le statut juridique du cheval
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UNIVERSITE MONTPELLIER I
ECOLE DOCTORALE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE
Centre du Droit de l’Entreprise EA 712
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE MONTPELLIER I
Discipline : Droit privé
Présentée et soutenue publiquement
Par
Olivier TRAVER
Le 5 décembre 2011
LE STATUT JURIDIQUE DU CHEVAL
Directeur de thèse :
Monsieur le Professeur Didier FERRIER
Jury :
Monsieur Didier FERRIER, Professeur à l’Université Montpellier I
Madame Christine HUGON, Professeur à l’Université Montpellier I
Monsieur Christophe PAULIN, Professeur à l’Université Toulouse I Capitole
Monsieur Guillaume WICKER, Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV
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Résumé en français :
L’histoire de l’humanité témoigne de l’importance séculaire du cheval et la thèse a pour objet d’en vérifier l’expression en droit par la détermination du statut juridique du cheval. Conformément aux classifications juridiques traditionnelles, le cheval est d’abord chose et bien meuble. Mais l’analyse du régime juridique du cheval révèle que sa nature est admise par le droit et cette évolution est déterminée par la consécration de son autonomie de mouvement et de sa sensibilité. De chose, le cheval devient alors chose vivante. Cependant, sitôt admise, la nature vivante du cheval est récusée par le droit afin de limiter les effets juridiques qui y sont attachés, notamment en droit de la responsabilité. D’apparence contradictoire, cette construction juridique est pourtant justifiée par l’intérêt supérieur de l’homme. Cette considération de l’homme et du cheval en droit affirme l’irréductibilité de leur qualification, d’être juridique pour l’un, de chose vivante pour l’autre. Leur assimilation ne saurait être juridiquement envisagé quel que soit l’autonomie de mouvement et la sensibilité du second. Distinct des êtres juridiques mais non réduit à une simple chose, le cheval s’affirme en droit comme une chose vivante.
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Titre et résumé en anglais : LEGAL STATUS OF THE HORSE Human history reveals the centennial importance of the horse and the thesis has for object to verify the expression in law, by determination of the legal status of the horse. In accordance with the traditional legal classifications, the horse is first thing and movable. But the analysis of the legal regime of the horse reveals that its nature is admitted by the law and this evolution is determined by the consecration of its movement autonomy and his sensitivity. First a thing, the horse becomes a living thing. However, admitted as soon as, the living nature of the horse is challenged by the law in order to limit the linked legal effects, notably in the responsibility law. In contradictory appearance, this legal construction is yet justified by the man's superior interest. This man and horse consideration in law affirms the irreducibility of their qualification, to be legal for one, and a living thing for the other. Their assimilation would not be juridically considered whatever are the autonomy of movement and the sensitivity of the second. Distinct of the legal beings but not reduced to simple thing, the horse affirms itself in law like a living thing.
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Discipline : Droit privé
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Mots-clés : Statut juridique - Cheval - Chose - Bien - Régime juridique - Qualification juridique - Droit des animaux - Droit équin - Chose vivante - Autonomie de mouvement -Sensibilité
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Intitulé et adresse de l’UFR ou du laboratoire :
Faculté de droit de l’Université Montpellier I Centre du Droit de l’Entreprise (EA 712)
39, rue de l’Université - 34060 MONTPELLIER Cedex 02
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« La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur ».
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Remerciements,
Que Monsieur le Professeur Didier Ferrier reçoive l’expression de ma plus profonde
gratitude pour la confiance qu’il m’a témoignée et les précieux conseils qu’il m’a
dispensés.
J’adresse de très sincères et respectueux remerciements à Maître Katia FISCHER
qui m’a accueilli au sein de son Cabinet et m’a fait partager sa passion pour le
cheval.
Pour sa présence indispensable à mes côtés, j’exprime mon éternelle
reconnaissance à Amandine SIELVA.
Enfin, je remercie vivement toutes celles et ceux, ils sauront se reconnaître, qui m’ont
apporté leur soutien durant ces années de recherche.
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LE STATUT JURIDIQUE DU CHEVAL
SOMMAIRE
Les numéros indiqués renvoient aux pages
Une table des matières détaillée figure à la fin de l’ouvrage
INTRODUCTION GENERALE……………………………………………………….. 12
1ère PARTIE - LE REGIME JURIDIQUE DU CHEVAL……………………………. 41
Titre I - Le régime juridique de l’appropriation du cheval…………………………. 45
Chapitre I - Les modes d’appropriation communs aux animaux………………… 48
Chapitre II - Les modes contractuels d’appropriation propres au cheval……….. 96
Titre II - Le régime juridique de l’exploitation du cheval………………………….. 121
Chapitre I - Le régime juridique des modes d’exploitation du cheval…………… 124
Chapitre II - Le régime juridique du fait de l’exploitation du cheval……………… 168
2nde PARTIE - LA NATURE JURIDIQUE DU CHEVAL…………………………... 197
Titre I - Le cheval, chose et bien…………………………………………………….. 201
Chapitre I - Une qualification justifiée par les propriétés du cheval……………... 204
Chapitre II - Une qualification légitimée par le régime juridique du cheval……… 218
Titre II - Le cheval, chose vivante…………………………………………………… 253
Chapitre I - Une consécration juridique de la nature du cheval…………………. 256
Chapitre II - Une consécration juridique de la nature du cheval limitée…………. 283
CONCLUSION GENERALE…………………………………………………………. 324
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Liste des principales abréviations
aff. Affaire
al. Alinéa
APD Archives de Philosophie du droit
art. Article
ass. Assemblée
Ass. Nat. Assemblée Nationale
ass. plén. Assemblée plénière
Bibl. Bibliothèque
BJIPA Bulletin juridique international de la protection des animaux
BO Bulletin officiel
BOI Bulletin officiel des impôts
BOCC Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation
BRDA Bulletin rapide de droit des affaires
Bull. Bulletin
Bull. CA Bulletin des arrêts de la Cour d’appel
Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation
Bull. IDE Bulletin de l’Institut du Droit Equin
Bull. sc. A. Univ. L. Bulletin des sciences de l’Antiquité de l’université de Lausanne
C. Code
C. cass. Cour de cassation
C. civ. Code civil
C. comm. Code de commerce
C. conso Code de la consommation
C. pén. Code pénal
C. rur. Code rural
CA Cour d’appel
Cah. Cahiers
Cah. dr. entr. Cahiers de droit de l’entreprise (supplément du JCP E)
Cass. civ. Chambre civile de la Cour de cassation
Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
Cass. req. Chambre des requêtes de la Cour de cassation
Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation
CE Conseil d’Etat
CEDH Cour européenne des droits de l’homme
Cf. Consulter
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Ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation
Ch. réun. Chambres réunies de la Cour de cassation
Chron. Chronique
CJCE Cour de justice des communautés européennes
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
CMF Code monétaire et financier
Coll. Colloque
coll. Collection
comm. Commentaires
concl. Conclusions
Cons. const. Conseil constitutionnel
Cont. Conc. Cons. Juris-classeur Contrats Concurrence Consommation
D. Recueil Dalloz
D. aff. Dalloz affaires
DC Recueil critique Dalloz
Defrénois Répertoire du Notariat Defrénois
DH Dalloz hebdomadaire
Dir. Directive
dir. Sous la direction de
doc. Document
DP Dalloz périodique
Dr. et patrimoine Droit et patrimoine
Droits Rev. Fr. Droits, revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques
éd. Edition
ex. Exemple
fasc. Fascicule
GAJC Grands arrêts de la Jurisprudence Civile
Gaz. Pal. Gazette du Palais
in Dans
IR Informations rapides (du Recueil Dalloz)
JCP CI Juris-classeur périodique (Semaine juridique) éd. commerce et industrie
JCP E Juris-classeur périodique (Semaine juridique) éd. entreprise
JCP G Juris-classeur périodique (Semaine juridique) éd. Générale
JCP N Juris-classeur périodique (Semaine juridique) éd. Notariale
JO Journal officiel
JOCE Journal officiel des communautés européennes
JOUE Journal officiel de l’Union européenne
juris. Jurisprudence
JurisData Banque de données juridiques (éditions techniques - Gaz. Pal.)
LPA Les Petites Affiches
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n° Numéro
obs. Observations
p. Page
pan. Panorama
préf. Préface
Pt. Numéro du paragraphe
PUAM Presses universitaires d’Aix-Marseille
PUB Presses universitaires de Bordeaux
PUF Presses universitaires de France
Rapp. Rapport
RCA Juris-classeur responsabilité civile et assurances
RDC Revue des contrats
Rec. Recueil
Rev. Revue
Rev. Dr. an. Revue de droit animalier
Rev. dr. pén. et crim. Revue de droit pénal et de criminologie
Rev. Dr. Rur. Revue de Droit Rural
RFDA Revue française de droit administratif
RJDA Revue de jurisprudence de Droit des Affaires
RJES Revue juridique et économique du sport
RLDA Revue Lamy Droit des affaires
RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé
RSDA Revue semestrielle de droit animalier
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
RTD eur. Revue trimestrielle de droit européen
S. Recueil Sirey
s. Suivant
somm. Sommaires commentés
spéc. Spécialement
STE Série des Traités Européens
suppl. Supplément
t. Tome
T. civ. Tribunal civil
T. corr. Tribunal correctionnel
T. pol. Tribunal de Police
TGI Tribunal de grande instance
TPICE Tribunal de première instance des communautés européennes
trad. Traduction
vol. Volume
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INTRODUCTION GENERALE
« L’homme entouré d’éléments qui conjuraient sa ruine,
d’animaux dont la vitesse et la force dépassaient les siennes,
l’homme eut été esclave sur la terre ; le cheval l’en a fait roi »
E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la
terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.5
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1. « Un cheval est-il un cheval ? »1.
Le titre de cet article rédigé par Martine Grinberg2 résume la complexité du
raisonnement juridique. En effet, l’apparente similarité du vocabulaire juridique
avec le vocabulaire commun ne saurait permettre de négliger les spécificités
du raisonnement juridique3. Ainsi, lorsque l’homme de droit porte son regard
sur un arbre, un véhicule terrestre à moteur, un moineau… c’est une chose
qu’il aperçoit.
Le juriste occulte la nature et les caractéristiques de l’objet de son regard pour
l’affirmer en fonction de son irréductibilité aux personnes. L’homme de droit
« est, à sa façon, un poète : il a la chance de voir le droit rayonner au contour
des choses familières. Là où le profane sent la tempête, il renifle le cas fortuit.
Un soc de charrue dans un champ, il crie à l’article R.26-7° du Code pénal4 ;
et sous les pigeons qui volent, il aperçoit des immeubles par destination. Un
tel regard est capable de faire jaillir une gerbe de droit hors des faits les plus
sèchement factuels »5.
Par conséquent, « l’univers du juriste n’est pas celui que nous livrent les
sens ; il est remodelé par la volonté humaine »6.
L’interrogation relative au cheval prend alors tout son sens car « le mot, le
concept cheval existe. Mais il prend des significations diverses selon qui le
regarde, qui le possède. Il est force de travail pour le fermier, un bien pour le
juriste, le prix du cheval pour le business man. Il peut donc rentrer dans des
définitions et des classifications différentes »7.
2. Le droit est en définitive un autre monde8 et « pousse l’abstraction de la
pensée juridique au point où les objets originaires s’effacent derrière un
1 M.Grinberg, Un cheval est-il un cheval ? Les mots, les faits, le capitalisme et le droit, in Lectures de J.R.Commons, dir. A.Guery, Cah. d'économie politique, n°40-41, 2001, p.177 - 191 2 Martine Grinberg, née à Chambéry le 24 avril 1944, ingénieur d’études au CNRS et au centre de recherches
historiques de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales ; à propos de notre étude, elle a publié un article titré « Un cheval est-il un cheval ? » qui s’appuie sur l’analyse des relations entre coutumes, économie et droit et
met l’accent sur la méthodologie de J.R.Commons afin de rechercher sa façon de procéder pour fonder une théorie qui soit une théorie scientifique 3 C.Perelman, Logique juridique, nouvelle rhétorique, D., 1999 4 Désormais art. R.641-1 C. pén. 5 J.Carbonnier, Flexible droit : Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10ème édition, 2001, p.27 6 J.Carbonnier, Droit civil, Les biens, PUF, coll. Quadrige, 2004, p.1595 7 M.Grinberg, Un cheval est-il un cheval ? Les mots, les faits, le capitalisme et le droit, in Lectures de J.R.Commons, dir. A.Guery, Cah. d'économie politique, n°40-41, 2001, p.177 - 191, spéc. p.181 8 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998
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monde peuplé de concepts juridiques fantomatiques »9. Ainsi, « la
construction juridique des objets venant des autres mondes impose une mise
à distance par rapport à l’univers d’origine, et cet univers rend les objets
méconnaissables »10.
Pourtant, les réponses du palefrenier11, de l’éleveur, du jockey12…
concordent : un cheval est un cheval. Prendre en main l’animal est
assurément la meilleure façon de s’en apercevoir.
En droit, la réponse n’est toutefois pas si évidente que cela car le cheval est
confondu avec un ensemble d’objets aussi distincts dans leurs utilités que
différemment conformés.
3. Le cheval est ainsi considéré comme étant successivement dangereux13, utile
économiquement14, indispensable affectivement15, à préserver16.
Il justifie donc un fort interventionnisme juridique et « cela se traduit par une
augmentation régulière et significative des textes normatifs régissant la
matière17, ainsi que par un accroissement du nombre de procès… »18.
Cependant, cette ambivalence juridique du cheval « n’est peut-être pas tant
celle de l’objet pour le droit que celle de la multiplicité apparente de la forme
sous laquelle se donnent les objets que l’on observe à partir des différentes
9 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 10 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 11 Dans le Larousse édition 2010, le palefrenier est défini comme une « personne chargée de soigner les chevaux » mais sa compétence pratique va souvent au-delà puisqu’il peut être amené à assurer la détente des
chevaux, l’entretien du matériel d’équitation et parfois le débourrage lorsqu’il possède les compétences en
équitation requises 12 Dans le Larousse édition 2010, le jockey est un « cavalier professionnel qui monte les chevaux de course » 13 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.154 où l’auteur déduit de la vie
psychique animant l’animal un caractère dangereux ; M.Vitry, La détermination du fait de l’homme, du fait de l’animal et du fait de la chose, Thèse Rennes, éd. Nouvelliste de Bretagne, 1922, spéc. p.45 où l’auteur évoque
la responsabilité du maître d’un animal dangereux 14 Pour s’en convaincre : Cf. X.Libbrecht, L’Eperon, Hors série de l’élevage, 18
ème édition, 2009 15 Cf. I.Claude, Le cheval, miroir de nos émotions, éd. Camaïs, 2ème édition, 2007 ; J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.313 et s. où l’auteur consacre l’intégralité de la deuxième partie de sa
thèse à « l’animal comme un être aimé » en détaillant la protection des animaux aimés et surtout la légitimité de l’affection envers un animal ; J-P.Digard, Les français et leurs animaux, Ethnologie d’un phénomène de société, éd. Fayard, Hachette Littérature, 1999, p.21 et s. 16 Pour s’en convaincre : Cf. la fondation pour la préservation et la protection du cheval de Przewalski créée aux Pays-Bas en 1977 ; Document de presse établi conjointement par le ministère de l’agriculture, de l’alimentation,
de la pêche et des affaires rurales, le ministère des sports, le ministère délégué au budget et à la réforme budgétaire, Une nouvelle politique pour le cheval, 29 juillet 2003, spéc. Fiche 5 17 Et l’auteur de citer : « loi, décret, arrêté, mais également directives, règlements communautaires ou conventions internationales » 18 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.7
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branches du droit, qui sont autant de points de vue sur les choses »19. Mais
que l’apparente ambivalence juridique du cheval dépende du regard que
chaque discipline du droit lui porte et non de l’animal lui-même n’ôte pas toute
difficulté à la recherche de son statut juridique. Au contraire, il existe un risque
accru de conclure en référence à des régimes juridiques propres à chaque
branche du droit et « autonomes les uns des autres, sans la contrainte d’obéir
à une rationalité globale »20. Pourtant, il s’agit de rechercher le statut juridique
du cheval communément admis par toutes les disciplines du droit.
4. Puisque c’est en vue de l’homme que le droit est constitué21, il est aisé de
deviner le sort réservé par le droit à « la plus noble conquête de l’homme »22.
Il importe cependant de dépasser l’intuition et de procéder à une analyse
discursive. Il convient alors de révéler ce que le cheval est juridiquement.
Afin d’esquisser une réponse à notre interrogation initiale, et vérifier par
conséquent que le cheval demeure cheval en droit, il faut d’abord préciser au
préalable ce qu’il représente pour l’homme -I- avant d’apprécier la manière
dont il est appréhendé en droit -II-.
I- Des chevaux et des Hommes
5. L’histoire du cheval et de l’homme est celle d’une rencontre dont l’évidence
n’a d’égale que sa magnificence car « là où le cheval est en honneur, la
civilisation croît et se développe ; là où il s’abâtardit, la civilisation languit et
meurt »23. Ainsi, le cheval « a été pendant des siècles… le principal
19 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 20 B.Oppetit, De la codification, D., 1996, spéc. p.11 21 Cf. l’adage romain Homonum causa omne jus constitutum : c’est en vue de l’homme que le droit est
constitué ; Cf. J.Carbonnier, Droit civil, Introduction, Les personnes. la famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. Quadrige, 2004, spéc. p.378 22 G-L.Leclerc de Buffon, Histoire naturelle, 1749, éd. Honoré Champion, Paris, 2007 23 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.5
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accessoire de l’histoire »24 et « a de tout temps été soumis à l’homme et a
partout suivi ses destins »25.
Il a marqué l’Histoire -A- et la Culture -B- de l’homme.
A- Le cheval et l’Histoire
6. Si « le cheval fut de tout temps le serviteur de l’homme »26, il est cependant
son aîné en ce qu’il puise ses origines à la fin du tertiaire.
Par définition, il est « un mammifère herbivore de grande taille, à un seul doigt
par membre, coureur rapide des steppes et prairie, dont la domestication a
joué un grand rôle dans l’essor des civilisations asiatiques et européennes »27.
Il appartient à l'une des sept espèces de la famille des équidés, laquelle est
issue d'une différentiation au sein des Périssodactyles28. L'évolution au sein
de la famille des équidés s'est faite par changement progressif d'une
fréquence du gène au sein de la population entière comme par différentiations
adaptatives et spéciations en branches distinctes.
7. Le genre Equus est apparu il y a quatre à cinq millions d’années. C’est à cette
époque qu’une morphologie du cheval similaire à celle que nous lui
connaissons se dessine29.
Le plus ancien squelette de cheval, dénommé Equus stenonis, est daté de la
fin du tertiaire en Europe de l'ouest.
24 A.Schenk, Cheval et équitation dans l’antiquité, Bull. sc. A. Univ. L., 7/2001, p.44 - 49, spéc. p.44 25 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.24 26 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.7 27 Définition du Larousse édition 2010 28 L'ordre des périssodactyles, du grec perissos « impair » et dactylos « doigt », est un ordre de mammifères ongulés possédant un nombre impair de doigts aux membres postérieurs. Le poids du corps est supporté par le doigt médian. Les équidés ne possèdent qu'un seul doigt aux pieds, tandis que les rhinocérotidés possèdent trois doigts. Les tapiridés possèdent quant à eux trois doigts aux membres postérieurs et quatre aux antérieurs. 29 S-L.Binder, G.Kärcher, La vie fascinante des chevaux, Larousse, Paris, 2002 ; ils précisent que sa taille atteint désormais cent vingt cinq à cent trente cinq centimètres, ses yeux sont disposés sur les côtés pour détecter les prédateurs sur de grandes distances et le naseau très ouvert permet l'inspiration de grande quantité d'air afin d’augmenter la vivacité et la rapidité
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La représentation des équidés sur des peintures pariétales remonte à plus de
trente mille ans et s’il est l'un des animaux les plus fréquemment représentés
de l'art préhistorique30, il s'agit probablement d’ancêtres de l'espèce Equus
ferus31 au sein de laquelle le Tarpan est classé et non d’ancêtres de nos
chevaux domestiques.
8. Des fossiles de genres identiques ont été trouvés en Eurasie et en Amérique
du nord32, certaines de part et d'autre du détroit de Béring où un passage a
existé jusqu'il y a onze mille six cent ans environ.
L'Equus atteignit le continent sud-américain33 au début du Pléistocène et des
espèces se différencièrent : le cheval nain des Andes34 et le cheval
préhistorique argentin35.
Les espèces du genre Equus présentes sur le continent américain auraient
finalement disparu il y a environ dix mille ans à la suite des agissements de
l'homme, des carnassiers mais aussi du volcanisme de la région centrale de
Mexico, et des épizooties dévastatrices. La réintroduction d'espèces de la
famille des équidés s'est faite lors de l'invasion de l'Amérique par les
conquistadores.
9. Aucune date précise ne permet en revanche de déterminer le moment de la
spéciation entre les ânes, les chevaux sauvages36, les zèbres et le cheval
domestique37. Il est difficile de savoir si les espèces domestiques résultent
d'une sélection opérée par l'homme ou si elles sont le fruit de la sélection
naturelle. L’origine de la différentiation entre les espèces d'Equus est donc
incertaine.
30 Cf. J.Millet, L’animal dans l’art, éd. Le Manuscrit, 1984 31 Signifiant cheval sauvage 32 On a ainsi retrouvé de nombreux ossements d’équidés avec des squelettes humains sur les différents sites
archéologiques situés autour du volcan Nevado de Toluca, dans la région de Mexico. Ils auraient été tués il y a dix mille cinq cent ans lors de l’éruption plinienne du volcan Nevado. A également été découvert dans le Yukon
canadien une peau d’un Equus lambei vieille de vingt six mille ans et des pattes momifiées, lesquelles permirent par une analyse de l’acide désoxyribonucléique de montrer la très proche parenté avec les actuels Equus 33 Les Andes péruviennes, dans le site de Pikimachay, contiennent ainsi des ossements, datés de vingt deux mille ans, du cheval nain des Andes. Au Chili, dans la Caverne du Mylodon, furent découverts des indices de présence humaine, des ossements d'Hippidum et de Mylodon répartis en plusieurs strates. La datation au carbone quatorze des ossements et artefacts trouvés donnent des dates comprises entre douze mille et treize mille ans. 34 Equus Amerhippus andium 35 Equus Amerhippus curvidens 36 Equus ferus 37 Equus caballus
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L'hypothèse kourgane38 suppose que les chevaux domestiques dérivent d'une
seule espèce issue des steppes d'Asie centrale par le peuple de la Culture de
Samara.
Pour l’université d’Uppsala, une étude comparative d’acide
désoxyribonucléique mitochondrial de chevaux fossiles trouvés en Alaska
avec des chevaux actuels de différentes races suggère que des chevaux aient
été domestiqués à partir de nombreux spécimens issus de plusieurs lieux
différents. Cette étude montre que la diversité génétique des chevaux est plus
grande que pour les autres animaux domestiques, ce qui révèle soit une
proximité avec l'espèce sauvage originale, soit un plus grand nombre de
spécimens. Il semblerait que ces animaux domestiques évoluèrent à partir de
populations sauvages qui s'adaptèrent peu à peu à différents biotopes,
longtemps avant leur domestication39. Toutes les races de chevaux modernes
seraient donc les descendantes de quatre grands types de chevaux : le cheval
des forêts40, la sous-espèce de trait41, le cheval oriental42 et le tarpan43.
10. En tout état de cause, cheval est un terme générique qui désigne en premier
lieu l'espèce domestique Equus caballus, incluant les populations redevenues
sauvages comme les mustangs. Le cheval de Przewalski et le tarpan
appartiennent à une autre espèce, dénommé Equus ferus, mais sont dans le
langage courant appelés chevaux. La majeure partie des chevaux est
désormais domestique et le cheval de Przewalski est considéré comme le
dernier vrai cheval sauvage. Il existe pourtant de nombreux chevaux
domestiques retournés à l'état sauvage. 38 L'hypothèse kourgane, introduite par Marija Gimbutas en 1956, combine les données de l'archéologie avec celles de la linguistique afin de localiser le foyer originel des proto indo européens qui sont, selon la thèse la plus communément admise, un peuple ancien qui aurait diffusé sa langue, sa culture, ses codes et ses croyances à la quasi-totalité des peuples d'Europe actuelle (Slaves, Latins, Germains, Celtes, Grecs, Baltes), ainsi que certains peuples d'Asie (Indiens, Iraniens) ; A propos du cheval, Cf. D-W.Antony, The kurgan culture : Indo-European origins and the domestication of the horse, in Current anthropology, vol. 27, no 4, août-octobre 1986, p.291 - 314 39 H.Briggs, Origins of domestic horse revealed, BBC News, 16 juillet 2002 40 Il aurait été un grand animal lent et lourd avec de larges sabots qui lui permettaient de vivre dans les zones marécageuses, et un pelage épais et rugueux qui lui servait de camouflage. Il serait l'ancêtre de toutes les races dites « coldblood » d'Europe du Nord, mais aussi de vieilles races de chevaux de trait comme l'Ardennais. 41 Un animal robuste et de petite taille, se serait adaptée au climat froid du nord de l'Europe grâce à son pelage épais et aurait ressemblé au Fjord et au Shetland 42 Il aurait été un grand cheval très léger, adapté aux climats chauds et secs du Moyen-Orient, ancêtre des chevaux à sang chaud tel l'Akhal-Teke et le pur-sang arabe 43 Petit animal robuste au pelage souris ou isabelle adapté au climat froid et sec, aurait eu pour descendants directs les chevaux de Przewalski et les poneys mongols, entre autres
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11. L’Equus caballus est une espèce animale employée par l'homme, lequel a
développé un vaste vocabulaire spécialisé pour décrire les concepts y
afférents.
Ce lexique va de son anatomie, dont Carlo Ruini en fut le pionnier44, et sa
morphologie aux étapes de sa vie en passant par sa couleur, ses races45, sa
locomotion et son comportement.
Des siècles durant, les chevaux sont des animaux de guerre et de transport
au service des hommes. Ils permettent l'essor du commerce et l'expansion de
civilisations. Présent dans les mythes, les légendes, nombre d'encyclopédies
et toutes les formes d'art, le cheval est, de tous les animaux, celui qui a sans
doute le plus marqué l'histoire et les progrès de l'humanité.
12. C’est ainsi que l'alliance de l'homme et du cheval dure pendant plusieurs
millénaires durant lesquels le cheval devient l’auxiliaire favori de l'homme pour
le transport, la guerre et le travail. Cette relation est fondée sur l'utilisation de
la force musculaire de l'animal au service des besoins humains46. Cette
association contribue significativement à l'évolution de la société et se
transforme radicalement au cours du vingtième siècle avec l’essor du
machinisme et de l’industrialisation.
13. Plusieurs théories existent concernant la domestication du cheval.
La découverte la plus récente la fait remonter à neuf mille ans, dans la
péninsule arabique47.
Le linguiste Winfred Lehmann soutenait que le cheval était domestiqué depuis
huit mille ans avant Jésus-Christ, près de la mer Noire48.
44 Carlo Ruini, 1530-1598, Sénateur de Bologne, fut l’un des premiers à s’intéresser à l’univers du cheval et à
acquérir une connaissance parfaite des différentes races équines. Il écrit un ouvrage en la matière : Anatomia del cavallo, 1598, Apprello Fiorauante Prati ; il décrit pour la première fois l’anatomie du cheval et étudie les
différents systèmes organiques ainsi que la distribution des systèmes circulatoire et nerveux. L’étude de chaque
partie du corps du cheval est accompagnée de la description détaillée de l’irrigation sanguine et veineuse. 45 Les races les plus connues sont le Pur Sang, l'Arabe, le Frison, le Pure race espagnole, le Lusitanien, le Quarter Horse, le Percheron, le poney Fjord et le poney Shetland 46 C.Goémé, Le cheval et l’homme : travail et noblesse, conférence de Daniel Roche dans Les Lundis du Collège de France, 30 juillet 2011, 22h05-23h04, sur France Culture 47 A.Al-Ghabban, Vice Président de la Commission Saoudienne du Tourisme et des antiquités, Find evidence of early horse domestication, BBC News, 24 août 2011 48 W-P.Lehmann, Linguistic and archeological data for handbooks of protolanguages in Proto Indoeuropeans Studies in honor of M. Gimbutas, Skomal et al éditions, 1993
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La théorie précédente évoquait cinq mille cinq cent ans avant notre ère, dans
l'actuel Kazakhstan, au sein de la culture Botaï49 où des brides portées par les
chevaux et des traces de lait de jument ont été retrouvées dans la poterie
locale.
Auparavant, la seule preuve irréfutable de la domestication du cheval
demeurait être la découverte de trace d'utilisation de chariots funéraires dans
la Culture d'Andronovo vers le deuxième millénaire avant Jésus-Christ50.
En Asie, le plus ancien char hippomobile à nous être parvenu intact provient
de la tombe de l'empereur Chinois Wu Ding, mort en mille cent dix huit avant
Jésus-Christ.
14. Le processus de domestication prend une autre dimension avec l’expansion
du nomadisme, l’homme ayant ressenti le besoin de s'approprier la force de
l'équidé. L'apparition du mors en Eurasie et le perfectionnement des
techniques de portage et de traction entraînent une véritable mise au travail
du cheval. Les instruments du harnachement sont inventés et diffusés : bât,
selle, bricole, joug, collier, sangle...
Durant l'Antiquité51, Grecs et Romains ignorent la ferrure connue dans les
steppes et généralisent l'emploi des chars de guerre. En Grèce, « la
possession d’un cheval au moins, en vue de la guerre, est la condition du
statut du noble et le cheval est essentiellement un signe qui suppose la
richesse foncière »52. Mais en matière d'équitation53, ils ignorent la selle et les
étriers dont on connaît ailleurs les premiers essais.
A l’opposé, les cavaliers barbares créent une véritable civilisation équestre, où
l’élevage, le dressage, le travail et l’usage militaire des chevaux est quotidien.
Face à l'Orient cavalier, la réponse de l'Occident gréco-latin et du monde
médiéval mobilise définitivement les équidés au service des hommes. C'est
alors qu’émerge la société européenne des écuyers qui réservent l'usage des
chevaux à l'Etat et à l'élite sociale en s’appuyant sur des catégories rurales et
49 A-K.Outram, The Earliest Horse Harnessing and Milking, Revue Science, 6 mars 2009, Université d'Exeter et de Bristol 50 H-P.Francfort, The Bronze Age and Early Iron Age Peoples of Eastern Central Asia, in Bulletin de l’École française d'Extrême-Orient, vol.86, no 1, 1999, p 449 - 458 51 P.Vigneron, Le cheval dans l’antiquité gréco-romaine, Annales de l’Est, Nancy, 1968 52 L.Gernet, Droit et institutions en Grèce antique, Flammarion, 1982, p.220 53 S.Loch, Histoire de l’équitation classique, de l’antiquité à nos jours, éd. Maloine, Paris, 1994
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urbaines spécialisées en vue de la production, de l'élevage, du dressage et du
commerce. Désormais, le cheval est devenu l'emblème d'une classe.
Dans l'économie agricole et les transports, c'est aussi un facteur de progrès
puisque le cheval accompagne la croissance, la culture comme l'ouverture
des terroirs. L'utilisation des chevaux de traction est accrue par la diffusion du
collier d'épaule en Europe au XIIème siècle, permettant au cheval de trait de
remplacer avantageusement le bœuf dans les exploitations agricoles.
15. A la fin du XVème siècle, les premiers colons espagnols réintroduisirent le
cheval Barbe et Andalou dans les deux continents américains alors que
l'espèce y avait disparu depuis plus de huit millénaires54. En 1519, Les
conquistadores d'Hernán Cortés55 amènent avec eux onze chevaux et six
juments qui deviennent les premiers ancêtres des mustangs.
Durant la conquête de l'Ouest, plusieurs centaines de milliers de chevaux
sauvages peuplent le continent. Au XVIIIème siècle, les Amérindiens élèvent de
grandes hardes de chevaux et, à partir des mustangs dressés, opèrent des
sélections afin d’obtenir l'Appaloosa.
16. À l'arrivée de la Renaissance, l'invention de la poudre à canon entraîne la fin
de la cavalerie lourde et une nouvelle sélection du cheval de guerre. Des
académies d'équitation sont créées et l'idée d’une sélection optimale des
chevaux de guerre fait son chemin sous François Ier. C’est ainsi que le 17
octobre 1665, Colbert ordonne la création des haras nationaux.
Au XVIIIème siècle, la création de haras, d'écuries et d'écoles de dressage
renforce la renommée des chevaux royaux, devenus plus légers et plus
souples. A la veille de la révolution française, l'état possède quinze haras
nationaux et près de sept cent cinquante reproducteurs.
17. Au XIXème siècle, des programmes d'élevage transforment les races équines
locales ou en créent de nouvelles pour les besoins de la cavalerie, tandis que
de puissantes races de chevaux de trait sont sélectionnées.
54 Cf. Pt.8 55 Lequel aurait déclaré à la suite de nombreuses batailles victorieuses face aux amérindiens : « nous devons notre victoire à Dieu et à nos chevaux »
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Mais l’arrivée successive du chemin de fer, des transports motorisés et du
tracteur agricole sonne le glas de la traction hippomobile au cours du
XXème siècle dans la plupart des pays.
Aux militaires, agriculteurs, voyageurs et marchands se substituent les
cavaliers de loisir. Parallèlement, l'équitation où dominait le machisme à
l'époque militaire, se féminise totalement56. Désormais, seuls les peuples
cavaliers, notamment les Mongoles dont les enfants apprennent toujours à
monter dès leur plus jeune age, prouvent encore à quel point l'utilisation du
cheval a été primordiale et déterminante dans l'histoire de l'humanité.
En effet, si « l'histoire de l'humanité a connu des événements primordiaux qui
ont conditionné son évolution et transformé la destinée des peuples… (dont)
la domestication d'espèces animales des plus variées… Parmi celles-ci,
aucune n'a été plus profitable à l'homme et ne l'a aussi fidèlement
accompagné que le cheval. Sa rapidité procurant la maîtrise des grands
espaces, il a toujours été présent aux côtés de nos ancêtres lors de leurs
migrations et de leurs conquêtes »57.
B- Le cheval et la Culture
18. Le cheval est présent au sein de nombreuses cultures et dans toutes les
mythologies58, ce qui en fait un animal symbolique, notamment par
l’intermédiaire du cheval ailé Pégase ou des Centaures.
Dans la mythologie grecque, un centaure est une créature mi-homme mi-
cheval que l'on disait issue soit d'Ixion et de Néphélé, soit de Centauros et des
juments de Magnésie. Si l'on excepte Pholos et Chiron, tous deux avisés et
possédant une parenté différente des autres, les centaures symbolisaient pour
les Grecs la concupiscence charnelle et la violence. Ainsi le combat contre les
Lapithes peut se lire comme une parabole de l'affrontement des états civilisés
et sauvages.
56 C.Goémé, Le cheval et l’homme : travail et noblesse, conférence de Daniel Roche dans Les Lundis du Collège de France, 30 juillet 2011, 22h05-23h04, sur France Culture 57 A.Schenk, Cheval et équitation dans l’antiquité, Bull. sc. A. Univ. L., 7/2001, p.44 - 49, spéc. p.44 58 B.Chèze, Les chevaux, mythes et légendes du monde entier, éd. de La Martinière Jeunesse, 2007
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19. Toujours dans la mythologie grecque, Pégase symbolise la légèreté, la
rapidité et l’ascension vers le sacré. Fils de Poséidon, dieu de la Mer, et de la
Gorgone Méduse, ce cheval a été élevé au rang de divinité. La symbolique de
Pégase est complexe. D’une part, il peut être soumis à l’homme comme une
simple monture, et d’autre part, il a le pouvoir de la connaissance.
Dans le langage technique du dressage, un pégase est une cabriole où aucun
des membres du cheval ne touche le sol.
Pégase inspirerait des valeurs de courage, de vitesse et de fidélité, voilà
pourquoi de nos jours, beaucoup de sociétés l’utilisent comme logo59.
Pégase est présent en Chine60, dans la dynastie des Han au IIème siècle avant
Jésus-Christ, dans la religion islamique sous le nom d’Al Burak61, chez les
indiens Navajos62 comme chez les iraniens63.
20. La symbolique du cheval est l'étude de la représentation du cheval dans la
mythologie, les religions, le folklore populaire, la littérature et la psychanalyse
en tant que symbole, dans sa capacité à signifier un concept abstrait, au-delà
de la réalité physique de l’animal quadrupède. De nombreux rôles et des dons
magiques s'associent au cheval à toutes les époques et dans toutes les
régions du monde où des populations humaines se sont trouvées en contact
avec lui, faisant du cheval l'animal le plus symboliquement chargé, avec le
serpent. Le cheval pourrait d’ailleurs avoir eu très tôt une place symbolique de
premier plan puisqu'il est l'animal le plus représenté dans l'art préhistorique,
privilégié depuis le XXXVème millénaire avant Jésus-Christ64.
21. Le symbolisme du cheval est complexe puisqu’il connaît tous types de rôles,
bénéfiques comme maléfiques. Monture dynamique et impulsive, il est associé
59 Mobil, Air France, Jet Service 60 Des poèmes parlant de ce cheval ailé ont été retrouvés et dans la tombe d’un général chinois du 1
er siècle avant Jésus-Christ, était déposé un petit cheval ailé du nom de « Fei Ma ». Sous la dynastie des Tang, sept cent ans après Jésus-Christ, de nombreuses œuvres d’art évoquent les chevaux ailés. 61 Il s’agirait d’un animal ailé extrêmement rapide, capable de transporter Mahomet de La Mecque à Jérusalem
en une nuit 62 Lesquels connaissaient un chant magique qui attirait sur eux la protection d’un cheval céleste 63 Les iraniens considéraient Pégase comme une des transformations du Dieu Verethagna 64 P.Brun, « Un animal sauvage privilégié depuis le XXXVe millénaire avant J.-C » in Le cheval, symbole de pouvoirs dans l’Europe préhistorique, Exposition du 31 mars au 12 novembre 2001, Nemours, Musée de Préhistoire d’Ile de France
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à tous les points cardinaux, aux figures maternelles et paternelles65, au soleil
comme à la lune, à la vie comme à la mort, au monde chtonien comme
ouranien.
Dans sa plus lointaine perception symbolique, le cheval était inquiétant et
chtonien. C'est souvent un animal lunaire lié à la terre mère, aux eaux, à la
sexualité, au rêve, à la divination et au renouvellement de la végétation. Le
cheval « est relié aux grandes horloges naturelles »66 et toutes les histoires de
cheval solaire comme de coursier chtonien ont en commun « l'effroi devant la
fuite du temps »67.
D'anciennes études avancent que l'origine des pouvoirs magiques attribués au
cheval serait indienne68.
22. Le cheval est parfois l’incarnation du Diable.
Si l'Église catholique romaine a fait passer le cheval pour un animal diabolique
durant le Moyen Âge, c’était dans le but de lutter contre la survivance des
traditions païennes69 le sacralisant70.
Il existerait une analogie entre le Diable comme représentant de l’instinct
sexuel et le cheval, « c'est pourquoi la nature sexuelle du Diable se
communique aussi au cheval : Loki prend cette forme pour procréer »71.
Le cheval Mallet, autre incarnation du Diable, leurre ses cavaliers pour les tuer
ou les blesser gravement72.
Cette association Diable cheval est particulièrement forte dans toute
l'ancienne Germanie, et en Alsace, où circulent des histoires de chevaux noirs
apparaissant seuls au milieu de la nuit. Parmi les animaux fantômes de
Strasbourg figure un cheval à trois pieds que l'on assure être le Diable. Il est
65 Q.Ritzen, La scolastique freudienne, Expérience et psychologie, Fayard, 1972, spéc. p.122 où il est précisé que Sigmund Freud relève un cas où le cheval est l'image du père castrateur 66 G.Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, éd. Dunod, 1993 67 G.Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, éd. Dunod, 1993 68 A.Loiseleur Deslongchamps et Le Roux de Lincy, Essai sur les fables indiennes et sur leur introduction en Europe, éd. Techener, 1838, p. 35 - 36 69 Celtes et germaniques notamment 70 E.Baratay, Et l'homme créa l'animal: histoire d'une condition, éd. Odile Jacob, 2003, p.322 ; M-A.Wagner, Le cheval dans les croyances germaniques: paganisme, christianisme et traditions, éd. Honoré Champion, 2005 71 C-G.Jung, Métamorphose de l'âme et ses symboles, LGF, 1996 72 E.Brasey, La petite encyclopédie du merveilleux, éd. Le pré aux clercs, Paris, 2008, p.254 - 255
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ainsi raconté que le Diable, déguisé en officier, chevauchait la femme du
maréchal-ferrant qu'il avait changée en jument73.
23. Chez les grecs, les cavales de Diomède sont des juments carnivores et
sauvages capturées par Héraclès74. Selon la tradition, Bucéphale, le cheval
d'Alexandre le Grand, descendrait de l'une d'elles. Les chevaux du soleil tirent
le char d'Hélios selon les anciennes traditions et Ulysse fait construire le
Cheval de Troie, un cheval de bois géant dans lequel il cache des soldats
pour prendre la ville de Troie.
24. La culture celte accorde une place majeure au cheval à travers les déesses
comme Epona, déesse jument gauloise dont le culte a été repris par les
romains. L'intelligence et la férocité des chevaux de bataille sont louées dans
les épopées héroïques et la légende arthurienne. Certaines traditions
perdurent jusqu'à nos jours, comme celle de la Kelpie, un cheval aquatique du
folklore écossais qui transporte ses victimes dans l'eau.
25. Dans la tradition chinoise, le cheval représente les nomades des steppes et
est le symbole des barbares. Un signe zodiacal chinois correspond au cheval.
En Inde, un des avatars de Vishnou est le cheval blanc et cet animal est aussi
lié aux hymnes à Indra, divinité de la guerre. Une figure mythique du cheval
est le Qilin, décrit comme la licorne asiatique.
Dans le légendaire coréen, Chollima est un cheval ailé trop rapide pour être
monté.
26. La mythologie nordique réserve au cheval un accueil singulier car il y est
fréquemment mentionné et possède la particularité d'être quasiment toujours
nommé.
La connaissance du cheval dans la mythologie nordique provient
principalement de l’Edda en prose et de l’Edda poétique, mais aussi des
sagas qui, si elles ne contiennent pas toujours beaucoup d'éléments
mythologiques, permettent d'avoir une idée précise des cultes rendus à cet
73 Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace, Revue d'Alsace, vol.111, 1851, spéc. p.554 74 Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Livre IV, trad. F.Hoefer, éd. Adolphe Delahays, 1851
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animal, de son importance pour les anciens Scandinaves, et par là même des
raisons de sa place dans les textes fondateurs.
Les Pulur, qui sont une forme d'énumération mnémotechnique dans l'Edda en
prose de Snorri Sturluson, livrent un très grand nombre de noms de
chevaux75.
27. L'une des premières symboliques du cheval semble être, comme dans la
plupart des religions, celle d'un véhicule dirigé par la volonté de l'homme,
comme le montre Odin en chevauchant Sleipnir entre les neuf mondes.
Carl Gustav Jung note l’aspect psychopompe de Sleipnir et des montures des
Valkyries. Il voit le cheval comme l'un des archétypes les plus fondamentaux
des mythologies, proche du symbolisme de l'arbre de vie. A l’instar de ce
dernier, il relie tous les niveaux du cosmos : le plan terrestre où il court, le plan
souterrain dont il est familier, et le plan céleste. Sleipnir et le cheval volant
Hófvarpnir sont des chevaux intermédiaires entre la terre et le ciel et entre le
monde des mortels et le monde souterrain.
Puisque sa toute première qualité est la mobilité76, le cheval est l’animal le
plus apte à guider les morts durant leur voyage vers l'autre monde.
28. Il n'a pas qu'un simple rôle de monture ou de véhicule puisqu'il est également
étroitement associé à la cosmogonie des anciens peuples germano
scandinaves et à une profonde symbolique d'inspiration probablement
chamanique.
Les anciens peuples scandinaves formaient une civilisation cavalière et
mystique, le chamanisme y tenait un rôle important. C'est donc tout
naturellement qu'ils ont attribué de nombreux pouvoirs au cheval.
Le psychiatre suisse Carl Gustav Jung note une relation d'intimité entre le
cavalier et son cheval dans les contes et les légendes, où le héros et sa
monture lui « paraissent représenter l'idée de l'homme avec la sphère
instinctuelle à lui soumise »77.
75 S.Sturluson, The Prose Edda, BiblioBazaar, 2009, p. 209 - 212 76 A.Andrén, K.Jennbert et C.Raudvere, Old Norse religion in long-term perspectives : origins, changes, and interactions, an international conference in Lund, Sweden, 3 au 7 juin 2004, Nordic Academic Press, 2007, p.130 - 134 77 C-G.Jung, Métamorphose de l'âme et ses symboles, LGF, 1996, spéc. p.456
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Selon lui, les légendes attribuent ainsi au cheval des caractères qui reviennent
psychologiquement à l'inconscient de l'homme, car les chevaux disposent de
facultés mantiques.
Le pied du cheval, souvent anthropomorphisé, apparaît fréquemment dans les
moments critiques78 et Carl Gustav Jung y voit l'irruption d'un contenu
inconscient symbolisé79.
29. Cette importance du cheval dans les textes fondateurs et les sagas
mythologiques semble refléter la grande valeur qu'il possédait chez les
peuples germano scandinaves, comme en attestent également les rituels liés
à son sacrifice et à la consommation de sa viande, censés apporter protection
et fertilité tandis que ses ossements sont utilisés comme instruments de magie
noire.
La lutte contre les traditions et les rituels comme la consommation de viande
de cheval fut un élément capital dans la christianisation des régions qui
pratiquaient historiquement la religion nordique, telles la Germanie et l'Islande.
30. La fiabilité des Eddas et des sagas comme témoignages de la foi scandinave
est parfois remise en cause mais ces textes reflètent fidèlement la société et
les coutumes de l’époque. Ils montrent sans ambiguïté aucune que le cheval y
tenait une place prépondérante.
Considéré comme un double de l'homme, cet animal fut l'un des plus
importants dans les textes fondateurs, les rites et a influé sur la mentalité des
germains80.
Le cheval semble avoir été un médiateur central dans la société nordique. Il
pourrait avoir tenu une place intermédiaire entre animal sauvage et animal
domestique du fait de l’existence de grands troupeaux de chevaux sauvages,
au moins jusqu'au Xème siècle, et du fait qu'il a été monté aussi bien pour
franchir des plaines que des terrains montagneux. Cette particularité a pu
contribuer à lui donner sa place particulière dans les textes fondateurs.
78 C’est par exemple le cas lors de l’enlèvement d’Hadding où le pied de Sleipnir apparaît soudain sous le
manteau de Wotan 79 C-G.Jung, Métamorphose de l'âme et ses symboles, LGF, 1996, spéc. p.460 80 M-A.Wagner, Le cheval dans les croyances germaniques: paganisme, christianisme et traditions, éd. Honoré Champion, 2005
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D’ailleurs, des noms de lieux dans les régions nordiques font référence au
cheval, comme les deux îles Hestur et Koltur, dont les noms signifient
respectivement cheval et poulain.
Plusieurs traditions relatives au cheval sont relatées, notamment en Islande,
où les premiers colons arrivèrent avec le rituel de l'étalon de combat.
En définitive, « ses pouvoirs dépassent l'entendement ; il est donc Merveille et
il ne faut pas s'étonner que l'homme l'ait si souvent sacralisé, de la préhistoire
à l'histoire »81.
II- Des chevaux et du Droit
31. Bien que le droit soit toute la vie82 et le cheval la « plus noble conquête de
l’homme »83, le droit appréhende indirectement le cheval par l’intermédiaire de
l’animal. C’est donc d’abord eu égard son appartenance au règne animal que
le cheval est considéré en droit. Ainsi appréhendé, le cheval est « drivé » par
le droit des animaux -A-.
Cependant, le cheval est l’espèce animale la plus productive en matière de
jurisprudence84 comme de dispositions législatives ou règlementaires85, ce qui
en fait par la suite un animal qui « n’en finit pas d’enrichir le droit »86 et
« désarçonne » donc le droit des animaux -B-.
81 J.Chevalier et A.Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, éd. Robert Laffont, 1997 82 G.Ripert, Préface de la 12ème édition du Traité élémentaire de droit civil de Marcel Planiol, LGDJ, Paris, 1939, spéc. p.7 83 G-L.Leclerc de Buffon, Histoire naturelle, 1749, éd. Honoré Champion, Paris, 2007 84 Pour s’en convaincre : Cf. Institut du Droit Equin, Recueil Juridequi, Jurisprudence-Commentaires de mars 1996 à décembre 2009, publié par l’Institut du Droit Equin, 2010, p.9 - 333 85 Pour s’en convaincre : Cf. Institut du Droit Equin, Recueil Juridequi, Jurisprudence-Commentaires de mars 1996 à décembre 2009, publié par l’Institut du Droit Equin, 2010, p.341 - 380 86 J-M.Bruguière, Petite promenade, entre droit des biens et contrats spéciaux, en compagnie du meilleur ami de l’homme, D., 2007, p.2989
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A- Le cheval « drivé » par le droit des animaux
32. Déterminer ce qu’est un cheval en droit, c’est d’abord comprendre ce qu’est
un animal pour le droit.
Rechercher la définition juridique de l’animal serait un préalable utile mais
vain. En effet, même s’il « ne lui était pas possible d’ignorer ce fait, la
présence du monde animal, dont l’influence est grande sur le comportement
de l’homme »87, le droit n’offre aucune définition précise de l’animal.
Selon le sens commun, l’animal est un être vivant doué de sensibilité et de
mouvement. Mais l’animal fait aussi figure d’antithèse de l’humain dans la
mesure où il décrit un corps animé distinct de l’homme88. Le sens commun ne
reçoit donc pas uniquement la signification biologique du terme animal. Cette
polysémie indique que « à l’admission de la proximité biologique entre êtres
humains et animaux s’oppose l’affirmation d’un fossé infranchissable entre
humanité et animalité »89.
Si le vocabulaire juridique n’apporte aucune définition précise, il semble que le
terme animal en droit ait donc recueilli le sens commun. Le langage juridique
coïncide d’ailleurs fréquemment avec la langue commune90.
33. Le droit s’est intéressé à l’animal pour la première fois près de deux
millénaires avant notre ère. Le Code d’Hammourabi91 règlemente ainsi, à
propos des bœufs et des ânes92, la mise à disposition de l’animal93 comme le
résultat du soin qui lui est apporté94.
La création d’un droit des animaux n’est donc pas récente et le débat doctrinal
sur la place de l’animal en droit est presque aussi ancien. Il a été initié au
87 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.2 88 Cf. Animal in Larousse édition 2010 89 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.23 90 G.Cornu, Linguistique juridique, 2ème édition, Montchrestien, Collection Domat Droit privé, 2000, n°4 et s., p.21 et s. et n°18 et s., p.80 et s. 91 Texte babylonien établi vers 1750 av. J-C. ; Cf. J.Gaudemet, Les institutions de l’Antiquité, 5ème édition, Montchrestien, Collection Domat Droit Public, Paris, 1998 92 L’âne appartient toutefois à la même famille que le cheval, à savoir les équidés 93 Code d’Hammourabi, §244 à 249 94 Code d’Hammourabi, §224 et §225
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VIème siècle avant Jésus-Christ par Pythagore95, lequel proclamait le respect
pour les animaux parce qu’il croyait en la transmigration des âmes entre
humains et non humains.
Cependant, la conception qui va prédominer durant des siècles sera celle de
l’animal chose.
34. Le droit romain identifie ainsi les meubles comme étant « les choses
susceptibles d’être déplacées sans détérioration, y compris celles qui se
meuvent par elles-mêmes comme les animaux »96.
La doctrine stoïcienne97 de la Providence considérait que le rapport particulier
entre l’homme et la raison soumet providentiellement l’animal à l’homme car
« rien n’est supérieur à la raison ; tout est donc fait en vue de la raison ;
l’homme et les dieux usent de raison : tout est donc fait pour eux »98.
Dès lors, « le droit, miroir et expression de la civilisation humaine, ne s’est
préoccupé à peu près exclusivement jusqu’à nos jours que de l’animal chose,
objet d’appropriation ou cause de dommages »99.
Favorisée par la théorie de l’animal machine100 qui constitue une hypothèse
éthologique issue du mouvement mécaniste créé par René Descartes et
fortement contesté dès cette époque par Pierre Gassendi101, l’animal est
initialement perçu comme dénué de toute sensibilité et asservi à l’homme102.
Ainsi, « la théorie de l’animal chose, héritée du droit romain, est aussi la
95 A.Taylor, Pythagore, The first animal rights philosopher, Between the species 6:122-127, in Animal and ethics, Broadview Press, p.34 96 P-F.Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Librairie Edouard Duchemin, 1978, spéc. p.265 97 Le stoïcisme est une école philosophique de la Grèce antique, fondée par Zénon de Citium en 301 avant Jésus-Christ. C'est par la suite un courant philosophique hellénistique qui a traversé les siècles, subi des transformations, puis exercé diverses influences, allant de la période classique en Europe, notamment chez René Descartes, jusqu'à nos jours. Cette philosophie exhorte à la pratique d'exercices de méditation conduisant à vivre en accord avec la nature et la raison pour atteindre la sagesse et le bonheur envisagés comme ataraxie. Il s'agit d’une absence de passions qui prend la forme d’une absence de souffrance. Pour de plus amples explications, Cf.
G.Rodis-Lewis, La morale stoïcienne, PUF, Paris, 1970 ; J.Brun, Le stoïcisme, PUF, Paris, 1966 98 T.Gontier, L’homme et l’animal, La philosophie antique, PUF, 1999, spéc. p.78 99 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.2 100 R.Descartes, Discours de la méthode, Flammarion, 1967, spéc. p.90 101 P.Gassendi, De Vita, moribus et doctrina Epicuri libriocto, Lyon, 1647 ; De vita, moribus et placitis Epicuri, seu Animadversiones in librum X Diogenis Laertii, Lyon, 1649 ; Syntagma philosophiae Epicuri, Lyon, 1649 ; qui dans ses trois ouvrages considère la matière active et estime que les animaux disposent d’une petite âme 102 T.d’Aquin, Summa theologiae cum Supplemento et commentariis Caietani, éd. Léonine, Rome, 1886-1906, composé à l’origine entre 1269 et 1272 où l’auteur ratifie la conception de l’animal consistant à le considérer au
service des êtres humains ; pour un commentaire : Cf. G.Lafont, Structures et méthode dans la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, éd. du Cerf, Paris, 1996
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transposition sur le plan juridique de la célèbre et impitoyable théorie de
Descartes connue sous le nom de théorie des animaux machines »103.
35. Selon cette acception juridique de l’animal, « les Codes civil, pénal et rural
restent figés pour l'essentiel dans une conception exploitatrice et prédatrice de
l'animal, envisagé sous l'angle de la chasse, de la pêche, de l'exploitation
agricole, de l'élimination des espèces nuisibles »104. C’est dès lors « bien en
fonction de son utilité qu’est appréhendé l’animal en 1804 »105, autrement dit
« uniquement en tant que valeur économique et patrimoniale »106.
Cependant, si l’intégralité des animaux demeure chose pour le droit, leur
régime juridique diffère selon qu’il s’agit d’animaux domestiques ou d’animaux
sauvages.
36. La séparation juridique des animaux domestiques et des animaux sauvages
n’est pas fondée sur une base zoologique liée à une ou plusieurs
caractéristiques animalières mais sur les rapports que l’homme entretient avec
l’animal.
Dans une décision du 14 mars 1861, la Chambre criminelle de la Cour de
cassation définit les animaux domestiques comme des « êtres animés qui
vivent, s’élèvent, sont nourris, se reproduisent sous le toit de l’homme »107. Si
cette définition est conforme à l’étymologie du mot domestique108, elle
s’avérait trop étroite et a donc été élargie par un arrêt du 16 février 1895 à
l’animal qui « vit sous la surveillance de l’homme »109, dépassant ainsi le
périmètre circonscrit du toit.
En revanche, l’animal sauvage est celui qui n’appartient à personne110. Les
animaux sauvages sont donc tous ceux qui vivent, se reproduisent et se
nourrissent en dehors de toute intervention humaine. Ils n’ont subi aucune
sélection de la main de l’homme et sont destinés à vivre dans leur milieu
naturel. 103 J-P.Marguénaud, L’animal dans le nouveau Code pénal, D., Chron., 1995, spéc. p.187 104 J.Lachaud, Tabou sur l’animal, Gaz. Pal., 2002, n°269, p.19 105 F.Dumont, L’animal : un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit Civil, Janvier 2006, p.63 et s. 106 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005 107 Cass. crim., 14 mars 1861, S., 1861, I, p.184 108 Provenant de Domus en latin qui signifie la maison 109 Cass. crim., 16 février 1895, S., 1895, I, p.269 110 Ainsi qualifié de « res nullius »
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L’animal sauvage fait ainsi l’objet de l’attention du Code rural dans son article
L.211-5 qui dispose que « sont considérés comme espèces animales non
domestiques, celles qui n’ont pas subi de modifications de la part de
l’homme ».
37. L’animal est donc « pour le droit, une chose qui, dans la classification des
biens, appartient à la catégorie des meubles par nature »111. C’est ainsi que le
Code civil qualifie l’animal de bien meuble par nature.
Il est cependant immeuble par destination du fait de son attachement à un
fonds immobilier lorsqu’il en constitue l’accessoire112. Ces animaux perdent
leur caractère de bien immeuble lorsqu'ils sont séparés du fonds par le fait
d'une aliénation séparée113.
Sont également immeubles les animaux que le propriétaire du fonds livre au
fermier ou métayer pour la culture, mais seulement tant qu’ils demeurent
attachés au fonds par l'effet du bail114.
Qu’il soit meuble ou immeuble, l’animal peut faire l’objet d’un droit de
propriété, d’un usufruit, d’un contrat de location, d’un contrat de vente…
Les règles relatives aux animaux domestiques sont rassemblées dans les
codes civil et rural, alors que les dispositions législatives propres à la faune
sauvage, issues primitivement de la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 sur la
protection de la nature, sont aujourd’hui contenues dans le code de
l’environnement au titre de la préservation du patrimoine biologique115.
38. Au XXème siècle, en parallèle de la conception de l’animal chose « se
développe en Occident l’idée d’un traitement humanitaire des animaux. Cette
théorie s’appuie uniquement sur l’idée que les animaux doivent bénéficier de
la bienveillance et de la compassion des êtres humains, sans pour autant
111 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.3 112 Article 524 du Code civil qui énumère les animaux attachés à la culture, les poissons des eaux non visées à l'article L.231-3 du code rural et des plans d'eau visés aux articles L.231-6 et L.231-7 du même code (eaux closes, étangs privés, piscicultures et enclos piscicoles), les lapins de garenne, les pigeons des colombiers, les abeilles des ruches à miel. 113 Pour un exemple avec les poissons d'une pisciculture vendus séparément du terrain supportant les bassins : Cass. 1èreciv., 11 janvier 2005, no01-17.736 , Bull. civ. I, no25 114 Art. 522 C. civ. 115 Art. L.411-1 et s. du Code de l’environnement
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remettre en question l’utilisation des animaux pour les fins et les besoins des
êtres humains »116.
Ainsi, « au fil du temps et notamment au cours du XXème siècle, l’homme va
reconsidérer peu à peu la place de l’animal dans la société »117. Puisque
« moins utile comme force de travail, l’animal est davantage voué à des
tâches qui le mettent plus étroitement en communication avec l’homme. Par
ailleurs, après des époques de destruction anarchique, conscience a été prise
par beaucoup des nécessités liées à des équilibres écologiques… »118.
C'est alors par la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 sur la protection de la
nature119, aujourd'hui abrogée et intégrée au code de l'environnement, que le
droit appréhende l’animal dans sa dimension d'« être sensible » susceptible
de bénéficier d'une protection juridique.
39. L’animal est en effet protégé dans sa relation à l’homme contre les
comportements humains susceptibles de lui occasionner des souffrances,
portant atteinte à son intégrité physique ou à sa vie. Ces comportements sont
visés par le droit pénal sous l’incrimination des sévices graves ou actes de
cruauté120, des mauvais traitements121, des abandons122, comme des atteintes
volontaires123 ou involontaires124 à la vie.
La protection de ces animaux domestiques est organisée autour du principe
selon lequel « tout animal étant un être sensible doit être placé par son
propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques
de son espèce »125. La protection est complétée par des dispositions
réglementaires concernant les conditions de l'élevage des animaux
domestiques126, les établissements détenant des animaux à des fins
116 L.Létourneau, De l’animal objet à l’animal sujet ? : Regard sur le droit de la protection des animaux en Occident, Lex Electronica, Vol.10, numéro spécial, n°2, automne 2005 117 F.Dumont, L’animal : un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit Civil, Janvier 2006, p.63 et s. 118 A.Couret, Note sous Cass. 1èreciv., 8 octobre 1980, D., 1981, p.362 119 Abrogé par Ordonnance n°2000-550 du 15 juin 2000 art. 7 5° (JORF 22 juin 2000) 120 Art. 521-1 al. 1 C. pén. 121 Art. R 654-1 C. pén. 122 Art. 521-1 al. 7 C. pén. 123 Art. 655-1 C. pén. 124 Art. 653-1 C. pén. 125 Art. L.241-1 C. rur. 126 En matière de stabulation, parcage, alimentation, exposition dans les foires et marchés, transport, conditions d'abattage : Cf. Art. R.214-1 à R.214-79 C. rur.
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expérimentales ou scientifiques127 , les établissements détenant des espèces
non domestiques présentées au public ou destinées à un élevage128 et les
spectacles, jeux ou manifestations sportives utilisant des animaux129.
40. L’animal sauvage fait aussi l’objet d’une protection dans son environnement
naturel grâce à la notion d'espèces protégées130. Cette protection est
organisée autour de conventions internationales131 et de dispositions
communautaires132. Les dispositions du Code de l'environnement au titre de la
préservation du patrimoine biologique133 reprennent un grand nombre de
dispositions des droits communautaire et international. Il existe également une
réglementation propre aux parcs nationaux et réserves naturelles134.
41. C’est ainsi que « d’une chose protégée par le droit en raison de sa seule
utilité à l’homme, l’animal a vu sa prise en compte juridique se modifier et
s’élargir au fil du temps : de chose utile, il apparaît comme un être sensible au
gré des dispositions nouvelles »135.
127 Art. R.214-87 à R.214-130 C. rur. ; Convention européenne de Strasbourg du 18 mars 1986 publiée par les décrets no 2001-131 du 6 février 2001 au JO du 13 février 2001 et no 2001-486 du 6 juin 2001 au JO du 8 juin 2001 128 Art. R.413-1 à R.413-51 du Code de l’environnement mais aussi des dispositions législatives avec les articles L.413-2 à L.413-5 du Code de l’environnement 129 Art. R.214-84 à R.214-86 C. rur. ; Décret no 97-223 du 26 mars 1987, Loi no 89-432 du 28 juin 1989 et Loi no 99-223 du 23 mars 1999 130 Cf. L.Boitani, Plan d’action pour la conservation du loup en Europe : Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, éd. Conseil de l’Europe, 2003 ; C.Barbero, Protection et défense de l’animal dans l’occident contemporain : sources théoriques, types d’associations et formes d’action, Thèse Paris IV, 2003 ; M.Lanord, La conservation des habitats naturels et de la faune sauvage : le droit communautaire et sa mise en œuvre en France, Thèse Clermont, 2002 ; V.Levy-Bruhl, La protection de la faune sauvage en droit français, Thèse Lyon III, 1992 131 Convention de Washington du 3 mars 1973 reprise par la Loi no 77-1423 du 27 décembre 1977 et le Décret no 78-959 du 30 août 1978 ; Convention de Bonn du 22 juin 1979 reprise par la Loi no 89-1005 du 31 décembre 1989et le Décret no 90-962 du 23 octobre 1990 ; Convention de Berne du 19 septembre 1979 reprise par la Loi no 89-1004 du 31 décembre 1989 et le Décret no 90-756 du 22 août 1990 132 Règlement du Conseil no 3626/82/CEE du 3 décembre 1982 publié au JOCE, no L 384, 31 décembre 1982 ; Règlement du Conseil no 3418/83/CEE du 28 novembre 1983 publié au JOCE, no L 344, 7 décembre 1983 ; Directive du Conseil sur les oiseaux sauvages no 1979/409 du 2 avril 1979 publiée au JOCE, no L 103, 25 avril 1979 ; Directive du Conseil no 1992/43 du 21 mai 1992 sur la conservation des habitats sauvages et semi naturels publiée au JOCE, no L 206, 22 juillet 1992 133 Art. L.411-1 et s. du Code de l’environnement 134 Art. L.331-1 à L.331-29 et R.331-1 à R.333-85 du Code de l’environnement ; Art. L.332-1 à L.332-19 et R.332-1 à R.332-81 du Code l’environnement ; Art. L.333-1 à L.333-4 et R. 33-1 à R.333-85 du Code de l’environnement 135 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit Civil, Janvier 2006, p.63 et s.
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Le passage d’une théorie cartésienne de l’animal machine à la proclamation
par l’Unesco136 d’une déclaration des droits des animaux en 1978137 consacre
une évolution où « les dernières décennies se sont traduites par une prise de
conscience véritable en faveur d’une réhabilitation générale de l’animal »138.
Cependant, « de l’existence de certains droits objectifs visant la protection de
l’animal, on a parfois déduit, par abusive subjectivisation, que les animaux
devaient dorénavant être considérés comme des personnes, au sens civil du
terme »139.
42. L’effervescence autour de ce débat doctrinal est réelle mais perturbe notre
approche. Voilà pourquoi, le droit des animaux brièvement présenté, il faut en
montrer l’intérêt pour le cheval. En effet, si le cheval est contraint de subir
l’application du droit des animaux, une double question subsiste : derrière ce
cadre juridique, où se situe le cheval et quel rôle joue t-il exactement ?
De la réponse à cette interrogation dépend l’intérêt de notre étude mais,
rassurons-nous, si « le cheval est, de tous les êtres créés, le plus utile à
l’homme »140 alors, le droit, qui naît et vit par l’homme141, ne peut en avoir fait
abstraction.
B- Le droit des animaux « désarçonné » par le cheval
43. Le cheval est l’une des nombreuses espèces du règne animal mais il est, en
droit, la plus productive. En effet, si le monde du cheval constitue un secteur
important de la société, « cette importance ne se dément pas du point de vue
juridique. La filière équine n’échappe pas au phénomène de juridicisation
croissante, qui caractérise nos sociétés modernes. Cela se traduit par une
136 Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture 137 La Déclaration Universelle des Droits de l'Animal a été proclamée solennellement à Paris, le 15 octobre 1978, à la Maison de l'Unesco. Son texte révisé par la Ligue Internationale des Droits de l'Animal en 1989, a été rendu public en 1990 mais n’a aucune valeur juridique. 138 C.Daigueperse, L’animal, sujet de droit : réalité de demain, Gaz. Pal., 1981, p.160 139 R.Libchaber, Perspectives sur la situation juridique de l’animal, RTD civ., Janvier-Mars 2001, p.240 140 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.5 141 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.27
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augmentation régulière et significative des textes normatifs régissant la
matière, ainsi que par un accroissement du nombre de procès. L’encadrement
juridique de l’activité hippique constitue donc une réalité quotidienne »142.
D’ailleurs, l’importance du cheval au sein du droit des animaux est tel qu’un
ouvrage relatif à la jurisprudence en droit équin a récemment vu le jour143.
Pour la jurisprudence de ces quinze dernières années, l’index alphabétique
compte plus de cinq cent entrées parmi plus de trois cent pages !
44. Cette hégémonie du cheval au sein du droit des animaux est séculaire. Il faut
dire que le cheval « a été pendant des siècles… le principal accessoire de
l’histoire »144. Ce sont ses qualités qui ont fait que « le cheval est, de tous les
êtres créés, le plus utile à l’homme »145. En effet, « sa force, sa puissance et
son endurance en ont fait un animal de transport, de travail et,
malheureusement, de guerre… sa rapidité, son agilité et son adresse en font
un animal de courses, de concours et de dressage… sa beauté, sa noblesse
et son caractère en font un animal de loisirs et de compagnie »146.
Dès lors, il est utilisé à des fins d’élevage147, de reproduction148 ou de
compétition149. Pierre Lévêque cite le « cheval omniprésent dans la vie
quotidienne, civile et militaire, au cheval de loisir, pour le sport ou le jeu, du
gentleman-rider ou des habits rouges au jockey professionnel ou au cavalier
sponsorisé »150 et Patrick de Chessé « le manège, la compétition, le circuit
142 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.7 143 Il s’agit du Recueil Juridequi, Institut du Droit Equin, Jurisprudence-Commentaires de mars 1996 à décembre 2009, publié par l’Institut du Droit Equin 144 A.Schenk, Cheval et équitation dans l’antiquité, Bull. sc. A. Univ. L., 7/2001, p.44 - 49, spéc. p.44 145 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.5 146 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.7 147 J.Mulliez, Les chevaux du royaume, histoire de l’élevage du cheval de selle et de la création des Haras, éd. Montalba, Paris, 1983 ; D.Roche, Le cheval et ses élevages : perspectives de recherche, Cahiers d’histoire, n°42,
1997, p.511 et s. ; X.Libbrecht, L’Eperon, 18ème édition, Hors série de l’élevage, 2009, 148 Source AFP, La reproduction des équidés, un marché porteur, publié le 11 août 2007, Terre-Net 149 N.De Blomac, La gloire et le jeu, des hommes et des chevaux, 1766-1866, Fayard, Paris, 1991 ; P.Joly, Trotteurs de légende, Ouest-France, Rennes, 1998 ; G.Konopnicki, La France du tiercé, ordre et désordre d’une passion populaire, éd. La Manufacture, Paris, 1987 ; S.Tourreau, Les courses hippiques à l’île Maurice, tentative d’expression d’une nation, Thèse La Réunion, 1997 150 P.Lévêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion agence cheval de France, 2006, p.51
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touristique, la promenade en forêt, les rallyes, la chasse à cour, le polo, la
voltige… »151.
C’est ainsi que « on ne peut ignorer la place tout particulièrement importante
acquise par le cheval dans notre société »152, ne serait-ce qu’à propos des
chevaux de manège153.
45. L’intérêt que le droit porte au cheval est en effet séculaire.
A l’époque de la Grèce antique, Xénophon évoquait déjà la détermination par
le maître de l’animal de l’obligation principale de l’entraîneur d’un poulain154.
Le droit romain prévoyait la vente d’un cheval et son anéantissement ultérieur
en fonction du résultat de l’essai pratiqué par l’acheteur155 et Raymond-
Théodore Troplong précisait que « ces sortes de vente à l’essai étaient aussi
fréquentes chez les romains qu’elles le sont chez nous »156.
C’est par référence au cheval considéré comme moyen de locomotion que les
règles de droit rural consacrées aux animaux ont été élaborées157 et que les
départements administratifs ont été découpés afin que chaque chef lieu de
départements limitrophes soit situé à moins d’une journée de cheval.
Fait unique dans le monde animal, la pratique sportive du cheval concentre
deux codes, celui des courses au galop158 et celui des courses au trot159.
46. Au sein du droit des animaux, la prépondérance du cheval est donc
manifeste. Cependant, il suit le sort de l’animal, dont le terme est pris dans
son acception générique, en ce qui concerne sa qualification juridique. Ainsi,
151 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, p.6 152 A.Couret, Note sous Cass. 1èreciv., 8 octobre 1980, D., 1981, p.365 153 H.Callaivet, Question Sénat 1980, n°35111, Sort des chevaux de manège : Agriculture, J.O, débats 3 septembre 1980, p.3602 ; Réponse du 9 octobre 1980, p.3797 ; Cass. 1èreciv., 15 avril 1979, JCP 1980, II, 19402 ; Cass. 1èreciv., 2 octobre 1980, JCP 1980, IV, p.104 154 Xénophon, De l’art équestre, Les Belles lettres, Paris, 2008, p.45 où il est fait référence au contrat puisque le maître doit « ne le donner (le poulain) qu’en spécifiant par contrat ce qu’il devra savoir par retour » 155 Ulpien, I, 3, Digeste de cont. empt., Dioel et Maxim., I. 4, C. de oedilit. edicto. où la vente est formulée en ces termes : « si res ita distracta sit ut, si displicuisset, inempta esset, constat non esse sub conditione distractam, sed resolvi emptionem sub conditione », autrement dit je vous vends mon cheval, à condition que, si vous n’en
êtes pas content, la vente sera considérée comme non avenue. 156 R-T.Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre du Code, De la vente, éd. Charles Hingray, 1845, p.60 157 Pour s’en convaincre, Cf. X.Pech De La Clause, L’animal et le droit rural, in Actes du colloque de Toulouse en date des 12 et 13 mai 1987 sur le thème Droit et animal 158 Créé et édité par France Galop, dernière édition mai 2011 159 Créé et édité par la Société d’Encouragement à l’élevage du Cheval Français, Bull. SECF n°13 bis du 27
Mars 2008, éd. 2008
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« le cheval, même s’il reste le meilleur ami de l’homme, demeure au regard du
droit civil français un bien meuble »160.
Comme l’animal peut être immeuble par destination du fait de son
attachement à un fonds immobilier161, observons que la jument de Marie-
Angèle Hermitte162 « qui, dans le vrai monde est une alezane facétieuse
mettant bas de superbes poulains, a donc, dans l’univers juridique, un double
froid qui affecte la forme d’un immeuble amortissable »163.
Meuble ou immeuble, conformément au droit des animaux, le cheval est
considéré juridiquement comme une chose.
47. Après avoir répondu à diverses interrogations que suscitait la qualification
juridique du cheval, ne serait que « qu’est ce qu’une erreur substantielle pour
l’achat ou la vente d’un cheval ? »164, le droit est saisi de nouvelles pratiques
équines dont l’émergence est liée à « la spécialisation et la
professionnalisation des activités, la recherche de l’efficacité et même de la
performance, le besoin de capitaux, la fiscalité… »165.
C’est ainsi qu’un site Internet « propose un concept inédit qui invite l’amateur
de courses hippiques à devenir copropriétaires d’écuries de chevaux »166 ou
que des éleveurs achetant en commun un étalon prévoient « qu’une partie des
saillies est affectée au paiement des frais ; d’autres sont réparties entre les
membres au prorata de leurs parts ; les saillies restantes sont vendues et le
produit est distribué aux co-indivisaires »167.
En définitive, le cheval offre de belles perspectives d’avenir et « n’en finit pas
d’enrichir le droit »168.
160 TGI Avignon, Ordonnance du 26 septembre 2007, n°07-00473 ; Cf. J-M.Bruguière, Petite promenade, entre droit des biens et contrats spéciaux, en compagnie du meilleur ami de l’homme, D., 2007, p.2989 161 Cf. Pt.37 162 Marie-Angèle Hermitte est docteur en droit, directeur de recherche au CNRS, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et depuis octobre 2006, elle est présidente d'honneur de l'association Doxa ; elle a notamment rédigé l’article Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 163 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 164 B.Chain, Le Cheval, Contrats et Responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.125 165 P.Lévêque, Le Cheval, Contrats et Responsabilités, Institut Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.52 166 Hérault Juridique et Economique, 10 septembre 2009, p.16 167 F.Deboissy, RTD com., 1998, p.710 : à propos de Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre 168 J-M.Bruguière, Petite promenade, entre droit des biens et contrats spéciaux, en compagnie du meilleur ami de l’homme, D., 2007, p.2989
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48. Par le terme générique cheval, il faut comprendre l'espèce domestique Equus
caballus. Les véritables chevaux sauvages, qui ne sont pas domesticables,
sont de plusieurs autres espèces169. Or, l’animal du droit est soit domestique,
soit sauvage car le régime juridique diffère en fonction de la classification.
Une interrogation subsiste donc, « comment faire coïncider les diverses
conditions de certains animaux dans un seul statut »170 ? Et François Dumont
de citer « le cheval, sauvage il en est -prjevalski-, domestiqué, de course -
donc soumis à règlement-, de labour -donc pour l’exploitation d’un fonds- ou
mieux encore viande de cheval, donc abattu »171.
C’est pourquoi notre étude concerne exclusivement l’Equus caballus car le
cheval sauvage, s’il est certes une chose, est « res nullius » et, par
conséquent, hors du champ d’application du droit commun, du droit des
biens…
Seule l’étude de l’Equus caballus est donc susceptible de révéler le statut
juridique du cheval.
49. Par statut juridique, il faut comprendre la qualification du cheval par le droit et
le régime juridique en résultant. Si « la qualification retenue conditionne le
régime juridique applicable »172, l’absence de certitude quant à la qualification
juridique du cheval justifie l’étude préalable de son régime juridique, moins
problématique. C’est en définitive l’analyse du corps de règles appliqués au
cheval qui va permettre d’en révéler la qualification.
L’objectif poursuivi est de savoir ce que le cheval est juridiquement. Est-il
cheval, animal, chose… ? L’interrogation de Martine Grinberg, « un cheval est-
il un cheval ? »173, prend alors tout son sens.
169 Cheval de Przewalski, Tarpan 170 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 et s. 171 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 et s. 172 G.Simon, La nature juridique des règlements sportifs à objet commercial, D., Chron., 1999, p.174 ; Cf. P.Wachsmann, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003 où l’auteur indique que « la qualification consiste, dans une première approche, à subsumer des faits sous des normes juridiques, en vue de la production d’effets de droit » ; P.Jestaz, La qualification en droit civil, Droits Rev. Fr., n°18, 1993, p.45 173 M.Grinberg, Un cheval est-il un cheval ? Les mots, les faits, le capitalisme et le droit, in Lectures de J.R.Commons, dir. A.Guery, Cah. d'économie politique, n°40-41, 2001, p.177 - 191
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S’il est impossible de faire abstraction du droit des animaux, l’omniprésence
du cheval en droit incite à penser qu’il est défini par référence à ce qu’il est et
non eu égard son appartenance au règne animal.
Comme « la plupart des juristes formulent la même critique : on dit souvent ce
que l’animal n’est pas, mais on ne dit pas ce qu’il est »174, affirmons ce que le
cheval est juridiquement.
Afin de satisfaire l’objectif de notre étude, l’analyse du régime juridique du
cheval -Partie 1- précède la révélation de sa nature juridique -Partie 2-.
174 J-B.Jeangene Vilmer, Ethique animale, PUF, 2008, spéc. p.272
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50. Analyser la manière dont le droit procède à l’égard du cheval demeure délicat
en raison du caractère ambivalent175 qu’il possède juridiquement.
En effet, successivement dangereux176, utile économiquement177,
indispensable affectivement178, à préserver179, le cheval possède une
multitude de facettes que le droit ne cesse d’encadrer.
Ainsi, l’adoption de dispositions hétérogènes dont la codification s’effectue
indistinctement au sein des codes rural180, pénal181, civil182 et de
l’environnement183 puise sa légitimité à travers ce caractère ambivalent du
cheval en droit.
51. L’examen attentif de l’intégralité de ces règles appliquées au cheval demeure
en réalité inopérant dans la mesure où ces dispositions répondent à des
impératifs différents.
Le Code rural obéit principalement à un impératif de police sanitaire184 à
propos duquel l’identification des équidés185 est essentielle ; le Code pénal à
un impératif de protection de l’animal par la répression des « atteintes aux
175 Cf. Pt.3 176 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.154 où l’auteur déduit de la vie
psychique animant l’animal un caractère dangereux ; M.Vitry, La détermination du fait de l’homme, du fait de l’animal et du fait de la chose, Thèse Rennes, éd. Nouvelliste de Bretagne, 1922, spéc. p.45 où l’auteur évoque
la responsabilité du maître d’un animal dangereux ; T.Revet, Loi n° 99-5 du janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 177 Pour s’en convaincre : Cf. X.Libbrecht, L’Eperon, 18ème édition, Hors série de l’élevage, 2009 178 A propos du cheval Cf. I.Claude, Le cheval, miroir de nos émotions, éd. Camaïs, 2ème édition, 2007 ; J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.313 et s. où l’auteur consacre
l’intégralité de la deuxième partie de sa thèse à « l’animal comme un être aimé » en détaillant la protection des animaux aimés et surtout la légitimité de l’affection envers un animal ; J-P.Digard, Les français et leurs animaux, Ethnologie d’un phénomène de société, Fayard, Hachette Littérature, 1999, p.21 et s. 179 Pour s’en convaincre : Cf. la fondation pour la préservation et la protection du cheval de Przewalski créée aux Pays-Bas en 1977 ; Document de presse établi conjointement par le ministère de l’agriculture, de l’alimentation,
de la pêche et des affaires rurales, le ministère des sports, le ministère délégué au budget et à la réforme budgétaire, Une nouvelle politique pour le cheval, 29 juillet 2003, Fiche 5 notamment 180 Cf. entre autres Art. L.211-1 et s. ainsi que R.211-1 et s. pour la garde des animaux de rente ou les articles L.213-1 et s. relatifs aux vices rédhibitoires 181 Cf. à propos des sévices graves envers un animal Art. 521-1 et s. ; à propos des mauvais traitements envers un animal Art. R. 654-1 ; à propos de la divagation Art. R. 622-2 182 Cf. à propos de la propriété par accession Art. 547 et 564 ; à propos de la qualité de bien meuble de l’animal
Art. 528 ; à propos de la responsabilité civile délictuelle du fait des animaux Art. 1385 183 Cf. à propos de la chasse à courre : Art. L.424-4 184 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.205 où l’auteur évoque « les interventions du législateur applicables le plus souvent aux animaux domestiques, qui visent à assurer la salubrité publique » ; Cf. Art. R.214-48-1 du C. rur. qui prévoit le contrôle des établissements ouverts au public pour l’utilisation d’équidés. Ainsi, « ce contrôle porte sur la sécurité, l’hygiène, l’enseignement, les normes techniques et l’état de la cavalerie de ces établissements ». 185 Art. L.212-9 du C. rur.
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animaux dans leur sensibilité d’êtres vivants »186 ; le Code de l’environnement
à un impératif de préservation de l’environnement187 par le principe de
précaution188 qui est un principe directeur du droit de l’environnement189.
L’étude partielle de ces règles n’est néanmoins pas dénuée de sens. A cet
effet, le préalable est l’identification des comportements primitifs et majeurs de
l’homme à l’égard du cheval. En effet, la description des normes constituant le
socle de son régime juridique doit légitimement précéder la réflexion relative à
sa nature juridique.
Pour autant, encore faut-il mettre en exergue avec précision les
comportements primitifs et majeurs de l’homme à l’égard du cheval dont la
perception par le droit fonde le socle de son régime juridique.
52. A ce titre, « de fait, aujourd’hui encore, les activités reposant sur
l’appropriation, la cession et l’exploitation des animaux représentent une part
considérable de l’économie française »190. En effet, « on ne saurait ignorer le
poids de l’élevage dans l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire
françaises »191 et « si les activités de traction animale, importantes au XVIII et
XIX siècles, ne drainent plus guère de fonds, les activités d’élevage ou de
soins, de dressage et de vente d’animaux de compagnie sont florissantes »192.
Du caractère indéniable de ce constat s’évince indubitablement que le nœud
de la relation entre l’homme et le cheval se situe aux confins des actes
matériels d’appropriation et d’exploitation des chevaux.
186 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005 ; Cf. également S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.236 qui indique que « en nous réjouissant de ce que le refus de la sensibilité n’ait plus cours (ou ne devrait plus avoir cours), nous pourrons constater que la lutte contre la douleur non humaine a progressé » 187 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.230, qui indique qu’il s’agit « d’anticiper des risques potentiellement graves et irréversibles notamment pour l’environnement » 188 P.Kourilsky et G.Viney, Le principe de précaution, Rapport au premier ministre, éd. La documentation française, 2000 ; P.Bechman et V.Mansuy, Le principe de précaution, Litec, 2002 189 Art. L.110-1 Code de l’environnement où la protection de l’environnement, notamment des ressources
naturelles, des espèces animales et de la diversité biologique, est d’intérêt général. Elle s’inspire de différents
principes parmi lesquels figure le principe de précaution 190 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.25 191 F.Burgat, L’animal dans les pratiques de consommation, PUF, 1995, n°374, spéc. p.96 192 F.Chouvel, Les nouvelles règles en matière de commerce et d’hébergement des animaux de compagnie, Rev. Dr. Rur., 1994, n°225, p.345 ; J-P.Digard, Les français et leurs animaux, Ethnologie d’un phénomène de société, éd. Fayard, Hachette Littérature, 1999, p.21 et s.
- 44 -
François Dagognet remarque fort justement que « le juriste a donc concentré
son attention sur l’acquisition et la détention »193.
Par conséquent, l’observation de l’importance des normes relatives à son
appropriation -Titre I- et son exploitation -Titre II- impose de les définir comme
constitutives du socle du régime juridique du cheval.
193 F.Dagognet, Philosophie de la propriété : L’avoir, PUF, Paris, 1992, spéc. p.5
- 46 -
53. D’une manière générale, humains et chevaux demeurent en interaction
permanente depuis la nuit des temps. Nécessaire à sa survie, le cheval est
tout d’abord considéré par l’homme au regard de ses seules utilités, avant
d’embrasser un caractère mythique au sein de certaines civilisations194.
Au regard de ses utilités, le cheval fait initialement l’objet d’une préhension au
profit de l’homme. En effet, c’est en qualité « d’entités matérielles susceptibles
de préhension et présentant de nombreuses utilités »195 que le cheval a « de
tout temps éveillé un désir d’appropriation »196. C’est alors qu’en « considérant
que ce qui est matériel s’approprie facilement par une forme de domination
physique sur le corpus même de la chose »197 que l’on « glisse spontanément
de la matérialité à l’appropriabilité »198. Il est vrai que « l’appréhension
matérielle d’un objet en facilite l’appropriation »199. Or, le cheval répond
nécessairement à cette caractéristique, induisant pour l’homme un rapport de
domination200 dont les prémices sont ancestrales.
54. Saisi par la notion juridique de propriété, le cheval a nécessairement répondu
à la qualification de bien. Les biens étant faits « de tous les objets dont les
personnes peuvent avoir le désir »201 et « à la subjectivité de la notion de
personne répond le caractère objectif de celle des biens ; le lien tendu entre
les deux n’est autre que la propriété, relation privilégiée par laquelle les
individus assouvissent juridiquement leurs désirs »202.
194 B.Chèze, Les chevaux, mythes et légendes du monde entier, éd. de la Martinière Jeunesse, 2007 ; N.Rouland, Aux confins du droit, anthropologie juridique de la modernité, éd. Odile Jacob, 1991, p.242 ; C.Pont-Humbert, Dictionnaire des symboles et des croyances, édition J-C.Lattès, 1995, p.57 195 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.25 et l’auteur de
citer « la surveillance, la traction, la locomotion, la détection de produits illicites… » 196 J-D.Vigne, Chypre et les débuts de l’élevage, La Recherche, n°348, décembre 2001, p.29 197 R.Libchaber, Biens, D., Répertoire de droit civil, 2002, Pt.24 198 R.Libchaber, Biens, D., Répertoire de droit civil, 2002, Pt.24 199 F.Zenati, Pour une rénovation de la théorie de la propriété, RTD. civ., 1993, p.305 et s. 200 P.Singer, Animal Liberation : A new ethics for our treatments of Animals, éd. New-York Avon Books, 1990, p.186 et 187 ; A.Herscovici, Les droits des animaux ? : Remise en question, éd. Fides et Entreprises Radio-Canada, 1986, p.33 201 R.Libchaber, La recodification du droit des biens, Le Code civil, 1804-2004, Livre du Bicentenaire, Dalloz-Litec, 2004, p.297 et s. 202 R.Libchaber, La recodification du droit des biens, Le Code civil, 1804-2004, Livre du Bicentenaire, Dalloz-Litec, 2004, p.297 et s.
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55. A l’attitude originelle de l’homme à dominer le cheval succède une évolution
significative203. En effet, « poussé par son instinct de survie, l’homme a
rapidement voulu développer des techniques plus ou moins sophistiquées
pour parvenir à la domestication de certaines espèces animales nécessaires à
ses besoins »204. Or, « cette domestication révèle surtout un processus de
transformation des ressources naturelles spontanées en ressources dont la
production et la gestion seraient sous la maîtrise de l’homme »205.
C’est ce passage progressif « d’une économie fondée sur la chasse et la
cueillette à une économie reposant sur la culture et l’élevage »206 qui conduit à
la nécessité d’une réflexion juridique.
Comment justifier en droit le comportement humain consistant à s’accaparer le
cheval, sauvage à l’origine, « par une forme de domination physique sur le
corpus même de la chose »207 pour l’asservir à ses fins et, en définitive,
l’instrumentaliser208 ?
56. A propos de l’animal en général, plus de deux millénaires de réflexion
juridique précèdent la réponse à cette question, du célèbre philosophe grec
Aristote au Professeur Jean-Pierre Marguénaud. C’est ainsi que
l’appropriation du cheval répond à des modes d’appropriation communs aux
animaux -Chapitre I-.
Cependant, la récente spécialisation de la matière équine et l’augmentation du
coût d’acquisition d’un équidé révèlent l’existence de modes contractuels
d’appropriation propres au cheval -Chapitre II-.
203 Sur la condition des équidés au cours de l’histoire, Cf. T.Poulain-Josien, Les animaux domestiques et sauvages en France du néolithique au gallo-romain : étude d'ethnozoologie à partir de vestiges osseux. Equidés, suidés, ovidés, Institut d'ethnologie, 1972204 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 205 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 206 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 207 R.Libchaber, Biens, D., Répertoire de droit civil, 2002, Pt.24 208 V.Camos, F.Cézilly, P.Guenancia et J-P.Sylvestre, Homme et animal, la question des frontières, éd. Quae, 2009
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CHAPITRE I
LES MODES D’APPROPRIATION COMMUNS AUX
ANIMAUX
57. Depuis l’origine, les animaux demeurent inséparables de l’homme, que se
soit par le spectre des réincarnations possibles d’ancêtres au sein de
certaines civilisations209 ou par leur qualité d’objet éveillant le désir210. C’est
ainsi que par leurs utilités, « les animaux ressortissent des entités que
l’homme souhaite pouvoir utiliser pour améliorer son sort »211. Or, « cette
volonté de possession exclusive a été admise et encadrée par le droit »212.
58. C’est du traitement juridique de cette domination de l’homme sur le corpus
même de l’animal qu’apparaissent les modes « originaires »213 d’acquisition
de la propriété. En effet, les pratiques de chasse et de pêche, en définitive de
préhension de l’animal, conduisent les juristes de l’époque antique à les
209 P.Jacquin, Les Indiens d’Amérique du Nord, les animaux et la religion, in B.Cyrulnik, Si les lions pouvaient parler : Essai sur la condition animale, Gallimard, coll. Quarto, 1998, p.1490 ; N.Rouland, Aux confins du droit, anthropologie juridique de la modernité, éd. Odile Jacob, 1991, p.242 ; C.Pont-Humbert, Dictionnaire des symboles et des croyances, éd. J-C.Lattès, 1995, p.57 210 J.Carbonnier, Droit et passion du droit sous la 5ème république, Flammarion, 1996, spéc. p.124 211 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.51 212 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.51 213 A.Chamoulaud-Trapiers, Droit des biens, 2ème édition, éd. Lexifac, 2007, p.99, qui indique qu’un mode originaire d’acquisition de la propriété correspond à « un mode d’acquisition par lequel un individu acquiert la propriété d’un bien qui précédemment n’appartenait à personne » ; Cf. également pour cette distinction entre les modes originaires et dérivés d’acquisition de la propriété : C.Demolombe, Traité des successions, Tome I, 2ème édition, éd. Auguste Durand, Paris, 1862, spéc. p.11
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considérer comme naturelles214. Puis le passage progressif « d’une économie
fondée sur la chasse et la cueillette à une économie reposant sur la culture et
l’élevage »215 induit un traitement juridique distinct même si ce comportement
demeure constitutif d’une forme primitive d’acquisition de la propriété.
59. Ces modes « originaires » sont à distinguer des modes d’appropriation
opérant un transfert de propriété, c'est-à-dire qui « produisent tout à la fois
l’acquisition par l’un et l’aliénation par l’autre »216, lesquels sont définis comme
étant des modes « dérivés »217 d’appropriation.
Communs aux animaux, ces modes « originaires » -Section I- et « dérivés »
-Section 2- d’appropriation concernent donc le cheval.
SECTION I
LES MODES « ORIGINAIRES »
D’APPROPRIATION DES ANIMAUX
60. Les modes originaires « attribuent la propriété des biens qui n’appartiennent à
personne »218 et « ne produisent qu’une acquisition sans aliénation »219.
Or, la préhension du cheval sauvage par des actes de chasse induit une
« conversion juridique de chose en bien qui s’opère originairement, pour
l’animal, par occupation »220.
214 C-V.Daremberg et E.Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Hachette, 1877-1919, Paris, Tome 4, p.141 et s. 215 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 216 C.Demolombe, Traité des successions, Tome I, 2ème édition, éd. Auguste Durand, Paris, 1862, spéc. p.11 217 A.Chamoulaud-Trapiers, Droit des biens, 2ème édition, éd. Lexifac, 2007, p.99, qui indique que les modes dérivés d’acquisition de la propriété « sont ceux qui permettent l’acquisition d’un bien par un nouveau propriétaire » ; Cf. également pour cette distinction entre les modes originaires et dérivés d’acquisition de la propriété : C.Demolombe, Traité des successsions, Tome I, 2ème édition, éd. Auguste Durand, Paris, 1862, spéc. p.11 218 C.Demolombe, Traité des successsions, Tome I, 2ème édition, éd. Auguste Durand, Paris, 1862, spéc. p.11 219 C.Demolombe, Traité des successsions, Tome I, 2ème édition, éd. Auguste Durand, Paris, 1862, spéc. p.11 220 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.52
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En outre, en disposant que « le croît des animaux appartient au propriétaire
par droit d’accession »221, le droit complète les modes « originaires »
d’appropriation des animaux, et donc du cheval, dans la mesure où « la
propriété s'acquiert aussi par accession… »222.
Ainsi, l’occupation -§I- et l’accession -§II- permettent d’acquérir originellement
la propriété d’un cheval.
§I- L’APPROPRIATION DES ANIMAUX PAR OCCUPATION
61. L’occupation « est le meilleur exemple de mode originaire d’acquisition de la
propriété »223 qui se réalise « en prenant volontairement possession de la
chose avec l’intention d’en devenir effectivement le propriétaire »224 et
s’applique exclusivement aux choses non appropriées. Ainsi, « la conversion
juridique de chose en bien s’opère originairement, pour l’animal, par
occupation »225.
62. En droit romain, la notion d’occupation est fondatrice puisqu’il s’agit de « la
clef des formules et de tout le système de la législation romaine, sur la
mancipation, la tradition, l’usucapion et la prescription »226.
Avant Justinien, une distinction s’impose entre les res mancipii, choses
possédées en pleine propriété auxquelles appartenaient les animaux
domestiques, et les res nec mancipii, choses sur lesquelles s’exerçait une
propriété imparfaite comprenant les animaux sauvages capturés ou
apprivoisés.
Dans cette optique, le droit de propriété est alors intégralement subordonné à
l’acte d’occupation ; « point de propriété parfaite sur les choses qui ne sont
221 Art. 547 C. civ. 222 Art. 712 C. civ. 223 G.Marty et P.Raynaud, Droit civil, Les biens, 2èmeédition, Sirey, 1980, n°415 224 A.Weill, F.Terre et P.Simler, Droit civil, Les biens, 3èmeédition, D., 1985, n°398 225 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.52 226 M.Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Tome 11, 5ème édition, éd. J-P.Roret, 1826, spéc. p.684
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pas susceptibles d’une occupation parfaite : point de transport de propriété si
l’ancien propriétaire ne cesse pas d’occuper, si l’acquéreur n’occupe pas »227.
Il n’existerait donc « par la loi de la nature, qu’un seul moyen d’acquérir la
propriété, l’occupation ; qu’un seul moyen de conserver la propriété, la
continuation d’occupation… »228.
63. Chez les grecs, « on peut dire qu’il y a occupation, dans le sens large du mot,
toutes les fois que spontanément et sans le fait ni la volonté d’autrui, une
personne appréhende animo domini un objet susceptible de propriété privée,
mais non approprié actuellement »229.
Mais, « à mesure que les populations sont devenues plus denses et plus fixes,
le nombre des choses non appropriés a diminué et, par suite, l’occupation a
perdu beaucoup de son importance originaire »230.
Toutefois, « il y avait toujours des res nullius, ne fût-ce que le gibier et le
poisson, et, dès lors, l’occupation restait le mode normal d’acquérir cette
espèce de choses »231. C’est la raison pour laquelle Aristote a très bien saisi
le caractère de ce mode d’acquisition lorsqu’il le qualifie de naturel, par
opposition aux modes « dérivés ».
Parmi les moyens naturels d’acquérir la propriété, Aristote énumère en
premier lieu la chasse et la pêche, étant entendu qu’il évoque le gibier ou le
poisson situés dans des lieux n’appartenant point à des particuliers puisque
l’occupation est un moyen légal d’acquisition uniquement à l’égard des choses
sans propriétaire.
64. D’après les jurisconsultes romains232, l’occupation revêt le même caractère
qu’en droit grec et s’applique aux animaux sauvages pris à la chasse comme
227 M.Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Tome 11, 5ème édition, éd. J-P.Roret, 1826, spéc. p.685 228 M.Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Tome 11, 5ème édition, éd. J-P.Roret, 1826, spéc. p.686 229 C-V.Daremberg et E.Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Hachette, 1877-1919, Paris, Tome 4, spéc. p.141 230 Aristote, Politique, trad. J.Aubonnet, CUF, Paris, 1960-1989 231 C-V.Daremberg et E.Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Hachette, 1877-1919, Paris, Tome 4, spéc. p.142 232 Parmi eux : Ulpien, Paul, Gaius…
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à la pêche, voire autrement. Ces animaux appartiennent à l’occupant dès que,
vivants ou morts, ils sont à sa disposition d’une manière certaine.
En revanche, l’animal sauvage cesse d’appartenir à l’occupant dès qu’il
recouvre sa liberté naturelle d’une manière définitive, soit par fuite, soit par le
fait d’un tiers.
65. A l’époque franque, le fondement de la saisine, qui désigne « le fait de détenir
un bien, de l’utiliser, d’en percevoir les fruits, au vu et au su de tous, des
membres de la communauté de la famille, comme de ceux de la communauté
du village »233, est identique à celui de l’occupation. En effet, « les termes
médiévaux qui désignent l’appropriation du sol, la saisine, contiennent tous,
étymologiquement, une idée de mise en possession solennelle »234 et l’animal
demeure appropriable par occupation.
66. De nos jours, « lorsque l’animal est sauvage et donc res nullius,
l’appropriation se réalise au travers de l’occupation, opération consistant dans
un acte de chasse ou de pêche, dans le respect des règles limitant la capture
pour certaines espèces »235. Ces limites conduisent aujourd’hui « cette voie
classique d’appropriation, conçue à une époque où la nature semblait
inépuisable, à connaître nombre de restrictions »236.
Avant leur domestication237 cependant, les chevaux étaient sauvages, c’est
dire l’importance de l’occupation lors de l’appropriation primitive du cheval.
Quant aux animaux domestiques, ils ne s’acquièrent point par occupation,
puisqu’en quelque endroit qu’ils se trouvent ils continuent de demeurer la
propriété de leur maître.
233 J.Bart, Histoire du droit privé, Montchrestien, 1998, spéc. p.46 234 A-M.Patault, Introduction historique au droit des biens, PUF, 1989, spéc. p.26 235 A.Couret, Note sous Cass. 1èreciv., 8 octobre 1980, D., 1981, p.362 236 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.52 ; mais aussi sur le renouvellement du droit des biens sous l’influence de l’écologie : F.Terré et P.Simler, Droit civil, Les biens, 6ème édition, D., 2002, n°45, p.48 237 H.Briggs, Origins of domestic horse revealed, BBC News, 16 juillet 2002
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§II- L’APPROPRIATION DES ANIMAUX PAR ACCESSION
67. Le droit d'accession est une extension légale du droit de propriété sur une
chose mobilière, ou immobilière, à tout ce qu'elle produit et tout ce qui
s'incorpore à elle.
Compte tenu de sa faculté de reproduction238, un animal est susceptible de
produire -I-.
Compte tenu de sa faculté de déplacement239, un animal peut se fixer
librement sur un fonds -II-.
I- Le droit d’accession et la faculté de reproduction des animaux
68. La question de l’appropriation du croît des animaux est normalisée -A-, le
Code civil disposant que « le croît des animaux appartient au propriétaire par
droit d’accession »240. Appliqué au cheval, le droit d’accession légitime la
maîtrise humaine de l’activité de reproduction du cheval -B-.
A- L’appropriation du croît des animaux normalisée
69. L'accession est traditionnellement présentée comme un mode non
conventionnel d'acquisition de la propriété. Ainsi, « la propriété s'acquiert
aussi par accession… »241.
Définie à l'article 546 du code civil, elle apparaît comme un attribut de la
propriété donnant droit sur tout ce que la chose produit et sur tout ce qui s'y
238 P.Ourliac et J.Malafosse, Histoire du droit privé, Les biens, PUF, 1971, spéc. p.44 où les auteurs signalent la distinction en droit berbère entre les biens vivants capables de procréer et les biens non vivants dont l’utilité
s’épuise par l’usage 239 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.11 240 Art. 547 C. civ. 241 Art. 712 C. civ.
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unit. Elle est une application de la maxime « accessorium sequitur
principale »242.
L'accessoire se voit communiquer la condition juridique du principal et permet
ainsi au propriétaire du principal d'acquérir la propriété de l'accessoire.
L'acquisition par accession ne saurait intervenir que dans la mesure où il est
possible de dégager un rapport d'accessoire à principal entre les choses
réunies. La maxime « accessorium sequitur principale » est, en effet, une
condition indispensable au jeu de l'accession243.
Au demeurant, elle n'est que le prolongement de la règle du droit romain
« accessio cedit principale » qui désigne l'extension du droit de propriété d'une
chose dite principale à une autre chose dite accessoire244.
En définitive, le propriétaire acquiert les accessoires que produit sa chose ou
qui s'unissent ou s'incorporent à elle, indépendamment de toute manifestation
de volonté, en conséquence de son droit de propriété.
70. Comme « les animaux possèdent, avec les autres entités vivantes, la faculté
de se reproduire »245, l’animal approprié est capable de donner naissance à
de nouveaux animaux. Or, toute la difficulté réside dans le fait de déterminer
le propriétaire du nouveau né.
A cet effet, le législateur s’est positionné sans ambiguïté aucune en disposant
que « le croît des animaux appartient au propriétaire par droit
d’accession »246.
Cependant, « pourquoi alors le veau appartient-il au maître de la vache et non
à celui du taureau ? Pourquoi cette maxime selon laquelle le fruit suit le
ventre ? »247. Et Pufendorf de préciser « la raison de cela, ce n’est pas
seulement que le plus souvent on ne connaît pas le père, mais encore que le
fruit a pendant quelque temps fait partie du père… Le maître du taureau ne
saurait prétendre légitimement entrer en portion égale avec le maître de la
242 L’accessoire suit le principal 243 Cf. G.Goubeaux, La règle de l'accessoire en droit privé, LGDJ, 1969, p.265, no18 et, p.452 et s., spéc. p.457, no333 ; J.Carbonnier, Droit civil, Les biens, 18e édition, PUF, 1998, p. 180, no 111 ; P.Jourdain, Les biens, D., 1995, p. 492, no 411 244 Cf. G.Cornu, Vocabulaire juridique : Association Henri Capitant, 7ème édition, PUF, coll. Quadrige, 2005, Cf. Accession 245 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.59 246 Art. 547 C. civ. 247 F.Dagognet, Philosophie de la propriété : L’avoir, PUF, Paris, 1992, spéc. p.34
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vache, d’autant plus qu’un seul mâle suffit pour couvrir plusieurs femelles, cela
n’empêchant pas que, si quelqu’un entretient tout exprès des étalons, on ne
doive lui donner quelque chose en récompense du service qu’on en tire »248.
71. Pufendorf indique en définitive que c’est de cette notion juridique que la
maîtrise et la commercialisation par l’homme de l’activité de reproduction des
animaux puisent sa légitimité.
En effet, « l’homme a rapidement voulu développer des techniques plus ou
moins sophistiquées pour parvenir à la domestication de certaines espèces
animales nécessaires à ses besoins » et « cette domestication révèle surtout
un processus de transformation des ressources naturelles spontanées en
ressources dont la production et la gestion seraient sous la maîtrise de
l’homme »249. Et « les tentatives de contrôle de la reproduction des animaux
sont aussi anciennes que la volonté de sélectionner les meilleures bêtes afin
qu’elles se reproduisent et fournissent une progéniture de qualité »250.
La machinerie251 reproductive est au cœur de la production animale252.
B- La maîtrise humaine de l’activité de reproduction du cheval
légitimée
72. Animal pour lequel la passion du public est croissante, le cheval connaît une
rationalisation de sa reproduction par des méthodes ultra modernes reléguant
au rang d’antiquité les amourettes impromptues qui donnaient naissance aux
« cocktails de pré à la génétique vague »253.
248 S-V.Pufendorf, Le droit de la nature et des gens, De l’acquisition, trad. Barbeyrac, éd. Henri Schelte, Amsterdam, 1712, tome I, spéc. p.537 249 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 250 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.161 251 F.Dagognet, La maîtrise du vivant, Hachette Littérature, Collection Histoire et philosophie des sciences, 1988, spéc. p.84 252 B.Kohler, L’amélioration rationnelle du bétail par les syndicats d’élevage, Librairie agricole de la maison rustique, Paris, 1906 253 AFP, La reproduction des équidés, un marché porteur, publié le 11 août 2007
- 56 -
Depuis des siècles, la reproduction équine intéresse l’homme. Dès 1665, les
Haras nationaux sont d’ailleurs créés afin que les sujets du Roi ne soient plus
obligés d’acheter des chevaux à l’étranger. Cette institution est supprimée en
1790 par la Constituante puis rétablie par la Convention avant que Napoléon
1er, par décret, ne crée trente dépôts d’étalons. En 1874, la loi Bocher254
propose de « faciliter la production du cheval en coordonnant les efforts des
éleveurs, permettant les saillies de leur jument, les aidant par l’attribution de
secours en argent ». Désormais, depuis le décret du 2 juin 1976255, « le
service des Haras et de l’Equitation est chargé de l’ensemble des questions
hippiques de nature technique, économique et scientifique ; sa compétence
s’étend à la production, à la commercialisation et à l’utilisation des équidés ».
Les Haras nationaux ont fusionné en 2010 avec l’Ecole Nationale
d’Equitation256 pour former l’institut français du cheval et de l’équitation.
Aux côtés des Haras Nationaux existent de nombreux Haras privés titulaires
d’étalons classés par l’Administration en étalons « approuvés »257 ou
« autorisés »258.
Selon les Haras nationaux, prés de huit mille étalons étaient en activité en
2010 et plus de quatre vingt quatorze mille juments ont été saillies, témoignant
d’un marché florissant.
Tout praticien du droit équin ne peut que constater l’émergence d’une activité
aux enjeux économiques d’importance, notamment eu égard la multiplication
des courants d’affaires internationaux.
73. Intéressons-nous au fondement de la maîtrise d’une telle activité et
constatons à ce titre que le droit de propriété détenu par le maître de l’animal
sur le reproducteur induit la propriété de ses semences en vertu du droit
d’accession. En effet, « les fruits naturels… appartiennent au propriétaire par
droit d’accession »259.
254 Loi du 24 mai 1874 publiée au JORF du 30 mai 1874 255 Décret n°76-487 du 2 juin 1976 256 Connu du grand public sous le nom de « Cadre Noir » 257 Etalon susceptible d’améliorer la race 258 Etalon susceptible tout au moins de maintenir les qualités de la race 259 Art. 547 C. civ.
- 57 -
C’est ainsi que « la propriété s’étend en principe aux fruits naturels qu’une
chose produit sans l’intervention de l’homme »260. Les fruits naturels diffèrent
des produits « en ce que leur production est régulière et que leur perception
n’altère pas la substance de la chose qui les produit »261.
D’une manière générale, les fruits naturels désignent la partie d'un animal
engendrée naturellement et périodiquement au cours du cycle de leur
croissance.
Dès le droit romain, le principe de l’acquisition « des fruits naturels par la
perception »262 justifie l’appropriation des semences de l’étalon par son
propriétaire.
Cette situation, dont on perçoit que les prémices datent de l’antiquité, confère
de manière plus précise à son titulaire la maîtrise de l’activité de reproduction
du cheval, ce qu’il convient de désigner par le terme de droit de saillie.
A cet effet, le droit de saillie peut se définir comme le droit offrant à son
titulaire la maîtrise de l’activité de reproduction de l’animal en lui permettant
d’assurer le commerce de ses semences.
74. Ce constat est corroboré par le fait qu’il existe une réglementation stricte fixée
notamment par les associations de race263 quant aux modes et modalités de
reproduction des équidés et leur inscription au sein d’une race officielle.
Cette règlementation justifie que l’activité de reproduction appartienne à une
personne habilitée, en l’occurrence le titulaire du droit de saillie qui n’est autre,
à l’origine, que le propriétaire de l’animal.
Néanmoins, le propriétaire du cheval, titulaire originel du droit de saillie, peut
décider de concéder à un tiers la maîtrise de l’activité de reproduction de son
animal en vertu de conventions portant sur le droit de saillie. En effet, rien
n’interdit de détacher les accessoires de la chose et d’en disposer
séparément264.
260 F.Cohet-Cordey, Accession, D., Répertoire de droit civil, 2010 261 F.Cohet-Cordey, Accession, D., Répertoire de droit civil, 2010 262 C-V.Daremberg et E.Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Hachette, 1877-1919, Paris, Tome 5, spéc. p.612 263 Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales, Ministère des sports,
Ministère délégué au budget et à la réforme budgétaire, Une nouvelle politique pour le cheval, Dossier de presse, 29 juillet 2003 : voir Fiche 4 sur les associations de race et les 44 races d’équidés reconnues en France 264 CA Versailles, 20 septembre 1990, JurisData n°047547
- 58 -
On assiste alors à un démembrement des activités de l’équidé par un transfert
des droits y afférent. Le droit de propriété de l’étalon est conservé par son
propriétaire originel et l’activité de reproduction appartient alors au titulaire du
droit de saillie.
75. Une observation vigilante du commerce de l’activité de reproduction des
équidés, très développée dans l’Ouest de la France265, met en exergue la
conclusion d’autres contrats dont la finalité est la réalisation de l’acte matériel
de reproduction.
Ces conventions concernent d’une part le prestataire de services en charge
de la saillie et d’autre part le propriétaire de la jument qui souhaite obtenir une
saillie de sa poulinière ou la mise à disposition des moyens266 permettant cette
saillie.
Lorsque le titulaire du droit de saillie contracte à cette fin avec le propriétaire
de la jument, ladite convention a pour objet la création d’un droit qui est un
droit à saillie.
D’une manière générale, le droit à saillie peut se définir comme étant le droit
offrant à son titulaire la possibilité de faire saillir sa femelle.
Le droit à saillie est donc à distinguer du droit de saillie267 en ce qu’il a pour
but la réalisation d’un acte matériel là où le droit de saillie conduit à
l’accomplissement d’actes juridiques.
76. Il est possible de déterminer un caractère annuel aux droits à saillie. En effet,
par l’interprétation d’une clause ambiguë268 prévue au sein d’un contrat de
vente stipulant le maintien de vingt-cinq droits à saillie269, la Cour d’appel de
Paris considère que le nombre de semences stipulé au bénéfice du vendeur
constitue un droit annuel et ne s’entend pas pour l’intégralité de la carrière de
265 Pour s’en convaincre, Cf. X.Libbrecht, 18
ème édition, L’Eperon, Hors série de l’élevage, 2009 266 Autrement dit, la mise à disposition d’une dose de semence, voire de l’équidé lui-même 267 Selon le Larousse édition 2010, de indique l’origine, le point de départ… alors que à exprime un rapport de possession, de prix… ce qui nous permet de distinguer les droits de saillie, à l’origine de la commercialisation
des saillies d’un étalon, des droits à saillie offrant à leur titulaire la disponibilité matérielle d’une saillie 268 La stipulation était rédigée en ces termes : « le vendeur conservera 25 droits de saillie à vie de l’étalon, sous condition que ceux-ci n’entravent pas la vente à d’autres éleveurs » et on ne s’offusquera point de voir
mentionner droits de saillie et non droits à saillie dans la mesure où cette distinction ne demeure être qu’une
proposition personnelle 269 Pour poursuivre le raisonnement, qui à l’époque de la rédaction de la clause n’avait lieu d’être, et assurer la
compréhension de notre propos, nous avons modifié la mention « droits de saillie » par droits à saillie
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l’étalon270. Autrement dit, le caractère annuel des droits à saillie dépend des
cartes de saillie.
Si cette distinction apparaît théorique, elle n’en est pas moins utile dans
l’optique d’optimiser la précision rédactionnelle des conventions en la matière
mais aussi afin de lever l’ambiguïté qui règne autour de certaines pratiques.
77. Manuel Carius considère enfin que les cartes de saillie seraient
consubstantielles à l’agrément, c’est à dire que « la délivrance des cartes
constitue une décision créatrice de droit pour l’étalonnier »271.
Cette affirmation ne nous apparaît pas tout à fait exacte dans la mesure où le
droit de saillie existe préalablement à la délivrance des cartes puisqu’il
concerne la maîtrise de l’activité de reproduction de l’étalon et appartient dès
l’origine à son propriétaire en vertu du droit d’accession. En effet, la non
délivrance des cartes de saillie n’exclue pas l’éventuelle saillie d’une jument
par l’étalon concerné. En revanche, l’absence de cartes de saillie prive le
propriétaire de la jument de la possibilité d’inscrire le produit à naître dans un
livre de race et l’empêche par conséquent d’obtenir un poulain d’une valeur
marchande autrement plus importante.
II- Le droit d’accession et la faculté de déplacement des animaux
78. Compte tenu de sa motilité, l’animal jouit d’une autonomie de déplacement lui
permettant de rejoindre librement divers fonds. Si cette faculté est toutefois
relative en raison de l’activité humaine272, toute la difficulté réside dans le fait
de savoir ce qu’il advient de la propriété de cet animal lorsqu’il se fixe sur un
fonds.
270 CA Paris, 4 juin 2003, n°2002/22311 271 M.Carius, « Le droit du cheval et de l’équitation », éd. France Agricole, 2005, spéc. p.104 272 A.Mills, Les animaux en danger, éd. Gallimard Jeunesse, 2005, où l’auteur précise que 15589 espèces
d’animaux et de plantes sont menacées aujourd’hui en raison de la dégradation de leur milieu, l’interdépendance
des espèces et de leur milieu étant brisée par l’activité humaine
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79. A propos des lapins, poissons et pigeons, le droit a adopté une position
précise avec un régime particulier. Ainsi, « les pigeons, lapins, poissons, qui
passent dans un autre colombier, garenne ou plan d’eau visé aux articles
L.431-6 et L.431-7 du Code de l’environnement, appartiennent au propriétaire
de ces objets, pourvu qu’ils n’y aient point été attirés par fraude et artifice »273.
Ces animaux « qui vivent à l’état de liberté naturelle au contact de l’homme
changent donc de propriétaire en vertu du mécanisme de l’accession fondé
sur leur libre déplacement vers des endroits le plus souvent spécialement
aménagés à leur intention »274. A ce titre, cette disposition est une application
du droit d’accession relatif aux choses immobilières275.
80. Toutefois, le législateur a adopté une solution contraire à propos des volailles
et animaux de basse-cour, ainsi que pour les essaims d’abeille276. En effet,
« les volailles et autres animaux de basse-cour qui s’enfuient dans les
propriétés voisines ne cessent pas d’appartenir à leur maître quoi qu’il les ait
perdus de vue »277 et « le propriétaire d’un essaim a le droit de le réclamer et
de s’en ressaisir, tant qu’il n’a pas cessé de le suivre »278.
Ces dispositions ne concernent pas le cheval mais seulement quelques
animaux limitativement énumérés par le Code civil.
273 Art. 564 C. civ. 274 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.266 275Art. 552 et s. du C. civ. : ces animaux étant réputés immeubles par destination du fait de leur attachement à un fonds immobilier quand ils en constituent les accessoires conformément à l’article 524 du C. civ., lequel cite
notamment les animaux attachés à la culture, les poissons des eaux non visées à l’article L.231-3 du C. rur. et des plans d’eau visés aux articles L.231-6 et L.231-7 du C. rur., les lapins de garenne, les pigeons des colombiers, les abeilles des ruches à miel… 276 Art. L.211-4 et L.211-9 C. rur. 277 Art. L.211-4 C. rur. 278 Art. L.211-9 C. rur.
- 61 -
SECTION II
LES MODES « DERIVES »
D’APPROPRIATION DES ANIMAUX
81. Les modes « dérivés » d’acquisition de la propriété « ne font que déplacer la
propriété, la transmettre à un nouveau titulaire »279. Ainsi, « ces manières dont
on acquiert la propriété ne transforment pas une chose en bien, mais
transmettent la propriété sur un bien »280.
C’est le cas de la possession -§I- qui présume le droit de propriété du
possesseur à partir de la maîtrise corporelle du bien, indépendamment de
l’existence du propriétaire sous réserve des conditions de bonne foi,
d’inexistence de vices et de caractères paisible, publique et non équivoque.
Partant de l’idée originelle que l’animal a « de tout temps éveillé un désir
d’appropriation »281, l’acquisition de la propriété d’un animal peut également
s’opérer par un transfert volontaire de propriété entre parties consentantes,
que se soit « par succession, donation entre vifs ou testamentaires, et par
l’effet des obligations »282.
Or, ces modes « dérivés » d’acquisition de la propriété demeurent de nos
jours le principe lorsque les modes originaires en constituent l’exception. En
effet, l’animal est une chose dans le commerce283 et il demeure acquis que
son appropriation s’effectue essentiellement par achat, vente, échange…
L’échange serait davantage pratiqué dans les milieux de la recherche
scientifique284.
279 A.Chamoulaud-Trapiers, Droit des biens, 2ème édition, éd. Lexifac, 2007, spéc. p.99 280 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.52 281 J-D.Vigne, Chypre et les débuts de l’élevage, La Recherche, n°348, décembre 2001, p.29 282 Article 711 du Code civil 283 G.Cornu, Droit civil, Introduction, Les personnes, Les biens, 12ème édition, Montchrestien, 2005, n°915, p.400 et n°939, p.408 - 409 ; J.Carbonnier, Droit civil, PUF, coll. Quadrige, 2004, vol.2, n°774, p.1704 284 Certains auteurs indiquent en effet que l’échange est davantage pratiqué dans les milieux de la recherche
scientifique qu’ailleurs : S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.60 ; A propos de ce contrat : A.Benabent, Droit civil, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, 6ème édition, Montchrestien, 2004, n°271 et s.
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En revanche, à propos du cheval, nous pouvons affirmer sans craindre la
contradiction que la vente est devenue l’instrument privilégié d’acquisition d’un
cheval285 -§II-, et ce depuis l’Egypte ancienne286.
§I- LA PROPRIETE DE L’ANIMAL TRANSMISE PAR POSSESSION
82. La possession s’apparente à l’occupation dans la mesure où ces deux
notions impliquent une préhension matérielle de l’animal par le possesseur.
Mais l’occupation s’applique exclusivement aux choses non appropriées287
tandis que la possession présuppose l’existence d’un propriétaire de l’animal.
L’émergence de la notion juridique de possession est évidente. En effet, « à
mesure que les populations sont devenues plus denses et plus fixes, le
nombre des choses non appropriées a diminué et, par suite, l’occupation a
perdu beaucoup de son importance originaire »288. Cet état de fait a eu pour
conséquence de conduire « le droit des gens a modifié ce principe de la loi
naturelle en admettant l’occupation habituelle comme moyen de conserver la
propriété »289. C’est alors en déterminant la durée et les caractères que doit
avoir l’occupation du nouveau possesseur qu’un nouveau mode d’acquisition
de la propriété, distinct de l’occupation, est né.
83. Dès que l’animal est approprié, l’adage « possession vaut titre » trouve donc
matière à s’appliquer et les faits de possession sont susceptibles d’engendrer
l’appropriation de l’animal.
285 Pour s’en convaincre, voir les développements accordés aux ventes équines : G.Thibault, Les ventes de Deauville de 1887 à nos jours, éd. L’agence Française, Deauville, 1994 ; et plus récemment : Institut du Droit Equin, Le cheval et la vente, Diffusion Agence Cheval de France, 2008 ; 286 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848,spéc. p.27 et l’auteur évoque le passage de la mer rouge en 2515 avant Jésus-Christ et précise que « dans les temps postérieurs, l’Egypte possédait un si grand nombre de chevaux, qu’elle en fit l’objet d’un commerce considérable avec les nations voisines » 287 Res communes, res derelictae, res nullius 288 C-V.Daremberg et E.Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Hachette, 1877-1919, Paris, Tome 4, p.141 et s. 289 M.Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Tome 11, 5ème édition, éd. J-P.Roret, 1826, spéc. p.686
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La possession présume le droit de propriété du possesseur à partir de la
maîtrise corporelle du bien. Or, toute la difficulté réside dans le fait de
déterminer le propriétaire d’un animal lorsque celui qui le possède ne peut
présenter aucun titre de propriété. A cet effet, le législateur s’est chargé de
préciser que « en fait de meubles, la possession vaut titre »290.
84. En qualité de « meubles par leur nature »291, les animaux demeurent donc
soumis à ce principe.
Ainsi, la possession suffit pour garantir le respect du droit de propriété lorsque
le possesseur se comporte, de bonne foi, comme le propriétaire de l’animal292.
En revanche, la possession de mauvaise foi est rédhibitoire, par exemple en
présence de ventes fictives293.
85. Malgré l’existence en matière équine d’une carte d’immatriculation permettant
l’identification du propriétaire de l’animal, la jurisprudence refuse de considérer
ce document comme valant titre de propriété294. Cette décision est corroborée
par le fait que le défaut de carte d’immatriculation n’empêche pas la
participation de l’animal à des compétitions ou au transport295.
Afin d’éluder les discussions relatives à la propriété du cheval par le seul fait
de possession, il parait pourtant opportun de s’inspirer du régime des cartes
grises à propos des véhicules terrestres à moteur pour reconnaître à la carte
d’immatriculation des équidés la valeur d’un titre de propriété.
86. Au demeurant, la revendication de l’animal par son propriétaire originaire est
possible puisque « celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la
revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de la perte ou du vol, contre
celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf celui-ci son recours contre celui
duquel il la tient »296.
290 Art. 2279 C. civ. 291 Art. 528 C. civ. 292 Cass. 1èreciv., 21 mars 2000, n°98-13.223 293 Cass. 1èreciv., 11 avril 1995, n°93-14.514 294 Pour une application où une société a été qualifiée de propriétaire initial du cheval parce qu’elle avait établi la
facture de vente et en avait reçu le prix alors même que son nom n’apparaissait pas sur la carte
d’immatriculation : CA Paris, 5 décembre 2003, Bull. IDE, 2004, n°36 295 Cass. 1èreciv., 25 octobre 1978, D., 1978, IR, p.69 296 Art. 2279 C. civ.
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Cette disposition est toutefois à nuancer dans la mesure où « si le possesseur
actuel de la chose volée ou perdue l’a achetée dans une foire ou dans un
marché ou dans une vente publique, ou d’un marchand, vendant des choses
pareilles, le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu’en remboursant
au possesseur le prix qu’elle lui a coûté »297.
§II- LA PROPRIETE DE L’ANIMAL TRANSMISE PAR VENTE
87. La vente d’un animal obéit au droit commun de la vente, aux règles générales
du droit des obligations et aux dispositions du Code rural298 propres aux
animaux domestiques.
Le droit commun de la vente a été établi par référence à la vente d’une chose
inanimée. Or, « l’animal est une chose animée, c'est-à-dire douée de
psychomotricité, fécondité et mortalité »299. L’animal est donc sujet à des
changements de tempérament, des évolutions biologiques ; « ce qui
singularise l’animal par rapport à nombre de choses inanimées, c’est le fait de
pouvoir être fréquemment atteint de vices dus à des agents si minuscules et si
profondément enfouis dans son corps vivant qu’il est impossible, même à un
acheteur professionnel, de mener, au moment de la vente, des investigations
suffisamment précises pour pouvoir les découvrir »300.
On peut donc s’interroger sur la pertinence d’une application à l’animal d’un
régime juridique taillé « à la mesure des choses inanimées »301.
Exception faites des dispositions du Code rural, la vente d’un animal est
soumise aux règles ordinaires de formation -I- et d’exécution -II- d’une vente.
297 Art. 2280 C. civ. 298 Par renvoi de l’art. 1598 C. civ. 299 M-C.Piatti, Droit, éthique et condition animale, Réflexions sur la nature des choses, LPA, 19 mai 1995, n°60, p.5 300 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.251 301 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.19
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I- La formation de la vente animalière
88. Au terme de l’article 1582 du Code civil, « la vente est une convention par
laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer » et « elle est
parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à
l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la
chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé »302.
Mais « la paumée est encore, sur quelques foires et marchés, le moyen le
plus usité par lequel se manifeste l’accord des volontés en fait de ventes
animalières »303.
Le principe du consensualisme est donc confronté à l’usage de la paumée -A-.
89. Comme toute convention, la vente doit nécessairement satisfaire à l’article
1108 du Code civil qui énumère quatre conditions essentielles à la validité
d’une convention : « le consentement de la partie qui s’oblige ; sa capacité de
contracter ; un objet certain qui forme la matière de l’engagement ; une cause
licite dans l’obligation ». Or, il est constant que « il n’y a point de
consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il
a été extorqué par violence ou surpris par dol »304.
Mais « un animal au lieu d’être figé, une fois pour toutes par la volonté de
l’homme avec des caractères donnés, évolue et se modifie au gré de la vie qui
l’anime »305. D’où une difficulté tenant la distinction à effectuer entre ce qui
relève du vice du consentement et ce qui dépend de l’évolution imprévisible
de l’animal -B-.
302 Art. 1583 C. civ. 303 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.198 304 Art. 1109 du C. civ. 305 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.229
- 66 -
A- Le principe du consensualisme et l’usage de la paumée
90. La vente est un contrat consensuel306 qui se forme dès l’accord des parties
sur la chose et sur le prix307, le transfert de propriété étant instantané308.
Mais la constatation de l’accord des parties est rendue difficile par le maintien
d’un usage consistant à proscrire l’écrit. D’ailleurs, malgré l’exigence d’une
preuve littérale pour toute vente excédant une somme fixée par décret309, la
paumée est toujours d’usage.
Or, la jurisprudence a pris acte de cet usage et déroge au formalisme de
l’article 1341 du Code civil sur le fondement de l’article 1348 du Code civil.
C’est ainsi qu’est reconnue l’existence d’usages créant une impossibilité
morale de se constituer la preuve écrite de contrats conclus sur les foires et
marchés310 ou de vente de chevaux en quelque lieu qu’elles aient été
conclues311.
Cette construction d’origine prétorienne favorise l’application du principe du
consensualisme. Ainsi, dès l’accord des parties sur un animal, en l’occurrence
un cheval, et un prix prouvé -1-, la vente est formée et entraîne ipso facto le
transfert de propriété de l’animal -2-.
1- L’accord des parties sur un animal et un prix prouvé
91. En vertu de l’article 1583 du Code civil, l’accord des parties doit porter sur
une chose, en l’espèce un animal, et un prix.
L’animal objet de la vente doit être déterminé, sinon déterminable, qu’il soit
existant ou futur. Désormais, l’obligation d’identifier certains animaux, tels les
306 CA Toulouse, 15 novembre 2004, JurisData n°257462 ; CA Lyon, 11 décembre 2003, JurisData n°232820 307 Cass. 3èmeciv., 20 février 1996, n°94-13.250 ; Cass. 3èmeciv., 19 mai 1993, n°91-14.853 308 Cass. 3èmeciv., 6 mars 1996, Bull. civ. III, n°66 309 La somme est fixée à mille cinq cent euros par le décret n°80-533 du 15 juillet 1980 modifié par le décret n°2001-476 du 30 mai 2001 et le décret n°2004-836 du 20 août 2004 en ses articles 56 et 59 310 T. civ. Lorient, 5 juin 1985, DP, 1987, 2, p.52 311 Cass. 1èreciv., 15 avril 1980 Gaz. Pal. 1980, II, pan p.452 ; Cass. 1èreciv., 28 novembre 1984, Gaz. Pal., 1985, I, pan., p.88
- 67 -
équidés sevrés avec l’affectation d’un numéro matricule312, évite les difficultés
d’identification.
L’animal à naître peut faire l’objet d’un transfert de propriété puisque « les
choses futures peuvent faire l’objet d’une obligation »313. Ainsi, l’article 1130
du Code civil, en son alinéa 1er, légitime la vente du poulain à naître.
Cependant, la perfection de la vente est subordonnée à l’effectivité de la
livraison314 bien que la charge des risques de la gestation soit parfois
supportée par l’acquéreur. Plus fréquemment, la vente est assortie d’une
garantie poulain viable à quarante huit heures.
92. Spécialement prévue par l’article 1599 du Code civil, l’interdiction de vendre
la chose d’autrui, et donc l’animal d’autrui, parait une évidence. En pratique,
les difficultés apparaissent lorsque l’animal constitue un bien propre de l’un
des époux ou appartient indivisément à plusieurs personnes.
93. Diverses dispositions du Code rural font interdiction de vendre les animaux
atteints, ou soupçonnés d’être atteints, de maladies contagieuses.
Si un équidé est atteint d’une maladie réputée contagieuse, dont la liste figure
à l’article D.223-21 du Code rural, cela donne lieu à déclaration à un
vétérinaire sanitaire ainsi qu’au maire de la commune où se trouve l’animal315.
Dès lors, la vente, la mise en vente ou l’exposition de l’animal est interdite316
et si, au cours de cette période, « la vente a eu lieu, elle est nulle de droit, que
le vendeur ait connu ou ignoré l’existence de la maladie dont son animal était
atteint ou suspect »317.
Ces dispositions répondent à un impératif de police sanitaire et apparaissent
légitimes au regard de l’objectif qu’elles poursuivent.
94. Par application de l’article 1591 du Code civil, « le prix de la vente doit être
déterminé et désigné par les parties ». 312 Décret n° 2001-913 du 6 octobre 2001 313 Art. 1130 al. 1er C. civ. 314 G.Cornu, Note sous CA Rennes, 25 juin 1969, RTD civ., 1969, p.801 : ce fut le cas d’un lot de poulettes, non
encore aptes à la ponte, mais destinées à devenir pondeuses, et achetées à cette fin mais contaminées par une maladie avant d’avoir atteint cet état 315 Art. L.223-5 C. rur. 316 Art. L.223-7 C. rur. 317 Art. L.223-7 C. rur.
- 68 -
Ainsi, la vente n’est pas parfaite au regard de l’article 1583 du Code civil si
l’accord des parties porte sur la chose, une jument en l’espèce, mais non sur
le prix qu’aucun élément ne permet de déterminer avec certitude, d’autant plus
que nul écrit n’avait été rédigé318.
C’est toute la difficulté d’application du principe du consensualisme à la vente
animale, l’usage étant la paumée, non la rédaction d’un écrit aux fins de se
ménager une preuve littérale.
La jurisprudence a cependant admis que le prix soit uniquement
déterminable319.
C’est le cas des ventes de chevaux de course avec redevance, le prix est
alors constitué d’une somme fixe et d’une somme variable due en cas de
victoire ou de classement de l’équidé selon les courses.
Les parties peuvent également convenir de laisser le prix à l’arbitrage d’un
tiers par application de l’article 1592 du Code civil.
Enfin, le prix doit être sérieux par opposition à un prix dérisoire qui conduit à
l’absence de prix. Dans cette hypothèse, la vente est atteinte d’une nullité
absolue320 à défaut de contrepartie au transfert du droit de propriété.
95. L’accord des parties peut entériner une vente « faite purement et simplement,
ou sous une condition soit suspensive, soit résolutoire »321.
Ainsi, la vente d’un cheval peut être soumise à une ou plusieurs conditions, la
condition étant « un évènement futur et incertain ou un évènement
actuellement arrivé mais encore inconnu des parties »322.
En pratique, le recours à la condition est fréquent, que se soit pour
subordonner la vente d’un cheval de sport à l’obtention d’un certain montant
de gains en concours, à la naissance d’un poulain vivant et viable ou, plus
classiquement, à l’obtention d’un prêt.
318 CA Grenoble, 26 septembre 1995, Juris Data n°044870 319 CA Nancy, 24 octobre 1994, JurisData n°047019 ; CA Paris, 15ème ch., Section A, 19 juin 1991, JurisData n°022771 ; CA Montpellier, 19 septembre 2000, JurisData n°128402 ; CA Lyon, 14 mars 2002, JurisData n°170999 320 Cass. 3èmeciv., 2 décembre 1992, JCP N, 1993, II, p.195 ; Cass. 3èmeciv., 18 juillet 2001, Bull. civ. III, n°101 321 Art. 1584 C. civ. 322 Art. 1181 C. civ.
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96. En présence de chevaux, la vente sera fréquemment conclue sous condition
suspensive d’une visite vétérinaire d’achat satisfaisante. Définie comme
« l’examen médical par lequel le vétérinaire mandaté par l’acheteur évalue
l’état de santé de l’animal au jour de la visite et son aptitude à un usage
déterminé »323, la visite d’achat constitue toujours une précaution utile.
Il n’y a pas de texte qui l’impose et la visite d’achat n’est pas obligatoire pour
l’acheteur occasionnel324.
Pour l’acquéreur expérimenté, la visite d’achat est en revanche un usage qui
s’impose. Aussi, un cavalier, déjà propriétaire de plusieurs chevaux et dont
l’équidé qu’il venait d’acheter s’est révélé atteint d’une ostéochondrose du
boulet a vu son action en résolution de la vente rejetée au motif qu’en ne
soumettant pas l’animal à une visite vétérinaire, il avait commis une faute à
l’origine de son propre préjudice325.
En l’absence d‘écrit, les tribunaux ont admis que la vente était conclue sous
condition suspensive d’une visite vétérinaire satisfaisante en l’absence de
protestation du vendeur lors de la reprise de l’animal suite à une visite
négative326.
97. Spécialement prévue par l’article 1588 du Code civil, la vente à l’essai permet
à l’acheteur de s’assurer par l’usage que l’animal dont il envisage l’acquisition
possède les qualités souhaitées.
En matière équine, l’existence d’une vente à l’essai peut se présumer par
l’absence de remise de la carte d’immatriculation au moment du retirement327,
la livraison du cheval avec un certificat de vente vierge et la reprise sans
discussion après un certain délai par le propriétaire nonobstant le paiement
intégral du prix à la livraison328, ou par l’absence de protestation du vendeur à
l’occasion de la restitution de l’animal329.
323 M.Foursin, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.80 324 Cass. 1èreciv., 27 octobre 1993, n°91-15.632 ; CA Caen, 7 mai 2002, Bull. IDE, n°26 ; CA Nancy, 10 octobre 2000, n°96/03385 ; CA Orléans, 13 septembre 1999, n°98/00198 325 CA Rouen, 1er décembre 2004, Bull. IDE, n°37 326 Cass 1èreciv., 19 juillet 1965, Bull. civ. I, n°490 327 CA Lyon, 19 novembre 1998, JurisData n°040341 328 CA Nancy, 27 mars 2000, JurisData n°121149 329 Cass 1èreciv., 19 juillet 1965, Bull. civ. I, n°490
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Le défaut de paiement comptant, de versement d’arrhes et l’absence de date
pour le paiement définitif implique également, selon les usages, l’existence
d’une vente à l’essai330.
Ces façons de présumer l’existence d’une vente à l’essai sont destinées à
pallier l’absence d’écrit et donc passer outre l’usage de la paumée. Pourtant,
la vente à l’essai ne se présume pas331. On constate donc que l’usage de la
paumée ne constitue pas un frein à l’application du droit commun.
La vente sera définitive dès lors que l’acquéreur potentiel de l’animal le
conserve à l’expiration de la période d’essai sans formuler d’observations sur
son comportement ou ses aptitudes332. A l’inverse, une restitution intervenue
au terme de quatre mois n’est pas tardive si, à la fin de l’essai, l’acheteur
potentiel a émis des observations défavorables sur les qualités sportives du
cheval333.
Ainsi, le principe du consensualisme s’accommodant de l’usage de la
paumée, une fois l’accord des parties prouvé, la vente est formée et le
transfert de propriété du cheval à l’acquéreur immédiat.
2- L’immédiateté du transfert de propriété de l’animal
98. Dès que la vente est parfaite, vendeur et acheteur étant d’accord sur un
animal et un prix, le contrat de vente produit ses effets334.
Le transfert du droit de propriété sur l’animal vendu est le plus évident des
effets du contrat de vente et intervient sans formalisme par la seule rencontre
des consentements. Le principe du transfert automatique du droit de propriété
n’est toutefois pas d’ordre public et rien interdit aux parties d’y déroger335.
99. Par une clause de réserve de propriété, il peut être convenu que le transfert
de la propriété de l’animal ne se produira qu’au complet paiement du prix.
330 Cass. 1èreciv., 8 juin 1959, Bull. civ. I, n°285, p.237 331 Cass. Req., 25 mai 1905, DP, 1905, 1, p.426 ; Cass. 1èreciv., 24 mars 1998, Bull. civ. I, n°127 332 Cass. 1èreciv., 18 octobre 1998, Bull. civ. I, n°304 333 CA Nancy, 27 mars 2000, n°99/01640 334 Art. 1583 C. civ. 335 Cass. 1èreciv., 24 janvier 1984, Bull. civ. I, n°31
- 71 -
Stricto sensu, la clause de réserve de propriété subordonne le transfert de
droit réel à l’exécution de l’obligation de paiement336.
La clause de réserve de propriété va permettre aux parties de différer le
moment du transfert de propriété à la date de complet paiement du prix par
l’acquéreur. Aussi longtemps que la totalité du prix n’est pas réglée, le cheval
reste la propriété du vendeur, ce qui le garantit contre une éventuelle
insolvabilité de l’acquéreur. En cas d’ouverture d’une procédure collective à
l’égard de l’acquéreur, commerçants mais également agriculteur et, depuis la
loi du 26 juillet 2006, professions libérales, cette clause permet au vendeur
impayé de revendiquer l’équidé par application de l’article L.624-16 du Code
de commerce.
100. Le transfert de propriété à l’acquéreur emporte transfert corrélatif des
risques à l’acheteur dès la conclusion de la vente, même s’il ne dispose pas
encore du bien vendu337.
Le principe res perit domino demeure338 mais subit toutefois deux exceptions.
En cas de non délivrance de l’animal ou de délivrance partielle, absence de
remise des documents d’identification ou de la carte d’immatriculation, les
risques sont transférés au vendeur après une mise en demeure restée
infructueuse à titre de sanction du non respect de son obligation339.
La deuxième exception est celle de la vente conclue sous condition
suspensive, hypothèse dans laquelle les risques sont transférés uniquement
au moment de l’avènement de la condition340. En conséquence, jusqu’à ce
que la condition soit éventuellement remplie, les risques pèsent sur le vendeur
si bien que c’est lui qui devra supporter les conséquences de la mort du
cheval survenu pendant la période d’essai341.
336 P.Mousseron, J.Raynard et J-B.Seube, Technique contractuelle, 3ème édition, éd. Francis Lefebvre, 2005 337 Art. 1138 al. 2 C. civ. 338 Cass. 3èmeciv., 11 mars 1987, pourvoi n°85-17.189 339 Combinaison des articles 1138 alinéa 2 et 1302 alinéa 1 du Code civil 340 Art. 1182 C. civ. 341 CA Dijon, 10 avril 2003, JurisData n°208940
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B- Les vices du consentement et l’évolution imprévisible de l’animal
101. La formation de la vente d’un animal obéit à l’application des règles
ordinaires des vices du consentement, lesquelles ont été établies par
référence aux choses inanimées. Pourtant, « un animal au lieu d’être figé, une
fois pour toutes par la volonté de l’homme avec des caractères donnés,
évolue et se modifie au gré de la vie qui l’anime »342.
S’il est certain que « il n’y a point de consentement valable, si le
consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence
ou surpris par dol »343, encore faut-il pouvoir distinguer ce qui relève de
l’évolution imprévisible de l’animal de ce qui caractérise réellement un vice du
consentement.
En effet, l’animal peut évoluer par la vie qui l’anime comme par l’usage qui en
est fait. Il ne devrait donc pas y avoir erreur à acquérir un cheval de course si
ses mauvaises performances sont uniquement le fruit de l’incompétence de
son nouveau propriétaire.
En pratique, l’acquéreur qui recherche l’annulation de la vente invoque
d’ailleurs fréquemment un vice du consentement : l’erreur -1- ou le dol -2-.
1- L’erreur et l’évolution imprévisible de l’animal
102. La formation de la vente requiert le consentement éclairé de la partie qui
s’oblige car il faut assurer la protection de celui dont « la volonté interne est en
discordance avec la volonté déclarée »344.
A cet effet, « dans beaucoup d’affaires, la question s’arrête au stade de la
preuve : le fait même de l’erreur, discordance entre la croyance du demandeur
et la réalité, n’est pas prouvé ; de telles décisions n’éclairent pas sur
342 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.229 343 Art. 1109 C. civ. 344 P.Malaurie et L.Aynès, Les contrats spéciaux, éd. Cujas, 1999
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l’interprétation jurisprudentielle de l’article 1110 du Code civil »345. D’autre
part, « lorsqu’elle est démontrée, l’erreur prise en considération n’est
pratiquement jamais spontanée : l’article 1110 du Code civil est souvent
invoqué cumulativement avec l’article 1116, mais, même quand l’erreur est
seule en cause, les circonstances révèlent presque toujours l’existence de
manœuvres dolosives de la part de l’autre partie »346.
103. Selon le Code civil, « l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que
lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet »347.
Or, la jurisprudence est constante à cet égard, l’erreur sur la substance
s’entend non seulement de celle qui porte sur la matière même dont la chose
est composée, mais aussi, et plus généralement, de celle qui a trait aux
qualités substantielles en considération desquelles les parties ont contracté.
Mais ces qualités substantielles sont susceptibles d’évoluer au gré de la vie de
l’animal comme au gré de l’usage qui en est fait. Qu’en est-il donc à l’égard du
cheval ?
104. Dans un premier temps, l’erreur peut porter sur l’identité du cheval acheté.
Toutefois, le décret du 6 octobre 2001348 imposant l’identification de tous les
équidés sevrés avec l’affectation d’un numéro matricule réduit fortement les
risques d’erreur sur l’identité de l’animal acquis.
105. Dans un second temps, l’erreur peut affecter les qualités substantielles de
l’animal. A cet effet, l’origine est considérée comme une qualité substantielle
de l’animal. Ainsi, « il y a lieu d’annuler la vente d’un cheval de sang qui ne
répond pas au signalement indiqué sur la carte d’origine »349.
106. L’erreur sur les qualités substantielles du cheval est également caractérisée
au regard de la destination de l’animal. Ainsi, les acquéreurs d’une jument
345 X.Henry, F.Jacob, A.Tisserand-Martin, G.Venandet, G.Wiederkehr, Méga Code civil, 7ème édition, D., 2007, p.1312 346 X.Henry, F.Jacob, A.Tisserand-Martin, G.Venandet, G.Wiederkehr, Méga Code civil, 7ème édition, D., 2007, p.1312 347 Art. 1110 al.1 C. civ. 348 Décret n° 2001-913 du 6 octobre 2001 349 CA Caen, 5 août 1905, Lois et Sports, Novembre 1905, p.62
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dans une course dite à réclamer peuvent se prévaloir de la constatation, à la
livraison, que l’animal est en état de gestation, alors qu’ils ont l’intention
d’acquérir une pouliche de course et non une jument de reproduction350. A cet
égard, la volonté de l’acheteur doit être celle au moment de la formation du
contrat puisque la validité du consentement s’apprécie à ce stade351.
Dans le droit fil de cette construction d’origine prétorienne, l’acheteur qui
acquiert un trotteur aux enchères atteint d’une ostéochondrite d’origine
traumatique antérieure à la vente au point que la jument ne peut plus avoir
qu’une carrière de poulinière peut se prévaloir de l’erreur sur une qualité
substantielle de l’animal pour obtenir la nullité de la vente352.
Au demeurant, est substantielle l’erreur relative à la valeur sportive intrinsèque
d’une jument de course353. L’achat d’un cheval impossible à monter sera
annulé354, soit parce qu’il est trop indocile, soit parce qu’il est atteint d’une
affection, comme une boiterie, rendant toute utilisation impossible355.
Il y a aussi erreur à acheter, comme cheval de sport, un animal atteint de la
maladie naviculaire de manière irréversible356, de la gourme357 ou encore
d’une leucémie358, le rendant inapte à la compétition.
Nous pouvons également citer le cas d’un animal présenté comme légèrement
blessé alors qu’il a une fracture du bassin359 ou d’un hongre qui ne l’est pas,
rendant impossible sa participation à des randonnées360. Dans ce dernier cas,
l’erreur est constituée, non par le fait que la race de l’animal soit autre, mais
par le fait que cette situation ne permette pas l’usage auquel il est destiné.
107. En définitive, les qualités substantielles sont définies en fonction de l’attente
que l’acquéreur a placée dans le cheval et de l’usage qu’il aurait donc dû
normalement en faire. C’est le décalage entre la finalité de l’acquisition telle
que voulue au moment de la formation du contrat par l’acquéreur et ce que
350 Cass. 1èreciv., 5 février 2002, Bull. civ. I, n°38 351 Cass. 1èreciv., 26 octobre 1983, Bull. civ. I, n°249 352 Cass. 1èreciv., 27 octobre 1993, n°91-15.632 353 Cass. 1èreciv., 5 février 2002, Bull. civ. I, n°38 354 Cass. 1èreciv., 6 octobre 1998, Bull. IDE, n°12, p.2 355 CA Aix en Provence, 28 octobre 2004, JurisData n°256259 356 CA Grenoble, 5 décembre 2000, n°98/03231 357 Cass. 1èreciv., 24 avril 1985, Bull. civ. I, p.27 358 CA Poitiers, 6 janvier 1998, JCP 1999, IV, n°2182 359 CA Grenoble, 28 mars 2001, n°99/03211 360 CA Nîmes, 3 juillet 2003, Bull. IDE, n°31
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procure réellement cette acquisition qui détermine l’erreur sur les qualités
substantielles.
Ainsi, nous sommes en mesure d’affirmer qu’une erreur de race n’altérant en
rien la destination du cheval ne constitue pas une erreur sur les qualités
substantielles de l’animal.
108. Outre l’erreur sur l’origine, la destination ou les capacités du cheval,
l’acheteur peut invoquer l’erreur sur les performances de l’animal.
Ainsi, l’acquéreur d’une jument poulinière pleine qui, par suite d’une indication
incomplète du catalogue de vente aux enchères, a cru qu’un produit antérieur
de cette jument avait gagné une course importante, alors qu’il s’agissait d’une
course de second ordre, a été reconnu en droit de se prévaloir de l’erreur
portant sur une qualité substantielle de la chose361.
A l’inverse, ne porte pas sur une qualité substantielle l’erreur commise sur les
conditions d’acquisition du palmarès d’un poney de sport362.
De la même façon, n’est pas considérée comme qualité substantielle d’un
étalon l’indication erronée du nombre de saillies alors que sa qualité
substantielle et essentielle est son taux de fertilité, en l’espèce peu
critiquable363.
Dans le même sens, la qualité substantielle d’un équidé acheté comme cheval
de compétition est celle de courir pour le compte et sous les couleurs de son
propriétaire et « il n’y a pas erreur sur la substance lorsque ce cheval,
incontestablement un pur-sang, avait en puissance les aptitudes qu’attendait
de lui son acheteur »364.
Cette dernière jurisprudence révèle que l’erreur lors de l’acquisition d’un
cheval dépend de l’animal, le fait personnel du nouveau propriétaire, telle son
incompétence, ne saurait caractériser un vice du consentement.
Malgré l’évolution imprévisible de l’animal, la jurisprudence identifie
habilement les qualités substantielles du cheval.
361 CA Paris, 19 décembre 1970 362 CA Caen, 7 mai 2002, Bull. IDE, n°26,spéc. p.2 363 CA Caen, 7 novembre 1995 364 CA Lyon, 2 juillet 1953, Gaz. Pal., 1953, 2, p.297
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2- Le dol et l’évolution imprévisible de l’animal
109. Par définition, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les
manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que,
sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté »365.
Le dol suppose la réunion d’un élément matériel, la manœuvre illicite, et d’un
élément intentionnel, l’intention dolosive. En définitive, le dol est une
manœuvre malhonnête du vendeur destiné à tromper sciemment le
cocontractant, ce qui a pour effet de vicier son consentement.
110. En toute hypothèse, le dol doit émaner du cocontractant. Il n’est en effet une
cause de nullité de la vente que s’il émane de la partie envers laquelle
l’obligation est contractée366. Toutefois, lorsqu’elle porte sur la substance
même du contrat, l’erreur consécutive au dol d’un tiers à la convention est une
cause de nullité367. Mais en présence d’une évolution défavorable de l’animal
étrangère au vendeur, le dol est-il déterminé ? Observons la jurisprudence
équine.
111. Lorsque le vendeur camoufle une seime en coulant de la cire plastifiée, la
manœuvre déterminante et la volonté de tromper son cocontractant est mise
en exergue368.
De la même façon, le dol est retenu lorsque le vendeur remet des papiers
erronés à l’acquéreur d’un poulain369 ou trompe son cocontractant sur l’age de
l’animal370.
112. La réticence du vendeur à donner des informations pourtant déterminantes
du consentement de son cocontractant relève du dol. Ainsi, le fait de cacher à
l’acquéreur les opérations importantes antérieures de l’animal371 ou de ne pas
365 Art. 1116 C. civ. 366 Cass. com., 1er avril 1952, D., 1952, p.380 et p.685 367 Cass. 1èreciv., 3 juillet 1996, Bull. civ. I, n°288 368 CA Paris, 23 septembre 1982, JurisData n°028207 369 CA Montpellier, 5 décembre 2000, Bull. IDE, n°23 370 CA Aix-en-Provence, 22 janvier 2004, Bull. IDE, n°34 371 CA Paris, 5 décembre 2003, Bull. IDE, n°32
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révéler le fait qu’il soit atteint de coliques chroniques372 justifient l’annulation
de la vente.
113. La règle s’applique avec une rigueur particulière aux marchands
professionnels de chevaux qui, conformément à l’article L.111-1 du Code de la
consommation, doivent « avant la conclusion du contrat, mettre le
consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du
bien ou du service ». En cas de litige, c’est au vendeur professionnel, débiteur
d’une obligation de renseignement à l’égard de son client, qu’il incombe de
prouver qu’il a exécuté cette obligation373.
En ce sens, le dol est mis en évidence lorsque le vendeur dissimule que la
pouliche vendue est en gestation, cet état ignoré de l’acheteur l’ayant induit en
erreur sur les qualités sportives de la jument374.
Cette jurisprudence met en exergue l’étroite frontière entre l’erreur et le dol
puisque les qualités sportives de l’animal représentent les qualités
substantielles à propos desquelles l’acheteur est susceptible de contracter375.
114. En revanche, ne constitue pas une manœuvre dolosive le fait par le
propriétaire d’un cheval atteint du mal naviculaire de le soumettre à l’opération
de la névrotomie, « la manœuvre dolosive consisterait seulement dans le fait,
au moment de la vente, d’avoir, par un artifice frauduleux, dissimulé les
cicatrices que laisse l’opération ou d’avoir attribué à ces cicatrices une autre
origine »376.
Ainsi, le fait de devoir caractériser une manœuvre frauduleuse pour
déterminer le dol évacue la question de l’évolution imprévisible de l’animal. En
effet, si l’élément matériel peut dépendre de l’évolution imprévisible de
l’animal, l’élément intentionnel est propre à la personne du vendeur. Le dol est
donc d’un vice du consentement dont l’application à l’animal est cohérente.
372 CA Dijon, 6 septembre 2005, Bull. IDE, n°40 373 Cass. 1èreciv., 15 mai 2002, Bull. civ. I, n°132 374 CA Paris, 10 décembre 1999, JurisData n°102732 375 Cf. Pt.106 376 CA Dijon, 23 février 1910, Le droit, 27 avril 1910
- 78 -
115. Il convient de veiller cependant à la qualité de la personne victime du dol. En
effet, la personnalité de la victime du dol est un élément de décision
fréquemment évoqué, le professionnel ne pouvant être abusé par
l’exagération de la réputation de son cocontractant377.
II- L’exécution de la vente animalière
116. L’effectivité de la vente dépend de sa parfaite exécution par les parties.
L’acquéreur doit prendre possession de l’animal et le vendeur obtenir la
contrepartie stipulée. Les parties à la vente de l’animal supportent donc des
obligations banales en matière de vente -A-.
Cependant, indépendamment de la parfaite exécution de ces obligations par
leurs débiteurs, des conflits surgissent parfois entre vendeur et acquéreur.
Bernard Callé résume l’évolution des mentalités en indiquant que
« l’accroissement de la valeur des chevaux, l’installation de la méfiance, la
recherche du gain, le refus de l’aléa, le risque de procès ont profondément
modifié les relations entre cocontractants »378. Il semble loin le « temps où,
pour vendre un cheval, une poignée de main scellait l’accord entre vendeur et
acquéreur et instaurait une confiance réciproque que nul n’aurait osé trahir,
acceptant ainsi les aléas inhérents à la matière »379.
Si la vente animalière suppose donc l’application de garanties, c’est de ces
« aléas inhérents à la matière »380 que dépend leur originalité -B-.
377 CA Versailles, 9 février 1990, JurisData n°041241 378 B.Callé, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, spéc. p.7 379 B.Callé, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, spéc. p.7 380 B.Callé, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, spéc. p.7
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A- La banalité des obligations de la vente animalière
117. Le régime juridique de la vente fait supporter au vendeur -1- comme à
l’acquéreur -2- de l’animal diverses obligations traditionnelles en matière de
vente.
1- Les obligations du vendeur de l’animal
118. Conformément aux dispositions de l’article 1603 du Code civil, deux
obligations principales pèsent sur le vendeur : une obligation de délivrance
conforme de l’animal et une obligation de garantie.
119. La délivrance est « le transport de la chose vendue en la puissance et
possession de l’acheteur »381.
L’obligation de délivrance est de résultat, seule une faute étrangère peut
décharger le vendeur de son exécution, et quérable, le lieu de la délivrance
étant le lieu où se trouve l’animal au moment de la vente sauf convention
contraire.
120. L’objet de la délivrance est évidemment l’animal objet de la vente mais par
extension ses fruits et accessoires382.
En matière équine, la jurisprudence estime depuis longtemps que les papiers
du cheval constituent un accessoire de l’animal et doivent nécessairement
être inclus dans le champ de l’obligation de délivrance383. Par conséquent, le
transfert de propriété du cheval est indissociable de celui des documents
officiels qui l’accompagnent.
Cette obligation qui pèse sur le vendeur d’un équidé de délivrer sans délai au
nouveau propriétaire le document d’identification et la carte d’immatriculation
381 Art. 1604 C. civ. 382 Art. 1614 et 1615 C. civ. 383 CA Lyon, 16 janvier 1907, S., 1907, 11, p.280
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après l’avoir endossée est désormais clairement énoncée par le décret du 5
octobre 2001384 relatif à l’identification des équidés385.
Toutefois, la Cour de cassation apporte un tempérament à ce principe, jugeant
que la transmission de ces documents ne s’impose que lorsqu’ils sont
nécessaires à l’usage normal du cheval386. Ainsi, il est possible au vendeur
sous certaines hypothèses de conserver la carte d’immatriculation de l’animal
car elle n’empêche pas sa participation à des compétitions ou son transport387
alors que le document d’identification doit impérativement suivre le cheval.
Les accessoires comprennent tous les documents, notamment administratifs,
nécessaires à l’utilisation de l’animal.
121. L’obligation de délivrance repose initialement sur la mise à disposition de
l’animal et de ses accessoires à l’acquéreur.
Par extension, l’obligation de délivrance se doit d’être conforme à l’intention
des parties. Ainsi mise en évidence, la garantie de conformité repose sur
l’article 1604 du Code civil en ce qu’il s’agit du défaut de conformité de la
chose vendue aux stipulations contractuelles ou aux spécifications de la
commande.
En revanche, le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination
normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du Code
civil388.
La frontière entre les deux fondements résulte de la différence entre la
conformité liée à un usage normal de l’animal et celui stipulé et voulu par les
parties.
122. Le vendeur est tenu d’une obligation de garantie à l’égard de l’acheteur. A
ce titre, l’acquéreur bénéficie de trois garanties légales : la garantie contre
l’éviction, la garantie contre les vices cachés ainsi que la garantie de
conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur créée par
384 Décret n°2001-913 du 5 octobre 2001 385 Article 8 du décret n°2001-913 du 5 octobre 2001 386 Cass. com., 14 décembre 1977, D., 1978, p.248 ; Cass. 1èreciv., 26 novembre 1981, Bull. civ. I, n°352 ; Cass. 1èreciv., 17 novembre 1999, Bull. IDE, 1999, n°16 387 Cass. 1èreciv., 25 octobre 1978, D., IR, 1978, p.69 388 Cass. 1èreciv., 8 décembre 1993, Bull. civ. I, n°362
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une ordonnance du 17 février 2005 et intégrée tant au Code civil389 qu’au
Code de la consommation390.
123. La garantie d’éviction oblige le vendeur à ne pas perturber la jouissance
paisible de l’acquéreur mais aussi à protéger ce dernier de certains troubles
causés par des tiers. Probablement en raison de l’adage « en fait de meuble,
possession vaut titre », il semble que les conflits mettant en œuvre la garantie
d’éviction soient peu nombreux à l’égard des chevaux. Lorsqu’elle doit jouer,
elle permet à l’acquéreur de demander la restitution du prix, des fruits, des
frais occasionnés par la vente et l’action en garantie ainsi que des dommages
et intérêts.
124. La garantie des vices cachés protège l’acquéreur « contre les défauts
cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la
destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas
acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus »391.
A l’égard des animaux, cette garantie est soumise à un régime particulier issu
de la primauté des dispositions du Code rural propres aux animaux
domestiques.
125. La garantie de conformité repose initialement sur l’article 1604 du Code civil
relatif à l’obligation de délivrance392.
Toutefois, depuis la transposition de la directive 99/44/CE du 25 mai 1999393
par l’ordonnance du 17 février 2005394, le législateur a introduit une garantie
de conformité à la charge du vendeur spécifique aux relations entre
consommateur et professionnel.
Pour toutes les relations entre professionnels ou entre particuliers, le
fondement de l’action en garantie de conformité restera les dispositions y
afférentes du Code civil. En revanche, pour toutes les ventes conclues entre
un professionnel et un consommateur, l’acquéreur peut se prévaloir des
389 Art. 1603-1 C. civ. 390 Art. L.211-1 et s. C. conso. 391 Art. 1641 C. civ. 392 Cf. Pt.121 393 Directive sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation 394 Ordonnance applicable dès le 19 février 2005 à toutes les ventes conclues à partir de cette date
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dispositions spécifiques du Code de la consommation en matière de
conformité du bien vendu.
2- Les obligations de l’acquéreur de l’animal
126. De manière peu surprenante, l’acquéreur est tenu de payer le prix convenu
et de retirer l’animal acheté selon les dispositions de droit commun applicables
à la vente.
Dans l’hypothèse d’un paiement au comptant, le paiement du prix doit se faire
au moment de la délivrance de l’animal vendu395.
Aussi longtemps que la délivrance de l’animal et de ses accessoires n’a pas
eu lieu, l’acheteur peut invoquer l’exception d’inexécution pour refuser de
payer le prix. En revanche, la délivrance ne vaut pas présomption légale de
libération du prix396.
Sauf clause contraire, le paiement du prix doit intervenir au lieu où se trouvait
l’animal au moment de la vente397, c'est-à-dire à l’endroit où l’acheteur va en
prendre possession.
L’obligation de délivrance étant quérable398, il appartient à l’acquéreur de
prendre possession de l’animal acheté. L’acheteur ne peut refuser de retirer le
cheval que si ce dernier n’est pas conforme à celui qu’il a acheté ou s’il le
découvre atteint d’un vice ignoré jusqu’alors.
Le prix à payer est le prix convenu entre les parties et il devient productif
d’intérêts si cela a été convenu entre les parties, si la chose vendue et livrée
produit des fruits ou autres revenus ou si l’acheteur a été sommé de payer le
prix auquel cas les intérêts commencent à courir à compter de la délivrance
de la sommation.
395 Art. 1651 C. civ. 396 Cass. 1èreciv., 15 juillet 1942, D., 1943, p.104 397 Art. 1247 C. civ. 398 Art. 1609 C. civ.
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B- L’originalité des garanties de la vente animalière
127. Quelle que soit la destination de l’animal, les promenades équestres,
l’équitation de loisir ou la compétition pour un cheval, l’acquéreur désire que
l’animal réponde à ses attentes.
En matière équine, Bruno Chain et Lauren Sigler évoquent « les cabrioles de
l’acheteur, qui demande à ce que lui soit délivré un cheval conforme à ce qu’il
attendait contractuellement »399.
Mais toute la difficulté réside dans le fait qu’un animal « évolue et se modifie
au gré de la vie qui l’anime »400. C’est en raison de la nature vivante de
l’animal que l’origine et le moment du fait générateur du défaut de conformité
ou du vice sont difficiles à appréhender.
Toute l’originalité des garanties de la vente animalière repose alors sur
l’existence d’une garantie de conformité inadaptée -1- et d’une garantie des
vices cachés modifiée -2-.
1- Une garantie de conformité inadaptée
128. Par principe, l’acquéreur dont l’animal acheté ne satisfait pas à la destination
contractuellement prévue peut se prévaloir des dispositions du Code civil pour
faire jouer la garantie de conformité du vendeur relative à son obligation de
délivrance.
Ainsi, en matière équine, le vendeur d’un équidé, qui s’était accordé avec
l’acheteur pour lui vendre un cheval de concours de saut d’obstacle, voit la
vente résolue pour manquement à l’obligation de délivrance, l’animal livré
présentant une arthropathie dégénérative des deux boulets antérieurs,
conduisant à une impossibilité progressive d’effectuer des sauts d’obstacle.
399 B.Chain et L.Sigler, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, spéc. p.115 400 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.229
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Cette non-conformité à la destination initialement prévue est considérée
comme un manquement à l’obligation de délivrance401.
129. Cependant, cette action fondée sur l’article 1604 du Code civil est
concurrencée dans les ventes entre professionnel et consommateur par les
dispositions du Code de la consommation. Tenant la souplesse de la
jurisprudence pour accueillir la qualité de consommateur de l’acquéreur d’un
cheval, la garantie de conformité du Code de la consommation a vocation à
devenir un fondement privilégié. Mais comme le souligne Christine Hugon, « il
n’est pas certain que l’application aux ventes d’équidés d’un régime plutôt
conçu pour des canapés, des voitures ou des téléviseurs soit véritablement
adaptée »402.
130. Depuis la transposition de la directive 99/44/CE du 25 mai 1999403 par
l’ordonnance du 17 février 2005404, le législateur a introduit une garantie de
conformité, à la charge du vendeur, spécifique aux relations entre
consommateur et professionnel.
Mais qu’est ce qu’un consommateur en matière équine ?
Par définition, « le consommateur, au sens de l’article L.211-3 du Code la
consommation, est l’acheteur qui achète le bien pour ses besoins personnels
ou ceux des personnes à sa charge et non pour l’exercice de sa profession.
Le fait que l’acquéreur aurait acheté aux vendeurs plusieurs chevaux destinés
à la compétition et revendiquait une certaine compétence en la matière
n’implique nullement que ces acquisitions étaient destinées à l’usage de sa
profession. En effet, il ne résulte pas des pièces versées aux débats par les
appelants que l’acheteur consacre une activité significative aux courses de
chevaux ou de compétitions et en tire un revenu »405. Autrement dit, un
acquéreur propriétaire de plusieurs chevaux, se présentant comme un
professionnel, est un consommateur dès lors que le cheval est acheté pour
ses besoins personnels et non pour les besoins d’une activité professionnelle
401 CA Douai, 24 novembre 2003, Bull. IDE, n°33 402 C.Hugon, L’application du Code la consommation aux ventes d’équidés, RSDA, n°1, 2009, note sous CA Bourges, 10 juillet 2008, n°07/00410, p.41 et s., spéc. p.43 403 Directive sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation 404 Ordonnance applicable dès le 19 février 2005 à toutes les ventes conclues à partir de cette date 405 CA Limoges, 9 août 2006, Planchat c/ Laurent
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dont il obtient des revenus406. Ainsi, « l’amateur éclairé est un consommateur
protégé par la garantie de conformité tant qu’il ne tire pas de revenus de son
activité équine »407.
Cette solution paraît inadaptée car « même sans avoir pour objectif de
s’aménager une source de revenus, le passionné qui investit en achetant des
chevaux de compétition, et qui est peut-être lui-même un cavalier possédant
une licence de compétition professionnelle aura en tout état de cause des
connaissances et des notions similaires à celles des professionnels »408.
131. L’élément majeur de cette action en conformité tient à l’instauration d’une
présomption simple de préexistence à la vente des défauts qui apparaissent
dans un délai de six mois à compter de la délivrance du bien, ce qui a pour
effet d’inverser la charge de la preuve.
L’article L 211-1 du Code de la consommation dispose ainsi que « le défaut de
conformité, qui apparaît dans un délai de six mois à partir de la délivrance du
bien, est présumé exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire ».
Hormis la visite vétérinaire préalable à la vente, comment le vendeur peut-il
rapporter une telle preuve ?
Compte tenu de la nature vivante de l’animal et de son évolution imprévisible,
laisser un délai de six mois pour présumer l’antériorité d’un vice qui se
révélerait durant cette période parait démesuré. En six mois, l’animal peut ne
pas répondre aux attentes de son nouveau propriétaire, alors qu’il avait en lui
les aptitudes requises au moment de la vente, parce qu’il a évolué au gré de
la vie qui l’anime ou régressé au contact d’un nouveau cavalier. En effet,
« tous les cavaliers d’un certain niveau savent que les performances
équestres ou sportives d’un cheval sont en partie au moins le fruit d’un
dressage ou d’un conditionnement que quelques erreurs suffisent à remettre
en question. Une succession de petites maladresses peut suffire à mettre au
refus un cheval d’obstacle, quelques erreurs stratégiques peuvent
compromettre la qualité de mouvements de dressage un peu complexes. On
406 Cf. pour une application postérieure à CA Limoges, 9 août 2006, Planchat c/ Laurent : TGI Lisieux, 9 juillet 2008, Robillard c/ Ecuries Jeroen 407 Bull. IDE, n°45 sous CA Limoges, 9 août 2006, Planchat c/ Laurent 408 Bull. IDE, n°45, sous CA Limoges, 9 août 2006, Planchat c/ Laurent
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comprend alors que le risque que supportera le vendeur d’équidés sera bien
plus lourd que celui d’un vendeur de voitures ou de canapés »409.
Ainsi, « il est certain que, pour la vente d’un cheval, ce délai de six mois est
extrêmement pénalisant, car comme tout animal vivant, sa constitution peut se
modifier du fait de l’usage ou simplement du fait de l’apparition de
phénomènes cliniques qui n’étaient absolument pas prévisibles »410.
132. Dès lors, « ce renversement temporaire de la charge de la preuve est,
objectivement, excessivement sévère pour le vendeur d’un être vivant et plus
particulièrement d’un équidé dont on attend, comme en l’espèce, des
performances sportives »411.
C’est certes dans cet esprit que le texte prévoit que le vendeur peut combattre
cette présomption si celle-ci n’est pas compatible avec la nature du bien ou le
défaut de conformité invoqué mais quel sens doit-on accorder à la notion de
« nature du bien » ? En effet, « la spécificité de l’objet de la vente, un équidé,
suggère de faire jouer la possibilité ouverte par l’alinéa 2 de l’article 211-7 et
de considérer qu’en la matière la présomption selon laquelle le défaut
d’aptitude à telle ou telle discipline apparaissant dans les six mois de la
délivrance existait au moment de la vente, n’est pas adaptée et doit donc être
écartée. La raison commande alors de laisser à l’acheteur la charge de la
preuve du défaut qu’il invoque à l’appui de son action »412.
133. En matière équine, la garantie de conformité du Code la consommation est
applicable à la vente d’une jument destinée à la course dont l’acquéreur
découvre la gestation de l’animal quelques semaines après. Le Tribunal
accueille le principe de la responsabilité du vendeur, au motif que la date de
naissance du poulain confirme la gestation de la jument au jour de la
transaction, tandis que de nombreux indices confirment que l’animal était
409 C.Hugon, L’application du Code la consommation aux ventes d’équidés, RSDA, n°1, 2009, note sous CA Bourges, 10 juillet 2008, n°07/00410, p.41 et s., spéc. p.45 - 46 410 B.Chain et L.Sigler, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, p.126 411 C.Hugon, L’application du Code la consommation aux ventes d’équidés, RSDA, n°1, 2009, note sous CA Bourges, 10 juillet 2008, n°07/00410, p.41 et s., spéc. p.44 412 C.Hugon, L’application du Code la consommation aux ventes d’équidés, RSDA, n°1, 2009, note sous CA Bourges, 10 juillet 2008, n°07/00410, p.41 et s., spéc. p.46
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destiné à être un cheval de sport413. S’il s’agit d’une application traditionnelle
de la garantie de conformité, elle apparaît légitime uniquement parce que
l’antériorité à la vente du défaut de conformité est certaine. Ainsi, « si cette
décision constitue une application légitime de la garantie de conformité, nous
rappellerons que les dispositions précitées présentent de nombreux
inconvénients, tenant notamment au caractère incertain de son champ
d’application lié à la qualité des parties, aux règles prévues par le texte et qui
ne sont pas toujours adaptées quant il s’agit de matière vivante… »414.
134. Dès lors, quelle solution retenir en présence d’un trouble physique évolutif ?
En effet, « en ce qui concerne les problèmes physiques, dans bien des
hypothèses, les experts seront embarrassés pour fixer avec précision le point
de départ d’une pathologie évolutive surtout si celle-ci apparaît plusieurs
semaines après la vente »415.
A ce titre, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Bourges416 illustre l’effet pervers
et le caractère inadapté de la garantie de conformité du Code de la
consommation lorsque l’objet de la vente est un cheval. En l’espèce, le cheval
avait concouru victorieusement à deux reprises dans le trimestre suivant la
vente avant de présenter quelques semaines après417, une respiration rapide
et un essoufflement précoce au travail et de souffrir d’une fibrillation auriculaire
le rendant intolérant à un effort intense. Le vendeur n’étant pas parvenu à
prouver l’aptitude du cheval à la compétition au moment de la vente, cette
dernière a été annulée418.
Une interrogation suffit à comprendre la difficulté : comment expliquer qu’un
cheval considéré comme non-conforme au sens juridique du terme ait pu dans
le trimestre suivant la vente concourir avec succès à deux reprises ?
C’est à se demander « si la règle disposant que sont présumés avoir existé au
moment de la délivrance, les défauts de conformité apparaissant dans un délai
de six mois à partir de la délivrance est bien adaptée à un être vivant aussi 413 TI Ploërmel, 9 février 2007, Planchet c/ Le Bot 414 Bull. IDE, n°47, sous TI Ploërmel, 9 février 2007, Planchet c/ Le Bot 415 C.Hugon, L’application du Code la consommation aux ventes d’équidés, RSDA, n°1, 2009, note sous CA Bourges, 10 juillet 2008, n°07/00410, p.41 et s., spéc. p.44 416 CA Bourges, 10 juillet 2008, n°07/00410 417 Mais toutefois moins de six mois après la vente 418 Bien qu’il s’agisse du résolution et non d’une annulation mais nous ne nous attarderons pas sur cette erreur de droit commise par les juges du fond
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fragile qu’un cheval »419. En effet, mais c’est aussi et surtout le révélateur du
caractère inadapté de la garantie de conformité du Code de la consommation
à la vente équine.
135. Ce nouveau fondement exclusivement réservé au consommateur a d’autres
effets néfastes en présence d’un cheval. En effet, il est fréquent qu’un
professionnel se libère d’un animal inapte à la course ou à l’obstacle en
conditionnant la vente à la condition expresse qu’il ne fasse plus jamais de
compétition ou de manège. Face à la protection accrue de l’acquéreur
profane, il est légitime de demeurer perplexe quant au sort réservé à cette
stipulation par les tribunaux420. On peut penser, vu la vigueur de l’usage de la
paumée, que l’achat d’un cheval de course inapte peut être résolu pour non-
conformité puisque le vendeur ne pourra jamais démontrer ni la capacité du
cheval à concourir au moment de la vente, ni l’accord des parties sur la
destination de l’animal.
136. L’action résultant du défaut de conformité, visée par les articles L 211-1 et
suivants du Code de la consommation, se prescrit par deux ans à compter de
la délivrance du bien.
L’action des articles L.211-1 et suivants du Code de la consommation
introduit, en cas de défaut de conformité, une option au profit de l’acheteur
conduisant au choix entre réparation et remplacement du bien. Un doute
subsiste quant à l’effectivité de cette option en présence d’une vente de
chevaux. En effet, il apparaît légitime de se demander ce que recouvre la
notion de réparation à propos d’un animal. C’est d’un corps vivant dont il
s’agit, pas d’une chose inanimée. En effet, « en matière équine, il est certain
que la réparation ne peut être envisagée que dans le cadre d’une opération,
avec tous les risques que cela suppose »421.
419 C.Hugon, L’application du Code la consommation aux ventes d’équidés, RSDA, n°1, 2009, note sous CA Bourges, 10 juillet 2008, n°07/00410, p.41 et s., spéc. p.44 420 Cf. B.Chain et L.Singler, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, p.125 421 B.Chain et L.Sigler, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, p.126
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En outre, l’acquéreur peut demander le remboursement des frais qu’il a
engagé pour l’entretien de l’équidé dans la mesure où l’action conduit à
l’anéantissement rétroactif du contrat par résolution.
2- La garantie des vices cachés modifiée
137. A l’inverse du régime juridique de la garantie des vices cachés pour les
biens meubles, catégorie juridique à laquelle l’animal appartient, les
dispositions du Code rural priment celles du Code civil.
Ainsi, « l’action en garantie, dans les ventes ou échanges d’animaux
domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions
de la présente section… »422.
Par dérogation au droit commun de la vente, les dispositions du Code rural
constituent le régime légal en matière de vente d’animaux et il faut remonter
au XIXème siècle pour trouver l’origine de ce principe encore en application
malgré les diverses critiques dont il fait l’objet.
138. Les usages et coutumes variant d’une province à l’autre, le législateur pallia
ces divergences en déterminant une garantie applicable sur l’ensemble du
territoire et décida de soustraire la garantie des vices cachés en matière
d’animaux domestiques au droit commun des articles 1641 et suivants du
Code civil.
Le législateur, estimant les règles du Code civil inappropriées à la vente d’un
bien de nature vivante, modifia le principe de la garantie des vices cachés en
dressant une liste limitative de vices, lesquels permettaient l’ouverture « aux
actions résultant des articles 1641 et suivants du Code civil »423. Ces vices dits
rédhibitoires sont limitativement énumérés par l’article R.213-1 du Code
rural424.
422 Ar. L.213-1 et s. C. rur. 423 Art. 285 C. rur. 424 Immobilité, emphysème pulmonaire, cornage chronique, tic proprement dit avec ou sans usure des dents, boiteries anciennes intermittentes, uvéite isolée et anémie infectieuse
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Toutefois, si le fondement diffère, la finalité est identique puisqu’il s’agit
toujours de garantir l’acquéreur des vices dont pourrait être affecté l’animal
vendu.
139. L’application par principe des dispositions du Code rural est cependant
subordonnée à l’absence de « conventions contraires »425. Il s’agit d’un régime
juridique supplétif auquel les parties peuvent donc déroger.
Or, le délai de forclusion de l’action étant réduit, les tribunaux ont fait preuve
de beaucoup de souplesse pour admettre l’existence d’une convention
contraire résultant de la connaissance par le vendeur de l’usage que
l’acquéreur entendait faire de l’animal426 et permettre ainsi l’application de la
garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil.
La jurisprudence admet donc l’application de la garantie des vices cachés par
l’intermédiaire d’une convention dérogatoire implicite résultant notamment de
la destination de l’animal concerné et de la commune intention des parties427.
En effet, « les règles légales de la garantie des vices dans la vente des
animaux domestiques, telles qu’elles sont définies par les articles L.213-1 et
suivants du Code rural, peuvent être écartées par une convention contraire qui
peut être implicite et résulter de la destination des animaux vendus et du but
que les parties s’étaient proposées et qui constituait la condition essentielle du
contrat »428.
Ainsi, la vente équine est soumise aux règles des vices cachés du Code civil
lorsque les parties se sont mises d’accord sur l’usage sportif429 de l’équidé ou
sa mise à l’élevage430.
140. L’administration d’une telle preuve demeure néanmoins délicate en
l’absence d’écrit. C’est en ce sens que « les juges supposaient alors de façon
divinatoire »431 la convention tacite invoquée par l’acheteur.
425 Art. L.213-1 C. rur. 426 Cass. req., 10 novembre 1885 et 23 mars 1887 ; Cass. 1èreciv., 12 juillet 1977, n°76-11.420 427 Cass. 1èreciv., 12 juillet 1977, Gaz. Pal., 1978, 1, p.206 ; Cass. 1èreciv., 26 novembre 1981, Bull. civ. I, 1981, p.353 428 Cass. 1èreciv., 30 janvier 1967, JCP, 1967, p.5025 429 CA Chambéry, 6 février 2001, n°98-02.394 ; CA Besançon, 11 décembre 2001, Bull. IDE, n°25 430 CA Orléans, 13 septembre 1999, n°98-00.198 ; CA Dijon, 28 septembre 2000, n°99-01.033 431 F.de Freminville, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, p.110
- 91 -
La Cour de cassation est revenue récemment à une application stricte432 des
textes en rappelant que l’intention des parties de déroger aux règles du Code
rural devait être clairement exprimée433.
La Cour de cassation se positionne donc en faveur d’une interprétation de
l’article L.213-1 du Code rural clémente à l’égard du vendeur, surtout en
sachant que « la paumée est encore, sur quelques foires et marchés, le
moyen le plus usité par lequel se manifeste l’accord des volontés en fait de
ventes animalières »434.
Ainsi, en l’absence de stipulations spécifiques, l’acquéreur dont l’équidé est
atteint d’un vice ne peut espérer prospérer dans sa demande en résolution de
la vente quasiment que sur le fondement de la garantie des vices
rédhibitoires.
141. A ce titre, les délais de procédure à respecter conduisent le vendeur à une
impunité dont nous ne pouvons que nous étonner lorsque l’on connaît l’esprit
des textes relatifs aux vices cachés.
En effet, l’acquéreur doit demander la nomination d’un expert et assigner au
fond dans les dix jours de la livraison de l’animal, portée à trente jours en cas
d’uvéite isolée ou d’anémie infectieuse. Est en conséquence irrecevable
l’action postérieure de plus d’un mois à la date de la vente du cheval de
course fondée sur la tendinite dont il souffrait en cas de référence aux vices
de boiterie ou d’immobilité du cheval prévus par le Code rural435.
Le caractère très bref du délai facilite la preuve du vice et de son antériorité à
la vente mais demeure un obstacle sérieux pour l’acquéreur.
L’acheteur peut obtenir soit la résolution de la vente436, soit la réduction du
prix437. Néanmoins, « l’action en réduction de prix ne peut être exercée dans
les ventes et échanges d’animaux lorsque le vendeur offre de reprendre
432 J. Huet, JurisClasseur Notarial, Vente, fasc. 290, n°93 ; B. Grimonprez, obs. sous Cass. 1èreciv., 25 janv. 2005, n°01-13101, Dr. rur., 2005, comm., p.176 433 Cass. 1èreciv., 6 mars 2001, Bull. civ. I, n°65 ; L.Leveneur, note sous Cass. 1èreciv, 29 janvier 2002, Cont. conc. cons., 2002, p.74 434 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.198 435 Cass. 1èreciv., 11 avril 1995, JCP, 1995, p.1493 436 Action rédhibitoire 437 Action estimatoire
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l’animal vendu en restituant le prix et en remboursant à l’acquéreur les frais
occasionnés par la vente »438.
142. Au titre de la garantie des vices cachés, l’action « doit être intentée dans un
délai de deux ans à compter de la découverte du vice »439.
Nous pouvons constater que le délai est particulièrement long pour un cheval
dont on sait que l’évolution, favorable comme défavorable, peut être rapide. Il
existera toujours un doute sur l’usage qui aura été fait de l’animal par le
nouveau propriétaire entre la date de la vente et la date de connaissance du
vice.
143. L’acheteur peut obtenir soit la résolution de la vente440, soit la réduction du
prix441. Au demeurant, « si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est
tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et
intérêts envers l’acheteur »442. Ainsi, sont remboursables les frais de
vétérinaire, d’assurance, le coût de l’entretien443.
En revanche, « si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à
la restitution du prix et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la
vente »444. Ainsi, les frais de pension et de maréchalerie engagés
postérieurement à la vente d’une jument atteinte d’un vice caché ne répondent
pas à la définition des frais occasionnés par la vente445, qui s’entendent des
dépenses directement liées à la conclusion du contrat446.
144. Le vice caché est défini comme l’ensemble des « défauts cachés de la
chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui
diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en
aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus »447.
438 Art. L.213-7 C. rur. 439 Art. 1648 C. civ. modifié par l’ordonnance du 17 février 2005 qui a supprimé l’exigence d’une action à bref
délai 440 Action rédhibitoire 441 Action estimatoire 442 Art. 1645 C. civ. 443 CA Bourges, 14 janvier 2004, JurisData n°231622 444 Art. 1646 C. civ. 445 Cass. 1èreciv., 21 mars 2006, BRDA, Juillet 2006, n°9 et 11 446 Cass. 1èreciv., 16 juillet 1998, Bull. civ. I, n°266 ; Cass. 1ère civ., 21 mars 2006, Bull. Civ. I, n°173 447 Art. 1641 C. civ.
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En matière équine, la jurisprudence considère ainsi comme vice caché la
cécité d’un oeil448, une dermite estivale récidivante empêchant de monter le
cheval en plein air449, une arthropathie interphalangienne distale évolutive
incompatible avec le sport de compétition450, une endométrite chronique
conduisant à la stérilité451, la stérilité congénitale d’une jument destinée à
l’élevage452, la maladie naviculaire causant une inaptitude à la compétition453
ou encore une sciatique rendant très difficile la manipulation d’un postérieur
notamment lors du ferrage454.
La notion de vice caché a été entendue à des problèmes comportementaux,
comme la rétivité, notamment lorsqu’elle empêche de participer à des
compétitions455.
145. La garantie des vices cachés requiert la réunion de trois conditions
cumulatives pour être mise en oeuvre : un vice caché, antérieur à la vente et
rendant impropre l’animal à l’usage auquel on le destine.
L’article 1642 du Code civil dispose clairement que « le vendeur n’est pas tenu
des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Or,
l’appréciation de l’existence du vice est délicate, parfois même pour un expert.
En effet, « ce qui singularise l’animal par rapport à nombre de choses
inanimées, c’est le fait de pouvoir être fréquemment atteint de vices dus à des
agents si minuscules et si profondément enfouis dans son corps vivant »456
qu’il en est difficile de les détecter.
La jurisprudence est donc particulièrement exigeante pour considérer le vice
comme apparent. Ainsi, un cheval borgne ne présente pas de vice apparent
dans la mesure où il faudrait un examen approfondi pour le constater457. Une
448 Cass. 1èreciv., 24 février 1964, Bull. civ. I, n°105 449 CA Dijon, 28 septembre 2000, n°99-01.033 450 CA Orléans, 13 septembre 1999, n°98-00.198 451 CA Chambéry, 6 février 2001, n°98-02.394 452 CA Versailles, 7 mai 2004, Bull. IDE, n°35 453 CA Metz, 3 mai 2001, Bull. IDE, sept. 2001, spéc. p.3 454 CA Poitiers, 20 novembre 2002 455 CA Bordeaux, 15 décembre 1986, JurisData n°044184 ; CA Amiens, 5 septembre 1997, Bull. IDE, mars 1998 ; CA Caen, 7 février 1997, Bull. IDE, n°5 456 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.251 457 Cass. 1èreciv., 24 février 1964, Bull. civ. I, n°105
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boiterie n’est pas non plus nécessairement visible458, sauf lorsqu’elle est
réellement apparente459.
146. La jurisprudence distingue cependant l’acquéreur profane de celui
professionnel, de sorte que le néophyte peut légitimement arguer du fait qu’il
est ignorant en la matière.
Ainsi, l’éleveur de chevaux anglo-arabes qui achète un cheval sans symptôme
clinique mais découvre le lendemain de la vente suite à une visite vétérinaire
que l’animal est atteint d’un ostéophyte de l’extrémité latérale interne est tenu
de connaître le vice au vu de sa qualité d’éleveur professionnel460.
La notion de professionnel est parfois délicate à cerner mais on peut toutefois
« sans risquer la contradiction affirmer qu’un cavalier de galop 7, un courtier
en chevaux de selle ou de course, un entraîneur de chevaux de course ou un
jockey sont des professionnels »461.
147. La nature vivante de l’animal est encore un frein à la démonstration de
l’antériorité du vice à la vente. Toutefois, les progrès de la science permettent
l’obtention de résultats surprenants.
C’est ainsi que pour rechercher l’origine de l’hypofertilité d’un équidé, la Cour
d’appel de Caen a procédé à des expertises prenant en considération les
substances administrées à l’équidé, ses origines, pour conclure au caractère
génétique et totalement irréversible de l’hypofertilité462.
En définitive, l’antériorité du vice à la vente est démontrable lorsqu’il est
génétique et scientifiquement décelable. En revanche, la difficulté est accrue
lorsqu’il est d’origine traumatique.
La satisfaction à cette condition lorsque la vente concerne un cheval est
aléatoire et semble rendre difficile l’application de la garantie des vices cachés
en l’absence d’expertise vétérinaire. C’est en ce sens qu’après expertise, les
juges du fond ont constaté, à propos d’un équidé indocile et rétif, que la
458 CA Lyon, 16 juin 1974, JurisData n°046780 459 CA Riom, 4 novembre 1983, JurisData n°042929 460 CA Agen, 20 février 1980 461 B.Chain et L.Sigler, Le cheval et la vente, Institut du droit équin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, p.132 462 CA Caen, 3 octobre 1995, JurisData n°044451
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rétivité n’était pas innée, ni acquise antérieurement à la vente mais constituait
simplement une conséquence du mauvais usage de la monture463.
148. La condition de l’impropriété de l’animal à son usage épouse en revanche
parfaitement les hypothèses rencontrées en matière de vente équine.
En effet, le cheval de course destiné à la compétition atteint d’une tendinite est
impropre à sa destination, tout comme l’étalon hypofertile destiné à la
reproduction. C’est en ce sens que les tribunaux considèrent qu’un équidé
acheté pour la compétition et atteint d’arthrose est affecté d’un vice caché464,
de même que le cheval d’obstacle présentant une boiterie465, a fortiori vendu
par un professionnel466.
En définitive, lorsque la destination de l’animal est sans équivoque, le vice est
aisément mis en exergue. La garantie des vices cachés fonctionne donc pour
la vente d’un étalon de reproduction467, pour la vente de génisses en gestation
destinées à l’élevage et à la reproduction468, pour la vente d’un cheval
recherché pour ses qualités génétiques hors du commun469 ou pour la vente
d’une jument destinée à des compétitions pour lesquelles l’aptitude à
supporter les déplacements était importante470.
Ainsi, l’impropriété du cheval à l’usage auquel on le destine est aisée à
caractériser lorsque les parties ont convenu expressément de la destination
de l’animal, les difficultés survenant en raison du maintien avec vigueur d’un
usage proscrivant l’écrit en fait de ventes animalières.
A cet égard, la jurisprudence a déjà déduit de la publicité effectuée par le
vendeur la destination implicite du cheval471.
463 CA Caen, 14 décembre 1999, Bull. IDE, n°17 et le vendeur n’engage donc pas sa responsabilité sur le
fondement de la garantie des vices cachés alors que l’action intentée peu de temps après la vente laissait
supposer le caractère antérieur du vice à la vente 464 CA Paris, 8 septembre 1994, JurisData n°022425 465 CA Lyon, 16 juin 1994, JurisData n°046780 466 CA Angers, 14 septembre 1993, JurisData n°050766 467 CA Besançon, 11 décembre 2001, JurisData n°163117 468 CA Montpellier, 15 mai 2002, JurisData n°184778 469 CA Bordeaux, 20 mai 2003, JurisData n°222207 470 CA Montpellier, 13 novembre 2001, JurisData n°170885 471 Cass. 1èreciv., 27 octobre 1993, n°91-15.632 où la publicité annonce « propriétaire d’un trotteur. Pourquoi pas vous ? Un investissement plaisir qui vous permettra de courir et de gagner dans les prochaines semaines », d’où l’on déduit que l’acquéreur avait acquis un trotteur à l’entraînement et non une poulinière
- 96 -
CHAPITRE II
LES MODES CONTRACTUELS D’APPROPRIATION
PROPRES AU CHEVAL
149. L’acquisition de la propriété d’un cheval peut s’effectuer selon des modes
d’appropriation communs aux animaux472 mais la valeur pécuniaire de certains
chevaux de course ou de reproduction, cumulée au coût et aux aléas
inhérents à leur exploitation, excède fréquemment les moyens financiers du
simple particulier.
Par conséquent, est apparu un phénomène d’appropriation collective du
cheval par la contractualisation de pratiques singulières. Suivant ce
phénomène, un site Internet « propose un concept inédit qui invite l’amateur
de courses hippiques à devenir copropriétaires d’écuries de chevaux »473. Or,
ce nouveau concept d’engagement soulève nécessairement des questions
juridiques474, de surcroît en sachant que « le pari de la mutualisation des coûts
liés à une écurie de chevaux de course ne fait que débuter »475.
150. Cette appropriation collective du cheval répond à l’ambition de chacun des
propriétaires d’exploiter individuellement un animal qu’il eut été impossible
d’acquérir seul.
472 Cf. Partie I, Titre I, Chapitre I 473 Hérault Juridique et Economique, 10 septembre 2009, p.16 474 Légitimité de la pratique, critères d’accès à envisager sous l’angle du droit de la concurrence, situation des
participants à l’aune du droit fiscal et du droit des obligations voire des sociétés, qualification exacte de la
pratique et réglementation y afférente… 475 Hérault Juridique et Economique, 10 septembre 2009, p.16
- 97 -
A cet effet, la pratique équine a développé des formules contractuelles
organisant une mise en commun de moyens destinée à permettre l’acquisition
de la propriété d’un cheval.
Ainsi, outre la constitution d’une personne morale476, la pratique équine a
élaboré des contrats permettant une appropriation du cheval fondée sur la
réunion de capitaux -Section I- et fondée sur la conjonction d’un étalon et
d’une jument -Section II-.
SECTION I
L’APPROPRIATION DU CHEVAL FONDEE SUR LA REUNION DE CAPITAUX
151. La pratique équine a développé deux formules contractuelles d’appropriation
collective d’un cheval consistant en la mise en commun de capitaux.
Il s’agit pour les futurs propriétaires de l’animal de mettre en commun leurs
moyens financiers aux fins d’acquérir un étalon, c’est l’hypothèse du contrat
de syndication -§I-, ou un cheval de course, c’est l’hypothèse du contrat
d’association -§II-.
§I. LE CONTRAT DE SYNDICATION
152. La formalisation de la relation entre des éleveurs qui se regroupent pour
acquérir la propriété d’un étalon s’exprime au travers de la rédaction d’un
contrat dit de syndication.
476 Pour une étude générale du droit des sociétés et s’assurer de la possibilité de constituer une personne morale
en vue d’assurer la gestion d’une carrière sportive de l’animal par exemple, Cf. M.Cozian, A.Viandier,
F.Deboissy, Droit des sociétés, 18èmeédition, Litec, 2005
- 98 -
Le syndicat d’étalon se définit comme le groupement le plus souvent constitué
par des éleveurs équins qui se réunissent pour acheter en commun un étalon
de valeur dont ils se répartissent les saillies destinées à couvrir leurs
poulinières477.
Le contrat de syndication prévoit « qu’une partie des saillies est affectée au
paiement des frais ; d’autres sont réparties entre les membres au prorata de
leurs parts ; les saillies restantes sont vendues et le produit est distribué aux
co-indivisaires »478.
Si l’esprit du contrat est aisément perceptible, il faut évoquer la distinction de
la société et de l’indivision479, constitutives de deux figures juridiques
représentatives d’une même opération, l’appropriation collective d’un bien480,
pour résoudre la question de la qualification juridique de l’opération où des
éleveurs se partagent les saillies d’un étalon acquis collectivement481.
Si la Cour de cassation a décidé que le régime juridique de la société en
participation s’appliquait au contrat de syndication482 -I-, celui de l’indivision
conventionnelle demeure applicable -II-.
I- Le régime juridique de la société en participation appliqué
153. L’étalon est affecté à la jouissance exclusive de ses membres en ce sens
que le contrat de syndication demeure « à finalité interne, la vente de saillies
au public étant accessoire et aléatoire »483. Or, c’est en se fondant sur cette
opération ponctuelle que la Cour de cassation a considéré « qu’une telle
477 H.Aberkane, L’étalon, la société en participation et la convention d’indivision, Mélanges A.Breton et F.Derrida, D., 1991, p.11 478 F.Deboissy, note sous Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre, RTD com., 1998, p.710 479 C.Saint-Alary-Houin, Les critères distinctifs de la société et de l’indivision depuis les réformes récentes du Code civil, RTD com., 1979, p.645 480 P.Catala, L’indivision, Defrénois, 1969, art.31874 481 J-J.Daigre, L’étalon au prétoire ou des saillies comme critère de la société en participation, Bull. Joly, 1998, n°2, p.99 482 Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10.999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre 483 J-J.Daigre, L’étalon au prétoire ou des saillies comme critère de la société en participation, Bull. Joly 1998, n°2, p.99
- 99 -
affectation d’un bien indivis à une exploitation commune correspond à une
société en participation… »484.
Le contrat de syndication est donc soumis au régime juridique de la société en
participation.
154. En effet, lorsque la volonté d’acquisition en commun de l’étalon a pour
finalité la commercialisation de ses saillies et par conséquent, un usage
desdites saillies autre qu’à titre personnel, la qualification de société en
participation est légitime.
Le contrat de syndication n’a plus simplement vocation à organiser l’exercice
du droit de saillie entre les copropriétaires mais aménage aussi l’exploitation
de l’étalon en vue d’en tirer le meilleur parti. Or, « si les membres affectent le
bien indivis à une entreprise commune en vue de partager le bénéfice ou de
profiter de l’économie qui pourrait en résulter, le groupement s’apparente,
conformément à l’article 1832 du Code civil, à une société et non à une simple
indivision conventionnelle »485.
155. Le contrat de syndication pose un cadre à l’affectation de l’étalon à une
exploitation commune. Ainsi, les parties s’entendent sur l’entretien de l’étalon,
l’organisation des saillies, la vente des saillies supplémentaires, la publicité et
en général toutes opérations pouvant être utiles à l’exploitation de l’étalon.
Toutefois, comme dans toute société, il est indispensable que chaque associé
fasse un apport et le syndicat d’étalon ne déroge pas à cette règle puisque les
syndicataires conviennent d’apporter un bien indivis486, en l’occurrence l’étalon
acquis collectivement. Mais si cet étalon a été acquis collectivement, c’est
grâce à la réunion de moyens financiers que le contrat de syndication
matérialise.
156. Le contrat de syndication sous forme de société en participation peut être
conclu pour une durée déterminée comme indéterminée, au libre choix des
participants.
484 Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10.999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre 485 F.Deboissy, note sous Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre, RTD com., 1998, p.710 486 L’apport d’un bien indivis est admis par l’article 1872 al. 3 C. civ.
- 100 -
Toutefois, la société en participation à durée indéterminée487 ou à durée
illimitée488 peut être dissoute à tout moment sur simple notification d’un
associé adressée aux autres associés, à condition que cette notification soit
« de bonne foi et non faite à contretemps ».
En dehors des causes de dissolution communes, arrivée du terme, réalisation
ou extinction de l’objet, décision judiciaire pour de justes motifs, l’insertion
d’une clause relative aux modes et modalités de dissolution de la société est
utile.
Concernant l’étalon en indivision et par dérogation au principe selon lequel nul
n’est tenu de rester en indivision, aucun associé ne peut demander le partage
des biens indivis tant que la société n’est pas dissoute, sauf convention
contraire489. Cette disposition permet de pérenniser le syndicat d’étalon.
157. La société en participation est nécessairement administrée par un gérant
nommé par les associés et choisi parmi eux ou non. A défaut de régler
souverainement les conditions de révocation et de démission des dirigeants,
ce sont les règles des sociétés civiles qui s’appliquent490 au contrat de
syndication.
158. Les syndicataires ont droit à une répartition des bénéfices selon les
modalités convenues sous réserve de l’interdiction des clauses léonines491. En
l’absence de clause, et cette solution nous paraît légitime, les bénéfices sont
répartis proportionnellement aux apports492.
Parmi les éléments constitutifs du contrat de société se trouve l’obligation de
contribuer aux pertes493. Les participants doivent contribuer aux pertes selon
les mêmes règles que celles qui déterminent leurs droits aux bénéfices.
Par conséquent, la solution la plus courante retient que les associés sont
tenus des dettes de la société vis-à-vis des tiers proportionnellement à leur
nombre de parts. Néanmoins, chaque associé contracte en son nom
487 Art. 1872-2 al. 1 C. civ. 488 Cass. com., 15 février 1994, RJDA, 1994, n°542 489 Article 1872-2 al. 2 du C. civ. et pour une application : Cass. com., 1er octobre 1996, RJDA 1/97, n°68 490 Application de l’article 1851 du C. civ. par renvoi de l’article 1871-1 du même Code 491 Art. 1871 al. 2 C. civ. 492 Art. 1844-1 C. civ. 493 Cass. com., 15 juillet 1969, Bull. civ. IV, n°271
- 101 -
personnel et est donc seul engagé à l’égard des tiers494. Toutefois, le tiers
contractant peut se retourner contre les associés qui, par leur immixtion dans
l’opération d’où est née sa créance, lui ont laissé croire qu’ils entendaient
s’engager à son égard ou ont tiré profit de cette opération495.
159. La cession de part de l’étalon, entendu comme la cession ensemble d’une
part indivise et d’une part de la société en participation y afférente, doit être
constatée par écrit et notifiée aux autres associés selon les formes prévues à
l’article 1690 du Code civil. Sauf clause contraire, elle est subordonnée à
l’agrément de tous les associés496.
II- Le régime juridique de l’indivision conventionnelle applicable
160. Le contrat de syndication est certes une société en participation selon la
jurisprudence mais le régime juridique de l’indivision conventionnelle lui
convient également. En effet, « il est désormais admis, eu égard à l’objet de la
copropriété et dès lors qu’elle est constituée sous la forme de l’indivision au
sens des articles 1873-1 à 1873-15 du Code civil, que le caractère indivisaire
de l’exploitation n’est pas remis en cause du fait de la gestion en commun des
saillies supplémentaires ou de l’attribution de saillies gratuites, et ce quel que
soit leur nombre par rapport au nombre de saillies individuelles »497.
161. Si le principe de la convention d’indivision est prévu à l’article 815-1 du Code
civil, son régime relève des articles 1872-2 et suivants du même Code.
Les parties doivent également respecter les dispositions de l’arrêté du 14
mars 2001 relatif à la monte publique des étalons des espèces chevaline et
494 Art. 1872-1 al. 1 C. civ. 495 Art. 1872-1 al. 3 C. civ. 496 Art. 1861 C. civ. 497 BOI 4 A-10-03, n° 130 du 29 juillet 2003 portant aménagement des mesures prévues à l’instruction du 28 mai
1997
- 102 -
asine498 et, le cas échéant, de l’arrêté du 24 janvier 2008 relatif à
l’insémination artificielle dans les espèces équine et asine499.
Le contrat doit se conformer aux conditions particulières d’utilisation des
reproducteurs fixées par les règlements de stud-books ou registres concernés.
162. D’une manière générale, le syndicat a pour objet l’entretien de l’étalon,
l’organisation des saillies, la vente des saillies supplémentaires500 mais est-il
besoin de le rappeler alors que cela procède de l’organisation des saillies, la
publicité et en général toutes opérations pouvant être utiles à l’exercice du
droit de saillie.
Les références parfois portées dans de telles conventions à la vente de
saillies supplémentaires apparaissent inopportunes puisqu’elles procèdent de
l’organisation des saillies et sont de nature à induire le magistrat en erreur
quant à l’intention réelle des parties.
De même, une stipulation relative à l’exploitation de l’étalon conduit à
envisager l’idée que la convention excède le simple cadre de l’organisation du
droit de saillie, susceptible de justifier une requalification en société en
participation. En effet, dans la plupart des cas l’exploitation de l’animal ne
s’effectue qu’à titre personnel pour chacun des indivisaires. Sauf à le dire
expressément, il est donc inutile de parler d’exploitation alors que le contrat de
syndication a bien pour fonction principale l’organisation de l’exercice du droit
de saillie entre les copropriétaires.
163. L’indication des quotes-parts appartenant à chaque indivisaire est
essentielle sous peine de nullité de la convention501. Le contrat de syndication
stipule ainsi que la propriété de l’étalon est divisée en un certain nombre de
parts égales502 ouvrant droit à l’exercice du droit de saillie selon les conditions
stipulées. La clause mentionne fréquemment l’indivisibilité des parts, leur
caractère nominatif et leur numérotation. Ainsi, un registre tenu par le gérant
498 Arrêté du 14 mars 2001 relatif à la monte publique des étalons des espèces chevaline et asine, JORF n°69 du 22 mars 2001, modifié par un arrêté du 6 juin 2003, JORF n°141 du 20 juin 2003, p.10360 499 Arrêté du 24 janvier 2008 relatif à l’insémination artificielle dans les espèces équine et asine, JORF n°71, p.5062 500 Dites saillies bonus 501 Art. 1873-2 al. 2 C. civ. 502 Le nombre de parts variant entre 40 et 80
- 103 -
indique le nom, l’adresse et le nombre de parts de chaque copropriétaire ainsi
que leur date d’acquisition. Il n’est pas exclu en règle générale qu’un
syndicataire détienne plusieurs parts.
Fréquemment, une liste des syndicataires avec les numéros et le nombre de
parts est annexée à la convention, datée et attestée conforme par le gérant
qui pourra la délivrer, sur demande, à chaque syndicataire.
164. Le contrat de syndication comporte toujours une clause relative aux saillies
individuelles et une autre relative à celles mises en commun.
Au titre des saillies individuelles, les parties sont libres d’aménager comme
elle le désire la création de droits à saillie au profit de chacun d’entre eux. Le
plus souvent, le nombre de saillies individuelles octroyées à chacun est
proportionnel au nombre de parts possédés.
Au demeurant, ces saillies individuelles peuvent faire l’objet d’une gestion
collective, dîtes gestion en pool, sans que soit remis en cause le caractère
indivisaire de l’organisation503.
165. Il peut également être prévu, sous l’éventualité d’une augmentation des
saillies, une répartition de saillies dites bonus. Soit ces saillies bonus sont
affectées par tirage au sort et toute part en bénéficiant ne participe plus aux
tirages au sort ultérieurs éventuels jusqu’à ce que toutes les parts aient été
désignées. Soit ces saillies bonus sont prévues tous les deux, trois ou quatre
ans et un règlement établi par le gérant doit alors indiquer pour chaque
porteur de part les années où il obtient un droit à saillie supplémentaire.
Les saillies bonus peuvent être attribuées périodiquement ou seulement
lorsque les circonstances sont jugées favorables par le gérant.
Le gérant peut être mandaté pour le compte du syndicat à la vente de ces
saillies dites bonus, à charge d’en répartir le produit de la vente entre tous les
syndicataires proportionnellement à leur nombre de parts.
503 BOI 4 A-10-03, n° 130 du 29 juillet 2003 portant aménagement des mesures prévues à l’instruction du 28 mai
1997
- 104 -
166. Des saillies gratuites seront également prévues et destinées à rémunérer les
personnes physiques ou morales qui supportent les frais d’entretien de
l’étalon.
En l’état actuel du droit positif, « il est désormais admis, eu égard à l’objet de
la copropriété et dès lors qu’elle est constituée sous la forme de l’indivision au
sens des articles 1873-1 à 1873-15 du Code civil, que le caractère indivisaire
de l’exploitation n’est pas remis en cause du fait de la gestion en commun des
saillies supplémentaires ou de l’attribution de saillies gratuites, et ce quel que
soit leur nombre par rapport au nombre de saillies individuelles »504.
Concrètement, cela signifie que les seuils imposés par l’instruction du 28 mai
1997505 ont disparu et que la discussion est recentrée autour de l’objet du
contrat de syndication.
C’est donc bien selon la volonté des parties, matérialisée par le contrat, que
l’on distinguera l’indivision, moyen de répartition des droits à saillie en vue
d’un usage principal à titre personnel, de la société en participation, moyen
d’exploitation en commun de l’étalon en vue de la commercialisation des droits
à saillie.
En outre, les parties sont libres dans la répartition des droits à saillies et
peuvent ainsi prévoir l’attribution d’une saillie gratuite à un organisme
professionnel, à une association…
167. En général, il est reconnu à chacun des indivisaires la possibilité de céder
son droit à saillie. La cession du droit à saillie ainsi autorisée ne remet pas en
cause la co-titularité du droit de saillie. En effet, l’indivisaire concerné en
demeure co-titulaire. Toutefois, la cession répétitive du droit à saillie par les
indivisaires est de nature à remettre en cause le caractère personnel de
l’organisation et peut être l’indice de la constitution d’une société en
participation.
168. Le contrat de syndication peut être conclu pour une durée déterminée
comme indéterminée. En effet, « en se plaçant sur le terrain de l’indivision
504 BOI 4 A-10-03, n° 130 du 29 juillet 2003 portant aménagement des mesures prévues à l’instruction du 28 mai
1997 505 Instr. 28 mai 1997, BOI 4 A-11-97 ; Dr. Fisc. 1997, n°26, p.11826
- 105 -
conventionnelle, les indivisaires ont la faculté de décider de maintenir leur
groupement pour une durée déterminée ou pour une durée indéterminée »506.
Mais « la convention ne saurait excéder cinq ans… la limitation à cinq ans doit
s’appliquer que le terme retenu soit certain ou incertain »507. Cependant, les
parties sont libres de prévoir que la convention se renouvellera par tacite
reconduction soit pour une nouvelle durée déterminée au plus égale à cinq
ans, soit pour une durée indéterminée508.
A défaut, le contrat de syndication cesse au terme convenu et ce sont alors
les règles de l’indivision légale qui ont vocation à s’appliquer509.
Guillaume Wicker et Florence Deboissy indiquent ainsi que « pour un syndicat
d’étalon, il n’est pas possible de prévoir utilement un terme incertain
correspondant à la durée d’exploitation de l’étalon indivis : si cette durée
s’avère supérieure à cinq ans, cette stipulation n’est pas nulle mais réduite à
cinq ans. Au-delà de cette période, la convention est donc expirée et
l’indivision soumise au régime légal. Mais le risque est encore que
l’administration fiscale ou le juge, interprétant le contrat dans le sens qui valide
le terme incertain, considèrent que les parties ont entendu constituer une
société »510.
169. Lorsque la convention est conclue pour une durée déterminée, « le partage
de l’indivision ne peut être provoqué avant le terme convenu qu’autant qu’il y
en a de justes motifs »511.
Lorsque la convention est conclue pour une durée indéterminée, « le partage
peut être provoqué à tout moment par un indivisaire pourvu que ce ne soit pas
de mauvaise foi ou à contretemps »512. Cette disposition impérative, « dont
l’objet est de faire obstacle à une demande malicieuse ou économiquement
inopportune, interdit toute stipulation visant à réduire davantage le droit au
506 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 507 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 508 Art. 1873-3 al. 3 C. civ. 509 Art. 1873-3 al. 3 C. civ. 510 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 511 Art. 1873-3 al. 1 C. civ. 512 Art. 1873-3 al. 2 C. civ.
- 106 -
partage de chacun des indivisaires »513. Mais en présence d’une telle
stipulation, « seraient là encourues la nullité de celle-ci ou la requalification du
groupement en société »514.
170. L’indivision est nécessairement administrée par un gérant, voire par un
comité, qu’il soit personne physique ou personne morale.
Il appartient aux indivisaires de nommer un ou plusieurs gérants, choisis parmi
eux ou non, et de fixer à l’unanimité les modalités de leur désignation515.
Le gérant doit représenter les indivisaires, dans la mesure de ses pouvoirs,
soit pour les actes de la vie civile, soit en justice516 et a le pouvoir
d’administrer seul les biens indivis517.
Toutefois, de nombreuses limitations sont apportées à ses pouvoirs et toute
clause qui confèrerait au gérant des pouvoirs plus étendus est réputée non
écrite518. Au demeurant, une telle stipulation peut également conduire le
magistrat à requalifier le contrat.
En sens inverse, rien n’empêche les indivisaires de limiter les pouvoirs du
gérant. Les pouvoirs du gérant s’étendent nécessairement à tout ce qui est
utile à l’organisation et l’exercice en collectivité du droit de saillie. Ainsi, le
gérant surveille la monte, établit et signe les cartes de saillie ; décide du
nombre et du prix de vente des saillies supplémentaires ; décide de
l’attribution des saillies bonus ; décide de la réduction du nombre de saillies et
de la vente en France de saillies au cours de la période de monte dans
l’hémisphère sud ; provoque une décision collective chaque fois qu’une offre
d’achat de l’étalon est formulée ; intervient dans les cessions de parts selon
les conditions stipulées ; tient la comptabilité et paie et encaisse toutes
sommes pour le compte du syndicat.
513 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 514 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 515 Art. 1873-5 al. 1 C. civ. 516 Art. 1873-6 al. 1 C. civ. 517 Art. 1873-6 al. 2 C. civ. et sur renvoi art. 1421 al. 1 C. civ. 518 Art. 1873-6 al. 2 C. civ.
- 107 -
171. En principe, les indivisaires prennent leur décision à l’unanimité519 sauf
stipulation contraire prévoyant que certaines décisions seront prises à la
majorité520. Ainsi, les parties sont libres d’aménager les modalités du vote
pour les questions relatives à la révocation du gérant et à la nomination de
son successeur, la modification de la convention …
Même si cette stipulation rapproche la convention d’indivision du modèle
sociétaire, elle reste conforme aux prévisions de la loi puisque l’article 1873-8
alinéa 3 du Code civil prévoit l’unanimité uniquement pour l’aliénation des
immeubles indivis.
Si « la règle majoritaire ne saurait donc être adoptée sans qu’il en résulte une
requalification du groupement en société. En revanche, sous réserve qu’il n’y
ait pas d’incapables, les parties à une convention d’indivision peuvent
valablement décider de soumettre au jeu de la majorité les décisions qui
excèdent les pouvoirs du gérant, à l’exclusion cependant des actes portant
aliénation d’un immeuble indivis »521.
L’acceptation d’une proposition d’achat de l’étalon, en tant que bien meuble,
est une décision qui peut être décidée à la majorité des indivisaires. En effet,
« le gérant n’ayant pas compétence pour disposer de l’étalon dont la vente ne
correspond pas aux besoins d’une exploitation normale, il peut être convenu
que cet acte, relatif à un meuble indivis, pourra être décidé à la majorité,
simple ou renforcée, des indivisaires »522.
172. Le gérant est tenu de rendre des comptes aux autres copropriétaires sous
peine d’engager sa responsabilité523.
Une clause peut utilement en prévoir les modalités, notamment s’agissant du
délai dans lequel le gérant doit s’acquitter de cette obligation.
Généralement, il est prévu que le gérant adresse chaque année, et au plus
tard le 31 janvier, la liste des syndicataires, avec indication du nombre de
parts possédées ; un compte-rendu technique de la saison de monte ; un 519 Art. 1873-8 al. 1 C. civ. 520 Art. 1873-8 al. 3 C. civ. 521 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 522 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 523 CA Lyon, 3 mai 2001, Bull. IDE, n°23 : le gérant manque à ses obligations en ne permettant pas au copropriétaire d’envisager d’autres modalités d’entretien ni d’accepter ou de refuser la vente des chevaux
- 108 -
compte-rendu d’attribution des saillies bonus ; un état détaillé des ventes de
saillies supplémentaires et des frais, avec indication du montant à encaisser
ou à payer pour chaque syndicataire.
173. Pour les cessions de parts indivises, les règles prévues pour l’indivision
légale sont applicables par renvoi à l’indivision conventionnelle524.
Un indivisaire est libre de céder ses droits indivis à un tiers à titre onéreux,
mais il est tenu d’en informer ses co-indivisaires qui bénéficient alors d’un droit
de préemption. En effet, le contrat de syndication doit nécessairement
comporter « un droit de préemption des indivisaires en cas de cession des
droits de l’un d’entre eux à un tiers » sous peine de requalification525.
Ainsi, « dans les limites de la qualification d’indivision, les indivisaires ne
peuvent convenir de supprimer le droit de préemption ou de rendre son
exercice plus difficile ; de même, à l’inverse, il doit leur être interdit de
compléter ce droit par une clause d’agrément afin d’atteindre les opérations -
cession à titre gratuit, dation en paiement, échange et apport en société -, qui
échappent à son empire »526.
174. L’hypothèse de la réduction du nombre de saillies est à prévoir puisqu’il
arrive malheureusement qu’un accident, une maladie, voire une simple fatigue
passagère rendent plus difficile la saillie des poulinières. C’est pourquoi une
clause du contrat de syndication peut lister les causes justifiant une réduction
du nombre de saillies et leur conséquence. Ainsi, il est fréquemment stipulé
que pour les raisons sus exposées, la réduction du nombre de saillies sera
opérée sur les parts désignées par tirage au sort et toute part qui, au cours
d’une saison, aura souffert d’une telle mesure, ne sera plus soumise à ce
procédé les saisons à venir jusqu’à ce que toutes les parts aient subi le même
sort. Un ordre de priorité peut être défini, la réduction du nombre de saillies
s’opérant d’abord sur les saillies bonus.
524 Art. 1873-12 al. 1 C. civ. 525 BOI 4 A-10-03, n° 130 du 29 juillet 2003, Pt. 4, portant aménagement des mesures prévues à l’instruction du
28 mai 1997 526 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s.
- 109 -
§II- LE CONTRAT D’ASSOCIATION
175. Plusieurs personnes peuvent acquérir ensemble un cheval de course et
formaliser leur relation au travers d’un contrat dit d’association qui aura pour
vocation d’organiser les rapports entre les propriétaires quant à l’exploitation
de la carrière sportive de l’animal, parfois concédée à un tiers. En effet, « la
spécialisation et la professionnalisation des activités, la recherche de
l’efficacité et même de la performance, le besoin de capitaux, la fiscalité, sont
autant de facteurs qui poussent à la séparation entre la propriété et
l’exploitation, en particulier dans le cas de chevaux de compétition, de courses
ou de concours »527.
Sans la formalisation de cette mise en commun de moyens financiers par le
contrat d’association, l’appropriation du cheval en vue de son exploitation
serait impossible.
176. La doctrine soumet le contrat par lequel plusieurs copropriétaires déclarés
organisent leur rapport commun quant à l’exploitation totale ou partielle de la
carrière d’un cheval aux règles de l’indivision conventionnelle.
Dans le monde des courses, l’organisation juridique des rapports entre le
propriétaire au sens des Codes des courses, c’est à dire la personne agréée
pour faire courir sous ses couleurs, et l’entraîneur, s’effectue dans un cadre
largement défini par lesdits codes, le statut de l’entraîneur ainsi que les
usages.
Au contraire, dans le monde du concours, la liberté de la convention demeure
entière.
177. Pour les chevaux de course, les conditions de fonctionnement du contrat
d’association sont précisées par les codes des courses de chaque spécialité.
Les associations dont il s’agit en l’espèce ne s’entendent pas des associations
régies par la loi du 1er juillet 1901. En effet, le contrat d’association est défini
comme le contrat par lequel plusieurs copropriétaires déclarés mettent en
527 P.Lévêque, Le Cheval, Contrats et Responsabilités, Institut Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.52
- 110 -
commun l’exploitation totale ou partielle de la carrière de l’animal, leur réunion
ne constituant entre eux qu’une indivision temporaire528.
L’administration fiscale considère également que les associations de carrière
de course, structures ne disposant pas de la personnalité juridique et régies
par le Code des courses, constituent une indivision conventionnelle529.
L’organisation de la propriété collective d’un ou plusieurs chevaux, dans un
cadre dépourvu de la personnalité morale, peut en effet se rattacher à deux
types de contrats530.
178. Par référence à l’article 1832 du Code civil relatif aux dispositions générales
concernant la société, et aux articles 1871 à 1873 du Code civil relatifs à la
société en participation, il semble possible de rattacher le contrat d’association
au régime des sociétés, et plus particulièrement de la société en participation
dépourvue de la personnalité morale. Selon les dispositions du Code civil, « la
société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un
contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en
vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en
résulter »531.
Le groupement de propriétaires dans le cadre d’un contrat d’association révèle
bien un but commun, l’acquisition du cheval de compétition en vue de son
exploitation, témoignant de l’affectio societatis qui unit les associés, lesquels
ont effectué un apport de biens en vue d’en tirer un bénéfice ou, à tout le
moins, pour profiter d’économies même si le résultat est aléatoire. Les
caractères de la société en participation existent indéniablement dans le
contrat d’association.
Cependant, le contrat d’association s’analyse plus volontiers en une indivision
conventionnelle.
179. La convention d’association exige tout d’abord une déclaration écrite et
signée mentionnant les noms et adresses de chacune des personnes
détenant une part de propriété du ou des chevaux objets de l’association, ainsi
528 Art. 3. §XXXIII du Code des courses au trot 529 Instruction fiscale du 28 octobre 2002, BOI 5 G-12-02 530 La société en participation ou l’indivision 531 Art. 1832 al. 1 C. civ.
- 111 -
que la proportion relative de cette part, étant entendu que le dirigeant de
l’association doit posséder au moins vingt pour cent de la propriété du cheval.
Les associés dont le nombre ne peut excéder six doivent tous être
personnellement agréés par les commissaires de la Société d’encouragement
à l’élevage du cheval français.
La déclaration doit en outre mentionner le nom de la personne à qui est
attribué le pouvoir de faire courir l’animal sous son nom, de souscrire les
engagements et d’être créditée des sommes gagnées sur le compte dont elle
est titulaire et dont elle seule reçoit communication, ainsi que toutes les
stipulations imposées par la loi.
180. Le contrat d’association doit contenir des stipulations relatives à la répartition
en pourcentage entre les associés des sommes gagnées par le cheval et des
sommes dues, la désignation précise de l’animal ainsi que les autres
conditions financières532.
Le contrat d’association doit encore stipuler le nom de l’entraîneur, les
engagements éventuellement cédés à l’association, les modalités de
participation du cheval aux courses à réclamer et aux courses d’obstacles
ainsi que la désignation de l’associé dirigeant et le nombre de mandats
nécessaires pour qu’il soit autorisé à modifier le contrat d’association
concernant l’administration de l’animal.
181. La durée du contrat doit être fixée soit pour une durée déterminée sans
résiliation envisageable avant la date d’expiration à l’initiative des associés
non dirigeants, soit pour un nombre déterminé d’années civiles renouvelables
par tacite reconduction sauf dénonciation de l’un des associés sous respect
d’un préavis avant la date d’échéance, soit pour une durée indéterminée
correspondant à la carrière de course de l’animal.
Mais quelle que soit sa durée, le contrat d’association peut être résilié à tout
moment par une déclaration de résiliation signée par l’associé dirigeant sous
sa seule responsabilité et attestant de l’accord de tous les associés ; à défaut
532 Répartition des frais d’entraînement, des frais vétérinaires, des frais d’assurance…
- 112 -
de justifier de cet accord, il est passible des sanctions prévues au Code des
courses pouvant aller jusqu’au retrait des couleurs.
182. A propos de la rédaction du contrat d’association, il est essentiel de
souligner le caractère impératif de certaines règles prévues par les Codes des
courses.
A ce titre, les associés sont solidairement responsables du paiement des
entrées, forfaits et autres sommes, dû en vertu des dispositions du Code des
courses. La carrière du cheval ne peut que souffrir de l’absence de paiement
des frais et sommes dues. En effet, l’animal et les associés peuvent être
amenés à être inscrits sur la liste des oppositions lorsque certaines sommes
dues n’ont pas été payées533. L’inscription d’une personne physique ou morale
sur la liste des oppositions est maintenue jusqu’à complète libération de la
dette entre les mains du directeur général de la Société d’Encouragement du
Cheval Français.
Aussi longtemps qu’une personne figure sur la liste des oppositions, elle ne
peut engager, faire courir, entraîner, ni ne monter aucun cheval dans aucune
course publique. De même, aussi longtemps que le nom de l’animal figure sur
la liste, celui-ci ne peut être entraîné, ni courir en France comme à l’étranger.
183. Dans l’hypothèse où l’un des associés désire se retirer de l’association, la
solution consiste alors à racheter sa part, à lui trouver un remplaçant, voire à
vendre l’équidé dans une course à réclamer ou dans une vente aux enchères.
Ainsi souligné, le contrat d’association constitue bien une indivision
conventionnelle obéissant en sus aux dispositions des Codes des courses.
533 Art. 53 du Code des courses
- 113 -
SECTION II
L’APPROPRIATION DU CHEVAL FONDEE SUR LA CONJONCTION
D’UN ETALON ET D’UNE JUMENT
184. Pratiquée essentiellement par les éleveurs de pur-sang, l’association avec le
propriétaire d’une poulinière en vue de l’appropriation du produit à naître
consiste à faire s’accoupler l’étalon et la jument.
En effet, le propriétaire de l’étalon va mettre l’animal à disposition de son
partenaire en vue de la saillie de sa poulinière. C’est ainsi que les parties vont
formaliser leur relation en vue de l’exploitation du produit à naître par un
contrat dit de « foal-sharing »534 -§I- ou en vue de la revente de la poulinière
pleine par un contrat dit de « mare-sharing »535 -§II-.
§I. LE CONTRAT DE « FOAL-SHARING »
185. Le contrat de « foal-sharing » est « un contrat qui associe d’une part le
propriétaire d’une jument poulinière, d’autre part le titulaire d’une saillie »536.
La saillie ainsi réalisée au profit du propriétaire de la jument ne trouve pas sa
contrepartie dans le paiement d’un prix mais dans la volonté des parties de
devenir copropriétaire du produit à naître.
Ainsi, l’objectif vers lequel tend le propriétaire de l’étalon correspond au
souhait d’obtenir ultérieurement une partie des bénéfices tirés de l’exploitation
du produit à naître et le propriétaire de la poulinière profite de la saillie
effectuée par un étalon de qualité sans contrepartie financière immédiate.
534 Expression anglo-saxonne signifiant « poulain partagé » 535 Expression anglo-saxonne signifiant « jument partagé » 536 M-D.Fishelson, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.16
- 114 -
En définitive, on est en présence d’un partenariat au sein duquel le titulaire du
droit de saillie ne fait pas payer ladite saillie mais obtient en contrepartie de
son engagement la qualité de copropriétaire du produit à naître ainsi que des
droits sur les bénéfices éventuels tirés de son exploitation.
186. La formalisation de la relation au travers d’un contrat dit de « foal-sharing »
dépasse le cadre circonscrit de l’organisation de la propriété du produit à
naître en encadrant les rapports entre les parties relatifs à l’exploitation
ultérieure de l’animal. En tant que telle, la dissociation entre la propriété de
l’animal et son exploitation se matérialise par l’intermédiaire de la notion de
naisseur. Le naisseur est la personne qui va bénéficier des primes, calculées
en fonction des gains en courses, auxquelles les performances du poulain
donnent droit.
187. A l’origine, le naisseur était « le propriétaire de la poulinière, mère du produit
au moment de la mise bas, le naisseur est enregistré au vu d’une déclaration
faite sur l’honneur »537 et « en cas de copropriété, le nom et la part des
naisseurs sont indiqués sur la déclaration sans toutefois qu’il soit possible d’en
enregistrer plus de quatre »538.
Désormais, « sauf convention contraire, le naisseur est le propriétaire de la
poulinière, mère du produit au moment de la mise bas »539. Autrement dit, le
caractère supplétif de ces dispositions permet aux parties d’être naisseur de
tout ou partie d’un produit, sans pour autant être propriétaire de la poulinière,
mère du produit au moment de la mise bas.
188. En général, les propriétaires respectifs des deux animaux conviennent qu’ils
sont copropriétaires et co-éleveurs du produit à naître et enregistrent leur
déclaration comme telle auprès du SIRE540.
Néanmoins, nulle obligation ne les contraint à procéder à une répartition des
parts par moitié et le droit de propriété sur la poulinière comme sur le poulain
537 Art. 12 de l’arrêté du 26 juillet 1976 publié au JO du 24 août 1976, p.5073 538 Art. 12 de l’arrêté du 26 juillet 1976 publié au JO du 24 août 1976, p.5073 539 Arrêté du 21 avril 1988 publié au JO du 5 mai 1988, p.6189 portant modification de l’article 12 de l’arrêté du
26 juillet 1976 540 Système d’Information Relatif aux Equidés
- 115 -
à naître est sans incidence sur la qualité de naisseur. Ainsi, des personnes qui
ne sont pas copropriétaires du poulain peuvent néanmoins être déclarées co-
naisseur541.
Parfois, en raison des prescriptions existantes au cas d’espèce, une partie
peut être déclarée co-naisseur malgré l’absence de contrat542.
Nous constatons que le propriétaire de l’étalon recherche essentiellement la
qualité de naisseur en contrepartie de la gratuité d’un droit à saillie qu’il
confère à son partenaire. Pour la doctrine contemporaine, cette association
pose des difficultés de qualification543.
189. Pour autant, le cœur de la relation réside dans la reproduction d’une jument
par un étalon déterminé ; le propriétaire du mâle apporte la saillie et celui de la
femelle permet la gestation en vue de la naissance du poulain. Or, le critère
de détermination d’une société s’exprime par une « volonté d’affectation de
biens à l’entreprise commune »544, l’affectio societatis demeurant la condition
d’existence d’une société545. En effet, « la société est instituée par deux ou
plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise
commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de
profiter de l’économie qui pourra en résulter »546.
Le plus souvent, le contrat de « foal-sharing » organise la future exploitation
en commun du poulain détenu en copropriété en procédant au partage
préalable des droits sur les bénéfices éventuels tirés de son exploitation. Or, il
est acquis que « l’affectation d’un bien indivis à une exploitation commune
correspond à une société en participation … »547. En effet, « si les membres
affectent le bien indivis à une entreprise commune en vue de partager le
541 CA Angers, 29 septembre 1990, Hallope c/ Vacher 542 TGI Rennes, 26 août 1996 : « le poulain est un fruit devant accroître le patrimoine du propriétaire de la jument mère qui peut passer toute convention relative au démembrement de la qualité de naisseur » 543 M-D.Fishelson, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.16 qui hésite entre la qualification en association ou en société en participation ; M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, p.110 et s. qui hésiterait avec la société en participation mais ferait de l’indivision conventionnelle le principe 544 C.Saint-Alary-Houin, Les critères distinctifs de la société et de l’indivision depuis les réformes récentes du Code civil, RTD com., 1979, p.645 545 C.Saint-Alary-Houin, Les critères distinctifs de la société et de l’indivision depuis les réformes récentes du Code civil, RTD com., 1979, p.645 546 Art. 1832 al. 1 C. civ. 547 Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10.999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre
- 116 -
bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourrait en résulter, le groupement
s’apparente, conformément à l’article 1832 du Code civil, à une société »548.
190. Dans cette optique, les parties procèdent respectivement à des apports au
moment de la formation du contrat de société et prévoient leur qualité de
copropriétaire du produit à naître. A l’examen des notions voisines, on
constate que la particularité de cette relation engendre nécessairement la
qualification, pour le contrat de « foal-sharing », de société en participation.
C’est d’ailleurs en ce sens que Patrick De Watrigant précise que « l’on parle
encore d’association alors qu’il s’agit également plutôt d’une société en
participation où les associés apportent pour une durée limitée, chacun un
élément de valeur très variable »549.
191. Le contrat de « foal-sharing » n’est pas un contrat de coopération puisque
celui-ci requiert la promesse de coopérer avec la rédaction des diverses
modalités de mise en œuvre de cette promesse, et notamment une structure
ad hoc de prise de décisions concertées. Or, à la lecture attentive du contrat
de foal-sharing, nous constatons que le rôle du titulaire du droit de saillie se
limite à l’apport de la saillie, de sorte qu’il n’existe pas une véritable
coopération.
192. Le contrat de « foal-sharing » n’est pas non plus un contrat de collaboration
qui envisage le rapprochement des parties pour faire avancer un projet
commun sans toutefois obligation de réaliser celui-ci550. En effet, il n’existe
pas à proprement parler de projet commun mais uniquement la volonté du
propriétaire de la poulinière d’obtenir la saillie d’un étalon de qualité et celle de
son cocontractant de recevoir des droits sur les bénéfices éventuels tirés de
l’exploitation de l’équidé.
193. Le contrat de « foal-sharing » n’est enfin pas un contrat d’association dans la
mesure où l’association est définie comme un contrat par lequel deux ou
548 F.Deboissy, note sous Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre, RTD com., 1998, p.710 549 P.De Watrigant, Le cheval de course, Thèse Bordeaux, 1975 550 CA Paris, 15 février 2006, JCP G, 2006, p.1869
- 117 -
plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs
connaissances ou leur activité mais dans un but autre que de partager un
bénéfice551. Or, en l’espèce, le contrat a pour but de procéder au partage
préalable des droits sur les bénéfices éventuels tirés de l’exploitation du
poulain dont les parties sont copropriétaires. Par conséquent, même si
l’animal n’atteint jamais un niveau susceptible de générer des gains, force est
de constater que le contrat est emprunt de cette volonté de répartir au
préalable le bénéfice éventuel selon les modalités stipulées, excluant de ce
seul fait la qualification en contrat d’association.
§II. LE CONTRAT DE « MARE-SHARING »
194. Le contrat de « mare-sharing » est similaire au contrat de « foal-sharing »,
exception faites du but que les parties se proposent d’atteindre.
En effet, le contrat de « mare-sharing » a pour objectif la vente de la poulinière
pleine et non le partage des bénéfices éventuels tirés de l’exploitation du
produit à naître.
Cependant, l’idée de la conjonction d’un étalon et d’une jument est identique
puisque le propriétaire de l’étalon fait saillir gratuitement la poulinière de son
cocontractant. On est ainsi en présence d’un partenariat au sein duquel le
titulaire du droit de saillie ne fait pas payer ladite saillie mais obtient en
contrepartie de son engagement une partie du prix de vente de la poulinière
pleine.
195. Il s’agit d’une déclinaison singulière du contrat de « foal-sharing » où le
partage n’est plus celui du poulain mais celui de la jument. Le droit de
propriété de la poulinière n’est toutefois pas affecté par l’opération, au
contraire de celui du poulain dans le cadre du contrat de « foal-sharing ».
Néanmoins, le propriétaire de l’étalon bénéficie de droits sur la vente
ultérieure de la poulinière pleine. C’est donc une formule contractuelle
551 Art. 1er de la loi du 1er juillet 1901
- 118 -
singulière où le propriétaire de la jument devient propriétaire d’une poulinière
pleine grâce à la saillie d’un étalon dont le propriétaire bénéficie de droits sur
la vente de l’animal en gestation. Il s’agit donc bien d’un mode d’appropriation
singulier même si la poulinière pleine a vocation à être vendu rapidement.
Pour les mêmes raisons que le contrat de « foal-sharing »552, à savoir une
« volonté d’affectation de biens à l’entreprise commune »553, le contrat de
« mare-sharing » est une société en participation.
552 Cf. Pts.189 - 190 553 C.Saint-Alary-Houin, Les critères distinctifs de la société et de l’indivision depuis les réformes récentes du Code civil, RTD com., 1979, p.645
- 119 -
CONCLUSION
Le droit légitime et régit les pratiques d’appropriation du cheval par l’homme,
qu’il s’agisse de pratiques communes aux animaux ou propres au cheval.
Ainsi, la préhension initiale de l’animal est légitimée par la notion juridique
d’occupation et l’occupation habituelle devient un moyen de conservation de la
propriété par le jeu de la possession.
La propriété du croît de l’animal est soumise au droit d’accession, lequel permet
de déterminer le fondement de la maîtrise humaine de l’activité de reproduction
équine.
Le développement du commerce et la naissance corrélative des opérations de
transfert de propriété du cheval conduisent à l’application du droit commun de
la vente. Mais parce qu’il est appliqué à un cheval dont la nature diffère des
choses inanimées à propos desquelles le droit commun de la vente a été établi,
nous nous sommes interrogé sur la pertinence de cette construction juridique.
Confrontée à l’évolution imprévisible de l’animal, la théorie des vices du
consentement trouve cependant avec le cheval un terrain d’application
favorable. La nature vivante de l’animal met en exergue le caractère inadapté
de la garantie de conformité et justifie une dérogation à la garantie des vices
cachés. C’est ainsi que les vices affectant le cheval relèvent d’un régime
dérogatoire, celui des vices rédhibitoires. Au demeurant, le régime semble
critiquable, non dans l’esprit du texte, mais en raison des difficultés
d’application qu’il suscite malgré les efforts de simplification entrepris par la
jurisprudence tenant la possible application de la garantie des vices cachés du
Code civil en présence d’une convention contraire.
Malgré cette critique du maintien de la garantie des vices rédhibitoires, et le
caractère inadapté de la garantie de conformité, le droit commun de la vente est
d’une application satisfaisante au cheval. Ainsi, la visite vétérinaire d’achat est
logiquement analysée en une condition suspensive, la vérification préalable des
aptitudes de l’animal en un essai, le nécessaire transfert corrélatif des
documents du cheval est confié à la théorie de la délivrance de l’accessoire…
- 120 -
Faisant face à des modes contractuels singuliers d’appropriation du cheval, le
juriste a puisé au sein des outils à sa disposition, droit des sociétés, indivision
conventionnelle ou encore société en participation.
En définitive, l’analyse du régime juridique de l’appropriation du cheval met en
exergue la soumission du cheval au droit commun.
- 122 -
196. L’exploitation du cheval par l’homme constitue le prolongement naturel de
son appropriation primitive554.
Dès avant notre ère, la civilisation mycénienne555 connaît l’élevage ovin556, et
chevaux et bovins subissent le même type d’exploitation en Epire, Béotie,
Messénie et Eubée557.
De nos jours encore, « le constat de la diversité de leurs utilisations
s’accompagne de l’observation, toujours renouvelée, de leur importance
socio-économique »558. En effet, « on ne saurait ignorer le poids de l’élevage
dans l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire françaises »559 et « si les
activités de traction animale, importantes au XVIII et XIX siècles, ne drainent
plus guère de fonds, les activités d’élevage ou de soins, de dressage et de
vente d’animaux de compagnie sont florissantes »560.
Or, « du cheval omniprésent dans la vie quotidienne, civile et militaire, au
cheval de loisir, pour le sport ou le jeu, du gentleman-rider ou des habits
rouges au jockey professionnel ou au cavalier sponsorisé »561, l’importance du
monde équin est manifeste.
Dès lors, la question du fondement et des origines de cette exploitation se
pose.
197. Favorisée par la théorie de l’animal machine562 qui constitue une hypothèse
éthologique issue du mouvement mécaniste créé par René Descartes et
fortement contesté dès cette époque par Pierre Gassendi563, l’animal est
554 Sur la condition des équidés au cours de l’histoire, Cf. T.Poulain-Josien, Les animaux domestiques et sauvages en France du néolithique au gallo-romain : étude d'ethnozoologie à partir de vestiges osseux. Equidés, suidés, ovidés, Institut d'ethnologie, 1972 555 La civilisation mycénienne est une civilisation égéenne de l’Helladique récent, fin de l'âge du bronze, de 1550
à 1100 avant Jésus-Christ environ, s'étendant progressivement à partir du sud de la Grèce continentale sur le monde égéen dans son ensemble 556 R.Treuil, P.Darcque, J-C.Poursat et G.Touchais, Les civilisations égéennes du Néolithique et de l'âge du bronze, PUF, 2008, p.23 557 B.Gille, Histoire des techniques, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1978, p.287 - 291 558 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.25 559 F.Burgat, L’animal dans les pratiques de consommation, PUF, 1995, n°374, p.96 560 F.Chouvel, Les nouvelles règles en matière de commerce et d’hébergement des animaux de compagnie, Rev. Dr. Rur., 1994, n°225, p.345 ; J-P.Digard, Les français et leurs animaux, Ethnologie d’un phénomène de société, Fayard, Hachette Littérature, 1999, p.21-37 561 P.Lévêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.51 562 R.Descartes, Discours de la méthode, Flammarion, 1967, spéc. p.90 563 P.Gassendi, De Vita, moribus et doctrina Epicuri libriocto, Lyon, 1647 ; De vita, moribus et placitis Epicuri, seu Animadversiones in librum X Diogenis Laertii, Lyon, 1649 ; Syntagma philosophiae Epicuri, Lyon, 1649 ; qui dans ses trois ouvrages considère la matière active et estime que les animaux disposent d’une petite âme
- 123 -
initialement perçu comme dénué de toute sensibilité et asservi à l’homme564.
En ce sens, « les Codes civil, pénal et rural restent figés pour l'essentiel dans
une conception exploitatrice et prédatrice de l'animal, envisagé sous l'angle de
la chasse, de la pêche, de l'exploitation agricole, de l'élimination des espèces
nuisibles »565. Si l’affirmation n’est plus tout à fait d’actualité puisque « les
dernières décennies se sont traduites par une prise de conscience véritable
en faveur d’une réhabilitation générale de l’animal »566, il est essentiel
d’observer que « c’est bien en fonction de son utilité qu’est appréhendé
l’animal en 1804 »567, autrement dit « uniquement en tant que valeur
économique et patrimoniale »568.
198. Une question fondamentale s’inscrit alors dans le droit fil de notre
démarche : comment le droit s’est-il comporté à l’égard des diverses formes
d’exploitation humaine du cheval ?
Constatons que le droit régit différents modes d’exploitation du cheval
-Chapitre I- comme le fait même de l’exploitation -Chapitre II-.
564 T.d’Aquin, Summa theologiae cum Supplemento et commentariis Caietani, éd. Léonine, Rome, 1886-1906, composé à l’origine entre 1269 et 1272 où l’auteur ratifie la conception de l’animal consistant à le considérer au
service des êtres humains ; pour un commentaire : Cf. G.Lafont, Structures et méthode dans la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, éd. du Cerf, Paris, 1996 565 J.Lachaud, Tabou sur l’animal, Gaz. Pal., 2002, n°269, p.19 566 C.Daigueperse, L’animal, sujet de droit : réalité de demain, Gaz. Pal., 1981, p.160 567 F.Dumont, L’animal : un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit Civil, Janvier 2006, p.63 568 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005
- 124 -
CHAPITRE I
LE REGIME JURIDIQUE
DES MODES D’EXPLOITATION DU CHEVAL
199. Le cheval est « enjeu d’argent, de professionnalisation, de fiscalité… »569.
Son utilité fonde son exploitation prédatrice et légitime la diversité des activités
dont il est l’objet. Passant ainsi « de la carrière simple du cheval appartenant à
un naisseur éleveur propriétaire, entraîneur, jockey, dont l’exemple n’est pas
rare dans la spécialité des courses au trot, ou dans celle du concours, au
cheval né d’un saillie d’un crack, en dépôt dans un haras national, acheté à la
vente annuelle des yearlings de Deauville par l’intermédiaire d’un courtier
agissant pour le compte d’un syndicat de propriétaires, qui le confie à un
entraîneur public gagnant sous la monte d’un jockey sous contrat, puis
réformé des courses et vendu à un groupe de cavaliers amateurs qui confient
sa carrière à un cavalier professionnel »570.
200. Cette diversité dans l’exploitation du cheval est aussi celle de l’animal.
L’animal est ainsi exploité au quotidien sous diverses formes et par une foule
de prestataires différents571. Son importance socio-économique n’est pas
démentie.
569 P.Lévêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion agence cheval de France, 2006, spéc. p.51 570 P.Lévêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion agence cheval de France, 2006, spéc. p.51 571 J-B.Jeangène Vilmer, Ethique animale, PUF, 2008 ; P.Diffloth, Zootechnie générale, élevage et exploitation des animaux domestiques, éd. Baillère et fils, 1917
- 125 -
A propos des équidés, Pierre Lévêque « saisit la diversité des situations et le
nombre de schémas envisageables pour mener à bien l’exploitation d’un
cheval doué »572. C’est ainsi que nous observons, en parallèle d’une
exploitation directe du cheval, une pratique répandue consistant pour les
propriétaires de chevaux destinés à la reproduction ou à la compétition à se
défaire de la maîtrise d’une activité lucrative de leur animal au profit d’un
professionnel.
La pratique équine met ainsi en exergue des modes directs -Section 1- et
indirects -Section 2- d’exploitation du cheval.
SECTION I
LES MODES DIRECTS D’EXPLOITATION DU CHEVAL
201. Le cheval est directement exploité par l’homme car « ces qualités, qui l’ont
autrefois retenu comme essentiellement utile, mais qui aujourd’hui le révèlent
comme éminemment agréable, en ont toujours fait un animal de valeur »573.
Ainsi, les aptitudes du cheval déterminent son exploitation. En effet, « sa
force, sa puissance et son endurance en ont fait un animal de transport, de
travail et, malheureusement, de guerre… sa rapidité, son agilité et son
adresse en font un animal de courses, de concours et de dressage… sa
beauté, sa noblesse et son caractère en font un animal de loisirs et de
compagnie »574.
Mais le cheval doit aussi bénéficier de soins, être hébergé, transporté…
En définitive, ce sont les aptitudes -§I- et les besoins -§II- du cheval qui sont
exploités par l’homme.
572 P.Lévêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.51 573 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.7 574 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.7
- 126 -
§I- L’EXPLOITATION DES APTITUDES DU CHEVAL
202. A l’époque de la Grèce antique, Xénophon575 évoquait déjà l’entraînement
du cheval par un tiers spécialisé576 et le Code d’Hammourabi la mise à
disposition577 d’un animal. Dans le prolongement de cette observation antique,
l’exploitation contemporaine des aptitudes du cheval comprend sa location -I-,
des actes dits de préparation que l’article L.311-1 du Code rural identifie
comme tels578 -II- et sa monte -III-.
I- La location du cheval
203. Soucieux de procurer à des cavaliers néophytes comme confirmés
l’opportunité de monter à cheval, le professionnel facilite la pratique de
l’équitation d’extérieur par la location de l’animal. En général, le prestataire
propose des promenades accompagnées en sus de la simple mise à
disposition du cheval au client, libre alors de choisir son itinéraire comme son
allure.
La qualification de la relation varie donc en fonction de l’existence éventuelle
d’un encadrement durant la mise à disposition de l’animal, à nuancer
cependant au regard du rôle prépondérant joué par le niveau d’équitation du
cavalier.
204. Depuis 1985, la jurisprudence distingue ainsi le loueur d’équidés de
l’entrepreneur de promenades équestres. En effet, « à la différence du loueur
de chevaux, fondé à considérer que ses clients, livrés à eux-mêmes et libres
de choisir leur allure comme leur itinéraire, sont de véritables cavaliers
acceptant sciemment de courir les risques d’un sport dangereux,
575 Xénophon, philosophe, historien et maître de guerre, né vers 426 ou 430 av. J-C. et mort vers 355 av. J-C. 576 Xénophon, De l’art équestre, Les Belles lettres, Paris, 2008, spéc. p.45 577 Code d’Hammourabi, §244 à 249 578 Selon l’article L.311-1 du C. rur., les activités de préparation et d’entraînement des équidés en vue de leur
exploitation correspondent à la préparation des chevaux de course ou de concours et nous pouvons rajouter la préparation, non plus de l’animal, mais du cavalier
- 127 -
l’entrepreneur de promenades équestres s’adresse, au contraire, à des clients
qui peuvent tout ignorer de l’équitation et rechercher seulement le
divertissement d’un parcours à dos de cheval sur l’itinéraire imposé par les
préposés qui les accompagnent » 579.
205. Le loueur d’équidés est un professionnel dont le métier consiste à mettre à
la disposition de ses clients des chevaux pour pratiquer librement l’équitation
d’extérieur. Il dispose d’une clientèle se composant « de véritables cavaliers
aptes à se tenir sur leur monture en la faisant galoper ou trotter dans les
directions choisies par eux »580. L’élément essentiel de la relation réside dans
l’absence d’encadrement du cavalier durant sa promenade.
206. L’entrepreneur de promenades équestres est un professionnel dont le métier
consiste à organiser des promenades menées sous la conduite d’un ou
plusieurs accompagnateurs qui lui sont subordonnés. Il dispose d’une clientèle
se composant « de clients qui peuvent tout ignorer de l’équitation et
rechercher seulement le divertissement d’un parcours à dos de cheval sur
l’itinéraire imposé par les préposés qui les accompagnent » 581. L’élément
essentiel de la relation est l’encadrement du cavalier durant sa promenade.
207. La mise à disposition d’un cheval n’est pas un acte de préparation582.
Les tribunaux font prévaloir la qualification d’entrepreneur de promenades
équestres lorsque la promenade a lieu sous la conduite d’un accompagnateur
subordonné au centre équestre583.
En revanche, le souhait du cavalier de partir seul suffit en général à constituer
un contrat de location584.
208. Cependant, la simple mise à disposition d’un animal à un client suppose son
aptitude « à se tenir sur sa monture en la faisant galoper ou trotter dans les
579 Cass. 1èreciv., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111 580 Cass. 1èreciv., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111 581 Cass. 1èreciv., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111 582 CA Orléans, 28 juin 2007, Ecuries de Vineuil c/ SARL Les Galvinettes 583 Cass. 1èreciv., 11 mai 1999, n°97-11.209 584 CA Paris, 2 février 2001, JurisData n°138013
- 128 -
directions choisies par lui »585. Le niveau requis du client à la location de
chevaux exclu nécessairement le novice de la conclusion d’un tel contrat.
C’est en ce sens que la jurisprudence appréhende la qualification de la
relation en tenant compte du niveau d’équitation du cavalier.
209. En effet, dans le droit fil de la construction d’origine prétorienne précitée586,
les tribunaux accordent une protection accrue au cavalier novice. Ainsi, le
niveau d’équitation du client, et par conséquent ses aptitudes à le diriger seul,
sont pris en compte pour déterminer sa capacité à contracter587. Les tribunaux
qualifient d’entrepreneur de promenades équestres, le professionnel qui loue
des chevaux à des débutants en l’absence de préposés du centre équestre,
quand bien même leur encadrement était assuré par leurs parents tout aussi
inexpérimentés588.
II- La préparation du cheval et du cavalier
210. Si les actes de préparation visés à l’article L.311-1 du Code rural concernent
la « préparation des chevaux de course ou de concours »589, l’exploitation des
aptitudes du cheval s’effectue aussi bien à travers son dressage et son
entraînement -A-, qu’à travers la préparation du cavalier par l’enseignement
-B-.
A- La préparation du cheval par le dressage ou l’entraînement
211. Dans le cadre du contrat d’entraînement, le propriétaire remet l’animal entre
les mains d’un professionnel « dans le but essentiel d’en assurer
585 Cass. 1èreciv., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111 586 Cass. 1èreciv., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111 587 CA Lyon, 6 septembre 2001, JurisData n°153124 588 CA Lyon, 6 septembre 2001, JurisData n°153124 589 Art. L.311-1 C. rur.
- 129 -
l’entraînement à la compétition… »590. A cet effet, l’entraîneur « exerce un art
qui consiste à tirer le meilleur parti des qualités naturelles d’un animal »591.
En matière équine, « le propriétaire de chevaux confie ses animaux à
l’entraîneur, non seulement pour les loger et les nourrir, mais essentiellement
pour obtenir, grâce à l’habileté et à la science de l’entraîneur, un état de
performance qui leur permettra de gagner des courses »592.
L’engagement du propriétaire a pour contrepartie l’entraînement ou le
dressage de l’animal en vue d’une participation à des compétitions ou
concours bien que l’objectif poursuivi concerner parfois le seul usage privé du
cheval.
212. Le contrat formalisant la relation entre le propriétaire du cheval et le
professionnel chargé « d’en assurer l’entraînement à la compétition…
constitue un contrat d’entreprise »593.
L’obligation principale du dresseur ou de l’entraîneur consiste à mettre son art
en œuvre afin d’améliorer les capacités de l’animal. Eu égard à la difficulté
inhérente à ce type de prestation, le professionnel n’est tenu que d’une simple
obligation de moyens.
213. Dans la Grèce antique, Xénophon évoquait déjà cette idée, à propos du
poulain à dresser, selon laquelle « il faut toutefois ne le donner qu’en
spécifiant par contrat ce qu’il devra savoir au retour »594. C’est le maître de
l’animal qui détermine l’étendue de l’obligation du prestataire professionnel,
bien que nous n’ayons aucune certitude sur la sanction en cas d‘inexécution à
cette époque.
De nos jours, le propriétaire insatisfait des résultats obtenus a la charge de la
preuve et il lui incombe, en telle hypothèse, de prouver que l’absence de
résultat est due à une faute de son cocontractant.
Une telle preuve est nécessairement rapportée lorsqu’un poulain, loin d’être
sauvage, n’est pas débourré au bout de treize semaines ou lorsque
590 TGI Caen, 6 novembre 1985 591 P.Di Malta et M.André, La fiscalité du cheval de course, PUF, 1990 592 TGI Senlis, 6 mai 1986, Gaz. Pal., 1986, p.559 593 TGI Caen, 6 novembre 1985 594 Xénophon, De l’art équestre, Les Belles lettres, Paris, 2008, spéc. p.45
- 130 -
l’entraîneur met fin à l’entraînement d’un cheval sans motif légitime et
sérieux595. En revanche, le propriétaire d’un trotteur qui, huit fois sur dix, est
disqualifié pour des allures défectueuses, n’est pas fondé à reprocher à
l’entraîneur d’avoir cessé d’engager le cheval dans des épreuves596.
214. L’entraîneur assume fréquemment en corrolaire l’obligation d’héberger
l’animal et cette situation de fait doit immédiatement être distinguée, à titre
d’exemple, de la paisible poulinière au pré597. En effet, « il n’y a pas dépôt si la
chose est remise dans un but différent de la garde, la garde n’étant en
l’espèce que l’accessoire de l’obligation principale qui est celle de
l’entraînement »598.
Parfois, la rémunération est un indice de qualification. En effet, le propriétaire
de l’animal est tenu de verser au professionnel des honoraires en contrepartie
des prestations effectuées mais le contrat prévoit fréquemment le paiement
des services annexes tenant en l’entretien et les soins apportés à l’animal.
A ce titre, le contrat ne doit pas révéler une confusion entre la rémunération et
sa contrepartie. En effet, « la rémunération prévue ne doit pas être considérée
comme un salaire pour la garde du dépôt mais bien comme l’indemnisation du
contrat d’entreprise, le paiement des frais de pension n’étant pas à lui seul
caractéristique du contrat de dépôt salarié puisque, dans le cadre du contrat
d’entreprise, une rémunération est également prévue en paiement des
services de l’entraîneur consistant dans l’entretien et les soins pratiqués aux
animaux confiés dans le cadre de cet entraînement »599.
215. La complexité des prestations à assumer par le dresseur ou l’entraîneur en
sus du simple dressage ou entraînement de l’animal, a conduit à une ineptie
juridique résidant dans le fait que les règles de responsabilité relatives à la
pension sont différentes de celles afférentes à l’entraînement.
En effet, l’hébergeant est tenu d’une obligation de moyens quant à la sécurité
de l’animal et ne peut se décharger de sa responsabilité qu’en prouvant qu’il
595 La condamnation de l’entraîneur se limite toutefois à des dommages et intérêts : Cf. M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.175 596 CA Angers, 23 mai 2000, JurisData n°150057 597 Cass. 1èreciv., 10 janvier 1990, Bull. civ. I, n°6 598 TGI Caen, 6 novembre 1985 599 TGI Caen, 6 novembre 1985
- 131 -
n’a commis aucune faute alors que dans le cadre du contrat d’entraînement,
c’est au propriétaire de l’animal de rapporter la preuve de la faute du
professionnel600. A cet égard, la Cour de cassation s’est dans un premier
temps positionnée rappelant « qu’il importe peu que l’accident se soit produit
au cours de l’entraînement proprement dit ou en dehors de celui-ci » puisque
« le contrat d’entraînement ne comporte, sauf clause contraire, qu’une
obligation de moyens quant à la sécurité de l’animal »601.
216. Ainsi, dans le droit fil de cette jurisprudence, le Tribunal de Grande Instance
d’Avranches a rendu deux décisions, les 21 octobre 1993 et 2 août 1994602,
symptomatiques de la différence de régime entre le contrat d’entraînement et
le contrat de pension.
A la suite d’un incendie dans une écurie, deux chevaux appartenant à des
propriétaires différents ont péri, l’un était en pension simple, l’autre à
l’entraînement.
Le propriétaire de l’équidé à l’entraînement est débouté de sa demande en
réparation du préjudice subi au motif que, l’entraîneur n’étant tenu que d’une
simple obligation de moyens, le propriétaire ne prouve aucune faute
particulière de l’entraîneur, étant en soi normal et non fautif le fait de stocker
du fourrage au-dessus des boxes603.
En revanche, le propriétaire de l’équidé en pension a obtenu gain de cause au
motif que le gardien est responsable de plein droit en tant que dépositaire
salarié sauf à lui de démontrer qu’il n’a commis aucune faute604.
Ainsi, pour un unique incendie causant un dommage semblable à deux
équidés différents, la même personne, « véritable Janus à deux visages »605,
est déclarée non responsable en qualité d’entraîneur et responsable de plein
droit en tant que dépositaire salarié.
600 Cf. Pt.213 601 Cass. 1èreciv., 13 décembre 1988, Bull. civ. I, n°359 602 TGI Avranches, 21 octobre 1993, Droit du cheval, Audijuris, 1996, n°66, p.58 603 TGI Avranches, 21 octobre 1993, Droit du cheval, Audijuris, 1996, n°66, p.58 604 TGI Avranches, 2 août 1994, Droit du cheval, Audijuris, 1996, n°66, p.58 605 Formule idoine de R.Malin, « Le cheval, Contrats et Responsabilité », Institut du Droit Equin, 2006, p.40
- 132 -
217. Cette situation fort surprenante a conduit les magistrats de la Haute Cour à
un revirement de jurisprudence spectaculaire le 3 juillet 2001606.
Désormais, les entraîneurs sont tenus d’une simple obligation de moyens
seulement à l’égard des accidents survenus au cours de l’exécution de la
prestation de dressage ou d’entraînement. En revanche, tout dommage
intervenu dans le cadre de la prestation d’hébergement relève du régime
applicable au contrat de dépôt.
218. Si cette jurisprudence a le mérite d’éviter les différences de traitement selon
la qualification du contrat pour des prestations identiques, elle introduit une
difficulté supplémentaire pour les juges du fond607 tenant en la détermination
de la frontière entre la prestation de dressage ou d’entraînement et celle
d’hébergement.
Ainsi, l’accident survenu à un animal destiné à l’entraînement mais placé dans
une situation de repos relève du régime du contrat de dépôt salarié608.
En revanche, la mise au paddock du cheval après une séance de travail,
pratique courante et bénéfique, est appréciée comme le corollaire de
l’obligation d’entraînement609.
De manière plus surprenante, le travail à la longe est rattaché au contrat de
dépôt salarié610.
Désormais, le professionnel est tenu d’une véritable obligation de
moyen renforcé en ce qui concerne la sécurité du cheval lors des prestations
d’hébergement et ne pourra écarter sa responsabilité qu’en démontrant qu’il
n’est pas à l’origine du dommage.
606 M.Carius, note sous Cass. 1èreciv., 3 juillet 2001, LPA, 5 avril 2002, p.17 607 Cass. 1èreciv., 2 mars 2004, n°01-11.120, l’appréciation des juges du fond est souveraine en l’espèce 608 CA Limoges, 26 février 2004, JurisData n°240952 609 CA Toulouse, 11 mai 2004, JurisData n°244645 610 CA Grenoble, 7 novembre 2001, JurisData n°180656
- 133 -
B- La préparation du cavalier par l’enseignement
219. Le contrat d’enseignement engage l’élève auprès d’un professionnel qui doit
lui apprendre la pratique d’un sport équestre en contrepartie du paiement du
prix des leçons. En définitive, le professionnel assure une prestation où « la
progression même de l’instruction exige que l’élève soit soumis à des
difficultés croissantes qu’il doit, par un effort profitable, apprendre à résoudre
progressivement »611.
220. Le contrat d’enseignement est un contrat d’entreprise soumis aux
dispositions des articles 1787 et suivants du Code civil.
La relation entre un enseignant et le client est de nature contractuelle, le
contrat d’enseignement faisant naître deux obligations principales à la charge
du professionnel : assurer la prestation promise et garantir la sécurité de son
client.
221. En cas de difficulté, le client, lorsqu’il est qualifié de consommateur, peut se
prévaloir des dispositions de l’article L.132-1 du Code de la consommation
relatif aux clauses abusives.
Par une recommandation en date du 26 juin 1987612, la commission des
clauses abusives préconise la remise au consommateur lors de son adhésion
d’un document écrit signé des deux parties et constatant le contrat, décrivant
les obligations de chacune des parties, énonçant l’ensemble des activités
sportives auxquelles donne droit le contrat ; l’énoncé de clauses permettant au
consommateur, dans les contrats d’une durée égale ou supérieure à six mois,
d’une part de résilier unilatéralement le contrat pour des raisons
professionnelles ou de santé l’empêchant définitivement de bénéficier des
prestations de services du club de sport et, d’autre part, de prolonger la durée
du contrat sans complément de prix lorsqu’il est momentanément empêché
pour les mêmes raisons.
611 CA Paris, 7 décembre 1968, D., 1968, p.26 612 BOCC, Recommandation n°87-03 du 26 juin 1987 relative aux contrats proposés par les clubs de sport à caractère lucratif, 1987, n°33, p.363
- 134 -
222. La commission des clauses abusives propose l’élimination des clauses
imposant au consommateur des obligations non mentionnées dans le contrat
signé des deux parties613, autorisant le professionnel à modifier
unilatéralement la portée et le contenu de ses obligations sans permettre au
consommateur de résilier le contrat et d’obtenir le remboursement du prix
payé, permettant au professionnel de résilier le contrat d’une manière
discrétionnaire, limitant ou excluant la responsabilité du professionnel en cas
d’accident survenu ou de maladie contractée à l’occasion de la fréquentation
de l’établissement, excluant sa responsabilité en cas de vol commis dans
l’établissement.
III- La monte du cheval
223. L’opération consistant à favoriser la reproduction des animaux met en
relation le titulaire du droit de saillie et l’étalonnier. Le prestataire exécute une
prestation de services à titre principal, mais assume souvent de manière
corrélative la pension des animaux, notamment lorsque la saillie s’effectue par
l’intermédiaire de Haras privés.
224. En principe, ce contrat dit de monte a pour objectif de fixer à l’étalonnier les
conditions auxquelles il est soumis lors de l’acte matériel de reproduction des
équidés. Il s’agit donc, à titre principal, d’un contrat de prestation de services
avec le plus souvent, à titre accessoire, une mise en pension de l’animal.
Le contrat de monte est un contrat d’entreprise, désigné « louage d’ouvrage »
par le Code civil et est défini comme « le contrat par lequel une personne se
charge de faire un ouvrage par autrui, moyennant une rémunération, en
conservant son indépendance dans l'exécution du travail »614.
613 Sauf clauses tendant à garantir la sécurité et l’hygiène dans l’établissement 614 R.Guillien, J.Vincent, S.Guinchard et G.Montagnier, Lexique des termes juridiques, 16ème édition, D., 2007
- 135 -
225. Dans le cadre de l’exercice de son activité, l’étalonnier est soumis à une
obligation de moyens615, en ce sens qu’il est tenu de tout mettre en œuvre
pour permettre la bonne exécution du contrat sans garantir le résultat. En
effet, « la vie qu’il s’agit de transmettre présente un caractère trop aléatoire
pour qu’il ait pu promettre un résultat définitif »616. Dès lors, « il appartient au
client de prouver » la faute du prestataire617.
226. Toutefois, l’étalonnier est tenu de ne pas entreprendre une intervention
dépassant ses capacités. En effet, un prestataire engage sa responsabilité s'il
a « accepté à tort de se lancer dans des interventions dépassant ses
possibilités et sa compétence » et, « au lieu de confesser en temps utile son
incapacité », s'est révélé « incapable de fournir le service minimal qui était
attendu de lui »618.
227. En préalable à toute saillie effectuée par l’étalon, le titulaire du droit de saillie
doit nécessairement produire un certificat vétérinaire attestant de l’état de
l’animal. Si le comportement de la jument est équivoque, alors l’étalonnier est
tenu de la soumettre à l’épreuve du souffleur pour contrôler sa réceptivité et,
le cas échéant, la faire examiner par un vétérinaire qualifié après avoir
néanmoins recueilli, pour ces examens, l’accord du titulaire du droit de saillie.
Le vétérinaire est tenu d’effectuer certaines recherches619, mais aussi de
vacciner l’animal sous le respect des règles de l’annexe sanitaire du stud-
book620 concerné.
L’étalonnier peut, et au demeurant doit, refuser de faire saillir une poulinière
qui n’est pas dans un état d’entretien convenable ou dont la santé lui paraît
suspecte621.
615 Cass. civ., 23 juin 1936, DH, 1936, p.444 ; Gaz. Pal., 1936, p.416 616 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.160 617 Cass. 1èreciv., 31 janvier 1989, n°87-15.736, Bull. civ. I, n° 56, s’agissant en l’espèce d’un vêlage 618 Cass. 1èreciv., 25 octobre 1989, n°88-11.600 619 Pour le Stud Book Français de l’année 2007 : recherche métrite contagieuse équine, artérite virale équine, anémie infectieuse équine 620 Pour le Stud Book Français de l’année 2007 : une primo vaccination de la grippe avec 2 injections séparées de 3 semaines à 3 mois puis un rappel au moins annuel … 621 Sur ces questions relatives à la saillie, Cf. W.Esling, Le cheval, maux et sentences, Institut du Droit Equin, éd. Estem, 2001, p.191 et s.
- 136 -
228. L’étalonnier a le devoir de vérifier le signalement de la jument, le rendant
responsable d’une erreur d’accouplement quand l’un des reproducteurs saillit
une jument qui ne lui était pas destinée.
Lorsque le mode de reproduction est une insémination artificielle, l’agent
titulaire d’une licence d’inséminateur équin doit contrôler l’identité de la jument
à inséminer et pratiquer l’examen préalable à l’insémination, à savoir vérifier
l’ouverture du col de l’utérus et éventuellement réaliser un examen
échographique.
Cependant, il arrive que le prestataire commette une confusion dans le choix
des paillettes qui renferment la semence diluée de l’étalon choisi et le
préjudice subi par le propriétaire de la poulinière peut alors faire l’objet d’une
indemnisation. Néanmoins, dans l’hypothèse ou ledit propriétaire fait saillir sa
jument avec la semence de son étalon, apportée le jour même de
l’insémination, le Haras n’est pas déclaré responsable car il est soumis à une
obligation de vérification uniquement pour les semences stockées622.
229. Concernant les conditions de monte, les parties sont tenues de se soumettre
aux règles fixées par le stud-book de la race de l’équidé. En effet, chaque race
dispose de ses propres règles en matière de reproduction, dont certaines sont
parfois extrêmement strictes, excluant toute monte en main623. En s’inscrivant
dans le cadre du stud-book concerné, les parties peuvent néanmoins prévoir
les conditions de monte en laissant, lorsque cela est possible, le choix du
mode de reproduction à l’étalonnier, en prévoyant le lieu des saillies…
230. A propos de la saillie, la jurisprudence a mis en exergue une diversité de
fautes variant de l’absence de précaution lors de l’accomplissement de l’acte
matériel à l’erreur de lieu.
Au titre de l’erreur de lieu, les tribunaux retiennent la responsabilité de
l’étalonnier en raison d’une mauvaise manipulation de sa part624 ou pour ne
pas avoir informé le propriétaire de la jument et pris rapidement l’avis d’un
622 CA Dijon, 22 février 2002 623 Ce qui est le cas pour les pur-sang où seule la monte en liberté est autorisée 624 CA Caen, 5 juin 2007
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vétérinaire en présence de trace de sang625. De la même façon, les haras
nationaux ont été déclarés responsables en cas d’erreur de lieu626. Leur
responsabilité a également été retenue pour ne pas avoir entravé une jument
lors de la saillie627.
Le Tribunal de Grande Instance de Macon628, dans une décision fort bien
motivée, retient la responsabilité de l’étalonnier pour « n’avoir pas prévu une
réaction brutale de la jument ou son affaissement alors qu’un tel
comportement est prévisible et de ne pas avoir pris les précautions
nécessaires au cas où un tel événement arriverait, notamment pour empêcher
une saillie irrégulière et anormale ou une erreur de lieu…».
La responsabilité du prestataire est encore engagée à la suite d’une
perforation vaginale consécutive à une saillie naturelle629.
L’étalonnier qui joue au vétérinaire et pratique des contrôles de gestation par
échographie commet en outre une faute630.
§II- L’EXPLOITATION DES BESOINS DU CHEVAL
231. Le Code d’Hammourabi631 prévoyait des règles relatives au résultat du soin
apporté à l’animal par le tiers spécialisé632, certes à propos des bœufs et des
ânes633 exclusivement. Mais c’est dire si l’exploitation de l’animal est
séculaire. De nos jours, il est fréquent que le particulier, propriétaire d’un
cheval, ne dispose pas des moyens requis à l’hébergement -I- ou le transport
-II- de l’animal. Il est acquis que les soins du cheval -III- dépendent d’un
prestataire spécialisé.
625 CA Caen, 30 mai 2000, Bull. IDE, n°19 626 CAA Nantes, 24 juillet 1997, Bull. IDE, mars 1998 627 CE, 25 novembre 1964, R. Lebon, p.577 628 TGI Macon, 17 janvier 2000, Bull. IDE, n°17, 629 CAA Nantes, 24 juillet 1997, Bull. IDE, n°9 630 TGI Laval, 15 novembre 1999 631 Texte babylonien établi vers 1750 av. J-C. ; Cf. J.Gaudemet, Les institutions de l’Antiquité, Montchrestien, coll. Domat Droit Public, Paris, 5ème édition, 1998 632 Code d’Hammourabi, §224 et §225 633 L’âne appartient toutefois à la même famille que le cheval, à savoir les équidés
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I- L’hébergement du cheval
232. L’hébergement du cheval est une nécessité qui requiert parfois certaines
installations que le particulier ne possède pas toujours. C’est la raison pour
laquelle il est fréquent d’avoir recours à un prestataire spécialisé. Toutefois, la
prise en pension d’un animal par un professionnel ne s’inscrit pas toujours
dans cette démarche. En effet, il est fréquent que la pension ne soit que
l’accessoire d’une activité principale. Ainsi, les entraîneurs assument la
pension des animaux dont ils assurent corrélativement l’entraînement à titre
principal. La qualification du contrat est alors nécessairement différente634.
En revanche, la mise en pension d’une poulinière chez un éleveur s’inscrit
dans un contexte spécifique.
233. L’éleveur est la personne physique ou morale qui gère et assure la vie du
poulain et son évolution jusqu’à son exploitation.
De la conception à la naissance, il est chargé de la surveillance de la
gestation de la jument puis de la naissance au transfert du poulain entre les
mains d’autres professionnels, en surveille la croissance en encourageant ses
qualités et corrigeant ses défauts.
Malgré une imbrication de missions, l’éleveur est tenu à titre principal d’une
mission d’hébergement et de soins au sein de laquelle, néanmoins, une
vigilance accrue est nécessaire en raison de l’état de gestation de la
poulinière puis du bas age du poulain.
234. Le contrat de pension constitue une convention de dépôt régie par les
articles 1915 et suivants du Code civil sans que puisse avoir une influence, en
sus de la simple garde de l’animal, la nécessité de le nourrir et de lui donner
des soins635.
En réalité, c’est la mission principale du dépositaire qui détermine la
qualification du contrat. Soit l’obligation principale est la pension, soit ce n’est
que l’accessoire d’une mission d’entraînement ou de dressage.
634 Cf. Pt.214 635 Cass. 1ère civ., 2 octobre 1980, Bull. civ. I, n° 240
- 139 -
Le contrat de pension doit toutefois être distingué de notions voisines
soumises à des dispositions législatives autres.
235. Le contrat de pension n’est tout d’abord pas assimilable au contrat de
location de box. En effet, en vue de sa formalisation, le contrat de dépôt
requiert que le dépositaire dispose des pouvoirs de contrôle, d’usage et de
direction sur l’objet du dépôt. Or, le contrat de location de box exclut
nécessairement une telle mise à disposition, l’animal restant à la charge et
sous la responsabilité de son propriétaire.
C’est ainsi que le propriétaire de chevaux morts dans l’incendie d’une écurie
où ils faisaient étape n’a pu obtenir d’indemnisation de l’établissement
concerné dans la mesure où l’un de ses préposes dormait dans les écuries636.
En effet, les équidés restaient alors sous la garde de leur propriétaire par
l’intermédiaire de l’un de ses préposés.
236. Le contrat de pension est également à distinguer d’une pratique répandue
dîtes du cheval au pair. De nombreux centres équestres hébergent des
chevaux avec pour seule contrepartie le droit de les utiliser.
La relation obéit alors aux règles relatives au commodat637 visées aux articles
1875 et suivants du Code civil638. Ce prêt est essentiellement gratuit639 et
n’implique aucun transfert de possession640. Le commodat étant défini comme
étant « un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour
s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi ».
En revanche, lorsque l’emprunteur perd la faculté de se servir de l’animal, le
contrat peut alors être requalifié en un contrat de dépôt à titre gratuit.
237. S’agissant du contrat de dépôt-vente, les règles du contrat de dépôt sont
applicables puisqu’il n’en est qu’une forme particulière dont l’objet est la vente
de l’animal641.
636 CA Paris, 9 novembre 2004, Bull. IDE, n°37 637 Autrement dénommé prêt à usage 638 CA Montpellier, 3 octobre 2000, JurisData n°128403 639 Art. 1876 C. civ. 640 Cass. 1èreciv., 5 juillet 1960, Bull. Civ. I, n°365 641 Cass. 1ère civ., 23 janvier 1996, Bull. IDE, n°1
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238. Au sein du contrat de dépôt, le dépositaire contracte une obligation
d’hébergement et de soins et supporte à ce titre une obligation de moyens
renforcée. Si, en principe, « le dépositaire doit apporter, dans la garde de la
chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui
lui appartiennent »642, la jurisprudence réserve une place prépondérante aux
usages de la profession643.
Ainsi, un dépositaire ayant mis plusieurs pouliches dans un paddock conforme
aux usages de la profession, en perche de châtaigniers, voit sa responsabilité
écartée, au cas où l’un des équidés vient à s’empaler sur les dites perches en
jouant644.
Toutefois, le dépositaire supportant une obligation de moyens renforcée est
donc présumé fautif et c’est à lui que revient la charge de démontrer son
absence de faute. Or, lorsque les conséquences de l’accident sont inconnues
ou imprécises, le dépositaire ne dispose d’aucun moyen susceptible de
justifier d’une exonération de responsabilité645.
En sens inverse, le dépositaire peut dégager sa responsabilité lorsqu’il prouve
qu’il a mis en œuvre tous les moyens possibles et habituels pour éviter
l’accident.
239. Le défaut de paiement du dépositaire par le déposant peut donner lieu à
rétention de l’animal et de ses documents d’identification puisqu’il « peut
retenir le dépôt jusqu’à l’entier payement de ce qui lui est dû à raison du
dépôt »646.
Toutefois, l’exercice de ce droit doit être proportionné au montant de la
créance, en ce sens que l’indisponibilité des animaux ne doit pas engendrer
un préjudice important pour leur propriétaire dans l’hypothèse où la facture
serait minime647.
642 Art. 1927 C. civ. 643 CA Rennes, 6 septembre 2000, JurisData n°151854 ; CA Besançon, 30 mai 2001, Bull. IDE, septembre 2001 644 CA Paris, 1er février 1995, JurisData n°020369 645 En ce sens : CA Caen, 16 mai 2000, Bull. IDE, septembre 2000 ; CA Caen, 3 octobre 2000, Bull. IDE, n°20 ; CA Limoges, 26 février 2004, JurisData n°240952 646 Art. 1948 C. civ. 647 CA Rouen, 21 mars 2001, JurisData n°150167
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Les éventuelles sommes facturées par le dépositaire mais non comprises au
contrat et susceptibles d’être déclarées comme superflues empêchent
l’exercice du droit de rétention648.
II- Le transport du cheval
240. Dans l’hypothèse d’un trajet de longue distance ou à risque, il est fréquent
que le propriétaire du cheval sollicite l’intervention d’un professionnel du
transport. Le plus souvent, il s’agira d’un transport routier mais il arrive, par
exemple lors de l’envoi d’étalons dans l’hémisphère sud, que le transport soit
maritime, voire aérien.
241. Le contrat de transport appartient à la famille du louage d’ouvrage et
d’industrie649. Il s’analyse en une convention par laquelle un professionnel,
désigné sous le terme de « voiturier », s’engage à déplacer une certaine
quantité de marchandises appartenant à autrui moyennant un prix déterminé
et dans un délai fixé par la convention des parties ou par le contrat type
applicable à l’opération envisagée650.
242. Lorsque le transport constitue uniquement l’accessoire d’une mission
principale, tel le transport effectué par l’entraîneur, le régime juridique
applicable est celui correspondant au contrat principal.
Sinon, le contrat de transport est soumis aux dispositions du Code civil en ses
articles 1782 à 1786, au Code de commerce651, à l’article 277 du Code rural, à
l’arrêté du 5 novembre 1996652, à la loi d’orientation des transports internes653
et à la loi « sécurité et modernisation des transports »654.
648 Cass. 1èreciv., 3 mai 1966, D., 1966, p.649 649 Art. 1779 et s. C. civ. 650 Cf. C.Paulin, Droit des transports, Litec, 2005 651 Articles L. 133-1 et suivants 652 Arrêté du 5 novembre 1996 relatif à la protection des animaux en cours de transport, JO 23 novembre 1996, p.17098 653 Loi n°82-1153 du 30 décembre 1982, JO 31 décembre 1982, p.4004 654 Désignation des dispositions relatives au contrat de transport de la loi n°95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats, JO 2 février 1995, p.1755
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A défaut d’écrit, le mécanisme d’ordre public de la loi d’orientation des
transports internes pallie la carence des parties en leur substituant
automatiquement le contrat type « transport d’animaux vivants ».
243. En vertu de l’article L. 133-1 du Code de commerce, « le voiturier est garant
de la perte des objets à transporter hors les cas de la force majeure » mais il
est aussi « garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice
propre de la chose ou de la force majeure ». Ainsi, pèse sur le transporteur
une obligation de résultat puisque la seule démonstration d’un dommage suffit
à établir sa responsabilité. Il s’agit donc d’une véritable présomption de
responsabilité lorsque les causes de l’accident demeurent inconnues. En effet,
le transporteur « n’établissant pas de cause d’exonération, doit être
condamnée à rembourser la valeur du cheval »655.
244. La règle est constante puisque « le transporteur ne peut se décharger de la
présomption de responsabilité pesant sur lui qu’en démontrant que la perte ou
l’avarie provient de la faute de l’expéditeur, du vice propre de la chose, d’un
cas fortuit ou de force majeure »656.
Ainsi, le transporteur est-il exonéré de responsabilité en présence d’un animal
ayant une défaillance placentaire conduisant à des avortements657 ou d’un
équidé d’une impressionnabilité excessive658.
Pour échapper à sa responsabilité, le transporteur peut encore opposer la
faute du destinataire qui aura, par exemple, expédié des animaux stressés659.
De la même façon, « l’expéditeur commet une imprudence en plaçant dans un
même wagon dans le but de restreindre ses frais par application d’un tarif
réduit dix huit chevaux sans les mettre hors d’état de se nuire
réciproquement »660. Encore, « lorsque l’insuffisance de la litière fournie par
l’expéditeur a été la seule cause des blessures qu’un cheval s’est faites dans
le wagon qui le transportait et que ce wagon était en bon état d’entretien et n’a
655 Cass. 3èmeciv., 10 janvier 1955, Bull. Civ. III, n°10, p.8 656 CA Paris, 7 mars 1963, D., 1963, p.77 657 CA Paris, 14 décembre 1989, JurisData n°26218 658 CA Douai, 30 novembre 1903, D., 1905, p.405 659 Cass. com., 17 juin 1997, Gaz. Pal., 1998, pan., p.94 660 Cass. Req., 30 octobre 1918, Gaz. Pal., 24 novembre 1918
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subi aucun choc, la compagnie de chemin de fer ne saurait encourir aucune
responsabilité »661.
245. Le transport d’un animal impose au professionnel de respecter des normes
obligatoires concernant l'espace, l'aération, l'hygiène, les moyens de
transport, la nourriture et l'eau, le chargement et le déchargement des
animaux ainsi que l'assistance vétérinaire dans l’hypothèse de transport
international662.
III- Les soins apportés au cheval
246. Dans le cadre des soins à apporter au cheval, qu’ils soient ponctuels comme
ceux du vétérinaire, ou à fréquences régulières tel le maréchal-ferrant,
l’objectif est identique : veiller à la santé de l’animal.
A ce titre, de nombreux praticiens interviennent, qu’ils soient vétérinaire,
chiropracteur, maréchal-ferrant, dentiste équin ou encore partisans de la
médecine alternative. Dans ce dernier cas toutefois, il convient de veiller aux
diplômes du praticien puisque l’exercice illégal de la médecine ou de la
chirurgie vétérinaire constitue un délit663.
247. Cependant, diverses dérogations existent et « les propriétaires ou les
détenteurs d’animaux de rapport peuvent pratiquer sur leurs propres animaux
ou sur ceux dont ils ont la garde, dans le respect des dispositions légales ou
réglementaires, et en particulier de celles qui régissent la protection animale,
les soins et les actes d’usage courant, nécessaires à la bonne conduite de
leur élevage »664. Ainsi, une césarienne faite en l’absence d’un vétérinaire est
661 CA Paris, 1er mai 1935, Gaz. Trib., 1935, 2, p.431 662 La Convention européenne sur la protection des animaux en transport international du 6 novembre2003, STE n°193, vient réviser la convention du 13 décembre 1968 (STE n°65) en envisageant une actualisation de ses dispositions et une clarification de leur libellé afin d’en faciliter la mise en oeuvre. 663 Art. L.243-1 C. rur. 664 Art. L.243-2 C. rur.
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licite en ce qu’elle se rattache aux actes courants nécessaires à la bonne
conduite de l’élevage665.
248. Les médicaments vétérinaires ne peuvent être détenus et délivrer que par
les vétérinaires lorsqu’il s’agit des animaux auxquels ils donnent des soins.
Ainsi, il est interdit à un non vétérinaire de procéder à de telles opérations
ainsi qu’à un vétérinaire intervenant hors de sa propre clientèle. Mais rien
n’oblige le vétérinaire à examiner les animaux préalablement à la
prescription666, ni à demander à une tierce personne d’administrer les
médicaments667.
249. Le contrat de soins correspond à une prestation de services par laquelle le
praticien s’engage à réaliser un travail en rapport avec l’état de santé de
l’animal.
Pour l’acte médical vétérinaire, il s’agit du fait à propos des animaux de rente
ou de compagnie de donner des consultations, établir des diagnostics ou des
expertises, délivrer des prescriptions ou des certificats, pratiquer des soins
préventifs ou curatifs, pratiquer des interventions de convenance ou procéder
à des implantations sous-cutanées668.
Le contrat est soumis aux dispositions des articles 1787 et suivants du Code
civil relatif au contrat d’entreprise. En outre, tout praticien obéit
nécessairement au Code de déontologie669 de sa profession.
250. Les praticiens et prestataires de soins sont soumis par principe à une
obligation contractuelle de moyens dans l’exercice de leur activité. Ainsi, « il
se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le
praticien, sinon évidemment de guérir le malade, du moins de lui donner des
soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de
circonstances exceptionnelles, conformément aux données acquises de la
665 CA Douai, 23 mars 2000, Bull. CA, 12/2000, p.28 666 Cass. crim., 3 juin 1992, JCP, 1992, IV, n°2846 667 M.Carius, Note sous Cass. 1èreciv., 18 janvier 2000, LPA, 15 décembre 2000, n°250, p.17 668 Art. L.243-1 C. rur. 669 Pour le vétérinaire, Décret n°92-157 du 19 février 1992, JO 22 février 1992, p.2771
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science »670. Eu égard cette jurisprudence, le prestataire de soins n’est tenu
que d’employer tous les moyens nécessaires en cours au jour des soins pour
tenter de le guérir ou de le sauver en respectant des règles professionnelles.
Ainsi, en matière probatoire, il appartient au client de prouver la faute
contractuelle du vétérinaire.
251. La solution est identique pour le maréchal-ferrant dans la mesure où « la
responsabilité du maréchal-ferrant en cas d’accident survenu à l’animal au
cours des opérations de ferrage, est une responsabilité contractuelle ; que
celle-ci toutefois ne saurait s’apprécier avec plus de rigueur que celle d’un
médecin, un chirurgien ou d’un vétérinaire, puisque aussi bien le ferrage est
en réalité une véritable opération d’orthopédie vétérinaire… Le maréchal-
ferrant ne s’est pas engagé à réussir cette opération de façon parfaite, mais
seulement à fournir des soins consciencieux, attentifs, et réserve faite de
circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la
science »671. Ainsi, « l’opération de ferrage, travail à effectuer sur une matière
vivante qui s’apparente à une chirurgie simple, ne saurait être assimilée à
l’ouvrage d’un artisan sur une matière inanimée ; le praticien est seulement
tenu de l’obligation d’opérer avec la conscience et la prudence requise
conformément aux données acquises de la technique »672.
670 Cass. 2èmeciv., 20 mai 1936, D., 1936, I, p.88 671 T. civ. Loudun, 8 mars 1946, Gaz. Pal., 1946, I, p.174 672 CA Angers, 10 janvier 1950, D., 1951, I, p.30
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SECTION II
LES MODES INDIRECTS D’EXPLOITATION DU CHEVAL
252. Le cheval est une « source originale de profits »673 compte tenu des activités
dont il constitue le support essentiel.
Utilisé à des fins d’élevage674, de reproduction675 ou de compétition676, le
cheval joue un rôle économique important dans divers secteurs d’activités.
Cependant, l’importance des coûts engendrés par l’exploitation d’un animal ne
permet pas toujours à un propriétaire unique de les assumer en totalité677. En
ce sens, « la spécialisation et la professionnalisation des activités, la
recherche de l’efficacité et même de la performance, le besoin de capitaux, la
fiscalité, sont autant de facteurs qui poussent à la séparation entre la propriété
et l’exploitation »678.
Dans cette optique, le propriétaire de l’animal en transfère fréquemment
l’exploitation par une cession du droit relatif à l’activité transféré tout en
conservant intact son droit de propriété.
253. Lorsque le cheval est affecté à un fonds, le transfert de l’activité de l’animal
s’accompagne souvent de la cession de l’exploitation puisque l’animal a « été
placé par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds »679. Dès lors,
673 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.155 et s. 674 J.Mulliez, Les chevaux du royaume, histoire de l’élevage du cheval de selle et de la création des Haras, éd. Montalba, Paris, 1983 ; D.Roche, Le cheval et ses élevages : perspectives de recherche, Cahiers d’histoire, n°42,
1997, p.511 et s. 675 Source AFP, La reproduction des équidés, un marché porteur, publié le 11 août 2007, Terre-Net 676 N.De Blomac, La gloire et le jeu, des hommes et des chevaux, 1766-1866, Fayard, Paris, 1991 ; P.Joly, Trotteurs de légende, Ouest-France, Rennes, 1998 ; G.Konopnicki, La France du tiercé, ordre et désordre d’une passion populaire, éd. La Manufacture, Paris, 1987 ; S.Tourreau, Les courses hippiques à l’île Maurice, tentative d’expression d’une nation, Thèse la Réunion, 1997 677 Cf. pour le cheval de course : P.Lévêque, Le Cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.49 et s. 678 P.Levêque, Le Cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.52 679 Art. 524 C. civ.
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la volonté de concéder à une tierce personne l’activité agricole induit
fréquemment le transfert corrélatif du fonds.
En revanche, à l’égard des activités de reproduction -§I- et de compétition
-§II-, la pratique équine a développé des modes indirects d’exploitation du
cheval.
§I- LE TRANSFERT DE LA MAÎTRISE DE L’ACTIVITE DE REPRODUCTION DU
CHEVAL
254. Le propriétaire de l’étalon peut parfaitement confier à un tiers la maîtrise de
l’activité de reproduction de son animal. En telle hypothèse, il convient
d’organiser le transfert du droit de saillie, soit pour une durée déterminée, soit
de manière irrévocable en le cédant définitivement. La volonté du propriétaire
de l’étalon sur le caractère temporaire -I- ou définitif -II- du transfert doit alors
être sans équivoque.
I- Le transfert temporaire du droit de saillie
255. Cette formule est détaillée par certains spécialistes680 : « l’étalon est confié
au tiers, à charge pour lui d’en assurer l’entretien, de valoriser les droits de
saillie et de verser une redevance d’utilisation au propriétaire ».
L’intérêt en l’espèce est de décrire la manière dont les règles relatives au
louage de choses s’intègrent à l’hypothèse d’un transfert temporaire de la
maîtrise de l’activité de reproduction.
256. Le contrat de bail est défini par l’article 1709 du Code civil : « Le louage de
choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre
d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-
680 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.113
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ci s’oblige à lui payer ». Il ressort de cette définition que le trait caractéristique
du bail est qu’il confère au locataire un droit de jouissance sur une chose
déterminée.
Concrètement, « ce droit de jouissance se traduit par le transfert provisoire au
locataire de l’intégralité de l’utilité économique du bien en cause »681. Si le
louage peut porter sur « toutes sortes de biens meubles ou immeubles »682,
sont nécessairement intégrés aux choses pouvant être louées, les biens
incorporels683. Rien n’interdit donc la location du droit de saillie qui correspond
au louage du droit ayant pour objet la maîtrise de l’activité de reproduction
d’un étalon. En effet, ce n’est pas l’animal qui est l’objet de la location684 mais
la maîtrise de l’activité de reproduction de cet animal matérialisée
juridiquement par la notion de droit de saillie.
257. Le bail est en principe un acte d’administration, de sorte qu’il suffit d’avoir la
capacité d’accomplir les actes d’administration pour conclure un bail.
Toutefois, il apparaît évident que seul le propriétaire de l’étalon, ou l’éventuel
titulaire du droit de saillie, est susceptible de donner à bail le droit de saillie.
Néanmoins, rien n’interdit un tiers de s’engager à procurer la jouissance de la
chose d’autrui685, seulement ce bail est inopposable au titulaire originel du
droit de saillie, en vertu de l’effet relatif des conventions686, sauf s’il l’a ratifié
ou si le bailleur a donné l’apparence d’être propriétaire687, ce qui implique la
légitimité de la croyance du locataire688.
258. Par principe, le bail correspond à la concession temporaire d’un droit de
jouissance sur une chose en contrepartie du paiement d’un prix. En l’espèce,
le propriétaire de l’animal transfère temporairement la maîtrise de l’activité de
reproduction de son étalon au locataire par le transfert du droit y afférent.
681 P.Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, D., coll. Dalloz Action, 2006/2007 682 Art. 1713 C. civ. 683 J.Schmidt-Szalewski, note sous CA Paris, 21 octobre 1999, D., 2002, somm., p.1195 où l’auteur indique que
la licence d’un brevet, droit de propriété industrielle, est assimilable à un louage. 684 L’animal ne constitue en réalité qu’un moyen destiné à une finalité : la reproduction d’une femelle 685 H.Capitant, Note sous Cass. civ., 17 mai 1927, D., 1928, 1, p.25 ; Cass. 3èmeciv., 7 octobre 1998, Bull. civ. III, n°187 686 Art. 1165 du C. civ. 687 Présomption de propriété en raison de l’état de possession de l’étalon par un tiers : Cass. 1èreciv., 2 novembre 1959, Bull. civ. I, n°448 688 Cass. 3èmeciv., 26 septembre 2001, RJDA, 2001, n°1183
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La location du droit de saillie comprend nécessairement la délivrance de ses
accessoires indispensables. En effet, comme le vendeur, le bailleur est tenu
de délivrer le bien loué689 conforme à l’usage prévu par la convention et toute
stipulation contraire est dépourvue d’effet690. La délivrance des accessoires
indispensables est donc nécessaire si le bailleur veut satisfaire à son
obligation de délivrance conforme ; il lui faut délivrer au preneur les
documents officiels du cheval, dont les certificats d'origine691 ou les cartes de
saillie.
259. En principe, l’obligation de délivrance conforme est de résultat, entendue
assez strictement par la jurisprudence692 et c’est au bailleur de prouver qu’il
s’est libéré de cette obligation693.
Si le bien n’est pas délivré ou, pas intégralement694, le locataire est en droit de
refuser de payer le loyer, faisant jouer l’exception d’inexécution695.
Si la situation persiste, le preneur pourra demander soit une diminution du
loyer696, soit la résolution judiciaire avec ou sans dommages et intérêts697.
Pour satisfaire à l’obligation de délivrance conforme, encore faut-il
précisément prévoir la destination de la chose louée. En l’espèce, cela ne
pose guère de problème puisque l’objet du contrat de location, à savoir le droit
de saillie, fixe déjà en lui-même les limites des activités réalisables dans le
cadre de l’exécution du contrat.
260. Le bailleur est tenu de certaines obligations inhérentes au contrat de location
dont une obligation d’entretien.
Si le bailleur ne doit pas favoriser une dépréciation du droit de saillie et donc
l’entretenir, il en va de même pour leur objet, de surcroît être vivant. Le
propriétaire est tenu en cours de bail d’entretenir la chose « en état de servir à
689 Art. 1719 1° C. civ. 690 CA Versailles, 30 mars 2000, JCP E, 2000, pan., p.1162 691 Pour un cheval pur-sang à usage d'étalon : Cass. com., 14 décembre 1977, n°75-12.996 692 Cass. 3èmeciv., 26 mars 1997, RJDA, 1997, n°883 693 Cass. 3èmeciv., 1er octobre 1997, RJDA, 1997, n°1465 694 Impossibilité de jouir du cheval pour les sauts, pas de mise à disposition des cartes de saillie… 695 Cass. 1èreciv., 20 juin 1996, RJDA, 1995, n°1361 696 Cass. 3èmeciv., 8 juin 1995, Gaz. Pal., 1996, pan., p.67 697 Cass. 3èmeciv., 30 avril 2003, Bull. civ. III, n° 87
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l’usage pour lequel elle a été louée »698. Il doit donc procéder aux réparations
nécessitées par les « outrages naturels du temps » et par l’usure normale699.
Cette obligation d’entretien revêt un sens particulier s’agissant d’un animal. Si
le propriétaire de l’étalon utilise celui-ci, la mise à disposition de l’animal
durant les périodes de saut peut être compliquée par différentes maladies,
blessures ou simple fatigue passagère. Or, en ne permettant pas
l’accomplissement de l’acte matériel de reproduction, le bailleur manque à son
obligation de délivrance conforme. C’est pourquoi l’obligation d’entretien doit
s’entendre de conserver l’étalon dans un état lui permettant de satisfaire aux
obligations contractées par le preneur avec le propriétaire d’une femelle sauf
clause contraire mettant à la charge du locataire les risques d’indisponibilité
de l’animal.
261. Comme le vendeur, le bailleur est tenu d’une double garantie légale, contre
l’éviction et contre les vices cachés. Seule une clause spécifique peut étendre
le champ des garanties. Ainsi, il ne pèse aucune garantie quant à la réussite
matérielle des sauts, ni quant à la conclusion de contrats emportant création
de droits à saillie au profit de propriétaires de femelles.
262. Le bailleur doit s’abstenir de tout fait personnel qui perturberait la jouissance
de son locataire700, qu’il s’agisse d’un acte juridique701 ou d’un acte matériel.
Le bailleur doit donc s’abstenir d’effectuer une opération susceptible
d’entraîner l’hypofertilité de l’étalon sauf à considérer l’opération
indispensable, auquel cas le preneur doit en être averti. Il est également
interdit au bailleur de contracter avec des tiers d’éventuelles saillies de leur
jument. Toutefois, une clause permettant au propriétaire de l’étalon de se
réserver la commercialisation de plusieurs saillies est fréquente, la maîtrise de
l’activité de reproduction n’étant alors confiée que partiellement au locataire.
Le bailleur, en revanche, ne répond pas des faits émanant des tiers702.
698 Art. 1719 2° C. civ. 699 Cass. soc., 21 février 1959, Bull. civ. IV., n°286 700 Art. 1719 3° C. civ. 701 Cass. 3èmeciv., 13 octobre 1991, Bull. civ. III, n°248 702 Art. 1725 C. civ. et pour une application : Cass. 3èmeciv., 4 mars 1987, Bull. civ. III, n°37
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263. Le bailleur doit garantir le preneur contre les vices cachés qui empêchent
l’usage de la chose, n’eussent-ils pas été connus de lui lors de la conclusion
du bail, quelle que soit l’époque de leur naissance703. Une clause contraire est
licite à condition qu’elle soit expresse704. Ainsi, il a déjà été jugé705 que
l’hypofertilité est considérée comme un vice caché706 dès lors qu’il est
constaté une diminution considérable et anormale des aptitudes de l’étalon à
la reproduction707, que le vice était manifestement caché et que l’origine de
l’hypofertilité, étant constitutionnelle, génétique ou congénitale, était bien
antérieure à la conclusion du contrat.
264. La jurisprudence a découvert dans le bail une obligation de sécurité708, qui
n’est qu’une obligation de moyens. L’obligation de sécurité n’a pas vocation à
s’appliquer à propos du droit de saillie stricto sensu mais à propos de ses
accessoires indispensables. En effet, la question se pose de savoir qui est le
responsable en cas de blessures faîtes par l’animal au cours de l’acte matériel
de reproduction.
Normalement, les blessures occasionnées aux parties ou aux tiers par les
animaux relèvent de la responsabilité de l’étalonnier dans la mesure ou celui-
ci s’est vu transféré la garde de l’animal pour l’opération de saillie. Toutefois, il
peut s’exonérer de sa responsabilité lorsque la victime aura elle-même
commis une faute à l’origine de son dommage ou lorsque le propriétaire de la
femelle ou le titulaire du droit de saillie ont manqué à leur obligation
d’information en ne prévenant pas le prestataire du caractère irascible ou
ombrageux de l’animal.
265. La principale obligation du preneur, contrepartie de l’obligation de délivrance
qui pèse sur le bailleur, est de payer le loyer709. En dehors du paiement du
703 Art. 1721 C. civ. 704 P.Esmein, Note sous Cass. 1èreciv., 16 juillet 1951, D., 1951, p.587 ; Cass. 3èmeciv., 10 décembre 1980, Gaz. Pal. 1981, pan., p.122 705 CA Caen, 3 octobre 1995, JurisData n°044451 706 Mais également comme une erreur sur les qualités substantielles de la chose tant il est évident qu’une des
qualités essentielles d’un étalon est son taux de fertilité 707 11 à 15% de réussite alors que le taux normal se situe entre 45 et 50% 708 Cass. 3èmeciv., 21 novembre 1990, Bull. civ. III, n°236 709 Art. 1728 2° C. civ.
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loyer, le locataire a trois obligations relatives à l’usage de la chose, à sa
conservation et à sa restitution.
266. Le locataire doit tout d’abord user de la chose louée en bon père de famille
et selon la destination qui lui a été donnée par le bail710. Concrètement, une
clause du bail doit préciser l’usage de la chose louée autorisé par le bailleur :
c’est l’expression et la limite du droit personnel de jouissance au titre duquel le
locataire occupe la chose.
En l’espèce, le preneur ne peut s’évader du cadre circonscrit prévu par le
contrat, d’autant plus que le droit concédé laisse pour seule possibilité la
maîtrise de l’activité de reproduction de l’animal reproducteur. Par
conséquent, la destination du bail ne peut être que respectée puisque les
limites mêmes du droit concédé correspondent à celles stipulées.
Les possibilités d’abus de jouissance n’intéressent donc que l’animal lui-
même. En effet, lors de la mise à disposition de l’animal pour les opérations
matérielles de reproduction, le preneur doit veiller à l’utiliser uniquement aux
fins de reproduction et doit s’interdire toute autre activité.
267. Le cas échéant, l’exploitation du droit de saillie peut être une obligation. En
effet, la valorisation du droit de saillie nécessite une activité de l’animal
reproducteur à chaque période de monte et le locataire qui ne commercialise
pas les saillies peut s’exposer à la résolution du contrat à ses torts711.
Une stipulation est envisageable et peut du reste imposer un nombre de
saillies à vendre ou un chiffre d’affaires minimum.
Cette stipulation était d’autant plus importante que l’agrément délivré
annuellement au propriétaire de l’étalon était autrefois retiré si la production
s’avérait de qualité insuffisante712.
268. Le preneur est tenu de conserver la chose, ce qui est inapplicable à l’égard
de biens incorporels. Toutefois, cela se traduit par l’obligation de conserver
l’accessoire indispensable, à savoir le cheval, dans l’hypothèse de sa mise à
710 Art. 1728 1° C. civ. 711 Cass. com., 25 juin 1968, D., 1969, p.23, à propos d’un brevet mais la solution semble applicable par analogie 712 Art. 8 de l’arrêté du 4 décembre 1990 relatif à la monte publique des étalons des espèces chevalines et asines aujourd’hui abrogé
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disposition. Le locataire doit répondre de tout accident de l’animal, et informer
rapidement le bailleur de tout désordre qu’il constate713.
269. En fin de bail, le preneur doit restituer la chose objet de la location.
Concrètement, cela signifie que le droit de saillie est rendu à son propriétaire,
la maîtrise de l’activité de reproduction de l’étalon incombant à nouveau au
bailleur, mais aucun acte matériel n’a à être accompli s’agissant de biens
incorporels.
En revanche, la solution est différente concernant l’équidé dont la restitution
doit s’opérer en nature. La dépréciation de la valeur de l’objet de la location
peut entraîner réparation714 mais une clause exclusive ou seulement
restrictive de responsabilité peut être stipulée715.
270. Par définition, le bail est temporaire, d’où tout bail perpétuel est nul d’une
nullité absolue716. Le bail dont le terme dépend de la seule volonté du preneur
est considéré comme étant perpétuel717.
Cela étant, le bail peut être conclu pour une durée déterminée ou
indéterminée, au choix des parties.
Néanmoins, en matière de droit de saillie, la commercialisation de saillies
permettant l’inscription du produit à naître à un stud-book est subordonnée à
l’accomplissement d’une formalité administrative : l’obtention de cartes de
saillie annuelles. Dès lors, un bail d’une durée supérieure à un an peut se
retrouver sans objet, ou avec un loyer sans contrepartie réelle et sérieuse, dès
lors que les cartes de saillie ne sont pas délivrées au bailleur, propriétaire de
l’animal, l’année suivante. La prudence incite les parties à vouloir que la durée
du contrat de location du droit de saillie coïncide avec la saison de monte pour
laquelle le bailleur a obtenu de la préfecture les cartes de saillie.
271. Le bail prend fin en raison de l’arrivée de son terme, de la disparition de son
objet ou de l’inexécution de ses obligations par l’une des parties. Dès lors, la
713 Cass. 3èmeciv., 9 février 2005, Bull. civ. III, n°32 714 Dans l’hypothèse, par exemple, de la saillie de femelles de basse qualité qui font perdre de l’attrait au dit étalon... 715 Cass. com., 23 novembre 1999, RCA, 2000, n°54 716 Cass. 3èmeciv., 19 février 1992, Bull. civ. III, n°46 717 Cass. 3èmeciv., 27 mai 1998, Bull. civ. III, n°110
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fin du bail est clairement identifiable. Toutefois, le décès de l’animal, voire son
hypofertilité réduisant l’activité de reproduction à néant, entraîne la fin du bail
en raison de la disparition de l’objet du droit de saillie. En effet, la perte totale
de la chose emporte la résiliation de plein droit du bail718. De la même façon,
l’indisponibilité du cheval, en raison d’une blessure par exemple, est
susceptible d’entraîner la fin du bail.
272. Plus complexe est l’hypothèse de la vente du cheval et de l’opposabilité du
contrat de location au nouvel acquéreur. Si le contrat de vente du droit de
saillie constitue une charge que l’ancien propriétaire doit mentionner auprès
du nouvel acquéreur de l’animal, le contrat de location semble privé d’effet en
cas de vente de l’étalon et la prévision d’une clause de résolution pour vente
apparaît opportune. En effet, en l’absence d’une telle clause, l’ancien
propriétaire du cheval qui procède à sa vente est condamné pour rupture
abusive du contrat de location du droit de saillie et doit indemniser le locataire
des pertes occasionnées719.
II- Le transfert définitif du droit de saillie
273. Le transfert définitif de l’activité de reproduction à une tierce personne
demeure moins fréquent, sans doute car le caractère temporaire d’un tel
engagement est plus efficace en présence d’un être vivant dont les
performances peuvent à tout moment brusquement varier. Paradoxalement,
cette situation n’a guère fait l’objet d’une étude approfondie, de sorte qu’il est
difficile d’en décrire le régime juridique. Confrontons donc la pratique avec les
mécanismes de droit commun.
274. La caractéristique essentielle de la convention organisant le transfert définitif
de l’activité de reproduction de l’étalon est la délivrance du droit de saillie, ce
qui implique nécessairement la mise à disposition de l’animal ou, à tout le
718 CA Paris, 31 mars 2000, D., 2001, somm., p.166 719 CA Lyon, 8 février 2007
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moins, la cession des doses de semence. En effet, pour pouvoir organiser la
reproduction d’un cheval, encore faut-il que le titulaire du droit de saillie soit en
mesure, matériellement, d’opérer la saillie de la femelle.
La question se pose alors de savoir si le transfert unique des doses de
semence n’est pas une alternative au transfert définitif du droit de saillie. En
effet, Manuel Carius remarque qu’il est loisible au « propriétaire de s’engager
auprès d’une personne à lui céder tout ou partie des droits de saillie, au
moyen de doses de semence »720.
Précisons à cet égard que notre distinction, de prime abord théorique, entre le
droit de saillie et les droits à saillie721 trouve ici un terrain d’application
favorable et permet de mettre en exergue les subtilités de la qualification de la
cession de doses de semence du cheval -B-, nonobstant le traitement
juridique de la cession du droit de saillie -A-.
A- La cession du droit de saillie
275. La cession du droit de saillie correspond au transfert définitif de la maîtrise
de l’activité de reproduction du cheval à un tiers.
L’identification des parties s’avère indispensable et il convient d’indiquer en
quelle qualité une personne participe au contrat. Cette précision est d’autant
plus importante lorsque l’animal fait l’objet d’une copropriété, auquel cas, le
cocontractant copropriétaire devra justifier de sa qualité à conclure et de la
portée de son engagement, notamment auprès des autres copropriétaires. En
effet, la cession du droit de saillie par le titulaire de la majorité des parts d’un
étalon syndiqué à un tiers ne doit pas se faire au détriment des autres
copropriétaires, ce qui serait le cas si cette vente leur faisait perdre le contrôle
dont il dispose sur l’usage de l’animal722.
720 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.113 721 Cf. Pts.73 et s. 722 Cass. 1èreciv., 16 juin 1998, n°98-15.347
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Au demeurant, cette jurisprudence corrobore le fait qu’il existe un droit relatif à
la maîtrise de l’activité de reproduction d’un cheval indépendamment de
l’exercice du droit de propriété723.
276. Le contrat de cession du droit de saillie emporte transfert définitif de ce
dernier à l’acquéreur et la mise à disposition du cheval ou de doses de
semence aux conditions stipulées.
Concrètement, cela signifie que l’activité de reproduction est désormais
propriété d’un tiers. En cas de vente de l’animal, il incombe alors au
propriétaire d’avertir l’acquéreur de la présence d’une telle charge puisque
l’activité de reproduction dudit étalon est indisponible en raison de la cession
du droit de saillie.
La cession définitive du droit de saillie s’analyse en une vente et le vendeur
doit délivrer l’objet de la vente mais également ses accessoires. Au
demeurant, l’obligation pour l’acheteur de payer le prix de vente résulte de
l’exécution complète, par le vendeur, de son obligation de délivrance724.
277. Permettre à l’acquéreur de maîtriser l’activité de reproduction de l’étalon
requiert nécessairement la production de divers documents dont les certificats
d'origine725 et les cartes de saillie.
Pour les cartes de saillie, l’article 11 de l’arrêté du 14 mars 2001 susvisé
permet au propriétaire de l’étalon de désigner la personne à qui les cartes de
saillie seront remises et rien ne fait obstacle à ce que lesdites cartes soient
désormais remises au nouveau titulaire du droit. En l’occurrence, une société
n’ayant pas mis à disposition de son cocontractant les cartes de saillie dans le
délai imparti s’est vue condamner à les délivrer sous astreinte726.
278. Mais doit également être mis à disposition de l’acquéreur, si le vendeur veut
satisfaire à son obligation de délivrance, l’animal ou les doses de semence.
Toute la difficulté tient au fait qu’il faut préalablement à chaque saison de
monte faire parvenir à l’acheteur les doses de semence, voire lui mettre à
723 Cf. Pts.73 et s. 724 Cass. 1èreciv., 19 novembre 1996, n°94-18.502 725 Pour un cheval pur-sang à usage d'étalon : Cass. com., 14 décembre 1977, n°75-12.996 726 CA Rennes, 1er juin 2006
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disposition l’étalon dans les conditions définies au contrat de cession. La
survenance d’un évènement rendant impossible cette mise à disposition est
envisageable et le contrat, en tant qu’instrument de prévision et de gestion
des risques, doit faire l’objet à cet égard de stipulations extrêmement
prudentes mais précises.
279. La délivrance doit s’effectuer de manière conforme et la conformité s’entend
de ce qui est stipulé au contrat727. Autrement dit, la non conformité ne peut
être invoquée par l’acquéreur qu’à partir du moment où la chose délivrée n’est
pas conforme à ce qui a été prévu de manière générique dans la convention.
C’est la raison pour laquelle l’insertion d’une clause listant les caractéristiques
de l’étalon est opportune728.
Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que manque à son obligation de livrer
des doses de semences conformes aux spécifications contractuelles
habituelles, le vendeur qui livre à l'acheteur des semences porteuses d'une
maladie729.
280. En vertu de l’article 1641 du Code civil, le vice caché résulte d’un défaut de
la chose nuisant à son bon fonctionnement et la rendant impropre à l’usage
auquel on la destine730. Pour que la garantie légale du vendeur soit appelée à
jouer, il faut que le défaut caché soit antérieur à la conclusion du contrat731,
diminue ou supprime l’usage de la chose en compromettant son utilité732 et
soit inhérent à la chose elle-même733 sans que l’acquéreur ait pu se
convaincre lui-même du vice734.
727 Cass. 1èreciv., 3 décembre 1996, n°94-21.584 ; Cass. com., 18 mars 1997, n°94-21.385 728 Capacités de l’étalon, caractéristiques génétiques, qualités de l’étalon comme son endurance, son agilité … 729 A propos de graines mais la solution semble applicable, par analogie, à une semence d’étalon : Cf. G.Raymond, Note sous Cass. 1ère civ., 30 mars 1999, Cont. conc. cons., 1999, comm., p.110 730 Cass. com., 18 novembre 1986, n°84-17.436 ; Cass. 3èmeciv., 23 octobre 1991, n°87-19.639 731 Cass. com., 10 décembre 1973, n°72-12.102,; Cass. com., 17 mars 1987, n°85-15.126; Cass. com., 2 février 1993, n°91-11501 : les vices cachés s'apprécient à la date de formation du contrat 732 Cass. com., 19 mars 1973, n° 71-14.511, Bull. civ. IV, n°124 ; Cass. com., 20 mai 1986, n°84-16.657 ; Cass. com., 5 juillet 1988, n°87-12.384 733 Cass. 1èreciv., 15 novembre 1988, no89-19.401, JCP G, 1989, IV, p.24 734 Art. 1642 C. civ. : « le vendeur n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même » ; Pour une application : Cass. 1èreciv., 7 janvier 1982, n°80-16.530, JCP CI, 1982, II, n°10497
- 158 -
De manière classique, il a été jugé735 que l’hypofertilité est considérée comme
un vice caché736 dès lors qu’il est constaté une diminution considérable et
anormale des aptitudes de l’étalon à la reproduction737, que le vice était
manifestement caché et que l’origine de l’hypofertilité, étant constitutionnelle,
génétique ou congénitale, était bien antérieure à la conclusion du contrat.
281. Par rapport à l’obligation de mise à disposition de l’animal dans un contrat
de location du droit de saillie738, la seule originalité tient à la répétition de
l’obligation générée par le contrat de cession du droit de saillie.
En effet, la mise à disposition de l’étalon est alors prévue pour chaque saison
de monte, et non plus uniquement pour la saison en cours ou à venir, c’est
pourquoi les parties ont tout intérêt à prévoir un mécanisme d’adaptation en
vue de l’éventuelle modification de la clause eu égard à la survenance
d’évènements particuliers. Ainsi, les parties peuvent prévoir les hypothèses
qui empêcheraient la mise à disposition de l’équidé et, par la même occasion,
ses éventuels palliatifs739.
En toute hypothèse, les périodes de monte doivent être définies au préalable
et l’animal doit être mis à disposition de l’acquéreur du droit de saillie durant
ces périodes. L'obligation de respecter les délais contractuels de délivrance
varie suivant qu'il s'agit d'un délai de rigueur ou d'un délai indicatif, leur
qualification étant souverainement appréciée par les juges du fond740.
282. La difficulté majeure de ce type de relation réside dans l’éventuelle
dépréciation du droit de saillie.
Imaginons l’acquisition de l’activité de reproduction d’un étalon de qualité pour
un prix exorbitant741 et l’hypofertilité annoncée dudit animal à peine un an
après742 !
735 CA Caen, 3 octobre 1995, JurisData n°044451 736 Mais également comme une erreur sur les qualités substantielles de la chose tant il est évident qu’une des
qualités essentielles d’un étalon est son taux de fertilité 737 11 à 15% de réussite alors que le taux normal se situe entre 45 et 50% 738 Cf. Pts.258 et s. 739 Indemnisation de l’acquéreur, cause de résiliation du contrat … 740 Cass. com., 30 novembre 1982, n°81-13.008 741 La valeur de l’étalon Potin d’Amour était en 1988 de 18 millions de francs ! 742 Jurisprudence Potin d’Amour, CA Caen, 3 octobre 1995, JurisData n°044451
- 159 -
A cet effet, nous allons démontrer que la technique contractuelle permet de
pallier cette difficulté. Pour se faire, combinons clause de réserve de propriété,
clause résolutoire et clause de redevance.
283. La rédaction de la stipulation relative au prix de vente est particulièrement
complexe dans la mesure où le prix est susceptible de varier en fonction des
évènements qui pourraient survenir postérieurement à la conclusion du
contrat. Néanmoins, la fixation du prix de vente peut s’opérer par la
détermination d’un montant unique payable à la date d’exigibilité stipulée ou
par une clause dite de redevance que nous recommandons fortement.
En effet, le prix peut être fonction des résultats annuels de l’acquéreur et être
exigible chaque année une fois un état des comptes dressé. Ce système dit
de la redevance présente l’avantage de prendre en considération la
survenance d’évènements qui pourraient affecter la rentabilité de l’étalon et la
jurisprudence contemporaine en matière de vente a d’ailleurs admis que le
prix soit fonction de l’évolution des résultats de l’entreprise au moment de
chaque transaction743.
284. Ce système nécessite la détermination du fait générateur de la redevance,
de son objet et de sa période.
Le fait générateur de la redevance correspond à l’événement déclencheur de
l’obligation de paiement, à savoir la conclusion du contrat de saillie, la
réalisation matérielle de la saillie, le paiement du client...
L’objet de la redevance peut être établi par application d’un pourcentage ou
d’un forfait. Les clauses de redevance au pourcentage nécessitent
l’application d’un taux à une assiette déterminée qui peut correspondre, à titre
d’exemple, à l’intégralité des sommes perçues au titre des saillies exécutées.
Avec la redevance au forfait, le prix définitif à la date de l’exigibilité résulte de
la multiplication d’une somme forfaitaire fixée au préalable par un
multiplicateur qui peut être le nombre de saillies réalisées par l’étalon, le
nombre de contrats de saillie conclus...
743 Cass. com., 10 mars 1998, RJDA, 7/98, n°865
- 160 -
La période de redevance correspond à la durée de l’obligation à paiement du
prix et peut être mesurée en temps ou en volume de règlement. Cette
deuxième solution paraît plus opportune puisqu’elle peut permettre de fixer
que le versement des redevances cessera automatiquement lorsque le
montant total versé aura atteint un certain montant représentant le prix de la
cession. Ce mode de fixation du prix peut permettre au vendeur d’obtenir le
montant du prix de cession souhaité tout en évitant à l’acquéreur de supporter
les aléas liés à des difficultés de mise à disposition de l’animal. Le vendeur
évite également le jeu d’éventuelles clauses de garantie aux termes
desquelles il devrait indemniser l’acquéreur pour ne pas avoir mis à
disposition l’étalon dans les délais ou pour la période stipulés.
285. Stricto sensu, la clause de réserve de propriété subordonne le transfert de
droit réel à l’exécution de l’obligation de paiement. La clause de réserve de
propriété va permettre aux parties de différer le moment du transfert de
propriété à la date de complet paiement du prix par l’acquéreur.
La clause de prix recommandée étant une fixation par redevance, le vendeur
reste propriétaire du droit de saillie jusqu’au paiement du montant de vente
stipulé.
L’application d’un délai à l’issue duquel le contrat est résolu en cas de non-
paiement est inopportune en l’espèce.
L’utilité de la clause de réserve de propriété est en effet de permettre le jeu de
la clause résolutoire en cas de non mise à disposition de l’équidé, permettant
ainsi d’éviter à l’acquéreur de supporter la défaillance de l’étalon, tout en
laissant au vendeur, non encore payé en intégralité, la titularité du droit de
saillie avec néanmoins l’obtention de redevances au prorata de la rentabilité
de l’animal. Dans le même temps, l’acquéreur, malgré la résolution du contrat,
a profité du droit de saillie et payé au prorata des gains générés par l’activité.
286. La clause peut prévoir le transfert de la charge des risques puisque le droit
français ne lie pas le transfert des risques à la livraison mais au transfert de
propriété. Toutefois, le risque majeur est l’éventuelle dépréciation du droit de
saillie qui doit être appréciée au regard de sa cause. Cette dépréciation est
- 161 -
nécessairement relative aux accessoires de l’objet du contrat et concernera le
refus de délivrance de cartes de saillie, l’indisponibilité de l’étalon…
La stipulation relative à la fin du contrat doit alors permettre de déterminer les
évènements qui permettront à l’acquéreur de demander la résiliation du
contrat en distinguant les périodes durant lesquelles l’acquéreur a la charge
de ses accessoires et se voit donc en transférer les risques.
En toute hypothèse, il est essentiel que le contrat prévoit le transfert de la
garde des accessoires durant les périodes de mise à disposition de l’animal
ou de ses doses de semences à l’acheteur. Il est en effet normal que la
maîtrise matérielle des accessoires du droit de saillie par l’acquéreur durant
les périodes de mise à disposition lui fasse supporter la responsabilité des
dommages qu’ils peuvent provoquer.
287. Par la combinaison d’une clause de prix par redevance, d’une clause de
réserve de propriété et d’une clause résolutoire, les effets pervers de la mise à
disposition de l’équidé ou de ses doses de semence sont donc limités.
En effet, l’insertion d’une clause résolutoire au contrat va permettre aux parties
d’anticiper les évènements susceptibles d’affecter la rentabilité du droit de
saillie. Les cocontractants doivent lister les évènements qui laissent à
l’acquéreur la possibilité de résilier de plein droit le contrat.
Par l’effet de la clause de réserve de propriété, tant que le prix déterminé par
la clause de redevance n’est pas atteint, le vendeur reste titulaire du droit de
saillie. Le jeu de la clause résolutoire permet alors à l’acquéreur de se libérer
de son engagement tout en ayant profité durant une ou plusieurs saisons de
monte de l’étalon moyennant le paiement d’un prix proportionnel à sa
rentabilité et tout en évitant les éventuels désagréments liés à une diminution
des capacités de l’étalon.
La technique contractuelle permet en l’espèce d’éviter le contentieux relatif à
la responsabilité de la dépréciation du droit de saillie, qui, en définitive, revient
à chercher l’auteur de la diminution de la capacité reproductive de l’étalon.
288. La mort de l’équidé, voire son hypofertilité réduisant l’activité de reproduction
à néant, doit entraîner la fin du contrat en raison de la disparition de l’objet du
droit de saillie. En la présence d’une clause de réserve de propriété et en
- 162 -
l’absence du complet paiement du prix, le vendeur supporte les risques de
disparition de l’équidé, sauf dans l’hypothèse où la responsabilité de la mort
incombe à l’acquéreur.
Une fois l’intégralité du prix réglée, l’acquéreur n’est plus en mesure de se
prévaloir de ce montage contractuel à l’encontre de son vendeur. Il pourra
néanmoins toujours se retourner contre lui si la mort de l’étalon a pour origine
une faute ou une négligence du vendeur.
B- La cession de doses de semence du cheval
289. Manuel Carius indique qu’il est possible pour le « propriétaire de s’engager
auprès d’une personne à lui céder tout ou partie des droits de saillie, au
moyen de doses de semence »744. L’analyse juridique de cette opération par
Manuel Carius n’emporte toutefois pas notre adhésion puisqu’il estime que,
« si le contrat le prévoit, il y aura vente des semences »745.
Or, en réalité, l’achat unique des doses de semence dans cette optique, à
savoir leur revente ultérieure dans le cadre d’un contrat prévoyant
l’insémination d’une femelle, a pour finalité la conclusion d’un acte juridique.
Autrement dit, la vente unique de semences a alors le même objet que le
transfert définitif du droit de saillie, à savoir gérer l’activité de reproduction de
l’animal reproducteur en réalisant le commerce de ses doses de semence.
Or, il est entendu que la gestion de l’activité de reproduction de l’animal
appartient au seul titulaire du droit de saillie.
Par conséquent, l’achat unique des doses de semence ne peut permettre à
l’acquéreur qu’une utilisation personnelle en vue de la saillie d’une femelle
déterminée. On est alors dans le cadre du contrat de vente de semences et on
rejoint en cette hypothèse, mais seulement en cette hypothèse, l’analyse
développée par Manuel Carius746.
744 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.113 745 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.113 746 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.113
- 163 -
290. En revanche, la pratique recourt assez fréquemment à la cession des doses
de semence pour permettre une gestion de l’activité de reproduction de
l’animal par une tierce personne.
Cette opération est à distinguer de la vente de semences et peut s’analyser de
deux façons : soit il s’agit d’un contrat de location du droit de saillie747 et la
cession des doses de semence correspond à leur mise à disposition au
locataire durant la période portant transfert temporaire du droit de saillie et le
prix de l’opération équivaut au prix du loyer ; soit il s’agit d’un simple mandat
de commercialisation des saillies au nom et pour le compte du propriétaire de
l’animal reproducteur.
Cette seconde analyse est confortée en matière équine par un arrêté
ministériel du 21 février 1988 qui précise que les doses de semences
appartiennent au propriétaire de l’étalon. Le tribunal de grande instance de
Quimper748 a d’ailleurs jugé qu’en l’absence de clause contractuelle contraire,
le bénéficiaire des semences doit chaque année rendre compte au
propriétaire de l’étalon de l’utilisation des doses qui lui ont été transmises et
justifier de l’état du stock.
291. Cette analyse n’est pas sans conséquence au niveau du cadre juridique de
l’opération puisqu’elle bouleverse les relations actuelles entre praticiens du
monde équin. En effet, la cession d’un droit, ou la simple conclusion d’un
mandat, rend inapplicable la Convention de Vienne qui ne s’applique qu’aux
ventes internationales de marchandises. La requalification de l’opération n’est
donc pas anodine puisque l’ensemble des cessions de doses de semence
ayant un lien d’extranéité, aujourd’hui soumises à la Convention de Viennes,
ne le seraient plus demain.
En effet, la cession des doses de semence ne peut se faire que dans le cadre
d’une opération plus vaste qui comprend nécessairement le transfert,
temporaire ou définitif, de la maîtrise de l’activité de reproduction de l’étalon
sauf dans l’hypothèse où cette cession a pour finalité un usage à titre privé
des doses de semence.
747 Cf. Pts.255 et s. 748 TGI Quimper, 5 avril 2005, n°05/00202
- 164 -
§II. LE TRANSFERT DE LA MAITRISE DE L’ACTIVITE DE COMPETITION DU
CHEVAL
292. Certaines compétitions équines lucratives749, nécessitant une spécialisation
des intervenants, conduisent les propriétaires de chevaux de course à
transférer la maîtrise de l’activité de compétition de l’animal à une tierce
personne.
La matière équine illustre parfaitement cette formule par l’intermédiaire du
contrat de location de carrière de course et de concours.
L’esprit du contrat est aisément perceptible. Le propriétaire de l’équidé
souhaite confier à un professionnel non plus le seul dressage ou entraînement
de l’animal mais la maîtrise de l’intégralité de sa carrière de course ou de
concours. L’entraîneur dispose alors du cheval, l’exploite lui-même et dirige sa
carrière de manière autonome. Le propriétaire espère l’obtention de gains sur
lesquels un pourcentage lui revient.
293. Le cadre juridique demeure plus complexe puisque « la nature de ce type de
convention est particulière »750.
Partons alors de ce qui est acquis ; le contrat de location de carrière de course
et de concours d’un équidé est une convention par laquelle le propriétaire met
son animal à disposition d’un entraîneur, lequel a alors la charge d’en exploiter
la carrière.
Le contrat revêt la qualification de louage de chose avec, en accessoire, la
nécessité d’une prise en pension de l’animal, la jurisprudence renvoyant à cet
égard aux dispositions relatives au dépôt751.
Cependant, il s’agit d’une location quelque peu particulière puisque
l’entraîneur ne peut jouir du cheval comme bon lui semble dans la mesure où
749 N.De Blomac, La gloire et le jeu, des hommes et des chevaux, 1766-1866, Fayard, Paris, 1991 ; P.Joly, Trotteurs de légende, Ouest-France, Rennes, 1998 ; G.Konopnicki, La France du tiercé, ordre et désordre d’une passion populaire, éd. La Manufacture, Paris, 1987 ; S.Tourreau, Les courses hippiques à l’île Maurice, tentative d’expression d’une nation, Thèse la Réunion, 1997 750 P.Levêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.57 751 Cf.Pts.234 et s.
- 165 -
il doit mettre son art en œuvre afin d’améliorer les capacités de l’animal. Cela
rapproche sa mission de celle d’un contrat d’entreprise.
Toute la difficulté réside ainsi dans le fait que ce contrat est « régi par diverses
règles issues de régimes juridiques différents, telles que les dispositions
relatives à la location, au dépôt, au contrat d’entreprise… »752.
294. Dans le domaine des courses, les sociétés mères imposent d’ailleurs une
réglementation stricte visant à encadrer les conditions d’entraînement et à
favoriser la transparence de l’ensemble de la filière. Le contrat de location de
carrière de course est ainsi régi par l’article 17 du Code des courses au trot et
l’article 12 du Code des courses au galop.
Il s’agit d’un contrat formaliste nécessitant l’écrit et un dépôt auprès de la
société d’encouragement pour le cheval français753 ou agréé par France
Galop754 aux fins d’opposabilité. Des normes financières strictes sont
imposées pour le calcul du montant de la location : dans les courses au galop,
elle ne peut être supérieure à trente pour cent des allocations reçues par
l’équidé en incluant la prime au propriétaire sauf stipulation contraire755 ; dans
les courses au trot, le pourcentage revenant au locataire de l’animal ne peut
pas être inférieur à cinquante pour cent des allocations obtenues par le
cheval, sauf dérogation exceptionnelle laissée à l’appréciation des
commissaires de la Société d’Encouragement du Cheval Français.
295. Concernant la durée, le contrat peut prévoir une échéance irrévocable,
déterminée à priori, faire référence à un évènement ou porter sur l’ensemble
de la carrière de course du cheval sous réserve de dispositions
règlementaires applicables. A cet effet, le Code des courses au trot interdit la
participation d’équidés âgés de plus de dix ans et le Code des courses au
galop organise des procédures de résiliation avant terme. Les contrats portant
sur l’ensemble de la carrière de l’animal peuvent ainsi être résilié
752 P.Levêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.58 753 Pour les trotteurs 754 Pour les galopeurs 755 Cass. 1èreciv., 17 novembre 1999, n°97-17.094
- 166 -
unilatéralement sous le respect d’un préavis et la vente du cheval dans un prix
à réclamer entraîne la résiliation d’office de la location.
Il est intéressant d’observer que, saisie d’une question relative à la rupture
abusive du contrat de location de carrière de course, la Cour de cassation a
renvoyé aux dispositions du Code des courses, précisant que les trotteurs ne
peuvent plus concourir au terme de leur année de dix ans, pour estimer que la
convention était à durée déterminée et ne pouvait en conséquence être
révoquée à tout moment756.
296. L’entraîneur supporte diverses obligations. Au-delà de l’obligation principale
consistant à entraîner l’équidé, le professionnel supporte une obligation de
surveillance et de sécurité et une obligation d’information et de conseil757.
Au titre de son obligation de surveillance et de sécurité, l’entraîneur a le devoir
d’assurer une surveillance générale constante des équidés sous son contrôle
dans la mesure où il « contracte l’obligation de moyens de mettre en valeur les
aptitudes du cheval à la compétition mais aussi les obligations de moyens,
d’entretien et de soins, par analogie avec la médecine humaine, le vétérinaire
joue le rôle du médecin et l’entraîneur celui de l’infirmier »758.
Cette obligation de moyens induit qu’il appartient au propriétaire de l’animal
blessé ou mort de rapporter la preuve d’une faute commise par son
cocontractant759.
Manuel Carius fait à juste titre remarquer qu’en matière de bail, « l’article 1732
du Code civil précise que c’est au preneur de prouver, sauf clause contraire,
qu’il n’a pas commis de faute à l’origine de la détérioration subie par le bien
loué »760. Cependant, Manuel Carius semble omettre que ce n’est pas l’équidé
l’objet de la location, mais la carrière de course ou de concours de l’animal, ce
dernier n’étant en réalité que l’objet de la carrière. Si sa remarque demeure
pertinente, le raccourci opéré en évoquant la détérioration du bien loué en lieu
et place de l’objet du droit loué est inopportune puisque l’article 1732 ne
756 Cass. 1èreciv., 11 février 2003, n°00-13.432 757 Pour s’en convaincre : Cf. P.Levêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusions Agence Cheval de France, 2006, p.58 et 59 758 CA Pau, 18 décembre 1986, JurisData n°045220 759 Cass. 1èreciv., 15 avril 1979, Bull. civ. I, n°115 ; Cass. 1ère civ., Bull. Civ. I, n°359 ; Cass. 1ère civ., 10 mai 1989, Bull. civ. I, n°193 760 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.176
- 167 -
recevra application qu’à partir du moment où l’état de l’animal est à l’origine de
la détérioration de son aptitude à participer aux courses ou aux concours.
En effet, la location de la carrière de courses ou de concours se distingue de
la simple location de l’animal en vue d’une opération ponctuelle déterminée761.
En ce sens, le principe que recouvre l’article 1732 du Code civil s’applique en
revanche à l’association qui perd deux lamas au cours d’une randonnée762.
761 Cf. Pts.203 et s. 762 CA Grenoble, 24 septembre 1996, JurisData n°043632
- 168 -
CHAPITRE II
LE REGIME JURIDIQUE
DU FAIT DE L’EXPLOITATION DU CHEVAL
297. A « l’époque moderne, les bêtes sont plus que jamais liées aux
préoccupations de l’homme qui les utilise, voire même les exploite, pour se
nourrir, se vêtir, se soigner, se distraire ou pour travailler »763. Et Caroline
Daigueperse d’insister par l’intermédiaire d’une interrogation : « ne devons-
nous pas à l’animal une partie de notre existence matérielle »764 ?
Certainement… A cet effet, le cheval continue néanmoins de subir l’exercice
de la domination et de l’empire des êtres humains765.
Au quotidien, le cheval compose ainsi avec l’intervention d’une multitude
d’opérateurs ; fréquentant successivement le vétérinaire aux fins de soins, le
transporteur professionnel en cas de déplacement, le dépositaire en vue d’une
mise en pension, l’entraîneur aux fins de préparation à la compétition ou au
dressage…
Si le cheval est exploité, la personne, qu’il s’agisse du propriétaire lui-même
ou du prestataire spécialisé qui intervient sur le cheval, est tenue d’obligations.
Le fait même de l’exploitation implique l’existence de ces obligations.
Outre celles caractéristiques à chaque opération766, il existe des obligations
ordinaires au profit de l’utilisateur du cheval -Section I-.
763 C.Daigueperse, L’animal, sujet de droit : réalité de demain, Gaz. Pal., 1981, p.160 764 C.Daigueperse, L’animal, sujet de droit : réalité de demain, Gaz. Pal. 1981, p.160 765 L.Létourneau, De l’animal objet à l’animal sujet ? : regard sur le droit de la protection des animaux en occident, Lex Electronica, Vol.10, numéro spécial, n°2, Automne 2005 766 Cf. Partie I, Titre II, Chapitre I, où est développé le régime juridique des modes d’exploitation du cheval
- 169 -
298. Mais il faut remarquer que c’est « parce que l’homme parachève son
impitoyable domination sur l’animal qu’il lui vient des remords tardifs qui
s’expriment dans les sciences humaines en général, sur le terrain juridique en
particulier »767 par une volonté d’accueillir l’animal pour ce qu’il est.
Le regard que le droit porte sur l’exploitation du cheval est alors emprunt de
cette considération. Ainsi, le droit a récemment pris en compte les
caractéristiques de l’animal en « imposant au maître une diligence singulière à
l’égard de ces biens particuliers »768.
Il existe donc également des obligations singulières au profit du cheval
-Section II-.
SECTION I
DES OBLIGATIONS ORDINAIRES
AU PROFIT DE L’UTILISATEUR DU CHEVAL
299. Le fait même de l’exploitation du cheval justifie que la personne qui exploite
l’animal soit soumise à des obligations vis-à-vis de l’utilisateur final de
l’équidé, qu’il s’agisse d’un acquéreur potentiel, d’un cavalier élève, d’un
propriétaire dont le cheval a besoin de soins…
Comme chaque cheval est différent, morphologiquement, physiologiquement,
informer et conseiller l’utilisateur du cheval est essentiel -§I-.
Comme l’utilisation d’un cheval est source de danger769, assurer la sécurité de
l’utilisateur du cheval est indispensable -§II-.
767 R.Libchaber, Perspectives sur la situation juridique de l’animal, RTD civ., janvier-mars 2001, p.239 768 L.Boisseau-Sowinski, La désappropriation de l’animal, Thèse Limoges, 2008, p.52 769 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.154 où l’auteur déduit de la vie
psychique animant l’animal un caractère dangereux ; M.Vitry, La détermination du fait de l’homme, du fait de l’animal et du fait de la chose, Thèse Rennes, éd. Nouvelliste de Bretagne, 1922, p.45 où l’auteur évoque la
responsabilité du maître d’un animal dangereux ; T.Revet, Loi n° 99-5 du janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479
- 170 -
§I- L’OBLIGATION D’INFORMER ET DE CONSEILLER L’UTILISATEUR DU
CHEVAL
300. L’utilisateur du cheval, qui peut-être l’exploitant lui-même auquel le
propriétaire doit faire part des caractéristiques de son animal, est créancier
d’une obligation d’information et de conseil.
L’obligation de conseil est le prolongement, avec un degré d’intensité
supplémentaire, de l’obligation d’information770.
Plus qu’une indication, le conseil implique une incitation, une
recommandation, une orientation de choix, une préconisation de la solution la
plus adaptée aux besoins exprimés par le client et constitue généralement une
suite du contrat nécessaire à sa bonne exécution771.
Interprété à l’aune de l’adage « emptor debet esse curiosis »772, l’obligation
d’information et de conseil773, développée initialement dans le cadre de la
vente animalière -I-, a été généralisée par la jurisprudence774 équine -II-.
I- L’obligation d’information et de conseil développée dans la vente
animalière
301. La consécration de l’obligation d’information et de conseil dans les relations
contractuelles correspond au prolongement naturel de l’obligation de
loyauté775.
Fondée initialement sur l’article 1602 du Code civil qui impose au vendeur
« d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige », l’obligation d’information a pour
terrain originel de prédilection la vente. En ce sens, « tout professionnel
770 M.Fabre-Magnan, De l’obligation d’information dans les contrats, Thèse Paris I, LGDJ, 1992 771 Cass. com., 8 décembre 1981, n°80-13.852 772 Le débiteur doit être curieux 773 B.De Saint Affrique, Devoir de conseil, Defrénois, 1995, p.913 ; X.Thunis, L’obligation précontractuelle d’information, Mélanges Cabrillac, Litec, 1999, p.313 774 S.Becqué-Ickowicz, Obligation d’information et revirements de jurisprudence, Defrénois, 2003, p.521 775 Art. 1134 al. 3 et 1135 C. civ.
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vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur
en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien »776.
L’obligation d’information, d’origine précontractuelle, conduit le vendeur « à
renseigner son éventuel client sur les caractéristiques essentielles du produit
qu'il lui propose et, à ce titre, le mettre en garde contre ses imperfections ou
ses dangers, mais il ne lui incombe quand même pas d'aller au-delà et, en
vertu d'un devoir de sacrifice dont on discernerait bien mal le fondement
juridique, d'entreprendre une publicité comparative favorable à ses
concurrents »777.
302. A cet effet, il appartient au vendeur d’informer son cocontractant des risques
inhérents à la garde et l’utilisation de l’animal.
Ainsi, l’éleveur professionnel qui laisse à des acquéreurs potentiels un animal
à l’essai commet une faute au cas de mauvaise information de l’essayeur
profane quant aux précautions à prendre pour garder l’animal778.
De la même façon, une société de jardinerie qui vend à un couple marié un
animal domestique, lequel mord la jeune femme puis son fils, verra sa
responsabilité engagée sur le fondement de l’obligation d’information. En effet,
l’action en réparation contre le vendeur est jugée légitime au motif que celui-ci
aurait manqué à l'obligation de mettre en garde les acquéreurs contre le
caractère potentiellement dangereux des morsures de l'animal. La Cour de
cassation779 constate « que l'acheteur n'avait ni connaissance ni conscience
qu'en achetant un rat domestique il s'exposait à un risque de maladie » et a pu
en déduire « que le vendeur, en tant que professionnel, avait manqué à son
obligation d'information en ne portant pas ce risque à la connaissance de
l'acheteur ».
303. Que le vendeur soit tenu d’informer l’acheteur des risques attachés à la
chose vendue est une solution classique780 mais Dominique Fenouillet
776 Art. L.111-1 C conso. modifié par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 et provenant de la loi n°92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs 777 J.Mestre, L’information à la une, RTD civ., 1993, p.115 778 CA Rennes, 1er mars 2000, JurisData n°125594 779 Cass. 1èreciv., 14 mai 2009, n°08-16.395 780 Cass. 1èreciv., 10 juin 1980, Bull. civ. I, n°179 ; Cass. 1èreciv., 13 mai 1986, Bull. Civ. I, n°128 ; Cass. Com., 15 juin 1976, Bull. Civ. IV, n°207, p.179
- 172 -
s’étonne « que rien dans l’arrêt n’indique sur quel texte les demandeurs
s’étaient fondés pour imposer au vendeur cette obligation d’information »781.
Nous pouvons certes le déplorer, proposer des « revirements pour
l'avenir »782, une solution en équité783 ou, encore, estimer qu'il existe un
« droit, de la part de ceux auxquels les tribunaux imposent des exigences de
comportement, de savoir précisément ce qui est attendu d'eux »784 mais il
serait légitime que « leur responsabilité professionnelle soit appréciée à l'aune
des obligations positives qui pesaient effectivement sur eux au moment des
actes »785.
304. Le professionnel, vendeur d’aliments pour animaux, subit une pression
accrue tenant une soumission à un véritable devoir de conseil excédant la
simple information. Cependant, sa responsabilité est écartée lorsque des
analyses montrent que le produit n’est pas toxique en lui-même, tandis que
son conditionnement comporte une étiquette mentionnant des précautions
d’emploi786, de surcroît en présence d’un éleveur professionnel787.
305. La vente de médicament à usage vétérinaire impose de satisfaire à un
devoir de conseil auquel le pharmacien manque inévitablement en
méconnaissant la réglementation administrative, ce qui a eu pour effet
d’entraîner la réalisation des risques que ces dispositions avaient pour fin
d’éliminer788.
781 Et l’auteur rajoute à ce titre que « les possibilités sont légion, que ce soit au sein de la théorie générale (C.civ., art. 1134 al.3 ou 1135), ou du droit spécial, qu’il s’agisse des articles 1602 ou 1603 et suivants du Code civil ou de l’article L.111-1 du Code de la consommation qui impose de mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service » 782 C.Mouly, Le revirement pour l'avenir, JCP G, 1994, I, p.3776 783 N.Molfessis, RTD civ., 2002, p.176 et s., spéc. p.181 784 J. Mestre, Les professionnels sont-ils tenus d'un devoir de divination ?, Droit et patrimoine, mars 2002, p.3 785 N.Molfessis, RTD civ., 2002, p.176 et s., spéc. p.177 786 Cass. 1èreciv., 6 mars 1996, JurisData n°000724 787 A propos d’un éleveur de chèvres dont le troupeau a ingéré un aliment dont le conditionnement comportait
une étiquette mentionnant des précautions d’emploi 788 CA Orléans, 22 juin 1995, JurisData n°044004 ; le médicament ne pouvait être délivré que sur présentation d’une prescription vétérinaire qui faisait défaut en l’espèce et avait vu son autorisation de mise sur le marché
suspendue par les autorités compétentes ; les veaux soignés décèdent suite à la prise de ces médicaments
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II- L’obligation d’information et de conseil généralisée aux contrats
équins
306. Prenant soin de s’évader du cadre circonscrit de la vente, la jurisprudence, a
fait application de l’obligation d’information et de conseil pour tout type de
relation, notamment lorsque l’objet de la relation est un cheval789.
L’exploitant doit garantir son cocontractant des vices ou défauts affectant
l’animal et lui fournir les renseignements utiles pour sa sécurité. Sinon il est
tenu d’indemniser le préjudice subi par son cocontractant lors de l’utilisation du
cheval en vertu d’une garantie spécifique que l’on retrouve dans le louage de
chose790, le prêt à usage791 et, de manière différente, dans le contrat
d’entreprise792.
Ainsi, la cavalière d’un équidé au caractère particulièrement difficile peut
obtenir réparation des conséquences dommageables d’une chute dès lors que
le propriétaire ne l’avait pas informé des risques qu’elle courait et qu’au
demeurant il connaissait pour en avoir été la victime793. En revanche, si le
cavalier commet une négligence ou s’expose inutilement à un risque, il ne
peut invoquer la faute de son cocontractant794.
307. En ce sens, un enseignant est tenu d’inculquer à ses clients débutants les
règles élémentaires de sécurité.
Les juges du fond considèrent que doivent être connues des cavaliers, les
consignes relatives aux distances de sécurité795 et les recommandations sur la
manière de conduire les chevaux796.
789 Le législateur est intervenu en disposant de manière générale que le prestataire de services « doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service » : Art. L.111-1 C. conso. modifié par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 et provenant de la loi n°92-60 du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs 790 Art. 1721 C. civ. 791 Art. 1891 C. civ. 792 Cass. 1èreciv., 19 mars 1969, D., 1969, p.532 ; G.Cornu, Note sous Cass. com., 20 mars 1973, RTD civ., 1973, p.570 793 Cass. crim., 17 septembre 2002, JCP G, 2002, IV, n°2887 794 Cass. 1èreciv., 3 mars 1992, n°90-17.533 795 CA Nîmes, 18 avril 2002, JurisData n°182107 796 Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°01-16.350
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La personne qui exploite l’animal est débitrice de cette obligation de conseil
seulement à l’égard des novices, le cavalier confirmé étant présumé connaître
les règles de sécurité797.
308. La jurisprudence a développé à propos des activités équestres un véritable
principe d’obligation d’information.
A ce titre, le loueur d’équidés est tenu de délivrer à ses clients les informations
utiles au bon déroulement de la promenade798.
Il doit tout d’abord éclairer le cavalier sur sa monture. Ainsi, en présence d’un
cheval « moins bien dressé et castré depuis seulement quarante quatre jours,
la monte se faisant sans selle, sur une simple couverture et en bridon sans
mors de bride… »799, le centre équestre est responsable du dommage
survenu à son client dès lors que, par suite de son défaut d’expérience, il ne
« connaissait pas ce cheval ainsi que le danger présenté par les conditions de
monte »800.
Le centre équestre doit ensuite conseiller le cavalier sur l’itinéraire choisi et
l’informer des éventuelles difficultés. Ainsi, il incombe à l’opérateur « d’éviter
un trajet difficile sachant le cavalier inexpérimenté et de le mettre en garde
contre les risques de la promenade qu’il désirait accomplir »801. Cependant,
l’établissement équestre n’est nullement tenu de s’assurer de l’inexistence
permanente d’obstacle sur le tracé802.
309. Cette émergence d’une obligation d’information et de conseil803 à l’égard de
l’intégralité des prestataires équins s’insère avec justesse dans les relations
entre un propriétaire et l’entraîneur de son cheval.
En effet, l’entraîneur doit informer le propriétaire de l’état de santé, de la forme
et des aptitudes de son animal. En avertissant ainsi le propriétaire de l’animal
des signes d’arthrose que présentaient son cheval, l’interruption de
l’entraînement conduit les juges du fond à débouter le propriétaire de sa 797 CA Paris, 24 mars 2000, D., 2001, n°18 ; CA Paris, 30 octobre 2000, JurisData n°141722 798 F.Lagarde, note sous Cass. 1èreciv., 6 février 2001, D., 2001, p.1661 799 CA Nîmes, 8 janvier 1969, D., 1969, p.196 800 CA Nîmes, 8 janvier 1969, D., 1969, p.196 801 TGI Tarascon, 18 mai 1966, Gaz. Pal., 1966, p.212 802 F.Lagarde, note sous Cass. 1èreciv., 6 février 2001, D., 2001, p.1661 803 P.Levêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 20006, p.59
- 175 -
demande de dommages intérêts qui estimait avoir perdu du temps et de
l’argent avec cet entraîneur804.
310. Le vétérinaire est déontologiquement débiteur d’une obligation d’information
et « doit formuler ses prescriptions en conscience de leurs conséquences pour
le propriétaire de l’animal avec toute la clarté nécessaire et donner à qui de
droit toutes les explications utiles sur la thérapie instituée et la prescription
délivrée »805. L’information doit revêtir un caractère simple de manière à la
rendre intelligible et loyale806. A tout stade de sa prestation, le praticien doit
fournir les informations nécessaires au consentement du propriétaire de
l’animal pour que ce dernier soit en mesure le cas échéant de s’engager en
toute connaissance de cause.
Si « la preuve de l’information peut être faite par tous moyens »807, « le
médecin est tenu d’une obligation particulière d’information vis à vis de son
patient et il lui incombe de prouver qu’il a exécuté cette obligation »808. La
charge de la preuve de l’absence de faute incombe au vétérinaire dont la
sanction s’analyse en une perte de chance. L’évaluation du préjudice mesure
les chances perdues et la gravité du préjudice final809. La Cour de cassation a
cependant rappelé au juge qu’il devait établir un lien de cause à effet entre la
faute retenue et la perte de chance évoquée810.
311. La responsabilité du vétérinaire est également engagée en cas de fausses
indications sur un certificat remis à des tiers et notamment les assureurs.
Dans cette hypothèse, c’est une véritable obligation de résultat qui pèse sur le
vétérinaire. Ainsi, est condamné le vétérinaire qui avait coché la case relative
au test de coggins alors que cette analyse n’avait pas été réalisée811.
804 CA Versailles, 7 mai 1987, Gaz. Pal., 1988, p.102 805 Art. 2 du Code de déontologie, Décret n°92-157 du 19 février 1992, JO 22 février 1992, p.2771 806 Cass. 1èreciv., 21 février 1961, Bull. civ. I, 1961, n°112, p.90 807 Cass. 1èreciv., 14 octobre 1997, Juridisque Lamy C. cass., Vol. III, n°1564 808 Cass. 1èreciv., 25 février 1997, Juridisque Lamy C. cass., Vol. III, n°425 809 Cass. 1èreciv., 7 février 1990, Bull. civ. I, 1990, n°39, p.30 810 Cass. 1èreciv, 17 novembre 1992 811 Cass. 1èreciv., 7 juillet 1992, Juridisque Lamy C. cass., Vol. II, n°1055
- 176 -
§II- L’OBLIGATION D’ASSURER LA SECURITE DE L’UTILISATEUR DU CHEVAL
312. Dès 1911, la jurisprudence invente le concept d’obligation de sécurité812 qui
protége la faiblesse de l’homme vulnérable devant des forces techniques
susceptibles de porter atteinte à son intégrité physique.
Depuis lors, « le concept a fait florès : analysé et généralement approuvé par
la doctrine813, il a essaimé de la jurisprudence du contrat de transport de
personne à une foule d’autres contrats dont l’énumération décourage
l’analyse »814.
Comme l’animal est « une source originale de dommages »815 par nature, il
justifie l’application d’une obligation d’assurer la sécurité de son utilisateur.
Par principe, l’exploitant supporte une obligation générale de sécurité816 qui
impose de mettre les personnes placées sous sa garde à l’abri des
conséquences négatives de son intervention. Mais il supporte aussi une
obligation de sécurité « du fait des choses qu’il met en œuvre pour l’exécution
de son obligation »817.
313. Pour nuancer les risques intrinsèques à la pratique d’un sport équestre, les
tribunaux accèdent fréquemment à l’application de la théorie de l’acceptation
des risques818. En effet, « la pratique des sports implique de la part de ceux
qui s’y livrent l’acceptation de certains risques et il fallait compter avec les
réactions parfois imprévisibles des chevaux qui exposent à des chutes des
cavaliers confirmés »819.
812 C.Lyon-Caen, note sous Cass. civ., 21 novembre 1911, S., 1912, 1, p.73 813 G.Viney, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 1982, n°499 et s. ; B.Starck, H.Roland, L.Boyer, Obligations, 4ème édition, Litec, 1993, n°1061 et s. ; F.Terré, P.Simler, Y.Lequette, Les obligations, 5ème édition, D., 1993, n°565 ; P.Jourdain, L’obligation de sécurité, à propos de quelques arrêts récents, Gaz. Pal., 24 septembre 1993, p.6 814 Y.Lambert-Faivre, Fondement et régime de l’obligation de sécurité, D., Chron., 1994, p.81 815 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.21 et s. 816 Codifiée pour les produits et services à l’article 1
er de la loi n°83-660 du 21 juillet 1983 devenu l’article
L.221-1 C. conso. 817 Cass. 1èreciv., 17 janvier 1995, n°93-13.075, Bull. civ. I, n°43, p.29 818 CA Grenoble, 5 décembre 1995, JurisData n°047634 819 Cass. 1èreciv., 8 février 1961, Bull. civ. I, n°92, p.75
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314. Dans le cadre de l’enseignement de l’équitation, « la personne liée à un
moniteur par un contrat salarié d’équitation entend courir un risque normal
inhérent à ce genre de sport ; le professeur ne s’engage pas à l’exonérer de
tout risque et à lui assurer sont intégrité physique à l’issue de chacune des
leçons, mais assume seulement l’obligation de se conduire en bon père de
famille et en professeur prudent et diligent »820. A cet effet, l’enseignant
« contracte une véritable obligation de moyens par laquelle il s’engage non
seulement à fournir à l’élève un cheval correspondant à sa capacité, mais
encore à adopter toutes mesures nécessaires pour assurer la sécurité de
l’élève »821.
315. De la même façon, le centre équestre « qui loue des chevaux pour l’exercice
d’un sport essentiellement individuel, exigeant une participation active du
cavalier et présentant certains dangers, ne peut assurer à son cocontractant
qu’aucun accident ne se produira et est tenu envers lui d’un devoir général de
soins et de diligence, à l’exclusion d’une obligation déterminée de
sécurité »822. Et « la présence d’un écuyer, préposé du maître de manège,
chargé d’accompagner les promeneurs avec pour mission non seulement de
les diriger dans la forêt, mais aussi de les surveiller et de leur prodiguer des
conseils, n’ayant pu prémunir les cavaliers contre les risques encourus, ne
modifie pas la nature de l’obligation assumée »823.
316. Pour apprécier la rigueur avec laquelle l’obligation de sécurité s‘applique à la
personne qui exploite le cheval, les tribunaux tiennent compte du niveau du
cavalier ayant subit le dommage et de la connaissance qu’il pouvait avoir du
danger. En effet, « la faute qui peut être légitimement reprochée au professeur
d’équitation doit résider non point dans le fait de n’avoir pas soustrait son
élève à toute embûche, mais seulement dans le fait de l’avoir mis en présence
d’obstacles disproportionnés avec son aptitude à les surmonter »824.
820 CA Lyon, 26 mai 1954, D., 1955, p.7 821 CA Paris, 29 novembre 1958, D., 1959, p.167 822 CA Orléans, 12 février 1964, D., 1964, p.191 823 CA Orléans, 12 février 1964, D., 1964, p.191 824 CA Paris, 7 décembre 1968, D.,1968, p.26
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317. Dès lors, l’entrepreneur de promenades équestres, qui fait face « à des
clients qui peuvent tout ignorer de l’équitation et rechercher seulement le
divertissement d’un parcours à dos de cheval sur l’itinéraire imposé par les
préposés qui les accompagnent »825, supporte une obligation de sécurité
draconienne par rapport au loueur de chevaux qui est simplement tenu de
mettre à la disposition de ses clients « des chevaux non vicieux et adaptés à
leur niveau de pratique, ainsi que du matériel en bon état »826.
Si « la question se pose de savoir si ces principes peuvent être transposés à
d’autres animaux que le cheval »827, constatons que cette transposition a été
opérée par la jurisprudence notamment, dans une espèce pittoresque828, au
méhari829.
318. L’accompagnement et l’encadrement d’un groupe de cavaliers demeurent un
exercice délicat surtout lorsque l’exploitant perd la maîtrise de l’environnement
dans lequel il évolue. Par conséquent, la prise en charge de cavaliers
parfaitement novices impose aux organisateurs de promenades de prendre
des précautions puisque les tribunaux apprécient la responsabilité du
professionnel en tenant compte du niveau du cavalier, même si la
jurisprudence favorable à la protection du profane tend à se généraliser830.
D’une manière générale, le respect de l’obligation de sécurité s’impose aux
personnes qui exploitent le cheval au titre du choix et de la qualité de la
cavalerie, de la conformité du matériel et du déroulement de la prestation.
319. L’enseignant est tenu de « fournir à l’élève un cheval correspondant à sa
capacité »831 et de s’abstenir de mettre à sa disposition un « animal
dangereux »832.
825 Cass. 1èreciv., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111, p.102 826 Cass. 1èreciv., 17 février 1982, Bull. civ. I, n°82 827 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.151 828 R.Rodière, note sous TGI Paris, 12 décembre 1967, JCP, 1967, II, p.15619 829 G.Durry, obs. sur TGI Paris, 12 décembre 1967, RTD civ., 1971, n°22, p.161, encore que le tribunal retienne directement la faute de l’excentrique victime 830 CA Versailles, 1er octobre 1999, JurisData n°147290 831 CA Paris, 29 novembre 1958, D., 1959, p.167 832 Cass. 1èreciv., 11 décembre 1990, Juridisque Lamy C. cass., Vol. I, n°1638 ; CA Aix en Provence, 6 novembre 1996, JurisData n°046215
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Par principe, la dangerosité du cheval est appréciée in concreto, compte tenu
du niveau sportif du cavalier. En conséquence, le professionnel doit s’abstenir
de fournir des chevaux « un peu vifs »833, qui ont tendance « à fuir en direction
de l’écurie »834 ou dont le propriétaire reconnaît qu’ils sont « parfois
ombrageux et capricieux »835. Ainsi, « le loueur d’équidés ne satisfait pas cette
obligation lorsqu’il est constant qu’un jeune cavalier monte une jument
fougueuse »836.
Or, le cavalier désarçonné par l’animal va fréquemment chercher à engager la
responsabilité du centre équestre en démontrant que son préjudice a
directement été causé par l’animal837 ou qu’il en a été le vecteur838.
Cependant, le degré d’aptitude du cavalier conduit les tribunaux à constater
que le fait de confier à un adulte non débutant un cheval d’instruction
habituellement monté par des enfants ou des personnes handicapées est la
preuve du respect de l’obligation de sécurité par le centre équestre839.
Constitue cependant un manquement à l’obligation de sécurité le fait
d’attribuer à une cavalière un cheval qui lui a précédemment occasionné de
graves difficultés840.
320. Si le professionnel est tenu d’informer les cavaliers novices des règles de
sécurité, il doit également veiller à leur application. En cas d’accident, il pourra
lui être reproché de ne pas avoir résolu les difficultés rencontrées par un
cavalier pour appliquer les consignes de sécurité841. L’obligation de sécurité
dont l’enseignant est débiteur comprend en préalable une obligation de
conseil.
321. En outre, les réactions imprévisibles d’un cheval lors d’une séance
d’équitation ne suffisent pas à elles seules à engager la responsabilité du
833 CA Lyon, 13 mars 2003, JurisData n°209584 834 Cass. 1èreciv., 4 mars 1980, Bull. civ. I, n°77 ; Cass. 1èreciv., 10 février 1987, D., 1987, p.467 835 CA Aix en Provence, 30 mai 2001, JurisData n°146719 ; CA Chambéry, 31 mai 2000, JurisData n°117644 836 TGI Fontainebleau, 10 février 1971, Gaz. Pal., 1971, 1, p.246 837 Morsure, coup de sabot… 838 Chute après ruade… 839 CA Dijon, 27 avril 2000, JurisData n°119635 840 CA Poitiers, 20 novembre 2001, JurisData n°182952 841 CA Poitiers, 25 septembre 2001, JurisData n°171091
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centre équestre842. En effet, constitue un risque inhérent au comportement
des équidés, le cheval qui se cabre pour une raison indéterminée843 ou quatre
chevaux qui ont simultanément pris le galop pour une raison indéterminée844.
322. L’exploitant « doit vérifier l’état de ses chevaux avant le départ »845. A ce
titre, le loueur d’équidés est nécessairement responsable si le cheval qu’il
fournit passe sa langue sous le mors846.
La jurisprudence considère que l’absence de pare bottes ou la trop faible
épaisseur du sol en copeaux dans un manège constituent un manquement à
l’obligation de sécurité847. A cet égard, « les matériaux de construction et les
clôtures doivent être conçus de façon à ne pas être une cause d’accident pour
les personnes et les animaux : l’usage de fils de fer barbelés est en particulier
interdit »848. En revanche, les lices de carrière n’ont pas à être
hermétiquement fermées, l’existence de barrières franchissables mais
signifiant clairement l’interdiction d’accès à toute personne extérieure étant
suffisante849.
De la même façon, « l’état du matériel utilisé, de la sellerie et du
harnachement ne doit mettre en danger ni la sécurité des cavaliers, ni la santé
du cheval » et « les cuirs et les aciers doivent être tenus en constant état de
propreté et toute pièce détériorée ou usagée doit être remplacée ou
réparée »850.
Le centre équestre doit veiller à fournir aux cavaliers débutants une bombe au
risque, à défaut, d’engager sa responsabilité851.
842 Cass. 1èreciv., 16 mars 1970, Bull. civ. I, n°103 ; CA Toulouse, 14 janvier 2003, JurisData n°206574 ; C.Dudognon, Note sous CA Paris, 28 janvier 2003, D., 2003, p.2539 843 CA Nîmes, 19 juin 2001, JurisData n°181231 confirmé par Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°01-16.350 ; Cass. 1èreciv., 17 février 1982, Bull. civ. I, n°82 844 CA Besançon, 16 mai 1991, Gaz. Pal., 1992, 1, p.70 845 CA Agen, 16 juin 1987, RJES, n°5, p.50 846 Cass. 1èreciv., 21 décembre 1964, Bull. civ. I, n°593 847 Cass. 1èreciv., 26 janvier 1988, D., 1989, p.409 ; Cass. 1èreciv., 12 février 1980, Bull. civ. I, n°55 848 Article 10 de l’arrêté du 30 mars 1979 849 CA Versailles, 10 octobre 1997, Bull. IDE, août 1997 850 Article 12 de l’arrêté du 30 mars 1979 851 Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°02-17.949 ; CA Lyon, 6 septembre 2001, JurisData n°153124 ; CA Versailles, 6 février 1998, Bull. IDE, novembre 1998
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323. La personne exploitant le cheval, « tenu à une obligation de prudence et de
diligence, ne doit pas accroître les risques inhérents à la pratique du sport
équestre, mais doit au contraire tenter de les diminuer »852.
Il supporte ainsi une obligation de sécurité dans le cadre de ses choix comme
de ses interventions.
Ainsi, manque à son obligation de sécurité l’enseignant qui n’a aucune
réaction face à une cavalière qui rencontre de graves difficultés pour diriger
son cheval853, n’a pas exercé une surveillance rapprochée sur des cavaliers
débutants effectuant un slalom au petit trot854 ou commet des négligences
dans l’organisation des secours855. Commet également une faute l’enseignant
qui intègre un cavalier débutant dans une reprise de niveau élevé, lui
demande d’exécuter un exercice trop difficile pour lui et enfin lui conseille
d’utiliser sa cravache, ce qui provoque sa chute856 ou qui fait monter un
débutant sans selle et frappe le cheval sur les naseaux857.
En revanche, la Cour de cassation858 exonère l’enseignant de toute
responsabilité lorsque la victime n’était pas une débutante mais une cavalière
déjà relativement confirmée, pratiquant régulièrement l’équitation depuis deux
années et qu’il n’était pas établi que son niveau de compétence eut exigé une
attention spéciale.
324. L’attitude des préposés du centre équestre peut également être à l’origine
du préjudice. Ainsi, il a été reproché à un centre équestre de ne pas avoir
empêché la coupure d’un groupe de poneys au passage d’un pont,
occasionnant l’affolement de l’un deux et la chute de son cavalier859.
Dans le même sens, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de
l’enseignant qui a choisi de faire passer un groupe de promeneurs à côté d’un
pré dans lequel était un poney, cette présence ayant entraîné une réaction
violente du cheval de l’un de ses clients860. L’entrepreneur de promenades
852 CA Orléans, 30 novembre 1994, JurisData n°050310 853 CA Poitiers, 20 novembre 2001, JurisData n°182952 854 CA Rennes, 12 janvier 2000, JurisData n°109555 855 CA Poitiers, 20 novembre 2001, JurisData n°182952 856 CA Paris, 19 juin 1996, Gaz. Pal., 15-17 décembre 1996, p.6 857 Cass. 1èreciv., 19 mai 1981, Gaz. Pal., 1981, II, p.366 858 Cass. 1èreciv., 22 mars 1983, Bull. civ. I, n°106 859 CA Rennes, 10 novembre 1999, JurisData n°113467 860 Cass. 1èreciv., 11 mai 1999, n°97-16.687
- 182 -
équestres doit « prendre toutes précautions utiles pour éviter la chute du client
au niveau d’un talus où elle s’est produite, soit en le faisant descendre, soit en
maintenant son cheval par la bride »861.
325. Afin d’éviter ce genre de désagréments, l’organisateur de promenades
équestres procède parfois à une vérification des capacités de ses clients, en
les soumettant le cas échéant à une phase préparatoire en manège862.
A défaut d’avoir apprécié le niveau des cavaliers, l’entrepreneur de
promenades équestres engage sa responsabilité lorsque, inconscient de faire
face à des débutants, il les laisse sans aucune surveillance aller chercher
seuls leurs chevaux dans un pré863.
Un centre équestre n’est en revanche pas responsable de l’accident survenu à
une cavalière qui connaissait les règles élémentaires de sécurité864.
326. Face à une recrudescence d’incidents intervenus au cours de promenades,
la jurisprudence a élargi le champ d’application de l’obligation de sécurité.
Ainsi, l’entrepreneur de promenades équestres supporte une obligation de
sécurité qui s’étend au choix de l’itinéraire, de l’allure et du personnel
d’encadrement.
327. L’itinéraire choisi impose à l’entrepreneur de promenades équestres de
s’assurer de l’absence de difficulté excessive sur le parcours susceptible
d’occasionner un dommage à ses clients865. Une promenade empruntant un
sentier sinueux entremêlé de branches barrant la route et très pentu sur la fin
est considérée comme dangereuse indépendamment du fait que ce trajet est
utilisé habituellement pour les promenades par le centre équestre866. De la
même façon, il est inconsidéré de faire passer des débutants à proximité d’un
boulevard périphérique sans les faire mettre pied à terre867 ou à côté d’un pré
861 TGI Tarascon, 18 mai 1966, Gaz. Pal. 1966, 1, p.212 862 Cass. 1èreciv., 29 juin 1994, RCA, 1994, comm., n°346 ; CA Rennes, 13 décembre 2000, JurisData n°144735 863 Cass. 1èreciv., 18 novembre 1986, Bull. civ. I, n°270 864 CA Paris, 24 mars 2000, D., 2000, IR, p.136 865 Cass. 1èreciv., 11 mai 1999, n°97-11.290 866 CA Nîmes, 29 mars 2000, JurisData n°113445 867 CA Pau, 7 janvier 1988, D., 1989, p.409
- 183 -
dans lequel était un poney, cette présence ayant entraîné une réaction
violente du cheval de l’un des clients868.
328. Au-delà du tracé, l’organisateur doit également veiller à choisir des allures
conformes à la topographie et à la capacité de ses clients. En effet, « le risque
de chute est proportionnel à l’allure donnée au cheval et s’accroît avec celle-ci
lorsque le cavalier, débutant, ne sait pas maîtriser le galop et s’accroît encore
lorsqu’un aléa imprévisible amène le cheval à faire un écart alors que le
cavalier n’a d’autre préoccupation que de tenir en équilibre sur sa
monture »869. La jurisprudence impose ainsi aux entrepreneurs de
promenades équestres « de faire garder l’allure du pas » à des chevaux
montés par des débutants870.
En revanche, la Cour de cassation a rejeté la responsabilité d’un centre
équestre dès lors que l’accident n’avait pour origine ni l’allure choisie, ni la
configuration du terrain871.
329. La compétence du personnel d’encadrement comme leur insuffisance en
nombre est susceptible d’engager la responsabilité du centre équestre. En
l’absence de norme impérative, l’encadrement est suffisant lorsqu’il y a deux
accompagnateurs pour onze cavaliers872. En revanche, le centre équestre
commet une faute en encadrant treize personnes par un seul enseignant873 ou
dix cavaliers par une seule personne874. Les tribunaux ont déjà constaté que
le simple fait de ne mettre à disposition d’un groupe un seul accompagnateur,
placé en tête, constitue un défaut de surveillance875.
330. L’encadrement des cavaliers durant la promenade doit être effectif. Ainsi, le
professionnel peut laisser un cavalier aguerri effectuer seul un galop afin de
rester aux côtés des cavaliers débutants ne souhaitant pas faire cet
868 Cass. 1èreciv., 11 mai 1999, n°97-16.687 869 CA Rennes, 13 décembre 2000, JurisData n°144735 870 Cass. 1èreciv., 11 mars 1986, Bull. civ. I, n°64 871 Cass. 1èreciv., 14 mars 1995, RCA, 1995, n°215 ; Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°01-16.350 872 CA Lyon, 7 septembre 1999, JCP 2001, IV, n°1087 873 CA Nîmes, 18 avril 2002, JurisData n°182167 874 CA Reims, 7 février 19984, JurisData n°041737 875 CA Toulouse, 29 octobre 2002, JurisData n°195223
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exercice876. En revanche, commet une faute l’accompagnateur chef de file qui
est distrait par une amie qui s’est portée à sa hauteur877, qui impulse un départ
au galop sans vérifier que sa cliente est prête à prendre à cette allure878 ou qui
fait partir un cavalier débutant au galop afin de lui faire combler son retard879.
331. L’obligation de sécurité ne sera pas exécutée convenablement à chaque fois
qu’un centre équestre met à la disposition de ses clients du personnel
manifestement incompétent à l’origine de l’accident880. Cependant, le défaut
de qualification officielle n’implique pas nécessairement l’incompétence de
l’accompagnateur même si la Cour de cassation a récemment pris soin de
relever qu’un entrepreneur de promenades équestres a fourni à ses clients
des accompagnateurs diplômés pour conclure qu’il a respecté son obligation
de sécurité881. En effet, l’absence de diplôme joue parfois le rôle d’un indice
déterminant882, tel le fait de faire accompagner un débutant éprouvant des
difficultés par un cavalier simplement confirmé883.
SECTION II
DES OBLIGATIONS SINGULIERES
AU PROFIT DU CHEVAL
332. L’exploitation d’un cheval requiert de protéger l’utilisateur de l’animal mais
implique corrélativement de veiller à l’animal. C’est ainsi qu’il est imposé « au
maître une diligence singulière à l’égard de ces biens particuliers »884.
876 CA Aix en Provence, 30 mai 2002, JurisData n°181254 877 CA Aix en Provence, 20 mai 2002, JurisData n°177957 878 CA Besançon, 19 décembre 2001, JurisData n°180882 879 CA Nîmes, 19 avril 2001, JurisData n°148686 880 CA Poitiers, 27 mars 2002, JurisData n°182967 881 Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°02-17.949 et n°01-16.350 ; CA Lyon, 13 mars 2003, JurisData n°209584 882 CA Poitiers, 20 novembre 2001, JurisData n°182952 883 CA Versailles, 1er octobre 1999, JurisData n°147290 884 L.Boisseau-Sowinski, La désappropriation de l’animal, Thèse Limoges, 2008, spéc. p.52
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Toute l’originalité réside alors dans le fait que la personne qui exploite le
cheval est débitrice d’obligations au profit du cheval. C’est ainsi qu’elle est
tenue de l’entretenir et de le soigner -§I- comme de le surveiller et d’en
assurer la sécurité -§II-.
§I- L’OBLIGATION D’ENTRETENIR ET DE SOIGNER LE CHEVAL
333. Intrinsèque à la nature de l’animal, l’obligation d’entretien et de soins résulte
d’une prise de conscience de l’humain qu’il convient d’accorder aux animaux
un traitement honorable885, digne de tout être vivant886. En effet, « la
protection garantie cherche à éviter de causer à l'animal toute souffrance ou
tout dommage inutile, en raison de ses conditions d'habitat, d'alimentation ou
de soins »887 La tendance actuelle s’évade du cadre circonscrit originel du
bien meuble pour penser un droit assurant la préservation du « bien-être »
même des animaux888.
A cet effet, l’organisation mondiale de la santé animale a adopté six normes
relatives au « bien-être » animal en vue de les intégrer au Code sanitaire pour
les animaux terrestre de l’organisation mondiale de la santé animale889.
334. L’obligation d’entretien et de soins du cheval s’impose naturellement à toute
personne qui dispose de la maîtrise temporaire de l’animal.
La convention sur la protection des animaux en transport international fut
adoptée dès 1968890 puis révisée en 2003891. Cette convention fixe des
885 B.Beignier, L’honneur et le droit, LGDJ, 1995 886 F.Burgat et R.Dantzer, Les animaux d’élevage ont-ils droit au bien-être ?, éd. INRA, 2001 ; M-S.Dawkins, La souffrance animale : l’étude objective du bien-être animal, éd. du Point Vétérinaire, 1983 887 L.Boisseau-Sowinski, La désappropriation de l’animal, Thèse Limoges, 2008, spéc. p.55 888 M.Broom et E.De Fontenay, Le bien-être animal, éd. Conseil de l’Europe, 2006 ; F.Burgat et R.Dantzer, Les animaux d’élevage ont-ils droit au bien être ?, éd. INRA, 2001 ; M.Leguille-Balloy, Evolution de la réglementation de protection des animaux dans les élevages en Europe, Thèse Nantes, 1999 ; J.Porcher, Bien-être animal et travail en élevage, éd. INRA, 2004 889 Ces normes concernent le transport des animaux par voie terrestre, le transport des animaux par voie maritime, le transport aérien des animaux, l'abattage des animaux destinés à la consommation humaine, la mise à mort d'animaux à des fins de contrôle sanitaire et le contrôle des populations de chiens errants. 890 Convention européenne sur la protection des animaux en transport international du 13 décembre 1968, STE n°65 891 La Convention européenne sur la protection des animaux en transport international du 6 novembre
- 186 -
normes obligatoires concernant l'espace, l'aération, l'hygiène, les moyens de
transport, la nourriture et l'eau, le chargement et le déchargement des
animaux ainsi que l'assistance vétérinaire dans l’hypothèse de transport
international.
Etablissant le cadre actuel des dispositions générales en la matière, la
directive européenne relative à la protection des animaux en cours de
transport892 a été complétée et renforcée en 1995893, 1997894, 1998895 et plus
récemment encore par le règlement du 22 novembre 2004896 qui « constitue
une refonte en profondeur de la règlementation communautaire actuelle en
matière de transport d'animaux en identifiant d'amont en aval tous les
intervenants, dont il définit clairement les obligations respectives pendant le
transport des animaux, facilitant ainsi une application plus efficace de la
nouvelle règlementation par des dispositions complémentaires »897.
335. La prise en pension du cheval comprend par nature une obligation
d’entretien et de soins à la charge de l’hébergeant puisque, par principe, « le
dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes
soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent »898.
Le dépositaire supporte à ce titre une obligation de moyens renforcés899 et
engage sa responsabilité lorsque l’animal doit être abattu en raison d’un très
mauvais état de santé lié notamment à un manque de nourriture900 ou lorsqu’il
tarde à appeler un vétérinaire alors que des animaux placés ensemble et sans
surveillance se blessent mutuellement901.
En raison de l’obligation de soin pesant sur le dépositaire, il est fréquent que
ce dernier s’assure de l’absence de maladie de l’animal qui lui est confié.
2003, STE n°193, vient réviser la convention du 13 décembre 1968 (STE n°65) en envisageant une actualisation de ses dispositions et une clarification de leur libellé afin d’en faciliter la mise en oeuvre. 892 Directive 91/628/CEE du Conseil du 19 novembre 1991 893 Directive 95/29/CE 894 Règlement (CE) n°1255/97 895 Règlement (CE) n°411/98 896 Règlement (CE) n°1/2005 897 L.Boisseau-Sowinski, La désappropriation de l’animal, Thèse Limoges, 2008, spéc. p.58 898 Art. 1927 C. civ. 899 Cf. Pt.238 900 CA Douai, 6 octobre 2003, JurisData n°2003-228011 901 CA Nîmes, 27 janvier 2004, JurisData n°2004-237181 ; CA Rennes, 15 février 2001, JurisData n° 155605
- 187 -
En matière d’élevage notamment, des accords internationaux ont été signés
afin de lutter contre diverses maladies contagieuses902 et les parties stipulent
parfois qu’il appartient au déposant de fournir lors de l’arrivée de l’animal à
son lieu de stationnement des documents indiquant qu’il est à jour de ses
vaccinations et a subi les examens conformes aux codes en vigueur et
pratiques internationales.
336. S’inscrivant au-delà du simple hébergement du cheval, l’entraînement
conduit l’entraîneur à assurer une surveillance générale constante des
animaux sous sa charge dans la mesure où il « contracte l’obligation de
moyens de mettre en valeur les aptitudes du cheval à la compétition mais
aussi les obligations de moyens, d’entretien et de soins, par analogie avec la
médecine humaine, le vétérinaire joue le rôle du médecin et l’entraîneur celui
de l’infirmier »903.
337. L’illustration phare de l’intensité de cette obligation concerne les intervenants
médicaux. S’ils demeurent débiteurs d’une simple obligation de moyen à ce
titre904, une jurisprudence dont la vigueur est croissante les soumet à une
véritable obligation de résultat en fonction des actes accomplis ou à accomplir.
338. Ainsi, le retard ou le défaut d’intervention du vétérinaire est une première
singularité liée à la nature d’être vivant de l’animal et au besoin corrélatif d’une
action rapide. En effet, les vétérinaires peuvent être déclarés responsables de
l’aggravation de l’état de santé d’un animal qu’ils n’ont point examiné
rapidement. Ce type de faute est relativement rare dans la mesure où la
jurisprudence estime que, ayant été informé de l’impossibilité pour le
vétérinaire de se déplacer rapidement, le propriétaire de l’animal peut
parfaitement prendre la décision de faire intervenir un autre praticien905.
Toutefois, un vétérinaire qui ne se déplace pas pour soigner un animal qui en
902 Métrites contagieuses et autres maladies vénériennes… 903 CA Pau, 18 décembre 1986, JurisData n°045220 904 Cf. Pt.250 905 Cass. 1èreciv., 18 janvier 2000, LPA, 15 décembre 2000, p.17
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meurt peut être condamné à des dommages et intérêts pour faute
contractuelle906.
L’ancien Code de déontologie vétérinaire reprenait cette idée en ajoutant
toutefois que le refus de se rendre auprès d’un animal devait être justifié907.
En revanche, le praticien a l’obligation de venir examiner un cheval en
situation de péril.
Lorsqu’il s’est engagé à agir rapidement, le vétérinaire ne peut retarder son
intervention car il y a là une violation de son obligation de moyens908.
339. Le vétérinaire doit faire un examen attentif et consciencieux tout en prenant
les mesures adéquates pour veiller à sa propre sécurité ainsi que celle de
l’animal et des tiers. Ainsi, en se contentant de remettre des entraves et un
tord-nez pour maintenir une jument sans utiliser les moyens de contention que
la science met à sa disposition, le vétérinaire, spécialiste des chevaux de
sport et de course, manque à son obligation de soins et ne peut se décharger
de cette responsabilité909.
340. La responsabilité du vétérinaire dérive vers l’obligation de résultat en matière
de diagnostic et peut être engagée au cas d’erreur. Ainsi, le vétérinaire est
responsable en ne décelant pas une hernie étranglée et en ayant prescrit une
thérapeutique contraire ayant entraîné la mort du cheval910. La responsabilité
du vétérinaire est engagée lorsqu’il a traité avec légèreté et sans respect des
précautions habituelles un abcès à l’encolure dont l’évolution chronique a
généré des séquelles chez une jument911 ou lorsqu’il a eu recours, pour le
tatouage d’un animal, à un analgésique fortement déconseillé en raison des
réactions violentes qu’il peut engendrer912.
341. Le vétérinaire est encore tenu d’une obligation de résultat en ce qui
concerne la qualité du médicament prescrit, notamment en cas d’injection d’un
906 F.Chabas, note sous Cass. 1èreciv, 27 janvier 1982, JCP, 1983, p.19923 907 Cass. 1èreciv., 27 janvier 1982, Bull. civ. I, n°53 908 Cass. 1èreciv., 1er juin 1976, Bull. civ. I, n°208 909 CA Lyon, 12 janvier 1977, D., 1977, IR, p.443 910 CA Paris, 30 mai 1979 911 CA Rennes, 13 septembre 2000, JurisData n°131793 912 CA Rennes, 28 novembre 2001, JurisData n°183809
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vermifuge qui s’est avéré nocif pour l’animal, étant précisé que l’ignorance de
la nocivité par le vétérinaire n’exonère pas ce dernier de sa responsabilité
mais lui permet d’appeler le fabricant en garantie913.
Malgré ce, le vétérinaire est fondé à se plaindre du fait que le fabricant n’avait
pas indiqué les contre-indications sur l’emballage, même si la composition du
produit y figurait et si lui-même en tant qu’homme de l’art pouvait en tirer un
certain nombre d’enseignements914.
Vétérinaire et fabricant sont tenus par une obligation de résultat en ce qui
concerne l’innocuité des produits à finalité thérapeutique. Sur le fondement de
la responsabilité des produits défectueux, le propriétaire d’un animal mort des
suites de l’injection d’un produit vétérinaire dispose d’une option dans son
choix d’action. Il peut ainsi décider d’assigner en responsabilité contractuelle
le vétérinaire tenu d’une obligation de résultat quant à l’innocuité des produits
à finalité thérapeutique, à charge pour ce dernier d’appeler en garantie le
fabricant ou d’assigner directement le laboratoire fabricant en responsabilité
délictuelle915.
342. Le vétérinaire engage encore sa responsabilité en cas de prescription de
produits dopants916.
En matière équine, la loi Bambuck917 relative à la répression du dopage du
cavalier et du cheval a élargi le champ des responsabilités en poursuivant
l’auteur des prescriptions thérapeutiques, c’est à dire le vétérinaire qui a
facilité ou incité à la prise de produits dopants.
Commet une faute, le vétérinaire qui prescrit un médicament retiré du marché
depuis dix ans et contenant des substances dopantes à un cheval de course
contrôlé positif par la suite918. Il en va de même pour une erreur dans le calcul
du délai de rémanence919.
913 CA Rennes, 25 novembre 1981, JurisData n°041297 914 Cass. 1èreciv., 7 juin 1989, Bull. civ. I, 1989, n°232, p.155 915 Loi n°98-389 du 19 mai 1998, JO 21 mai 1998, p.7744 916 Infraction réprimée par l’article L.626 du Code de la santé publique 917 Loi n°89-432 du 28 juin 1989 modifiée par la loi n°99-223 du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé du sportif et à la lutte contre le dopage, JO 24 mars 1999, p.4399 918 CA Rennes, 28 mars 2001, JurisData n°165860 919 CA Caen, 2 mai 2000, Bull. IDE, n°18, p.2
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343. Le vétérinaire n’est pas responsable de la lésion survenue chez la jument
après l’injection dès lors que le praticien a agi dans les règles de l’art et selon
les données acquises de la science920.
Cependant, le vétérinaire doit éviter toutes négligences et imprudences de
nature à engager sa responsabilité notamment en laissant un simple
particulier procéder à des injections délicates sur un cheval921.
A la suite d’une opération chirurgicale, le vétérinaire voit sa responsabilité
écartée dès lors qu’il a pris toutes les précautions nécessaires, notamment
lorsque la mort du cheval ne résulte pas de sa faute mais de la chute de
l’animal922. En revanche, sa responsabilité est retenue en cas d’absence de
surveillance postopératoire923.
La jurisprudence n’hésite pas à rappeler que pour tout acte chirurgical, le
vétérinaire n’est soumis qu’à une obligation de moyens924. Ainsi, aucune faute
n’est retenue à l’encontre du vétérinaire pour le décès d’un cheval après une
intervention de castration des suites d’une rupture de l’artère iliaque925, ni en
cas de mort de l’animal lié à des complications fortuites de castration926.
344. En revanche, il y aura faute lorsque la technique opératoire choisie n’est pas
adaptée à l’animal ou que l’intervention a été mal préparée927, notamment
lorsque le vétérinaire ne s’est pas renseigné sur l’état sanitaire d’un poulain
alors que la méthode était propice à infection928, mais également lorsqu’il
n’aura pas imposé une mise à la diète dé l’animal929.
La mort de l’équidé précipité par la négligence du vétérinaire qui n’avait pas
prévu le matériel adéquat pour lutter contre une apnée subite engage la
responsabilité du prestataire930.
920 CA Paris, 9 juillet 1982, JurisData n°024757 921 CA Bordeaux, 14 décembre 1989, JurisData n°046914 922 CA Rennes, 3 novembre 1981, JurisData n° 041251 923 CA Agen, 30 novembre 1987, JurisData n°047935 924 A propos de castration : CA Caen, 16 décembre 1997, Bull. IDE, n°9, mars 1998 925 CA Angers, 22 mars 1983, JurisData n°041746 926 CA Paris, 15 octobre 1976 927 Cass. 1ère
civ., 25 novembre 1997, Bull. IDE, n°10 (absence d’examen pré-opératoire) 928 Cass. 1èreciv., 19 juillet 1988, n°001601 929 CA Caen, 20 février 2001, Bull. IDE, mars 2001, p.3 930 CA Lyon, 20 décembre 2001, JurisData n°181173
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345. Enfin, le vétérinaire peut être responsable des complications post-
opératoires. A cet égard, il est tenu de s’assurer que l’animal fera l’objet d’une
surveillance efficace durant les heures suivant l’intervention, en donnant
éventuellement des consignes précises à la personne en charge de la
surveillance931 et de se rendre disponible pour pouvoir intervenir à nouveau en
cas d’urgence932.
Cependant, il appartient au propriétaire de l’animal de signaler au praticien
tout symptôme inquiétant apparu après la sortie de clinique933.
En définitive, si un équidé meurt d’une hernie inguinale extériorisée
postérieure à une opération de castration mais qu’aucune faute n’a été
commise dans le choix de la technique opératoire, les soins prodigués ou les
conseils donnés au propriétaire pour la convalescence, la responsabilité du
vétérinaire ne peut pas être engagée934.
§II- L’OBLIGATION DE SURVEILLER ET D’ASSURER LA SECURITE DU
CHEVAL
346. Taillée en 1911 à la mesure de l’homme935, l’obligation de sécurité a vu son
champ d’application s’étendre aux animaux dans leur globalité et aux chevaux
de manière satisfaisante.
Au pénal, l’obligation de sécurité résulte à l’origine de l’application de l’article
R.653-1 du Code pénal réprimant les atteintes involontaires à la vie et à
l’intégrité de l’animal dont la méconnaissance engage la responsabilité de son
auteur, indépendamment de sa qualité de propriétaire936.
931 CA Lyon, 8 mars 2001, JurisData n°141838 932 CA Caen, 20 février 2001, Bull. IDE, mars 2001 933 CA Caen, 6 mars 2001, JurisData n°141990 934 CA Paris, 7 mars 2003, Bull. IDE, 2003/31 935 C.Lyon-Caen, note sous Cass. Civ., 21 novembre 1911, S, 1912, 1, p.73 936 J-P.Marguénaud, L’animal dans le nouveau Code pénal, D., Chron., 1995, p.187 ; M.Danti-Juan, La contribution du nouveau Code pénal sur la nature juridique de l’animal, Dr. Rur., n°248, 1996, p.477 ; J.Cedras, L'animal en droit pénal positif, BJIPA, n°117, 1997, p.29
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347. En principe, le droit pénal cantonne le domaine des infractions involontaires
aux comportements générateurs de risques pour la sécurité des personnes937
et impose à l’agent de prendre les précautions nécessaires pour éviter tout
dommage938.
Pourtant, il est intéressant de remarquer que le législateur a étendu le champ
des infractions involontaires en considération des atteintes portées à l’intégrité
et à la sécurité des animaux, « imposant ainsi au maître une diligence
singulière à l’égard de ces biens particuliers »939.
Dès lors, le propriétaire se voit contraint de se préoccuper de la sécurité de
son animal auquel cas il pourrait voir sa responsabilité pénale engagée.
A l’étude des diverses jurisprudences équines, il s’évince que la personne qui
exploite le cheval, qu’il en soit le dépositaire, l’entraîneur, le vétérinaire…
supporte une obligation de surveillance et de sécurité à l’égard de l’animal.
348. L’obligation de sécurité à la charge de l’entraîneur demeure une simple
obligation de moyens pour l’activité de dressage ou d’entraînement à propos
de laquelle il appartient au propriétaire du cheval domestique blessé ou mort
de rapporter la preuve d’une faute commise par son cocontractant940.
A ce titre, l’entraîneur est sanctionné en laissant sans surveillance une jument
dans un manège aux parois peu élevées941, en omettant d’alerter son
propriétaire sur le fait qu’elle rue à la seule vue d’une cravache942 ou en
remettant un cheval domestique trop rapidement au travail après une affection
pulmonaire943.
937 J.Pradel, Droit pénal général, 16ème édition, Cujas, 2006, n°519, qui remarque que l’on s’est parfois demandé
en doctrine si cette forme, relativement mineure, de faute est bien justiciable de sanctions pénales. En réalité, il faut répondre par l’affirmative : en effet, est dangereuse pour la société l’imprudence de celui qui ne se rend
même pas compte du danger qu’il fait courir ; P.Salvage, L’imprudence en droit pénal, JCP, 1996, I, p.3984, qui remarque que la faute d’imprudence pour devenir répréhensible doit avoir été génératrice d’un résultat
dommageable, c'est à dire d’une atteinte à l’intégrité physique des personnes ; A.Chavanne et M-C.Fayard, Les délits d’imprudences, RSC, 1975, p.1 ; G.Giuddicelli-Delage, La sanction de l’imprudence, in Mélanges offerts à P.Couvrat, PUF, 2001, p.523 938 Art. 121-3 C. pén. 939 L.Boisseau-Sowinski, La désappropriation de l’animal, Thèse Limoges, 2008, spéc. p.52 940 Cass. 1èreciv., 15 avril 1979, Bull. civ. I, n°115 ; Cass. 1ère civ., 13 décembre 1988, Bull. civ. I, n°359 ; Cass. 1èreciv., 10 mai 1989, Bull. civ. I, n°193 941 CA Douai, 29 août 2002, Bull. IDE, n°27, p.3 942 CA Limoges, 9 juin 2004, JCP G, 2005, IV, p.2604 943 CA Amiens, 21 juin 2001, n°00/00342 ; CA Rouen, 24 mars 1999, Bull. IDE, n°16
- 193 -
En revanche, l’entraîneur n’est pas responsable de la chute d’une pouliche
lors d’un exercice de débourrage traditionnel et non prématuré944 ou de la
fracture du crâne survenue à un cheval indocile lors d’une chute945.
De façon plus discutable, la Cour d’appel d’Angers a refusé de voir une faute
dans le fait de laisser dans un paddock et sans surveillance un équidé auquel
des élastiques avaient été mis ; s’étant débattu, il avait dû être abattu946.
349. En matière de contrat de pension, la jurisprudence réserve une place
prépondérante aux usages de la profession947.
Ainsi, un dépositaire ayant mis plusieurs pouliches dans un paddock conforme
aux usages de la profession, en perche de châtaigniers, verra sa
responsabilité écartée, au cas où l’un des équidés vient à s’empaler sur les
dites perches en jouant948. Commet en revanche une faute, le dépositaire qui
ne débranche pas une clôture électrique alors que l’orage menace, ce qui
occasionne l’incendie de l’écurie949. De surcroît, le dépositaire est tenu de
fournir des conditions d’hébergement adaptées aux chevaux domestiques et il
commet une faute en cas d’écurie trop petite950 ou de portes de box pas assez
solides951.
944 CA Angers, 8 septembre 1998, Bull. IDE, n°14 (retournement du cheval) 945 CA Caen, 7 janvier 2003, JurisData n°200134 946 CA Angers, 17 mai 2000, JurisData n°144562 947 CA Rennes, 6 septembre 2000, JurisData n°151854 ; CA Besançon, 30 mai 2001, Bull. IDE, septembre 2001 948 CA Paris, 1er février 1995, JurisData n° 020369 949 CA Rennes, 6 septembre 2000, JurisData n°151854 950 CA Dijon, 3 septembre 2002, JurisData n°188921 951 Cass. 1èreciv., 2 octobre 1980, Bull. civ. I, n°240
- 194 -
CONCLUSION
Le droit qualifie et réglemente les pratiques humaines d’exploitation du cheval.
C’est ainsi que les différents modes d’exploitation du cheval ont été rattachés à
des régimes juridiques existants.
A ce titre, la mise à disposition d’un équidé à un cavalier est soumise au régime
juridique de la location lorsque le cavalier part seul avec la monture et au
régime juridique du contrat d’entreprise lorsque la promenade est encadrée.
Une subtilité d’origine prétorienne, relative au niveau d’équitation du cavalier,
conduit néanmoins de facto à qualifier de contrat d’entreprise l’opération de
mise à disposition, sans encadrement, du cheval à un débutant.
L’hébergement de l’animal, traduit par la conclusion d’un contrat de pension, est
considéré comme relevant du régime juridique du dépôt sauf lorsque qu’il ne
constitue que l’accessoire d’une opération plus vaste dont il emprunte alors la
qualification.
Les actes de préparation du cavalier comme de l’animal demeurent soumis au
régime juridique du contrat d’entreprise.
Quant aux transferts temporaires comme définitifs de l’une des activités du
cheval, leur qualification dépend des régimes juridiques de la location, du
mandat ou de la vente.
Même lorsque doctrine et jurisprudence hésitent sur une qualification, à propos
de la syndication et du contrat de « foal-sharing » notamment, c’est encore par
l’intermédiaire des outils de droit commun à notre disposition que l’opération
peut être appréhendée juridiquement.
L’exploitation du cheval implique l’existence d’obligations à la charge des
personnes l’exploitant. L’utilisateur du cheval doit ainsi être informé et conseillé
du caractère de l’animal, des conditions de monte, des consignes de sécurité…
L’exploitant doit aussi assurer la sécurité de l’utilisateur du cheval.
L’exploitation du cheval va encore au-delà en ce qu’elle implique l’existence
d’obligations au profit de l’animal. L’exploitant est alors tenu d’entretenir et de
soigner le cheval ainsi que de le surveiller et d’en assurer la sécurité.
L’analyse du régime juridique de l’exploitation du cheval confirme la soumission
du cheval au droit commun.
- 195 -
1ère PARTIE
CONCLUSION
L’étude du régime juridique du cheval conduit à un constat ; du stade de
l’appropriation du cheval, légitimée par les notions d’occupation, de possession
ou d’accession, sans occulter sa cession soumise principalement au droit
commun de la vente, au stade de son exploitation, dont la qualification des
opérations induit l’application de régimes juridiques usités, le régime juridique
du cheval demeure principalement gouverné par les dispositions de droit
commun.
Ce constat ne doit pas surprendre dans la mesure où le cheval est une chose
pour le droit. Cependant, malgré cette soumission au droit commun, encore
fallait-il vérifier que le cheval soit uniquement chose pour le droit. L’intérêt de
notre étude est en effet de démontrer, le cas échéant, qu’il ne se confond pas
avec les choses dont il emprunte pourtant la qualification.
Et, à ce titre, l’étude du régime juridique du cheval a aussi réservé quelques
singularités.
Ainsi, le régime juridique de la vente équine oscille entre droit commun et
admission de la nature du cheval. La garantie de conformité paraît inadaptée et
la garantie des vices cachés est modifiée afin d’être appliquée par exception et
non par principe. Le niveau d’équitation du cavalier dispose d’une influence
juridique, qu’il s’agisse pour le droit de distinguer la location d’équidés de
l’organisation de promenades équestres ou de déterminer le degré de rigueur
de l’obligation de sécurité de l’exploitant du cheval.
Une autre singularité réside dans l’émergence d’obligations dont le cheval lui-
même profite, obligation d’entretien et de soin et obligation de surveillance et de
sécurité.
Observons que cette « prise en compte des nécessités liées à la nature de
l’objet telle qu’elle est révélée par le sens commun, la biologie, la philosophie
ou l’économie… doit être articulée à la logique de l’institution juridique dans
- 196 -
laquelle elle est insérée »952. En effet, cette observation ne doit pas occulter « la
nécessité de réélaborer l’objet en l’intégrant dans le réseau de concepts
juridiques et de règles qui préexistent et n’ont pas été faits pour lui mais pour
convenir à un ensemble d’objets disparates, auquel le droit découvre des traits
communs »953.
L’expression de la singularité du cheval serait donc circonscrite à la logique du
droit commun. Rien n’est moins sûr ; si ce sont les caractéristiques du cheval
communes aux choses et aux biens meubles qui dictent son régime juridique,
sa nature est admise par le droit.
952 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 953 O.Cayla, La qualification ou la vérité du droit, Droits Rev. Fr., n°18, 1993, p.3
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350. L’analyse du régime juridique du cheval mène à la révélation de sa nature
juridique. Cependant, le cheval est une espèce appartenant au règne animal,
lequel est objet de discussions juridiques dont il est impossible de faire
abstraction. La révélation de sa nature juridique requiert donc de porter une
attention particulière aux « controverses relatives à la nature juridique de
l’animal »954 et « parce qu’elle touche aux définitions fondamentales tout en
pointant les aspects relatifs et évolutifs, la détermination de la nature juridique
de l’animal est non moins grave que délicate »955.
Mais peut-être le cheval se distingue t-il de l’animal ? Il est légitime de
s’interroger : « comment faire coïncider les diverses conditions de certains
animaux dans un seul statut »956 ? Et François Dumont de citer justement « le
cheval, sauvage il en est -prjevalski-, domestiqué, de course -donc soumis à
règlement-, de labour -donc pour l’exploitation d’un fonds- ou mieux encore
viande de cheval, donc abattu »957.
351. Il est déjà possible de fonder notre raisonnement sur un acquis : l’analyse du
régime juridique du cheval révèle une soumission au droit commun958.
Si le droit commun intervient prioritairement, c’est parce que le processus
classique d’application du droit suppose le rattachement d’une situation à un
concept juridique existant par une qualification préalable des faits959.
Successivement, « l'appréciation donne d'abord aux faits un sens non
juridiquement nommé puis la qualification les place dans une catégorie
954 T.Revet, Loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 955 T.Revet, Loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 956 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 957 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 958 Cf. Conclusion 1ère Partie 959 La qualification est en définitive une traduction du fait en droit : Cf. P.Wachsmann, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003 où l’auteur indique que « la qualification consiste, dans une première approche, à subsumer des faits sous des normes juridiques, en vue de la production d’effets de droit. Elle s’inscrit donc dans un processus de concrétisation du droit dont elle représente une étape indispensable en tant qu’elle assure une circulation entre le monde du Sollen (l’univers symbolique où se situent les textes juridiques destinés à régir la conduite des hommes) et celui du Sein (l’univers concret où se déploient les comportements humains » ; P.Jestaz, La qualification en droit civil, Droits Rev. Fr., n°18, 1993, p.45
- 199 -
juridique déterminée à l'avance »960. Ainsi, « la qualification retenue
conditionne le régime juridique applicable »961.
D’une manière générale, le droit ramène « la situation qu’il saisit à ses
catégories, et aux régimes juridiques qui découlent de chacune d’entre
elles »962.
C’est en ce sens que le cheval est intégré « dans le réseau de concepts
juridiques et de règles qui préexistent et n’ont pas été faits pour lui mais pour
convenir à un ensemble d’objets disparates, auquel le droit découvre des traits
communs »963. Ces objets « ont donc une sorte de double juridique qui
dépend de leur place dans l’univers du droit bien plus que de leur nature
propre »964. Et l’auteur d’illustrer en droit fiscal par sa « jument préférée qui,
dans le vrai monde est une alezane facétieuse mettant bas de superbes
poulains, a donc, dans l’univers juridique, un double froid qui affecte la forme
d’un immeuble amortissable »965. Confortons la position de cet auteur en
modifiant les faits : un cheval, dressé par un professionnel en préalable à sa
vente, revêt la forme, pour le droit fiscal, d’un bien d’occasion966.
352. Considérant le monde selon la summa divisio des personnes et des
choses967, le droit fait du cheval une chose. Objet d’appropriation, il répond
nécessairement à la qualification de bien dans son acception juridique comme
le dispose expressément le Code civil968.
L’analyse du régime juridique du cheval révèle donc qu’il est chose et bien
pour le droit -Titre I-.
353. Cependant, le processus d’application du droit requiert « une prise en
compte des nécessités liées à la nature de l’objet telle qu’elle est révélée par
960 P.Hubert, L’étendue du contrôle de cassation : faut-il séparer appréciation souveraine et qualification juridique des faits ?, RFDA, 1999, p.112 961 G.Simon, La nature juridique des règlements sportifs à objet commercial, D., Chron., 1999, p.174 962 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 963 O.Cayla, La qualification ou la vérité du droit, Droits : revue française de théorie juridique, 18, 1993, p.3 964 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 965 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 966 CJCE, 1er avril 2004, Förvaltnings AB Stenholmen (société d’achat et de vente de chevaux) c/
Riksskatteverkert (administration des impôts), Bull. IDE, n°35 ; Cf. M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, p.169 967 Cf. cependant G.Farjat, Entre les personnes et les choses, les centres d’intérêts, RTD civ., avril-juin 2002, p.221 et s. 968 Art. 528 C. civ.
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le sens commun, la biologie, la philosophie ou l’économie »969 même si « ces
données extérieures doivent être articulées à la logique de l’institution
juridique dans laquelle elles sont insérées »970.
C’est ainsi qu’en phase de qualification d’une opération971, comme
d’appréciation du degré de rigueur de l’obligation de sécurité du
professionnel972, le niveau d’équitation du cavalier, soit sa capacité à maîtriser
sa monture, est déterminant.
Eu égard « la vie qui l’anime, le mouvement qui l’agite, la maladie et la mort
qui le rongent »973, des obligations profitent directement au cheval. En ce
sens, l’animal fait l’objet d’une obligation d’entretien et de soins974 et d’une
obligation de surveillance et de sécurité975.
Tenant compte des caractéristiques de l’objet auquel il s’applique, le droit a
adapté le régime juridique du cheval. Selon la formule de Rémy Libchaber, « il
faut laisser l’animal du côté des biens, sans pour autant qu’il doive être traité
comme de la matière morte ou indifférenciée »976. C’est exactement l’attitude
du droit lorsqu’il saisit le cheval. Par conséquent, l’analyse du régime juridique
du cheval révèle également que sa nature est admise par le droit. Aussi est-il
considéré comme une chose vivante -Titre II-.
969 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 970 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 971 Cf. Pts.208 - 209 où le niveau d’équitation du cavalier est pris en compte pour qualifier l’opération de mise à
disposition d’un cheval 972 Cf. Pts.316 et s. 973 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.19 ; Cf. également S.Antoine, Un animal est-il une chose ?, Gaz. Pal., 7 mai 1994, p.594 et s. 974 Cf. Pts.333 et s. 975 Cf. Pts.346 et s. 976 R.Libchaber, La recodification du droit des biens, Le Code civil, 1804-2004, Livre du Bicentenaire, Dalloz-Litec, 2004, p.297 et s.
- 202 -
354. L’animal est « pour le droit, une chose qui, dans la classification des biens,
appartient à la catégorie des meubles par nature »977. Appliqué au cheval, ce
cadre juridique est cohérent. D’ailleurs, l’étude de sujets adjacents converge
vers une conclusion identique, qu’il s’agisse de l’animal dans un contexte
scientifique et technique978 ou du cheval destiné à la course979. En effet, « les
activités qui ont besoin d’exploiter des animaux pour se développer trouvent
dans les instruments juridiques fournis par le droit positif les moyens de leur
épanouissement en tirant parti de la souplesse des règles et de la richesse
des solutions de droit commun »980.
355. Ce cadre juridique ne fait toutefois pas l’unanimité. Un courant doctrinal
condamne l’assimilation de l’animal, et par voie de conséquence du cheval, à
une chose981, affirmant que « un examen scrupuleux de l’évolution du droit
permet en effet d’affirmer que, en France, certains animaux ne sont plus
exactement des choses »982, comme à un bien983, prônant « une extraction
complète de l’animal du droit des biens »984.
Cependant, il est incohérent d’envisager « que l’animal cesse enfin d’être
relégué au rang de simple objet de droit, conception qui… (serait) un non-sens
juridique et une ineptie morale »985 sans avoir caractérisé en amont les
incohérences et omissions du régime juridique de l’animal par le droit
commun. C’est seulement « lorsque de nouveaux besoins ou de nouveaux
problèmes surgissent et que les solutions formulées pour y répondre ne
prennent pas naturellement leur place dans l’édifice existant que de nouvelles
catégories émergent »986.
En l’absence d’une telle démonstration, la thèse soutenue paraît donc
purement théorique et dénuée d’intérêt pratique dans la mesure où il est
977 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.3 978 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006 979 P.De Watrigant, Le cheval de course, Thèse Bordeaux, 1975 980 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.124 981 J-P.Marguénaud, La personnalité juridique des animaux, D., 1998, , p.205 et s. ; S.Antoine, Un animal est-il une chose ?, Gaz. Pal., 7 mai 1994, p.594 et s. 982 J-P.Marguénaud, La personnalité juridique des animaux, D., 1998, p.208 983 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651 ; J-P.Marguénaud, La personnalité juridique des animaux, D., 1998, p.205 et s. 984 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005 985 C.Daigueperse, L’animal, sujet de droit : réalité de demain, Gaz. Pal., 1981, p.163 986 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.666
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incohérent de prôner le rejet de règles dont l’application aux animaux est
satisfaisante quand bien même elles seraient contraires à diverses
considérations d’ordre moral987, philosophique988, scientifique989 ou
théologique990.
356. Ne perdons pas de vue que le droit est un autre monde991 et « pousse
l’abstraction de la pensée juridique au point où les objets originaires s’effacent
derrière un monde peuplé de concepts juridiques fantomatiques »992. Si le
cheval est « la plus noble conquête de l’homme »993 et qu’on « ne peut ignorer
la place tout particulièrement importante acquise par le cheval dans notre
société »994, il est indispensable de ne pas omettre que « la construction
juridique des objets venant des autres mondes impose une mise à distance
par rapport à l’univers d’origine, et cet univers rend les objets
méconnaissables »995. Ce n’est pas le cheval qui est révélé, lequel ne nous a
pas attendus pour faire admirer sa splendeur996, mais sa nature juridique.
Dans ce contexte, la qualification du cheval en chose et en bien est d’abord
justifiée par les propriétés du cheval -Chapitre I- puis confirmée par le régime
juridique qui lui est appliqué -Chapitre II-.
987 S.Antoine, Un animal est-il une chose ?, Gaz. Pal., 7 mai 1964, p.595 et l’auteur de préciser avec ferveur que
« ce qui importe c’est qu’il cesse d’être assimilé à une chose. Cette mise au point est justifiée par des considérations d’ordre moral qui s’insèrent dans un cadre plus large qui est le respect de la vie » 988 A propos des écrits de Descartes ou de Madame la Marquise de Sévigné, Marie de Rabutin-Chantal, Cf. R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.1 et s. 989 A ce titre, voir le remarquable travail de S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006 990 A propos du dogme de la métempsycose, Cf. R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.1 ou encore A.M Sohm-Bourgeois, La personnification de l’animal : une tentation à repousser, D., Chron., 1990, p.33 et s. 991 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 992 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 993 G-L.Leclerc de Buffon, Histoire naturelle, 1749, éd. Honoré Champion, Paris, 2007 994 A.Couret, Note sous Cass. 1èreciv., 8 octobre 1980, D., 1981, p.365 995 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 996 Cf. E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848 ; mais aussi A.Schenk, Cheval et équitation dans l’antiquité, Bull. sc. A. Univ. L., 7/2001, p.44 - 49 ou encore Xénophon, De l’art équestre, Les Belles lettres, Paris, 2008
- 204 -
CHAPITRE I
UNE QUALIFICATION JUSTIFIEE
PAR LES PROPRIETES DU CHEVAL
357. Le cheval obéit aux classifications traditionnelles du droit, puisqu’il est « une
chose qui, dans la classification des biens, appartient à la catégorie des
meubles par nature »997.
Aussi choquant au plan éthique cela puisse t-il paraître998, puisqu’un courant
doctrinal considère l’animal comme « un bien original, rebelle aux
classifications traditionnelles »999, le cheval est, dans le monde du droit, une
chose. En effet, « les objets donnés par le monde sont retravaillés par les
juristes pour s’insérer dans leur univers »1000 et « cette opération repose sur
une mise à distance entre l’objet originaire et son double juridique, cohérent
au regard du système, sans grand lien avec la nature de l’objet »1001.
358. Il faut donc « laisser à la chose sa signification technique : elle est alors tout
ce qui n’est pas personne »1002. En effet, les choses sont des « entités
997 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.3 998 J-P.Marguénaud, Droit des animaux, on en fait trop ou trop peu ?, D., 2010, p.816 qui indique que « non seulement sur le plan éthique, mais aussi du point de vue de la technique juridique, il est inacceptable de considérer encore les animaux comme des choses » car les considérer ainsi, « c'est les maintenir dans la catégorie où on les avait enfermés à l'époque où tout le monde niait obstinément leur sensibilité pour mieux pouvoir les livrer à toutes les formes d'exploitation économique et à toutes les traditions culturelles… c'est donc un moyen particulièrement efficace de verrouiller le débat sur des questions aussi graves que l'expérimentation animale, l'élevage concentrationnaire ou l'abattage rituel » 999 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651 1000 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 1001 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 1002 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998
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naturelles ou artificielles, corporelles ou incorporelles, qui se distinguent des
personnes »1003 et les biens en sont le décalque sur le terrain juridique1004, un
décalque imparfait puisque « pour qu’une chose devienne un bien, il faut
qu’elle soit susceptible d’appropriation »1005.
Si le genre Equus comprend l’espèce Equus caballus, en droit, « la chose est
le genre, le bien est une espèce »1006.
Cette qualification juridique du cheval dépend d’abord de l’analyse de ses
propriétés par le droit. Si le cheval est en conséquence chose et bien, c’est
parce que ses propriétés économique et patrimoniale -Section I- comme ses
propriétés physiques -Section II- justifient cette qualification.
SECTION I
LES PROPRIETES ECONOMIQUE ET PATRIMONIALE DU CHEVAL
359. Par essence, « les choses sont tout ce qui existe dans la nature »1007 et,
pour le droit, « les choses sont divisées en de nombreux points de vue, soit
d’après leurs caractères intrinsèques, soit d’après leur condition
juridique »1008.
Parmi leurs caractères, il en est un indispensable puisque « les choses ne
seraient rien pour le législateur sans l’utilité qu’en tirent les hommes »1009. Or,
« le cheval est de tous les êtres créés, le plus utile à l’homme »1010. Le cheval
est donc d’abord chose utile -§I-.
1003 F.Zénati et T.Revet, Les biens, 2ème édition, PUF, 1997, n°1 1004 J.Carbonnier, Droit civil, Les biens, PUF, coll. Quadrige, 2004, n°707 1005 J-B.Seube, Janvier-août 2005 : du classicisme et des innovations, Droit et Patrimoine, Chron., Droit des biens, 2005, n°142 1006 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854 1007 P-F.Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Librairie Edouard Duchemin, 1978, p.260 1008 P-F.Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Librairie Edouard Duchemin, 1978, p.260 1009 L.Aynès et P.Malaurie, Droit civil, Les biens, éd. Cujas, 2002 1010 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.5
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Mais « les choses deviennent des biens au sens juridique du mot, non pas
lorsqu’elles sont utiles à l’homme, mais lorsqu’elles sont appropriées »1011. De
chose utile, le cheval répond à la qualification de bien puisqu’il est
appropriable -§II-.
§I- L’UTILITE DU CHEVAL
360. La caractéristique principale d’une chose en droit est son utilité à l’homme.
En effet, « les choses ne seraient rien pour le législateur sans l’utilité qu’en
tirent les hommes »1012.
Or, la domestication du cheval est la preuve irréfutable de son utilité pour
l’homme. Ainsi, « le droit, miroir et expression de la civilisation humaine, ne
s’est préoccupé à peu près exclusivement jusqu’à nos jours que de l’animal
chose »1013. Et pour cause, par leurs utilités, « les animaux ressortissent des
entités que l’homme souhaite pouvoir utiliser pour améliorer son sort »1014.
361. Les chiffres plaident en la faveur du cheval. En 2010, la France compte près
d’un million de chevaux et la Fédération française d’équitation représente
presque sept cent mille licenciés et environ huit mille clubs adhérents. Ainsi,
« les statistiques montrent qu’en vingt cinq ans le nombre des centres
équestres a été multiplié par onze, celui des chevaux et poneys qui les
abritent par douze et celui des cavaliers qui les fréquentent par dix sept »1015.
Le « monde du cheval constitue donc un secteur important de la société »1016.
362. Le cheval est source d’utilités, qu’il s’agisse du « cheval, sauvage il en est -
prjevalski-, domestiqué, de course -donc soumis à règlement-, de labour -donc
pour l’exploitation d’un fonds- ou mieux encore viande de cheval, donc
1011 M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil français, Les biens, LGDJ, 1952, par M.Picard, spéc. p.58 1012 L.Aynès et P.Malaurie, Droit civil, Les biens, éd. Cujas, 2002 1013 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.2 1014 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.51 1015 P. de Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.5 1016 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.7
- 207 -
abattu »1017 comme du « cheval omniprésent dans la vie quotidienne, civile et
militaire, au cheval de loisir, pour le sport ou le jeu, du gentleman-rider ou des
habits rouges au jockey professionnel ou au cavalier sponsorisé »1018.
Le cheval concentre nombre de qualités : « sa force, sa puissance et son
endurance en ont fait un animal de transport, de travail et, malheureusement,
de guerre… sa rapidité, son agilité et son adresse en font un animal de
courses, de concours et de dressage… sa beauté, sa noblesse et son
caractère en font un animal de loisirs et de compagnie »1019.
Difficile de correspondre plus fidèlement aux observations formulées par
Charles Demolombe, qui indique que l’on « apprécie les biens beaucoup
moins d’après leurs éléments matériels et physiques que d’après le genre
d’utilité qu’ils peuvent procurer à l’homme dans l’ordre de ses besoins »1020,
surtout lorsque Bernard Callé en conclut que « ces qualités l’ont retenu
comme essentiellement utile »1021.
363. D’ailleurs, d’un point de vue strictement économique et patrimonial, qu’est ce
que le cheval pour l’homme si ce n’est l’instrument d’activités de loisir, de
compétition, d’opérations commerciales lucratives comme la vente, la pension,
l’entraînement...
La simple carrière sportive du cheval illustre la diversité de ses utilités tenant
« la carrière simple du cheval appartenant à un naisseur éleveur propriétaire,
entraîneur, jockey, dont l’exemple n’est pas rare dans la spécialité des
courses au trot, ou dans celle du concours, au cheval né d’une saillie d’un
crack, en dépôt dans un haras national, acheté à la vente annuelle des
yearlings de Deauville par l’intermédiaire d’un courtier agissant pour le compte
d’un syndicat de propriétaires, qui le confie à un entraîneur public gagnant
sous la monte d’un jockey sous contrat, puis réformé des courses et vendu à
1017 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit civil, Janvier 2006, p.63 et s. 1018 P.Lévêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion agence cheval de France, 2006, spéc. p.51 1019 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.7 1020 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854 1021 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.7
- 208 -
un groupe de cavaliers amateurs qui confient sa carrière à un cavalier
professionnel »1022.
Compte tenu de son utilité pour l’homme, le cheval répond à la qualification
juridique de chose. En effet, s’il s’agit d’une « entité matérielle susceptible de
préhension et présentant de nombreuses utilités… la qualification de chose
s’impose donc naturellement au juriste »1023.
§II- L’APPROPRIABILITE DU CHEVAL
364. Etant « de tous les êtres créés, le plus utile à l’homme »1024, le cheval est
une chose. Or, « selon la jurisprudence des deux ou trois premiers siècles de
notre ère, où se reformulent des dispositifs plus anciens, c’est sous le rapport
presque exclusif d’une valeur patrimoniale et réalisable que les choses se
considèrent »1025. Ainsi, si le cheval est utile, c’est, par essence, eu égard ses
« qualités en ont toujours fait un animal de valeur »1026.
C’est donc assez naturellement que le cheval a été appréhendé par le droit
comme ressortissant de la catégorie des choses dont le « régime est
d’appartenir régulièrement et d’emblée à une sphère sociale d’appropriation et
d’échange qui se manifeste par excellence dans la procédure civile, où les
biens se qualifient et s’évaluent »1027.
Par définition, « les choses deviennent des biens au sens juridique du mot,
non pas lorsqu’elles sont utiles à l’homme, mais lorsqu’elles sont
appropriées »1028.
1022 P.Lévêque, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion agence cheval de France, 2006, spéc. p.51 1023 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.25 1024 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.5 1025 Y.Thomas, La valeur des choses, le droit romain hors la religion, Annales Histoire, Sciences Sociales 2002/6, 57ème année, p.1431 1026 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.7 1027 Y.Thomas, La valeur des choses, le droit romain hors la religion, éd. de l’EHESS, Annales Histoire, Sciences Sociales, 2002/6, 57ème année, p.1431 1028 M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil français, Les biens, LGDJ, 1952, par M.Picard, spéc. p.58
- 209 -
365. En dépit des mises en garde philosophiques dénonçant l'échec prévisible
d’une tentative de définition de la notion de bien1029, constatons que les biens
sont des choses, ce terme étant pris dans l'acception la plus floue possible1030
et, « de façon absolue, au fond non juridique, on peut donc approcher la
notion de bien en constatant qu'elle se situe au carrefour de l'utilité et de la
rareté, c'est-à-dire qu'elle est définie par l'idée de valeur »1031.
Or, les qualités du cheval, « qui l’ont autrefois retenu comme essentiellement
utile, mais qui aujourd’hui le révèlent comme éminemment agréable, en ont
toujours fait un animal de valeur »1032. Toutefois, « on ne saurait en demeurer
à cette vision économiste et naturaliste des biens, qui conduirait à identifier
les choses aux objets du monde réel car la notion de biens qui seule nous
importe est une notion juridique, ce qui signifie que si elle entretient des
relations d'affinité avec la réalité, elle ne se ramène pas purement et
simplement à un référent matériel »1033 ; « de là deux qualités que doivent
réunir les choses pour que l'on puisse les qualifier de biens : l'appropriabilité et
la commercialité »1034.
Le terme bien comprend « tout ce qui est un élément de fortune ou de
richesse susceptible d’appropriation au profit d’un individu ou d’une
collectivité »1035.
366. Pour pouvoir être qualifié de bien, le cheval doit donc être appropriable et
participer au commerce juridique1036.
Or, nous l’avons constaté, le cheval a fait l’objet d’une préhension primitive en
préalable à sa commercialisation1037.
Ainsi, « dès lors que la presque totalité des res étaient qualifiées en raison de
leur disponibilité patrimoniale, selon les catégories par lesquelles s’organise
1029 C.Gregorczyk, Le concept du bien juridique : l’impossible définition, APD, t.24, 1979, p.259 1030 E.Sabathie, La chose en droit civil, Thèse Paris II, 2004 1031 R.Savatier, Les métamorphoses économiques et sociales du droit privé d'aujourd'hui, Approfondissement d'un droit renouvelé, D., 1959, no494 et s., p.166 ; J-M. Mousseron, Valeurs, biens, droits, Mélanges Breton et Derrida, D., 1991, p.277 1032 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.7 1033 R.Libchaber, Présentation générale des biens, D., Répertoire de droit civil, 2011 1034 R.Libchaber, Présentation générale des biens, D., Répertoire de droit civil, 2011 1035 M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil français, Les biens, LGDJ, 1952, par M.Picard, spéc. p.58 1036 F.Zénati-Castaing et T.Revet, Les biens, 3ème édition, PUF, 2008, n°2, spéc. p.18 1037 Cf. Partie I, Titre I, Chapitre I
- 210 -
l’économie juridique du monde romain, elles assumaient une valeur qui en
faisait à proprement parler des biens »1038. Au demeurant, « cette saisie
juridique des choses les situe sur un plan de construction politique où leurs
singularités antérieures sont rendues caduques, puisque c’est de leur
qualification en droit, et non de leur existence avant lui, qu’il s’agit alors »1039.
SECTION II
LES PROPRIETES PHYSIQUES DU CHEVAL
367. Le monde des choses étant bariolé1040, « cette diversité a conduit les
juristes, pour en rendre compte, à établir des classifications destinées à
regrouper les biens de même nature et à les soumettre à un même régime
juridique »1041. Ainsi, « c’est une propriété physique de la chose qui lui donne
sa qualité juridique »1042.
Selon la formule idoine du tribunal de grande instance d’Avignon : « le cheval,
même s’il reste le meilleur ami de l’homme, demeure au regard du droit civil
français un bien meuble »1043.
Or, « tous les biens sont meubles ou immeubles »1044 et « la distinction des
meubles et des immeubles a été faites dans le Code civil en considération du
caractère physique de la mobilité des choses »1045.
1038 Y.Thomas, La valeur des choses, le droit romain hors la religion, éd. de l’EHESS, Annales Histoire, Sciences Sociales, 2002/6, 57ème année, p.1450 1039 Y.Thomas, La valeur des choses, le droit romain hors la religion, éd. de l’EHESS, Annales Histoire, Sciences Sociales, 2002/6, 57ème année, p.1449 1040 J.Carbonnier, Droit civil, PUF, coll. Quadrige, 2004, n°707 1041 A.Laude, La fongibilité, la diversité des critères de la fongibilité, l’unité des effets de la fongibilité, RTD com., 1995, p.307 1042 G.Ripert et J.Boulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, LGDJ, 1957, spéc. p.751 1043 TGI Avignon, Ordonnance en date du 26 septembre 2007, n°07-00473 ; Cf. J-M.Bruguière, Petite promenade, entre droit des biens et contrats spéciaux, en compagnie du meilleur ami de l’homme, D., 2007, p.2989 1044 Art. 516 C. civ. 1045 G.Ripert et J.Boulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, LGDJ, 1957, spéc. p.751
- 211 -
Puisqu’elle est l’une des propriétés physiques du cheval -§I-, la mobilité joue
un rôle déterminant -§II- dans sa qualification juridique.
§I- LA DIVERSITE DES PROPRIETES PHYSIQUES DU CHEVAL
368. Si le cheval est « de tous les êtres créés, le plus utile à l’homme »1046, c’est
parce qu’il concentre nombre de « qualités en ont toujours fait un animal de
valeur »1047.
Bernard Callé identifie habilement les propriétés physiques du cheval : « sa
force, sa puissance et son endurance en ont fait un animal de transport, de
travail et, malheureusement, de guerre… sa rapidité, son agilité et son
adresse en font un animal de courses, de concours et de dressage… sa
beauté, sa noblesse et son caractère en font un animal de loisirs et de
compagnie »1048.
Or, « ce qui nous détermine surtout dans le droit c’est la forme extérieure de la
chose, sa forme distinctive et organisatrice, cette forme caractéristique qui la
différencie essentiellement des autres choses, qui la rend spécialement propre
à un certain usage, à une certaine fonction, et qui fait qu’elle est apte, à
l’exclusion des autres choses différemment conformées, à nous rendre
déterminément un certain genre de service, à nous procurer un certain genre
d’utilité »1049 et Charles Demolombe de préciser « voilà, pour nous,
principalement et avant tout, la substance de la chose ; non pas, comme pour
la physique ou la chimie, la substance matérielle et élémentaire, mais cette
substance juridique qui constitue un certain être, désigné sous un certain nom,
revêtu d’une certaine forme, spécialement propre à remplir telle ou telle
destination »1050.
1046 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.5 1047 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.7 1048 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.7 1049 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854 1050 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854
- 212 -
369. Au sein d’un écrit poétique et symbolique, Ephrem Houël indique qu’à la
conception du cheval, les créateurs « demandèrent au lion sa fierté, au tigre
sa souplesse, au cerf sa légèreté ; ils prirent l’œil de la gazelle, la fidélité du
chien, la mémoire de l’éléphant ; le cygne donna son cou d’argent et l’onagre
son pied de fer »1051. Mais, de toutes ces qualités, « le cheval fut le roi de la
vitesse »1052. C’est sa faculté de déplacement qui serait primordiale. Sa toute
première qualité est en effet la mobilité1053, que ce soit lors de son utilisation à
des fins agricoles, de transport, de guerre, de compétition…
370. Si le cheval est chose et bien, la division des biens est posée avec une
solennelle simplicité puisque « tous les biens sont meubles ou
immeubles »1054. En vertu de l’article 528 du Code civil, le cheval est défini
prioritairement par référence à sa mobilité. Il est vrai qu’il semble difficile
d’occulter que le cheval est meuble puisque c’est bien eu égard sa mobilité
qu’il est « animal de transport, de travail, de courses, de concours… »1055.
371. La catégorie des meubles par nature « comprend toutes les choses qui ne
sont ni immeubles par leur nature, ni immobilisées par leur destination »1056 et
« un meuble peut rester immobile en fait pendant toute son existence, et
même être destiné par son propriétaire à rester en place indéfiniment »1057.
En définitive, il suffit qu’il dispose de la vocation à être déplacé. Ainsi, « la
distinction des meubles et des immeubles a été faites dans le Code civil en
considération du caractère physique de la mobilité des choses »1058.
1051 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.4 1052 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.5 1053 A.Andrén, K.Jennbert et C.Raudvere, Old Norse religion in long-term perspectives : origins, changes, and interactions, an international conference in Lund, Sweden, 3 au 7 juin 2004, Nordic Academic Press, 2007, p.130 - 134 1054 Art. 516 C. civ. 1055 B.Callé, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.7 1056 M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil français, Les Biens, 2ème édition, LGDJ, 1952, par M.Picard, spéc. p.102 1057 M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil français, Les Biens, 2ème édition, LGDJ, 1952, par M.Picard, spéc. p.102 1058 G.Ripert et J.Boulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, LGDJ, 1957, spéc. p.751
- 213 -
§II- LE ROLE DETERMINANT DE LA MOBILITE
372. De toutes les propriétés physiques du cheval, c’est la mobilité qui est
déterminante en droit car la distinction des biens corporels est fondée sur une
particularité physique.
Cette particularité, énoncée pour les meubles, est par nature insusceptible
d'extension aux biens incorporels.
Les meubles sont ainsi définis par leur mobilité puisqu’il s’agit des « animaux
et des corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se
meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par
l'effet d'une force étrangère »1059. En droit romain, « les meubles sont les
choses susceptibles d’être déplacées sans détérioration, y compris celles qui
se meuvent par elles-mêmes comme les animaux »1060. En effet, « sans y
attacher les mêmes conséquences que notre droit moderne, le droit romain
avait établi une distinction fondée sur le caractère physique de la mobilité des
choses : aux res mobiles ou res se moventes s’opposaient les res soli »1061.
373. La distinction des meubles et des immeubles, laquelle constitue la summa
divisio des biens dans le Code civil, ne possède pas de racines profondes au
sein de l'histoire. Elle n'est certes pas une création pure du Code civil, puisque
l'Ancien droit y faisait référence ; mais il est parvenu à l’intégrer uniquement
deux ou trois siècles avant le code civil, ce qui donne une faible profondeur de
champ1062.
Cette distinction récente est née d'un effort laborieux. Partie du droit romain
qui faisait état d'une caractéristique physique sans pour autant lui attribuer de
rôle important, la distinction a été lentement élaborée sous la pression du droit
savant.
374. La division des meubles et des immeubles est, ni un souvenir du régime
féodal, ni une réminiscence du droit romain, mais plutôt une rationalisation
1059 Art. 528 C. civ. 1060 P-F.Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Librairie Edouard Duchemin, 1978, spéc. p.265 1061 G.Ripert et J.Boulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, LGDJ, 1957, spéc. p.752 1062 A-M.Patault, Introduction historique au droit des biens, PUF, 1989, spéc. n° 74 et s., p.88
- 214 -
savante à partir de catégories féodales et romaines, qui a conduit à un
système original dans lequel nous continuons de vivre, quoiqu'il ait légèrement
évolué depuis le code civil1063.
Cependant, « si l'on se demande néanmoins pourquoi les codificateurs n'ont
pas été plus exigeants, alors même qu'ils entreprenaient la constitution d'une
summa divisio de l'ensemble des biens corporels, on peut répondre que c'est
parce qu'ils considéraient les notions de meubles et d'immeubles comme
dépourvues de mystère »1064. En effet, « en voie d'élaboration depuis deux ou
trois siècles, la distinction plongeait ses racines jusque dans le droit romain, et
cela suffisait sans doute à considérer les meubles et les immeubles comme
des données premières, sinon immédiates, de la sensibilité ou de la
conscience juridique… d'où une absence de définition rigoureuse, que
l'article 528 rendait d'ailleurs inutile »1065. Ainsi, « partant de l'idée qu'ils
travaillaient là des matières dépourvues de mystère - ce qui est parfaitement
illustré par les travaux préparatoires, où la distinction n'est jamais explorée
tant elle paraît conforme aux exigences du droit naturel -, les codificateurs ne
se sont pas même donnés la tâche de proposer un catalogue d'exemples
significatifs : la plupart des articles évoqués cherchent plutôt à explorer les
communs confins de l'une et l'autre catégorie, cette zone frontière où l'on
pourrait hésiter sur l'exacte qualification »1066.
375. En définitive, « si la différence n'est pas de matière, elle est liée à la
situation : les meubles occupent dans l'espace une position changeante,
tandis que les immeubles ont une assise fixée une fois pour toutes ne
varietur »1067 mais « encore reste-t-il à comprendre pourquoi cette fixité des
uns, cette mobilité des autres, a pu occuper une place aussi décisive »1068.
La règle est formulée il y a plus de sept siècles déjà puisque « meubles sont
toutes choses qui peuvent être mutées de lieu en un autre »1069.
1063 H.Périnet-Marquet, Évolution de la distinction des meubles et des immeubles depuis le code civil, Mélanges Béguin, Litec, 2005, p.643 1064 R.Libchaber, Présentation générale des biens, D., Répertoire de droit civil, 2011 1065 R.Libchaber, Présentation générale des biens, D., Répertoire de droit civil, 2011 1066 R.Libchaber, Présentation générale des biens, D., Répertoire de droit civil, 2011 1067 R.Libchaber, Présentation générale des biens, D., Répertoire de droit civil, 2011 1068 R.Libchaber, Présentation générale des biens, D., Répertoire de droit civil, 2011 1069 P.De Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, 1283, éd. A.J.Picard, 1970-1974, n°671 ; De Beaumanoir énumère d’ailleurs le cheval parmi les meubles
- 215 -
Concrètement, et à travers les âges, elle fait appel au bon sens. Ce qui peut
se déplacer, ou plus exactement ce qui a vocation à être déplacé, par soi-
même ou par le fait de l'homme, doit à ce caractère d'être considéré comme
meuble.
En répondant précisément à cette définition, le cheval est qualifié de bien
meuble par nature.
376. C’est dès lors un non sens technique que de prôner que « la classification
de l’animal dans les meubles présente de nos jours un caractère purement
fictif, sans lien avec ce qui est l’objet de la classification »1070.
En effet, la caractéristique première du cheval, à l’origine de la majeure partie
de ses utilités, n’est-elle pas qu’il est susceptible de se déplacer et donc, par
conséquent, de ne pas occuper de place fixe dans l’espace, de pouvoir « être
muté de lieu en un autre »1071 pour paraphraser la formule idoine de Philippe
de Beaumanoir ?
Du point de vue de la technique juridique, il est par conséquent légitime que le
cheval soit appréhendé en fonction de sa mobilité. Affirmer que « en ne
retenant que le critère de mobilité, le Code dénature le sens des mots puisqu’il
ne distingue pas ce qui possède le souffle de vie et ce qui est inerte »1072 est
dénué de conséquence juridique puisque la référence à la mobilité définit la
notion de bien meuble en droit. Certes, « en l’état des strictes limites imposées
par l’article 516 du Code civil, le législateur ne pouvait que classer l’animal
dans la catégorie des biens meubles, en retenant le seul critère de mobilité qui
est loin d’en refléter les particularités essentielles »1073, mais ce n’est pas
parce que la mobilité n’est pas la caractéristique essentielle du cheval qu’il
n’en est pas pour autant un meuble dès lors qu’il est mobile.
377. L’obstacle proviendrait « des classifications fondamentales de notre droit, à
savoir une première division bipartite qui limite le droit civil aux personnes et
aux biens et à l’intérieur de la classification des biens une seconde division
bipartite, exprimée par l’article 516, affirme péremptoirement qu’il n’existe que
1070 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2652 1071 P.De Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, 1283, éd. A. J. Picard, 1970-1974, n° 671 1072 S.Antoine, Un animal est-il une chose ?, Gaz. Pal., 7 mai 1994, p.594 1073 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651
- 216 -
deux sortes de biens : les meubles et les immeubles »1074. Ainsi, « ne pouvant
occulter que l’animal domestique est objet d’appropriation et de transactions
commerciales, on pourrait, sans renier sa nature particulière, le laisser figurer
dans le droit des biens, mais à la condition toutefois de créer une nouvelle
catégorie de biens »1075.
Mais est- ce réellement un obstacle ? En effet, « il est l’objet possible de droit,
non pas tant pour l’asservir à un maître, que pour organiser juridiquement sa
relation à l’homme et il est mis dans le commerce juridique parce qu’il doit
pouvoir être cédé, prêté ou bien donné… aussi, à moins d’expulser les
animaux de la sphère patrimoniale, ce qui est proprement irréaliste, c’est
assurément au droit des biens qu’il revient de leur dicter ses règles »1076.
378. A ce titre, « le droit des biens n’est pas un ensemble compact, froid et
dépassé ; il sait, lorsque cela s’avère nécessaire ou lorsque l’évolution des
mœurs l’impose, décliner l’objet de son champ d’application »1077. Ainsi, « des
lois particulières y suffisent sans qu’il soit pour autant incontournable de créer
autant de groupes de législation qu’il est des situations de biens ou plus
généralement de choses »1078.
Le cheval en est l’archétype car le régime juridique qui lui est appliqué légitime
sa qualification.
Il est d’ailleurs préférable de se préserver d’une fragmentation des sources qui
proviendrait de la création « d’innombrables microsystèmes autonomes les
uns des autres, sans la contrainte d’obéir à une rationalité globale »1079. Ainsi,
le Doyen Carbonnier indiquait que « la division des biens en meubles et
immeubles ne parait laisser place à aucune catégorie intermédiaire »1080.
Ainsi, « en tant que bien, la mobilité est le caractère juridique traditionnel de
l’animal »1081. Si le cheval possède nombre de propriétés physiques, il n’en
demeure pas moins que sa classification initiale au sein du droit des biens
1074 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651 1075 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, n°39, p.2651 1076 G.Loiseau, Pour un droit des choses, D., 2006, p.3015 1077 Y.Strickler, Droit des biens : évitons la dispersion, D., 2007, p.1149 1078 Y.Strickler, Droit des biens : évitons la dispersion, D., 2007, p.1149 1079 B.Oppetit, De la codification, D., 1996, spéc. p.11 1080 J.Carbonnier, Droit civil, Les biens, 1ère édition, PUF, 1955, spéc. p.1599 1081 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, spéc. p.25
- 217 -
dépend de sa mobilité. En effet, « les choses meubles sont celles dont l’utilité
dépend de leur mouvement »1082.
1082 F.Carnelutti, Teoria generale del diritto, 2ème édition, éd. del Foro italiano, 1946, spéc. n°53
- 218 -
CHAPITRE II
UNE QUALIFICATION CONFIRMEE
PAR LE REGIME JURIDIQUE DU CHEVAL
379. Grâce au travail analytique réalisé en amont1083, nous pouvons constater
que le régime juridique du cheval obéit principalement au droit commun,
lequel est un cadre juridique composé de « solutions taillées à la mesure des
choses inanimées »1084. Or, « une chose inanimée étant, le plus souvent,
façonnée ou aménagée par l’homme en considération d’un but bien précis, sa
destination en est figée une fois presque pour toutes »1085. Au contraire, « un
animal au lieu d’être figé, une fois pour toutes par la volonté de l’homme avec
des caractères donnés, évolue et se modifie au gré de la vie qui l’anime »1086.
Par conséquent, si les propriétés du cheval justifient sa qualification de chose
et de bien meuble, donc l’application du droit commun, la question de la
pertinence de cette application se pose. Il est une chose de répondre à une
qualification, il en est une autre que le régime juridique résultant de cette
qualification convienne.
380. Selon le droit commun, l’affection des tendons subie par le cheval est
susceptible de revêtir la qualification de vice caché1087. Le taux de fertilité d’un
étalon est une qualité substantielle de l’animal légitimant l’application du
1083 Cf. Partie I 1084 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.19 1085 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.228 1086 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.229 1087 L.Beuvin, Le cheval, maux et sentences, Institut du droit équin, éd. ESTEM, 2001, spéc. p.17
- 219 -
régime juridique de l’erreur en cas d’hypofertilité1088. L’arthropathie
dégénérative des boulets antérieurs du cheval qui conduit à une impossibilité
progressive d’effectuer des sauts d’obstacle s’analyse en une non-conformité
lorsque la vente porte sur un cheval de concours de saut d’obstacle1089…
L’illustration n’est point exhaustive et, pour rejoindre la conclusion de Patrick
de Watrigant1090 circonscrite au cheval de course, « dans de nombreux cas,
les solutions du droit positif paraissent bien adaptées à son existence et à la
prise en compte de ses différents aspects »1091.
381. Aussi surprenant cela puisse t-il paraître, l’application du droit commun au
cheval est un succès et les pratiques équines « trouvent dans les instruments
juridiques fournis par le droit positif les moyens de leur épanouissement en
tirant parti de la souplesse des règles et de la richesse des solutions de droit
commun »1092.
Ce succès se vérifie à l’application du droit commun au cheval -Section I-,
comme aux pratiques équines -Section II-.
SECTION I
LE SUCCES DE L’APPLICATION DU DROIT COMMUN AU CHEVAL
382. Le droit commun régit le cheval, qu’il s’agisse de déterminer ses
caractéristiques essentielles ou de s’intéresser au sort des documents qui
l’accompagnent. En principe, le cheval est indissociable de ses documents
officiels. C’est pourquoi le droit dispose que « tout équidé sevré doit être
1088 B.Chain, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du droit équin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, p.126 1089 L.Chain et B.Sigler, Le cheval et la vente, Institut du droit équin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, p.123 1090 P.De Watrigant, Le cheval de course, Thèse Bordeaux, 1975 1091 P.De Watrigant, Le cheval de course, Thèse Bordeaux, 1975 1092 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.124
- 220 -
accompagné d’un document d’identification conforme à la réglementation
communautaire et être immatriculé auprès du fichier central
zootechnique »1093. La carte d’immatriculation « indique l’identité du
propriétaire déclaré ou enregistré au fichier central »1094.
Il résulte de l’application du droit commun au cheval une appréciation
satisfaisante des caractéristiques essentielles de l’animal -§I- comme de ses
documents officiels -§II-.
§I- L’APPRECIATION SATISFAISANTE DES CARACTERISTIQUES
ESSENTIELLES DU CHEVAL
383. Les caractéristiques essentielles du cheval sont celles qui fondent le
consentement du contractant. C’est l’acquéreur qui recherche une poulinière
pour ses qualités génétiques hors du commun, le cavalier qui souhaite obtenir
la location d’un cheval docile…
En général, l’appréciation des caractéristiques essentielles du cheval
nécessite un minimum de connaissances vétérinaires. C’est d’ailleurs de ce
constat qu’est né « un ouvrage qui, partant des maux ou maladies du cheval
rencontrées en jurisprudence, ainsi que des actes de médecine ou de
chirurgie vétérinaires qui ont donné lieu à des décisions judiciaires, analyse
chacun d’eux tant sur le plan vétérinaire que sur le plan juridique »1095.
L’appréciation des caractéristiques essentielles du cheval par le droit commun
aboutit à l’identification des qualités substantielles du cheval -I- et des vices
l’affectant -II-.
1093 Art. 1 du Décret n°2001-913 du 5 octobre 2001 relatif à l’identification des équidés 1094 Art. 2 du Décret n°2001-913 du 5 octobre 2001 relatif à l’identification des équidés 1095 B.Callé, Le cheval, maux et sentences, Institut du droit équin, éd. ESTEM, 2001, spéc. p.7
- 221 -
I- Les qualités substantielles du cheval identifiées
384. La question est posée en ces termes : « qu’est ce qu’une erreur
substantielle pour l’achat ou la vente d’un cheval ? »1096.
Et Bruno Chain de citer en exemple : « je croyais acheter un cheval qui a été
indiqué comme premier du Prix de l’Arc de Triomphe ; or, il a été premier du
prix de l’Arc de Triomphe de Romorantin ; ce n’est pas ce cheval là que je
voulais acheter : il y a erreur et peut-être même dol, si la mention a été faite
de façon volontairement ambiguë »1097.
Encore faut-il que l’acheteur puisse en rapporter la preuve ; c’est d’ailleurs
toute la difficulté de la profession en présence d’usages proscrivant l’écrit. En
effet, « la nullité pour erreur sur la substance est relativement délicate à
obtenir, car la preuve de l’erreur incombe à celui qui s’en prévaut,
généralement l’acheteur, et en l’absence d’écrit sur la consistance du
consentement, ce caractère substantiel in abstracto est difficile à établir »1098.
385. En application de l’article 1110 du Code civil qui dispose que « l’erreur n’est
une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance
même de la chose qui en est l’objet », la jurisprudence a précisé que l’erreur
sur la substance s’entend non seulement de celle qui porte sur la matière
même dont la chose est composée, mais aussi et plus généralement de celle
qui a trait aux qualités substantielles - authenticité, origine, utilisation - en
considération desquelles les parties ont contracté1099.
Se pose alors la question de savoir si les caractéristiques du cheval
s’accommodent de manière satisfaisante du régime juridique de l’erreur sur
les qualités substantielles.
1096 B.Chain, Le Cheval, Contrats et Responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.125 1097 B.Chain, Le Cheval, Contrats et Responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.123 1098 B.Chain, Le Cheval, Contrats et Responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.126 1099 Méga Code Civil, 7ème édition, 2007, note 2 sous art.1110
- 222 -
386. Par analogie, il est possible de comparer les attentes placées en un cheval
avec les attentes placées en n’importe quelle autre chose.
Ainsi, l’acquéreur d’une œuvre d’art peut se prévaloir d’une erreur sur
l’authenticité de ce dernier1100, qu’il s’agisse d’une table d’époque Louis
XV1101, de marquises d’époques Louis XV1102, d’un bureau d’époque Louis
XV1103 ou d’un tableau de Van Gogh1104.
Or, dès 1905, la jurisprudence considérait que « il y a lieu d’annuler la vente
d’un cheval de sang qui ne répond pas au signalement indiqué sur la carte
d’origine »1105.
L’origine de l’animal comme erreur sur les qualités substantielles de l’animal
précède les développements relatifs à l’authenticité d’une œuvre d’art. Est-ce
à dire qu’il s’agit d’un mécanisme taillé à la mesure du cheval ? Observons
que la notion trouve un terrain d’application favorable avec le cheval puisque
l’erreur sur les qualités substantielles est caractérisée tant au regard de la
destination de l’animal1106, de ses capacités1107 que de ses performances1108.
Le droit commun identifie habilement les qualités substantielles du cheval.
II- Les vices affectant le cheval identifiés
387. Historiquement, « le droit romain, par l'intermédiaire de Domat et de Pothier,
a transmis au code civil de 1804 un système de protection de l'acheteur qui
est connu sous le nom de garantie des vices cachés »1109.
En matière de vente d’animaux domestiques, par dérogation au droit commun
de la vente, les dispositions du Code rural relatives aux vices rédhibitoires
1100 J.Chatelain, Etudes offertes à J.Flour, Répertoire du Notariat, Defrénois, 1979, p.63 1101 CA Lyon, 18 mars 1931, DP, 1933, 2, p.25 1102 Cass. 1èreciv., 23 février 1970, D., p.604 ; RTD civ. 1970, p.751 1103 CA Paris, 3 janvier 1974, Gaz. Pal., 1974, 2, p.708 1104 CA Paris, 7 mai 2001, Gaz. Pal., 2001, p.1208 1105 CA Caen, 5 août 1905, Lois et Sports, novembre 1905, p.62 1106 Cass. 1èreciv., 27 octobre 1993, n°91-15.632 ; Cass. 1èreciv., 5 février 2002, Bull. civ. I, n°38 1107 Cass. 1èreciv., 24 avril 1985, Bull. civ. I, p.27 ; Cass. 1èreciv., 6 octobre 1998, Bull. IDE, n°12, p.2 ; CA Grenoble, 5 décembre 2000, n°98/03231 ; CA Nîmes, 3 juillet 2003, Bull. IDE, n°31 1108 CA Lyon, 2 juillet 1953, Gaz. Pal., 1953, 2, p.297 1109 J.Calais-Auloy, Une nouvelle garantie pour l’acheteur : la garantie de conformité, RTD civ., 2005, p.701
- 223 -
constituent le régime légal et il faut remonter au XIXème siècle pour trouver
l’origine de ce principe.
Si ces vices dits rédhibitoires sont limitativement énumérés par l’article L.213-
1 du Code rural1110, la garantie des vices cachés du Code civil est néanmoins
applicable en présence d’une stipulation le prévoyant1111 ou en raison de
l’existence d’une convention contraire implicite1112.
388. Il est intéressant d’observer la façon dont le droit appréhende les vices
cachés en présence d’un cheval. En effet, « ce qui singularise l’animal par
rapport à nombre de choses inanimées, c’est le fait de pouvoir être
fréquemment atteint de vices dus à des agents si minuscules et si
profondément enfouis dans son corps vivant qu’il est impossible, même à un
acheteur professionnel, de mener, au moment de la vente, des investigations
suffisamment précises pour pouvoir les découvrir »1113.
Dès lors, toute la difficulté réside dans le fait de transposer au cheval un
régime juridique habituellement satisfaisant à l’égard des choses inanimées,
lesquelles « étant, le plus souvent, façonnée ou aménagée par l’homme en
considération d’un but bien précis, leur destination en est figée une fois
presque pour toutes »1114.
389. Constatons que la jurisprudence a considéré comme vice caché la cécité
d’un oeil1115, une dermite estivale récidivante empêchant de monter le cheval
en plein air1116, une arthropathie interphalangienne distale évolutive
incompatible avec le sport de compétition1117, une endométrite chronique
conduisant à la stérilité1118, la stérilité congénitale d’une jument destinée à
1110 Immobilité, emphysème pulmonaire, cornage chronique, tic proprement dit avec ou sans usure des dents, boiteries anciennes intermittentes, uvéite isolée et anémie infectieuse 1111 Cela résulte de la lettre du texte de l’article L.213-1 du Code rural, au caractère supplétif, qui dispose que le principe de la primauté de l’action des vices rédhibitoires a vocation à recevoir application en l’absence de
convention contraire 1112 Cf. Pt.139 1113 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.251 1114 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.228 1115 Cass. 1èreciv., 24 février 1964, Bull. civ. I, n°105 1116 CA Dijon, 28 septembre 2000, n°99-01.033 1117 CA Orléans, 13 septembre 1999, n°98-00.198 1118 CA Chambéry, 6 février 2001, n°98-02.394
- 224 -
l’élevage1119, la maladie naviculaire causant une inaptitude à la compétition1120
ou encore une sciatique rendant très difficile la manipulation d’un postérieur
notamment lors du ferrage1121.
Par extension à des problèmes comportementaux, la garantie des vices
cachés du Code civil a permis la résolution de la vente lorsque la rétivité
empêche de participer à des compétitions1122.
390. Il semble que la garantie des vices cachés du Code civil permette une
appréhension satisfaisante des défaillances, défauts et défectuosités dont le
cheval peut être atteint.
Qu’en est-il exactement en ce qui concerne les conditions cumulatives
requises pour permettre l’application des articles 1641 et suivants du Code
civil ?
391. L’appréciation de l’apparence du vice ne soulève guère de difficultés, de
surcroît en présence d’une jurisprudence particulièrement exigeante.
A cet effet, un équidé borgne ne présente pas de vice apparent dans la
mesure où il faut un examen approfondi pour le constater1123 tout comme une
boiterie n’est pas non plus nécessairement visible1124, sauf lorsqu’elle est
réellement apparente1125.
392. L’appréciation de l’antériorité du vice demeure plus délicate même si les
progrès de la science permettent l’obtention de résultats surprenants.
C’est ainsi que pour rechercher l’origine de l’hypofertilité d’un équidé, la Cour
d’appel de Caen a procédé à des expertises prenant en considération les
substances administrées à ce cheval, ses origines, pour conclure au caractère
génétique et totalement irréversible de l’hypofertilité1126.
1119 CA Versailles, 7 mai 2004, Bull. IDE, n°35 1120 CA Metz, 3 mai 2001, Bull. IDE, sept. 2001, p.3 1121 CA Poitiers, 20 novembre 2002 1122 CA Bordeaux, 15 décembre 1986, JurisData n°044184 ; CA Amiens, 5 septembre 1997, Bull. IDE, mars 1998 ; CA Caen, 7 février 1997, Bull. IDE, n°5 1123 Cass. 1èreciv., 24 février 1964, Bull. civ. I, n°105 1124 CA Lyon, 16 juin 1974, JurisData n°046780 1125 CA Riom, 4 novembre 1983, JurisData n°042929 1126 CA Caen, 3 octobre 1995, JurisData n°044451
- 225 -
En définitive, l’antériorité du vice à la vente est démontrable lorsqu’il est
génétique et scientifiquement décelable. En revanche, la difficulté est accrue
lorsqu’il est d’origine traumatique.
La satisfaction à cette condition lorsque la vente concerne un cheval est
aléatoire et semble en conséquence rendre difficile l’application de la garantie
des vices cachés en l’absence d’expertise vétérinaire. C’est en ce sens
qu’après expertise, les juges du fond ont constaté, à propos d’un équidé
indocile et rétif, que la rétivité n’était pas innée, ni acquise antérieurement à la
vente mais constituait simplement une conséquence du mauvais usage de la
monture1127.
393. L’appréciation de l’impropriété du cheval à son usage épouse parfaitement
les hypothèses rencontrées en la matière.
En effet, un équidé acheté pour la compétition et atteint d’arthrose est affecté
d’un vice caché1128, de même que le cheval d’obstacle présentant une
boiterie1129, a fortiori vendu par un professionnel1130.
En définitive, lorsque la destination de l’animal est sans équivoque, le vice est
aisément mis en exergue. Ainsi, la garantie des vices cachés fonctionne pour
la vente d’un étalon de reproduction1131, pour la vente de génisses en
gestation destinées à l’élevage et à la reproduction1132, pour la vente d’un
cheval recherché pour ses qualités génétiques hors du commun1133 ou pour la
vente d’une jument destinée à des compétitions pour lesquelles l’aptitude à
supporter les déplacements était importante1134.
En tout état de cause, l’impropriété du cheval à l’usage auquel on le destine
est aisée à caractériser lorsque les parties ont convenu expressément de la
destination de l’animal, les difficultés survenant en raison du maintien avec
vigueur d’un usage proscrivant l’écrit en fait de ventes équines même si la
1127 CA Caen, 14 décembre 1999, Bull. IDE, n°17 et le vendeur n’engage donc pas sa responsabilité sur le
fondement de la garantie des vices cachés alors que l’action intentée peu de temps après la vente laissait
supposer le caractère antérieur du vice à la vente 1128 CA Paris, 8 septembre 1994, JurisData n°022425 1129 CA Lyon, 16 juin 1994, JurisData n°046780 1130 CA Angers, 14 septembre 1993, JurisData n°050766 1131 CA Besançon, 11 décembre 2001, JurisData n°163117 1132 CA Montpellier, 15 mai 2002, JurisData n°184778 1133 CA Bordeaux, 20 mai 2003, JurisData n°222207 1134 CA Montpellier, 13 novembre 2001, JurisData n°170885
- 226 -
jurisprudence déduit de la publicité effectuée par le vendeur la destination
implicite de l’animal1135.
§II- L’APPRECIATION SATISFAISANTE DES DOCUMENTS OFFICIELS DU
CHEVAL
394. Les documents officiels du cheval, usuellement dénommés papiers,
correspondent à l’ensemble des documents nécessaires à l’utilisation de
l’animal1136. Ils « ont une telle importance que leur remise fait nécessairement
et implicitement partie de la vente »1137.
Le droit commun préserve ce caractère indispensable des papiers du cheval
par l’application du mécanisme juridique de la délivrance des accessoires. Si
l’objet de la délivrance est le cheval objet de la vente, il comprend par
extension les fruits et les accessoires1138. A ce titre, les documents officiels du
cheval constituent un accessoire de l’animal.
Le droit a donc imposé la délivrance des documents officiels, en l’incluant
dans le champ de l’obligation de délivrance1139 -I-, et autorisé corrélativement
leur éventuelle rétention -II-.
I- La délivrance des documents officiels du cheval imposée
395. Au début du XXème siècle, la jurisprudence a recours aux usages pour
distinguer le caractère nécessaire ou non de la délivrance des papiers du
cheval. Ainsi, « en cas de ventes de chevaux de course, de chevaux destinés
à la reproduction ou de chevaux de sang destinés à la carrière sportive, les 1135 Cass. 1èreciv., 27 octobre 1993, Juridisque Lamy C. cass., vol.II, n°1306, où la publicité annonce « propriétaire d’un trotteur. Pourquoi pas vous ? Un investissement plaisir qui vous permettra de courir et de gagner dans les prochaines semaines », d’où l’on déduit que l’acquéreur avait acquis un trotteur à
l’entraînement et non une poulinière 1136 Carte d’immatriculation, document d’identification, certificat de saillie d’une jument le cas échéant… 1137 CA Lyon, 16 janvier 1907, S., 1907, 2, p.280 1138 Art. 1614 et 1615 C. civ. 1139 CA Lyon, 16 janvier 1907, S., 1907, 2, p.280
- 227 -
papiers d’origine ont une telle importance que leur remise fait nécessairement
et implicitement partie de la vente, sans qu’il soit besoin de la stipuler »1140
mais, « en dehors de tout usage local, la remise des papiers d’origine ne peut
être exigée par l’acheteur qui a acheté un cheval uniquement pour son service
personnel ou pour l’attelage »1141.
La Cour de cassation valide cette jurisprudence, jugeant que la transmission
de ces documents ne s’impose que lorsqu’ils sont nécessaires à l’usage
normal du cheval1142.
396. Cependant, en vertu du décret du 5 octobre 20011143 relatif à l’identification
des équidés, pèse désormais sur le vendeur d’un cheval l’obligation de
délivrer sans délai au nouveau propriétaire le document d’identification et la
carte d’immatriculation après l’avoir endossée1144. Toutefois, « le vendeur d’un
équidé n’est pas tenu de délivrer la carte d’immatriculation si le paiement
intégral du prix n’a pas été effectué »1145. Cette disposition consacre un arrêt
de la Cour de cassation, en date du 25 octobre 1978, permettant au vendeur
de conserver la carte d’immatriculation de l’animal dans certaines situations
dès lors que cette conservation n’empêche pas sa participation à des
compétitions ou son transport1146.
397. En l’espèce, l’application du droit commun est d’autant plus satisfaisante que
« très souvent aujourd'hui, ce sont des documents administratifs qui
constituent les accessoires de l'article 1615, notamment dans les ventes
mobilières, dès lors, dit la Cour de cassation, qu'ils sont indispensables à
l'utilisation normale de la chose vendue »1147. D’une manière générale, « les
accessoires juridiques englobent, d'abord, l'ensemble des documents
administratifs qui sont indispensables pour attester la qualité de propriétaire
1140 CA Lyon, 16 janvier 1907, S., 1907, 2, p.280 1141 CA Paris, 14 avril 1908, Le Droit, 26 mai 1908 1142 Cass. com., 14 décembre 1977, D., 1978, p.248 ; Cass. 1èreciv., 26 novembre 1981, Bull. civ. I, n°352 ; Cass. 1èreciv., 17 novembre 1999, Bull. IDE, 1999, n°16 1143 Décret n°2001-913 du 5 octobre 2001 1144 Art. 8 du décret n°2001-913 du 5 octobre 2001 1145 Art. 8-II du décret du 5 octobre 2001 modifiant le Décret n°76-352 du 5 avril 1976 1146 Cass. 1èreciv., 25 octobre 1978, D., 1978, IR, p.69 1147 G.Paisant, obs. sur Cass. 1èreciv., 29 novembre 1994, no93-10.303, D., 1996, p.13
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du vendeur, ou garantir les spécificités de la chose, ou pour permettre
l'utilisation normale de celle-ci »1148.
C’est exactement l’hypothèse des papiers du cheval, la jurisprudence
n’hésitant pas à l’affirmer à propos du certificat d’origine pour un cheval de
course1149 ou pour un cheval pur-sang promis à usage d’étalon1150.
398. Les documents officiels du cheval illustrent parfaitement le mécanisme
juridique de la délivrance des accessoires.
Pourtant, selon Jean-Pierre Marguénaud, « l’obligation de délivrer les
documents résulte de l’originalité de la nature animale »1151. En réalité, le
fondement de la remise de ces documents repose sur la notion juridique de la
délivrance des accessoires, indépendamment de la nature du principal, en
l’occurrence un animal certes. De surcroît, ces papiers sont nécessaires aux
fins d’identification de l’animal comme c’est le cas pour nombre de choses.
En toute hypothèse, si les documents officiels du cheval doivent
nécessairement suivre ce dernier à l’occasion d’une transaction, le droit
commun assure la perfection de cette nécessité.
II- La rétention des documents officiels du cheval autorisée
399. Dans le droit fil de la nécessité du transfert des papiers du cheval à
l’occasion d’une transaction, leur rétention éventuelle comme moyen de
pression sur le débiteur défaillant est autorisée.
Le droit de rétention est traditionnellement défini comme le droit reconnu au
créancier de retenir un objet, qu'il est pourtant tenu de restituer, jusqu'à ce
qu'il ait été payé de tout ce que son débiteur lui doit.
1148 O.Barret, Vente, D., Répertoire de droit civil, no 1123 1149 CA Rouen, 2 décembre 1892, DP 1893, 2, p.231 ; CA Lyon, 16 janvier 1907, S. 1907, 2, p.280 ; Cass. 1èreciv., 26 novembre 1981, JCP CI, 1981, no 10373 1150 Cass. com., 14 décembre 1977, D., 1978, IR, p.248 1151 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.225
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Pour certains auteurs, le droit de rétention serait un droit réel1152, pour
d’autres, une véritable sûreté1153. La jurisprudence réfute cette seconde
solution1154 au profit de la première1155.
400. Jusqu’à l’ordonnance du 23 mars 20061156, contrairement à certaines
législations étrangères1157, le Code civil ne consacrait aucun principe général
de droit de rétention.
Dès 1804 toutefois, les rédacteurs du Code civil l'ont institué au profit de
certains créanciers dans des hypothèses particulières mais la jurisprudence
s’est rapidement affranchie du cadre légal du droit de rétention1158.
Le droit de rétention présuppose une mainmise physique sur la chose, ce que
la Cour de cassation exprime en ces termes : « le droit de rétention d’une
chose est la conséquence de sa détention »1159. Or, il est acquis que le cheval
et ses documents officiels sont susceptibles d’une appropriation physique par
une forme de domination sur le corpus même de la chose.
401. Au titre de ses conditions d’exercice, il est à noter la nécessité d’une
créance certaine en son principe. En pratique, l'exigence d'une créance
certaine a conduit la jurisprudence à refuser le droit de rétention au garagiste
qui avait effectué des réparations sans l'accord de ses clients sur le prix de
celles-ci1160. Selon cette jurisprudence, il est acquis que les éventuelles
sommes facturées par le dépositaire, non comprises au contrat et susceptibles
1152 R.Rodière, note sous Cass. 1èreciv., 22 mai 1962, no 58-12.486, D., 1965, p.58 1153 P.Delebecque et P.Simler, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, 4ème édition, D., 2004, no 568, p.476 1154 F.Heinderian, note sous Cass. com., 20 mai 1997, no95-11.915, Bull. civ. IV, no 141, DH, 1998, p.439 ; S.Piedelièvre, obs. sur Cass. com., 20 mai 1997, no95-11.915, Bull. civ. IV, no 141, D., 1998, p.102 ; L.Aynès, obs. sur Cass. com., 20 mai 1997, no95-11.915, Bull. civ. IV, no 14, Defrénois, 1997, p.1427 ; P.Crocq, obs. sur Cass. com., 20 mai 1997, no95-11.915, Bull. civ. IV, no 141, RTD civ., 1997, p.707 1155 P-Y.Gautier, note sous Cass. 1ère civ., 7 janvier 1992, no90-14.545, Bull. civ. I, no 4, RTD civ., 1992, p.586 ; P.Delebecque, obs. sur Cass. 1ère civ., 7 janvier 1992, no90-14.545, Bull. civ. I, no 4, JCP G, 1992, I, p.227, no3583 1156 Ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, publié au JO du 24 mars 2006 1157 Code civil suisse, art. 895 et s. ; BGB allemand, § 273 et 274 ; Code civil québécois, art. 592 1158 Cass. 1èreciv., 17 janvier 1866, DP, 1866, I, p.76, au terme duquel l'employé chargé de la direction et de la surveillance d'une mine peut retenir les éléments de comptabilité, registres et papiers divers, pour garantir le paiement de ses appointements ; Cass. 1ère civ., 10 août 1870, DP, 1870, I, p.41, qui accorde à un avoué le droit de retenir les pièces reçues de son client pour l'accomplissement de son mandat jusqu'au complet paiement de sa créance qui comprenait notamment les frais de procédure 1159 M.Cabrillac, note sous Cass. com., 11 juillet 2000, no97-12.374, Bull. civ. IV, no142, JCP E, 2001, I, p.222, no 5 ; S.Piedelièvre, obs. sur Cass. com., 11 juillet 2000, no97-12.374, Bull. civ. IV, no142, D., 2001, p.441 1160 Cass. 1èreciv., 3 mai 1966, no63-13.797
- 230 -
d’être déclarées comme superflues, empêchent l’exercice du droit de
rétention1161.
402. Conformément au droit commun, il est possible pour un cocontractant
d’exercer un droit de rétention sur le cheval comme sur ses accessoires.
A propos de la rétention de l’animal, remarquons au passage que le défaut de
paiement du dépositaire par le déposant peut donner lieu à rétention de
l’animal et de ses documents d’identification puisqu’il « peut retenir le dépôt
jusqu’à l’entier payement de ce qui lui est dû à raison du dépôt »1162.
403. A propos de la rétention des documents, le Décret du 5 octobre 2001
dispose que « le vendeur d’un équidé n’est pas tenu de délivrer la carte
d’immatriculation si le paiement intégral du prix n’a pas été effectué »1163.
D’ailleurs, « l’accroissement de la valeur des chevaux, l’installation de la
méfiance, la recherche du gain, le refus de l’aléa, le risque de procès ont
profondément modifié les relations entre cocontractants »1164, justifiant
l’exercice d’un droit de rétention, nécessaire en ce qu’il permet de faire
pression sur le propriétaire de l’animal désireux de récupérer le document
indispensable à l'exploitation de son bien.
404. A ce titre, Olivia Audic constate qu’il est légitime d'imaginer l’application de
ce droit de rétention à l'égard de documents relatifs à la qualité, l'origine, la
composition ou la conformité de certains biens auxquels ils sont
indispensables1165. Or, le droit de rétention d’un document relatif au cheval est
admis depuis longtemps. C’est en effet une jurisprudence de la fin du XIXème
siècle qui envisage la rétention des différents documents à défaut desquels la
vente du bien risque d'être moins productive, notamment le certificat d'origine
d'un cheval de course1166. En effet, il est constant qu’un cheval de course ou
1161 Cf. M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, p.50 et J.Mazeaud, Note sous Cass. 1èreciv., 3 mai 1966, D., p.649 1162 Art. 1948 C. civ. 1163 Art. 8-II du Décret du 5 octobre 2001 modifiant le Décret n°76-352 du 5 avril 1976 1164 B.Callé, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, p.7 1165 O.Audic, Les fonctions du document en droit privé, Thèse Paris, Bibliothèque de l'Institut André Tunc, LGDJ, 2004, t.III, n°543 et s. 1166 CA Rouen, 2 décembre 1892, DP, 1893, II, p.231
- 231 -
d’obstacle doit être vendu avec ses accessoires indispensables à l’activité
prévue, à savoir ses papiers1167.
405. Le bien n’est pas représenté par son accessoire objet de l’exercice du droit
de rétention. En définitive, la rétention de l’un ne se substitue pas à la
rétention de l’autre.
Si la jurisprudence a admis depuis longtemps la validité de la rétention
conventionnelle des documents administratifs constituant les accessoires d'un
véhicule, elle a récemment apporté sur ce point une précision importante : ces
documents ne représentent pas le véhicule dont ils ne sont que les
accessoires1168. Le véritable objet de la rétention n'est donc pas l'automobile,
mais les documents qui lui sont relatifs1169.
Or, cette solution, approuvée par la Cour de cassation1170 à propos des
véhicules, avait déjà été prononcée pour le certificat d’origine d’un cheval de
course1171.
SECTION II
LE SUCCES DE L’APPLICATION DU DROIT COMMUN
AUX PRATIQUES EQUINES
406. Le « monde des chevaux »1172 comporte divers usages et pratiques que le
droit encadre.
Le syndicat d’étalon1173 pour un partage des saillies, la visite vétérinaire
d’achat afin d’obtenir « un avis médical sur le statut de santé d’un cheval et
1167 Cass. com., 14 décembre 1977, D., 1978, p.248 1168 A.Honorat, obs. sur Cass. com., 29 octobre 1979, no 78-10.521, Dalloz, 1980, p.323 1169 CA Douai, 15 juillet 1929, Gaz. Pal., 1929, 2, p.705 ; T. com. Avignon, 13 décembre 1963, Gaz. Pal., 1964, 1, p.251, Revue Banque et Droit, 1964, p.849, obs. X.Marin 1170 A.Honorat, obs. sur Cass. com., 29 octobre 1979, no 78-10.521, Dalloz, 1980, p.323 1171 G.Goubeaux, note sous Cass. 1ère civ., 14 décembre 1971, no67-10.577, JCP G, 1972, II, no17102 1172 J.Clutton-Brock, Le monde des chevaux, éd. Gallimard Jeunesse, 2007
- 232 -
éventuellement un pronostic sur les capacités du cheval à être exploité »1174,
l’essai de l’animal, « les ventes de chevaux se faisant presque toujours à
l’essai »1175…
Or, pour encadrer ces pratiques, si le droit commun dispose de solutions
acquises, il en est d’autre encore débattues. En effet, « le droit commun se
mue ainsi en un fonds commun de règles dans lequel le juge peut puiser pour
parvenir à la solution souhaitée. Certains s’en satisferont en faisant valoir que
cette flexibilité du droit commun est de nature à favoriser l’obtention de
solutions justes. Mais c’est là pure apparence »1176.
Les pratiques équines illustrent donc l’existence de solutions acquises -§I- et
débattues -§II- du droit commun.
§I- DES SOLUTIONS ACQUISES DU DROIT COMMUN ILLUSTREES PAR LES
PRATIQUES EQUINES
407. Si « le cheval n’en finit pas d’enrichir le droit »1177, c’est parce qu’il illustre
des solutions acquises du droit commun. C’est le cas avec l’application du
régime juridique de la condition suspensive à la visite vétérinaire d’achat -I-,
de la possession d’une poulinière envisagée sous l’angle du droit d’accession
-II- et de la validité de la vente avec redevances eu égard la notion de
déterminabilité du prix -III-.
1173 H.Aberkane, L’étalon, la société en participation et la convention d’indivision, Mélanges A.Breton et F.Derrida, D., 1991, p.11 ; J-J.Daigre, L’étalon au prétoire ou des saillies comme critère de la société en participation, Bull. Joly, 1998, n°2, p.99 1174 R.Corde et M.Martin-Sisteron, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, p.84 1175 T. civ. La Seine, 24 février 1906, DP, 5, p.40 et Cf. P. de Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin Leblond, 1997, p.124 et s. 1176 Y.Lequette, Préface in C.Goldie-Genicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial des contrats, Thèse Paris, LGDJ, 2009 1177 J-M.Bruguière, Petite promenade, entre droit des biens et contrats spéciaux, en compagnie du meilleur ami de l’homme, D., 2007, p.2989, note sous TGI Avignon, Ordonnance du 26 septembre 2007, n°07-00473
- 233 -
I- Condition suspensive et visite vétérinaire d’achat
408. Dans le cadre des transactions de chevaux, l’intervention d’un vétérinaire
aux fins d’examen de l’objet de la vente est fréquente1178.
La visite vétérinaire d’achat est définie comme « l’examen médical par lequel
le vétérinaire mandaté par l’acheteur évalue l’état de santé de l’animal au jour
de la visite et son aptitude à un usage déterminé »1179. A cet effet, « la mission
du vétérinaire est circonscrite par les limites techniques ou financières définies
par l’acheteur… son rôle consistant à donner un avis médical sur le statut de
santé d’un cheval et éventuellement un pronostic sur les capacités du cheval à
être exploité, en fonction de ce statut et des objectifs du mandant »1180.
409. La question de la nature juridique de cette pratique se pose.
Il semble évident que le résultat de la visite vétérinaire conditionne l’éventuel
succès de la vente et assure ou non sa perfection. Or, l’entrée en vigueur du
contrat ou sa conclusion, selon la commune intention des parties, peut être
subordonnée à une condition suspensive lorsqu’elle dépend d’un événement
futur et incertain1181. C’est en ce sens que, « la plupart du temps, la condition
suspensive portera sur l’établissement d’une visite vétérinaire favorable ou sur
la vérification par l’acheteur potentiel des qualités sportives ou psychologiques
de l’animal »1182.
410. Par principe, le débiteur de la condition ne peut en empêcher
l’accomplissement au risque de voir jouer l’article 1178 du Code civil. Ainsi, il
appartient à l’acquéreur de s’abstenir de tout fait personnel empêchant
l’accomplissement de la condition suspensive.
En matière d’obtention de crédit, la condition suspensive a été jugée réalisée
lorsque l'acquéreur a retiré les pièces déposées à l'appui de sa demande de
1178 Pour un aperçu global de la visite vétérinaire d’achat, Cf. R.Corde, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, p.84 et s. 1179 M.Foursin, Le cheval, contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.80 1180 R.Corde, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, spéc. p.84 1181 Cf. B.Mercadal, Droit commercial, éd. Francis Lefebvre, 2010, p.300 et s. 1182 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.73
- 234 -
prêt avant toute décision de l'organisme de crédit1183 ; lorsque, ayant
finalement estimé que le coût du crédit dépassait ses possibilités financières, il
a avisé la banque de l'annulation de la demande de prêt1184, ou lorsqu'il a
renoncé à son projet d'acquisition pour ne pas aggraver son endettement1185.
Or, la question se pose de savoir si ce principe est transposable à la pratique
équine. Une réponse par l’affirmative s’impose puisque en présence d’un
examen vétérinaire favorable, l’acquéreur ne peut refuser de conserver
l’animal1186.
411. L’existence de la condition suspensive doit être clairement affirmée afin
d’éviter toute contestation dans la mesure où, à défaut, les juges du fond
apprécient souverainement si les parties ont entendu ou non prévoir une
condition suspensive1187.
Or, dès 1965, en l’absence d’écrit, les tribunaux avaient admis que la vente
était conclue sous condition suspensive d’une visite vétérinaire satisfaisante
en l’absence de protestation du vendeur lors de la reprise de l’équidé suite à
une visite négative1188.
412. Cette visite vétérinaire d’achat n’est imposée par aucun texte et n’est pas
obligatoire pour l’acheteur occasionnel1189. En revanche, elle constitue un
usage qui s’impose à l’acquéreur expérimenté puisque le cavalier, déjà
propriétaire de plusieurs chevaux et pratiquant le CSO depuis une décennie, a
vu son action en résolution de la vente rejetée au motif qu’en ne soumettant
pas l’animal, atteint d’une ostéochondrose du boulet, à une visite vétérinaire, il
avait commis une faute à l’origine de son propre préjudice1190.
Cette jurisprudence s’inscrit au-delà des limites du texte puisque la
jurisprudence déduit l’existence d’une condition suspensive, non plus de la
1183 Cass. 3èmeciv., 4 février 1987, no85-16.522 1184 Cass. 1èreciv., 16 juillet 1991, no89-13.269, Cont. conc. cons., 1991, no250 ; G.Raymond, note sous Cass. 3èmeciv., 27 avril 1994, no92-12.743, Cont. conc. cons., 1994, no148 ; Cass. 1èreciv., 4 avril 1995, no89-21.298 1185 Cass. 1èreciv., 6 janvier 1993, no89-21.298, Bull. civ. I, no 3, p.2 1186 CA Dijon, 10 avril 2003, n°01/01722 1187 Cass. com., 29 juin 1981, JCP G, 1981, I, p.339 1188 Cass 1èreciv., 19 juillet 1965, Bull. civ. I, n°490 1189 Cass. 1èreciv., 27 octobre 1993, pourvoi n°91-15.632 ; CA Caen, 7 mai 2002, Bull. IDE, n°26 ; CA Nancy, 10 octobre 2000, n°96/03385 ; CA Orléans, 13 septembre 1999, n°98/00198 1190 CA Rouen, 1er décembre 2004, Bull. IDE, n°37
- 235 -
commune intention des parties, mais de la qualité et des capacités de
l’acquéreur.
Dès lors, la visite vétérinaire d’achat réalisée par le professionnel ne
résulterait-elle pas d’un usage dont le droit ne se ferait que l’écho ? Il
semblerait que cette interrogation induise une réponse négative tant doctrine
et jurisprudence demeurent unanimes1191 sur le caractère non systématique
de la visite vétérinaire d’achat en préalable d’une vente.
II- Droit d’accession et possession de la poulinière
413. Par principe, « le croît des animaux appartient au propriétaire par droit
d’accession »1192. De la même façon, le droit de propriété détenu par le maître
de l’animal sur le reproducteur induit la propriété de ses semences en vertu du
droit d’accession. En effet, « les fruits naturels… appartiennent au propriétaire
par droit d’accession »1193. D’une manière générale, les fruits naturels
désignent la partie d'un animal engendrée naturellement et périodiquement au
cours du cycle de leur croissance.
414. Si « le croît des animaux appartient au propriétaire par droit
d’accession »1194, le croît des animaux est un fruit naturel1195, ce qui introduit
une ambiguïté au cas de possession par un tiers d’une poulinière en
gestation. En effet, dès lors que les fruits sont détachés, il est légitime de ne
considérer leur accession au propriétaire que dans la limite du droit des tiers.
Cette interrogation pose le problème de la propriété du poulain à naître
lorsque la poulinière est exploitée par un tiers.
1191 Cf. M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.73 ; Cass. 1èreciv., 27 octobre 1993, n°91-15.632 ; CA Caen, 7 mai 2002, Bull. IDE, n°26 ; CA Nancy, 10 octobre 2000, n°96/03385 ; CA Orléans, 13 septembre 1999, n°98/00198 1192 Art. 547 C. civ. 1193 Art. 547 C. civ. 1194 Art. 547 C. civ. 1195 Art. 583 C. civ.
- 236 -
415. Le fructus, prérogative du propriétaire, lui permet de percevoir les fruits mais
s'il vient à se défaire de la jouissance de sa chose, il perd son droit aux fruits
naturels produits par la chose au profit de l’usufruitier1196. A cet égard, les
fruits produits par une chose pourraient revenir au possesseur de la chose et
non à son propriétaire. Seule la possession, et non la propriété, donnerait droit
aux fruits selon un principe « nulle part formulé de manière générale selon
lequel le fait de la possession permet d'acquérir les fruits de la chose
possédée »1197. Ainsi, « à chaque fois que le propriétaire est dépossédé de la
chose, ce principe conduit à abandonner les fruits à celui qui, détenant la
chose, est amené à la conserver »1198.
Une telle conception dépasse les limites textuelles. Les fruits reviennent au
propriétaire qui est bien fondé à soutenir que, par droit d'accession, il est
devenu propriétaire du poulain que sa jument a mis bas quelques mois après
la vente1199. Le droit d’accession règle une difficulté pratique : le propriétaire
qui laisse sa poulinière à un éleveur reste propriétaire, sauf convention
contraire, du croît de l’animal.
C’est d’ailleurs de cette notion juridique que la maîtrise et la commercialisation
par l’homme de la maîtrise de l’activité de reproduction des animaux puisent
sa légitimité1200.
III- Déterminabilité du prix et validité de la vente avec redevances
416. En matière de vente d’équidés, « et particulièrement de chevaux de course,
il est souvent prévu une vente avec redevance liée aux gains ultérieurs du
cheval »1201. Or, il ressort de la lecture de l’article 1591 du Code civil que « le
prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ». Ainsi, la vente
n’est pas parfaite au regard de l’article 1583 du Code civil si l’accord des
1196 Art. 582 C. civ. 1197 F.Zenati et T.Revet, Les biens, 2ème édition, PUF, 1997, no 361 1198 F.Zenati et T.Revet, Les biens, 2ème édition, PUF, 1997, no 362 1199 TGI La Seine, 14 octobre 1964, D., 1965, Somm., p.35 1200 Cf. Pts.72 et s. 1201 B.Chain et L.Sigler, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, SP2C. p.136
- 237 -
parties a porté sur la chose, une jument en l’espèce, mais non sur le prix
qu’aucun élément ne permettait de déterminer avec certitude, d’autant plus
que nul écrit n’avait été rédigé1202.
Or, la pratique équine a développé l’usage de la vente avec redevances où la
redevance est un complément de prix au caractère incertain. Dès lors, cette
pratique est-elle fondée juridiquement ?
417. Dans un premier temps, la jurisprudence a admis que le contrat de vente
soit parfait s’il permet, au vu de ses clauses, de déterminer le prix par des
éléments ne dépendant plus de la volonté de l’une des parties ou de la
réalisation d’accords ultérieurs1203.
Pourquoi ce recours à la notion de la déterminabilité du prix ? Sans aucun
doute car « la détermination du prix est un mécanisme de protection des
intérêts des parties en ce qu'elle nourrit la prévision de leurs engagements à
la mesure des avantages qu'elles-mêmes escomptent »1204 et il était donc
essentiel de pouvoir laisser le soin aux parties de prévoir un prix en toute
objectivité sans leur en imposer la détermination précise au jour de la
signature du contrat.
418. Cependant, en permettant très tôt la déterminabilité du prix en fonction
d’éléments objectifs indépendants de la volonté des parties1205, la
jurisprudence s’est exposée à un abus dans la fixation du prix au cas de
déséquilibre entre les parties. Dans un deuxième temps, la Cour de cassation
est alors intervenue, annulant sur le fondement de l'article 1591 du Code civil
les contrats dont le prix était indéterminable sans l'intervention de la volonté
de l'une des parties.
Jacques Ghestin insistait sur la nécessité d'une intervention réellement
arbitraire, ce qui justifiait une comparaison avec la condition potestative, mais
1202 CA Grenoble, 26 septembre 1995, JurisData n°044870 1203 Cass. Com., 24 mars 1965, D., 1965, p.474 ; RTD civ., 1965, p.821 et dans le même sens : Cass. Req., 7 janvier 1925, GAJC, 11ème édition, n°246 1204 A.Brunet et A.Ghozi, La jurisprudence de l’Assemblée Plénière sur le prix du point de vue de la théorie du contrat, D., 1998, p.1 1205 Cass. Req., 7 janvier 1925, GAJC, 11ème édition, n°246
- 238 -
non d'ailleurs une application de l'article 1174 du Code civil1206. En ce sens, le
prix n'est pas déterminable lorsque le contrat se réfère à celui que le vendeur
pratiquera lors de la livraison.
Mais le développement de cette jurisprudence était l’occasion pour nombre de
cocontractants de rechercher l’annulation de leur contrat afin d’échapper aux
stipulations de fin du contrat. C’est en ce sens que « la nullité pour
indétermination du prix de la vente ne doit pas être le moyen d'échapper trop
facilement à ses engagements et dès l'instant que le contrat cadre a mis en
place un mécanisme suffisamment respectueux de la liberté de chacune des
parties d'accepter ou non le prix proposé par l'autre, ou, à défaut, permettant
la fixation du prix par un tiers indépendant et impartial, le contrat doit
s'appliquer »1207.
Didier Ferrier fait remarquer qu’avec les décisions de l’Assemblée Plénière en
date du 1er décembre 19951208 « prendrait fin le contentieux artificiel alimenté
depuis 1970 par les avantages que le distributeur pouvait retirer de
l'annulation et donc de la disparition rétroactive du contrat
d'approvisionnement exclusif, de concession ou de franchise »1209.
Qu’en est-il de cette notion de déterminabilité du prix en matière équine ?
419. Cette notion est utile afin de fixer au plus juste un prix en fonction des
performances ultérieures de l’animal. C’est bien l’hypothèse des ventes de
chevaux de course avec redevance : le prix est constitué d’une somme fixe,
outre une somme variable, la redevance, due en cas de victoire, ou de
classement du cheval à une ou plusieurs courses désignées.
Cette redevance est un complément du prix qui bien qu’attaché au cheval, est
un élément souvent essentiel du contrat de vente. Dans le domaine des
courses, il existe en effet des ventes dont le prix est complété dès la première
course gagnée1210.
1206 J.Ghestin, L'indétermination du prix de vente et la condition potestative, de la réalité du consentement à la protection de l'une des parties contre l'arbitraire de l'autre, D., Chron., 1973, p.293 1207 J.Ghestin, Réflexions sur le domaine et le fondement de la nullité pour indétermination du prix, D., Chron., 1993, p.251 1208 Cass. Ass. Plén., 1er décembre 1995, pourvois n°91-15.578, n°91-15.999, n°93-13.688 et n°91-19.653 1209 D.Ferrier, La clause d'un contrat de franchisage faisant référence au tarif en vigueur au jour des commandes d'approvisionnement à intervenir n'affecte pas la validité du contrat, D., 1997, p.59 ; Cf. également : D.Ferrier, Droit de la distribution, Litec, 1995, n°414 1210 Cass. 1èreciv., 15 janvier 1963, Bull. civ. I, n°32
- 239 -
Le mécanisme de la déterminabilité du prix est donc propice aux
aménagements propres à la vente équine.
420. Une réserve est soulevée car le critère de la déterminabilité serait « une
notion ambiguë qui a perdu sa signification d'origine »1211 dans la mesure où
« autant on peut dire qu'il ne peut y avoir contrat que s'il porte sur une chose
dont la quotité est en soi déterminable, autant on peut dire qu'un prix est
toujours déterminable mais pas forcément déterminé en tous ses facteurs dès
la conclusion du contrat : l'incertitude de ce critère emporte incertitude quant à
la validité des clauses de prix et donc des contrats »1212.
Cependant, en matière équine, le facteur de détermination du complément du
prix est parfaitement identifié et consenti par les parties. Il présente même
l’avantage pour le vendeur, certain des qualités de son cheval, d’obtenir un
prix supérieur à ses attentes initiales. Cette pratique présente également
toutefois l’inconvénient de soumettre le complément du prix au résultat obtenu
par l’acquéreur dont les aptitudes à être cavalier comme entraîneur peuvent
demeurer incertaines.
§II- DES SOLUTIONS DEBATTUES DU DROIT COMMUN ILLUSTREES PAR LES
PRATIQUES EQUINES
421. Si « le cheval n’en finit pas d’enrichir le droit »1213, c’est aussi parce que les
pratiques dont il est l’objet illustrent des solutions débattues du droit commun.
Ainsi, l’essai du cheval clarifie les discussions relatives à la condition d’essai
-I-. La rétention du cheval met en exergue l’étroitesse de la frontière entre le
droit de rétention et l’exception d’inexécution -II-. Enfin, la syndication
démontre que société en participation et indivision conventionnelle sont deux
1211 J.Fossereau, C. cass., Bull. d’information n°422 du 15 février 1996 1212 J.Fossereau, C. cass., Bull. d’information n°422 du 15 février 1996 1213 J-M.Bruguière, Petite promenade, entre droit des biens et contrats spéciaux, en compagnie du meilleur ami de l’homme, D., 2007, p.2989
- 240 -
figures juridiques représentatives d’une même opération, l’appropriation
collective d’un bien1214 -III-.
I- Essai du cheval et condition d’essai
422. Au XIXème siècle déjà, s’impose le constat qu’il existe « des choses qu’on ne
se décide à acheter qu’après les avoir essayées, par exemple un cheval »1215.
Mais quelle est la nature juridique de cette condition d’essai ?
En droit romain, elle est analysée en fonction des termes dont se sont servis
les parties, pour savoir si elle était suspensive ou résolutoire. Ulpien, illustre
jurisconsulte romain, cite en exemple la vente formulée en ces termes : « si
res ita distracta sit ut, si displicuisset, inempta esset, constat non esse sub
conditione distractam, sed resolvi emptionem sub conditione »1216, autrement
dit je vous vends mon cheval, à condition que, si vous n’en êtes pas content,
la vente sera considérée comme non avenue.
Le mot « inempta » implique l’existence d’une vente et son anéantissement
ultérieur. La vente est donc soumise à une condition résolutoire.
Raymond-Théodore Troplong précise que « ces sortes de vente à l’essai
étaient aussi fréquentes chez les romains qu’elles le sont chez nous »1217.
423. Ainsi, on observe « par la réserve des jurisconsultes romains à décider si
elles étaient seulement conditionnelles ou résolubles que dans leur idée tout
dépendait des termes de la convention, et qu’ils n’avaient jamais songé à
vouloir assigner de plein droit à la condition d’essai un effet plutôt résolutoire
que suspensif, ou plutôt suspensif que résolutoire »1218.
1214 P.Catala, L’indivision, Defrénois, 1969, art.31874 1215 R-T.Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre du Code, De la vente, éd. Charles Hingray, 1845, spéc. p.60 1216 Ulpien, I, 3, Digeste de cont. empt., Dioel et Maxim., I. 4, C. de oedilit. edicto. 1217 R-T.Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre du Code, De la vente, éd. Charles Hingray, 1845, spéc. p.60 1218 R-T.Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre du Code, De la vente, éd. Charles Hingray, 1845, spéc. p.60
- 241 -
Pourtant, le Code civil dispose que « la vente faite à l’essai est toujours
présumée faite sous une condition suspensive »1219. Au lieu de conserver
l’analyse romaine de la volonté des parties, les rédacteurs du Code civil,
« croyant qu’il fallait absolument qu’une présomption légale dominat la vente à
l’essai, en créèrent une à leur tour, et substituèrent à la condition présumée
résolutoire de Pothier, une condition présumée suspensive »1220.
Le mieux eut été d’imiter les jurisconsultes romains dans leur sage réserve, et
de laisser la loi neutre sur un point qui ne saurait dépendre que de la
convention des parties.
424. Jean-Baptiste Duvergier considère ainsi que c’est « sur l’appréciation exacte
de l’engagement de l’acheteur que la disposition de l’article 1588 est fondée et
l’on ne doit pas hésiter à tirer du principe qu’elle consacre toutes les
conséquences qui en dérivent, notamment pour les risques de la chose
vendue ; toutefois la présomption que la condition est suspensive doit céder à
la preuve contraire, et s’il résulte, soit des termes du contrat, soit des
circonstances qui l’ont accompagné, que l’intention des parties a été, non de
suspendre la vente jusqu’à l’essai, mais de la considérer d’abord comme
parfaite, puis de la résoudre, si l’essai n’était pas satisfaisant, cette volonté
devra recevoir son exécution »1221.
425. La jurisprudence admet que l’acquéreur potentiel d’un cheval peut toujours
se prévaloir d’éléments circonstanciels pour démontrer l’existence d’un essai.
Tel est le cas en l’absence de protestation du vendeur lors de la reprise de
l’animal1222, lorsque le certificat de vente n’a pas été rempli lors de la livraison
de l’animal1223 ou encore en raison du défaut de paiement comptant, de
versement d’arrhes et de l’absence de date pour le paiement définitif1224. En
revanche, elle n’évoque pas l’éventuelle nature résolutoire de la condition
d’essai.
1219 Art. 1588 C. civ. 1220 R-T.Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre du Code, De la vente, éd. Charles Hingray, 1845, spéc. p.60 1221 J-B.Duvergier, Traité de la vente, éd. Renouard, Paris, 1835, n°98 et n°99 1222 Cass. 1èreciv., 19 juillet 1965, Bull. civ. I, n°490 ; CA Nancy, 10 octobre 2000, n°96/03385 1223 CA Nancy, 27 mars 2000, n°99/01640 1224 Cass. 1èreciv., 8 juin 1959, Bull. civ. I, n°285, p.237
- 242 -
426. Cette référence aux éléments circonstanciels susceptibles d’indiquer
l’existence d’un essai surprend puisque, par principe, la condition d’essai ne
se présume pas. En effet, la condition d’essai doit faire l’objet d’un accord
entre les parties pour que la condition suspensive prenne effet1225.
Pour justifier sa décision en 19591226, la Cour de cassation a fait référence aux
usages en vigueur dans le milieu équestre. Pourtant, la doctrine semble
unanime pour considérer que « il n’y a pas d’usage imposant l’essai
systématique des chevaux »1227, prônant ainsi « l’absence d’un usage général
selon lequel les ventes de chevaux interviendraient toujours à l’essai »1228.
C’est bien là toute l’ambiguïté de l’essai en matière équine puisque dès 1906,
le Tribunal de la Seine constate que « les ventes de chevaux se faisant
presque toujours à l’essai… »1229.
427. A l’exégèse du Code civil, le silence prolongé est identifié comme
l’approbation par l’acheteur de la chose qui lui a été délivrée en essai1230.
Or, c’est exactement ce que décide la jurisprudence contemporaine qui
considère que le fait pour l’acquéreur potentiel de conserver l’animal à
l’expiration de la période d’essai, sans formuler d’observation sur son
comportement ou ses aptitudes, implique nécessairement un agrément de sa
part1231.
Constatons qu’à défaut de convention contraire, la jurisprudence considère
qu’un usage fixe à huit jours la durée de la période d’essai1232.
428. La charge des risques constitue l’effet pervers de la condition suspensive
dans la mesure où l’adage res perit domino1233 demeure. En effet, tant que la
1225 Cass. Req., 25 mai 1905, DP, 1905, 1, p.426 ; Cass. 1èreciv., 24 mars 1998, Bull. civ. I, n°127 1226 Cass. 1èreciv., 8 juin 1959, Bull. civ. I, n°285, p.237 1227 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.73 1228 H.Guettard, Le cheval est la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion agence cheval de France, 2008, spéc. p.14 1229 T. civ. La Seine, 24 février 1906, DP, 1906, 5, p.40 1230 R-T.Troplong, Le droit civil expliqué suivant l’ordre du Code, De la vente, éd. Charles Hingray, 1845, p.60 1231 Cass. civ., 10 janvier 1928, D., 1929, I, p.126 ; L.Leveneur, obs. sur Cass. 1èreciv., 18 octobre 1998, Bull. civ. I, n°304, Cont. conc. cons., 1998, n°161 ; J.Mestre, obs. sur Cass. 1èreciv., 18 octobre 1998, Bull. civ. I, n°304, RTD civ., 1999, p.376 1232 Cass. civ. , 10 janvier 1928, D., 1929, I, p.126 ; CA Nancy, 27 mars 2000, n°99/01640 1233 Les risques de perte incombent au propriétaire
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condition ne s’est pas réalisée, les risques pèsent sur le vendeur1234 ; il en est
ainsi de la vente d’un poney dépourvue d’effet en raison du caractère non
satisfaisant de l’essai1235. Néanmoins, pour pallier cette incohérence, la
jurisprudence considère que dans l’hypothèse d’un essai effectué durant
plusieurs jours chez le candidat acquéreur en l’absence du vendeur, la garde
est transférée à l’utilisateur temporaire1236.
429. Qu’en est-il exactement de l’appréciation du refus d’acheter le cheval au
terme de l’essai réalisé par l’acquéreur potentiel ? En définitive, est-il possible
de contrôler la pertinence de la motivation de l’acquéreur potentiel ?
En effet, l’acquisition d’un cheval révèle une dimension passionnelle et une
relation étroite avec l’animal difficilement perceptible hormis pour le cavalier
qui essaye l’animal.
Hervé Guettard identifie habilement cette difficulté en indiquant que
« s’agissant de ventes de chevaux, avec ce qu’elles comportent de personnel
et passionnel, il nous semble que la décision, à l’issue de la période d’essai,
doit pouvoir rester très libre, sous réserve de ce que l’essai ait été effectué de
bonne foi… Tel cheval qui effectuera un parcours d’obstacles d’une hauteur
d’un mètre vingt avec tel cavalier ne terminera pas un parcours d’obstacles
d’une hauteur d’un mètre avec un autre… Et c’est cette entente, ou cette
mésentente, que l’essai doit permettre de vérifier »1237.
L’auteur de continuer en précisant que « il ne s’agit pas d’une condition
purement potestative puisque l’acquéreur potentiel ne peut pas rompre le
contrat de vente sans faire l’essai et que la réussite de cet essai ne dépend
pas seulement de l’acquéreur, et de son éventuel caprice, mais également du
comportement du cheval avec tel ou tel cavalier et donc d’un élément difficile
à apprécier mais incontestablement extérieur à la volonté de l’acheteur »1238.
Or, c’est l’attitude du droit à l’égard de ce constat qu’il est intéressant
d’examiner.
1234 Art. 1182 C. civ. 1235 CA Dijon, 10 avril 2003, JCP E, 2003, pan., n°1453 1236 CA Rennes, 1er mars 2000, JurisData n°125594 1237 H.Guettard, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, spéc. p.16 1238 H.Guettard, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, spéc. p.16
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430. Dans des termes similaires, dès le XIXème siècle, Jean-Baptiste Duvergier
constate que « si on examine attentivement cette assertion que la vente est
subordonnée au caprice de l’acheteur, on s’aperçoit qu’elle n’est pas exacte :
d’abord, le vendeur peut contraindre l’acheteur à faire l’essai, et si l’essai
démontre à celui-ci que la chose est de bonne qualité, propre à l’usage auquel
il la destine, il ne pourra la refuser qu’en mentant à sa conscience, qu’en
manquant à la bonne foi : rarement on aura le moyen de le convaincre de
déloyauté ; mais la loi, qui ne présume point la fraude, ne saurait considérer
comme dépendant seulement du pur arbitre de l’acheteur un engagement
auquel il ne peut se soustraire que par une déclaration mensongère »1239.
Qu’en est-il de la véracité de ces remarques en présence d’un cheval ?
431. En premier lieu, le vendeur peut-il effectivement contraindre l’acheteur à
effectuer l’essai ?
Il est possible de répondre par l’affirmative à cette interrogation et ce, d’un
strict point de vue juridique par application de l’article 1178 du Code civil. En
effet, « si l’acheteur s’abstient d’y procéder, le vendeur pourra, après lui avoir
adressé une mise en demeure, exiger l’exécution du contrat conformément
aux dispositions de l’article 1178 du Code civil selon lesquelles la condition est
réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui
en a empêché l’accomplissement »1240.
432. En second lieu, qu’en est-il de l’appréciation du caractère mensonger de la
motivation du refus à l’issue de la période d’essai ?
Observons que celui qui essaye un cheval doit être particulièrement vigilant
sur le terme de la période d’essai et il lui appartient de manifester clairement
ses intentions. En ce sens, la restitution de l’animal est valable si l’acquéreur
potentiel a émis des observations défavorables sur les qualités sportives de
l’animal à l’issue d’un essai d’une durée de quatre mois1241. A cet égard, les
juges du fond considèrent que le vendeur d’un cheval ne peut prétendre que
1239 J-B.Duvergier, Traité de la vente, éd. Renouard, Paris, 1835, n°97 1240 H.Guettard, Le cheval et la vente, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2008, spéc. p.15 1241 CA Nancy, 27 mars 2000, n°99/01640
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la vente est formée à l’issue du délai d’usage de huit jours, alors que l’équidé
avait été vendu en vue de participer à des compétitions, la volonté des parties
étant de laisser un délai suffisant pour que l’acheteur participe à de telles
courses.
433. Par conséquent, si l’essai d’un cheval est qualifié de condition suspensive,
les discussions doctrinales relatives à la condition d’essai sont alimentées par
la pratique équine. En effet, la qualification de la condition d’essai en condition
résolutoire éviterait la construction jurisprudentielle1242 destinée à pallier le fait
que les risques pèsent sur le vendeur durant l’essai. Si la condition d’essai ne
se présume pas, l’essai d’un cheval peut être implicite et le droit commun fait
référence à des usages pour la condition d’essai, inexistant en matière équine
pourtant.
II- Rétention du cheval et distinction avec l’exception d’inexécution
434. Ces deux institutions, droit de rétention et exception d’inexécution,
demeurent délicates à distinguer1243, car il est possible de voir dans la
rétention l'effet commun produit par une pluralité de mécanismes, différents
selon la nature de la connexité qui les fonde1244. En définitive, « le contractant,
poursuivi en exécution de ses obligations et qui estime que l'autre partie n'a
pas exécuté les siennes, a toujours le choix entre la contestation judiciaire et
l'exercice à ses risques et périls de l’exception d’inexécution qui ne représente
qu'un refus provisoire d'exécuter »1245. Or, « l’exception d’inexécution, la
résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, se présentent comme
1242 CA Rennes, 1er mars 2000, Juris Data n°125594 1243 Pour s’en convaincre : Cf. R.Cassin, L'exception d'inexécution dans les contrats synallagmatiques, Thèse Paris, 1914 ; N.Catala-Franjou, De la nature juridique du droit de rétention, RTD civ., 1967, p.9 ; F.Derrida, Recherches sur le fondement du droit de rétention, Thèse Alger, 1940 ; J-F.Pillebout, Recherches sur l'exception d'inexécution, Thèse Paris, LGDJ, 1971 1244 L.Aynès, Le droit de rétention, unité ou pluralité, Economica, 2005, n°192 et s., p.151 et s. 1245 Cass. 1èreciv. 5 mars 1974, Bull. civ. I, n°73
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des remèdes dérogatoires accordés au débiteur placé dans une situation qu'il
tient pour anormale, pathologique, préjudiciable à ses intérêts légitimes »1246.
435. Il est intéressant d’observer que le cheval illustre parfaitement l’ambiguïté
qui règne autour de la distinction de ces deux mécanismes.
En effet, la faculté de refuser la restitution est renforcée par le principe
d'indivisibilité du droit de rétention, en vertu duquel le créancier peut refuser
de restituer l’intégralité du bien jusqu'à complet paiement de sa créance1247.
En revanche, dans l’exception d’inexécution, « il doit y avoir une
proportionnalité entre la défense et l’attaque »1248.
Or, à l’égard du cheval, la jurisprudence a considéré que l’exercice du droit de
rétention, et non de l’exception d’inexécution, doit être proportionné au
montant de la créance, en ce sens que l’indisponibilité de l’animal ne doit pas
engendrer un préjudice important pour son propriétaire dans l’hypothèse où la
facture serait minime1249.
Le cheval met ainsi en exergue l’étroitesse de la frontière entre le droit de
rétention et l’exception d’inexécution.
III- Syndication et distinction de la société en participation et de
l’indivision conventionnelle
436. Le syndicat d’étalon se définit comme le groupement le plus souvent
constitué par des éleveurs équins qui se réunissent pour acheter en commun
un étalon de valeur dont ils se répartissent les saillies destinées à couvrir leurs
poulinières1250. Le contrat de syndication prévoit « qu’une partie des saillies
est affectée au paiement des frais ; d’autres sont réparties entre les membres
au prorata de leurs parts ; les saillies restantes sont vendues et le produit est
1246 C.Atias, Les risques et périls de l’exception d’inexécution, D., 2003, p.1103 1247 Cass. civ., 9 décembre 1840, S., 1841, 1, p.33 ; CA Paris, 20 décembre 1938, DC, 1942, p.168 ; CA Paris, 30 mars 1954, D., p.483 1248 P.Malaurie et L.Aynès, Les obligations, Defrénois, 3ème édition, 2007, p.454, no861 1249 CA Rouen, 21 mars 2001, JurisData n°150167 1250 H.Aberkane, L’étalon, la société en participation et la convention d’indivision, Mélanges A.Breton et F.Derrida, D., 1991, p.11
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distribué aux co-indivisaires »1251. Ce contrat a déjà été étudié par nos
soins1252, il s’agit ici de démontrer que la syndication étaye la discussion
relative à la délicate distinction de la société en participation et de l’indivision
conventionnelle.
437. En effet, si la Cour de cassation a décidé que le contrat de syndication
constituait une société en participation1253, cette analyse est discutable car le
contrat de syndication vise à organiser l’exercice de l’activité de reproduction
d’un étalon entre ses copropriétaires. Or, il est admis que la maîtrise de
l’activité de reproduction de l’étalon appartient à l’origine à son propriétaire1254
et, par conséquent, à l’ensemble de ses copropriétaires lorsque l’équidé a été
acheté par plusieurs personnes.
Dès lors, le droit de saillie s’exerce en copropriété et requiert une formalisation
des relations inter partes au travers du contrat de syndication. Le contrat de
syndication n’est que la résultante d’un état de fait : la propriété partagée du
bien qui conduit à la co-titularité entre les indivisaires du droit de saillie.
Par principe, selon nous, le contrat de syndication serait donc une indivision
et, par exception, mais uniquement lorsque les parties seraient animées d’un
affectio societatis, une société en participation.
La syndication démontre bien l’étroitesse de la frontière entre l’indivision
conventionnelle et la société en participation.
Un auteur1255 a d’ailleurs émis une appréciation critique de la solution rendue
par la Cour de cassation1256 et retenu deux séries de considérations
dominantes pour pencher en faveur de l’indivision. Il est vrai que la
qualification du contrat n’est pas sans conséquence, notamment d’un point de
vue fiscal1257.
1251 F.Deboissy, note sous Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre, RTD com., 1998, p.710 1252 Cf. Pts.152 et s. 1253 Cass. com., 18 novembre 1997, n°96-10.999, De Rothschild c/ Dir. Gale impôts et autre 1254 Cf. Pt.74 1255 H.Aberkane, dont la précision de l’analyse conduit à nous rallier à son développement pour en légitimer la
solution 1256 H.Aberkane, L’étalon, la société en participation et la convention d’indivision, Mélanges A.Breton et F.Derrida, D., 1991, p.11 1257 Voir sur ce point la très détaillée instruction administrative relative aux copropriétés d’étalon : Instr. 28 mai 1997, BOI 4 A-11-97 ; Dr. Fisc. 1997, n°26, 11826
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438. Cet argument fiscal est cependant secondaire car « il est un moyen de
bénéficier tout à la fois d’une grande liberté contractuelle et d’un statut fiscal
identique à celui défini pour l’indivision. Il suffit pour cela de retenir pour le
groupement la qualification de groupement d’intérêt économique »1258. Il faut
toutefois que l’exploitation du cheval constitue un prolongement de l’activité
individuelle des syndicataires puisque le groupement d’intérêt économique
doit avoir pour but « de faciliter ou de développer l’activité économique de ses
membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité »1259.
Comme le font remarquer Florence Deboissy et Guillaume Wicker, « cette
condition se trouve généralement remplie concernant les syndicats
d’étalons »1260.
439. La distinction entre une indivision conventionnelle et la société en
participation tient en la présence d’un affectio communionis ou d’un affectio
societatis ; « la différence entre indivision et société est essentiellement une
question d’état d’âme : la passivité et le statisme dans un cas, l’activité et le
dynamisme dans l’autre »1261. Ainsi, « les indivisaires ont une âme de
copropriétaire, les coassociés une âme d’entrepreneur… en clair, l’indivision
est avant tout un mode de propriété collective, non un mode d’exploitation
collective »1262.
Or, il s’avère que le contrat de syndication a pour essence la co-titularité du
droit de saillie dont l’origine se trouve dans l’acquisition en commun d’un
étalon. Les membres n’affectent pas le bien indivis à une entreprise commune
en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourrait en
résulter mais ne font qu’organiser au travers du contrat de syndication
l’exercice à plusieurs du droit de saillie. Le contrat de syndication est la
conséquence d’une volonté commune, l’intention d’acheter un étalon de valeur
en vue d’en partager les frais d’acquisition et d’entretien.
1258 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 1259 Ordonnance n°67-821 du 23 septembre 1967, art. 1er 1260 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s. 1261 M.Cozian et A.Mingat, L’imposition des bénéfices de l’entreprise indivise, JCP E, 1997, I, n°638, spéc. n°4 1262 M.Cozian et A.Mingat, L’imposition des bénéfices de l’entreprise indivise, JCP E, 1997, I, n°638, spéc. n°4
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En réalité, l’achat en commun de l’équidé n’est qu’un moyen destiné à la
satisfaction d’une finalité : la maîtrise de l’activité de reproduction de l’étalon
qui eut été impossible sans une syndication. Ainsi, les copropriétaires
détenant corrélativement le droit de saillie sont dans l’obligation de poser le
cadre de leur collaboration.
La plupart du temps, les parties ne recherchent pas le profit mais souhaitent
uniquement bénéficier d’une ou deux saillies à titre personnel pour couvrir leur
jument. Les seules saillies excédentaires donnant lieu à une rémunération
partagée.
En définitive, les parties souhaitent « maintenir la valeur du bien par une
jouissance collective »1263, qu’une simple utilisation individuelle ne permet pas.
440. Le contrat de syndication repose essentiellement sur la volonté que les
parties ont d’organiser leurs rapports en vue de pouvoir exercer conjointement
leur droit de saillie tout en jouissant individuellement et personnellement de
l’étalon indivis1264.
La convention empruntera la qualification de société en participation
uniquement lorsque le contrat de syndication aura pour finalité l’organisation
de la commercialisation des saillies de l’étalon, et non leur simple répartition
en vue d’un usage à titre personnel.
Toutefois, il est certain qu’une convention adoptant des clauses incompatibles
avec les dispositions impératives du Code civil relatives à l’indivision
conventionnelle est requalifiée alors même que l’opération telle que voulue par
les parties s’apparente en réalité à une indivision conventionnelle.
La rédaction du contrat de syndication est en conséquence la clé de voûte de
la qualification de la convention et, par conséquent, de la réussite de
l’opération.
441. Les règles de l’indivision, comme celles de la société en participation,
permettent de décrire avec précision, par une véritable casuistique, l’opération
de regroupement d’éleveurs en vue de l’exploitation de la carrière de
1263 C.Saint-Alary-Houin, Les critères distinctifs de la société et de l’indivision depuis les réformes récentes du Code civil, RTD com., 1979, p.695 1264 P.Lévêque, Le cheval, Contrats et responsabilités, Institut du Droit Equin, Diffusion Agence Cheval de France, 2006, spéc. p.54
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reproduction d’un cheval. Cependant, cette pratique équine illustre encore une
fois l’incertitude régnant autour de deux mécanismes de droit commun délicats
à distinguer. D’ailleurs, « la distinction de l’indivision et de la société ne se
présente plus en terme d’opposition mais de concurrence »1265.
1265 F.Deboissy et G.Wicker, La distinction de l’indivision et de la société et ses enjeux fiscaux, RTD civ., avril-juin 2000, p.225 et s.
- 251 -
CONCLUSION
Le cheval obéit aux classifications juridiques traditionnelles : il est chose et
bien meuble.
Cette qualification est justifiée par les propriétés économique du cheval - il est
utile -, patrimoniale - il est appropriable -, et physique - il est mobile -.
Du point de vue de la technique juridique, la qualification du cheval ne souffre
d’aucune contestation possible. Cependant, encore fallait-il que le régime
juridique en résultant lui convienne.
Or, c’est avec succès que le cheval est appréhendé juridiquement car la
perception par le droit des actes matériels d’appropriation et d’exploitation du
cheval est satisfaisante, tant dans l’exacte appréhension des faits qui en
résulte que dans les effets engendrés par le régime juridique appliqué.
L’identification des qualités substantielles du cheval comme de ses vices
demeure satisfaisante. Ainsi, l’origine de l’animal, sa destination, ses
capacités, voire ses performances constituent des qualités substantielles à
propos desquelles une indication erronée du vendeur permet à l’acquéreur de
se prévaloir des dispositions relatives à l’erreur. Lorsque la garantie des vices
cachés est appelée à s’appliquer par exception, il demeure que les vices du
cheval reconnus comme cachés permettent d’appréhender avec satisfaction
les difficultés survenant durant l’exécution de la vente.
Si « le cheval n’en finit pas d’enrichir le droit »1266, c’est parce qu’il illustre des
solutions juridiques acquises ou débattues. Ainsi, les pratiques équines
demeurent rattachées avec succès à divers mécanismes juridiques usités ; de
la condition suspensive pour la visite vétérinaire d’achat à la théorie de la
délivrance de l’accessoire pour la remise des documents officiels du cheval.
Mais ces pratiques participent aussi aux discussions relatives à la nature
juridique de la condition d’essai et aux distinctions de la rétention et de
l’exception d’inexécution comme de la société en participation et de l’indivision
conventionnelle.
1266 J-M.Bruguière, Petite promenade, entre droit des biens et contrats spéciaux, en compagnie du meilleur ami de l’homme, D., 2007, p.2989
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Le cheval est donc chose et bien pour le droit, mais le droit positif ne révèle t-il
pas qu’il est plus que cela ?
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442. Le cheval n’est pas seulement chose et bien pour le droit, l’étude de son
régime juridique révèle que sa nature est admise par le droit.
Puisque répondant à une qualification traditionnelle, le cheval se voit appliquer
des « solutions taillées à la mesure des choses inanimées »1267. Pourtant, le
cheval « est une chose animée, c'est-à-dire douée de psychomotricité,
fécondité et mortalité »1268. Ainsi, « au lieu d’être figé, une fois pour toutes par
la volonté de l’homme avec des caractères donnés, (le cheval) évolue et se
modifie au gré de la vie qui l’anime »1269.
Dès lors, il est possible « que la vie qui l’anime, le mouvement qui l’agite, la
maladie et la mort qui le rongent soient plus fort que l’abstraction
juridique »1270.
443. Le droit prend en considération cette spécificité du cheval et conçoit en
conséquence que le « travail à effectuer sur une matière vivante qui
s’apparente à une chirurgie simple, ne saurait être assimilée à l’ouvrage d’un
artisan sur une matière inanimée »1271.
Le régime juridique des soins du cheval1272 illustre l’admission de sa nature
lors de son traitement juridique.
Un vétérinaire qui ne se déplace pas pour soigner un cheval qui en meurt est
condamné pour faute contractuelle1273, sauf justification1274, évoquant
« comme une reconnaissance implicite du devoir de porter secours à
l’animal »1275.
Par analogie avec la médecine humaine, le maréchal-ferrant « ne s’est pas
engagé à réussir l’opération du ferrage d’une façon parfaite, mais seulement à
fournir des soins consciencieux, attentifs et, réserve faites de circonstances
exceptionnelles, conformes aux données acquises de la technique »1276.
1267 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992. spéc. p.19 1268 M-C.Piatti, Droit, éthique et condition animale, Réflexions sur la nature des choses, LPA, 19 mai 1995, n°60, p.5 1269 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.229 1270 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.19 ; Cf. également S.Antoine, Un animal est-il une chose ?, Gaz. Pal., 7 mai 1994, p.594 et s. 1271 CA Angers, 10 janvier 1950, D., 1951, p.30 1272 Cf. Pts.246 et s. 1273 F.Chabas, note sous Cass. 1èreciv, 27 janvier 1982, JCP 1983, p.19923 1274 Cass. 1èreciv., 27 janvier 1982, Bull. civ. I, n°53 1275 G.Farjat, Entre les personnes et les choses, les centres d’intérêts, RTD civ., avril-juin 2002, p.231 1276 T. civ. Loudun, 8 mars 1946, Gaz. Pal. 1946, 1, p.174
- 255 -
Poursuivant cette argumentation, la jurisprudence considère « que le praticien
est seulement tenu de l’obligation d’opérer avec la conscience et la prudence
requises et conformément aux données acquises de la technique »1277.
Le droit admet qu’il « semble absurde d’exiger du vétérinaire une guérison
après chaque visite ou traitement »1278 parce que le cheval est saisi dans sa
dimension d’« être vivant »1279.
Cette considération pour la nature du cheval influence nécessairement son
régime juridique. La nature du cheval transcende donc son régime juridique,
aussi parlerons-nous de consécration juridique de la nature du cheval -
Chapitre I-.
444. Cependant, cette admission de la nature du cheval en droit est source de
controverses dans la mesure où elle invite à s’interroger sur ses
conséquences juridiques.
La problématique jaillit avec force : le cheval est-il « chose, personne ou…
animal ? »1280 et « le simple énoncé de l’interrogation suffit à expliquer
l’immanquable tour passionnel du débat »1281.
En effet, le cheval partage avec l’homme une appartenance au règne du
vivant. L’admission par le droit de la nature vivante du cheval pose donc la
question de la pertinence de sa qualification juridique de chose.
Or, l’étude du régime juridique du cheval révèle que la consécration de sa
nature connaît des limites. Sur certains fondements, Jean-Pierre Marguénaud
constate que « progressivement, insensiblement, l’animal a été dépouillé par
le droit de ses caractères spécifiques »1282.
Aussi évoquerons-nous qu’il s’agit d’une consécration juridique de la nature du
cheval limitée -Chapitre II-.
1277 CA Angers, 10 janvier 1950, D., 1951, p.30 1278 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, p.13 1279 Sans la comparer à l’homme, un animal est cependant un être vivant : Cf. G.Chapouthier, L'animal humain - Traits et spécificités, éd. L'Harmattan, coll. Le mouvement des savoirs, 2004 1280 T.Revet, Loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1281 T.Revet, Loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1282 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.19
- 256 -
CHAPITRE I
UNE CONSECRATION JURIDIQUE DE LA NATURE DU CHEVAL
445. La spécificité du régime juridique du cheval réside dans l’expression de la
nature vivante du cheval en droit. C’est parce que la nature du cheval est
admise juridiquement qu’il est, certes une chose, mais une chose vivante.
Or, un « être vivant », du fait de sa dynamique interne d’ordre physico-
chimique, est doté d'une activité autonome en ce qu'ils se gouvernent selon
ses propres déterminations par rapport au milieu au sein duquel il évolue1283.
Ainsi, « l’être vivant existe par nature car il porte en lui le principe de son
mouvement… Le vivant est capable de produire son propre mouvement. Il
n’est pas seulement déplacé, comme l’est une chose matérielle »1284.
446. A la différence d’une chose inerte, dont le mouvement est le strict produit du
déterminisme1285, le cheval est susceptible de se mouvoir seul et de répondre
uniquement à son instinct en refusant de faire application d’un ordre donné
par son cavalier1286.
Avant notre ère, Xénophon identifiait déjà la difficulté : « il faut examiner si,
une fois monté, il veut bien s’écarter des chevaux, ou si, travaillant devant des
chevaux arrêtés, il n’emmène pas dans leur direction. Et il y en a qui, pour être
mal tenus en main, s’enfuient de la carrière vers les chemins aussi de
1283 L.Bounoure, L'autonomie de l'être vivant, essai sur les formes organiques et psychologique de l'activité vitale, PUF, 1949 1284 S.Carfantan, Philosophie et spiritualité, Leçon 35 : Le vivant et l’inerte, 2002 1285 P.Vendryès, Déterminisme et autonomie, éd. Armand Colin, 1956 1286 P.Vendryès, L’autonomie du vivant, éd. Maloine, 1981
- 257 -
l’écurie »1287 et « gardons-nous cependant des natures ombrageuses ; on les
voit souvent désarçonner leur cavalier et le mettre dans les situations
critiques »1288.
Or, cette autonomie de mouvement du cheval « peut être source de
dommages d’autant plus importants que la maîtrise qu’une personne exerce
sur un animal est nécessairement limitée »1289.
La consécration juridique de la nature du cheval est assurée par la
reconnaissance de son autonomie de mouvement -Section I-.
447. Le cheval est certes « une chose, mais pas une chose ordinaire, il est une
chose animée, et surtout sensible »1290.
L’admission de la nature du cheval en droit s’exprime encore par la prise en
considération de ce qu’il est un « être physiologiquement sensible »1291. La
consécration de sa « sensibilité » s’épanouit dans le Code pénal1292 où sont
réprimées « les atteintes aux animaux dans leur sensibilité d’êtres
vivants »1293 -Section II-.
1287 Xénophon, De l’art équestre, Les Belles Lettres, Paris, 2008, spéc. p.46 1288 Xénophon, De l’art équestre, Les Belles Lettres, Paris, 2008, spéc. p.47 1289 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.25 1290 A.Couret, note sous Cass. 1èreciv., 8 octobre 1980, D., 1981, p.362 1291 P.Blagny, L’animal considéré comme être physiologiquement sensible en droit pénal français, Thèse, Dijon, 1967 1292 J-P.Marguénaud, L’animal dans le nouveau Code pénal, D., Chron., 1995, p.187 ; M.Danti-Juan, La contribution du nouveau Code pénal au débat sur la nature juridique de l’animal, Dr. rur., n°248, 1996, p.477 1293 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005
- 258 -
SECTION I
L’AUTONOMIE DE MOUVEMENT DU CHEVAL CONSACREE
448. Si « la mobilité est le caractère juridique traditionnel de l’animal »1294, « cette
mobilité s’accompagne d’une autonomie de mouvement »1295, laquelle est
déterminante en droit.
En effet, la maîtrise du cheval engendre un degré supplémentaire de difficulté
puisqu’il s’agit d’une « chose animée, c'est-à-dire douée de
psychomotricité »1296 et « sa nature particulière le conduit donc soit à exclure
l’intervention humaine de la réalisation des dommages qu’il commet, soit à en
réduire la portée »1297.
L’autonomie de mouvement du cheval produit des effets juridiques -§I-, dont il
est possible d’apprécier le fondement -§II-.
§I- LES EFFETS JURIDIQUES DE L’AUTONOMIE DE MOUVEMENT DU CHEVAL
449. Le cheval étant autonome en mouvement, le cavalier ou le prestataire
professionnel ne peut être assimilé au maître d’une chose inerte. C’est la
raison pour laquelle l’imprévisibilité du comportement du cheval -I- et le niveau
d’équitation du cavalier -II- influent sur le régime juridique du cheval.
1294 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.25 ; Cf. Pts.372 et s. 1295 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.25 1296 M-C.Piatti, Droit, éthique et condition animale, Réflexions sur la nature des choses, LPA, 19 mai 1995, n°60, p.5 1297 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.69
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I- L’influence de l’imprévisibilité du comportement du cheval
450. Puisqu’il est une « chose animée, douée de psychomotricité »1298, le cheval
est susceptible de brusques réactions qui en compliquent sérieusement la
maîtrise. Dès lors, le caractère imprévisible de ces réactions est de nature à
faire obstacle à la responsabilité du centre équestre1299. En effet, constitue un
risque inhérent au comportement des équidés, le cheval qui se cabre pour une
raison indéterminée1300 ou quatre chevaux qui prennent simultanément le
galop pour une raison également indéterminée1301.
451. La frayeur du cheval est susceptible d’être considérée comme imprévisible.
Voici le cas d’une jurisprudence relative à la frayeur d’un cheval dont les
données du litige sont les suivantes : un premier véhicule automobile venait
d’opérer un dépassement, lorsque divers objets arrimés sur son toit s’en
détachèrent et, en tombant à proximité d’un herbage, effrayèrent un cheval
qui, franchissant la clôture, vint se jeter sur la voiture objet du dépassement,
occasionnant des dégâts matériels et causant des blessures au conducteur et
à son épouse. Les victimes assignèrent en réparation de leurs préjudices le
conducteur du véhicule ayant réalisé le dépassement et son assureur,
lesquels appelèrent le propriétaire du cheval en garantie.
Sur cette base, la Cour de cassation a considéré que « après avoir rappelé
que le cheval qui se trouvait dans un herbage entouré par une clôture…
établie conformément aux usages de la région, n’avait pu s’échapper qu’en
couchant à terre cette clôture dont deux poteaux en bois avaient été brisés,
l’arrêt a énoncé qu’aucun élément du dossier ne tendait à prouver qu’il était
peureux, plus effrayés que d’autres par le passage constant des automobiles
sur une route à grande circulation et demandant une surveillance particulière.
Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, les juges du second degré
1298 M-C.Piatti, Droit, éthique et condition animale, Réflexions sur la nature des choses, LPA, 19 mai 1995, n°60, p.5 1299 Cass. 1èreciv., 16 mars 1970, Bull. civ. I, n°103 ; CA Toulouse, 14 janvier 2003, JurisData n°206574 ; C.Dudognon, note sous CA Paris, 28 janvier 2003, D., 2003, p.2539 1300 CA Nîmes, 19 juin 2001, JurisData n°181231 confirmé par Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°01-16.350 ; Cass. 1èreciv., 17 février 1982, Bull. civ. I, n°82 1301 CA Besançon, 16 mai 1991, Gaz. Pal. 1992, somm., p.70
- 260 -
ont pu décider que la chute des bagages du véhicule dans des conditions de
nature à effrayer le cheval au point qu’il renverse sa clôture, constituait pour le
propriétaire de cet animal une circonstance imprévisible et irrésistible
exonératoire de responsabilité »1302.
Ainsi, même si le cheval est laissé sans surveillance dans un herbage jouxtant
une route nationale, le fait que l’animal ne soit ni peureux, ni plus effrayé qu’un
autre par la circulation, rend imprévisible tout comportement de frayeur. En
définitive, la Cour de cassation « fait produire un effet exonératoire à un vice
interne indécelable : le trait ignoré du caractère du cheval sous l’impulsion
duquel il a été effrayé »1303. La doctrine confère en effet à la frayeur un
caractère libératoire1304 et l’imprévisibilité du comportement du cheval
constitue donc une modération au principe de la maîtrise constante de
l’animal.
II- L’influence du niveau d’équitation du cavalier
452. Le droit prend en considération le niveau d’équitation du cavalier en matière
de présomption, comme en phase de qualification ou d’appréciation d’une
situation.
Le niveau d’équitation permet de mesurer la maîtrise dont est susceptible de
faire preuve le cavalier et ainsi présumer, qualifier ou apprécier la situation en
fonction de son niveau.
Ainsi, le transfert de garde, qui suppose l'usage, la direction et le contrôle de
la chose1305, est implicite en présence de l’essai du cheval pratiqué par un
professionnel1306.
De la même façon, partant du postulat de base que la location d’un cheval en
l’absence d’accompagnateur suppose du client son aptitude « à se tenir sur sa
1302 Cass. 2èmeciv., 25 mai 1971, Bull. civ. II, n°186, p.132 1303 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.100 1304 J.Carbonnier, Droit civil, Les obligations, 12ème édition, PUF, 1985, spéc. n°104 ; H.Mazeaud, J.Mazeaud et L.Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, 6ème édition, Montchrestien, Paris, 1978, Tome II, spéc. n°1606 1305 Cass. Ch. réun., 2 décembre 1941, Arrêt Franck, GAJC, 11ème édition, n°194 1306 Cass. 2èmeciv., 15 janvier 1954, D., 1954, p.169
- 261 -
monture en la faisant galoper ou trotter dans les directions choisies par
lui »1307, la jurisprudence exclut le débutant de ce type de contrat. En
définitive, la location suppose du locataire la maîtrise de l’animal, impossible
pour un novice.
Par voie de conséquence, le professionnel qui loue un cheval à un débutant
pour une promenade en solitaire est considéré comme organisateur de
promenades équestres dans sa relation avec le client1308 alors même qu’il ne
fait que mettre à disposition l’animal et ce, sans accompagnateur.
453. Si cette construction d’origine prétorienne est conforme à l’accroissement de
la protection du client profane, elle étonne juridiquement. En effet, si le degré
de maîtrise de l’animal par le client et ses aptitudes à le diriger seul sont pris
en compte pour déterminer sa capacité à contracter, force est de constater
que la méthode de qualification de la relation consiste à déterminer la capacité
du client à être partie à un contrat de location d’équidés en fonction de son
niveau en équitation.
A ce titre, la qualification de la relation dépend uniquement des aptitudes
techniques de l’une des parties, en l’occurrence le locataire, sans référence
aucune ni à la commune intention des parties, ni à l’objet du contrat.
454. Néanmoins, cette prise en compte du niveau du cavalier nuance de manière
légitime l’obligation stricte de sécurité qui incombe au professionnel. C’est
parce que le client est novice en équitation que le régime juridique applicable
sera celui des promenades encadrées quand bien même le centre équestre
laisse le client partir seul. Mais c’est aussi parce qu’il est en présence de
cavaliers expérimentés lors d’une balade que la rigueur de l’appréciation de
son obligation de sécurité est atténuée.
455. L’appréciation d’une situation est fonction du niveau d’équitation du cavalier.
En effet, les tribunaux recherchent si le parcours ou l’exercice proposé est
bien en rapport avec les compétences de l’élève1309. Ainsi, le centre équestre
1307 Cass. 1èreciv., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111, p.102 1308 CA Lyon, 6 septembre 2001, JurisData n°153124 1309 E.Wagner, obs. sous CA Paris, 13 septembre 1991, RJES, 1991, n°17, p.50
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qui organise une journée porte ouverte n’est pas responsable de la chute d’un
cavalier lors du concours de saut d’obstacles organisé dès lors que le
parcours était adapté au niveau du cavalier1310.
456. De la même façon, afin d’apprécier l’obligation de sécurité qui incombe au
professionnel équin, les tribunaux tiennent compte du niveau d’équitation du
cavalier ayant subi le dommage et de la connaissance qu’il pouvait avoir du
danger. En effet, « la faute qui peut être légitimement reprochée au professeur
d’équitation doit résider non point dans le fait de n’avoir pas soustrait son
élève à toute embûche, mais seulement dans le fait de l’avoir mis en présence
d’obstacles disproportionnés avec son aptitude à les surmonter »1311.
L’aptitude à surmonter lesdits obstacles étant nécessairement proportionnelle
au niveau d’équitation du cavalier.
457. Dans le droit fil de ce courant jurisprudentiel, l’entrepreneur de promenades
équestres, qui fait face « à des clients qui peuvent tout ignorer de l’équitation
et rechercher seulement le divertissement d’un parcours à dos de cheval sur
l’itinéraire imposé par les préposés qui les accompagnent »1312, supporte une
obligation de sécurité draconienne par rapport au loueur de chevaux qui est
simplement tenu de mettre à la disposition de ses clients « des chevaux non
vicieux et adaptés à leur niveau de pratique, ainsi que du matériel en bon
état »1313. Encore une fois, la distinction permettant l’appréciation de la rigueur
d’application de l’obligation de sécurité à l’égard du prestataire professionnel
dépend du niveau de pratique du cavalier, simple débutant ou galop 7
aguerri…
458. Les tribunaux font référence au niveau du cavalier en toutes circonstances,
considérant que l’enseignant est tenu de « fournir à l’élève un cheval
correspondant à sa capacité »1314 et de s’abstenir de mettre à sa disposition
1310 Cass. 2èmeciv., 3 juin 2010, n°09-13.526 1311 CA Paris, 7 décembre 1968, D., 1968, p.26 1312 Cass. 1èreciv., 27 mars 1985, Bull. civ. I, n°111, p.102 1313 Cass. 1èreciv., 17 février 1982, Bull. civ. I, n°82 1314 CA Paris, 29 novembre 1958, D., 1959, p.167
- 263 -
un « animal dangereux »1315. Or, constatons qu’en l’espèce, la dangerosité du
cheval est appréciée in concreto, compte tenu du niveau sportif du cavalier.
Cette observation permet d’affirmer que, d’une part, la dangerosité de l’animal
croît en fonction du degré d’ignorance en équitation du cavalier et, d’autre
part, ce n’est pas le cheval en tant que tel qui est dangereux mais le cavalier
qui est apte ou non à le maîtriser.
Cette affirmation permet de comprendre que la dangerosité du cheval n’est
pas tant inhérente à l’animal mais dépend principalement du degré de maîtrise
du cavalier.
459. Au regard de ce qui précède, le degré d’aptitude du cavalier conduit les
tribunaux à constater que le fait de confier à un adulte non débutant un cheval
d’instruction habituellement monté par des enfants ou des personnes
handicapées est la preuve du respect de l’obligation de sécurité par le centre
équestre1316.
A ce titre, la Cour de cassation1317 valide l’arrêt d’appel qui, pour exonérer
l’enseignant de toute responsabilité, relève que la victime n’est pas une
débutante mais une cavalière déjà relativement confirmée, pratiquant
régulièrement l’équitation depuis deux années et qu’il n’est pas établi que son
niveau de compétence eut exigé une attention spéciale.
460. En revanche, le centre équestre doit s’abstenir de fournir à des débutants
des chevaux « un peu vifs »1318, qui ont tendance « à fuir en direction de
l’écurie »1319 ou dont le propriétaire reconnaît qu’ils sont « parfois ombrageux
et capricieux »1320. Ainsi, « le loueur d’équidés ne satisfait pas cette obligation
lorsqu’il est constant qu’un jeune cavalier monte une jument fougueuse »1321.
Au demeurant, constitue un manquement à l’obligation de sécurité le fait
1315 Cass. 1èreciv., 11 décembre 1990, Juridisque Lamy C. cass., Vol. I, n°1638 ; CA Aix en Provence, 6 novembre 1996, JurisData n°046215 1316 CA Dijon, 27 avril 2000, JurisData n°119635 1317 Cass. 1èreciv., 22 mars 1983, Bull. civ. I, n°106 1318 CA Lyon, 13 mars 2003, JurisData n°209584 1319 Cass. 1èreciv., 4 mars 1980, Bull. civ. I, n°77 ; Cass. 1èreciv., 10 février 1987, D., somm., p.467 1320 CA Aix en Provence, 30 mai 2001, JurisData n°146719 ; CA Chambéry, 31 mai 2000, JurisData n°117644 1321 TGI Fontainebleau, 10 février 1971, Gaz. Pal., 1971, 1, p.246
- 264 -
d’attribuer à une cavalière un cheval qui lui a précédemment occasionné de
graves difficultés1322.
§II- LE FONDEMENT JURIDIQUE DE L’AUTONOMIE DE MOUVEMENT DU
CHEVAL
461. L’autonomie de mouvement du cheval dépend de « la vie qui l’anime, (du)
mouvement qui l’agite »1323. La vivacité du cheval est donc admise et fondée
sur la distinction ancestrale du vif et de l’inerte.
La distinction du vif et de l’inerte est l’héritière de celle opérée par les juristes
romains à propos des « res se moventes et res mobiles »1324. En droit romain,
« les meubles sont les choses susceptibles d’être déplacées sans
détérioration, y compris celles qui se meuvent par elles-mêmes comme les
animaux »1325. L'ancien droit reprend cette distinction des meubles vifs et des
meubles morts1326.
Or, ce fondement à la consécration de l’autonomie de mouvement du cheval
est codifié -I- et confirmé par une récente réforme législative1327 -II-.
I- La distinction du vif et de l’inerte codifiée
462. La distinction entre la chose vive et la chose inerte correspond à une
« différence naturelle, qui existe entre les meubles, dont les uns peuvent
changer de place par une force qui leur est propre, et dont les autres ne
1322 CA Poitiers, 20 novembre 2001, JurisData n°182952 1323 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.19 ; Cf. également S.Antoine, Un animal est-il une chose ?, Gaz. Pal., 7 mai 1994, p.594 et s. 1324 En droit romain, les meubles -res mobiles, res se moventes- sont les choses qui se meuvent par elles mêmes, comme les esclaves et les animaux ou celles qui sont susceptibles d'être déplacées sous l'action d'une force extérieure 1325 P-F.Girard, Manuel élémentaire de droit romain, Librairie Edouard Duchemin, 1978, spéc. p.265 1326 Cf. M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil français, Les biens, par M.Picard, LGDJ, 1952, n°100, p.99 ; G.Ripert et J.Boulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, LGDJ, 1957 1327 Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux
- 265 -
peuvent être transportés d’un lieu à un autre que par l’impulsion d’une force
étrangère »1328. Or, le cheval possède une autonomie de mouvement.
Susceptible de se déplacer par lui-même en répondant à son seul instinct, le
cheval est par essence une chose vive.
Le Code civil de 1804 fait référence à l’autonomie de mouvement de l’animal
puisqu’il considère « meubles par leur nature, les corps qui peuvent se
transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, comme
les animaux, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une
force étrangère, comme les choses inanimées »1329.
463. En effet, « l’animal se meut librement parce qu’à l’égal de la lumière, de
l’idéalité qui s’est affranchie de la pesanteur, son existence subjective n’est
plus soumise aux conditions de l’espace, et qu’en s’élevant au dessus de la
réalité extérieure, il peut déterminer lui-même son lieu »1330.
Ainsi, le cheval est susceptible d’atteindre « une personne ou un objet par son
propre corps, sans intermédiaire, sous sa seule impulsion et par le simple
usage de ses membres et de ses facultés »1331.
D’ailleurs, « quand le Code civil parle de dommage causé par un animal, il
emploie une expression exacte parce que l’animal a une activité propre et
peut, de lui-même causer un préjudice ; il y a un fait de l’animal »1332 et « si
l’on considère maintenant les choses dites inanimées, on remarque que
certaines d’entre elles ont, ou paraissent avoir, une activité propre, une force
intime, un dynamisme personnel… mais c’est une apparence… elles ne
peuvent devenir nocives que si quelqu’un les anime »1333. Ce qui différencie
donc le cheval des autres choses, c’est son autonomie de mouvement.
464. Or, si « on apprécie les biens beaucoup moins d’après leurs éléments
matériels et physiques que d’après le genre d’utilité qu’ils peuvent procurer à
1328 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854 1329 Rédaction originelle de l’art. 528 C. civ. 1330 G-W-F.Hegel, Philosophie de la nature, trad. A.Véra, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1866, Tome III, §351, spéc. p.198 1331 M.Vitry, La détermination du fait de l’homme, du fait de l’animal et du fait de la chose, Thèse Rennes, éd. Nouvelliste de Bretagne, 1922, spéc. p.69 1332 G.Ripert, DP, 1922, 1, p.125 1333 G.Ripert, DP, 1922, 1, p.125
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l’homme dans l’ordre de ses besoins »1334, « la composition physique des
corps est aussi, dans une certaine mesure, à prendre en considération »1335.
Et la formulation exacte de la règle ressort des paroles d’un poète : « forma
dat esse rei »1336.
Par conséquent, le régime juridique du cheval ne saurait s’affranchir de ses
caractéristiques essentielles. Or, « en tant qu’être vivant doté de psychisme,
même l’animal le plus docile est susceptible de se sentir menacé et peut donc
réagir à des évènements qui n’auraient aucune incidence sur le comportement
d’une chose inanimée, laquelle ne manifeste jamais le moindre mouvement de
frayeur, le moindre geste de défense, la moindre animosité »1337.
Cette caractéristique de l’animal est exacerbée chez le cheval qui, dépourvu
de crocs, de cornes ou de griffes, est une proie sans défense. L’éthologie
équine1338 enseigne qu’il est peureux et émotif et privilégie la fuite, d’où son
instinct grégaire. Par conséquent, de simples gestes rapides et saccadés
auront tendance à l’effrayer1339. Tout le danger provenant dès lors de son
« autonomie de mouvement, qui peut être source de dommages d’autant plus
importants que la maîtrise qu’une personne exerce sur un animal est
nécessairement limitée »1340.
465. Cette particularité du cheval influe nécessairement sur son régime juridique.
Si « le juriste demeure indifférent à nombre de caractéristiques biologiques
pourtant déterminantes pour le travail du naturaliste, du zoologue, de
l’éthologue ou du vétérinaire… il s’intéresse en revanche à sa mobilité car elle
est synonyme de moindre maîtrise pour le gardien… »1341.
Des caractéristiques inhérentes au cheval, c’est donc son autonomie de
mouvement qui prolonge le rôle déterminant de sa mobilité en droit1342. C’est
1334 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854 1335 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854 1336 Par traduction, la forme donne l’être à la chose 1337 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.53 1338 Cf. H.Deveaux, M.Garagnoux et B. de Perthuis, La grande encyclopédie Fleurus cheval, éd. Fleurus, Paris, 2001 1339 P.Kindermans, Le cheval, éd. Artis-Historia, 1999 1340 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.25 1341 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.671 1342 Cf. Pts.372 et s.
- 267 -
en effet « la psychomotricité qui distingue radicalement l’animal aussi bien des
choses entièrement inanimées que des choses artificiellement animées »1343.
466. En 1804, le Code civil intègre cette caractéristique inhérente à l’animal en le
définissant comme « un meuble qui se meut par lui-même, selon la formule
naïve de l’article 528 du Code civil »1344 en concluait Roger Nerson.
A l’égard du cheval, la formule n’est pourtant point naïve. Elle distingue entre
« les meubles vifs et les meubles morts, suivant l’expression de nos anciens,
qui se trouve si souvent dans les vieux titres et même encore parfois dans les
nouveaux »1345. Cette formule permet de distinguer les choses possédant une
autonomie de mouvement de celle dont leur mobilité dépend uniquement
d’une force extérieure.
II- La distinction du vif et de l’inerte confirmée législativement
467. Avec la loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et
errants et à la protection des animaux, Suzanne Antoine se réjouit de voir
« disparaître, sans regret, l’article 528 qui, malgré la réforme de 1999, ne
caractérisait l’animal qu’en raison de sa possibilité de se mouvoir par lui-
même »1346. Mais, contrairement aux apparences, la modification du libellé de
la disposition est sans influence sur la distinction du vif et de l’inerte puisque
l’article conserve la référence aux animaux et aux corps qui « se meuvent par
eux-mêmes » ou « qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une
force étrangère ». Certes, l’animal en général, et le cheval plus
spécifiquement, ne sont plus définis exclusivement en fonction de leur
autonomie de mouvement mais la distinction du vif et de l’inerte est
maintenue.
1343 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.54 1344 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron. 1963, p.3 1345 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854 1346 S.Antoine, Le projet de réforme du droit des biens - Vers un nouveau régime juridique de l’animal ?, Rev. Dr. an., Doctrine, Janvier 2009
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468. D’ailleurs, « l’animal étant, dans l’article 524 du Code civil, désormais
distingué de l’objet alors qu’il en ressortissait jusqu’ici, il en résulte, dans ce
même texte, un resserrement de la notion d’objet sur celle d’entité
inanimée »1347. Ainsi, « la qualité d’être vivant de l’animal s’en trouve
soulignée, en harmonie avec la protection qu’elle appelle de plus en plus »1348.
En effet, on peut « en déduire que sa nature d’être vivant est implicitement
admise »1349.
469. Si l’animal est « sorti d’un inadmissible amalgame avec les autres corps non
animés»1350, il « n’est pas pour autant sorti de la catégorie mobilière »1351. Le
cheval « demeure objet malgré la nouvelle rédaction de l’article 524 alinéa 1
du Code civil »1352 et « la même conclusion vaut à propos de la nouvelle
distinction qu’opère l’article 528 du Code civil entre les animaux et les corps…
la différence a d’ailleurs toujours été faite entre les meubles vifs et les
meubles morts »1353. En effet, prenant soin de conserver la référence à la
possibilité « d’être muté de lieu en un autre »1354 par son propre mouvement
ou par l’effet d’une force étrangère, le législateur confirme la distinction entre
le vif et l’inerte.
470. En définitive, la loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux
et errants et à la protection des animaux confirme la distinction du vif et de
l’inerte en admettant implicitement la nature vivante de l’animal.
Distinct des choses inertes, il est une chose vive en raison de son autonomie
de mouvement. D’ailleurs, dans le dictionnaire Larousse, il est défini comme
« un être vivant généralement capable de se déplacer… »1355.
1347 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1348 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1349 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651 1350 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651 1351 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651 1352 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1353 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1354 P. de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, 1283, éd. A.J.Picard, 1970-1974, spéc. n°671 1355 Dictionnaire Larousse, édition 2011
- 269 -
471. Si le régime juridique du cheval est distinct de celui des choses inertes, c’est
parce que le droit considère son autonomie de mouvement qui est tout autant
source de dangers que de moindre maîtrise pour l’homme.
C’est donc la distinction du vif et de l’inerte qui est pertinente à l’égard du
cheval. En effet, si « l’animal est à la fois isolé et confondu dans un ensemble
indifférencié de biens inertes et vivants, dont les régimes juridiques
partageront de grands traits communs, puisqu’ils relèvent de la même
catégorie »1356, il se distingue en revanche des choses inertes par sa vivacité.
Rémy Libchaber l’observe judicieusement : « les articles 524 et 528 du Code
civil seront habilement remaniés pour inscrire la spécificité de l’animal dans
une curieuse posture : considéré certes comme un bien, l’animal apparaît
néanmoins à part des autres, qui sont inanimés »1357.
SECTION II
LA « SENSIBILITE » DU CHEVAL CONSACREE
472. Puisqu’il est une espèce appartenant au règne animal, le droit des animaux
lui est appliqué1358. Or, l’animal étant un « être physiologiquement
sensible »1359, la consécration juridique de la « sensibilité » du cheval s’inscrit
dans un cadre plus large qui est celui de la « sensibilité » animale.
Cependant, dès l’instant où la nature du cheval était admise juridiquement, la
reconnaissance de sa « sensibilité » devenait une évidence même si sa
souffrance est silencieuse1360.
1356 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 1357 R.Libchaber, Perspectives sur la situation juridique de l’animal, RTD civ., Janvier-Mars 2001, p.241 1358 Cf. Pts.32 et s. 1359 P.Blagny, L’animal considéré comme être physiologiquement sensible en droit pénal français, Thèse, Dijon, 1967 1360 E.De Fontenay, Le silence des bêtes, la philosophie à l’épreuve de l’animalité, Fayard, 1998
- 270 -
Ainsi, l’animal, « toujours meuble dans la catégorie des biens, est considéré
par le biais des textes spécifiques du Code rural comme un être vivant et
sensible, cette sensibilité fait l’objet d’une protection par le Code pénal »1361.
La « sensibilité » de l’animal, spécifiquement du cheval, produit des effets
juridiques -§I-, ce qui nous permet d’en apprécier le fondement -§II-.
§I- LES EFFETS JURIDIQUES DE LA « SENSIBILITE » DU CHEVAL
473. La « sensibilité » du cheval est celle de l’animal et, à ce titre, « la France a
pris l’engagement de reconnaître aux animaux domestiques leur qualité
d’êtres sensibles, et d’assurer les exigences de leur bien-être »1362. A ce jour,
le Traité d’Amsterdam intègre l’engagement des parties contractantes à
garantir l’amélioration de la protection et le respect du « bien-être des
animaux, en tant que créatures douées de sensibilité »1363.
Or, le cheval est l’illustration même de cet engagement. Sa « sensibilité »
justifie une protection pénale de son intégrité physique aux applications
quotidiennes -I- et la préservation de son « bien-être » est assurée de manière
originale par une convention conclue entre la Ligue Française pour la
Protection du Cheval1364 et France Galop1365 -II-.
1361 S.Antoine, Le projet de réforme du droit des biens - Vers un nouveau régime juridique de l’animal ?, Rev. Dr. an., Doctrine, Janvier 2009 1362 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005 1363 Protocole d’accord additionnel n°10 du Traité d’Amsterdam, publié au JOCE C 340 du 10 novembre 1997,
intégré à ce dernier en vertu de l’article 311 dudit Traité 1364 La Ligue Française pour la Protection du Cheval est une association sans but lucratif constituée en conformité avec les dispositions de la Loi du 1er juillet 1901 déclarée à la Préfecture de Police de la Seine le 5 juin 1909 publié au J.O du 2 juillet 1909 et reconnue d’utilité publique par un Décret du 25 novembre 1969
publié au J.O du 2 décembre 1969 1365 France Galop est société organisatrice des courses parisiennes de plat et d’obstacle et a été créée le 3 mai
1995 par la fusion de la Société d’Encouragement et des Steeple-Chases de France, de la Société de Sport de France et de la Société Sportive d’Encouragement ; c’est également une association loi 1901 soumise à la tutelle
du Ministère de l’Agriculture, du Ministère des Finances et du Ministère de l’Intérieur, qui assure le contrôle de
la régularité des paris
- 271 -
I- La protection pénale de l’intégrité physique du cheval
474. Le Code pénal réprime plusieurs types de comportements attentatoires à
l’intégrité physique des animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en
captivité et sanctionne ainsi « les atteintes aux animaux dans leur sensibilité
d’êtres vivants »1366.
A cet effet, le cheval ne peut subir de sévices graves ou d’actes de
cruauté1367, ni recevoir de mauvais traitements1368, ni être abandonné1369, ni
faire l’objet d’une atteinte volontaire1370 comme involontaire1371 à la vie.
Le cheval illustre quotidiennement ces dispositions.
475. Sur le fondement des sévices graves et actes de cruauté accomplis
intentionnellement envers un animal1372, la Cour de cassation rappelle qu’une
juridiction du fond ne caractérise pas l’élément intentionnel en se contentant
d’énoncer que la pouliche « était dans un état lamentable »1373. En effet, il est
impératif de caractériser l’élément intentionnel, cette exigence vaut également
pour la contravention de mauvais traitements1374. La jurisprudence précise
l’élément intentionnel en ce que « l’acte de cruauté se distingue de la simple
brutalité en ce qu’il est inspiré par une méchanceté réfléchie et qu’il traduit
l’intention d’infliger une souffrance »1375, « dénotant une volonté perverse ou
un instinct de perversité »1376.
476. A titre d’exemple, se rend coupable d’actes de cruauté celui qui traîne son
poney derrière un véhicule, l’abandonne blessé puis l’achève1377 ou encore
« le fait de procéder à la castration d’un cheval sans anesthésiant, donnant
1366 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005 1367 Art. 521-1 al. 1 C. pén. 1368 Art. R 654-1 C. pén. 1369 Art. 521-1 al. 7 C. pén. 1370 Art. 655-1 C. pén. 1371 Art. 653-1 C. pén. 1372 Art. 521-1 C. pén. 1373 Cass. crim., 13 janvier 2004, Bull. IDE, n°33 1374 Art. R 654-1 C. pén. 1375 CA Paris, 2 février 1977, JCP 1978, II, 18843 1376 Trib. Corr. Nîmes, 19 juin 1973, Gaz. Pal., 2, p.879 ; Trib. Police Vienne, 7 mars 1979, Gaz. Pal., 1, p.175 1377 CA Paris, 28 mars 1990, JurisData n°023188
- 272 -
simplement à l’animal un tranquillisant, ce qui est insuffisant vu la nature de
l’opération »1378 et « l’évaluation de la peine correspond aux nécessités de
stigmatiser et de neutraliser un comportement particulièrement indigne »1379.
De la même façon, constitue un acte de cruauté le fait « résultant du dossier
et particulièrement du rapport établi par la direction des services vétérinaires
le 17 janvier 1997 qu’à cette date, alors que les conditions climatiques étaient
rigoureuses, quatre chevaux se trouvaient dans un pré partiellement enneigé,
que l’herbe en était rase et jaunie ; que si ces animaux pouvaient s’abreuver
dans le ruisseau traversant la parcelle, aucune réserve de fourrage ne se
trouvait sur celle-ci, que l’apport de foin était, à tout le moins insuffisant, que
deux chevaux étaient d’une maigreur anormale et l’un deux souffrait de
diarrhée »1380.
A cet effet, observons que l’infraction est caractérisée par « le fait de
s’abstenir volontairement de fournir à boire et à manger à un cheptel pendant
une longue période »1381 ou « lorsqu’il est établi que la quasi-totalité des
animaux se trouvant chez l’éleveur en cause étaient privés de nourriture ainsi
que de boisson, que les locaux où ils étaient détenus parfois sans lumière,
sans soin ni nettoyage, ni désinfection, dégageaient une odeur pestilentielle,
que parmi les animaux en vie se trouvaient des cadavres parfois en état de
décomposition »1382.
477. A la lecture de la jurisprudence équine en la matière, une interrogation
subsiste : les dispositions précitées font-elles l’objet d’une application uniforme
sur l’ensemble du territoire ? A défaut, la protection pénale du cheval,
sanctionnant une « atteinte dans sa sensibilité d’être vivant »1383, ne saurait
jouir d’une efficacité intégrale.
Or, le fait de laisser des chevaux sans nourriture ni boisson n’est pas
constitutif, à lui seul, du délit de sévices graves mais de la contravention de
1378 CA Pau, 24 avril 2001, JurisData n°144393 1379 CA Pau, 24 avril 2001, JurisData n°144393 1380 CA Bourges, 23 octobre 1997, Moreu c/ MP-Chem 1381 CA Dijon, 27 avril 1989, JurisData n°046275 1382 Trib. Corr. Evry, 5 novembre 1985, Gaz. Pal. 1986, 1, p.205 1383 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005
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mauvais traitements1384. Ainsi, l’éleveur rencontrant de graves difficultés
financières le conduisant à licencier le seul palefrenier du haras et à laisser
sans soin ni nourriture une vingtaine de chevaux placés dans un pré boueux
est sanctionné uniquement au titre de mauvais traitements car il n’est pas
caractérisé qu’il aurait manifesté l’intention « d’accomplir volontairement des
actes dénotant une volonté perverse de nuire gravement aux chevaux pour sa
satisfaction »1385.
478. De la même façon, l’éleveur qui héberge une jument dans un enclos réduit,
laquelle présente quelques mois plus tard une maigreur extrême en raison de
son état de gestation et d’une alimentation inexistante ou insuffisante, outre
une blessure non soignée suite au poulinage, est poursuivi sur le fondement
des mauvais traitements envers un animal !
Malgré le retrait de l’un des équidés et de son poulain à la demande du
Parquet, la juridiction pénale a relaxé le prévenu, toutefois condamné au civil
à des dommages et intérêts1386. La Cour d’appel précisant que « en
s’abstenant, sans raison légitime, de prendre les mesures nécessaires pour
adapter l’alimentation de la jument à ses besoins, le prévenu a été l’auteur
volontaire de mauvais traitements et il a ainsi commis une faute engageant sa
responsabilité civile, la relaxe étant définitive »1387.
Dans le même temps, des faits similaires, abandon de l’animal et absence de
nourriture comme d’eau en quantité suffisante conduisant à un état de
maigreur avancé, donnent lieu à une condamnation au titre de
l’accomplissement d’un acte de cruauté1388.
479. Le cheval, chose et bien pour le droit, est protégé en tant qu’« être vivant
sensible ». Si la jurisprudence n’assure pas la pleine effectivité de cette
protection, ce n’est qu’en son âme et conscience, non par inexistence de
textes y afférents. Peut-être une réforme est-elle envisageable afin de
permettre leur application uniforme et enlever ce sentiment d’impunité ressenti
1384 Cass. crim., 23 janvier 1989, Bull. crim., n°23 ; Cass. crim., 12 mars 1992, Bull. crim., n°111 ; CA Rennes, 9 février 2000, JurisData n°109156 1385 CA Caen, 23 février 2000, JurisData n°117702 1386 CA Rouen, 5 mai 2008, Bull. IDE, n°52 1387 CA Rouen, 5 mai 2008, Bull. IDE, n°52 1388 TGI Béziers, 30 octobre 2007, n°2507.07
- 274 -
par les détenteurs de chevaux en réprimant « avec la plus grande sévérité tout
acte de cruauté purement gratuit »1389.
Cependant, sur la question de la nature juridique de l’animal, non pour
paraphraser Jean-Baptiste Seube, mais aimera t-on plus son cheval quand le
droit l’aura qualifié de chose protégée ? « La confiance dans les vertus de la
loi est décidément bien étrange »1390.
La difficulté relative à la protection pénale du cheval émane éventuellement du
libellé des textes, sûrement de leur application par la jurisprudence, mais
aucunement de la nature juridique du cheval. En effet, « l’appartenance de
l’animal aux biens n’interdit pas sa protection »1391.
480. Le traitement juridique de la protection pénale de l’intégrité physique du
cheval induit une dernière interrogation : doit-on voir au travers de cette
protection pénale de l’animal une limitation au droit de propriété ?
La lecture de l’article 544 du Code civil suffit pourtant à légitimer la présence
de règles spécifiques protégeant la chose puisque « la propriété est le droit de
jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en
fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements »1392.
Cependant, Jean-Pierre Marguénaud démontre astucieusement que « ces
restrictions ont toujours été mises en œuvre ou bien dans un intérêt public ou
bien dans l’intérêt privé de certaines personnes proches de la chose : jamais
personne n’a prétendu, à notre connaissance, que le droit de propriété pouvait
être limité dans l’intérêt de la chose appropriée elle-même »1393. Ainsi,
« admettre des limitations aux prérogatives du propriétaire dans l’intérêt de la
chose appropriée, ce serait dresser, entre cette chose et le pouvoir s’exerçant
sur elle, un écran excluant immanquablement le caractère direct, immédiat qui
participe de l’essence même des droits réels et a fortiori du plus énergique
d’entre eux »1394.
1389 A-M.Sohm-Bourgeois, La personnification de l’animal : une tentation à repousser, D., 1990, 7ème Cahier, Chron., p.37 1390 J-B.Seube, Janvier août 2005 : du classicisme et des innovations, Dr. et Patrimoine, 2005, Chron., Droit des biens 1391 J-B.Seube, Janvier août 2005 : du classicisme et des innovations, Dr. et Patrimoine, 2005, Chron., Droit des biens 1392 Art. 544 C. civ. 1393 J-P.Marguénaud, La personnalité juridique des animaux, D., Chron., 1998, p.209 1394 J-P.Marguénaud, La personnalité juridique des animaux, D., Chron., 1998, p.209
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481. Mais au-delà de cette brillante démonstration, n’existe-t-il pas d’autres
choses à propos desquelles le législateur a réduit le droit d’en jouir et d’en
disposer de la manière la plus absolue ? Ne serait-ce que le monument
historique. En effet, « comme un monument historique, comme un livre
précieux, l’animal est protégé parce qu’il concentre sur lui des intérêts -
affectifs, culturels, historiques - qui, dignes de protection, justifient des
limitations à l’exercice du droit de propriété dont il est l’objet »1395.
Ces mesures de protection n’altèrent en rien l’essence du droit de propriété, il
ne s’agit que de contraintes externes qui n’entament pas le rapport
d’exclusivité unissant le propriétaire à sa chose1396.
Ainsi, « dans un but de conservation des objets mobiliers présentant un intérêt
historique ou artistique1397, la loi du 31 décembre 1913, modifiée par les
articles 33 à 38 de la loi de finances du 31 décembre 1921, en autorise la
classement, et les soumet à un régime général qui modifie les droits du
propriétaire ainsi que les conditions de leur aliénation »1398.
Le monument historique, l’objet mobilier présentant un intérêt artistique, se
voient-ils revendiquer une catégorie intermédiaire au même titre que l’animal ?
La réponse est assurément négative, ils demeurent choses et biens, comme
le cheval. En revanche, le cheval s’en distingue par le fait que la consécration
de sa « sensibilité » et de son autonomie de mouvement est l’expression de
l’admission par le droit de sa nature vivante. Ce qui le révèle être une chose
vivante.
1395 J-B.Seube, Janvier-août 2005 : du classicisme et des innovations, Dr. et Patrimoine, 2005, n°142 1396 T.Revet, Le Code civil et le régime des biens : questions pour un bicentenaire, Dr. et patrimoine, mars 2004, p.20 et s., spéc. p.25 ; F.Zénati et T.Revet, Les biens, PUF, 2ème édition, 1997, n°99 1397 J.Marguery, Des objets mobiliers ayant un intérêt historique ou artistique, Thèse Aix en Provence, éd. Arthur Rousseau, 1912 ; J.Estève, L’art et la propriété, Thèse Nancy, 1924 1398 M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil français, Les Biens, par M.Picard, LGDJ, 1952, spéc. p.552
- 276 -
II- La préservation du « bien-être » du cheval
482. Par principe, « tout animal étant un être sensible doit être placé par son
propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques
de son espèce »1399. A ce titre, le cheval fait l’objet d’un contrat de partenariat
original entre la Ligue Française pour la Protection du Cheval et France
Galop1400.
La Ligue Française pour la Protection du Cheval a pour but de mettre en
œuvre et de soutenir toute action de protection en faveur des chevaux, en
particulier en ce qui concerne leur devenir en fin de carrière sportive,
participant ainsi de la préservation de leur bien être depuis des décennies.
Soucieux de l’avenir des chevaux de galop quittant définitivement
l’entraînement, France Galop a décidé de soutenir les actions de la Ligue
Française pour la Protection du Cheval en créant un fond de reconversion des
chevaux de courses de galop.
483. Précisons d’emblée que cette formule contractuelle a pour objectif de
soustraire le cheval aux hypothèses de fin de carrière antérieures. En effet,
« après une brillante carrière sur les hippodromes ou de bons et loyaux
services dans un manège, sa fin de vie dans un abattoir a de quoi choquer…
le partenariat entre France Galop et la Ligue Française pour la Protection du
Cheval mérite, à cet égard, d’être cité, car il permet d’assurer une
reconversion des galopeurs dans des familles d’accueil et donc de leur éviter
l’abattoir »1401.
484. Concrètement, « l’objectif de France Galop et de la Ligue Française pour la
Protection du Cheval est de proposer une filière de reclassement à tout
propriétaire ayant un cheval en fin de carrière qu’il ne sait comment 1399 Art. L.241-1 C. rur. 1400 France Galop est société organisatrice des courses parisiennes de plat et d’obstacle et a été créée le 3 mai
1995 par la fusion de la Société d’Encouragement et des Steeple-Chases de France, de la Société de Sport de France et de la Société Sportive d’Encouragement ; c’est également une association loi 1901 soumise à la tutelle
du Ministère de l’Agriculture, du Ministère des Finances et du Ministère de l’Intérieur, qui assure le contrôle de la régularité des paris 1401 J-P.Kieffer, Le Fer du Petit Cheval, Le journal de la Ligue Française pour la Protection du Cheval, n°5, spéc. p.7
- 277 -
réorienter »1402. Ainsi, « contre un forfait de prise en charge, la Ligue assure
l’hébergement du cheval à sa sortie de l’écurie d’entraînement en vue de son
reclassement… cette période de transition est capitale pour évaluer la
capacité du cheval à démarrer une deuxième carrière dans l’équitation de
sport ou de loisir… les équipes de la Ligue savent évaluer l’état du cheval et
décider du moment où il peut être confié à un nouveau cavalier »1403. Parfois,
« la seule issue est un hébergement au pré pour une retraite définitive »1404.
Dans les deux cas, « une fois placé, le cheval fait l’objet de visites de
contrôles régulières pour s’assurer de la qualité des soins qui lui sont
prodigués et de sa bonne utilisation »1405.
485. Juridiquement, l’opération se décompose en deux étapes, la première
correspond à la conclusion du contrat de partenariat entre la Ligue Française
pour la Protection du Cheval et France Galop pour une durée d’un an
renouvelable par tacite reconduction1406, la deuxième concerne la signature
d’une convention de placement avec la famille d’accueil.
486. Le contrat de partenariat stipule que la Ligue Française pour la Protection du
Cheval devient la propriétaire irrévocable des chevaux de courses de galop
confiés par leur propriétaire1407. Une difficulté d’ordre sémantique a conduit à
diverses procédures dans le cadre de l’application de ce partenariat1408. En
effet, l’irrévocabilité de la propriété peut concerner la relation entre le
donateur, propriétaire initial de l’animal, et la Ligue Française pour la
Protection du Cheval comme s’entendre du caractère du droit de propriété
conféré à l’association. La difficulté n’est pas anodine puisque la nature des
conventions susceptibles d’être conclues avec les familles d’accueil dépend
de la réponse y afférente. Dans l’esprit des signataires du contrat de
partenariat, il semble que la volonté commune est de conférer à la Ligue
Française pour la Protection du Cheval un droit de propriété insusceptible de 1402 Le Fer du Petit Cheval, Le journal de la Ligue Française pour la Protection du Cheval, n°2, spéc. p.4 1403 Le Fer du Petit Cheval, Le journal de la Ligue Française pour la Protection du Cheval, n°2, spéc. p.4 1404 Le Fer du Petit Cheval, Le journal de la Ligue Française pour la Protection du Cheval, n°2, spéc. p.4 1405 Le Fer du Petit Cheval, Le journal de la Ligue Française pour la Protection du Cheval, n°2, spéc. p.4 1406 Art. 3 du Contrat de partenariat 1407 Art. 1 du Contrat de partenariat 1408 LFPC c/ Salichon, TGI Des Sables d’Olonne, Ordonnance de référé du 18 juillet 2008, n°08/00163 ; LFPC c/ EARL Les Bosquets du Pays Yonnais, TGI La Roche sur Yon, 18 novembre 2009, n°08/02077
- 278 -
cession à l’avenir, de telle sorte que l’association demeure propriétaire de
l’animal jusqu’à sa mort.
487. Ce transfert de propriété à titre gratuit permet à la Ligue Française pour la
Protection du Cheval de s’occuper directement de l’animal, non en qualité
d’association reconnue d’utilité publique1409, mais en qualité de propriétaire,
de surcroît irrévocable. A ce titre, la Ligue Française pour la Protection du
Cheval conclue avec les familles d’accueil une convention de placement.
488. L’étude de la convention de placement enseigne que la famille d’accueil,
dénommée hébergeant usufruitier, s’engage à ne demander aucune
rétribution à quelque titre que ce soit pour ce qui concerne l’objet de la
convention, à assurer à ses frais exclusifs et continus l’hébergement, la
nourriture et les soins courants, à assurer à ses frais la vaccination anti-
tétanique, la vermifugation, le parage ou le ferrage des pieds, la visite du
dentiste équin, ainsi que tout autre soin nécessaire quel qu’en soit le
caractère, fût-il exceptionnel, à autoriser la visite et le contrôle des délégués
de la Ligue Française pour la Protection du Cheval sur les lieux mêmes
d’hébergement et, surtout, à ne pas utiliser l’équidé confié à des fins
professionnelles.
La ligne directrice de la convention demeure être, outre la charge des frais, le
placement gratuit de l’animal contre bons soins.
489. Le cheval réformé des courses de galop offre une illustration de la
préservation du « bien-être » des équidés dans le cadre de la reconnaissance
de sa « sensibilité ».
Observons toutefois que, pour préserver le cheval d’un sort autrefois
inéluctable, le droit de propriété est au cœur du mécanisme contractuel
imaginé par la Ligue Française pour la Protection du Cheval et France Galop.
C’est en effet parce que la Ligue Française pour la Protection du Cheval
devient la propriétaire irrévocable de l’animal, avec l’ensemble des attributs
1409 La Ligue Française pour la Protection du Cheval est une association sans but lucratif constituée en conformité avec les dispositions de la Loi du 1er juillet 1901 déclarée à la Préfecture de Police de la Seine le 5 juin 1909 publié au J.O du 2 juillet 1909 et reconnue d’utilité publique par un Décret du 25 novembre 1969
publié au J.O du 2 décembre 1969
- 279 -
énergiques afférents au droit de propriété, qu’elle est susceptible de veiller
efficacement à son devenir.
Autrement dit, le droit de propriété détenu sur une chose « sensible » n’en est
point antinomique, au contraire même, nous pouvons affirmer, sans jeu de
mots, qu’il est utile à la préservation du « bien-être » de l’animal. En définitive,
le droit de propriété est la pierre angulaire de la préservation du « bien-être »
des équidés.
§II- LE FONDEMENT JURIDIQUE DE LA « SENSIBILITE » DU CHEVAL
490. Le fondement selon lequel la « sensibilité » de l’animal, spécifiquement du
cheval, est consacrée est exprimé par la nécessité de protéger une chose
vivante. En effet, « parce que les animaux sont des objets vivants, il faut leur
accorder une protection toute particulière et un traitement privilégié »1410.
Or, si la protection d’une chose vivante était réclamée -I-, elle est aujourd’hui
codifiée -II-.
I- La protection d’une chose vivante réclamée
491. La volonté de protection d’une chose vivante est initiée au VIème siècle avant
Jésus-Christ par Pythagore1411, lequel réclamait le respect pour les animaux.
Au XXème siècle, en parallèle de la conception de l’animal chose, « se
développe en Occident l’idée d’un traitement humanitaire des animaux. Cette
théorie s’appuie uniquement sur l’idée que les animaux doivent bénéficier de
la bienveillance et de la compassion des êtres humains, sans pour autant
1410 A-M.Sohm-Bourgeois, La personnification de l’animal : une tentation à repousser, D., Chron., 1990, p.37 1411 A.Taylor, Pythagore, The first animal rights philosopher, Between the species 6:122-127, in Animal and ethics, Broadview Press, p.34
- 280 -
remettre en question l’utilisation des animaux pour les fins et les besoins des
êtres humains »1412.
Ainsi, « au fil du temps et notamment au cours du XXème siècle, l’homme va
reconsidérer peu à peu la place de l’animal dans la société »1413.
492. En effet, il est difficile de feindre ignorer l’animal gémissant et l’homme ne
peut rester insensible face à la souffrance animale. Ne pouvons-nous pas
« juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont
traités »1414 ?
Si l’animal « possède surtout la sensibilité »1415 et si « les autres
déterminations de l’animal sont des conséquences de la sensibilité »1416, « il
n’est pas admissible de faire souffrir l’animal sans nécessité »1417. C’est
pourquoi il a été sollicité que leur soit accordée « une protection toute
particulière et un traitement privilégié »1418.
493. Quatre siècles avant notre ère, Xénophon indiquait déjà qu’il convient de ne
« jamais traiter le cheval avec colère, voilà la leçon et l’habitude entre toutes
essentielle à son égard »1419 et « lorsque le cheval, par défiance de quelque
objet, refuse d’avancer vers lui, il faut lui montrer qu’il n’a rien de terrible en
faisant avancer le cheval sans violence »1420. A l’époque de la Grèce antique,
la souffrance du cheval est déjà perçue, mais volontairement occultée.
C’est principalement grâce à la théorie de l’animal machine1421, hypothèse
éthologique issue du mouvement mécaniste créé par René Descartes et
1412 L.Létourneau, De l’animal objet à l’animal sujet ? : Regard sur le droit de la protection des animaux en Occident, Lex Electronica, Vol.10, numéro spécial, n°2, automne 2005 1413 F.Dumont, L’animal : un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit Civil, Janvier 2006, p.63 et s. 1414 Citation de M-K.Gandhi, 1869-1948, dirigeant politique et important guide spirituel de l'Inde et du mouvement pour l'indépendance de ce pays 1415 G-W-F.Hegel, Philosophie de la nature, trad. A.Véra, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1866, Tome III, §351, spéc. p.198 1416 G-W-F.Hegel, Philosophie de la nature, trad. A.Véra, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1866, Tome III, §351, spéc. p.202 1417 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.5 1418 A-M.Sohm-Bourgeois, La personnification de l’animal : une tentation à repousser, D., Chron., 1990, p.37 1419 Xénophon, De l’art équestre, Les Belles lettres, Paris, 2008, spéc. p.55 1420 Xénophon, De l’art équestre, Les Belles lettres, Paris, 2008, spéc. p.55 1421 R.Descartes, Discours de la méthode, Flammarion, 1967, spéc. p.90
- 281 -
fortement contesté dès cette époque par Pierre Gassendi1422, que l’animal est
initialement perçu comme dénué de toute sensibilité et asservi à l’homme1423.
Mais l’actuelle reconnaissance législative de la nécessité de protéger une
chose vivante implique que, « du fait de l’évolution du droit, l’animal autrefois
seulement appréhendé en tant que bien ou res nullius est désormais
également considéré comme un être vivant susceptible de recevoir une
protection juridique »1424.
II- La protection d’une chose vivante codifiée
494. Réclamée par la doctrine, la nécessité de protéger une chose vivante a été
codifiée.
La consécration en droit de la « sensibilité » animale résulte de la loi n°76-629
du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature1425 qui dispose que « tout
animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des
conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce »1426.
Il en résulte que le cheval est protégé dans sa relation à l’homme contre les
comportements humains susceptibles de lui occasionner des souffrances,
portant atteinte à son intégrité physique ou à sa vie.
Bien que dépourvue d’effets juridiques, l’Unesco1427 proclame la déclaration
des droits des animaux en 19781428.
495. La protection d’une chose vivante est encore assurée par le droit
communautaire.
1422 P.Gassendi, De Vita, moribus et doctrina Epicuri libriocto, Lyon, 1647 ; De vita, moribus et placitis Epicuri, seu Animadversiones in librum X Diogenis Laertii, Lyon, 1649 ; Syntagma philosophiae Epicuri, Lyon, 1649 ; qui dans ses trois ouvrages considère la matière active et estime que les animaux disposent d’une petite âme 1423 Thomas D’Aquin, Summa Theologiae, composé entre 1269 et 1272, ratifie la conception de l’animal
consistant à le considérer au service des êtres humains 1424 M.Redon, Animaux, D., Répertoire de droit civil, 2010 1425 Abrogé par Ordonnance n°2000-550 du 15 juin 2000 art. 7 5° (JORF 22 juin 2000) 1426 Art.9 de la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature désormais codifié à l’article
L.214-1 C. rur. 1427 Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture 1428 La Déclaration Universelle des Droits de l'Animal a été proclamée solennellement à Paris, le 15 octobre 1978, à la Maison de l'Unesco. Son texte révisé par la Ligue Internationale des Droits de l'Animal en 1989, a été rendu public en 1990 mais n’a aucune valeur juridique.
- 282 -
Le Traité d’Amsterdam, adopté en juin 1997 et officiellement signé par les
membres de l’Union européenne le 2 octobre 1997, comporte un Protocole
d’accord additionnel n°10, qui remplace la précédente déclaration du Traité de
Maastricht et intègre l’engagement des parties contractantes à garantir
l’amélioration de la protection et le respect du « bien-être des animaux, en tant
que créatures douées de sensibilité »1429.
496. En France, la loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et
errants et à la protection des animaux mène à l’observation d’un
« resserrement de la notion d’objet sur celle d’entité inanimée »1430.
Dans la nouvelle rédaction de l’article 528 du Code civil, « dans ce texte, et
dans lui seul, la notion de corps est resserrée afin de souligner la qualité d’être
sensible de l’animal »1431.
La protection d’une chose vivante est donc codifiée, ce qui en assure sa
pérennité.
1429 Protocole d’accord additionnel n°10 du Traité d’Amsterdam, publié au JOCE C 340 du 10 novembre 1997,
intégré à ce dernier en vertu de l’article 311 dudit Traité 1430 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481 1431 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481
- 283 -
CHAPITRE II
UNE CONSECRATION JURIDIQUE DE LA NATURE DU CHEVAL
LIMITEE
497. L’admission de la nature vivante du cheval en droit aboutit à reconnaître
juridiquement l’existence d’une caractéristique commune au cheval et à
l’homme : leur appartenance au monde du vivant.
Cette consécration autorise Rémy Libchaber à penser que par « la grâce d’un
changement de perspective dans la définition de référence de l’homme, le
vivant pourrait émerger en tant que catégorie juridique nouvelle. Il en
résulterait que la différence entre le vivant et l’inerte serait susceptible de se
substituer à la coupure ancienne qui séparait la personne des biens »1432.
498. Pour autant, l’analyse du régime juridique du cheval révèle que le droit limite
les effets juridiques attachés à la reconnaissance de la nature vivante du
cheval. Dire du cheval qu’il est une chose vivante, puis récuser
instantanément cette consécration induit la question suivante : pourquoi, dans
quel but ? Il s’agit de déterminer la raison qui fait que le droit occulte
volontairement la nature du cheval pour le considèrer comme une chose
inerte.
Plus que l’omniprésence du droit si brillamment dénoncée par Jean
Carbonnier1433, « c’est son omnipotence qui mérite d’être critiquée quand
l’interprétation fait manifestement fi de la réalité. Certes, lire l’univers comme si
1432 R.Libchaber, Perspectives sur la situation juridique de l’animal, RTD civ., janvier mars 2001, p.242 1433 J.Carbonnier, Flexible droit, Droit et non droit, 6ème édition, Paris, LGDJ, 1988
- 284 -
c’était un livre de droit est fort dommageable, car il y a dans la vie beaucoup
plus de choses que dans le droit, mais détourner les lois de la nature, dont
l’une est d’établir une frontière entre le vivant et l’inerte, l’est également »1434.
499. Cependant, d’apparence contradictoire, cette limite est une manifestation de
la finalité du droit : l’homme en vue duquel il est constitué1435. En effet,
l’homme est « au cœur du système juridique »1436 ; « les lois sont faites pour
les hommes vivant en société ; derrière les règles juridiques concernant les
animaux, c’est donc l’homme qui apparaît »1437.
Affirmée sans ambiguité aucune -Section I-, la limite à la consécration
juridique de la nature du cheval apparaît justifiée -Section II-.
SECTION I
UNE LIMITE AFFIRMEE
500. Aussitôt admise, la nature vivante du cheval est limitée par le droit. Il faut
dire que sa consécration juridique a un double effet pervers : elle fait naître
une cause d’exonération de responsabilité pour le propriétaire ou le gardien
du cheval à l’origine du dommage et fait partager à l’animal un trait
caractéristique de l’homme.
Ainsi saisi dans sa dimension d’« être vivant sensible » par le droit, il est
légitime de se demander si le cheval est toujours une chose, même vivante.
Un sentiment de confusion anime la doctrine, laquelle de s’interroger : « faut-il
aujourd’hui aller plus loin encore et changer leur nature juridique en en faisant 1434 M-C.Piatti, Droit, éthique et condition animale, Réflexions sur la nature des choses, LPA, 19 mai 1995, n°60, p.4 1435 Cf. l’adage romain Homonum causa omne jus constitutum : c’est en vue de l’homme que le droit est
constitué Cf. J.Carbonnier, Droit civil, Introduction. Les personnes. La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. Quadrige Manuels, 2004, n°195, p.378 1436 S.Desmoulin, L’animal entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.27 1437 R.Nerson, La condition de l’animal au regard du droit, D., Chron., 1963, p.2
- 285 -
des sujets de droits, ou doit-on, au contraire, continuer à les considérer
comme des objets, même si en tant qu’être vivant, une protection toute
particulière doit leur être reconnue ? »1438. La réponse à cette question dépend
des limites imposées par le droit à l’admission de la nature vivante du cheval.
A ce titre, l’autonomie de mouvement du cheval est en réalité marginalisée -§I-
et sa « sensibilité » subordonnée à l’homme -§II-.
§I- L’AUTONOMIE DE MOUVEMENT DU CHEVAL MARGINALISEE
501. Si l’autonomie de mouvement du cheval était admise de manière récurrente,
le comportement imprévisible de l’animal à l’origine du dommage serait une
cause d’exonération de responsabilité automatique.
Le droit en a décidé autrement : le cheval doit être maîtrisé en toutes
circonstances. Ce principe suppose donc de nier son autonomie de
mouvement.
Cette maîtrise de l’animal est évidemment déterminante puisque les
hypothèses de responsabilité sont nombreuses : « le cavalier abandonne les
rênes de son cheval pour remonter une barre d’obstacle renversée, le cheval
en profite pour s’échapper et endommager un terrain cultivé ; le cavalier
galopant en forêt hors des pistes autorisées renverse un paisible promeneur
et lui occasionne de nombreuses blessures »1439…
En marginalisant l’autonomie de mouvement du cheval, le droit fait revêtir à la
responsabilité civile un caractère neutre -I-. Le régime spécifique de la
responsabilité civile délictuelle du fait des animaux étant autonome -II-.
1438 A-M.Sohm-Bourgeois, La personnification de l’animal : une tentation à repousser, D., Chron., 1990, p.33 1439 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.11
- 286 -
I- Une responsabilité civile neutre
502. A défaut de maîtriser le cheval, la responsabilité civile du cavalier ou du
prestataire professionnel est engagée. La maîtrise du cheval est donc
imposée -I- et prolongée par l’idée qu’il y aurait en équitation un risque
accepté -II-.
A- La maîtrise du cheval imposée
503. La maîtrise s’entend de l’animal lui-même en premier lieu.
C’est ainsi que le professionnel de l’équitation, « tenu à une obligation de
prudence et de diligence, ne doit pas accroître les risques inhérents à la
pratique du sport équestre, mais doit au contraire tenter de les diminuer »1440.
Cette jurisprudence indique implicitement que le débiteur de cette obligation
de prudence et de diligence doit conserver la maîtrise de l’animal afin d’éviter
d’exposer le cavalier à un risque autre que ceux inhérents à la pratique du
sport équestre. C’est en ce sens que, face à une cavalière qui rencontre de
graves difficultés pour diriger son cheval, l’enseignant doit réagir1441.
504. Lors d’une promenade, les préposés du centre équestre doivent conserver
la maîtrise de l’animal. A défaut, la jurisprudence sanctionne le fait de ne pas
avoir empêché la coupure d’un groupe de poneys au passage d’un pont,
occasionnant l’affolement de l’un deux et la chute de son cavalier1442. Dans le
même sens, l’entrepreneur de promenades équestres doit « prendre toutes
précautions utiles pour éviter la chute du client au niveau d’un talus où elle
s’est produite, soit en le faisant descendre, soit en maintenant son cheval par
la bride »1443.
1440 CA Orléans, 30 novembre 1994, JurisData n°050310 1441 CA Poitiers, 20 novembre 2001, JurisData n°182952 1442 CA Rennes, 10 novembre 1999, JurisData n°113467 1443 TGI Tarascon, 18 mai 1966, Gaz. Pal., 1966, 1, p.212
- 287 -
505. La maîtrise de l’animal impose au centre équestre de mettre à disposition de
ses clients du personnel compétent1444. Est ainsi sanctionné le fait de prévoir
un cavalier simplement confirmé1445.
En l’absence de norme impérative, l’encadrement est suffisant lorsqu’il y a
deux accompagnateurs pour onze cavaliers1446. En revanche, le centre
équestre commet une faute en encadrant treize personnes par un seul
enseignant1447 ou dix cavaliers par une seule personne1448. Les tribunaux ont
déjà constaté que le simple fait de ne mettre à disposition d’un groupe un seul
accompagnateur, placé en tête, constitue un défaut de surveillance1449,
empêchant de facto une parfaite maîtrise des chevaux sur lesquels il veille.
La perte de maîtrise est révélée lorsque l’accompagnateur chef de file est
distrait par une amie qui s’est portée à sa hauteur1450, impulse un départ au
galop sans vérifier que sa cliente est prête à prendre à cette allure1451.
506. L’étalonnier est tenu de ne pas entreprendre une intervention dépassant ses
capacités1452, ce qui confirme le principe selon lequel le professionnel équin
ne peut intervenir qu’à condition de maîtriser l’animal comme son acte. En
effet, l’étalonnier engage sa responsabilité lorsqu’il « accepte à tort de se
lancer dans des interventions dépassant ses possibilités et sa compétence »
et, « au lieu de confesser en temps utile son incapacité », se révèle
« incapable de fournir le service minimal qui était attendu de lui »1453.
507. Lors de l’accomplissement de l’acte matériel de reproduction, le maintien
constant de la maîtrise de l’animal impose à l’étalonnier de s’abstenir de toute
mauvaise manipulation ou erreur matérielle1454 et d’anticiper sur d’éventuelles
difficultés. A ce titre, l’étalonnier est responsable de « n’avoir pas prévu une
1444 CA Poitiers, 27 mars 2002, JurisData n°182967 1445 CA Versailles, 1er octobre 1999, JurisData n°147290 1446 CA Lyon, 7 septembre 1999, JCP, 2001, IV, n°1087 1447 CA Nîmes, 18 avril 2002, JurisData n°182167 1448 CA Reims, 7 février 19984, JurisData n°041737 1449 CA Toulouse, 29 octobre 2002, JurisData n°195223 1450 CA Aix en Provence, 20 mai 2002, JurisData n°177957 1451 CA Besançon, 19 décembre 2001, JurisData n°180882 1452 Cass. 1èreciv., 25 octobre 1989, n°88-11.600 1453 Cass. 1èreciv., 25 octobre 1989, n°88-11.600 1454 CA Caen, 5 juin 2007 ; CAA Nantes, 24 juillet 1997, Bull. IDE, mars 1998 ; CE, 25 novembre 1964, Rec. Lebon, p.577 ; CAA Nantes, 24 juillet 1997, Bull. IDE, n°9 ; TGI Laval, 15 novembre 1999
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réaction brutale de la jument ou son affaissement alors qu’un tel
comportement est prévisible et de ne pas avoir pris les précautions
nécessaires au cas où un tel événement arriverait, notamment pour empêcher
une saillie irrégulière et anormale ou une erreur de lieu…»1455.
508. En second lieu, la maîtrise du cheval est étendue à l’ensemble des éléments
susceptibles d’avoir une influence sur l’animal. A ce titre, l’analyse de la
jurisprudence révèle la nécessité d’une maîtrise de l’itinéraire et de l’allure.
L’itinéraire choisi impose au professionnel d’en maîtriser les risques en
s’assurant de l’absence de difficulté excessive sur le parcours susceptible
d’occasionner un dommage à ses clients1456. Ainsi, une promenade
empruntant un sentier sinueux entremêlé de branches barrant la route et très
pentu sur la fin est considérée comme dangereuse indépendamment du fait
que ce trajet est utilisé habituellement pour les promenades par le centre
équestre1457. De la même façon, il est inconsidéré de passer à proximité d’un
boulevard périphérique sans mettre pied à terre1458.
Le prestataire professionnel doit veiller à choisir des allures conformes à la
topographie et à la capacité de ses clients. En effet, « le risque de chute est
proportionnel à l’allure donnée au cheval et s’accroît avec celle-ci lorsque le
cavalier, débutant, ne sait pas maîtriser le galop et s’accroît encore lorsqu’un
aléa imprévisible amène le cheval à faire un écart alors que le cavalier n’a
d’autre préoccupation que de tenir en équilibre sur sa monture »1459.
Ainsi, la jurisprudence impose aux entrepreneurs de promenades équestres
« de faire garder l’allure du pas » à des chevaux montés par des débutants1460
afin de leur en faciliter la maîtrise.
D’ailleurs, la Cour de cassation a rejeté la responsabilité d’un centre équestre
en relevant que l’accident n’avait pour origine ni l’allure choisie, ni la
configuration du terrain1461, ce qui signifie a contrario que la haute juridiction a
1455 TGI Macon, 17 janvier 2000, Bull. IDE, n°17 1456 Cass. 1èreciv., 11 mai 1999, n°97-11.290 1457 CA Nîmes, 29 mars 2000, JurisData n°113445 1458 CA Pau, 7 janvier 1988, D., 1989, p.409 1459 CA Rennes, 13 décembre 2000, JurisData n°144735 1460 Cass. 1èreciv., 11 mars 1986, Bull. civ. I, n°64 1461 Cass. 1èreciv., 14 mars 1995, RCA, 1995, n°215 ; Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°01-16.350
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vérifié en préalable que le professionnel maîtrisait bien l’allure comme
l’itinéraire.
B- Le risque en équitation accepté
509. La pratique de l’équitation implique l’acceptation des risques y afférents. Le
cavalier consent à supporter le risque d’un éventuel dommage causé par
l’animal ou par un concurrent dans le cadre d’une compétition hippique.
Formulé ainsi, on pourrait penser que le risque accepté est l’admission, en
droit de la responsabilité, de la nature du cheval. Pourtant, tel n’est pas le cas.
S’agissant du risque émanant de l’animal, c’est la sanction du défaut de
maîtrise -1- qui est dissimulé derrière le risque accepté ; s’agissant du risque
émanant d’un concurrent, c’est l’aléa sportif -2- qui fonde le risque accepté.
1- Le risque accepté émanant du cheval : un défaut de
maîtrise
510. Le fait de monter à cheval engendre l’existence de risques, lesquels
dépendent partiellement de l’autonomie de mouvement de l’animal. La
pratique de l’équitation implique donc l’acceptation des risques qui lui sont
inhérents.
Par principe, « l’exception de risque accepté fonctionne uniquement dans le
cadre des compétitions sportives »1462 mais la théorie s’applique également
durant la phase préparatoire des compétitions, sur les terrains de détente1463
en concours hippique par exemple ou lors de la phase préalable
d’entraînement et d’échauffement dans les paddocks1464.
1462 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.40 1463 Cass. 2èmeciv., 5 juin 1985, Bull. civ. II, n°114 ; CA Caen, 24 avril 2001, Bull. IDE, n°22 1464 E.Agostini, note sous Cass. 2èmeciv., 5 juin 1985, n°84-11.786, JCP G, 1987, II, n°20744
- 290 -
L’équitation est le révélateur d’une extension jurisprudentielle dans la mesure
où la jurisprudence traditionnelle cantonne l’application de cette théorie aux
compétitions sportives proprement dites.
La Cour de cassation a ainsi refusé d’appliquer la théorie de l’acceptation des
risques lors d’une « activité pédagogique placée sous l’autorité et la
surveillance d’un moniteur »1465 comme au cours d’un « jeu improvisé par des
mineurs et non dans le cadre d’une compétition sportive »1466.
511. Dans des précédents similaires1467, la Cour de cassation a pourtant fait
application de la théorie de l’acceptation des risques. La doctrine considère
qu’il s’agit d’une application traditionnelle de la jurisprudence de la Cour de
cassation qui réserve l’application de la théorie de l’acceptation des risques à
la compétition elle-même, mais l’exclut pour la phase d’entraînement ou de
préparation1468.
Pourtant, en dehors de la compétition, le fait de monter à cheval dans un bois
entraîne également l’acceptation des risques normaux inhérents à ce type
d’activité1469. De la même façon, la théorie de l’acceptation des risques a
permis d’écarter la responsabilité de plein droit du manadier lorsque le
cavalier est blessé durant une promenade1470 et une interrogation subsiste à
propos de la jurisprudence relative aux accidents survenus dans les
paddocks1471.
Les paddocks, enclos au sein duquel les équidés sont promenés en main
avant le départ d’une course hippique, constituent le prolongement de l’activité
de compétition qui ne saurait dès lors se limiter au seul champ du lieu de
compétition ou de concours. Toutefois, qu’en est-il réellement du champ
d’application de la théorie de l’acceptation des risques en équitation ?
1465 P.Jourdain, obs. sous Cass. 2èmeciv., 4 juillet 2002, n°00-20.686, D., somm., p.461; E.Cordelier, obs. sous Cass. 2èmeciv., 4 juillet 2002, n°00-20.686, D., 2003, p.519 1466 D.Zerouki, note sous Cass. 2èmeciv., 28 mars 2002, n°00-10.628, D., p.3237 1467 Respectivement CA Caen, 20 mai 1969, JCP G, II, n°16040 et Cass. 2èmeciv., 20 novembre 1968, Bull. civ. II, n°277, RTD civ., 1969, p.335 1468 J.Mouly, La spécificité de la responsabilité civile dans le domaine du sport, légitime résistance ou inéluctable déclin ?, Revue Lamy Droit Civil, Juillet 2006, n°29 1469 CA Dijon, 7 mai 2004, n°03/00602 1470 D.Antoine, note sous Cass. 2èmeciv., 15 avril 1999, n° 97-15.071, JCP G, 2000, II, n°10317 1471 E.Agostini, note sous Cass. 2èmeciv., 5 juin 1985, n°84-11.786, JCP G, 1987, II, n°20744
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512. Observons que le principe consacré à propos des courses automobiles
énonçait que la victime « connaissait les risques inhérents à pareille épreuve,
découlant non seulement de sa propre conduite, mais également de la
présence des autres concurrents, et avait, par là même, tacitement renoncé à
invoquer contre un concurrent la responsabilité édictée par l’article 1384,
alinéa 1er, du Code civil »1472.
Il a par la suite été appliqué en matière de compétitions équestres1473 puis
étendu à la phase préalable d’entraînement et d’échauffement au sein des
paddocks1474, à la promenade dans les bois1475 ou dans une manade1476.
En revanche, il est possible de s’interroger sur la faculté d’invoquer
l’acceptation des risques dans le cadre d’une chasse à courre1477 ou lors d’un
stage de compétition1478.
513. D’une manière générale, l’acceptation des risques est en rapport avec le
niveau du sportif et les tribunaux recherchent si le parcours ou l’exercice
proposé était bien en rapport avec les compétences du cavalier1479.
Cependant, en matière de compétition de saut d’obstacles, le cavalier ne peut
contester avoir accepté les risques inhérents à la pratique de l’équitation, quel
que soit le niveau, puisque celle-ci s’accompagne d’un risque de chute,
pouvant même entraîner des blessures graves1480.
Dès lors, la question du fondement de cette théorie de l’acceptation des
risques se pose. En effet, il est possible de considérer qu’elle est une
conséquence de l’admission par le droit de la nature du cheval. Mais en
réalité, l’acceptation du risque émanant du cheval est la sanction au défaut de
maîtrise de l’animal. C’est parce qu’il appartient au cavalier de maîtriser
l’animal que, à défaut, la réalisation du risque demeure à sa charge.
1472 G.Durry, obs. sous Cass. 2èmeciv., 8 octobre 1975, n°73-14.214, Bull. civ. II, n°246, RTD civ. 1976, p.357 ; F.Millet, L’acceptation des risques réhabilitée ? Une application aux responsabilités du fait d’autrui, D., 2005, p.2830 et s. 1473 A.Bénabent, note sous Cass. 2èmeciv., 16 juin 1976, JCP G, 1977, II, n°18585 1474 E.Agostini, note sous Cass. 2èmeciv., 5 juin 1985, n°84-11.786, JCP G, 1987, II, n°20744 1475 CA Dijon, 7 mai 2004, n°03/00602 1476 D.Antoine, note sous Cass. 2èmeciv., 15 avril 1999, n° 97-15.071, JCP G, 2000, II, n°10317 1477 CA Paris, 13 mai 1998, Bull. IDE, n°11 1478 CA Nancy, 20 février 2001, Bull. IDE, n°22 1479 E.Wagner, obs. sous CA Paris, 13 septembre 1991, RJES, 1991, n°17, p.50 1480 Cass. 2èmeciv., 3 juin 2010, n°09-13.526
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514. Si le principe est établi, le cavalier n’est toutefois pas censé accepter un
danger occasionné par les infrastructures1481.
Cependant, un cavalier qui chute lors d’un concours de saut d’obstacles
organisé par un centre équestre à l’occasion d’une journée portes ouvertes et
se blesse en heurtant un poteau de la lice de carrière peut être débouté de
son action en responsabilité à l’égard du club hippique1482. En effet, au titre de
son action en réparation des préjudices subis, la victime déplore la présence
d’une lice en béton entourant la carrière où se déroulait le concours, principale
cause de son préjudice, sa tête ayant heurté un poteau en béton de cette
même lice. L’organisateur n’aurait donc pas mis tous les moyens en œuvre
pour éviter la réalisation du dommage. Pour rejeter sa demande, la deuxième
chambre civile de la Cour de cassation souligne le caractère docile du cheval,
un parcours adapté au niveau du cavalier et l’obligation pour le centre de
délimiter l’aire d’évolution par la présence d’une lice, l’équipement étant jugé
conforme aux usages. Dans ces conditions, la Cour de cassation relève que
l’association n’a pas manqué à son obligation de sécurité de moyens et se
rapportant au niveau du cavalier, elle confirme ses capacités à réaliser un
parcours dans le cadre d’un concours organisé par son club hippique,
énonçant en définitive que le cavalier victime « ne peut contester avoir
accepté les risques inhérents à ce genre d’activités »1483.
2- Le risque accepté émanant d’un concurrent : un aléa
sportif
515. Par sa simple participation à une compétition hippique, le cavalier consent à
supporter le risque d’un éventuel dommage causé par un concurrent. La
victime ne peut avoir consenti qu’à un risque normal, c'est-à-dire conforme à
ceux habituellement rencontrés dans la pratique d’un sport. En cas d’accident
1481 A propos d’un risque anormal créé par la présence d’une lice en béton longeant la piste : CA Rennes, 11 février 2009, JurisData n°375811, Bull. IDE, n° 56 ; A propos d’un risque anormal créé par la présence d’une
niveleuse sur une piste adjacente : CA Rouen, 5 octobre 2005, n° 02/04365, Bull. IDE, n°41 1482 Cass. 2èmeciv., 3 juin 2010, n°09-13.526 1483 Cass. 2èmeciv., 3 juin 2010, n°09-13.526
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grave ou de violation des règles sportives par l’auteur du dommage,
l’acceptation des risques ne peut être invoquée1484.
516. La théorie du risque accepté permet ainsi de faire échec à la responsabilité
du gardien d’un cheval de course qui a causé un accident au sein d’un
peloton1485.
La théorie du risque accepté n’est pas la résultante de la consécration de la
nature du cheval par le droit ; bien au contraire, elle est la reconnaissance
d’un aléa sportif car il existe « des risques normaux de la pratique sportive que
les joueurs sont censés avoir acceptés »1486.
D’une manière générale, la présomption de responsabilité du fait des animaux
édictée à l’article 1385 du Code civil peut être mise en échec par la théorie de
l’acceptation des risques. Et d’ailleurs, « l’on ne doit pas s’offusquer de cette
solution qui peut se justifier non seulement d’un point de vue pratique, car il
faut bien reconnaître l’incompatibilité radicale qui existe entre la responsabilité
de plein droit et la pratique sportive, mais aussi sur le plan théorique »1487.
517. La théorie de l’acceptation des risques évite de faire supporter l’aléa sportif
par un concurrent dont la faute n’est pas établie, alors qu’il n’existe par ailleurs
aucune raison déterminante de faire peser le risque réalisé davantage sur un
concurrent quelconque que sur la victime elle-même.
A ce titre, la jurisprudence considère que la pratique de certains sports
engendre des risques normalement prévisibles, et le sportif, participant
sciemment à une activité, est censé en avoir accepté les risques, rendant les
présomptions de responsabilité de plein droit inapplicables en cas de
dommage, sauf à rapporter la preuve que l’auteur du dommage a commis une
faute.
Dans ces conditions, pour engager la responsabilité d’un sportif, il convient
donc de prouver sa faute mais encore convient-il de déterminer si celle-ci peut
1484 CA Rennes, 2 mai 2002, JurisData n°202135 1485 CA Paris, 17 mars 1938, Gaz. Pal. 1938, p.18 ; A.Bénabent, note sous Cass. 2èmeciv., 16 juin 1976, JCP, 1977, II, n°18585 ; CA Paris, 24 janvier 1979, JurisData n°19790036 1486 P.Jourdain, obs. sous Cass. 2èmeciv., 8 avril 2004, n°03-11.653, RTD civ., p.518 1487 J.Mouly, La spécificité de la responsabilité civile dans le domaine du sport, légitime résistance ou inéluctable déclin ?, Revue Lamy Droit Civil, Juillet 2006, n°29
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être une faute simple ou si, au contraire, elle doit constituer une faute
caractérisée.
518. En premier lieu, la démonstration d’une faute est nécessaire et en second
lieu, cette faute doit revêtir une certaine gravité1488.
Pour justifier cette spécificité, le contexte particulier dans lequel se déroulent
les activités sportives est généralement évoqué. Celles-ci supposent en effet
un « dépassement de soi »1489 en ce qu’elles « visent à l’optimisation de ses
potentialités et à la performance, qui supposent un report de ses propres
limites »1490. C’est pourquoi l’on voit parfois dans la spécificité de la
responsabilité civile en matière sportive une simple solution d’opportunité
destinée à permettre au jeu de vivre, mais qui devrait évidemment céder
lorsque l’intérêt supérieur des tiers est en jeu1491.
519. L’application de la théorie de l’acceptation des risques suscite de nombreux
débats doctrinaux. Appliquée dans de nombreux domaines, elle s’exprime
pleinement dans le secteur sportif et plus particulièrement celui de l’équitation.
Un auteur reste attaché à l’idée que le sportif accepte sciemment les risques
liés à la pratique de son activité1492 ; à l’inverse, d’autres souhaitent la
suppression de cette théorie en matière sportive1493.
520. En équitation, la faute civile est constituée par une « violation caractérisée
des règles du jeu »1494 dans l’hypothèse ou un sportif cause un dommage à un
autre sportif1495.
1488 J.Mouly, La spécificité de la responsabilité civile dans le domaine du sport, légitime résistance ou inéluctable déclin ?, Revue Lamy Droit Civil, Juillet 2006, n°29 1489 P.Collomb, Responsabilité civile des sportifs, Lamy Droit du sport, n° 660-5 1490 P.Collomb, Responsabilité civile des sportifs, Lamy Droit du sport, n° 660-5 1491 G.Durry, L’adéquation des notions classiques du droit de la responsabilité au fait sportif, in Les problèmes juridiques du sport, Responsabilité et assurance, Centre de droit du sport, Paris, Economica, 1984, p.19 1492 B.Brignon, note sous Cass. 2èmeciv., 23 septembre 2004, n°03-11.274, D., 2005, p.551 1493 E.Cordelier, obs. sous Cass. 2èmeciv., 4 juillet 2002, n°00-20.686, D., 2003, p.519 ; S.Hocquet-Berg, Vers la suppression de l’acceptation des risques en matière sportive ?, RCA, chron., 2002, p.14 1494 Cass. 2èmeciv., 20 novembre 2003, n°02-13.653, Bull. civ. II, n°356 1495 J-C.Saint-Pau, note sous Cass. 2èmeciv., 20 novembre 2003, n°02-13.653, RCA, chron., p.1 ; J.Mouly, note sous Cass. 2èmeciv., 20 novembre 2003, n°02-13.653, JCP G, 2004, II, n° 10017 ; G.Bouché, Une pierre nouvelle à l’édifice de la responsabilité d’une association sportive du fait de l’un de ses membres, note sous Cass. 2èmeciv., 20 novembre 2003, n°02-13.653, D., 2004, p.300 ; C.Castets-Renard , note sous Cass. 2èmeciv., 20 novembre 2003, n°02-13.653, JCP E, 2004, n°476 ; L.Kaczmarek, note sous Cass. 2èmeciv., 20 novembre 2003, n°02-13.653, LPA, 14 avril 2004, n° 75, p.11 ; C.Radé, note sous Cass. 2èmeciv.,
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La notion surprend en ce sens qu’elle semble apporter une nouvelle coloration
à la notion de faute civile en subordonnant son existence à une certaine
gravité, ce qui est contraire à l’enseignement traditionnel1496. Ainsi, le cavalier
victime doit désormais prouver une faute de l’auteur du dommage pour mettre
en cause une association sportive du fait de l’un de ses préposés comme de
l’un de ses sociétaires puisque la responsabilité d’un tel groupement est
engagée par la preuve d’une faute commise par l’un de ses membres1497.
Certes, la faute est un standard juridique1498 mais en matière sportive, il faut
tenir compte de l’environnement au sein duquel elle se produit. Le contexte
fait naître des circonstances de nature à influencer l’appréciation d’un
comportement fautif, telle la présence de règles du jeu et le consentement de
la victime à participer à une activité à risques.
Il y aurait un certain recul de la faute, on parle, à propos du cavalier en
l’espèce, et du sportif en général, d’« immunité relative »1499.
521. La solution est traditionnelle en ce qu’il suffit « d’une faute caractérisée par
une violation des règles du jeu »1500.
En ce sens, l’accident intervenant lors d’une partie de polo, dont le fait
générateur n’a pourtant pas fait l’objet de sanction du corps arbitral, peut
« constituer une infraction aux règles du jeu de nature à engager la
responsabilité »1501 de son auteur.
13 mai 2004, n°03-10.222, RCA, n°15 ; Cass. 2èmeciv., 21 oct. 2004, n°03-17.910 et n°03-18.942 ; Cass. 2èmeciv., 13 janvier 2005, n°03-18.617 1496 G.Viney et P.Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème édition, 1998, n°599, p. 550 ; F.Terré, P.Simler et Y.Lequette, Droit civil, Les obligations, D., 8ème édition, 2002, n°723, p.698 ; H.Mazeaud, L.Mazeaud et F.Chabas, Leçons de droit civil, Obligations, Théorie générale, 9ème édition, LGDJ, 1998 1497 Cass. 2èmeciv., 20 novembre 2003, n°02-13.653 ; sur l’extension aux associations sportives de la
responsabilité du fait d’autrui fondée sur l’art. 1384 al. 1er C. civ. : Cf. G.Viney, note sous Cass. 2èmeciv.,
22 mai 1995, no92-21.197 et n°92-21.871, Bull. civ. II, n°155, JCP G, 1995, I, n°3893 ; P.Jourdain, obs. sous Cass. 2èmeciv., 22 mai 1995, no92-21.197 et n°92-21.871, RTD civ., 1995, p.899, n°4 ; H.Groutel, note sous Cass. 2èmeciv., 22 mai 1995, no92-21.197 et n°92-21.871, RCA, chron., 1995, p.36 ; F.Chabas, note sous Cass. 2èmeciv., 22 mai 1995, no92-21.197 et n°92-21.871, Gaz. Pal., 1996, 1, p.16 ; F.Alaphilippe, note sous Cass. 2èmeciv., 22 mai 1995, no92-21.197 et n°92-21.871, D., 1996, somm., p.29 1498 J.Flour, J-L.Aubert et E.Savaux, Droit civil, Les obligations, Armand Colin, 2003, Tome II, n°98, p.5 1499 J.Mouly, Sports, D., Répertoire de droit civil, spéc. n°86 1500 Cass. 2èmeciv., 10 juin 2004, n°02-18.649, RTD civ., 2005, p.137 1501 F.Buy, note sous Cass. 2èmeciv., 10 juin 2004, n°02-18.649, JCP G, 2004, II, n°10175 ; P.Polère, note sous Cass. 2èmeciv., 10 juin 2004, n°02-18.649, Gaz. Pal., 2004, p.3821
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Certes, il est classique de considérer que les juges civils ne sont pas tenus
par l’autorité de la chose arbitrée1502 mais il est surprenant qu’il considère une
violation des règles du jeu là où les arbitres en ont décidé autrement.
En définitive, il appartient à la Cour de contrôler la qualification de la faute,
« en n’admettant dans le domaine du sport qu’une faute d’un certain niveau de
gravité mesuré à l’aune du type de sport pratiqué »1503. La faute ordinaire ne
suffit donc pas, il convient de prouver une faute caractérisée.
Si le droit tend à assurer la primauté de la protection de la victime au
détriment de l’auteur du dommage, dans le domaine du sport, ce droit n’a
heureusement pas succombé à « l’idéologie de la réparation »1504.
522. Par conséquent, cette théorie de l’acceptation des risques légitime des
comportements qui, en application des règles classiques de la responsabilité
civile, seraient jugés fautifs. Evidemment, « il n’est pas niable que
l’acceptation des risques, lorsqu’elle est constatée, c’est-à-dire lorsque la
victime s’est exposée en connaissance de cause à un danger réel, est de
nature à modifier l’appréciation de la faute de l’auteur du dommage…»1505 et
« il s’agit sans aucun doute d’une circonstance que les juges prendront en
compte pour déterminer l’étendue du devoir qui s’impose à l’agent »1506.
Cependant, d’un point de vue pratique, « elle aura pour effet de légitimer des
comportements dommageables qui, à défaut, seraient jugés fautifs…
l’acceptation des risques recule ainsi le seuil de la faute en lui imprimant une
certaine spécificité »1507.
523. L’intérêt principal de l’acceptation des risques dans l’équitation est de
justifier la distinction entre « la faute de jeu » et la « faute contre le jeu ». La
première ne serait pas génératrice de responsabilité car elle fait « partie des
risques normaux de la pratique sportive que les joueurs sont censés avoir
1502 F.Alaphilippe et J-P.Karaquillo, obs. sous Cass. 2èmeciv., 21 juin 1979, n°77-15.345, D., IR, p.543 1503 Rapp. C. cass. 2003, Documentation française, 2004, p.452 1504 L.Cadiet, Le juge entre deux millénaires, Mélanges P.Drai, D., 2000 1505 G.Viney et P.Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème édition, 1998, spéc. n° 573 1506 G.Viney et P.Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème édition, 1998, spéc. n° 573 1507 G.Viney et P.Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 2ème édition, 1998, spéc. n° 573
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acceptés »1508. À l’inverse, la deuxième engagerait la responsabilité du sportif
« parce qu’elle expose à des risques anormaux dont on ne peut présumer
qu’ils ont été acceptés par les participants »1509.
Pourtant, il semblerait que le recours à l’acceptation des risques ne soit pas
nécessaire car l’appréciation du comportement du sportif par référence au
critère de l’anormalité est conforme au droit commun de la responsabilité
civile1510. Le risque au sein de l’équitation est une évidence que la Cour de
cassation retient parfois sans que l’on puisse y voir une consécration de
l’acceptation des risques1511. Toute la difficulté réside dans l’appréciation in
abstracto du comportement du cavalier auteur du dommage1512 sauf à
observer quelle aurait été l’attitude d’un sportif raisonnable placé dans les
mêmes circonstances1513.
En définitive, la faute en équitation n’est pas soumise à un régime particulier
différent du droit commun, ce qui diffère d’une situation ordinaire c’est le
contexte particulier dans lequel apparaît cette faute1514, imposant le
rattachement de la faute à l’activité en cours. C’est la raison pour laquelle
« l’acceptation des risques est moins le fruit d’une décision individuelle que la
conséquence d’une situation objective et collective qu’implique la participation
à une compétition »1515.
524. La Cour de cassation semble cependant avoir opéré un revirement de
jurisprudence en la matière en décidant que « la victime d'un dommage causé
par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'article 1384 alinéa
1er, du Code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instrument du
dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des
risques »1516. Dans le présent arrêt, un homme avait été heurté par une
1508 P.Jourdain, obs. sous Cass. 2èmeciv., 8 avril 2004, n°03-11.653, RTD civ. 2004, spéc. p.518 1509 P.Jourdain, obs. sous Cass. 2èmeciv., 8 avril 2004, n°03-11.653, RTD civ. 2004, spéc. p.519 1510 J-C.Saint-Pau, Etudes à la mémoire de Christian Lapoyade-Deschamps, Responsabilité civile et anormalité, Université Montesquieu Bordeaux IV, PUB, p.249 1511 J-P.Karaquillo, obs. sous Cass. 2èmeciv., 5 décembre 1990, n°89-17.698, D.,1991, somm., p.283 1512 N.Dejean de la Bâtie, Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, LGDJ, 1965,spéc. n°195 1513 G.Durry, L’adéquation des notions classiques de la responsabilité au fait sportif, in Les problèmes juridiques du sport, Responsabilité et assurance, Centre du droit du sport, Paris, Economica, 1984, p.37 et 38 1514 G.Auneau et P.Jacq, Les particularismes des contentieux sportifs, JCP G, 1996, I, n°3947 1515 H.Groutel, L’acceptation des risques : dérapage ou décollage ?, RCA, chron., 1999, p.16 1516 Cass. 2èmeciv., 4 novembre 2010, n°09-65.947
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motocyclette alors qu'il pilotait lui-même l'un de ces engins au cours d'une
séance d'entraînement sur un circuit fermé. La Cour de cassation décide que
l'acceptation des risques n'est plus soumise à des conditions, ni restreinte à
un domaine particulier. Cette suppression de l'acceptation des risques,
favorable aux victimes, est toutefois à nuancer dans l’immédiat. Pour qu’elle
soit considérée comme définitive, il faudra encore que la Cour de cassation y
renonce lorsque la responsabilité est fondée sur les articles 1382, 1383 et
1385 du Code civil. Or, à la lecture d’un récent arrêt rendu par la Cour d’appel
de Paris1517, ce revirement n’aura peut-être qu’une portée limitée, en dehors
de l’article 1384 alinéa 1er, tout au moins lorsque la victime est un sportif.
II- Une responsabilité civile délictuelle du fait des animaux autonome
525. Par sa liberté de déplacement indépendamment de toute action humaine, le
cheval est « une source originale de dommages »1518 dont le préjudice en
résultant appelle réparation. En effet, « à cause de la vie et du mouvement qui
le caractérisent, l’animal fait souvent irruption dans le droit de la responsabilité
civile »1519. C’est le cas « lorsqu’une voiture attelée perd une roue qui vient
briser la jambe d’un passant, lorsqu’un poulain confié au maréchal-ferrant
mord un spectateur lors du ferrage »1520… En effet, « le gardien de la voiture
attelée engage sa responsabilité découlant du fait des choses »1521, « le
maréchal-ferrant celle du fait de l’animal qu’il a sous sa garde »1522. Ces deux
textes évoquent « un peu celui d’un parricide dont aurait été victime l’article
1385 du Code civil. Ce texte, en effet, a été absorbé par le régime de
responsabilité du fait des choses, institué à partir de l’article 1384, alinéa 1, à
la conception duquel il avait pourtant pris une part importante »1523.
1517 CA Paris, 28 mars 2011, GAN Société sportive des courses de Toulouse c/ G. ; Cf. Bull. IDE, n°62 1518 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.21 et s. 1519 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.21 1520 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.17 1521 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.17 1522 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.17 1523 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.25
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526. Par la responsabilité civile délictuelle du fait des choses, le Code civil1524
s’intéresse aux choses inertes. En effet, « le principe de la responsabilité du
fait des choses inanimées trouve son fondement dans la notion de garde,
indépendamment du caractère intrinsèque de la chose et de toute faute
personnelle du gardien »1525. Ainsi, « cet article édicte une présomption de
responsabilité à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui
a causé un dommage »1526 et Patrick de Chessé de conclure que « le gardien
de la voiture attelée est-il présumé responsable puisque le dommage a été
causé par la roue »1527.
527. Cependant, le droit organise un régime spécifique de responsabilité civile
délictuelle du fait des animaux1528 en l’absence de lien contractuel entre la
victime et le gardien du cheval. Il s’agit d’une responsabilité de plein droit et
l’article 1385 du Code civil dispose que « le propriétaire d’un animal, ou celui
qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que
l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou
échappé ». C’est un régime particulier de responsabilité dont les origines sont
à rechercher dans l’Ancien droit et, au-delà, dans le droit romain
archaïque1529.
528. Pour l’essentiel, le régime spécial de responsabilité du fait des animaux
s’explique en effet par la combinaison de deux actions connues du droit
romain, l’action de pauperie1530 et l’action de pastu1531. La responsabilité du
fait de l’animal se réfère aux notions de propriété et de garde. Ces « deux
idées sont ici alternatives, et non cumulatives, c'est-à-dire que le propriétaire
n’est responsable qu’en tant que gardien »1532. Ainsi, « si la maîtrise de
1524 Art. 1384 al. 1er C. civ. 1525 Cass. 2èmeciv., 20 novembre 1968, JCP, 1970, II, p.16567 ; RTD civ., 1969, p.337 ; Cass. Ch. réun., 13 février 1930, Arrêt Jand’heur, GAJC, 11
ème édition, n°193 , DP, 1930, 1, p.57 ; S., 1930, 1, p.121 1526 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.19 1527 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.19 1528 Art. 1385 du C. civ. 1529 J.Carbonnier, Droit civil, Les biens, PUF, 1992, spéc. n°255 1530 Action sanctionnant les dommages causés par les animaux et assortie d’une faculté d’abandon noxal au
bénéfice du propriétaire 1531 Action réprimant le pacage sur le terrain d’autrui, préfigurant le mécanisme de réparation des dommages de bêtes de l’Ancien droit coutumier 1532 F.Pasqualini, L’animal et le droit, LPA, 23 novembre 1994, n°140
- 300 -
l’animal a été acquise par une tierce personne, c’est à elle qu’il appartiendra
d’assumer la responsabilité liée aux dommages causés »1533.
529. La responsabilité édictée par l’article 1385 du Code civil, à l’encontre du
propriétaire de l’animal ou de celui qui s’en sert, est fondée sur l’obligation de
garde, corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage qui la
caractérisent1534.
Par définition, « se sert de l’animal, au sens de l’article 1385 du Code civil,
celui qui, par lui-même ou ses préposés, en fait l’usage que comporte
l’exercice de sa profession »1535. Ainsi, celui qui exerce lesdits pouvoirs est
responsable même s’il n’est pas le propriétaire de l’animal1536, ce qui n’est
parfois pas si simple lors d’une épreuve sportive où se succède jockey,
entraîneur, propriétaire et société organisatrice. Pierre Azard parle de
« véritable pari mutuel juridique en bordure des hippodromes »1537.
Par cette construction d’origine prétorienne, les tribunaux sont parvenus à une
conception qui rapproche incontestablement la garde d’un animal et celle
d’une chose inanimée1538. La responsabilité civile délictuelle du fait des
animaux est indifférente à la nature du cheval.
530. La portée de l’article 1385 du Code civil est d’autant plus grande qu’il est
difficile pour le gardien de s’exonérer de sa responsabilité.
La preuve de l’absence de faute du gardien est inopérante, l’article 1385 du
Code civil organisant un régime de responsabilité de plein droit qui ne peut
être écarté que par la preuve d’une faute de la victime1539 ou de la force
majeure1540 et du fait d’un tiers présentant un caractère imprévisible et
irrésistible1541.
1533 A.Esmein, note sous Cass. civ., 18 juin 1896, S., 1897, 1, p.17 1534 Cass. 2èmeciv., 17 mars 1965, JCP, p.14436 1535 Cass. civ., 2 mai 1911, DP, 1911, 1, p.367 1536 Cass. 2èmeciv., 8 juillet 1970, D., p.704 ; Cass. 2èmeciv., 20 novembre 1970, Gaz. Pal., 1971, 1, p.179 1537 P.Azard, note sous CA Paris, 7 juin 1963, D., 1964, 1, p.43 1538 G.Viney, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 1982, n°675 et n°677 1539 Cass. 2èmeciv., 18 octobre 1995, Bull. civ. II, n°242 ; Cass. 2èmeciv., 19 février 1992, Bull. civ. II, n°53 ; Cass. 2èmeciv., 1er avril 1999, JCP, p.10218 1540 Cass. 1èreciv., 9 juillet 2003, n°00-15.975 1541 Cass. Crim., 1er octobre 1997, Bull. crim., n°316
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Il s’agit d’une présomption de responsabilité qui empêche de prendre en
considération le fait que le cheval soit un être vivant autonome en mouvement.
En effet, « lorsqu’il y a fait de l’animal, il n’y a pas à distinguer si le cheval était
ou non tenu en main, monté ou attelé, l’article 1385 est automatiquement
appliqué »1542. Mais « il n’est pas nécessaire qu’il y ait contact entre l’animal et
la victime, le fait du cheval1543 peut entraîner un trouble de voisinage,
l’apparition brusque d’un cheval échappé peut perturber gravement l’équilibre
d’un cardiaque ou obliger un conducteur à donner un coup de volant
intempestif et meurtrier »1544.
C’est ainsi que « la présomption légale de responsabilité édictée par l’article
1385 du Code civil à la charge du gardien de l’animal par le fait duquel est
survenu un accident subsiste, même lorsque cet animal n’est pas entré en
contact avec la victime ; il suffit d’établir que l’accident a eu pour cause
l’animal…spécialement lorsque le brusque écart fait par un cheval, qui se met
à ruer au moment où il va être dépassé par un cabriolet attelé d’un poney,
provoque la chute de ce poney pris de peur, chute qui occasionne des
blessures graves à l’occupant du cabriolet, le propriétaire du cheval est
responsable du dommage ainsi causé »1545.
531. Toutefois, est exonérée la gardienne d’un équidé en raison de la faute
imprévisible et irrésistible commise par une autre cavalière passant trop près
et derrière l’animal, provoquant la réaction de défense de celui-ci1546. De la
même façon, un partage de responsabilité est réalisable lorsque le gardien de
l’animal, en l’occurrence le vétérinaire, « prouve que l’effet d’une cause
étrangère, tel que le fait de la victime, eût-il pu normalement le prévoir et le
surmonter, a cependant concouru à la production du dommage »1547. Mais il
s’agit ici de causes d’exonération classiques relatives au fait du tiers et au fait
de la victime.
1542 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.24 1543 Et Patrick de Chessé de mentionner le bruit, l’odeur ou le crottin 1544 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.24 1545 T. civ. Amiens, 23 mars 1939, Gaz. Pal., I, p.929 1546 Cass. 2èmeciv., 5 octobre 1994, n°92-21.242 1547 Cass. 2èmeciv., 4 octobre 1972, JCP, 1973, p.17450
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532. L’appréciation du moment où s’opère le transfert de la garde permet de
révéler l’identité du gardien.
Or, le propriétaire d’une parcelle sur laquelle sont parqués des chevaux, bien
que n’étant pas propriétaire des animaux, en devient le gardien dès lors qu’il
est investi sur eux des pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage1548. Pour
autant, le propriétaire d’un enclos qui le met à la disposition du propriétaire
d’un animal ne devient pas systématiquement gardien de ce dernier1549.
De la même façon, le propriétaire d’un cheval en pension chez un loueur de
boxes qui, en l’absence de ce dernier, pour lui rendre service, longe un cheval
appartenant à celui-ci et en est blessé d’un coup de sabot, n’est pas considéré
comme le gardien de l’animal1550.
533. L’examen d’un cheval par des acquéreurs potentiels expérimentés entraîne
le transfert de la garde en l’absence du propriétaire1551. Le cavalier qui loue un
cheval pour une promenade sans moniteur s’en voit transférer la garde1552, de
la même façon que le dresseur1553, le jockey entraîneur professionnel1554 ou le
maréchal-ferrant1555 sauf si le propriétaire, accompagnant l’animal, a conservé
un pouvoir de direction sur l’animal ferré ou soigné.
534. Pendant toute la durée des soins, la garde de l’animal est transférée au
vétérinaire qui ne peut alors invoquer l’article 1385 du Code civil dans le cas
où l’animal blesserait son maître1556. Il en va différemment en cas de
stipulation contraire et l’absence de transfert de garde engendre l’absence de
responsabilité du vétérinaire1557. Les juges apprécient souverainement si le
vétérinaire est devenu le gardien, au sens juridique du terme, de l’animal1558
ou non1559. Toutefois, « si le vétérinaire contracte envers son client l’obligation
1548 CA Nancy, 6 septembre 2004, JurisData n°264113 1549 Cass. 2èmeciv., 25 novembre 1992, n°91-15.459 1550 Cass. 2èmeciv., 18 juin 1997, n°95-17.891 et n°95-19.114 1551 CA Bordeaux, 13 décembre 1990, JurisData n°264113 1552 CA Montpellier, 14 mars 1991, JurisData n°034523 1553 CA Dijon, 1er février 1990, JurisData n°041988 1554 CA Aix en Provence, 13 octobre 1987, JurisData n°046429 1555 Cass. 2èmeciv., 4 octobre 1962, D., p.724 1556 Cass. 2èmeciv., 25 octobre 1957, D., 1958, p.25 1557 Cass. 2èmeciv., 6 janvier 1965, Bull. civ. II, n°6, p.4 1558 Cass. 2èmeciv., 25 octobre 1957, Gaz. Pal., 1958, I, p.25 1559 Cass. req., 22 juillet 1930, DH, p.490
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de donner à l’animal malade ou blessé des soins consciencieux, attentifs et
conformes aux données acquises de la science, il ne contracte en revanche
aucune obligation de sécurité envers la personne du client, même s’il se fait
occasionnellement aider par celui-ci »1560. En cas d’accident, le recours ne
peut donc être fondé par la victime que sur la responsabilité délictuelle1561.
Pendant ses séances d’équitation, la cavalière membre d’un club hippique
supporte la garde du cheval qu’elle monte1562. Tel n’est pas le cas pour la
cavalière de circonstance désarçonnée avant d’avoir eu le temps d’exercer les
pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction1563.
535. L’objectif poursuivi par la responsabilité civile délictuelle du fait des animaux
est d’assurer en priorité la réparation de la victime, c’est la raison pour
laquelle, quand le cheval cause un dommage, la loi établit la responsabilité de
l’homme qui en a l’usage1564. Par conséquent, la jurisprudence occulte
volontairement le fait que le cheval soit autonome en mouvement en matière
de responsabilité civile délictuelle aux fins de réparation.
§II- LA « SENSIBILITE » DU CHEVAL SUBORDONNEE
536. La « sensibilité » de l’animal, spécifiquement du cheval, est consacrée
juridiquement ; « d’une chose protégée par le droit en raison de sa seule utilité
à l’homme, l’animal a vu sa prise en compte juridique se modifier et s’élargir
au fil du temps : de chose utile, il apparaît comme un être sensible au gré des
dispositions nouvelles »1565. Puisque chose vivante, le droit assure au cheval
1560 CA Aix-en-Provence, 28 avril 1970, JCP, p.16498 1561 Art. 1385 C. civ. en cas d’accident causé par l’équidé ; Art. 1384 al. 1er en cas d’accident causé par un
instrument échappant au contrôle du prestataire 1562 CA Aix en Provence, 9 octobre 1986, JurisData n°044376 1563 CA Rennes, 1er juillet 1998, JurisData n°043938 1564 M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil français, Les personnes, par J. et R.Savatier, LGDJ, Paris, 1952, p.7, texte et note 3 1565 F.Dumont, L’animal, un être juridiquement en devenir, Revue Lamy Droit Civil, Janvier 2006, p.63 et s.
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le respect du « bien-être des animaux, en tant que créatures douées de
sensibilité »1566.
Cependant, cette « sensibilité » trouble la doctrine puisqu’elle fait partager à
l’animal un trait caractéristique de l’homme. C’est pour cela que Suzanne
Antoine revendique que sa nature juridique soit établie « conformément à sa
véritable nature d’être sensible »1567 ; « c’est donc la sensibilité de l’animal qui
justifierait, a maxima, son extraction de la sphère des biens et, a minima, une
place particulière au sein des biens »1568 résume Jean-Baptiste Seube.
Autrement dit, « prenant de plus en plus de dispositions tendant à améliorer le
sort des animaux, ne serait-ce pas pour transformer leur nature
juridique ? »1569.
Or, la protection du cheval est circonscrite au droit pénal. La réponse à cette
question est donc négative puisque « l’animal peut être utilement protégé tout
en restant un bien, fût il meuble »1570. En réalité, la protection de l’intégrité
physique du cheval « peut être assurée sans lui conférer une qualité de
personne juridique opposée à sa nature : les devoirs imposés aux sujets de
droit suffisent, ainsi l’interdiction des mauvais traitements »1571.
La « sensibilité » du cheval est donc subordonnée à l’homme puisque
l’effectivité de la protection en résultant dépend des devoirs imposés aux
personnes -I- ; l’idée de conférer des droits aux choses vivantes ayant été
réprouvée -II-.
1566 Protocole d’accord additionnel n°10 du Traité d’Amsterdam, publié au JOCE C 340 du 10 novembre 1997,
intégré à ce dernier en vertu de l’art. 311 dudit Traité 1567 S.Antoine, Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005, spéc. p.44 1568 J-B.Seube, Janvier août 2005 : du classicisme et des innovations, Dr. et Patrimoine, 2005, Chron., Droit des biens 1569 A-M.Sohm-Bourgeois, La personnification de l’animal : une tentation à repousser, D., Chron., 1990, p.34 1570 J-B.Seube, Janvier août 2005 : du classicisme et des innovations, Dr. et Patrimoine, 2005, Chron., Droit des biens 1571 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481
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I- Des devoirs imposés aux personnes approuvés
537. La consécration juridique de la « sensibilité » du cheval est limitée en ce
qu’elle requiert l’action de l’homme pour être effective. De la sorte, « les
devoirs imposés aux sujets de droit suffisent, ainsi l’interdiction des mauvais
traitements »1572.
En pratique, « notamment grâce à l’action des associations de protection
animale, les tribunaux sanctionnent des propriétaires ou détenteurs d’équidés
qui se sont abstenus de leur apporter les soins adéquats »1573.
538. Le cheval, « toujours meuble dans la catégorie des biens, est considéré par
le biais des textes spécifiques du Code rural comme un être vivant et sensible,
cette sensibilité fait l’objet d’une protection par le Code pénal »1574. Dit
autrement, « le Code civil dessine l’ossature du régime général de l’animal et
se réfère pour le reste à la législation spécifique en la matière »1575.
Si l’admission en droit de la « sensibilité » du cheval, dont la notion juridique
est utilisée quotidiennement1576 comme de façon spécifique1577, paraissait
rapprocher le cheval de l’être, tel n’est pas le cas. Pour s’épanouir, la notion
est subordonnée à l’homme parce que « l’animal n’a aucune aptitude à la
prise en charge autonome de son intérêt d’être sensible »1578.
1572 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481 1573 M.Carius, Le droit du cheval et de l’équitation, éd. France Agricole, 2005, spéc. p.22 1574 S.Antoine, Le projet de réforme du droit des biens - Vers un nouveau régime juridique de l’animal ?, Rev. Dr. an., Doctrine, janvier 2009 1575 S.Antoine, Le projet de réforme du droit des biens - Vers un nouveau régime juridique de l’animal ?, Rev. Dr. an., Doctrine, janvier 2009 1576 Cf. Pts.474 et s. 1577 Cf. Pts.482 et s. 1578 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481
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II- Des droits conférés aux choses vivantes réprouvés
539. Conférer des droits à une chose vivante, c’est en définitive l’élever au rang
de personne juridique. Il serait donc antinomique de considérer le titulaire de
ces droits comme une chose.
Les tentatives les plus abouties visant à conférer au monde du vivant, animal
comme végétal, la qualité de sujet de droit ont été menées aux Etats-Unis1579.
Mais, « indubitablement, la catégorie juridique des sujets de droits n’épouse
pas les frontières du monde vivant, ni même du monde vivant sensible »1580 et
si une telle suggestion a pu être formulée par certains philosophes et
éthiciens1581, elle n’a pas été consacrée en droit.
540. D’ailleurs, « le fait est qu’à imaginer des droits subjectifs sous le pullulement
des bêtes, les droits archaïques nous semblent avoir fait courir à l’humanité un
péril d’étouffement »1582.
En effet, la personnification du cheval, tour à tour merveilleux, mystérieux,
drôle ou dramatique, est ancestrale1583. Fut un temps où « les bêtes
comparaissaient devant un Tribunal lorsqu’elles étaient coupables de certains
méfaits »1584. Ainsi cité en justice1585, un cheval est condamné à mort en 1389
pour avoir méchamment occis un homme. Dès lors, « d’aucuns ont vu dans
1579 Cf. C.Morris, The rights and duties of Beasts and Trees : a Law Teacher’s Essay for Landscape Architects, The Journal of Legal Education, 1964-1965, n°7, p.189 ; C-D.Stone, Should Trees have standing ? Toward Legal Rights for Natural Objects, Southern California Law Review, 1972, n°45, p.450 et s., à propos de la célèbre affaire opposant les tenants d’une personnification des séquoias centenaires de la Mineral King Valley à la société Disney qui souhaitait implanter une station de sport d’hiver sur le site. La Cour suprême rejeta par quatre voix contre trois l’action engagée au nom des arbres, Cf. Arrêt Sierra Club c/ Morton, 19 avril 1972 1580 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, p.28 1581 Cf. A.Schweitzer, La civilisation et l’éthique, éd. Alsatia, Colmar, 1976 ; P.Taylor, Respect for Nature : a Theory of Environmental Ethics, éd. Princeton University Press, Princeton, 1986 ; A.Schweitzer, La paix par le respect de la vie, éditions La Nuée Bleue, Strasbourg, 1979 ; M.Canto-Sperber, Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, PUF, 1996, à la partie Environnement ; C.Larrère, Les philosophies de l’environnement, PUF, 1997 1582 J.Carbonnier, Droit civil, Les biens, 18ème édition, PUF, 1998, n°225 1583 B.Chèze, Les chevaux, mythes et légendes du monde entier, éd. de La Martinière Jeunesse, 2007 1584 C.Daigueperse, L’animal, sujet de droit : réalité de demain, Gaz. Pal., 1981, p.160 1585 Pour le droit romain : Cf. J.Modrzejewski, Ulpien et la nature des animaux, Academia nazionale dei Lincèi, anno CCCLXXIII, Rome, 1976 ; Pour l’ancien droit : Cf ; P.Giberne, La protection juridique des animaux, Thèse Montpellier, 1931 ; A.Delacour, Les animaux et la loi pénale, Thèse Paris, 1901 ; G.Dietrich, Les procès d’animaux du Moyen-âge à nos jours, Thèse Lyon, éd. Bosc Frères, 1961
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les procès intentés aux animaux au Moyen-âge les prémices d’une défense
juridique de l’animal »1586.
Personnifier l’animal « répond, néanmoins, à un instinct si primitif, si profond
de l’esprit humain qu’il est des résurgences du phénomène1587 même dans le
droit occidental »1588.
541. A la fin du XIXème siècle, Edouard Engelhardt souhaite promouvoir un droit
nouveau attribuant aux animaux « une parcelle, un analogon de la
personnalité humaine »1589. Depuis, le sujet fait florès, « l’animal sujet de droit,
réalité de demain »1590, « l’animal sujet de droit naissant »1591…
Mais, cette prétendue personnalité, qui « serait par nature hémiplégique, et
son octroi inspiré de préoccupations téléologiques »1592, n’a pas été
consacrée en droit.
Certes, « parce que les animaux sont des objets vivants, il faut leur accorder
une protection toute particulière et un traitement privilégié »1593. Cependant,
c’est à l’homme qu’il appartient de veiller à la préservation de l’intégrité
physique du cheval.
SECTION II
UNE LIMITE JUSTIFIEE
542. Que le cheval soit une chose vivante est acquis. Qu’il le demeure en toute
circonstance ne l’est pas. La consécration de la nature du cheval en droit
connaît en effet ses limites : l’autonomie de mouvement du cheval est 1586 C.Daigueperse, L’animal, sujet de droit : réalité de demain, Gaz. Pal., 1981, p.160 1587 Et l’auteur de citer l’animisme et l’anthropomorphisme 1588 J.Carbonnier, Droit civil, les bien, 1ère édition, PUF, 1955, spéc. p.1597 1589 E.Engelhardt, De l’animalité et de son droit, éd. Chevalier-Maresc, 1898, p.124 1590 C.Daigueperse, L’animal, sujet de droit, réalité de demain, Gaz. Pal., 1981, p.160 1591 A.Couret, Note sous Cass. 1èreciv., 8 octobre 1980, D., 1981, p.361 1592 R.Libchaber, Perspectives sur la situation juridique de l’animal, RTD civ., Janvier-Mars 2001, p.241 1593 A-M.Sohm-Bourgeois, La personnification de l’animal : une tentation à repousser, D., Chron., 1990, p.37
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marginalisée et sa « sensibilité » subordonnée à l’homme. Appréhendé de la
sorte par le droit, le cheval est en définitive assimilé à une chose inerte.
Si le droit marginalise l’autonomie de mouvement du cheval, c’est parce que
les effets juridiques attachés à la qualification de chose vivante ne sont pas
satisfaisants pour l’homme, notamment en matière de responsabilité civile1594.
Puisque c’est en vue de l’homme que le droit est constitué1595, l’autonomie de
mouvement du cheval cède face à l’intérêt de l’homme -§I- et cette
construction juridique révèle la frontière entre le cheval et l’homme en droit
-§II-.
§I- L’INTERET DE L’HOMME PRIVILEGIE
543. Il résulte du régime juridique du cheval que le droit se refuse à faire
supporter les effets juridiques attachés à la qualification de chose vivante du
cheval à la personne qui subit le rapport à l’animal -II-. Ainsi, la nature vivante
du cheval s’impose à l’homme uniquement lorsque ce dernier a consenti être
en relation avec l’animal -I-.
I- Le rapport au cheval consenti par l’homme
544. Le cheval est qualifié de chose vivante par le droit lorsque le rapport que
l’homme entretient avec l’animal est consenti.
En matière d’obligations, il est d’ailleurs singulier d’observer que le gardien de
l’animal doit le surveiller, en assurer la sécurité, l’entretenir et le soigner. Il ne
s’agit pas de considérer le cheval comme créancier d’obligations mais il infère
de ce régime juridique particulier que le droit prend en considération la nature
vivante de l’animal pour imposer à son gardien une obligation d’entretien et de
1594 Cf. Pts.525 et s. et spéc. Pt.535 1595 Cf. l’adage romain Homonum causa omne jus constitutum : c’est en vue de l’homme que le droit est
constitué Cf. J.Carbonnier, Droit civil, Introduction. Les personnes. La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. Quadrige, 2004, n°195, p.378
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soins et son autonomie de mouvement pour en faire découler une obligation
de surveillance et de sécurité.
545. Le droit impose donc au gardien du cheval des obligations singulières. Dans
cette hypothèse, la relation que l’homme entretient avec l’animal est consentie
puisque c’est de son plein gré que le gardien est en contact avec le cheval,
qu’il s’agisse du propriétaire lui-même, ou d’un prestataire comme le
transporteur, le dépositaire, le maréchal-ferrant… Quelle que soit l’hypothèse
envisagée, le gardien consent à intervenir auprès de l’animal. C’est parce que
la relation avec le cheval est consentie par l’homme que le droit prend en
considération la nature vivante du cheval.
C’est ainsi que l’obligation de sécurité, retenue doctrinalement à l’égard des
biens1596 mais discutée pour les choses inertes, est en revanche
expressément admise à l’égard des animaux parce qu’ils sont doués de
vie1597. Et une telle obligation est principalement de moyens à raison de leur
autonomie de mouvement1598.
546. En matière de responsabilité civile, la solution est identique. En effet,
lorsque la relation avec l’animal est consentie, promenade en foret, séance
d’équitation, compétition équestre… le cheval est considéré par le droit
comme une chose vivante, donc autonome en mouvement.
L’autonomie de mouvement est inhérente au cheval et ce qui préoccupe le
droit c’est cet état vif car il est source de moindre maîtrise pour l’homme
comme de danger potentiel. En effet, « l’animal a une activité propre et peut,
de lui-même causer un préjudice »1599.
547. Lorsqu’il s’agit d’appréhender la relation du prestataire de soins avec
l’animal, le droit considère que le « travail à effectuer sur une matière vivante
1596 H.Mazeaud, J.Mazeaud et L.Mazeaud, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et contractuelle, 6ème édition, Montchrestien, Paris, 1978 1597 Cass. 2èmeciv., 22 novembre 1950, JCP G, 1950, II, p.5924 ; A.Bénabent, note sous Cass. 1èreciv., 15 avril 1980, Bull. civ. I, n°115, JCP G, 1980, II, p.19402 ; Cass. 1èreciv., 10 mai 1989, Bull. civ. I, 1989, n°193 ; CA Lyon, 17 janvier 1977, D., p.443 1598 Cf. Cass. 1èreciv., 15 avril 1980, Bull. civ. I, 1980, n°115 pour un contrat de dressage ; Cass. 1èreciv., 10 juillet 1979, Bull. civ. I, n°207 pour une clinique vétérinaire ; Cass. 1èreciv., 13 décembre 1988, Bull. civ. I, n°359 1599 G.Ripert, DP, 1922, 1, p.125
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qui s’apparente à une chirurgie simple, ne saurait être assimilée à l’ouvrage
d’un artisan sur une matière inanimée ; le praticien est seulement tenu de
l’obligation d’opérer avec la conscience et la prudence requise conformément
aux données acquises de la technique »1600. En effet, « il semble absurde
d’exiger du vétérinaire une guérison après chaque visite ou traitement »1601.
Le droit exprime l’idée selon laquelle le régime juridique d’une chose vivante
est distinct de celui d’une chose inerte.
548. Puisque le cheval est une chose vivante, « il parait exorbitant d’obliger le
moniteur à promettre que tout cavalier à lui confié sera sain et sauf à la fin de
la reprise »1602. Le droit prend en compte l’imprévisibilité du comportement de
l’animal pour exonérer le centre équestre de sa responsabilité, qu’il s’agisse
d’un cheval qui se cabre1603 ou part au galop1604 pour une raison
indéterminée, comme d’un cheval effrayé alors qu’il n’était ni peureux, ni plus
effrayé qu’un autre par la circulation1605.
549. Lorsque l’homme a consenti être en relation avec le cheval, le droit
considère l’animal comme une chose vivante. En définitive, l’homme sait qu’il
monte, dresse, soigne… un cheval qui n’est autre qu’une chose vivante
autonome en mouvement. Pour l’homme consentant être en rapport avec un
cheval, il existe une acceptation du risque au sens commun du terme1606, de
l’imprévisibilité du comportement de l’animal.
C’est la raison pour laquelle le droit accorde au niveau d’équitation du cavalier
une importance particulière. En effet, « la faute qui peut être légitimement
reprochée au professeur d’équitation doit résider non point dans le fait de
n’avoir pas soustrait son élève à toute embûche, mais seulement dans le fait
de l’avoir mis en présence d’obstacles disproportionnés avec son aptitude à
les surmonter »1607. C’est ainsi que doit être fourni aux cavaliers « des
1600 CA Angers, 10 janvier 1950, D., 1951, I, p.30 1601 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.13 1602 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, p.13 1603 CA Nîmes, 19 juin 2001, JurisData n°181231 confirmé par Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°01-16.350 ; Cass. 1èreciv., 17 février 1982, Bull. civ. I, n°82 1604 CA Besançon, 16 mai 1991, Gaz. Pal., 1992, 1, somm., p.70 1605 Cass. 2èmeciv., 25 mai 1971, Bull. civ. II, n°186, p.132 1606 Pour le sens juridique de l’acceptation des risques : Cf. Pts.504 et s. 1607 CA Paris, 7 décembre 1968, D., 1968, p.26
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chevaux non vicieux et adaptés à leur niveau de pratique »1608, « à l’élève un
cheval correspondant à sa capacité »1609 et non des chevaux « un peu
vifs »1610 ou qui ont tendance « à fuir en direction de l’écurie »1611 en présence
de débutants.
Autrement dit, le cavalier fait face à une chose vivante dont il reconnaît
l’autonomie de mouvement. Le droit en prend acte et impose ainsi au centre
équestre de veiller à l’existence d’une proportionnalité entre l’animal, le
parcours et le niveau d’équitation du cavalier.
550. Cette considération pour des caractéristiques inhérentes au cheval, et
dérivant de sa nature vivante dotée d’une autonomie de mouvement, le
distingue naturellement des choses inertes. Cependant, une illustration permet
de concevoir la façon dont le droit fait osciller le cheval entre la chose vivante
et la chose inerte.
551. Prenons l’exemple d’un cheval appartenant à un propriétaire d’écurie qui
dispense personnellement des cours d’équitation.
Si l’animal cause un accident à un cavalier durant une leçon d’équitation, c’est
la responsabilité contractuelle du propriétaire enseignant qui est engagée. Or,
en démontrant que le fait générateur de l’accident est lié à l’imprévisibilité1612
du comportement du cheval, tel le fait qu’il se soit cabré sans raison
apparente1613 ou qu’il ait fuit au galop pour une raison indéterminée1614, le
propriétaire enseignant peut s’exonérer de sa responsabilité.
Le cheval est en effet une chose vivante et le cavalier accepte un risque
inhérent à l’imprévisibilité du comportement de l’animal. L’absence de faute du
propriétaire enseignant, le cheval ayant répondu pour des raisons ignorées à
son seul instinct, prive le cavalier de la réparation de son préjudice.
1608 Cass. 1èreciv., 17 février 1982, Bull. civ. I, n°82 1609 CA Paris, 29 novembre 1958, D., 1959, p.167 1610 CA Lyon, 13 mars 2003, JurisData n°209584 1611 Cass. 1èreciv., 4 mars 1980, Bull. civ. I, n°77 ; Cass. 1èreciv., 10 février 1987, D., somm., p.467 1612 Cass. 1èreciv., 16 mars 1970, Bull. civ. I, n°103 ; CA Toulouse, 14 janvier 2003, JurisData n°206574 ; C.Dudognon, note sous CA Paris, 28 janvier 2003, D., 2003, p.2539 1613 CA Nîmes, 19 juin 2001, JurisData n°181231 confirmé par Cass. 1èreciv., 22 juin 2004, n°01-16.350 ; Cass. 1èreciv., 17 février 1982, Bull. civ. I, n°82 1614 CA Besançon, 16 mai 1991, Gaz. Pal., 1992, 1, somm., p.70
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552. Or, tel n’est pas le cas si ce même cheval s’évade de l’écurie durant la nuit,
divague au bord d’une voie publique et occasionne des lésions identiques à
un cycliste. Dans cette hypothèse, c’est la responsabilité civile délictuelle qui
s’applique et il s’agit d’une responsabilité sans faute à laquelle il est difficile
d’échapper. Cette responsabilité rapproche incontestablement la garde d’un
animal de celle d’une chose inanimée1615 et occulte les caractéristiques du
cheval. Dès lors, la victime est indemnisée par le propriétaire de l’animal, peu
importe que le cheval ait agi selon son propre instinct.
Malgré une identité d’animal, de fait générateur1616 et de dommage1617,
lorsque le rapport entre le cheval et l’homme est subi par ce dernier, le cheval
est assimilé en droit à une chose inerte.
II- Le rapport au cheval subi par l’homme
553. La relation entre l’homme et le cheval n’est pas toujours consentie, il est des
hypothèses de rencontres fortuites et malheureuses. Le cheval n’en demeure
pas moins être une chose vivante, surtout « lorsqu’il y a fait de l’animal »1618.
Cependant, le droit occulte volontairement la nature du cheval lorsque
l’homme subit la relation avec l’animal et « il n’est pas nécessaire qu’il y ait
contact entre l’animal et la victime, le fait du cheval1619 peut entraîner un
trouble de voisinage, l’apparition brusque d’un cheval échappé peut perturber
gravement l’équilibre d’un cardiaque ou obliger un conducteur à donner un
coup de volant intempestif et meurtrier »1620. En définitive, en matière de
responsabilité civile délictuelle, « il suffit d’établir que l’accident a eu pour
cause l’animal »1621 pour engager la responsabilité de son gardien.
1615 G.Viney, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 1982, n°675 et n°677 1616 Dans les deux hypothèses, le fait générateur de l’accident est la vivacité de l’animal qui a agi, pour des
raisons ignorées, selon son propre instinct 1617 Les lésions au cavalier comme au cycliste sont identiques 1618 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.24 1619 Et Patrick de Chessé de mentionner le bruit, l’odeur ou le crottin 1620 P.De Chessé, Equitation et droit, éd. Crépin-Leblond, 1997, spéc. p.24 1621 T. civ. Amiens, 23 mars 1939, Gaz. Pal., 1939, I, p.929
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554. L’objectif poursuivi par la responsabilité civile délictuelle est d’assurer en
priorité la réparation de la victime. C’est la raison pour laquelle, quand le
cheval cause un dommage, la loi établit la responsabilité de l’homme qui en a
l’usage1622.
Le droit occulte alors volontairement la nature vivante du cheval dans un souci
d’indemnisation de la victime. C’est « l’idéologie de la réparation »1623 qui
triomphe. Le droit nie sciemment que « l’animal ne s’immobilise pas en
échappant à la surveillance de l’homme et que lorsqu’il devient livré à lui-
même, la vie et l’autonomie qui le caractérisent le conduisent à commettre de
nouveaux et nombreux ravages qu’il importe de prévenir, quand bien même
aucune faute n’aurait été commise dans sa surveillance »1624.
555. La jurisprudence précédemment citée sur la frayeur d’un équidé1625 a incité
Jean-Pierre Marguénaud à supposer qu’elle consacre « l’autonomie du vice
interne au regard de l’article 1385 »1626 du Code civil. Autrement dit, même en
matière de responsabilité civile délictuelle, il existerait une cause
d’exonération de responsabilité tirée d’une caractéristique inhérente à l’animal.
Or, si cette jurisprudence rend irresponsable le propriétaire d’un cheval sur le
fondement de la responsabilité civile délictuelle du fait des animaux, c’est
parce que les faits d’espèce permettent une réparation de la victime par une
tierce personne. En effet, la finalité de l’assimilation du cheval à une chose
inerte lorsque la relation entre l’animal et l’homme est subie par ce dernier est
l’indemnisation de la victime. Or, dans le cas d’espèce précité, la frayeur du
cheval est engendrée par la chute des bagages arrimés à un véhicule en
cours de dépassement. Le préjudice subi par les passagers du véhicule
dépassé du fait de la collision avec l’animal effrayé trouve son origine dans la
chute des bagages du premier véhicule. Les victimes peuvent donc
légitimement être indemnisées par le gardien de ce véhicule.
Cette jurisprudence, qui a toutefois le mérite de préciser le rôle de la frayeur
d’un animal dans la survenance d’un dommage, demeure une application
1622 M.Planiol et G.Ripert, Traité pratique de droit civil, Les personnes, par J. et R.Savatier, LGDJ, Paris, 1952, p.7, texte et note 3 1623 L.Cadiet, Le juge entre deux millénaires, Mélanges P.Drai, D., 2000 1624 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.83 1625 Cf. pt.451 1626 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, spéc. p.100
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traditionnelle de l’article 1385 du Code civil qui organise un régime de
responsabilité de plein droit susceptible d’être écarté par la preuve du fait d’un
tiers présentant un caractère imprévisible et irrésistible1627. Si le cheval avait
été effrayé pour une raison indéterminée1628, il est fort à parier que
« l’idéologie de la réparation »1629 aurait triomphé de la nature vivante de
l’animal.
556. Le cheval oscille ainsi entre une qualification de chose vivante et une
qualification de chose inerte en fonction du caractère consenti ou subi du
rapport que l’homme entretient avec l’animal. En définitive, la nature juridique
du cheval dépend de la volonté préalable de l’homme à entretenir un rapport
avec l’équidé.
Si l’homme est dans une relation consentie avec le cheval, l’animal est qualifié
de chose vivante et son autonomie de mouvement admise.
Si l’homme est dans une relation subie avec le cheval, l’animal est qualifié de
chose inerte et sa nature est alors volontairement occultée.
557. Il semble possible d’affirmer que le régime juridique d’une chose vivante et
d’une chose inerte diffère, contrairement à Charles Demolombe qui pensait
que « cette différence naturelle n’est en droit d’aucune importance, et ne
produit pas d’ailleurs, entre les uns et les autres, de différences légales »1630.
Tandis que la première est source d’obligations singulières pour son gardien
mais aussi un tempérament à sa responsabilité car le droit considère
l’autonomie de mouvement de la chose, la seconde occulte toute spécificité de
la chose et induit l’application du régime juridique des choses inanimées.
A l’égard du cheval, cette différence s’exprime en matière de responsabilité
civile par le fait qu’une même lésion survenue à cause du même animal
conduit à engager la responsabilité de son gardien lorsque la victime subit le
préjudice, - l’animal étant alors assimilé à une chose inerte -, et à l’exonérer
sous certaines circonstances lorsque la victime a consenti être en relation
avec le cheval - ce dernier étant alors considéré comme une chose vivante -.
1627 Cass. Crim., 1er octobre 1997, Bull. crim., n°316 1628 Nous pourrions supposer le passage d’un animal de campagne dans le pré 1629 L.Cadiet, Le juge entre deux millénaires, Mélanges P.Drai, D., 2000 1630 C.Demolombe, Cours de Code civil, De la distinction des biens, éd. Stienon, 1854
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Lorsque la relation avec le cheval est subie par l’homme, la volonté de réparer
le préjudice de la victime prime la nature du cheval.
En définitive, face à la nature vivante du cheval, l’intérêt de l’homme est
privilégié ; « le cheval a de tout temps été soumis à l’homme et a partout suivi
ses destins »1631, en fait comme en droit…
§II- LA FRONTIERE ENTRE LE CHEVAL ET L’HOMME REVELEE
558. Si, au stade de la qualification juridique du cheval, l’intérêt de l’homme est
privilégié, c’est parce qu’il existe entre la chose vivante et l’être juridique une
irréductibilité. Bien que controversée -I-, cette construction juridique est
pourtant la manifestation de l’existence d’une frontière inéluctable entre le
cheval et l’homme -II-.
I- Une frontière controversée
559. C’est la consécration de la « sensibilité » animale qui conduit un courant
doctrinal à considérer l’absence de frontière entre animalité et humanité. En
sa qualité d’espèce appartenant au règne animal, le cheval est concerné par
la controverse.
Que le cheval se distingue de l’homme en droit est ainsi discuté, tant en
doctrine qu’en jurisprudence. Le tribunal correctionnel de Strasbourg
proclamait que « depuis la loi du 2 juillet 1850, dite Loi Grammont, les efforts
du législateur ont tendu vers une protection plus grande et plus efficace de
l’animal devenu sujet de droit en 1976 »1632.
La récurrence des discours anthropomorphistes se fonde sur la « sensibilité »
de l’animal, dont le caractère commun au cheval et à l’homme « justifierait, a
1631 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.24 1632 T. corr. Strasbourg, 13 mai 1982, BJIPA, n°105, p.72
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maxima, son extraction de la sphère des biens et, a minima, une place
particulière au sein des biens »1633.
560. Ainsi, « si certains souhaitent à toute force le sortir de la catégorie des
choses, c’est pour le faire quitter la condition des biens et protéger l’être
sensible par delà les utilités qu’il présente pour son maître »1634.
Pourtant, le cheval démontre qu’il existe au contraire entre ses
caractéristiques utile et « sensible » une réelle complémentarité, que la
convention de partenariat conclue entre France Galop et la Ligue Française
pour la Protection du Cheval met en exergue habilement. Cette convention
révèle que l’appropriation du cheval eu égard son utilité est l’instrument, par
l’intermédiaire de l’exercice du droit de propriété, de la préservation de
son « bien être » en tant que créature douée de « sensibilité ».
Si « la jurisprudence récente démontre que l’assimilation de l’animal à la
chose ne satisfait plus les praticiens du droit, conscients d’avoir à prendre en
considération l’aspect sensible et vivant de l’animal »1635, la complémentarité
entre les caractéristiques utile et « sensible » du cheval est rédhibitoire à tout
antagonisme, et vouloir assurer la primauté de la sensibilité nous parait vain.
561. Thierry Revet résume habilement : « si la tradition voit en lui une chose,
cette vision est écornée par des dispositions qui marquent l’animal de la
considération que l’on a pour les êtres : ainsi la répression des sévices et
traitements cruels infligés aux animaux1636 ou l’affirmation de la qualité d’être
sensible de l’animal1637 »1638. Or, le cheval est une chose vivante et sa
protection « peut être assurée sans lui conférer une qualité de personne
juridique opposée à sa nature »1639. D’ailleurs, « la catégorie juridique des
1633 J-B.Seube, Janvier août 2005 : du classicisme et des innovations, Dr. et Patrimoine, Chron., Droit des biens, 2005 1634 G.Loiseau, Pour un droit des choses, D., 2006, p.3015 1635 S.Antoine, Un animal est-il une chose ?, Gaz. Pal., 7 mai 1994, p.594 1636 Art. 521-1 C. pén. 1637 Art. 9 de la loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature 1638 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1639 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481
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sujets de droits n’épouse pas les frontières du monde vivant, ni même du
monde vivant sensible »1640.
La controverse est donc d’ordre sémantique et le cheval s’émancipe de la
vision traditionnelle des choses pour s’affirmer comme une chose vivante dont
la « sensibilité » est consacrée. Cependant, si de chose il devient chose
vivante, le cheval n’en est pas pour autant assimilé à un être juridique.
562. Thierry Revet en fait l’observation : « il est possible que ces évolutions ne
suffisent pas à consommer un changement de catégorie de l’animal »1641.
Puisqu’il est une chose vivante, le cheval doit faire l’objet d’une protection
mais il « peut être utilement protégé tout en restant un bien, fût il meuble »1642.
Dès lors, il est malvenu d’évoquer « le sentiment d’être en face d’une
construction à laquelle il manque une pièce »1643 car il n’y aurait « aucune
place disponible pour y faire entrer l’animal »1644. En effet, « la qualité d’être
sensible de l’animal s’accommode avec sa qualification de chose puisque la
reconnaissance de l’animal comme être sensible ne l’affirme pas, pour autant,
comme sujet »1645.
Suzanne Antoine le reconnaît : « dans la mesure où l’animal sera, dans un
texte clair, reconnu dans sa nature particulière d’être vivant doué de sensibilité
et d’une certaine forme d’intelligence, le fait qu’il soit classé dans la catégorie
des meubles n’est pas choquant puisqu’il est objet de droits réels, ce qui, par
ailleurs, ne fait pas obstacle à la protection qui lui est due »1646.
563. Puisque le droit est un autre monde1647, pourquoi ne pas laisser « à la chose
sa signification technique : elle est alors tout ce qui n’est pas personne, et rien
n’empêche de doter ces choses de régimes de protection »1648 ?
1640 S.Desmoulin, L’animal, entre science et droit, Thèse Aix-Marseille, PUAM, 2006, spéc. p.28 1641 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1642 J-B.Seube, Janvier août 2005 : du classicisme et des innovations, Dr. et Patrimoine, Chron., Droit des biens, 2005 1643 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651 1644 S.Antoine, L’animal et le droit des biens, D., 2003, p.2651 1645 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481 1646 S.Antoine, Un animal est-il une chose ?, Gaz. Pal., 7 mai 1994, p.595 1647 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998 1648 M-A.Hermitte, Le droit est un autre monde, Revue Enquête, n°7 sur Les objets du droit, 1998
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Ainsi, « affirmer que l’animal est une chose rappelle simplement que l’animal a
une existence propre et qu’il ne se confond pas avec l’homme… cette
existence propre et cette irréductibilité à l’homme sont les seuls
dénominateurs communs des choses : la lumière, les liquides, les voitures, le
vent, les animaux, les arbres, les montagnes… sont des choses et donnent un
aperçu de leur infini… affirmer que l’animal est une chose ne revient donc pas
à le comparer à une armoire ou à une voiture »1649.
Bien que controversée, la frontière entre l’homme et le cheval est pourtant
inéluctable : le premier est un être juridique, le second une chose. Une chose
vivante cependant mais, quel que soit l’admission par le droit de sa nature,
cela ne l’affirme pas pour autant comme un être.
II- Une frontière pourtant inéluctable
564. En droit positif, l’homme est une personne juridique et le cheval une chose.
De la distinction des personnes et des choses, « les premières sont des sujets
de droit, c'est-à-dire que la volonté autonome dont elles sont animées en fait
de parfaits supports de droits et d'obligations, tandis que les secondes ne sont
rien d'autre que l'objet des désirs des premières »1650. Cette « division
personne chose est fondamentale et primordiale parce qu’elle répartit
l’ensemble des éléments saisis par le système juridique en deux groupes qui
se définissent notamment par leur opposition »1651.
La frontière entre la personne et la chose est affirmée. La question est alors
légitime : au sein de cette summa divisio, où situer la chose vivante ?
565. L’étude du statut juridique du cheval révèle qu’il obéit à une qualification
traditionnelle de chose. Sa nature admise par le droit, il devient une chose
vivante mais l’assimilation du cheval et de l’homme ne saurait être
1649 J-B.Seube, Janvier août 2005 : du classicisme et des innovations, Dr. et Patrimoine, Chron., Droit des biens, 2005 1650 R.Libchaber, Perspectives sur la situation juridique de l’animal, RTD civ., 2001, p.239 1651 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479
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juridiquement envisagé quel que soit l’autonomie de mouvement et la
« sensibilité » du premier.
566. D’abord, l’être juridique dispose d’une volonté autonome qui en fait un
parfait support « de droits et d'obligations »1652. En revanche, « l’absence
ontologique d’aptitude des animaux à l’autonomie juridique, et son inutilité
pour leur protection, font des choses et des biens le cadre indépassable de
leur appréhension par le droit »1653. Ainsi, le cheval « n’a aucune aptitude à la
prise en charge autonome de son intérêt d’être sensible et la défense de celui-
ci peut être assurée sans lui conférer une qualité de personne juridique
opposée à sa nature : les devoirs imposés aux sujets de droit suffisent, ainsi
l’interdiction des mauvais traitements »1654.
Cette absence d’aptitude du cheval à l’autonomie juridique le distingue de
l’être juridique. D’ailleurs, si l’expression de sa « sensibilité » est subordonnée
à l’homme, c’est parce que contrairement à ce dernier, il est incapable
d’assurer personnellement la sauvegarde de ses intérêts.
567. Ensuite, il résulte de l’opposition entre l’être et la chose que le second est
l’objet des désirs du premier. Or, le cheval est effectivement désiré par
l’homme1655 mais, en revanche, son rapport au monde extérieur n’est pas
accompagné de désir. En effet, le rapport entre la chose et le cheval procède
de la théorie là où le rapport de l’homme au monde extérieur est fondé sur le
désir1656. Le cheval agit principalement par besoin1657, selon une mécanique
susceptible d’être théorisée, alors que l’homme est sujet au désir1658.
1652 R.Libchaber, Perspectives sur la situation juridique de l’animal, RTD civ., Janvier-Mars 2001, p.239 1653 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.479 1654 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481 1655 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848 1656 Cf. B.Spinoza, Ethique, III, Prop.9, scolie ; Cf. également J.Lacan, Le séminaire, Les formations de l’inconscient, Livre V, éd. Seuil 1657 S.Carfantan, Leçon 35 : Philosophie et spiritualité, le vivant et l’inerte, 2002 ; l’auteur précise que « dans son milieu, il (le vivant) puise ce dont il a besoin pour sa nutrition et sa respiration. Nous voilà en présence de concepts typiques du vivant : nous venons de parler de besoin » 1658 Cf. J.Lacan, Le séminaire, La relation d’objet, Livre IV, éd. Seuil
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568. En philosophie, la définition du phénomène est précise : « l’animal est dans
un rapport théorétique avec les choses… c’est un rapport qui n’est pas
accompagné de désir… l’animal, en tant qu’être sentant, lorsqu’il éprouve
l’action d’un objet externe, trouve en lui-même sa satisfaction, et c’est sur
cette satisfaction qu’est fondé le rapport théorétique »1659.
Autrement dit, le comportement du cheval et de l’homme dans leur relation
avec le monde extérieur diffère. L’un est donc être juridique parce qu’il
manifeste une volonté autonome, l’autre une chose parce qu’il en est
dépourvu.
569. L’être juridique accède et participe au commerce juridique. Or, « cette
inutilité, pour l’animal, de l’accès au commerce juridique distingue alors sa
situation de celle des personnes morales »1660. Ainsi, « le groupement de
personnes ou de biens aspire à la personnalité parce qu’il a besoin de venir
au commerce juridique : il doit emprunter, acheter, vendre, louer,
embaucher… »1661. Le parallèle avec la personne morale est ici révélateur car,
au contraire de cette dernière, le cheval n’est pas un acteur du commerce
juridique mais un instrument, ce qui le conduit indubitablement à être distingué
des êtres juridiques dont il est au contraire l’objet. C’est bien lui qui est loué,
acquis, vendu, travaillé…
Distinct de l’être juridique, le cheval est donc une chose. Cependant, sa nature
est admise par le droit, aussi est-il plus qu’une simple chose : il est une chose
vivante.
1659 G-W-F.Hegel, Philosophie de la nature, trad. A.Véra, Paris, Librairie philosophique de Ladrange, 1866, Tome III, §351, p.200 et 201 1660 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481 1661 T.Revet, Loi n°99-5 du 6 janvier relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, RTD civ., 1999, p.481
- 321 -
CONCLUSION
La nature du cheval est admise par le droit, ce qui fait du cheval, outre une chose,
une chose vivante.
Cette évolution est déterminée par l’admission en droit de l’autonomie de
mouvement et de la « sensibilité » du cheval.
Puisque autonome en mouvement, l’imprévisibilité du comportement du cheval et
le niveau d’équitation du cavalier sont pris en considération par le droit et
l’obligation de surveillance et de sécurité du cheval est imposée.
Puisque « sensible », l’intégrité physique du cheval est protégée pénalement et la
préservation de son « bien-être » fait l’objet d’une illustration unique grâce à une
convention de partenariat conclue entre la Ligue Française pour la Protection du
Cheval et France Galop.
Cependant, sitôt admise, la nature vivante du cheval est récusée par le droit afin
de limiter les effets juridiques qui y sont attachés.
L’autonomie de mouvement du cheval est marginalisée, ce qui mène à
l’observation d’une responsabilité civile quasi indifférente à la nature du cheval et
d’une responsabilité civile délictuelle du fait des animaux autonome.
L’expression de la « sensibilité » du cheval est subordonnée à l’homme, de sorte
que l’effectivité de la protection de l’intégrité physique du cheval dépend en
définitive de l’homme.
D’apparence contradictoire, cette construction juridique est pourtant justifiée.
Il s’agit de conserver à l’esprit que c’est en vue de l’homme que le droit est
constitué1662 . Dès lors, le droit s’efforce de ne pas faire supporter les effets
juridiques attachés à la qualification de chose vivante du cheval à une personne
qui subit le rapport à l’animal, la seule façon d’aboutir à ce résultat étant d’occulter
volontairement la nature du cheval. Par principe, le cheval est donc une chose
vivante et, par exception, une chose inerte. L’exception, dont la fréquence pourrait
faire douter du caractère exceptionnel, est justifiée par l’intérêt supérieur de
l’homme.
1662 Cf. l’adage romain Homonum causa omne jus constitutum : c’est en vue de l’homme que le droit est
constitué Cf. J.Carbonnier, Droit civil, Introduction. Les personnes. La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. Quadrige, 2004, n°195, p.378
- 322 -
2ème PARTIE
CONCLUSION
La détermination de la nature juridique du cheval permet de reconnaître que ce
qui le caractérise et lui a procuré un rôle déterminant aux côtés de l’homme est
pris en considération par le droit.
Il en résulte une évolution de sa nature juridique. Mais à l’admission de la nature
du cheval en droit succède instantanément une limitation des effets juridiques qui
y sont attachés. La consécration juridique de la nature du cheval est donc limitée
afin de privilégier l’intérêt de l’homme. Cette construction juridique est révélatrice
de la manière dont le droit appréhende le cheval.
D’abord, sitôt confondu avec les choses dont il emprunte la qualification, le cheval
s’en distingue par sa nature propre. Là où la chose est par principe inerte, le
cheval est vivant, donc autonome en mouvement, susceptible d’évoluer à force
d’entraînement ou de dressage… Le cheval en droit c’est donc, outre une chose,
une chose vivante.
Ensuite, la qualification de chose vivante du cheval, exprimée notamment par
l’admission de son autonomie de mouvement, n’est pas sans effet en droit de la
responsabilité où l’imprévisibilité du comportement de l’animal devient une cause
d’exonération. Pour la victime du cheval, la conséquence directe de cette
admission de la nature de l’animal est une absence de réparation, justifiant que
l’application du régime juridique de la chose vivante soit marginalisée. Dans cet
esprit, le cheval est tantôt une chose vivante, tantôt une chose inerte.
Application, adaptation, limitation : voila le triptyque révélateur de la nature
juridique du cheval.
Application d’abord parce que le cheval obéit aux classifications juridiques
traditionnelles. Il est chose et bien meuble pour le droit et force est de constater
que, dans l’ensemble, les solutions en résultant lui sont d’une application
satisfaisante.
Adaptation ensuite parce que le droit ne pouvait ignorer certaines caractéristiques
du cheval - imprévisibilité du comportement, évolution au gré de la vie qui
l’anime… - au risque de maintenir des solutions juridiques inadaptées.
- 323 -
Appréhendé selon sa nature par le droit, le cheval est alors qualifié de chose
vivante.
Limitation enfin parce que la consécration juridique de sa nature vivante est
marginalisée afin de privilégier l’intérêt de l’homme.
- 324 -
CONCLUSION GENERALE
« Le particularisme est difficile à maintenir…
chassez le droit commun, il revient au galop »
P.Malaurie et L.Aynès, Droit civil. Les contrats
spéciaux, éd. Cujas, 1986, spéc. n°465
- 325 -
Une étude sur le statut juridique du cheval ne pouvait s’affranchir de préciser à
titre liminaire ce que le cheval représente pour l’homme. Animal mythique et
sacralisé1663, « plus noble conquête »1664, « serviteur de l’homme »1665… nul
besoin de développer, démonstration était faite que le cheval a joué un rôle
déterminant dans la vie humaine. Et puisque le droit est toute la vie1666, il était
possible d’imaginer que ce lien entre le cheval et l’homme, de nécessité hier et
d’utilité aujourd’hui, s’exprime au plan juridique par un traitement singulier du
cheval.
Mais l’étude a très vite révélé que le cheval est « drivé » par le droit des animaux,
son régime juridique dépendant partiellement de son appartenance au règne
animal. Déterminer ce que le cheval est en droit imposait alors de croire qu’il ne
désigne pas une réalité identique à celle que saisissent respectivement les notions
d’animal ou de chose. Mais l’analyse a démontré qu’il ne se confond que
partiellement avec chacune d’elles.
En l’absence de certitude autour de la qualification juridique du cheval, et même si
« la qualification retenue conditionne le régime juridique applicable »1667, il
convenait d’analyser au préalable le régime juridique du cheval, moins
problématique que sa qualification juridique.
L’étude de ce régime juridique a d’abord révélé qu’il « s’est vu appliquer les
solutions taillées à la mesure des choses inanimées »1668. Qualifié
traditionnellement de chose et de bien meuble, le cheval se trouve soumis au droit
commun et celui-ci fournit des solutions juridiques adaptées.
Pour autant, on ne saurait s’en satisfaire car le cheval n’est pas réductible à une
chose, non seulement eu égard son importance affective pour l’homme1669 mais
1663 J.Chevalier et A.Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, éd. Robert Laffont, 1997 ; E.Baratay, Et l'homme créa l'animal: histoire d'une condition, éd. Odile Jacob, 2003, p.322 ; M-A.Wagner, Le cheval dans les croyances germaniques: paganisme, christianisme et traditions, éd. Honoré Champion, 2005 1664 G-L.Leclerc de Buffon, Histoire naturelle, 1749, éd. Honoré Champion, Paris, 2007 1665 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.7 1666 G.Ripert, Préface de la 12ème édition du Traité élémentaire de droit civil de Marcel Planiol, Librairie générale de droit, Paris, 1939, spéc. p.7 1667 G.Simon, La nature juridique des règlements sportifs à objet commercial, D., Chron., 1999, p.174 ; Cf. P.Wachsmann, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003 où l’auteur indique que « la qualification consiste, dans une première approche, à subsumer des faits sous des normes juridiques, en vue de la production d’effets de droit » ; P.Jestaz, La qualification en droit civil, Droits Rev. Fr., n°18, 1993, p.45 1668 J-P.Marguénaud, L’animal en droit privé, Thèse Limoges, PUF, 1992, p.19 1669 Cf. I.Claude, Le cheval, miroir de nos émotions, éd. Camaïs, 2ème édition, 2007
- 326 -
encore, en raison même de son traitement par la loi et la jurisprudence dont il
ressort comme une espèce animale qui « n’en finit pas d’enrichir le droit »1670.
De chose, le cheval devient chose vivante.
Même si le vivant paraît difficile à appréhender1671 car « il est illusoire et
chimérique, contraire à l'esprit même de la science, d'en chercher une définition
absolue »1672, l’adjonction du qualificatif vivant à la notion de chose n’est pas
neutre. Le droit semble en effet opposer les choses et les êtres comme l’inerte et
le vivant, de sorte qu’il n’existe pas de catégorie juridique correspondant
précisément aux choses vivantes. Cependant, le régime juridique du cheval révèle
que le droit admet implicitement que le vivant n’est pas exclusif de l’être juridique.
C’est ainsi que la spécificité du regime juridique du cheval n’est pas affirmée par le
droit qui marginalise dans ses solutions l’autonomie de mouvement et la
« sensibilité » du cheval qu’il reconnaît pourtant par ailleurs.
Au demeurant, cette considération juridique n’est pas propre au cheval, elle
constitue seulement la manifestation de la finalité du droit. Puisque c’est en vue de
l’homme que le droit est constitué1673, il était difficile de lui faire supporter les effets
indésirables attachés à la qualification de chose vivante du cheval, parmi lesquels
l’absence de responsabilité liée à l’imprévisibilité du comportement de l’animal. Le
recul de la consécration juridique de la nature du cheval a ainsi pour cause
l’intérêt supérieur de l’homme. C’est le reflet en droit d’une constante factuelle :
« le cheval a de tout temps été soumis à l’homme et a partout suivi ses
destins »1674.
Malgré un lien unique entre l’homme et cheval, leur qualification demeure
irréductible, d’être juridique pour l’un, de chose vivante pour l’autre, et leur
assimilation ne saurait être juridiquement envisagé quel que soit l’autonomie de
mouvement et la « sensibilité » du second.
1670 J-M.Bruguière, Petite promenade, entre droit des biens et contrats spéciaux, en compagnie du meilleur ami de l’homme, D., 2007, p.2989 1671 A.Fagot-Largeault, Le vivant, Notions de philosophie, dir. D.Kambouchner, Folio, 1995, Tome I, spéc. p.231 1672 B.Claude, Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux, éd. Baillière et fils, 1878-1879 1673 Cf. l’adage romain Homonum causa omne jus constitutum : c’est en vue de l’homme que le droit est
constitué Cf. J.Carbonnier, Droit civil, vol. 1, Introduction. Les personnes. La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. Quadrige, 2004, n°195, p.378 1674 E.Houël, Histoire du cheval chez tous les peuples de la Terre, Bureau du Journal des Haras, Paris, 1848, spéc. p.24
- 327 -
Le statut juridique du cheval traduit ainsi la flexibilité du droit lorsqu’il doit régir une
chose de nature singulière. Mais il souligne aussi les limites de cette flexibilité :
l’intérêt de l’homme. En définitive, « le particularisme est difficile à maintenir…
chassez le droit commun, il revient au galop »1675.
1675 P.Malaurie et L.Aynès, Droit civil. Les contrats spéciaux, éd. Cujas, 1986, spéc. n°465
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- Note sous Cass. 2èmeciv., 13 mai 2004, n°03-10.222, RCA, n°15 RAYMOND (G.)
- Note sous Cass. 3èmeciv., 27 avril 1994, no92-12.743, Cont. conc. cons., 1994, no148
- Note sous Cass. 1ère civ., 30 mars 1999, Cont. conc. cons., 1999, comm., p.110
RODIERE (R.)
- Note sous TGI Paris, 12 décembre 1967, JCP, 1967, II, p.15619 SAINT-PAU (J-C.)
- Note sous Cass. 2èmeciv., 20 novembre 2003, n°02-13.653, RCA, chron., p.1 SCHMIDT-SZALEWSKI (J.)
- Note sous CA Paris, 21 octobre 1999, Dalloz, 2002, somm., p.1195 VINEY (G.)
- Note sous Cass. 2èmeciv., 22 mai 1995, no92-21.197 et n°92-21.871, Bull. civ. II, n°155, JCP G, 1995, I, n°3893
- 350 -
WAGNER (E.) - Obs. sous CA Paris, 13 septembre 1991, RJES, 1991, n°17, p.50
ZEROUKI (D.)
- Note sous Cass. 2èmeciv., 28 mars 2002, n°00-10.628, Dalloz, p.3237
VII- Documents parlementaires, colloques, conférences et rapports ANTOINE (S.)
- Rapport sur le régime juridique de l’animal, Ministère de la Justice, 2005 BRUN (P.)
- « Un animal sauvage privilégié depuis le XXXVe millénaire avant J.-C » in Le cheval, symbole de pouvoirs dans l’Europe préhistorique, Exposition du 31 mars au 12 novembre 2001, Nemours, Musée de Préhistoire d’Ile de France
CALLAIVET (H.)
- Question Sénat 1980, n°35111, Sort des chevaux de manège : Agriculture, J.O, débats 3 septembre 1980, p.3602 ; Réponse du 9 octobre 1980, p.3797
Cour de cassation
- Rapp. C. Cass 2003, Documentation française, 2004 GOEME (C.)
- Le cheval et l’homme : travail et noblesse, conférence de Daniel Roche dans Les Lundis du Collège de France, 30 juillet 2011, 22h05-23h04, sur France Culture
FOSSEREAU (J.)
- Cour de cassation, Bulletin d’information, n°422, 15 février 1996 KOURILSKY (P.) et VINEY (G.)
- Le principe de précaution, Rapport au premier ministre, éditions La documentation française, 2000
Ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales, Ministère des sports, Ministère délégué au budget et à la réforme budgétaire
- Une nouvelle politique pour le cheval, Dossier de presse, 29 juillet 2003 PECHE DE LA CLAUSE (X.)
- L’animal et le droit rural, in Actes du colloque de Toulouse en date des 12 et 13 mai 1987 sur le thème Droit et animal
SARRE (G.) - Rapport fait au nom de la commission de la production et des échanges sur le
projet de loi, modifié par le Sénat, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux, 10 juin 1998, rapport n°952
- 351 -
INDEX ALPHABETIQUE
Les chiffres renvoient aux numéros de paragraphe
*****
- A -
Abandon, 474, 478 Abus de jouissance, 266 Acceptation des risques, 313, 509 et s. Accession, 67 et s., 413 et s. Acte d’administration, 257 Acte de cruauté, 474 et s. Aléa sportif, 515 et s. Animal, 31 et s.
- à préserver, 37 - croît, 69 et s., 414 - domestique, 35 et s., 62, 66 - immeuble par destination, 37 - meuble par nature, 37, 84 - sauvage, 35 et s., 62 et s.
Autonomie de mouvement, 446, 448 et s., 501 et s.
- B - Bien, 54, 132, 138, 152, 333, 357 et s., 439, 545 Bien d’occasion, 351
- C - Carte d’immatriculation, 85, 97, 100, 120, 382,
- délivrance, 394 et s. - rétention, 399 et s.
Cavalier, 131, 196, 203 et s., 306 et s., 446, 503 et s.
- consignes de sécurité, 307, 320, 325
- 352 -
- niveau d’équitation, 203, 208 et s., 316 et s., 353, 452 et s., 549 Centaures, 18 Cheval,
- à préserver, 3, 50 - bien d’occasion, 351 - bien-être, 333, 473, 482 et s. - dangereux, 3, 50, 319, 458 - définition, 6 - domestique, 7 et s., 48, 362 - frayeur, 451, 464, 548, 555 - identification, 51, 91, 396 - immeuble par destination, 46 - imprévisibilité, 321, 450 et s., 548 et s. - meuble par nature, 46, 354 - mobilité, 27, 369, 372 et s., 465 - police sanitaire, 51, 93, 227 - qualités substantielles, 384 et s. - races, 17, 74, 229 - réformé, 482 - rétention, 239, 402, 434 et s. - revendication, 86 - sauvage, 7 et s., 48, 55, 60, 350, 362 - sensibilité, 447, 472 et s., 536 et s., 559 et s. - transport, 85, 334, 396 - vices cachés, 387 et s.
Cheval au pair, 236 Chose, 1, 352, 354 et s.
- animée, 87, 442, 448 et s. - future, 91 - inanimée, 87, 388, 442, 462 et s., 552, 557 - inerte, 446, 462 et s., 497 et s. - vivante, 353, 442 et s., 497 et s. - vive, 462 et s.
Clause abusive, 221 et s. Clause de redevance, 283 Clause de réserve de propriété, 99, 285 Code des courses au galop, 45, 176 et s., 294 et s. Code des courses au trot, 45, 176 et s., 294 et s.
- 353 -
Code d’Hammourabi, 33, 202, 231 Commodat, 236 Compétition, 44, 85, 127, 134, 144, 148, 200, 252, 292 et s., 393, 396, 510 et s. Condition d’essai, 422 et s. Condition potestative, 418 Condition suspensive, 100, 408 et s., 422 et s. Consommateur, 130, 135, 221 Contrat d’association, 175 et s.
- déclaration écrite, 179 - durée, 181 - règles impératives, 182
Contrat de collaboration, 192 Contrat de coopération, 191 Contrat de dépôt, 214, 218, 234 et s., 293 Contrat de dépôt-vente, 237 Contrat d’enseignement, 219 et s., 314 Contrat d’entraînement, 211 et s., 234 Contrat d’entreprise, 212 et s., 220, 224, 249, 293 Contrat de foal-sharing, 185 et s. Contrat de location, 37, 203 et s., 256 et s., 293, 296 Contrat de location de box, 235 Contrat de location de carrière de courses ou de concours, 292 et s.
- définition, 293 - durée, 295 - réglementation, 294
Contrat de mare-sharing, 194 et s. Contrat de monte, 223 et s.
- 354 -
Contrat de pension, 216 et s., 232 et s., 335, 349 Contrat de soins, 246 et s. Contrat de syndication, 152 et s., 436 et s.
- définition, 152 - durée, 156, 168 et s. - contribution aux pertes, 158 - répartition des bénéfices, 158
Contrat de transport, 240 et s. Contrat de vente, 37 Contravention de mauvais traitements, 474, 477 et s. Convention de placement, 485, 488 et s. Copropriété, 47, 149
- D - Délivrance des accessoires, 394 et s. Dol, 101, 109 et s.
- définition, 109 - manœuvre, 111, 114 - réticence dolosive, 112
Dressage, 131, 196, 211 et s., 234, 292 Droit des animaux, 31 et s., 49, 494 Droit à saillie, 75 et s., 164, 166 et s., 188, 194 Droit de saillie, 73 et s., 154, 162, 167, 223, 254 et s., 437
- location, 255 et s., 281, 290 - cession, 275 et s. - dépréciation, 269, 282
- E -
Echange, 81 Ecurie, 47, 149, 349 Ecuyer, 14
- 355 -
Eleveur, 2, 146, 152, 184, 199, 233, 302, 478 Elevage, 44, 52, 55, 139, 148, 179, 196, 252, 335 Entraîneur, 45, 176, 180, 199, 211 et s., 232, 309, 348, 529 Equitation, 14, 72, 127, 361, 510 Equus, 7 et s., 358 Equus caballus, 10, 48, 358 Equus ferus, 7, Erreur, 47, 101 et s., 280, 385 et s.
- sur les capacités, 106 - sur l’identité, 104 - sur l’origine, 105 - sur les performances, 108
Essai, 97, 422 et s., 452
- existence, 425 - transfert des risques, 428
Etalon, 72 et s., 108, 151 et s., 185 et s., 240, 254 et s., 281, 436 et s.
- hypofertilité, 288 Etalonnier, 223 et s., 506 et s.
- erreur de lieu, 230 et s. - vérification du cheval 227 et s.
Exception d’inexécution, 434 et s.
- F - Faute civile, 520 et s. Fonds agricole, 253
- G - Garantie de conformité, 121 et s., 125, 128 et s., 380 Garantie d’éviction, 123, 262
- 356 -
Garantie des vices cachés, 124, 137 et s., 263, 280, 380, 387 et s. Garantie des vices rédhibitoires, 138, 141, 387 Groupement d’intérêt économique, 438
- H - Haras nationaux, 16, 72, 363
- I - Immeuble par destination, 1, Indivision, 92, 152, 160 et s., 183, 436 et s. Inséminateur équin, 228
- J - Jockey, 2, 196, 199, 362 et s., 533 - L - Loueur d’équidés, 204 et s., 308, 315
- M - Mancipation, 62 Maréchal-ferrant, 246, 251, 443, 533 Meuble mort, 461, 466 Meuble vif, 461, 466
- N - Naisseur, 186 et s., 199
- O - Obligation de délivrance, 119 et s., 126, 258 et s., 276 et s., 394 et s. Obligation d’entretien et de soins, 260, 333 et s., 353, 544 Obligation d’information et de conseil, 296, 300 et s. Obligation de loyauté, 301
- 357 -
Obligation de sécurité, 264, 312 et s., 353, 454, 457, 545 Obligation de surveillance et de sécurité, 296, 346 et s., 353, 544 Occupation, 61 et s., 82
- P - Paddock, 218, 238, 349, 510 et s. Palefrenier, 2 Paumée, 88, 90 et s., 140 Pégase, 18 et s. Personne juridique, 54, 539, 559 et s., 564 et s. Personne morale, 569 Possession, 81 et s., 415 Poulain, 45, 91, 95, 133, 213, 233 Prescription, 62 Preuve, 90, 102, 132, 140, 310, 517, 530, 555 Principe du consensualisme, 88, 90 et s. Principe de précaution, 51 Professionnel, 146, 304, 412 Promenade équestre, 127, 203 et s., 315 et s., 452, 504 et s.
- allure, 328, 508 - compétence du personnel, 329 et s., 505 - itinéraire, 327, 508
- R - Reproduction, 44, 71 et s., 148, 189, 200, 223 et s., 252 et s., 393, 507 Res mancipii, 62 Res nec mancipii, 62 Res nullius, 48
- 358 -
Responsabilité civile délictuelle du fait des animaux, 525 et s.
- S - Saillie, 47, 72 et s., 153 et s., 174, 185 et s., 227 et s., 252 et s.
- bonus 162, 165, 174, 439 - cartes de saillie, 76 et s., 270, 277 - gratuite 166, - individuelle 164, 439
Semences, 76, 228, 276, 278 et s.
- cession de doses, 289 et s. - mandat de commercialisation, 290 - vente, 289
Sévices graves, 474 et s. Société en participation, 152 et s., 178, 190, 195, 436 et s. - T - Tarpan, 7, 9 Tradition, 62
- U - Usages, 90, 138, 176, 384, 395, 427 Usucapion, 62 Usufruit, 37
- V - Vente, 87 et s.
- définition, 88 - fictive, 84 - obligations de l’acquéreur, 126 et s. - obligations du vendeur, 118 et s. - prix, 94, 97, 126, 141, 143, 283, 416 et s. - sous condition, 95, 100, 408 et s. - transfert des risques, 100, 286
Vente avec redevances, 94, 416 et s.
- 359 -
Vétérinaire,
- assistance, 245 - défaut d’intervention, 338, 443 - diagnostic, 340 - expertise, 147 - information, 310 - opération, 343 et s. - prescription de médicaments 248, 341 - prescription de produits dopants, 342 - retard d’intervention, 338
Vice du consentement, 89, 101 et s. Visite vétérinaire d’achat, 96, 408 et s.
- 360 -
TABLE DES MATIERES
Les numéros indiqués renvoient aux pages
*****
Sommaire………………………………………………………………………………….. 6
Liste des principales abréviations……………………………………………………. 8
INTRODUCTION GENERALE………………………………………………………….. 12
I- Des chevaux et des Hommes………………………………………………………. 15
A- Le cheval et l’Histoire…………………………………………………………….. 16
B- Le cheval et la Culture…………………………………………………………… 22
II- Des chevaux et du Droit……………………………………………………………. 28
A- Le cheval « drivé » par le droit des animaux………………………………….. 29
B- Le droit des animaux « désarçonné » par le cheval………………………….. 35
1ère PARTIE - LE REGIME JURIDIQUE DU CHEVAL............................................ 41
Titre I - Le régime juridique de l’appropriation du cheval……………………….. 45
Chapitre I - Les modes d’appropriation communs aux animaux…………………… 48
Section I - Les modes « originaires » d’appropriation des animaux………………... 49
§I- L’appropriation des animaux par occupation……………………………………… 50
§II- L’appropriation des animaux par accession……………………………………… 53
I- Le droit d’accession et la faculté de reproduction des animaux……………….. 53
A- L’appropriation du croît des animaux normalisée……………………………. 53
B- La maîtrise humaine de l’activité de reproduction du cheval légitimée……. 55
II- Le droit d’accession et la faculté de déplacement des animaux……………… 59
- 361 -
Section II- Les modes « dérivés » d’appropriation des animaux…………………... 60
§I- La propriété de l’animal transmise par possession……………………………… 62
§II- La propriété de l’animal transmise par vente……………………………………. 65
I- La formation de la vente animalière……………………………………………… 65
A- Le principe du consensualisme et l’usage de la paumée…………………… 66
1- L’accord des parties sur un animal et un prix prouvé……………………… 66
2- L’immédiateté du transfert de propriété de l’animal……………………….. 70
B- Les vices du consentement et l’évolution imprévisible de l‘animal.............. 72
1- L’erreur et l’évolution imprévisible de l’animal……………………………... 72
2- Le dol et l’évolution imprévisible de l’animal……………………………….. 76
II- L’exécution de la vente animalière……………………………………………… 78
A- La banalité des obligations de la vente animalière………………………….. 79
1- Les obligations du vendeur de l’animal…………………………………….. 79
2- Les obligations de l’acquéreur de l’animal…………………………………. 82
B- L’originalité des garanties de la vente animalière…………………………… 83
1- Une garantie de conformité inadaptée……………………………………… 83
2- Une garantie des vices cachés modifiée…………………………………… 89
Chapitre II - Les modes contractuels d’appropriation propres au cheval………… 96
Section I - L’appropriation du cheval fondée sur la réunion de capitaux………….. 97
§I- Le contrat de syndication…………………………………………………………… 97
I- Le régime juridique de la société en participation appliqué……………………. 98
II- Le régime juridique de l’indivision conventionnelle applicable……………….. 101
§II- Le contrat d’association…………………………………………………………… 109
Section II - L’appropriation du cheval fondée sur la conjonction d’un étalon et d’une
jument……………………………………………………………………………………. 113
§I- Le contrat de « foal-sharing »……………………………………………………… 113
§II- Le contrat de « mare-sharing »…………………………………………………… 117
- 362 -
Conclusion du Titre I……………………………………………………………………. 119
Titre II - Le régime juridique de l’exploitation du cheval………………………. 121
Chapitre I - Le régime juridique des modes d’exploitation du cheval……………. 124
Section I - Les modes directs d’exploitation du cheval……………………………. 125
§I- L’exploitation des aptitudes du cheval…………………………………………... 126
I- La location du cheval……………………………………………………………... 126
II- La préparation du cheval et du cavalier……………………………………….. 128
A- La préparation du cheval par l’entraînement ou le dressage……………... 128
B- La préparation du cavalier par l’enseignement……………………………... 133
III- La monte du cheval…………………………………………………………….. 134
§II- L’exploitation des besoins du cheval…………………………………………… 137
I- L’hébergement du cheval……………………………………………………….. 138
II- Le transport du cheval………………………………………………………….. 141
III- Les soins apportés au cheval…………………………………………………. 143
Section II - Les modes indirects d’exploitation du cheval…………………………. 146
§I- Le transfert de la maîtrise de l’activité de reproduction du cheval……………. 147
I- Le transfert temporaire du droit de saillie………………………………………. 147
II- Le transfert définitif du droit de saillie………………………………………….. 154
A- La cession du droit de saillie…………………………………………………. 155
B- La cession de doses de semences du cheval……………………………… 162
§II- Le transfert de la maîtrise de l’activité de compétition du cheval……………. 164
Chapitre II - Le régime juridique du fait de l’exploitation du cheval……………… 168
Section I - Des obligations ordinaires au profit de l’utilisateur du cheval………… 169
§I- L’obligation d’informer et de conseiller l’utilisateur du cheval…………………. 170
I- L’obligation d’information et de conseil développée dans la vente animalière..170
- 363 -
II- L’obligation d’information et de conseil généralisée par la jurisprudence
équine…………………………………………………………………………………… 173
§II- L’obligation d’assurer la sécurité de l’utilisateur du cheval…………………… 176
Section II - Des obligations singulières au profit du cheval……………………….. 184
§I- L’obligation d’entretenir et de soigner le cheval………………………………... 185
§II - L’obligation de surveiller et d’assurer la sécurité du cheval…………………. 191
Conclusion du Titre II………………………………………………………………….. 194
Conclusion de la 1ère Partie…………………………………………………………… 195
2nde PARTIE - LA NATURE JURIDIQUE DU CHEVAL…………………………… 197
Titre I - Le cheval, chose et bien…………………………………………………… 201
Chapitre I - Une qualification justifiée par les propriétés du cheval……………. 204
Section I - Les propriétés économique et patrimoniale du cheval……………….. 205
§I- L’utilité du cheval………………………………………………………………….. 206
§II- L’appropriabilité du cheval………………………………………………………. 208
Section II - Les propriétés physiques du cheval…………………………………… 210
§I- La diversité des propriétés physiques du cheval………………………………. 211
§II- Le rôle déterminant de la mobilité………………………………………………. 213
Chapitre II - Une qualification confirmée par le régime juridique du cheval……. 218
Section I - Le succès de l’application du droit commun au cheval……………….. 219
§I- L’appréciation satisfaisante des caractéristiques essentielles du cheval……. 220
- 364 -
I- Les qualités substantielles du cheval identifiées………………………………. 221
II- Les vices affectant le cheval identifiés…………………………………………. 222
§II- L’appréciation satisfaisante des documents officiels du cheval……………... 226
I- La délivrance des documents officiels du cheval imposée…………………… 226
II- La rétention des documents officiels du cheval autorisée…………………… 228
Section II - Le succès de l’application du droit commun aux pratiques équines… 231
§I- Des solutions acquises du droit commun illustrées par les pratiques équines.. 232
I- Condition suspensive et visite vétérinaire d’achat…………………………….. 233
II- Droit d’accession et possession de la poulinière……………………………... 235
III- Déterminabilité du prix et validité de la vente avec redevances…………… 236
§II- Des solutions débattues du droit commun illustrées par les pratiques
équines………………………………………………………………………………… 239
I- Essai du cheval et condition d’essai……………………………………………. 240
II- Rétention du cheval et distinction avec l’exception d’inexécution………….. 245
III- Syndication et distinction de la société en participation et de l’indivision
conventionnelle……………………………………………………………………….. 246
Conclusion du Titre I…………………………………………………………………. 251
Titre II - Le cheval, chose vivante………………………………………………… 253
Chapitre I - Une consécration juridique de la nature du cheval……………….. 256
Section I - L’autonomie de mouvement du cheval consacrée…………………... 258
§I- Les effets juridiques de l’autonomie de mouvement du cheval……………… 258
I- L’influence de l’imprévisibilité du comportement du cheval…………………. 259
II- L’influence du niveau d’équitation du cavalier……………………………….. 260
§II- Le fondement juridique de l’autonomie de mouvement du cheval…………. 264
I- La distinction du vif et de l’inerte codifiée……………………………………... 264
II- La distinction du vif et de l’inerte confirmée législativement………………... 267
- 365 -
Section II - La « sensibilité » du cheval consacrée……………………………….. 269
§I- Les effets juridiques de la « sensibilité » du cheval…………………………... 270
I- La protection pénale de l’intégrité physique du cheval………………………. 271
II- La préservation du « bien-être » du cheval…………………………………... 276
§II- Le fondement juridique de la « sensibilité » du cheval………………………. 279
I- La protection d’une chose vivante réclamée………………………………….. 279
II- La protection d’une chose vivante codifiée…………………………………… 281
Chapitre II - Une consécration juridique de la nature du cheval limitée………… 283
Section I - Une limite affirmée………………………………………………………… 284
§I- L’autonomie de mouvement du cheval marginalisée………………………….. 285
I- Une responsabilité civile neutre…………………………………………………. 286
A- La maîtrise du cheval imposée………………………………………………. 286
B- Le risque en équitation accepté……………………………………………… 289
1- Le risque accepté émanant du cheval : un défaut de maîtrise…………. 289
2- Le risque accepté émanant d’un concurrent : un aléa sportif…………... 292
II- Une responsabilité civile délictuelle du fait des animaux autonome………. 298
§II- La sensibilité du cheval subordonnée………………………………………….. 303
I- Des devoirs imposés aux personnes approuvés…………………………….. 305
II- Des droits conférés aux choses vivantes réprouvés………………………... 306
Section II - Une limite justifiée……………………………………………………….. 307
§I- L’intérêt de l’homme privilégié…………………………………………………… 308
I- Le rapport au cheval consenti par l’homme…………………………………... 308
II- Le rapport au cheval subi par l’homme………………………………………. 312
§II- La frontière entre le cheval et l’homme révélée………………………………. 315
I- Une frontière controversée……………………………………………………... 315
II- Une frontière pourtant inéluctable…………………………………………….. 318
Conclusion du Titre II…………………………………………………………………. 321