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Le métal,altérations et

traitementsAnnick Texier

Philippe DillmannVirginia CostaMurielle Bach

Élisabeth Marie-Victoire

LaboratoireRecherches

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Introduction

La corrosion des «fers» peut être très variable,mais en aucun cas elle ne peut être considéréecomme représentative d’une période ou duprocédé d’obtention du métal. Contrairementà ce qu’on entend souvent, le fer du xiiie n’estpas plus résistant que celui du xixe siècle.Philippe Dillmann a résumé, pour ce dossier,plusieurs années d’études qui ont commencépar sa thèse, puis par l’encadrement de nombreuxautres travaux et le pilotage de recherchesmenées dans le cadre de programmes nationauxet européens. Il nous informe de tout ce qu’onsait aujourd’hui sur le fer et sa corrosion précieuse, qui permet de prévoir l’avenir de ce matériau dans le bâti ou pour les objets.

Élisabeth Marie-Victoire, Murielle Bach et moi-même tenterons de faire un point desconnaissances sur la détection de ces métauxdans la maçonnerie, appareillage, technique,ainsi que sur les limites des traitements de ces fers quand ils sont enrobés de mortierou de plâtre.

La résistance à la corrosion est l’un desprincipaux enjeux du monde moderne.Stopper cette rouille, ce vert-de-gris au romantisme si doux. À quels dilemmessommes-nous confrontés : laisser la corrosioncontinuer son œuvre, préserver la « patine »ou bien intervenir avec le risque d’un résultat

moins esthétique? Si, pour les métauxcuivreux ou le plomb, l’action sur le métaln’est pas toujours la meilleure solution, la protection de surface s’impose pour les métaux ferreux exposés aux intempéries.Associer protection du métal et esthétique de la couleur relève souvent du défi pour uneintégration urbanistique ou architecturaleréussie ou pour la révélation d’une sculpture.

Dans son livre La Tour de 300 mètres 2, Gustave Eiffel écrit : «On ne saurait trop se pénétrer du principe que la peinture estl’élément essentiel de la conservation d’unouvrage métallique et que les soins qui y sontapportés sont la seule garantie de sa durée.» Il avait en effet à protéger 1800 pièces de métal, soit 800 tonnes de fer puddlé. Dès la construction, la mise au point d’un systèmede peinture anticorrosion fut donc étudiée. En ces temps où les avis étaient très partagésentre le minium de plomb et le minium de fer,Eiffel choisit le minium de fer comme primaire.Depuis, environ dix-sept campagnes de remiseen peinture appliquée à la brosse ont eu lieu,chacune ayant fait l’objet d’un descriptifprécis. La dernière, commencée en 2001, s’est achevée en 2003, la programmation de l’entretien prévoyant une intervention tousles cinq ans pour la partie haute, plus exposée,et tous les dix ans pour l’ensemble de l’édifice 3.

La protection anticorrosion, c’est une séried’actions bien définies qui, bien choisies et correctement appliquées, donneront le résultat escompté. Les progrès de fabricationdes produits par les industriels, les moyensd’évaluation en laboratoire et in situ et la qualification des applicateurs ont fortementfait progresser la qualité des traitementsanticorrosion depuis quarante ans. Des règlesont été érigées, libérant le maître d’œuvre de bien des tracas. Cependant, nous sommesen période transitoire, car les nouvelles normeseuropéennes prônent des chantiers sanspoussières, surtout en présence de plomb,l’élimination des solvants dans les peintures,leur préférant, dans un futur proche,

l’utilisation de peintures à l’eau. Notre expérience devra alors se reconstituerau fil des chantiers.

Le dernier chapitre de ce dossier comporte un extrait d’une étude plus vaste surl’utilisation des aciers spéciaux dans diversesapplications de conservation-restauration. Ces aciers, largement utilisés, ne le sont pastoujours à bon escient. Mal adaptés à l’usage,mal mis en œuvre, ils ont toutes les chancesde nous décevoir. Alors, comme pour tous les «nouveauxmatériaux», l’ensemble des paramètres physico-chimiques doiventêtre étudiés et le meilleur compromis au casparticulier, trouvé.

Annick Texier

Dans le dossier précédent publié dans Monumental 2007/2, nous avons eu la confirmation que, dès le Moyen Âge, il y avait du fer dans la construction, et probablement bien avant, et que ce «fer» caché ou visible doit être identifié,car, comme tous les matériaux, le métal s’altère, il se corrode 1.La corrosion est-elle le processus, le résultat ou l’ensemble processus/résultat?Pour en finir avec les divergences de vue, la norme ISO 8044 définit la corrosion:«Interaction physico-chimique entre un métal et son milieu environnantentraînant des modifications dans les propriétés du métal lui-même, de son environnement ou du système technique constitué par les deux facteurs.»

1. Vers 1300, le motcorrosion a été empruntéau latin corrodere, ronger.

2. Paris, Lemercier, 1900.

3. Jean-Bernard Memet,Couleur métal, Édisud,collection «Les Livrets du conservatoire», 2004, p. 69-78.

Photographies © LRMH.

Page de gaucheFigure 1Surface d’acier peintet très corrodé.

Figure 2Altération d’une fontecuivrée.

Figure 3Boulons après cent ans d’exposition sur un même édifice.

Figure 3Exemple d’association de fer/cuivre. La corrosiongalvanique attendue n’a pas toujours eu lieu.

2.

3.

4.

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Depuis quelques années, plusieurs programmesde recherche ont été lancés dans la communautéscientifique française, pour évaluer les cinétiques de corrosion et la réactivité des processus. Ils ont été mis en œuvre à la fois par le ministère de la Culture dans le cadre du programme national de rechercheen conservation (PNR et PNRC), par l’Agencenationale de la recherche (ANR) dans le cadredu programme blanc Arcor. Enfin, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) a mis en place un certain nombre d’actionsd’ampleur conséquente telles que lesprogrammes Cocon et Cimetal, consacrés à la prévision de la corrosion sur le très longterme et dont une partie touche à l’étude de la corrosion d’objets ferreux anciens.Les synergies développées à travers cesdifférentes actions permettent aujourd’huid’établir un premier bilan des résultats, et ceparticulièrement pour les deux environnementsconcernés dans le cas des monumentshistoriques: les liants hydrauliques ou aérienset la corrosion atmosphérique sous abris.

Les mécanismes de corrosion en milieu aéréLa corrosion du fer est due à des réactionsd’oxydoréduction. On peut considérer deuxréactions électrochimiques. La première est appelée réaction anodique et traduit lesprocessus de dégradation du métal qui perddes électrons en se corrodant : Fe Y Fe2+ + 2e-

La seconde, la réaction cathodique, traduit la réduction d’une espèce qui «capte» les électrons du métal. Dans un milieu aéréqui est celui des monuments historiques,celle-ci met en jeu principalement l’eau et l’oxygène gazeux dissous dans cette eau:H2O + VO2 + 2e-Y 2OH-

L’eau est un solvant qui contient de nombreusesespèces ioniques dissoutes. Les charges se déplacent par diffusion sous l’effet de gradients (concentrations des espèces,températures, potentiel, pH…) ou par convection.L’adsorption des ions solvatés à l’interfacemétal/solution ou oxyde/solution forme une double ou triple couche électriquementneutre, grâce à la mobilité des électrons du métal.

L’étude des phénomènes de corrosion impliquela connaissance des équilibres chimiques,donnant une idée du type de produits decorrosion qui va se former (thermodynamique),

des cinétiques de réactions. Outre les réactionsélectrochimiques, la corrosion aqueuse met en jeu des réactions de surface (adsorption), ainsi que des réactions acido-basiques, enparticulier l’hydrolyse des cations métalliques(Fe2+ en Fe(OH)2 par exemple). C’est donc laprise en compte de ces deux aspects qui permetd’appréhender les vitesses de corrosion d’unmétal à un temps donné. Ainsi, en l’absenced’eau, les phénomènes de corrosion pourrontêtre considérés, à température ambiante,comme négligeables.

Un paramètre essentiel est celui de la cinétiquede corrosion et de l’influence de la nature des produits de corrosion sur cette cinétique.En effet, un métal peut présenter des vitessesinitiales de corrosion très élevées, conduisantà la formation de produits d’oxydation solides.La couche qu’ils forment alors à la surface du métal, en empêchant l’eau et l’oxygène de parvenir à ce métal, va progressivementralentir la vitesse de corrosion; ainsi, plus la couche sera ancienne et/ou compacte, plus cette vitesse sera faible. Les courbes deconsommation du métal en fonction du tempspeuvent être ainsi très souvent modélisées parune équation de type puissance P = kTn, où Pest la profondeur de pénétration de lacorrosion, T le temps et k et n des coefficientsliés aux mécanismes de corrosion. Pour cetteraison, la résistance à la corrosion ne peut êtrecomparée pour deux métaux ayant subi cettecorrosion sur des durées différentes. Celui quiest corrodé le moins longtemps aura degrandes chances de présenter une couche de produits de corrosion moins bien formée et donc moins protectrice que le plus ancien,sur lequel se sera constituée au cours des sièclesune couche plus protectrice, simplementœuvre du temps. L’aspect moins «patiné» des produits de corrosion du premier métalsignifiera non pas qu’il présente une moinsbonne résistance à la corrosion maissimplement qu’il se corrode depuis moinslongtemps. Il est donc impossible de déduirede ce type d’observation que les métaux duMoyen Âge sont plus résistants à la corrosion.Très vraisemblablement, dans la plupart des cas, ce sont les conditions du milieu (et donc la présence ou l’absence d’eau, le cyclede cette présence) qui sont les principauxfacteurs influant sur les vitesses de corrosion.

92 monumental 2008 Laboratoire/Recherches

Chapitre I Vers un diagnostic de la corrosion des métaux ferreux sur les monuments historiques. Un bilan de la recherche

Tout monument ancien dans lequel des métaux ferreux ont été identifiés, danssa structure, pose le problème de la résistance à la corrosion de ceux-ci. Dès cetinstant, toutes les opinions à propos des «fers anciens» peuvent être entendues,de la mythique résistance de matériaux «ultrapurs» du Moyen Âge à la piètreréputation des fers de l’époque moderne et du xixe siècle. S’il est exact que lacorrosion met en jeu à la fois un milieu (l’environnement) et un matériau et quec’est le comportement de l’ensemble des éléments de ce système qui est àprendre en compte, il appartient en revanche de les considérer a priori de lamanière la plus neutre possible, sans idées préconçues sur le rôle plus ou moinspositif de chacun des composants de l’ensemble. De plus, il est un paramètreintervenant dans la résistance à la corrosion qui est souvent oublié dans les raisonnements des observateurs : le temps. Ainsi, un matériau qui aura pudévelopper une couche protectrice sur une longue durée sera plus résistant à la corrosion que ce même matériau venant de commencer à se corroder. Cette notion de patine est aussi vraie pour les alliages ferreux que cuivreux.Cette rapide énumération de quelques paramètres qui peuvent influer sur le comportement des alliages ferreux donne la mesure de la complexité des études et de la mise en place de méthodes de diagnostics fiables.

Philippe DillmannChargé de recherches au CNRSIramat UMR 5060 et LPS UMR 9956

* Entre crochets [ ] figurent les références bibliographiques (cf. page 109).

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93Le métal, altérations et traitements

Cathédrale d’Amiens (Somme). Figure. 2 a. Vue du triforium. Figure. 2 b. Vue du chaînage.

Le cycle humidification/séchage en corrosionatmosphérique. Variationen fonction du temps sur la durée d’un cycle

Épaisseur de l’électrolytedéposé sur la pièce en fer

Quantité d’oxygène gazeuxconsommée/réduite

Fer corrodé/oxydé

Figure 1 Figure 2 Figure 3

2a. 2b.3.

Figure 4 Figure 5

4.

Figure 6

6b.6a.

Proportion des phasesréactives dans la couche de produits de corrosiond’échantillons prélevés à différents endroits dutriforium de la cathédraled’Amiens. Les proportionsont été déterminées à l’aidede la spectrométrie Raman,Programme CAT.Doc. J. Monnier et C. Baron.

Oxyhydroxyde de fer IIILépidocrociteAkaganéite

Goethite

Le système de corrosion àtrès long terme des alliagesferreux. Coupe transversale.

1.

Phase non réactive

Phases réactives

5.

Perte de métal de certainesarmatures métalliques en fonction du temps (6 a) au château d’eauPerret à Saclay, (6 b) au donjon du châteaude Vincennes, et comparaisonavec les valeurs réellesmesurées sur le bâtiment –Doc. W.-J. Chitty.

Différents résultats de la modélisation en tenantcompte ou non de la couchede produits dense (CPD) de produits de corrosion.

La ligne verticale bleuecorrespond aux valeursréelles mesurées sur un échantillon métalliquecorrodé. Pour le château

d’eau Perret à Saclay,l’armature du béton étantproche de la surface, les produits de corrosionjouent un grand rôle sur le contrôle des cinétiques.Pour le donjon du châteaude Vincennes, l’épaisseurdu liant et de la pierreséparant le métal del’extérieur, c’est plutôt ces matériaux qui vontcontrôler les cinétiques de corrosion.

Photographies et documentsPhilippe Dillmann, sauf mentions contraires.

Mesuré sur site

Modèle sans CPD

Modèle (CPD saturée)

Variation de température et humidité relative à l’intérieur de la cathédrale d’Amiens et à l’aéroport de Glisy. Document J. Monnier.

Cathédrale d’Amiens

Température

Humidité relative

Aéroport de Glisy(données Météo France)

Température

Humidité relative

Pluie en mm

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94 monumental 2008 Laboratoire/Recherches

En tout état de cause et quel que soit le milieu,le système de corrosion des matériaux ferreuxdu patrimoine peut toujours être schématiséde la manière suivante si l’on effectue une coupe transversalement aux produits de corrosion (fig.1): sur un noyau métallique(M) se trouve une couche de produits decorrosion d’épaisseur variable et relativementdense (la couche de produits denses – CPD). Si l’objet métallique est pris dans unenvironnement solide – c’est le cas parexemple d’une armature dans un mortier –entre ce milieu et la CPD, il est possible demettre en évidence une interphase constituéeà la fois de composés du milieu et de produitsde corrosion. Cette zone a été nommée le milieu transformé (MT). Dans le cas de la corrosion atmosphérique, ces deux dernierséléments sont inexistants.

Pour comprendre et prévoir le comportementen corrosion de ce système, il va donc falloirappréhender chacun de ces éléments. Ainsi, par exemple, la nature du matériau etnotamment son hétérogénéité peuvent jouerun rôle sur sa résistance à la corrosion maiségalement la porosité du milieu et du milieutransformé, permettant l’accès au métal d’une plus ou moins grande quantité d’eau et d’oxygène. Nous allons, pour chacun desdeux milieux, passer en revue les paramètresinfluant sur les cinétiques de corrosion, en commençant par celui commun à tous les systèmes: le matériau métallique.

Un matériau de composition et de structure variableComme nous l’avons dit en introduction, cet élément du système de corrosion est celui sur lequel le plus d’affirmations, souventpéremptoires, ont été exprimées quand ils’agissait d’expliquer un bon ou un mauvaiscomportement en corrosion. Ainsi, le fer des cathédrales gothiques, lié à l’emploi du procédé de réduction directe, a souvent été jugé «pur» sans qu’aucune analyse ne vienne soutenir cette assertion. Des élémentsd’histoire des procédés d’obtention du métal,en regard de la structure du matériau qu’ilssupposent, peuvent être trouvés dans l’articlep.92, Monumental 2007/2. Il importe, en ce qui concerne la corrosion, de retenir deuxpoints : de par la nature des procédés anciens,les métaux ferreux produits avant la fin du xixe siècle peuvent être très hétérogènes,notamment du point de vue de la teneur encarbone et en raison de la présenced’impuretés non métalliques. Cette présence

peut augmenter notablement les vitesses decorrosion par la formation d’hétérogénéitéslocales (effets de pile, courts-circuits detransport). Avant le xixe siècle, la qualité du matériau était plus liée à la pratique duforgeron ou de l’artisan qu’à un procédé. Ainsi, c’est la durée du martelage du métal qui va permettre d’expurger plus ou moinsd’inclusions et de le rendre plus ou moinshomogène. Il n’y a donc pas lieu d’affirmerque les matériaux du Moyen Âge et parextension ceux qui sont issus du procédédirect dans leur ensemble sont plus «purs»que ceux du xixe siècle, pas plus que l’inverse.De manière générale, dans les monumentshistoriques avant la fin du xixe siècle,l’hétérogénéité des microstructures [1]prévaut, ce qui aurait tendance à être un pointfaible pour la résistance à la corrosion.

Le milieu en corrosion atmosphérique sous abrisLes mécanismes de la corrosionatmosphérique (fig. 2 a et 2 b) sont contrôléspar le cycle humidification/séchage qui décritla durée et la fréquence de condensation d’unfilm d’eau (sans lequel la vitesse de corrosionserait négligeable à température ambiante) àla surface du métal. On a pu montrer que cecycle pouvait être divisé en différentes parties(fig.3) : la phase de mouillage avec dépôtd’électrolyte sur le métal, la phase humide et,enfin, la phase de séchage [2]. Pour lesmonuments historiques, ces cycles peuventêtre plus ou moins réguliers et de différenteampleur en fonction du bâtiment considéré,de la taille et de la localisation de l’élémentmétallique dans le bâtiment. Ils dépendentnotamment des variations de température et d’humidité relative (fig.4). Il convient donc,pour diagnostiquer la corrosion sur un bâtiment,de disposer de données fiables sur ce point.

Pendant la première phase de ce cycle, il a été établi que c’est non pas l’oxygène de l’air qui participe à la corrosion du métalmais bien certaines phases constitutives des produits de corrosion, telles que la lepidocrocite (g-FeOOH), la ferrihydrite (de type Fe5HO8, 4H2O) et d’autres moins bien cristallisées. Ces phases sont donc considérées comme plus ou moins réactives dans les conditions de la corrosionatmosphérique [3]. Il a également été montréque c’est l’importance de ces différentesphases (autrement dit la réactivité de la couchede rouille) qui va déterminer la potentialité du métal à se corroder plus ou moins vite [4].

Pour résumer, c’est donc principalement la fréquence et l’ampleur du cyclehumidification/séchage ainsi que la quantitéde phases réactives dans la couche de rouillequi donnent une première évaluation de la potentialité d’un élément ferreux à se corroder dans un bâtiment. Ces résultatsont été obtenus notamment à l’issue du programme national de recherche (PNR)sur la connaissance et la conservation desmatériaux du patrimoine culturel «Mise en place d’une méthode de diagnostic et deprévision phénoménologique de l’altérationdes matériaux ferreux du patrimoine sousl’effet de la corrosion atmosphérique». Ils ont permis de poser les premières basesd’une méthode de diagnostic qu’il conviendrad’appliquer dans les prochaines années à unnombre significatif d’objets dans un grandnombre de bâtiments. Celle-ci est fondée surle prélèvement par grattage d’échantillons de rouille à la surface du matériau et l’analysede leurs constituants par méthodes physico-chimiques, notamment la spectrométrieRaman (pour laquelle de récents progrèspermettent d’attendre une quantification desphases détectées) et électrochimiques. À titre d’exemple, la figure 5montre la proportion de ces phases réactives sur deséchantillons prélevés sur différents points du chaînage de la cathédrale d’Amiens. On voit que cette réactivité n’est pas la mêmeen fonction de la localisation des échantillons et que certains sont susceptibles d’avoir unebien meilleure résistance à la corrosion qued’autres, alors que la nature du métal estrigoureusement la même. Ces données ainsique les variations d’humidité relative peuventmaintenant être intégrées dans un modèlenumérique qui donnera une idée de la vitessede corrosion.

La corrosion dans les liantsLa corrosion dans les liants hydrauliques estfortement influencée par deux paramètrestrès importants : l’accès de l’eau et del’oxygène au métal. Cet accès est contrôlé à la fois par la couche de produit de corrosion (plus ou moins poreuse) mais également parles caractéristiques porales du liant (mortier,plâtre, béton suivant les époques). La naturedes produits de corrosion formés a une grandeinfluence sur leur habilité à empêcher lepassage de l’eau et de l’oxygène et à passiverle métal. Ainsi, dans les premiers stades de lacorrosion, les caractéristiques physico-chimiquesdu milieu (et notamment son pH) [5] peuventamener la formation de phases plus ou moins

Chapitre I Ve

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Le système de corrosion

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95Le métal, altérations et traitements

protectrices. C’est le cas pour les bétons, où le pH élevé (pH13) favorisera l’apparition de magnétite Fe3O4 qui passive le métal. Ce n’est pas le cas pour d’autres types de liantstels que les plâtres ou les liants aériens (chaux aérienne pH8,3), qui présentent des pHinférieurs et qui entraînent la productiond’oxyhydroxydes de type FeOOH. De plus,même s’ils sont à des pH élevés initialement,les bétons subissent, sous l’effet du gazcarbonique de l’air, une carbonatation [6] qui va provoquer une baisse du pH et, au boutd’une période allant de quelques années àquelques dizaines d’années, créer des conditionssuscitant l’apparition d’oxyhydroxydes moinsprotecteurs que la magnétite. Ainsi, au boutd’un certain temps, quel que soit le liant danslequel est pris le matériau métallique, on évoluera vers un système où les produitsde corrosion sont majoritairement constituésd’oxyhydroxydes de type FeOOH. Pour cetteraison, a été étudié le transport de l’oxygènedans des produits de cette catégorie en fonctionde la présence d’eau ou non dans les pores. Il en a également été de même pour certainsliants (notamment les bétons et les mortiers).Un premier modèle numérique permettant dedonner des indications sur le comportementen corrosion a ainsi pu être développé en tenantcompte de ces paramètres ainsi que des caractéristiques hydriques des éléments du système et de la position des armaturesmétalliques par rapport au bâtiment. Sur certains bâtiments, la consommation

de métal en fonction du temps a ainsi pu êtremodélisée et comparée aux valeurs réellesobservées sur les renforts du monument (fig.6).

Ce modèle donne des résultats cohérents maisdevra encore être affiné dans l’avenir afin derendre les diagnostics plus sûrs. D’autre part,ces données, fondées sur la caractérisationanalytique du système (et donc nécessitantdes prélèvements), sont en cours de comparaisonavec les moyens de diagnostics de la corrosionactuellement employés in situ, tels que les mesures de potentiel, de résistivité et derésistance de polarisation. En effet, il apparaîtparticulièrement important de valider cestechniques de mesures sur site et de vérifierleur fiabilité. La comparaison des donnéesrelevées sur le terrain à celles qui sont issuesde l’observation des échantillons en laboratoireest un des seuls moyens de valider les testsnon destructifs et sera effectuée de manièresystématique dans les futures recherches.

Ce bref rappel des mécanismes de la corrosiondes éléments métalliques dans les monumentshistoriques et des paramètres principauxcontrôlant ces mécanismes a permis de montrerles résultats obtenus à l’issue de recherchesprogrammées financées par différentsorganismes. Les deux environnements, ici considérés, sont les principaux qui sontobservés dans les monuments historiques, àsavoir l’atmosphère et les liants hydrauliqueset aériens. Les résultats ont mis en évidence le fait que la résistance à la corrosion du

matériau ferreux n’est pas liée à son époquede fabrication. En effet, pour les procédéssidérurgiques employés jusque dans la secondemoitié du xixe siècle, c’est surtout le travaildes forgerons et des artisans qui va déterminerla qualité du matériau. Les assertions liantl’âge du matériau métallique ou son procédéde fabrication à sa résistance à la corrosionsont donc sans fondement. De plus, le facteurprépondérant, quel que soit le milieu de corrosion, est l’arrivée au niveau du métalde l’eau et de l’oxygène, qui permet le développement des réactions de corrosionaqueuse. C’est souvent la nature des produitsde corrosion, conditionnée par l’évolution dumilieu (cycles humidification/séchage, pH),qui va déterminer leur aptitude à protéger le métal. Dans le cas des liants, la nature du milieu (et principalement sa porosité) joue également un grand rôle. Considérant tous ces paramètres, il a étépossible de poser les premières bases demodèles décrivant la corrosion et permettantde prévoir ces effets ainsi que des méthodesde diagnostics. Celles-ci doivent êtremaintenant confrontées à une approchestatistique de plus grande ampleur afin de valider leurs résultats. Pour ce faire, une collaboration nécessaire entre les différents protagonistes concernés par laconservation et la restauration des monumentshistoriques et l’étude des métaux employésdans ces monuments doit être mise en placede manière systématique.

[ 1 ] P.Dillmann, P.Bernardi, P.Fluzin, «Use of iron for thebuilding of medieval monuments.The Palais des Papes in Avignonand other french buildings»,Archaeometallurgy in Europe,Milan, AIM, 2003.

P.Dillmann, P.Bernardi, P.Fluzin, «Iron in medievalmonuments. Metallographicanalysis of irons coming fromthe Palais des Papes in Avignon»,Revue d’Archéométrie, 2003,paru en 2004, n°27, p. 183-192.

M.L’Héritier, A. Juhin, P.Dillmann, R.Aranda, P.Benoît,«Utilisation des alliagesferreux dansla construction monumentaledu Moyen Âge. État des lieux de l’avancée des études métallo-graphiques et archéométriques»,Revue d’Archéométrie, 2005,n°29, p. 117-132.

M.L’Héritier, «Le fer dansl’architecture. Méthodologied’étude, exemples de Troyes et de Rouen», dans Monumental2007-2, p.98-102.

[2 ] M. Stratmann, «Theatmospheric corrosion of ironand steel», Metallurgica iOdlewnictwo, 1990, 16 (1), p. 46-52.

M. Stratmann, The atmosphericcorrosion of iron. A discussion of the physico-chemicalfundamentals of the omnipresentcorrosion process, Ber.Bunsenges. Phys. Chem., 1990,n° 94, p. 626-639.

U.R.Evans, C.A.J.Taylor,«Mechanism of atmosphericrusting», Corrosion Science, 1972, 12 (3), p.227-246.

[3 ] H. Antony, L.Legrand,L.Maréchal, S.Perrin,P.Dillmann, A.Chaussé, «Studyof lepidocrocite electrochemicalreduction in neutral and slightlyalkaline solutions at 25°C»,Electrochimica acta, 2005, 51 (4),p.745-753.H.Antony, S.Perrin,P.Dillmann, L.Legrand,A.Chaussé, «Electrochemicalstudy of indoor atmosphericcorrosion layers formed on ancient iron artefacts»,Electrochimica acta, sous presse.

[4] P. Dillmann, F.Mazaudier, S.Hoerlé, «Advances inunderstanding atmosphericcorrosion of iron. I. Rustcharacterization of ancientferrous artefacts exposed toindoor atmospheric corrosion»,Corrosion Science, 2004, 46 (6),p.1401-1429; T.Misawa, K.Asami,K.Hashimoto, S.Shimodaira,«The mechanism of atmosphericrusting and the protectiveamorphous rust on low alloysteel», Corrosion Science, 1974, 14,p.279-289.Misawa, T.Kyuno,W.Suetaka, S.Shimodaira,«The mechanism of atmosphericrusting and the effect of Cu andP on the rust formation of lowalloy steels», Corrosion Science,1971, 11, p.35-48.

[5 ]W.-J.Chitty, Étuded’analogues archéologiques pourla prévision de la corrosionpluriséculaire des armatures du béton armé:caractérisation, mécanismes etmodélisation, thèse en Mécaniqueavancée et Applications,Université de Technologie de Compiègne, 2006, 225 p.

[6] É. Marie-Victoire, E. Cailleux,A. Texier, «Carbonation andhistorical buildings made ofconcrete», Journal de Physique IV,2006, vol. 136, p.305-318.

Bibliographie

Philippe Dillmann

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Mise en place d’une méthode de diagnostic et de prévision phénoménologique de l’altération des matériaux ferreux du patrimoine sous l’effet de la corrosionatmosphérique

Programme financé par le ministère de la Culture dans le cadre des programmesnationaux de recherche sur la connaissance et la conservation des matériaux du patrimoine culturel. Il est coordonné parPhilippe Dillmann et François Mirambet etimplique des équipes de recherche du LRMH(pôle Métal), du CNRS (UMR5060, 9956, 9048et 7075) et du CEA (laboratoire Pierre SüeCNRS/CEA/DSM/DRECAM/LPS et le laboratoired’étude de la corrosion aqueuseCEA/DEN/SCCME/LECA), notamment Ludovic Bellot-Gurlet, Stéphane Perrin,Laurent Maréchal, Judith Monnier, Delphine Neff, Annick Texier, Alain Wattiaux, Bernard Chevalier. Ces recherches sontpoursuivies au sein du programme «Arcor»financé par l’ANR.

Prédiction du comportement à long termedes bétons armés. Apport des archéomatériauxpour la compréhension des mécanismes de dégradation des ouvrages

Le programme de R&D du CEA, financé par plusieurs autres partenaires dont l’Andraet EDF, étudie les interactions entre les matériaux cimentaires et métalliques, ou Cimetal, et les modélise sur le long terme(quelques siècles) en milieu insaturé, en prenant en compte le couplage chimie-transport-mécanique. Cimetal est unprogramme piloté par le laboratoire d’étudedu comportement des bétons et des argiles du CEA depuis 2002, qui fait intervenir de nombreuses collaborations. Coordonné par Valérie L’Hostis et particulièrement pour la thèse de W.-J. Chitty.

Arcor est un programme de recherche sur la corrosion des systèmes ferreux en milieux complexes. Il est financé par l’ANR et coordonné par Philippe Dillmann. Il regroupe plusieurs partenaires principaux:le laboratoire Pierre Süe (CEA, CNRS), le laboratoire d’étude de la corrosion aqueuse(CEA), le laboratoire d’étude du comportementdes bétons et des argiles, le Lambe del’université d’Évry, le Lemma de l’universitéde La Rochelle et le Synchrotron Soleil. Ce projet vise à mieux comprendre les mécanismes d’altération du fer en milieuxcomplexes, en mettant en commun lescompétences des différents partenaires encaractérisation fine à l’échelle micrométrique,chimie analytique et électrochimie. Il est à l’origine d’un réseau très dynamiquede compétences scientifiques sur le sujetincluant des partenaires extérieurs au projetinitial, tels que le LRMH ou le Ladir (CNRS).

Diagnostic et prévision de la dégradationdes monuments historiques sous l’effet de la corrosion des renforts métalliques

Ce projet du ministère de la Culture est unprogramme national de recherche impliquantle LRMH, le CNRS (UMR5060, 9956, 9048 et 7075), le CEA (laboratoire Pierre SüeCNRS/CEA/DSM/DRECAM/LPS et le laboratoired’étude du comportement des bétons et des argiles CEA/DEN/SCCME/LECBA), avec la participation de Ludovic Bellot-Gurlet,Élisabeth Marie-Victoire, Delphine Neff,Annick Texier. Les recherches sont poursuiviesau sein du programme «Arcor» financé par l’ANR.

Philippe Dillmann

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Les programmes de recherches

Chapitre I Ve

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Les mécanismes de corrosion à très long terme des métaux ferreux dans différentsenvironnements sont actuellement étudiés dans le cadre de programmes de recherches multipartenaires afin d’identifier les processus de corrosion,d’évaluer leur réactivité ainsi que les cinétiques. Ces programmes sont soutenusà la fois par le ministère de la Culture, l’Agence nationale de la recherche (ANR)et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), tous désireux, dans différentesoptiques, de mieux prévoir le comportement de certains matériaux ferreux sur le très long terme.

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97Le métal, altérations et traitements

Virginia CostaIngénieur, Cercle des partenaires du patrimoineAnnick TexierResponsable du pôle Métal, LRMH

Dans des cas spécifiques, pour éviter encoreplus de dégradations ou pour des raisons de sécurité, l’élément métallique doit êtrepartiellement ou complètement remplacé,même si ce procédé contredit certainsprincipes déontologiques de la pratique de la conservation. Parmi les métaux employéspour la rénovation, les aciers inoxydables sontde plus en plus utilisés pour leur bonnerésistance à la corrosion et leur identificationimmédiate en tant qu’éléments derestauration, mais dont les aspects techniquespour des applications dans les monumentshistoriques restent encore à définir.

Une recherche a été menée par le Cercle des partenaires du patrimoine 1 sur l’utilisationdes alliages inoxydables pour la serrurerie de vitrail, la structure dans la statuairemétallique monumentale et dans sonassociation à la maçonnerie (fig.1, 2, 3).

L’étape initiale a consisté en une enquête surles conditions actuelles d’utilisation des aciersinoxydables réalisée auprès des professionnelsintervenant sur les monuments historiques(couvreurs, tailleurs de pierre, restaurateurs,etc.). Les réponses ont confirmé l’utilisationtrès répandue de ce matériau, mais elles ontaussi mis en évidence la méconnaissance des principales caractéristiques du produit, cequi a souvent conduit à des choix de nuancesinappropriés et à des opérations de mise enœuvre et d’entretien inadéquates.

Ces données, mises en exergue par l’enquête,ont orienté la recherche vers l’évaluation de larésistance à la corrosion de différents alliagesmétalliques en fonction de leur composition,de leur finition de surface et aussi en fonctiondes matériaux avec lesquels ils sont en contactcomme un autre métal ou encore un produitde scellement 2. Cet article résume la partie del’étude qui concerne la compatibilité entre lesalliages spéciaux et les produits de scellementcouramment employés en restauration.

Matériaux et méthodesParmi les différents alliages métalliques et produits de scellement testés, ne seront iciprésentés que les résultats obtenus avec un acier inoxydable de type austénitique (AISI 301L) et un alliage fer-nickel, Invar (36% Ni),qui présente notamment comme avantaged’avoir un coefficient de dilatation équivalentà celui de la pierre. Ces métaux ont été mis en contact avec le plâtre et une résinepolyester du commerce.

Afin d’évaluer la compatibilité entre cesmatériaux, trois conditions de test ont étéappliquées : l’exposition in situet le vieillissementartificiel, méthodes couramment employées,ainsi que des essais électrochimiques, dont la mise au point a été réalisée au coursde cette étude. Dans les deux premiers cas, les échantillons ont été préparés de façon à simuler des agrafes: les métaux ont été pliésmanuellement et fixés dans la pierre avec les produits de scellement. Ainsi préparés, une partie des échantillons a été placée sur le toit de la cathédrale de Langres (fig. 4), villeconnue pour ses conditions climatiquesextrêmes (température de - 10 à + 30 °C et HR de55 à 99%), où ils ont été inspectés après unepériode de huit mois. L’autre moitié a étédisposée dans une enceinte climatique (fig. 5),pendant cinq mois, à raison de trois cycles parjour, chaque cycle comportant une humiditérelative de 0 à 100% et des variations detempérature de - 10°C à + 60°C.

Les essais électrochimiques ont été réalisés en utilisant une cellule à trois électrodes, l’alliage à étudier étant l’électrode de travail 3.L’électrode référence était une électrode desulfate de mercure saturé et un fil de platineservait de contre-électrode. L’électrolyte étaitconstitué d’un extrait aqueux des produitsde scellement4, additionné à une solution deNa2SO4 0,1M, pour améliorer la conductibilité.L’essai consistait à balayer le potentiel de l’électrode de travail vers les valeurspositives (oxydation) et à mesurer le courantrésultant, c’est-à-dire provoquer desvariations environnementales susceptibles dedéclencher une corrosion. Le tracé de la courbepotentiel/courant met en évidence les pics de courant correspondant à des réactions àl’interface métal-liquide.

Chapitre II L’utilisation des alliages inoxydables dans les monuments historiquesCompatibilité avec des produits de scellement

Les alliages ferreux constituent une partie significative des monumentshistoriques en tant qu’éléments structuraux tels que les armatures, les goujonset les agrafes utilisés dans la statuaire en pierre et en métal. Après avoir jouéleur rôle pendant des décennies, voire plusieurs siècles, ces éléments se retrouventsouvent dans un état de corrosion avancée, ce qui, outre la détérioration du métal lui-même, génère des produits de surface dont le pouvoir d’oxydationélevé et le volume important multiplient les conséquences négatives.

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Résultats

Après huit mois sur le toit de la cathédrale de Langres, les éprouvettes métalliques n’ontpas présenté d’altérations particulières sur les surfaces exposées. Cependant, des signesde corrosion ont été observés localement,notamment au niveau des joints métal-produitde scellement. Le phénomène était encoreplus prononcé dans le cas de l’Invar scellédans du plâtre, ayant eu un important retrait(fig.7a à 7 d).

En ce qui concerne les échantillons placésdans l’enceinte climatique, on peut noter une altération significative après cinq mois de test. Là aussi, des signes de corrosionétaient particulièrement évidents pour les échantillons fer-nickel en contact avec du plâtre (fig.6a et 6 b).

Les résultats obtenus par les testsélectrochimiques indiquent une tendancesimilaire à celle observée après les essais de longue durée. Dans le cas de l’acierinoxydable, le courant reste faible dans tout le domaine de potentiel étudié. C’estseulement pour des conditions extrêmementoxydantes (potentiel de 1,0 VSSE) qu’uneaugmentation du courant a été enregistrée.Celle-ci correspond probablement audégagement d’oxygène (fig.8a). En revanche, dans le cas de l’alliage fer-nickel,un pic d’oxydation apparaît pour un potentiel - 0.5 VSSE, c’est-à-dire dans une région quicorrespond aux conditions d’utilisation du matériau, sans potentiel appliqué. Commela valeur de courant atteinte correspond autaux de la réaction, il est possible de conclureque la vitesse d’oxydation sera beaucoup plusimportante dans le cas de l’extrait du plâtreque de la résine (fig.8b).

Ces derniers résultats indiquent que cetteméthode peut être utilisée pour une évaluationsimple et rapide de la corrosivité de certainsproduits commerciaux de scellement vis-à-visdu métal choisi. Même si la composition desproduits de scellement est inconnue, la présencede pics d’oxydation pendant la polarisationd’un alliage métallique dans leur extraitindique un risque potentiel de corrosion dansl’utilisation des deux matériaux en contact. Ce risque est corrélé à l’amplitude des courantsd’oxydation. L’absence de pic de courant doitêtre interprétée, en revanche, avec précautionet ne doit être prise dans aucun cas commeune garantie d’innocuité, car il se peut quel’on n’ait pas une extraction complète de tousles agents agressifs présents dans le produit.

Les essais ont mis en évidence une différencede compatibilité des deux alliages étudiés face aux produits de scellement. Dans les conditions de test appliquées, des signes de corrosion ont été observés sur les alliages fer-nickel, surtout dans la régionde contact avec le mortier, tandis que l’acierinoxydable austénitique est resté intact. Les résultats obtenus par les trois méthodessont en très bon accord. Compte tenu de la durée de leur réalisation, les mesuresélectrochimiques apparaissent comme unealternative intéressante pour une évaluationpréalable de l’incompatibilité entre certainsalliages métalliques et les produits descellement proposés sur le marché. Ces essaispeuvent être assez rapides, la réalisation des extraits et l’exécution des courbes peuventêtre effectuées sur huit à dix jours, maisnécessitent l’intervention d’un spécialiste en électrochimie pour l’interprétation des résultats. D’une manière plus globale sur les aciers spéciaux, inoxydables ou autres,dans les monuments historiques, il faut restertrès prudent entre le choix de la nuance et l’utilisation qui en sera faite, dans le cadrede sa mise en œuvre et de son environnement.Il est aussi indispensable de se référer aux spécialistes du domaine et au retourd’expérience, à long terme, des chantiers.

Virginia Costa et Annick Texier

1. Programme de recherchemené sur trois ans, financé parArcelor dans le cadre du Cercledes partenaires du patrimoine,association pour le mécénat de programmes de recherchesur les monuments historiques.

2. «L’utilisation des alliagesinoxydables dans la restaurationde monuments historiques»,rapport du Cercle des partenairesdu patrimoine, Champs-sur-Marne, 2003.

3. V. Costa, «Electrochemicaltechniques applied to metalsconservation»,Materials Issuesin Art and Archaeology VII,vol. 852, Boston, Editors : P. Vandiver, J. Mass, A. Murray, J. Merkel, 2005.

4. ASTM C871-04 Standard TestMethods for Chemical Analysisof Thermal Insulation Materialsfor Leachable Chloride, Fluoride,Silicate, and Sodium Ions.

Chapitre II L’utilisatio

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99Le métal, altérations et traitements

Armature en fer forgé, en partie corrodé, dans unesculpture en cuivre étamé(face interne).

Figure 1 Figure 2

2.

Serrurerie de vitrail très altérée.

1.

Figure 3 Figure 4 Figure 5

Inserts en métal ferreuxdans la maçonnerie.

Site d’exposition de lacathédrale de Langres(Haute-Marne).

Enceinte climatique à l’IUT de Cergy-Pontoise(Val-d’Oise).

4.3. 5.

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100 monumental 2008 Laboratoire/Recherches

Figure 6

6a. 6b.

Figure 8

8a.

8b.

Figures 6 a et 6 bAgrafes scellées au plâtreaprès vieillissementartificiel dans une enceinteclimatique.6 a.Agrafe en acierinoxydable. 6 b.Agrafe en alliage fer-nickel.

Figures 7 a à 7 dAgrafes scellées avec du plâtre dans la pierre,avant et après expositionsur le site de la cathédralede Langres.7 a et 7 cAgrafes en acierinoxydable, avant et aprèshuit mois d’exposition.7 b et 7 dAgrafes en alliage fer-nickel, avant et aprèshuit mois d’exposition.

Figures 8 a et 8 bTest électrochimique.Courbes de polarisation.8 a. Acier inoxydable(AISI 301 L) dans des extraits de plâtreet de résine polyester.8 b. Alliage fer-nickel dans des extraits de plâtreet de résine polyester.

Documents et photographies© LRMH.

Figure 7

7a. 7b.

7c. 7d.

Chapitre II L’utilisatio

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lliages inoxydables d

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Plâtre

Résine polyester

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101Le métal, altérations et traitements

Chapitre III De la bonne pratique du traitement anticorrosion

Annick TexierResponsable du pôle Métal, LRMH

Dans les monuments historiques, nous n’avonsqu’assez rarement le choix du métal. Il faut protéger, conserver ce qui est parvenu jusqu’à nous. Quant à l’environnement, si en intérieur il est parfois possible de modifiercertains paramètres, pour les métaux exposésen extérieur, nous ne pouvons que les prendreen considération. La durée d’expositionsouhaitée est souvent indéfinie, pour ne pasdire infinie, dans ces bâtiments.

Nous ne pouvons pratiquement pas éliminerune ou plusieurs causes de corrosion; en revanche, nous pouvons isoler les causes,anéantir leur interaction, le plus souvent pardes actions d’isolation du support métalliquevis-à-vis de son environnement, par revêtementsmétalliques et/ou organiques. Il est doncnécessaire de prendre en considération unbon nombre de critères pour établir le choix le plus adapté. Pour les métaux ferreux, lesdescriptifs de traitement anticorrosion dansles monuments historiques étaient encore peuélaborés il y a une vingtaine d’années; il n’était pas rare de trouver pour toutdescriptif «décapage et mise en peinture».Depuis, c’est en nous appuyant largement surles travaux effectués dans le bâtiment et dansles ouvrages d’art que nous avons pu établirdes normes permettant l’évaluation, la description et le contrôle des différentesopérations de traitements anticorrosion, et que nous avons fait ainsi progresser notre approche.

Le traitement de la surface du métalLa préparation de la surface du métal ferreuxdevant recevoir une protection anticorrosionest primordiale. En effet, le meilleur des traitements appliqué sur une surface maldécapée, mal nettoyée n’aura qu’une durabilitétrès limitée. Un système de protection par peinture peut voir son efficacité varierd’un facteur de 1 à 100 en fonction de la qualitédu nettoyage.

Dans le cas des métaux ferreux, de nombreusesétudes ont été réalisées, elles ont abouti à desnormes permettant l’évaluation, la descriptionet le contrôle de différentes opérations, de manière stricte et dépourvue de paramètresaléatoires. C’est donc sur ces normes qu’il fautnous appuyer tant qu’aucune autre solutionde conservation des métaux ne présentera la même efficacité et tant que la déontologiedes monuments historiques le permet.

Avant de demander un décapage, un nettoyage,une abrasion, une préparation de surface, il faut évaluer l’état de surface du métal considéré.L’état du support se caractérise par son degréde corrosion, par l’état des revêtements qui peuvent le recouvrir (anciens fonds: cire, vernis, peinture…) et par sa propreté(poussières, croûtes noires, graisse…). L’emploi de l’échelle européenne de degrésd’enrouillement s’avère utile. Il s’agit de l’ISO 4628-3:2003 qui illustre des surfaces en acier revêtues, détériorées à différentsdegrés par l’association de rouille traversant le revêtement et de rouille sous-jacente. Les valeurs vont de Re 0 pour une surfacepeinte non altérée à Re 9 pour une surfacecouverte de rouille (fig.2). Préparer le support,c’est éliminer tout ce qui peut être néfaste à la protection appliquée ultérieurement. Il était donc nécessaire d’établir une conformitéde langage et de qualité de décapage.

Plusieurs standards de base font référence en ce domaine, dont, pour la France, celle de

l’Office national d’homologation des garantiesde peinture industrielle : ONHGPI 1.

Les opérations de traitement de surface ontété standardisées et normalisées suivant des«degrés de soins» (DS) définis à l’aide de clichéssur des échantillons d’acier brut rouillés oucalaminés. Ce sont les spécifications techniquesde décapage par projection d’abrasifs 2.

Il s’agit ici non pas de définir les méthodes de décapage à sec, qui peuvent être trèsdifférentes en fonction de l’état du support,mais plutôt de donner avec précision les objectifs à atteindre (tableaux 1 et 2).

L’anticorrosion, c’est la mise en place de toutes les actions qui tendront à ralentir,à annihiler la corrosion des matériaux métalliques afin de les conserver (fig.1).Les facteurs de corrosion sont liés pour l’essentiel à la nature du métal(composition, technique de mise en œuvre), au milieu d’exposition (eau,oxygène, polluants, température), aux conditions d’utilisation de l’élémentmétallique (structure ou décor, élément mobile ou statique), à la durée prévuede son exposition (cf. l’article de P. Dillmann p. 106).

Degré de soins Description de l’état de surface à obtenir Opérations menées par projection d’abrasifs à sec

DS 1 Décapage léger. Il reste des parties oxydées et de la calamine. Le métal conserve la couleur de la rouille.

DS 2 Ce décapage doit permettre d’éliminer presque entièrement les traces de rouille et de calamine. Il peut subsister des points de corrosion et des particules de calamine très adhérentes.

DS 2,5 Décapage soigné. La surface est «blanc métallique», il ne subsiste aucune trace de corrosion, quelques ombres de faible couleur grisâtre peuvent subsister.

DS 3 Décapage très soigné. La surface de l’acier est «blanc métallique», il ne subsiste aucune trace de corrosion, ni trace d’ombre.

Opérations menées manuellement (brossage, rivetage…)

ST 2 Opération conduite manuellement par brossage à la brosse d’acier, grattage, etc. Il vise à l’élimination des corrosions pulvérulentes, non adhérentes et de la calamine. L’aspect obtenu est un léger «brillant métallique» et correspond au cliché DS 2.

ST 3 Opération menée en principe sur des aciers revêtus d’anciens fonds ou acier brut décalaminé. Elle s’effectue par brossage, disquage, meulage mécanique. La surface doit présenter un aspect «blanc métallique» très net. Le cliché ST 3 correspond sensiblement au cliché DS 2 1/2.

Tableau 1

Tableau 2

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102 monumental 2008 Laboratoire/Recherches

Crusnes (Meurthe-et-Moselle),église Sainte-Barbe.Traitement anticorrosion

des parois en acier parrevêtement organique(abside et nef traitées).

Exemple de degréd’enrouillement Re 9,suivant la norme.

Paris, Opéra Garnier, détaildes sculptures. Applicationdu primaire immédiatement

après le décapage(peinture glycérophtaliqueau minium de plomb).

Figure 1 Figure 2 Figure 3

1. 2. 3.

Paris, Opéra Garnier, détaildes sculptures. Aspect finalaprès application du système ACQPA C3AMVet rehauts à la feuille d’or.

Le système à base de peintureglycérophtalique étaitcompatible avec la dorure à la feuille d’or.

Paris, fontaine de la placede la Concorde. Réalisationd’une patine par-dessus un système anticorrosioncomplet. Cette patine

n’a aucun rôle dans la protection (peinture diluée, essuyée au chiffon).Système ACQPA, type C 5Mn.

Les défauts de surface n’ont pas été mastiqués, le système anticorrosionprésente une faiblesse dans ces zones.

Figure 4 Figure 5 Figure 6 a

5.4. 6a.

Masticage des chancres decorrosion après décapage etapplication du primaire

(blanc). Le mastic brun est compatible avec le systèmeanticorrosion.

Les pièces en atelier reçoivent,avant le montage, latotalité du système ACQPA C4AMV,

pour les zones qui ne serontplus accessibles après le montage (teinte blanchesur teinte brun rouge).

Figure 8Paris, pont Alexandre III.Application d’une coucheintermédiaire, compatible

avec le traitement anticorrosion et la dorure à la feuille.

Photographies Annick Texier.© LRMH.

Figure 6 b Figure 7 Figure 8

7.6b. 8.

Chapitre III D

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t anticorrosion

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La projection d’abrasifs entraîne la formationd’une rugosité. Cette rugosité peut être trèsvariable. Si l’on souhaite une certaine rugositépour augmenter l’adhérence d’un revêtement,il ne faut pas que l’amplitude maximale entre crête et creux (IRT) soit supérieure àl’épaisseur de la couche du primaire qui seraappliqué. La rugosité utile à l’adhérence d’unrevêtement est notifiée sur sa fiche techniqueACQPA 3. D’autres techniques sont développéesdans le cadre des réglementations sur les émissions de poussières ou le traitement des abrasifs dans les décapages de peinture au plomb. Le décapage à l’eau sous pression (HP haute pression, THP, très haute pression,ou UHP ultra haute pression; respectivement70 à 100, 100 à 140 et supérieure à 140 MPa) est une des techniques nouvelles qui présententdes avantages et des inconvénients, et surlaquelle il convient de prendre garde auphénomène instantané d’oxydation qui enrésulte toujours, dit «oxydation flash», plusconnu en anglais sous le vocable flash rusting.De nombreuses études sont en cours sur cesujet (groupe de travail «peinture» du Centrefrançais de l’anticorrosion4) et une premièrenorme, ISO 4618, NFT 35-520 définit quatredegrés de soins ainsi obtenus et trois échellesd’oxydation flash, mesurées par un procédépratique de collage et de décollage successifsde papier adhésif : DHP 4 : mise à nu de l’acier,DHP 3 : décapage poussé, DHP 2 : décapagemoyen, DHP 1 : décapage léger, OF 0 : pasd’oxydation, OF 1 : oxydation superficielle nonpulvérulente, OF 2 : oxydation superficiellepulvérulente.

Pour les œuvres métalliques, des pointsparticuliers pourront être précisés au cas parcas dans les descriptifs comme par exemplepour une partie très ouvragée: «Décapage au degré de soin (DS3), sans abrasion desreliefs ni modification des décors. La rugosité en rapport avec la fiche technique des produitsde protection sera réduite au minimum. Des essais de convenance seront réalisés et présentés pour accord du maître d’œuvre. »Souvent pour des travaux in situ, surtout s’ils ont lieu en hiver, seul un DS 2.5 peut êtreobtenu (fig.9). Si les travaux sont exécutés en atelier ou in situ, les caractéristiques du décapage et la nature du traitementanticorrosion doivent être adaptées (tableau3).Il en est de même s’il s’agit de travaux de grande envergure ou de deux mètres deserrurerie et si les applications sont effectuéespar un spécialiste ou par un non-spécialiste.

Elle peut être de différents types, revêtementmétallique, revêtement organique (peinture),revêtement mixte (métal + peintures).

Les revêtements métalliquesLes revêtements métalliques de type cathodique(cuivre, nickel, chrome) ne sont pratiquementpas utilisés dans les monuments historiques(sauf la fonte recouverte de cuivre galvaniqueou repoussé, l’acier nickelé/chromé…).

Les revêtements de type anodique (zinc, cadmium, zinc/aluminium) sont plus fréquents. Ils ont de nombreux atouts,mais leur mise en œuvre doit être parfaite.

Le revêtement métallique le plus utilisé dans le bâtiment est le zinc (parfois l’alliage zinc/aluminium). Il présente deux avantages: un effet barrière entre le métal et son environnement, et une protectionélectrochimique du fer par ce métal. Pour les traitements à base de zinc, la surfacedu métal doit être parfaitement propre (DS 3).

Les revêtements de zinc peuvent être réaliséspar différents procédés, chacun présentant des avantages et des inconvénients :

Zingage électrolytiqueLa pièce est plongée, après préparation, dansune solution aqueuse de sels de zinc qui, sousl’action du courant, se dissocient, le zinc métalse déposant sur la pièce placée en cathode.Les épaisseurs obtenues sont d’environ 25µm.

Métallisation ou shoopageÀ l’aide d’un pistolet, des gouttelettes de zincfondu sont projetées sur la pièce à traiter. Les épaisseurs sont de 80 à 100 µm.

GalvanisationLa pièce est plongée, après préparation, dansun bain de zinc fondu. Lors de l’immersion,entre 440 et 460 °C, il se produit une réactionentre le fer et le zinc, ce qui confère à cerevêtement des propriétés de résistance à lacorrosion intéressantes. Les épaisseurs sontd’environ 80 à 100 µm.

Peinture riche en zincSa composition est définie par une norme(NTT 31-014). Elle doit contenir au minimum94 % de zinc métal et 98 % en zinc total.Le zinc métal est de la poudre de zinc degranulométrie variée. Les liants doivent êtreinsaponifiables. Les épaisseurs varient de 40 à 100 µm.

ShérardisationProcédé thermochimique de diffusionsuperficielle de zinc dans l’acier.

Les revêtements organiquesLes revêtements organiques ont certainementété utilisés depuis les temps les plus ancienspour protéger les métaux: poix, huile, cired’abeille, suivi de mélanges de plus en plussophistiqués, pour aboutir à la conceptionactuelle des peintures.

La peinture étant un mélange complexe, denombreuses références existent sur le marché.Des procédures d’homologation de systèmesde peintures4 sont définies par l’Associationpour la certification et la qualification enpeinture anticorrosion (ACQPA). C’est unorganisme de certification par tierce partie au service de la qualité de la protection contrela corrosion des structures métalliques. Ses certificats attestent la qualité des systèmesde peinture de haute durabilité, la qualification du personnel qui en assure lamise en œuvre et celle des inspecteurs chargés du contrôle. La protection anticorrosion par peinture est donc assurée non pas par une peinture, mais par un système depeinture, c’est-à-dire la superposition de trois,quatre, cinq… couches compatibles entre elles.Ce système est généralement composé d’une première couche (primaire) qui joue le rôle d’accroche et d’anticorrosion (fig.3). Elle doit donc être adaptée à la nature dusupport (fer, zinc…), les seconde, troisième…couches assurent l’étanchéité à l’eau et aux gaz. La couche de finition assure la protection anti-UV et l’esthétisme (fig.4). La certification des systèmes de peinture metà notre disposition des systèmes anticorrosionoffrant des garanties de tenue minimale, en fonction du subjectile (neuf ou ancien), dela corrosivité du milieu, des zones de l’ouvrage (vues, non vues).

Chaque système testé répond donc à des critères particuliers en fonction de ces paramètres.

103Le métal, altérations et traitements

La protection anticorrosion par revêtement

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La catégorie de corrosivité atmosphérique est définie comme suit (tableau 4) :

C2 : faible niveau de pollution, climat sec,zones rurales (corrosivité faible).C3 : atmosphère urbaine et industrielle.Pollution modérée, zones côtières à faiblesalinité (corrosivité moyenne).C4 : zones industrielles et côtières (corrosivité élevée).

Dans le cadre des travaux sur les monumentshistoriques, d’une manière générale, on peut considérer que, pour des structures en intérieur non chauffé, nous nous situonsplutôt entre les milieux C2 et C3. En revanche,en extérieur, au vu de la complexité des formes,du peu d’entretien, des fréquences de travaux,des accès difficiles ou au contraire de laproximité du public, il est plutôt recommandéd’utiliser les systèmes pour milieux C3 ou C4.

La certification offre des systèmes homologuéspour acier décapé, pour acier métallisé par projection à chaud de zinc ou dezinc/aluminium et pour acier galvanisé à chaud par immersion. La norme prévoit lestravaux neufs et les travaux de maintenancesur subjectile ancien préalablement décapé(s’il subsiste des restes de peinture ancienne, il faut faire des tests de convenance).

L’esthétisme du revêtement est aussi pris en considération, puisqu’une différence estfaite entre les parties vues et les parties nonvues et, depuis peu, ces homologationss’étendent à la tenue de certaines couleurs(encore trop peu de nuances). Le côté esthétiquedans les monuments historiques est trèsimportant, aussi certains aménagementspeuvent-ils être envisagés comme, parexemple, une patine, couche supplémentaireau-dessus du traitement anticorrosion (fig.5).

Au-delà de la préparation de surface et des produits de protection, les conditionsd’application jouent un rôle primordial(tableau 5). Deux techniques peuvent êtreutilisées, le pistolet (Airless, pistolet à air) ou la brosse. Il sera précisé dans le cahier des charges, dans le cas de pièce présentant de forts reliefs, des angles droits ou aigus, des creux, des systèmes d’assemblage de type rivets, boulons, que des prétouches à la brosse seront nécessaires afin d’avoir entous points les épaisseurs requises sans zonede surépaisseur.

Les conditions climatiques au moment du décapage et de l’application du traitementanticorrosion ont une importance

fondamentale pour la bonne tenue ultérieuredes systèmes anticorrosion.

L’humidité relative (HR) et la températuredoivent être dans les limites données par lafiche d’homologation ou fiche technique.

La température du subjectile permettra, enrapport avec les valeurs citées précédemment,de donner la température de point de rosée outempérature de condensation. Si la températuredu subjectile est inférieure ou identique à cette valeur, il est déconseillé de peindre.Dans certains cas, une vitesse de vent tropélevée peut altérer la qualité du revêtement.

Le traitement anticorrosion sur du cuivre, du plomb, de l’aluminium et leurs alliages…,bien que moins fréquent, est possible. S’il n’estpas codifié comme le traitement des aciers, les règles de bonne pratique restent les mêmes.À chaque métal correspondront une préparationde surface adaptée et un primaire anticorrosionadapté, sous peine de voir le revêtement se décoller rapidement.

La mise en pratique de ces règles et définitionsdans les descriptifs de travaux 5 permettent àtous, maîtres d’œuvre et entreprises, de parlerle même langage, de se référer aux mêmesnormes. Oublions les vagues «décapage etmise en peinture» qui clôturaient parfois desopérations prestigieuses du travail du métal.Si nous devons déroger aux règles, sachons ce que cela implique. Un décapage moindre, une diminution des épaisseurs de revêtement,s’ils relèvent d’un choix déontologique ouesthétique, modifieront immanquablementl’efficacité du traitement. Dans l’anticorrosion,tout compromis aura son incidence sur ladurabilité du système. Afin d’assurer la réussitedes actions anticorrosion, demandons àchaque partenaire de faire de l’autocontrôlede traitement (produits et application) et, pourles chantiers de grande envergure, le contrôledoit être confié à un service spécialisé. S’il s’agit d’un coût supplémentaire, il en est la garantie d’une opération bien menée etpérenne.

Annick Texier

Chapitre III D

e la bon

ne pratiq

ue du traitemen

t anticorrosion

104 monumental 2008 Laboratoire/Recherches

1. Spécifications techniques de décapage par projectiond’abrasifs, ONHGPI (France).http://www.qualiteconstruction.com/fichespathos/fiches/fichef10/lexicf10.htm

2. Idem.

3. Protection anticorrosion des structures métalliques par système de peinture, systèmes certifiés par l’Association pour la certification et la qualification en peintureanticorrosion (ACQPA). www.acqpa.com

4. Centre français de l’anticorrosion, Cefracor,www.cefracor.org

5. Cahier technique de restauration du vitrail.« Manuel de conservation,restauration et création de vitraux », septembre 2006, rédigé par Isabelle Pallot-Frossard.

Figure 9

Figure 9Paris, Opéra Garnier, détaild’une sculpture. Décapagein situ, sans démontage des éléments à fort relief et à l’accessibilité réduite.Degré de soin 2,5.

Photographies et documentsAnnick Texier. © LRMH.

9.

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105

Rappels sur les opérationsde traitement anticorrusion

> La qualité du décapage est responsable à environ 80 %de la durabilité du traitement anticorrusion, les 20 %restants dépendant de la qualité des produits et desmodalités d’application.

> 3 à 4 heures en extérieur et 6 heures en intérieur (HR £ 60%) sont les délais maximaux entre le décapageet l’application de la première couche de protection.

> Si la corrosion laisse après le décapage des chancres(défauts provoqués par un développement ponctuelplus fort de corrosion), il faut les boucher par masticage après l’application du primaire et avant les couchesintermédiaires. Ce mastic sera compatible avec les peintures employées (fig. 6 a et 6 b).

> Chaque couche d’un traitement anticorrosion doit êtrede couleurs différentes, sauf cas particulier (fig. 7).

> Le traitement anticorrosion sélectionné doit êtrecompatible avec tous les produits qui seront en contactavec lui (mastic, joint, colle, produit de scellement,dorure…).

> Si certains paramètres ne peuvent pas être appliqués(qualité du décapage, nombre et épaisseur de couches…),ils entraînent une diminution de la durabilité du traitement. En revanche, des couches incompatiblesentre elles, l’application sur surface condensanterisquent de provoquer très rapidement des désordres(délai de deux à trois mois), avec décollement,délaminage des couches cloques, reprise de corrosion…

> Les zones dorées à la feuille le seront par-dessus le traitement anticorrosion. La dernière couche dutraitement sera compatible avec la technique de dorure ou une couche intermédiaire sera nécessaire (fig. 8).

> Après une métallisation, l’application d’un bouche-pores est impérative.

> Avant de peindre sur du zinc (ou de l’acier galvanisé),il faut préparer la surface (dérochage) par une méthodechimique ou mécanique, puis utiliser un primairespécifique.

Tableau 3

Tableau 4

Tableau 5

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Cependant, si une maçonnerie armée setrouve, pour diverses raisons, imprégnéed’eau, une corrosion des parties métalliquespeut débuter et se développer à une vitesseplus ou moins importante en fonction desconditions environnantes. Cette corrosionentraîne des contraintes intenses autour desinserts métalliques, du fait de l’augmentationde volume liée à la transformation du métalen oxyde (empiriquement, dans le cas du fer,l’expansion serait d’un facteur de 5 à 10), ce qui provoque des éclatements de la pierre.L’apparition de la corrosion peut être liée au vieillissement des maçonneries, à desmodifications successives du bâtiment quientraînent des entrées d’eau, à des cyclesd’humidification et de séchage, maiségalement à des interactions avec certainstraitements de restauration (nettoyage,dessalement, consolidation…). Aussi est-ilnécessaire de pouvoir localiser de manièrenon destructive ces inserts métalliques etd’étudier toutes les possibilités de traitementde leur corrosion afin de pérenniser cetteassociation.

Nous proposons ici de faire le point sur les techniques de détection des métauxdans la maçonnerie, ainsi que sur les solutionsde traitement qui ont été étudiées pour limiter la corrosion de ces inserts métalliques.

La détection des métaux dans les maçonneriesDe nombreuses techniques de détection ontété développées dans les domaines du géniecivil, de la géophysique ou de l’archéologie,mais elles n’étaient pas directementtransposables aux monuments.

Aussi, un programme de recherche du Cercledes partenaires du patrimoine a été mené pendant trois ans sur «La détection des métaux dans la pierre» et s’est achevé par la publication d’un cahier technique.

Les différentes investigations, réalisées depuis en collaboration avec des architectes,ont complété cette étude et ont notammentpermis aux géophysiciens d’améliorer leurdiagnostic, voire leur matériel dans le cadred’applications au patrimoine bâti et à lastatuaire.

Ces techniques sont fondées sur des principes :électrique, magnétique, électromagnétique, de réflectométrie radar ou encore degammagraphie.

Au-delà des performances intrinsèques des appareils, le succès de ce type d’essai est conditionné par le choix d’une méthodeadaptée non seulement aux problèmes de détection, mais aussi aux conditions de terrain.

Ainsi, en préalable au choix d’une technique, il est nécessaire:> de définir les objectifs des investigations(simple détection, formes géométriques,profondeur d’enfouissement…), > d’étudier les reliefs des zones à ausculter(zone plane ou au contraire présentant des reliefs importants…),> et enfin de considérer les conditions d’accès (simple, complexe, nacelle,échafaudage…).

Dans le cahier technique, des arbres décisionnelsregroupant la plupart des configurationsrencontrées dans les monuments historiquesont été élaborés et permettent a priori dechoisir la ou plutôt les techniques les plusappropriées (fig. 2).

Des fiches de synthèse renseignent égalementsur le principe, les conditions d’utilisation, les résultats escomptés, les limites et les contraintes ainsi que sur un niveau de coûtpour chacune des techniques de détectionétudiées.

Les arbres décisionnels sont définis :> soit pour des inserts supposés à faibleprofondeur, avec des surfaces à ausculter aux reliefs simples ou complexes ;> soit pour des inserts supposés à forteprofondeur, avec des surfaces aux reliefssimples ou complexes.

Le cas des surfaces à reliefs complexes et àinserts à forte profondeur n’a pas été détaillé,car il se situe aux limites des possibilités desdifférents appareils. Il est à noter que la massede l’insert en rapport avec sa profondeurd’enfouissement devient assez vite un facteurlimitant dans l’emploi de ces techniques (la faible section d’un élément métallique,couplée à une grande profondeurd’enfouissement rend la détection difficile).

Enfin, il est important de préciser que lesspécialistes en géophysique restent les plusqualifiés pour valider l’adéquation entre la demande et la technique.

Prenons le cas d’une façade comportant un avant-corps constitué de deux colonnessupportant un entablement. La questionposée est la suivante: comment l’avant-corpsest-il liaisonné à la façade?

Plusieurs niveaux de réponse peuvent être apportés : d’une simple détection de métal à une évaluation de la taille et du positionnement précis des inserts.

Ainsi, une technique électromagnétiquepermet de vérifier s’il y a présence ou nond’éléments métalliques et même d’identifiers’il s’agit de métal ferreux ou non ferreux.

L’utilisation de la réflectométrie radar apporte plus de précisions dans la réponse (géométrie et position des inserts) si la zone

106 monumental 2008 Laboratoire/Recherches

Chapitre IV Les inserts métalliques dans la maçonnerieDe la détection aux traitements

De nombreuses études le démontrent, tant dans le domaine de l’archéologie que de celui du patrimoine bâti : afin de renforcer la résistance à la traction de la pierre, diverses pièces métalliques ont été introduites dans lesmaçonneries depuis l’Antiquité, telles que goujons, tirants, chaînages… Ces éléments métalliques sont essentiellement en métaux ferreux et cetteassociation pierre et métal donne généralement de bons résultats (fig.1 a, 1 b et 1 c)(Cf. les articles de P. Dillmann et de M. L’Héritier, dans Monumental 2007/2).

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auscultée est suffisamment plane (comme le fût des colonnes et l’entablement) (fig. 3 et 4).En revanche, au niveau des chapiteaux, où le relief est plus complexe, la détection sera difficile.

Il est à noter que lorsque l’insert à détecter est perpendiculaire à la surface auscultée, il ne sera détecté qu’en un point (sectionperpendiculaire à la surface). Pour le localisersur toute sa longueur, il faudra rechercher un autre angle pour passer l’antenne radar.

Pour toutes ces investigations, il estindispensable de faire appel à des géophysiciensayant une compétence sur le patrimoine bâti.

Aucune des techniques étudiées n’a permisd’évaluer et encore moins de quantifier la corrosion des inserts métalliques. Or lestechniques de mesure de potentiel ou devitesse de corrosion employées pour le bétonarmé ne sont pas applicables à la pierre.

Dans certains cas bien spécifiques, les techniques de gammagraphie peuventpermettre une vision ponctuelle de l’état de dégradation (souvent quand la corrosionest assez importante). Le développement de la radiographie numérique favoriseracertainement cette approche, mais l’accès aux deux faces de la zone à ausculter resteobligatoire (une face pour la source, l’autrepour le film) et l’épaisseur de maçonnerie à traverser est très vite limitante. D’autrestechniques de type accélérateur miniaturisécomme le Minac (employé au Panthéon) ou le Limatron ont des performances biensupérieures, mais, là aussi, il faut un accès à deux faces opposées. Enfin, les problèmes de sécurité (radioprotection…) ne sont pasnégligeables et les coûts d’interventionrestent très élevés.

Au vu des différentes expérimentations quenous avons pu suivre, il n’y a pas de techniqueuniverselle, chaque cas restant particulier, et il faut souvent associer plusieurs techniques.Cependant, selon notre expérience de ces techniques et des problématiques les plusfréquentes rencontrées dans le domaine des monuments historiques, la détectionélectromagnétique (pour détecter la présenced’inserts dans les sculptures) et le radar (pour les tirants, chaînages et goujons dans les maçonneries) sont parmi les plus

performants. Elles apportent des informationstrès précieuses à la compréhensionconstructive de l’édifice et à l’interprétation de certains désordres, mais elles ne fournirontpas directement de réponse sur l’étatd’altération des inserts métalliques.

Des investigations ponctuelles sur des zonescritiques, avec les techniques de gammagraphieou d’accélérateurs X, quand elles peuvent être pratiquées, permettent parfois d’affiner le diagnostic. L’application de toutes cestechniques, si elles semblent assez simples,demande un personnel très expérimenté, enparticulier pour l’interprétation des résultats.Un échange permanent entre l’architecte,l’ingénieur et le géophysicien doit se mettreen place afin que la logique du bâtiment et les impératifs de la technique soient le pluspossible en adéquation, afin de répondre aumieux aux problématiques. Il reste néanmoinsà déterminer si ces inserts sont oxydés et si la corrosion est active. Malheureusement,aucune méthode non destructive ne peutactuellement répondre à cette problématique.

Le traitement des éléments métalliques dans la maçonnerieUne fois les éléments métalliques localisés,comment les traiter afin de ralentir ou destabiliser leur corrosion?

La méthode traditionnelle consiste à ouvrir les zones concernées pour mettre à nu les ferset ainsi pouvoir les traiter avec des produitsanticorrosion. Cette pratique traumatisantepour l’édifice n’est envisagée que dans les casextrêmes.

Les éléments en métaux ferreux étantlargement majoritaires et produisant les dégradations les plus importantes,l’urgence était de s’intéresser aux possibilités d’intervention spécifique.

Une nouvelle gamme d’inhibiteurs de corrosion,développée pour le traitement de la corrosiond’armatures en acier dans du béton, semblaitintéressante. Leur application à la pierrearmée a donc été étudiée, dans le cadre des travaux de thèse de Murielle Bach à l’Insade Strasbourg, en collaboration avec le LRMH.Deux aspects ont été considérés : leur efficacitésur du fer pur (fer Armco) et leur impact sur de la pierre.

Un inhibiteur de corrosion est un composéchimique qui, ajouté en faible concentrationau milieu corrosif, ralentit ou stoppe le processus de corrosion d’un métal placé au contact de ce milieu.

Les inhibiteurs qui ont été étudiés sontprévus pour être pulvérisés sur la surface de béton à traiter. Dans le cadre d’une application à de la pierre armée, deux solutions avaient été envisagées: > une pulvérisation à la surface de la pierre,dans le cas d’insert métallique à de faiblesprofondeurs,> une injection par les joints pour les inserts plus profondément enfouis.

Dans le cas d’une application directe sur la pierre, et dans le contexte particulier de la conservation des monumentshistoriques, le traitement ne devait pas dégrader la pierre, aussi bienfonctionnellement qu’esthétiquement. Par ailleurs, l’efficacité de l’inhibiteur est conditionnée par la concentration de produit atteignant l’armature.

Aussi, les mécanismes de pénétration de ces inhibiteurs, ainsi que leur compatibilitéavec deux pierres calcaires (calcaire de Courville et de Jaumont) ont été étudiés.

Trois inhibiteurs ont été examinés:P1 : un inhibiteur minéral, constitué de monofluorophosphate de sodium (MFP) à diluer dans l’eau ;P2 : un inhibiteur organique, constitué d’eauà 67% et de solvants organiques, dont 2% de fonctions amines, une fonction acidebenzoïque, de l’alcool isopropylique, et contenant également du phosphore, du soufre et du sodium;P3 : un inhibiteur organo-minéral, contenant78% de solvant, 20% de matière organique(principalement des fonctions amines) et 2% de matière minérale constituéemajoritairement d’une fonction phosphate.

La première étape de cette recherche aconsisté à étudier plus précisément le milieuenvironnant d’une armature insérée dans une pierre calcaire et scellée soit au plâtre, soit à la chaux. Deux solutions modèles ontainsi été mises au point :> le milieu, M1, représentatif d’un scellement de mortier de chaux carbonaté. M1 est enrichi

107Le métal, altérations et traitements

Annick TexierResponsable du pôle Métal, LRMHÉlisabeth Marie-VictoireIngénieur au LRMHMurielle BachEnseignant chercheur,Insa, Strasbourg

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en calcium, et a un pH de 8,6. Dans ce milieu,le fer se corrode de manière généralisée à une vitesse de 0,1 mm/an,> et le milieu, M2, représentatif d’unscellement au plâtre. M2 est enrichi encalcium et en sulfate et a un pH de 7,9. Dans ce milieu, le fer se corrode de manièregénéralisée à une vitesse de 0,25 mm/an.

Ensuite, l’efficacité des trois inhibiteurs a ététestée soit par immersion de fer pur dans les milieux M1, M2 avec ou sans inhibiteurs ;soit par des tests électrochimiques dans ces mêmes solutions. Les taux d’inhibition ont été déterminés grâce à l’évaluation desvitesses de corrosion. Il en ressort que, dansces solutions modèles, l’apport d’inhibiteurspeut modifier le pH et les espèces formées.

Les essais électrochimiques ont montré les limites d’efficacité de ces inhibiteurs. La caractérisation des couches inhibitricesformées sur le métal dans chacun des milieuxa également permis de comprendre les processus d’inhibition.

Ainsi, le taux d’oxygène dissous et le pH des solutions conditionnent fortement la fonction inhibitrice des trois produits. À long terme, et dans l’ensemble des milieuxd’étude, seul le produit P1 conduit à un tauxd’inhibition significatif, par formation d’unecouche de conversion (fig. 5 c).

Une attention particulière doit cependant être portée à la préparation de ce produit, une hydrolyse importante de son composantprincipal (MFP) pouvant modifier aussi bienson comportement inhibiteur que sa capacitéà migrer dans une pierre calcaire.

Il est également important de noter que dans le milieu M2, simulant un scellement au plâtre dans une pierre calcaire, une importante quantité de produit a éténécessaire pour obtenir une inhibition (4L/m3, ce qui ne semble pas adapté à la problématique, car cela imposerait un apport important de solution aqueusedans la maçonnerie).

Par ailleurs, il a été constaté que la présencedes trois produits favorisait le développementbactérien, qui pourrait avoir un impact sur l’action inhibitrice à long terme. De plus, en présence de chlorures, aucuneaction inhibitrice n’a été observée.

Enfin, l’étude de l’impact des inhibiteurs sur deux types de pierres calcaires (calcaire de Courville et de Jaumont) a mis en évidencedes modifications du réseau poreux des deuxpierres, et la formation de phosphates de calcium pour deux des trois produits (fig.6). En surface, un impact esthétique est visible.

En conclusion, bien que ce type de traitementsoit très attrayant par rapport à la problématiquecomplexe du traitement de la corrosiond’armatures dans les maçonneries, cette étudemontre qu’une très grande prudence doit régirl’éventuel emploi des inhibiteurs de corrosion,ou de tout autre produit dont la réelleefficacité n’est pas sérieusement prouvée,dans les conditions d’utilisations spécifiquesdes monuments historiques.

Annick Texier, Élisabeth Marie-Victoire et Murielle Bach

Documents et photographies © LRHM, sauf mentions contraires.

108 monumental 2008 Laboratoire/Recherches

Inserts dans une maçonnerie en cours de dépose.

Figure 1 a à 1 c Figure 2

1a. 1b. 1c.

BibliographieÉ. Marie-Victoire, «La détection des métaux dans la pierre :méthodes non destructives»,Les cahiers techniques du Cercledes partenaires du patrimoine n° 2 (LRMH), février 1998.

M. Bach, «Inhibition de la corrosion des armaturesmétalliques dans les maçonneriesanciennes», thèse de l’universitéLouis-Pasteur, 2002, 157 p.

M. Bach, F. Feugeas, A. Texier,N. Broll, A. Cornet, «How to prevent the degradation of stone monuments: Corrosion inhibition of steelreinforcement», Internationalworkshop urban heritage and building maintenance IV,Zürich, Switzerland, August 31 st2000, Maintenance andrestrengthening of materialsand structures – Stone &Stonework, p. 43-53.

C. Andrade, C. Alonso, 2001,Constructions and BuildingMaterials, n°15, p. 141-145.

M. Bach, F. Feugeas, A. Texier,Y. Geraud, I. Dupont, A. Cornet, «Prevention againststone monuments decay due to corrosion of metalreinforcement»,6th InternationalSymposium on the Conservationof Monuments in theMediterranean Basin, April 7-10,2004, Lisbon, Portugal.

Chapitre IV Les inserts m

étallique

s dan

s la maçon

nerie

Arbre décisionnel (1/3).Extrait du cahier techniquenº2 du Cercle des partenairesdu patrimoine.

2.

Relief simple Profondeur forte

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109Le métal, altérations et traitements

Figures 5 a, 5 b et 5 cVues au microscopeélectronique à balayage.

Film formé sur du fer dansle milieu M1, contenantl’inhibiteur P3 : lesphosphates forment une couche de conversion(composé insoluble d’oxydesde fer et de phosphates,renforcé par les ionscalcium).

Figure 5 a

5a.

Figures 5 b et 5 c. Produits P1dans un milieu M1.

Milieu M1 désaéré,modification de la structurede la couche en contactavec la surface du fer.

Milieu M1 désaéré : vue d’ensemble de la couche inhibitrice et de la vivianite.

Figures 6 a à 6 dVues au microscopeélectronique à balayage.

Pierre de Jaumont, avantapplication des inhibiteurs.

Figure 5 b Figure 5 c Figure 6 a

5c.5b. 6a.

Pierre de Jaumont, aprèsapplication de l’inhibiteur P1.

Pierre de Jaumont, aprèsapplication de l’inhibiteur P2.

Pierre de Jaumont, aprèsapplication de l’inhibiteur P3.

Figure 6 b Figure 6 c Figure 6 d

6c.6b. 6d.

Figure 3 Figure 4

Résultats obtenus par réflectométrie radar.

Extrait du cahier techniquenº2 du Cercle des partenairesdu patrimoine.

3.

Détail des inserts métalliquesd’un avant-corps du château de Versailles.Cartographie établie lors de la restaurationmenée sous la direction de Frédéric Didier, ACMH.

Extrait du cahier techniquenº2 du Cercle des partenairesdu patrimoine.

4.