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2003 Réf : Darses, F. (2003) Les DRH doivent promouvoir la conception participative. Entreprises et Carrières, n 682, 32-33 Laboratoire d’Ergonomie Conservatoire national des arts et métiers - Paris Françoise DARSES LES DRH DOIVENT PROMOUVOIR LA CONCEPTION PARTICIPATIVE

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Leadership & Management


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Page 1: Les drh doivent

2003

Réf : Darses, F. (2003) Les DRH doivent promouvoir la conception participative. Entrepriseset Carrières, n 682, 32-33

Laboratoire d’Ergonomie

Conservatoire national des arts et métiers - Paris

Françoise DARSESLES DRH DOIVENT PROMOUVOIRLA CONCEPTION PARTICIPATIVE

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LES DRH DOIVENT PROUMOUVOIRLA CONCEPTION PARTICIPATIVE

Darses, Françoise

« Patrons et salariés ont intérêt à promouvoir la conception participative »

Les démarches de conception participative progressent sous l’impulsion des politiquesde qualité totale, mais aussi du fait de la généralisation des organisations en modeprojet. Associer des salariés qui ne sont usuellement pas associés aux processus de prisede décision demande cependant beaucoup de méthode.

E&C : Qu’est-ce que la conception participative ?F.D. : La conception participative est la participation des salariés aux changements dutravail : mise au point de nouveaux processus, transformation de l’organisation ouamélioration des procédures. La conception participative est encouragée par la plupartdes démarches qualité, mais sa mise en œuvre dans les entreprises reste modeste. Etc’est finalement surtout l’évolution des modes organisationnels de production desproduits et services qui va induire une démarche participative. En effet, aujourd’hui, laplupart des produits et des services sont conçus en mode projet, en réunissant desacteurs qui ont des savoirs et des compétences hétérogènes, et des statuts inégaux.Souvent, bon nombre d’entre eux ne sont pas concepteurs de métier. Ils endossent cerôle le temps du projet en participant aux prises de décisions.

E&C : Quels sont les atouts de la conception participative ?F.D. : Lorsque les salariés participent au changement du travail, ils vont non seulementaméliorer leurs conditions de travail, mais aussi améliorer l’efficacité globale dusystème de production (productivité, qualité, organisation, etc.). Car il ne faut pas croireque l’intérêt des salariés se limite à améliorer leur bien-être personnel : comme chacun,les salariés apprécient le travail bien fait et sont fiers d’être responsables d’un processusqui marche bien. Pour le chef d’entreprise, la conception participative, c’est bien sûr unefaçon de promouvoir une démarche qualité, mais aussi un atout pour mieux gérerl’évolution des compétences de ses salariés. En connaissant mieux ce qui se passe surles lieux de production, il pourra aussi prendre des directions stratégiques etéconomiques plus affinées. L’encadrement a aussi tout intérêt à mettre en place laconception participative. Il pourra faire évoluer les tâches prescrites en fonction del’activité réelle, et réciproquement d’ailleurs. Il pourra mieux conduire la conceptioncontinue du système de travail, améliorer la flexibilité organisationnelle, compter avecdes salariés mieux formés à résoudre collectivement des aléas. Les démarchesparticipatives introduisent une dynamique d’entreprise bénéfique et créent un climatsocial positif car elles reconnaissent la valeur des savoirs des salariés pour la marcheentière de l’entreprise.

E & C : Quelles en sont les limites ?F.D. : Cette démarche représente un coût financier non négligeable, notamment entemps de présence en réunion. Il y a des limites méthodologiques car les méthodesclassiques de résolution de problème en groupe ne suffisent pas. Il faut mettre au point

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des outils (maquettes, scénarios sur papier, vidéos, etc.) pour que les salariés-concepteurspuissent se projeter dans l’usage futur du produit, alors même que sa définition est encore trèsfloue. Par ailleurs, il faut accepter de voir évoluer les rapports de pouvoir dans l’entreprise, dufait de la prise de décision conjointe. Les limites de la décision conjointe doivent être anticipées,avec réalisme et intégrité, et doivent être connues de tous. Enfin, quand le salarié participe auxdécisions sur le produit ou le processus, il devient aussi son propre prescripteur et se contraintlui-même, en quelque sorte. Cela crée souvent un frein, lorsqu’on standardise collectivementdes procédures de travail par exemple. Une démarche participative, c’est une action de longuehaleine. Ce qu’il faudrait surtout transformer en France, c’est le rapport entre la prescription etl’exécution, qui reste encore très manichéen. On est soit prescripteur, soit exécutant. On noteune transformation progressive de cette culture, mais qui est encore loin d’être à la hauteur desdémarches participatives qui se pratiquent dans les pays scandinaves.

E&C : Quelles sont conditions optimales de mise en œuvre d’une action de conceptionparticipative ?F.D. : Il n’y a pas de recette ni de démarche unique : tout dépend du contexte de l’entreprise et,surtout, du but poursuivi. On n’introduit pas la conception participative de la même façon selonqu’on veut établir des procédures qualité ou bien reconcevoir des outillages de fabrication. Il y aquelques points élémentaires, cependant. Le cadrage du projet doit être explicité et clair pour tousles participants. On lance parfois des salariés sur des définitions d’objectifs qui sont déjàverrouillés en amont. Il faut donc faire attention à ne pas tromper les participants sur leurs margesde manœuvre. Ce cadrage doit être aussi contractuel : Quelles sont les responsabilités desparticipants ? Seront-ils rémunérés pour leur participation, directement ou indirectement ? Est-ceque leur participation à un projet impliquera d’autres tâches, comme celle de former les autres ?Enfin, il faut mettre au point des outils et méthodes appropriés aux objectifs de participation, cequi ne s’improvise pas.

E &C : Quel peut être le rôle du DRH ?F. D. : Promouvoir cette démarche ! Faire appel aux ressources de l’ergonomie et se faireépauler par des ergonomes pour promouvoir des lieux et des temps qui permettent ques’échangent des savoirs, que s’installe un « apprentissage organisationnel » et que seconstruisent collectivement les changements. Le DRH pourra ainsi faire évoluer lescompétences et les carrières et favorisera ainsi la démarche de qualité totale mais en faisant dutravail un levier d’action et non pas une variable d’ajustement.

Propos recueillis par Violette Queuniet

Parcours :Françoise Darses est Maître de Conférences à la Chaire d'Ergonomie et de Neurosciences duTravail du Conservatoire National des Arts et Métiers. En tant que chercheur en ergonomiecognitive, elle a entretenu de nombreuses collaborations industrielles (UGINE, Matra-Automobile, RENAULT, PSA, etc.) sur la problématique de la conception participative et del’assistance aux processus de conception.

Ses lecturesLa participation des salariés aux changements du travail : une contribution au dialogue social,dirigé par M. de Nanteuil, Ed. Liaisons Sociales - ANACT, 1998.L’ergonomie. M. de Montmollin. Ed. La Découverte, coll. Repères, n°43 ; 1996 (3ème édition).Comprendre le travail pour le transformer. F. Daniellou, J. Duraffourg, F. Guérin, A.Kerguélen, A. Laville. Ed. Liaisons Sociales - ANACT, 1997.