le mariage d’amour

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etudedumilieu.be – apports décisifs du passé – chutes et bouts d’essai – 2008. Héritage 000 00 Le mariage d’amour Jusqu'au début du XXe siècle, un bon mariage est un mariage de raison. Les unions fondées sur le sentiment amoureux sont une pratique récen- te. n Autrefois, vivre seul est exceptionnel. Pour faire face aux difficultés de l'existence, tout le monde se mariait, sauf les religieux et les margi- naux. Les mariages étaient alors une sorte de contrat d’association, de soutien mutuel. Pour écarter les risques de désunions, ils se fondaient davantage sur un choix raisonné du conjoint que sur un penchant affectif. Aujourd’hui, l’État et les compagnies d’assurance se chargent de la sécurité de chacun. La famille a perdu son rôle de protec- tion. Moins sensibles aux risques économiques et sociaux, les couples donnent la priorité aux sen- timents amoureux. n Pour assurer la stabilité des familles, qui était jadis une nécessité vitale, nos ancêtres conce- vaient le mariage comme un lien indissoluble. Aujourd’hui, la sauvegarde du couple importe moins que la sincérité des sentiments et l’épa- nouissement individuel des conjoints. L’engage- ment à vie, doublé d’un strict respect de la fidélité conjugale, perd de son importance. Les divorces se multiplient et d’aucuns se demandent si le maria- ge est encore nécessaire et s’il n’est pas temps de lui substituer d’autres formes d’union. n Dans ce contexte se développent des relations familiales différentes et plus complexes. Certaines familles, dites monoparentales, sont composées d’un seul parent — le père quelquefois, la mère souvent — et de ses enfants. D’autres familles, dites recomposées, rompues d’abord par une désu- nion, se reconstituent en englobant d’autres adul- tes et des enfants de parents différents. Bref, il n’y a plus aujourd’hui un seul modèle de couple ni un seul modèle de famille, comme dans le passé. Un mariage en 1962 De nos jours, ce sont les futurs mariés qui organisent la noce, qui décident du moment et du lieu, qui effectuent les réserva- tions nécessaires, qui assurent la décoration, qui orientent le choix des cadeaux, qui établissent la liste des invités, etc. Jusqu’aux années 1970, le mariage se conformait à un autre modèle. C’étaient les parents qui mariaient leurs enfants. Ils se chargeaient des invitations, du déroulement de la cérémonie civile et religieuse, de l’organisation du banquet, qui avait lieu au domicile de la mariée. t Suzanne Dufoing, La Noce. Huile sur toile. 1962. Dimensions : 107 x 129 cm. Musée des Beaux-Arts, Mons (Inv. 903). Une trentaine de personnes sont ras- semblées pour un portrait souvenir. Elles viennent de sortir de l’église dont on aperçoit le clocher dans le lointain. Les hommes portent la jaquette. Les femmes ont revêtu des robes longues aux couleurs variées et chatoyantes. La plupart d’entre elles ont la tête cou- verte par un chapeau. Au centre du groupe ont pris place les jeunes mariés, encadrés par leurs pa- rents respectifs. Le costume sombre du mari contraste avec la blancheur de la robe et du bouquet de la mariée. L’aïeul le plus âgé ou le moins valide est assis près d’eux. Le décor est composé de quelques mai- sons villageoises sur un fond de verdure et de collines aux ondulations douces. Chaque personnage, ou presque, regar- de en direction du peintre qui observe la scène à la manière d’un photogra- phe. L’œuvre s’apparente en effet à ces photographies de groupe qu’on réa- lisait autrefois sur les marches de l’église. C’est l’image traditionnelle des fa- milles réunies lors des mariages. Elle immortalise pour la postérité, de façon solennelle, ce moment décisif de la vie des époux. Elle est une sorte de tableau généalogique qui les positionne au mi- lieu de leur parenté. Tout cela change- ra bientôt. Les photographies actuelles en témoignent. Aujourd’hui, les époux sont croqués sur le vif, échangeant un regard complice ou un baiser sous des frondaisons, à l’ombre d’un château, dans une vieille voiture ou sur un anti- que attelage. Ils concentrent sur eux l’attention du photographe, indépen- damment des autres membres de la famille, affirmant ainsi leur autonomie. De même, les participants à la noce sont vus individuellement ou en petits groupes et non plus tous ensemble. Des accordailles aux épousailles, Bruxelles, C.G.E.R., 1988, p. 302. Les relations d’affection

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etudedumilieu.be – apports décisifs du passé – chutes et bouts d’essai – 2008. Héritage 000 00

Le mariage d’amour

Jusqu'au début du XXe siècle, un bon mariageest un mariage de raison. Les unions fondées surle sentiment amoureux sont une pratique récen-te.

n Autrefois, vivre seul est exceptionnel. Pourfaire face aux difficultés de l'existence, tout lemonde se mariait, sauf les religieux et les margi-naux. Les mariages étaient alors une sorte decontrat d’association, de soutien mutuel. Pourécarter les risques de désunions, ils se fondaientdavantage sur un choix raisonné du conjoint quesur un penchant affectif. Aujourd’hui, l’État et lescompagnies d’assurance se chargent de la sécuritéde chacun. La famille a perdu son rôle de protec-tion. Moins sensibles aux risques économiques etsociaux, les couples donnent la priorité aux sen-timents amoureux.

n Pour assurer la stabilité des familles, qui étaitjadis une nécessité vitale, nos ancêtres conce-vaient le mariage comme un lien indissoluble.Aujourd’hui, la sauvegarde du couple importemoins que la sincérité des sentiments et l’épa-nouissement individuel des conjoints. L’engage-ment à vie, doublé d’un strict respect de la fidélitéconjugale, perd de son importance. Les divorces semultiplient et d’aucuns se demandent si le maria-ge est encore nécessaire et s’il n’est pas temps delui substituer d’autres formes d’union.

n Dans ce contexte se développent des relationsfamiliales différentes et plus complexes. Certainesfamilles, dites monoparentales, sont composéesd’un seul parent — le père quelquefois, la mèresouvent — et de ses enfants. D’autres familles,dites recomposées, rompues d’abord par une désu-nion, se reconstituent en englobant d’autres adul-tes et des enfants de parents différents. Bref, iln’y a plus aujourd’hui un seul modèle de coupleni un seul modèle de famille, comme dans lepassé.

Un mariage en 1962

De nos jours, ce sont les futurs mariés qui organisent la noce,qui décident du moment et du lieu, qui effectuent les réserva-tions nécessaires, qui assurent la décoration, qui orientent lechoix des cadeaux, qui établissent la liste des invités, etc.Jusqu’aux années 1970, le mariage se conformait à un autremodèle. C’étaient les parents qui mariaient leurs enfants. Ils sechargeaient des invitations, du déroulement de la cérémoniecivile et religieuse, de l’organisation du banquet, qui avait lieuau domicile de la mariée.

t Suzanne Dufoing, La Noce. Huilesur toile. 1962. Dimensions : 107x 129 cm. Musée des Beaux-Arts,Mons (Inv. 903).

Une trentaine de personnes sont ras-semblées pour un portrait souvenir.Elles viennent de sortir de l’église donton aperçoit le clocher dans le lointain.Les hommes portent la jaquette. Lesfemmes ont revêtu des robes longuesaux couleurs variées et chatoyantes. Laplupart d’entre elles ont la tête cou-verte par un chapeau.Au centre du groupe ont pris place lesjeunes mariés, encadrés par leurs pa-rents respectifs. Le costume sombre dumari contraste avec la blancheur de larobe et du bouquet de la mariée.L’aïeul le plus âgé ou le moins valideest assis près d’eux.Le décor est composé de quelques mai-sons villageoises sur un fond de verdureet de collines aux ondulations douces.Chaque personnage, ou presque, regar-de en direction du peintre qui observela scène à la manière d’un photogra-phe. L’œuvre s’apparente en effet àces photographies de groupe qu’on réa-lisait autrefois sur les marches del’église.

C’est l’image traditionnelle des fa-milles réunies lors des mariages. Elleimmortalise pour la postérité, de façonsolennelle, ce moment décisif de la viedes époux. Elle est une sorte de tableaugénéalogique qui les positionne au mi-lieu de leur parenté. Tout cela change-ra bientôt. Les photographies actuellesen témoignent. Aujourd’hui, les épouxsont croqués sur le vif, échangeant unregard complice ou un baiser sous desfrondaisons, à l’ombre d’un château,dans une vieille voiture ou sur un anti-que attelage. Ils concentrent sur euxl’attention du photographe, indépen-damment des autres membres de lafamille, affirmant ainsi leur autonomie.De même, les participants à la nocesont vus individuellement ou en petitsgroupes et non plus tous ensemble.

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302.

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