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LE COMMERCE EQUITABLE
A LA CROISEE DES CHEMINS
Culot Marguerite Mai 2007
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION p. 4
I. UNE ALTERNATIVE SOLIDAIRE p. 5
A. Une Définition Officielle Internationale p.5
B. Au cœur de la CE des valeurs ancrées dans la solidarité p.6
C. Une structure originale à la base de la nouvelle dynamique sociale p.7
II. LES IMPERFECTIONS DU SYSTEME p. 9
CONCLUSION p.12
ANNEXES p.14
BIBLIOGRAPHIE p.16
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INTRODUCTION
Beaucoup s’insurgent aujourd’hui contre les « travers » du commerce mondial1, dus essentiellement
aux disparités qui le caractérisent. La structure imparfaite du marché qui affecte profondément les
producteurs des pays les plus pauvres, est de ce fait largement remise en cause. L’agencement
oligopolistique du marché des produits cultivés majoritairement au Sud (café, banane) et les entorses
des pays occidentaux aux règles de l’OMC (subventions et aides accordées par l’UE ou les USA à
leurs producteurs) constituent véritablement un frein au développement pérenne du commerce
international à partir des PVD.
Conscients de ces inégalités criantes et souhaitant agir pertinemment dans le sens d’une amélioration
de la situation des populations du Sud2, de nombreux citoyens du Nord sont aujourd’hui devenus
demandeurs d’ « éthique sur leurs étiquettes3 ». Des organisations associatives, en marge d’un tel
mouvement social, ont dès lors réagi en promouvant une nouvelle forme de commerce alternatif
reposant sur des critères extra économiques et des institutions inédites, le commerce équitable (CE).
La notion trouve ses origines dans des initiatives lancées par quelques ONG dans les années 50, afin
de soutenir les revendications des producteurs mexicains pour l’achat de leur café à un prix plus juste.
Le discours sur le CE se politise par la suite en relayant le slogan tiers-mondiste «Trade, not Aid »
lancé lors de la Conférence des NU sur le Commerce et le Développement (CNUCED) en 1964. Il se
radicalise dans les années 70 et 80 avec les ONG Oxfam en Grande-Bretagne et Max Havelaar aux
Pays-Bas4 et est aujourd’hui bien installé dans la plupart des pays européens et nord-américains.
Dans le cadre de ce mécanisme, les « consommateurs citoyens5 », sensibilisés à l’injustice découlant
du commerce international traditionnel, participent à l’amélioration de la situation des populations
pauvres du Sud en achetant, dans des magasins spécialisés voire même dans les grands centres de
distribution, des produits fabriqués par ces derniers dans des conditions éthiquement acceptables. A la
suite de partenariats initiés par quelques ONG de commerce équitable avec la grande distribution, une
faille s’est cependant créée dans le mouvement uni du commerce alternatif. Des voix se sont levées
pour dénoncer ce type d’initiatives susceptibles, selon eux, de contredire l’essence même du
commerce équitable.
1 Inégalités des échanges, accroissement du fossé social intra étatique, rôle accru du capital au mépris des droits
de l’homme, etc. 2 Le « Sud » désigne les pays considérés par l’OMC comme « pays en voie de développement » (PVD) et « pays
les moins avancés » 3 http://infos.equiterre.com/article.php?id_article=86 – J. Mairal, « L’avenir du Commerce Equitable », Site
Internet de l’association Equiterre, p.7 ; Cf. http://www.ethique-sur-etiquette.org/ - Site Internet du Collectif de
l’éthique sur l’étiquette 4 Pour plus d’informations relatives à l’histoire du commerce équitable, Voy.
http://developpementdurable.revues.org/document1644.html - V. Diaz Pedregal, « Le commerce équitable : un
des maillons du développement durable ? », Site Internet de la Revue Développement durable & Territoires 5 M. Capron et F. Quairel-Lanoizelée, « Mythes et réalités de l’entreprise responsable », Edition la Découverte,
2004, p.66
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Le développement du commerce équitable à l’intérieur de la sphère commerciale classique fait
largement débat à l’heure actuelle et sera, pour cette raison, la problématique centrale traitée dans ce
travail.
Le premier chapitre de cette étude définit la notion de commerce équitable, analyse les principes du
dispositif et étudie son fonctionnement. Le deuxième chapitre résume les principales critiques qui
émergent à l’heure actuelle à son égard.
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I. UNE ALTERNATIVE SOLIDAIRE
A. Une Définition Officielle Internationale
Le CE a émergé il y a plus de quarante ans en réponse à l’appel lancé par des pays du Sud dans la
cadre de la CNUCED. D’abord cantonné à un marché de niches, il a pris de l’ampleur au cours de ces
dernières années6. Sorti de la sphère de consommation strictement militante et développant de
nouveaux produits et circuits de distribution, il encadre à présent un nombre grandissant de rapports
marchands et s’inscrit dans une dynamique commerciale originale universellement reconnue7.
Face à ce succès, il est devenu important de clarifier la pratique et de définir les principes du CE et ce,
afin de garantir ses fondements et ses objectifs.
Une définition officielle du CE a été adoptée à ce titre par les acteurs concernés en 20018 : « Le
commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect
dans le but de parvenir à une plus grande équité dans le commerce international. Il contribue au
développement durable en offrant de meilleures conditions d'échanges et en garantissant les droits des
producteurs et des travailleurs salariés, en particulier ceux du Sud. Les organisations du commerce
équitable (soutenues par les consommateurs) s'engagent activement à appuyer les producteurs, à
sensibiliser l'opinion publique et à mener campagne pour des changements dans les règles et les
pratiques du commerce international conventionnel 9». Le concept ainsi défini insiste sur
l’indispensable soutien aux producteurs marginalisés du Sud afin de garantir leurs droits et de les aider
à devenir autosuffisants. La France a rejoint cette définition officielle dans sa loi du 2 août 200510
.
6 L’évolution du chiffre d’affaires des produits majoritairement alimentaires garantis par l'ONG Max Havelaar
illustre particulièrement cette tendance. Il était de 18 millions d'euros en 2001 alors qu'il dépasse les 120 millions
en 2005 ! (http://www.commercequitable.org/uploads/media/FITS_-_Commerce_equitable_-
_situation_actuelle_et_defis_pour_l__avenir_02.pdf - F.De Sousa Santos, E. Malandain, G. Rouby (PFCE) et B.
Scheou (TDS), « Commerce équitable: situation actuelle et défis pour l’avenir », FITS 2006, Site Internet de la
Plateforme pour le Commerce Équitable) 7 Pour preuve, la consommation de produits issus du commerce équitable représentait par an et par habitant, en
l’an 2000, 6 euros en Suisse ; 1,90 au Danemark ; 0,85 en Angleterre et seulement 0,10 euros en France, le
mauvais élève de l’Union Européenne tandis qu’elle affichait en 2003, 18 euros pour la Suisse ; 2,5 euros pour le
Danemark, 3,5 euros pour la Grande Bretagne et 1,12 euros pour la France
(http://www.commercequitable.org/uploads/media/FITS_-_Commerce_equitable_-
_situation_actuelle_et_defis_pour_l__avenir_02.pdf- Ibidem) 8 Les organisations du commerce équitable se sont réunies en 1998 au sein du « Consensus FINE » en vue
d’harmoniser leurs pratiques et leurs normes, et ont édicté un document cadre en 2001 qui établit cette définition 9 http://www.echosolidaire.net/commerce/img/solagral_ce_critere_01-03.pdf - B. Daviron, P. Habbard et B.
Vergriette, « Les critères du commerce équitable », SOLAGRAL et CIRAD, Site d’Echo Solidaires 10
La loi française du 2 août 2005 sur les PME établit une reconnaissance officielle du CE en France et donne la
définition du CE suivante : « le CE organise des échanges de biens et de services entre des pays développés et
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Après avoir circonscrit la notion, nous abordons dans le sous-chapitre suivant les fondements du
mécanisme.
B. Au cœur du CE des valeurs ancrées dans la solidarité
L’ensemble des acteurs du CE (coopératives, associations, entreprises de « l’économie solidaire »11
,
groupes de réflexion et de pression et «consommateurs responsables »12
) s’accorde pour dénoncer les
méfaits du commerce international conventionnel, accusé d’entraîner une paupérisation toujours plus
importante des populations des pays en voie de développement (PVD).
Dans cette perspective, le CE est considéré comme un « levier d’action13
», potentiellement capable
de modifier les déséquilibres politico-économiques mondiaux contemporains. Le mécanisme souhaite
en effet mettre en place un système commercial international alternatif plus juste, en instaurant des
relations d’échanges sur une base partenariale entre les producteurs et les consommateurs14
.
De ce principe de base découlent les principaux fondements du CE : d’une part, lutte contre les
inégalités du commerce international traditionnel et la paupérisation des populations paysannes des
PVD, et d’autre part, satisfaction de la demande des consommateurs du Nord à plus d’éthique.
De façon générale, le mouvement repose en effet, sur le refus d’une inégalité commerciale de principe
entre le Nord et le Sud. Le commerce équitable, dont objectif principal est l'intégration durable des
producteurs du Sud dans les échanges commerciaux au niveau mondial, essaie de valoriser les
productions des PVD sur le marché mondial en favorisant des échanges Sud-Nord équitables. Pour ce
faire, les organisations de CE invitent d’abord, les producteurs du Sud à se regrouper en coopératives
dans le but d’augmenter leur pouvoir de négociation. Le CE créent dès lors des relations plus fortes
avec et entre les « locaux », c'est-à-dire les acteurs habitants au Sud, plutôt que de centraliser le
des producteurs désavantagés situés dans des pays en développement", afin d’assurer "le progrès économique et
social de ces producteurs » (http://www.place-publique.fr/breve256.html - « La France reconnaît le Commerce
Equitable », Site Internet de Place Publique) 11
L’économie solidaire peut être définie comme étant une économie qui privilégie les actions sociales et
environnementales par rapport aux objectifs commerciaux et financiers 12
Le « consommateur responsable » est un citoyen conscient des enjeux sous-tendant le développement durable
et agissant en conséquence (M. Capron et F. Quairel-Lanoizelée, « Mythes et réalités de l’entreprise
responsable », Edt. La découverte, 2004, p.56) 13
Le CE est susceptible de renverser la tendance et faire bénéficier les paysans pauvres de la mondialisation
(http://developpementdurable.revues.org/document1644.html - Ibidem) 14
ADAM, Sophie et Michael Barrat Brown. « Le commerce équitable dans les échanges Nord-Sud »,
L’économie sociale au Nord et au Sud, Bruxelles, De Boeck/Université, p. 106
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pouvoir essentiellement vers les acteurs du Nord15
. En promouvant le principe d’achat direct aux
organisations de producteurs16
, le CE leur permet, ensuite, d’égaliser le coût marginal au prix et donc,
de garantir à chacun un prix rémunérateur plus élevé que dans un système d’ « intermédiaires
spéculateurs »17
. Enfin, parce qu’elles veillent à payer équitablement les producteurs, les organisations
de CE les assurent contre les risques de crises conjoncturelles –telle qu’une brusque chute des cours
des matières premières- et surtout, leur donnent la possibilité d’investir et d’innover dans le but
d’augmenter constamment leur productivité et la qualité de leurs produits18
.
Nous analysons dans la prochaine partie son organisation.
C. Une structure originale à la base de la nouvelle dynamique sociale
Le CE fait preuve d’originalité et de rigueur dans son fonctionnement. : Les organisations de CE
achètent à un prix équitable, aux producteurs défavorisés du Sud, des marchandises produites dans des
conditions éthiquement acceptables, pour les revendre ensuite dans des points de vente situés dans les
pays occidentaux à un prix, certes généralement plus élevé que la moyenne mais représentant
fidèlement la plus-value sociale et environnementale du produit. Le CE définit, au chapitre des
principes, plusieurs critères garantissant effectivement le caractère « équitable » des produits. Certains
s’adressent aux producteurs et d’autres aux organisations du Nord : alors que les producteurs doivent
garantir le fonctionnement « démocratique » de leur organisation et agir pour son développement
durable (salaires décents payés à tous les travailleurs, droit de se syndiquer, droit à un logement
décent, respect des normes de santé et de sécurité, protection de l’environnement), les organisations du
Nord sont tenues de respecter certains engagements tels que l’achat direct à des producteurs
désavantagés et le paiement équitable à l’avance 19
.
Outre la garantie d’une rémunération juste aux producteurs et d’un produit certifié conforme aux
normes sociales et environnementales prédéfinies, les organisations de CE s’activent à accompagner le
développement local des populations du Sud via le financement annexe de projets et s’engagent à
sensibiliser les citoyens du Nord aux problèmes auxquels doivent faire face ceux des PVD.
D’un côté, les organisations du CE se sont données mission de dénoncer auprès des « consommateurs
citoyens » le comportement abusif des entreprises occidentales implantée dans les PVD. Les partisans
15
ADAM, Sophie et Michael Barrat Brown. « Le commerce équitable dans les échanges Nord-Sud »,
L’économie sociale au Nord et au Sud, Bruxelles, De Boeck/Université, p. 108 16
Le concept de suppression des intermédiaires est a ce propos, un des arguments « phare » avances par les
acteurs du CE 17
http://infos.equiterre.com/article.php?id_article=86 – J. Mairal, « L’avenir du Commerce Equitable », Site
Internet de l’association Equiterre 18
Cf. Infra 19
http://www.echosolidaire.net/commerce/img/solagral_ce_critere_01-03.pdf - Ibidem
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du CE diabolisent habituellement le système conventionnel des FTN20
et s’insurgent contre
l’asymétrie mondiale qui existe au niveau de la mise en œuvre des règles de l’OMC (politiques
subventionnistes des pays du Nord). Dès lors, les organisations du CE sensibilisent21
, via
l’organisation de campagnes de dénonciation du commerce international conventionnel22
ou d’actions
de plaidoyer vantant les bienfaits du CE, les citoyens occidentaux aux effets négatifs du commerce
international conventionnel sur les producteurs du Sud « afin qu’ils puissent utiliser leur pouvoir
d’achat de manière proactive »23
. De l’autre côté, le CE lutte contre la pauvreté et aide de façon plus
générale au développement durable des PVD, notamment en organisant des formations
professionnelles, en favorisant l’accès au micro crédit et en finançant la création d’écoles ou de
dispensaires24
.
L’organisation et les missions du mouvement étant énoncées, nous pouvons présenter sa structure
stricto sensu. Le CE se divise en deux grandes familles institutionnelles : la filière « intégrée » et la
filière « labellisée »25
. La première constitue la forme historique du CE. Elle a pour objectif de limiter
au maximum le nombre d'intermédiaires : les distributeurs achètent directement des produits
alimentaires ou issus de l’artisanat auprès des producteurs et revendent directement aux
consommateurs par le biais des magasins du monde. Tous les intervenants sont spécialisés dans
l’activité du CE et se conforment volontairement à un ensemble de principes et critères fixés
collectivement. La seconde filière est apparue à la fin des années 80 avec la création du label « Max
Havelaar » aux Pays-Bas. Sa logique est radicalement différente de la filière intégrée dans la mesure
où elle permet à une entreprise conventionnelle, c'est-à-dire sans savoir-faire préalable au CE, de
respecter les engagements du mouvement pour un ou plusieurs de ses produits26
. Le système repose
alors sur la garantie de produits de qualité en échange du respect des standarts internationaux du
commerce équitable27
. La labellisation a permis au CE de percer le marché en s’immisçant dans les
circuits de distribution conventionnels28
.
20
Les organisations du CE avancent qu’un tel système laisse souvent peu de chances aux initiatives locales,
exacerbe l’inégalité entre travailleurs du Nord et ceux du Sud, et intensifie la mainmise des firmes du Nord sur
l’économie locale (http://infos.equiterre.com/article.php?id_article=86 – Ibidem) 21
Selon Julien Mairal, il s’agit d’un militantisme prudent 22
De telles campagnes visent la plupart du temps, à réclamer les respect universel des règles commerciales
internationales (clause de la nation la plus favorisée, principe du traitement national) 23
http://www.artisansdumonde.org/docs/solagral_ce_etat_des_lieux_01-03.pdf - Ibidem, p.34 24
http://www.hcci.gouv.fr/lecture/fiches/fi01.html - « Le Commerce Equitable », Site Internet du 1er
Ministre 25
Cf. Tableau résumé en Annexes 26
http://www.uqo.ca/ries2001/General/Cahiers/CI19.pdf - C. Gendron, « Un nouveau mouvement socio-
économique au coeur d’une autre mondialisation : le commerce équitable », Université du Québec en Outaouais,
Site Internet de l’UQO, p.11 27
Ces principes ont été établis par la Fairtrade Labelling Organisation (FLO) 28
Notons que cette stratégie de distribution est controversée par les défenseurs du « CE pur » (Cf. Infra)
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Cette distinction filière intégrée /filière labellisée mènera certains à dire que deux tendances existent
désormais au sein de la mouvance équitable : d’un côté, la « sphère de spécialisation » 29
largement
basée sur le bénévolat et le militantisme, qui regroupent les acteurs spécialisés dans le CE et dans
laquelle la confiance et les rapports personnels sont au cœur des rapports commerciaux avec les
producteurs, et de l’autre, la « sphère de la labellisation »30
qui rassemble les organismes de
certification du commerce équitable (FLO) ainsi que les entreprises d’importation et de distribution
des produits issus du CE qui appartiennent ou travaillent en lien avec l’économie conventionnelle.
Dans cette sphère, le contrôle des conditions de production des produits et de la relation avec les
importateurs vise la rationalité et l’objectivité (envoi d’inspecteurs sur place, référentiels précis et
contractualisés, etc.). La démarche se veut avant tout professionnelle et a pour but, à long terme,
d’ouvrir le CE aux entreprises et organisations non militantes31
. On constate dès lors que le recours au
label et à la grande distribution comme stratégie privilégiée imprime une nouvelle orientation au CE ;
celui-ci n’est plus alternatif au marché conventionnel, il devient opérationnel à l’intérieur même du
marché32
. Cette orientation nouvelle du CE est critiquée par certains. Nous approfondissons
notamment cette question dans la deuxième partie de ce travail.
29
http://www.artisansdumonde.org/docs/solagral_ce_etat_des_lieux_01-03.pdf -P. Habbard, L. Lafarge, A.
Peeters et B. Vergriette, « Etat des lieux et étude du changement d’échelle du commerce équitable »,
SOLAGRAL et CEDAC, Site Internet de l’association Artisans du Monde 30
Idem 31
Le mouvement est divisé quant au bien-fondé de cet objectif (Cf. Infra) 32
http://www.uqo.ca/ries2001/General/Cahiers/CI19.pdf - Ibidem, p. 14
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II. LES IMPERFECTIONS DU SYSTEME
Alors que l’efficacité globale du CE est relativement difficile à démontrer33
, on peut assurer la
réalisation de son objectif premier : une amélioration substantielle du bien-être des producteurs de la
filière. L’impact général du système alternatif est indéniablement positif et peut être saluée par tous.
Néanmoins, certaines voix s’élèvent afin de mettre en lumière les défauts du mécanisme. Nous avons
relevé cinq déficiences : le manque de vision commune sur l’avenir du CE ; la faiblesse de la politique
des prix ; l’absence de prise en compte globale de la protection de l’environnementale ; le déséquilibre
persistant au niveau de la structure du marché et enfin, une vision du développement qui reste encore
trop traditionnelle.
Afin de satisfaire la demande citoyenne croissante de produits éthiques et de valoriser une démarche
de responsabilité sociale des entreprises (RSE) de plus en plus sollicitée, certaines grands groupes de
la distribution se sont engagés depuis peu à commercialiser dans une certaine mesure les produits issus
de la filière labellisée du commerce équitable. Parce que le CE ne pourra véritablement être efficace
que s’il sort de la marginalité et devient accessible aux plus grands nombres de consommateurs,
quelques organisation de CE (Max Havelaar, Transfair) ne voient pas d’un mauvais œil une
collaboration avec les acteurs économiques traditionnels34
. Elles considèrent en effet que celle-ci
relève d’une stratégie « gagnant gagnant », qui leur permettra d’atteindre leur objectif d’aider le plus
grand nombre de producteurs du Sud. D’autres acteurs du CE, par contre, sont farouchement opposés à
l’introduction des produits issus du CE dans le circuit de la grande distribution. S’il est en effet
souhaitable de voir les acteurs traditionnels du commerce international s’intéresser aux principes
éthiques portés par le mouvement du CE et s’en inspirer, les risques de récupération et de dénaturation
des bases mêmes du CE sont néanmoins possibles. Les principales critiques émises à l’égard de
l’introduction du CE dans le circuit de la grande distribution, concernent les piètres conditions de
travail des employés, les pressions exercées sur les producteurs, le manque de considérations
écologiques, les impacts sur le commerce de proximité et encore les affaires de corruption35
. La Plate-
Forme pour le Commerce Équitable (PFCE), collectif national de concertation et de représentation
33 Le niveau d’implication des producteurs du Sud dans les relations commerciales internationales et
l’amélioration de leur accès sur le marché sont malaisées à définir tandis que le préfinancement du mécanisme
est pénible à évaluer. 34
Elle suivent en cela les recommamdations de la Solagral. En effet, dans leur étude parue en 2002 sur le CE,
P.Habbard, L. Lafarge, A. Peeters et B. Vergriette appellent les organisations de CE à élargir leurs perspectives
afin de s’immiscer davantage dans la sphère du commerce international, voire remplacer les normes actuelles.
Selon eux, « si le CE n’occupe qu’une niche du marché, alors le soutien d’une organisation de producteur ne
peut être que temporaire et le transfert aux producteurs du surprix payé par l’importateur n’a pas beaucoup de
sens » (http://www.artisansdumonde.org/docs/solagral_ce_etat_des_lieux_01-03.pdf - Ibidem, p.44) 35
http://www.les-renseignements-genereux.org/brochures.html?id=415 – « Critiques et espoirs du Commerce
Equitable », Site de l’association Les Rnseignements Généreux, p.13
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11
d’acteurs de commerce équitable français créé en 1997, pourrait légitimement contrôler le
développement du secteur et la coopération avec les grandes surfaces. Cependant, son manque
d’indépendance morale vis-à-vis des acteurs marchands du CE, qui représentent la majorité de ses
membres (les règles régissant le secteur sont définies par ceux-là mêmes qui les appliquent) et le
déficit de moyens auquel elle est confrontée permettent de douter de l’efficacité et de la pertinence de
son contrôle36
.
Cela étant dit, le mouvement est aujourd’hui divisé sur l’introduction ou non des produits CE dans le
circuit de la grande distribution ; ce qui est susceptible de l’affaiblir.
Une seconde observation critique concerne la politique des prix suivie par les organismes de CE. Si le
mécanisme protège effectivement les producteurs contre une chute brutale des prix, il est susceptible
de provoquer sur le long terme une pression énorme sur l’importateur, ce qui pourrait, au final, être un
frein au développement de la filière CE37
. Afin de remédier à ce problème, Julien Mairal38
propose de
définir des « prix minimums glissants », c’est-à-dire des prix minimums renégociés chaque année, et
d’inciter les producteurs à diversifier leur source de revenus39
. Si le prix d’un produit devient trop bas,
le producteur doit être en mesure de s’adapter en s’orientant dans une autre direction, le prix minimum
glissant leur donnant justement le temps nécessaire pour s’adapter40
.
Troisièmement, on peut s’interroger quant au bien-fondé des prétentions du CE concernant la
protection de l’environnement. Le mouvement du CE réfléchit depuis quelques années sur la
dimension écologique de leur actions. La sphère de labellisation par exemple impose désormais un
cahier des charges où ont été rajouté, à côté des critères sociaux, des standarts environnementaux :
interdiction d’utiliser certains pesticides, incitation à l’instauration de pratiques écologiques de
maintien de la fertilité des sols, de conservation des sols, etc. Néanmoins, le mouvement équitable
souffre d’un manque de réflexion sur le transport des marchandises. Les avions cargo et les bateaux de
marchandises sont les moyens de transport les plus utilisées pour acheminer vers le Nord les produits
CE. La filière semble ne pas se préoccuper du coût écologique du kérosène ou du coût social et éthique
du transport maritime qui fait souvent appel à des transporteurs naviguant sous pavillon de
complaisance. Ces us éclipsent, du moins en partie, en partie la dimension environnementale du CE41
.
Quatrièmement, il est permis d’émettre des doutes concernant l’efficacité du CE à contrecarrer la
domination commerciale des pays du Nord. « Même si le CE parvenait à remplacer le circuit
36
http://www.animafac.net/article.php3?id_article=426 – « Le Commerce Equitable : 30 ans et autant de
questions », Site Internet d’Animafac.net 37
Cf. Schémas I et II en Annexes 38
Julien Mairal est membre de l’association EquiTerre 39
http://infos.equiterre.com/article.php?id_article=86 – J. Mairal, « L’avenir du Commerce Equitable », Site
Internet de l’association Equiterre 40
Idem 41
http://developpementdurable.revues.org/document1644.html - Ibidem
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commercial traditionnel, l’échange resterait profondément inégalitaire42
». En effet, tandis que les
entreprises du Nord conserveraient la capacité économique et technique de créer des filières de
transformation, le rôle des petits producteurs du Sud se cantonnerait à produire toujours plus des
marchandises brutes à exporter vers le Nord ensuite. En d’autres mots, la valeur ajoutée des produits
resterait au nord, laissant en conséquent la plus faible part du prix de vente final aux producteurs.
Enfin, une critique générale est émise quant à la vision même du CE concernant le développement. On
retrouve en effet dans le mouvement équitable l’imaginaire du développement, selon lequel le bien-
être économique est la clé du bien-être social : les pays du Sud seraient pauvres en raison de leur
faible poids sur le marché commercial mondiale.43
Or, en étudiant les causes de la dette des PVD, on
constate que le commerce international n’est pas le seul facteur d’appauvrissement. Il faut également
ajouter les nuisances de la finance internationale, la corruption, les conséquences des politiques
internationales des pays industrialisés, etc. Le CE soutient assurément le développement des pays du
Sud mais il ne parviendra jamais seul à mettre un terme au cercle vicieux de la pauvreté dans lequel
bon nombre de ces pays sont enfermés. Il n’est en conclusion pas la solution miracle pour lutter contre
le non développement.
42
http://www.les-renseignements-genereux.org/brochures.html?id=415 – Ibidem 43
http://www.uqo.ca/ries2001/General/Cahiers/CI19.pdf - Ibidem, p.21
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CONCLUSION
La situation économique actuelle est fortement déséquilibrée en faveur des pays industrialisés du Nord
au détriment des pays pauvres du Sud. Cette injustice touche de plus en plus de citoyens du Nord, qui
souhaitent pouvoir agir pour plus d’équité. Cette conscientisation des consommateurs occidentaux aux
injustices dont sont victimes les populations pauvres du Sud, a permis le développement d’un
commerce alternatif, le CE.
Ce mouvement a connu un formidable essor ces dernières années. La demande des citoyens du Nord
ne cesse d’augmenter tandis que le nombre de producteurs du Sud désireux de participer au
mouvement augmente continuellement. Les grandes entreprises (Mac Donald, Leclerc, Accor) sont
également de plus en plus réceptrices au mécanisme mis en place par le CE et collaborent volontiers
avec les acteurs du CE.
Le succès du CE peut, sans doute, être relié à la montée des mouvements sociaux dans la sphère
économique. On assiste en effet depuis quelques années à une redéfinition, une repolitisation et une
resocialisation de la transaction économique via l’irruption d’actions collectives dans le champ de
l’économie44
. Ce mouvement s’accompagne en outre d’une préoccupation croissante des entreprises
pour leur responsabilité sociale. Relayant les revendications des syndicats, des associations et des
citoyens, les industries outrepassent en effet de plus en plus leur mandat originel privé pour s’inscrire
dans une démarche «solidaire ». Vente de produits issus du CE, soutien à des projets de
développement local, politiques de développement durable sont autant d’actions entreprises dans une
démarche classique de RSE. Notons cependant qu’il ne s’agit pas ici d’actions purement altruistes,
éthiques et responsables. Le monde des entreprises a bien connaissance que cet investissement est
nécessaire pour sa croissance et sa pérennité.
Quoi qu’il en soit, si les règles du CE commencent à être connues de tous, elles ne sont actuellement
pas en mesure de remplacer les règles commerciales traditionnelles. Le CE n’occupe encore qu’une
part très marginale dans le commerce mondial. Néanmoins, il est certainement l’une des innovations
sociales qui suscite le plus d’espoirs au chapitre des rapports Nord-Sud et d’une reconfiguration plus
juste des échanges commerciaux internationaux. Il est intéressant de réfléchir à sa portée, à la manière
de l’améliorer et surtout de le développer durablement. En effet, dans le contexte actuel, le CE a, très
certainement aujourd’hui plus qu’hier, intérêt à se développer de façon importante tout en gardant à
l’esprit ses valeurs…
44
http://www.uqo.ca/ries2001/General/Cahiers/CI19.pdf - Ibidem, p.17
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ANNEXES
I. Une alternative solidaire
Les deux filières du CE peuvent être résumées comme suit :
Pour la filière intégrée, le code de conduite (défini par l’IFAT, l’ « International Federation For
Alternative Trade ») est le suivant :
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Pour la filière labellisée, les critères référentiels sont structurés de la manière suivante :
Comme le démontre le schéma ci-dessous, les producteurs de la filière CE reçoivent un prix plus
juste pour leurs produits
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II. Des imperfections à corriger
Le schéma I illustre la problématique décrite plus haut: le prix équitable garantit effectivement
un prix minimum indépendamment de la conjoncture mais provoque une pression énorme à
long terme sur l’importateur, ce qui est un frein au développement du CE.
Le schéma II reprend la proposition de Julien Mairal et démontre ce que deviendrait le
cours du café si l’on considère un système de type « prix glissants ».
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![Page 18: LE COMMERCE EQUITABLE A LA CROISEE DES CHEMINS · 5 I. UNE ALTERNATIVE SOLIDAIRE A. Une Définition Officielle Internationale Le CE a émergé il y a plus de quarante ans en réponse](https://reader035.vdocuments.pub/reader035/viewer/2022070912/5fb40ef026464f23147d8979/html5/thumbnails/18.jpg)
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