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Le renouvellement du curriculum : expériences américaine, suisse et québécoise TROISIÈME PARTIE : Améliorer le curriculum et l’apprentissage : innovations américaines et choix québécois Réginald Grégoire inc. Études réalisées dans le cadre des avis du Conseil supérieur de l’éducation sur le curriculum Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école (septembre 1998) et Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques (janvier 1999) Publication : janvier 1999

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Le renouvellement du curriculum :expériences américaine,

suisse et québécoise

TROISIÈME PARTIE : Améliorer le curriculum et l’apprentissage :innovations américaines et choix québécoisRéginald Grégoire inc.

Études réalisées dans le cadre des avis du Conseil supérieur de l’éducation sur le curriculumPour un renouvellement prometteur des programmes à l’école (septembre 1998) et

Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques (janvier 1999)

Publication : janvier 1999

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Table des matières

Présentation.................................................... 77CHAPITRE 1

Un courant de pensée majeurIntroduction.................................................... 791. Quatre approches dominantes................. 80

1.1 L’enseignement programmé .....................801.2 L’éducation centrée sur la

compétence ............................................811.3 La pédagogie de la maîtrise ....................831.4 L’éducation centrée sur la

maîtrise des apprentissages .....................85

2. Une vision renouvelée del’évaluation de l’apprentissage................. 85

3. Une éducation centrée sur lamaîtrise des apprentissages...................... 87

3.1 Un premier aperçu ................................873.2 Les principales caractéristiques ...............88

3.2.1 Le paradigme.....................................883.2.2 Les buts .............................................883.2.3 Les prémisses.....................................883.2.4 Les principes opérationnels ...............893.2.5 Les domaines d’intervention

ou fonctions.......................................903.3 Clarifications et précisions

complémentaires ....................................903.3.1 L’idée de base ....................................903.3.2 Qu’est-ce qu’un apprentissage

« significatif » ?..................................903.3.3 Le curriculum ....................................913.3.4 La complexité des apprentissages

souhaités............................................91

CHAPITRE I1Au Québec, quels choix ?

Introduction.................................................... 931. La clarté du propos .................................. 93

1.1 « De base »...........................................941.2 « Compétences » ....................................981.3 Au-delà des mots ...................................99

2. Le cadre général de référence................. 1002.1 De quoi s’agit-il ? ...............................1002.2 En quoi consiste-t-il ? ..........................1002.3 Quelques interrogations........................101

3. Le genre de curriculum .......................... 1023.1 Rappels ..............................................1023.2 Convergences et interrogations...............103

4. Les ressources et les stratégiespédagogiques .......................................... 105

CONCLUSIONDes pistes à explorer

....................................................................... 107Références ......................................................109

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TROISIÈME PARTIE

Améliorer le curriculum et l’apprentissage :innovations américaines et choix québécois

Réginald Grégoire inc.

Présentation

u cours des cinquante dernières années, l'al-longement des études pour une proportion

sans cesse plus forte des jeunes, la croissance etla réorganisation du savoir et les résultats desrecherches sur la cognition, sans compter demultiples transformations sociales et les nou-veaux besoins qu'elles ont engendrés, ont provo-qué des changements notables dans l'idée quel'on se fait d'un curriculum approprié pour l'en-seignement primaire et, plus encore, pour l'ensei-gnement secondaire. Dans ce domaine, les re-cherches et les expériences américaines, qui ontété très nombreuses et souvent de grande enver-gure, ont, de façon quasi continue, soulevé unintérêt international.

À travers les propositions, les plans, les réalisa-tions et les évaluations qui ont influencé le dis-cours et l'action concrète en regard d'un curricu-lum renouvelé dans ce pays, un courant de pen-sée s'est imposé plus particulièrement à l'atten-tion. Depuis les années 1950, deux préoccupa-tions surtout ont animé ce courant de pensée : lapremière concerne la qualité du curriculum enlui-même et la seconde l’assimilation et lamaîtrise de son contenu par les élèves. Cettedouble préoccupation, plutôt d'ordre politique etméthodologique dans le premier cas et pédagogi-que dans le second, a donné naissance, dans lemonde scolaire, à quatre approches dominantes.Si l'on fait abstraction de la litanie de leurs ap-pellations et de leurs nombreux filons, ces appro-ches sont l'enseignement programmé (Program-med Instruction), l'éducation centrée sur la compé-tence (Competency-Based Education), la pédagogiede la maîtrise (Mastery Learning) et l'éducationcentrée sur le résultat souhaité (Outcome-BasedEducation). Ce courant de pensée a été, à l'ori-gine, fortement marqué par le behaviorisme,mais il faut souligner que, avec le temps, d'autresperspectives, empruntées à une longue traditionhumaniste ou à la sociologie, sont venues s'en-tremêler aux orientations behavioristes. Ces

perspectives ont d'ailleurs conduit, elles aussi, audéveloppement de préoccupations particulièreset d'approches concrètes distinctes. Il n'appar-tient pas à la présente étude de traiter de ce der-nier fait, mais, en prenant connaissance des pa-ges suivantes, on n'oubliera pas, pour autant, sonexistence.

Le premier objectif de cette étude consiste àprésenter les caractéristiques de l'approche cen-trée sur le résultat ou, plus précisément, l'appren-tissage souhaité, tout en la situant par rapportaux autres approches majeures issues du mêmecourant général de pensée. C'est ce à quoi s'ap-plique le premier chapitre de cette étude. Étantdonné le lien intime qui unit curriculum et éva-luation des apprentissages et la contribution queles approches nommées ci-dessus ont apportéeau renouvellement de cette évaluation, une sec-tion de ce chapitre est aussi consacrée à ce point.

Cette étude poursuit un second objectif, qui estlui-même double : elle doit dégager, d'une part,ce qui, dans les orientations de l'énoncé de poli-tique éducative intitulé L'école, tout un programmesemble convergent avec le courant de pensée déjàmentionné ou s'en éloigne et, de l'autre, ce quece courant, ou, plus spécifiquement, la quatrièmeapproche de ce courant, pourrait éventuellementapporter à la rénovation du curriculum québé-cois. Tel est donc l'objet du deuxième chapitre.Quatre aspects sont abordés : la clarté du propos,le cadre général de référence, le genre de curri-culum et les ressources et les stratégies pédagogi-ques. Une brève conclusion fait le pont entre uneéducation centrée sur l'apprentissage souhaité etdes pistes à explorer afin d'améliorer, au Québec,le curriculum du système scolaire et l'apprentis-sage des élèves.

Ce rapport a été rédigé immédiatement aprèsune autre étude, entamée en même temps quecelle-ci et ayant comme thème le renouvellementdu système scolaire de l'Oregon (voir ci-dessus,première partie). Cette coïncidence temporelle apermis d'effectuer d'intéressants rapprochements

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et de constater, par exemple, que l'Oregon avaitété un État pionnier aussi bien dans la voie d'uneéducation centrée sur la compétence dans lesannées 1970 que dans celle d'une éducation cen-trée sur l'apprentissage souhaité au début desannées 1990. C'est ce qui explique pourquoi, àquelques reprises, ce rapport utilise ce qui a étéaccompli ou est en chantier en Oregon pour il-lustrer de possibles orientations que les limitesde cette étude ne permettaient pas de développerou y renvoie simplement le lecteur ou la lec-trice1.

Dans cette étude, comme d'ailleurs dans celle surle système scolaire de l'Oregon, la quasi-totalitéde la documentation consultée est rédigée enanglais. Malgré tous les efforts faits pour traduiredans un français correct le sens plein dont letexte anglais est porteur, il reste qu'il est à peuprès impossible de donner à certains concepts oupassages toute la portée qu'ils possèdent dans letexte original. Tel est le cas, par exemple, pourun concept comme Outcome-Based Education. Àpremière vue, on se trouve en présence d'unecombinaison de termes courants dont la signifi-cation est obvie. En réalité, dans les milieux édu-catifs américains actuels, cette expression nesignifie pas seulement «une éducation basée surun résultat» ou, même, «une éducation qui prendcomme base le résultat à atteindre». Si on lasitue dans son contexte historique et sociologi-que, elle connote plutôt l'idée d'un système sco-laire profondément réformé, qui rend possible,pour tous les élèves, une éducation centrée sur lamaîtrise des apprentissages prévus. C'est d'ailleursune telle traduction qui, dans un effort pour serapprocher du sens réel de l'expression originale,sera, de préférence, utilisée dans la suite dutexte.

1 En ce qui concerne la féminisation des titres et des

fonctions et les accords conséquents, les règles appli-quées dans ce rapport se caractérisent par une préoccu-pation d'exactitude et de justice pour toutes les person-nes concernées, mais aussi de souplesse, de façon à évi-ter tout alourdissement non indispensable du texte.Compte tenu de ces orientations, les noms de titres oude fonctions n'ont été répétés au féminin qu'en certainsendroits jugés plus déterminants (au début d'un chapitreou d'une section, par exemple, ou pour éviter toute am-biguïté dans un passage en particulier) et les règles habi-tuelles d'accord ont été maintenues.

Compte tenu du cadre fixé à cette étude, il afallu, dans le premier chapitre, beaucoupcondenser et simplifier. En manière de compen-sation, nous avons cependant retenu un nombrerelativement élevé de références, dont plusieursqui en signalent quantité d'autres ou qui condui-sent à des volumes ou à des numéros thémati-ques de revues où se trouvent réunis d'autrestextes sur le même sujet. Cette façon de procédernous a paru cohérente avec la démarche de re-cherche qui sous-tend la présente étude et est àl'origine de sa commande.

Cette étude a été réalisée pour le Conseilsupérieur de l'éducation par la firme RéginaldGrégoire inc. Les principaux artisans en ont étéRéginald Grégoire et Marielle Demers.

R. G.

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CHAPITRE 1Un courant de pensée majeur

Introduction

elon l'illustre chercheur et éducateur que futRalph W. Tyler (1902-1994), l'un des cinqévénements les plus significatifs qui se soientproduits au 20e siècle, aux États-Unis, dans le

domaine du curriculum, est la publication, en1927, du 26e volume annuel de la National Socie-ty for the Study of Education sur le passé, le présentet les fondements du curriculum (voir Tyler,1986-1987, p. 37). Un peu plus de vingt ansplus tard, Ralph W. Tyler a lui-même publié unpetit volume sur les principes de base du curri-culum et de l'enseignement qui, jusqu'à aujour-d'hui, n'a pas cessé d'influencer la réflexion etl'action portant sur le curriculum de l'école pri-maire et secondaire (voir Tyler, 1949). Au mo-ment de son décès, un entrefilet paru dans l'heb-domadaire Education Week considère même quece volume «a posé les fondements» de ce que l'onconnaît maintenant sous l'appellation de Outco-mes-Based Education (Education Week, 1994. Voiraussi, dans le même sens, King and Evans, 1991,p. 73).

Dans l'introduction de son volume, Tyler pose«quatre questions fondamentales auxquelles ondoit répondre lorsqu'on élabore un curriculum ouque l'on planifie un enseignement» (Tyler, 1949,p. 1). Ces questions sont les suivantes :

• Quels sont les buts éducatifs que l'école doitchercher à atteindre?

• À travers quelles expériences éducatives lesbuts visés par l'école pourront-ils, le plus pro-bablement, être atteints?

• Comment ces expériences éducatives peuvent-elles être efficacement structurées?

• De quelle manière déterminera-t-on que lesbuts visés ont été atteints?

Lorsque, en 1998, on reprend ces questions à lalumière de ce qui s'est effectivement produit

depuis près de cinquante ans dans le domaine ducurriculum, on constate que, compte tenu de laperspective globale de la présente étude, ellespeuvent se ramener aux deux suivantes : quefaut-il enseigner? Comment faut-il l'enseigner?Même l'évaluation des apprentissages, qui faitl'objet de la quatrième question de Tyler, estaujourd'hui couramment considérée comme unecomposante du «comment enseigner».

Ces deux questions ne sont pas les seules donton a débattu depuis la fin de la DeuxièmeGuerre mondiale, mais elles ont donné naissanceà une double préoccupation qui a pris tant deplace et suscité un si grand nombre de projets etd'initiatives que l'on peut l'assimiler à un courantde pensée. La première de ces préoccupationsconcerne l'orientation du curriculum lui-même etla seconde, l'assimilation ou la maîtrise de soncontenu par les élèves. La première préoccupa-tion se présente comme une réaction à des analy-ses décrivant le flou des objectifs des program-mes d'études antérieurs, la sélection plus oumoins arbitraire de leurs contenus, l'assemblagediscutable de ces contenus à l'intérieur de chaquematière d'enseignement, le cloisonnement entreces matières elles-mêmes, le hiatus entre lescontenus de l'enseignement et les modes d'éva-luation, et diverses autres lacunes. Par contre, ceque l'on cherche à instaurer, c'est un ensemble deprogrammes d'études ou, selon les cas, un «curri-culum» élaboré à partir de normes et de critèresprécis et qui, par voie de conséquence, soit da-vantage informé par les acquis de la science, pluspertinent, mieux structuré, plus cohérent, pluséquilibré et d'une grande clarté sur ce que l'onveut que les élèves apprennent. Cette préoccupa-tion est à la fois méthodologique et politique;selon les lieux et les circonstances, elle est plutôtl'une ou plutôt l'autre.

La préoccupation relative à la maîtrise descontenus tire aussi une part de sa justification desituations jugées problématiques : temps d'ap-prentissage réparti de manière uniforme et rigide,méthodes et ressources pédagogiques peu variées,activités d'apprentissage de peu d'intérêt, critères

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d'évaluation vagues et différents selon les ensei-gnants en cause, examens mal harmonisés avecles contenus effectivement enseignés, etc.2. Tou-tefois, ce qui, plus positivement, fonde cettepréoccupation, c'est la volonté de s'assurer quetous les élèves maîtrisent vraiment au moins lescontenus considérés comme essentiels et que desmoyens appropriés et sûrs sont utilisés pourévaluer cette maîtrise. Plus concrètement, cettepréoccupation prend forme à travers la recherchede moyens et de stratégies d'enseignement quioptimisent, selon les cas, la rétention, l'appro-fondissement, la capacité d'application ou tel outel autre aspect d'un processus d'apprentissageefficace. Cette seconde préoccupation est essen-tiellement pédagogique; l'acception du terme«pédagogie» est cependant relativement large iciet inclut tous les moyens utilisés pour susciter,soutenir et évaluer l'apprentissage des élèves.

La suite de ce chapitre comprend trois sections.Une première section propose un aperçu de qua-tre approches à travers lesquelles s'est principa-lement concrétisé le courant de pensée déjà dé-crit. L'une des retombées de ces approches étantune vision renouvelée de l'évaluation des appren-tissages, il a paru nécessaire de consacrer à cethème une brève section distincte. Enfin, la troi-sième section s'étend plus longuement sur l'ap-proche qui fait plus spécifiquement l'objet decette étude, soit celle d'une éducation centrée surle résultat souhaité (Outcome-Based Education) ou,plus justement, tel que déjà signalé, celle d'uneéducation centrée sur la maîtrise des apprentis-sages prévus.

1. Quatre approches dominantes

La préoccupation d'un curriculum construit selondes règles plus exigeantes que dans le passé etcelle, complémentaire, d'un apprentissage mieuxmaîtrisé par les élèves, ont provoqué conjointe-ment l'émergence de quatre approches principa-

2 Pour une analyse plus précise, publiée à l'époque à

laquelle nous nous référons ici par l'un des principauxinitiateurs de l'enseignement programmé, voir Skinner,1954, p. 90-92. Pour une version française de cetteanalyse, voir Skinner, 1968, p. 21-27. Voir aussi, dansle même volume, le chapitre V : « D'où vient l'échec del'enseignement? »

les. Ce sont l'enseignement programmé (Pro-grammed Instruction), l'éducation centrée sur lacompétence (Competency-Based Education), la pé-dagogie de la maîtrise (Mastery Learning) et l'édu-cation centrée sur le résultat souhaité (Outcome-Based Education). Chacune de ces approches a, àun moment ou l'autre, occupé le devant de lascène dans le monde américain de l'éducation etrejoint une forte proportion de l'opinion publi-que. Ces approches ont également empruntéplusieurs formes et, sous diverses appellations,développé maints filons ayant des traits plus oumoins semblables à ceux de leur approche mèreet, souvent, à ceux d'autres courants de pensée, ycompris des courants de pensée d'inspirationautre que behavioriste.

Ces approches sont bien connues. Le rappel quisuit sur les trois premières d'entre elles vise seu-lement à faciliter une meilleure compréhensionde la plus récente et à dégager avec plus de clartéla continuité qui la relie aux approches précéden-tes et les bifurcations qui la conduisent à s'endistinguer.

1.1 L'enseignement programmé

L'idée d'un enseignement «programmé» s'est peuà peu imposée à l'attention au cours de la pre-mière moitié du 20e siècle (voir, par exemple,Noble, 1988, p. 243). C'est toutefois seulementpendant la Deuxième Guerre mondiale que l'on aprocédé à quelques expériences systématiques etd'une certaine ampleur et dans la décennie 1950que l'opérationnalisation de cette idée est deve-nue un événement sociétal. On relie habituelle-ment cette percée, assez soudaine, à l'article chocpublié en 1954 par le psychologue, déjà bienconnu, B.F. Skinner dans la Harvard EducationalReview et aux interventions qu'il a faites la mêmeannée à l'occasion de la présentation de sa fa-meuse «machine à enseigner» (voir McClellan,1964, p. 103-104, Deterline, 1964, p. 117-118,Silverman, 1964, p. 28, Block, 1971a, p. 4, Zais,1976, p. 275 et Noble, 1988, p. 244).

À compter de ce moment, le développement del'enseignement programmé a été extrêmementrapide (comme l'illustrent, par exemple, les

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nombreux textes sur le sujet réunis en 1964 dansles volumes publiés respectivement par de Graziaand Sohn et De Cecco). Sous la forme de livres,de cahiers, de programmes informatiques et d'au-tres types de documents, y compris visuels, utili-sables dans une gamme sans cesse plus étenduede machines, l'enseignement programmé, rebap-tisé automated education, individually prescribedinstruction et de bien d'autres manières encore, afait son entrée dans les écoles.

Essentiellement, l'enseignement programméconsiste à décomposer ce qui doit être appris enunités très restreintes et à aménager ces unités detelle manière que l'élève puisse, dans une trèsforte proportion des cas, effectuer correctementseul l'opération qui lui est suggérée et obtenirainsi un «renforcement» immédiat qui l'incite àcontinuer. Chaque unité étant complémentairede la précédente, on peut imaginer des unités deplus en plus difficiles et, du moins en principe,un apprentissage terminal relativement com-plexe. L'un des principaux atouts de l'enseigne-ment programmé, fortement mis en relief dès sesdébuts, est la possibilité qu'il donne à chaquepersonne d'apprendre à son rythme et, avec uneprogrammation à choix multiples (plutôt quesimplement linéaire), de s'orienter vers des em-branchements où elle trouve, selon ses besoinsou ses désirs, des renseignements qui l'aident àeffectuer une opération qu'elle n'a pu réussir, luifournissent des renseignements complémentairesou lui proposent un approfondissement sur unpoint précis. Les progrès de la technologie, enparticulier de l'ordinateur, et de multiples expé-riences ont démontré que les possibilités d'adap-tation pouvaient être considérables.

En enseignement programmé, les préoccupationspédagogiques sont le plus possible inscrites àl'intérieur même de l'organisation et de la présen-tation de contenus de formation bien déterminéset formulés avec soin. On mise également sur lacapacité qu'a chaque personne d'apprendre et,tout en respectant son rythme d'apprentissage etsans faire appel à quelque punition ou menaceque ce soit, on cherche à accélérer et à améliorerson apprentissage et à s'assurer que ce qui devaitêtre appris l'a bien été. Par ailleurs, compte tenude l'objectif de la présente étude en relation avec

les caractéristiques de l'approche de l'éducationcentrée sur la maîtrise des apprentissages prévus,il convient de mentionner que l'on a souventreproché à l'enseignement programmé de s'entenir à des objectifs d'apprentissage trop limités,de fragmenter les contenus au point d'en trahir lasubstance, de proposer surtout des séries d'exer-cices «mécaniques» (Tanner and Tanner, 1990,p. 319) et ne pas faire suffisamment appel àl'ensemble des capacités de la personne.

1.2 L'éducation centrée sur la compé-tence

En novembre 1972, la revue Educational Technolo-gy présente le numéro spécial qu'elle consacre àla competency-based education comme «le premiereffort pour proposer dans un même documentune étude fouillée sur les aspects majeurs d'uneéducation centrée sur la compétence et les ques-tions qu'elle soulève» (Burns and Klingstedt,1972, p. 9). Dans son ensemble, ce numéro a uncaractère largement exploratoire, autant dans ledomaine de la pensée (voir, par exemple, Kling-stedt) que dans celui de l'action concrète. Laplace qu'y occupent la clarification des termes etles distinctions de tous genres illustre assez bience caractère.

L'idée d'un curriculum ayant la «compétence» àla fois comme matière et comme objectif (leterme le plus souvent utilisé dans ce dernier casétant celui de «performance»)3 est donc née sen-siblement dans les mêmes années que la pédago-gie de la maîtrise, dont traite la sous-section quisuit. Les différences qui existent entre l'une etl'autre approche ne sont d'ailleurs pas toujoursclaires. Toutes deux ont, de toute évidence, subi,sur le plan des idées, l'influence du behaviorismeet, sur celui de l'application, celle de l'enseigne-

3 La traduction du terme competency par celui de «compé-

tence» et la différence de signification qui s'est imposéeentre les termes competency et performance pose des diffi-cultés qui dépassent le cadre de cette étude. Nous re-viendrons quand même sur le sujet dans la section 2, ci-après. Précisons que, dans ce texte, à moins d'une indi-cation contraire, le terme « compétence » renvoied'abord à la mat ière qui fait l'objet du curriculum(et rend «compétent») et le terme «performance» auxobje c t i f s intermédiaire s e t t e rminaux poursui-vis par ce curriculum.

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ment programmé. On a aussi, dans les deux cas,accordé beaucoup d'importance aux connaissan-ces, aux habiletés et à certains comportements debase. Si chacune de ces approches a tout demême acquis des traits propres suffisammentmarqués et si on les présente habituellementcomme distinctes, cela tient sans doute large-ment au fait qu'elles ont d'abord été implantéesdans des réseaux distincts. En effet, c'est surtoutdans l'enseignement primaire et secondaire queles premières expériences significatives de péda-gogie de la maîtrise ont eu lieu, tandis que l'édu-cation centrée sur la compétence a creusé sespremiers sillons dans les domaines de la forma-tion des enseignants et des enseignantes et de laformation professionnelle.

Vers 1970, le terme competency-based teacher educa-tion (CBTE) était au moins aussi courant quecelui de competency-based education (CBE). Ainsi,dans l'article déjà cité de la revue EducationalTechnology, les auteurs soulignent que c'est dansle domaine de la formation des enseignants quela documentation portant sur une éducationcentrée sur la compétence est la plus abondante(ibid.) et que cette approche a reçu «la plusgrande attention» (p. 10). À ce moment, affir-ment d'autres universitaires, «de nombreux édu-cateurs auprès des enseignants» considéraientcette approche «et ses équivalents» comme «lameilleure façon d'accentuer la dimension profes-sionnelle de la formation des enseignants»(Evertson, Hawley and Zlotnik, 1988, p. 181.Voir aussi Phi Delta Kappan, 1974). William G.Spady, qui s'est beaucoup intéressé à l'approchecentrée sur la compétence avant de devenir lepenseur et le promoteur le plus connu d'uneéducation centrée sur la maîtrise des apprentis-sages, note également que le mouvement amorcé,dans la première moitié des années 1970, enfaveur d'une approche semblable dans l'ensei-gnement primaire et secondaire «a été influencépar plusieurs des concepts et des approches» del'éducation centrée sur la compétence que l'onavait alors déjà «largement adoptée» pour laformation initiale des enseignants (Spady, 1977,p. 14, note 3). Dans un chapitre d'une vastesynthèse consacrée à la formation des ensei-gnants, deux chercheurs du National Center forResearch in Vocational Education signalent, eux

aussi, l'intérêt qu'une formation des enseignantscentrée sur la compétence a suscité au cours dela décennie 1970 (voir Pratzner and Ryan, 1990,p. 783). Ils soulignent également, en s'appuyantsur un texte de C. R. Finch publié en 1982,qu'une approche centrée sur la compétence «estdevenue largement acceptée en formation profes-sionnelle» (ibid.). Il semble aussi que la pénétra-tion de cette approche a été plus profonde etplus durable dans le domaine des métiers quedans celui de la formation des enseignants.

Comme dans la pédagogie de la maîtrise, on amis l'accent, dans les expériences éducatives cen-trées sur la compétence qui se sont dérouléesdans les années 1970 à l'intention des élèves desécoles primaires et secondaires, «sur la maîtrised'un noyau central de connaissances considéréescomme les résultats finaux de l'éducation, maisles buts visés étaient habituellement plus largeset davantage reliés à des activités de la vie réelle»(Olson, 1993, p. 26). Ce fut notamment le casen Oregon où, dès 1972, le Conseil de l'éduca-tion a lié l'obtention d'un diplôme d'études se-condaires à la maîtrise de certains contenus dans«trois domaines de compétence» : le développe-ment personnel, la responsabilité sociale etl'orientation professionnelle (Spady, 1977, p. 9).Selon la même source, c'est de l'Oregon et dessuites données à cette décision de 1972 que se-rait parti le mouvement en faveur de l'implanta-tion d'un certain type de competency-based educa-tion dans l'enseignement primaire et secondaire,un mouvement où, en l'occurrence, les joueurs detambours, revêtus d'uniformes différents, se sontcependant, dans bien des cas, mis à exécuter desairs différents (voir ibid.).

Figurent encore, parmi les traits d'une éducationcentrée sur la compétence, une définition précisede la matière à apprendre, une organisation sys-tématique de cette matière en fonction des ob-jectifs d'apprentissage visés, une évaluation de lamaîtrise des apprentissages à la fin de chaqueunité, module ou expérience et une interventionrapide pour résoudre les difficultés ou corriger leslacunes d'apprentissage que l'évaluation a permisde découvrir.

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Les critiques formulées à l'adresse d'une appro-che de l'éducation centrée sur la compétence ontété particulièrement nombreuses : accent tropfortement mis sur les apprentissages de base, auxdépens d'apprentissages plus complexes (voirOlson, 1993, p. 26); prolifération d'habiletés oude «compétences» détachées de leur contexte;oubli de dimensions importantes de la personneet des exigences d'un apprentissage «authenti-que»; motivation stimulée par des justificationstrop exclusivement extrinsèques; etc. Un textepublié en 1973 par un partisan résolu d'uneconception «humaniste» de l'éducation résumebien ces critiques, de même que plusieurs autres(voir Nash, 1973)4. Il convient de signaler quel'auteur ne s'oppose pas au développement d'uneéducation centrée sur la compétence; son proposconsiste plutôt à prendre acte de ses atouts (clar-té des objectifs; responsabilité confiée à l'élèvedans la planification de son apprentissage; as-souplissement du système scolaire en regard del'aménagement du temps, de la diversificationdes cheminements et du passage d'une étape àune autre; sensibilisation aux exigences particu-lières de compétence que requiert la vie en socié-té, parfois aux dépens de son moi profond; etc.)et à montrer les difficultés de sa mise en œuvre,ainsi que les risques, qu'il juge nombreux et diffi-ciles à éviter, de mauvais aiguillages.

1.3 La pédagogie de la maîtrise

«Durant les décennies 1970 et 1980, peu deprojets ont soulevé autant d'intérêt chez les édu-cateurs et les éducatrices que ceux ayant commebase la “pédagogie de la maîtrise”. En outre, peude stratégies ont été mises en œuvre aussi large-ment ou évaluées aussi à fond. La pédagogie dela maîtrise est appliquée un peu partout dans lemonde, dans tous les ordres d'enseignement, de

4 Le titre de ce texte donne à penser qu'il porte sur la

performance-based teacher education, et non sur la competen-cy-based education, mais on découvre, en le lisant, quel'auteur ne fait aucune différence entre l'une et l'autre (ilparle d'ailleurs explicitement de competency-based educationaux pages 8 et 14). Par ailleurs, les réserves que PaulNash exprime à l'égard d'une approche centrée sur lacompétence appliquée aux futurs enseignants et ensei-gnantes valent tout autant lorsque les personnes encause sont des élèves de l'enseignement primaire ou se-condaire.

la maternelle aux cycles supérieurs, ainsi quedans des écoles professionnelles» (Guskey,1994b, p. 3625 ou, à quelques mots près, Gus-key, 1995, p. 91). Ces deux phrases, rédigées parun chercheur très attentif à l'évolution de la pé-dagogie et un spécialiste de la pédagogie de lamaîtrise (voir, entre autres, Guskey, 1994a,1994b et 1995 et Block, Everson and Guskey,1995, p. 482), indiquent assez clairement quecette approche est déjà bien connue et ses orien-tations bien déterminées. Dans les paragraphessuivants, nous nous limiterons donc à quelquesrappels, compte tenu de l'axe central de ce chapi-tre, soit, rappelons-le, les caractéristiques del'approche Outcome-Based Education.

a) Le «père» de la pédagogie de la maîtrise est lepsychologue Benjamin Bloom. Le premier ar-ticle qu'il a publié sur le sujet, en 1968, dansune revue naissante : Evaluation Comment,avait comme titre « Learning for mastery » (etcomme sous-titre « Instruction and Curricu-lum »). C'est toutefois la version «adaptée» dece texte, titrée seulement « Mastery learning »et intégrée dans un volume titré de la mêmefaçon et publié en 1971 par une grande mai-son d'édition, qui semble avoir surtout attirél'attention (voir Bloom, 1971). Il est à noterqu'une partie de cet article s'appuie sur desexpériences précises effectuées au cours de ladeuxième moitié des années 1960. Le volumedu même auteur intitulé Human Characteristicsand School Learning, qui, en 1976, propose unethéorie de l'apprentissage scolaire dont lespoints d'appui expérimentaux proviennentsurtout de l'utilisation de la pédagogie de lamaîtrise, a en quelque sorte scellé la valeur del'approche et accéléré son expansion. Toute-fois, entre 1968 et 1976, plusieurs travauxont été publiés sur la pédagogie de la maîtrise;parmi eux, il convient de signaler tout parti-culièrement ceux de James H. Block, un élève,puis un collaborateur, de Bloom (voir, entreautres, Block, 1971b et Block and Anderson,1975). Bloom lui-même est aussi intervenudans le débat alors en cours, dont au moinsune fois à Montréal, au congrès de l'AmericanPsychological Association de 1973 (voir Béginet Dussault, 1980, p. 6).

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b) Pour Bloom, l'idée que «la plupart des élèvespeuvent apprendre ce que les écoles ont à leurenseigner» est «une vieille idée» qui a, parexemple, été à la base du tutorat «depuis plu-sieurs milliers d'années» et a été reprise avecinsistance, «sous diverses formes», par des pé-dagogues comme Comenius (1592-1670),Pestalozzi (1746-1827) et Herbart (1776-1841) (Bloom, 1976, p. 3-4). Comme in-fluences plus récentes, Bloom cite souventCarleton W. Washburne et son «WinnetkaPlan» (voir Washburne, 1922) et Henry C.Morrison qui, à peu près au même moment, apoursuivi des expériences un peu différentes àl'école-laboratoire de l'Université de Chicagoet dans la région. Il s'appuie aussi fortementsur le model of school learning que John B. Car-roll a proposé en 1963. Rappelons que le planélaboré et mis en œuvre par Washburne pourle district scolaire de Winnetka, dont il étaitle superintendent, prévoyait un apprentissageindividualisé pour une part substantielle ducurriculum et que le modèle proposé par Car-roll est construit autour du concept du tempset peut se résumer par l'équation suivante : ledegré d'apprentissage atteint par un élève estfonction du temps que l'élève consacre à sonapprentissage par rapport à celui qui est re-quis pour cet apprentissage. On comprendque, dans ce modèle, la matière à apprendredemeure stable et que le temps pour la maîtri-ser devient, contrairement à ce qui se passegénéralement dans les écoles traditionnelles,une variable5. Parmi les autres influences quiont marqué le cheminement du célèbre pro-fesseur de l'Université de Chicago dans le dé-veloppement de la pédagogie de la maîtrise,figurent certains aspects du behaviorisme, quioccupait l'avant-scène dans les années 1950 et1960. Notons à ce sujet que, dans leur his-toire du curriculum dans les écoles américai-nes, Daniel et Laurel Tanner considèrentBloom comme un «environnementaliste»,mais jugent que, dans son application, la pé-

5 Dans une étude antérieure, nous donnons un résumé

beaucoup plus substantiel du fameux article de Carrollet des informations plus précises sur le «WinnetkaPlan». La même étude situe aussi brièvement la pédago-gie de la maîtrise par rapport aux travaux de Washburneet de Carroll (voir Réginald Grégoire inc., 1993,p. 5-11).

dagogie de la maîtrise a tendance à devenir«behavioriste» (1990, p. 290 et 296).

c) La pédagogie de la maîtrise a comme objectifferme la maîtrise par tous les élèves de certai-nes connaissances et habiletés et par presquetous la maîtrise de ces connaissances et de ceshabiletés au niveau jugé souhaitable. SelonJames Block, elle «permet à 75 % à 90 % desélèves de réussir à un niveau aussi élevé que25 % des meilleurs élèves d'une classe où lesméthodes d'enseignement utilisées sont celles,typiques, du groupe-classe» (1971a, p. 3.Voir aussi, dans le même sens, Guskey, 1995,p. 96-97). Elle se définit donc «principale-ment comme une stratégie d'enseignement»(Guskey, 1994a, p. 14). Même si elle s'inté-resse aux objectifs d'apprentissage proposéspar l'école et à l'évaluation des résultats at-teints, c'est d'abord aux deuxième et troisièmequestions de Tyler, sur les expériences d'ap-prentissage permettant de parvenir à ces ob-jectifs, qu'elle est en quête d'une réponse (voirci-dessus, Introduction).

d) Il existe plusieurs façons de tisser la démarchede la pédagogie de la maîtrise, mais les élé-ments fondamentaux en sont habituellementles suivants :

• Avant de commencer à enseigner quelquechose à un élève, on cherche à connaîtreavec une certaine précision ce qu'il sait etest capable de faire.

• La matière à enseigner est répartie en unitésrestreintes et organisée en fonction de cediagnostic initial ou, tout au moins, adaptéeen fonction de ce diagnostic.

• L'enseignement lui-même est effectué enfonction d'objectifs d'apprentissage inter-médiaires et terminaux clairement détermi-nés.

• L'évaluation de l'apprentissage est fréquenteet étroitement reliée à la matière enseignée.Si, compte tenu de critères fixés au préala-ble, les résultats obtenus ne sont pas satis-faisants, des mesures sont immédiatement

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prises en vue de corriger les lacunes consta-tées. On fait alors appel à des ressources et àdes stratégies différentes. Il est à noter queles résultats de l'évaluation peuvent aussiconduire à proposer à l'élève des unitésd'apprentissage plus exigeantes.

Selon que l'on se trouve en présence d'élèvesdu primaire ou du secondaire, d'un groupe-classe, d'un groupe d'apprenants individuelsou d'autres situations, chacun de ces élémentsaura plus ou moins d'importance et leur agen-cement pourra varier, mais, d'après ThomasGuskey, l'une des caractéristiques essentiellesde la pédagogie de la maîtrise est à l'effet quetous les éléments qui la définissent consti-tuent un ensemble synergique ou, pour re-prendre le terme même qu'il emploie, qu'il y aentre eux congruence (1995, p. 101-103). Ainsi,par exemple, «dans une classe où on pratiquela pédagogie de la maîtrise, la rétroactiontransmise aux élèves doit toujours être enharmonie avec les objectifs d'apprentissagesprévus et les moyens utilisés pour évaluer lesapprentissages faits» (Guskey, 1995, p. 102).

1.4 L'éducation centrée sur la maîtrisedes apprentissages

Ce n'est pas l'idée d'une éducation centrée sur lesapprentissages à faire qui est nouvelle, mais laprise de conscience de la nature et de l'ampleurdes conditions dont il faut s'assurer pour quetous les élèves puissent maîtriser effectivementles apprentissages prévus et que les personnesconcernées — y compris, éventuellement, lesélèves eux-mêmes — puissent en arriver à unecertitude raisonnable concernant la réalité decette maîtrise. Les trois approches déjà décritesconstituent autant d'essais dans ce sens. Celledite Outcome-Based Education se situe dans leurcontinuité, mais tente aussi de les dépasser parun élargissement des perspectives et la correctionde certaines de leurs faiblesses. Elle cherche no-tamment à accorder autant d'importance auxobjectifs d'apprentissage et à la manière de lesévaluer qu'au choix et à la structuration des ex-périences d'apprentissage elles-mêmes qui per-mettent d'atteindre les objectifs prévus.

Une section distincte propose une vue d'ensem-ble d'une approche de l'éducation centrée sur lesrésultats de l'élève ou, plus précisément, sur sesapprentissages et l'étendue ou la profondeur aveclesquelles il a maîtrisé ces apprentissages. Toute-fois, avant d'y arriver, il s'avère nécessaire declarifier certains aspects d'une question à laquelleles quatre approches accordent une grande atten-tion : l'évaluation de l'apprentissage.

2. Une vision renouvelée de l'éva-luation de l'apprentissage

Les approches ayant comme axe l'enseignementprogrammé, une éducation centrée sur la compé-tence, la pédagogie de la maîtrise ou une éduca-tion centrée sur la maîtrise des apprentissagesont toutes contribué au renouvellement profondde l'évaluation de l'apprentissage des élèves quis'est opéré au cours des quarante dernières an-nées. Cette contribution a porté notamment surla signification même de l'évaluation de l'appren-tissage, sa relation avec les contenus de forma-tion et les formes concrètes qu'elle emprunte.

Il n'y a pas si longtemps, le but premier de trèsnombreux examens était d'informer les autoritésscolaires, les parents et l'opinion publique engénéral de ce que les élèves savaient sur un sujetdonné ou de classer les élèves selon les résultatsobtenus, plutôt que d'aider chaque élève à sesituer par rapport à ce qu'il savait et avait encoreà apprendre. Plusieurs de ces examens n'avaientqu'un vague lien avec un programme d'étudesprécis; «ils reflétaient plutôt une sorte d'estima-tion générale de l'apprentissage attendu danstelle matière et/ou telle classe» (ETS, 1995, p. 4).Maintenant, on s'attend de plus en plus à ce queles résultats des examens — ou, du moins, de laplupart d'entre eux — éclairent d'abord l'élèvelui-même sur ce qu'il comprend, sait ou est capa-ble de faire, ainsi que ce sur quoi il doit concen-trer ses efforts. L'un des changements les plusmarquants dans ce sens a été le passage d'exa-mens où l'accent est mis sur la comparaison desrésultats entre les élèves (norm-referenced tests) àdes examens où les apprentissages acquis sontévalués en fonction de normes et de critères éta-blis à partir des connaissances, des habiletés, des

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attitudes ou des autres types d'apprentissagedont la maîtrise est prévue (criterion-referencedtests).

Dans toutes les approches dont il est questiondans cette étude, les modes d'évaluation, etmême les modalités de cette évaluation, sontlargement déterminés avant le début de la forma-tion et intégrés à la démarche d'apprentissageque poursuit l'élève. Il y a interaction entre lapratique pédagogique et l'évaluation des appren-tissages. Une évaluation appropriée doit «soute-nir le processus d'enseignement», et non se situerplus ou moins en parallèle par rapport à lui(ETS, 1995, p. 5).

Parce que cette évaluation fait partie de la dé-marche d'apprentissage, et qu'elle constituemême un élément notable de cette démarche, ilarrive que, par un glissement métonymique, onla confonde avec l'ensemble de la démarche.Ainsi, au début des années 1970 — et, parfois,encore aujourd'hui, surtout en formation profes-sionnelle —, on considérait souvent commeéquivalentes les appellations competency-basededucation et performance-based education (voir, parexemple, Burns and Klingstedt, 1972, p. 9,Nash, 1973 et Pratzner and Ryan, 1990,p. 783), le terme performance englobant aussi bienles contenus de formation reliés à un objectifd'apprentissage — ou, en d'autres termes, à une«performance» — que cet objectif lui-même.C'est un phénomène semblable qui se produitlorsque les «niveaux de compétence» (competencylevels) définis pour évaluer avec plus de précisionla compétence acquise se transforment en «com-pétences» (competencies) et que, à la limite, lacompétence (au sens du fait pour une personnede maîtriser un art, une science, un sujet, unchamp d'études ou une technologie) devient uneaccumulation de «compétences». Rappelons, enpassant, que, étant donné le genre de découpagedu savoir auquel les trois premières approchesmentionnées ci-dessus — l'enseignement pro-grammé, l'éducation centrée sur la compétence etla pédagogie de la maîtrise — ont l'habitude deprocéder, elles ont tendance à accorder peu d'at-tention aux ensembles plus vastes à l'intérieurdesquels se situe ce savoir.

Aujourd'hui, on utilise le terme performance-baseddans bien d'autres contextes que celui d'une édu-cation centrée sur la compétence, y compris endehors du courant dont il est question dans cerapport; le terme performance renvoie le plus sou-vent, non à un contenu de formation comme tel,mais à une activité à travers laquelle on évalue lamaîtrise qu'une personne possède d'un savoir,d'une habileté ou de quelque autre objet d'ap-prentissage. Ce qui est mis en relief, c'est, parexemple, l'apprentissage lui-même (comme dansla dénomination performance-based learning), lesexigences requises pour l'obtention d'un diplôme(performance-based graduation requirements) ou lesnormes et les critères relatifs à certains contenus(performance-based standards). Aussi, ce que l'oncherche à évaluer, c'est bien davantage ce qu'unélève peut faire que ce qu'il sait au sujet de ce quidoit être fait (voir ETS, 1995, p. 6).

La démonstration de la compétence acquise peutprendre plusieurs formes. Les approches décritesdans cette étude en fournissent de très nombreuxexemples. Elle peut, par exemple, comme danscertains types d'enseignement programmé, êtretotalement intégrée à la démarche de formation;lorsqu'un élève a terminé telle unité d'enseigne-ment, on considère qu'il en a acquis une maîtrisesatisfaisante. Elle peut aussi, selon la matière encause, consister dans la fabrication ou la mani-pulation d'un objet, la rédaction d'un essai, unexercice de simulation, la préparation et la réali-sation d'un projet à l'intérieur de l'école ou d'unorganisme social, etc. Dans tous les cas, l'évalua-tion doit être cohérente avec ce qui devait êtreappris, mais avec une préoccupation d'en vérifier,non la rétention brute mais la compréhension etla capacité d'application, et ce dans une situationréelle ou qui se rapproche le plus possible duréel. Le portfolio, qui réunit une sélection d'acti-vités ou de travaux significatifs effectués durantune certaine période de temps, est de plus enplus considéré comme un moyen d'évaluationsupérieur aux examens finaux traditionnels. Il està noter que, dans ce cas comme dans l'enseigne-ment programmé dont il a été question plushaut, même l'évaluation sommative — et nonseulement l'évaluation formative — est pleine-ment intégrée dans la démarche de formation del'élève.

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3. Une éducation centrée sur lamaîtrise des apprentissages

3.1 Un premier aperçu

Selon William G. Spady, qui est de beaucoup lapersonne la plus connue lorsqu'il est question del'approche Outcome-Based Education, c'est en 1980que, en tant que telle, celle-ci a commencé àprendre forme (voir Brandt, 1992-1993, p. 68).Toutefois, l'appellation circulait déjà depuis aumoins 1978 (voir Guskey, 1994a, p. 5). Plu-sieurs des personnes qui, à partir de 1980, ontparticipé au premier réseau des Outcome-BasedSchools étaient déjà familières avec la pédagogiede la maîtrise ou avaient, comme Spady lui-même, été associées au mouvement en faveurd'une approche de l'éducation centrée sur lacompétence ou en avaient suivi de très prèsl'évolution (voir Brandt, 1992-1993, p. 68 etSpady, 1977).

Dans les années 1980, plusieurs expériencesinspirées par une approche éducative centrée surla maîtrise des apprentissages ont été amorcéesdans des écoles, des districts scolaires et, même,des États (on pense ici, par exemple, à l'Oregonet au Minnesota). Dans d'autres cas, ce sont desprojets innovateurs, en pédagogie de la maîtrisepar exemple, qui ont été réorientés selon desperspectives plus larges (voir, par exemple,Brandt, 1994, p. 26). Cependant, l'article-chocpublié en octobre 1988 sous la signature de Spa-dy est l'un des tout premiers, sinon le premier, àeffectuer, dans l'une des revues les plus lues dansles milieux de l'éducation, non seulement unevive critique de l'école aménagée en fonction du«calendrier» et d'une évaluation comparative desélèves établie selon une courbe en forme de clo-che, mais aussi à mettre de l'avant un modèledifférent qui possède déjà plusieurs des traits dela description d'ensemble que le même Spady enfera dans un volume six ans plus tard (1994b).Au moment où, au tournant des années 1990,l'intérêt pour une éducation centrée sur la maî-trise des apprentissages explose et où, désormais,«tout ce qui bouge s'appelle un outcome (voirBrandt, 1992-1993, p. 68), le mouvement pos-

sède un centre national de coordination et unepublication — Outcomes justement! — et peutfaire état de plusieurs expériences en cours oudont la planification est déjà avancée.

Cette approche se situe certainement dans lacontinuité des trois approches décrites dans lasection 1 ci-dessus, mais n'en est pas nécessaire-ment la synthèse. En plus d'emprunter à d'autrescourants de pensée, elle se distingue de ces ap-proches en ceci que la problématique qui la justi-fie s'appuie, dans une mesure importante, sur lefait que ces approches elles-mêmes ne peuventpas, à moyen ou à long terme, produire de résul-tats substantiels dans l'apprentissage des élèves,ou ne peuvent pas produire les résultats appro-priés, si l'ensemble du système scolaire n'est pasrepensé. Dans la plupart des cas, croit-on consta-ter, les projets inspirés par l'enseignement pro-grammé, une éducation centrée sur la compé-tence ou la pédagogie de la maîtrise, à la suite depremiers résultats prometteurs, s'enlisent et,pour cent raisons différentes, se dégradent. Cetteproblématique conduit les partisans d'une appro-che éducative centrée sur la maîtrise des appren-tissages à proposer une réforme globale qui tou-che la pédagogie, mais aussi les structures, lecurriculum, les modes d'évaluation de l'appren-tissage, les fonctions des enseignants, l'utilisationdes ressources, les modes de gestion, en bref«tous les aspects du processus décisionnel et desopérations d'un système scolaire» (Spady,1994b, p. 25. Voir aussi, dans la ligne d'uneapplication concrète, Boschee and Baron, 1993).

Dans la réalité, l'approche éducative centrée surla maîtrise des apprentissages se présente sousplusieurs visages. À la suite de l'opposition en-flammée que des projets concrets jugés trop va-gues, apparemment peu soucieux d'assurer unesolide formation dans les matières de base, troppeu respectueux des disciplines traditionnelles ettrop imprégnés de valeurs «progressistes» ou «degauche» ont soulevée en plusieurs endroits (enPennsylvanie, en Virginie, dans le district sco-laire de Littleton, au Colorado, etc.), en 1993notamment, l'appellation Outcome-Based Educa-tion, et le terme outcome en particulier, ont, dansles années qui ont suivi, perdu beaucoup de leurpopularité (voir, par exemple, Harp, 1993, Ol-

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88 Troisième partie – Améliorer le curriculum et l'apprentissage : …

son, 1993, Bradley, 1994 et Seif, 1994). Destermes comme results, goals, objectives et d'autresencore ont remplacé le terme outcome. Par ail-leurs, il importe de souligner que, si le filonqu'incarne William Spady est concrètement leplus important — et le seul sur lequel peut s'at-tarder cette étude —, il en existe d'autres dont lapensée est relativement élaborée et qui exercentune influence en propre; nous pensons ici plusspécialement à l'équipe de chercheurs et de prati-ciens de l'Université d'État du Michigan à EastLansing et de l'Université Stanford qui a publiéle volume intitulé Teaching for Understanding (voirCohen, McLaughlin and Talbert, 1993) et à celleregroupée autour du Projet Zéro de l'UniversitéHarvard, qui a aussi, tout récemment, publié unvolume portant le même titre (voir Stone Wiske,1998).

Dans les circonstances, c'est le volume publié parWilliam Spady en 1994 qui a paru la meilleuresource. Les articles qu'il a écrits, seul ou, dans uncas, avec Kit J. Marshall et, dans un autre, avecCharles Schwahn, et dont les coordonnées figu-rent dans nos références, ont aussi contribué àéclairer le contenu de ce volume et fourni cer-tains renseignements.

La prochaine sous-section dégage les principalescaractéristiques de l'approche centrée sur la maî-trise des apprentissages et la suivante apportequelques clarifications et précisions complémen-taires.

3.2 Les principales caractéristiques

William Spady résume dans une pyramide à cinqniveaux ce qui caractérise une organisation sco-laire (soit un district, une école, éventuellementune classe6, etc.) qui a fait de la maîtrise desapprentissages par les élèves son fondement.

6 Étant donné ses caractéristiques, l'approche «Outcome-Based

Education» est destinée en priorité à une organisation scolaired'une certaine ampleur – un État ou un district scolaire, parexemple –, mais elle peut aussi s'appliquer directement dansune école. Malgré sa préférence pour une implantation qui im-plique au moins le district scolaire, Spady fait lui-même état,dans son volume, d'une expérience très réussie dans un seulgroupe-classe de mathématiques d'une école secondaire (voirSpady, 1994b, p. 19-20. Voir aussi, dans une veine similaire,p. 132-139).

Cette synthèse comprend un paradigme, deuxbuts, trois prémisses, quatre principes opération-nels et cinq domaines d'intervention ou fonc-tions. Voici un mot sur chacun de ces éléments.

3.2.1 Le paradigme

Ce paradigme affirme que ce que les élèves ap-prennent, et qu'ils apprennent vraiment, est plusimportant que le moment où ils l'apprennent etla manière dont cet apprentissage se fait. Unparadigme étant «une façon de voir et de fairequelque chose en demeurant cohérent avec lepoint de vue adopté» (Spady, 1994b, p. 8), ils'ensuit que toutes les décisions qui seront priseset les modes d'action qui seront adoptés par l'or-ganisation scolaire en cause auront comme basecette orientation.

3.2.2 Les buts

Une organisation scolaire centrée sur la maîtrisedes apprentissages :

• «s'assure que tous les élèves acquièrent lesconnaissances, la compétence et les qualitésqui seront nécessaires à leur réussite lorsqu'ilsauront quitté le système scolaire;

• prévoit des structures et des modes de fonc-tionnement tels que tous les élèves concernésacquièrent ces apprentissages au maximum deleurs possibilités» (id., p. 9).

3.2.3 Les prémisses

Les prémisses retenues s'appuient, selon Spady,sur un imposant corpus de recherches en éduca-tion et la pratique d'un grand nombre d'éduca-teurs et d'éducatrices. Elles se résument ainsi :

• «Tous les élèves peuvent apprendre et réussir,mais pas tous le même jour, ni en empruntantla même route.

• Un apprentissage réussi prépare à un appren-tissage encore mieux réussi.

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• Les écoles contrôlent les conditions qui affec-tent directement la réussite de l'apprentissagescolaire» (ibid.).

3.2.4 Les principes opérationnels

Ces principes constituent le «cœur» d'une éduca-tion centrée sur la maîtrise des apprentissages.Ce sont eux qui servent de «guides» dans le pro-cessus de décision et la conduite de l'action (id.,p. 10). Ils doivent être appliqués simultanémentet d'une manière cohérente, systématique etcréatrice. Ces principes sont les suivants :

• Une orientation claire vers la maîtrise d'ap-prentissages terminaux significatifs.

• Un apprentissage soutenu dans des voiesdiverses et par de multiples moyens.

• Des attentes élevées à l'égard de tous lesélèves.

• Une planification effectuée à partir des ap-prentissages terminaux visés.

Premier principe : Une orientation claire versla maîtrise d'apprentissagesterminaux significatifs

Ce principe est «le plus important et le plus fon-damental» (id., p. 11). Ses implications princi-pales sont les suivantes :

• Il aide les éducateurs et les éducatrices à sedonner une vue précise de l'apprentissage dontles élèves devront démontrer la maîtrise.

• La planification de l'enseignement et l'évalua-tion de l'apprentissage s'effectuent en prioritéen fonction de la réussite de cette démonstra-tion par les élèves.

• L'apprentissage désiré détermine la planifica-tion et l'implantation du curriculum, de l'en-seignement et de l'évaluation des apprentissa-ges.

• Dès le début de son enseignement en classe,l'enseignant présente et explicite ce qui est at-

tendu comme apprentissage et revient réguliè-rement sur le sujet. L'objectif visé étant connuclairement de tous, élèves et enseignant peu-vent alors faire équipe pour l'atteindre.

Deuxième principe : Un apprentissage soutenudans des voies diverses etpar de multiples moyens

Ce principe implique que les élèves ont plusqu'une chance de faire des apprentissages impor-tants et de démontrer la maîtrise qu'ils en ont. Ilcomprend cinq dimensions :

• le temps dont les élèves disposent pour faireun apprentissage, individuellement, en classe,avec des pairs ou autrement;

• les méthodes et les stratégies d'enseignement;

• l'appui et l'élargissement qu'apportent à ceprincipe les trois autres;

• l'établissement, en relation avec les contenus,de normes et de critères identiques pour tousles élèves et qui, en conséquence, comme dansle scoutisme, n'imposent aucune limite quantau nombre d'élèves qui peuvent réussir à tel outel niveau;

• l'accès de tous les élèves à au moins toutes lesexpériences et à toutes les ressources d'appren-tissage considérées comme essentielles.

Troisième principe : Des attentes élevées àl'égard de tous les élèves

Ce principe suggère que l'on rende plus difficilele défi auquel les élèves sont exposés et que l'onrelève la norme définissant ce qui est considérécomme une maîtrise acceptable. Son applicationsuppose qu'il n'existe aucune forme, directe ouindirecte, de «quota» concernant le nombred'élèves susceptibles d'atteindre cette maîtrise oude la dépasser, ni de programmes ou de coursmoins exigeants destinés à des groupes particu-liers d'élèves.

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90 Troisième partie – Améliorer le curriculum et l'apprentissage : …

Quatrième principe : Une planification effectuéeà partir des apprentissagesterminaux visés

Ce principe signifie que la planification du curri-culum et de l'enseignement adopte comme pointd'appui ce que l'on veut que les élèves sachent etsoient capables de faire après avoir suivi ce curri-culum et cet enseignement. Les apprentissages àprévoir au cours de ce processus de planificationsont de deux sortes : les uns sont dits terminaux(culminating outcomes) et les autres intermédiaires(enabling outcomes). La détermination des appren-tissages terminaux doit se faire avec le plus grandsoin, car ce sont eux qui expriment avec le plusde clarté la mission que se donne et les engage-ments réels que prend une organisation scolaire.C'est en fonction de ces apprentissages que sontchoisis et ordonnés les apprentissages intermé-diaires. Aucun apprentissage jugé utile, mais nonnécessaire, n'est retenu.

3.2.5 Les domaines d'intervention ou fonctions

Envisagée dans sa totalité, une organisation sco-laire centrée sur la maîtrise des apprentissagespar les élèves a pour fonctions de définir les ap-prentissages terminaux significatifs requis, d'éla-borer le curriculum approprié, d'assurer un en-seignement conséquent, de consigner les résul-tats obtenus et de sanctionner l'acquis de chaqueélève. Les apprentissages terminaux, dont la dé-finition fait l'objet de la première fonction, im-prègnent les quatre autres.

3.3 Clarifications et précisions com-plémentaires

3.3.1 L'idée de base

Dans une organisation scolaire centrée sur lamaîtrise des apprentissages, «tout converge clai-rement vers ce que tous les élèves doivent êtrecapables de réussir à la fin de leurs expériencesd'apprentissage et est organisé en fonction de cebut. Cela signifie que l'on se donne au point dedépart une vue claire de ce que les élèves doivent

pouvoir accomplir et que, par la suite, on prévoitun curriculum, un enseignement et un moded'évaluation qui assurent que, ultimement, cetapprentissage se produira» (id., p. 1). La priorité,ce sont «les fins, les buts, l'apprentissage, la maî-trise démontrée et les résultats» (id., p. 3).

3.3.2 Qu'est-ce qu'un apprentissage «significa-tif»?

Un apprentissage acquis «n'est pas une accumu-lation d'apprentissages antérieurs ou le résultatmoyen obtenu à la suite de ces apprentissages,mais une démonstration par les apprenants de cequ'ils savent faire une fois qu'ils ont effectué etréussi toutes ces expériences» (id., p. 49). Ainsi,les apprentissages que l'on a en vue, «ce n'est passimplement ce dont les élèves se souviennent ouce qu'ils croient, ressentent, connaissent ou com-prennent», mais «plutôt ce que les élèves peuventfaire avec ce qu'ils connaissent et ce qu'ils com-prennent» (ibid.). Ce sont, en d'autres mots en-core, «des actions et des démonstrations quisynthétisent et reflètent la compétence d'un ap-prenant lorsqu'il applique une idée ou utilise uncontenu, une information ou des outils avecsuccès» (id., p. 2). Quant aux apprentissagesterminaux, ils seront considérés comme «signifi-catifs» s'ils intègrent «des choses» «dont les élè-ves se souviendront et qu'ils seront encore capa-bles de faire longtemps après avoir étudié uncurriculum en particulier» et qui «sont réelle-ment importantes pour leurs études et leur car-rière futures» (id., p. 51).

Pour que de tels apprentissages se produisent, lescontenus de la formation seront notammentsélectionnés en fonction des rôles fondamentauxque toute personne sera, selon toute probabilité,appelée à remplir comme adulte dans une sociétéde l'information. Spady définit dix de ces rôles,qu'il divise en deux groupes; il qualifie les cinqpremiers d'interpersonnels ou sociaux et les cinqautres de techniques ou stratégiques. Ces rôles,dont ni la liste, ni la formulation ne doivent êtreconsidérées comme définitives, constituent au-tant de capacités d'action dont le déploiementexige la prise en compte de multiples éléments etfacteurs : des idées, des émotions, des habiletés,

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des résistances, du temps, de l'information, desressources diverses, des résultats à atteindre, etc.Dans le domaine interpersonnel ou social, lescontenus retenus doivent rendre l'élève de plusen plus capable d'écouter et de communiquer,d'enseigner et d'agir comme «mentor», de contri-buer à la qualité de la vie d'autres personnes, des'intégrer dans une équipe et de diriger ou d'or-ganiser. Sur un plan plus technique, ou stratégi-que, la préparation à remplir de tels rôles sup-pose une capacité d'apprendre et de penser, defaire appel aux apprentissages et aux outils requispar les circonstances, de déceler un problème etde lui apporter une solution, de planifier et, en-fin, de créer et de produire avec une préoccupa-tion d'innovation (voir id., p. 65-73 et 1994a).

3.3.3 Le curriculum

Dans une éducation centrée sur la maîtrise desapprentissages, «on développe des curriculumsqui mettent constamment en relation contenuset concepts, d'une matière à l'autre et d'uneclasse à l'autre, et qui exigent que les élèves fas-sent couramment ce genre de liens et en démon-trent l'existence» (Spady, 1994b, p. 38).

Ce curriculum se présente comme un tout inté-gré, mais il n'en comprend pas moins, pour l'es-sentiel, trois types de contenus dont il importede toujours s'assurer la présence dans la planifi-cation de l'enseignement et l'enseignement lui-même. Les contenus qui définissent le plus pro-fondément un curriculum, et qui sont aussi, in-cidemment, les plus visibles, ce sont ces appren-tissages intermédiaires et terminaux, de caractèresynthétique et formulés en termes de démonstra-tions à faire ou de «performances» à effectuer.Dans un système scolaire avancé, ces apprentis-sages s'articulent autour de rôles et de responsa-bilités dans la vie similaires à ceux dont il a étéquestion ci-dessus. Un second type de contenusa comme assise les notions, les théories, les faits,les manières de faire et les autres connaissanceset habiletés qui, dans un champ d'études donné,sont requis pour la réalisation de la démonstra-tion ou de la performance prévues. Enfin, l'édu-cation qui prépare au 21e siècle exige, commecelle du 20e, la maîtrise de connaissances et

d'habiletés de base en lecture, en écriture, encommunication verbale et en mathématiques(voir id., p. 60-61, 179 et passim).

3.3.4 La complexité des apprentissages souhaités

William Spady utilise l'escalade d'une montagnecomme métaphore pour illustrer la nature et ledegré de complexité des apprentissages souhaitésdans un système scolaire centré sur la maîtrisedes apprentissages. Cette montagne comprendtrois zones et chacune de ces zones deux degrésde complexité. La première zone correspondsensiblement à ce qui se fait couramment dansune école traditionnelle. Ainsi, les élèves appren-nent à nommer correctement les fleuves et lesrivières d'une région donnée ou à résumer l'intri-gue d'un roman. On met l'accent sur des habile-tés très spécifiques reliées à des segments limitésde contenus ou, si l'on s'élève au second degré decomplexité, sur des activités un peu plus com-plexes, mais «prédéfinies et préstructurées parl'enseignant ou l'enseignante» (id., p. 63). Ce quiimporte, ce sont avant tout des contenus définisau préalable comme essentiels et les habiletésque leur maîtrise requiert. Dans la zone intermé-diaire de la montagne, dite aussi zone de transi-tion, on se concentre davantage sur le dévelop-pement d'habiletés complexes, notamment in-tellectuelles, et la capacité de l'élève d'effectuerdes activités relativement exigeantes et non clai-rement définies par l'enseignant. En consé-quence, l'élève est invité, par exemple, à analyser,à comparer, à cerner un problème et à lui trouverune solution, à préparer une communication ouà planifier une activité qui implique la participa-tion de plusieurs personnes. Ce que l'on a envue, c'est, pour reprendre une terminologie bienconnue, une formation générale de base. Enfin,le sommet de la montagne est la zone de l'école«transformée», où les apprentissages sont d'abordformulés en termes de performances complexeset de responsabilités concrètes ou de rôles dansla vie (au sein de la famille, du monde du travail,d'institutions sociopolitiques, d'activités de loisir,etc.). Alors que, dans la première zone, on sesoucie principalement de la maîtrise d'un conte-nu et, dans la seconde, de l'acquisition d'unecertaine compétence générale, c'est un apprentis-

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sage situé dans un contexte, en l'occurrence uncontexte aussi proche que possible du mouve-ment de la vie, qui fait l'objet d'une préoccupa-

tion toute particulière dans la troisième zone(voir id., p. 61-65, Spady and Marshall, 1991 etSpady, 1994a, p. 19-21).

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CHAPITRE IIAu Québec, quels choix?

Introduction

e chapitre I a rappelé, en relation avec l'évo-lution du curriculum du système scolaireaméricain depuis plus de quarante ans, uncourant de pensée majeur et quatre des prin-

cipales approches à travers lesquelles il est entrédans les écoles. Ces approches, toutes marquéespar l'amélioration du curriculum et l'efficacité deses résultats dans la formation des élèves, sont,rappelons-le, l'enseignement programmé, l'éduca-tion centrée sur la compétence, la pédagogie dela maîtrise et l'éducation centrée sur la maîtrisedes apprentissages. Étant donné la raison d'êtrede cette étude, une attention particulière a étéaccordée à la dernière des approches mention-nées, qui est aussi dans le temps la plus récente.

L'objet de ce deuxième chapitre consiste, enpremier lieu, à essayer de voir dans quelle me-sure et sur quels points le document d'orienta-tion sur le futur curriculum québécois publié parle ministère de l'Éducation et intitulé : L’École,tout un programme. Énoncé de politique éducative(Ministère de l'Éducation, 1997) a été influencépar ce courant de pensée et, plus spécialement,par l'approche éducative centrée sur la maîtrisedes apprentissages. En second lieu, ce chapitretente de cerner quelle contribution cette dernièreapproche pourrait éventuellement apporter à larénovation de certains aspects du curriculumquébécois.

Pour atteindre le premier de ces objectifs, il afallu, par la force des choses, procéder à uneanalyse critique de l'énoncé de politique. Commeon le verra, la réalisation de ce travail s'est butéeà une difficulté considérable, soit l'imprécision,sur plusieurs orientations de fond, du contenu del'énoncé. Étant donné, d'une part, l'importancede ce document dans les efforts de réforme encours au Québec et, d'autre part, le fait que larecherche de la clarté et de la cohérence du curri-culum se situe au cœur de l'approche éducativecentrée sur la maîtrise des apprentissages, lesdeux premières sections de ce chapitre, consa-

crées respectivement à «la clarté du propos» et au«cadre général de référence» de l'énoncé de poli-tique, se sont imposées tout naturellement. Parla suite, toujours en s'appuyant sur les caractéris-tiques d'une approche éducative centrée sur lamaîtrise des apprentissages, deux autres sectionsabordent plus directement des orientations rela-tives au curriculum; la première d'entre ellesporte sur «le genre de curriculum» et la secondesur «les ressources et les stratégies pédagogi-ques».

Les références étant nombreuses et se rapportantquasi toutes à un même document : L’École, toutun programme, nous avons utilisé dans ce chapi-tre, pour toute référence à ce document, unefaçon de faire simplifiée, soit seulement unemention de la page, du paragraphe et, dans quel-ques cas, d'une précision complémentaire.

1. La clarté du propos

Historiquement, l'un des principaux apports duvolume déjà cité de Ralph Tyler : Basic Principlesof Curriculum and Instruction a été d'introduireplus de clarté et de rigueur dans l'élaboration detout curriculum et de toute composante d'uncurriculum. Une préoccupation similaire detransparence et de précision a, depuis le milieudes années 1950, animé l'ensemble du courantde pensée décrit dans le chapitre I. L’un desprincipaux traits caractéristiques de ce courant ajustement été de promouvoir de telles exigencesdans la définition des termes et au regard de laformulation des objectifs, de la sélection descontenus de la formation, de l'organisation desapprentissages à maîtriser, du choix des straté-gies et des moyens pédagogiques à utiliser et del'établissement de critères permettant d'évaluerdans quelle mesure les apprentissages prévusavaient été effectués.

Étudié à l'aune de ces exigences, L'École, tout unprogramme soulève des interrogations sérieuses. Àpremière vue, ce document paraît facile à lire et àcomprendre : il est bref (à peine 25 pages de

L

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texte), sa présentation est aérée et les sous-titressont nombreux et bien mis en relief. En réalité, sice document se parcourt facilement, la compré-hension de ce qu'il propose constitue un labo-rieux casse-tête et une expérience frustrante.Selon nous, deux raisons surtout expliquent cettesituation. La première tient aux faiblesses ducadre général de référence; la section 2, ci-après,y est consacrée. Une autre raison est la manièredont on utilise un bon nombre des concepts, àcommencer par les plus fondamentaux, qui, enprincipe, structurent ce document et lui donnentson sens. Cette section s'arrête sur deux de cesconcepts jugés particulièrement significatifs : «debase» et «compétences». Toutefois, l'analyse del'utilisation que l'on fait de ces concepts conduità attirer l'attention sur quelques autres, égale-ment importants, avec lesquels ils entretiennentdes liens.

1.1 « De base »

Ce terme est l'un des pivots de l'énoncé de poli-tique L'école, tout un programme. Il revient à plusde 15 reprises et, fait plus notable, il sert à quali-fier 11 termes qui appartiennent au vocabulaire«constitutif» de l'énoncé. Ce que l'on qualifie de«de base», ce sont les termes éducation, forma-tion, formation commune, école, enseignement,savoirs, matières, apprentissages, programme,curriculum national et matériel (didactique).

On peut s'étonner que, dans cet énoncé, autantd'éléments ou d'aspects du système scolairesoient définis ou jugés comme étant «de base»,mais ce n'est pas cette question qui revêt ici leplus d'importance. Ce qui importe bien davan-tage dans les circonstances, c'est de savoir ce quel'énoncé met sous le concept de «de base». Uneffort de recherche dans ce sens est d'autant plusjustifié que de nombreux indices laissent croireque l'on a voulu, de cette manière, marquer fer-mement certaines intentions.

Une lecture ordinaire ne permettant pas de saisirce que l'énoncé de politique éducative L'École,tout un programme inclut sous le terme «de base»,essayons donc de voir ce qui en est en utilisantune approche plus méthodique.

a) Alors que, depuis de nombreuses années, l'ex-pression «éducation de base» s'emploie sur-tout en éducation des adultes (où on l'appli-que à une éducation centrée sur les apprentis-sages linguistiques et mathématiques et cer-taines autres connaissances et habiletés querequiert une insertion dans la société), onl'utilise ici (p. 9, dernier paragraphe) pour si-gnifier la plus grande partie de la formationofferte aux jeunes depuis la maternelle jusqu'àla fin de la 3e année du secondaire.

Par ailleurs, l'expression «formation de base»(p. 25, 2e et 3e paragraphe) recouvre l'éduca-tion de base et, en plus, au deuxième cycle del'enseignement secondaire, «un tronc commund'apprentissages dans les matières de base»(2e paragraphe). En outre, le paragraphe sui-vant précise que «le second cycle du se-condaire ouvre sur la diversification de la for-mation de base, autant en formation générale7

qu'en formation professionnelle». (Les italiquessont de nous.)

Il y a sans doute lieu de s'interroger sur la per-tinence d'une telle distinction entre «éduca-tion de base» et «formation de base», mais ilfaut en signaler une autre entre «formation debase commune» et «formation diversifiée »(p. 20, 1er paragraphe). La première «va de lapremière année du primaire à la fin du pre-mier cycle du secondaire», tandis que la se-conde est propre «au second cycle du se-condaire». Toutefois, deux paragraphes plusloin, on précise que l'on doit «désormais» in-clure aussi l'éducation préscolaire dans la for-mation de base commune.

On peut résumer ainsi ce que révèle une ana-lyse de ces divers passages (et de quelques au-tres qui les confirment et qu'il serait trop longde citer ici) :

• Le sens des expressions «éducation de base»et «formation de base commune» est très pro-

7 Peut-être n'est-il pas sans intérêt de noter que le terme

«formation générale» n'est utilisé dans tout l'énoncé qu'àdeux reprises et uniquement en couple avec la «forma-tion professionnelle» (p. 25, 3e paragraphe, début etdernier tiret). Aussi, dans le contexte, le terme possèdeun caractère essentiellement administratif.

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che. Toutes deux renvoient à la plus grandepartie — ou, peut-être, à la totalité (compa-rer, par exemple, p. 9, dernier paragraphe et20, 1er paragraphe) — de la formation of-ferte avant le deuxième cycle du secondaire.

• La «formation de base» comprend l'éduca-tion de base (ou, ce qui revient au même, laformation de base commune) et un tronccommun d'apprentissages propre au deuxiè-me cycle du secondaire.

• Enfin, il existe une «formation diversifiée»,qui est propre au deuxième cycle du se-condaire. Cette formation peut être «debase», «autant en formation générale qu'enformation professionnelle» (p. 25, 3e para-graphe), et, puisque le deuxième cycle dusecondaire conduit également à une forma-tion professionnelle, peut aussi être autre.L'expression «de base» renvoie sans douteici au tronc commun qui figure dans lagrille-matières du second cycle de l'ensei-gnement secondaire (p. 26).

b) À la page 25 (2e paragraphe) de l'énoncé depolitique, et seulement à cet endroit, il estquestion de «matières de base». On décritalors le tronc commun déjà mentionné (en a)du deuxième cycle de l'enseignement se-condaire. En font «notamment» partie, écrit-on, les langues, les mathématiques, l'histoireet l'éducation à la citoyenneté, la connais-sance du monde contemporain et les sciences.Dans la grille-matières du second cycle del'enseignement secondaire (p. 26), le mêmetronc commun est décrit comme comprenant,en plus des matières mentionnées ci-dessus,l'éducation physique et l'éducation à la santé,l'enseignement moral et religieux et l'ensei-gnement moral. Compte tenu du «notam-ment» déjà signalé, on peut raisonnablementconclure qu'il n'existe pas, dans l'énoncé, dedifférence entre le sens que l'on donne à «ma-tières de base» et la liste des matières du tronccommun du deuxième cycle de l'enseignementsecondaire.

Cependant, il existe aussi des «matières essen-tielles». Comme le précédent, ce terme n'ap-

paraît qu'une seule fois. Il figure dans la défi-nition que l'on donne du «temps comparé»,dans une note placée sous la grille-matières duprimaire (p. 22). Selon l'interprétation la plusprobable, ce terme englobe toutes les matièresexplicitement mentionnées dans cette grille-matières.

Les «matières à option» forment une troisièmecatégorie de matières. En 3e secondaire, l'élèvepeut accumuler six unités en faisant un choix«dans au plus deux des quatre programmessuivants : Arts, Technologie, Langue moderneou programme local» (p. 23, 2e paragraphe)8.Au second cycle du secondaire, des matières àoption sont prévues dans chacun des «domai-nes» ou «champs» disciplinaires que sont «leslangues, l'univers social, les sciences, les ma-thématiques et la technologie, les arts (et) ledéveloppement personnel» (p. 25, 3e para-graphe). À ces domaines, s'ajoute la formationprofessionnelle (ibid.).

En résumé, il ressort de cette analyse que,pour autant qu'il soit possible de tirer desconclusions,

• l'expression «matières de base» ne s'appliquequ'au second cycle du secondaire et la listede ces matières équivaut au tronc communpropre à ce cycle;

• pour l'ensemble des matières que mentionnela grille-matières du primaire, on emploieplutôt l'expression «matières essentielles»;

• l'expression «matières à option» comprendl'ensemble de la formation professionnelle,trois matières ou un programme local parmilesquels un élève de 3e secondaire peut choi-sir et un certain nombre de matières autresque de formation professionnelle pour les-quelles un élève du second cycle du se-condaire peut opter.

8 Dans la grille-matières du premier cycle de l'enseigne-

ment secondaire, on présente ainsi les matières à optionde 3e secondaire : «Arts, ou Technologie ou Langue mo-derne ou programme local» (p. 24). Si vous n'aviez pasdéjà lu l'interprétation de la page 23, est-ce celle quevous auriez donnée à partir de cette formulation?

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c) Au chapitre des distinctions, l'énoncé de poli-tique en suggère une autre entre «curriculumnational de base» et «curriculum national».L'indice le plus précis que fournit le texte pourpermettre la clarification de la portée de cettedistinction est la définition qu'il donne d'un«curriculum national». Cette définition stipuleque «les principales composantes» de ce curri-culum sont la grille-matières, les programmesd'études, les modes d'évaluation et le matérieldidactique (p. 14, 2e paragraphe). Dans lepassage où on utilise le terme «curriculum debase» (p. 9, 4e paragraphe), on affirme quel'État doit «définir» un tel curriculum, tandisque les établissements doivent «offrir» diverstypes de cheminements scolaires. Cela ne ren-seigne pas directement sur la portée que l'ondonne à «curriculum national de base», maisincite à croire que cette portée est, commedans la définition de «curriculum national»,très large.

À deux autres endroits dans le texte (p. 20,2e paragraphe et 28, 3e paragraphe), l'utilisa-tion que l'on fait du terme «curriculum natio-nal» semble confirmer qu'on lui prête un sensplutôt extensif. Cependant, l'affirmation vou-lant que «curriculum national, marge de ma-nœuvre individuelle (des enseignants et desenseignantes) et partenariat sont des réalitésqu'il faut concilier» (p. 27, 1er paragraphe)laisse supposer que le contenu de ce curricu-lum aura quand même certaines limites.

Tout compte fait, il ne semble donc pas exis-ter de distinction marquée entre les termes«curriculum national de base» et «curriculumnational», mais l'extension que l'on donne à cedernier terme demeure ambiguë.

d) Les expressions «école de base», «enseigne-ment de base», «programme de base» et «ma-tériel de base» ne reviennent toutes qu'uneseule fois et, dans chaque cas, avec peu de dé-tails.

L'expression «école de base» est, assez para-doxalement, la plus difficile à déchiffrer. Se-lon la façon dont on interprète le contexte oùon l'emploie (p. 15, 1er paragraphe), on peut

comprendre qu'il s'agit de l'école primaire etde l'école secondaire du premier cycle ou del'ensemble de l'école primaire et secondaire.

C'est dans un passage sur les arts que l'on faitappel à l'expression «enseignement de base»ou, plus précisément, «enseignement de basecommun» (p. 18, 1er paragraphe). Cet «ensei-gnement» comprend les arts plastiques et lamusique.

Par ailleurs, c'est en mathématiques que l'onparle d'un «programme de base» (p. 25,3e paragraphe). On distingue ainsi un pro-gramme d'études de 4e et de 5e secondaire du«programme intermédiaire de mathémati-ques» dont on propose l'introduction dans lesmêmes années.

Quant au «matériel de base», on envisage d'enrevoir la définition dans le cadre d'une révi-sion plus large sur l'évaluation et l'approba-tion du matériel didactique (p. 34, 3e para-graphe). Le contexte ne permet pas de préci-ser en quoi consiste le matériel didactique «debase» et celui qui est autre que «de base».

e) Enfin, l'énoncé de politique utilise à une re-prise le terme «savoirs de base essentiels» et àdeux reprises celui d'«apprentissages de base».En fait, un paragraphe consacré aux buts del'enseignement primaire contient les deuxtermes (p. 20, 4e paragraphe). Il en ressortque le terme «apprentissages de base» couvreun champ plus large que le terme «savoirs debase essentiels». En effet, en plus de ceux-ci,les apprentissages de base comprennent l'ap-prentissage de méthodes de travail et l'initia-tion à d'autres contenus de formation et à cer-tains éléments de la vie en société. On ne saitcependant pas, pour autant, ce que l'on en-tend par «savoirs de base essentiels». Quantau terme «apprentissages de base», il sembleévident, à la lecture du paragraphe dont ilvient d'être question, qu'il s'applique exclusi-vement au primaire. Toutefois, si on se re-porte à la page 31 (2e paragraphe, 2e tiret), ondécouvre que ces apprentissages courent jus-qu'à la fin de la 3e année du secondaire.

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Aux «apprentissages de base» et aux «savoirsde base essentiels», s'ajoutent, parmi les sortesd'apprentissages, les apprentissages essentielset les apprentissages fondamentaux et, parmiles sortes de savoirs, les savoirs fondamen-taux, les savoirs essentiels, les savoirs com-plexes et les savoirs élémentaires.

Les «apprentissages essentiels» sont «ceuxdont dépend le succès ou l'échec des élèves : lamaîtrise de la langue maternelle et d'une lan-gue seconde, la maîtrise des éléments princi-paux des mathématiques, la connaissance deson histoire, l'initiation aux langages artisti-ques, l'appropriation de la base des sciences etl'acquisition de méthodes de travail» (p. 13,3e paragraphe). Quelques pages plus loin, ondonne cependant une signification beaucoupplus large au terme «apprentissages essen-tiels». En effet, on affirme que ceux-ci «se dé-finissent par les grands domaines d'apprentis-sage disciplinaires et par les compétencestransversales» (p. 16, 2e paragraphe). Suiventtrois pages et demie consacrées à ces domai-nes et à ces compétences. On en fait donc,d'une manière quelque peu inattendue en re-gard de la partie de l'énoncé qui précède, l'undes concepts clefs de l'énoncé. Même le para-graphe juste au-dessus, qui met en relation«apprentissages essentiels» et «savoirs fonda-mentaux», ne laisse pas soupçonner, loin delà, une telle extension du terme. Peut-être y a-t-il lieu de signaler que, dans tout le reste dudocument, le terme «apprentissages essen-tiels» ne réapparaît plus. Tel que déjà signalé,on utilise aussi le terme «apprentissages fon-damentaux» (p. 13, 1er paragraphe), mais unefois seulement et sans en préciser d'aucunemanière le sens.

À la page 13 (3e paragraphe), les «savoirs fon-damentaux» sont présentés comme l'une descomposantes des apprentissages essentiels (lesdeux autres étant les compétences méthodo-logiques et les habiletés intellectuelles). Cettecomposante comprend un certain nombre dematières d'enseignement (déjà énumérées audébut du paragraphe précédent). Dans lepremier paragraphe de la page 16, égalementévoqué ci-dessus, on reprend le terme «savoirs

fondamentaux», mais l'allusion que l'on fait àla capacité de lire et d'écrire semble suggérerun sens plus restreint qu'à la page 13. Par ail-leurs, un autre passage de l'énoncé spécifieque l'éducation physique et l'éducation à lasanté font aussi partie des savoirs fondamen-taux, tout comme des savoirs élémentaires(p. 18, 3e paragraphe).

L'introduction de L'école, tout un programme estle seul endroit où il est fait mention de «sa-voirs essentiels» et de «savoirs complexes». Enoutre, on introduit la notion de «savoirs élé-mentaires», sur laquelle on reviendra à deuxreprises par la suite. Ce passage de l'introduc-tion se lit ainsi : «[...] dans une société où lessavoirs occupent et occuperont une place cen-trale, tous les élèves doivent pouvoir accéder àla maîtrise de savoirs essentiels, et même desavoirs complexes, mais en premier lieu à lamaîtrise de savoirs élémentaires» (p. 3,4e paragraphe). Comme «savoirs élémentai-res», on mentionne «certains savoirs mathé-matiques», la lecture et l'écriture (p. 17,1er paragraphe), de même que les savoirs quisont reliés à l'éducation physique et à l'éduca-tion à la santé (p. 18, 3e paragraphe).

Cette analyse permet de dégager les pointssuivants :

• L'énoncé de politique distingue parmi lessavoirs — un terme que l'énoncé utilisecomme tel à quelques reprises, tantôt dansun sens très large et tantôt dans un sens res-treint (voir p. 3, 4e paragraphe, 9, 2e para-graphe, 15, 1er paragraphe et 20, 4e et5e paragraphes) — des savoirs de base essen-tiels, des savoirs fondamentaux, des savoirsessentiels, des savoirs complexes et des sa-voirs élémentaires. Le genre de contenusque comprennent les termes «savoirs fon-damentaux» et «savoirs de base essentiels»paraît très semblable, mais on emploie lepremier terme lorsqu'il est question de l'en-semble du système scolaire (p. 13, 3e para-graphe) et le second lorsqu'il est question del'enseignement primaire seulement (p. 20,4e paragraphe). D'autre part, l'introductionde l'énoncé suggère une hiérarchie entre les

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98 Troisième partie – Améliorer le curriculum et l'apprentissage : …

savoirs élémentaires, les savoirs essentiels etles savoirs complexes (p. 3, 4e paragraphe),mais, dans la suite du document, on ne re-prend à aucun moment les termes «savoirsessentiels» et «savoirs complexes». Quantaux savoirs élémentaires, ils comprennentdes éléments de lecture, d'écriture, de ma-thématiques, d'éducation physique et d'édu-cation à la santé (p. 17, 1er paragraphe et18, 3e paragraphe).

• Parmi les apprentissages, l'énoncé de politi-que différencie des apprentissages de base,des apprentissages essentiels et des appren-tissages fondamentaux. Ces derniers (p. 13,1er paragraphe) semblent comprendre unegamme d'apprentissages assez étendue, maisl'énoncé ne comporte aucune précision surle sujet. Les apprentissages essentielsconcernent les langues, les mathématiques,l'histoire, les arts, les sciences etl’«acquisition de méthodes de travail»(p. 13, 3e paragraphe), mais ils constituentégalement l'un des principaux concepts del'énoncé; à ce titre, ils renvoient à l'ensembledes contenus de formation de l'enseigne-ment primaire et de l'enseignement se-condaire, subdivisés en grands domainesd'apprentissage disciplinaires et en domainedes compétences transversales (p. 16,2e paragraphe).

• On ne définit pas aussi explicitement ce querecouvre le concept d'«apprentissages debase» et le sens qu'on lui donne est incer-tain; à un endroit (p. 20, 4e paragraphe), ils'agit des apprentissages qui, dans l'ensei-gnement primaire, contribuent au dévelop-pement de l'autonomie intellectuelle dechaque élève et lui permettront «d'aborderles savoirs qui lui seront proposés par l'écolesecondaire», tandis qu'à un autre endroit(p. 31, 2e paragraphe), il est tout aussi clairque ces apprentissages font partie du curri-culum jusqu'à la fin du premier cycle del'enseignement secondaire.

1.2 « Compétences »

Le terme «compétences» (au pluriel)9 constitueune autre des clefs de l'énoncé de politiqueL'École, tout un programme. On prévoit même quel'acquisition de compétences sera l'un des axesmajeurs d'un curriculum rénové. Il s'avère doncimportant de savoir quelle définition on endonne et de voir de quelle manière on en traite.

Ce qui frappe tout d'abord, à la lecture del'énoncé de politique, c'est la diversité des caté-gories de compétences. En effet, selon l'énoncé, ilexiste des compétences disciplinaires, profes-sionnelles, transversales, méthodologiques, in-tellectuelles, liées aux attitudes et aux compor-tements, et linguistiques, sans compter les com-pétences tout court, que l'on présente commeformant couple avec les connaissances et dont lesens semble s'apparenter à celui que l'on donnehabituellement, au Québec, à «habiletés» (voirp. 27, 2e paragraphe).

On note aussi qu'un bloc important de ces caté-gories de compétences est lui-même regroupé àl'intérieur d'une catégorie plus large appelée«compétences transversales». Ces catégories decompétences sont les compétences intellectuel-les, les compétences méthodologiques, les com-pétences liées aux attitudes et aux comporte-ments et les compétences linguistiques (p. 18-19,«Le domaine des compétences transversales»).On considère que ces compétences «ne relèventpas du domaine exclusif de l'enseignement desdisciplines» et «doivent donc être présentes dansl'ensemble des activités éducatives organisées parl'école» (p. 18, 4e paragraphe). Dans le mêmepassage, on considère les compétences et les atti-tudes comme deux réalités distinctes (voir aussi,dans le même sens, p. 28, 1er paragraphe), mais,par la suite, on inclut les attitudes (selon toute

9 Dans L'École, tout un programme, le terme «compétence»

n'est utilisé qu'une seule fois au singulier, dans un pas-sage où on souligne que l'aménagement du curriculum«doit permettre aux enseignants et enseignantes d'exer-cer leur autonomie et leur «compétence» (p. 15, 2e para-graphe. L'italique est de nous.) Cet emploi du termecompétence dans le sens, classique, d'une personne quipossède une maîtrise approfondie d'un art, d'une scienceou d'un sujet d'une certaine ampleur ne pose ici aucunproblème.

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apparence, les mêmes) parmi les compétences(p. 19, 1er paragraphe). L'affirmation voulant que«la préoccupation de l'éducation aux valeurs»fasse, elle aussi, «partie des compétences trans-versales dont on tient compte dans les autresmatières ou disciplines (que l'enseignement mo-ral et religieux et l'enseignement moral), ou danscertaines activités se déroulant à l'école» (p. 18,2e paragraphe) suscite également un point d'in-terrogation. Lit-on mal le texte lorsqu'on l'inter-prète comme signifiant que l'éducation aux va-leurs consiste dans un ensemble de «compéten-ces» à acquérir?

Une autre difficulté concernant ce que l'on en-tend par compétences transversales est que, dansun autre chapitre du document, on en donneune définition qui paraît s'éloigner sensiblementde celle qui a été rapportée ci-dessus. En effet,dans ce passage, qui porte sur la formationcontinue du personnel enseignant, on parled'«une formation sur les compétences transver-sales qui visent à développer la capacité detransposer dans différents domaines d'activité unsavoir acquis dans un contexte particulier»(p. 35, 4e paragraphe). Quoique peu claire, cettedéfinition semble nettement plus restrictive quecelle de la page 18. Par ailleurs, ne confond-onpas ici «compétences transversales» et «compé-tences transférables»?

L'énoncé de politique contient également quel-ques précisions sur les autres catégories de com-pétences. Ainsi, «exercer la mémoire, entrepren-dre un projet et le mener à terme, développer lesens critique (et) apprendre à communiquer»,voilà autant d'activités qui sont considéréescomme des compétences intellectuelles ou quiconduisent à de telles compétences (p. 18,4e paragraphe). En relation avec les compétencesméthodologiques, on note qu'il faut apprendreaux élèves «à organiser un travail, à travailler enéquipe ou en coopération» et «à utiliser les mé-thodes appropriées de traitement de l'informa-tion» (ibid.). On donne comme exemples decompétences liées aux attitudes et aux compor-tements «l'éducation interculturelle et le respectdes différences, l'entrepreneurship, l'éducation aurespect de l'environnement, l'éducation aux mé-dias (et) les règles liées à la conservation de la

santé» (p. 19, 1er paragraphe). Concernant ladernière catégorie des compétences transversales,les compétences linguistiques, on se limite àaffirmer que «la maîtrise de la langue doit êtreune préoccupation dans toutes les disciplines etpour tout le personnel enseignant» (ibid.). Quantaux compétences disciplinaires et aux compéten-ces professionnelles, on n'en fournit à aucunmoment une définition, mais le contexte permetde se faire une idée de ce que l'on veut dire. Lescompétences «disciplinaires» sont des compéten-ces dont la mise à jour s'impose au personnelenseignant «pour l'enseignement des programmesd'études modifiés» (p. 35, 4e paragraphe) et lescompétences professionnelles des compétencesque devraient, pour s'intégrer à la société, acqué-rir les jeunes non aptes à entreprendre et à réus-sir un parcours scolaire (p. 9, 4e paragraphe).

1.3 Au-delà des mots

La rédaction de l'énoncé de politique L'école, toutun programme est telle que des personnes bieninformées et de bonne foi peuvent, en s'appuyantsur le texte, imaginer de futurs curriculums qué-bécois qui n'auront que de vagues ressemblancesentre eux. Les esprits plus traditionnels ou qui,pour une raison ou une autre, souhaitent peu dechangements y trouveront ample matière à satis-faction. La répétition, dans des passages stratégi-ques et à propos de tout, des termes «de base»,«essentiel», «fondamental», «commun» et dequelques autres permet d'élaborer une solideargumentation pour le maintien d'un type decurriculum très proche d'un modèle centenaire.Par contre, les esprits désireux de mettre del'avant des réformes significatives trouverontaussi, sans trop de peine, dans les affirmationsou les allusions relatives à une société du savoir,à une démocratie pluraliste, à des changementsnécessaires «depuis quelque temps déjà» (p. 3,1er paragraphe), aux défis du prochain siècle, àune préoccupation de l'école pour une culturelarge et ouverte sur le monde, à la promotiond'une «pédagogie de la découverte et de la pro-duction» (p. 15, 1er paragraphe), à l'intégrationdes savoirs et à plusieurs autres sujets, de quoiappuyer leurs propositions d'un curriculum pro-

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100 Troisième partie – Améliorer le curriculum et l'apprentissage : …

fondément repensé et réorienté. Entre ces deuxvoies, plusieurs autres sont également possibles.

En fait, cet énoncé traite du futur curriculumquébécois, mais, compte tenu du vocabulaireprivilégié et de la manière dont ce vocabulaire estutilisé, il ne constitue pas un guide fiable. Cequ'il propose contient trop d'imprécisions sur despoints capitaux, trop de sauts inexpliqués d'unconcept à l'autre, trop de termes apparemmentimportants (tels que «objectif», à la page 9, «sa-voirs complexes», à la page 3, etc.) qui demeu-rent suspendus dans l'air, trop de passages dontla conciliation exige tout un raisonnement pourun résultat souvent incertain quand même, tropde distinctions peu habituelles, voire inédites,présentées comme allant de soi, sans la moindrejustification.

Par la force des choses, il sera question des com-pétences dans la section 3, sur le genre de curri-culum, mais il convient d'en dire un mot ici en seplaçant du point de vue de la clarté du propos.On constate que, en l'absence de toute définitiondu terme, on l'accommode à bien des sauces.Comment peut-on expliquer qu'un concept d'unemploi si récent (au pluriel s'entend) puissemaintenant avoir toutes les significations qu'onlui prête dans l'énoncé de politique? Lorsqu'il estquestion du développement de l'intelligence,qu'est-ce qui, dans les résultats récents de la re-cherche, justifie d'appeler «compétences» ce quiest depuis longtemps connu comme étant des«habiletés» ou des «facultés»? Et comment, àl'examen, ne pas s'interroger sur le bien-fondé del'utilisation que l'on fait de ce terme lorsqu'ondécouvre la disparité de tous les éléments qu'ony met et le peu de cohérence qui semble existerdans leur regroupement?

L'énoncé de politique affirme que, à l'avenir,dans les programmes d'études, «le langage utilisésera [...] plus simple, plus clair et dépouillé detout jargon technique» (p. 27, 2e paragraphe).De telles règles pourraient aussi, dans l'avenir,s'avérer utiles dans d'autres circonstances.

2. Le cadre général de référence

2.1 De quoi s'agit-il?

Dans une approche éducative centrée sur la maî-trise des apprentissages, au sens défini dans lechapitre I, le curriculum d'un système scolaires'appuie sur un cadre de référence clair concer-nant les buts visés et les valeurs essentielles àpromouvoir. Ce sont ces buts et ces valeurs qui,à leur tour, permettent de développer une visiondu système scolaire souhaité et de la formationque l'on veut que les élèves qui la fréquententacquièrent. Ce sont ces buts, ces valeurs et cettevision qui déterminent l'orientation, la structureet, dans une large mesure, le contenu même d'uncurriculum.

Même si les termes utilisés sont différents, onpeut considérer que L'école, tout un programmeconsacre un chapitre, le premier, aux buts dusystème scolaire — ou de l'école — du Québec etla première partie du chapitre II («L'environne-ment éducatif recherché», p. 13 à 15) à une vi-sion de cette école. Quant aux valeurs privilé-giées, elles ne sont nulle part nommées en tantque telles, mais on en évoque l'existence dans lechapitre I (L'école doit, affirme-t-on, «promou-voir les valeurs qui fondent la démocratie») etelles affleurent ici et là, en particulier dans cer-tains sous-titres et passages de la première partiedu chapitre II.

La présente section ne porte que sur le cadre deréférence proposé dans le chapitre I. Le contenudu chapitre II a déjà été abordé sous un angledifférent dans la section précédente et il le serade nouveau dans les sections suivantes.

2.2 En quoi consiste-t-il?

Le chapitre I, qui tient en une page, s'intitule«Les missions de l'école». À l'intérieur du «champd'action» attribué à l'école par la société, on lui a,affirme-t-on, confié trois «missions», soit cellesd'instruire, de socialiser et de qualifier. Le pre-mier paragraphe fait également allusion à

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l'«objectif» de l'école, mais on ne précise pas, nidans cette page, ni ailleurs dans l'énoncé, quellesignification on donne à ce terme.

On décrit la mission d'instruction de l'école enfaisant remarquer qu'elle a «une fonction irrem-plaçable en ce qui a trait à la transmission de laconnaissance» (L'italique est de nous.) Toutefois,dans la phrase suivante, on précise que «cettemission» consiste à «donner de l'importance audéveloppement des activités intellectuelles et à lamaîtrise des savoirs». Sensiblement dans lemême sens, une troisième phrase souligne que,«dans le contexte actuel de la société du savoir,la formation de l'esprit doit être une prioritépour chaque établissement».

L'énoncé de politique explique essentiellement lamission de socialiser de l'école en affirmant que,«dans une société pluraliste comme la nôtre»,l'école «doit favoriser le sentiment d'apparte-nance à la collectivité» et «l'apprentissage du“vivre ensemble"». Pour accomplir «cette fonc-tion», poursuit-on, l'école doit notamment, voireprincipalement, «promouvoir les valeurs qui fon-dent la démocratie et préparer les jeunes à exer-cer une citoyenneté responsable».

Quant à la mission de qualifier, l'énoncé de poli-tique la présente comme un double «devoir», soitcelui «de rendre tous les élèves aptes à entre-prendre et à réussir un parcours scolaire» ou «às'intégrer à la société par la maîtrise de compé-tences professionnelles». À l'intention des élèvesappartenant au second groupe, on précise qu'«ilest temps […] de réhabiliter la formation profes-sionnelle comme voie normale de scolarisation».

En clair, l'école québécoise poursuit donc les«buts» suivants : transmettre la connaissance,former l'intelligence, apprendre à vivre dans unesociété démocratique pluraliste et préparer àentreprendre des études plus poussées, notam-ment postsecondaires, ou à entrer dans le mondedu travail après avoir acquis une formation pro-fessionnelle.

2.3 Quelques interrogations

Cette façon d'envisager l'école et, plus encore, ladescription qui en est donnée soulèvent plusieursinterrogations. En pensant plus spécialement aucurriculum, en voici quelques-unes :

a) On fait appel à cinq concepts pour définir cequi, fondamentalement, est attendu de l'écoledans la société québécoise, soit à ceux dechamp d'action, de mission, d'objectif, defonction et de devoir, mais il s'avère très diffi-cile de voir ce qu'apporte de propre à l'ensem-ble chacun de ces concepts et, à plus forte rai-son, de saisir comment ils se situent l'un parrapport à l'autre. C'est le cas plus particuliè-rement pour les concepts d'objectif, de fonc-tion et de devoir. Par ailleurs, on peut se de-mander si l'emploi au pluriel du terme «mis-sions» est bien approprié; en effet, on conçoitbien qu'un organisme ait plus d'un but etpoursuive plusieurs objectifs, mais il est trèsrare que l'on dise qu'il a plusieurs «missions».Cela se justifie-t-il dans les circonstances?

b) La relation que l'énoncé établit entre latransmission de la connaissance et la forma-tion de l'intelligence demeure très floue. L'in-terprétation que l'on donnera, au cours desprochaines années, des liens qui unissent la«transmission de la connaissance», les «activi-tés intellectuelles», la «maîtrise des savoirs» etla «formation de l'esprit» dont il est questiondans le paragraphe consacré à la mission d'ins-truire de l'école aura pourtant des conséquen-ces considérables sur le genre de curriculumque l'on adoptera et la manière dont on l'im-plantera dans les écoles. Qui en décidera?Quand? De quelle manière? À partir de quelscritères?

c) Derrière l'idée d'une socialisation par l'école,on s'attend habituellement à retrouver, sousune forme ou sous une autre, une préoccupa-tion pour au moins les deux réalités suivantes:la culture ou l'héritage de l'humanité acquis aucours des siècles et les chantiers du présent etde l'avenir. Or, dans la description que l'ondonne de la mission de socialiser de l'écoledans L'École, tout un programme, on semble ne

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102 Troisième partie – Améliorer le curriculum et l'apprentissage : …

s'intéresser qu'au présent et à l'avenir. C'estseulement par déduction que l'on est amené àsoupçonner, en fond de scène, la présence dis-crète du passé. Celui-ci, il importe de le noter,ne fait pas l'objet de plus d'attention dansl'explication que l'on fournit des deux autresmissions de l'école. Tout au plus peut-on sup-poser que l'expression «transmission de laconnaissance», qui sert à décrire la missiond'instruire, inclut aussi, nécessairement, latransmission d'une tradition culturelle.

d) La séparation marquée que l'on opère entre lesélèves jugés aptes à réussir «un parcours sco-laire» et les autres, à qui est réservée une for-mation dite «professionnelle», tranche, detoute évidence, avec la conception que l'on sefait de l'apprentissage et de la préparation àl'avenir dans l'approche éducative déjà décritecentrée sur la maîtrise des apprentissages (voirchap. I, en particulier 3.2 et 3.3.2). Lorsqu'onadopte une telle approche, on cherche à ré-duire le plus possible les cloisonnements et leshiérarchies du passé entre la formation profes-sionnelle et d'autres types de formation, non à«réhabiliter la formation professionnellecomme voie normale de scolarisation». Lapréparation de tous les élèves à devenir destravailleuses et des travailleurs compétents,autonomes et inventifs a autant d'importanceet doit commencer aussi tôt que leur prépara-tion à devenir des citoyennes et des citoyensresponsables (voir sur ce point l'exemple del'Oregon, ci-dessus, première partie, chap. I,2.1 et conclusion, 3.2).

Le cadre général de référence sur lequel s'appuiel'énoncé de politique L'école, tout un programmepropose effectivement des buts à l'école québé-coise, mais, étant donné le caractère terne etvague de leur formulation, ils constituent desassises peu satisfaisantes pour fonder le curricu-lum ample, cohérent et inspirant que certainspassages du même énoncé semblent juger néces-saire.

3. Le genre de curriculum

3.1 Rappels

Les sous-sections 3.2 et 3.3 du chapitre Icontiennent plusieurs précisions sur la concep-tion du curriculum que l'on a progressivementdéveloppée dans le cadre d'une approche centréesur la maîtrise des apprentissages. Compte tenude l'optique de cette partie de l'étude, soit lesconvergences entre cette approche et les orienta-tions de L'école, tout un programme et son apportpossible à la rénovation du curriculum québé-cois, il s'impose de rappeler, sous une formeabrégée, quelques traits caractéristiques de cetteconception.

a) Le curriculum est le même pour tous les élè-ves. Il est exigeant, mais se limite à ce quetous les élèves doivent savoir et être capablesde faire. Cependant, on ne s'attend pas à ceque tous les élèves suivent la même démarched'apprentissage, utilisent les mêmes moyens,atteignent les résultats attendus au mêmemoment et parviennent à une égale maîtrisedu contenu de ce curriculum.

b) Au 20e siècle, aux États-Unis, on a développéd'une façon significative au moins trois typesde curriculum. Un premier type a comme so-cle les «disciplines» telles qu'elles se sont cons-tituées à la faveur de la recherche, de la tradi-tion et de l'activité des personnes qui en ontillustré la spécificité avec le plus de perfection.Un deuxième type de curriculum accorde uneattention prioritaire, dans le choix et l'aména-gement des contenus, aux centres d'intérêt etaux préoccupations des élèves. Enfin, un troi-sième type de curriculum met l'accent sur desthèmes structurés autour d'interrogations, deproblèmes, de courants de pensée, de mouve-ments sociaux ou d'événements majeurs.

C'est nettement, quoique non exclusivement,dans la ligne du troisième type de curriculumque se situe l'approche éducative centrée surla maîtrise des apprentissages décrite dans lechapitre I. Dans cette approche, on insiste en

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particulier sur la préparation des élèves à l'en-semble des rôles et des responsabilités qu'ilsauront à assumer dans la vie (pour plus deprécisions, voir chapitre I, 3.3.2). Sur ce pointprécis, le système scolaire de l'Oregon fait fi-gure de pionnier (voir première partie, chapi-tre 1, 2.1). Toutefois, il importe de signalerque, même si le curriculum de ce systèmescolaire fait, de diverses manières, une place àde grands thèmes, il demeure fondamentale-ment structuré à partir des disciplines les pluscourantes en éducation, tout au moins dansles dix premières années du cursus scolaire(voir chapitre II, 1.1 et 2).

c) Ce sont les apprentissages terminaux souhai-tés que l'on détermine en premier lieu, avec lemaximum de clarté. Suivent les apprentissagesintermédiaires, soit ceux de la fin d'un cycle,par exemple. Ces apprentissages, qu'il s'agissede concepts, de notions, de thèmes, d'une ha-bileté particulière ou d'une autre catégoried'apprentissages, ont une certaine ampleur,sont formulés en termes synthétiques et se ca-ractérisent par leur pouvoir d'évocation et leurcapacité d'ouvrir sur d'autres horizons, de ser-vir de fondement à d'autres apprentissages oude susciter des interrogations fécondes. Lesapprentissages intermédiaires incluent tout cequi est nécessaire — et uniquement ce qui estnécessaire — à la maîtrise des apprentissagesterminaux (voir chap. I, 3.3.3). Il est aussi ànoter que, dans un tel curriculum, c'est enmême temps qu'il comprend un concept, unenotion ou un événement ou effectue une ac-tion que l'élève développe les habiletés intel-lectuelles, sociales, motrices ou autres jugéesessentielles.

d) L'évaluation de l'apprentissage est pleinementintégrée dans le curriculum. Elle est donc pré-vue lors de son élaboration. Dès qu'il amorcel'étude du contenu d'un curriculum, l'élève saitdonc de manière précise ce sur quoi il seraévalué, quelle maîtrise du contenu sera jugéeoptimale, ce qu'il devra produire ou faire pourdémontrer qu'il a atteint cette maîtrise et àpartir de quels critères on en jugera.

Tout est mis en œuvre pour que tous les élè-ves atteignent le niveau de maîtrise le plusélevé — il n'y a a priori aucun quota — et toutélève peut, dans un délai raisonnable, travail-ler jusqu'à ce qu'il ait atteint ce niveau. Unélève peut aussi, cela va de soi, envisager unapprentissage dans une perspective plus largeet, en quelque sorte, «dépasser» le niveau demaîtrise considéré comme optimal. L'évalua-tion en cours de formation, qui est continue,sert d'abord à indiquer à l'élève où il en est etce sur quoi il devrait désormais concentrer sonattention. Cette évaluation peut porter aussibien sur les connaissances, les habiletés ou lesattitudes à maîtriser que sur les processus quiconduisent à cette maîtrise. Si quelque «re-médiation» s'impose, elle a lieu dans un courtdélai, et non, par exemple, seulement à la find'une année ou d'un cycle.

Une façon simple d'envisager les niveaux demaîtrise est de prévoir un niveau «approprié»,un niveau «avancé» et un niveau «supérieur»,mais d'autres aménagements, plus complexes,sont également possibles (voir, par exemple,Castner, Costella and Hess, 1993, p. 47).

3.2 Convergences et interrogations

Il existe des convergences entre les orientationsrappelées dans la sous-section 3.1 et celles del'énoncé de politique L'école, tout un programme,mais leur étendue et leur profondeur demeurentincertaines. Pour des raisons déjà connues, tropd'interprétations différentes, voire contradictoi-res, sont possibles. Dans les circonstances, lasolution la plus appropriée semble donc êtred'entrecroiser éléments de convergence et com-mentaires ou interrogations sur quelques aspectsjugés névralgiques. Les aspects retenus sont laportée du curriculum proposé, la place faite auxdisciplines et l'apport de ce que l'on appelle des«compétences transversales».

a) Dans la section de l'énoncé intitulée «L'envi-ronnement éducatif recherché» (p. 13-15), onaffirme que «même le découpage de l'horairedes élèves et l'utilisation du temps scolairedoivent se faire en fonction de la nature des

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apprentissages à réaliser, plutôt qu'en vertu denormes uniformisées» (p. 15, 2e paragraphe).Par la suite, dans les pages consacrées auxgrands domaines d'apprentissage disciplinaires(p. 16-18), les matières du curriculum sontdécrites comme ayant une dimension socialebien marquée et ouvrant sur des possibilitésde formation de la personne dans maintes di-rections. Cependant, la section sur l'organisa-tion de l'enseignement à l'école (p. 20-26) nesemble pas avoir beaucoup exploité ces atouts.En effet, malgré certains assouplissementsdans l'emploi du temps en classe et quelquesallusions à une organisation différente de l'en-seignement, cette section se présente avanttout comme un ensemble de dispositions et demesures ayant peu de liens visibles entre elleset de grilles-matières qui en proposent le tra-ditionnel résumé. Les pistes dont on avaitamorcé l'exploration ne sont guère reprises etrepensées, puis intégrées, dans une organisa-tion de l'enseignement centrée sur l'apprentis-sage des élèves.

Ce qui manque, peut-être, c'est, au-delà desmatières, un certain nombre de finalités qui,comme dans une approche éducative centréesur la maîtrise des apprentissages, justifient lapertinence des diverses matières, en illustrentl'intérêt en relation avec les exigences de la vieconcrète et fournissent une prise réelle à des«connexions» et à une certaine interdisciplina-rité. À défaut de telles finalités, clairementdégagées, les matières risquent de demeurerdes îles sans vie et sans attrait. De même, l'in-terdisciplinarité peut être perçue comme unobjectif en soi, extérieur aux matières elles-mêmes, plutôt que de s'imposer naturellementcomme la seule réponse possible à des pro-blèmes réels et à de vraies questions. Si, dansl'énoncé de politique, l'interdisciplinarité étaitdavantage inscrite dans l'organisation de l'en-seignement, il serait sans doute quand mêmeutile de regrouper l'ensemble des contenus deformation «afin d'en faire ressortir la cohé-rence interdisciplinaire» (p. 27, 2e paragra-phe), mais une telle opération prendrait pro-bablement une forme moins tranchée entre le«vertical» et l'«horizontal» que celle qui y estesquissée (voir ibid.).

b) Dans L'école, tout un programme, on choisitd'abord des disciplines (ou, tout aussi bien,des matières), non ce que les élèves doiventapprendre et savoir faire. On tient pour ac-quis, semble-t-il, que l'étude de ces disciplinesproduira la formation appropriée.

Les disciplines retenues sont des disciplinesdéjà bien connues dans le système scolaire duQuébec. On précise cependant que l'histoireinclut l'éducation à la citoyenneté, et l'éduca-tion physique l'éducation à la santé. On re-groupe ces disciplines à l'intérieur de cinqgrands domaines, qualifiés, eux aussi, de «dis-ciplinaires» (p. 16). Toutefois, on ne fournitaucun fondement à l'appui de ces regroupe-ments et, dans la suite du texte, de même quedans les grilles-matières, ces regroupementsont très peu d'importance. On ne les utilise, àtoutes fins utiles, que pour stipuler que, audeuxième cycle de l'enseignement secondaire,«l'élève ne devra pas choisir ses matières à op-tion dans plus de deux domaines disciplinai-res» (p. 25, 3e paragraphe, 1er tiret).

Même si, dans l'énoncé lui-même, cela neparaît pas changer grand-chose, il y a lieu des'interroger sur la justification d'un domaineappelé «Le développement personnel» (p. 18,2e paragraphe). Ce dernier comprend l'ensei-gnement moral, l'enseignement religieux,l'éducation physique et l'éducation à la santé.En plus, dans le contexte, d'apparaître commerésiduelle, et donc peu positive, cette appella-tion suggère que la contribution des discipli-nes autres que celles mentionnées ci-dessusest moindre dans le développement personneldes élèves que celle des disciplines qui le sont.Ce n'est sans doute pas ce que l'on veut dire,mais, pour éviter tout malentendu au coursdes phases à venir, ne serait-il pas préférablede considérer le développement de la per-sonne comme l'un des buts de l'école, plutôtque comme un domaine disciplinaire? Parvoie de conséquence, ne devrait-on pas affir-mer, avec la même clarté, que toutes les disci-plines retenues dans le curriculum peuvent etdoivent, chacune à leur manière et en synergieles unes avec les autres, contribuer au déve-loppement de la personne?

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Ce passage sur le développement personneln'est pas le seul, dans l'énoncé, où, malgré laplace privilégiée que l'on accorde aux discipli-nes, on croit percevoir une hésitation sur leurpouvoir formateur. En effet, c'est aussi le caslorsqu'il est question des relations entre lesdisciplines et la culture. Celle-ci apparaîtquelque peu comme un «ajout» qu'il convientd'«intégrer», plutôt que comme une compo-sante substantielle de toute discipline qu'ilimporte d'approfondir, de déployer et de met-tre en relief. Sur ce point, le dernier paragra-phe de la page 13 est particulièrement signifi-catif et, à l'intérieur de ce paragraphe, le pas-sage suggérant qu'«un bagage de littérature etd'histoire littéraire doit accompagner l'appren-tissage de la langue» particulièrement dé-concertant. (Les italiques sont de nous.)

c) La description que l'on donne et l'utilisationque l'on fait des compétences transversalesdans L’École, tout un programme laisse perplexe.D'un côté, la plupart des habiletés et des thè-mes mentionnés sous cette appellation sontparfaitement compatibles avec une approcheéducative centrée sur la maîtrise des appren-tissages; l'intégration de certains d'entre euxva même de soi. De l'autre, cependant, la ma-nière dont tout cela est défini et structuréparaît peu mûrie. Voici donc, dans le but defaire avancer la pensée sur le sujet, quelquesbrefs commentaires.

Dans un premier temps, l'énoncé de politiqueconsidère comme distinct des domaines d'ap-prentissage disciplinaires le domaine descompétences transversales, mais, par la suite,il précise que «le contenu» de certaines de cescompétences «se rattache à des disciplines» et,en conséquence, «sera donc intégré dans lesprogrammes d'études» (p. 19, 2e paragraphe).(Le caractère gras est dans l'original.) Lors-qu'on aura effectivement intégré ces compé-tences dans telle ou telle discipline (ou dansplus d'une discipline?), verra-t-on toujours dela même façon en quoi consiste une compé-tence «transversale»? Par ailleurs, il serait utilede savoir si, à l'intérieur des disciplines rete-nues, on pense qu'il y a déjà des «compéten-

ces». Si c'est le cas, qu'est-ce qui distingue lessecondes des premières?

La prolifération de compétences transversalesn'aurait-elle pas en partie son origine dans lacomposition trop strictement disciplinaire ducurriculum envisagé et dans la conceptiontrop limitée que l'on se ferait de certaines dis-ciplines? Dans un curriculum qui ferait plusde place à de grandes thématiques et quiconsidérerait toutes les disciplines comme desformes à travers lesquelles s'exprime uneculture, le domaine des compétences transver-sales ne serait-il pas différent? Y aurait-ilmême un tel «domaine»?

4. Les ressources et les stratégiespédagogiques

Le deuxième principe opérationnel d'une appro-che centrée sur la maîtrise des apprentissages(chap. I, 3.2.4) implique que, dans son appren-tissage, chaque élève sera stimulé et soutenu pardes ressources et des stratégies pédagogiquesdiversifiées et que ces ressources et ces stratégiestiendront vraiment compte de l'état de son sa-voir, ainsi que de son évolution au regard de sesstratégies et de son rythme personnels d'appren-tissage. De même, il implique que les ressourcespédagogiques mises à sa disposition seront aussibien technologiques qu’humaines, et extrascolai-res que scolaires et que le temps dont il pourradisposer pour maîtriser les apprentissages prévussera considéré comme une variable.

De fait, l'énoncé de politique entrouvre la porte àdes assouplissements dans l'aménagement dutemps scolaire. Cette ouverture est surtout sensi-ble au primaire; au secondaire, le maintien inté-gral d'unités acquises matière par matière et fon-dées sur une durée d'enseignement fixe laisse peude marge de manœuvre. Par ailleurs, le principesur lequel on semble s'appuyer, même au pri-maire, à savoir un découpage de l'horaire et uneutilisation du temps scolaire «en fonction de lanature des apprentissages à réaliser» (p. 15,2e paragraphe), demeure passablement différentdu principe cité dans le paragraphe ci-dessus. Enoutre, l'économie générale de l'énoncé indique

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que les assouplissements anticipés sont appelés àprendre place à l'intérieur d'«années», de «cy-cles», de types de formation et de regroupementsd'élèves plus connus par leur tendance à engen-drer la rigidité que par leur capacité d'adaptationaux besoins des élèves et qu'ils se justifient da-vantage par la volonté de promouvoirl’«autonomie professionnelle» du personnel en-seignant (voir, par exemple, p. 15, 2e paragrapheet 27, 1er et 2e paragraphes) qu'une approchedirectement centrée sur l'apprentissage des élè-ves.

C'est sur un fond semblable d'hésitation que, iciet là, on aborde la question des stratégies et desressources pédagogiques. D'un côté, l'énoncé depolitique affirme que «tout enfant est éducables'il dispose des moyens nécessaires» (p. 14,4e paragraphe), souhaite que l'on mette del'avant «une pédagogie de la découverte» (p. 15,1er paragraphe) et rappelle que le matériel didac-tique «conditionne largement l'enseignement etl'apprentissage» (p. 34, 1er paragraphe), mais, del'autre, son horizon demeure «le succès du plusgrand nombre», plutôt que de tous (p. 3,2e paragraphe et 31, 1er paragraphe. Voir aussi,dans le même sens, p. 14, 1er paragraphe) et,dans le deuxième cycle de l'enseignement se-condaire, il propose, dans certaines matières, des«programmes différenciés» (p. 25, 3e paragraphe)beaucoup plus clairement qu'une diversificationdes stratégies et des ressources permettant à tousles élèves d'atteindre les objectifs d'apprentissageconsidérés comme essentiels. Dans une approcheéducative centrée sur la maîtrise des apprentissa-ges, on prévoit un soutien à des démarches d'ap-prentissage qui peuvent conduire à des niveauxde maîtrise différents d’«apprentissages termi-

naux significatifs» (chap. I, 3.2.4, Premier prin-cipe); dans L’École, tout un programme, on favoriseplutôt l'élaboration de cours préadaptés aux ca-pacités présumées de tel ou tel groupe d'élèves.

Il est question des nouvelles technologies del'information et de la communication à quelquesreprises (p. 18, dernier paragraphe, 27, 2e para-graphe et 34, 2e paragraphe), mais très briève-ment et dans aucun cas comme l'une des res-sources auxquelles l'école devrait faire appel pourfaciliter l'accès des élèves à la connaissance etaméliorer la qualité de leur apprentissage. Enoutre, dans un cas (p. 27, 2e paragraphe), la ma-nière dont on en parle laisse perplexe; en effet,les termes employés et le contexte donnent l'im-pression que l'on veut «intégrer» les nouvellestechnologies de l'information et de la communi-cation dans les programmes d'études. Qu'est-ceque cela peut vouloir dire?

L'enseignement des arts «doit faire découvrir etcomprendre aux élèves des créations et des œu-vres de leur environnement artistique et culturelactuel. Il doit donc conduire les élèves à la fré-quentation des lieux culturels et à des rencontresavec les créateurs et créatrices» (p. 17,4e paragraphe). Par ailleurs, ajoute-t-on quelquespages plus loin, «les écoles sont fortement encou-ragées à offrir, en dehors du temps d'enseigne-ment, des activités dans tous les domaines artis-tiques» (p. 21, 1er paragraphe, 4e tiret). En arts,on conçoit donc que l'enseignement et l'appren-tissage doivent tirer parti de ressources et demoyens disponibles en dehors de la classe et del'école. Cette matière est la seule pour laquelle onenvisage explicitement l'utilisation de tels levierspour promouvoir l'apprentissage des élèves.

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CONCLUSIONDes pistes à explorer

n bon nombre des choix que l'énoncé depolitique L'école, tout un programme effectue

en relation avec le développement, au cours desprochaines années, du curriculum québécois sontambigus ou confus. Comme on a pu le constaterà la lecture du chapitre II, cette cacophonie acomme source tantôt les concepts sur lesquels ons'appuie, tantôt la manière dont on définit ouutilise certains des termes centraux auxquels onfait appel. Toutefois, lorsqu'on compare lecontenu de cet énoncé avec les orientations quemet de l'avant l'approche éducative centrée sur lamaîtrise des apprentissages (et connue aux États-Unis sous le nom de Outcome-Based Education), ondécèle aussi plusieurs éléments à partir desquelsune convergence s'avère possible.

C'est à dégager, en quelques mots, les principalesde ces jonctions possibles que s'applique cetteconclusion. Le contexte, on le sait, est celui d'unerénovation du curriculum québécois qui, éven-tuellement, tienne compte des orientations, déjàexposées, de l'approche éducative centrée sur lamaîtrise des apprentissages. Ce qui ressort fina-lement, à la lumière de la présente étude, c'estque cette approche pourrait inciter les responsa-bles québécois :

• à expliciter la conception qu'ils se font de laconnaissance, de l'apprentissage et de la capa-cité des personnes à apprendre;

• à clarifier les objectifs, généraux et spécifiques,du curriculum envisagé pour le système sco-laire du Québec;

• à tenir davantage compte, dans cette opéra-tion, de l'ensemble des rôles et des responsabi-lités que les jeunes qui auront suivi ce curricu-lum auront à assumer comme adultes;

• à s'interroger plus spécialement sur la forma-tion que requiert aujourd'hui la préparation detous les jeunes au monde du travail et, audeuxième cycle du secondaire, sur les relations,voire sur la distinction elle-même, entre «for-mation générale» et «formation profession-nelle»;

• à penser à un curriculum qui prévoit pour tousles jeunes une maîtrise de tous les apprentissa-ges jugés essentiels;

• à déterminer d'abord, avant le choix de toutematière d'enseignement, les apprentissages ju-gés essentiels à la fin du cursus scolaire et àd'autres étapes intermédiaires appropriées;

• à au moins relativiser, dans la structure mêmedu curriculum, la place accordée aux discipli-nes traditionnelles, par exemple par l'introduc-tion de thématiques axées sur de grandes ques-tions contemporaines;

• à intégrer l'évaluation des apprentissages dansl'élaboration même du curriculum et à prévoirdes modes d'évaluation qui mettent l'accent surune démonstration de la maîtrise acquise;

• à diversifier les moyens et les stratégies d'en-seignement et d'apprentissage à partir de coursexigeants pour tous plutôt que d'introduire descours ayant des niveaux variables de difficulté;

• à accorder une attention soutenue à la cohé-rence de tous les éléments du curriculum, ainsique du curriculum lui-même dans l'ensembledes composantes du système scolaire.

L'expérience américaine des quarante dernièresannées dont fait état le premier chapitre de cetteétude démontre que l'élaboration d'un curricu-lum est, pour un système scolaire qui accueilletous les jeunes durant au moins une douzained'années, une opération qui soulève des ques-tions de plus en plus complexes. Cette expé-rience démontre également qu'il existe un fortlien de cause à effet entre l'orientation du curri-culum et l'apprentissage des élèves et que la miseau point d'un curriculum approprié exige dutemps, de multiples expérimentations planifiées,suivies et évaluées avec soin et une activité sou-tenue de recherche. La genèse et l'évolution del'approche éducative centrée sur la maîtrise desapprentissages illustrent l'étendue de ces ques-tions et de ces exigences. Et c'est sans douteparce que cette approche se situe au carrefour

U

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d'un grand nombre de tentatives de réponse ac-tuelles et de résultats récents de recherche qu'elleoffre autant de pistes stimulantes à explorer. Il

ressort de la présente étude que l'énoncé de poli-tique éducative L’École, tout un programme pour-rait bénéficier d'une telle exploration.

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