rappe-lées et dos arguments qui viennent d'ôtro énoncés,un raisonnement bien simple montrera aisémentcombien sont erronées les espérances relatives al'ofllcaciléd'uno massodo manoeuvre.

Supposons,on elfot, qu'un Elat possède uno massodo manoeuvredéclaréosuffisante pour ôter aux spé-culateurs l'idéo do provoquerpar dos venteslabaissod'uno monnaie. Si l'impossibilité supppséo était

réelle, il s'onsuivrait que lo pays possédant uno cer-

taine masso do manoeuvropourrait imprimer un

nombre indéfinido billets do banquo sans s'exposera voir baisser leur valeur. II deviendraitdoncbientôt

lo plus richo paysdo l'univers.

LIVRE IX

ROLEDE L'IDÉALDANSLA VIE DESPEUPLES

LÀ RELIGIONSOCIALISTE

CHAPITRE PREMIER

L'ÉVOLUTIONDESIDÉALSMODERNES

Si los grands génies de la Grèce ot do Romo dont-'la penséo éclaira tant do générations revenaient a la

lumiôro, ils seraiont éblouis par la simple JénuméFflHlion des morvoillps réalisées ^depuis un siècle : des

forces, jadis insoupçonnées, mises au sorvico do

l'hommo, l'espace conquis, la foudre captée, la paroleinstantanément transmise à, travers lo monde etbien d'autr.os découvertes encore

Ces illustres pensours seraient étonnés sans doute,mais lour pénétrant génie découvrirait vito que, si la

raison a transformé l'aspect matériel dos civilisations,elle oxorco sur la conduite dos hommes ,bion poud'action encore. Los croyances politiques et sociales


modernesont los mêmes bases scntimontalcset mys-tiques quo loscroyancosroligiouscsantérieures. Les

passionsqui armèrent jadis tant do peuples les unscontro los autros sont identiques a celles qui losarment aujourd'hui. Lesdissocions qui ruinèrent laGrèce anliquo, los luttes civilos qui mirent fin a la

Républiquo romaino sont nées do sentiments sem-blables a ceux qtw boulevor^ont encoro la vio dosnations.

Devantlesdécouvertesde la science,losphilosophesespéraient qiïe nolro siècle deviendrait celui do laraisonpuro, quo los templos ot les casernes seraient

remplacés par ces laboratoires d'oîi surgissent desforcessupérieures à celles dont disposaientlés dieuxet qu'uno concordounivcrsollounirait los peuples.

II n'en a rien élé et on nesaurait s'enétonner. Com-

ment dos découvertesd'origine rationnolle auraient-oliospu modillerlessontimonls qui forment la tramodo notro naturo?

La science a fourni aux sentiments de nouveaux

moyonsd'action, mais no les a;pas transformés. Et

c'ostpourquoi les découvertesscientifiques,loin d'in-

trbduiro la paix dans lo monde, n'ont fait quo rendroles guerres modornesplusmeurtrièroset pluscruelles

que cellesdu passé.Les savants dont jo parlais plushaut constateraient

égalomontquoles illusionsmystiques sontaussi puis*santosaujourd'hui qu'ellosl'étaient do leur temps.Fai-

sant partio do la naturodol'homme,ollosno mourent*

L'IDÉALDANSLAVIEDESPEUPLES 245

pas plus quo l'amour, l'ambition et la haine Ils ver-raient très vite quo los fldôlos, prosternés il y a8.000 ans devant les autels d'Isis, les socialistes trans-formant l'Etat en arbitre souverain doladostinéo doshommos apparlionnont, au point do vuo psycholo-gique, a la mémo famille. Les influonces mystiquesqui dominaient les premiers sont identiques a celles

qui dominent les seconds.Les pouplos n'ont jamais supporté sans bouleverse-

ment la mort de leurs dioux, ot c'est pourquoi, dès

qu'un idéal divin so transforme, la civilisation qu'ilinspirait so transforme égalemont.

Sous l'influonco des idéals issus des méditations do

Bouddha, do Jésus et de Mahomet, do grands empiresont élé détruits et d'autres ont élé fondés.

En dehors des idéals religieux, chaque époquefut, inlluencéo par un idéal politiquo qui changogénéralomont après un petit nombre do générations.C'est ainsi, par exemple, qu'en Franco au xvii*siècle,l'idéal politiquo fui la monarchie absolue représentée

par Louis XIV. Au xvm' siècle, la révolution réussit frdétruiro on partie l'ancien régimo, ollo aboutit

finalement à la création do monaichios constitution-nelles laissant aux peuples dos pouvoirs politiquesdont dos révolutions successives amenèrent l'exten-

sion. Lo xxe siècle vit le développement dos pouvoirs

populaires et, en mémo temps, la formation do grandsétats nouveaux tels quo l'Italie et l'Allemagno, cons-

titués par la réunion do petits états jadis séparés. ..


Lo développementdos idées démocratiques celles

d'égalité surtout eut pour aboutissement final l'ox-tension des influences socialistes. Leur applicationdans divers pays enfanta des désordres qui ont

déjà ramené plusieurs grands états do l'Europe àdes formes divorses do dictaturo. Kilos somblontdestinéesà s'étendro si les gouvernementssocialistescontinuonta prouver leur incapacitéfr s'adaptor auxnécessités qui dirigent aujourd'hui le monde

L'insuccèsdos tentatives faitosen Russioet ailleursmontre combien il est difflcilo pour les peuplesfatigués d'un idéal ancien d'en créer un nouveau

capable d'unifier les frmes.

La difficulté est d'autant plus grande aujourd'hui

qu'un idéal n'a d'influence durablo quo s'il no soheurte pas, commo l'idéal socialiste, aux exigenceséconomiquesnouvelles que les progrès des scienceset do l'industrio ont fait surgir.

Trois grandes formes d'idéals sont en lutte, aujour-tl'hui, dans lo monde : l'idéal religieux, l'idéal natio-

nal, l'idéal international. '.,L'idéal roligioux,très vivacoencorechez beaucoup

dp nations, n'a cependant d'influence politiquo pro-fonde que chez los peuplos do l'Asio, ceux de l'Asiemusulmane notamment. En Europe la religion socia-liste tend fr so substituer aux anciennes croyances;religieuses. - .*

L'idéal national, d'où l'idéo do patrio dérive, s'est

développéchoz boaucoupdopeuplesdepuis la guorro,

L'IDÉALDANSLAVIE DESPEUPLES. 247

on particulier chez coux arlillciollemont créés par lo

traité de paix.L'idéal international, qui ropousso l'Mé3 do pairie,

est défendu par les socialistes ot les communistes,

qui s'imaginont quo la suppression do la patrie on-

gondrorait uno paix univorsollo.L'll; -toiro prouvant qu'uno nation no change pas

d'idéal sans quo sa civilisation se transforme bientôt,il on résulte que l'avenir dos peuples dépendra dol'idéal qui régira leurs sontimonts ot leurs pensées.

Etudiés- aux seules lumières do la raison, la plu-

part des idéals devionnontd'illusoircs fantômes, mais,los observations répétées pondant do longs siècles

prouvent que ces fantômes ongendrèrent do vivantesréalités. Bouddha, Jésus et Mahomet ont transformélo monde, et du fond de lotir tombeau, ils oriententencoro la pensée do plusieurs millions d'hommes.

Les idéals roligioux le plus souvent, los idéals poli-tiques quelquefois, ont eu soûls, jusqu'ici, lo pouvoirdo créer l'unité do sontimonts ot de penséo sans la-

quelle aucune civilisation n'a oncoro pu durer.

La puissante action d'idéals mystiques échappe aux

partisans do la théorie dite matérialiste do l'histoire,Ses adeptes soutiennent quo les peuplossont unique-mont conduits par des besoins matériels, alors qu'enréalité la plupart dos grands événomonts formant la

trame do l'histoiro ont eu pour origine des idéals

mystiquos bion étrangers fr ces besoins. La fondationde l'Empiro musulman, los croisades, los guorros de

24S L'ÉVOLUTIONACTUELLEdu MONDE

religion et bien d'autres événementsdu mômoordro,ouront des influences mystiques' pour causo ot non

dos besoins matériels. Tout autant quo los besoins,los idéals dirigent l'umodos peuples.

Dono3jours, l'importancodes idéals roligioux est

dovonuo,chez beaucoupdopeuples, bien moindrequocelles dos idéals politiques ou sociaux, tels quo lo

désir d'hégémonie, les doctrines socialistos, etc.

L'idéal d'hégémonio forme exagéréo do l'idéal

national, souventqualifiéd'impérialisme, faillit triom-

pher avec les armées allemandes, mais il no fut paslo plus fort, et c'est l'idéal socialiste qui remplaco

aujourd'hui los idéals mystiquosdivers dont l'hommo

n'a jamais pu se passer. ,Comme tous les idéals, il inspire dos convictions

qu'aucun raisonnement no saurait effleurer, mais cos

convictions,qui sont une dosconditions do sa force,constituent égalomontuno causo de sa faiblosse. Le

monde est arrivé on effet fruno époque où dos néces-

sités économiques qui no fléchissent pas limitent

étroitement lé pouvoir dos illusions. Lorsquo Maho-

met, au nom d'uno foi nouvelle, flllo do ses rêves,réussissait frbouleverserloYJOUXmondo,il no trouvait

pas»devant lui l'infranchissablo mur dos nécessités

économiques quo les disciples de Karl Marxrencon-

trent maintenant.

Mais,si lo pouvoir constructeur do l'idéal socialiste

est bien faiblo, son action doslruclfico peut.devenirconsidérable. La Russio en fit .l'expérience II fallut


l'influoncod'un tout-puissant diclatour pour mettre fin

on llalio aux désordres cngondrés par l'applicationdo la doclrino.

Do tous los idéals légués par lo passé, un des plus

puissants encoro est l'idéal national constitué parlo culte de la patrie

A défaut d'arguments rationnels ou affectifs, Il suffitdo voyager un pou pour comprondro en quoi consisto

uno patrieLa patrie, ce n'est pas soulcment la terre des aïeux

dont les générations nouvelles continuent la vio, mais

cet enscmblodo traditions, do pensées, do sentiments

communs, do préjugés même, qui font que tous leshommes d'un pays so sentent frères. Il si flirait do

transporter les plus farouches apôtres do l'in ^'natio-nalisme chez dos peuples étrangers pour loi >*faire

rapidement saisir la profondour de l'abîme psj biolo-

gique qui sé^aro des peuples do mentalités iffé-

ronlos.On constato cos divergences quand sont réu us

dans un Congrès des hommes de patries différent'".Bientôt éclatent b>sdissemblances, non pas soulomei *

d'intérêts, mais ao sentiments et de ponséos qui le*

empêchent do se comprendre, Lours croyances, poli-tiques los rapprochent un instant mais leur passéles désunit et ils s'on aperçoivont bientôt.

L'histoiro du mondo antique montro clairement,elle aussi, la puissanco do l'idéo do patrie. LosRomains dqminôront ot civiliseront lo mondo tant


quo lo culte do Romegouvornaleurs Ames.Lorsque,sous l'influencodosguerres civilescréées par losluttes

sociales, loculte de la patrios'affaiblit dans loscoeurs,la décadencecommença.

On peut résumer co qui précède dans los conclu-

sions suivantes :

En dehors dos basoins matériels nécessaires fr

l'entretien do sa vie, l'homme est guidé par dos élé.

monts affectifs : ambition, haine, amour, etc., pardos influencesmystiquos: croyancosreligieuses,poli-

tiques ou socialos et par des influencesrationnelles

dont lo pouvoir est encorebien faible

Les croyances mystiques engendront les idéals quidominent chaque peuple ot lui permettent do-nopasrester une poussiôro d'hommes sans résistance et

sans force.Cosidéals, jadis concrétisésdans dos dieux person-

nels, tendent à être remplacés par des dogmesot des

formulas nuxquols ost attribuée la mémo puissance,mais qui so hourtent à dos nécessités économiquesirréductibles. ,

Losbouloversemontset l'anarchie actuelledu mondo

continueront jusqu'au jour où los besoins mystiques,

qiti no sauraient périr, puisqu'ils font partie de la

nature humaine, auront créé un idéal nouveau no se

heurtant pas aux réalités économiques qui trans-

forment l'Agemoderne

CHAPITRE II

LES PROGRÈSDE LA RELIGIONSOCIALISTE

On ne comprend bien la forco du socialismo et ducommunisme qu'en les considérant comme une reli-

gion nouvcllo inspirant la mémo foi mystiquo quo los

religions antérieures.Cetlo assimilation, jugéo paradoxalo îi l'époquo où

jo la formulais dans un do mos plus ancions livros,ost généralement admise aujourd'hui, mémo par lessocialistes. Lour chef en France l'a déclaréduhautdola tribune parlomontaire dans los tcrmos suivants :

«Quandon vientnousdire : «Vousêtes une église», on nenous offensepas... Noussommesunecatholicitd! Nous aussiprétendonsa la dominationspirituelle Nous aussi créons-quclquochosequi ressembloh uno foi. Nousaussi, commol'Eglisecalholiquo,avonsl'orgueild'envisagerlesévénementset los chosestub specie.rlernitatis.

... LOrôlodo l'arbitrageentre les nations n'est plus réali-sable par l'Egliso;c'est nous, lo socialisme,qui le revendi-quons;c'esta cettesuccesionspirituclloquonousprétendons.»

La naissanco d'uno roligion, phénomène assez raredans l'histoire, ost toujours accompagnéo de bou-leversements. Dos méditations do Bouddha sous.l'arbro do la sagosso, cinq siècles avant notro ère,


surgit uno religion qui changea l'oxislcncode l'Ex-trême-Orient et dirige oncoro la ponséo do qualrocents millions d'hommos. Lo Clirislianismo déter-mina îles transformations aussi profondes. Lo dieusorti des rêves de Mahomotpermit fr d'obscurs no-mades de fonder un immenseempiredisparu aujour-d'hui, mais dont la foi qui lo lit naitro est toujoursvivante.

Si los religions possèdent uno pareille force, c'est

qu'elles donnent aux hommesces penséeset ces sen-timents communs qui créent l'unité et, par consé-

quent, la puissancedes nations.

L'inégale expansion du socialismochoz los divers

peuples tient aux différencesdo mentalité qui les sé-

parent. On résumerait sommairement quelques-unes<loces différencespar une classificationdos peupleson étalistês et individualistes.

Chozlos individualistes, toutes los grandes entre-

prises sont dirigées par l'initiative privée Chez les

étatistos, le gouvernementso trouvantchargédu plusgrand nombrodo fonctionspossibles, les citoyensnoconserventqu'unodosod'initiative ot d'indépendancefort restreinte

6'cst précisémenton raison do ces divergences domentalité quo les peuples individualistes, les Améri-cains surtout, ropoussontavec horreur lo socialismo.Los Latins, au contraire, l'admettraient facilement,s'il n'était entouré d'autant do menaces do ruino etdo dévastation. ~ \

L'IDÉALDANSLAVIEDES-PEUPLES 233

Los Américains so montrent justement florsdolourindividualismo et si, par nécessité militaire, ils ontdû subir l'élalismo pendant la guerre, ils l'ont rejetédès la signature do la paix.

Los différences do constitution mentale qui vien-nent d'ôtro signalées ont dos conséquences aussi im-

portantes au point do vue économiquo qu'au point dovue social.

Dos oxpérionces fréquemment répétéos ayant prouvéquo toutes les fabrications de l'Etat sont beaucoupplus onéreuses que celles de l'industrie privéo, les

peuples définitivement socialisés so trouveraient dansun état d'infériorité manifosto fr l'égard do ceux quino lo seraiont pas. Or, la plupart dos pays no pouvantvivre qu'en so procurant frl'étranger les matières pre-mières quo lour sol ne fournit pas, doivont los payoraveo dos marchandises dont les prix no dépassentpas ceux do leurs concurrents sur le marché mon-

dial.Uno nation ontiôroment élaliséo par lo socialismo

sorait obligéo do vondro ses produits un prix plusélevé quo ceux de ses rivauxAEIIo deviendrait fatalc-mont alors uno nation do vio chôro, do chômago et,par conséquent, commo en Russie, do misôro pour los

ouvriors dont lo socialismo prétond àméliororlo sort.

Parmi los points essentiels du socialismo so trouve


la suppressionducapitalismeet dusalariat. Unsavantéconomistea très bien montré, dans los lignossui-

vantes, publiéespar lo Temps,les côtés illusoiresdosthéoriessocialistessur ces questionsfondamonlales:

«Lesalariatétantconsidérécommeun modebarbaredorémunérationqui laissotoujoursle travailleuraux prisesavecles inquiétudesde l'avenir,les socialistesvoudraienttransmettrea l'Etatlaresponsibililédola créationcontinuodutravaildontleprofitglobalseraitrépartientrelestravail-leurs,sansperceptionintermédiaire.Il s'agitmoinspeureuxdosupprimereffectivementlocapitalquedel'arracherà sespossesseursactuelspourleurenleverdumômecoupla direc-tion des affaires.Ainsiuno révolutionserait nécessaire,maisensuitele capitalsubsisterait,pesantdu poidsde sesintérêtssurlebudgetdol'Etatcommela rented'aujourd'hui.Dumoins,les travailleursseraient-ilsles mailresapparentsdoleurdestinée.

Nousavonspuvoirce que donnaitla miseen oeuvredocelteformuloen Russie: un fonctionnarismebeaucoupplusonéreuxquole patronat,et surtoutl'incapacitéd'adapter,laproductionà la consommation.L'ouvriersoretrouvafinale-mentplussilariéquojamais,maisà des tauxmoindresetsoumistoutdomémoauchômage.Envérité,on nopeutcon-cevoirtoutes l'économique»dunpayscentraliséeentrelesmainsdesfonctionnairessansquos'ensuiveh ruinedol'Etat.»

Sans douto lo salariat subira la loi communequiobligoles institutions frchanger. La fusiondos inté-rêts do l'ouvrier avec ceux du patron commo on

Amérique, la possossiojipar les travailleurs d'uno

partie des actionsdes entreprises auxquellesils col-

laborent, montre que lo salariat évoluera, mais dansun sens fort différentde celuirêvépar les socialistes.

Losillusionsdos théoriciensnosauraiont prévaloircontre cetto loi psychologiqueirréductibleque Fini-

L'IDÉALDANSLAVIEDESPEUPLES 23.J

tiativo ot l'effort individuol constituent, d'après l'oxpé-rionco, des stimulants qu'aucun sentiment collectifn'arrivo fr remplace'.

Supposons q\to, par miraclo, lo rêve socialisto aitété réalisé il y a un siècle sous l'influence d'un gou-vernement international autocratique. Tous les salairos

ayant été égalisés, la concurrence et tous les autreséléments do l'effort et do l'initiative porsonnello,s'étant trouvés supprimés, aucun progrès nouveaun'aurait pu naitre. Los chemins do fer, l'électricité etles diversos découvertes qui ont transformé la civili-sation seraient inconnus. L'ouvrier continuerait' àmoner la vie de privations à laquelle il était alorscondamné.

Si lo miracle quo nous supposons réalisé il y a centans se réalisait domain, lo résultat serait identique,la naissance do tout progrès se verrait empèchéo ettant quo durerait ce régime, l'humanité resteraitmaintenuo oxaclomont au point où elle so trouve

aujourd'hui.

Ces évidoncos no touchent pas les socialistes. Ils

sontent bien, cepandant, quo leur régime mettraiton grand état d'infériorité los pouplos qui l'accep-teraient. Et c'ost pourquoi lour rôvo tond fr l'établis-sement d'uno dictaturo internationale, qui réglerait

pour l'univers la production, los salairos, les prix,les échanges, etc., do façon fr supprimer touto con-

currence industrielle et commerciale.

£oO L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

<t11faudra,disaitauparlement>!.LéonUlum,introduirodanslaviorespectivedesnations,unosortedo légalitéinterna-tionale; il faudraadmettreunosortedolimitation.»

Traduitesen termes clairs, ces déclarations signi-fientsimplementquolomondodevrait èlre régi par un

gouvernement socialisto, lequol constituerait néces-sairement uno dictaturo internationaleabsolue

La forcodo la religion socialisto no réside nulle-ment dans sadoctrino,nmis,jo lorépète, dans lossen-

timents qui lui servontdo soutien.

Le plus caractéristique do ces sontimonts ost unbesoin d'égalité d'où résulto la haino intenso dotoulos los supériorités do la fortuno ot do l'intelli-

genceLos diverses formes do supériorités étant indivi-

duelles et jamais collectives,onconçoitaisément quol'ôtro collectif los ait toujours mal*supportéos. Pou

importo fr la mullitudo quo les merveilles do lascioncoet do l'art, qui, on transformant los civilisa-

tions, transformèrent également lo sort dos travail-

leurs, soient oxclusivomontducs fr des capacitésindividuelles. Kilovont régner a son tour. La for-mulo : « Dictaturodu prolétariat » traduit nettementdottoaspiration. Il est donc naturel quo lo premier,acto du socialismo triomphant en Russio ait été lomassacrosystématiquo do toutes los élites.

« L'onvlo,disait La Rochefoucauld,ost uno furour

qui no pout souffrir lo blon «lesautres. »A cet élément do forco, lo socialismojoint oncoro.

. L'IDÉALDANSLAVIE DESPEUPLES 257

lo besoin d'uno foi mystiquo dont les poupios no

puront jamais so passer.Devenu une religion, lo socialisme échappo par co

seul fait a i'influcnco do la raison et do l'oxpéricnceLes religions qui monôront toujours lo mondo no sont

pas néos do la raison et no craignent pas nos raisons.Co n'ost donc ni la faiblosso dos dogmes qu'ollo pro-

pose, ni l'csclavago qu'elle impose qui pourraient"entraver la diffusion do la religion socialiste.

Lo socialismo comprend doux branches encore dis-

tinctes, mais qui tondont à so confondre D'abord,lo socialismo que l'on pourrait qualitler do bourgeois,

parco qu'il a surtout dos bourgeois pour adeptes j

puis, lo socialismo populaire, qualifié do commu-

nisme, défondu principalement par les menours do

la classo ouvrière

Ces deux frôros so combaltont quelquefois, mais

poursuivent exactoment los mômes buts : sup-

pression do la propriété privéo, expropriation dos

entreprises industriollos ot lour gestion par l'Kiat. Ils

no diffèrent quo dans les méthodes do propagandeLo socialismo bourgeois a l'illusion de pouvoir trans-

formor la société avec dos lois, lo communismo vou-

drait'la détruiro, d'abord pour la rebâtir ensuite

En attendant quo la religion socialiste uuisso les

hommes, ollo n'a fait quo los divisor davantage Ses

résultats los plus clairs ont été do ramoner a la bar-

barlo la Uusslo, soûl pay* qui l'ait entièrement adoptéo,et do forcor l'ilalio a s'en déharrassor par un diclatour.

258 L'ÉVOLUTIONACTUELLEtiu MONDE

11est attristant dosongerquo lant d'accumulationsdo ruines et tant do sang versé pour transformer laviosociulodes peuples, ç'est-a-diro en réalité refairelour aine, n'ait généralement réussi qu'a changer lonom des institutions détruites.

Rappelant,a proposdo la Russie, les démonstra-tions quo j'ai souvent répétées, un éminont acadé-

micien, M. Uourdcau, écrivait dans le journal dosDébals:

«Aquelpointl'cxomplodola Russienojustifle-t-ilpasles-.thèsesdudocteurGustaveLoDon?Celle-ci,toutd'abord,quolesrévolutionsnochangentpointlo caractèredespeuplesetque,si ellesbrisentta chatriodestraditions,ellesenforgentdonouvellessur lomodelodesanciennes.LocultedoLënlnon'a faitqueremplacerceluidu tzar.Domême,la dictaturemllitairoet policièresurlo prolétariatn'a fait quorenforcercelledo l'anciennfglino.La classejadis dominantoa étd

de'posso'dc'ccl massacrde,donouvellesclassesluiontsuccédé.L'égalitépolitiquen'a pas plustHûrOalisOoquolYgalitôdco-nomiqueet légalitésociale.»

Un des dangers du socialismoonFranco,c'estqu'ilattira les partis politiques incertains qui espèrent»en s'alliant a lui, conquérir los suffragosdes élec-teurs,

Ils oublient alors quola loid'accélérationdes mou-vementsrévolutionnairesostanaloguea colloqui régitla chnto des corps. En doux annéos*la mémochar-rotloconduisit au fatalcouteaulos douxGirondinsquicroyaient, eux aussi, rofairo lo mondo avec dos lois


et des discours, lo faroucho Danton, fondateur d'untribunal destiné a fairo périr sans retards inutiles les

contempteurs do sa foi, cnlln le sombre Robespierre,espérant régénérer la Franco en abattant lo plusgrand nombre possiblo do tôles.

Cctto courbo des mouvements révolutionnaires a

élé également observée en Russio. Après la pAloDouma, puis lo verbeux Kcrcnski, co fi|t Lénino avec

ses fusillades on masso et son corlôgo do bourreaux

chinois, destinés à raffiner les supplices.Les conséquences do l'extrémismo sont partout los

mômes. Au couperet do Robespierre, aux fusillades

do Lénine, succôdo bientôt lo sabro du dictateur, quimet généralement (in à l'anarchie 11n'a pas encore

surgi on Russie, mais sa venue est inévitable.

Nos agitateurs devraient sorappclcr quo si la Franco

ost parfois révolutionnaire, commo tous los pays a

évolution trop lento, elle possèdo une amo ancostralo

stabili&éo depuis longtemps, qui la rend finalement

très conservatrice

Co double caractère : révolutionnaire dans la forinn,conservateur dans lo fond, doit ôtro retenu pour com-

prendre notro histoiro et l'invariablo tendance desfoules a so tourner vors un César libérateur quandl'anarchie grandit. Kilo expliqtto Ronaparto au

moment oiV la Franco, fallguéo du désordro révolu-

tionnaire, cherchait un maître Kilooxpliquo lo second

Empire, surgissant lorsquo lo peuple, inquiet des

progrès socialistes, accorda sept millions do suffrages

2G0 L'ÉVOLUTIONACTUELLE'DUMONDE

au dictateur qui promottait do rétablir l'ordre Losévénements do lllistoiro semblent issus d'impré-visibles hasards; ils sont, en réalité, régis par deslois éternelles.

Quelsquo soient les arguments qu'on puisso invo-

quer contro los doctrines socialistes,cllos continuenta se propager parce qu'cllos ont pour adoptos.l'im-menso légiondes hommosmécontentsdo lour sort ot

auxquels los anciens idéals no suffisentplus.Parmi oux llguro la foulo do fonctionnairesot do

petits bourgeois qui ont envoyé beaucoup d'ox-trémistos au Parlement parco qu'ils motlaiont en eux

l'ospoir do voir améliorer leur situation, ot ronaltro

l'aisancQquolosperturbations financièresavaient fait

disparaître Ils abandonneront «railleurs bien vitolo

socialismo,quand ils verront quo sos défonsourssont

incapablesdo lour rondro i'aisanco perdue.Lo passago suivant, publié en avril 11)20dans lo

plus inlluont dos journaux socialistes français,donnoun oxposé très net dos aspirations du parti, et dos

conséquencesquo lour réalisation pourrait entraîner.

. A propos du 1" mai 102(3,co journal invitait les

membres«luparti :'t Arevendiquerlo prélèvementsur logrondcapitalet ta

nationalisationdesbanqueset des grandsmonopolescapita-listes,seulesmesuressusceptiblesdofairepayercITtctlvcnuntlesriches.

,,. LApaiximmédiatoau Marocet enSyrie,en*xorçantsurlesgouvernantsauserviçodesbanquierst colonisateurs»unopressionprolétarienned'unotelleforcequ'ilssoientcontraintsdotalrota paix.*

L'IDÉALDANSLAVIE DESPEUPLES 2GI

La diffusion des théories socialistes s'obsorvo aujour-d'hui dans tous los éléments do la vio journaliôro

jusque dans los administrations municipales, quitendent do plus on plus à intervenir dans les indus-trios et lo commcrco local. On a fait observer avecraison quo lo socialismo municipal est biou autre-mont dangeroux quo lo socialismo d'Etat, étant donnél'infiltration communiste dans maintes localités ur-baines ou rurales.

L'Agoactuel,roprésento uno période d'incertitudesrésultant des conflits qui divisent los ponplos cl les

partis politiques do chaquo peuple11on scraainsi.jelorépèto, tant quo l'hommo moderne

n'aura pas trouvé un idéal nouveau possédant, commolos ancions, le pouvoir do diriger la vio, do créor lesvolontés fortes et los porsévérants labeurs. L'idéal

socialisto, n'étant quo destructeur, no saurait exercerun tel rôle

Le socialismo ost on réalité beaucoup plus dango-roux, poutôlro, par la mentalité révolutionnaire etenviouso qu'il propago, quo par los doctrines qu'ilpropose Dès quo ces doctrines arrivent, on effet, aso réaliser, elles so heurtent à un mur do nécessités

économiques ot d'impossibilités psychologiques quion révèlent bientôt l'impuissance ; mais la montalité

houvollomont crééo subsiste.Los théoricions, incapables do comprondro l'infério-

rité do leurs doctrinos, s'en prennent aux hommes

et, commo en Russio, massacront par milliers tous

coitx auxquels ils attribuent leurs insuccès.

'262 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUM,ONDE

En politique, les raisonnementsont pou d'action,seules dosexpériencesrépétéesfinissentpar agir surl'àmodos pouplos.Ellesn'agissentmalhourousement

qu'après'avoir été suffisammentrépétéosot coûtentfort cher. Los expériencessocialistos,qui ruinèrentla Russioet failliront ruiner l'Italie, avaient été pré*cédéesd'autrosexpérienceségalomontfortcoùtousos,En Franco,notamment,en 1818ot en 18'M.

En 1818,ellescoulèrentunorévolution,la division<lola Francoon partis rivaux, ot finalementla nomi-nation par 7.000.000do suffragesd'un dictateur cou-ronné qui dovait conduireplus lard la Francoa uno

dangorousoinvasion.En1871,la naissancedp la corn-munosocialisteeut pour conséquencesdo nombreuxmassacres ot l'incendiodes plus beaux monuments<lola capitale

* #

Lesocialismoot sa formooxlrômo,lecommunisme,sont devenus fort dangereux.On a évaluéà huit cent

•millo lo nombro dos électeurs communistes on

'France,chiffre très supérieur aux doux cent millo

Jacobins do la Tcrrour.C'est donc avec raison quoles ehefsmoscovitesdu bolchcvismoclassentleparticommuniste français au second rang par sa, puis-sance * <

Lo parti radical, qui jouait on Franco un rôlo si |considérablealors qu'il était unifié,so traîne do plus


en plus a la rcmorquo du socialismo, grand polod'attraction pour los esprits faibles, no pouvant so

passer d'une croyanco capablo d'orienter leurs

pcnséos.Sans doute, nous l'avons vu déjà, les forces anccs-

tralos finissent toujours par limiter los dangereusesoscillations des foulos. Mais ces forces agissent len-tement et no sauraiont prévenir les ravages exercés

par les influences extrémistes.On redoute fort, aujourd'hui, les ennemis du

dehors, mais H faut craindro davantage peut-ôtro los

ennemis du dodans.

Socialistos, communistes, syndicalistes, bion que

représentants do théories diverses, s'unissent partoutcontro l'ordre social établi. Ils l'ont brisé en Russioet failliront lo détruire on Italie, on Espagno et on

Grèce

Los conséquences do l'évolution socialislo élaiont

depuis longtemps faciles a prévoir, car co n'est pasd'aujourd'hui, nous l'avons vu, quo sous dos formes

diverses cette doctrino a l'ait son apparition dans lo

monde Rappelant, dans un ancien ouvrage, quo les

guerres sociales, après' avoir conduit la Orèco fi la

sorvitude, contribuèrent a amener la lin do la répu-blique romalno et la venue des Césars, j'écrivais :

v« Plusieurs peuples do l'Europe vont èlro obligésde subirta redoutablophase du socialismo.Trop oppressifpour pou-voir durer, il fera regretter IAgodo libère et do Cnligutaetramènera cet âge. Un so demande, parfois, comment lesUomalnsdu tempsdes empereurs,supportaient si facilement

12

2GI L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

les férocitésfurieusesdotelsdespotes.C'estqu'euxaussiavalentpassépar les luttessociales,lesguerresciviles,lesproscriptions,et y avaientperduleurcaractère.Ilsenétaientarrivésa considérerces tyranscommelesderniersinstru-mentsdosalut.Onles toléraparcoqu'onnosavaitcommentlesremplacer.Ilsnofurentpasremplacéseneffet.Aprèseux,cefutl'écrasementfinalsouslepieddesbarbares,taUnd'unmonde.L'Histoiretournedanslomômecerclo».

CHAPITRE III

LA MENTALITÉ BOLCHEVISTE

En dehors des théories qui lui servent quelquefoisdo support, mais dont la plupart dos sectateurs do ladoctrino n'ont jamais entendu parler, lo bolchovismoconstitue uno mentalité spéciato fort répanduoaujourd'hui.

En quoi consiste donc cetto mentalité si répanduo,alors quo la doctrino politiquo no s'est dévoloppéoqu'on Russio ot n'a ouvahi certains états civilisés,commo la llongrio, quo pour ôtro bientôt repousséopar coux-la mômes qui l'avaiont accoptéo ?

La monlalité bolchovislo a, commo caractéristiquesprincipales, un esprit do, révolte pormanont controtoutes los formes d'autorité, a l'exception do collodos chefs do la doctrino, la haino jalouso do toutos ^los supériorités, lo rolour aux insl_n\ç)ts__r*riniliifs,,l'ardent désir do. supprimer vlolonTînont les con-traintes sociales quo la civilisation opposo à cos ins-tincts.

Cetto monlalité, plus, répanduo chaquojour, somanifestait déjà dès les débuts do la paix, J'on eusla première notion lorsquo des milliers d'éloctours

2GG L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

parisienschoisirontcommedéputé un capitaine bol-

chovisle,sans avoir d'ailleurs la moindreidée de sa

doctrine

Ignorant à cetto époquoen quoi consistait lo bol-

chovismo,jo cherchais a mo renseigner lo soirmômedocotteélectionauprès djun vieux philosophodo mes amis.

Il était malheureusementaussi ignorant quo moi,mais m'assura que, si jo voulais bien dîner aveclui,les proposdo sa bonne, très révoltéodepuis quclquotemps, pourraientmodocumenter.

Usmodocumentèrenten effet; bienque faiblement'

érudito, la servantebolchevislcmo donna en réponsea mes interrogationsd'assozjudicieux conseils.

-—baissezvosbouquinsdit-elle,regardezlegrouille-ment do la vio.Les livres, ça parlo do chosesmorteset c'est pourquoi les Savants qui passent loin*tempsà les lire ne savent pas-grand choso du monde.

Regardezautour do vous et peut-ôtroarriverez-YOUsa comprondrole bolchovlsmo.

Malgré leur formo médiocrement littéraire, ces

consoilscontenaientunfondsdo vérité dont jo m'em-

pressai do tenir compte.Le hasard me servit assez bien. Dèslo lendemain,

en effet,jo rencontraichezun ami qui faisaitréparerson appartoment uno équipo d'ouvrier» divers

échangeant, a' propos do l'élection réconte, des

réflexions révolutionnaires, d'ailleurs dépourvuesd'aménité pour les patrons qui les employaient.Mo

mêlant a leur conversation, jo déclarai d'un air

entendu au plus bruyant des orateurs do la bande

quo le bolchevismoétait sans doute, suivantlospré-

L'IDÉALDANSLAVIE DESPEUPLES 2G7

tentions dos propagateurs do la doctrine, uno applica-tion dos principes do Karl Marx.

— Karl Marx? Connais pas. Ça doit ètro un des roisboches détrônés récemment. Les rois et les bour-

geois, n'on faut plus. C'ost l'ouvrier qui doit être

bourgeois a son tour. Voila lo bolchcvisineCo jugement, bref sans douto, mais suffisamment

clair, mo lit continuer mes recherches.Elles furent instructives, puisque do leur ensemble

so dégageait nettement l'armaturo do la mentalitébolchovisto : hainode l'ouvrier contro lo patron, hosti-lité des employés contro leurs chefs, jalousie généralodes inférieurs a l'égard des supérieurs, libération

des instincts quo les contraintes sociales réprimaient

jadis, mépris do l'autorité partout.^ Do ces observations et d'autres du môme ordro il

ressortait assez clairement quo lo bolchovismo dési-

gnait sous un nom nouveau un état mental extrême-ment ancion, puisqu'il so manifestait déjà avant le

déluge Lo Caïn do la légende bibliquo tuant'son

frère do la prospérité duquel il était jaloux est lo véri-

tablo ancôtro des bolchovlstos. Caïn traita Aboi exac-

tement commo Lénine- devait traiter plus tard les

bourgeois favorisés par la forluno ou l'intelligence

Nous venons d'osquisser sommairomont la menta-

lité bolchovisto. Disons, maintonant, quolquos mots

do la doctrine

Rtijcunio on apparonco par dos théories livresques,


ôllo n'est qu'un'simple retour au communismodes

premiersagos."

Cesthéoriesreprésentent,en réalité, lo besoin desrévolutionstriomphantesdo trouverunojustificationrationnclloà leurs violences.Le Contrat Social doJ.-J. Rousseau, qui enseignait la bonté primitivedo l'homme uniquement perverti par les sociétés,fut la biblo do Robcspiorroet servit à rationaliserla guillotine L'oeuvrodu juif Karl Marx, dont losdoclrinossont souventaussi enfantinesquo collesdo

Rousseau,devint la biblo do Lcninoet do ses asso-

ciés. Kilopermit do justifier los systématiquesmas-

sacresdos intellectuelset lo pillagegénéral des for-

tunes.En fait, les foules révoltées no so préoccupont

guèrodes systèmes.11n'existequo do bien lointains

rapports ontro l'idéologiomarxisto et l'organisationdes républiquessoviétiques.Loscommunistesrussesconnaissentfort pouleur grand prêtre Karl Marx,et

les communistes français no lô connaissent pas

davantage L'und'euxavouait,au parlementfrançais,n'avoirjamais lu uno lignedo co théoriciencélèbre.Il faut l'on louer, car los livres do Karl Marxcon-

tiennentun si grand nombrod'assertions démenties

plus tard par lesévénements,quolourlecturesuffirait

a guérir du communismotout esprit impartial.Jugeant inutiled'insister sur les théoriescommu-

nistes, il sora suffisantd'indiquersommairementlos

formesquo lo bolchovlsmorovôtdans la prattquo.-

L'IDÉALDANSLAVIE DES PEUPLES 2G91

Au point do vue théorique, lo bolchovismo oriental

semblerait représenter la domination totale do l'ôlro

individuel par l'ôlro collectif. En Russie, une pyra-mide do conseils ouvriers, dits soviels, s'étend du

village au comité central directeur. En sont exclus

les bourgeois, les profossours ot tous .les intellectuels.

Cetto dictature apparonto du prolétariat n'est en

réalité qu'une fiction. La machino gouvernementaleresto entièrement dirigée par un petit nombro do

chefs assez absolus pouravoir pu supprimer toutes les

libertés, colles do la parole et do la presse notamment.

Dos fusillades sommaires terminent immédiatement

la moindre tentative d'opposilion.Lo bolchovismo russo n'est, d'ailleurs, qu'une simple

continuation do l'ancien régime tsariste 11so main-

tient pour des raisons identiques a colles qui soute-

naient co régime La Russio demi-barbaro, composéodo race* différentes, no peut, commo tous los pays

asiatiques, conserver uno ccrlaino unité quo sous la

main do chefs absolus.

L'essai actuel du communisme en Russio n'est pas

untquo on Orient. La Chine, notamment, oxpéri-monta lo communismo plusieurs fois. Au xt* siècle»sous l'omporour Tohcng-Tsong, la propriété privéofut abolie, les capitaux, les torres et les'Industries

mis on commun.


Après uno quinzaino. d'années d'expérience, les

ouvriers ot paysans renversèrent le régime dont les

graves inconvénientsavaiont fini par les frapper. La

terre ot l'industrie no rapportaient plus rien, parsuito do l'indifféronco dos exploitants que l'intérêt

personnel n'animait plus.Uno nouvelle expérience du communismo faillit

ruiner la Chinevers lo milieu du dernier siècle Kilo

dura également uno quinzainod'années, au bout des-

quelles les masses elles-mêmesvirent qur, loind'ôtro

diminuée par lo nouveau régime, lour misère aug-mentait.

Si lo communismo tend à so répandro cho,zcer-

taines grandes nations, c'est, commoje l'ai fait re-

marquer déjà, quo les civilisations,a mesuro qu'elloseo compliquent, traînent derrière elles un nombro

immenso d'ôtros tncapablos do s'y adapter ot dési-

reux par conséquent do los ronverser.Pareil phénomène fut souvent observé ilans l'his-

toiro. Lorsqu'uno race inférieure arrivo a dominoraccidentellement par la forco uno civilisation tropélovéopour ollo, cetto dcrniôroest détruite avec vlo-lefnce On lo vit, notamment, lorsquo les barbarosanéantiront en Gaule la civilisation romaine, tropraffinéepour eux. On le vit également, <ionos jours,lorsquo los nègros do Saint-Dbmlnguoet d'Haïti

anéantiront, sans pouvoir la remplacer, la civilisa*lion quo los Européens leur avaient apportée

Dos phénomènes du mémo ordro so manifestent

L'IDÉALDANSLAVIE DESPEUPLES 271

actuellement on Russio. Un obsorvateur judicieux,M. Chossin, explique comment lo re*gimo commu-niste lit uno guerre féroce aux intellectuels. Il

rapporte cctlo profession do foi publiée par laPravda :

« L'Orientmoujik a jeté bas les théoriesdo ta sciencoocci-dentale, il a obligé lo savant a ployer l'échino devant l'ou-vrier noir do crasse. »

Un dos grands mailros do la doctrino, Zinovicf,proclame quo, « dans chaquo intollcctuol, il voit unonnomi du pouvoir soviétique ».

C'est en raison do cetto mentalité quo l'ensoigno-mont île l'histoire, do la philosophie, do la morale aété exclu des écoles.

a Suivant l'auteur précédemmentcité, les miitrcs du pou-voir ont interdit, sous la menacode pénalitésexemplaires,dans les bibliothèques publiques, des ouvrages do Platon,Arislotc, Descartes, Kant, Spencer,.etc. Lesgrands auteursrusses moderneseux-mêmessont exclus».

D'après lo mômo autour les professeurs dos univer-sités seraient choisis parmi les élôvos des écoles

ouvriôros, n'ayant d'autres connaissances quo los

qualro règles do Far ilhniétiquoot quolquos rudimentsdo grammairo.

La Russio rotourno ainsi aux formos infériourcs do

civilisation quo rêvent tous los inadaptés.

Nous vouons do résumer brièvomont la monlalité

bolchovisto, la doctrino bolchovisto ot sos upplica-'lions.


La doctrine bolchovistoest dangereuso, mais lamentalité qui l'inspire plus dangereuso encore Sielle continuait à envahir*le monde, elle saporait défi-nitivement tous los principes servant do baso aux

grandes civilisations.La doctrine bolchovistoest en train do détruiro lo

capital matériel des peuples, mais la mentalité bol-chovistomenaceun capital moral plus précieux quodo fugitivesrichosseset dont la création a demandédo longssièclesd'efforts.

CHAPITRE IV

LUTTESDU SOCIALISMEET DUSYNDICALISMECONTRE LACIVILISATION

Lo socialisme ot sa formo derniôro le communismo

peuvent ôtro envisagés sous trois aspects différents :1° commo religion; 2* commo doctrino politique ;3° commo état mental.'

L'état montai a été étudié dans le précédent cha-

pitre La doctrino socialiste est a peu près collo jadisformulée par Karl Marx. La religion est constituée

paf les ospérancos d'un paradis torrestro promisaux prolétaires : l'usine aux ouvriers, la mino aux

mineurs, la paix.imposée par dos réunions intorna-

tlonalos d'ouvriers. Plus do guerres, plus do misère.

#

Uno croyanco politique ou roligleuso représente un

bloc dont chacun oxtrait coqui est conforme a la nature•do son esprit, c'ost pourquoi, on passant d'un peuplea un autro, croyancos politiques cl croyances rcll-

glouscs so transforment au point de devenir parfoisméconnaissables. C'est ainsi, par exemple, quo lo


bouddhisme,religiond'aborddépourvuododivinités,dovint,en passant do l'Inde en Chine, polythéisteLoslivres sacrés, gardiens do la croyance primitive,demeurent toujours sacrés bien qu'étant devenus

différentsdo la croyancodont ils traduisaientd'abordla doctrine. Lo toxto primitif n'a pas changé, 'mais

co texlo est sans rapport avec les conceptionsqu'ilreprésentait jadis.

En appliquant ces observations au bolchovisme,on constate qu'il représente, suivant los pays, desidées assez différentessouvontsans rapport avec lo

marxisme théoriquementresté son évangileChezla plupart des peuples, lo communismocons-

tituosimplementune tondaneoa la libérationdos ins-

tincts primitifs, le besoin intenso do détruiro l'ordresocialétabliot lodésir, pour lespauvres,dos'eniparordo la fortunedos riches.

En Franco, aussi bien qu'en Russie, les commu-nistesnodissimulentpas leur programme.Uncguerrocivilegénéraleon est pour eux lo prélude nécessaire

Lojournal V/fttmanUdVo.très bien marquédans los

lignes suivantes, écrites en mars 1927,a proposdu

projet de lot sur la réorganisationdo l'armée :

« Pournousleproblèmedol'organisationgénéraledotana-tionpourlotempsdoguerroestctak. *«' ...Hs'agit,et il s'agitexclusivementpournous,d'organiserta transformationdolaguerreimpérialisteenguerrocivilecldepréparerta mobilisationdo l'arméeauserviceduproléta-riat.»

Lobolchovismo,dont los fondementsétalent déjàconnusdes anciensGrecs, fut la causoprincipaledes<

conflitssociaux'qulso'tcrminèrentpar lourservitude.


Qu'il soit ancien ou moderne, le bolchovismo no

s'établit ot no se maintient quelque temps que par un

dospolismo très dur. La Russio on fournil aujour-d'hui un nouvel exemple L'autocratie des chefs y estsi tyranniquo qu'on a p:t «lire avec raison quo la

dictature du prolétariat était, en réalité, uncdiclaturo

sur lo prolétariat.

M. Jujos Sauorwioin a résumé dans les termes sui-vants l'ofiYoyab(o_végimosoviétique

« Corégime,dit-il, aboutit h ta destructiondes énergies sti-mulatriccsde l'elmrt, les individusy sont enrégimentésdansdes conditions qui leur imposentunovie où tout est rabaisséa un niveau des plus médiocres. Los Joies, a part quelquesmanifestations artistiques dans les grandes villes, sontréduites a rien. Los espoir* sont vains, les ambitions inter-dites. Il nrya plus d'élilo/.c'est-a-diroplus personne qui, par

\Bon cITort,aît.io droit do conquérir du pouvoir en mémo

/temps quo des capacités cl du bonheur individuel. S'enrichirest un crime, s'élever au-dessusdes autres uno trahison.

c ... Si les choses continuent de ta sorte, ta Hussioredes-cendra peu a peu vers lomoyenâge. Déjà,au lieu do s'adresseraux grandes organisations do I Ktat, bien, des gens cons-truisent do leurs mains des masures, en remplaçant les vitrespar n'imporlo quoi et en fabriquant sur un établi do fortuneles quelques objets indispensables. Los agriculteurs no tra-vaillent plus que pour leur propre subsistance. »

Aucun pouplo civilisé no supporterait longtemps un

pareil régime. S'il a pu duror on Russio, c'ot que,commo lo disait déjà Micholct : « Co grand pays asia-

tique, demi barbare, pratiqua toujours lo commu-

nisme fi Dans beaucoup do régions, los terres appar-tenaient en commun dopais longtemps a tous les

habitants dos villages.


Locommunismono so rccruto pas seulement dans

le monde ouvrior illettré, mais aussi commo jo l'ai

plusieurs fois rappelé, dans l'immensearméo dos ina-

daptés, c'cst-a-diro dos êtres vivant dans uno civi-

lisation trop compliquée poureux, ou dont ils croient

avoir a so plaindreFont partie do celle grande armée les individus

mécontents do lour sort, et ceux victimes do taros

héréditaires : hérédo-syphilitiques, filsd'alcooliques,etc.; êtres incomplotsauxquols les soins d'une pué-riculture compliquée permettent péniblomont do

végéter. Ils sont des ennomis irréductibles do tout co

qui dépasso leur monlalité inférieure. Pendant lo

triompho du bolchovismoen Hongrie, on constata

quo les communistes atteints do tares héréditaires

déployèrent uno férocité impitoyablo ô. l'égard doleurs victimes,faisant périr lospluséminents citoyensdans d'affreux supplices.

Subissant la loi rappelée plus haut, communo à

toutes les croyances,le communismos'est transforméen changeant do milieu. En Chine ot dans l'Inde, il

est dovouuuno sorto do nationalisme ayant pour do-viso : « La Chinoaux Chinois, l'Indo aux Hindous, etlo rejet dos influencesétrangères. »

Lesidéalsrcllgiouxotpolitiquesd'un pcuplopouvontviyroparallèlement,so fusionnerou entrer onconflit»


L'IIistoiro ancienne ou moderne fournit de nom-breux oxomples do cos situations divorsos. Dans laRomo antiquo, commo dans l'Angleterre moderno,l'idéal religieux et l'idéal politique vivaient sans soheurtor. Au Moyon Ago, un idéal roligioux très

puissant dominait en Europe l'idéal politique alorsassoz faible Do nos jours, l'idéal roligioux et l'idéal

politique sont entrés en conflit chez plusieurs peupleset c'est pour eux uno grando cause do faiblesse Desidéals contraires finissent généralement par provo-quer dos luttes prolongées. L'Europo fut déjà onsan-

glanléo par dc'tols conflits à l'époquo dos guerres do

religion. Actuellement,, lo radicalisme est entré enlutte contro l'idéal religieux qualifié do cléricalisme,et toulo uno sério do persécutions en fut la suite

Lo monde a fini par dovonir assoz indifférent aux

questions religieuses, mais il a vu renaître, depuis unsiècle* la lutte do la fouloContrôles élites qui a si sou-vent agité les pouplcs au cours do leur* histoire Los

attaques' du socialismo et du communismo control'ordro établi sont dos manifestations indirectes doco

grand conflit.

C'est do la lulto entro l'élilo dirigeante et les mul-titudes soumises au socialismo qu'est, depuis un

siècle, tisséo en partie nolro histoireLos phases do cetto lulto sont toujours los mômes

et peuvent so résumor do la façon suivante :À la suite d'uno révolution, lo nombro triomphe,


mais commo co triomphe s'accompagne bientôt dodésordres et do ruines, uno réaction so manifeste,otun pouvoirdictatorial surgit, qui met fin aux désor-dres. Co pouvoir sans conlrôlo finit par commettredes orrours politiquesqui provoquentsa chulo.

Ces phases diverses se sont succédé on Franco,

depuis un siècle, commenous l'avonsdéjà rappelé.

Los hommes d'Etat redoutent fort lo socialisme,mais lo syndicalismelospréoccupobeaucoupmoins.H est cependant, jo lo répèto, aussi dangereuse.Jquole socialisme Ses progrèsjournaliors sont en effet

plus rapides et plus destructeurs. Los grèves an-

cionnos dos postiers ot dos chominots on France,celle dos minours en Angleterreont montré do quelsdangers lo syndicalismepouvaitmenacer la vio dosnations. Lo socialismoost uno menace lointaino, lo

syndicalismeun danger immédiat.Et c'est ainsi qu'uno fois oncoronous retombons

sur les conclusions déjà formulées, quo les luttesintérieures sont dovenuosplus menaçantes quo lesluttes extérieures contro lesquelles ont élô réunistant d'inutiles congrès.

CHAPITRE V

LA DÉFENSE CONTRE LE COMMUNISME

LE « FRANÇAISMOYEN», pou initié aux mystèresdes intérêts généraux et privés qui font mouvoir leshommos d'État, no doit rien comprendre à certainesoscillations do la politique contemporaine

Un ministre anglais reconnaît a Gènes lo gouver-mont communiste do la Russio, et, quelques années

plus tard, un autro ministre, égalcmontaiiglais, rompttoutes relations diplomatiques avec co gouverne-ment.

, Mônios variations en France Les bolchevistcs ypossèdent uno ambassade, les simples communistes

s'associont parfois aux radicaux dans los élections.

Puis, tout change. « Lo communismo, voilà l'en-nemi! » affirme un radical socialiste, devenu ministre,ot la guerro est déclarée aux anciens alliés.

** *

Que lo communisme soit l'ennemi, il est difllcilo

«l'on douter. Qu'on ait mis aussi longtemps a s'en

npercovoir monlro à quelle limite invraisemblable cor-


tains hommesd'État piuvent pousser l'avouglemont.Loscommunistesn'ont jamais dissimulé, en effet,

leurs intentionsdestructrices.Undo leurs chefsaffir-

mait, devant lo Parlement, quo l'anlagonismo s'ac-'centuait partout entre la bourgeoisie et la classoouvrière Celtedernière, lassod'être exploitée,rêveraitla dostrucliondos classes dirigeantes par uno guerrecivilesans pitié.

Los communistes so préparent à passer do la

théoriea l'action. Plusiours journaux, notammentArtflevue de Paris du lîi mai 1!)27,.ont signalé l'or-

ganisation autour de Paris d'une véritable arméecommunistedo plus do douzo millo hommes, ayanton réservo un important matériel do guerre Les sol-dats do colto milice ont un uniformespécial et sontcommandés par des officiers que dirigo un état-

major.Avecuno"troupe révolutionnaire aussi bien orga-

nisée, lo gouvernement pourrait être, d'après l'opi-nion do personnagoscompétents, brusquement"ren-versé par un coupdo main nnalogtioa celui qui, on1871,substitua lopouvoirdoquelquesinsurgésa celuido M.Thicrs.

On sait do quels incendies ot do quols massacresfut suivie la domination do Paris par la Commune

JI serait inutile d'insister sur ces leçonsdu passé;la mémoiro affectiveest trop courte pour quo leshommesd'État ordinaires puissent ôlro impression-nés par lo souvenird'événementsdatant d'un demi-siècle Leurs futurs intérêts électorauxles avcuglontau point llo los rctnlro impuissants a percevoirles

|menacosdo l'hourc présente


La découverte du péril communiste, brusquementcffecluéo par lo ministre do l'Intérieur, est bien tar-

dive Los poursuites proposées pour combattre lo

danger ont une valeur singulièrement faible

Mais pourquoi cette faiblesse prolongée des radi-

caux envers les communistes? Co n'est pas seule-

ment parca quo les deux partis furent souvent

associés dans les campagnes électorales. L'indulgencedu parti radical a dos causes psychologiques plus

profondes.Lo communismo est le termo uilimo et inévitable

du.radicalisme H so borne, on effet, à dévcloppu*los conséquences du principo d'égalité.

t Le communisme,écrit La Temps,est tout à fait dans la tra-dition do 1193,U qu'a-l-il fait d'autre que do copier notreRévolution en co qu'elle eut de plus destructeur et do plussanglant?... La pure doctrine des révolutionnaires do i'M,c'est, théoriquement, l'alTiMncliisscmcntde l'individu, prati-quement son écrasement total sous lo poids de la collec-tivité... Les actes des radicaux parlent plus clair encore quoleurs paroles mômes... Les voici, allant toujours plus agauche, comme lé firent aussi leurs ancêtres rejoignant déjà,sousprétexte do défendre l'individualisme, lo collectivismeloplus dédaigneux des Droits do 1Homme,lo communismo lui-môme.Cest quo, derrière leurs doctrines particulières il y a,pour ICBJacobins du jour aussi bien que pour ceux d'hier, ladoctrine fondamentale, la penséo directrice et inspiratrice,cello du Contrai Social, qui exigo < l'aliénation totale de» chaquo associé avec tous ses droits a la communauté».c Les«fruitssont a tous, dit J.-J. Rousseau,et la terre n'est» à personne Car « chacun de nousmeten communses biens,» si personne, sa vio et louto sa puissance sous la supvômo»direction do la volontégénérale»... C'estLe ContratSoctnl» qui est la loi tt les prophètes des gauches radicales. Ht

282 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDK

si nousleurpermettonsd'abalirotouslesorganismessociauxquisontlesmeilleursboulevardsde la libertéindividuelle,dola libertédoposséder,dela libertéd'agir,mémodola libertédepenser,contrelesagressionsviolentesd'unpartidisposantà songrédela puissanced? l'Etat,c'estl'individuquitomboen esclavage...La « penséedo Robespierre» qui n'existad'ailleursquopouravoirétépenséeparun autrequeluf,parJ.-J.Rousseau,estbiencellede nosradicauxsocialistes.»

'Iiionquo lo jugement qui précède sur la Révolu-

tion soit un pou sommairo on no pout nier quo lo

communisme dérive do l'idée d'égalité. En essayantdo libérer l'hommo des illusions roligiouscs quiavaient orienté sa vio pondant do longs siècles, la

Révolutionconduisit à rechercher sur la terro l'éga-lité qui jadis devait ètro réalisée dans le ciel.

11est visible, d'ailleurs,-quo la conceptiond'égalitén'est pas compalibloavcccollo dola liberté. Lallussio

communisten'a pu subsister qu'on supprimant toulos

los libertés. Devenu dieu a son tour, l'État s'ost

montré aussi intolérant quo les divinités du passé.

Il no faut donc pas trop compter sur loparti radical

pour combattro un frère, provisoirement ennemi, locommunisme Si los élections no ramènent pas,commoon Angleterre, un nombre suffisant de mo-dérés au pouvoir, la Franco a bien des chancesdo

subir on régimo socialisto plus ou moins voisin du

communismp. Il ongendrera naturellement, commo

en Italio, uno périodododés.ordroa laquollc, suivantuno loi séculaire vérilléo maintos fois au cours dos

Ages,mettra fin ta main pesante d'un dictateur,

L'IDÉALDANSLA VIE DESPEUPLES 283

C'est, qu'en effet, contrairement a une illusionencore générale, les foules les plus révolutionnairesen apparenco redoutent lo désordre et finissent tou-

jours par réclamer un maître. Co ne fut pas la

peur, comme lo disait Lucrèco, mais l'espérance etle besoin d'une direction mentale qui peuplèrent dedivinités le monde antique.

Les progrès des sciences n'ont pas réduit dans lesmultitudes ce besoin d'être dirigées. Et c'est pour-quoi nous voyons los troupes syndicalistes, socialistesot communistes obéir si aveuglément et si lldèlcmcntaux ordres de leurs chefs. Ces chefs possèdent, du

reste, dos volontés fortes qui s'imposent alors que nos

gouvernants n'ont que des volontés faibles dépourvuesdo prestige.

Uno révolution socialisto peut très bien triompheren lfratrco commo elle a triomphé d'une façon durableon Russie et d'une façon mqmonlanée en Italio. Mais

lo régimo socialisto no saurait durer, parce quo la

doctrine so hourto a dos barrières économiques contre

lesquelles toutes les1théories restent impuissantes.La Russio en fait aujourd'hui l'expérience. Rien

que le régime socialiste y soit théoriquement con-

servé, les gouvernants so voient forcés de renoncer

progressivement a son application. L'oxpérienco leur

a prouvé, on clîet, quo sous lo régimo communiste,lo salairo do l'ouvrier élait beaucoup moins élevé

que sous l'ancien régimo capitaliste.La causo do cette différonco est très simple. La

'281 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

Russie, commo d'ailleurs la plupart des peuples do

l'univers, ne peut vivro qu'en achetant au dehors les

produits quo son sol no fournit pas. Kiloles paie,naturellement, avec ses marchandises; mais, pourquo ces dernières puissent servir do monnaio

d'échange, il faut quo leur prix de vente sur le

marchés étrangers no soit pas supérieur au pr:\•losconcurrents. Or, l'expérience a toujours prouvé,et elle vient de le démontrer une fois encoro en

Russie, quo les produits fabriqués par l'industrie

étatiséo reviennent beaucoup plus cher quo ceux do

l'industrie privée.Suivant la puro doctrine communiste, l'Etat s'est

emparé, en Russie, de la fabrication de toi.s les pro-duits; mais leur prix de revient est trop élevé pourdonner aucun bénélico.

« LaRussie,écritM.MaxHoschiller,ne produitplusà boamarché:le niveaumoyendeses prix intérieursdépassedovingt-cinqpour centceluidu marchéinternational.Lorsquecertains produitsse présententdansdes conditionsde prixavantageuses,connuelescéréalesparexemple,lesfraisqu'oc-casionnel'appaicilbureaucratiquede l'Ltal sont tellementélevésqu'elleexporteà perte.»

.Nousvoyons par ce nouvel exemple à quel pointles nécessités économiques qui mènent le monde

l'emportent sur les rêveries des illuminés qui vou-draient lo réformer à leur gré.

Locommunisme a réalisé en Russie le rêve jacobin :

i Toutes les libertés, y compris ccllo d'opinion,

L'IDÉALDANSLAVIEDESI'ELTL.:S 28.%

sont immédiatement supprimées. Lo gouvernementseul a lo droit de penser et d'agir. ,>

Eu échange «l'un pareil esclavage, l'ouvrier est-il

plus heureux qu'en régime capitaliste ? Aucune des

personnes ayant visité la Russie n'a encore répondupar l'affirmative. Ce serait donc pour aboutira l'escla-

vage complot du travailleur, et nullement à son éman-

cipation, que serait entreprise l'etVroyablo guerrecivile rèvéo par les communistes dans l'espoir dedé-truiro la bourgeoisio à laquelle sont dues, avec tousles progrès de la civilisation, les améliorations so-ciales dont la classe ouvrière profite.

Le militarisme ou le fascisme semblent les inévi-tables conséquences du communisme. Ces régimesno comportent aucune liberté; mais, alors que lecommunisme appartient à la série des forces des-

tructives, le fascisme et lo militarisme font partiedes forces construclives.

On connaît la légende do l'apprenti sorcier qui,possédant la formulo magique capable de faire jaillirde l'eau du sol, mais ignorant collo pouvant l'arrêter,fat submergé par lo torrent qu'il avait fait surgir.

Nos imprudents radicaux pourraient bien être

victimes, eux aussi, do la force destructrice des

communistes, qu'ils soutinrent souvent dans les

périodes électorales. Un des grands chefs du radica-lisme assurait ne pas connaître d'ennemis à gaucheC'était pourtant à gaucho que grandissaient les futurs

destructeurs do son parti. Suivant une loi constanto

28(j L'ÉVOLUTIONACTUELLEi>uMONDE

do l'Histoire, les mouvements révolutionnaires non

réprimés a leurs débuts s'accélèrent rapidement et

Unissent par acquérir uno irrésistible puissance

Nous avons souvent eu occa:ion do revenir sur

e'ite notion' fondamentale que les institutions, les

religions, les langues et les arts ne passent jamais d'un

peuple à un autre sans se transformer. Les radi-

caux ont mis longtemps à comprendre celle vérité,contraire d'ailleurs aux fondements mômes do

leur doctrine. (Juolqucs-uns, cependant, deviennent

plus clairvoyants. C'est ainsi que le ministre cité

plus haut a très bien vu quo le marxisme alle-

mand transporté en Russie y a subi île profondschangements.

«Lecommunismeactuel,dit-il,a puissammentincorporéàla substanceprimitivedu matérialismemarxistelo doublealliagede cesdeuxélémentsnouveaux: le messianismerusseet lesambitionspropresde la politiquerusse...Lecommu-nismeactuelportela doubleempreintedeia pathologieet dol'impérialismorusse A la première,il emprunteune idéemystiquede rénovationdu inondepar ladestructionde l'es-prit de l'Occident.A la seconde,il emprunteles ambitionsimmuablescl lesvieillesméthodesd'expansiondelapolitiquerusse contre les intérêts ou les influencs politiquesdeceJIIÔIUOOccident.»

Diverses élections ont montré la.puissance du com-munisme sur l'âme populaire La propagande entre-

prise contre la société moderne par les adeptes du


bolchovismo russe est, commo jo l'ai rappelé dans un

précédent ouvrago (I), une croisade eomparablo à la

propagande islamique au temps de .Mahomet et aux

grandes croisades roligieusos qui précipitèrent l'Occi-dent sur l'Orient au ino\onàge

Il ne faudrait pas supposer, cependant, que les volesrécents accordés aux candidats du parti communiste

proviennent toujours do véritables convaincus. Ils sontémis surtout par l'immense armée des mécontentsdont les perturbations sociales issues de la guerreaccroissent chaque jour le nombre. Ces mécontentsvotent pour les disciples de Lénine comme ils volaient,jadis, pour Napoléon III ou lo général Boulanger.Aucun argument rationnel no guide leurs votes.

Les causes de mécontentement des électeurs no

sont pas uniquement d'ordre matériel. Sans doute,comme le disait à la Chambre le chef du parti eoni-

munisle, il oxisto aujourd'hui, dans beaucoup do pays,uno antipathie profonde entre la bourgeoisie et la

classe ouvrière; mais l'orateur aurait pu ajouter aussi

que la même antipathie s'observe entre les diverses

classes do la bourgeoisie.Celte antipathie tient-elle, comme l'afllrmo lo

chef communiste, a ce quo la classe ouvriôro serait

écraséo eî exploitée par la bourgeoisie? En réalité»co motif est plus apparent que réel. Beaucoup

(I)PsychologieîlesTempsXonveauM(lî' édition).

13

CJ88 L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

d'ouvriers sont assez instruits pour savoir que los

gros bénéllces industriels proviennent do la longueaddition de sommes intimes perçues sur chacund'eux et dont la distribution totale aux travailleurs

augmenterait d'unoinsignilianto façon leurs salaires.

Lo communismo s'est d'ailleurs répandu dans des

classes, très convenablement rétribuées, commocellodes instituteur*.

Si los différences do salaires ne suffisent pas à ex-

pliquer les motifs de l'antipalhio constatée entre les

diverses classes do la population, quelles en sont les

vraies causés?

Ici, nous entrons dans l'immenso domaine dit des« impondérables », terme fort impropre d'ailleurs,car ces impondérables possèdent un poids immense.Ils ont contribué à bouleverserlomonde et continuentà le bouloverser encore

C'est dans l'action do ces impondérables et nondans les mobiles généralement invoqués qu'il fautchercher les causes profondes des divisons qui s'ac-centuent entre les diverses couches do la société

française.Sans prétondre déterminer toutes les causes de

co phénomène, nous nous bornerons à constater quola Franco est divisée en classes nombreuses extrê-mement distinctes, no se connaissant pas, se tolé-rant à peine et où los individus privilégiés par leurs

titres, leur fortune, leurs omplois, etc.,. professentpour los autres un dédaignoux mépris. Los victimes


do ce sentiment en éprouvent do vives blessures

d'amour-propre. Or, les blessures de cette nature

jouèrent un rôle considérable dans la genèse de

beaucoup de révolutions, — la Révolution française,notamment.

Do nos jours, les privilèges de la naissance ont élé

remplacés par des privilèges résultant de concours,

mais la nouvel lo féodalité issue de ces concours est

parfois plus orgueilleuse et plus exigeante encoro

quo l'ancienne féodalité, issue de la naissance et

moins facilement tolérée.Lorégime des castes n'a été détruit qu'eu apparence

par la Révolution française. 11suflit de vivre dans

uno petite ville de province pour y constater la persis-tance do ce régime avec les rivalités et les inimitiés

qu'il entraîne. Son inllueiice en politique, aux pé-riodes électorales surtout, est considérable.

La force immense de.-;Etats-Unis est de n'être pasdivisés en classes. Ouvriers et patrons ont à. peu prèslo même eostumo, le mémo genre de vie ot, malgréla différence de situation, se fréquentent comme lo

font en France les ofliciers, quel que soit leur grade.

Pour obtenir, au moyen do la diclaluro du proléta-

riat, l'égalité des conditions, lo communismo veut

d'abord détruircJous les éléments de la civilisation :

industrie] ^rméo^cjolonies, etc.

C'est aux détenteurs du pouvoir qu'il appartient do

so défendre Les moyens no sont pas, d'ailleurs, nom-

breux. Lo plus fondamental ost d'exiger lo rospect

290 1/ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

des lois et d'empêcher énergiquomcnt la propa-gande antimilitariste répandue dans l'année par plusdo vingt journaux communistes. Aucun gouverne-mont no saurait subsister sans l'appui d'une armée

Quant t\ la lutte entre les classes, elle no peut être

suppriméo que par des réformes analogues a cellesrésumées clans un autre chapitre et qui ont fait dol'ouvrier américain l'associé du patron. L'Amériquose trouve ainsi lo pays do l'égalité réelle, alors quo laFranco est lo pays des inégalités profondes dissi-mulées sous des formules d'égalité apparente Lesré-volutions déplaceront peut-être ces inégalités, maisno les détruiront pas, car le besoin d'inégalités fait

parlie, chez certains peuples, d'un héritage aucestral

quo les révolutions n'atteignent paï-,

CHAPITRE VI

LES ANTINOMIESDE L'AGEMODERNEVISIONS D'AVENIR

Les périodes do désordro el d'anarchie dont est

entrecoupée l'histoire des peuples aboutissent géné-ralement à des phases momentanées de stabilisation.Les règnes d'Auguste dans l'antiquité, de Louis XIVdans les temps modernes sont des exemples de telles

phases.Des influences diverses, guerres sociales et pros-

criptions avant Auguste, guerres do religion et

insubordination de la noblesse avant Louis XIV, pré-parèrent ces périodes do provisoire fixité.

Les Etats-Unis repiésenlent aujourd'hui une des

rares parties du glob3 ayant atteint une certainestabilité. L'Europe resL dans une phaso de crisesrésultant d'antinomies si nombreuses et si fortes, quola période actuelle pourrait être qualifiée d'âge des anti-nomies. On se bornera a en énumérer quelques-unes.

La plus dangereuse, peut-ètro, est cello constatée

2!)2 L'ÉVOLUTIONACTUELLEnu MONDE

dans les relations des peuples. L'évolution indus-

trielle du inonde a créé entro les nations une si

étroite interdépendance économiquequ'elles ne sau-

raient subsister les unes sans les autres.

Maisen même temps quo la communauté d'intérêts

rapprochait les hommes, ladivergencede lourshérédi-

taires sentiments les séparait. Jamais les haines entro

nations ne furent aussi intenses qu'aujourd'hui.L'antinomie entro les conceptions politiques n'est

pas moins profonde D'antiques monarchies ont été

remplacées par des gouvernements démocratiques.Lesderniers souverains régnant encore ne gouvernent

plus.Maisà mesure que grandissait le pouvoir des par-

lements, grandissait aussi leur impuissance à bien

gouverner. Cette impuissance devint telle dans divers

pays qu'il fallut les remplacer, soit par des dictateurs

comme en Italio cl en Espagne, soit par ÛCApremiersministres munis, comme en France et eu Angleterre,do pouvoirs presque dictatoriaux.

Les peuples modernes semblent donc condamnésà choisir eulio les deux termes do celte antinomie :

subir des gouvernements collectifs impuissants ou

accepter des dictatures personnelles avec tous lours

dangers.Les aspirations pacifiques et les menaces de con-

flits entre peuples différents ou entro classes d'un

mémo peuple constituent closantinomies aussi dan-

gereuses quo les précédentes.Très dangereuse encore l'anlinomio créée par les

besoins croissants d'égalilé et les inégalités issues

dos complications scienliliques et industrielles du

L'IDÉALDANSLAVIEDESPEUPLES H93

monde moderne. Confusément sentie par l'immensoorméo des inadaptés, celto antinomie les conduit âvouloir ramener violemment à des formes inférieuresles civilisations trop compliquées pour des cerveaux

insufllsamment évolués.

Les antinomies qui viennent d'être énumérées ont

pour causo principalo l'opposition entro dos réalités

qui ne fléchissent pas et des illusions que la pour-suito d'idéals nouveaux fait naître

Les conséquences do ces conflits ne sauraient êtredéterminées encore. 11 n'est pas do cerveau assez

vaste pour prévoir l'avenir do l'Europe et de sa civi-lisation.

La simple énumération îles bouleversements quiso sont succédé depuis la Révolution française suflir-

rai» ': montrer la difficulté de telles prévisions.L.. esprit pénétrant aurait pu, à la rigueur, entre-

voir l'ombre d'un Bonaparte derrière les violences do

Robespierre et les désordres du Directoire, mais com-ment eut-il deviné la série de révolutions et d'événe-

ments divers qui se déroulèrent jusqu'à nos jours?

L'imprévisible domino l'Histoire.

Los destinées de l'Europe dépendront de la solu-

tion donnée â certains problèmes fondamentaux dont

les plus importants sont les suivants :

i" La France et l'Angleterre pourront-elles éviter

29i L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

une nouvelleguerre avec l'Allemagnoisoléo ou asso-

ciéo à la Russie?2J L'Europo est-ollo monacéo d'un

grand conflit avec l'Asie? ;i° Lo mondo occidental

pourra-t-il so soustrairo aux destructions socialistes?

\' L'hégémonie économique du mondo,quo la guerreavait transférée do l'Allemagne à l'Angleterre, pas-sera-t-ello do l'Europe à un autre continent? 5" Les

Etals européens en seront-ils réduits à devenir les

vassaux économiques et linanciers do l'Amériquo?La solution do ces divers problèmes dépendra

surtout do la prédominance, impossible à prévoir,de certains éléments do la vio moniale des peuples.

Los influences affective, mystique et rationnelles

qui mènent les peuples agissent clans le même sens

aux époques brillantes des civilisations. Uno révo-

lution est inévitable lorsqu'elles entrent en conflit.

Do nos jours, ce sont los éléments rationnels quisemblent dominer ;maiscette dominationne s'observe,eu réalité, que clans les laboratoires et les usines. En

dehors de leur enceinte, les impulsions mystiques et

affectives restent prépondérantes. Elles s'opposentsouvent aux influences rationnelles, et c'est là une

des grandes causes du chaos où l'Europe est

plongée

Les conflits entre les influences mystiques affec-

tives et rationnelles qui se disputent l'orientation

du monde, se manifestent journellement dans toutes

les sphères do la vio sociale, y compris celles des

intérêts économiques. Et c'est pourquoi on peut so

L'IDÉALDANSLAVIEDESPEUPLES 29ri

demander si les haines profondes divisant les

pouples pèseront plus dans la balanco do leurs des-

tinées que los intérêts économiques capables de les

rapprocher.Si la logique rationnelle dirigeait le cours de

l'Histoire, los hommes admettraient sans discussion

qu'ils ont plus d'intérêt â s'associer qu'à se com-battre ; mais les impulsions affectives et mystiquesd'où la plupart do nos actions dérivent ont une forcesi grande que les intérêts rationnels les plus clairss'évanouissent souvent devant elles. On eut unenouvelle prouve de cette impuissance quand la Chine

entreprit d'expulser violemment les étrangers. Mal-

gré la communauté évidente de leurs intérêts, les

diverses nations ne réussirent que très difficilementâ s'unir un peu pour se défendre

La paix de l'Europo dépendra surtout des inten-

// tions pacifiques ou guerrières de l'empire germa-

nique, c'est-à-dire do la prédominance quo pourraient

prendre sur les intérêts rationnels les besoins dorevanche et de grandeur.

Si les influences rationnelles ne prédominent pas,une nouvelle guerro européenne est certaino dans undélai qui ne saurait être immédiat, parce quo tousles peuples, y compris l'Allemagne, ont aujourd'huiun ardent besoin do paix, mais dans un délai moins

long que celui qui a séparé la guerro do 1870 dudernier conflit.

Contrairement aux dangereuses illusions des rè-

291) L'ÉVOLUTIONACTUELLEDUMONDE

veurs du désarmement, plus les grandes nationsseront armées plus elles auront do chances d'éviteruno nouvelle agression. On n'attaque pas les peuplessuffisamment forts. Réduiro les armées à une sortode milice, comme le voulaient les socialistes avant191i et commo ils le veulent aujourd'hui encore,serait assurer la guerro.

Quelles idées se forment do l'avenir do 1Europeles hommes d'Etat qui dirigent ses destinées? Leurs

opinions semblent généralement dominées par la

que-lion de savoir si la paix pourra être maiutenuoet si l'Europe repoussera définitivement, comme y aréussi l'Italie, los influencessocialistes.

ceSi une guerre nouvellese déchaînait en Europe,affirmaitle premier ministre de l'empire britannique,M. Chamberlain, elle aurait pour conséquence lalin dernière des civilisations de l'Occident. » Les

grandes capitales modernes : Londres, Paris, Rome,elc, qui illuminèrent le monde d'un si vif éclat,auraient le sort de Ninive, Rabylone et des nom-breuses cilés antiques dont il ne subsisto quo des

ruines et des souvenirs.

Le même ministre considère qu'en dehors AQU

guerres, « la propagationdu socialisme est lo grand

danger menaçant l'Europe »

Les hommes d'Etal français un peu clairvoyantssemblent aussi pessimistes :

« ... L'idéed'égalité,écritunancienministre,M.Itérard,estprofondémentincorporéeà nos idées et à nos merurs.,.


Kyalité dans le demi-savoir,voilà pour l'ordro intellectuel;égalité dans la misère, voilà pour Tordre économique, enattendant l'oxrès suprême,qui serait de détruire co quo l'onno peut pcs avoir.»

Une des grandes forces des Etals-Unis est d'êtro

entièrement libérés des influences socialistes quirongent l'Europo et la menacent d'un retour â la

barbarie '

CONCLUSIONS

Les conclusionsdiverses quo comporte cet ouvrago

ayant déjà été résumées dans plusieurs chapitres, il

suffil'a do rappeler les plus importantes.Elles nosont pasnombreuses. L'âge moderne repré-

sente, en effet, une période de conflits dont l'issue

rcsto ignorée, enlrc des illusions politiques et desnécessités économiques nouvelles.

Parmi ces illusions le socialismojoue un rôlo pré-pondérant. Comme le christianisme â ses débuts, ilest devenu la religion des mécontents cl des inadap-tés quo les grandes civilisations suscitent fatale-ment.

Vous ces infériorisés de la vie rêvent de ramo-ner un mondo trop élevé pour eux â des formes

d'organisation mieux on rapport avec leur monta-'lité.

Si lo socialismo triomphait on Occident, los Etals-Unis héritoraiont du flambeau de la civilisation, pen-dant que les grandes capitales européennessubiraientuno décadoncoanalogue â collodont la Russie snpla-liséo est dovonuoviclimo,


En mémo temps quo grandissait lo rôlo perturba-teur dos illusions politiques grandissait aussi l'in-

fluence do la sciencodans toutes les formos do l'évolu-tion moderne Ello a transformé l'existence matériollodes peuples et aussi leur pensée

Son action dans I monde moral est loin cepen-dant d'avoir égalé son rôle dans lo mondo matériel.Ello s'ost montrée incapablo d'établir la paix entroles hommes et do créer un idéal assez fort pourles orienter.

Malgré ses patientes investigations, la philosophion'a pas mieux réussi quo la science â résoudre les

grands problèmes qui so posent â la curiosité des

penseurs : l'univers est-il fini ou infini, créé ou incré *

éphémère ou éternel, de quelles sources mystérieusesdérivent la vio ot la pensée,Thommo n'est-il qu'uninflmo atome perdu dans uno immensité à laquellei. est impossible d'attribuer un commencement nid'cnlrovoir uno fin? Insolublos problèmes.

Et c'est pourquoi les peuples toujours avides d'il-

lusoires espérances so rolourncnt vers les divinitésdu passé ou so soumettent avouglémont â des doc-trines auxquellos sont attribués do magiques pou-voirs,

Co n'ost pas soulomont parco quo la philosophio et

la scionco' semblent impuissantes oncoro a régir lo


mondo moral quo la religiosité anceslralo est si lentoà disparaître C'est aussi parco quo les abstractionssavantes sont trop froides pour séduiro les coeurs.Les

temples do la connaissance, constitués par les labo-

ratoires, ont d'ailleurs uno architecture bien sévère

auprès do celle des édifices grandioses où, à l'ombrodos autels, s'élaborèrent pendant tant do siôclos losmobiles do l'activité dos hommes. Apôtres do la

science et apôtres des religions no parlent pas la

môme langue. Alors quo les seconds promettent lesfutures félicités d'un éternel paradis, les premiers no

s'occupent que do présentes réalités.

L'évolutiondos points fondamentaux do la penséehumaine, depuis les origines do l'histoire, peut êtrerésuméo do la façonsuivante :

Dès quo l'homme put réfléchir un peu il so sentit

dominé par des forces supérieures quo la crainto et

l'ospéranco diviniseront bientôt. Jupiter lançait la

foudro, Neptunesoulovait les flots, Cérôsfaisait mûrir

los moissons.Dossiècles do recherches furent nécessaires pour

découvrir quo los dieux personnels étaient l'illu-

soiro image do forces impersonnelles inaccessibles a

la prière. Co no fut.plus alors Jupiter, mais l'électri-

cité, qui produisit la foudro, co no fut plus Noptuno,mais l'attraction do certains astres, qui soulova los

mers.Sans doute, la naluro inlimo do cos forcos restait

complètement Ignorée, mais l'on savait au moins

L'IDÉALDANSLAVIEDESPEUPLES .101

qu'elles no résultaient pas do divins caprices.Co passago des anciens dieux personnels à des

forces impersonnelles consliluo un des grands pro-grès do l'esprit humain; ses conséquencos ont été

capitales.L'hommo, d'abord esclave d'une naluro soumise à

des lois tellement rigides quo les dieux soûls pou-vaient en changer lo cours, devenait capablo de luttervictorieusement contre ello.

Do cette grando découverlo résultèrent des trans-formations profondes dans la marche des civilisations.

Conquérir les forces do la nature sembla plus effi-

cace alors quo do solliciter la protection des dieux.Aveclos progrès nés de cette conquèto des horizons

imprévus surgissent et déjà s'entrevoit l'aurore d'uno

humanité nouvello assez évoluée pour comprendre,avec les raisons premières des choses, les mystèresformidables dont lo mondo rosto oncoro enveloppé.

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

Physionomie actuelle du monde.

LIVREPREMIER

Les forces qui mènent le mor.de.

CIIAWTHEI. —Lesforcesinatériellcsetimmatériellesdansl'histoire 19

— II. —Comment naissent les opinions et lescroyances.Rôledelacrédulitédans1his-toire ... 27

— III. —Lesconflitsentre les vivantset lesmorts. 38— IV. —Lesconséquencespolitiquesdes erreurs

de psychologio..... 45

. LIVREDEUXIÈME

Les illusions sur le problème de la sécurité.

CiiAt'HUBI. —Lesrivalités des peuplescl les illusionspacifistes 31

— II. —Les Illusionssur le désarmementet lesalliances 5V

304 TAULEDESMATIÈRES

CHAPITRE111,—Lesillusionssurlavaleurdesarbitrages. 07

LIVRETROISIÈME

Les guerres modernes,leurs causeset leurs oonsêquencos.

CHAPITREI. — Caractèresdestructeursdes prochainesguerres 73

— 11.—Pourquoicertainesguerres sont inévi-tables 78

— III. —Lesguerresrésultantd'un excédentdopopulation 84

— IV. —Lesconflitsavecl'Islam 93V. —Lesmenacesdoconflitsasiatiques.... 1)9

— VI. —Lesguerresintérieureset les volontéspopulaires 107

LIVREQUATRIÈME'

Les forcespolitiquesnouvelles.

CHAPITREI. —Leconflitentrelesnécessitéséconomiquesnouvelleset lesanciensprincipes... 115

— II. —llolomodernodesforcescollectives.Divi-

^ siondessociétéson groupementscor-poratifs 122

— III. —Laluttedunombrecontrolesélites. . . 127— IV. —Lespôlespolitiquesnouveauxet lesfuturs

maîtresdumonde 132

LIVRECINQUIÈME

Nécessitésdéterminantles institutionspolitiques.Pourquoi l'Europemarohovers la dictature.

CHAPITREI. —Ladécadencoduparlementarismeetl'évo-. luttondespeuplesVersladictature. . 1(1

TABLEDESMATIÈRES 30b

CHAPITREII. — Lesformesrécentesdodictatureréaliséesen Europe 150

— III. —Raisons psychologiquesdu danger desdictatures 157

LIVRESIXIEME

Les illusions sur l'origine et la répartitiondes îichesses.

CHAI'ITIIP.I. — Les illusionssur la nature du capital . . ICI— il. — Lesconflitsentro l'intelligence,lo capital

et lo travail 168— 111.—Commentl'Amériquea résolule problème

de la lutte des classes 176

LIVRESEPTIEME

La situation financière du monde.

CHAPITRKI. —L'appauvrissementde l'Europeet l'hégé-moniefinancièredo l'Amérique.... 187

~ II, — Lasituation financièredo la France ... 195— 111.—Le thermomètrepsychologiquedes situa-

tions financières 204— IV. —Difficultéspsychologiquesdes réformes

administratives . . 209

LIVREHUITIÈME

Rôle de la monnaie dans l'évolution économiquedu monde.

CHAPITREI. —Lesformesdiversesdelà monnaie.Appa-renceset réalités 221

— II. —Stabilisationet revalorisation , 220— III. •*•Facteurs économiqueset psychologiques

du problèmedo la stabilisation .... 234

306 TABLEDESMATIÈRES

LIVRENEUVIÈME

Rôlede l'idéaldansla vie des peuples.L-\religion socialiste.

CuAPirnEI. —L'évolutiondes idéalsmodernes 243— II. —Lesprogrèsdola religionsocialisto... 251— III. —Lamentalitébolcheviste 265— IV. —Luttesdu socialismeet du syndicalisme

contrela civilisation 273— V. —Ladéfensecontrelo communisme... 279

. — VI. —Lesantinomiesdol'Agemoderne.Visionsd'avenir > .\.~,"..•* . . 291

COXCU-SIO.NS /V^:\'". • •'••'\ 298

K.GREVIN—IMMIMERIBDBLAONÏ•- 7-1927.

le bon gustave - l'évolution actuelle du monde illusions et réalités

Documents