l’employailité de l’apprenant - iddlab, le lab de l
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« Du modèle de gouvernance pédagogique pyramidal à l’autonomisation et
l’employabilité de l’apprenant »
(AXE 4 : Dispositifs et pratiques de formation et d’éducation)
par Abdel-Madjid DJENANE1,
Souvent, le lecteur peu familier des réalités algériennes, s’étonne d’apprendre qu’un pays
qui a engrangé durant les quinze dernières années des sommes colossales grâce à la
valorisation internationale des prix du pétrole et qui a mis en place un plan de
développement de près de 300 milliards de dollars pour le seul quinquennat 2010-2014, ne
parvient pas encore à régler de façon durable la question de l’emploi, particulièrement des
cadres nouvellement diplômés2. Il s’agit d’un paradoxe qui caractérise depuis les années
quatre-vingt déjà plusieurs économies pétrolières, sauf que dans le cas de l’Algérie l’aisance
financière dont a bénéficiée le pays n’a pas connu d’utilisation productive intense dans la
sphère économique privée de l’Etat et des particuliers. Certes, des richesses considérables
ont été créées dans le secteur public ou, pour être plus précis, dans le secteur des
infrastructures de base et dans les secteurs sociaux tels que l’enseignement supérieur,
l’éducation nationale, la santé, etc. Cependant la croyance qui a, alors, prévalu est que
l’investissement public massif allait générer de façon quasi-automatique l’élargissement de
la sphère productive grâce au développement de l’entreprise privée. Or, pour des raisons
évidentes que nous n’évoquerons pas ici, cette stratégie n’a pas eu les effets escomptés et le
chômage des diplômés de l’enseignement supérieur reprend de plus belle.
En effet, l’investissement public massif consenti dans le secteur de l’enseignement supérieur
s’est soldé par l’accroissement considérable du nombre d’étudiants inscrits à travers la
centaine d’établissements universitaires3 du pays. La « massification » de l’effectif des
étudiants est d’autant à souligner que les entreprises publiques économiques ont été pour la
plupart d’entre elles dissoutes et celles préservées de la dissolution sont soumises aux
1 Enseignant et recteur de l’Université Ferhat ABBAS, Sétif1 (Algérie), membre du réseau interuniversitaire
euro-méditerranéen « Développement Durable et Lien Social » (2DLiS). 2 « Après avoir connu une baisse sensible durant la période 2010-2013, passant de 21,4% à 14,3% pour
atteindre 13% en avril 2014, le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur a connu une augmentation en septembre dernier pour atteindre 16,4% avec des disparités significatives en genre : 10,9% pour les hommes et 22,1% pour les femmes» ONS, cité dans http://forumdesdemocrates.over-blog.com/2015/01/le-taux-de-chomage-repart-deja-a-la-hausse-un-avenir-sombre-pour-l-emploi-en-algerie.html 3 L’effectif des étudiants inscrits en 2011/2012 s’élevait à 1 237 000 et 1 630 000 en 2016/2017. Le nombre
moyen de diplômés est en moyenne 200 000 par année (se conférer pour l’évolution des effectifs à MESRS : L’enseignement supérieur en Algérie. Entre défis et ambitions, juin 2012, in www.auf.org /media/adminfiles/CHERIFI.pdf)
2
mêmes lois de fonctionnement que celles du secteur privé ; ces dernières n’ayant pas encore
atteint, vingt ans après, les mêmes performances d’absorption de la demande d’emploi des
entreprises publiques. Cela signifie en clair que le déséquilibre entre l’offre et la demande
d’emploi qualifié ne fait que s’accentuer, d’où la reprise du taux de chômage des diplômés
en situation de stagnation du secteur public d’amont (gel des opérations d’investissement).
Le second élément explicatif du chômage des jeunes diplômés s’explique par les contenus
des formations subies durant les cursus suivis à l’université. Ces formations, académiques,
suscitent insuffisamment les offres d’emploi par les entreprises, malgré les efforts en faveur
des offres de formation professionnalisantes. En fait, il semble bien que l’on soit en présence
d’un système d’enseignement standard qui ne parvient pas encore à briser la logique de
« former pour former » et qui ne parvient pas à établir de véritables relations de partenariat
avec le monde socio-économique. Un déphasage réel existe entre l’offre et la demande
d’emploi qualifié et c’est ce qui laisse penser que le modèle pédagogique standard est en
crise.
Dès lors, la présente réflexion, inspirée par l’engagement d’une nouvelle direction depuis
une année et demie à la tête de l’l’Université Ferhat ABBAS Sétif1 (Algérie), tente de
présenter quelques éléments de dépassement de la crise du modèle de gouvernance
pédagogique pyramidal. La démarche adoptée en faveur du changement se veut
participative et comporte deux étapes simultanées, l’une éclairant et nourrissant l’autre.
Appliquer rigoureusement la réglementation universitaire en vigueur en adoptant la
démarche assurance-qualité (DAQ), le programme d’appui à la politique sectorielle de
l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (PAPS-ESRS) ainsi que la carte de
positionnement de la gouvernance universitaire (CPGU) c’est-à-dire mettre à niveau
l’université conformément aux orientations générales du ministère de tutelle représente le
premier axe dans lequel s’exprime quotidiennement l’effort collectif pour la réussite de la
réforme.
Cet axe correspond à ce que nous pensons représenter « les progrès en organisation ». Le
second axe dépasse, quant à lui, la gestion courante de l’université et s’illustre par
l’affinement des objectifs et principes qui mènent à l’émergence du « projet d’université »
que sont tenus dans la nouvelle vision de mettre en place les chefs d’établissements et nous
plaidons pour notre part pour « une université socialement responsable ». Enfin, le
processus de transformation structurelle étant lancé, il y a lieu de mesurer la fiabilité des
actions de changement mises en place. En effet, l’évaluation doit permettre aux acteurs
internes et externes d’apprécier les effets de l’effort de mise à niveau des structures et de
les rendre comparables au système d’enseignement universel, le système LMD.
La rédaction du présent texte se soumet au cadre logique énoncé ci-dessus.
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1- Les préalables à l’émergence d’une université socialement responsable
Pour dépasser la crise pédagogique et sociale engendrée par le modèle d’enseignement
standard ou le modèle de gouvernance pédagogique pyramidal, bien des innovations,
celles-là même qui permettent l’émergence de relations dynamiques et vivantes entre les
différents éléments du système d’enseignement, doivent être imaginées et mises en œuvre.
Comment allier le principe de démocratisation de l’enseignement supérieur et celui de la
qualité de l’enseignement (devant se solder par l’autonomisation de l’apprenant en mesure
de transformer les connaissances graduellement acquises en processus de création de
richesse sociale), est l’une des questions posées aujourd’hui par les centres de décision du
ministère de tutelle. Pour arriver à cet objectif, la nécessité de lancer des réformes tant au
niveau du secteur pris dans sa globalité qu’au niveau des universités est une entreprise
d’innovation vieille d’une dizaine d’années déjà. Les efforts faits dans ce sens durant un plus
d’une année au niveau de l’Université Ferhat Abbas Sétif1 répondent aux orientations de la
tutelle et à l’exigence d’asseoir le modèle d’une université socialement responsable.
1.1 Adoption des réformes introduites par la tutelle
La normalisation des cursus de formation : l’esprit libéral qui a prévalu dans
l’économie algérienne dès le début des années quatre-vingt-dix n’a pas laissé à la marge les
offres de formation adoptées dans le cadre du LMD. Une inflation des offres de formation a
caractérisé le LMD algérien, ce qui s’est traduit dans les faits par une prolifération de
diplômes et de diplômés qui ne parvenaient plus à trouver les débouchés. La Fonction
Publique, le plus grand employeur du pays, éprouvait même des difficultés à classer les
« nouveaux diplômes » sans remise en cause de sa nomenclature. Cependant pour mettre
fin à cette situation qui aurait pu être fatale à toute la société, les autorités ministérielles ont
lancé avec perspicacité une entreprise gigantesque d’uniformisation des offres de formation
au niveau des trois paliers du système LMD. Grâce à cette réforme, l’université de Sétif
abrite aujourd’hui à travers ses sept domaines scientifiques de formation pédagogique
quelque cent trente formations entièrement normalisées.
La normalisation des structures de recherche et l’émergence des conditions
favorables à l’innovation et à la création : dans la course effrénée de mise en place des
structures de recherche, toutes les universités du pays, à l’instar de celle de Sétif, avaient
bénéficié presque sans limite de moyens matériels et financiers pour créer leurs propres
laboratoires de recherche. Toutes les demandes de création de nouveaux laboratoires de
recherche depuis le début des années 2000 ont été avalisées, même si un grand nombre
d’entre eux ne réunissaient pas les conditions requises. C’est ce qui a fait que l’opération
« normalisation des structures de recherche » a été lancée durant l’année 2015 : 16
laboratoires sur les 40 créés à l’université de Sétif ont été soumis à cette opération.
Aussi pour donner de la cohérence à cet effort national, avait-il été nécessaire d’envisager
depuis au moins une année leur mise en conformité de telle sorte à faire émerger ou à
consolider les spécialisations en tenant compte des activités économiques locales. Cette
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opération a permis de faire prendre conscience à l’université de Sétif des opportunités de
développement qui s’offrent à elle en s’insérant dans le tissu économique local se
structurant autour de plusieurs activités à l’instar de la plasturgie, des matériaux de
construction, de l’agroalimentaire, de l’électronique et de la mécanique. Ainsi, s’ouvre le
chapitre d’ancrage et d’amarrage des laboratoires de recherche à leur environnement
socioéconomique4. Il s’agit sans doute de l’une des réformes les plus difficiles à mettre en
place à cause de l’esprit de fermeture des laboratoires et des entreprises sur eux-mêmes.
Pour lutter contre l’enclavement structurel, des efforts soutenus sont déployés tant en
direction des entreprises, institutions et administrations locales, laboratoires de recherche,
et universités voisines et lointaines, nationales et étrangères5. Mais l’effort ne doit-il pas
être soutenu et poursuivi dans le temps ?
1.2 Les réformes induites localement
La gestion décentralisée et la responsabilisation des structures pédagogiques : avec
un effectif avoisinant les 35 000 étudiants, 1700 enseignants et 1200 travailleurs techniques
et administratifs, répartis sur quatre campus couvrant ensemble une superficie supérieure à
200 ha, l’université de Sétif figure parmi les plus grandes universités du pays et est donc
assez difficile à gérer dans une phase se caractérisant par l’absence de l’informatisation de la
gestion. Aussi pour atténuer la lourdeur du système de gestion, l’entreprise de
décentralisation de la gestion financière au profit des facultés et instituts a été lancée au
début des années 2000 à travers tout le pays. L’université de Sétif avait alors bénéficié de
cette restructuration qui avait sensiblement allégé la structure centrale en lui confiant la
gestion les charges communes et le personnel de l’université. Les choses étant restées à ce
même niveau durant une bonne douzaine d’années, c’est au début de l’année 2015 que l’on
se lança dans la décentralisation du plan de gestion des ressources humaines. Désormais,
toutes les structures de l’université développent les mêmes compétences en matière de
gestion des ressources matérielles, financières et humaines qui leurs sont allouées et
accèdent ainsi au statut de centre réel de décision déconcentré. La finalité de cette
4 La démarche de classement des systèmes de production locaux fait référence aux outils de l’aménagement du
territoire adoptés tant au niveau national à l’instar du Schéma National de l’Aménagement du Territoire (SNAT, H2030) qu’au niveau régional comme c’est le cas du Schéma d’Expansion et de Programmation Territorial (SEPT, et leur nombre doit s’élever à neuf) et enfin au niveau local par la mise en place obligatoire depuis 2005 du Plan d’Aménagement du Territoire de la Wilaya (PATW). 5 Pour s’ancrer dans son territoire, l’UFAS1 a mis en place durant l’année 2015 et en ce début de l’année 2016,
une cinquantaine de conventions de coopération avec premièrement la chambre de commerce et d’industrie locale (une centaine d’entreprises adhérentes), plusieurs directions de wilaya, notamment celles ayant fonction de promotion et de développement de « l’économie verte », les entreprises d’envergure nationale, les universités nationales et étrangères. Aussi pour dynamiser ces relations a-t-il été mis en place durant cette phase et en copiant l’expérience des universités nationales les plus avancées dans ce domaine, un bureau de liaison Université-Entreprise (BLEU), une Maison de l’Entreprenariat, un bureau d l’Institut National de la Propriété Industrielle (INAPI), un CATI (Centre d’Appui à la Technologie et à l’Innovation) en plus de la mise en place d’un cadre favorable à l’adoption de la démarche de l’Agence Nationale de Valorisation de la Recherche et du Développement Technologique (ANVREDET).
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démarche est de permettre d’une part la gestion de proximité et d’inciter la gestion
responsable, d’autre part.
La résolution des conflits de travail et la stabilisation des relations avec les
partenaires sociaux : le rêve de tout responsable universitaire est naturellement de régner
sur une structure stable dans laquelle les conflits de travail sont minimes, voire absents. Un
tel état de symbiose est possible à la condition d’être en permanence à l’écoute de toutes
les parties, notamment les partenaires sociaux c’est à-dire les syndicats des étudiants,
enseignants et des travailleurs mais aussi les associations et clubs scientifiques, culturels et
sportifs. Il n’y a pas de magie à obtenir la paix recherchée lorsqu’on adopte la démarche
basée sur le dialogue et la concertation, l’application rigoureuse de la réglementation, le
traitement équitable et humain de chacun des partenaires et que l’on s’interdit de faire des
promesses oisives, en tous les cas contrariées par le temps. En sus, s’empêcher de recourir
abusivement à la sanction négative, se dissoudre dans la masse en relativisant son rôle de
dirigeant, considérer la personne humaine avant celle de l’employé ou de l’apprenant
figurent parmi les valeurs qui contribuent à la stabilité de toute communauté humaine et par
surcroît la communauté universitaire qui représente, on l’oublie parfois, l’élite de tout pays.
La valorisation et la visibilité de l’effort collectif : l’université, plus que le palier
ultime du système éducatif, est un lieu de rencontre et de compétition de courants de
pensées, tout d’abord scientifiques et culturels, ensuite sociopolitiques et religieux. Aussi
faut-il être constamment éveillé à ces courants, parfois contradictoires, voire antagoniques,
en les rapprochant toujours des deux principales missions fixées à l’institution universitaire.
Privilégier les activités et manifestations qui valorisent l’institution en améliorant sa visibilité
à l’extérieur est un résultat qui ne peut être obtenu sans l’ouverture vers les acteurs de la
société (institutions publiques, entreprises, chercheurs et professions libérales) et la
mobilisation de moyens adéquats (rencontres, publications, internet) pour la diffusion du
savoir-faire universitaire en matière d’organisation et de valorisation de l’effort déployé par
sa communauté et par la société toute entière. Universelle, l’université est le miroir de toute
la société. Tout le monde y a ou doit y avoir sa place, à la condition de se conformer et de
respecter les missions qui lui sont fixées dans l’organisation sociale. C’est dans cet esprit
donc que des dizaines de rencontres et de manifestations scientifiques sont abritées et
organisées par l’université de Sétif en associant à chaque fois que cela relève du domaine
public les opérateurs externes, publics et privés. Cette démarche a pu stimuler l’esprit de
compétition intra universitaire ainsi que l’intérêt légitime que doit avoir toute communauté
ou société pour son université. C’est ce qui lui a permis aussi de se repositionner
positivement sur l’échelle de l’ascension sociale.
Ces premières mesures de remise en cause induites du modèle de gouvernance
hiérarchique, fondé sur la relation pédagogique verticale entre l’enseignant et l’apprenant et
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entre l’administrateur et l’administré, sont inspirées de la stratégie collective de mise en
cohérence des éléments et acteurs de l’université entre eux et ensuite entre ces derniers et
ses partenaires extérieurs. En fait, l’objectif recherché est celui de rendre utile l’université
dans son environnement socio-économique en l’engageant sur le chemin de la créativité et
de l’innovation en matière de recherche et de formation.
2- Eléments d’orientation pour un développement durable de l’UFAS1, une université
socialement responsable
Dans sa quête de rupture avec le système d’enseignement pyramidal passif, orienté
exclusivement vers la formation, le ministère de tutelle a établi plusieurs conventions de
coopération intersectorielle ; les universités étant invitées chacune à mettre en place son
propre projet. C’est en réponse à cette démarche stratégique que l’UFAS1 tente de réunir
depuis une année quelques éléments d’orientation pour son développement durable et
acquérir ainsi le label d’une université socialement responsable.
Bénéficier du label d’université socialement responsable, signifie clairement pour nous que
la démarche de développement durable adoptée repose sur des principes qui allient à la fois
la formation de qualité et l’ancrage de l’université par la recherche dans son environnement
socioéconomique. D’autre part, cela signifie que les moyens matériels, humains et
organisationnels mis en œuvre concourent vers la réalisation des deux objectifs
précédemment énoncés.
2.1 Les principes de développement durable
Ils sont au nombre de cinq.
L’adéquation formation-développement : le premier souci est celui d’assurer la
cohérence entre l’activité d’enseignement et de recherche universitaire et les
activités économiques dominantes dans la région qui abrite cette université
technologique. Une université ou institution d’enseignement ne peut avoir d’emprise
sur son environnement que si elle y parvient d’une part à prendre en charge en
totalité ou en partie ses besoins de développement et d’autre part à y écouler son
propre produit. Ainsi, le premier principe est celui de l’adéquation formation-
développement économique et social. En effet, on ne doit pas former pour former
mais pour améliorer le niveau de vie général de la population, d’où la mise en place
de la stratégie d’offres de formation accompagnant les acteurs économiques, sociaux
et institutionnels locaux.
L’interdisciplinarité des sciences : le deuxième souci est celui d’assurer la circulation
et la consolidation de l’information scientifique au sein de l’institution
d’enseignement elle-même. En effet, souvent une, deux, voire quelques disciplines
scientifiques excellent, luisent dans un environnement « scientifique » sombre, voire
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lugubre. Ce sont donc des spécialités ou filières d’enseignement « excellentes » en
soi, mais n’ayant aucun impact sur la grande masse des autres filières
d’enseignement que l’on pourrait qualifier de « filières d’enseignement refuge »,
coûteuses économiquement, socialement et politiquement en ce sens qu’elles
favorisent l’exclusion. Pour contrer l’échec, l’interdisciplinarité des sciences, bien que
figurant parmi les méthodes d’enseignement les plus complexes, est paradoxalement
envisagée comme la solution idoine6 à la redynamisation de l’activité pédagogique et
de recherche à l’université. Offrir des formations pédagogiques communes à deux
disciplines au moins permet non seulement d’élargir le champ cognitif par
l’obtention de « produits hybrides » (par exemple, deux spécialités en une) mais aussi
de créer dans le champ du développement économique de nouvelles activités, de
nouveaux emplois qui donnent ses identité et légitimité à la structure
d’enseignement et de formation.
La participation des enseignants et apprenants au développement de l’université.
Dans le modèle de gouvernance pyramidal, l’étudiant est placé à la base du système ;
il subit les décisions prises aux échelons supérieurs alors qu’il s’agit du « produit » à
élaborer et auquel il y a lieu d’incorporer de la valeur ajoutée, c’est-à-dire de
développer en lui l’esprit de responsabilité et de créativité en le dotant des
qualifications et compétences nécessaires pour s’épanouir sur le plan individuel et
s’autonomiser au plan social, notamment dans le milieu professionnel qui
l’accueillera. Dans ce sens, la démarche pédagogique mise en place consiste à faire
profiter les apprenants et leurs enseignants du savoir-faire des opérateurs
économiques engagés dans la réalisation des opérations d’investissement et de
développement de l’université. Associés à l’œuvre de développement, l’apprenant et
son enseignant, valorisés, sont à même d’imaginer et de réaliser des œuvres
singulières, ce qui stimule au final l’esprit de création, d’innovation et de compétition
collectif. La participation des principaux acteurs universitaires à l’œuvre de
développement de leur université permet également de stimuler l’esprit de
responsabilité de chacun d’entre eux et de parvenir au final à plus de stabilité sur le
plan social. En effet, c’est en offrant des cadres d’échanges, les deux principales
6 L’adoption de la démarche interdisciplinaire comme moyen de lutte contre l’enclavement inter et intra
universitaire remonte pour moi à une dizaine d’années lorsque j’avais à l’occasion d’une rencontre scientifique internationale consenti à travailler dans un cercle d’enseignants et chercheurs issus de plusieurs disciplines (sociologie, économie, géographie, histoire, arts) et de plusieurs universités nationales et étrangères. Cela a abouti à la création d’un réseau interuniversitaire d’enseignants-chercheurs européens et maghrébins se préoccupant avant tout des questions de Développement Durable et Lien Social (2DLiS) : sept thématiques ont été depuis traitées par ce réseau interdisciplinaire qui a déjà publié quatre livres collectifs. Démarré à Bejaia en 2007 à l’initiative d’un groupe d’enseignants universitaires français (Mulhouse et Strasbourg) et algériens (Bejaia, Sétif, Tizi-Ouzou et Constantine), ce réseau dont la coordinatrice est Prof. Stoessel-Ritz Josiane (Université de Mulhouse), intègre aujourd’hui plusieurs universités d’Afrique du Nord (Sétif, Tizi-Ouzou, Tunis, Marrakech), d’Afrique de l’ouest (Saint Louis, Dakar) et de l’Union européenne, (Mulhouse, Strasbourg, Versailles, Charleroi, Bologne et Irlande).
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missions de l’université étant clairement définies à savoir dispenser un enseignement
de qualité pour tous et faire de la recherche utile pour l’économie et la société, que
l’on parvient à faire émerger de nouvelles idées et à définir clairement les objectifs
intermédiaires et les moyens nécessaires à la réalisation au moindre coût des deux
missions évoquées.
Le développement durable : le quatrième principe est celui du développement
durable entendu comme le chemin qui mène rapidement l’université, service public,
à son insertion dans l’environnement socio-économique et à la création de nouvelles
richesses au moyen de la valorisation des ressources locales. Plusieurs actions de
développement durable (énergies nouvelles, épuration des eaux usées, conservation
des espèces, récupération et recyclage des matériaux, valorisation des ressources
naturelles locales, etc.) sont alors ouvertes à la formation et à la recherche en tenant
compte des acquisitions faites dans ce domaine. Il s’agit d’un axe primordial de
créativité et de développement de l’université de Sétif qui lui permet d’une part
d’exploiter utilement à des fins de formation et de recherche ses propres ressources
naturelles et de venir ainsi en appui aux opérateurs locaux agissant dans les mêmes
domaines et d’autre part d’adopter la démarche de développement durable
appropriée depuis longtemps par plusieurs milliers d’universités à travers le monde.
C’est ce qui a incité à Sétif la réactivation d’un ancien projet de création d’une ferme
expérimentale au sein des campus dédiée entièrement au développement durable
qui associe quasiment toutes les disciplines scientifiques abritées par cette
université. « Jardin d’étudiants » comme certains l’appellent affectivement, c’est en
réalité un atelier d’apprentissage grandeur nature qui se met en place dans cette
université.
L’employabilité des diplômés : le cinquième et dernier principe est celui de
l’employabilité des nouveaux diplômés. Dans le système pyramidal, l’objectif
recherché est celui de dispenser le maximum de connaissances théoriques à
l’apprenant, laissant le côté pratique se forger dans le milieu professionnel. Or cela
fait l’objet d’un dilemme avec l’entreprise qui se plaint de supporter un coût
supplémentaire lié à l’adaptation et à l’émergence de la qualification souhaitée. Deux
solutions sont alors mises en place par l’université. La première consiste à
développer le stage en entreprise7 alors que la seconde consiste à créer sur les lieux
pédagogiques même un immense atelier d’expérimentation piloté par un comité
7 Devenue membre du réseau SEMSEM (Services pour l’Employabilité et la Mobilité sous forme de Stages en
Entreprises pour les étudiants du Maghreb et du Machrek) qui dure de décembre 2013 à décembre 2016 à la faveur d’un Projet Tempus mis en place par plusieurs universités des rives nord et sud de la Méditerranée, l’université de Sétif s’inspire largement de cette expérience pour s’ouvrir tout d’abord sur le monde économique local et promouvoir ensuite des expériences de partenariat avec les universités et entreprises étrangères. Pour plus d’information sur cette expérience de coopération voir : www.univ-setif.dz/externe/SEMSEM.pdf
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interdisciplinaire dans lequel siègeront les chercheurs, les pédagogues mais aussi les
principaux partenaires extérieurs. Trois objectifs sont poursuivis par ce comité
interdisciplinaire : mettre en œuvre l’atelier d’expérimentation en tenant compte des
activités économiques locales réelles à même de desserrer la contrainte liée au
chômage des cadres, promouvoir de nouvelles activités en exploitant les ressources
locales et enfin aider l’apprenant à transformer son projet de recherche de fin
d’étude en projet d’entreprise. Trouver des solutions à l’employabilité des nouveaux
diplômés auxquels des compétences collectives et individuelles certaines leur ont été
transmises durant le cursus de formation, valoriser ces compétences est ce qui nous
a permis d’une part de modifier les méthodes de travail en vigueur en leur
substituant le travail en groupe en y engageant les responsables du rectorat et en
créant à l’université des espaces réservés aux institutions de valorisation de la
recherche (maison de l’entreprenariat, INAPI, Anvredet).
C’est ce qui nous amène à évoquer la mise en œuvre du projet de l’UFAS1
2.2 Le Projet d’Université : opportunités et contraintes
L’élaboration de la stratégie a naturellement débuté par l’analyse diagnostic des volets formation et
recherche. Ce diagnostic montre une forte introversion de l’université sur elle-même malgré
l’existence d’importantes ressources matérielles et humaines et malgré un tissu économique riche
s’apprêtant à un développement accéléré de la relation université-entreprise.
S’agissant du diagnostic établi, il fait ressortir la préférence remarquée pour l’académisme que ce
soit dans le domaine de la formation que dans celui de la recherche. En effet, sur treize dizaines
d’offres de formation dispensées dans le cadre du système LMD, une offre de formation seulement
sur neuf environ est à profil professionnel. Cela contribue en quelque sorte à expliquer la faible
employabilité des nouveaux diplômés. Le même constat d’orientation de l’activité de recherche vers
la recherche fondamentale caractérise les laboratoires de cette université technologique agissant
pourtant dans sept domaines scientifiques différents. Bien que les laboratoires de recherche, acquis
dans le cadre de l’effort national consenti au profit du développement prioritaire du secteur de
l’enseignement supérieur, aient appréciablement contribué à lutter contre le sous-encadrement qui
avait caractérisé ce secteur à la fin des années quatre-vingt-dix, ils se caractérisent pour la grande
majorité d’entre eux par leur faible implication dans le développement socio-économique. Peu
d’entre eux sont liés aux entreprises par des conventions de coopération et de mutualisation des
moyens !
Pour dépasser cette situation d’enfermement de l’université sur elle-même ou de situation
d’université utile pour elle-même, deux grandes pistes sont continuellement explorées.
La première est celle de l’ouverture de l’université sur son environnement socio-économique. Les
résultats des recherches effectuées dans ce sens montrent l’existence d’innombrables opportunités
de jumeler chaque offre de formation, chaque activité de recherche à un domaine d’activité
économique, agricole ou industriel ou même de services, spatialement proche ou éloigné. Dans leur
effort de soutien à l’activité économique du pays, les pouvoirs publics ont organisé celle-ci dans le
cadre du schéma national d’aménagement du territoire par site et par type. Ainsi on peut identifier
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dans la région de Sétif et ses environs immédiats plusieurs zones d’activités hissées, grâce à la
présence d’universités, au rang de pôle d’excellence de mécanique, plasturgie, électronique,
agroalimentaire ou encore des matériaux de construction. Désormais un effort soutenu est déployé
par notre université pour son amarrage à cet environnement socio-économique tant dans le domaine
des offres de formations professionnalisantes que dans celui de la recherche par l’innovation au
profit des opérateurs économiques. Etre liée aux opérateurs économiques et institutionnels par des
conventions de coopération est certes un grand pas en avant en matière de pérennisation des
relations professionnelles de l’université algérienne mais insuffisant pour endiguer l’enclavement
structurel dans lequel se sont spatialement et temporellement enfermés ces deux mondes que tout
voue pourtant à l’ouverture et à l’entraide. Dans cette optique et en s’inspirant des expériences
réalisées tant par quelques universités nationales que par des universités étrangères organisées en
réseaux, l’université de Sétif tente tant bien que mal de se mettre à niveau en établissant des
relations formelles avec les universités, entreprises et administrations et en dupliquant des
structures à même d’aider à soutenir l’effort d’ouverture sur le monde extérieur.
La seconde piste explorée, incitée simultanément par plusieurs principes de gouvernance dont ceux
de l’indépendance et de la souveraineté du service public qu’est l’université, de l’adoption du
principe d’équité vis-à-vis des apprenants, de l’exploitation rationnelle des ressources allouées aux
institutions publiques, est celle de compter sur ses propres forces pour faire face à la contrainte de
la massification des effectifs des étudiants. En effet, les entreprises, quelles soient privées ou
publiques, ne sont pas toujours favorables aux discours volontaristes qui animent les décideurs
publics. Elles ont un seul objectif et c’est celui de prospérer en affaires, un objectif qui ne cadre pas
toujours avec celui des pouvoirs publics qui, eux sont tenus, d’assurer une formation de qualité au
plus grand nombre possible de citoyens8.
Cette seconde piste tient également compte des ressources matérielles, acquises ou naturelles, ainsi
que des ressources humaines et cognitives propres à l’université de Sétif qui adopte désormais une
démarche de développement durable. Elle tient enfin compte de l’action publique en matière
d’aménagement du territoire et d’élévation du niveau de vie des populations.
Créée il y a bientôt une quarantaine d’années, l’université de Sétif a rempli au sein du secteur de
l’enseignement supérieur le rôle d’université incubatrice. Durant cette longue période, elle a en
effet contribué à créer ou à accompagner cinq universités et une école nationale supérieure, autour
desquelles sont venues s’installer et se développer des zones d’activités industrielles. Cette
8 Il s’agit ici de l’un des Objectifs du Millénaire affiché par l’ONU en 2000 et intégré dans leurs politiques de
développement par plusieurs institutions internationales dont la Banque Mondiale. Consciente de la difficulté à
laquelle font face les universités publiques de la région MENA, notamment en ce qui concerne la massification
des étudiants, la Conférence régionale de la Banque mondiale et du Centre pour l'Intégration en Méditerranée sur
l'enseignement supérieur dans la région MENA, 2015 s’intéresse de plus en plus à la question de savoir du
comment concilier massification des étudiants inscrits dans les universités publiques et efficacité de ces mêmes
universités en termes de gouvernance et d’employabilité de leurs diplômés (notre université a émis le vœu de
création au sein de la Conférence de la Banque Mondiale sur l’Enseignement Supérieur d’un groupe de réflexion
sur la gestion des universités publiques qui sont les seules à assurer, conformément aux principes de l’Unesco,
l’accès au plus grand nombre de citoyens à l’enseignement supérieur et qui souhaitent être aussi efficientes sur le
plan des résultats que les universités privées : voir notre rapport de mission et notre communication : A-M
Djenane : « Participation à la gouvernance d’un établissement public d’enseignement supérieur : quelques
éléments de réflexion », Beyrouth, 12-15 mai 2015, 11 pages)..
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université peut légitimement aspirer aujourd’hui à tirer profit de son statut d’ancienne université-
mère notamment dans le domaine de la mutualisation des moyens de recherche et des formations
académiques. C’est ainsi qu’après avoir aidé à créer et à mettre en place plusieurs universités, elle
aspire aujourd’hui en s’appuyant sur sa propre expérience à créer en son sein son propre incubateur
d’entreprises.
Dans le même esprit de valorisation des atouts dont elle dispose, on n’omettra pas de souligner que
l’université de Sétif est implantée dans une région économique dynamique qui impulse de fait
l’investissement public, notamment dans les domaines des grands transferts hydrauliques,
d’aménagement des périmètres agricoles irrigués et d’organisation des filières de production
agroalimentaire, d’aménagement des zones industrielles et d’activité. Or, il est du rôle de l’université
en tant que service public de s’insérer et de s’approprier cette stratégie de développement, voire
d’en être un des principaux coordonateurs. Cela est d’autant possible que l’Université de Sétif se
déploie sur quatre campus se situant tous à la lisière ouest de la ville et s’étendant ensemble sur une
superficie de plus de 200 ha dont une quarantaine pouvant servir aux expérimentations de
développement agricole.
C’est en tenant donc de ces atouts et opportunités de développement que l’idée de création d’une
ferme d’expérimentation agricole et d’élevage avait déjà émergé au début des années deux mille. Ce
projet, grâce auquel une superficie conséquente a été attribuée à l’implantation de l’université Sétif1
sur le plateau d’El Bez, prévoit la création d’un jardin de conservation des plants, d’une ferme
expérimentale d’amélioration de la production végétale, plein champ et sous serres, d’une ferme
expérimentale d’amélioration de la production animale, d’une station expérimentale d’épuration des
eaux usées et d’un institut d’agronomie. Recourant aux nouvelles techniques d’irrigation assistées
par ordinateur, aux techniques de chauffage des serres avec l’énergie solaire, aux techniques
d’épuration des eaux usées grâce à l’apport de la biologie, de la chimie, de l’électronique et de la
mécanique, pour nous limiter à ces disciplines, on voit bien que cette ferme agricole expérimentale a
aussi le statut d’un atelier grandeur nature dans lequel toutes les disciplines scientifiques enseignées
seront sollicitées. Elle n’aura pas pour unique mission de rapprocher les disciplines scientifiques les
unes des autres, de promouvoir au sein des campus le développement durable ainsi que la
participation des apprenants et de leurs enseignants au développement de leur université et de les
doter des compétences recherchées. Elle a aussi pour mission de mettre l’université au service du
développement local durable en apportant ses connaissances et savoirs faire dans les domaines
techniques de l’hydraulique, de l’aménagement du territoire et du paysagisme, de l’irrigation, de
l’énergie solaire et éolienne, de l’agroalimentaire, etc. En fait, la ferme grandeur nature est le projet
qui permettra de réaliser l’ensemble des principes qui fondent la nouvelle stratégie dont celui de
lutter contre l’enfermement de l’université sur elle-même. C’est parce qu’elle poursuit l’idéal de
concrétiser les objectifs de développement durable en assurant l’exploitation rationnelle des
ressources, en promouvant l’échange interdisciplinaire, en améliorant les compétences des
apprenants et jeunes chercheurs ce qui facilitera leur employabilité qu’elle peut revêtir rapidement
le statut d’université socialement responsable. Cet objectif est d’autant réalisable que la démarche
partagée par plusieurs acteurs fait appel à la participation de toutes les compétences qu’elle
souhaite fédérer.
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2.3 L’évaluation
L’évaluation, autrefois globale et peu punitive, devient de notre temps régulière, détaillée et
rigoureuse. Le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a effectivement
pris de l’ampleur en termes d’effectifs, d’infrastructures mais aussi en termes d’attentes. Il est
attendu de ce secteur de participer activement et directement à l’accumulation des richesses, voire
même à transformer la nature du modèle d’accumulation du capital en remplaçant progressivement
la richesse mercantile par la richesse productive. C’est pourquoi les mécanismes mis en place
rendent possibles l’application deux types d’évaluation.
La première, permanente, s’attache à l’observation, l’enregistrement et la résolution quotidienne
des anachronismes induits soit par l’excessive centralisation soit par la forte décentralisation du
système de gestion laissant ainsi émerger des espaces libres, incontrôlés par le système formel à ses
deux niveaux. Les anachronismes s’expriment alors par le recours des parties lésées, qu’elles soient
organisées ou individuelles, à des mouvements de contestation, voire des arrêts de travail,
l’absentéisme répété ou même des grèves momentanées ou durables, visibles tant de l’intérieur que
de l’extérieur de l’institution universitaire. La coordination, l’écoute, le dialogue, la vigilance et la
présence sont les remèdes préventifs qui empêchent l’émergence de tels anachronismes, ce qui
témoigne du bon fonctionnement des structures et du système. En effet, des actions de régulation et
de normalisation des activités de la vie universitaire doivent guider le système de gestion global à
plus d’efficacité et à la stabilité nécessaire pour l’émergence d’un cadre de travail favorable à la
créativité et à l’innovation qui doivent être les premiers critères d’évaluation de l’activité
universitaire prise dans sa globalité.
Cette méthode, non écrite, non formalisée, évalue cependant la capacité des équipes dirigeantes à
gérer et à assurer la stabilité du système universitaire global et son insertion dans le système social.
C’est une fonction de régulation qui s’impose d’elle-même à tout manager, une fonction qu’il ne faut
jamais négliger. De plus en plus donc, les évaluateurs ont des préférences plutôt pour le profil de
managers. En effet, les managers anticipent et tiennent compte de tous les éléments, du moins des
principaux éléments du système à la fois. C’est parce qu’ils sont porteurs de projets qu’ils sont aussi
meneurs d’hommes que « le paradoxe est qu’un bon dirigeant doit savoir également se plier à la
règle collective, changer les normes et accepter les contradictions9 »
Cependant, ce type d’évaluation ne rend pas toujours compte de toute l’efficacité des changements
opérés. D’où la mise en place de méthodes d’évaluation multi variée, multicritère.
La méthode d’évaluation multicritère, en même temps qu’elle consiste en l’accompagnement des
universités dans la mise en place de la stratégie globale du secteur de l’enseignement supérieur,
s’attache à l’appréciation pointue de toutes les parties du système d’enseignement, à l’instar des
offres de formation et du système d’enseignement, de la recherche, de la qualité des infrastructures,
du système de gestion, de la qualité de vie universitaire, etc. L’objectif recherché est alors celui de
savoir si le mode de gestion adopté et les changements opérés satisfont aux cahiers des charges
9 Réflexion empruntée à Sylvie Dallet, philosophe, artiste et universitaire française. Intellectuelle atypique,
cette autre réflexion la caractérise mieux : « La quête de vérité du chercheur n’est pas une démarche linéaire, dont la fonction se définirait sur le modèle des objets que nous fabriquons industriellement pour un seul usage. L’itinérance de recherche se construit paradoxalement sur une errance guidée par des rencontres fécondes, haltes nécessaires auprès de personnes-échanges, d’objets-mystères et de lieux-ressources » in Enigmatiques cailloux du petit Poucet : les objets au cœur de la pensée inuit », juillet 2015
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établis pour chaque aspect de la vie universitaire, des cahiers des charges ayant pour souci
l’émergence des compétences au niveau des établissements universitaires et par suite l’amélioration
continue des performances de ces mêmes universités.
Dans ce sens, plusieurs instruments d’évaluation, interne et externe, sont mis en place par le
ministère de tutelle et ceci en tenant compte des axes stratégiques de développement fixés au
secteur de l’enseignement supérieur.
Parmi ces instruments, l’université de Sétif a adopté depuis peu la démarche Assurance Qualité, une
méthode d’évaluation interne basée sur l’analyse en termes de contraintes-opportunités, forces et
faiblesses. Son objectif est l’amélioration continue des axes suivants : la formation, la recherche, la
gouvernance, la vie à l’université, les relations avec l’entreprise, les infrastructures, et la coopération
internationale. Adhérents volontaires, les membres de la Cellule Assurance-Qualité, se réunissent
régulièrement et appréhendent objectivement chacun des domaines énoncés plus haut. L’analyse
étant prometteuse, c’est ce qui a motivé la demande d’adhésion de l’université de Sétif au
programme d’appui à la politique sectorielle de l’enseignement supérieur et de la recherche
scientifique.
Parmi les instruments d’évaluation externe, il y a celui mis en place par la Banque Mondiale pour la
région Moyen Orient et Afrique du Nord et adopté par l’Université de Sétif. La Carte de
Positionnement de la Gouvernance Universitaire est une méthode comparative qui s’appuie sur un
panel de plus de cent universités. Elle permet à ces dernières de se positionner par rapport à
l’échantillon représentatif des universités publiques et privées, grandes et petites du point de vue
effectif, mono ou plurilingues, etc. de la rive sud de la méditerranée. L’évaluation est faite en tenant
compte d’une quarantaine de critères.
En conclusion, nous retiendrons qu’en dépit des difficultés rencontrées sur terrain et des retards
enregistrés dans le temps, l’émergence de solutions en faveur d’un projet d’université qui concilie
entre la contrainte dite de la massification des étudiants et la performance en matière des
formations de qualité, de recherche utile pour le secteur socioéconomique et par suite de résolution
de la question de l’employabilité des nouveaux diplômés, se soumet à la capacité de mobiliser le
plus grand nombre possible d’acteurs autour de l’innovation et de ce projet d’université.
La démarche s’inspirant de l’économie réelle locale se donne deux objectifs. Le premier est
d’accompagner les opérateurs économiques et institutionnels dans leur effort d’investissement en
leur prodiguant l’expertise et le savoir faire nécessaires à la réussite des projets de développement :
faire de la recherche au profit des entreprises, former des cadres pour la mise en œuvre des projets
répond au souci d’établissement des relations entre l’entreprise et le secteur socioéconomique. Le
second objectif est celui de la formation à l’interdisciplinarité, par suite à l’intersectorialité. En effet,
parmi les difficultés qui bloquent le développement économique et social et par suite réduisent les
possibilités de l’emploi dont celui des jeunes diplômés, l’absence d’intersectorialité empêche
l’émergence des économies d’échelle. Or c’est l’interdisciplinarité qui permet le dialogue fructueux
entre les sciences donc l’apparition de nouvelles idées, de l’innovation qui sont à l’origine de la
création et de l’apparition de nouvelles compétences conduisant à leur tour à l’élargissement du
domaine scientifique.
En partant des conditions réelles qui caractérisent aujourd’hui les efforts isolés déployés par les
différents acteurs à l’intérieur de l’université et les opérateurs au sein des secteurs économiques et
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sociaux, c’est le pari de lutter contre l’enclavement structurel et de participer activement à
l’employabilité des nouveaux diplômés que l’université de Sétif se fixe comme objectifs à atteindre.
Pour cela, elle s’est lancée dans une série de réformes internes en application des orientations du
ministère de tutelle et de sa vision stratégique.
Références bibliographiques
1- A-M Djenane : « Participation à la gouvernance d’un établissement public d’enseignement supérieur : quelques éléments de réflexion », Beyrouth, 12-15 mai 2015, 11 pages)..
2- Sylvie Dallet : Enigmatiques cailloux du petit Poucet : les objets au cœur de la pensée inuit », juillet 2015
3- André Jaunay : Créativité et développement économique : rôle du contexte et propositions pour une animation adaptée, Août 2014
4- Ministère de la Planification et de l’Aménagement du Territoire : Schéma National de l’Aménagement du Territoire (SNAT, H2030), 2004
5- Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire : Schéma d’Expansion et de Programmation Territoriale des Hauts Plateaux-Est, 2012,
6- MESRS : L’enseignement supérieur en Algérie. Entre défis et ambitions, juin 2012, in www.auf.org /media/adminfiles/CHERIFI.pdf)