le mariage interlinguistique au mali Étude du cas de
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FATOU DIA
LE MARIAGE INTERLINGUISTIQUE AU MALI Étude du cas de Bamako en 1987 et en 1998
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en sociologie
pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.)
DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2011
© Fatou Dia, 2011
ii
iii
Résumé
Les sociétés africaines ont fait l’objet de beaucoup d’études mais il y a un sujet qui n’a pas
été assez étudié : leur dynamique linguistique. Dans un pays comme le Mali, de
nombreuses langues sont en circulation, la langue officielle française côtoie les langues
locales et nationales. Le bilinguisme n’y est donc pas chose rare et les enjeux linguistiques
sont nombreux. De plus, très peu d’études ont porté simultanément sur la langue parlée
dans les couples linguistiquement exogames de même que sur les facteurs qui poussent à
l’entrée en union mixte. Qu’en est-il alors des transferts linguistiques dans les mariages
interlinguistiques à Bamako, capitale du Mali?
En nous inspirant des travaux de Saussure, de Bourdieu et de Calvet, nous nous penchons
sur les processus qui semblent mener au choix et à l’usage d’une langue. En effet, dans le
contexte bamakois comme dans tout autre environnement plurilingue, le choix de la langue
de communication ne se fait pas toujours de manière « consciente » mais plutôt par souci
pratique : c’est alors souvent la langue véhiculaire du milieu qui est en usage. La lecture de
ces auteurs met en évidence la place de la langue mais aussi les enjeux liés à son choix et à
son usage. Sa maîtrise offre à l’individu l’aisance nécessaire pour lui permettre de
s’exprimer dans toutes les situations, le pouvoir de se faire écouter et de se faire obéir.
Nous sommes dès lors en présence de rapports de force intrinsèques aux usages de la
langue. Tous ces éléments seront aussi appliqués au contexte bamakois pour lequel nous
analysons le tableau linguistique, les modèles familiaux et matrimoniaux ainsi que leur
évolution.
À partir de l’exploitation des données des recensements du Mali de 1987 et de 1998, ce
travail de recherche a trois objectifs. Tout d’abord, nous regardons les tendances
linguistiques à Bamako pour ensuite examiner les comportements des différentes
communautés linguistiques du Mali face au mariage interlinguistique. Enfin, cette présente
étude a cherché à mettre en lumière les principaux facteurs qui peuvent intervenir dans
l’entrée en union linguistiquement mixte. Effectivement, le bambara est la langue la plus
répandue à Bamako mais la capitale se trouve tout de même confrontée à un fort
plurilinguisme, ce qui conduit à quelques transferts linguistiques qui profitent au bambara.
iv
La prédominance du bambara joue ainsi un rôle dans le comportement des hommes et des
femmes locuteurs du bambara face au mariage interlinguistique. Ces derniers sont en effet
les moins concernés par le mariage mixte, non pas parce que ce groupe linguistique est trop
conservateur, mais plutôt parce que la socialisation des individus se fait de plus en plus
dans cette langue. Les membres des autres communautés linguistiques se voient donc plus
enclins à l’exogamie linguistique. Les autres variables étudiées concernant l’union mixte à
Bamako se sont révélées tout aussi intéressantes. Le sexe, le lieu de naissance, le groupe
d’âge, le niveau d’éducation et le secteur professionnel ont tous un impact plus ou moins
déterminant sur les chances d’accès au marché matrimonial interlinguistique à Bamako.
L’étude nous montre par exemple que les natifs de Bamako semblent être ceux qui
s’engagent le plus dans les unions interlinguistiques, que le groupe linguistique a un impact
qui diffère selon le sexe de l’individu, nous faisant voir par là que les hommes sont les plus
touchés par l’exogamie linguistique. De même, le niveau d’instruction est déterminant, peu
importe le sexe étudié, tandis que le secteur professionnel a un effet mitigé, tantôt négatif
tantôt positif. L’étude parallèle des deux bases de données brutes de 1987 et de 1998 a,
quant à elle, permis de dégager l’effet du facteur temps. En effet, les déterminants proches
du mariage interlinguistique varient d’un recensement à un autre. Il faut noter que le temps
est en mesure d’agir en faveur de la mixité matrimoniale en stimulant l’effet conjugué de
plusieurs facteurs dont l’affaiblissement du pouvoir de contrôle d’un groupe sur les
comportements matrimoniaux des plus jeunes.
Mots-clés : sociologie, langues, plurilinguisme, mariage interlinguistique,
comportements matrimoniaux, recensement, Mali, Bamako.
v
Remerciements
Mes premiers mots de remerciement vont à mon directeur de recherche M. Richard
Marcoux pour m’avoir fait confiance et m’avoir toujours exhorté à aller de l’avant pour
donner le meilleur de moi-même. Ses conseils judicieux et surtout sa patience et sa
générosité m’ont beaucoup apporté. Cette aventure m’a fait découvrir et aimer le travail de
recherche. Je l’en remercie encore une fois. Je suis aussi reconnaissante à tous mes
professeurs de l’Université Laval auprès de qui j’ai beaucoup appris. Je n’aurais pas pu
mener ma tâche à bien sans l’accès aux données de recensements du Mali, ce qui a été
possible grâce à Mme Assa Doumbia-Gakou, directrice technique du bureau central du
recensement de l’institut national de la statistique au Mali, et M. Mamadou Kani Konaté,
directeur au centre d’appui à la recherche et à la formation au Mali. M. Konaté a aussi eu
l’amabilité de répondre à mes nombreuses questions malgré son emploi du temps assez
chargé. Je remercie aussi le Dr Latif Armel Dramani pour l’intérêt qu’il a porté à mon
travail, nos discussions intéressantes et ses remarques pertinentes.
Une pensée spéciale à ma famille qui a toujours été à nos côtés. À mes très chères mamans,
Aminata et Ndèye Mayé que j’aime de tout mon cœur. À mon père qui me manque
énormément. Au professeur Abdou Salam Fall qui a toujours cru en moi et n’a jamais
manqué de m’encourager et de me guider. Tu m’as fait intéresser à la sociologie en premier
et je ne regrette pas de m’être lancée dans l’aventure. À ma jumelle et confidente Rokhiya,
toujours présente et prête à aider. À Tijani et Mouhamed à qui je souhaite de belles
réussites. À Safy, petite maman Aminata et bébé Ouley. Je vous aime et vous souhaite le
meilleur mes chéries. À Bocar Amadou Wane, qui m’a soutenu depuis mon arrivée au
Canada de toutes les façons possibles. Merci.
Je ne saurais oublier mes amis et collègues, qui de près comme de loin, m’ont toujours
soutenu. À Marie-Ève Harton qui a accepté de lire mon travail et de me conseiller et sans
qui le temps dans les locaux du pavillon Charles De-Koninck m’aurait certainement paru
très long. À Aladji Madior Diop qui m’a aussi beaucoup éclairé et avec qui les discussions
sont toujours sources d’inspiration. Bonne chance pour la suite. À Mariama Diouf pour son
soutien et ses conseils judicieux. À mes amis de Sherbrooke, Montréal et partout ailleurs,
toujours présents de maintes façons. Merci!
vi
Table des matières
Résumé ..................................................................................... Erreur ! Signet non défini.
Remerciements .............................................................................................................. v
Table des matières ........................................................................................................ vi
Liste des tableaux ......................................................................................................... ix
Liste des Figures et cartes .............................................................................................. xi
Introduction ................................................................................................................. 12
PREMIÈRE PARTIE : APPROCHE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE .............................. 16
Introduction à la première partie .................................................................................. 17
CHAPITRE 1 : Situation sociolinguistique, modèles familiaux et matrimoniaux .............. 18 1.1. Rapports sociaux et de pouvoir liés à la langue ............................................................................... 18
1.1.1. Les usages de la langue : nous sommes tous confrontés aux langues .................................... 18 1.1.2. Les rapports de force symbolique liés à la langue .................................................................... 19
1.2. Un monde plurilingue ....................................................................................................................... 29 1.2.1. Bilinguisme et diglossie ............................................................................................................ 30 1.2.2. L’exemple du français : sa place dans les sociétés africaines et son statut de langue officielle ............................................................................................................................................................ 32
1.3. Le Mali, terre de brassage linguistique et culturel ........................................................................... 34 1.3.1. Situation géographique et démographique ............................................................................. 34 1.3.2. Situations politiques ................................................................................................................. 36 1.3.3. Bamako, la capitale ................................................................................................................... 39 1.3.4. Situation démolinguistique du Mali : ethnies et langues ......................................................... 41
1.4. La famille africaine ........................................................................................................................... 45 1.4.1. Les différentes mutations subies par la famille africaine ......................................................... 46 1.4.2. Entre modernité et tradition .................................................................................................... 47
1.5. Le mariage ........................................................................................................................................ 48 1.5.1. Évolution des modèles matrimoniaux ...................................................................................... 49 1.5.2. Le mariage au Mali ................................................................................................................... 50 1.5.3. Mariage mixte, mariage interlinguistique ................................................................................ 51
1.6. Conclusion ........................................................................................................................................ 52
CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE .............................................................. 54 2.1. Problématique et questions de recherche ....................................................................................... 54
2.1.1. Problématique .......................................................................................................................... 54 2.1.2. Questions de recherche ............................................................................................................ 55
2.2. Hypothèses de recherche ................................................................................................................. 56 2.3. Sources de données ......................................................................................................................... 57
2.3.1. Objectifs des recensements ..................................................................................................... 58 2.3.2. Élaboration des recensements ................................................................................................. 59 2.3.3. Quelques notions...................................................................................................................... 59
2.4. Cadre d’analyse ................................................................................................................................ 64 2.4.1. Les variables à l’étude .............................................................................................................. 64 2.4.2. Avantages et limites des données ............................................................................................ 68 2.4.3. Description de notre sous-population ...................................................................................... 70 2.4.4. Méthodes d’analyse ................................................................................................................. 71
2.5. Conclusion ........................................................................................................................................ 72
vii
DEUXIÈME PARTIE : ...................................................................................................... 73
Analyse des caractéristiques des couples monogames de Bamako ................................ 73
Introduction à la deuxième partie................................................................................. 74
Chapitre 3 : Analyse descriptive .................................................................................... 75 3.1. Situation linguistique dans les ménages monogames de Bamako entre 1987 et 1998 ................... 76
3.1.1. Langues maternelles, langues parlées ...................................................................................... 76 3.1.2. Un transfert linguistique vers le bambara? .............................................................................. 78
3.2. Endogamie, exogamie linguistiques : au sein des ménages monogames de Bamako ..................... 82 3.2.1. Évolution des unions interlinguistiques à Bamako en 1987 et 1998 ........................................ 82 3.2.2. Tendances linguistiques : exogames vs endogames................................................................. 83 3.2.3. Des préférences linguistiques ou une plus grande ouverture à l’exogamie? ........................... 85 3.2.4. Provenance de la langue parlée dans le couple mixte ............................................................. 87
3.3. Les variables explicatives : Une analyse descriptive selon le genre ................................................. 88 3.3.1. L’aptitude à lire et à écrire à Bamako ....................................................................................... 88 3.3.2. Le niveau d’instruction ............................................................................................................. 90 3.3.3. L’activité principale ................................................................................................................... 93
3.4. En conclusion .................................................................................................................................... 95
CHAPITRE 4 : Analyse multivariée ................................................................................. 96 4.1. Les causes d’entrée en union mixte à Bamako : caractéristiques des ménages monogames ......... 97
4.1.1. Quelle est la part du groupe linguistique dans l’intermariage à Bamako? .............................. 97 4.1.2. Est-on plus enclin vers une union mixte selon que l’on est né à Bamako ou ailleurs? ............ 98 4.1.3. Quel est le rôle joué par l’âge des conjoints? ........................................................................... 99 4.1.4. L’exogamie est-elle liée à l’alphabétisation? .......................................................................... 100 4.1.5. Quel est l’effet du niveau d’instruction sur le fait d’être dans un ménage mixte? ................ 102 4.1.6. L’association entre l’activité exercée par le répondant et le fait d’être dans un ménage mixte .......................................................................................................................................................... 104
4.2. Une analyse des correspondances multiples ................................................................................. 105 4.3. La régression logistique .................................................................................................................. 108
4.3.1. Pourquoi une régression? ....................................................................................................... 108 4.3.2. La régression logistique .......................................................................................................... 109 4.3.3. Conception des modèles ........................................................................................................ 109
4.4. Résultats ......................................................................................................................................... 112 4.4.1. L’ensemble des individus ........................................................................................................ 112 4.4.2. Des conclusions différentes pour les hommes et les femmes? .............................................. 117
4.5. En conclusion .................................................................................................................................. 124
Conclusion générale ................................................................................................... 127
Bibliographie ............................................................................................................. 136
Annexes ......................................................................................................................... i Annexe A : Secteurs d’activité .............................................................................................................. ii Annexe B1 : Les langues maternelles et parlées à Bamako en 1987 et 1998 ...................................... iii Annexe B2 : Taux de transferts linguistiques vers le bambara selon la langue maternelle et nombre de personnes qui parlaient encore leur langue maternelle en 1987 et 1998 chez les conjoints monogames de Bamako ...................................................................................................................... iv Annexe B3 : Répartition des unions mixtes chez les conjoints monogames de Bamako en 1987 et 1998 selon la communauté linguistique et le genre (en pourcentages) .............................................. v Annexe B4 : Lieu de naissance des conjoints monogames de Bamako selon l’année de recensement, le genre et le type d’union (en pourcentages) .................................................................................... vi
viii
Annexe B5 : L’âge du répondant chez les conjoints monogames de Bamako selon l’année de recensement, le genre et le type d’union (en pourcentages) ............................................................ vii Annexe B6 : Le niveau d’instruction des conjoints monogames de Bamako selon le genre, l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ...........................................................................viii Annexe B7 : Le secteur d’activité professionnelle des conjoints monogames de Bamako selon le genre, l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ............................................... ix Annexe C1 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour tous les conjoints et conjointes en union monogame à Bamako (1987) ................................................................................................ x Annexe C2 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour les conjoints en union monogame à Bamako (1987) ............................................................................................................. xiii Annexe C3 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour les conjointes en union monogame à Bamako (1987) ............................................................................................................. xvi Annexe C4 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour tous les conjoints et conjointes en union monogame à Bamako (1998) .............................................................................................. xix Annexe C5 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour les conjoints en union monogame à Bamako (1998) ............................................................................................................ xxii Annexe C6 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour les conjointes en union monogame à Bamako (1998) ............................................................................................................ xxv
ix
Liste des tableaux
Tableau 1.1 : Le concept de diglossie selon Joshua Fishman ……………………………………………………………………… 27 Tableau 1.2 : L’évolution de la population du Mali entre 1987 et 1998 selon la région…………..…………….…….. 33 Tableau 1.3 : Les langues au Mali ……………………………………………………………………………………..…..………………….. 40 Tableau 1.4 : Les groupes linguistiques au Mali selon l’emplacement géographique …………..……….…………… 43 Tableau 2.1 : La situation matrimoniale au Mali lors des recensements ……………………………………………………. 61 Tableau 2.2 : Les liens de parenté avec le chef de ménage lors des recensements …………............................ 62 Tableau 2.3 : Les différentes situations de résidence lors des recensements ……………….…………………..………. 62 Tableau 2.4 : Le Lieu de naissance des répondants .…………………………………………………….……………………..…….. 63 Tableau 2.5 : L’alphabétisation des répondants ..………………………………………………………..……………………….…… 64 Tableau 2.6 : L’alphabétisation des répondants ……….……………………………………………….…….…………………….…. 65 Tableau 2.7 : Le niveau d’instruction des répondants .…………………………………………….…….……………………….… 66 Tableau 2.8 : Le niveau d’instruction corrigé des répondants .………………………………….………….…………………... 67 Tableau 2.9 : Sélection des membres du corpus de données …………………………………………………..…………….…. 69 Tableau 3.1 : Les langues maternelles et parlées chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement (en pourcentages) ........................................................................... 76 Tableau 3.2 : Les langues maternelles concernées par le transfert vers le bambara chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako …………………………………………………………………………………………….…………... 78 Tableau 3.3 : L’évolution des mariages monogames et mixtes à Bamako entre 1987 et 1998……..…..……….. 81 Tableau 3.4 : Les fréquences d’endogamie ou d’exogamie dans les communautés linguistiques du Mali chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement …..………..………..…. 82 Tableau 3.5 : Les conjoints qui parlent la même langue ou non dans les couples exogames et monogames de selon l’année de recensement Bamako ……………………………………………………………………………………………….. 86 Tableau 3.6 : La Provenance de la langue parlée chez les conjoints au sein des couples exogames et monogames qui parlent la même langue à Bamako …………………………………………………………………………………. 87 Tableau 3.7 : L’aptitude à lire et à écrire dans une langue chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le genre (en pourcentages ..................................................... 88 Tableau 3.8 : La branche d’activité exercée chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le genre (en pourcentages) ……………………………………………………………………………. 92 Tableau 4.1 : Le groupe linguistique chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ………………………………………………………………………………..... 96 Tableau 4.2 : Le lieu de naissance chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ……………………………………………………………………………………. 97 Tableau 4.3 : L’âge du répondant chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ……………………………………………………………………………………. 98 Tableau 4.4 : L’aptitude à lire et à écrire chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ..………………………………………………………………. 100 Tableau 4.5 : L’aptitude à lire et à écrire chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon le genre, l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ……………………………………………………… 101 Tableau 4.6 : Le niveau d’instruction des conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) …………………………………………………………………………………. 102 Tableau 4.7 : L’activité professionnelle des conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) ..……………………………………………………………………………….. 103 Tableau 4.8 : Les modalités des variables explicatives et leur catégorie de référence pour la régression logistique …………….………………………………………………………………………………………………………………………………….. 110 Tableaux 4.9 : Modèles de régression logistique pour tous les conjoints et conjointes monogames de Bamako pour 1987 ………………………………………………....................................................................................... 113 Tableaux 4.10 : Modèles de régression logistique pour tous les conjoints et conjointes monogames de Bamako pour 1998 ………………………………………………...................................................................................... 114 Tableaux 4.11 : Modèles de régression logistique pour les conjoints en union monogame à Bamako pour 1987……………………………………………………………………………………………………………………………………………….. …..… 118
x
Tableaux 4.12 : Modèles de régression logistique pour les conjoints en union monogame à Bamako pour 1998 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………..… 119 Tableaux 4.13 : Modèles de régression logistique pour les conjointes en union monogame à Bamako pour 1987 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………....…. 121 Tableaux 4.14 : Modèles de régression logistique pour les conjointes en union monogame à Bamako pour 1987 …………………………………………………………………………………………………………………………………………………....…. 122
xi
Liste des Figures et cartes
Figures
Figure 3.1: L’évolution des unions mixtes chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement, la communauté linguistique et le genre …………………………………………………………… 85 Figure 3.2 : Le niveau d’instruction chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le genre (en pourcentages) ..……………………………………………………………………………………... 91 Figure 4.1 : Analyse des correspondances multiples, 1987 ………………………………………………………………………. 105 Figure 4.2 : Analyse des correspondances multiples, 1998 ………………………………………………………………………. 106
Cartes
Carte détaillée du Mali et de ses régions et district ………………………………………………………………………………….. 32
12
Introduction
Nous sommes constamment en contact avec les langues. Il est d’autant plus difficile de
passer outre leur importance que leur histoire constitue le versant linguistique de l’histoire
des sociétés (Calvet, 2005). Leur utilisation fait partie de la vie, mais ne se fait pas sans
heurts. La langue ne se définit pas seulement comme un instrument de communication. Son
utilisation ne se résume pas à un rapport neutre entre la langue et son locuteur (Calvet,
2009). Nous adoptons des comportements vis-à-vis de notre langue, mais aussi par rapport
aux autres langues et leurs locuteurs. Nous les jugeons tout comme ils nous jugent : ce sont
des attitudes et représentations linguistiques qui traduisent notre position envers tel ou tel
autre groupe linguistique.
Tout est mis en place dans la société afin de nous inculquer une langue, sa pratique et sa
maitrise. Nos habitudes, le plus souvent fondées sur les règles de la communauté, nous
dictent notre conduite, une certaine façon de faire, de parler, de s’exprimer, etc. Une fois
ces usages intégrés, nous sommes alors en possession d’un capital linguistique qui nous
permettra de nous faire écouter et de nous imposer aux autres. Toutefois, nous nous
heurtons à l’organisation du marché linguistique. Cet ordre bien établi nous dit comment
parler et comment nous comporter dans certaines situations, tout manquement étant
susceptible d’être sanctionné. L’usage d’une langue n’est donc pas aussi simple et innocent
qu’on pourrait le penser, tout comme son choix doit être bien raisonné. Nos interactions
entre locuteurs sont caractérisées par des échanges linguistiques qui sont des rapports de
communication, mais aussi sociaux et de pouvoir (Bourdieu, 1982).
En raison du multilinguisme de ce monde, nous évoluons dans une sphère que nous
pourrions qualifier d’une foire aux langues. Dans cet environnement, chaque langue a une
valeur qui lui a été attribuée selon sa cote sur le marché linguistique. Ce processus
déterminera l’évaluation de ce que Bourdieu (1982) appelle la compétence linguistique. La
langue peut alors perdre de sa valeur lorsqu’elle est sortie de son marché, car ce dernier est
lié au statut social de l’individu. Cependant, certains conservateurs n’adhèrent pas à cette
idée, suite à ce qui s’est passé dans les anciennes colonies où les langues importées
13
occupent une place de maître en prenant de la valeur dès l’entrée à l’école. Cette dernière
contribue à la mise en place et à l’imposition d’une seule langue légitime en apportant sa
contribution à la reconnaissance universelle de la langue dominante (Bourdieu, 1982). Or,
c’est l’école qui produit les futurs usagers ou détracteurs de cette langue.
Les représentations que nous nous faisons nous poussent le plus souvent à penser que les
situations de multilinguisme sont le lot réservé aux pays du tiers-monde ou en voie de
développement. Bien vrai que les termes ethnies ou tribus leur sont fréquemment réservés,
la multiplicité et les chocs linguistiques sont présents un peu partout dans le monde.
Cependant, les politiques mises en place afin de gérer ces situations ainsi que les
interventions étatiques, lorsqu’elles ont lieu, diffèrent d’un pays à un autre.
Le choix et l’usage d’une langue découlent de rapports de force souvent implicites entre des
interlocuteurs de langues différentes. Lorsqu’un contexte se présente et demande
l’utilisation d’une seule langue (comme dans un cas de bilinguisme), cette préférence
déterminera notre message et notre position par rapport à la langue de l’environnement ou
la langue dominante (Calvet, 2005). Dans les pays avec plusieurs langues locales se mène
une véritable guerre des langues sous-jacente à une lutte pour le pouvoir. Nous voyons
donc se profiler la langue de la capitale ou celle du groupe linguistique dominant. Ce
dernier tentera d’imposer sa langue comme unique et exclusive aux autres par le biais de
ses locuteurs qui tenteront à leur tour d’imposer leur culture aux autres. Cette situation
trouvera son apogée lorsque le pays a connu une colonisation. Dans un cas pareil, le
problème linguistique se pose souvent après l’indépendance et la constitution d’un État ou
alors suite à une résistance face au pouvoir étranger (Calvet, 2005).
Les enjeux liés au choix de la langue sont importants. La langue maternelle peut être
définie comme la première langue d’intégration durant l’enfance tout comme elle peut être
interprétée comme celle héritée de la mère comme son nom l’indique, mais aussi, et
pourquoi pas, du père. Elle peut aussi être vue comme la langue de la mère patrie ou celle
de ses ancêtres même si on n’en est pas un locuteur. Cela relève donc, entre autres, du
14
contexte et du sentiment d’appartenance. À titre d’exemple, en Chine, l’idée de la patrie ne
fait référence ni à la mère ni au père, mais aux ancêtres (Calvet, 2005). La famille est le
microcosme de la nation, car la langue maternelle et celle de la nation ne feraient qu’une
(Calvet, 2005). Ainsi, on passe insensiblement de la notion de langue maternelle à celle de
langue nationale.
Outre les groupes de locuteurs, la cellule familiale est un autre lieu d’interactions
linguistiques, car est un excellent lieu de transmission de la langue d’un conjoint à un autre,
d’un parent (ou des parents) à l’enfant. Nous pouvons dès lors nous demander si le couple
bilingue n’est pas le premier lieu de conflit linguistique. Il existe un rapport étroit entre la
famille et la société influençant du même coup l’organisation et le fonctionnement des
couples. Ainsi, la langue parlée dans les couples mixtes est le plus souvent celle qui domine
hors du foyer : c’est le cas du bambara sur une grande partie du territoire malien (Calvet,
2005). Ce risque est d’autant plus grand que le couple mixte évolue dans une zone urbaine
lorsqu’on sait que la ville est le théâtre d’un sérieux brassage linguistique. Cette
conjoncture introduit immédiatement la compétition linguistique qui aura assurément lieu
au sein du couple. Effectivement, il s’installera une rivalité entre les deux langues
présentes. Le processus d’assimilation qui s’en suit constitue aussi une menace pour le
plurilinguisme et les langues minoritaires. Qui donc de l’effet du pouvoir symbolique lié
au choix et à l’usage d’une langue ou de l’effet du genre dans le couple sera le plus
déterminant dans les dynamiques linguistiques des couples exogames de Bamako en
1987 et en 1998?
Cette étude trouve son cadre dans la ville de Bamako qui connait une forte urbanisation et
d’incessants contacts entre les différents groupes linguistiques. Notre objectif de recherche
sera de nous placer dans le contexte de la capitale malienne au sein des couples bamakois
monogames et interlinguistiques et de dégager les principaux facteurs qui déterminent leur
choix et leur usage d’une langue. Les problèmes qui seront posés dans cette étude
correspondront d’une part, à une volonté de mieux comprendre les principaux transferts
linguistiques qui ont cours au Mali et à Bamako en particulier ainsi que les paris qui leur
sont liés, et d’autre part, à celle de vouloir cerner les déterminants du mariage mixte.
15
De là, nous proposons une recherche en deux parties. La première portera en premier lieu
sur les différents axiomes théoriques et conceptuels sur lesquels est fondée cette étude.
Dans un deuxième temps sera présentée notre méthodologie d’analyse. La deuxième partie
de ce travail englobera deux volets d’analyses, l'un descriptif et l'autre multivarié, tous deux
reposant sur l’exploitation des données de recensements généraux de la population et de
l’habitat conduits au Mali en 1987 et en 1998.
16
PREMIÈRE PARTIE : APPROCHE THÉORIQUE ET
MÉTHODOLOGIQUE
17
Introduction à la première partie
Cette partie renferme les éléments théoriques et méthodologiques sur lesquels se fonde
notre étude. Elle est composée de deux chapitres. Dans le premier chapitre, nous tenterons
de jeter un regard sur les procédures qui mène au choix et à l’usage d’une langue dans un
contexte de plurilinguisme. Dans cette perspective, la chercheure aura à s’intéresser au
contexte africain, plus spécifiquement, le contexte malien pour y analyser la situation
linguistique, les modèles familiaux et matrimoniaux et leur évolution.
Le deuxième chapitre sera axé sur la méthodologie qui sous-tend la présente recherche. Il
sera pour nous l’occasion d’aborder la problématique, les hypothèses de travail, leurs
concepts-clés et les instruments mis en œuvre pour leur vérification.
18
CHAPITRE 1 : Situation sociolinguistique, modèles familiaux et
matrimoniaux
1.1. Rapports sociaux et de pouvoir liés à la langue
1.1.1. Les usages de la langue : nous sommes tous confrontés aux
langues
Où que nous soyons, quoi que nous fassions et peu importe notre langue « maternelle »,
nous en rencontrons d’autres que nous serons appelées à adopter ou non. Mais à quoi sert
une langue? À communiquer! En effet, qu’elle soit écrite ou parlée, la fonction utilitaire
que tout le monde lui connaît est celle d’un moyen de communication et d’échanges.
D’ailleurs, dans son cours de linguistique générale, Saussure en donne la définition
suivante : « la langue, c’est à la fois un produit social de la faculté de langage et un
ensemble de conventions nécessaires adoptées par le corps social pour permettre l’exercice
de cette faculté chez les individus » (Saussure, 1979 : 25).
Saussure (1979) distingue la langue, qu'il considère comme un système de signes et le
langage, qui regroupe la langue et la parole (avec ses aspects physiologiques et
acoustiques). Un signe est le doublet constitué par un concept et une image acoustique qui
lui est associée (Saussure dit aussi un « signifié » et un « signifiant »). Les concepts ne
deviennent des entités linguistiques que par leur association avec une image sonore : celle-
ci ne fait pas que transcrire un concept préexistant, elle est nécessaire à son existence. Le
signifiant n'existe qu'une fois associé au signifié et vice versa.
La langue est tout ceci. Aussi, elle est le reflet de l’identité d’un groupe humain, le produit
de sa culture, la mémoire d’une société donnée. Une langue est apprise en société, dans la
vie de tous les jours, en la pratiquant ou encore à l’école où elle est alors enseignée comme
objet d’analyse. Elle est propre à une culture ou une nation, avec une grammaire, une
syntaxe et un vocabulaire spécifiques. Cependant, sa maîtrise procure à l’individu une
aisance non négligeable lui permettant de savoir s’exprimer dans toutes les situations, mais
aussi le pouvoir de se faire écouter et, pourquoi pas, se faire obéir par l’autre. Dès lors, on
observe des rapports de force inhérents aux usages de la langue.
19
1.1.2. Les rapports de force symbolique liés à la langue
La langue est faite pour être parlée, mais face à elle, notre comportement traduit
l’importance qu’elle peut avoir. En effet, acquérir la connaissance et la maitrise d’une
langue donne un pouvoir à l’individu si le choix de la langue a été bien pensé. Oui, car
parler une langue « forte » rend fort tandis que l’usage d’une langue « faible » voire
dominée, rendra l’individu « dominé ». Nous verrons dans les sous-thèmes suivants la
théorie de Bourdieu qui voit les rapports de communication comme des rapports de pouvoir
symbolique et les échanges symboliques dépendant de nos habitus linguistiques et des
structures du marché linguistique. Cette vision s’oppose cependant à celle de Saussure qui
remet en question la théorie de conflit entre les langues comme nous le verrons par la suite.
Tous ces points de vue nous pousseront à nous pencher sur le sens de la domination
symbolique et nous demander ce qu’est exactement la langue légitime et comment on en
arrive à imposer une langue « importée » en tant qur langue officielle, comme cela a été le
cas dans les anciennes colonies et particulièrement en Afrique noire. Nous verrons aussi
l’importance du rôle que peut jouer l’école dans l’instauration d’une langue légitime,
contribuant à donner à celle-ci le statut d’une langue de pouvoir.
o L’économie des échanges linguistiques?
Le choix d’une langue plutôt qu’une autre traduit l’existence de certains rapports explicites
ou implicites entre les individus. Ces transferts linguistiques qui sont des rapports sociaux
et des rapports de domination sont des interactions symboliques c’est-à-dire des rapports de
communication faisant intervenir connaissance et reconnaissance mutuelles. Cependant, les
échanges linguistiques, qui sont par excellence des rapports de communication, sont aussi
des rapports de pouvoir symbolique dans lesquels des rapports de force s’ajustent
continuellement entre les locuteurs ou leurs groupes respectifs : c’est l’élaboration d’une
économie des échanges symboliques (Bourdieu, 1982).
Nos habitudes fondées en partie sur la vie en société nous dictent une certaine façon de
faire, de parler, de s’exprimer, etc. Mais nous nous heurtons aux structures du marché
20
linguistique qui s’imposent comme système de sanctions et de censures spécifiques.
L’action en général, l’acte de parole en particulier, relève d’une circonstance, d’une
rencontre de séries causales indépendantes. La théorie bourdieusienne sur le langage et son
choix reposent donc sur deux principes importants : les habitus linguistiques et les
structures du marché linguistique (Bourdieu, 1982). Selon Bourdieu (1982), le discours
n’acquiert une signification complète qu’en relation avec un marché. La valeur et le
contenu du langage sont donc fonction de ce marché et sont le reflet des modes
d’interprétation de l’émetteur et du récepteur. Effectivement, d’un côté l’émetteur
s’approprie la langue commune tel un style et, d’un autre côté, le récepteur joue un rôle
dans la production du message, dans sa perception et son appréciation en y important tout
ce qui fait son expérience personnelle et collective. Ce n’est donc plus « la langue » qui
circule sur le marché linguistique, mais des discours caractérisés par leur style. Ces
discours, lorsqu’ils sont réussis, ont pour but de réveiller des expériences différentes selon
les individus comme c’est le cas avec la poésie qui souvent suscite ou transmet des
émotions. En effet, parler requiert alors un rapport d’échange dans lequel les locuteurs
participent au marché en impliquant leur capital linguistique, matériel et symbolique de
même que leurs positions hiérarchiques. La langue serait donc un bien public par la
participation de chaque membre de la communauté linguistique et leur appropriation
symbolique.
Cette conception de l’usage de la langue se différencie de celle de Saussure (cité par
Bourdieu, 1982 : 26) qui la qualifie de trésor universel et affirme que « ce n’est pas
l’espace qui définit la langue, mais la langue qui définit son espace. Ni les dialectes, ni les
langues ne connaissent de limites naturelles ». Donc, le choix et l’usage de la langue ne
seraient plus dominés par les habitus et le marché linguistique comme l’avait avancé
Bourdieu. D’après Saussure (cité par Bourdieu, 1982), l’espace linguistique se caractérise
par le commerce des locuteurs ce qui remet en question la théorie du conflit des langues.
Les langues elles-mêmes ne sont pas des acteurs politiques, ce sont les groupes sociaux qui
le sont (Lafontant, 1996). Tandis que Saussure parle de langue-système, Bourdieu propose
de remplacer ce terme par des « styles ». Selon Bourdieu (1982), le système des usages de
la langue n’est pas accessible de façon égale pour tous les individus et ne peut pas non plus
21
être partagé par tous les membres de la communauté linguistique. De plus, chaque classe
sociale a son style et tous les styles sont évalués selon celui des dominants qui est alors la
« norme », la langue légitime. La pertinence des différences linguistiques entre les styles
vient du fait qu’elles retraduisent un système de différences sociales. C’est ainsi que le style
des dominants devient un instrument de pouvoir, non parce qu’il est plus perfectionné du
point de vue de l’utilisation des structures linguistiques, mais parce qu’il appartient aux
dominants et qu’il est différent de celui des dominés. Il s'agit alors d'une conception de la
langue où la valeur sociale (acceptabilité sociale) prend la première place au détriment de la
valeur linguistique qui est ainsi reléguée au niveau secondaire (Uhlik, 2008). L’usage de la
langue est alors un outil d’action et de pouvoir et la théorie des rapports sociaux de
Bourdieu a pour conséquence l’observation de confrontations. La communication entre
classes ou ethnies constitue toujours une situation critique pour la langue utilisée. Elle tend
à provoquer un retour au sens le plus ouvertement chargé de connotations sociales. Cela
donne naissance à plus de mots innocents (Bourdieu, 1982). Chaque phrase est susceptible
de prendre deux sens antagonistes selon la manière dont le producteur ou le locuteur auront
à le prendre. Et l’unification du marché linguistique pourrait avoir entrainé de plus en plus
de significations pour les mêmes signes ou le même discours. C’est donc l’état des rapports
de force qui organise la légitimité des usages de la langue.
o Langue officielle/légitime et pouvoir
Contrairement au cas des « dialectes », toutes les conditions nécessaires à la codification et
à l’imposition de la langue officielle ont été réunies. La langue officielle est ainsi plus ou
moins reconnue et connue avec l’assise d’une certaine autorité politique et contribue à
renforcer l’autorité qui fonde sa domination. Elle assure un minimum de communication
entre les membres de la communauté linguistique, ce qui est la condition de la production
économique et même de la domination symbolique (Bourdieu, 1982).
La langue officielle, dans sa genèse et ses usages sociaux, est liée à l’État. Les conditions
de la constitution d’un marché linguistique unifié et dominé par la langue officielle se
créent lors du processus d’élaboration de l’État. Cette langue d’État devient alors
obligatoire dans les occasions et les espaces officiels (écoles, administration, etc.) et est la
22
norme théorique à laquelle sont mesurées toutes les autres pratiques linguistiques.
L’unification du marché linguistique contribue à l’imposition d’un seul mode d’expression
(une langue, un usage, etc.) parmi d’autres comme le seul qui soit légitime. Ajoutons à cela
l’évaluation des différents dialectes de classes, de régions ou d’ethnies par rapport à la
langue ou à l’usage légitime. Quant aux rapports de domination linguistique, ils s’instaurent
par l’intégration de la langue dominante dans une même communauté linguistique qui est
elle-même un produit de la domination politique (Bourdieu, 1982).
Mais la politique d’unification linguistique n’a pas pour seul but l’intégration linguistique à
des fins de communication entre les différentes parties d’un territoire. Car l’imposition de
la langue légitime contre les patois et les idiomes fait partie des stratégies politiques
destinées à assurer la continuation de l’emprise d’un groupe souvent minoritaire sur une
partie de la population. Lorsque la langue officielle connait une promotion au statut de
langue nationale, ceci donne le pouvoir aux membres du groupe qui a l’usage de cette
langue. Il s’installe une situation de bilinguisme, car les membres des classes populaires ont
le parler local tandis que ceux de l’aristocratie, mais aussi la bourgeoisie du commerce, des
affaires et la petite bourgeoisie instruite ont, en plus du dialecte, l’accès à l’usage de la
langue officielle ou nationale. En instaurant une langue au rang de langue nationale et donc
officielle, on réforme la langue en la débarrassant des usages liés à l’ancienne société et
l’imposer ainsi, c’est imposer une pensée elle-même « purifiée », selon l’expression de
Bourdieu (1982). Le pouvoir symbolique a pour enjeu la formation et la reformation des
structures mentales. Il ne s’agit pas seulement de savoir communiquer, mais de faire
reconnaître un nouveau discours d’autorité avec un nouveau vocabulaire.
Dans le cas du bilinguisme, une langue parmi d’autres est choisie. Dans une société divisée
en classes, c’est un usage de la langue qui est alors imposé et ceci est possible à condition
que le marché linguistique soit unifié et que les différents dialectes de classes ou de régions
soient pratiquement mesurés à la langue « légitime ». Nous avons vu que le pouvoir nous
vient lorsque nous avons les moyens d’imposer notre langue (celle-ci est reconnue
universellement et elle fonctionne telle une norme) comme légitime. Nous détenons alors
le pouvoir d’exercer la domination des groupes à travers la normalisation de la langue. Ces
23
groupes ont alors le moyen d’imposer leur langue comme légitime : ils ont le monopole des
moyens de se l’approprier (la langue). Ce faisant, toutes les pratiques linguistiques sont
mesurées aux pratiques légitimes, celles des « dominants ». Et donc, lorsque comparés à
cette norme, les autres usages de la langue ainsi que les autres langues locales sont réduits
au statut de jargons, patois, dialectes… (Bourdieu, 1982).
Mais au cours de tout ce processus pour l’imposition d’une langue, le système scolaire joue
un rôle déterminant, ne serait-ce que par l’action du maître d’école qui, par le biais de sa
fonction, agit quotidiennement sur la faculté d’expression de toute idée et de toute émotion
sur le langage.
o L’importance du rôle de l’enseignement
L’école serait perçue comme le principal moyen d’accès à des postes hauts placés
(Bourdieu, 1982). C’est la raison pour laquelle la place que le système d’enseignement
accorde aux différentes langues ou aux différents contenus culturels constitue un enjeu
aussi important. Le maître d’école, maître à penser, joue un rôle très significatif dans la
normalisation de la langue et son officialisation de même que l’école est un instrument
d’intégration intellectuelle et morale. Cet impact de l’école est transposé dans le foyer de
l’enfant lorsque ses parents décident de l’obliger à parler dans la langue officielle ou de
s’exprimer devant lui dans cette langue, et ce, dans l’espoir d’accroître sa valeur sur le
marché scolaire. Dans les sociétés où l’industrialisation est faible, l’administration est très
recherchée et l’école devient le moyen le plus sûr d’y accéder. Mais plus que cela, l’usage
et la maîtrise de la langue légitime deviennent obligatoires et constituent une valeur ajoutée
au capital de l’individu pour pouvoir envisager d’accéder à des postes bien placés. Nous
verrons plus loin le véritable enjeu de la place de la langue légitime dans les anciennes
colonies.
Cependant, il existe un écart entre la capacité de parler et celle de produire un discours
acceptable, ce qui jette un autre regard sur la compétence légitime et la compétence
suffisante.
24
o Compétence linguistique, capital linguistique et rapports de force
symbolique
La compétence scolaire est acquise à l’école et pourrait être qualifiée d’académique. Un
autre type de compétence est celle prise sur le terrain grâce à de la pratique : il s’agit de la
maîtrise pratique. Bourdieu (1982) nous fait savoir que la maîtrise pratique de la grammaire
n’est rien sans la maîtrise des conditions d’utilisation adéquate des possibilités infinies,
offertes par la grammaire. En effet, il ne s’agit pas seulement d’être capable d’aligner des
phrases grammaticalement cohérentes, mais de savoir quoi dire et comment le dire, et ce,
quelle que soit la situation dans laquelle se trouve l’individu.
La compétence est aussi la capacité de se faire écouter et obéir. Les rapports de force
symbolique (rapports de pouvoir) entre deux locuteurs ou groupes de locuteurs déterminent
le plus autoritaire des deux groupes, donc le mieux positionné afin d’imposer sa langue.
Dès lors, on devient compétent en imposant sa langue comme légitime, comme langue
d’autorité, car la compétence implique le pouvoir d’imposer la réception chez son
interlocuteur : l’un se fait écouter (pouvoir, autorité) et l’autre écoute et conséquemment,
« croit » l’autre. C’est le rapport de force symbolique. Néanmoins, la compétence légitime
dominante ne sera considérée comme un capital linguistique que lorsque les conditions
suivantes sont réunies :
- l’unification du marché linguistique;
- le fait que les chances d’accès aux outils de production de la compétence légitime et
aux lieux d’expression légitimes soient inégales.
Ces conditions remplies, les groupes qui détiennent ce capital linguistique peuvent
l’imposer comme seule langue légitime sur les marchés officiels (marchés mondain,
scolaire, politique, administratif) et dans la plupart des interactions linguistiques (dialogues,
débats, entretiens d’embauche…) où ils se trouvent engagés. Cette langue va avoir plus de
facilité à s’imposer comme légitime d’autant plus qu’elle est rare ce qui lui confère de la
valeur.
De nombreuses enquêtes ont déjà montré que les caractéristiques linguistiques influencent
très fortement les chances d’embauche et la réussite professionnelle, la réussite scolaire,
25
l’attitude des médecins à l’égard des malades et plus généralement les dispositions des
récepteurs à coopérer avec l’émetteur, à l’aider ou à accorder crédit aux informations qu’il
fournit. C’est l’impact de la maîtrise ou non de la langue légitime dans quasiment toutes les
relations sociales.
Mais même si les linguistes ont raison de prétendre que toutes les langues se valent
linguistiquement, ils auraient tort de dire qu’elles se valent socialement. Une langue vaut ce
que valent ceux qui la parlent. Mais surtout, l’usage de la langue légitime est réservé aux
locuteurs conscients de sa valeur et de la « chance » qu’ils ont de pouvoir la parler et la
maîtriser du fait qu’elle n’est pas accessible à tous. Donc, la prise de conscience de son
statut et de ses avantages sociaux compte.
o La domination symbolique
La domination symbolique est pratiquée par la violence symbolique qui est un être invisible
et la violence inaperçue qui fonctionne dans une relation dialectique, car elle requiert la
participation de la cause. La violence symbolique tient du pouvoir d’imposer des
significations et à les imposer comme légitimes tout en dissimulant des rapports de force
qui sont au fondement de sa force (Bourdieu, 1972). Ainsi, toute domination symbolique
suppose une sorte d’accord implicite de la part de ceux qui la subissent sans que cela soit de
la soumission passive à une contrainte exercée de l’extérieur ou un simple endoctrinement.
Le propre de la domination symbolique réside justement dans le fait qu’elle suppose un
comportement qui brave le choix de la liberté ou de la contrainte de la part de celui qui la
subit.
Deux tendances se dégagent alors. Selon Bourdieu (1982), la langue est un instrument
d’action et de pouvoir et les rapports de force qui s’installent entre les locuteurs ou leurs
groupes respectifs créent systématiquement des conflits. L’imposition d’une langue
officielle se prépare aussi durant le processus de constitution de l’État d’où la notion de la
langue d’État. Nous serions alors tentés d’en déduire que la norme linguistique a été
imposée aux groupes et aux régions dont les langues différaient de celles des groupes
dominants à l’intérieur des frontières nationales tandis que de l’autre côté de ces frontières
26
se trouvaient d’autres États-Nations. Ce ne serait donc pas le côtoiement des langues c’est-
à-dire des enjeux linguistiques qui seraient une source de conflits, mais plutôt les luttes de
certains groupes quant à leur souveraineté (enjeux politiques). Pour qu’une langue puisse
s’imposer comme légitime, elle doit avoir de la valeur c’est-à-dire qu’elle doit être rare et
d’accès inégal pour les différentes couches de la société. À cela s’ajoute un univers divisé
en classes selon une forme de discours universellement reconnue comme légitime (la
norme). Toutes les pratiques linguistiques sont mesurées aux pratiques légitimes, celles des
dominants. Lorsque les autres usages de la langue et les autres langues locales sont
comparées à la norme, elles sont reléguées au rang de patois, jargons, dialectes… Tout se
rapporte à la structure sociale et à la structure du marché linguistique. On ne peut sauver la
compétence sans sauver le marché c’est-à-dire l’ensemble des conditions sociales de
production et de reproduction des producteurs et des consommateurs. Le marché
linguistique serait-il lié au statut social de l’individu? Contrairement aux conservateurs,
certains pensent que la langue perd un peu de sa valeur lorsqu’on la sort de son contexte, de
son marché. C’est ce que nous tenterons d’étudier dans le cas des pays anciennement
colonisés. Or, au niveau linguistique, Saussure (1973) montre que les frontières
administratives et politiques ne recoupent pas nécessairement les « lignes isoglosses » ou
« ondes d’innovation ». En d’autres termes, l’espace linguistique est caractérisé par le
commerce des locuteurs ce qui remet en question la proposition selon laquelle les langues
elles-mêmes seraient en conflit (Lafontant, 1996).
Dans une société où plusieurs langues se côtoient, nécessairement une langue sera
propulsée sur l’avant-scène afin qu’elle occupe la place de la langue légitime. Mais le
processus peut-il être possible sur le plan mondial? C’est ce que nous allons tenter de
déterminer avec l’exemple de l’anglais, langue qualifiée d’internationale.
o Et la part de la mondialisation?
Nous parlons ici de la mondialisation de la culture. Cette expression désigne la circulation
des produits culturels à travers le monde et elle suscite des réactions contrastées. Les uns
voient en la mondialisation la cause d’une perte inévitable d’identité dont ils se désolent,
27
tandis que d’autres luttent pour leurs originalités, dès fois malheureusement jusqu’à user de
la violence.
Tout en se distinguant l’une de l’autre, culture et langue entretiennent pourtant d’étroites
relations. Dans une situation de bilinguisme, il est facile de se rendre compte que les
notions d’interprétation sont parfois différentes d’une langue à une autre, les équivalences
entre langues parfois inexistantes. Ceci concerne la culture puisque l’intégration d’une
culture passe par celle de sa langue (Warnier, 1999). Avec l’arrivée des nouvelles industries
et technologies de l’information et de la communication (NTIC), les échanges se
multiplient à l’échelle mondiale et les barrières tombent là où les langues étaient autrefois
compartimentées et en constante compétition les unes avec les autres. Le nombre de
locuteurs qui maîtrisent deux langues ou plus ne baisse pas, bien au contraire. Cependant,
au même moment, certaines communautés linguistiques perdent des locuteurs au profit
d’autres langues ayant une plus grande diffusion facilitant les échanges interculturelles, des
langues telles que l’espagnol, certaines langues en Afrique et bien sûr l’anglais.
o L’anglais : une évolution lente, mais sûre
L’anglais, originaire de l’Angleterre, est l’une des langues les plus parlées dans le monde.
Le nombre de ses locuteurs en tant que langue maternelle s’élève à environ 325 millions
d’individus1. La langue anglaise est présente dans beaucoup de pays et est la seconde
langue la plus apprise et étudiée dans le monde : pour beaucoup, elle est l’actuelle langue
internationale. Prédominant dans de nombreux domaines tels que la recherche scientifique,
la communication, l’informatique, le commerce, etc., l’anglais est passé du statut de langue
internationale à celui de langue mondiale et dominante. Lentement mais surement, cette
langue a pris les devants dans presque tous les milieux y compris dans les expressions de la
vie courante.
L’anglais est considéré comme un instrument de domination et ceux qui ne la parlent pas
sont stigmatisés comme non locuteurs. Sa force vient de son statut de langue mondiale, de
1Source : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/Langues/2vital_inter_anglais.htm (dernière consultation le 02 mai
2011).
28
langue dominante, mais aussi de langue seconde privilégiée, de la croissante importance de
la communauté des locuteurs non-natifs, de son passé de langue coloniale, de son
association avec des politiques impériales voire impérialistes ce qui confèrent à l’espace
anglophone un statut particulier. Cependant, même en pays anglophone, l’anglais est en
cohabitation avec d’autres langues comme l’espagnol en Californie : c’est une situation de
diglossie. Mais l’anglais en tant que langue mondiale dominante serait dans un rapport de
domination avec elle-même. En effet, lorsque la norme d’une langue est décidée par ses
locuteurs non-natifs, elle a tendance à s’écarter de la langue standard. Dans le cas de
l’anglais, les locuteurs natifs le perçoivent comme dévalorisé et ils se sentent dépossédés et
en situation de minorité. Pendant ce temps, les locuteurs non-natifs se créent peu à peu un
« anglais pour les non-anglais ». De plus, il existe différentes variétés de l’anglais
(britannique, américain, australien, etc., mais sans qu’elles aient le même statut). Chaque
variété est une menace de redéfinition envers l’anglais et chaque communauté s’approprie
son « anglais » ce qui pourrait conduire à une déstructuration et une fragmentation de la
langue (Ballier, 2008).
La langue anglaise est très présente partout dans le monde en raison de son passé colonial
d’une part comme langue véhiculaire et d’autre part comme langue officielle au
désavantage des langues locales jugées comme dominées. En Afrique anglophone, l’anglais
est le plus souvent la langue officielle au détriment des langues locales.
o Dans les anciennes colonies
Pierre Bourdieu (1982) nous montre que la légitimité des productions des langues dépend
d’un marché linguistique dominé par la couche cultivée de la société qui détient le capital
symbolique qu'est la culture. Le style linguistique du groupe dominant s'impose comme
marque de prestige et joue un rôle dans l'évaluation que les dominés se font de leur façon
de parler. C’est ainsi que les colonisateurs s'efforçaient d'imposer aux colonisés une
évaluation dépréciative des langues régionales et ces derniers en arrivaient parfois à
mépriser leur propre langue.
29
La langue a un avenir lorsque sa valeur et son utilité ont un avenir pour le marché ou la
population concernée. Son avenir dépend aussi grandement de celui des instruments de
reproduction du capital linguistique, entre autres le système scolaire. Effectivement, l’école
occupe une place importante et est un enjeu très important parce que c’est le principal
producteur et c’est de là d’où sortent massivement producteurs et consommateurs
(émetteurs et récepteurs). Donc, les langues importées dans ces pays anciennement
colonisés (comme l’arabe, le français ou même l’anglais) survivent ou prennent de
l’importance selon la place qui leur est attribuée à l’école qui produit les futurs utilisateurs
ou non de ces langues, mais aussi dans les institutions officielles telles que l’administration,
les cérémonies officielles, etc.
Nous verrons plus loin que dans ces pays, nous avons une situation un peu complexe dans
la mesure où la langue du colonisateur (anglais, français, portugais, etc.) qui est pourtant
une langue étrangère est tout de même élevée au rang de langue officielle. De ce fait, son
usage et sa maîtrise procurent à l’individu un statut de privilégié. Cette langue cohabite
avec les langues locales dont la maitrise donne plus ou moins de pouvoir selon les pays.
Cependant, les interactions sociales débordent les frontières. Nous sommes dans un
système monde qui porte la marque du plurilinguisme2.
1.2. Un monde plurilingue
Les besoins de communication d’un groupe donné sont en étroites relations avec les
moyens de communication qu’il se donne et dont il dispose. À chaque fois que se posent
des problèmes de communication suite à la présence de deux ou plusieurs langues dans une
communauté, les membres de cette communauté trouveront le moyen de gérer cette
différence linguistique dans leurs rapports. Cependant, le choix d’une langue plutôt qu’une
autre révèlera les rapports de force entre les groupes humains, ce qui n’empêchera pas la
communication de s’établir. En effet, les langues ne sont pas complexes et il serait faux de
prétendre que les langues dites primitives se sont peu à peu raffinées au fur et à mesure que
2Dans ce travail, les termes de bi-, multi- ou plurilinguisme seront utilisés de façon plus ou moins équivalente
avec l’idée que le plus important est la présence de plus d’une langue, peu importe le nombre exact, que ce
soit deux ou plus.
30
les cultures évoluaient (Calvet, 2005). Même si la langue tend à se simplifier (moins de
déclinaisons et d’irrégularités par exemple), les langues « antérieures » se sont plutôt
codifiées à partir de communication embryonnaire. Toujours est-il que nous sommes tous
confrontés aux langues et que le monde est plurilingue. Dans la mythologie chrétienne, ce
plurilinguisme était vu comme une punition, mais qu’en est-il réellement?
1.2.1. Bilinguisme et diglossie
Le bilinguisme est la capacité de l’individu à utiliser plusieurs langues et relève de la
psycholinguistique tandis que la diglossie est l’utilisation de plusieurs langues dans une
même société et s’inscrit dans le cadre de la sociolinguistique (Calvet, 2005). Malgré son
étymologie, la diglossie peut mettre en présence plus de deux langues. Selon Calvet (2005),
ce terme vient du grec et signifie bilinguisme, apparaissant pour la première fois dans la
littérature en 1959 grâce à l’américain Charles Fergusson. Ce dernier fait la distinction
entre une diglossie « haute » et une diglossie « faible » (Calvet, 2005). Si nous regardons en
Haïti, le français est utilisé à l’école, dans les discours politiques, etc. tandis que le créole
est utilisé dans la vie quotidienne. Cependant, c’est en 1967 que Joshua Fishman modifie le
concept de diglossie de Ferguson qu’il illustre dans le tableau suivant repris par Calvet
(2005 : 46).
Tableau 1.1 : Concept de diglossie selon Joshua Fishman
Bil
inguis
me
-
+
Diglossie
+ -
1. Diglossie et bilinguisme 2. Bilinguisme sans diglossie
3. Diglossie sans bilinguisme 4. Ni diglossie ni bilinguisme
- Le premier cas reprend l’exemple du Paraguay où tout le monde parle espagnol et
guarani. L’espagnol est la forme « haute » et le guarani la forme « basse ».
- Le second illustre certaines situations instables comme en Belgique avec les
germanophones et où le français est petit à petit en train de prendre la place de
31
l’allemand. Dans ces cas-là, il y a beaucoup d’individus bilingues, mais pas de
bilinguisme social.
- Le troisième reprend le cas de la Russie tsariste lorsque les nobles ne parlaient que
le français et le peuple le russe.
- Le quatrième cas est beaucoup plus rare que les précédents : il s’agit d’une
communauté où ne circule qu’une seule variété linguistique.
Mais il existerait d’autres types de diglossies en particulier celles que Jean-Louis Calvet
qualifie de diglossies enchâssées ou imbriquées (2005), situation que l’on retrouve très
souvent dans les anciennes colonies. Ces cas se traduisent d’abord par une diglossie entre la
langue héritée du colonisateur, qualifiée aussi de langue officielle et la langue nationale
(qui n’est pas forcément la langue maternelle de tout le peuple) et les autres langues locales.
La langue nationale est celle reconnue officiellement par l’État comme telle et est souvent
la langue locale la plus parlée sur le territoire. C’est le cas dans plusieurs pays tels que :
La Tanzanie : anglais / swahili / autres langues africaines.
Le Mali : français / bambara / autres langues africaines.
Le Sénégal : français / wolof / autres langues africaines.
La langue officielle est une forme « haute » par rapport à la langue nationale qui est elle-
même une forme « haute » par rapport aux autres langues. L’accès au pouvoir passe par la
maitrise de la langue officielle, mais celle de la langue locale dominante (qu’elle soit la
seule langue promue au rang de langue nationale ou non) confère un pouvoir de plus.
Cependant, si le bambara par exemple peut être vécu comme une langue de libération face
au français, il peut aussi être perçu comme une langue d’oppression par les Songhaï de
Tombouctou ou les Tamasheq du nord (Calvet, 2005). Bien que le concept de diglossie soit
utilisable pour définir les sociétés plurilingues, il faut donc faire attention à analyser les
situations en partant des rapports sociaux et non pas des langues.
Nous voyons donc que le français tout comme l’anglais sont toujours promus au rang de
langue officielle dans presque toutes les anciennes colonies. Cependant, ils cohabitent
partout avec les langues locales qu’ils ont trouvées sur place comme c’est le cas en Afrique.
32
Dans la partie francophone, le français est la langue officielle des pays, mais quelle est sa
place exacte?
1.2.2. L’exemple du français : sa place dans les sociétés africaines et son
statut de langue officielle
Tout comme l’anglais, le français est aussi présent un peu partout dans le monde. Il occupe
une place officielle dans de nombreux pays et concerne un nombre important de locuteurs.
Cependant, il cohabite partout avec d’autres langues. Dès lors, il est difficile de faire une
correspondance entre une frontière politique (un État), une nation et une langue (Calvet,
2005), ce qui nous ramène à Saussure qui, si nous nous rappelons bien disait que la langue
définit son espace et non le contraire. Cette absence de correspondance entre l’État, la
nation et la langue conduit à la relation entre langue officielle et langue maternelle (ou
encore la langue première apprise par l’individu à la maison). Par exemple dans les
anciennes colonies, la majorité des locuteurs n’a souvent pas comme langue maternelle la
langue officielle. Que ce soit au Maghreb ou en Afrique noire, le français est une langue
importée, héritée du colonialisme, mais c’est le nombre de langues locales et/ou nationales
qui diffère selon le pays ce qui mène à plusieurs types de plurilinguisme.
- Au Maghreb : on y trouve généralement trois langues, mais certains pays en ont
quatre. Le français y était pendant longtemps seule langue officielle avant d’être
ramené au rang de langue étrangère avec la politique d’arabisation qui a instauré
l’arabe comme langue nationale. Mais il reste tout de même le privilège de la
bourgeoisie et un atout important pour la réussite sociale face à l’arabe. Les langues
maternelles communément appelées dialectes sont des « parlers » arabes ou berbères
et constituent les seuls véritables moyens de communication de la vie quotidienne.
Donc d’un côté nous avons une langue étrangère, mais qui est celle du pouvoir
politique et culturel et parlée par une minorité. De l’autre côté, nous avons des
langues statistiquement puissantes, mais en fait politiquement et culturellement
dominées. Cela donne un plurilinguisme à langues dominantes minoritaires.
- Par contre en Afrique noire, nous rencontrons une autre situation. De façon générale,
on y trouve une nette séparation entre la langue officielle (alors le français pour
33
l’Afrique noire francophone) et la ou les langues nationales (une ou des langues
africaines). Le statut du français y est clair dans l’ensemble. C’est la langue de l’État,
de l’administration, des médias, de l’école, etc. tandis que le statut de langue
nationale est assez variable selon le pays (Calvet, 2005 : 54). Certains vont considérer
toutes leurs langues locales comme étant nationales (au Burkina Faso), d’autres en
choisissent juste une (la République centrafricaine), d’autres encore en choisissent un
certain nombre seulement (le Mali, la RDC, la Guinée, etc.) et enfin certains n’en
prennent aucune. La langue nationale prend donc une signification plus ou moins
différente selon le pays. Dans l’un, elle peut être la langue de l’administration ou de
l’école et remplacer le français. Dans l’autre, lorsqu’il y a plusieurs langues
nationales, celles-ci peuvent être des langues régionales et alors la langue officielle
sera le lien entre les différentes régions. Mais toujours est-il que la langue officielle
reste celle du pouvoir et permet l’ascension sociale de l’individu. Et quel que soit le
nombre de langues nationales, le français restera la langue dominante (sur le plan
politique et culturel) malgré qu’il soit minoritaire et il partage rarement le pouvoir
contrairement au Maghreb. Cependant, il existe des pays avec une langue nationale
statistiquement assez puissante pour pouvoir prétendre remplacer le français (le wolof
au Sénégal, le bambara au Mali, etc.) tandis que pour d’autres, il existe tellement de
langues nationales sans qu’aucune ne soit dominante que cette situation ne serait pas
envisageable (comme le Cameroun, le Gabon, etc.).
Il faut aussi noter l’importance de l’écriture dans le rang de la langue. Le Mali et l’Algérie
ont tous deux connu la colonisation sous la France et le français y occupait la même place.
Au Mali le changement n’a pas été très important et depuis peu seulement, quelques
langues nationales ont commencé à être enseignées à l’école. Mais en Algérie, l’arabe a
depuis longtemps remplacé le français dans presque toutes les fonctions officielles en plus
d’être écrit (Calvet, 2005). Il existe bien sûr d’autres cas de plurilinguisme dans le monde
comme en France, en Belgique, dans les DOM-TOM, etc., mais nous nous limiterons à
l’Afrique et surtout à l’Afrique de l’Ouest où s’inscrit notre analyse, précisément au Mali.
34
Donc quelle que soit la première langue apprise, l’être humain est confronté à d’autres
langues qu’il va apprendre, chercher à comprendre ou non, à dominer ou non. Cependant,
cette multiplicité des langues n’est pas chose réservée aux pays du tiers-monde ou à ceux
en voie de développement.
1.3. Le Mali, terre de brassage linguistique et culturel
1.3.1. Situation géographique et démographique
Situé en Afrique de l’Ouest, le Mali est limité au nord par l’Algérie, le Niger et le Burkina-
Faso à l’est, la Côte d’Ivoire et la Guinée au sud, le Sénégal et la Mauritanie à l’ouest. C’est
un État enclavé dont la majeure partie du territoire est occupée par le désert. Sa superficie
est relativement grande (1 242 000 km2) et le pays est divisé en huit régions administratives
qui sont : Tombouctou, Kidal, Gao, Mopti, Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou en plus du
district de Bamako la capitale. Ces régions correspondent aux régions économiques et ont
chacune un gouverneur à leur tête. Le Mali compte aussi 703 communes et 11000 villages.
Carte détaillée du Mali et de ses régions et district
À la suite du recensement général de la population de 2009, la population malienne a été
estimée à 14 517 176 habitants3, une multiplication de la population par près de 1,5 et donc
un taux de croissance annuel moyen de 3,6%. Une grande majorité des maliens se
concentrent dans certaines régions (Kayes, Koulikoro, Mopti, Ségou, Sikasso et Bamako).
Cependant, le Mali connait de fortes migrations au profit de la Côte d'Ivoire, du Sénégal, de
3Source : Institut National de la Statistique du Mali (INSTAT)
35
l'Afrique centrale et de la France. Ainsi, les régions telles que Sikasso, Koulikoro, Kayes et
Bamako ont vu leur population augmenter significativement en une dizaine d’années
tandis que d’autres ont connu une déperdition de leur population durant la même période
(tableau 1.2).
Tableau 1.2 : Évolution de la population du Mali entre 1987 et 1998 selon la région
Région 19877 1998 2009
Effectif % Effectif % Effectif %
Rég
ion
s d
u M
ali
Kayes
Koulikoro
Sikasso
Ségou
Mopti
Tombouctou
Gao
Kidal
Bamako (district)
1 063 788
1 195 418
1 309 543
1 339 589
1 284 664
455 176
347 803
33 356
658 660
13,8
15,5
17,0
17,4
16,7
5,9
4,5
0,4
8,6
1 374 316
1 570 507
1 782 157
1 675 357
1 478 505
476 793
394 594
42 386
1 016 296
14,0
16,0
18,2
17,1
15,1
4,9
4,0
0,4
10,4
1 996 812
2 418 305
2 625 919
2 336 255
2 037 330
681 691
544 120
67 638
1 809 106
13,8
16,7
18,1
16,1
14,0
4,7
3,7
0,5
12,4
Total 7 687 997 100,0 9 810 911 100,0 14 517 176 100,0
Sources : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998 et rapports de l’INSTAT4.
Les faibles effectifs de la région de Kidal pourraient s’expliquer par le fait que cette région
a été créée pour les besoins de l’analyse lors recensement de 1987 et ce, afin d’harmoniser
la distribution géographique des indicateurs pour les comparaisons à faire (Konaté et al.
2010). De plus, cette contrée était difficile d’accès et principalement habitée par des camps
militaires.
Le Mali compte malheureusement parmi les pays les plus pauvres du monde en occupant la
178e place (sur 182) selon le classement annuel de l’Indice de développement humain
(IDH) du Programme des nations unies pour le développement (PNUD). Le pays dépend
fortement des aides provenant de l’étranger et son activité économique a trait
principalement aux zones fluviales irriguées par le Niger. Cette situation financière du pays
touche aussi le domaine de l’éducation, laquelle n’est toujours pas accessible à toute la
population malgré un effort notable de la part du gouvernement.
4Source : http://instat.gov.ml/documentation/mali.pdf (dernière consultation le 08 juin 2011)
36
1.3.2. Situations politiques
Modibo Keïta fut le premier Président de la République du Mali de 1960 à 1968. Il fut
renversé par un coup d’État mené par Moussa Traoré qui resta au pouvoir pendant vingt-
trois ans (1968-1991). Un second coup d’État fit du lieutenant-colonel Amadou Toumany
Touré le président du gouvernement de transition de 1991 à 1992. Des élections
démocratiques portèrent ensuite au pouvoir Alpha Oumar Konaré, un professeur d’histoire.
Il fut réélu majoritairement en mai 1997 et quitta le pouvoir en 2002 conformément à la
Constitution qui limite le nombre de mandats du président de la république à deux. Durant
sa présidence, le Mali fut souvent cité comme un exemple de bonne gouvernance. L’ancien
général Amadou Toumany Touré qui avait dirigé le gouvernement de transition en 1991 fut
alors élu Président suite au départ de Alpha Oumar Konaré, et réélu en avril 2007.
o Le français, « langue de l’État »
Comme dans la majorité des pays africains, la société malienne est plurilingue, avec la
circulation de plusieurs langues pour la plupart non écrites. Il y existe aussi une exoglossie
qui assure au français le statut de langue officielle, faisant de lui la langue de l’État, langue
d’expression officielle comme le stipule la constitution malienne après l’indépendance du
pays. Toute la législature (débats parlementaires, rédaction et promulgation des lois,…)
fonctionne donc en français. Cependant, quelques langues nationales (surtout le
bamanankan) sont aussi utilisées dans les tribunaux même si seul le français est permis. Ces
langues sont ainsi autorisées dans les communications entre le juge et l’accusé ainsi que
dans les cours d’appel. Les documents sont par contre en français et les juges rendent leurs
jugements dans cette langue. Au sein de l’administration et dans les services
gouvernementaux, les communications orales se déroulent souvent en une langue malienne
tandis que la documentation écrite se fait en français. Mais du fait de la minorité des
locuteurs de langue française, les langues maliennes sont davantage utilisées que le français
dans la vie de tous les jours notamment en ce qui concerne les soins dans les hôpitaux ou
les centres de santé par exemple. Malgré tout, la maitrise du français offre de nombreuses
possibilités comme l’accès à certains postes, reconnaissance sociale et prestige.
o Les politiques linguistiques du Mali
37
En 1962 suite à l’indépendance du pays, une réforme éducative visant à marquer la
séparation avec le système éducatif colonial fut instaurée. L’objectif était alors d’atteindre
« l’enseignement pour tous » tout en conservant la culture malienne. Cette réforme n’aura
pas tenu ses promesses : après avoir connu une hausse entre 1960 et 1978, le taux de
scolarisation a baissé au début des années 1990 alors que moins du quart des enfants de 8 à
14 ans fréquentaient l’école au Mali (Marcoux et al, 2002). La déscolarisation est surtout
marquée par une minorité des filles à l’école et aussi par un nombre important d’abandon et
d’échec.
Malgré l’enseignement dispensé en français, en 1979 le Mali s’est mis à l’enseignement en
langue nationale : 4 écoles expérimentales en bamanakan furent ouvertes. En 1982,
l’expérience s’élargie à trois autres langues nationales : le fulfulde, le songhoy et le
tamasheq (Konaté et al. 2010). À la rentrée scolaire de 1994-1995, on voit le nombre de
langues nationales passer de 4 à 6 avec l’enseignement du soninké et du dogon. Ce système
avait pour principe d’utiliser la langue maternelle de l’enfant comme langue
d’enseignement durant les trois premières années de l’enseignement primaire. Le français
était quant à lui considéré comme une matière à partir de la deuxième année de primaire et
passait ensuite au statut de langue d’enseignement à partir de la quatrième année. Cela
devait servir à promouvoir les langues maliennes et permettre à l’élève d’acquérir un
bilinguisme en langue nationale et en français. Cette démarche linguistique avait pour
politique majeure de n’imposer aucune langue à l’individu. Mais cette diplomatie devait
aussi savoir assurer à toutes les langues un développement suffisant pour leur permettre
d’accéder à un nouveau statut et d’assurer les fonctions de communication sur tous les
plans de la vie sociale dont celui de l’éducation (Perrin, 1984).
Le bilinguisme scolaire a déjà donné lieu à de nombreuses études, tantôt sur des langues
dotées d’une écriture tantôt sur des populations dont la langue maternelle était
essentiellement pratiquée à l’oral (Haïdara, 2000). Pour certaines, l’introduction des
langues nationales dans l’enseignement serait favorable pour les enfants. D’autres ont
plutôt montré que les populations ont rejeté l’expérience linguistique. Ces différentes
études pour certaines contradictoires ont permis de conclure que l’introduction de ces
38
langues dans l’enseignement en début de scolarité auraient des effets positifs et que
l’expérience méritait d’être soutenue. Cependant, les représentations sont plus ou moins
favorables selon le contexte (Haïdara, 2000).
Sans pour autant être tous défavorables, les enseignants ont constitué une résistance à cette
innovation. En effet, l’information était souvent insuffisante sur la stratégie utilisée pour
l’introduction des langues nationales dans l’enseignement. De plus, un très grand privilège
était encore accordé à la langue française. Si l’on maitrisait la langue maternelle sur le plan
oral, il n’en était pas de même sur le plan écrit où le français domine largement. Les
enseignants avaient un bilinguisme non uniforme et leur langue maternelle n’était pas
toujours celle qu’ils devaient enseigner. Enfin, cette langue n’est pas non plus forcément la
langue maternelle de l’élève.
L’aspect expérimental de l’innovation conférait à l’enseignement en langues nationales une
incertitude quant à son aboutissement. Certains parents trouvaient un peu trop risqué de
scolariser leurs enfants dans une école expérimentale. En effet, que se passera-t-il si
l’expérimentation venait à être abandonnée? Il y avait donc un manque de confiance peut-
être justifié dans le système éducatif qui avait démontré quelques faiblesses (Haïdara,
2000 : 61). Les résistants pouvaient aussi avoir comme argument en leur faveur l’absence
de politique linguistique pour définir les langues nationales. Sur le terrain, seule la maitrise
du français est capable de donner accès à un emploi administratif en raison de sa valeur
marchande que n’ont pas les langues nationales.
Le français est donc demeuré la langue d’enseignement préférée, car il est beaucoup plus
valorisé tandis que les langues nationales, dépendamment de la région, restent les langues
véhiculaires favorites5.
5Source : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/mali.htm (dernière consultation le 02 mai 2011).
39
1.3.3. Bamako, la capitale
Fondé au cours du 16ième
siècle, le site était un point de rencontre entre commerçants
maures et populations subsahariennes avant d’être conquis par les colons français en 1883.
Avec une situation géographique enviable, Bamako devient la capitale du Soudan français
en 1920 et voit sa population accroître de manière exponentielle (une population urbaine
passant de 658 660 en 1987, à 1 016 296 en 1998 et à 1 809 106 en 2009). En 1960,
Bamako devient la capitale de l’actuel Mali. Situé sur le fleuve Niger dans le nord-ouest du
pays, il est le centre administratif du pays, un centre commercial attrayant pour la région
avoisinante et un important port fluvial. Bamako a le statut de district et est divisé en six
communes, chacune dirigée par un maire tout comme le district lui-même. Le pays est en
développement constant. Quoique, avec une urbanisation qui ne stagne aucunement, la ville
attire de plus en plus le monde rural ce qui a une incidence sur des préoccupations telles
que l’insertion professionnelle. En effet, la recherche et l’obtention d’un emploi en milieu
urbain est le souci de chaque individu qu’il soit migrant ou non. Qui plus est, les villes
africaines ont vu un important flot de migrants et migrantes arriver depuis plus d’une
vingtaine d’années afin de s’établir malgré la rareté de l’emploi (Piché et al. 1995). De plus,
en tant que point de rencontre de populations venues de tous les coins du Mali et de la sous-
région, Bamako devient alors témoin de l’arrivée d’une multitude de locuteurs de langues
différentes. Certaines langues sont alors vouées à la disparition au fil du temps et d’autres
non.
o Une urbanisation galopante?
À l’instar de l’Afrique de l’Ouest qui connait un rapide accroissement de l’urbanisation lié
entre autres à l’exode rural, l’urbanisation avance à grands pas au Mali tout en restant
relativement plus bas que dans les autres pays de la sous-région. Sur le plan national,
Bamako occupe une place prépondérante, en concentrant une bonne partie de la population
urbaine. La région de Koulikouro et une partie de Sikasso sont d’ailleurs polarisées par
Bamako et sont caractérisées par la présence d’importants pôles secondaires tels que Kati,
Koulikoro, Kita et Bougoni qui sont des villes peuplées par moins de 100 000 habitants.
40
L’expansion urbaine de la capitale dépasse largement les limites administratives du district.
La population de Bamako est passée de 649 569 habitants en 1987 à 1 016 154 habitants en
19986. Comme dans beaucoup de capitales sahéliennes, Bamako vit un problème de zones
d’habitation. En effet, la demande est très forte et les migrations constantes, ce qui entraine
une péri-urbanisation qui se fait de façon quasi spontanée. Ces lieux d’habitation sont
toutefois victimes d’une carence en matière d’infrastructures et d’équipements de proximité
dont des services sociaux de base.
Outre la forte urbanisation de la capitale malienne, la marque à laquelle nous fait penser
l’impact de la mondialisation et le développement du pays sera le contact des différentes
langues du Mali dans un même environnement. La langue suit le voyageur et devient sa
carte d’identité. Suivant sa force et son poids dans le marché linguistique, le migrant aura à
s’en servir ou alors à l’utiliser de moins en moins avec ainsi le risque de s’en départir un
jour et de ne pas en faire profiter sa descendance.
o L’empreinte linguistique à Bamako
Dans un contexte de plurilinguisme comme celui du Mali, les langues sont constamment en
contact et la ville est leur lieu de prédilection. En effet, l’urbanisation et les fortes
migrations acheminent vers les grandes agglomérations, différents groupes de locuteurs
chacun avec sa propre langue. Leur cohabitation dans une même cité crée un
multilinguisme, mais ces populations seront toutefois amenées à s’intégrer dans la ville et
donc à assimiler la langue de communication du milieu qui est la langue dominante.
L’urbanisation suscite un brassage linguistique ce qui rend nécessaire la mise en place
d’une forme véhiculaire et pousse à l’unification linguistique. La ville fonctionne ainsi
comme une pompe qui aspire du plurilinguisme et recrache du monolinguisme (Calvet,
2008). Ce phénomène place la ville comme un important enjeu linguistique, le taux
d’urbanisation étant en constante croissance à l’échelle du globe, à l’instar de l’Afrique et
de l’Asie où le paysage linguistique est l’un des plus riches (Calvet, 2009).
6Ces chiffres ont été obtenus suite à l’exploitation des données de recensement général de la population et de
l’habitat du Mali de 1987 et 1998
41
Toutes les langues du Mali se retrouvent à Bamako où le bambara est cependant la seule
langue véhiculaire et aussi la langue la plus parlée dans la capitale. Dans l’optique
d’échanger avec les autres communautés en l’occurrence celle qui détient la supériorité du
nombre, le nouveau venu est dans l’obligation de devenir un locuteur du bambara. Certains
membres de tel ou tel groupe linguistique sont même contraints de se départir de leurs
habitudes vestimentaires, leurs coiffures traditionnelles, leurs coutumes, etc. Cette
incorporation vécue par le migrant vers la ville, peut fragiliser l’appartenance à un groupe
linguistique selon la communauté d’origine et de générations en générations. En effet, il
n’est pas rare de voir des individus habitant Bamako, parlant le bambara en plus de leur
propre langue maternelle, mais ne transmettant pas cette dernière à leurs enfants. Ceux-ci
auront comme langue de socialisation le bambara qu’ils considéreront comme leur langue
maternelle et au fil de temps, les générations se sentiront d’appartenance à la communauté
linguistique la plus forte. Cependant, les rencontres entre groupes parlant des langues
différentes peuvent susciter des réveils identitaires de part et d’autre.
1.3.4. Situation démolinguistique du Mali : ethnies et langues
Le Mali compte plusieurs langues locales. Certaines sont des langues maliennes, mais
d’autres sont dites étrangères et sont parlées par une minorité. Elles sont soit en provenance
d’autres régions d’Afrique, soit viennent de l’Occident comme le français, l’anglais, etc.
Dans l’article 1 du décret 159 PG-RM du 19 juillet 1982, les autorités maliennes ont
reconnu treize langues locales comme langues nationales du Mali : le bamanankan
(bambara), le bomu (bobo), le bozo, le døgøsø (dogon), le fulfulde (peul), le hasanya
(maure), le mamara (miniyanka), le maninkakan (malinké), le soninke (sarakolé), le
søõøy(songhoï), le syenara (sénoufo), le tàmàsàyt (tamasheq), le xaasongaxanno
(khassonké). Elles n’ont cependant été dotées d’un alphabet (l’alphabet phonétique
international) que vers le milieu des années 60 (Konaté et al. 2010). Plus de la moitié de ces
treize langues sont parlées dans la sous-région ouest-africaine et même au-delà. Ainsi, le
fulfulde est aussi parlé au Burkina-Faso, au Niger, au Sénégal, en Guinée, au Cameroun,
etc. Le soninké est en plus parlé au Sénégal et en Mauritanie. Le hasaniya est aussi parlé en
42
Mauritanie. Le tamasheq est parlé au Niger, en Algérie et en Mauritanie. Quant au syenara
et mamara, ils sont aussi parlés au Burkina-Faso et en Côte d’Ivoire, etc. (Konaté et al.
2010). En général, seule l’appellation de la langue diffère d’un pays à un autre ainsi que
certaines expressions.
Les recensements généraux de la population et de l’habitat (RGPH) de 1987 et de 1998 du
Mali font état des langues suivantes. Ces langues sont les langues maternelles et/ou parlées
de la population cible (population de six ans et plus).
Tableau 1.3 : Les langues au Mali Année de recensement Langues maternelles et/ou parlées
1987 Bambara/Malinké
Peul/Fulfulde
Sonrhaï/Djerma
Maraka/Soninké
Kassonké
Sénoufo
Dogon
Maure
Tamacheq
Bobo, Dafing
Minianka
Haoussa
Samogo
Bozo
Autres langues du Mali
Autres langues africaines
Français
Arabe
Anglais
Autres langues étrangères
1998 Bambara/Malinké
Peul/Fulfulde
Sonrhaï/Djerma
Maraka/Soninké
Kassonké
Sénoufo
Dogon
Maure
Tamacheq
Bobo, Dafing
Minianka
Haoussa
Samogo
Bozo
Autres langues du Mali
Autres langues africaines
Arabe
Autres langues étrangères
Sources : Questionnaires des RGPH de 1987 et de 1998
En 1987, le recensement avait aussi pour principe d’étudier les langues de grande
expansion telles que l’arabe, l’anglais et le français tandis qu’en 1998, cet intérêt se limitait
à l’arabe. Certaines langues du Mali comme le bambara et le fulfulde passent pour être
plus populaires que d'autres, car ce sont des langues de circulation et qui assurent la
communication entre les différentes communautés. D’autres comme le samogo et le
haoussa ne sont parlées que par une minorité au Mali alors qu’elles peuvent être
dominantes dans d’autres régions d’Afrique.
43
Pour certaines langues, on retrouve des similitudes entre elles ce qui leur permet de
constituer un même groupe linguistique. Ces langues coexistant au Mali peuvent d’ailleurs
être regroupées en sept groupes linguistiques (Perrin, 1984) :
Groupe linguistique mandingue
- Le malinké (bamanan, jula, maninka) : il s’agit d’un groupe très vaste, qui
regroupe plusieurs variétés de la langue, mais avec une relative
intercompréhension entre les différents locuteurs.
- Le soninké (marka, maraka, sarakolé).
- Le bozo : ces derniers parlent plusieurs langues à cause de leurs multiples
contacts avec d’autres ethnies principalement les Bambaras et les Peuls.
Groupe linguistique Gur (Voltaïque)
- Le syenara : parlé par les sénoufos.
- Le mamara : parlé par les miniyankas; malheureusement les sénoufos et les
miniyankas ont pour la plupart comme langue maternelle le bamanan.
- Le bomu : utilisé par les bobos.
Groupe linguistique ouest-atlantique
- Le fulfulde : cette langue parlée par les Peuls connait une utilisation transversale
au Mali et une grande expansion dans toute l’Afrique occidentale.
Groupe linguistique Songhaï-Zarma
- Le søõøy: ou songhoï est la langue des songhaï.
Groupe linguistique sémitique
- Le hasanya : cette langue parlée par les Maures est aussi présente en Mauritanie
où ces derniers forment la majorité de la population.
Groupe linguistique berbère
44
- Le tàmàsàyt: ou encore tamasheq est parlé par les Touaregs; on le retrouve au
nord du Mali. Il est doté d’une écriture très ancienne avec un alphabet qui lui est
spécifique, le tifinagh.
Groupe linguistique dogon
- Le døgøsø: d’appellation occidentale dogon, cette langue est parlée uniquement
au Mali. Elle est composée d’un grand nombre de dialectes qui ne sont pas
toujours intercompréhensibles ce qui amène ses locuteurs à être bilingues, le
plus souvent en parlant aussi le fulfulde.
Bien que le bambara soit visiblement la langue la plus populaire au Mali, la prédominance
d’une langue dépend de la région où l’on se trouve, ce qui nous offre une autre forme de
regroupement linguistique, mais cette fois selon l’emplacement géographique.
Dans le tableau 2.3, nous pouvons remarquer que certaines langues se retrouvent dans
plusieurs groupes. En effet, certaines langues sont présentes un peu partout dans le pays
comme le fulfulde qui est souvent la deuxième langue des populations maliennes, sinon la
première. Il est surtout présent dans la région de Mopti où il est la langue dominante, mais
on le retrouve aussi à l’ouest du pays vers la région de Kayes et au nord-ouest. On peut
aussi le retrouver le long du fleuve Niger.
Tableau 1.4 : Les groupes linguistiques au Mali selon l’emplacement géographique
45
Emplacement Les différentes ethnies
géographique
Ouest (vers la région de Kayes)
Malinké (Bambara, Dioula)
Peul (Fulfulde)
Soninké (Maraka, Sarakolé)
Kassonké
Nord-Ouest Maure Peul (Fulfulde)
Centre (vers la région de Mopti)
Peul Dogon Bozo Somono
Sud (vers la région de Sikasso)
Sénoufo Minianka
Sud-Est Bobo Dafing
Nord (vers les régions de Kidal et de Gao)
Sonrhaï Tamasheq Arabe
Source : M. Mamadou Kani Konaté, novembre 2010
Comme nous le voyons, le plurilinguisme est donc une caractéristique des sociétés
africaines et en général, la communication ne fait pas défaut à travers ce melting-pot
linguistique parce que des compromis sont souvent adoptés tels que l’adoption d’une
langue commune qui servira à la socialisation et ce, au sein même de la famille. En effet,
cette dernière est le premier lieu de socialisation de l’individu et joue un rôle très
significatif dans beaucoup de domaines. Cependant, il faut d’abord l’étudier dans son
propre contexte afin de pouvoir la comprendre et ainsi saisir son fonctionnement et son
pouvoir, car la famille africaine garde aussi ses spécificités tout comme celle d’autres
cultures.
1.4. La famille africaine
La famille est une institution universelle, mais ses contours et ses fonctions évoluent dans
le temps. Elle varie aussi d’une société à une autre. Il n’en existe pas de définition fixe,
universellement reconnue et elle peut aller du groupe conjugal à l’ensemble de la parenté
(Pilon et Vignikin, 2006). Il en est de même pour la famille africaine qui, même si elle n’a
pas de définition unique, comporte un certain nombre de caractéristiques qui en font ce
46
qu’elle est : une véritable unité sociale. Elle est l’axe autour duquel s’articulent les
différents indicateurs du développement. Sur ce continent, elle est une entité et c’est à elle
de définir les types de techniques d’adaptation ainsi que les limites des paramètres
d’adaptation employés par chaque membre de la famille.
La famille africaine exerce beaucoup de pressions sur ses membres quelque soit le rang
social et économique de ces derniers. Celles-ci peuvent sembler déraisonnables et pourtant
sont basées sur les traditions sociales de la société. De ce fait, la famille reste en Afrique
l’unité fondamentale dont dépendent toutes les décisions dans le domaine de la fécondité
par exemple. Traditionnellement, un mariage était contracté sur la base d’un contrat
« implicite » de procréation et ne concernait pas uniquement les deux individus, mais leurs
familles respectives. Cela a conféré à la famille un rôle fondamental en tant que moteur des
évènements de la vie sociale par un processus de socialisation basé sur la famille.
De nos jours, de nombreux changements sont survenus dans toutes les sociétés les poussant
parfois à adopter de nouvelles mesures d’adaptation plus adéquates. La famille africaine
n’y fait pas exception. Cependant, les normes et valeurs familiales qui régissent le domaine
du mariage et de la procréation ne sont pas tombées dans l’oubli comme peut l’attester la
continuité et la force de certaines pratiques telles que le versement de la dot.
1.4.1. Les différentes mutations subies par la famille africaine
La famille est le lieu de transfert des valeurs, normes, croyances et connaissances vers les
jeunes. Dans la société africaine, la famille fait référence à un cercle bien plus large que
dans sa conception occidentale. En effet, elle comprend traditionnellement les parents, les
enfants, les grands-parents, les oncles et tantes ainsi que les éventuels enfants de toutes ces
personnes. C’est ce que les anthropologues appellent la « famille étendue ». En
comparaison, le ménage, plus petite unité familiale, est ce qui correspond le plus près de la
notion de famille en Occident. Il est composé des parents, des enfants et quelques fois
seulement, des grands-parents aussi.
47
Quels changements a donc subi la famille africaine? Elle en aura subi beaucoup sur le plan
structurel. En effet, bien que certaines cultures maintiennent le concept de la famille
étendue traditionnelle, cette dernière a tout de même changé de structure. Elle n’est plus
résidentielle, ni uniquement composée de parents et d’amis. Elle offre les « premiers
secours » à l’individu suite aux nombreuses catastrophes naturelles et humaines. De
nouvelles formes de la famille africaine sont apparues comme la famille double avec un
seul chef de famille le plus souvent partagée entre deux résidences ou plus (dans le cas du
mariage polygame). Ou encore les familles dirigées par des femmes dont les époux sont
décédés, ont émigré ou ont tout simplement quitté le domicile familial.
Mais malgré toutes les pressions qu’elle doit supporter au fil du temps, la famille africaine
n’a pas perdu sa place et son importance au sein de la société. L’expansion de la population
et des évènements tels que la crise économique ont bien sûr poussé la famille à redéfinir ses
rôles et sa structure. Elle s’est adaptée en se centrant autour de ses normes, valeurs,
pratiques et croyances qui lui donnent la force de se maintenir et de résister aux invasions
de la modernisation, de l’occidentalisation, de l’urbanisation… La famille demeure alors en
permanence l’unité sociale la plus endurante et la plus fondamentale (Adepoju, 1999). Elle
a plusieurs fonctions en Afrique. Elle tient le rôle d’unité de production et d’unité de
consommation tout en étant une aide économique. En milieu rural par exemple, le ménage
tient lieu d’unité économique en fournissant main-d’œuvre, terre et capital.
En dépit de tous ces changements, la famille maintient son rôle de support pour toutes
sortes de charges qu’elles soient économiques, sociales ou même politiques. Cette place
qu’elle continue d’occuper la pousse à détenir de plus en plus de fonctions et de
responsabilités. Suite aux énormes poussées de la modernisation, la famille africaine est
aujourd’hui soumise à des changements sociaux profonds tout en subissant encore
l’influence des traditions.
1.4.2. Entre modernité et tradition
De tous les facteurs de changements et de modernisation, l’urbanisation est surement celui
dont les effets se font le plus sentir par la famille. En effet, s’installer en ville exige que les
48
familles ayant émigré du milieu rural s’adaptent dans un milieu de vie sociale nouveau.
Elles sont alors très vite obligées de modifier certaines normes et valeurs qui faisaient
partie de la vie rurale afin de pouvoir s’accommoder à leur nouveau contexte de vie (Pilon
et Vignikin, 2006). On trouve donc une restructuration familiale en milieu urbain sous des
formes assez variées. Ceci est dû au fait qu’en milieu urbain, les mariages ne sont plus des
alliances entre familles, car les conjoints prennent la liberté de faire leur choix par eux-
mêmes. Mais cette autonomie a pour conséquence d’engendrer une instabilité conjugale de
plus en plus croissante. Donc sont apparus de nouveaux types de familles avec plus
d’homogénéité affective entre époux, des modèles plus fréquents, mais aussi plus fragiles.
Il n’empêche que, dans la plupart des régions d’Afrique, l’élaboration d’une nouvelle
famille passe traditionnellement par le mariage.
1.5. Le mariage
Le mariage en Afrique était traditionnellement l’union de deux familles et non uniquement
de deux conjoints. Il ne pouvait donc être un évènement banal dans la vie d’une famille.
Aujourd’hui, en dépit des nombreux changements survenus, les normes et valeurs du
mariage en Afrique et l’importance qui lui est accordée sont toujours de rigueur. C’est un
évènement universel, une activité qui s’organise et s’effectue en communauté et sur
laquelle la société insiste beaucoup. Dans de nombreuses sociétés africaines, le mariage
traditionnel est le plus commun.
Difficile d’échapper au mariage, c’est le lot commun de l’écrasante majorité des adultes. Le
célibat, statut très peu convoité en Afrique, est souvent la conséquence d’un grand
déséquilibre entre les effectifs hommes et femmes. L’entrée en union matrimoniale dépend
toutefois d’autres facteurs dont la pression sociale en faveur du mariage, des exigences
financières à l’endroit des futurs mariés.
Dans la société traditionnelle africaine, les femmes acquéraient un statut social par le biais
de la famille. Il en va de même pour le mariage qui était aussi le moyen pour elles
d’accéder à un moyen de production et, dans certaines situations, de changer de statut
économique. Le mariage est alors devenu de plus en plus la préoccupation majeure des
49
femmes et de leurs parents. Les rôles tenus par les hommes et les femmes ont bien entendu
évolué au fil du temps, mais la femme a encore aujourd’hui un statut dérivé. En effet, une
femme est d’abord la femme, la mère ou la fille de quelqu’un. Une femme mariée a donc
logiquement un statut plus élevé et mieux reconnu qu’une femme célibataire (Adepoju,
1999).
1.5.1. Évolution des modèles matrimoniaux
Le mariage est encore considéré comme une institution sociale en Afrique. Nous pouvons
encore constater la pratique de certaines coutumes matrimoniales, croyances et rites qui ont
assez peu changé dans certaines régions rurales d’Afrique par rapport aux pratiques
ancestrales (Adepoju, 1999). Cependant, comme beaucoup d’autres institutions, le mariage
a subit l’effet de l’immigration et de la grande avancée de l’urbanisation.
Le mariage ne peut être séparé conceptuellement de l’institution familiale. En effet, la
stabilité d’un mariage même officialisé et consommé avec soin dépend fortement de
l’approbation des familles (mais surtout de celle de l’époux). Souvent, nous notons des
conflits entre la femme et sa belle-famille en cas de rupture (décès, divorce…). Ces
situations sont de plus en fréquentes au sein des mariages africains modernes en particulier
à cause du nombre de plus en plus élevé des mariages interethniques (Adepoju, 1999).
Le mariage comme institution s’est incontestablement affaibli au fil du temps et surtout en
milieu urbain, ce qui a eu de sérieuses conséquences sur la stabilité de la famille dans la
société africaine. En effet, de nos jours, les gens se sentent la liberté de s’unir et de rompre
leurs engagements matrimoniaux sans crainte d’être sanctionnés légalement ou
socialement. La responsabilité du père, qui n’incarne plus tellement la figure du chef de
famille, a progressivement diminué au profit de celle de la mère. Cependant, le rôle et
l’importance du mariage sont si enracinés dans la culture et les pratiques coutumières
africaines qu’il ne serait pas étonnant de le voir résister et conserver sa valeur d’antan.
50
1.5.2. Le mariage au Mali
Avec les avancées de la démographie, nous pourrions penser que la formation d’un couple
est devenue un processus assez simple. Mais ce n’est le cas nulle part, bien au contraire. Le
couple est lieu attitré de l’expression des normes sociales, religieuses et coutumières qui
augmentent considérablement les dispositions d’union. Ces modalités auxquelles est intégré
tout un protocole fait de contraintes et d’interdits entourant les choix individuels causent
une prise de distance entre les candidats à l’entrée en union ce qui cause soit des carences,
soit des surplus du nombre de personnes en âge de se marier (Locoh, 2005).
Dans chaque culture, dans chaque société, le contrôle de la formation des unions est au
cœur des inquiétudes. Sous un angle démographique, le mariage n’est jamais perçu comme
un simple contrat sexuel. Ce dernier comprend aussi des dimensions fondamentales qui
reposent sur la réalité sociale, particulièrement économique et religieuse. Le mariage donne
lieu à des rapports d’alliance entre des groupes et favorise l’intégration d’un individu au
sein d’une communauté par le biais de l’acceptation de sa descendance (Locoh, 2005).
Chaque groupe social définit son marché matrimonial, qui peut y accéder et qui ne le peut
pas et donc ceux qui peuvent prétendre la reproduction. Cependant, partout, la formation
des unions dépasse la préoccupation de voir se reproduire ses membres. Dans les sociétés
modernes, la filiation est une éventualité dans le parcours de la vie en commun, ce n’est
plus une obligation ni une condition pour la pérennité du couple. Ces conjoints privilégient
l’attirance et l’épanouissement personnels. Dans d’autres sociétés, la formation des couples
reste sous le haut contrôle social.
Au Mali comme dans la plupart des sociétés africaines, le mariage est une étape très
importante dans la vie de tout individu. Il peut avoir lieu à un âge relativement jeune pour
la femme, surtout en milieu rural. Le mariage est alors l’union d’un homme et d’une
femme, mais aussi de leurs familles, union reconnue par les parents et la communauté. Il
existe trois types de mariages au Mali, religieux, coutumier et civil et deux types de
ménages, monogame (un homme avec une seule épouse) et polygame (l’homme pouvant
avoir jusqu’à quatre épouses). Mais au vu de la situation linguistique du pays, un autre type
d’union semble être de plus en plus fréquent, les mariages interethniques.
51
1.5.3. Mariage mixte, mariage interlinguistique
Qu’est-ce qu’un mariage mixte? Le terme semble facile à définir et pourtant, nombreux
sont les auteurs qui travaillent encore dessus et butent parfois sur sa spécification. La
rencontre entre membres de cultures différentes donne lieu à des évaluations qui varient
d’un individu à un autre et tout repose sur le point de vue de ce dernier. Soit l’exogamie est
fondée sur des dissimilitudes linguistiques, religieuses, nationales ou raciales, soit elle est
plus tôt basée sur une hétérogénéité sur le plan éducatif, idéologique ou de classe lorsque ce
n’est pas la « distance sociale » entre les deux conjoints qui n’est pas coupable (Varro,
1984).
La notion de mixité semble si évidente aujourd’hui pour tous ceux qui travaillent sur les
couples et les mariages mixtes. Le phénomène a toujours existé bien que ses définitions
aient été différentes selon le contexte. Ce dernier peut être historique, social, culturel ou
encore juridique et aussi du point de vue des acteurs concernés (chercheurs, société…).
Nous voyons donc à quel point les explications portant sur la mixité peuvent être
subjectives et parfois purement représentatives. Une distinction est faite entre une union
d’individus différents de par leur origine de classe et celle dont les conjoints sont différents
de par leur nationalité, leur culture, leur langue, etc. (Varro, 1998). Aujourd’hui, la norme
est surtout placée du côté du mariage dit « normal » de par la ressemblance des conjoints,
même si la tendance actuelle est en train de devenir toute autre, dans certaines sociétés du
moins.
Plus les critères de constitution d’un couple répondent aux aspirations des conjoints, moins
les normes de la société et l’entourage familial entrent en jeu. Dans de telles sociétés, tout
un chacun choisit son/sa partenaire conjugal ou de vie commune. Et pourtant, la situation
n’y est pas aussi simple et réduite. Cette liberté est conditionnelle. Les choix sont
influencés par les circonstances sociales qui orientent très tôt les préférences de
l’adolescence et ensuite de l’adulte. C’est l’homogamie sociale (« épouser qui vous
ressemble »). Les études sur ce sujet ont montré que même dans les pays industrialisés, on
continue de choisir le conjoint dans les marchés matrimoniaux délimités par des critères
économiques ou sociaux précis (Locoh, 2005). Au fil des années et des histoires,
52
l’endogamie (culturel, linguistique, religieux, etc…) y a fait place à l’homogamie qui vise
de plus en plus souvent un ensemble de caractéristiques personnels.
La société malienne a fortement réussi à conserver un nombre non négligeable de traditions
et coutumes, mais qu’en est-il du mariage? Dans le contexte actuel de modernisation,
d’industrialisation et de grande mobilité, continue-t-elle à maintenir ses différentes
communautés « intactes » ou s’est-elle adaptée à son environnement et aux divers
changements que ce dernier subit?
1.6. Conclusion
La langue est l’identité d’un peuple, l’empreinte d’une civilisation ainsi que la base de toute
culture. Le monde est plurilingue depuis ses origines. Mais l’usage et le choix d’une
langue entrainent la prise de connaissance de certains rapports entre les locuteurs. Bourdieu
nous présente les rapports de communication comme des rapports de pouvoir symbolique
dans lequel des rapports de force sont en continuelle adaptation entre les locuteurs ou leurs
groupes. Il considère des styles de langage relatifs aux classes de la société et aux individus
contrairement à Saussure pour qui l’usage et le choix de la langue ne sont dictés ni par nos
habitus ni par le marché linguistique. L’espace linguistique serait au contraire caractérisé
par les échanges entre locuteurs.
Le processus et les conditions d’instauration d’une seule langue légitime dans une société
demandent certaines conditions. Cela requiert l’unification du marché linguistique lorsque
toutes les autres langues sont comparées à une seule qui est la norme et donc la langue
dominante : c’est l’état des rapports de force qui organise la légitimité des usages de la
langue. Officialiser une langue, c’est la réformer et ainsi imposer une pensée purifiée. La
langue officielle est aussi liée à l’État et devient une langue d’État, obligatoire dans les
occasions et les espaces officielles (écoles, administrations,…). Tout ceci mène facilement
à une situation de bilinguisme ou de diglossie comme nous l’avons vu dans beaucoup de
pays africains, souvent aussi entre les classes populaires et la bourgeoisie. L’unification du
marché linguistique contribue à l’imposition d’un seul mode d’expression parmi d’autres
comme étant le seul qui soit légitime et mesurer toutes les langues à une seule les relègue
53
au statut de dialectes et de patois. Et la place de l’école dans ce processus? L’école y joue
un rôle capital en étant le principal moyen d’accès à des postes hauts placés. Elle contribue
à la normalisation et l’officialisation d’une langue par le biais de l’enseignant qui a les
capacités de se faire obéir. En effet, comme dans les pays qui ont été colonisés, la diffusion
de l’enseignement et de la langue du colonisateur est un des moyens les plus efficaces
d’accroitre la domination de la langue dans le pays du colonisé. Cette langue qui devient
donc dominante est adoptée en premier lieu par ceux qui sont proches du pouvoir ou le
représentent et par ceux en rapport avec le pouvoir. Ce groupe minoritaire devient bilingue
tandis que la majorité de la population reste monolingue. Cette situation peut devenir
problématique puisqu’à l’origine, il y existait déjà plusieurs langues qui cohabitaient sur
place. L’arrivée de l’anglais tout comme le français a fait baisser leur valeur sociale. En
effet, ces deux langues importées reflètent un privilège acquis par l’individu. Les parler et
les maitriser sont un atout incontournable pour l’accès à certains postes de travail et ce,
malgré qu’elles ne soient parlées que par une minorité de la population. Nous sommes donc
dans un contexte de multilinguisme dans ces sociétés et nous avons vu l’exemple du Mali,
pays francophone où cohabitent plusieurs langues et qui doit faire face à un désir de
valorisation de ses langues locales.
Les sociétés africaines sont loin d’être figées et sont en pleine mutation particulièrement
dans le cadre familial. La modernisation, l’urbanisation, etc. Tous ces facteurs ont contribué
aux divers changements qu’a subis l’institution familiale africaine. Cette dernière, bien
qu’elle n’ait pas totalement disparu, est toutefois remise en question avec l’émergence de
nouvelles structures familiales où règnent une certaine liberté et responsabilité des
conjoints quant à la prise de certaines décisions. Ces nouvelles structures sont certes plus
fréquentes, mais plus fragiles. Quant au mariage, il a été dompté surtout en milieu urbain
dans la mesure où le choix du conjoint n’est plus dicté par les parents, mais est désormais
librement consenti. Désormais, nous n’assistons plus forcément à des alliances entre
familles. Aussi, de plus en plus de mariages hors de la communauté d’origine sont
contractées ce qui attire l’attention sur la possible « modernisation » du mariage en
particulier, de la société malienne en général. Mais cette dernière est-elle prête à accepter
ces changements? Parvient-elle à s’adapter ou au contraire continue-t-elle à vouloir
maintenir « ses portes fermées »?
54
CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
2.1. Problématique et questions de recherche
2.1.1. Problématique
Nous avons vu quelle place occupe la famille dans la société africaine et l’ascendance
qu’elle peut avoir sur ses membres. De même, le mariage est une étape décisive dans la vie
de l’individu. C’est un évènement social qui requiert la participation de la famille, une
grande préparation ainsi qu’un investissement important (épargne, endettement, etc.).
La famille traditionnelle africaine garde encore son rôle de gardienne des valeurs de la
société, de ses us et coutumes et ce, même dans le domaine du mariage. En effet, ce dernier,
union de deux personnes et traditionnellement de leurs deux familles est le point de départ
pour l’élaboration d’une nouvelle famille. Celle-ci est donc le lieu de perpétuation de
certaines traditions dont celle ayant trait à la transmission de la langue maternelle.
Les sociétés évoluent et les changements qui s’opèrent entrainent des adaptations. Ils
impliquent aussi une réorganisation de certaines institutions telles que le mariage.
Cependant, ces évolutions ont-elles été assez importantes pour mener à une exogamie
linguistique? Dans la société malienne où la tendance est du côté de l’endogamie, mais où
l’exogamie linguistique et culturelle pourrait se révéler relativement forte, quelle est la
langue dominante, celle qui est la plus couramment parlée au sein des unions entre groupes
linguistiques?
En effet, l’exogamie a deux implications :
- Elle incarne plus d’ouverture envers les autres communautés;
- Mais représente aussi une certaine menace pour la survie des langues minoritaires,
car en présence de deux langues dans le couple, il y a une compétition entre elles et
donc un processus d’assimilation qui se met en marche.
55
Ainsi, même si le couple peut être bilingue, généralement une seule langue pourra occuper
la première place, celle de la langue la plus couramment parlée au sein du ménage et
plusieurs facteurs vont déterminer ce choix. Malheureusement, les données de recensement
du Mali, étudiées dans ce présent travail, ne permettent de connaître qu’une seule langue
parlée par l’individu en plus de sa langue maternelle.
Les données de recensement du Mali nous donnent l’opportunité d’étudier les unions
exogames et plus particulièrement la langue parlée dans ces couples et les facteurs qui
déterminent ce choix. Ce genre d’études pourrait donner lieu à de nombreuses perspectives
et réflexions quant à la sauvegarde de nos langues locales. C’est ce que nous nous
proposons d’étudier dans ce mémoire.
2.1.2. Questions de recherche
Notre étude a pour point de départ la question générale suivante : quels facteurs
déterminent le choix et l’utilisation d’une langue dans les couples interlinguistiques? Nous
partons du principe que ces couples, que nous qualifierons de mixtes7, sont de langues
maternelles différentes et que l’individu est un locuteur de sa propre langue maternelle8.
Ainsi, nous nous intéresserons aux tendances linguistiques dans les couples mixtes à
Bamako et nous nous proposons de répondre aux questions suivantes :
- Quelles sont les tendances linguistiques dans les unions monogames à Bamako entre
1987 et 1998?
- Existe-t-il des communautés linguistiques plus ouvertes à l’exogamie que d’autres?
- Quels sont les facteurs qui pourraient influencer significativement le fait d’être dans
une union monogame et mixte?
7 Ce terme n’est utilisé que pour alléger le texte et fera toujours référence dans notre texte à une union de deux
personnes de langues maternelles différentes. 8Lors des recensements généraux au Mali, on ne demande pas à l’individu quelle est son ethnie afin d’éviter
de causer des frustrations. La variable « ethnie » ne fait donc pas partie de nos bases de données. Cependant,
on demande à la personne quelle est sa langue maternelle ainsi que la langue qu’elle parle le plus
couramment.
56
Ces questionnements s’inscrivent dans un cadre de forte urbanisation où se confrontent
traditions et modernisation entre toutes les composantes de la société bamakoise. En effet,
l’urbanisation a pris place dans la capitale mais celle-ci ne cesse d’attirer les populations
rurales en quête de travail. Une telle modernisation de la société malienne ainsi que la forte
mobilité de la population peut facilement pousser les différentes communautés à se côtoyer
de plus en plus étroitement ce qui peut avoir pour conséquence entre autres, de favoriser les
mariages entre différentes communautés linguistiques. Pour répondre aux questions de
recherche, nous posons les postulats suivants :
1) L’individu est un locuteur de la langue maternelle qu’il a déclaré.
2) Les couples étudiés sont de langues maternelles différentes.
3) Les couples étudiés sont formés d’un homme et d’une femme mariés selon un des
trois types de mariages reconnus au Mali. Les unions libres sont donc exclues.
4) Les ménages retenus sont monogames.
5) Les couples étudiés sont des résidents présents à Bamako. Sont donc exclus les
ménages dont l’un des conjoints a quitté le domicile conjugal ou a émigré.
2.2. Hypothèses de recherche
Nous nous attendons à ce que :
1) La fréquence des mariages mixtes ait augmenté entre 1987 et 1998.
2) Certains facteurs puissent influencer pour une plus grande ouverture à l’exogamie
linguistique tels que :
a. Le sexe : le plus souvent la femme ira rejoindre la demeure de son mari au sein de sa
belle-famille.
b. Le groupe linguistique : certaines communautés linguistiques pourraient être plus
ouvertes et d’autres plus conservatrices.
c. Le lieu de naissance : tous les résidents de Bamako ne sont pas forcément des natifs
de la capitale malienne. Alors le comportement de l’individu vis-à-vis du mariage
mixte est-il différent selon qu’il est né dans un milieu urbain ou rural?
d. L’âge : Il est serait intéressant de voir si l’exogamie linguistique est plus fréquente
chez les jeunes ou les moins jeunes.
57
e. Le niveau d’instruction : l’alphabétisation pourrait faire tomber beaucoup de barrières
linguistiques. On pourrait donc s’attendre à ce que le mariage interlinguistique soit
plus favorisé lorsque le niveau d’instruction d’au moins un des conjoints est élevé.
f. L’activité professionnelle : par le biais de l’activité professionnelle, il se forme
certaines classes professionnelles dont les membres sont plus attachés à leur travail
qu’aux valeurs traditionnelles. Ils deviennent alors de moins en moins conservateurs.
De plus, le fait d’occuper des postes qui se ressemblent pourrait constituer un facteur
de rapprochement.
Ces hypothèses posées, nous allons maintenant présenter les sources de données et les
variables de l’étude ainsi que les méthodes d’analyse que nous comptons adopter.
2.3. Sources de données
Deux bases de données sont utilisées ici : les recensements généraux de la population et de
l’habitat du Mali effectués en 1987 et en 1998. Il ne s’agit nullement d’échantillons ou des
résultats d’analyse des recensements, mais bien des données complètes et individuelles
recueillies en 1987 et en 1998. Ces données très riches sont complètes et permettent
diverses exploitations en raison de leur grande qualité et surtout de leur exhaustivité.
Le premier recensement général de la population du Mali a été réalisé en 1976. Avant cette
date, des opérations statistiques par sondage ou localisées avaient eu lieu. Les résultats de
ces différentes études ont été utilisés par diverses administrations et institutions de
recherche du Mali ainsi que pour la planification. Les recensements suivants ont donc été
mis en place comme une suite logique de ce qui avait été fait auparavant9. Sous la
responsabilité de la Direction Nationale de la Statistique et de l’Informatique (DNSI)
aujourd’hui réorganisée en Institut National de la Statistique (INSTAT), le Recensement
Général de la Population et de l’Habitat de 1987 (RGPH-1987) s’est déroulé du 1er
au 14
avril 1987 et celui de 1998 (RGPH-1998) du 1er
au 14 avril 1998.
9Selon le manuel de l’agent recenseur de 1987.
58
2.3.1. Objectifs des recensements
Pas moins de cinq objectifs ont été assignés au recensement :
1) Connaître l’effectif total de la population du Mali et sa répartition entre les régions,
les cercles, les arrondissements et les villages. Il s’agissait aussi de repérer les
populations sédentaires et nomades ainsi que la répartition de la population entre le
milieu urbain et le milieu rural.
2) Connaitre la structure de la population malienne par sexe et par âge.
3) Avoir une connaissance du nombre total de naissances et le nombre total annuel de
décès.
4) Connaitre les disponibilités en logements pour les ménages et leurs conditions de
vie en matière d’habitation.
5) Le recensement a aussi apporté des renseignements sur les caractéristiques
démographiques (situation matrimoniale, lieu de naissance, etc.), économiques
(profession, activité principale, etc.) et socioculturelles (nationalité, alphabétisation,
langue maternelle, langue parlée, etc.).
Ces données exhaustives ont été utiles pour mieux cerner les conditions de vie des
populations, la capacité de production et les conditions sociales. Tous les secteurs de la vie
nationale ont pu être touchés par les actions entreprises par la suite. Parmi ces dernières,
quelques-unes ont bénéficié d’une attention particulière dont :
- L’autosuffisance alimentaire de la population et ce quel que soit les conditions
climatiques.
- La scolarisation de tout enfant en âge d’aller à l’école. L’objectif était alors de
permettre à la majorité de ces enfants d’avoir accès à une éducation de base.
- L’intensification des actions d’alphabétisation fonctionnelle.
- La poursuite de la politique de soins de santé primaires.
- L’implantation d’unités industrielles.
- La construction de logements économiques pour les ménages.
59
Pour ce faire, les données de recensement étaient les plus indiquées pour répondre à ces
objectifs et ainsi à la détermination objective des besoins de la population comme la
construction d’hôpitaux et l’élaboration de programmes de logements.
2.3.2. Élaboration des recensements
Les recensements du Mali ont été conçus afin de couvrir l’ensemble du territoire à
l’intérieur des limites de ses frontières au moment de l’opération. Chaque localité du pays a
été couverte par une zone de dénombrement appelé SE et toutes les composantes de la
population étaient concernées. Ainsi, les populations nomades et sédentaires ont été prises
en compte. Chaque individu et chaque local utilisé comme habitation ont été recensés.
Toutes ces actions ont été exécutées à la date convenue afin que les données recueillies
aient une référence bien précise. Une fois regroupées, elles ont été évaluées et exploitées
pour les besoins de la planification. Cependant, les données que nous exploiterons dans ce
travail sont des données brutes donc non exploitées.
2.3.3. Quelques notions
Certaines variables ont été jugées utiles pour notre analyse. Cependant, certains concepts
seront mentionnés et il convient de les expliciter pour une meilleure compréhension. Les
définitions suivantes ont guidé la collecte des données.
La concession
La concession est un espace clôturé ou non, à l’intérieur duquel se trouvent une ou
plusieurs constructions qui peuvent avoir divers usages (habitations, dépendances, etc.).
Une concession est généralement entourée par un mur ou une haie, mais elle peut dans
certains cas être constituée par un groupe de constructions indépendantes. Elle peut aussi
n’être constituée que d’une seule construction utilisée ou non pour une action déterminée.
Ainsi, ont été considérés comme concession des bâtiments administratifs, religieux ou
publics, industriels, ou encore commerciaux. Une concession peut être habitée par un ou
plusieurs ménages et être constituée par un ou plusieurs logements le plus souvent placés
sous la responsabilité d’un chef de concession.
60
La construction
Il s’agit d’un édifice indépendant contenant une ou plusieurs pièces limitées par des murs.
Cet édifice est destiné à l’habitation ou alors servira de dépendances. Comme exemple de
construction, nous avons : les maisons d’habitation, les cuisines, les toilettes, les greniers,
etc.
Le logement
C’est l’unité qui a été retenue par le recensement de l’habitation. Un logement est un
ensemble de construction (unité d’habitation) destinée à un ménage. Il existe deux types de
logements.
- Le logement fixe : c’est une pièce ou ensemble de pièces situées dans un bâtiment
permanent c’est-à-dire pouvant rester en place durant une assez longue période (de
cinq à dix ans par exemple). Ce type de logement comprend les maisons avec des
murs et un toit en ciment ou en béton (villas, immeubles, etc.), les maisons avec des
murs en ciment ou béton et un toit en tôle, les maisons semi-dures avec des murs en
banco parfois en ciment, les maisons en banco ou en paille et les cases rondes.
- L’habitation mobile : il s’agit d’une installation servant d’habitation, mais construite
de façon à pouvoir être transportée (unité mobile) et utilisée comme habitation au
moment du recensement. Cette catégorie comprend : les tentes des nomades, les
wagons des chemins de fer, les bateaux et navires, les embarcations, les pirogues et
péniches, les remorques, etc. Mais pour être prises en compte, ces structures doivent
être utilisées comme habitation au moment du recensement.
Le ménage et son chef
Le ménage est un groupe d’individus apparentés ou non, vivant sous le même toit sous la
responsabilité d’un chef de ménage dont l’autorité est reconnue par tous les membres.
Cependant, il existe plusieurs types de ménages.
- Généralement, le ménage est constitué par un chef de ménage, son ou ses épouses,
et leurs propres enfants non mariés. Il peut éventuellement compter d’autres
membres de la famille ou encore des personnes sans lien de famille avec le chef de
61
famille. Le ménage peut aussi se réduire à une seule personne vivant seule ou avec
ses enfants.
- Un ménage peut être polygame avec un maximum de 4 épouses qui peuvent ou non
habiter dans la concession du chef de ménage. Lorsqu’elles vivent dans la
concession du mari, ce dernier est considéré comme le chef du ménage. Dans le cas
contraire, lorsque la femme vit dans une concession différente, elle est recensée
comme étant le chef de ménage avec les personnes qui vivent avec elle. Si l’agent
recenseur trouve chez elle son mari, ce dernier sera recensé en tant que conjoint.
- Chacun de leurs fils mariés constitueront des ménages séparés avec leurs propres
épouses, leurs enfants et leurs éventuels dépendants non mariés.
- Un locataire qui ne prend pas ses repas là où il loge constitue un ménage à part.
- Chaque membre d’un groupe de célibataires non apparentés, vivant ensemble, et
pourvoyant individuellement à leurs besoins alimentaires, constitue un ménage à
une personne.
- Lorsque le ménage est dit collectif, on parle alors d’un ensemble de personnes
vivant en commun dans les institutions sociales du pays pour des raisons d’étude, de
santé, de travail, de voyage, de discipline ou d’intérêt commun. Il comprend les
hôpitaux ou centres de santé, les institutions éducatives (lycées et collèges, Écoles
Normales, Instituts, etc.), les centres de rééducation, les hôtels, les couvents et
autres communautés religieuses, le corps militaire, etc. Le personnel de direction et
d’entretien de ces établissements ne sont pas pris en compte dans le recensement de
ces institutions.
Cependant, il faut remarquer que les ménages ordinaires qui se trouvent logés dans des
maisons, dans la même cour qu’un ménage collectif, ont été identifiés et recensés
séparément avec une feuille de ménage ordinaire.
Durant le recensement, il a aussi pu y voir un risque de doublons pour le mari qui est
polygame, car il pourrait être recensé dans plusieurs concessions même s’il ne devrait être
considéré comme chef de ménage qu’une seule fois. Il revenait donc à l’agent recenseur de
rester vigilent sur ce point.
62
Le résident et le visiteur
Une personne est dite résidente lorsqu’elle a passé six mois ou plus sur son lieu actuel de
résidence ou alors si elle a l’intention de s’y installer même si la durée du séjour déjà
effectuée est inférieure à six mois. Si l’individu a passé la nuit précédant le passage de
l’agent recenseur dans la localité recensée il est alors qualifié de résident présent. S’il n’a
pas passé la nuit précédant le passage de l’agent dans cette localité : il sera soit un résident
absent, mais se trouvant dans une autre localité du Mali soit un résident absent se trouvant
en dehors du Mali. Les résidents absents ayant quitté le ménage depuis plus de six mois
n’ont pas été recensés.
Un visiteur est une personne dont le domicile habituel est différent du lieu de recensement.
Il doit alors être de passage depuis moins de six mois dans le ménage recensé et ne doit pas
non plus avoir l’intention d’y rester plus de six mois.
Numéro de ménage et numéro d’ordre
Chaque ménage de chaque concession recensée a un numéro qui lui est attribué. Pour
chaque concession, ce numéro devait être unique.
Le numéro d’ordre de chaque individu dans le ménage recensé est établi suivant l’ordre du
dénombrement. Dans chaque ménage, ce numéro devait être unique.
Situation matrimoniale
La situation matrimoniale d’une personne est son état actuel concernant le mariage vis-à-vis
des lois et coutumes de son pays. Les différents types de mariage (coutumier, religieux,
civil) au Mali sont reconnus ici et notre étude ne fait pas de distinction à ce niveau. Cette
variable est codée par un seul chiffre, de la façon suivante aussi bien pour les hommes que
pour les femmes :
Tableau 2.1 : La situation matrimoniale au Mali lors des recensements
- Célibataire
- Marié 1
- Marié 2
- Marié 3
- Marié 4
- Veuf (ve)
- Divorcé(e) ou séparé(e)
- Personne non concernée
- Non déclaré
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998
63
Pour les personnes mariées, le recensement a pris en compte le nombre d’épouses pour les
hommes et le nombre total de mariages contractés par la femme au moment du
recensement. Par exemple Marié 4 indiquera que l’homme a actuellement 4 épouses mais
pour une femme, cela voudra dire qu’elle en est à son 4ième
mariage.
Lien de parenté avec le chef de ménage
C’est le lien du chef de ménage avec chaque membre du ménage en question. Il est codé
comme suit :
Tableau 2.2 : Les liens de parenté avec le chef de ménage lors des recensements
- Chef de ménage (CM)
- Conjoint du chef de ménage (Ep de 1)
- Enfant du CM (fils ou fille)
- Père ou mère du CM
- Frère ou sœur du CM (F de 1 ou S de 1).
- Autres liens avec le CM (AL).
- Sans lien de parenté avec le CM (SP).
- Non déclaré ou blanc.
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998
Si le lien de parenté a été saisi par rapport à une personne autre que le chef de ménage, il a
été converti comme il convient. Exemple :
01. Mamadou Traore CM
02. Fatou Toure Ep 1
03. Aminata Dia Mère 2
Le lien de parenté de Aminata Dia avec Mamadou Traore sera alors codé 6 (Autres liens de
parenté), car elle est sa belle-mère.
Situation de résidence
Tableau 2.3 : Les différentes situations de résidence lors des recensements
- Résident présent (RP)
- Résident absent se trouvant dans une autre localité du
Mali (RAI)
- Résident absent se trouvant à l’étranger (RAE)
- Résident à destination inconnue (RA)
- Visiteur venant d’un autre endroit du
Mali (VI)
- Visiteur venant de l’extérieur du Mali
(VE)
- Visiteur de provenance inconnue (V)
- Non déclaré ou blanc (ND)
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998
Une fois ces variables présentées, intéressons-nous à notre méthodologie.
64
2.4. Cadre d’analyse
2.4.1. Les variables à l’étude
Les neuf variables suivantes ont été retenues comme étant les plus déterminantes pour
conduire nos analyses :
Sexe
Le sexe de chaque individu du ménage a été codé comme suit:
1 pour Féminin (F)
2 pour Masculin (M)
Âge et lieu de naissance
La première variable est de type continu et la deuxième est nominale. Le lieu de naissance
fait référence à une région du Mali lorsque le répondant est né sur le territoire ou alors
l’étranger si ce n’est pas le cas. Cette variable construite à des fins d’analyses est
catégorisée comme suit :
Tableau 2.4 : Le lieu de naissance des répondants
- Kayes
- Koulikoro
- Sikasso
- Ségou
- Mopti
- Régions du Nord (Gao, Tombouctou, Kidal10
)
- Bamako
- Étranger
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998
Langue parlée et langue maternelle
La langue parlée est celle qui est le plus couramment utilisée par l’individu dans la vie
quotidienne. La langue maternelle est quant à elle celle parlée par la mère de la personne
recensée.
10
Dans le RGPH de 1987, une erreur de codage a été découverte. La région de Kidal a été créée post-
recensement. Mais les données du RGPH lui octroyaient 422196 natifs contre 2708 pour le district de
Bamako. Cependant, ces mêmes données montrent qu’il y a 33356 habitants à Kidal et 658660 à Bamako.
Après une recherche minutieuse dans les résultats d’analyse des données du RGPH de 1987 publiés par la
DNSI, nous avons conclu que les nombres d’habitants des deux régions sont corrects et que leurs nombres
respectifs de natifs étaient probablement dus à une erreur de codage avec un inversement des codes des deux
régions. Nous avons donc pris le parti de rétablir les chiffres en donnant à Bamako le nombre de natifs
préalablement octroyé à la région de Kidal et vice-versa.
65
La langue maternelle a été définie dans le manuel du codeur comme étant la langue de la
mère du répondant. Il s’agit donc d’attirer l’attention sur le biais que pourrait entraîner le
sens de cette variable. Cependant, cette langue maternelle pourrait être vue comme la
première langue de socialisation de l’enfant même s’il est possible qu’il ait été élevé par
une personne autre que sa mère. Être élevé par une personne reviendrait à « hériter » de la
langue de cette dernière : d’où la notion de langue maternelle. Nous retenons donc bien la
langue maternelle déclarée par l’individu.
Aptitude à lire et à écrire
Cette variable a servi à faire la différence entre les populations alphabètes et celles qui sont
analphabètes. La question posée était « est-ce que TEL sait lire et écrire? » et la population
cible était les personnes âgées de 12 ans et plus. Les modalités saisies sont un peu
différentes entre les deux recensements et les réponses suivantes étaient possibles :
Tableau 2.5 : L’alphabétisation des répondants
Année de recensement Aptitude à lire et écrire
1987 - Non (aucune alphabétisation)
- Français
- Arabe
- Coran
- Langue nationale
- Langue nationale et français
- Français et autres langues écrites
- Autres langues
- Personnes non concernées
- Non Déclaré
1998 - Personnes non concernées
- Sait lire et écrire français seul
- Sait lire et écrire uniquement une langue nationale
- Sait lire et écrire uniquement une autre langue
- Sait lire et écrire uniquement le français et une langue nationale
- Ne sait ni lire ni écrire
- Non Déclaré
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 199811
11
Ces regroupements ont aussi pu être menés à bien avec le concours de M. Mamadou Kani Konaté, directeur
au centre d’appui à la recherche et à la formation du Mali.
66
En 1987, un des soucis majeurs du recensement était de déterminer la place du français, des
langues nationales, mais aussi de l’arabe. Attendu que l’un de nos objectifs est de comparer
les deux recensements effectués en 1987 et en 1998, nous avons procéder à quelques
regroupements dans le but d’arriver à des catégories semblables pour les deux années. Cette
opération nous a donné les modalités suivantes :
Tableau 2.6 : L’alphabétisation des répondants
- Aucune alphabétisation
- Savoir lire et écrire en une langue nationale
seulement
- Savoir lire et écrire au moins en français
- Savoir lire et écrire en arabe et en d’autres
langues
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998
Niveau d’instruction
Les deux recensements n’ont pas adopté la même approche pour répondre à cette question.
Les modalités saisies sont différentes de même que la question posée à chaque individu de
six ans ou plus. En 1987, on demandait à la personne quelle était la dernière classe qu’elle
avait achevée avec succès alors qu’en 1998, on lui demandait directement son niveau
d’instruction.
Contrairement au recensement de 1987, celui de 1998 avait mis l’accent sur l’enseignement
et l’apprentissage de l’arabe au Mali. Alors qu’à l’origine cette langue était surtout parlée
dans le nord du pays, les medersas se sont propagées à travers tout le pays. Le recensement
de 1998 a donc mis l’accent sur l’expansion de l’arabe et la fréquentation des medersas, ce
que n’avait pas fait celui de 1987.
67
Tableau 2.7 : Le niveau d’instruction des répondants
Année de recensement Niveau d’instruction ou dernière classe achevée avec succès
1987 0=Néant
1=Fondamentale 1er cycle
2=Fondamentale 2nd cycle
3=Secondaire général et technique
4=Ecole professionnelle ou normale
5=Enseignement supérieur et post universitaire
6=Personne ayant un diplôme ou un titre
7=Une campagne d'alphabetisation fondamentalle
8=Plus d'une campagne d'alphabetisation fondamentalle
9=Non Déclaré ou blanc
1998 0=Néant ou personne non concernée
1=Fondamentale 1er cycle
2=Fondamentale 2nd cycle
3=Medersa12
1er cycle
4=Medersa 2nd cycle
5=Enseignement secondaire général
6=Enseignement secondaire technique
7=Enseignement normale
8=Ens. prof. niveau entrée CEPE
9=Ens. prof. niveau entrée DEF
10=Ens. prof. niveau entrée BAC ou +
11=Université
12=Post Universitaire
13=Ecole coranique
14=Centre d'alphabetisation
99=Non Déclaré
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998
Étant donné nos objectifs de comparaison de deux recensements, nous avons procédé à des
regroupements afin d’uniformiser les catégories pour les deux recensements ce qui a donné
le tableau suivant :
12
Au Mali la médersa est différente de celle des pays d’Afrique du Nord. Elle dispense aux élèves un
enseignement coranique en plus de celui de la lecture, de l’écriture, du calcul et, parfois, de géographie et
d’histoire, en arabe et en français, sur deux cycles identiques à celui de l’école conventionnelle. Les élèves
sont recrutés entre six et huit ans et sont en principe conduits à passer l’examen de fin de cycle en arabe
(CFEPCEF ou DEF) […] (Gérard, 1995).
68
Tableau 2.8 : Le niveau d’instruction corrigé des répondants
- Aucune instruction
- Fondamentale 1er
cycle
- Fondamentale 2e cycle
- Enseignement général, technique, professionnel ou normal
- Enseignement supérieur ou postuniversitaire
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 199813
Activité professionnelle
La population peut être divisée en deux groupes : les actifs et les inactifs. La population
active comprend les actifs occupés (toute personne ayant occupé un emploi quelconque
durant le mois précédent la date de recensement) et les chômeurs. Les inactifs sont les
personnes qui n’occupent aucun emploi d’ordre économique. Ce sont les ménagères, les
étudiants, les retraités, etc. Dans cet état d’esprit, nous avons aussi construit une variable
qui catégorise la profession du répondant selon le secteur d’activité. Cette classification
s’est faite sur la base d’une typologie économique (cf. annexe A) et est comme suit :
secteur primaire, secteur secondaire, secteur tertiaire et secteur informel.
Variable dépendante
Les variables ci-dessus sont toutes explicatives. Une variable exogamie dépendante a été
créée a postériori afin de nous permettre de répondre à certaines de nos questions de
recherche. Cette variable est dichotomique et prend la valeur 0 lorsque le couple n’est pas
linguistiquement exogame et 1 sinon.
2.4.2. Avantages et limites des données
La limite la plus importante concerne la structuration des questions du recensement qui
permettent seulement de connaître la langue de la mère de l’individu nommée langue
maternelle. Nous devrons donc nous montrer prudents et nuancer nos interprétations.
Les données nous permettent de connaître le nombre d’épouses pour le mari, le nombre de
mariages contractés par l’épouse ainsi que les liens de parenté des membres du ménage
13
Ces regroupements ont aussi pu être menés à bien avec le concours de M. Mamadou Kani Konaté, directeur
d’appui à la recherche et à la formation au CAREF au Mali.
69
avec le chef de ménage. Cependant, elles ne nous permettent pas de connaître le rang
d’épouse de la femme. De plus, lorsque dans un ménage polygame une ou plusieurs
épouses habitent dans leurs propres concessions, elles sont alors considérées comme chefs
de ménage. Lorsque l’époux est présent lors du recensement chez une de ses épouses, il
sera alors considéré comme conjoint. Il n’est donc pas exclu qu’il soit recensé plus d’une
fois. Il est aussi difficile d’apparier cet homme à toutes ses épouses car nous ne pouvons
être sûrs qu’il s’agit bien du même individu puisqu’il aura des numéros d’identification
différents. En effet, ces numéros ont été créés en parti grâce au numéro de ménage et au
numéro d’ordre de l’individu dans le ménage. Or, ces deux variables auront des valeurs
différentes selon l’épouse. Ces différentes considérations ont fait que nous avons décidé
d’exclure de l’observation les hommes polygames ainsi que leurs épouses. Notre groupe
d’individus ne comporte donc que des ménages monogames dont les membres cohabitent
ensemble dans la même concession.
La population malienne compte aussi beaucoup de personnes émigrées dans d’autres pays
et d’autres régions du Mali. Lorsque la personne est absente depuis plus de six mois, elle
n’est plus considérée comme résidente du lieu de recensement et par conséquent, n’est pas
recensée. Nous nous retrouvons donc avec des ménages ayant à leur tête un seul des deux
conjoints. Puisque nous nous intéressons à la langue de communication dans le couple,
nous nous limiterons donc aux couples dont les deux conjoints sont résidents présents au
Mali et vivent ensemble.
Cependant, aucune de ces limites n’empêchent l’utilisation de ces données. Ces dernières
sont en effet assez riches pour permettre l’obtention de bons résultats ainsi qu’une bonne
interprétation. En effet, elles sont exhaustives, peuvent fournir des statistiques calculées à
partir de données de population et donc sans variabilité d’échantillonnage, et enfin,
permettent d’étudier de petites sous-populations. Il nous suffira de nuancer nos
interprétations afin de prendre en compte les différentes limites de nos données.
70
2.4.3. Description de notre sous-population
Le concept de mariage retenu dans le cadre de notre étude est celui d’une union reconnue
au Mali (religieuse, coutumière ou civile), dont les deux conjoints sont résidents au Mali.
L’exogamie désigne ici les couples de langues maternelles différentes. Pour notre analyse,
nous avons retenu les couples exogames ou endogames, monogames, dont les deux époux
vivent ensemble dans la même concession et sont tous deux des résidents présents à
Bamako.
En 1987, le recensement de Bamako faisait état de 649 569 habitants et 1 016 154 habitants
en 1998. En sélectionnant les individus observés, ces nombres ont été répartis comme suit :
Tableau 2.9 : Sélection des membres du corpus de données
1987 1998
Nombre total d’habitants Nombre de personnes en union (chefs de ménage et leurs conjoint(e)s) Nombre de résidents absents de Bamako Nombre de résidents présents à Bamako Nombre d’hommes monogames Nombre d’hommes polygames
649 569 85324 6605 (3.4%) 185400 (96.6%) 56985 21404
1 016 154 266781 4171 (1.4%) 262610 (98.4%) 96007 24023
Nombre de couples monogames et résidents présents à Bamako Nombre de couples monogames, endogames et résidents présents à Bamako Nombre de couples monogames, exogames et résidents présents à Bamako
42357 (100%) 36462 (86,1%) 5895 (13.9%)
84671 (100%) 72869 (86,1%) 11802 (13.9%)
Source : Exploitation des données des RGPH de 1987 et de 1998
Les données de recensements comportaient certaines erreurs qu’il a fallu corriger ainsi que
des doublons. Ces derniers ont été supprimés et les bases de données nettoyées. De toute la
population de Bamako, seuls les conjoints ont été retenus. Les époux s’étant déclarés
comme monogames ont été identifiés ainsi que ceux qui ont déclaré être polygames. Ils ont
ensuite été reliés à leurs épouses par un numéro unique pour chaque ménage. Les ménages
polygames ont pu être supprimés de notre corpus. Nous avons donc 5895 couples soit
71
11790 individus monogames, résidents présents à Bamako et exogames à étudier pour 1987
et 11802 couples soit 23604 individus pour 1998.
2.4.4. Méthodes d’analyse
L’analyse des données pourrait être divisée en deux principales parties. Notre premier
objectif est de donner les tendances des mariages mixtes à Bamako durant la décennie
1987-1998. Une première analyse descriptive nous permettra donc de répondre aux
questions suivantes :
Quelles ont été les langues maternelles et parlées dans les couples monogames de
Bamako en 1987 et 1998?
Existe-il des langues dominantes à Bamako au sein des unions monogames?
Comment ont évolué les mariages mixtes à Bamako entre 1987 et 1998 dans notre
corpus?
Quelles ont été les tendances linguistiques au sein des unions monogames qui
résidaient à Bamako en 1987 et 1998?
Y avait-t-il des « préférences linguistiques » dans certaines communautés
linguistiques chez les conjoints monogames de Bamako? Nous chercherons à savoir
si certaines communautés étaient plus ouvertes à l’exogamie linguistique que d’autres
ou non.
Vers quelles langues se font les transferts linguistiques? En effet, le choix de la
langue parlée peut se porter sur la langue maternelle du mari, de la femme ou alors
sur la langue de l’environnement.
Notre deuxième objectif sera de faire une analyse plus fine afin de déterminer les facteurs
les plus déterminants dans la vie d’un couple exogame. Nous tenterons aussi de mettre en
lumière l’existence ou non d’une fonction « démarcative » de la langue afin de réfléchir sur
la survie des langues locales, minoritaires pour certaines. Pour répondre à la suite de nos
questions, cette deuxième partie de l’étude sera axée sur des analyses bi- et multivariées et
nous verrons ainsi si des variables comme le sexe, l’âge, l’alphabétisation, le niveau
d’instruction ont pu avoir une influence sur la présence d’une exogamie linguistique ou
72
non. Nous tenterons de définir l’existence d’un lien significatif entre la variable dépendante
(une union exogame ou endogame) et les variables explicatives.
2.5. Conclusion
Nous avons présenté nos données, notre problématique, nos questions et hypothèses de
recherche. Il apparait que les données des deux recensements sont bien adaptées aux
analyses que nous voulons mener. En effet, ces données permettent de mesurer les variables
suivantes : les langues maternelles et parlées ainsi que leur évolution, le niveau
d’alphabétisation et d’instruction, l’activité principale du répondant, le sexe. Cependant, ces
données comportent quelques limites. En effet, la structuration de certaines questions nous
limitent un peu dans nos analyses et ainsi nous poussent à nuancer nos interprétations. Ces
mêmes limites nous ont poussées à circonscrire notre groupe d’étude.
Au total, lorsqu’on remonte à la source des données de recensement, des analyses inédites
restent encore possibles dans un environnement national malien où la tradition statistique
est assez récente. Ceci fait que les observateurs ont tendance à s’orienter principalement
vers les données de type économique et de planification opérationnelle, laissant
insuffisamment exploitées les données culturelles et celles relatives aux changements
sociaux. En entreprenant cette recherche relative à l’usage des langues dans les processus
matrimoniaux, nous visons à mettre en relief les dynamiques sociolinguistiques comme
révélatrices des évolutions au cœur des sociétés maliennes.
Le prochain chapitre sera consacré à notre analyse des données ainsi qu’à l’interprétation
de nos résultats.
73
DEUXIÈME PARTIE :
Analyse des caractéristiques des couples monogames de Bamako
74
Introduction à la deuxième partie
Cette deuxième et dernière partie renferme les différentes analyses qui ont été menées.
Dans le troisième chapitre, nous ferons la description des données selon le genre et
d’autres variables. Ce premier volet préparera le terrain pour les examens plus approfondis
que sont les analyses multivariées.
À la fin de cette partie, nous serons en mesure de répondre à nos questions de recherche en
infirmant ou confirmant nos hypothèses.
75
Chapitre 3 : Analyse descriptive
Le monde est plurilingue au sein de nombreux espaces. Les différentes communautés
linguistiques se côtoient sans cesse, amenant les langues à entrer en contact les unes avec
les autres. Cette confluence linguistique peut avoir lieu à deux niveaux différents : soit chez
l’individu (bilinguisme), soit au niveau de la communauté. Cependant, comme l’a dit Uriel
Weinreich (cité par Calvet, 2009), les langues ne sont dites en contact chez l’individu
bilingue que lorsqu’elles sont utilisées alternativement par cette même personne.
Certaines situations montrent des difficultés de communication entre des groupes proches,
chacun possédant sa propre langue. Ces groupes ont du mal à communiquer entre eux grâce
à leur langue d’origine, comme on peut le constater dans le milieu urbain. Dans cette
situation, une langue s’établit alors comme véhiculaire : c’est le cas du bambara à Bamako.
Le plurilinguisme pourrait être observé à une dimension plus restreinte de la société : le
ménage grâce aux mariages interlinguistiques. En effet, ces derniers ne concernent pas
uniquement l’union d’individus venant de pays différents puisqu’ils touchent aussi des
ressortissants de diverses régions d’un même pays. Dans un cas comme celui du Mali, il
n’est pas rare de voir des couples d’individus issus de différentes régions ou originaires de
la même ville, mais provenant de communautés linguistiques différentes. Ce même
phénomène se retrouve à Bamako, capitale du Mali, région très urbanisée (avec un taux
d’urbanisation de 38,6% en 199814
). Cet espace urbain et fort attrayant pour les habitants
des régions de l’intérieur du pays, favorise l’établissement des couples où l’un sinon les
deux conjoints sont bilingues. Dès lors, la capitale malienne présente un intérêt certain pour
observer le vécu du plurilinguisme au sein des couples exogames.
Ce troisième chapitre est consacré à l’analyse descriptive des variables explicatives selon le
genre.
14
http://www.amenagement-afrique.com/article.php3?id_article=168 (dernière consultation le 20 avril 2011)
76
3.1. Situation linguistique dans les ménages monogames de Bamako entre
1987 et 1998
3.1.1. Langues maternelles, langues parlées
Plusieurs langues sont parlées au Mali, mais certaines le sont plus que d’autres. Le bambara
ou malinké est cité par la majorité des bamakois aussi bien en tant que langue maternelle
que comme langue parlée (cf. annexe B.1). Le tableau 3.1 illustre le nombre d’utilisateurs
de chaque langue chez les conjoints monogames et résidents de Bamako.
La proportion d’individus ayant nommé le bambara comme langue maternelle est resté
presque stationnaire (légère hausse) entre 1987 et 1998 tandis que la tendance change
lorsque le bambara est considéré comme langue couramment parlée avec une proportion de
locuteurs qui a baissé durant la décennie. Sont ensuite cités dans cet ordre le peul, le
sonrhaï et le soninké en tant que langues maternelles. Les chiffres augmentent entre 1987 et
1998 pour le peul et soninké mais ceux du sonrhaï connaissent une légère baisse durant la
même période. Ce classement prend une autre forme lorsqu’on s’intéresse aux langues les
plus couramment parlées. En effet, en 1987, le sonrhaï occupait le deuxième rang suivi du
peul et du soninké. Le recensement de 1998 nous montre ensuite que le nombre de
personnes ayant cité ces trois langues a augmenté et que le peul a alors occupé la deuxième
place suivi du sonrhaï et du soninké.
Le bambara est largement majoritaire à Bamako dans le cercle des conjoints monogames
mais ne constitue pas la seule langue parlée dans la capitale malienne. Bien qu’il puisse être
considéré comme la langue véhiculaire dans la majorité des régions du pays, le peul et le
soninké y sont aussi des langues de communication. D’ailleurs le peul est présent le long du
fleuve Niger et présente des similitudes avec le dogon qui regroupe plusieurs variantes.
77
Tableau 3.1 : Les langues maternelles et parlées chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako
selon l’année de recensement (en pourcentages) Langues maternelles Langues
parlées
1987 1998 1987 1998
La
ng
ues m
ate
rnelle e
t p
arl
ée d
u r
ép
on
da
nt
Bambara/Malinké Peul/Fulfulde Sonrhaï/Djerma Maraka/Soninké Kassonké Sénoufo Dogon Maure Tamacheq Bobo-Dafing Minianka Bozo Autres langues du Mali Autres langues africaines Autres langues étrangères
72,3
5,9
4,9
3,4
1,1
1,6
2,8
,3
,3
2,8
1,4
,5
,4
1,1
1,1
73,3
6,0
4,7
4,1
,9
1,2
3,4
,2
,3
2,0
1,1
,6
,4
,8
,8
81,6
3,6
3,8
2,2
,5
,7
2,0
,2
,2
2,1
,7
,3
,1
,5
1,5
79,7
4,4
3,9
3,3
,5
,6
2,9
,1
,3
1,7
,6
,5
,2
,5
,8
Total
(N)
100,0
84714
100,0
169349
100,0
84714
100,0
169349
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Nous pouvons toutefois noter un certain recul pour certaines langues en tant que langues
maternelles telles que le kassonké, le sénoufo, le minianka entre autres. Pour comprendre
ces fluctuations, nous pourrions pointer du doigt la croissante migration des populations
rurales vers Bamako qui, même dans un cadre temporaire, voit la forte domination du
bambara dans les échanges quotidiens inciter le nouveau venu à se mettre à l’apprentissage
du bambara (Konaté et al. 2010). En effet, face aux nombreuses contraintes auxquelles font
face les populations, ces dernières adoptent le plus souvent la solution de l’émigration. Ce
problème subsiste en Afrique sub-saharienne où l’exode des jeunes d’une zone rurale vers
les villes ou encore d’un pays à un autre n’est plus une manœuvre afin d’accéder à de
« meilleures » études supérieures (migration autrefois réservée à une minorité), mais plus
tôt une réponse aux difficultés économiques de plus en plus pressantes (Lesclingand, 2004).
78
3.1.2. Un transfert linguistique vers le bambara?
Dans un contexte de forte domination linguistique, de plus en plus de Bamakois auraient
une langue maternelle autre que le bambara et ce dernier comme langue couramment
parlée. Le tableau 4.2 illustre le nombre de locuteurs parmi nos couples monogames, dont
la langue maternelle n’est pas le bambara mais qui ont adopté ce dernier comme langue la
plus couramment parlée. Comme nous pouvons le voir, quasiment toutes les communautés
ont connu une baisse du transfert linguistique vers le bambara entre 1987 et 1998. Bien que
la différence n’atteigne pas 1%, les effectifs sont tout de même notables. Ce schéma
d’évolution peut s’expliquer dès lors que de plus en plus d’individus auront le bambara
comme langue maternelle suite à son hégémonie.
Certaines langues ont perdu du terrain en une décennie parce que leurs propres usagers
d’origine ne les parlent point au profit du bambara et ce, dès l’enfance. Ce comportement
s’explique par le fait que le bambara est la langue la plus populaire à Bamako tout en étant
souvent la langue de socialisation. L’apprendre devient une nécessité dans toutes les
sphères de la vie quotidienne afin d’acquérir une plus grande autonomie.
Ce multilinguisme peut poser problème lorsqu’un locuteur se retrouve dans une
communauté dont il ne parle pas la langue. Le touriste (personne de passage) tentera
d’avoir recours à une langue plus partagée. Il utilise alors une langue véhiculaire.
L’individu voulant s’établir au sein de la communauté devra, par souci d’intégration, se
mettre à l’apprentissage de la langue du milieu. C’est la situation très souvent rencontrée
par les migrants qui arrivent dans leur pays d’accueil sans pour autant connaître la langue
de ce dernier ou alors très peu. Ils doivent alors l’acquérir et parfois sur le tas (Calvet,
2009).
79
Tableau 3.2 : Les langues maternelles concernées par le transfert vers le bambara chez les conjoints et
conjointes monogames de Bamako selon la langue maternelle et l’année de recensement 1987 1998
Effectif % Effectif %
La
ng
ue m
ate
rnelle p
arl
ée p
ar
le c
on
join
t
Peul/Fulfulde Sonrhaï/Djerma Maraka/Soninké Kassonké Sénoufo Dogon Maure Tamacheq Bobo-Dafing Minianka Bozo Autres langues du Mali Autres langues africaines Autres langues étrangères
2019
967
1025
505
737
699
105
50
643
644
193
193
455
66
40,1
23,3
36,0
53,2
54,4
29,0
43,0
19,9
26,6
54,2
42,6
63,5
50,4
7,0
2828
1427
1686
693
929
989
175
127
664
834
290
272
486
268
27,7
18,0
24,1
43,8
46,4
17,0
44,3
21,5
19,1
46,1
28,3
43,8
34,1
20,6
Total des transferts vers le Bambara 9,8% 6,9%
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Cette situation peut aussi se retrouver dans une dimension plus large : le groupe social. Ce
dernier, confronté à un autre groupe dont il ignore la langue et vice versa, se tournera vers
une langue « neutre » ou alors s’inventera une autre forme de langue approximative, en
général une langue mixte.
Malgré le statut conféré au français, le bambara sert dans plusieurs régions de principale
langue véhiculaire. Dans certaines régions comme Kayes où en 1998 45,7% de la
population étaient des locuteurs du bambara et 35,5% des locuteurs du soninké (Konaté et
al. 2010), il n’est pas rare de voir deux langues en compétition et des résidents bilingues.
Parmi toutes ces communautés, certaines semblent plus concernées par ces transferts que
d’autres. Outre les taux de transferts linguistiques vers le bambara, intéressons-nous aussi à
ceux illustrant le nombre de conjoints monogames qui parlaient encore leur propre langue
maternelle à Bamako (cf. annexe B.2). Pour la majorité de ces langues, nous pouvons
80
remarquer que le nombre de locuteurs du bambara a baissé entre 1987 et 1998 tandis que le
nombre de personnes qui parlaient leur propre langue maternelle a pris un essor au cours de
cette même période. Les communautés qui semblent être les plus conservatrices en 1987
(moins de 30% de locuteurs du bambara) sont les Sonrhaïs, les Dogons, les Tamasheqs et
les Bobo-Dafing. D’autres les ont rejoints en 1998 telles que les Fulfuldes et les Soninkés.
Bien que faisant partie de la même famille linguistique que le bambara (groupe
mandingue), le soninké n’a pas connu un transfert excessif vers le Bambara avec 36% en
1987 et 24,1% en 1998, tout comme le sonrhaï qui n’est pas apparenté au bambara selon la
classification de Perrin (1984) et qui connaît de plus faibles taux (1987 : 23,3%; 1998 :
18%). Il en est de même pour les Bobo-Dafing qui font partie de la famille linguistique
voltaïque.
Le fulfulde qui connait pourtant une utilisation transversale sur le plan national ainsi qu’une
grande expansion dans toute l’Afrique occidentale a un pourcentage de transfert assez élevé
en 1987 (40,1%), mais seulement 27,7% en 1998. Cette langue est la troisième langue la
plus utilisée à Bamako après le bambara et le soninké.
Les Sénoufos et les Miniankas ont le plus souvent comme langue maternelle ou de
communication le bambara. Leurs langues ne sont pas très présentes à Bamako et ne faisant
pas partie des cinq premières langues parlées dans la capitale. L’écart des taux de transferts
vers le bambara de ces deux langues n’est d’ailleurs pas très grand entre 1987 et 1998.
Le dogon est composé d’un grand nombre de dialectes pas toujours intercompréhensibles,
ce qui conduit ses locuteurs à être le plus souvent bilingues. Cette langue est surtout
présente dans la partie centrale du Mali (vers la région de Mopti) où prédomine le fulfulde
mais où le dogon est la première langue parlée en zone rurale. À Bamako, le dogon était la
cinquième langue la plus utilisée en 1987 et 1998 sur l’ensemble de sa population. Ses taux
de transferts vers le bambara sont assez faibles pour les deux années de recensement alors
qu’une large majorité de la communauté dogon parlait encore sa langue maternelle.
81
Le kassonké est apparenté au malinké et au fulfulde et fait partie du groupe linguistique
mandingue. Ses taux de transferts vers le bambara sont par conséquent assez élevés avec
plus de la moitié de l’effectif en 1987 et un peu moins en 1998. Quant au sonrhaï,
quatrième langue la plus parlée à Bamako, ses taux sont faibles avec seulement 23,3% en
1987 et 18% en 1998.
Parmi les autres langues du Mali et les langues africaines, les taux de transferts étaient
assez importants en 1987 à Bamako, montrant ainsi l’importance que détenait
l’apprentissage du bambara pour les locuteurs des langues minoritaires par souci
d’intégration. Cette posture pourrait tout de même s’avérer un peu plus difficile pour les
étrangers locuteurs de langues telles que le français, l’anglais ou l’arabe d’où les faibles
chiffres de transferts vers le bambara.
Toutes ces langues ont pour point commun de ne connaître qu’un seul transfert linguistique
important vers une seule langue : le bambara. Autrement, la majorité de la population en
union monogame de ces communautés linguistiques présentes à Bamako parlait sa propre
langue maternelle en 1987 et 1998. La baisse du nombre de locuteurs du bambara en tant
que langue la plus couramment parlée chez les couples monogames de Bamako peut être
expliquée par le nombre de personnes qui de plus en plus considèrent le bambara comme
leur langue maternelle. Mais elle pourrait aussi être une conséquence d’un certain réveil
culturel et d’une plus forte volonté de maintenir vivantes ses traditions et sa langue face à
l’usage généralisé du bambara à Bamako. Ce sentiment plus ou moins vif d’appartenance
linguistique peut se manifester par la volonté de faire passer sa langue maternelle au
premier plan, et ainsi prendre un peu de recul par rapport au bambara.
La majorité de ces langues ont une autre caractéristique en commun : leur caractère oral. En
effet, de manière générale, les langues telles que le français, l’anglais ou encore l’arabe sont
davantage enseignées dans les écoles. Les langues nationales sont maintenant de plus en
plus écrites, mais leur apprentissage n’est pas répandue (Konaté et al. 2010).
82
3.2. Endogamie, exogamie linguistiques : au sein des ménages monogames de
Bamako
La mixité a toujours existé, mais elle a eu des définitions différentes au cours du temps. Le
sens qui lui est donné a varié selon le contexte historique, social et juridique, mais aussi
selon le point de vue souvent subjectif des acteurs et des chercheurs (Varro, 1998). Les
unions mixtes au sens linguistique existent depuis fort longtemps.
3.2.1. Évolution des unions interlinguistiques à Bamako en 1987 et 1998
Chaque société s’organise selon des normes d’accès au marché matrimonial en fonction de
sa culture. Dans celles qui valorisent l’épanouissement des individus, l’entourage familial
et les normes de la société n’ont pas vraiment d’emprise sur les futurs époux ni sur leur
décision. Et pourtant, des études sur l’homogamie sociale (épouser qui vous ressemble) ont
montré que même dans les pays industrialisés où le choix du partenaire est plus libre que
dans d’autres, les marchés matrimoniaux étaient encore délimités par des critères
économiques ou sociaux (Locoh, 2005). L’endogamie (culturelle, linguistique, religieux,
etc…) y a fait place à l’homogamie qui implique de plus en plus souvent un ensemble de
traits personnels.
En Afrique, la formation d’un couple n’en est pas encore à ce niveau de simplicité.
L’endogamie y a encore sa place et c’est le cas pour les mariages interlinguistiques. À
Bamako, le pourcentage de mariages monogames et mixtes n’a pas du tout évolué durant la
décennie 1987-1998 (cf. tableau 3.3).
Tableau 3.3 : L’évolution des mariages monogames et mixtes à Bamako entre 1987 et 1998
1987 1998
Nombre de couples mixtes à Bamako 5895 (13,9%) 11802 (13,9%)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Cependant, cette constance des fréquences ne serait pas forcément due à un rejet de
l’exogamie ni à une plus grande fermeture des différentes communautés linguistiques
présentes à Bamako. 67,4% de la population bamakoise étaient des utilisateurs courants du
bambara en 1987 contre 68,1% en 1998. En contrepartie, 60,7% déclaraient le bambara
83
comme langue maternelle en 1987 contre 63,6% en 1998 (cf. annexe B1). Ces locuteurs qui
se déclarent comme utilisateurs du bambara et ce depuis leur enfance vont se reconnaître
comme appartenant à la communauté linguistique bambara, car assimiler une culture c’est
d’abord s’approprier sa langue (Warnier, 1999). De plus en plus d’individus vont donc
déclarer une langue comme maternelle et parlée même si ce n’est pas toujours le cas, car
elle a pu être uniquement leur langue de socialisation durant leur enfance et ensuite leur
langue de communication.
Mais au-delà des fréquences d’unions endogames ou exogames, il serait intéressant
d’examiner les langues maternelles que l’on retrouve dans l’un ou l’autre groupe. En effet,
en raison des taux de transferts vers le bambara que nous avons présentés plus haut, nous
pouvons nous attendre à des fréquences d’exogamie variables selon la langue maternelle de
l’individu.
3.2.2. Tendances linguistiques : exogames vs endogames
Pour la presque totalité des communautés linguistiques et quelle que soit l’année de
recensement, il y a eu moins d’unions entre deux personnes de langues maternelles
différentes. L’endogamie linguistique était nettement majoritaire.
Tableau 3.4 : Les fréquences d’endogamie ou d’exogamie dans les communautés linguistiques du Mali
chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement
1987 1998
Endogames Exogames Endogames Exogames
La
ng
ue m
ate
rnelle d
u/d
e la c
on
join
t(e)
Bambara/Malinké Peul/Fulfulde Sonrhaï/Djerma Maraka/Soninké Kassonké Sénoufo Dogon Maure Tamasheq Bobo-Dafing Minianka Bozo
92,2
65,5
76,6
64,5
47
62,7
86,5
48,4
71,7
88,7
63,8
64,9
7,8
34,5
23,4
35,5
53
37,3
13,5
51,6
28,3
11,3
36,2
35,1
92,3
66,9
74
73,2
47,3
56,9
84,2
38,5
67,2
81,8
52,4
66,5
7,7
33,1
26
26,8
52,7
43,1
15,8
61,5
32,8
18,2
47,6
33,5
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
84
Cependant, certaines d’entre elles ont enregistré des taux d’exogamie très bas en
comparaison à d’autres. Ces langues maternelles pourraient être réparties en 4 groupes
selon leur niveau d’ouverture envers l’exogamie. Il y a celles qui n’ont pas connu des taux
de plus de 19%, celles dont les pourcentages se situent entre 20 et 39%, celles avec des
chiffres compris entre 40 et 59% et enfin les communautés linguistiques dont les taux
d’exogamie ont dépassé les 60%.
Le premier groupe comprend la communauté bambara et malinké, groupe ayant enregistré
les plus faibles taux d’unions exogames en 1987 et 1998 avec seulement 7%. Chez les
Fulfuldes, les Sonrhaïs, les Dogons, les Tamasheqs et les Bobos, les taux d’exogamie sont
aussi assez bas (moins de 35%). Cependant, il y a une hausse chez les Bobos en 1998 de
même que pour les Tamasheqs tandis que la communauté fulfulde accuse au contraire une
légère baisse en 1998. En contrepartie, les Maures ont un pourcentage de mariages mixtes
supérieurs à 60% pour le recensement de 1998.
Il faut tout de même prendre ces résultats avec prudence. En effet, le taux très élevé
d’endogamie linguistique chez les Bambaras (plus de 90% pour les deux recensements) ne
signifie pas nécessairement que ceux-ci sont plus hostiles à l’ouverture envers les autres
communautés linguistiques sur la scène du marché matrimonial. Comme nous l’avons vu
dans les sections précédentes, la langue bambara domine largement à Bamako et de plus en
plus de locuteurs non-natifs le réclament comme langue maternelle à tort ou à raison. Le
nombre important de locuteurs du bambara à Bamako chez les monogames donnerait une
forte probabilité pour un bamanan (locuteur du bambara) d’épouser une bamanane.
Pareillement, les Dogons et les Bobos ont comptabilisé de baisses fréquentes dans le
domaine du mariage exogame et semblent être les groupes les plus conservateurs. Les
premiers ont vécu au Mali de manière enclavée, réussissant ainsi à sauvegarder leur forte
identité socioculturelle et à se protéger des incursions peules. Cette communauté connait en
plus une grande diversité de groupes humains (Thibaud, 2005). Sa langue dogon n’est pas
très populaire non plus à Bamako où elle était parlée par moins de 3% des riverains en 1987
85
et 1998 (cf. annexe B.1), tout comme la langue bobo. En effet, cette dernière est plus
présente dans le sud-est du pays et beaucoup moins à Bamako.
Parallèlement, les Kassonké ont connu des taux dépassant les 50% en 1987 et 1998 tout
comme les Maures. Mais tandis que ceux du premier groupe ont baissé d’un recensement à
l’autre, ceux du deuxième groupe ont au contraire augmenté de presque 10% dépassant les
60% d’unions mixtes, semblablement pour les Miniankas de Bamako.
En étudiant les larges variations de taux d’unions exogames selon les communautés
linguistiques, nous pouvons mettre en évidence l’existence d’un éventuel lien entre le fait
de contracter une union monogame-mixte et la langue maternelle du répondant. Existerait-il
alors des préférences quant à la communauté linguistique de l’autre?
3.2.3. Des préférences linguistiques ou une plus grande ouverture à
l’exogamie?
Au vu des résultats du tableau précédent, il serait légitime de se demander si ces différences
de taux d’exogamie linguistique selon les communautés ne cacheraient pas quelques
préférences d’un groupe à un autre et s’il existe des disparités entre hommes et femmes.
Les deux figures ci-après nous montrent justement qu’il existe effectivement des écarts plus
ou moins grands entre les hommes et les femmes quant à l’accès au marché matrimonial
interlinguistique dans le cadre d’une union monogame.
À la vue de ces graphiques, nous pouvons remarquer plusieurs tendances de la fréquence
des unions mixtes selon la langue maternelle et le genre. Pour les deux années de
recensement, les fréquences d’unions interlinguistiques étaient sensiblement plus élevées
chez les hommes selon la communauté linguistique.
86
Figure 3.1: L’évolution des unions mixtes chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement, le genre et la
communauté linguistique
a) 1987 b) 1998
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
87
Deux tendances peuvent être dégagées ici : les communautés linguistiques où les unions
mixtes sont plus habituelles chez les hommes ou les femmes et celles qui enregistrent des
fréquences similaires pour les deux genres. Cependant, les écarts entre les pourcentages
pour les hommes et ceux des femmes ne sont pas très élevés, exception faite de la
communauté bambara où les femmes sont environ 20% de plus à contracter des mariages
exogames. Si leurs conjoints n’appartiennent pas à la communauté bambara, ils se trouvent
sans doute dans une autre.
Il existe manifestement des disparités de genre selon la langue maternelle de l’individu. Il
convient dès lors de se demander en marge de cette caractéristique des mariages
interlinguistiques et monogames à Bamako, quelle langue est parlée dans ces couples?
3.2.4. Provenance de la langue parlée dans le couple mixte
Dans un couple mixte, la langue qui y est parlée est soit celle du mari, soit celle de la
femme ou encore une langue « neutre », celle de l’environnement par exemple. Cependant,
il peut aussi arriver que les conjoints de ces unions « mixtes » ne parlent pas la même
langue.
o Des conjoints qui ne parlent pas la même langue
Le tableau ci-dessous nous montre que certains conjoints ont déclaré ne pas parler la même
langue. Plusieurs scénarios sont possibles pour expliquer ces résultats.
Tableau 3.5 : Les conjoint(e)s qui parlent la même langue ou non au sein des couples exogames et
monogames de Bamako selon l’année de recensement
1987 1998
Effectif % Effectif %
Les conjoints parlent la même langue ou non
Conjoints qui parlent la même langue Conjoints qui ne parlent pas la même langue
7860
3930
66,7
33,3
12148
11456
51,5
48,5
Total 11790 100,0 23604 100,0
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Aucun des recensements ne permet de connaître combien de langues parle le répondant. En
effet, ils ne nous permettent de prendre connaissance que d’une seule langue parlée. Et
pourtant, il est bien possible que ce dernier soit bilingue, envers son/sa conjoint(e) ou sa
88
famille. Pour ceux qui ont des enfants, ce bilinguisme pourrait être transmis à ces derniers.
Dans un pareil cas, chacun des deux parents peut communiquer avec l’enfant dans sa
propre langue maternelle, ce qui ferait que celui-ci aura la possibilité de maîtriser les deux
langues maternelles de ses parents.
o Des conjoints qui parlent la même langue : d’où vient celle-ci?
Parmi les conjoints ayant contracté une union monogame et exogame, résidant à Bamako
et parlant la même langue (cf. tableau 3.6), plus de la moitié parlaient la langue maternelle
de l’épouse en 1987 et 1998. En contrepartie, environ 34% des couples parlaient la langue
maternelle du mari pour les deux recensements étudiés tandis que la part d’individus
parlant une autre langue tournait autour des 13-14% pour les deux années.
Tableau 3.6 : La provenance de la langue parlée chez les conjoints et conjointes des couples exogames-
monogames de Bamako qui parlent la même langue selon l’année de recensement 1987 1998
Effectif % Effectif %
Quelle est la langue parlée dans le couple?
La langue parlée est la langue maternelle du mari La langue parlée est la langue maternelle de l'épouse La langue parlée est autre (par exemple celle du milieu)
2670
4060
1130
34,0
51,7
14,4
4174
6388
1586
34,24
52,6
13,1
Total 7860 100,0 12148 100,0
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
3.3. Les variables explicatives : Une analyse descriptive selon le genre
3.3.1. L’aptitude à lire et à écrire à Bamako
L’un des problèmes les plus pressants de l’Afrique est de trouver la meilleure démarche
possible afin de mieux aborder la situation multilinguistique du continent, en plus de
chercher à atteindre l’un des objectifs des Nations Unies : « Une éducation pour tous ».
C’est dans ce cadre que le projet d’alphabétisation dans la langue maternelle et la formation
des enseignants sont des facteurs clés afin de garantir le succès de ce programme.
La capacité à lire et à écrite considère d’une part l’aptitude à lire et à écrire dans une ou
plusieurs langues nationales et, d’autre part, ces mêmes aptitudes en français. Bien
89
qu’indirectement, cette variable concerne aussi les campagnes d’alphabétisation du Mali et
leur évaluation, mais cette question ne sera pas abordée dans ce travail (Konaté et al. 2010).
Tableau 3.7 : L’aptitude à lire et à écrire dans une langue chez les conjoints et conjointes monogames de
Bamako selon l’année de recensement et le genre (en pourcentage) 1987 1998
Hommes Femmes %Total Hommes Femmes %Total
L’a
pti
tud
e à
lir
e
et
à é
cri
re
Ne sait ni lire ni écrire Langue nationale seulement Français et autres langues écrites Arabe et autres langues écrites
52,7
,4
37,6
9,3
68,2
,4
27,9
3,5
60,4
,4
32,8
6,4
46,3
,6
45,8
7,3
64,9
,6
30,6
4,0
55,6
,6
38,2
5,6
Total (N)
100,0 (42357)
100,0 (42357)
100,0 (84714)
100,0 (84671)
100,0 (84671)
100,0 (169342)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Une grande proportion tous sexes confondus sait au moins lire et écrire en français (32,8%
en 1987; 36% en 1998) ce qui laisserait supposer qu’une bonne partie d’entre eux a au
moins suivi une formation scolaire de base. Le français occupe une place très importante
dans la vie active de Bamako en étant tout d’abord la langue officielle du pays, mais aussi
la clef d’accès aux postes de travail que ce soit dans l’administration publique ou dans le
secteur privé. Cependant, le taux d’analphabétisme reste important pour les deux années de
recensement avec plus de 50% des répondants qui ont déclaré ne savoir ni lire ni écrire.
En différenciant nos analyses selon le genre, nous remarquons qu’il y a plus d’hommes
sachant lire et écrire le français que de femmes avec des écarts de pourcentages allant
jusqu’à 13% pour 1998 en faveur des hommes. Dans le même temps, l’absence
d’alphabétisation est assez importante. Elle touche plus les femmes que les hommes et ce,
de façon importante. De plus, les deux groupes voient leur taux augmenter durant la
décennie. L’écart entre les deux sexes s’est plus ou moins maintenue en dix ans faisant
toujours des femmes le groupe le plus concerné par ce phénomène. Les autres modalités
des aptitudes à lire et à écrire de nos conjoints n’ont pas enregistré beaucoup de points
particulièrement pour celles en langue nationale.
L’alphabétisation ne concernait donc pas toute notre population de 1987 et 1998. De plus,
son déficit touchait plus les femmes que les hommes. En Afrique noire, les disparités de
90
genre existent toujours. Bien que les garçons soient aussi concernés par le phénomène, les
filles sont les plus défavorisées avec moins d’inscription à l’école, des abandons qui
arrivent très tôt, un redoublement plus important, des résultats scolaires souvent plus faibles
et un accès à l’emploi plus difficile (Orpheim, 2000). Cependant, il n’est pas exclu que le
taux brut de scolarisation au Mali soit devenu plus favorable aux filles durant la dernière
décennie. Toutefois, en se penchant de plus près sur les données, nous remarquons que la
population sachant lire et écrire dans une langue est inégalement répartie selon celle-ci. En
effet, même s’il n’est pas accessible à l’ensemble de la population malienne, le français est
utilisé par un bon nombre des conjoints, ce qui nous ferait penser à un lien avec leur niveau
d’instruction. C’est ce que nous allons étudier plus en détails dans la prochaine section.
3.3.2. Le niveau d’instruction
Le Mali est l’un des pays du monde avec les plus faibles taux de scolarisation et
d’alphabétisation. En 1997, le taux de scolarisation présentait une moyenne nationale de
47% alors que celle du taux de l’alphabétisation était de 23% sur le plan national (selon le
PNUD). De la fin des années soixante-dix au milieu des années quatre-vingt, les taux de
fréquentation scolaire connurent une baisse même si l’offre scolaire a augmenté durant la
même période (Marcoux, 1995). Cette hausse s’est traduite par l’augmentation du nombre
d’écoles, de classes et d’enseignants.
En 1987, plus de la moitié de notre corpus bamakois déclarait n’avoir reçu aucune
instruction (cf. tableau 4.8). Moins de 15% ont atteint le 1er
et 2e cycle du fondamental alors
que seulement 9% disent avoir reçu un enseignement dans le domaine général, technique,
professionnel ou normal. Ces chiffres nous montrent donc à quel point la non scolarisation
ou encore le décrochage scolaire avaient leur place à Bamako dans les années précédant le
recensement de 1987. Mais ces résultats n’ont pas beaucoup varié entre 1987 et 1998, car
encore une fois, plus de la moitié des conjoints monogames déclaraient n’avoir reçu aucune
instruction. Le fondamental 1er
cycle comptait 16,5% d’entre eux et 13,3% pour le
deuxième cycle. Seulement 8,9% de notre base de données étaient au niveau
d’enseignement général, technique, professionnel ou normal au moment du recensement de
91
1998. L’enseignement supérieur et post universitaire n’était pas plus fréquenté avec
seulement 3,5% de membres parmi les conjoints monogames en 1987 et 5,5% en 1998.
Si nous étudions ces chiffres selon le sexe du répondant, nous remarquerons quelques
disparités entre hommes et femmes. En effet, l’absence d’instruction a beaucoup plus
touché les femmes que ce soit en 1987 qu’en 1998. Ces dernières ont aussi été nombreuses
à s’être arrêtées aux deux cycles de la fondamentale mais avec des fréquences presque
égales à celles des hommes. Cette tendance se renverse à partir de l’enseignement général.
En effet, les femmes n’ont pas été très nombreuses à avoir continué leurs études après le 2e
cycle de la fondamentale alors que les hommes pouvaient atteindre l’enseignement
supérieur et post universitaire bien qu’ils n’aient pas été très nombreux. Par rapport aux
femmes, 5,3% d’hommes de plus ont atteint l’enseignement général en 1987 et 5% pour
1998 alors que 4,1% de plus chez les hommes ont eu le niveau d’enseignement supérieur et
postuniversitaire en 1987 et 6,8% en 1998.
Ces dernières ont aussi été nombreuses à s’être arrêtées aux deux cycles de la fondamentale
mais avec des fréquences presque égales à celles des hommes. Cette tendance se renverse à
partir de l’enseignement général. En effet, les femmes n’ont pas été très nombreuses à avoir
continué leurs études après le 2e cycle de la fondamentale alors que les hommes pouvaient
atteindre l’enseignement supérieur et post universitaire bien qu’ils n’aient pas été très
nombreux. 5,3% de plus d’hommes que de femmes ont atteint l’enseignement général en
1987 et 5% pour 1998 alors que 4,1% de plus chez les hommes ont eu le niveau
d’enseignement supérieur et post universitaire en 1987 et 6,8% en 1998.
92
Figure 3.2 : Le niveau d’instruction chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de recensement et le genre
a) 1987 b) 1998
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
93
Nous voyons donc que l’alphabétisation ou l’instruction étaient assez absents à Bamako
chez les couples monogames. Chez les répondants ayant reçu une instruction, les hommes
ont été plus loin que les femmes avec un plus haut niveau d’études.
3.3.3. L’activité principale
L’Afrique de l’Ouest a connu un rapide accroissement de l’urbanisation lié entre autres à
l’exode rural. Cette urbanisation mène à son tour au problème de la recherche et de
l’obtention d’un emploi en milieu urbain, préoccupation de chaque individu qu’il soit
migrant ou non (Piché et al. 1995). Qui plus est, les villes africaines ont vu un important
flot de migrants et migrantes arriver depuis plus d’une vingtaine d’années afin de s’établir
malgré la rareté de l’emploi.
Tableau 3.8 : La branche d’activité exercée chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon
l’année de recensement et le genre (en pourcentage) 1987 1998
Hommes Femmes %Total Hommes Femmes %Total
Acti
vit
é e
xerc
ée p
ar
le r
ép
on
dan
t
Sans emploi Agriculture-Élevage-Pêche-Forêt Artisanat-Forge Industrie extractive Industrie manufacturée Commerce Banque-Assurance Construction Électricité-Gaz-Eau Transport-Communication Administration publique Administration privée, internationale ou étrangère Autres services
10,4
7,6
8,9
,2
1,6
17,1
,5
4,0
1,2
7,2
19,9
5,2
16,1
81,23
,3
,8
,0
,1
9,1
,2
,1
,0
,0
6,2
,9
1,0
45,9
4,0
4,9
,1
,8
13,1
,4
2,0
,6
3,6
13,0
2,6
8,6
11,5
9,2
7,8
,4
,4
22,8
,3
5,1
1,2
7,9
12,9
6,3
14,0
82,0
3,0
1,3
,1
,0
7,1
,1
,0
,1
,1
3,9
1,6
,8
46,7
6,1
4,5
,3
,2
15,0
,2
2,6
,6
4,0
8,4
4,0
7,4
Total (N)
100,0 (42357)
100,0 (42357)
100,0 (84714)
100,0 (84671)
100,0 (84671)
100,0 (169342)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et 1998
En 1987 (cf. tableau 3.8), près de la moitié de notre population d’étude a dit être sans
emploi, dont plus de 80% étaient des femmes. Ces chiffres sont sûrement une résultante du
94
faible niveau d’alphabétisation chez ces dernières, tout comme c’était le cas pour le niveau
d’instruction. En contrepartie, très peu d’hommes étaient concernés par cette situation
(environ 10% seulement pour les deux RGPH). Les secteurs les plus fréquentés étaient le
commerce, l’administration publique et les autres services. Les activités des hommes
étaient surtout concentrées dans les domaines de l’administration publique (19,9%), le
commerce (17,1%), les autres services (16,1%), l’artisanat et la forge (8,9%), l’agriculture,
l’élevage, la pêche et la forêt et les transports et la communication. Quant aux femmes,
elles étaient principalement dans deux types d’activité : le commerce et l’administration
publique.
Nous retrouvons la même tendance en 1998 avec près de la moitié des conjoints qui ont
déclaré ne pas exercer un emploi au moment du recensement. 81,3% d’entre eux étaient des
femmes. Dans tous les secteurs de la vie active, les hommes y sont majoritaires. Beaucoup
de secteurs ont vu leur taux de travailleurs augmenter entre 1987 et 1998 comme celui de
l’agriculture de l’élevage de la pêche et forêt et celui du commerce. Par contre,
l’administration publique a vu le nombre de ses travailleurs baisser entre 1987 et 1998. Le
recensement de 1998 montre que les femmes actives étaient surtout présentes dans le
commerce. Leur participation dans l’administration publique a baissé de presque la moitié
entre 1987 et 1998. Elles ont aussi été plus impliquées dans le secteur de l’agriculture
durant la même période. L’insertion sur le marché de l’emploi n’est pas uniforme selon le
genre.
Dans les quatre secteurs d’activités et pour les deux RGPH, les hommes sont plus présents
que les femmes lesquelles s’illustrent plus dans l’administration publique et l’informel
comme dans le commerce. Cependant, dans le groupe des non travailleurs, elles sont
largement majoritaires. Pareillement, leur effectif a augmenté de manière significative au
cours de la décennie pour certaines branches d’activités dont celles du secteur primaire et
l’administration privée.
95
3.4. En conclusion
La description de ces trois variables explicatives nous en apprend beaucoup sur les
distributions de notre population, les disparités qui peuvent exister ainsi que les différences
entre les deux recensements. Cependant, afin de pouvoir conclure à l’existence
d’éventuelles associations entre nos variables indépendantes et le fait d’être dans une union
monogame et mixte, il nous faut faire des analyses un peu plus approfondies. C’est le sujet
de la prochaine section de notre travail.
96
CHAPITRE 4 : Analyse multivariée
Au moins deux facteurs sont en mesure d’influencer l’entrée en union mixte :
l’alphabétisation et le niveau d’instruction de l’individu. Plus le degré de ces qualités est
élevé, mieux l’accès au marché matrimonial linguistico-exogame peut être accessible. Dans
les sociétés industrielles, l’homogamie sociale et économique est remplacée par
l’homogamie culturelle qui repose sur le niveau d’instruction (Locoh, 2005), et il n’est pas
exclu que cette tendance soit aussi d’actualité en Afrique. Cependant, d’autres paramètres
peuvent aussi avoir des effets tout aussi importants. Parmi ces derniers, nous étudierons
aussi le groupe linguistique, le lieu de naissance, l’âge et le secteur professionnel des
conjoints selon le genre et le type d’union.
Dans ce dernier chapitre, les analyses débuteront par une première partie qui s’inscrira dans
une lignée encore exploratoire ce qui nous permettra de déblayer le terrain pour la suite,
une deuxième partie axée sur des observations multivariées.
97
4.1. Les causes d’entrée en union mixte à Bamako : caractéristiques des
ménages monogames
4.1.1. Quelle est la part du groupe linguistique dans l’intermariage à
Bamako?
De toutes les caractéristiques sociales, le groupe linguistique est assurément l’une des plus
importantes. Le tableau ci-dessous nous montre la répartition de l’exogamie selon la
communauté linguistique du répondant.
Tableau 4.1 : Le groupe linguistique des conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de
recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Gro
up
e lin
gu
isti
qu
e d
u
rép
on
dan
t
Mandingue (Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues
90,4
48,4
71,9
63,2
88,7
76,3
57,4
9,6
51,6
28,1
36,8
11,3
23,7
42,6
90,7
38,5
72,8
54,7
81,8
73,6
46,7
9,3
61,5
27,2
45,3
18,2
26,4
53,3
Total (N)
86,1 (72924)
13,9 (11790)
86,1 (145738)
13,9 (23604)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
L’exogamie à Bamako a été beaucoup moins présente au sein de la communauté
mandingue en 1987 comme en 1998. Certaines communautés semblent être plus ouvertes
que d’autres à l’exogamie linguistique. D’ailleurs, en faisant la correspondance entre les
résultats ci-dessus et les taux de transferts vers le bambara, nous pouvons remarquer que la
tendance à l’intermariage augmente avec la proportion de ces déplacements linguistiques.
Encore une fois, ces chiffres seront à prendre avec prudence, mais il semblerait que le
groupe linguistique auquel appartient le répondant soit déterminant dans le fait de
contracter un mariage mixte.
98
4.1.2. Est-on plus enclin vers une union mixte selon que l’on est né à
Bamako ou ailleurs?
La ville a depuis longtemps été un pôle d’attraction pour les populations rurales. Les
conjoints résidant à Bamako ne sont pas tous natifs de ce district. Les principales zones de
naissance sont Koulikoro, Sikasso, Ségou et Bamako, les trois premiers étant des régions
limitrophes de Bamako.
Tableau 4.2 : Le lieu de naissance chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année
de recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Lie
u d
e n
ais
san
ce d
u r
ép
on
da
nt Kayes
Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Régions du Nord Bamako-district Étranger
83,6
79,1
92,1
87,3
88,5
81,4
79,1
72,9
16,4
20,9
7,9
12,7
11,5
18,6
20,9
27,1
86,0
82,5
91,5
87,4
88,3
82,1
79,0
80,0
14,0
17,5
8,5
12,6
11,7
17,9
21,0
20,0
Total (N)
86,1 (72924)
13,9 (11790)
86,1 (145738)
13,9 (23604)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Suivant leur lieu de naissance, nos conjoints sont répartis selon les deux types d’union de
façon plus ou moins inégale. Bien que les endogames soient majoritaires pour toutes les
régions de naissance, les natifs de Bamako enregistrent des fréquences d’exogamie parmi
les plus hautes, tout comme ceux de Koulikoro qui est la région la plus proche de la
capitale malienne. Mais en s’éloignant de Bamako, la tendance se renverse et penche plus
vers l’endogamie. À titre d’exemple, nous pouvons voir que pour des régions telles que
Sikasso, l’exogamie était peu fréquente.
Le lieu de naissance du conjoint monogame habitant à Bamako aurait une incidence sur la
probabilité d’être en union exogame lors du recensement de 1987 et de 1998.
99
4.1.3. Quel est le rôle joué par l’âge des conjoints?
Les sociétés africaines urbaines sont dorénavant en pleine mutation. En effet, la
scolarisation des femmes est à la hausse, le marché du travail est en pleine transformation et
les femmes s’activent de plus en plus dans la vie économique. Le mariage n’est pas non
plus en reste : l’âge au mariage recule, le choix du conjoint est de plus en plus libre et
consenti (Antoine et Dial, 2007). Cependant, quelle était la situation à Bamako en 1987 et
1998 et face à l’exogamie?
Tableau 4.3 : L’âge du répondant chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année
de recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Gro
up
e d
’âg
e d
u
rép
on
dan
t
12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans 60 ans et+
90,9
87,0
85,4
85,8
84,9
83,3
9,1
13,0
14,6
14,2
15,1
16,7
90,0
87,0
85,4
84,8
86,3
86,4
10,0
13,0
14,6
15,2
13,7
13,6
Total (N)
86,1 (72924)
13,9 (11790)
86,1 (145738)
13,9 (23604)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
La majorité de notre corpus a un âge compris entre 20 et 39 ans que ce soit pour 1987 que
pour 1998 traduisant ainsi une population relativement jeune. À la lecture du tableau 4.2 ci-
dessus, nous pouvons voir que les unions endogames sont largement majoritaires pour tous
les groupes d’âge, indifféremment de l’année de recensement. L’âge ne semble pas être
déterminant dans le fait de contracter une union monogame et exogame à Bamako.
Cependant, observe-t-on les mêmes comportements entre hommes et femmes face au
mariage?
o Une différenciation selon le genre
Les attitudes masculines et féminines n’ont pas de concordance face au mariage. L’écart
d’âge entre conjoints n’est pas non plus immuable. L’entrée en couple n’a pas la même
notion ni le même enjeu pour les hommes et pour les femmes. Moment du passage à l’âge
adulte, le sentiment qu’il est temps de franchir le pas ne survient d’ailleurs pas au même
âge (Bozon, 1990).
100
L’écart d’âge entre les hommes et les femmes en union monogame à Bamako est illustré en
annexe (cf. annexe B5). Les tendances sont plus ou moins homogènes selon le type d’union
et quel que soit le genre du répondant, l’endogamie est encore une fois largement
majoritaire. Toutefois, trois groupes d’âge se distinguent chez les hommes de par la
fréquence des mariages exogames. En 1987, ces derniers étaient en effet plus nombreux
chez ceux qui entre 30 et 39 ans et chez ceux de plus de 50 ans. En 1998, les conjoints les
plus jeunes (12-19 ans) et ceux âgés entre 40 et 49 ans sont surtout les plus concernés. Les
femmes quant à elles sont plus touchées lorsqu’elles ont entre 30 et 59 ans en 1987 et entre
30 et 49 ans pour 1998.
Nous pouvons aussi remarquer d’autres disparités. Les femmes sont plus présentes dans le
groupe d’âge des 20-29 ans tandis que les hommes se retrouvent en grande majorité dans
celui des 30-39 ans. Ceci démontre une fois de plus l’écart d’âge entre conjoints. S’agissant
des questions matrimoniales, les repères psychologiques des hommes et des femmes sont
différents. Dépendamment du développement de la scolarisation féminine, la fin des études
deviendra plus ou moins un jalon pour les jeunes femmes alors que les hommes seront
davantage soucieux de l’obtention d’un travail stable.
4.1.4. L’exogamie est-elle liée à l’alphabétisation?
Les deux groupes qui se démarquent le plus sont ceux dont les membres savent au moins
lire et écrire le français ou l’arabe selon l’année de recensement. Le fait de ne savoir ni lire
ni écrire serait moins décisif pour l’exogamie. Au contraire, en 1987, il semblerait que des
aptitudes à lire et écrire au moins le français ou l’arabe encouragent l’exogamie
linguistique. En 1998, la connaissance au moins du français a semblé être le facteur le plus
déterminant pour l’intermariage.
101
Tableau 4.4 : L’aptitude à lire et à écrire chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon
l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
L’a
pti
tud
e à
lire
et
à é
cri
re Ne sait ni lire ni écrire
Langue nationale seulement Français et autres langues écrites Arabe et autres langues écrites
90,2
92,8
78,5
85,3
9,8
7,2
21,5
14,7
89,9
84,0
80,6
84,8
10,1
16,0
19,4
15,2
Total (N)
86,1 (72924)
13,9 (11790)
86,1 (145738)
13,9 (23604)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Il y a plus d’instruits chez les conjoints monogames et exogames. Toutefois,
l’apprentissage et la maitrise du français semble être un élément encore plus décisif dans la
contraction d’une union mixte pour les deux recensements.
o La maitrise du français aurait-elle une incidence sur les
chances de contracter une union exogame?
Même selon le genre, l’éducation garde une place prépondérante chez les hommes comme
chez les femmes pour le mariage mixte. En examinant les résultats du tableau ci-dessous,
nous verrons que l’utilisation du français est très marquée chez les exogames et il est
intéressant de voir que ce fait concerne aussi bien les hommes que les femmes malgré les
différences de la fréquentation scolaire en général plus accessible aux garçons et qu’il
arrive relativement à se maintenir dans le temps. L’effet de la présence du français dans les
différentes modalités de l’aptitude à lire et à écrire du répondant sur l’exogamie ou non de
ce dernier semble de plus en plus évident indifféremment du genre. Et parce que la maitrise
du français n’est pas accessible à tous, ce serait donc l’instruction de l’individu qui serait en
jeu ici.
102
Tableau 4.5 : Aptitude à lire et à écrire chez les conjoints et conjointes monogames de Bamako selon le
genre, l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
L’aptitude à lire et à écrire semble donc avoir une influence sur la présence ou non d’un
mariage exogame. En effet, l’analyse de ce tableau montre que plus les connaissances en
lecture et en écriture sont élevées, plus elles auraient un impact sur les chances d’être en
union exogame. Nous avons vu aussi qu’une modalité en particulier s’était distinguée dans
nos analyses : l’utilisation du français. Lire et écrire cette langue en particulier a un effet
qui s’ajoute à celui de l’alphabétisation pour favoriser la présence d’une union monogame
et exogame à Bamako. Cette synergie fait aussitôt penser à l’instruction de l’individu, d’où
notre question suivante : quelle est l’influence du niveau d’instruction du répondant sur la
présence d’une exogamie?
4.1.5. Quel est l’effet du niveau d’instruction sur le fait d’être dans un
ménage mixte?
Le niveau d’instruction est fortement corrélé avec l’aptitude à lire et à écrire et tout comme
cette dernière, le premier facteur est associé à la présence d’un mariage monogame
exogame.
RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
L’a
pti
tud
e à
lire
et
à é
cri
re Ne sait ni lire ni écrire
Langue nationale seulement Français et autres langues écrites Arabe et autres langues écrites
90,7
92,3
79,7
85,8
9,3
7,7
20,3
14,2
90,5
85,0
81,7
84,9
9,5
15,0
18,3
15,1
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
L’a
pti
tud
e à
lire
et
à é
cri
re Ne sait ni lire ni écrire
Langue nationale seulement Français et autres langues écrites Arabe et autres langues écrites
89,9
93,4
76,9
83,9
10,1
6,6
23,1
16,1
89,5
82,8
79,0
84,7
10,5
17,2
21,0
15,3
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
103
Au regard du tableau 4.6, la majorité de notre population a déclaré ne pas avoir reçu
d’instruction pour les deux années de recensement étudiés. Nous retrouvons dans ce groupe
les individus ayant déjà déclaré ne sachant ni lire ni écrire. Aussi, ce même groupe compte
le plus de conjoints monogames et endogames par rapport aux autres catégories du niveau
d’instruction. D’un autre côté, les unions exogames sont plus fréquentes dans les autres
modalités.
Tableau 4.6 : Le niveau d’instruction des conjoints et conjointes monogames de Bamako selon l’année de
recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Le
niv
eau
d’in
str
ucti
on
Aucune d’instruction Fondamental 1
er cycle
Fondamental 2
nd cycle
Enseignement général, technique, professionnel ou normal Enseignement supérieur et postuniversitaire
89,8
83,2
80,0
74,5
70,5
10,2
16,8
20,0
25,5
29,5
89,8
85,1
82,4
77,3
72,9
10,2
14,9
17,6
22,7
27,1
Total (N)
86,1 (72924)
13,9 (11790)
86,1 (145738)
13,9 (23604)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Par ailleurs, ces unions mixtes voient leur nombre progresser à mesure que le niveau
d’instruction est élevé. Si l’on observe les résultats selon le genre (cf. annexe B6), nous
pourrons voir que les mêmes tendances se retrouvent plus ou moins chez les hommes
comme chez les femmes et pour les deux années de recensement. Comme précédemment,
les conjoints n’ayant reçu aucune instruction comptent énormément d’unions endogames,
mais ces dernières sont majoritaires quel que soit le niveau d’instruction du conjoint ou de
la conjointe. Cependant, les fréquentations scolaires et les niveaux d’instruction sont assez
dissemblables selon qu’on est homme ou femme. Les hommes instruits et exogames se
divisent en deux groupes : ceux ayant seulement un niveau fondamental (1er
ou 2nd
niveau)
et ceux ayant poussé leurs études plus loin. Dans chacun des deux groupes, les fréquences
sont plus ou moins constantes, mais les fréquences d’exogamie sont bien plus hautes pour
le niveau supérieur. Les femmes quant à elles voient les fréquences des unions mixtes
augmenter et se montrer significatives au moins dès le niveau du 2nd
cycle fondamental. Le
niveau d’instruction est très décisif pour les hommes comme pour les femmes en ce qui
concerne le mariage interlinguistique.
104
4.1.6. L’association entre l’activité exercée par le répondant et le fait
d’être dans un ménage mixte
Tout comme l’instruction de l’individu, l’activité professionnelle peut constituer un facteur
de rapprochement et faire tomber bien des barrières. L’activité exercée par nos répondants
se répartit en trois sortes domaines : celles des secteurs primaire (agriculture, pêche, etc.) et
secondaire (industries de transformation et manufacturées, construction, etc.) et ensuite
celles du tertiaire (administration, banque, assurance, informatique, communication, etc.).
Les conjoints actifs sont plus nombreux dans ce dernier secteur. Le secteur informel est
aussi prisé avec le commerce.
Tableau 4.7 : Le secteur d’activité professionnelle des conjoints et conjointes monogames de Bamako
selon l’année de recensement et le type d’union (en pourcentages) 1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Sans emploi
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
87,0
92,8
88,5
81,9
88,6
13,0
7,2
11,5
18,1
11,4
87,0
88,0
86,7
82,6
87,9
13,0
12,0
13,3
17,4
12,1
Total (N)
86,1 (72924)
13,9 (11790)
86,1 (145738)
13,9 (23604)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
L’analyse descriptive nous avait montré que le taux de chômage était élevé dans notre base
de données et que c’était surtout les femmes qui étaient les plus touchées. Dans ce groupe
des sans emploi, les femmes en union endogame étaient aussi les plus concernées par cette
inactivité tandis que les femmes en union exogame se démarquaient plutôt dans le secteur
tertiaire.
Les résultats ci-dessous ne permettent pas d’arriver à des conclusions solides quant à
l’influence ou non du secteur d’activité sur l’entrée en exogamie linguistique. Cependant,
les données ne manqueront surement pas de fournir des constats différents lorsque tous les
facteurs sont contrôlés. À ce propos, nous verrons dans la prochaine section les précautions
prises afin de nous assurer de la pertinence de la démarche que nous comptons suivre.
105
4.2. Une analyse des correspondances multiples
L’analyse des correspondances multiples (ACM) est une méthode statistique d’analyse des
données permettant d’étudier l’association entre au moins deux variables qualitatives. Un
de ses objectifs est de mesurer et de représenter les proximités entre les différentes
catégories des variables exogènes et celles de la variable endogène. Cette technique est
intéressante, car peut rendre homogènes des données de nature disparate et en outre met en
évidence des liaisons non linéaires. Les résultats de l’ACM peuvent être visualisés sous
forme de graphiques ce qui très utile pour l’interprétation des données.
Cette étape de nos analyses est recommandée comme un préalable aux analyses
multivariées telles que la régression. Effectivement, l’ACM nous permettra de confirmer
nos analyses tabulaires et leurs conclusions. De même, elle guidera nos pas lors des
analyses multivariées d’abord en validant ou infirmant notre modèle et ensuite dans la
sélection des variables qui y seront insérées, et ensuite, dans nos interprétations des
résultats. En bref, en intégrant toutes les variables dans l’ACM tel que nous comptons le
faire, cette dernière nous fournira un aperçu du déroulement des analyses qui suivront. Les
graphiques sont divisés en quatre sections et l’interprétation est basée sur la position de
chaque modalité des variables sur ces dernières.
Chacune des modalités de la variable endogène (cf. figure 4.1) a une position différente.
Les couples endogames et exogames de Bamako ont donc des caractéristiques différentes.
Notre modèle peut être validé et nous pouvons aller plus loin dans l’analyse multivariée. En
comparant l’emplacement des modalités du reste des variables exogènes, il semblerait que
les individus se trouvant dans un ménage monogame et résidents à Bamako seraient le plus
souvent des femmes assez jeunes, sans emploi, avec au plus une instruction de base (sans
instruction ou ayant seulement atteint le premier cycle de la fondamentale), qui sont nées à
Bamako, Mopti ou encore Koulikoro et appartenant aux groupes linguistiques mandingue,
sonrhaï-tamasheq ou bobo-dafing.
106
Figure 4.1 : Analyse des correspondances multiples, 1987
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987
107
Figure 4.2 : Analyse des correspondances multiples, 1998
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1998
108
En 1998, les tendances observées se maintiennent plus ou moins (cf. figure 4.2). Comme
précédemment, les endogames sont le plus souvent des femmes et les moins à risque de
connaître une union monogame et exogame à Bamako n’ont souvent pas reçu d’instruction,
nées à Bamako et du groupe linguistique mandingue.
Les conséquences de ces analyses ne sont pas suffisantes pour nous permettre de conclure
sur notre sujet de recherche, mais peuvent nous guider dans nos prochaines démarches.
Elles ont validé nos modèles et nous ouvrent la voie pour les analyses multivariées qui vont
suivre.
4.3. La régression logistique
4.3.1. Pourquoi une régression?
L’analyse bivariée nous a permis de déterminer les facteurs pouvant être liés au fait d’avoir
contracté un mariage exogame et nous avons pu déceler une certaine relation entre notre
variable dépendante et nos variables explicatives. Nous avons vu quelles caractéristiques de
nos conjoints monogames de Bamako étaient associées positivement ou négativement aux
probabilités de contracter une union exogame. Malgré tout, cette méthode d’analyse a
quelques limites, car elle ne peut tenir compte de l’action combinée de plus d’une
particularité. Or, avoir de bonnes mesures de ces liaisons demande une analyse plus précise
et que l’on prenne en compte tous les effets de toutes les variables présentes. Comme
exemple, nous avons vu que l’alphabétisation et le niveau d’instruction du conjoint étaient
tous deux associés au mariage exogame, mais également, que ces deux variables étaient
vraisemblablement corrélées. Il serait alors intéressant de voir si elles agissent en synergie
sur notre variable dépendante, ou si au contraire, elles ont sur cette dernière des effets
antagonistes. De plus, nos dernières conclusions émanant des résultats de l’ACM nous ont
confirmé ces liens et nous ont conforté dans la pertinence de pousser nos investigations
plus loin.
La régression a justement pour but d’expliquer les variations des variables indépendantes et
dépendantes en modélisant la relation qui existe entre elles. Dès lors, notre objectif est de
109
mieux appréhender la portée exacte des caractéristiques que nous avons retenues chez nos
conjoints monogames de Bamako pour les RGPH de 1987 et 1998. Afin d’atteindre notre
but, nous appliquerons la méthode de régression logistique à six variables indépendantes :
le groupe linguistique auquel appartient le répondant, son lieu de naissance, son sexe, son
niveau d’instruction et le secteur de l’activité professionnelle de nos conjoints. Toutefois,
avant d’aborder l’analyse multivariée plus en profondeur, nous verrons brièvement en quoi
consiste la régression logistique.
4.3.2. La régression logistique
La régression logistique est une technique d’analyse multivariée servant à mesurer
l’influence de variables indépendantes sur les probabilités de voir se réaliser un évènement
(variable dépendante). Le modèle prend alors en compte toutes les variables explicatives
qui y sont introduites. L’effet de chacune d’entre elles sur la variable endogène est ainsi
mesuré de manière plus précise.
La régression logistique est indiquée lorsque la variable à expliquer est qualitative, en
général binaire (0 ou 1), tandis que les variables explicatives peuvent être soit qualitatives,
soit quantitatives. La variable dépendante prend la valeur 1 lorsque l’évènement survient et
0 sinon. L’intérêt majeur de cette méthode d’analyse est de pouvoir évaluer la force de
l’association entre chaque variable indépendante et la variable dépendante tout en tenant
compte de l’impact des autres variables contenues dans le modèle. Il s’agit d’une « mesure
ajustée ».
4.3.3. Conception des modèles
Cette étape passe par le choix des variables indépendantes et à la définition de chacune des
variables dichotomiques. Dans le cadre de notre analyse, la variable dépendante
(exogamie) tout comme les variables explicatives sont catégorielles. Parmi ces dernières,
certaines ont été intégrées dans le modèle de régression sous leur forme la plus simple. À
titre d’exemple, les analyses précédentes sur la profession exercée par nos individus nous
ont montré que certains secteurs d’activités étaient plus fréquentés que d’autres. Nous
110
pouvons donc choisir de mesurer l’incidence des secteurs plutôt que des branches
d’activités15
ce qui nous fera moins de modalités. Aussi, l’alphabétisation et le niveau
d’instruction sont vraisemblablement fortement auto corrélés. De plus, nous avons vu que
les aptitudes en français étaient le déterminant le plus proche du mariage mixte ce qui nous
pousse à nous intéresser davantage au niveau d’instruction donc à l’éducation de l’individu.
Nous n’intégrerons donc que ce dernier facteur dont les analyses ont du reste montré une
forte influence sur l’exogamie. Nous pouvons voir dans le tableau 4.7 les différentes
variables indépendantes que nous utiliserons ainsi que leurs modalités.
Chaque coefficient du modèle devra être interprété et jugé statistiquement significatif ou
non. À ce propos et afin de juger de la bonne représentativité des résultats qui seront
obtenus, nous nous fonderons sur les trois seuils de signification statistique généralement
utilisés en sciences sociales et qui seront notre marge d’erreur dont nous devrons tenir
compte lors de nos interprétations : 0,1% (0,001), 5% (0,05) et 10% (0,1).
Nous avons présenté les six variables. Cependant, il faut nous assurer qu’elles sont toutes
mutuellement exclusives afin de savoir si nous sommes en mesure de toutes les inclure
dans le même modèle ou pas. Dans cet état d’esprit, nous aurons six modèles de régression
dans lesquels nous aurons différents nombres de variables indépendantes.
15
Nous n’avons malheureusement pas été en mesure d’analyser l’effet du statut professionnel des conjoints en
raison de données incomplètes. En effet, bien que les informations sur cette variable soient disponibles pour
1998, les données de recensement de 1987 n’offrent pas tous les éléments nécessaires à la bonne conduite
d’une telle démarche.
111
Tableau 4.8 : Les modalités des variables explicatives et leur catégorie de référence pour la régression
logistique Modalités de la variable indépendante Catégorie de référence
Gen
re
Femme Homme
Gro
up
e lin
gu
isti
qu
e
Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues
Mandingue (Ouest)
Lie
u d
e n
ais
san
ce
Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Régions du Nord
Bamako
Gro
up
e d
’âg
e
12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 – 49 ans 50 – 59 ans
60 ans et+
Éd
uc
ati
on
(niv
eau
d’in
str
ucti
on
) Fondamental 1er cycle
Fondamental 2
ième cycle
Enseignement général, technique, professionnel ou normal Enseignement supérieur et postuniversitaire
Aucune instruction
Secte
ur
d’a
cti
vit
é
pro
fessio
nn
ell
e Secteur primaire
Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
Sans emploi
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
Tout comme lors de nos analyses précédentes, notre objectif est d’examiner la portée de
l’impact de ces six facteurs présentés plus haut sur les chances d’être dans une union
monogame et exogame à Bamako à travers les recensements généraux de 1987 et 1998.
Dans un premier temps, notre modèle prendra en compte l’ensemble de notre corpus,
hommes et femmes et la variable genre pourra contrôler les autres facteurs. Cependant, vu
que les caractéristiques des hommes et des femmes en union monogames à Bamako sont
112
assez différentes, deux autres modèles seront mis sur pied avec les hommes seulement dans
l’un et uniquement les femmes dans l’autre. À titre d’exemple, l’analyse bivariée a montré
que l’âge de nos répondants ne semblait pas avoir d’effet sur le fait d’être en union
exogame. Cependant, les conclusions changent de direction selon le genre. Les régressions
devraient donc fournir des résultats intéressants à ce sujet.
Dans la prochaine section, nous présenterons les résultats de nos analyses multivariées ainsi
que les interprétations que nous pouvons en tirer.
4.4. Résultats
4.4.1. L’ensemble des individus
Suite aux précédentes analyses, les modèles un à cinq (voir tableaux4.8, i et ii) nous
montrent qu’effectivement, certaines catégories augmentent ou diminuent les probabilités
d’être en union monogame et exogame à Bamako tandis que d’autres modalités n’ont pas
d’influence sur elles.
D’emblée, nous pouvons remarquer que le genre a un effet sur la variable endogène en
augmentant les probabilités d’être dans un ménage monogame et interlinguistique à
Bamako en 1987 et 1998, quelle que soit la variable introduite dans le modèle à l’exception
du groupe linguistique, du lieu de naissance et de l’âge pour 1998. Les femmes auraient
donc plus tendance à être en union monogame et mixte pour les deux recensements.
Nous avions remarqué lors des analyses descriptives que les taux de mariages exogames
étaient inégalement répartis selon le groupe linguistique et même selon le genre. À titre
d’exemple, appartenir au groupe linguistique maure augmenterait très fortement les
probabilités d’être en exogamie comparativement au fait d’être du groupe mandingue (de
plus de 9 fois) alors qu’être natif de certaines régions du Mali telles que Koulikoro ou
Sikasso les diminuerait. Si nous nous référons aux résultats ultérieurs, nous verrons que les
individus qui avaient comme langue maternelle le bambara ou le malinké (tous deux du
groupe mandingue) connaissaient les plus faibles taux d’unions interlinguistiques.
113
Nos analyses précédentes n’avaient pas été en mesure de montrer une association
concluante entre l’âge du répondant et l’union exogame. Néanmoins, notre troisième
modèle de régression vient infirmer ces conclusions. Les données de recensement de 1987
montrent que comparativement au groupe d’âge des plus de 60 ans, le fait d’avoir 59 ans et
moins diminueraient les probabilités de contracter une union mixte. Les données de 1998
montrent quant à elles que les groupes d’âge des 30-39 ans et 50-59 ans ne semblent pas
avoir d’incidence sur les prédispositions au mariage interlinguistique. Néanmoins, ces
mêmes données montrent qu’avoir entre 12 et 29 ans est associé à une faible tendance à
l’exogamie tandis qu’avoir entre 40 et 49 ans serait au contraire associé à une augmentation
des taux d’unions mixtes.
114
Tableaux 4.9 : Modèles de régression logistique pour tous les conjoints et conjointes monogames de Bamako pour 1987
*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1
Source : exploitation du RGPH du Mali de 1987
Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6
Gen
re Genre (Homme)
Femme
0,041 **
- 0,021
0,137 ***
0,138 ***
0,232 ***
0,366 ***
Gro
up
e
lin
gu
isti
qu
e
Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues
2,305 *** 1,300 *** 1,701 *** 0,179 ** 1,069 *** 1,941 ***
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
2,668 *** 1,576 *** 1,948 *** 0,424 *** 1,803 *** 1,829 ***
Lie
u d
e
na
issan
ce
Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger
- - - - - - -
0,295 *** - 0,825 *** - 0,303 *** - 0,417 *** 0,151 *** 0,296 *** 0,639 ***
- - - - - - -
- - - - - - -
- - - - - - -
0,316 *** - 0,442 *** - 0,446 *** - 0,279 *** - 0,675 *** - 0,987 *** 0,026
Gro
up
e
d’â
ge
Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans
- - - - -
- - - - -
- 0,804 *** - 0,378 *** - 0,190 *** - 0,214 *** - 0,126 **
- - - - -
- - - - -
- 1,016 *** - 0,645 *** - 0,531 *** - 0,398 *** - 0,218 ***
Éd
uc
ati
on
Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire
- - - -
- - - -
- - - -
0,578 *** 0,791 *** 1,123 *** 1,347 ***
- - - -
0,609 *** 0,809 *** 0,949 *** 1,029 ***
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Secteur professionnel (Aucun)
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
- - - -
- - - -
- - - -
- - - -
- 0,452 *** 0,052 0,565 *** - 0,024
- 0,407 *** 0,028 0,205 *** - 0,038
115
Tableaux 4.10 : Modèles de régression logistique pour tous les conjoints et conjointes monogames de Bamako pour 1998
Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6
Gen
re Genre (Homme)
Femme
0,042 **
- 0,011
0,089 ***
0,162 ***
0,192 ***
0,287 ***
Gro
up
e
lin
gu
isti
qu
e
Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues
2,750 *** 1,296 *** 2,094 *** 0,774 *** 1,256 *** 2,412 ***
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
2,905 *** 1,558 *** 2,216 *** 0,973 *** 1,656 *** 2,316 ***
Lie
u d
e
na
issan
ce
Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger
- - - - - - -
0,260 ***
- 0,571 *** - 0,129 *** - 0,206 ***
0,286 *** 0,489 *** 0,428 ***
- - - - - - -
- - - - - - -
- - - - - - -
0,239 *** - 0,269 *** - 0,356 *** - 0,213 *** - 0,523 *** - 0,669 *** - 0,256 ***
Gro
up
e
d’â
ge
Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans
- - - - -
- - - - -
- 0,418 *** - 0,106 ** 0,056 * 0,117 *** - 0,003
- - - - -
- - - - -
- 0,521 *** - 0,260 *** - 0,185 *** - 0,158 *** - 0,135 ***
Éd
uc
ati
on
Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire
- - - -
- - - -
- - - -
0,434 *** 0,648 *** 0,980 *** 1,247 ***
- - - -
0,537 *** 0,726 *** 0,969 *** 1,084 ***
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Secteur professionnel (Aucun)
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
- - - -
- - - -
- - - -
- - - -
0,028 0,181 *** 0,487 *** 0,046 *
- 0,023 0,141 *** 0,091 *** 0,004
*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1 Source : exploitation du RGPH du Mali de 1998
116
Le niveau d’instruction (modèle 4) a un effet positif sur l’exogamie et nous pouvons
voir que plus il est élevé, plus son poids est grand si nous le comparons au fait de
n’avoir reçu aucune instruction. Cependant, son effet est plus remarquable en 1987
qu’en 1998. Quant au secteur d’activité du répondant (modèle 5), les secteurs
secondaire et informel pour les données de 1987, primaire pour celles de 1998, semblent
ne pas avoir d’effets sur la variable dépendante. Le recensement de 1998 montre que les
secteurs secondaire, tertiaire et informel augmentent les probabilités d’une union
exogame tout comme le secteur tertiaire en 1987.
Dans le dernier modèle (modèle 6) et pour les deux recensements, nous contrôlons pour
l’ensemble des variables explicatives et non sans surprise, certains types d’association
ne tiennent plus. Dorénavant, les natifs de la région de Mopti, du Nord et de l’étranger
voient leurs chances de contracter un mariage exogame diminuer grandement. Quant à
l’âge, toutes les modalités diminuent fortement la tendance vers le mariage mixte si on
compare au fait d’avoir au moins 60 ans. Pour le premier recensement (1987), l’effet de
baisse des probabilités de mariages mixtes est plus fort et plus l’individu est jeune, plus
cet effet est accentué. Les personnes les moins à risques de connaître l’évènement sont
celles dont l’âge est compris entre 12 et 19 ans.
L’éducation montre deux tendances selon le niveau d’instruction de l’individu. Dans ce
dernier modèle, l’effet de ce facteur augmente pour les deux cycles de la fondamentale
tandis qu’il diminue pour les deux niveaux les plus élevés et ces résultats se
maintiennent dans le temps.
Au vu de ces résultats, il nous semble que les facteurs les plus déterminants sont plus ou
moins dans l’ordre, le genre, le groupe linguistique, l’âge des conjoints, l’éducation et le
lieu de naissance. Ces différents modèles de régression nous montrent qu’une femme
instruite avec un niveau d’enseignement supérieur relativement à celle qui n’a reçu
aucune instruction verra ses chances d’accéder au marché matrimonial interlinguistique
augmenter très significativement. Néanmoins, les analyses selon le genre nous ont
montré que les hommes et les femmes n’avaient pas les mêmes facilités d’accès au
117
mariage ni les mêmes caractéristiques. En conséquence, il serait avantageux
d’approfondir notre étude en examinant nos répondants et en faisant une différenciation
selon le genre. Nous suggérons donc de nouveaux modèles de régression avec les
hommes d’une part et les femmes de l’autre.
4.4.2. Des conclusions différentes pour les hommes et les femmes?
La différenciation selon le genre montre que chez les hommes comme chez les femmes
(voir tableaux ci-dessous), une union interlinguistique est bien plus sensible au groupe
linguistique auquel appartient l’individu. Cette tendance se maintient d’ailleurs pour les
deux recensements. En effet, appartenir à tout autre groupe linguistique en dehors du
groupe mandingue augmenterait les probabilités de contracter un mariage mixte
(modèle 1), à l’exception des femmes bobo-dafing pour qui c’était tout le contraire en
1987. Le conjoint (homme) membre du groupe linguistique peul ou encore mieux maure
au lieu d’être du groupe mandingue, aurait jusqu’à 13 fois plus de chances de connaître
l’évènement selon l’année de recensement. S’il est natif de Koulikoro au lieu de
Bamako (modèle 2), ses prédispositions envers le mariage interlinguistique diminueront
à l’opposé de l’impact d’être né à l’étranger par exemple, comparativement au fait
d’être né à Bamako et pour les deux recensements. Pour les femmes, naître à Kayes ou
Mopti ne semble pas avoir d’effet particulier sur l’entrée en union mixte
comparativement au natif de Bamako. En contrepartie, les natifs des régions du nord du
Mali et de l’étranger ont plus de chances de contracter un mariage exogames tandis que
ceux qui sont nés à Koulikoro, Sikasso ou Ségou auront plus tendance à connaître ce
type d’union, que ce soit en 1987 ou en 1998.
L’influence du groupe d’âge est différente suivant le recensement étudié et le genre
(modèle 3). Chez les hommes et pour 1987, en présence de ce seul facteur, toutes les
catégories, excepté les plus jeunes (pour lesquels le résultat n’est pas significatif), sont
associées à une plus faible propension au mariage mixte relativement au fait d’être âgé
de 60 ans et plus. Par contre, deux tendances sont présentes en 1998. Les jeunes
hommes âgés entre 20 et 29 ans ont moins accès à l’union interlinguistique
contrairement à ceux qui ont un âge compris entre 40 et 49 ans.
118
Chez les femmes, l’âge ne semble pas jouer un rôle assez déterminant avec très peu de
modalités qui sont significatives. Celles d’un âge compris entre 12 et 19 ans pour les
deux années seraient moins disposées envers l’exogamie relativement à celles âgées
d’au moins 60 ans. Pour seulement 1998, les femmes âgées entre 30 et 39 ans
connaissaient une plus forte tendance au mariage interlinguistique.
L’influence du niveau d’instruction suit plus ou moins la même orientation
indépendamment du genre (modèle 4). Cependant, son impact chez les hommes est
beaucoup plus visible à partir du niveau d’enseignement général tandis que chez les
femmes, les probabilités de contracter un mariage exogame semblent augmenter
fortement dès la fondamental 2 voire même dès qu’elles reçoivent une instruction
(fondamental 1) comme le montrent en particulier les données de 1987. Les hommes
ont donc besoin d’avoir un niveau d’éducation plus ou moins élevé afin de voir leurs
chances de contracter un mariage mixte augmenter. En outre, chez les hommes comme
chez les femmes, plus le niveau d’instruction est élevé, plus l’influence de ce facteur est
grande.
119
Tableaux 4.11 : Modèles de régression logistique pour les conjoints en union monogame à Bamako pour 1987
Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6
Gro
up
e
lin
gu
isti
qu
e
Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues
2,580 *** 1,516 *** 2,217 *** 0,491 *** 1,125 *** 2,181 ***
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
2,983 *** 1,745 *** 2,502 *** 0,710 *** 1,934 *** 2,152 ***
Lie
u d
e
na
issan
ce
Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger
- - - - - - -
0,544 *** - 0,709 ***
0,013 - 0,230 *** 0,408 *** 0,382 *** 0,836 ***
- - - - - - -
- - - - - - -
- - - - - - -
0,546 *** - 0,323 *** - 0,371 *** - 0,166 ** - 0,541 *** -1,022 *** 0,143
Gro
up
e
d’â
ge
Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans
- - - - -
- - - - -
- 0,258 - 0,586 *** - 0,210 *** - 0,291 *** - 0,173 ***
- - - - -
- - - - -
- 0,586 * - 0,745 *** - 0,493 *** - 0,458 *** - 0,231 ***
Éd
uc
ati
on
Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire
- - - -
- - - -
- - - -
0,462 *** 0,545 *** 0,992 *** 1,256 ***
- - - -
0,496 *** 0,614 *** 0,907 *** 1,035 ***
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Secteur professionnel (Aucun)
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
- - - -
- - - -
- - - -
- - - -
- 0,865 *** - 0,368 *** 0,066 0,387 ***
- 0,568 *** - 0,057 0,103 * - 0,141 **
*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1
Source : exploitation du RGPH du Mali de 1987
120
Tableaux 4.12 : Modèles de régression logistique pour les conjoints en union monogame à Bamako pour 1998
Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6
Gro
up
e
lin
gu
isti
qu
e
Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues
3,002 *** 1,568 *** 2,629 *** 1,089 *** 1,467 *** 2,440 ***
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
3,112 *** 1,805 *** 2,767 *** 1,260 *** 1,926 *** 2,413 ***
Lie
u d
e
na
issan
ce
Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger
- - - - - - -
0,472 *** - 0,515 *** 0,130 *** - 0,055 0,560 *** 0,666 *** 0,620 ***
- - - - - - -
- - - - - - -
- - - - - - -
0,446 *** - 0,171 *** 0,313 *** - 0,128 *** - 0,411 *** - 0,708 *** - 0,091 *
Gro
up
e
d’â
ge
Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans
- - - - -
- - - - -
0,078 - 0,277 *** 0,024 0,143 *** 0,007
- - - - -
- - - - -
0,184 - 0,272 *** - 0,075 * - 0,028 - 0,057
Éd
uc
ati
on
Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire
- - - -
- - - -
- - - -
0,317 *** 0,503 *** 0,821 *** 1,165 ***
- - - -
0,461 *** 0,642 *** 0,857 *** 1,041 ***
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Secteur professionnel (Aucun)
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
- - - -
- - - -
- - - -
- - - -
- 0,323 *** - 0,214 ***
0,058 * - 0,312 ***
- 0,243 *** - 0,063 - 0,137 *** - 0,230 ***
*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1 Source : exploitation du RGPH du Mali de 1998
121
Le secteur d’activité professionnelle joue un rôle différent selon le genre et l’année de
recensement. Seul le secteur tertiaire (modèle 5), du reste la seule modalité significative,
est associé à une plus forte propension au mariage exogame chez les femmes pour 1987
tandis qu’en 1998, seul le secteur primaire semble ne pas avoir d’influence sur
l’exogamie. De même, pour les hommes aussi les tendances sont divergentes selon
l’année de recensement. En 1987, le secteur tertiaire semblait ne pas avoir d’influence
sur la survenue de l’évènement, tous les autres domaines de l’activité professionnelle
étant associés à une faible propension au mariage mixte. En 1998, seul le secteur
tertiaire a un effet positif et augmente les chances de connaître l’évènement tandis que
tous les autres secteurs ont des impacts plutôt négatifs.
Lorsque toutes les variables sont introduites dans le dernier modèle, certaines
associations préalablement retenues ne tiennent plus. L’effet du groupe linguistique ne
change pas indépendamment du genre et de l’année de recensement. Concernant le lieu
de naissance, naître dans une région autre que Kayes diminue les chances de connaître
un mariage mixte par rapport au fait d’être né à Bamako. Etre natif de la région de
Kayes les augmenterait chez les hommes pour les deux recensements, mais uniquement
pour 1987 chez les femmes, pour qui ce fait n’est pas significativement associé à
l’évènement pour 1998. Naître à l’étranger n’est pas significatif chez les hommes en
1987.
122
Tableaux 4.13 : Modèles de régression logistique pour les conjointes en union monogame à Bamako pour 1987
Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6
Gro
up
e
lin
gu
isti
qu
e
Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues
2,016 *** 1,089 *** 0,931 ***
- 0,161 1,023 *** 1,698 ***
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
2,370 *** 1,418 *** 1,154 ***
0,129 1,691 *** 1,518 ***
Lie
u d
e
na
issan
ce
Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger
- - - - - - -
0,077 - 0,890 *** - 0,629 *** - 0,559 *** - 0,071 0,256 *** 0,494 ***
- - - - - - -
- - - - - - -
- - - - - - -
0,130 ** - 0,496 *** - 0,499 *** - 0,348 *** - 0,768 *** - 0,910 *** - 0,012
Gro
up
e
d’â
ge
Âge (60 ans et+) 12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans
- - - - -
- - - - -
- 0,521 *** - 0,050 0,061 0,130 0,151
- - - - -
- - - - -
- 0,658 *** - 0,272 ** - 0,214 * 0,092 0,120
Éd
uc
ati
on
Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire
- - - -
- - - -
- - - -
0,674 *** 0,996 *** 1,279 *** 1,468 ***
- - - -
0,692 *** 0,937 *** 0,932 *** 0,866 ***
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Secteur professionnel (Aucun)
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
- - - -
- - - -
- - - -
- - - -
- 0,450 0,158 0,990 *** - 0,058
- 0,364 - 0,133 0,304 *** 0,016
*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1 Source : exploitation du RGPH du Mali de 1987
123
Tableaux 4.14 : Modèles de régression logistique pour les conjointes en union monogame à Bamako pour 1998
Variables explicatives et modalités 1 2 3 4 5 6
Gro
up
e
lin
gu
isti
qu
e
Groupe linguistique (Mandingue-Ouest) Maure (Nord-Ouest) Peul (Centre) Voltaïque (Sud) Bobo-Dafing (Sud-Est) Sonrhaï-Tamasheq (Nord) Autres langues
2,498 *** 1,020 *** 1,292 *** 0,438 *** 1,056 *** 2,392 ***
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
- - - - - -
2,698 *** 1,319 *** 1,420 *** 0,676 *** 1,423 *** 2,234 ***
Lie
u d
e
na
issan
ce
Région (Bamako) Kayes Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Nord Étranger
- - - - - - -
0,054 - 0,584 *** - 0,419 *** - 0,325 *** 0,017 0,340 *** 0,278 ***
- - - - - - -
- - - - - - -
- - - - - - -
0,051 - 0,305 *** - 0.386 *** - 0,263 *** - 0,626 *** - 0,613 *** - 0,367 ***
Gro
up
e
d’â
ge
Âge (60 ans et+) 12-19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans
- - - - -
- - - - -
- 0,356 ***
- 0,002 0,144 **
0,096 0,000
- - - - -
- - - - -
- 0,436 *** - 0,170 ** - 0,125 * - 0,161 ** - 0,063
Éd
uc
ati
on
Niveau d’instruction (Aucun) Fondamental 1 Fondamental 2 Enseignement général Enseignement supérieur et postuniversitaire
- - - -
- - - -
- - - -
0,522 *** 0,774 *** 1,163 *** 1,324 ***
- - - -
0,578 *** 0,777 *** 1,035 *** 0,949 ***
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Secteur professionnel (Aucun)
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
- - - -
- - - -
- - - -
- - - -
0,067 0,570 ***
0,884 *** 0,103 **
0,011 0,281 *** 0,225 *** 0,096 **
*** : p ≤ 0,001 ; ** : p ≤ 0,05; * : p ≤ 0,1
Source : exploitation du RGPH du Mali de 1998
124
Désormais, tous les groupes d’âge ont un effet significatif chez les hommes en 1987
selon une association négative avec la variable endogène et plus le conjoint est âgé, plus
il a de chances de connaître une union mixte. En 1998, seuls les groupes d’âge 20-29
ans et 30-39 ans ont un impact significatif avec moins de probabilités de contracter un
mariage mixte comparativement à celui qui aurait au moins 60 ans. Chez les femmes,
aucun groupe d’âge n’augmente les chances d’être en union exogame. En 1987, celles
avec un âge compris entre 12 et 39 ans et en 1998 celles d’un âge compris entre 12 et 49
ans, avaient moins de chances d’être en union mixte par rapport à celles qui avaient 60
ans et plus. L’éducation reste un facteur significatif et conserve les mêmes tendances
que dans le modèle 4. Quant à la profession, c’est différent selon l’année si l’on
compare au fait d’être sans emploi. Chez les hommes, tous les secteurs dont l’impact
était significatif avaient un effet négatif sur les chances de contracter une union mixte
pour le recensement de 1998 tandis que seuls les secteurs primaire et informel l’étaient
pour 1987. Le secteur tertiaire augmentait ces probabilités pour ce dernier recensement.
Du côté des femmes, seul le secteur tertiaire était significatif tout en étant associé à une
plus forte propension au mariage mixte en 1987. Pour 1998, du secondaire à l’informel,
tous ces secteurs augmentent les probabilités pour une femme d’être en exogamie
linguistique.
4.5. En conclusion
Nous avons remarqué que pour l’ensemble des conjoints et pour les deux recensements
généraux, le groupe linguistique, le lieu de naissance, l’âge et l’éducation sont ressortis
très significatifs lors de l’analyse multivariée. En différenciant selon le genre, nous
constatons encore une fois que le groupe linguistique est un facteur très déterminant
pour contracter une union interlinguistique. L’analyse bivariée avait montré que les taux
de mariages mixtes enregistrés chez les personnes qui avaient comme langue maternelle
le bambara étaient les plus bas. Nous avions aussi remarqué que les taux de transferts
linguistiques vers le bambara qui avaient cours à Bamako ont connu une baisse durant
la décennie ce qui veut dire que de plus en plus de bamakois étaient socialisés en
bambara dès la tendre enfance. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi de plus en
plus de bamakois déclarent cette langue comme maternelle. Qui plus est, le
125
comportement de l’individu en matière d’utilisation de sa propre langue maternelle
varie selon le groupe linguistique auquel il appartient. Cette notion d’appartenance est
importante et sensible, car subjective. Certaines communautés se sont révélées être
plus « conservatrices » que d’autres lorsque leurs membres sont locuteurs de la langue
du groupe à des taux non négligeables. Ces individus se reconnaîtront donc comme
affiliés à part entière à leur communauté d’où la grande valeur du groupe linguistique
comme déterminant proche du mariage exogame.
Le lieu de naissance semble être tout aussi important pour l’établissement d’une union
monogame et mixte à Bamako. De plus, nous avions vu dans les chapitres précédents
que le découpage linguistique au Mali était relié à l’emplacement géographique. En
effet, bien que le groupe linguistique le plus populaire soit le mandingue, ce dernier se
retrouve surtout à Bamako, Kayes, Koulikoro, Sikasso et Ségou. On peut aussi le
retrouver à Mopti en concurrence avec le peul. Dans les régions du Nord du pays, les
langues les plus utilisées sont le sonrhaï et le tamasheq. Dans un contexte de forte
migration vers la capitale, l’installation en ville confronte le nouveau venu à la diversité
linguistique bamakoise. Toutefois, dépendamment de son âge à l’arrivée et de la durée
de résidence en ville, l’imprégnation dans la culture d’origine est plus ou moins forte
ainsi que le sentiment d’appartenance à cette dernière. Ce qui nous ramène aux
comportements et préférences maritales. Cependant, ces derniers varient selon le genre
et dans le temps. Tandis que le fait de détenir une nationalité étrangère (autre que
malienne) ait eu très peu d’incidence sur la survenue de l’évènement (avec une
légèrement hausse en 1998) chez les hommes, nous notons une différence chez les
femmes pour 1998 uniquement (modèle 6), associée à une faible probabilité de
contracter une union mixte comparativement à celle qui serait née à Bamako
(coefficient = - 0,367 pour p ≤ 0,001).
L’instruction est un facteur décisif, mais sur ce point, les hommes et les femmes ont des
attitudes un peu différentes. En effet, les hommes doivent atteindre un certain niveau
d’éducation tandis que pour les femmes, il semble qu’elles acquièrent de plus grandes
chances de contracter un mariage interlinguistique dès qu’une certaine instruction est
126
reçue, quel que soit le niveau. Une femme ayant au moins atteint le deuxième cycle de
la fondamentale verra ses chances de contracter une union mixte augmenter
comparativement à celle n’ayant reçu aucune instruction. Ce constat se renforce lorsque
le niveau d’études atteint est plus élevé.
Les comportements par rapport à l’âge sont différents selon le genre et l’année. Pour les
hommes, ce facteur semble important en 1987 et les personnes les plus à risque sont les
plus âgées. En 1998, seul le groupe d’âge 20-29 ans se différenciait des autres et
diminuait les probabilités d’un mariage mixte. De même, chez les femmes, les résultats
sont disparates selon le recensement, mais de manière plus étendue. Le groupe le moins
touché par l’évènement est encore une fois celui des 12-29 ans pour 1987 et 1998.
Donc, quel que soit le genre du conjoint, plus on est jeune et moins on a de chances de
contracter une union mixte et monogame à Bamako.
Les enjeux inhérents au secteur professionnel dépendent aussi du genre. Les hommes
sont plus sensibles aux unions mixtes lorsqu’ils travaillent dans les secteurs primaire,
tertiaire et informel avec un maintien dans le temps. En contrepartie, l’exogamie des
femmes semblait plutôt reliée au secteur tertiaire en 1987. Ceci change radicalement en
dix ans, car en 1998, cet évènement était influencé outre par le secteur tertiaire, mais
aussi par les secteurs secondaire et informel. Il faut noter que, bien que les femmes
soient très touchées par le chômage, le taux de non emploi chez elles a diminué entre
1987 et 1998. Leurs activités se sont du reste un peu plus variées au fil du temps surtout
avec la montée de l’éducation des jeunes filles.
Nous avons vu les résultats de nos analyses et leur synthèse. Que pouvons-nous donc
tirer de tous ces chiffres ? C’est ce que nous verrons dans la conclusion générale dans
laquelle nous ferons une interprétation du dénouement de nos analyses ainsi qu’une
discussion afin de tirer les enseignements adéquats à notre travail de recherche.
127
Conclusion générale
Tout au long de notre analyse, nous avons constaté que les langues sont plus que des
instruments de communication. Elles n’existent pas sans les gens qui les parlent, et
l’histoire d’une langue est l’histoire de ses locuteurs (Calvet, 2009). Cet outil social est
aussi un enjeu considérable dans les rapports de force entre groupes de locuteurs. De ce
fait, il contribue à distinguer le groupe dominant du groupe dominé. Ces interactions
peuvent se retrouver entre des groupes de langues différentes ou à une plus petite
échelle, dans un ménage où les deux conjoints n’ont pas la même langue maternelle.
Dans un pareil cas, il s’installera une compétition entre les langues des époux. Laquelle
sera parlée dans le couple ?
Cette étude s’est centrée autour de la population de la ville de Bamako à partir de deux
bases de données brutes des recensements généraux conduits au Mali en 1987 et en
1998. Les résultats obtenus concernent les individus mariés et vivant en couple, dans un
ménage monogame à Bamako. Un des objectifs de cette recherche était d’explorer les
différentes communautés linguistiques présentes à Bamako et leur attitude envers le
mariage interlinguistique et ainsi, mesurer l’évolution des unions linguistiquement
mixtes à Bamako durant la période 1987-1998. Nos hypothèses de recherche postulaient
que la fréquence des unions mixtes sur le plan de la langue pourrait augmenter durant
cette décennie, mais aussi, que les chances d’accès au marché de l’intermariage seraient
inégalement réparties selon la communauté linguistique, le genre, le lieu de naissance,
l’âge, le niveau d’éducation du répondant ainsi que sa profession. Le deuxième volet de
l’étude est axé autour des principaux facteurs susceptibles d’influencer l’entrée en union
monogame et linguistiquement mixte à Bamako.
Notre première tâche a été de proposer un cadre théorique de notre problématique en
dressant en premier lieu le tableau multilinguiste du monde avec tous les enjeux qui s’y
rattachent. Nous avons ainsi pu nous rendre compte de la place de la langue dans les
interactions entre groupes de locuteurs. Notre deuxième exercice théorique a porté sur
les différents modèles familiaux et matrimoniaux qui ont cours, particulièrement en
Afrique et au Mali. Cette revue de littérature nous a permis de conclure que malgré la
128
menace qui pèse sur elle suite à ses différentes restructurations, la famille africaine tient
toujours son rôle de gardienne des valeurs dans la société. Quant au mariage, il a subi de
nombreuses mutations et vacille encore entre tradition et modernité mais demeure une
institution dont on peut rarement prétendre pouvoir échapper. L’analyse des données de
recensements s’est faite quantitativement et a débuté par une description des conjoints
monogames de Bamako selon le genre, leur langue maternelle, leur niveau d’éducation
et leur activité professionnelle. Une étude plus approfondie passant par un choix
méthodique des variables a conduit à une analyse multivariée. Cette dernière partie a
réussi à mettre en avant certaines caractéristiques des individus étudiés.
S’agissant du rôle et de la place de la langue, nous savons qu’elle est le miroir
identitaire de l’Homme. Elle est la substance de sa culture et la mémoire de la société.
Sa maitrise donne à l’individu beaucoup de confort, lui assurant par là une bonne
expression dans toutes les situations, ainsi que le pouvoir de se faire écouter. Nous
sommes dès lors en présence de rapports de force intrinsèques aux usages de la langue.
Effectivement, parler une langue forte rend fort, tandis que parler une langue faible ou
dominée placera à son tour l’individu en position de dominé. Le choix d’une langue
plutôt qu’une autre met en évidence l’existence de certains rapports de force explicites
ou tacites entre les individus. De plus, les échanges linguistiques ou rapports de
communication sont aussi des rapports de pouvoir symbolique dans lesquels des
rapports de force s’adaptent continuellement entre les locuteurs. Ceci est l’élaboration
d’une économie des échanges symboliques, comme l’a avancé Bourdieu (1982). Ce
dernier a fondé sa théorie sur les habitus linguistiques et les structures du marché
linguistique. Toujours selon Bourdieu (1982), le discours n’a de complète signification
qu’en relation avec un marché. La valeur et le contenu du langage sont fonction de ce
marché et sont le reflet des modes d’interprétation de l’émetteur et du récepteur.
Cette théorie bourdieusienne a trouvé sa raison d’être dans le contexte de Bamako. En
effet, personne ne peut nier le contact de nombreuses langues dans cette ville et leurs
confrontations dans la mesure où plusieurs d’entre elles tenteraient encore d’y gagner
leur place, malgré la prédominance du bambara. À la longue, de nombreuses langues
129
locales, si ce n’est toutes, pourraient être comparées à la langue véhiculaire, laquelle est
à son tour comparée à la langue officielle, le français. Effectivement, le français
cohabite partout avec d’autres langues. Dès lors, il est difficile de faire une
correspondance entre une frontière politique (un État), une nation et une langue (Calvet,
2005), ce qui nous ramène à Saussure (cité par Bourdieu, 1982 : 26) qui, si nous nous
rappelons bien, disait que la langue définit son espace et non le contraire. Dans un
contexte de plurilinguisme comme celui du Mali, les langues sont constamment en
contact et la ville est leur lieu de prédilection. En effet, l’urbanisation et les fortes
migrations acheminent vers les grandes agglomérations, différents groupes de locuteurs
chacun avec sa propre langue. Leur cohabitation dans une même cité crée un
plurilinguisme, mais ces populations seront toutefois amenées à s’intégrer dans la ville
et donc d’assimiler la langue de communication du milieu qui est la langue dominante.
Toutefois, il ne s’agira pas ici du français, mais du bambara dans le cas de Bamako.
L’urbanisation suscite un brassage linguistique ce qui rend nécessaire la mise en place
d’une forme véhiculaire et pousse à l’unification linguistique. La ville fonctionne ainsi
comme une pompe qui aspire du plurilinguisme et recrache du monolinguisme (Calvet,
2008).
Dans notre étude, nous avons vu que le bambara était la langue la plus répandue à
Bamako, que ce soit en 1987 ou en 1998. Malgré tout, le district malien vit un fort
plurilinguisme avec de nombreuses communautés linguistiques qui cohabitent ensemble
(peul, sonrhaï, soninké, kassonké, sénoufo, dogon, maure, tamasheq, bobo-dafing,
minianka, bozo). De plus, le bambara bénéficie de forts transferts linguistiques et les
autres communautés en pâtissent de façon plus ou moins importante. En effet, le
bambara constitue la seule langue à bénéficier de telles performances dans la capitale
malienne. Cette situation n’est d’ailleurs pas inattendue étant donné que le bambara est
la langue véhiculaire au Mali et en particulier à Bamako. Dans un pareil cas, l’individu
qui a l’usage d’une autre langue sera généralement confronté à la nécessité d’adopter la
langue véhiculaire de l’environnement à des fins de communication. Dès lors, ce
multilinguisme social peut se révéler conflictuel puisque le contact de plusieurs langues
peut causer des problèmes de communication sociale. Il peut arriver que les populations
130
soient à un point, si confuses, que personne ne parle la langue de l’autre. Ces situations
sociologiques feront que les langues premières perdront de leur efficacité
communicationnelle (Calvet, 2009). D’autres exemples font état des difficultés de
communication entre des groupes homogènes, chacun avec sa propre langue et ne
parvenant pas à communiquer en dehors de sa propre communauté linguistique. Ce
même phénomène est observable dans plusieurs capitales ouest-africaines. C’est le cas
de Dakar, capitale du Sénégal, où le wolof est la langue véhiculaire.
Par ailleurs, nous avons remarqué que le mariage et la famille occupent encore
aujourd’hui une place centrale dans la société africaine, le premier menant au deuxième
et le deuxième donnant l’autorisation d’accéder au premier. Dès lors, l’union constitue
un grand enjeu, car c’est de là que se joue la perpétuation de certaines traditions ou
malheureusement leur négligence. Cette raison pourrait expliquer pourquoi certaines
communautés prennent les précautions nécessaires afin de réguler l’accès de ses
membres au marché de l’intermariage. Néanmoins, l’homogamie sociale (mesurée par
l’origine sociale) et l’homogamie culturelle (mesurée par le niveau d’instruction) ont
encore leur place dans les sociétés africaines. D’ailleurs, Borgadus cité par Streiff-
Fénart (2000) considère le mariage comme le stade ultime dans une échelle de distance
sociale. Dès lors, le mariage mixte peut être défini comme le point d’arrivée du
processus d’intégration des non-membres de la communauté prépondérante. Il traduit à
la fois leur admission dans le groupe majoritaire et leur propre renonciation aux normes
et traditions de leur groupe d’origine (Streiff-Fénart, 2000).
Les mariages interlinguistiques ont la particularité de mettre sur le tapis l’enjeu qui se
dissimule dans les règles de communication entre les conjoints. Effectivement, il ressort
des résultats de l’étude qu’à Bamako, la fréquence des unions mixtes n’a pas connu de
hausse entre 1987 et 1998 infirmant ainsi notre hypothèse qui avançait que les taux
d’intermariage augmenteraient durant la décennie à cause de la grande mobilité des
différents groupes. Toutefois, les chiffres (13,9% pour 1987 et 1998) doivent être
interprétés avec prudence. Du fait de la prédominance du bambara, nombreux sont ceux
qui ont tout simplement changé de communauté linguistique en devenant des bamanans
131
(locuteurs du bambara) par le biais d’une socialisation dans cette langue. D’ailleurs, en
examinant la récurrence des mariages mixtes selon la langue maternelle16
de l’individu,
nous remarquons que les locuteurs du bambara sont les moins concernés par le mariage
interlinguistique.
En outre, les résultats de l’étude montrent que la langue vernaculaire est déterminante
dans l’entrée en union exogame. Ainsi, il a été noté qu’à Bamako, les individus
appartenant à d’autres groupes linguistiques étaient plus enclins à l’exogamie que les
Bambaras qui sont démographiquement majoritaires. Cependant, analysant les études
faites sur le sujet, Streiff-Fénart (2000) souligne que les fluctuations dans les
comportements matrimoniaux des groupes minoritaires ne dépendent pas d'un seul
facteur mais dépendent à la fois des conditions structurelles déterminant les positions
respectives des groupes dans la société, et des stratégies individuelles ou collectives des
acteurs. De ce fait, la taille du groupe en question est de la plus haute importance et est
en relation directe avec les fréquences des mariages mixtes. Plus un groupe est fort
démographiquement, plus il sera en mesure de maintenir l'intramariage (Streiff-Fénart,
2000), ce qui est tout à fait le cas du groupe linguistique mandingue auquel appartient le
bambara et le malinké. Notre hypothèse selon laquelle l’accès au marché du mariage
mixte dépendrait du groupe linguistique du répondant se trouve ainsi confirmée. De
façon inattendue, notre étude a montré que les conjoints des couples mixtes ne parlent
pas toujours la même langue. Cependant, lorsque la langue parlée17
par les deux époux
est la même, celle-ci est majoritairement la langue maternelle de la conjointe. Ce constat
pourrait avoir comme cause le fait que les femmes Bambaras sont majoritaires en ce qui
concerne les unions mixtes comparativement aux hommes Bambaras. Les conjoints qui
ont déclaré ne pas parler la même langue sont de l’ordre de 33,3% pour 1987 et 48,5%
pour 1998. Malheureusement, les éléments que nous avons en main ne nous permettent
pas d’explorer cette piste plus en avant et pourtant, ces époux pourraient très bien être
bilingues de même que leurs enfants. De plus, les futurs acteurs linguistiques que sont
16
La langue maternelle indique la langue parlée par la mère du répondant et par conséquent, celle dans
laquelle ce dernier a été socialisé dès l’enfance. C’est la première langue apprise par le répondant durant
son enfance. 17
La langue parlée est la langue la plus utilisée par le répondant dans la vie courante et peut être différente
de la langue maternelle.
132
les enfants doivent aussi être pris en compte dans cette guerre des langues. Dans un
couple mixte, les langues transmises à l'enfant peuvent aussi constituer un enjeu entre
les conjoints, car la langue constitue un marqueur identitaire révélateur d'une continuité
ou non de la culture (Meintel et al, 2001).
De plus, le lieu de naissance a un impact sur la perception que les individus ont du
mariage mixte. Ce faisant, il a été noté que les natifs de Bamako sont ceux qui
s’engagent le plus dans les unions interlinguistiques comparativement à ceux qui sont
nés dans une autre région du Mali ou à l’extérieur du pays. Un tel phénomène contribue
à l’urbanisation de la langue. Ce qui confirme l’hypothèse selon laquelle le lieu de
naissance influe sur les comportements matrimoniaux.
Par ailleurs, l’exogamie linguistique est peu présente chez les jeunes gens. Cependant,
l’âge ne semble pas avoir un impact particulier sur l’entrée en union mixte. En
procédant à une différenciation selon le genre, nous avons remarqué non seulement
l’écart d’âge entre hommes et femme qui, d’habitude, caractérise le mariage en Afrique,
mais aussi une certaine relation entre l’âge et l’exogamie interlinguistique. Il en ressort
que les hommes sont plus concernés par l’exogamie que les femmes, en particulier
lorsqu’ils sont plus âgés. Notre hypothèse sur l’âge du répondant trouve donc sa
validation pour certaines catégories seulement, selon le genre et l’année de recensement.
Le niveau d’éducation (aptitude à lire et écrire, niveau d’instruction) joue également un
rôle important dans les rapports des individus avec le mariage mixte ce qui confirme
notre postulat sur l’influence positive de l’éducation sur l’exogamie. Effectivement,
nous avons vu que d’une part, la connaissance du français et d’autre part, un certain
niveau d’instruction sont positivement associés à une probabilité de s’engager dans une
union mixte, indifféremment du genre et de l’année de recensement. Cette « ressource
conjugale » qu’est le niveau d’éducation détient une valeur naturellement relative par
rapport au partenaire et au groupe linguistique de référence (Varro, 1984). Il ressort des
analyses que les hommes sont confrontés à la nécessité d’acquérir un certain niveau
d’instruction (enseignement général, supérieur ou postuniversitaire) pour augmenter
133
leurs probabilités d’entrer en union mixte. D’ailleurs, des études portant sur le pouvoir
conjugal ont fait remarquer que l’ascendance du mari croit en fonction de son niveau
d’instruction, son salaire et sa qualification professionnelle (Varro, 1984). Quant aux
femmes, quel que soit le niveau atteint, le plus décisif est d’en avoir acquis un, serait-ce
une éducation de base.
Aussi, le secteur professionnel a sa part, négative ou positive, dans l’accès au mariage
mixte. Le dernier point évoqué dans nos hypothèses de recherche avançait que le secteur
tertiaire pourrait favoriser les unions exogames, ce que confirment les analyses sur
l’ensemble des conjoints étudiés en 1987 comme en 1998. Chez les hommes, cette
validation se maintient, mais seulement pour 1987. Les analyses des données de 1998
montrent qu’au contraire, un homme qui exercerait une activité du secteur tertiaire verra
ses chances de connaître un mariage interlinguistique diminuer par rapport à celui qui
serait sans emploi, tout comme les secteurs primaire (1987 et 1998) et informel (1998).
Chez les femmes, l’hypothèse est vérifiée pour les deux recensements. Par ailleurs, une
femme avec un emploi du secteur secondaire ou informel en 1998, connaîtrait de plus
grandes probabilités de contracter une union mixte.
Avant de terminer, il est bon de préciser que nous avons étudié en parallèle deux bases
de données de deux années différentes afin de dégager l’effet du facteur temps. Nous
avons vu que les déterminants proches du mariage interlinguistique variaient d’un
recensement à un autre. Il faut savoir que le temps est capable d’agir en faveur de la
mixité matrimoniale. Dans ce cas, le temps exacerbe l’effet conjugué de plusieurs
facteurs dont l’affaiblissement du contrôle du groupe sur les comportements
matrimoniaux des jeunes, l’intériorisation de l’individualisme ainsi que les possibilités
plus grandes de rencontre (Streiff-Fénart, 2000). À l’issue de notre étude, nous
constatons que tous nos postulats n’ont pas trouvé une confirmation de ce qu’ils
avançaient. Néanmoins, ils nous ont permis de soulever certains points essentiels.
Ces résultats n’ont pas été obtenus sans quelques obstacles qui se sont présentés à nous
au fur et à mesure que nous avancions dans notre recherche. Certaines des limites que
134
posaient les données de recensements, et que nous avions présentées dans le deuxième
chapitre, se sont finalement révélées utiles dans la mesure où elles nous ont poussées à
faire preuve de plus de rigueur et de prudence dans nos analyses et nos interprétations.
Rappelons qu’il s’agissait de manipuler des données brutes de recensements avec tous
les risques d’erreurs et de biais que cela impliquait. À certains moments, nous avons été
dans l’obligation de faire des choix tout en prenant soin de les fonder sur des résultats
fiables tels que les rapports des analyses des données de recensements fournis par
l’INSTAT18
. Néanmoins, les données de recensements sont reconnues pour être
exhaustives et extrêmement riches. Les avantages qu’elles offrent sont tels qu’ils
pallient rapidement aux désagréments qu’elles pourraient causer. Dans le cadre de cette
étude, elles nous ont permis d’avoir une vue d’ensemble sur les réalités linguistiques du
Mali et les stratégies de communication qui ont pris place dans la vie quotidienne des
individus.
Ce sujet de recherche est très large et peut être encore plus approfondi.
Malheureusement, il n’y a pas beaucoup de littérature dans ce domaine. La
manipulation des données de recensements a aussi donné l’occasion de réfléchir sur
leurs avantages, mais surtout, sur les possibilités de les améliorer pour des recherches
futures. Il faudrait avant tout se pencher sur les questions posées au répondant et leur
profit. Certains volets de notre recherche n’ont pas pu être explorés faute d’informations
suffisantes sur le sujet. À titre d’exemple, il est difficile d’être certain de savoir si la
personne est bilingue et si oui, toutes les langues qu’elle parle. De même, il est difficile
voire impossible d’étudier parallèlement les parents et leurs enfants. La langue parlée
dans le quotidien est loin d’être une pratique neutre. Cet échange est un acte somme
toute banal de la vie quotidienne et pourtant, il est la résultante de rapports de force
entre les deux interlocuteurs. Le choix de la langue du couple ne se fera pas au hasard et
peut refléter, dans une certaine mesure, ce qui se passe à une plus grande échelle, sur le
plan national. Dans un environnement où le marché linguistique a déjà subi son
unification, la socialisation des enfants se fera très probablement dans la langue
véhiculaire, que cette dernière soit la langue des parents ou non. En quelques
18
Institut national de la Statistique du Mali.
135
générations, il sera pratiquement impossible de distinguer les membres des différentes
communautés linguistiques. Or, des mesures incitatives devraient être mises en œuvre
afin que les enfants aient un environnement plurilinguiste, ce qui ne peut que leur être
bénéfique. Malheureusement, les écrits ne font pas beaucoup état des comportements
linguistiques envers les enfants des familles où les deux conjoints déclarent ne pas
parler la même langue. Dans le même état d’esprit, nous aurions souhaité traiter les
langues parlées par les enfants et les comparer à celles des parents. Pourquoi alors ne
pas aller vers des recensements généraux plus légers, en ne gardant que l’utile?
136
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i
Annexes
ii
Annexe A : Secteurs d’activité
Les différentes branches d’activité des conjoints ont été regroupées secteurs d’activité
comme suit :
Secteur primaire
Secteur secondaire
Secteur tertiaire Secteur informel
Branches d’activité
- Agriculture - Élevage - Pêche - Forêt
- Artisanat-Forge - Industrie
extractive et manufacturée
- Construction - Électricité, gaz,
eau
- Banque, assurance - Transport,
communication - Administration
publique, privée, internationale
- Autres services
- Commerce
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
iii
Annexe B1 : Les langues maternelles et parlées à Bamako en 1987 et
1998
Langues maternelles Langues parlées
1987 1998 1987 1998
Nombre de
locuteurs
% Nombre de
locuteurs
% Nombre de
locuteurs
% Nombre de
locuteurs
%
Bambara-Malinké Peul/Fulfulbe Sonrhaï/Djerma Maraka/Soninké Kassonké Sénoufo Dogon Maure Tamacheq Bobo-Dafing Minianka Bozo Autres langues du Mali Autres langues africaines Autres langues étrangères
394308
27150
19390
23249
6771
5567
9596
1492
1297
9339
4996
2055
1600
4709
21103
60,7
4,2
3,0
3,6
1,0
,9
1,5
,2
,2
1,4
,8
,3
,2
,7
3,2
646736
41991
32186
42400
7508
7421
22051
1598
2543
14585
6616
3900
2497
5651
178471
63,6
4,1
3,2
4,2
,7
,7
2,2
,2
,3
1,4
,7
,4
,2
,6
17,6
437840
16162
14179
16346
3289
2079
5965
776
834
6252
2000
1070
577
2155
23102
67,4
2,5
2,2
2,5
,5
,3
,9
,1
,1
1,0
,3
,2
,1
,3
3,6
692303
30527
26092
35625
4810
3955
17554
996
1735
11525
3898
2811
1902
3617
178804
68,1
3,0
2,6
3,5
,5
,4
1,7
,1
,2
1,1
,4
,3
,2
,4
17,6
Total 649565 100,0 839604 100,0 513090 100,0 839774 100,0
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
iv
Annexe B2 : Taux de transferts linguistiques vers le bambara selon
la langue maternelle et nombre de personnes qui parlaient encore
leur langue maternelle en 1987 et 1998 chez les conjoints monogames
de Bamako
Année Langues maternelles et taux de transferts vers le bambara
Peul/Fulfulde
Bambara/Malinké Peul/Fulfulde
1987 1998
40,1 27,7
57,9 69,9
Sonrhaï/Djerma
Bambara/Malinké Sonrhaï
1987 1998
23,3 18,0
74,8 80,7
Maraka/Soninké
Bambara/Malinké Soninké
1987 1998
36,0 24,1
62,5 74,6
Kassonké
Bambara/Malinké Kassonké
1987 1998
53,2 43,8
44,8 53,6
Sénoufo
Bambara/Malinké Sénoufo
1987 1998
54,4 46,4
44,1 52,7
Dogon
Bambara/Malinké Dogon
1987 1998
29,0 17,0
70,0 82,0
Maure
Bambara/Malinké Maure
1987 1998
43,0 44,3
51,2 48,4
Tamasheq
Bambara/Malinké Tamasheq
1987 1998
19,9 21,5
72,9 71,3
Bobo-Dafing
Bambara/Malinké Bobo-Dafing
1987 1998
26,6 19,1
72,6 79,5
Minianka
Bambara/Malinké Minianka
1987 1998
54,2 46,1
44,9 50,9
Bozo
Bambara/Malinké Bozo
1987 1998
42,6 28,3
53,6 68,3
Autres langues du Mali
Bambara/Malinké Autres langues du Mali
1987 1998
63,5 43,8
31,3 50,4
Autres langues africaines
Bambara/Malinké Autres langues africaines
1987 1998
50,4 34,1
39,9 57,9
Autres langues étrangères
Bambara/Malinké Autres langues étrangères
1987 1998
7,0 20,6
90,6 71,6
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
v
Annexe B3 : Répartition des unions mixtes chez les conjoints
monogames de Bamako en 1987 et 1998 selon la communauté
linguistique et le genre (en pourcentages)
Année Pourcentage de mariages linguistico-exogames selon la langue maternelle et le genre
Bambara/Malinké
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
6 6
9,5 9,5
7,8 7,7
Peul/Fulfulde
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
35,6 35
33,3 31,1
34,5 33,1
Sonrhaï/Djerma
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
22,1 27,6
24,7 24,2
23,4 26
Maraka/Soninké
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
41,5 31,5
28,2 21,5
35,5 26,8
Kassonké
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
58,2 58,9
46,4 44,2
53 52,7
Sénoufo
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
47,3 53,5
22,7 26,9
37,3 43,1
Dogon
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
16,5 19,3
10,3 12
13,5 15,8
Maure
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
55,3 64,2
47,3 58,5
51,6 61,5
Tamasheq
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
26,8 30,4
29,7 35
28,3 32,8
Bobo-Dafing
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
13,3 20,9
9,2 15,2
11,3 18,2
Minianka
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
45,1 57,1
23,9 32,8
36,2 47,6
Bozo
Hommes Femmes %Total de mariages exogames
1987 1998
38,8 39,6
31 25,9
35,1 33,5
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
vi
Annexe B4 : Lieu de naissance des conjoints monogames de Bamako
selon l’année de recensement, le genre et le type d’union (en
pourcentages)
RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Lie
u d
e n
ais
san
ce d
u r
ép
on
da
nt Kayes
Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Régions du Nord Bamako-district Étranger
77,4
92,3
85,4
88,1
79,7
80,1
85,5
71,9
22,6
7,7
14,6
11,9
20,3
19,9
14,5
28,1
81,2
92,1
85,9
88,0
79,8
78,1
87,4
78,8
18,8
7,9
14,1
12,0
20,2
21,9
12,6
21,2
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Lie
u d
e n
ais
san
ce d
u r
ép
on
da
nt Kayes
Koulikoro Sikasso Ségou Mopti Régions du Nord Bamako-district Étranger
81,0
91,8
89,7
89,0
83,2
78,1
82,2
73,8
19,0
8,2
10,3
11,0
16,8
21,9
17,8
26,2
84,2
91,0
89,5
88,6
84,6
80,0
84,9
80,9
15,8
9,0
10,5
11,4
15,4
20,0
15,1
19,1
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
vii
Annexe B5 : L’âge du répondant chez les conjoints monogames de
Bamako selon l’année de recensement, le genre et le type d’union (en
pourcentages)
RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Le
gro
up
e d
’âg
e d
es
co
njo
ints
12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans 60 ans et+
86,3
89,7
85,7
86,6
85,2
82,9
13,8
10,3
14,3
13,4
14,8
17,1
85,5
89,3
86,1
84,6
86,3
86,4
14,5
10,7
13,9
15,4
13,7
13,6
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Le g
rou
pe
d’â
ge d
es
co
njo
inte
s
12 - 19 ans 20 - 29 ans 30 - 39 ans 40 - 49 ans 50 - 59 ans 60 ans et+
91,0
86,3
84,9
84,0
83,7
85,7
9,0
13,7
15,1
16,0
16,3
14,3
90,0
86,4
84,6
85,2
86,4
86,4
10,0
13,6
15,4
14,8
13,6
13,6
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
viii
Annexe B6 : Le niveau d’instruction des conjoints monogames de
Bamako selon le genre, l’année de recensement et le type d’union (en
pourcentages)
RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Le
niv
eau
d’in
str
ucti
on
Aucune d’instruction Fondamental 1
er cycle
Fondamental 2
nd cycle
Enseignement général, technique, professionnel ou normal Enseignement supérieur et postuniversitaire
89,8
84,7
83,6
76,5
71,4
10,2
15,3
16,4
23,5
28,6
89,9
86,7
84,4
79,7
73,6
10,1
13,3
15,6
20,3
26,4
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Le
niv
eau
d’in
str
ucti
on
Aucune d’instruction Fondamental 1
er cycle
Fondamental 2
nd cycle
Enseignement général, technique, professionnel ou normal Enseignement supérieur et postuniversitaire
89,8
81,7
76,4
70,9
66,9
10,2
18,3
23,6
29,1
33,1
89,7
83,8
80,0
73,1
69,8
10,3
16,2
20,0
26,9
30,2
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et 1998
ix
Annexe B7 : Le secteur d’activité professionnelle des conjoints
monogames de Bamako selon le genre, l’année de recensement et le
type d’union (en pourcentages)
RÉPONDANTS DE SEXE MASCULIN
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Sans emploi
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
84,4
92,8
88,7
83,6
88,9
15,6
7,2
11,3
16,4
11,1
84,8
88,5
87,3
84,0
88,4
15,2
11,5
12,7
16,0
11,6
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
RÉPONDANTS DE SEXE FÉMININ
1987 1998
Endogame Exogame Endogame Exogame
Secte
ur
d’a
cti
vit
é Sans emploi
Secteur primaire Secteur secondaire Secteur tertiaire Secteur informel
87,3
91,5
85,5
71,9
87,9
12,7
8,5
14,5
28,1
12,1
87,4
88,6
79,6
74,0
86,2
12,6
13,4
20,4
26,0
13,8
Total (N)
86,1 (36462)
13,9 (5895)
86,1 (72869)
13,9 (11802)
Source : exploitation des RGPH du Mali de 1987 et de 1998
x
Annexe C1 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour
tous les conjoints et conjointes en union monogame à Bamako (1987) Modèle 1 : sexe et groupe linguistique
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme ,041 ,021 3,978 1 ,046 1,042
Groupe linguistique Maure(Nord-Ouest)
2,305
,129
4843,129
320,359
6
1
,000
,000
10,028
Peul (Centre) 1,300 ,028 2107,185 1 ,000 3,671
Voltaïque (Sud) 1,701 ,043 1545,594 1 ,000 5,477
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,179 ,066 7,468 1 ,006 1,196
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,069 ,038 796,981 1 ,000 2,913
Autres langues 1,941 ,046 1813,337 1 ,000 6,963
Constante -2,259 ,017 17699,170 1 ,000 ,104
Modèle 2 : sexe et lieu de naissance
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
-,021 ,020 1,233 1 ,267 ,979
Lieu de naissance Kayes
,295
,033
1502,864
80,273
7
1
,000
,000
1,344
Koulikoro -,825 ,031 692,715 1 ,000 ,438
Sikasso -,303 ,035 74,688 1 ,000 ,739
Ségou -,417 ,034 148,209 1 ,000 ,659
Mopti ,151 ,039 14,607 1 ,000 1,163
Nord ,296 ,039 56,431 1 ,000 1,344
Étranger ,639 ,124 40,447 1 ,000 1,895
Constante -1,617 ,022 5245,032 1 ,000 ,199
Modèle 3 : sexe et groupe d’âge
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Groupe d’âge
,137
,023 37,229
196,285
1
5
,000
,000
1,147
12-19 ans -,804 ,067 146,159 1 ,000 ,447
20-29 ans -,378 ,047 63,737 1 ,000 ,685
30-39 ans -,190 ,044 18,273 1 ,000 ,827
40-49 ans -,214 ,047 20,836 1 ,000 ,807
50-59 ans -,126 ,053 5,666 1 ,017 ,882
Constante -1,631 ,041 1585,675 1 ,000 ,196
xi
Modèle 4 : sexe et niveau d’instruction Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Éducation
,138 ,021 44,794
2282,133
1
4
,000
,000
1,147
Fondamentale 1 ,578 ,030 379,325 1 ,000 1,782
Fondamentale 2 ,791 ,033 591,047 1 ,000 2,205
Général 1,123 ,030 1397,669 1 ,000 3,074
Supérieur 1,347 ,043 969,269 1 ,000 3,847
Constante -2,247 ,018 15544,264 1 ,000 ,106
Modèle 5 : sexe et secteur professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Secteur d’activité
,232 ,029 64,414
652,558
1
4
,000
,000
1,261
Primaire -,452 ,073 38,634 1 ,000 ,637
Secondaire ,052 ,047 1,243 1 ,265 1,054
Tertiaire ,565 ,031 332,418 1 ,000 1,759
Informel -,024 ,037 ,424 1 ,515 ,976
Constante -2,108 ,030 4901,937 1 ,000 ,122
xii
Modèle 6 : sexe, groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur
professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Groupe linguistique
,366 ,032 134,831
4332,073
1
6
,000
,000
1,442
Maure(Nord-Ouest) 2,668 ,137 381,006 1 ,000 14,408
Peul (Centre) 1,576 ,035 1976,766 1 ,000 4,837
Voltaïque (Sud) 1,948 ,050 1491,935 1 ,000 7,018
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,424 ,071 35,922 1 ,000 1,528
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,803 ,061 878,739 1 ,000 6,065
Autres langues Lieu de naissance
1,829 ,050 1327,770
853,647
1
7
,000
,000
6,230
Kayes ,316 ,035 79,108 1 ,000 1,371
Koulikoro -,442 ,033 173,866 1 ,000 ,643
Sikasso -,446 ,042 111,578 1 ,000 ,640
Ségou -,279 ,038 53,100 1 ,000 ,756
Mopti -,675 ,049 192,310 1 ,000 ,509
Nord -,987 ,061 265,154 1 ,000 ,373
Étranger Groupe d’âge
,026 ,115 ,050
291,626
1
5
,823
,000
1,026
12-19 ans -1,016 ,070 207,962 1 ,000 ,362
20-29 ans -,645 ,052 154,237 1 ,000 ,525
30-39 ans -,531 ,050 113,920 1 ,000 ,588
40-49 ans -,398 ,052 58,980 1 ,000 ,672
50-59 ans Éducation
-,218 ,057 14,528
1167,109
1
4
,000
,000
,804
Fondamentale 1 ,609 ,032 365,337 1 ,000 1,839
Fondamentale 2 ,809 ,036 508,613 1 ,000 2,247
Général ,949 ,036 707,463 1 ,000 2,584
Supérieur Secteur d’activité
1,029 ,049 433,413
101,991
1
4
,000
,000
2,798
Primaire -,407 ,075 29,375 1 ,000 ,666
Secondaire ,028 ,049 ,335 1 ,553 1,029
Tertiaire ,205 ,035 34,224 1 ,000 1,227
Informel -,038 ,039 ,958 1 ,328 ,963
Constante -2,123 ,052 1641,294 1 ,000 ,120
xiii
Annexe C2 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour
les conjoints en union monogame à Bamako (1987)
Modèle 1 : groupe linguistique Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe linguistique
Maure(Nord-Ouest)
2,580
,176 3458,793 214,408
6 1
,000 ,000
13,197
Peul (Centre) 1,516 ,040 1461,363 1 ,000 4,556
Voltaïque (Sud) 2,217 ,056 1592,888 1 ,000 9,180
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,491 ,086 32,517 1 ,000 1,635
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,125 ,055 413,625 1 ,000 3,080
Autres langues 2,181 ,063 1199,713 1 ,000 8,854
Constante -2,367 ,020 14117,927 1 ,000 ,094
Modèle 2 : lieu de naissance Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Lieu de naissance
Kayes
,544
,047 849,507 132,901
7 1
,000 ,000
1,722
Koulikoro -,709 ,047 231,024 1 ,000 ,492
Sikasso ,013 ,048 ,067 1 ,796 1,013
Ségou -,230 ,049 21,858 1 ,000 ,794
Mopti ,408 ,056 53,478 1 ,000 1,504
Nord ,382 ,059 42,475 1 ,000 1,465
Étranger ,836 ,144 33,584 1 ,000 2,308
Constante -1,775 ,031 3306,363 1 ,000 ,169
Modèle 3 : groupe d’âge
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe d’âge
12-19 ans
-,258
,328 91,814
,621 5 1
,000 ,431
,772
20-29 ans -,586 ,064 82,643 1 ,000 ,557
30-39 ans -,210 ,049 18,500 1 ,000 ,810
40-49 ans -,291 ,052 31,104 1 ,000 ,748
50-59 ans -,173 ,059 8,697 1 ,003 ,841
Constante -1,578 ,044 1292,036 1 ,000 ,206
xiv
Modèle 4 : niveau d’instruction
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Éducation
Fondamentale 1
,462
,044 1060,481 109,648
4 1
,000 ,000
1,587
Fondamentale 2 ,545 ,049 122,478 1 ,000 1,724
Général ,992 ,039 637,959 1 ,000 2,696
Supérieur 1,256 ,050 629,993 1 ,000 3,512
Constante -2,172 ,020 11457,379 1 ,000 ,114
Modèle 5 : secteur professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Secteur d’activité
Primaire
-,865
,080 317,587 117,979
4 1
,000 ,000
,421
Secondaire -,368 ,057 42,197 1 ,000 ,692
Tertiaire ,066 ,046 2,070 1 ,150 1,068
Informel -,387 ,056 47,863 1 ,000 ,679
Constante -1,692 ,042 1659,952 1 ,000 ,184
xv
Modèle 6 : sexe, groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur
professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe linguistique
Maure(Nord-Ouest)
2,983
,190 3070,705 247,595
6 1
,000 ,000
19,742
Peul (Centre) 1,745 ,050 1207,418 1 ,000 5,728
Voltaïque (Sud) 2,502 ,068 1372,646 1 ,000 12,206
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,710 ,094 56,795 1 ,000 2,034
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,934 ,089 475,675 1 ,000 6,918
Autres langues Lieu de naissance
2,152 ,069 973,712
526,554
1
7
,000
,000
8,598
Kayes ,546 ,051 112,926 1 ,000 1,726
Koulikoro -,323 ,050 41,435 1 ,000 ,724
Sikasso -,371 ,062 41,485 1 ,000 ,690
Ségou -,166 ,056 8,764 1 ,003 ,847
Mopti -,541 ,069 61,418 1 ,000 ,582
Nord -1,022 ,089 131,850 1 ,000 ,360
Étranger Groupe d’âge
,143 ,170 ,707
120,667
1
5
,400
,000
1,154
12-19 ans -,586 ,355 2,730 1 ,098 ,556
20-29 ans -,745 ,074 100,119 1 ,000 ,475
30-39 ans -,493 ,061 66,088 1 ,000 ,611
40-49 ans -,458 ,063 53,498 1 ,000 ,633
50-59 ans Éducation
-,231 ,066 12,190
565,819
1
4
,000
,000
,794
Fondamentale 1 ,496 ,048 106,955 1 ,000 1,642
Fondamentale 2 ,614 ,055 125,549 1 ,000 1,848
Général ,907 ,046 388,049 1 ,000 2,477
Supérieur Secteur d’activité
1,035 ,058 318,529
91,708
1
4
,000
,000
2,814
Primaire -,568 ,087 42,833 1 ,000 ,567
Secondaire -,057 ,065 ,756 1 ,385 ,945
Tertiaire ,103 ,056 3,421 1 ,064 1,109
Informel -,141 ,065 4,692 1 ,030 ,869
Constante -2,183 ,065 1120,447 1 ,000 ,113
xvi
Annexe C3 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour
les conjointes en union monogame à Bamako (1987)
Modèle 1 : groupe linguistique Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe linguistique
Maure(Nord-Ouest)
2,016
,190 1586,606 112,470
6 1
,000 ,000
7,508
Peul (Centre) 1,089 ,041 714,643 1 ,000 2,972
Voltaïque (Sud) ,931 ,075 153,054 1 ,000 2,537
Bobo-Dafing (Sud-Est) -,161 ,102 2,481 1 ,115 ,851
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,023 ,052 386,893 1 ,000 2,783
Autres langues 1,698 ,066 653,642 1 ,000 5,464
Constante -2,123 ,018 14160,546 1 ,000 ,120
Modèle 2 : lieu de naissance
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Lieu de naissance
Kayes
,077
,047 772,619
2,635 7 1
,000 ,105
1,080
Koulikoro -,890 ,043 432,778 1 ,000 ,411
Sikasso -,629 ,053 139,951 1 ,000 ,533
Ségou -,559 ,049 132,204 1 ,000 ,572
Mopti -,071 ,057 1,562 1 ,211 ,931
Nord ,256 ,053 22,913 1 ,000 1,292
Étranger ,494 ,169 12,398 1 ,000 1,639
Constante -1,530 ,024 3925,074 1 ,000 ,217
Modèle 3 : groupe d’âge
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe d’âge
12-19 ans
-,521
,121 133,074 18,512
5 1
,000 ,000
,594
20-29 ans -,050 ,112 ,196 1 ,658 ,951
30-39 ans ,061 ,113 ,286 1 ,593 1,062
40-49 ans ,130 ,117 1,229 1 ,268 1,139
50-59 ans ,151 ,129 1,357 1 ,244 1,163
Constante -1,788 ,110 263,015 1 ,000 ,167
xvii
Modèle 4 : niveau d’instruction Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Éducation
Fondamentale 1
,674
,040 1310,978 282,590
4 1
,000 ,000
1,961
Fondamentale 2 ,996 ,044 523,491 1 ,000 2,708
Général 1,279 ,047 752,432 1 ,000 3,593
Supérieur 1,468 ,088 277,700 1 ,000 4,342
Constante -2,171 ,019 13025,985 1 ,000 ,114
Modèle 5 : secteur professionnel
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Secteur d’activité
Primaire
-,450
,331 611,352
1,848 4 1
,000 ,174
,638
Secondaire ,158 ,142 1,240 1 ,266 1,171
Tertiaire ,990 ,041 590,868 1 ,000 2,692
Informel -,058 ,052 1,246 1 ,264 ,944
Constante -1,930 ,016 14191,895 1 ,000 ,145
xviii
Modèle 6 : groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Groupe linguistique Maure(Nord-Ouest)
2,370
,199
1380,946 142,016
6 1
,000 ,000
10,700
Peul (Centre) 1,418 ,051 787,509 1 ,000 4,130
Voltaïque (Sud) 1,154 ,083 192,490 1 ,000 3,170
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,129 ,109 1,405 1 ,236 1,138
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,691 ,084 406,319 1 ,000 5,427
Autres langues Lieu de naissance
1,518 ,074 415,836
365,278
1
7
,000
,000
4,562
Kayes ,130 ,051 6,662 1 ,010 1,139
Koulikoro -,496 ,046 117,960 1 ,000 ,609
Sikasso -,499 ,060 69,652 1 ,000 ,607
Ségou -,348 ,053 42,286 1 ,000 ,706
Mopti -,768 ,070 121,324 1 ,000 ,464
Nord -,910 ,083 119,648 1 ,000 ,403
Étranger Groupe d’âge
-,012 ,157 ,006
150,629
1
5
,939
,000
,988
12-19 ans -,658 ,126 27,100 1 ,000 ,518
20-29 ans -,272 ,118 5,337 1 ,021 ,762
30-39 ans -,214 ,119 3,239 1 ,072 ,807
40-49 ans ,092 ,123 ,564 1 ,453 1,097
50-59 ans Éducation
,120 ,135 ,778
555,678
1
4
,378
,000
1,127
Fondamentale 1 ,692 ,043 257,911 1 ,000 1,998
Fondamentale 2 ,937 ,049 367,491 1 ,000 2,552
Général ,932 ,062 223,504 1 ,000 2,540
Supérieur Secteur d’activité
,866 ,103 70,534
31,682
1
4
,000
,000
2,376
Primaire -,364 ,348 1,093 1 ,296 ,695
Secondaire -,133 ,148 ,800 1 ,371 ,876
Tertiaire ,304 ,057 28,830 1 ,000 1,355
Informel
,016 ,054 ,088 1 ,767 1,016
Constante -2,017 ,118 290,361 1 ,000 ,133
xix
Annexe C4 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour
tous les conjoints et conjointes en union monogame à Bamako (1998)
Modèle 1 : sexe et groupe linguistique
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Groupe linguistique
,042 ,015 8,230
11651,326
1
6
,004
,000
1,043
Maure(Nord-Ouest) 2,750 ,104 701,310 1 ,000 15,647
Peul (Centre) 1,296 ,020 4353,863 1 ,000 3,656
Voltaïque (Sud) 2,094 ,034 3806,727 1 ,000 8,118
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,774 ,045 295,408 1 ,000 2,169
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,256 ,026 2280,767 1 ,000 3,512
Autres langues 2,412 ,036 4507,525 1 ,000 11,161
Constante -2,301 ,012 36110,517 1 ,000 ,100
Modèle 2 : sexe et lieu de naissance
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Lieu de naissance
-,011 ,014 ,648
1698,304
1
7
,421
,000
,989
Kayes ,260 ,025 106,286 1 ,000 1,297
Koulikoro -,571 ,025 536,347 1 ,000 ,565
Sikasso -,129 ,026 23,945 1 ,000 ,879
Ségou -,206 ,024 71,692 1 ,000 ,814
Mopti ,286 ,027 113,059 1 ,000 1,332
Nord ,489 ,030 266,778 1 ,000 1,630
Étranger ,428 ,027 243,836 1 ,000 1,535
Constante -1,806 ,014 16263,950 1 ,000 ,164
Modèle 3 : sexe et groupe d’âge
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Groupe d’âge
,089 ,016 31,998
236,405
1
5
,000
,000
1,093
12-19 ans -,418 ,048 77,056 1 ,000 ,659
20-29 ans -,106 ,033 10,078 1 ,002 ,900
30-39 ans ,056 ,031 3,236 1 ,072 1,057
40-49 ans ,117 ,032 13,286 1 ,000 1,124
50-59 ans -,003 ,037 ,007 1 ,935 ,997
Constante -1,865 ,029 4279,684 1 ,000 ,155
xx
Modèle 4 : sexe et niveau d’instruction Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Éducation
,162 ,015 123,742
3614,871
1
4
,000
,000
1,176
Fondamentale 1 ,434 ,020 473,545 1 ,000 1,543
Fondamentale 2 ,648 ,021 947,919 1 ,000 1,912
Général ,980 ,022 1915,946 1 ,000 2,663
Supérieur 1,247 ,026 2251,594 1 ,000 3,480
Constante -2,266 ,014 27640,749 1 ,000 ,104
Modèle 5 : sexe et secteur professionnel
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Secteur d’activité
,192 ,020 91,151
633,045
1
4
,000
,000
1,212
Primaire -,028 ,035 ,673 1 ,412 1,029
Secondaire ,181 ,030 36,091 1 ,000 1,198
Tertiaire ,487 ,023 462,297 1 ,000 1,628
Informel ,046 ,025 3,331 1 ,068 1,047
Constante -2,074 ,021 9907,540 1 ,000 ,126
xxi
Modèle 6 : sexe, groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur
professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Femme
Groupe linguistique
,287 ,022 167,470
10067,992
1
6
,000
,000
1,332
Maure(Nord-Ouest) 2,905 ,108 729,745 1 ,000 18,261
Peul (Centre) 1,558 ,024 4381,977 1 ,000 4,748
Voltaïque (Sud) 2,216 ,037 3495,621 1 ,000 9,166
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,973 ,048 409,856 1 ,000 2,647
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,656 ,038 1868,023 1 ,000 5,236
Autres langues Lieu de naissance
2,316 ,042 3055,125
808,197
1
7
,000
,000
10,134
Kayes ,239 ,027 78,069 1 ,000 1,270
Koulikoro -,269 ,026 106,553 1 ,000 ,764
Sikasso -,356 ,031 131,523 1 ,000 ,700
Ségou -,213 ,027 63,051 1 ,000 ,808
Mopti -,523 ,032 265,531 1 ,000 ,593
Nord -,669 ,043 243,297 1 ,000 ,512
Étranger Groupe d’âge
-,256 ,034 57,368
121,183
1
5
,000
,000
,774
12-19 ans -,521 ,051 106,254 1 ,000 ,594
20-29 ans -,260 ,036 51,024 1 ,000 ,771
30-39 ans -,185 ,034 28,683 1 ,000 ,831
40-49 ans -,158 ,036 19,540 1 ,000 ,854
50-59 ans Éducation
-,135 ,040 11,450
2488,195
1
4
,001
,000
,874
Fondamentale 1 ,537 ,021 627,306 1 ,000 1,710
Fondamentale 2 ,726 ,023 1005,216 1 ,000 2,066
Général ,969 ,025 1459,299 1 ,000 2,634
Supérieur Secteur d’activité
1,084 ,030 1295,370
34,059
1
4
,000
,000
2,956
Primaire -,023 ,036 ,400 1 ,527 ,977
Secondaire ,141 ,032 19,394 1 ,000 1,151
Tertiaire ,091 ,025 12,691 1 ,000 1,095
Informel ,004 ,027 ,020 1 ,889 1,004
Constante -2,552 ,036 4996,812 1 ,000 ,078
xxii
Annexe C5 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour
les conjoints en union monogame à Bamako (1998)
Modèle 1 : groupe linguistique
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe linguistique
Maure(Nord-Ouest)
3,002
,144 7875,445 435,039
6 1
,000 ,000
20,124
Peul (Centre) 1,568 ,027 3310,668 1 ,000 4,798
Voltaïque (Sud) 2,629 ,044 3561,084 1 ,000 13,855
Bobo-Dafing (Sud-Est) 1,089 ,060 331,494 1 ,000 2,970
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,467 ,037 1596,857 1 ,000 4,336
Autres langues 2,440 ,052 2172,019 1 ,000 11,476
Constante -2,420 ,014 28794,551 1 ,000 ,089
Modèle 2 : lieu de naissance
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Lieu de naissance 1245,396 7 ,000
Kayes ,472 ,034 189,007 1 ,000 1,604
Koulikoro -,515 ,036 208,586 1 ,000 ,597
Sikasso ,130 ,035 13,814 1 ,000 1,139
Ségou -,055 ,034 2,566 1 ,109 ,947
Mopti ,560 ,037 229,545 1 ,000 1,751
Nord ,666 ,042 254,660 1 ,000 1,947
Étranger ,620 ,040 238,780 1 ,000 1,859
Constante -1,935 ,019 10896,926 1 ,000 ,144
Modèle 3 : groupe d’âge
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe d’âge
12-19 ans
,078
,264 116,763
,086 5 1
,000 ,769
1,081
20-29 ans -,277 ,047 34,140 1 ,000 ,758
30-39 ans ,024 ,035 ,476 1 ,490 1,025
40-49 ans ,143 ,036 15,933 1 ,000 1,154
50-59 ans ,007 ,041 ,030 1 ,863 1,007
Constante -1,850 ,031 3497,184 1 ,000 ,157
xxiii
Modèle 4 : niveau d’instruction Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Education
Fondamentale 1
,317
,030 1781,193 109,283
4 1
,000 ,000
1,373
Fondamentale 2 ,503 ,030 271,984 1 ,000 1,653
Général ,821 ,030 751,851 1 ,000 2,273
Supérieur 1,165 ,031 1447,608 1 ,000 3,205
Constante -2,188 ,016 18770,809 1 ,000 ,112
Modèle 5 : secteur professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Secteur d’activité
Primaire
271,792 4 ,000
Secondaire -,323 ,045 50,559 1 ,000 ,724
Tertiaire -,214 ,037 32,710 1 ,000 ,807
Informel ,058 ,032 3,278 1 ,070 1,060
Primaire -,312 ,036 74,705 1 ,000 ,732
Constante -1,717 ,028 3693,332 1 ,000 ,180
xxiv
Modèle 6 : groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Groupe linguistique Maure(Nord-Ouest)
3,112
,149
6845,097 438,516
6 1
,000 ,000
22,462
Peul (Centre) 1,805 ,033 2971,746 1 ,000 6,080
Voltaïque (Sud) 2,767 ,050 3095,312 1 ,000 15,911
Bobo-Dafing (Sud-Est) 1,260 ,064 386,050 1 ,000 3,525
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,926 ,055 1219,604 1 ,000 6,863
Autres langues Lieu de naissance
2,413 ,060 1614,175
519,241
1
7
,000
,000
11,172
Kayes ,446 ,037 141,875 1 ,000 1,562
Koulikoro -,171 ,038 20,212 1 ,000 ,843
Sikasso -,313 ,044 51,510 1 ,000 ,731
Ségou -,128 ,039 11,029 1 ,001 ,880
Mopti -,411 ,045 84,966 1 ,000 ,663
Nord -,708 ,061 134,043 1 ,000 ,493
Étranger Groupe d’âge
-,091 ,050 3,325
35,814
1
5
,068
,000
,913
12-19 ans ,184 ,286 ,416 1 ,519 1,202
20-29 ans -,272 ,054 25,207 1 ,000 ,762
30-39 ans -,075 ,042 3,121 1 ,077 ,928
40-49 ans -,028 ,043 ,434 1 ,510 ,972
50-59 ans Education
-,057 ,047 1,497
1176,295
1
4
,221
,000
,944
Fondamentale 1 ,461 ,033 193,421 1 ,000 1,585
Fondamentale 2 ,642 ,034 363,345 1 ,000 1,900
Général ,857 ,034 637,587 1 ,000 2,357
Supérieur Secteur d’activité
1,041 ,036 850,159
46,339
1
4
,000
,000
2,831
Primaire -,243 ,051 22,929 1 ,000 ,784
Secondaire -,063 ,044 2,062 1 ,151 ,939
Tertiaire -,137 ,038 12,804 1 ,000 ,872
Informel -,230 ,042 29,615 1 ,000 ,795
Constante -2,588 ,045 3330,878 1 ,000 ,075
xxv
Annexe C6 : Résultats des analyses de régressions logistiques pour
les conjointes en union monogame à Bamako (1998)
Modèle 1 : groupe linguistique
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe linguistique
Maure(Nord-Ouest)
2,498
,151 4084,083 275,243
6 1
,000 ,000
12,153
Peul (Centre) 1,020 ,029 1262,339 1 ,000 2,772
Voltaïque (Sud) 1,292 ,058 492,517 1 ,000 3,642
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,438 ,069 40,152 1 ,000 1,550
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,056 ,038 777,348 1 ,000 2,875
Autres langues 2,392 ,050 2331,196 1 ,000 10,934
Constante -2,156 ,013 29042,837 1 ,000 ,116
Modèle 2 : lieu de naissance
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Lieu de naissance
Kayes
,054
,038 666,747
1,980 7 1
,000 ,159
1,055
Koulikoro -,584 ,034 289,972 1 ,000 ,558
Sikasso -,419 ,042 100,631 1 ,000 ,658
Ségou -,325 ,035 85,730 1 ,000 ,723
Mopti ,017 ,040 ,174 1 ,676 1,017
Nord ,340 ,043 61,774 1 ,000 1,405
Étranger ,278 ,038 54,308 1 ,000 1,321
Constante -1,724 ,015 13015,360 1 ,000 ,178
Modèle 3 : groupe d’âge
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Groupe d’âge
12-19 ans
-,356
,076 165,965 21,622
5 1
,000 ,000
,701
20-29 ans -,002 ,069 ,001 1 ,973 ,998
30-39 ans ,144 ,069 4,322 1 ,038 1,155
40-49 ans ,096 ,072 1,751 1 ,186 1,100
50-59 ans ,000 ,081 ,000 1 ,997 1,000
Constante -1,847 ,067 754,218 1 ,000 ,158
xxvi
Modèle 4 : niveau d’instruction Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a Éducation
Fondamentale 1
,522
,026 1965,029 390,054
4 1
,000 ,000
1,686
Fondamentale 2 ,774 ,029 709,099 1 ,000 2,169
Général 1,163 ,034 1186,448 1 ,000 3,199
Supérieur 1,324 ,054 596,488 1 ,000 3,757
Constante -2,163 ,014 22865,560 1 ,000 ,115
Modèle 5 :secteur professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Secteur d’activité Primaire
,067
,060
758,493 1,246
4 1
,000 ,264
1,069
Secondaire ,570 ,070 67,170 1 ,000 1,768
Tertiaire ,884 ,033 712,989 1 ,000 2,421
Informel ,103 ,039 6,885 1 ,009 1,108
Constante -1,933 ,011 28459,962 1 ,000 ,145
xxvii
Modèle 6 : groupe linguistique, lieu de naissance, niveau d'instruction et secteur professionnel Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Groupe linguistique Maure(Nord-Ouest)
2,698
,157
3394,266 295,486
6 1
,000 ,000
14,847
Peul (Centre) 1,319 ,034 1514,008 1 ,000 3,739
Voltaïque (Sud) 1,420 ,062 519,670 1 ,000 4,136
Bobo-Dafing (Sud-Est) ,676 ,074 83,891 1 ,000 1,965
Sonrhaï-Tamasheq (Nord) 1,423 ,054 704,517 1 ,000 4,148
Autres langues Lieu de naissance
2,234 ,059 1450,705
365,484
1
7
,000
,000
9,338
Kayes ,051 ,040 1,570 1 ,210 1,052
Koulikoro -,305 ,036 71,139 1 ,000 ,737
Sikasso -,386 ,046 70,689 1 ,000 ,679
Ségou -,263 ,038 47,562 1 ,000 ,769
Mopti -,626 ,047 176,151 1 ,000 ,535
Nord -,613 ,061 102,183 1 ,000 ,542
Étranger Groupe d’âge
-,367 ,046 62,525
65,139
1
5
,000
,000
,693
12-19 ans -,436 ,081 29,031 1 ,000 ,647
20-29 ans -,170 ,074 5,345 1 ,021 ,843
30-39 ans -,125 ,074 2,820 1 ,093 ,883
40-49 ans -,161 ,077 4,361 1 ,037 ,851
50-59 ans Éducation
-,063 ,086 ,535
1118,594
1
4
,464
,000
,939
Fondamentale 1 ,578 ,028 420,484 1 ,000 1,782
Fondamentale 2 ,777 ,032 607,629 1 ,000 2,174
Général 1,035 ,041 643,281 1 ,000 2,816
Supérieur Secteur d’activité
,949 ,064 221,459
41,724
1
4
,000
,000
2,582
Primaire ,011 ,062 ,034 1 ,854 1,012
Secondaire ,281 ,074 14,406 1 ,000 1,324
Tertiaire ,225 ,043 28,064 1 ,000 1,253
Informel ,096 ,041 5,518 1 ,019 1,101
Constante -2,233 ,073 925,446 1 ,000 ,107