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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Le Monde illustré (1857)

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Page 1: Le Monde illustré (1857) - …utilisateur est invité à s'informer auprès de ces ... par les journaux le portrait de son pensionnaire sans nom. Aussitôt les lettres affluèrent

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Le Monde illustré (1857)

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Le Monde illustré (1857). 1937/07/03.

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De Siegfriedl'amnésique

-qu'imagina Giraudoux

à Jean Pruferl'amnésiquede Saint- Germain

Par G.-J. GROS

ETRE ou ne pas être, ou au contraire vivredeux vies dans une même existence, ne sesouvenir de rien ou avoir des lueurs sur

une existence antérieure, ne plus connaître exac-tement sa personnalité, tel est le cas de l'amné-sique de Saint-Germain, celui qu'on croit être legéomètre de Metz porté comme suicidé depuisquatre ans, tel fut le cas de l'amnésique de Ro-dez qui perdit la mémoire à la guerre, tel fut en-core le cas du professeur Canella de Turin. Etcombien d'autres ! Il est normal que de tels phé-nomènes mentaux intéressent romanciers et au-teurs dramatiques. Nous n'avons pas perdu lesouvenir du Siegfried que Giraudoux mit à lascène. Pierre Renoir incarnant Siegfried, soldatallemand auquel une blessure enleva tout souve-nir porta au plus haut degré les intentions phi-losophiques de l'auteur. Et faut-il rappeler la cé-lèbre interprétation de Gémier dans le Procu-reur Hallers, cet étrange magistrat qui par unbizarre dédoublement de sa personnalité, deve-nait la nuit un redoutable cambrioleur s'em-ployant à fracturer les meubles de sa propre de-meure ? Récemment encore Georges Pitoeff,dans c Le Voyageur sans bagage », joua aussi lerôle d'un soldat amnésique à qui son passé re-trouvé rebute tellement qu'il préfère se voir « re-connaître » par une famille qui n'est pas lasienne.

Les dramaturges ont beau jeu. Revenons plussimplement à la réalité. L'amnésique de Saint-Germain est un cas bien typique. Trouvé errantla nuit, l'homme intrigua les policiers. Au com-missariat de Saint-Germain, avisant un calen-drier il s'écria : « 1937 ! Je lis bien 1937 ! Nousne sommes donc pas en 1932 ! » Conduit à l'hô-pital, il dit se nommer Jean Prufer et avoir ha-bité Metz, puis à la stupéfaction générale, il semit à crayonner sur les murs des équations qu'ilrésolvait aussitôt. Enfin, fatigué, il se coucha ets'endormit profondément. Le lendemain, le com-missariat de Metz envoyait des renseignementstroublants. On avait trouvé, en 1933, à Ay-sur-Moselle, le cadavre d'un désespéré, la tempe trouéed'une balle. Or ce cadavre avait été identifiécomme étant celui d'un nommé Jean Prufer, dis-paru depuis un an de son domicile. Quelquesjours plus tard, la femme de Jean Prufer avaitreconnu dans les vêtements du mort ceux de sonmari. « Il était géomètre, dit-elle, et tellementabsorbé par les problèmes d'algèbre, qu'il en ou-bliait le boire et le manger ! »

Or la photographie du Prufer disparu ressem-ble trait pour trait à celle du Prufer hospitaliséà Saint-Germain.

« Je me suis réveillé dans la forêt, dit Pru-fer, sans savoir qui m'y a conduit. Je cherche.Je cherche. Je vois des choses et quand je veux

Jean Prufer, l'amnésiquede Saint-Germain.

les saisir, elles partent. Je ne me souviens plus.Quand j'ai quitté Metz, il n'y avait pas de feuil-les aux arbres. Maintenant, je vois que noussommes en été. »

Celui que l'on appelle c l'amnésique de Rodez »est aussi un cas bien troublant. Mais son mystères'entoure plus banalement de questions d'intérêt.Cet homme sans nom, grand blessé de guerre, avu les arrérages de sa pension s'accumuler sursa tête et tout comme dans la pièce du c Voya-geur sans bagage », plusieurs familles veulent àtout prix — au prix qu'il représente, du moins

— le reconnaître pour un des leurs.L'aventure vraie la plus extraordinaire à notre

sens, fut celle du professeur Canella.A l'aube du 11 mars 1926, une ombre s'échap-

pa d'entre les tombes du cimetière de Turin. Lesgardiens du lieu, qui ne croient pas aux fantô-mes, l'arrêtèrent. A la lumière, l'ombre se maté-rialisa. H s'agissait d'un pauvre hère à moitiéfou qui venait de dérober une urne funéraire. Onne put rien tirer du voleur que des propos inco-hérents. Aucun papier sur lui. L'homme fut diri-gé sur un centre d'aliénés. Le directeur de l'asi-le, pour savoir à qui il avait affaire, fit publierpar les journaux le portrait de son pensionnairesans nom. Aussitôt les lettres affluèrent. L'in-connu n'était autre, assurait-on, que le profes-seur Giulo Canella.

Disparu en 1916 sur le front de Macédoine, M.Canella avait passé pour mort. De riche famillevéronaise, le professeur allait donc retrouver lessiens. Le premier ami qui vint le voir fut le ma-jor Cantalupi qui guerroya à ses côtés. « Dansmes bras, Canella ! » Les deux amis s'étrei-gnent. Les larmes coulent. On dirait qu'elles en-traînent avec elles d'obscures nuées qui voilaientla raison du professeur.

Mais lorsque Mme Canella arriva à son tourà Turin, son émotion fut moins démonstrative.Etait-ce bien là son mari ? En dix années au-rait-il tant changé ? Mais le professeur pleureet se lamente: « Ne reconnais-tu pas ma voix? »dit-il. Ne sont-ce pas mes mains, Giula ? Giula !

me renierais-tu ? » Du coup, les yeux de MmeCanella s'humectent. Elle ouvre les bras et sonmari s'y précipite. Voilà les époux partis pourVérone.

Or, c'est ici que l'aventure commence. Car àpeine le professeur est-il rentré dans sa famillequ'une femme, Rosa Negro, certifiait au direc-teur de l'asile que celui qu'il avait hébergé sousle nom, en définitive, de Canella, n'était autreque son mari, le typographe Mario Bruneri, le-quel l'avait abandonnée pour vivre avec une fillegalante. La police, saisie de l'affaire, fit une en-quête. On apprit en effet qu'un certain Bruneri,dont le signalement correspondait point par pointà celui du professeur, avait été typographe etmarié à Rosa Negro dont il avait eu un enfant.Quittant sa femme pour vivre de rapines, il s'é-tait mis en ménage avec une fille de mauvaisevie qui subvenait à ses besoins.

Devant ces allégations, la famille Canellapoussa des cris ! Tout le monde à Vérone re-connaissait le professeur. Mais tant de faits con-firmaient les dires de Mme Negro et l'expertisequi fut faite — témoignages, empreintes digita-les, analyses, etc. — fut si concluante que les au-torités jugèrent bon de ramener le professeur àTurin. D'anciens ouvriers typographes reconnu-rent en lui Bruneri. La fille Guidini — celle quil'hébergea — le reconnut aussi. Elle montrad'ailleurs des lettres de son amant. Un procèss'engagea entre les deux familles Canella et Bru-neri.

En attendant que le procès s'instruisît — et ilne s'instruisit jamais — Canella-Bruneri retour-na à Vérone, car sa culture, son érudition, sonlangage ne permettaient pas de supposer qu'il nefût pas aussi le professeur Canella.

Et c'est là l'extraordinaire de l'aventure ! L'a-vocat général mit-il les plaideurs d'accord en dé-clarant en toute bonne foi que le professeur Ca-nella et l'ancien typo Bruneri ne faisaient qu'un?Qui le saura jamais ?. Au reste, le professeurCanella a deux enfants de sa femme Giula et letypographe Bruneri a également — nous l'avonsdit — un enfant de sa femme Rosa.

Sa double personnalité a inspiré au professeurCanella un gros ouvrage intitulé « A la recher-che de moi-même » où il expose son cas et laisseentendre que la vie a des complications multiples.

Combien d'hommes qui n'ont pas l'excuse d'a-voir perdu la mémoire pourraient, hélas ! en direautant !