le moteur-canon v8 hispano-suiza par jp rossignol

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza 1 Moteur Hispano-Suiza type 45 montrant la disposition du canon de 37 mm au centre du V. Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza Par J.P. ROSSIGNOL

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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Moteur Hispano-Suiza type 45 montrant la disposition du canon de 37 mm au centre du V.

Le moteur-canonV8 Hispano-Suiza

Par J.P. ROSSIGNOL

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Une arme nouvelle : lecanon aérien

Dès que les stratèges militaires découvrirentles possibilités offensives de l’aviation, et del’aviation de chasse en particulier, ce n’est qu’unebanalité de dire qu’ils demandèrent aux ingé-nieurs de leur trouver, le plus rapidement possi-ble évidemment, des moyens pour neutraliserl’ennemi de manière « efficace et expéditive » !Le fait de monter un canon dans l’axe de rotationde l’hélice, sans dispositif de synchronisation,était une des solutions qui fût proposée. Toute-fois, cela n’alla pas sans mal, car ni les modèlesde canon, ni les avions alors en service, ne pré-sentaient les qualités d’endurance, de légèreté etde simplicité que requérait un tel mariage. Dansce chapitre nous allons donc essayer de décrirel’évolution des moteurs conçus dans cette optiquepar la Société Hispano-Suiza , qui à cette époqueproduisait l’un des meilleurs moteurs en service.

Biplan Voisin à canon, avril 1914. (L’Aérophile).

Dans l’espoir de rendre les hydravions fran-çais plus efficaces, un FBA type B est muni d’uncanon de marine de 37 mm en février 1915, à titreexpérimental ; trois autres appareils du mêmetype sont modifiés pour recevoir le même arme-ment ; lors d’un essai de tir latéral au canon ef-fectué par Burri, à 300 mètres d’altitude, tout lebordé avant gauche s’arrache, mettant fin à cetype d’essais. A la demande des officiers de lamarine, Beaumont dessine et fait réaliser unetroisième machine de guerre, en fait un premierchasseur. Avec une voilure de type C portée à14,50 mètres d’envergure (surface portante de 41mètres carrés) et une coque terrestre aérodyna-mique, propulsé par le nouveau moteur V8 His-pano-Suiza 8 A de 150 ch 1 placé entre les plans,l’hydravion de combat proposé par la FBA estarmé d’un canon de marine de 37 mm montédans la pointe avant.

Les observateurs militaires qui ont pu assisteraux essais désignent le nouvel avion par le terme« d’avion-canon ». Le prototype construit à Ar-genteuil en octobre 1915 pèse 760 kg à vide, sansles pleins et sans équipage (deux hommes), etprès de 1 200 kg en charge. Avec une telle masse,sa capacité d’emport d’armement est très faible.Trop lourd, « l’avion-canon » plafonne à 130

1. Un V8 Hispano-Suiza de 200 ch est même testé, avec

une hélice Levasseur de 2, 95 m de diamètre.

km/h. Après de nombreuses tentatives faitesdans l’espoir d’améliorer la machine, le projet estfinalement abandonné.

Le chasseur de la marine et hydravion de combat FBA type« canon », 1916. (Collection G Hartmann).

L’idée de monter un canon de marine sur unbombardier avait été développée en 1914 sur leVoisin et en 1916 sur le Breguet-Michelin. Elle estreprise en 1916 sur un chasseur chez Blériot-SPAD, mais les armes de 37 mm et plus encore de47 mm, placées dans la pointe avant avec un dis-positif anti-recul déséquilibrent totalementl’avion qui devient instable. L’avion-canon Blé-riot-SPAD, en 1916, est lui aussi abandonné. Laseule machine volante qui a pu recevoir et ex-ploiter le canon de marine est finalement le grosbiplan Voisin né en mars 1914.

Le Tellier-canon 200 ch, seul hydravion de la guerre sup-portant le tir du canon de marine. (Musée de Biscarrosse).

Le V8 Hispano-Suiza

Avant de se lancer dans la description etl’histoire des moteurs-canon V8 Hispano-Suiza,il nous a paru bon de rappeler de façon sommairecomment fonctionnait ce moteur.

La société Hispano-Suiza produisit pendantla 1ère guerre mondiale 5 types de moteurs princi-paux : le 140/150HP, le 170/180 HP, le 200/220HP, le 300/330 HP et les moteurs-canon. Ilsétaient construits sur le même principe, avectoutefois un réducteur intercalé entre le vilebre-quin et l’arbre d’hélice pour les moteurs 200/220HP et les moteurs-canon.

Le moteur 140/150 HP, version de base de lalignée des V8 Hispano-Suiza est un moteur fixe àrefroidissement par eau à 8 cylindres en V, calésà 90° par deux rangées de quatre. L’alésage est de120 mm pour une course de 130 mm, avec untaux de compression de 4,7 ; son poids à vide

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équipé (accessoires) de 160 kg en a fait pour sonépoque l’un des plus légers dans sa catégorie depuissance .

Le carter en aluminium fondu est en deuxparties et supporte les deux blocs cylindres quicomportent les culasses avec leurs systèmes derefroidissement intégrés, les cylindres propre-ment dits en acier se vissant à l’intérieur desculasses, les arbres à cames et leurs caches. Levilebrequin en acier est en prise directe avecl’hélice à travers une butée à double effet luipermettant ainsi d’utiliser une hélice soit tractivesoit propulsive.

Les bielles en acier sont creuses et accoupléesdeux par deux ; la bielle intérieure tourillonnesur le maneton du vilebrequin, tandis que labielle extérieure tourillonne sur la 1ère bielle. Lespistons sont en aluminium et comportent deuxsegments d’étanchéité plus un segment racleuren pied de piston.

Le V8 Hispano-Suiza type 34 de 150 ch. (Collection JPRossignol).

La distribution est réalisée par un systèmecames/plateau-poussoir : les cames font corpsavec un arbre placé à la partie supérieure de cha-que groupe de cylindres dont la rotation estcommandée par un arbre vertical en prise directeavec la partie arrière du vilebrequin.

La carburation est assurée soit par un carbu-rateur Zénith soit par un carburateur Claudelmonté entre les deux rangées de blocs cylindres ;le mélange gazeux, réchauffé par la circulationd’eau issue des culasses, est envoyé aux cylindrespar deux pipes d’admission en aluminiumémaillé. La circulation d’eau se fait par thermosi-phon et pompe centrifuge placée soit en bout devilebrequin soit sous la pompe à huile.

Le système de graissage, qui comportera denombreuses variantes, est du type « sous pres-sion » ; l’huile circule en sortie de pompe à unepression d’environ 6 kg/cm² et après passagedans un filtre métallique est envoyée par un tubecollecteur aux paliers de vilebrequin et aux arbresà cames. Le retour se fait dans le carter dans le-quel la pompe s’y alimente. Si la durée de vol estinférieure à trois heures la contenance du carterest suffisante pour assurer cette autonomie.

La genèse du moteurcanon Hispano-Suiza

Malgré l’apparition du SPAD VII au début de1916, il se révéla très vite que les progrès appor-tés par ce nouvel avion dans la chasse aux appa-reils ennemis, si importants soient-ils, ne com-pensaient que partiellement ceux accomplisconjointement par les Allemands ; les brillantsrésultats obtenus par les pilotes Alliés étaientplus dus à leurs qualités et à leur adresse qu’à lasupériorité de leur monture.

C’est durant l’été 1916 au cours de l’une de sespermissions que Georges Guynemer contactaLouis Béchereau, concepteur du SPAD VII, etMarc Birkigt, concepteur de son moteur, pour seplaindre, malgré le fonctionnement satisfaisantde l’ensemble, du manque relatif de puissance deson avion devant les progrès des Allemands dansce domaine ; de plus, il jugeait que la capacitéoffensive du SPAD VII était limite, voir insuffi-sante. Son rêve était « d’avoir un matériel per-mettant à coup sûr, si un seul projectile attei-gnait l’avion ennemi , de le mettre hors com-bat ».

Aussi leur demanda-t-il d’étudier la possibi-lité de monter en lieu et place de la mitrailleuseLewis du moteur type 36, une version allégée etraccourcie du canon semi-automatiqued’infanterie de 37 mm, modèle 37 SAMC, fabri-qué par les ateliers de Puteaux. Le poids, maissurtout l’encombrement de ce canon amenèrentMarc Birkigt à modifier notablement le plan deson moteur pour en arriver au type 38 (référenceS.T.Aé. HS 8 BeC) et , par voie de conséquence,pour Louis Béchereau à créer un nouvel avion, leSPAD XII.

Excepté les essais décevants d’avion-canoneffectués à Argenteuil à la FBA, le bureaud’études de Bois-Colombes manquait totalementd’expérience du canon.

Le moteur Hispano-Suiza type 36, 1916. Le canon del’arme est visible au centre de l’axe de l’hélice. (CollectionJP Rossignol).

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Le moteur type 36Bien que non utilisé opérationnellement, il

nous a paru bon de rappeler l’existence de cemoteur qui fut proposé aux Services OfficielsFrançais et Britanniques vers le mois de mai1916, comme une autre solution au problème du« tir à travers l’hélice » ; s’il retint quelquestemps l’attention de ces derniers, il ne fût fina-lement pas agréé et ne reçut donc aucune appli-cation pratique, un seul exemplaire aurait étéconstruit pour étude de faisabilité, sans essais envol à notre connaissance.

Les figures données ci-après montrent cequ’était ce moteur expérimental, que l’on peutconsidérer comme « l’ancêtre » des moteurs-canon ; cependant l’étude des brevets enregistrésà cette époque montre que d’autres études ont étéfaites mais sans qu’aucune trace de réalisationconcrète n’ait pu être retrouvée.

Sur ces deux photos, sans doute les seules existantes, onremarque la mitrailleuse Lewis passant à travers l’axe del’hélice sur le réducteur, le démarreur à manivelle, le car-ter identique à celui du moteur type 35, et les pipesd’admission de même forme que celles des moteurs proto-types type 31. Cette dernière remarque semble prouver quece moteur a été réalisé sur fonds privés par le constructeur,en ré-assemblant divers éléments disponibles. (CollectionJP Rossignol).

Brevet d’invention N° 503.174

Demandé le 27.01.1917 – Délivré le 10.03.1920

Résumé : L’invention a pour objet des perfectionnements auxmoyens pour monter des canons sur les moteurs fixes , notammentsur les moteurs des aéroplanes ; lesquels perfectionnements consis-tent , principalement , à monter de telle sorte , la volée d’un canon ,à l’intérieur d’un arbre creux sur lequel est fixée l’hélice tractiveactionnée par l’arbre vilebrequin d’un moteur fixe parl’intermédiaire d’un réducteur de vitesse , qu’elle puisse coulisser àfrottement doux dans ledit arbre creux , le moteur constituant ainsiun affût pour ladite volée ; et à monter , également , dans le carterdu moteur un frein à liquide qu’on relie à la manière ordinaire à laculasse du canon . Elle vise , plus particulièrement , certains modesde réalisation , ainsi que d’application , desdits perfectionnements ,et plus particulièrement encore , et ce à titre de produits industrielsnouveaux , les moyens du genre en question comportant applicationdes mêmes dits perfectionnements , les éléments spéciaux propres àleur établissement , ainsi que les moteurs , notamment les moteursd’aéroplanes , munis de semblables moyens .

Marc Birkigt

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Le moteur type 38Les traces des premiers plans de ce moteur

remontent au début du mois de novembre 1916,ce qui correspond à peu près aux demandes pré-cises de G. Guynemer dans les différentes lettresqui ont pu être retrouvées. De nombreux retards,dus en partie à la bureaucratie tatillonne des Ser-vices Techniques de l’Aéronautique Militaire, lesresponsables trouvant le projet trop onéreux etpréférant une production de masse (les besoinsétant énormes) à une production qualifiée« d’élitiste », associés au fait que la mise au pointdu nouveau réducteur entourant le canon étaitloin d’être évidente, firent tant et si bien que lepremier moteur et le prototype du nouvel avion,ne furent prêts qu'au printemps 1917 .

Dès le premier vol du SPAD XII, effectué àBuc par G. Guynemer lui-même, le 21 mars 1917,de nombreux problèmes moteurs apparurent :

- mauvaise tenue du réducteur dont le grais-sage laissait à désirer

- niveau vibratoire très élevé- puissance tout juste suffisante

La majeure partie de ces anomalies avait étédéjà rencontrée sur le moteur type 35 à réduc-teur, mais elles étaient ici notablement aggravéespar la présence du canon à l’intérieur de l’arbreporte-hélice. Aussi, en adoptant les solutions quis’étaient montrées suffisantes lors de la mise aupoint du type 35, Marc Birkigt tenta d’apporterremède à ces anomalies. Hélas quand les essaispurent reprendre courant mai 1917, force fut deconstater que le résultat obtenu était loind’atteindre les espérances escomptées. Il fallaittout reprendre à zéro, le type 38 fut abandonné etles études entreprises débouchèrent sur le type44 dont nous reparlerons plus loin.

Description

Nous ne nous bornerons présentement qu’àdonner une description sommaire des élémentscaractéristiques de ce type de moteur, la descrip-tion complète des moteurs Hispano-Suiza dépas-sant le cadre de ce dossier. Ce premier moteurcanon a fait l’objet d’une demande de brevet en-registrée sous le numéro 503.174 demandée le 27janvier 1917 dont le résumé est donné page 4. Cebrevet couvre également les moteurs type 43, 44et 45 dont nous reparlerons plus loin.

Le carter

Le découpage des différentes parties du carterest la caractéristique essentielle qui permet dedistinguer le moteur type 38 de son successeur, letype 44. En effet, sur ce premier moteur canon, lecarter est en 3 parties :

Un carter inférieurUn carter supérieurUn carter avant qui vient se visser par l’avant

sur les deux précédents, servant de couvercle auréducteur.

Réalisé en aluminium fondu, il fut notable-ment modifié entre les deux versions étudiées.Par rapport aux carters des moteurs précédents,moteurs type 34 (150/180 Hp) et type 35(200/220Hp), le carter inférieur fut inspiré parcelui du type 36 mais diminué en hauteur d’unevingtaine de centimètres avec un fond rapporté,puis moulé d’une seule pièce avec bouchon récu-pérateur d’huile dans la 2ème version. De plus,pour diminuer le niveau vibratoire, la largeur dessupports de coussinets de paliers de vilebrequinpassa de 38 à 42 mm. Il faut noter que la réduc-tion de hauteur de ces carters fut imposée par lefait que la présence du canon et de son freinamortisseur nécessitait le rehaussement du car-burateur ordinairement situé entre les deux ran-gées de cylindres. Donc, pour loger ce moteurdans la partie avant du SPAD XII, qui devaitconserver un volume comparable à celui duSPAD VII, il était indispensable de diminuer lahauteur totale de l’ensemble, d’où cette « coupe »qui rendit obligatoire la présence d’un réser-voir/radiateur d’huile extérieur.

Le carter supérieur, qui reçut également lamodification de la largeur des supports de cous-sinets de palier du vilebrequin entre les deux ver-sions, vit le logement guide du canon s’allongerlégèrement, ainsi qu’une légère modification dulogement du roulement arrière de l’arbred’hélice.

Le réducteur

Le réducteur est constitué par un jeu de deuxengrenages à denture oblique à 6° par rapport àl’axe longitudinal du moteur :- le premier, appelé « pignon de réduction »,

est un pignon de 36 dents en acier NFC1monté claveté en bout du vilebrequin.

- le second, appelé « roue de réduction », estun pignon de 48 dents en acier BND ou 819claveté sur l’arbre de l’hélice.

Le type exact de butée montée sur l’arbre del’hélice n’a pu être retrouvé, et il en est de mêmepour les roulements montés à l’arrière de cet ar-bre, ainsi que sur la tête du vilebrequin. Il semblelogique de penser que :- la butée est à billes à simple effet ; le mon-

tage du canon ne présentant aucun intérêtsur un avion à hélice propulsive, la nécessitéd’une butée à double effet ne s’impose pas.

- les autres roulements sont de simples rou-lements à une ou deux rangées de billes,l’utilisation des roulements à rouleaux nes’étant généralisée que plus tard.

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Les schémas ci-contre représentent les deuxversions successives du réducteur , mais où n’yfigurent que les éléments dont les plans ont puêtre retrouvés. On y remarque en particulier dansla 2ème version des allongements des supports deroulements et de butée, bien que les engrenagessoient restés les mêmes, ainsi qu’un allongementdu guide du canon sur le carter supérieur.

.

Moteur type 38 – montage des 2 versions du réducteur.

Le circuit de graissage

Les difficultés rencontrées dans la mise aupoint ainsi que celles rencontrées en utilisationavec le moteur à réducteur amenèrent Hispano-Suiza à modifier le circuit de lubrification de fa-çon notable. Ces modifications s’appliquèrentdonc également au moteur-canon ; entre les deuxversions, le fait d’avoir à changer de carter infé-rieur permit d’y apporter les dernières d’entreelles, espérant ainsi résoudre une partie des pro-blèmes rencontrés .

Sur les schémas ci-dessus on peut remar-quer que dans les deux versions le carter est dit« à sec », c’est à dire que la présence d’un ré-servoir d’huile est indispensable, mais queseule la 2ème version comporte le logement d’unclapet de décharge sur le circuit d’alimentation.En outre, la circulation de l’huile n’est assuréeque par une pompe à simple étage.

La carburation

Sur ce type de moteurs, il semble que deuxtypes de carburateur Zénith ont été utilisés : le55 DH et le 55DC. S’il est acquis que les mo-teurs de fin de production ont reçu un carbu-rateur type 55 DC (à corps vertical), il est vrai-semblable que les premiers d’entre eux furentéquipés d’un carburateur type DH 55DH (àcorps horizontal), ce dernier se différenciant du

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second par une hauteur totale moins grande etla possibilité de se monter dans le prolonge-ment du collecteur d’admission.

Carburateur Zénith type 55 DC.

Carburateur Zénith type 55 DH.

Moteur n° 9003. Ce moteur, l’un des premiers fabriqués,est conservé au Musée de Dayton (Ohio) aux Etats-Unis. Ilmontre l’installation du carburateur 55 DH ; on remarqueque la buse d’entrée d’air n’est pas montée.

Moteur type 38 n° 9538. La disposition, caractéristique dutype 38, montre la forme du carter A, la butée à billesd’hélice B, le bouchon du clapet de décharge C ainsi que lemontage du collecteur d’admission avec le carburateurZénith 55 DC.

Si la solution de monter un carburateur àcorps horizontal paraissait pleine de promessesdu point de vue encombrement, des problèmessurgirent dans l’arrivée du mélange carburé auxcylindres ; son cheminement pour le moins tor-tueux dans le collecteur d’admission, avec tousces virages très rapprochés, amenait une dégra-dation de son homogénéité. Il fallut donc passer àla seconde solution en revenant à l’utilisationd’un carburateur à corps vertical, le 55 DC montésous un collecteur d’admission de dernière géné-ration, mais dont les conduits vers les blocs cy-lindres étaient munis de prolongateurs (identi-que à celui monté sur le moteur type 41). La dif-férence de hauteur entre ces deux montages (del’ordre de 7 cm) explique la présence d’une pro-tubérance sur le capot des SPAD XII quand cecarburateur était monté (il faut noter que cetteprotubérance est toujours présente sur les avionséquipés de moteur type 44).

Toutes ces modifications indiquent que lemoteur type 38, tel qu’il était conçu, a apportébon nombre de problèmes lors de son utilisationen unité et qu’il a été sage de reprendre à zérotoute son étude. Elles apportent également uneexplication aux délais, longs pour l’époque, demise en service du SPAD XII ; toutefois les do-cuments retrouvés permettent d’assurer qu’uncertain nombre de moteurs type 38 ont été cons-truits : dans une note du 24 juillet 1917, on relève33 moteurs (type 38 vraisemblablement, les nu-méros se suivant), pour lesquels des modifica-tions du canon étaient nécessaires. Ceci peuts’expliquer par la nécessité d’avoir des moteurs,même insatisfaisants, pour équiper dans un pre-mier temps les avions construits, puisque les ap-provisionnements étaient déjà réalisés, quitte àopérer un changement de moteur quand le type44 serait au point.

Le moteur type 44Tout d’abord il peut paraître curieux de

constater que la numérotation des moteurs ca-non passe directement du type 38 au type 44 : cesaut est tout simplement dû au fait que entre ledébut du lancement du premier d’entre eux etcelui du second un peu plus de 6 mois s’étaientécoulés et que pendant cette période le bureaud’étude Hispano-Suiza n’avait pas chômé ; sansrentrer dans les détails , la conception des mo-teurs suivants avait été entreprise :? moteur type 39 : accouplement de 2 moteurs

200 HP à réducteur pour en faire un moteurde 400 HP.

? moteur type 40 (Référence S.T.Aé. HS 8 E) :moteur 200HP à gros réducteur pour diri-geable.

? moteur type 41 (Référence S.T.Aé. HS 8Axx) : moteur 150/180 HP regroupant toutesles améliorations apportées à ce type demoteur.

? moteur type 42 (Référence S.T.Aé. HS 8Fxx) : moteur 300 HP.

? moteur type 43 : projet de moteur-canon àpartir du type 42. Nous reparlerons de cedernier plus loin.

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Le moteur-canon type 44 est donc une évolu-tion du type 38. Comme son étude a nécessitéune reprise de bon nombre d’éléments constitu-tifs, les concepteurs y ajoutèrent toutes les amé-liorations apportées sur les nouveaux types, à sa-voir :? modification du circuit de graissage avec

adoption d’une pompe à double étage (aspi-ration/refoulement).

? adoption définitive du montage des magné-tos perpendiculairement à l’axe longitudinal.

? « carter à sec », c’est à dire montage obliga-toire d’un réservoir/radiateur d’huile exté-rieur.

? montage d’un clapet de décharge sur le cir-cuit d’huile.

? utilisation de roulements à rouleaux sur lespaliers avant et arrière du vilebrequin.

Toutefois la modification la plus importantefût le changement de type de réducteur et le nou-veau dessin du carter qui devait faciliter le mon-tage et le démontage de ce réducteur . Commedans le paragraphe précédent , nous ne nousbornerons qu’à détailler les modifications relati-ves au moteur-canon proprement dit.

Le carter

Toujours en aluminium fondu, ce carter estdivisé en trois parties plus un couvercle de butéede vilebrequin. Comme on peut le constater sur ledessin ci-dessous, la disposition des différentesparties constituantes est modifiée par rapport àcelle du moteur type 38 ; pour des facilités demontage, les concepteurs ont préféré se tournervers la solution à trois étages superposés :

- le carter inférieur- le carter supérieur- le chapeau

Un couvercle venant coiffer la butée de vile-brequin.

Moteur Hispano-Suiza type 44, carter.

Sur ce dessin, on voit nettement que la partieinférieure, bien que l’avant en soit changé, com-porte toutes les modifications apportées à la 2ème

version du moteur type 38 (circuit de graissage

débouchant sur la face arrière, orifice du clapetde décharge sur le coté gauche). De même sur lecarter supérieur, on y retrouve les modificationscorrespondantes y compris l’allongement dusupport du canon. Enfin le chapeau, qui vientcoiffer l’arbre d’hélice contenant le fut du canon,sert également de point de fixation du freinamortisseur.

Moteur Hispano-Suiza type 44, schéma en coupe.

Le réducteur

Si certains documents font état d’un réduc-teur 35 x 59 dents, nous n’avons pu retrouver au-cun schéma ou plan donnant un tel taux de ré-duction. Le seul taux, et qui correspond aux mo-teurs conservés, est de 36 x 48 dents. Par contrele montage de la « roue de réduction » de 48dents fait l’objet de 2 schémas : l’un montrant unengrenage solidaire de l’arbre de l’hélice, tandisque l’autre est constitué d’une couronne dentéeboulonnée sur une âme solidaire de l’arbre ; c’estcette dernière solution qui fût retenue pour la fa-brication de série.

Moteur Hispano-Suiza type 44, schéma du réducteur.

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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Sur le schéma ci-dessus qui représente lemontage retenu pour la série, plusieurs pointsparticuliers retiennent l’attention :

1. sur le vilebrequin : le « pignon de réduc-tion » comporte 36 dents et réalisé en acierN2+, est toujours entraîné par clavette ; parcontre les roulements des paliers avant et ar-rière sont des roulements à rouleaux bloquésde façon identique aux autres moteurs His-pano-Suiza.

2. sur l’arbre d’hélice : le montage est totale-ment différent de celui du type 38. L’arbred’hélice, creux pour laisser passer le canon,est en acier CN5 ; il comporte une flasqueinterne sur laquelle vient se boulonner unecouronne dentée de 48 dents inclinées de 6°par rapport à l’axe longitudinal du moteur,en acier 819. Sur les deux faces de cette flas-que, viennent s’appuyer deux butées à billesbloquées par deux coussinets en bronze an-tifriction montées directement dans le carteret immobilisées par 2 vis noyées.

L’adoption de ces modifications apporta uneréelle amélioration par rapport au moteur précé-dent du fait essentiel d’une meilleure rigidité dela partie avant du vilebrequin et de l’arbred’hélice.

Le circuit de graissage

La consommation d’huile, du fait de la pré-sence du réducteur et du canon, étant assez éle-vée (de 6.3 à 6.8 kg/h), le circuit de graissagecomporte obligatoirement un réservoir extérieur,la capacité interne du carter, plus petite que celledes moteurs à réducteur type 35, ne pouvant as-surer ce débit.

La conception globale est comparable à celledes autres moteurs Hispano-Suiza V8 : elle com-porte une pompe à deux étages, l’un de ces étages

assurant la circulation de l’huile dans le moteur,correspondant à l’aspiration, tandis que l’autreassure le retour vers le réservoir extérieurcorrespondant au refoulement. De plus un clapetde décharge, en cas de surpression en sortie depompe d’aspiration, est monté au droit du filtre.

La pompe « d’aspiration » débite un fluidesous une pression d’environ 5 kg/cm², qu’elleenvoie à travers le filtre à huile dans le tube col-lecteur qui le distribue vers tous les coussinets depaliers du vilebrequin, puis vers les coussinets del’arbre de l’hélice ; en bout du tube collecteur,deux canalisations extérieures envoient l’huilesous pression vers les deux arbres à cames.

Le retour d’huile se fait par gravité dans lefond du carter, dans lequel la pompe de« refoulement » vient aspirer pour la renvoyervers le radiateur/réservoir extérieur. Le schémade principe d’un tel circuit est donné ci-après.

Reniflard d’huile

Clapet de décharge

Sortie d’huilevers le réservoir

Pompe à eau

Arrivée d’huile duréservoir

Sorties d’eau vers lesculasses

Arrivée d’eau duradiateur

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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La carburation

Du fait des ennuis rencontrés sur le moteur38 avec le carburateur à corps horizontal Zénith55 DH, le choix du carburateur à corps verticals’imposa d’emblée. Celui utilisé pour ce moteurest donc le Zénith 55 DC ou 55 DCJ réchauffablepar circulation d’eau ; cette possibilité de ré-chauffage du mélange carburé ne fut pas à prioriutilisée, le concepteur préférant le réchauffageclassique dans la culotte d’admission, toujourspar circulation d’eau en provenance du systèmede refroidissement des culasses.

Pompe à air Zénith 55 DC Pipes d’admission

Raccord de sortie d’eau Canon Arrivée d’essencedes culasses

L’allumage

Comme pour les autres moteurs Hispano-Suiza V8, l’allumage est effectué par deux ma-gnétos à haute tension et étincelles directesmontées transversalement à l’arrière du moteur ;elles sont entraînées par le vilebrequin à traversun jeu d’engrenages et de liaisons souples à lavitesse de ce dernier. Chacune de ces magnétosalimente l’une des deux bougies de chaque cylin-dre, assurant un allumage correct du mélangeair/carburant même en cas de perte de l’une

d’elles. Toutes les bougies coté admission sontalimentées par la magnéto de droite, tandis quecelles du coté échappement sont alimentées parla magnéto de gauche.

Les magnétos du moteur Hispano-Suiza type 44.

Entraînement des magnétos Axe du vilebrequin

Détails de l’entraînement des magnétos.

Culotte d’admission Prise d’air du carburateur

Arrivée eau de réchauffage Sortie eau de réchauffage

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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La mitrailleuse

Comme nous le verrons plus loin en détaillantle fonctionnement du canon, nous constateronsque son fonctionnement n’était pas des plus ai-sés : cadence de tir lente, fumées, douilles en-combrantes ; aussi, dans un but louable d’assurerune certaine « sécurité » au pilote, il fut jugépréférable d’adjoindre à ce puissant - mais peumaniable - armement une mitrailleuse Vickers de7,5 mm classique, tirant à travers le disque del’hélice. Le système de synchronisation de cettemitrailleuse fut celui breveté par Marc Birkigt etmonté sur les SPAD VII entre autres.

Sans rentrer dans les détails, nous pouvonsrappeler ci-après le principe de fonctionnementde ce système (schéma ci-dessous et dessin ci-contre) :

- Quand le pilote agit sur sa commande de tir,le levier de commande de l’axe A vient en posi-tion 1 au contact du poussoir B ; le moteur tour-nant, à un moment donné l’ergot de la came dupoussoir C vient en contact avec celui-ci et lepousse en position 2, ce faisant il fait tournerl’axe de commande d’environ 8°. A l’autre extré-mité de l’axe de commande ce mouvement esttransmis au levier de commande de mitrailleuseD qui vient pousser la tige commandant le doigtde mitrailleuse E ; si la mitrailleuse est armée àce moment et en position de tir, celui-ci peut sedéclencher. Mais dès que le poussoir B n’est plus

avancé par la came C, c’est à dire quand l’arbre àcames, donc l’hélice, n’est plus dans la bonne po-sition, le levier de commande de mitrailleuse Drecule suite à la rotation en sens inverse de l’axede commande, le doigt de mitrailleuse E reculepar l’action de son ressort de rappel et le tir n’estplus autorisé.

On conçoit sans difficulté que quand le piloterelâche sa commande de tir, le levier de com-mande de l’axe A passe en position 3, et l’actiondu poussoir B est sans effet.

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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Evolution et utilisation

Les essais effectués sur le SPAD XII avec lemoteur type 38 avaient montré son manque depuissance ; aussi, il nous paraît plus que proba-ble, bien qu’aucun document officiel ne puisse leprouver, que dès le départ ou tout au moins fortpeu de temps après, la puissance du moteur type44 ait été portée à 220 HP en faisant passer letaux de compression de 4.7 à 5.3 par le mêmeprocédé que sur le moteur type 35 S, à savoir parallongement des pistons.

Le moteur Hispano-Suiza type 44 n° 9299.

Si, dès juillet 1917, 300 exemplaires de cemoteur furent commandés, il est certain qu’unpetit nombre d’entre eux seulement fut utilisé, lenombre de SPAD XII, puis d’hydravions SPADXIV, livré aux unités resta limité avant la fin deshostilités et réservé à une « élite », leur pilotagedemandant une certaine maestria que ne possé-dait pas la majorité des pilotes de l’époque. Iln’en reste pas moins que cette découverte d’unarmement « lourd » à bord de chasseur, permitaux ingénieurs de penser à ce que seraient lesfuturs avions de combat.

Le moteur Hispano-Suiza type 44 n° 9299.

La mise en route

Sur les SPAD XII aucun système particulierde démarrage du moteur ne fut monté, le lance-ment se faisant de manière habituelle, c’est à direà la main. Par contre sur le SPAD XIV , du fait desa position sur l’eau, cette méthode si efficacesoit-elle ne pouvait être appliquée. Le lanceur àmanivelle avec magnéto de départ incorporée serévélait indispensable à défaut d’autres systèmesplus valables. Le schéma de ce système est donnéci-après .

Moteur Hispano-Suiza type 44 n° 9299.

Le moteur type 43Peu de temps avant la parution des premiers

plans du moteur type 44, Marc Birkigt avait lancéau mois de juin 1917 l’étude d’un nouveau moteurdevant développer 300 Hp dans sa version ini-tiale, le type 42. Ce moteur, toujours du type V8mais à course et alésage modifiés, comportaittoutes les améliorations apportées à ses prédé-cesseurs.

Comme il travaillait également sur le moteur-canon, il pensa dès le départ à envisager d’en ex-trapoler une version « canon » ; c’est ainsi quenaquit le type 43, version « canon » du moteurtype 42.

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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Description

Le moteur type 43 est globalement un moteurcomparable au type 42, mais équipé d’un réduc-teur, permettant le montage d’un canon semi-automatique SAMC de 37 mm, identique à celuimonté sur les types 38 et 44, tirant à traversl’arbre de l’hélice. Le carter, dont une vue encoupe est jointe ci-dessous, montre la dispositiongénérale et en particulier le support du canon ;on y remarque également le choix de la disposi-tion à 3 étages pour les différentes parties.

Moteur type 43 – le carter.

Pour une raison que nous n’avons pu déter-miner, deux types de réducteurs ont été étudiés :l’un avec des engrenages de 30 x 40 dents etl’autre de 26 x 44 dents, tous deux en acier 819.En outre, suivant l’évolution de la métallurgie etpour remédier aux anomalies rencontrées surd’autres moteurs, le pignon de l’arbre d’héliceétait soit taillé d’un seul bloc avec son arbre, soitrapporté comme sur le type 44 .

Au vu des plans examinés, une autre questionreste également en suspens, pourquoi deux typesde vilebrequin furent-ils envisagés : l’un corres-pondant à une course de 140 mm, l’autre à une

course de 150mm ; cette solution de modificationde course fut-elle étudiée pour accroître la puis-sance par augmentation du taux de compressionau lieu du changement de piston ? Aucun docu-ment ne nous permet à l’heure actuelle de le cer-tifier, cependant il y a tout lieu de penser que lesproblèmes apportés par une telle modification,augmentant la vitesse linéaire du piston, ne per-mirent pas de la retenir.

Le graissage prévu était basé sur l’utilisationd’un « carter à sec » , avec réservoir/radiateurextérieur, comme sur les autres moteurs-canon.La pompe à huile à un seul étage assuraitl’aspiration, le refoulement se faisant par gravitépar un tube unique débouchant à l’arrière de lapartie basse du carter.

Le type du carburateur prévu n’a pu être dé-terminé avec certitude, mais il paraît logique quecelui retenu ait été le même que celui du type 42,à savoir le Zénith type 65 DC ou DCJ, avec unemodification des tubulures d’admission compa-rable aux moteurs précédents.

Utilisation

Aucune photo ni aucun document, à part lasoixantaine de plans dont une grande partie dedétails particuliers, n’ont à ce jour été retrouvés,permettant de retracer son histoire. Cependantnous pensons que c’est ce moteur qui était retenupour le SPAD XVIII, qui ne vola jamais, les essaisau banc du moteur envisagé ayant révélé un ni-veau vibratoire tel que son montage sur avionétait impossible.

La fin de la guerre, avec la restriction de cré-dits que cela imposait ainsi que les problèmesqu’il y avait à résoudre aboutirent à l’abandonpure et simple de ce projet, sans doute au débutde 1920.

Le moteur type 45 Ce moteur, le dernier V8-canon étudié par

Hispano-Suiza, ne fut sans doute jamais réalisécomplètement ; peut-être tourna-t-il au banc,mais rien n’est moins sûr et aucun document nevient apporter une certitude à ce sujet. Toujoursest-il que quelques plans ont pu être retrouvés,dont un plan d’ensemble qui est reproduit ci-après.

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Moteur-canon Hispano-Suiza type 45, vues d’ensemble.

On y remarque en particulier la présence d’unnouveau canon ; ce canon était le nouveau canonautomatique de 37 mm en cours de développe-ment aux les Ateliers de Puteaux. Le montaged’un tel canon obligeait le bureau d’étude deBois-Colombes à redessiner un nouveau chapeaudu carter, mais avait l’avantage de baisserl’ensemble culotte d’admission/carburateur, di-minuant ainsi l’encombrement vertical du mo-teur.

La cessation des hostilités et la mise au pointnon terminée entraînèrent sans doute là aussil’arrêt des études, le manque d’intérêt pour denouvelles armes (cette guerre devant être la « derdes der » ! ! !), et les crédits de développementétant affectés à d’autres objectifs à juste titre plusurgents, le moteur type 45 resta dans les cartonsdu bureau d’étude de Hispano-Suiza .

Canon automatique de 37 mm des Ateliers de Puteaux.

Le moteur Hispano-Suiza / Blériot / Triaca

Bien que ce moteur ne soit pas à proprementparlé un moteur-canon, il nous a paru intéressantde le décrire sommairement, car il est une bonneutilisation des matériels de guerre non utilisés.

Propriétaire de la société parisienne SPADdepuis 1914, la Société Blériot Aéronautique avaitrécupéré la majeure partie des moteurs type 44,suite à la non utilisation des SPAD XII et XIV, ilfallait leur trouver une utilisation. Or la demandede moteurs 150/180 hp étant grande, maiscomme le stock des moteurs existants en bon étatn’était pas énorme (la plus part étant des mo-teurs de récupération bien que révisés), un dé-

bouché s’offrait au constructeur, moyennantquelques modifications. Aussi l’ingénieur AlbertC. Triaca, qui fut un temps Directeur Techniquede la filiale italienne de Blériot-Aéronautique laSIT (Societa Italiana Transaera) avant que celle-ci ne soit dissoute en septembre 1916, dessina-t-il, en le faisant breveter, un dispositif qui avaitpour but de déposer le canon en supprimant leréducteur.

Il est à peu près certain qu’un terraind’entente fût trouvé rapidement entre cette firmeet Hispano-Suiza, ces deux firmes étant très liées,car les plans d’un moteur type 35 modifié selon lemême principe et le Triaca datent de la mêmeépoque.

Description

Le but essentiel étant de supprimer le ré-ducteur avec son canon incorporé, la définitiondu principe est exprimée dans le brevet n°579.310 dont le résumé est donné ci-après.

Les modifications nécessaires à une telle ré-alisation sont minimes et n’apportent qu’uneaugmentation de poids par rapport au moteur150/180 HP d’environ 15 kg.

La société Blériot Aéronautique, pour officia-liser sa transformation, eut la sagesse de deman-der l’homologation de ce moteur en le soumet-tant aux essais officiels de 50 heures, qui ontmême été prolongés à 100 heures, en acceptant lecontrôle du Bureau Véritas pour chacun d’entreeux.

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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Quant à savoir le nombre de moteurs ainsitransformés et le nombre utilisé, aucun docu-ment n’a pu être retrouvé pour donner un chiffreexact ; on peut cependant imaginer que le faitd’avoir un moteur neuf, ou peu s’en faut, avectous les derniers perfectionnements, pour un prixinférieur, a dû tenter bon nombre d’utilisateurs.

Le moteur V8 Hispano-Suiza – Wright-Martinmodel « K »

Il est impossible de terminer une étude desdifférents moteurs-canon V8 de Hispano-Suizasans citer ce moteur brièvement essayé en 1920.

Hispano-Suiza – Wright-Martin model « K »

Le Wright-Martin model « K » a été élaboré àpartir du model « H » 300 HP du même cons-tructeur et équipé d’un réducteur 9/13 dontl’arbre de sortie creux permettait le passage d’uncanon automatique Baldwin de 37 mm.

Les essais au sol se déroulèrent courant 1920,au terrain de McCook Field, Dayton, Ohio, maisdevant les anomalies rencontrées (niveau vibra-toire élevé amenant des criques sur le carter), etl’absence de demande de la part des services offi-ciels, le projet fut abandonné sans avoir été testéen vol.

Le canon de 37 mmSAMC

Ayant fait le tour de ces différents moteurs-canon Hispano-Suiza, voyons de plus près« l’objet du délit ». Le modèle utilisé sur ces mo-teurs est le SAMC semi-automatique de 37 mm,dérivé du modèle d’infanterie, fabriqué par lesAteliers de Puteaux. Il nécessite d’être rechargéentre chaque tir. Son recul est amorti par unfrein/amortisseur modifié pour son adaptationaérienne par rapport à son modèle d’origine.

Sa fixation sur le carter du moteur se fait aumoyen d’un montage spécial dont le dessin estdonné ci-après.

Brevet d’invention

N°579.310

Demandé le 13.06.1923 – Délivré le 29.07.1924 Résumé :

L’invention consiste en un dispositif pour la transformation des an-ciens moteurs à explosions munis d’un arbre auxiliaire recevant son mou-vement de l’arbre vilebrequin par l’intermédiaire d’engrenages réducteurs ,ce dispositif comportant les parties suivantes en combinaison :

1° - Un manchon à plateau monté, claveté et serré par unécrou sur l’extrémité de l’arbre vilebrequin. 2°- Un cône évidé monté à force sur une portée cylindriqueprésentée par le manchon, ce cône constituant un arbrerapporté étant maintenu sur le manchon par des boulonstraversant un plateau qu’il comporte et le plateau du man-chon. 3° - Un roulement à billes formant butée transporté autourde l’arbre rapporté et monté dans la partie antérieure ducarter pour diminuer le porte-à-faux de cet arbre . Albert Triaca Par procuration L.Chassevent

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Frein amortisseur avec embout avant modifié.

Canon SAMC de 37 mm modifié pour montage sur les mo-teurs Hispano-Suiza types 38 et 44.

Le canon utilisé sur les moteurs type 38 et 44est identique ; il est dérivé du canon SAMC de 37mm utilisé par l’Infanterie. Les modifications ap-portées consistent en un raccourcissement de lalongueur du fut du canon et un changement dudispositif de mise à feu ; il est monocoup et doitêtre rechargé entre chaque tir, mais l’éjection dela cartouche utilisée est automatique après cha-cun d’entre eux, ce qui explique qu’il est appelé« semi-automatique ».

L’objet de ce dossier n’étant pas un courd’armement, nous en resterons là sur cette des-cription du fonctionnement, toutefois, il est im-portant de signaler le fait du rechargement n’étaitpas aisé et que la fumée dégagée lors de l’éjectionétait importante et pouvait atteindre les yeux dupilote. Le maniement d’une telle arme était for-cément réservé à une « élite » ; G.Guynemer lui-même décrit dans une de ses lettres la manièrede recharger ce canon au cours d’un renverse-ment afin d’évacuer la fumée ! ! !

Marteau de percussion Percuteur

Verrouillage de la fermeture de culasse

Attache du frein amortisseur Marteau de percussion

Fermeture de culasse Commande du marteau

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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Fabrication et réalisa-tion série

Curieusement, après ce qui vient d’être écritsur le fonctionnement du moteur type 38, lesdeux types de moteurs furent réalisés en série.Cette « anomalie » peut sans doute s’expliquerpar le fait que la fabrication du SPAD XII étaitlancée, de même que l’approvisionnement descomposants du premier type, et il a paru plussage, vu l’impérative demande, d’en fabriquer uncertain nombre avec ce qui était disponible, puisde passer ensuite au second type. Le passage d’untype de moteur à l’autre étant aisé, il sera effectuéau cours d’un changement moteur sur les avions,ce qui arrivait assez souvent vu les conditionsd’utilisation (potentiel moteur : cinquante heu-res, moins d’une semaine parfois) et d’entretienassez précaires dans les zones de combat.

Culasse ouverte prête au chargement à gauche, et ferméeprête au tir à droite.

Plusieurs marchés ou avenants de marchésfurent passé entre l’Etat et Hispano-Suiza pour laconstruction de ces moteurs :

? avenant n° 3007 au marché n°41 du10.11.1917 (commande de 600 moteurs de200 hp) pour 100 moteurs-canon supplé-mentaires – 1ère livraison de 30 moteurs enmars 1918,

? marché n°3518 du 16.10.1918 pour 600 mo-teurs canon de 220 hp transformé en marchéouvert (avenant 391/B sans date) au prixunitaire de 19 600 fr.

Il est probable que les types 38 ont été fabri-qués directement par l’usine Hispano-Suiza deBois-Colombes ; ces moteurs ont reçu des numé-ros supérieurs à 9500 et sur la centaine com-mandée une quarantaine ont pu être identifiés.

Pour les types 44, la société italienne« ITALA » ayant demandé de fabriquer sous li-cence le type 42, un accord fut probablementtrouvé pour que la licence comprenne égalementune clause relative au type 44, puisque , commele montre la photo ci-dessous extraite d’un ma-nuel d’entretien on peut y voir une chaîne de fa-brication de ce moteur dans les ateliers de Turin.

Ces moteurs reçurent un numéro de série ita-lien, mais lors de leur livraison un numéro supé-rieur à 9010 leur fût affecté, les numéros comprisentre 9001 et 9009 étant réservés aux prototypesdes moteurs-canon.

Pour confirmer ce qui a été dit dans la partietechnique, le moteur type 44 fabriqué en Italiepouvait être soit de 200 hp soit de 220 hp, lesdeux références de pistons données dans le cata-logue de pièces détachées correspondent à cesdeux puissances.

Il est à peu près certain qu’un grand nombrede moteurs commandés ont été réalisés, sansdoute pas tous, mais qu’ils n’ont pas tous été for-cément utilisés ; parmi les moteurs existants en-core à ce jour , le n°9374 est conservé àl’Imperial War Museum de Duxford (G .B.),correspondant au numéro le plus élevé attesté detype 44. Ce sont des moteurs de ce type qui fu-rent transformés selon le procédé Triaca.

Moteurs – canon pré-servés

Rares sont les moteurs-canon Hispano-SuizaV8 qui existent encore de nos jours. Toutefoisquelques uns sont encore visibles :

? un type 44 (n°9047 – canon n°85) au muséede l’Air au Bourget en France complet avec lefrein – amortisseur en coupe,

? un type 44 (n°9299 – canon n°239) récupérépar une association française d’amateurs demoteurs Hispano-Suiza ; ce moteur dont lesphotos ont servi à illustrer le chapitre consa-cré au moteur type 44 a été restauré com-plètement, y compris le canon, de manièreabsolument remarquable ; il est conservé parcette association en France à Treignac (Cor-rèze),

? deux type 44 (n° italien 4463 et 4493 –sans canon) exposé au Musée Polytechniquede Turin (Italie) ; on peut voir la photo dupremier dans le site Internet de ce musée.

? un type 38 (n°9538 – canon n°13) dont lecarter avant est partiellement découpé pourmontrer le réducteur est conservé au Muséede l’Air du Bourget dans ses réserves ; soncanon a été déposé et est exposé à coté dutype 44 dans la Grande Galerie.

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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? un type 38 ( n°9529 – canon n°24) particu-lier est conservé au Musée de l’Air Force(USAFM) de Dayton dans l’Ohio aux Etats-Unis ; ce moteur, récemment identifié, pré-sente quelques particularités intéressantes :- les magnétos sont toutes deux des Dixie,- le carburateur et les conduites

d’admission sont d’un type complète-ment différents diminuant considéra-blement l’encombrement vertical dumoteur. Ce carburateur est un Zénithtype 55 DH à diffuseur horizontal nonréchauffé ; selon les notices techniquesZénith il semble que ces carburateurshorizontaux ne sont apparus sur le mar-ché que vers les années 1925/1926 dansle but de libérer le centre des moteursen V et y facilitant le montage de mi-trailleuses.

La raison de cette modification est à l’heureactuelle inconnue ni par qui elle a été réalisée. Onpeut cependant penser qu’elle fut réalisée par lasociété Wright-Martin, concessionnaire de la li-cence de fabrication des moteurs Hispano-Suizaaux Etats Unis, et suite à l’échec du moteur typeK dont nous avons parlé, dans le but de rehausserla position du moteur, ce qui aurait sans douteamélioré entre autres les qualités de vol du SPADXII notoirement mauvaises ou permis son mon-tage sur un SPAD XIII ou tout autre avion deconception locale. Aucun document à l’heure ac-tuelle ne permet de valider l’une ou l’autre de ceshypothèses. Un plan 4 vues de ce moteur est jointen annexe d’après les relevés exécutés sur placepar M.A. Toelle.

? un type 44 (n°9374 – canon n°112) conservéà l’Imperial War Museum de Duxford enGrande Bretagne,

? un type 38 (n°9003 – canon n°42 ou 70)conservé au National Air and Space Mu-seum de Washington aux Etats-Unis.

Moteur Hispano-Suiza type 38 modifié conservé auNational Museum of the U.S. Air Force de Dayton (Ohio)aux Etats-Unis.

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Le moteur-canon V8 Hispano-Suiza

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Tableau récapitulatif des moteurs-canon V8 Hispano-Suiza

Type Réf.STAé

W hp

Nm T/m

Nh T/m

Ré-duct.

SensRotat.

Alé-sage mm

Course mm

Taux Comp.

Carbu Poids Kg

Conso.es-sence

gr/hp/h

Conso.

Huile

gr/hp/h

Observations

36 / 200 2000 2000 35x59 A H 120 130 4.7 Zénith 55 DC

? ? ? 1 ex avec mi-trailleuse Le-wis dans l’axe

38 HS8BeC

200 2000 1186 35x59 A H 120 130 4.7 Zénith 58 DC

235 263 32 1ère version dumoteur-canon

38 / 200 120 130 4.7 Zénith55 DH

Exposé àl’USAFM deDayton(Ohio)

43 HS8 F ?

300 2000 1500 26x44 A H 140 140 5.3 Zénith65DCJ

>275 240 >15 Etude à partirdu type 42(300hp) aveccanon SAMCde 37mm

44 HS8 C

200ou

220

2000 1500 36x48 A H 120 130 5.3 Zénith55DCJ

240 293 30 Premiersexemplairespeut-être à200hp ver-sion série

45 HS8 Fc

300 2000 1500 30x40 A H 140 150 5.5 Zénith 65DCJ

>275 240 >15 Evolution dutype 43 avecun nouveaucanon de 37mm

TRIACA / 220 sans H 120 130 5.3 Zénith 58 DC

? ? ? Récupérationcivile desmoteurs type44 non utili-sés. Suppres-sion réduc-teur.

Vue face à l’hélice (AH signifie contraire au sens des aiguilles de la montre).

N° moteur N° canon N° moteur N° canon N° moteur N° canon 9504 1 9525 13 9533 28 9507 2 9519 15 9534 30 9509 3 9524 16 9537 31 9506 4 9521 17 9540 33 9505 5 9515 18 9516 34 9514 7 9508 22 9518 35 9510 8 9526 23 9532 36 9512 9 9529 24 9006 38 9511 10 9531 25 9539 39 9517 11 9528 26 9003 42 9523 12 9530 27 9008 60

Tableau établi d’après une note du G.Q.G. des Armées françaises du 24 juillet 1918, demandant aux unités possédant desmoteurs-canon pour transformer les canons dont le numéro est mentionné de changer les tubes rayés en tubes lisses, cestubes étant interchangeables à partir du n°107.