les drm, passé ou avenir du livre numérique ?
DESCRIPTION
La protection de la propriété intellectuelle est un des grands enjeux de l’ère numérique. Comment, dans un univers dématérialisé et intangible, garantir le respect du droit d’auteur ? Les DRM sont aujourd’hui la principale solution apportée à ce problème. Dispositifs techniques, ils ont inévitablement des implications économiques, éthiques et légales. Censés sauvegarder le marché du livre, ils en ont bouleversé les pratiques, l’économie et le cadre législatif. La spécificité de la France est de rejeter, plus que partout ailleurs, l’usage des DRM. Parmi les lecteurs et les acteurs du livre, de nombreuses voix s’élèvent contre ces mesures de protection. Pourtant, les DRM demeurent largement utilisés, en particulier par les maisons d’édition les plus importantes en parts de marché. Opposants et partisans s’affrontent, pesant les opportunités offertes et les risques encourus, percevant les DRM comme un obstacle, ou au contraire comme une condition du développement du marché. Face à cette dualité, une question se pose : les DRM appartiennent-ils au passé ou à l’avenir du livre numérique ?TRANSCRIPT
Les DRM, passé ou avenir du livre numérique ?
Sous la direction de Laurent CousinSeptembre 2013
Université de Cergy-PontoiseMaster professionnel Ingénierie éditoriale et communication
Alice Donet
Illustration de couverture sous licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 Unported (CC BY-SA 3.0)
© Brendan Mruk et Defective by Design
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Alice Donet
Les DRM,
passé ou avenir
du livre numérique ?
Sous la direction de Laurent Cousin
Septembre 2013
Université de Cergy-Pontoise
Master professionnel Ingénierie éditoriale et communication
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Sommaire
Introduction ................................................................................................................. 9
1 – Des dispositifs inadaptés à l’écosystème numérique ...................................... 11
2 – Une viabilité technique et économique en question ....................................... 26
3 – Un système amené à disparaître ? ............................................................. 44
Conclusions ................................................................................................................ 61
Bibliographie .............................................................................................................. 63
Annexes ..................................................................................................................... 65
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5
Remerciements
Je tiens à saluer toutes les personnes qui ont manifesté de l'intérêt pour mon travail et qui m'ont
aidé à le mener à bien.
Je souhaiterais exprimer ma gratitude à Mme Luciana Radut-Gaghi, qui a été présente tout
au long de mon travail, pour ses conseils et sa très grande disponibilité. Je voudrais aussi
remercier M. Laurent Cousin, qui a su orienter mon travail et a maintenu une présence
bienveillante.
J’adresse ma reconnaissance aux professionnels du livre qui m’ont accordé de leur temps et
ont accepté de me livrer leur point de vue sur les DRM : Clément Bourgoin, Claire Deslandes,
Antoine Duquesne, Hadrien Gardeur et Denis Zwirn.
Je remercie également mes collègues Marie Dekerle et Nathalie Humblot, qui m’ont
soutenu pendant le dur travail de rédaction et m’ont communiqué leur enthousiasme.
Enfin, je remercie mes amies, Gladys Caré, pour son travail de relecture, et Marinella
Degiorgi. Toutes deux ont su entretenir le débat et nourrir ma réflexion.
6
7
Avant-propos
J’ai pris connaissance de l’existence des DRM lors des Assises du livre numérique organisées par
le SNE en novembre 2012. Une conférence sur le sujet m’a initié aux enjeux techniques et
juridiques des DRM. Des recherches plus approfondies ont révélé leur importance dans l’édition
numérique.
Mais le sujet s’est également révélé très vaste, et il m’a semblé nécessaire de définir un
cadre précis à mon étude. Ce travail n’aborde pas le fonctionnement technique des DRM, mais
s’intéresse aux implications juridiques, sociales, économiques et culturelles de cette technologie.
La réflexion engagée porte exclusivement sur le livre numérique écrit, homothétique ou enrichi,
et sur le modèle du téléchargement à l’exemplaire. Elle ne concerne donc pas les autres formes
d’accès aux contenus culturels, telles que le streaming ou la lecture en cloud. Elle ne s’applique ni
aux livres audio, ni aux applications. Enfin, les considérations qui suivent se restreignent au
marché français du livre numérique. Bien que les marchés étrangers puissent exercer une
influence, j’ai souhaité me consacrer uniquement au cas français, dont les particularités se font
particulièrement ressentir en matière de DRM.
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Introduction
La protection de la propriété intellectuelle est un des grands enjeux de l’ère numérique. Comment,
dans un univers dématérialisé et intangible, garantir le respect du droit d’auteur ? Les DRM sont
aujourd’hui la principale solution apportée à ce problème. Acronyme repris des termes anglais
Digital Rights Management, DRM signifie littéralement gestion des droits numériques. Mais le terme
est également employé pour désigner une des technologies qui permettent cette gestion des droits.
En France, l’expression « mesures techniques de protection » désigne l’ensemble de ces
technologies. Le code de la propriété intellectuelle les définit comme « les mesures techniques
efficaces destinées à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées par les titulaires d’un droit
d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur d’une œuvre, autre qu’un logiciel, d’une
interprétation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme1 ».
Dans le domaine du livre numérique, les DRM sont des technologies qui d’une part gèrent
l’accès aux fichiers par un procédé de cryptage, et d’autre part permettent d’empêcher ou de
limiter certains usages, tels que la copie, l’impression, le copier-coller, ou encore les annotations.
Ils garantissent donc que le lecteur d’un livre numérique en possède les droits et qu’il en use dans
la limite des usages permis par les auteurs. Dès sa naissance et au fil de ses évolutions, les DRM
ont toujours accompagné le livre numérique. La question de la lutte contre le partage illégal sur
Internet est donc intimement liée à la construction du marché. Plusieurs technologies DRM
existent aujourd’hui, au premier rang desquelles Adobe Content Server, solution développée par
la société Adobe et actuellement la plus répandue. Les deux autres technologies employées en
France sont Mobipocket, solution française acquise en 2005 par Amazon, et Fairplay, utilisée par
Apple pour tous ses contenus.
Les DRM sont des outils ambigus. Dispositifs techniques, ils ont inévitablement des
implications économiques, éthiques et légales. Censés sauvegarder le marché du livre, ils en ont
bouleversé les pratiques, l’économie et le cadre législatif. Ce sont en effet des outils puissants,
puisqu’ils fixent les conditions d’utilisation des œuvres, prescrivent des comportements culturels
et agissent sur la législation. Mais ils ont également une part de faiblesse, car ils sont aisément
contournables et requièrent une protection légale. Revers de leur mission de protection, les DRM
apportent avec eux de nombreux inconvénients, parmi lesquels le manque d’interopérabilité et la
limitation des usages des lecteurs.
En pleine construction, le marché du livre numérique cherche ses modèles, entre les
pratiques du livre papier et les aspirations du numérique. Les DRM sont un outil crucial de
1. Article L.331.5 du code de la propriété intellectuelle (en ligne : http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do
?idArticle=LEGIARTI000021212283&cidTexte=LEGITEXT000006069414).
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définition de ces modèles et de positionnement dans l’écosystème numérique. C’est pourquoi ils
suscitent de nombreux débats et controverses, remplis d’incertitudes et de passions. Le débat a
déjà eu lieu dans le secteur de la musique. Après avoir fait usage des DRM pendant plusieurs
années, l’industrie de la musique y a progressivement renoncé entre 2007 et 2009, sous la pression
des distributeurs et des consommateurs. Les DRM auraient été un handicap pour le marché, les
ventes ayant explosé dès leur abandon. Dans les autres secteurs culturels, les opinions sont très
variables. L’industrie de la vidéo y recours très largement, avec une faible contestation de la part
des consommateurs. Les utilisateurs de jeux vidéo s’y opposent à l’inverse fortement, mais se font
peu entendre des éditeurs. Le livre est le secteur où les DRM sont les plus controversés.
La spécificité de la France est de rejeter, plus que partout ailleurs, l’usage des DRM. Parmi
les lecteurs et les acteurs du livre, de nombreuses voix s’élèvent contre ces mesures de protection.
Pourtant, les DRM demeurent largement utilisés, en particulier par les maisons d’édition les plus
importantes en parts de marché. Opposants et partisans s’affrontent, pesant les opportunités
offertes et les risques encourus, percevant les DRM comme un obstacle, ou au contraire comme
une condition du développement du marché. Face à cette dualité, une question se pose : les DRM
appartiennent-ils au passé ou à l’avenir du livre numérique ?
Pour répondre à cette question, nous avons évalué l’impact des DRM à travers divers
sources théoriques et pratiques et selon trois enjeux majeurs : l’efficacité technique, le
développement économique et le bien-être social. Nous avons également voulu recueillir l’avis de
ceux qui feront l’avenir du livre numérique. Nous avons donc effectué un mini sondage parmi des
lecteurs numériques, pour connaître leur position vis-à-vis des DRM. Nous avons également
rencontré plusieurs acteurs du livre, en essayant de sonder tous les points de vue et arguments.
Nous avons ainsi interrogé deux bibliothécaires proposant une offre de prêt numérique, deux
distributeurs-libraires numériques et trois éditeurs, dont un utilise des DRM et les deux autres n’y
ont pas recours.
De cette réflexion ont résulté trois axes de recherche et de réponse. Premièrement, il nous
est apparu que les DRM présentaient une part d’inadéquation avec l’écosystème numérique qu’ils
sont censés contrôler. Cette inadéquation est palpable à la fois en termes d’éthique, de législation
et d’usages. Deuxièmement, les DRM nous ont semblé problématiques des points de vue
technique et économique, la technique étant censée protéger le modèle économique.
Troisièmement, nous avons voulu mesurer la probabilité que les DRM disparaissent du livre
numérique, en dressant un tableau des opinions et des alternatives possibles. À travers ces
considérations, nous avons tenté d’apercevoir la direction que prendra à l’avenir le marché du
livre numérique en matière de gestion des droits numériques.
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1 – Des dispositifs inadaptés à l’écosystème numérique
La première question qui se pose est celle de l’adéquation entre la solution technique offerte par
les DRM et les exigences du marché du livre numérique. En l’occurrence, les DRM introduisent
beaucoup d’incohérences, à la fois dans les nouveaux usages et restrictions qu’ils imposent, et
dans les réactions qu’ils suscitent chez les consommateurs.
1.1 – Le mépris de l’éthique
En premier lieu, les DRM semblent inadaptés dans le sens où ils remettent en question l’éthique
et l’équilibre des intérêts de chacun des acteurs du livre.
1.1.1 – L’information des consommateurs
Le premier point sur lequel les DRM semblent être éthiquement contestables est l’information des
consommateurs. En effet, les lecteurs de livres numériques ont très peu conscience des
implications, voire de l’existence même des DRM. Ainsi, « plus d’un lecteur sur deux (54 %) ne
sait pas si les livres numériques qu’il a acquis possèdent des protections numériques1 ». Cette
tendance est confirmée par le mini sondage que nous avons réalisé auprès de lecteurs de livres
numériques2 : 45 % des personnes interrogées savent ce qu’est un DRM. Et 84 % de ces lecteurs
estiment ne pas être suffisamment informés sur les verrous présents sur les livres qu’ils achètent.
Pourtant, l’information des consommateurs est prévue par la loi. Selon l'article L. 331-10
du code de la propriété intellectuelle (CPI), « les conditions d'accès à la lecture d'une œuvre, d'un
vidéogramme, d'un programme ou d'un phonogramme et les limitations susceptibles d'être
apportées au bénéfice de l'exception pour copie privée […] par la mise en œuvre d'une mesure
technique de protection doivent être portées à la connaissance de l'utilisateur3 ». Cependant, le
décret d’application de cette loi n’a jamais été pris. Plus récemment, la directive européenne
relative aux droits des consommateurs a établit que le consommateur doit être informé avant
l’achat des « fonctionnalités du contenu numérique, y compris les mesures de protection
technique applicables4 ». La directive impose une mise en application de cette exigence par les
pays membres avant le 13 juin 2014. Pourtant, le récent projet de loi sur la consommation
présenté par Benoît Hamon fait peu de cas de cet aspect de la directive. Le texte évite
soigneusement les termes de « mesures de protection » et renvoie l’établissement de la liste des
1. OpinionWay, « Baromètre SOFIA-SNE-SGDL sur les usages du livre numérique – Vague 3 », février
2013 (disponible en ligne : http://www.sne.fr/img/pdf/Evenements/Assises/Assises-22mars2013/Barometre-usages-
livre-numerique-Vague3.pdf). 2. Cf. Annexe A pour la méthodologie et les résultats du sondage. 3. Article issu de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de
l'information (loi DADVSI).
4. Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 (disponible en ligne : http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:304:0064:0088:fr:PDF).
12
fonctionnalités et modalités d’usage dont le consommateur doit avoir connaissance à un décret
fixé par le Conseil d’État. Cette question reste donc encore incertaine. Pourtant, comme le fait
remarquer le rapport Lescure, l’information des consommateurs pourrait contribuer à restaurer le
lien de confiance entre les lecteurs et les acteurs du livre, indispensable au bon développement du
marché5.
En pratique, la majorité des principales plateformes d’achat de livres numériques
mentionne la présence de DRM (cf. Annexe B). Pour autant, leurs pratiques sont très variables.
Seules certaines plateformes indiquent le détail des restrictions imposées par les DRM (droit de
copie, d’impression, de copier-coller). Et peu de sites informent les consommateurs des
opérations que les DRM impliquent. Les lecteurs sont rarement informés de la procédure de
connexion et d’identification liée au DRM Adobe. Ils découvrent donc après achat l’obligation de
créer un identifiant Adobe, et pour cela de renseigner un formulaire de données personnelles.
Enfin, l’information des lecteurs concernant la compatibilité des DRM avec les différents
supports de lecture est très limitée, notamment en ce qui concerne les deux distributeurs
fonctionnant en écosystème fermé, Amazon et Apple.
L’information des consommateurs revêt une importance particulière au regard de l’impact
des DRM sur la vie privée et la protection des données personnelles. Le groupe de travail
« Article 29 » sur la protection des données de la Commission européenne s’est déclaré
« préoccupé par le fait que l’utilisation légitime de technologies en vue de protéger les œuvres
pourrait se faire au détriment de la protection des données à caractère personnel des individus6 ».
Le risque présenté par les DRM possède deux facettes. D’une part, le décryptage d’un fichier
nécessite d’envoyer, via un logiciel, une demande d’autorisation comportant des données
concernant l’utilisateur et son matériel de lecture à un serveur distant. Cette opération se fait
« sans aucun contrôle possible par l’utilisateur du type et de la quantité d’informations
envoyées7 ». À partir de ce premier échange de données, le serveur peut exercer un contrôle à
distance sur l’appareil et observer les comportements de l’utilisateur grâce aux synchronisations
imposées pour toute modification du contenu du support de lecture par les logiciels recommandés
par le constructeur ou le libraire. Ce contrôle est particulièrement fort dans le cas des écosystèmes
fermés. Ainsi, pour toute modification du contenu d’une liseuse Kindle, l’utilisateur doit se
connecter à son compte sur Amazon.fr. D’autre part, dans la mesure où les DRM ont pour but
d’assurer la traçabilité des fichiers, ils embarquent des informations permettant d’identifier
5. Pierre LESCURE, « Mission “Acte II de l’exception culturelle”, Contribution aux politiques culturelles à l’ère
numérique », Tome 1, mai 2013 (disponible en ligne : http://www.culturecommunication.gouv.fr/var/culture/storage
/culture_mag/rapport_lescure/index.htm#/1).
6. Groupe de travail « Article 29 », « Document de travail sur les questions de protection des données liées aux droits
de propriété intellectuelle »,
janvier 2005 (disponible en ligne : http://ec.europa.eu/justice/policies/privacy/docs/wpdocs/2005/wp104_fr.pdf).
7. Jeanne TADEUSZ, « DRM : dispositifs de contrôle d’usage », April, 2 novembre 2010 (http://www.april.org/synthese
-drm-dispositifs-de-controle-dusage, consulté le 15 août 2013).
13
l’acheteur. Il peut s’agir d’informations très diverses, telles que le nom, l’adresse électronique ou
le numéro de carte bancaire.
Enfin, l’incompréhension des consommateurs provient souvent de la base même de ce
nouveau marché et résulte d’une mauvaise définition de l’offre. L’inadéquation entre ce que le
lecteur pense acquérir et ce qu’il achète en réalité réside dans la nature même du livre numérique.
En effet, le modèle économique de ce marché oscille entre la propriété et la licence, entre la vente
et la location. En pratique, les transactions qui ont cours actuellement relèvent davantage de la
licence, accordant dans un temps limité le droit d’avoir accès à un fichier dans la limite des
usages consentis. Pourtant, les plateformes font souvent usage du terme d’ « achat », qui renvoie
implicitement à la notion de possession. Le problème réside donc dans le fait que l’immense
majorité des consommateurs est convaincue de disposer des mêmes droits que pour le livre papier
et d’être propriétaire des fichiers téléchargés. Il conviendrait donc de clarifier la nature des
transactions et d’informer davantage le consommateur sur ce point.
1.1.2 – La liberté de choix technologique
Le second point sur lequel les DRM vont à l’encontre de l’éthique est l’enfermement des
utilisateurs dans une dépendance technologique. En effet, DRM et formats propriétaires sont les
deux outils d’emprisonnement des lecteurs dans ce qu’on appelle un écosystème fermé. Il en
existe actuellement deux, celui d’Apple et celui d’Amazon. Il est ainsi impossible de lire sur un
Kindle un livre numérique acheté sur une librairie numérique autre qu’Amazon.fr, et inversement
il est impossible de lire un livre numérique acheté sur cette plateforme sur un support de lecture
autre que le Kindle, à moins d’en contourner le DRM et d’en modifier le format.
Cependant, ces écosystèmes ne sont pas les seuls obstacles à l’interopérabilité du livre
numérique et d’autres incompatibilités existent. Si la solution DRM proposée par Adobe est la
plus répandue en France et est considérée comme la seule solution interopérable, elle comporte
également son lot de contraintes. Pour obtenir un fichier epub protégé par le DRM d’Adobe,
l’utilisateur doit dans un premier temps télécharger un fichier au format ACSM, lisible
uniquement par le logiciel Adobe Digital Edition. Dans un second temps, il doit donc télécharger
ledit logiciel, qui convertit le fichier en epub. Le consommateur est donc contraint de télécharger
un logiciel dont il ne sait rien et dont il ne comprend souvent pas l’utilité. De plus, ce logiciel
n’est compatible qu’avec les systèmes d’exploitation Mac OS et Windows. Il est donc impossible
de décrypter un fichier protégé par DRM à partir d’un autre système. Par conséquent, ce système
restreint les libertés technologiques des lecteurs et « impose le maintien d’un écosystème
informatique pauvre8 ».
8. Marin DACOS, Pierre MOUNIER, L’édition électronique, Paris : La Découverte, coll. « Repères », 2010.
14
De surcroît, les trois principales technologies DRM (Mobipocket pour Amazon, Fairplay
pour Apple et Adobe pour les autres distributeurs) sont incompatibles entre elles. Les différents
logiciels ou applications qui permettent de lire ces DRM ne peuvent pas être installés et coexister
sur un même support de lecture9. Le Cybook Opus peut par exemple être mis à jour pour lire les
fichiers au format Kindle, mais ne peut pas supporter simultanément les DRM Adobe et
Mobipocket. La situation actuelle n’offre donc aucune interopérabilité. Le rejet des DRM n’est
pas non plus une solution viable, puisqu’adopter comme critère de consommation le sans-DRM
limite également le lecteur à quelques éditeurs, quelques distributeurs, quelques supports de
lecture.
Pourtant, là encore, la loi semble garantir l’interopérabilité des fichiers numériques. Selon
l’article L.331-5 du CPI, « les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la
mise en œuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur ». Pour mettre en
œuvre cette interopérabilité, les fournisseurs de mesures techniques ont l’obligation de donner
« accès aux informations essentielles à l'interopérabilité ». Cependant, cette obligation est
problématique pour deux raisons. D’une part, elle peut porter atteinte à la propriété industrielle
des fournisseurs de technologies DRM. D’autre part, la divulgation de ces informations peut
porter préjudice à la mesure de protection, puisque les DRM sont des technologies « de protection
et de sécurisation dont l’efficacité repose en partie sur la non-divulgation du code10 ».
Enfin, les débats actuels tendent vers la recherche d’un DRM interopérable. Un unique
système de DRM semble être pour le moment le seul moyen de contenter à la fois lecteurs et
éditeurs. Selon le rapport Patino, « en favorisant l’interopérabilité, deux objectifs sont atteints : la
satisfaction des consommateurs et la difficulté pour un acteur d’acquérir une position
dominante11 ». Plus récemment, Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, a
préconisé un accord pour un DRM interopérable en rappelant que « l'interopérabilité est une
exigence majeure de la construction d'une société véritablement numérique12 ». Cependant, il
semble peu probable que les distributeurs fonctionnant en écosystème fermé renoncent à leur
modèle d’affaires et s’entendent pour la mise en place d’un DRM universel.
9. Emmanuelle ALFEEF, « Comment protéger les e-books contre le piratage ? », Lexpress.fr, 11 mai 2011 (http://www.lexpress.fr/culture/livre/comment-proteger-les-e-books-contre-le-piratage_991511.html, consulté le 8 juillet 2013).
10. Anne-Gaëlle GEFFROY, « Les DRMs : entre protection légale et protection technique des biens culturels à l'ère numérique », Reflets et perspectives de la vie économique, 2006/4 Tome XLV, p. 75-82 (disponible en ligne :
http://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2006-4-page-75.htm).
11. Bruno PATINO, « Rapport sur le livre numérique », Ministère de la Culture et de la Communication,
juin 2008 (disponible en ligne : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/conferen/albanel/rapportpatino.pdf).
12. Christoph BLÄSI, Franz ROTHLAUF, « De l’interopérabilité des formats du livre numérique », Johannes Gutenberg-
Universität Mainz – Allemagne, avril 2013 (disponible en ligne : http://www.youscribe.com/catalogue/tous/etude-
sur-l-interoperabilite-pour-le-livre-numerique-en-faveur-des-2222373).
15
1.1.3 – Le respect de la volonté des auteurs
Le dernier point qui rend les DRM éthiquement problématiques est la part de contrôle des
auteurs dans leur utilisation. La défense du droit d’auteur est l’argument le plus fréquemment
avancé pour justifier l’utilisation de DRM. Contractuellement, les éditeurs ont le devoir de
protéger les droits qui leur ont été accordés et s’engagent à lutter contre la contrefaçon.
Pourtant, il arrive que des livres apparaissent protégés par DRM, sans que l’auteur et
l’éditeur l’aient souhaité. Ces incidents relèvent souvent de problèmes techniques, et deux
explications peuvent y être apportées. D’une part, certaines plateformes de distribution n’offrent
pas de possibilité de watermarking13. Les éditeurs souhaitant recourir à un watermark en sont donc
empêchés, la plateforme ne proposant que deux alternatives : soit un DRM, soit aucune
protection14. C’est par exemple le cas de la plateforme Kobo. Les livres d’éditeurs tels que
Walrus, Numeriklivres ou Publie.net y sont protégés par DRM, mais contiennent uniquement un
watermark sur d’autres plateformes. D’autre part, ces problèmes peuvent résulter d’une mauvaise
communication ou d’une mauvaise gestion des métadonnées, qui comportent les informations
relatives à la protection du fichier. C’est ce qui semble s’être produit pour certains livres de
l’éditeur Au Diable Vauvert. Pour Julien Vignial, le directeur commercial, « c'est forcément
dommageable pour l'image de la maison, tout cela parce que la transmission des métadonnées a
bloqué quelque part15 ». Il s’agit dans ce cas d’une simple erreur d’affichage, les fichiers étant bel
et bien protégés par watermark, et non par DRM.
Amazon représente un cas particulier dans ce domaine. Son modèle repose à la fois sur son
format et son DRM propriétaires. Les éditeurs souhaitant que leurs livres soient vendus par
Amazon n’ont donc pas la possibilité de s’y soustraire. La maison d’édition Bragelonne a ainsi
constaté en novembre 2011 l’apposition de DRM par Amazon sur ses livres numériques,
habituellement vendus sans verrous. La société américaine a alors justifié sa politique par le fait
que ce DRM ne sert pas uniquement à protéger le fichier, mais qu’il « embarque également une
couche software qui active les fonctionnalités de l’écosystème Amazon. La liste est variée mais
passe du Text to Speech au Facebook Connect et toutes les prochaines évolutions d’Amazon16 ».
L’éditeur, ne souhaitant pas priver les lecteurs utilisant un Kindle de toutes les possibilités offertes
par Amazon, se résigne donc à accepter ce DRM.
Enfin, l’opposition à la volonté de l’auteur peut venir de l’éditeur. Hachette UK a
récemment décidé d’imposer, lors de la vente de licences à des éditeurs étrangers, la présence de
13. Le watermarking, ou tatouage numérique, est une mesure technique de protection consistant à insérer dans le fichier
des informations relatives à l’acheteur dans le but de l’identifier en cas d’usage illégal. 14. Immateriel, « Le DRM social dans les circuits propriétaires », Blog Immateriel, 22 décembre 2011
(http://blog.immateriel.fr/2011/12/22/drm-sociaux-circuits-proprietaires/, consulté le 9 juillet 2013). 15. Antoine OURY, « Ebooks et DRM, des verrous qui tournent dans le vide », ActuaLitté, 18 octobre 2012 (http://www.ac
tualitte.com/usages/ebooks-et-drm-des-verrous-qui-tournent-dans-le-vide-36572.htm, consulté le 9 juillet 2013). 16. Alexandre LEVASSEUR, « Amazon, Bragelonne & DRM », eBook my Bragelonne, 23 novembre 2011
(http://lexbrage.tumblr.com/post/13212628647/amazon-bragelonne-drm, consulté le 9 juillet 2013).
16
DRM17. Cette décision ne semble pas avoir fait l’objet d’une discussion avec les auteurs. En effet,
la PDG d’Hachette UK aurait contacté un auteur publié à la fois chez Hachette et chez Tor
Books dans différents pays, lui reprochant d’avoir laissé Tor Books publier ses œuvres sans DRM
et exigeant qu’elles soient désormais protégées partout18. Globalement, les auteurs ne semblent
pas avoir de poids dans la politique d’une maison d’édition, en particulier lorsqu’elle appartient à
un groupe au sein duquel les décisions se prennent au sommet. Lorsqu’un éditeur choisit
d’apposer des DRM sur toute sa production, les auteurs semblent en effet rares à faire entendre
leur voix contre ce choix. La question est de savoir s’ils approuvent cette politique, s’ils se
tiennent à l’écart de cette décision ou s’ils la réprouvent sans pouvoir l’influencer. En France, un
des seuls cas de désaccord portés à la connaissance du public concerne Le Vaisseau ardent de Jean-
Claude Marguerite. Cet ouvrage, publié par les Éditions Denoël, filiale du groupe Gallimard, a
été diffusé en version numérique avec une protection DRM. Gilles Dumay, directeur de la
collection « Lunes d’encre » chez Denoël, explique ce qui a déterminé ce choix : « Malgré les
demandes de l'auteur et de son éditeur, ces quatre fichiers seront protégés par des DRM,
conformément à la politique numérique du Groupe Gallimard19. » Ici, c’est donc la politique d’un
groupe qui s’oppose à la fois à l’auteur et à l’éditeur.
1.2 – L’incohérence du droit et de la législation
En second lieu, les DRM sont inadaptés dans la mesure où, en s’y substituant, ils introduisent des
incohérences dans le droit et la législation qui régissent l’écosystème numérique.
1.2.1 – Le cercle vicieux de la triple protection
L’apparition des DRM, et les décisions législatives qui ont suivies, ont abouti à une triple
protection de la propriété littéraire et artistique. En effet, celle-ci est garantie par trois dispositifs :
la législation sur le droit d’auteur, les mesures techniques de protection et les lois protégeant ces
mesures techniques. La directive européenne sur le droit d’auteur20 et la loi DADVSI21 en France
ont érigé en délit le contournement des DRM, même pour en faire un usage reconnu légal par le
CPI. Paradoxalement, le droit tente donc de protéger la technique qui est censée sécuriser le
droit. Les œuvres sont donc verrouillées, et ayants droit, éditeurs et distributeurs exercent un
17. Nicolas GARY, « DRM : entre Hachette et Pottermore, plus qu'un fossé, un cratère », ActuaLitté, 9 décembre 2012
(http://www.actualitte.com/les-maisons/drm-entre-hachette-et-pottermore-plus-qu-un-fosse-un-cratere-38785.htm,
consulté le 9 juillet 2013). 18. Guillaume CHAMPEAU, « Hachette veut imposer à ses auteurs d'imposer des DRM partout », Numerama, 14 août 2012
(http://www.numerama.com/magazine/23416-hachette-veut-imposer-a-ses-auteurs-d-imposer-des-drm-partout.html,
consulté le 9 juillet 2013). 19. Gilles DUMAY, « Le Vaisseau ardent en numérique », Blog de Lunes d’encre, 19 octobre 2010 (http://lunesdencre.ekl
ablog.com/le-vaisseau-ardent-en-numerique-a1826473, consulté le 9 juillet 2013). 20. Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects
du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, dite EUCD.
21. Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI, adoptée
le 30 juin 2006.
17
contrôle quasi absolu sur leur diffusion. Ainsi, certains DRM imposent des conditions d’usage en
violation avec les droits des consommateurs garantis par le CPI. Les transactions en matière de
livre numérique se dirigent vers « un espace contractuel qui remplacerait progressivement
l’univers du droit d’auteur22 ». Les deux dispositifs législatifs, CPI et loi anti-contournement, ne
sont donc pas compatibles, et le droit a échoué dans son rôle d’arbitre entre les intérêts des
consommateurs et ceux des ayants droit.
La première conséquence de ce verrouillage législatif et technique des œuvres est de créer
un système figé, au sein duquel les évolutions risquent d’être réduites. Les DRM sont parvenus à
modifier la législation sur le droit d’auteur. Ils ont désormais une existence légale, qui freine
l’éventualité de leur remise en question. De plus, les DRM ont pour effet de verrouiller les usages
des lecteurs et de les limiter au périmètre de ce qui est permis. Par conséquent, ils empêchent
toute évolution non admise ou non prévue des pratiques de lecture. Ils empêchent non seulement
ces pratiques d’apparaître pleinement et largement parmi les lecteurs, mais ils empêchent
également l’évolution du droit en vue d’encadrer ces nouveaux usages. Les DRM ne nous
semblent pas laisser de place dans la culture numérique aux expérimentations et aux innovations
des consommateurs. Ils nous semblent donc inadaptés à l’univers numérique, au sein duquel les
initiatives individuelles sont constantes et les évolutions technologiques incessantes.
La seconde conséquence est de restreindre le libre arbitre et de supprimer toute liberté face
à la loi. Comme le fait remarquer Guillaume Champeau, « hier, quand un règlement ou un
contrat paraissait inepte, il était toujours possible de ne pas y obéir, et d’accepter d’en subir les
éventuelles conséquences23 ». Aujourd’hui, les droits et conditions d’exploitation sont incorporés
dans l’œuvre. Le consommateur ne connaît pas toujours distinctement ses droits, mais les
découvre à l’usage. Ainsi, certains droits qu’il pensait posséder se trouvent contrariés par les
DRM. Enfin, ses usages étant guidés par les possibilités techniques, le lecteur ne fait plus appel à
son sens des responsabilités et s’en remet pleinement à ce que les fournisseurs de contenus lui
permettent ou non de faire.
1.2.2 – Les exceptions au monopole d’exploitation
La principale incohérence entre les DRM et le CPI est l’impossibilité de mettre en pratique
certaines exceptions au monopole d’exploitation de l’auteur d’une œuvre littéraire. Les
exceptions de copie privée, de courte citation, de pédagogie, en faveur des handicapés et de
conservation, figurant à l’article L122-5 du CPI, se trouvent en effet empêchées par les DRM. Les
restrictions de copie, d’impression, de copier-coller et de synthèse vocale rendent techniquement
22. Michèle Francine MBO’O IDA, Grazia CECERE, « Les DRMs pourraient-ils être des outils de régulation fiables ? », Document
numérique et société, 2006 (disponible en ligne : http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/37/87/68/PDF/MbODocSoc06.pdf).
23. Guillaume CHAMPEAU, « Apple et Microsoft veulent rendre l'homme bien sage et docile », Numerama, 31 août 2012
(http://www.numerama.com/magazine/23570-apple-et-microsoft-veulent-rendre-l-homme-bien-sage-et-docile.html,
consulté le 9 juillet 2013).
18
impossible leur application. Le blocage de la synthèse vocale est particulièrement dommageable
aux aveugles et malvoyants. De plus, les mesures de protection introduisent des inégalités parmi
les lecteurs, puisque ceux qui acquièrent des livres sans DRM où qui disposent de l’habilité
technique nécessaire pour supprimer les verrous ont le bénéfice de ces exceptions. Cependant, le
même article du CPI ajoute une nuance : « Les exceptions énumérées par le présent article ne
peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni causer un préjudice injustifié aux
intérêts légitimes de l'auteur. » Il est donc possible de justifier l’obstruction de ces exceptions par
la préservation des intérêts des ayants droit.
L’exception la plus controversée est l’exception de copie privée. Elle semble en effet
indispensable, à la fois en termes d’utilisation et de conservation personnelles, et de partage dans
un cercle restreint de famille et d’amis. Actuellement, les DRM limitent la copie à un certain
nombre d’exemplaires, le maximum étant souvent de six. En replaçant le débat dans l’univers
numérique, nous pouvons nous interroger sur la légitimité de la copie privée. Contrairement à la
musique qui est écoutée sur de multiples supports (lecteur CD, baladeur mp3, autoradio, etc.), on
peut considérer que les livres ont plutôt tendance à être lus de manière linéaire sur un seul et
même support. Cependant, les pratiques évoluent vers une multiplication des supports, et les
lecteurs réclament de plus en plus la possibilité de lire un même livre sur plusieurs supports
simultanément. De plus, la copie privée acquiert une véritable importance en termes de
conservation, les fichiers numériques étant particulièrement fragiles et éphémères. Il est en effet
très aisé de perdre définitivement un fichier, par la perte ou la dégradation du support qui le
contient (clé USB, disque dur, etc.), ou tout simplement par une erreur de manipulation. Les
fichiers numériques, de par leur nature, imposent d’exister en copies multiples. Enfin, il nous
semble que l’important n’est pas que les lecteurs lisent effectivement leurs livres sur plusieurs
supports et plusieurs fois. L’important est qu’ils en aient le droit et la possibilité, pour que leurs
usages puissent évoluer et se développer.
La controverse autour de la copie privée tient également à son aspect économique. Le livre
numérique a introduit la limitation de la copie, mais la rémunération pour copie privée est
demeurée inchangée. Cette rémunération, instituée en 1985, a pour but de combler le manque à
gagner des auteurs du fait de l’exception de copie privée. Elle prend la forme d’une taxe prélevée
sur les ventes de supports vierges (DVD, clé USB, carte mémoire, etc.) et est redistribuée en partie
(75 %) aux créateurs par l’intermédiaire des sociétés de perception et de répartition des droits.
L’association de DRM et de rémunération pour copie privée a donc une légitimité moindre et
peut conduire à une double rémunération de l’ayant droit, au détriment du consommateur. Il
nous semble donc nécessaire d’adapter le système de la rémunération pour copie privée à la
nouvelle réalité du commerce de livres numériques. Pour autant, il ne faut pas oublier les intérêts
des auteurs et éditeurs qui n’ont pas recours aux DRM et qui bénéficient donc à titre légitime de
19
cette rémunération. Déjà en 2001, le Parlement européen évoquait une réforme du système de
copie privée en établissant que « les titulaires de droits doivent recevoir une compensation
équitable tenant compte de l’application ou de la non-application de mesures techniques ». En
réalité, la crise de la rémunération pour copie privée semble tenir au fait qu’elle prétend
compenser la copie de fichiers achetés légalement, alors qu’elle vise officieusement à compenser
le piratage.
Enfin, l’exception de conservation a également récemment fait parler d’elle, au travers de la
question du dépôt légal. La Bibliothèque nationale de France (BNF) avait saisi en 2012 la Hadopi
sur le sujet, déclarant ne pas pouvoir, du fait des DRM, faire correctement son travail de
conservation. La durée de vie limitée des technologies DRM et de leur clé d’accès ne permet pas
à la BNF d’assurer la pérennité de l’accès aux fichiers. La Hadopi a répondu à cette saisine en
rendant un avis favorable à la mise à disposition de la BNF d’une version non protégée des
œuvres, dans le but d’en garantir la conservation et la pérennisation24. Cependant, cet avis ne
constitue qu’une recommandation et ne possède pas de force juridique contraignante25.
1.2.3 – L’échec des dispositifs législatifs
À l’incohérence des textes législatifs s’ajoute l’inefficacité des dispositifs mis en place pour
accompagner le marché du numérique, et en particulier de la Haute Autorité pour la diffusion des
œuvres et la protection des droits sur Internet. En effet, la Hadopi a depuis novembre 2010 la
charge de réguler les DRM et les copies privées. Elle aurait notamment le pouvoir de fixer « le
nombre minimal de copies autorisées dans le cadre de l’exception pour copie privée26 ». La Haute
Autorité peut également jouer un rôle d’arbitre et trancher, à la demande d’un utilisateur, un
litige portant sur des restrictions abusives. Elle peut alors prononcer une injonction et contraindre
les ayants droit à revenir sur ces restrictions. Cependant, il est établi que cette injonction ne doit
pas « porter atteinte à l'exploitation normale d'une œuvre ou d'un objet protégé par un droit de
propriété intellectuelle, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires de
droits de propriété intellectuelle ». La marge de manœuvre de la Hadopi est donc limitée. La
Haute Autorité peut également être saisie pour un problème d’interopérabilité lié aux DRM. Un
éditeur de logiciel, un fabricant de système technique ou un exploitant de service qui souhaite
développer une solution interopérable peut faire appel à elle pour obtenir des fabricants du DRM
les informations nécessaires à l’interopérabilité. Cependant, la Hadopi peut accorder au
concepteur du DRM une indemnité financière correspondant à la valeur économique des
24. Avis n° 2013-1 de la Hadopi du 30 janvier 2013 relatif à l’exception de dépôt légal. 25. Xavier BERNE, « La Hadopi prône un dépôt légal à la BNF sécurisé mais sans DRM », PCINpact, 4 février 2013
(http://m.pcinpact.com/news/77254-la-hadopi-prone-depot-legal-a-bnf-securise-mais-sans-drm.htm, consulté le 9 juillet 2013). 26. Décret n° 2010-1366 du 10 novembre 2010 relatif à la labellisation des offres des services de communication au
public en ligne et à la régulation des mesures techniques de protection et d'identification des œuvres et des objets
protégés par le droit d'auteur (disponible en ligne : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTE
XT000023037200&dateTexte=&categorieLien=id).
20
informations communiquées. Cet aspect rend la démarche inaccessible à de nombreux
entrepreneurs. Il semble donc pour le moment fastidieux de recourir à la Haute Autorité pour
arbitrer les conflits que suscitent les DRM. D’autant plus qu’elle ne dispose pas d’un véritable
pouvoir de sanction.
On peut dès lors se demander comment va évoluer ce rôle d’arbitre. En 2012, la Hadopi a
exprimé sa volonté de mieux remplir sa mission de régulation des DRM. Dans son rapport
annuel, elle affirmait qu’une « réflexion sur l’équilibre entre la protection du droit d’auteur et la
nécessité de ne pas pénaliser le consommateur dans l’utilisation légale de l’œuvre est une
problématique essentielle27 ». Elle ajoutait que « les saisines récentes en matière de Mesures
techniques de protection (MTP) devront permettre à la Hadopi de contribuer à définir cet
équilibre, notamment dans le cas où les limitations d’usage sur les offres limitent les
consommateurs dans le choix de leur terminal ou les empêchent de bénéficier d’exceptions au
droit d’auteur ». Le rapport sur les autorités publiques indépendantes met en évidence une
augmentation flagrante des saisines pour avis sur les DRM (aucune en 2011, 3 en 2012, 4 prévues
en 2013 et 6 en 2015)28. Dans ce même rapport, la Hadopi ajoute que « la vague de contestation
qui s’est développée dernièrement à l’encontre des MTP ainsi que le recours aux MTP de plus en
plus sophistiquées [...] peuvent offrir une source de multiplication des saisines ». En revanche, les
avis sur saisines rendus par la Haute Autorité se font plus rares et différés (1 en 2012, 6 prévus en
2013 et 6 en 2015), signe qu’elle parvient difficilement à résoudre les problèmes qui lui sont
soumis. Le fonctionnement de la Haute Autorité a récemment été remis en question par le
rapport Lescure, qui propose de mettre fin à la Hadopi en tant qu’autorité administrative et de
conférer certains de ses pouvoirs au Conseil supérieur de l’audiovisuel29. Parmi ces pouvoirs, le
conseil se verrait notamment confier le rôle de régulateur des DRM. L’avenir de la Hadopi et de
la régulation des DRM est donc encore très incertain.
1.3 – Le spectre du livre papier
En troisième lieu, les DRM sont en décalage par rapport à l’écosystème numérique du fait de leur
relation particulière au modèle du livre papier, dont le spectre hante à la fois lecteurs et acteurs du
livre. Tantôt instrument, tantôt obstacle à la reproduction de ce modèle, les DRM sont liés à la
définition de la lecture numérique et à la part d’influence de la lecture papier.
27. Hadopi, « Rapport d’activité 2011/2012 », septembre 2012 (disponible en ligne : http://www.hadopi.fr/sites/defau
lt/files/page/pdf/Rapport_activite2012Hadopi.pdf). 28. Hadopi, « Rapport de présentation du budget 2013 de l’Hadopi », in « Rapport sur les autorités publiques indépendantes »,
2012 (disponible en ligne : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/farandole/2013/pap/pdf/Jaune2013_API.pdf). 29. Pierre LESCURE, op. cit.
21
1.3.1 – « L’âge de l’accès30 »
Le numérique et les récentes évolutions technologiques ont fait apparaître une nouvelle manière
de consommer les biens culturels. Selon Jeremy Rifkin, nous serions ainsi entrés dans « l’âge de
l’accès ». Tandis que, dans nos sociétés modernes, l’idée de marché était fortement associée à la
notion de propriété, le numérique a introduit l’habitude d’un accès dématérialisé, intangible et à
court terme. En conséquence, la notion d’accès a supplanté celle de propriété. Selon cette
approche, les nouvelles générations nées dans l’univers numérique seraient moins attachées à la
notion de propriété et ne chercheraient pas, dans leur consommation de produits culturels, à
posséder et collecter les fichiers. Elles accorderaient plus de valeur au simple accès aux contenus.
Cependant, Jeremy Rifkin reconnaît que notre conception des échanges commerciaux est
toujours dominée par « un instinct de propriété primordial et irrésistible31 ». De même, Hadrien
Gardeur, co-fondateur et chef de projet chez Feedbooks, estime qu’« il y aura toujours des gens
qui préfèreront posséder les livres, savoir ce qu’ils en font et ne pas dépendre d’un tiers32 ». À cela
s’ajoute le fait que « nos institutions politiques et juridiques sont enracinées dans un système
fondé sur le marché et la propriété33 ». Le modèle du livre numérique semble donc se situer à mi-
chemin entre les deux conceptions, celle de la propriété et celle de l’accès. Cette oscillation nous
semble être la source des réticences et du rejet des DRM, notamment parce que les lecteurs
réclament à la fois la facilité d’accès et la propriété des contenus culturels.
On voit ainsi se développer deux types d’offres différents, définis par Françoise
Benhamou et Olivia Guillon34. D’une part, le modèle du miroir, c’est-à-dire en miroir de l’offre
papier. Cette offre propose un achat par téléchargement, une pérennité d’accès et une tarification
unitaire. D’autre part, le modèle du service. Cette offre correspond à l’achat d’un service associé à
un contenu culturel. Il peut s’agir d’une location ou d’un abonnement à une base de fichiers (ex. :
Youboox). Le premier modèle est aujourd’hui le plus répandu. Pourtant, le second est celui qui
correspond le mieux à la définition de l’économie numérique établie par Rifkin. Par ailleurs, cette
conception nous imposerait de renoncer à la notion d’exemplaire, qui n’a plus de cohérence dans
un univers où les contenus sont intangibles et les fichiers reproductibles à l’infini. Pourtant,
conséquence du modèle du miroir, les échanges commerciaux sont encore dominés par la notion
d’exemplaire. La manifestation la plus flagrante en est les DRM, qui limitent la copie et
permettent d’identifier chaque fichier et de le rendre unique. Les DRM sont donc étroitement liés
à la conception que l’on se fait du commerce de contenus culturels. En ce sens, que ce soit par
30. Jeremy RIFKIN, L’âge de l’Accès – La révolution de la nouvelle économie, Paris : La Découverte, 2000.
31. Ibid., p. 10.
32. Entretien avec Hadrien Gardeur, le 31 juillet 2013 (cf. Annexe K). Toutes les références à Hadrien Gardeur sont
issues de cet entretien. 33. Jeremy RIFKIN, op. cit., p. 13.
34. Françoise BENHAMOU, Olivia GUILLON, « Modèles économiques d’un marché naissant : le livre numérique », Ministère
de la Culture et de la Communication, 2010 (disponible en ligne : http://www2.culture.gouv.fr/culture/deps/2008/pdf/cp-
livrenumerique-2010-2.pdf).
22
leur présence ou leur absence, ils auront très probablement un rôle à jouer dans les évolutions du
marché du livre numérique.
1.3.2 – La pérennité des contenus
La pérennité est l’un des principaux aspects qui différencient le livre numérique du livre papier.
C’est aussi l’une des dimensions les plus incertaines de ce nouveau marché. La pérennité est
pourtant une valeur importante pour les consommateurs. D’après notre mini sondage, 75 % des
lecteurs souhaitent conserver leurs livres numériques à la manière d’une bibliothèque, et 58 %
considèrent que la pérennité de leurs fichiers est importante. L’incertitude quant à l’avenir des
livres numériques semble être la cause des réticences de certains. Les DRM ne sont pas les seuls
responsables du danger qui pèse sur la pérennité des contenus, mais ils y contribuent
significativement. L’idée d’une limitation de la copie est en complète inadéquation avec le
principe de pérennité. Sans parler de transmission à l’échelle de plusieurs vies, les DRM mettent
en danger la durabilité des fichiers à l’échelle même d’une vie, voire de quelques années. Au
rythme de l’évolution des technologies, il est très probable qu’un lecteur change de support de
lecture régulièrement, au bout de quelques années d’utilisation. Un fichier acheté pourra donc
être transféré sur un certain nombre de supports, dans la limite imposée par le DRM. Une fois
cette limite atteinte, le lecteur ne pourra plus accéder à son fichier que sur ses anciens supports.
La durée de vie actuelle des appareils électroniques augmente le risque de perte du fichier.
Les DRM fonctionnent en lien avec un serveur distant. Leur fonctionnement est donc
soumis à l’existence de ce serveur, et une panne ou une cessation d’activité aurait pour
conséquence de bloquer la copie du fichier. Ne subsisteraient que les copies existantes, elles-
mêmes liées au support qui les contient. Le cas s’est présenté en 2008 lorsque Yahoo! Music a
décidé de supprimer les DRM de ses fichiers35. Cette décision s’est accompagnée de la coupure
des serveurs gérant ces DRM. Les fichiers protégés achetés sur Yahoo! Music allaient se figer et
devenir intransférables. Prévenus en amont, les clients ont pu prendre des dispositions pour
sauvegarder leurs fichiers. La société a également proposé à ses clients de rembourser les fichiers
achetés, ou de leur en transmettre une version non protégée. Dans le cas où la coupure des
serveurs peut être anticipée et que le fournisseur de contenus a les moyens d’offrir une
compensation à ses clients, la situation semble donc avoir de faibles répercussions. On peut par
contre imaginer les conséquences d’une coupure soudaine et définitive d’un serveur, suite à la
faillite d’un fournisseur de contenus par exemple, qui ne serait alors pas en mesure de
dédommager ses clients.
De surcroît, ce fonctionnement entraîne la dépendance du consommateur à son fournisseur
de contenus. La pérennité du DRM et donc du fichier pourrait être remise en question en cas de
35. Nil SANYAS, « Yahoo! Music abandonnera les DRM, non sans mal », PCINpact, 30 juillet 2008 (http://www.pcinp
act.com/news/45102-Yahoo-Music-DRM.htm, consulté le 11 juillet 2013).
23
rachat du fournisseur par un tiers, de changement de sa technologie ou de ses conditions
d’utilisation. Par l’intermédiaire des DRM, les distributeurs de contenus conservent un contrôle
sur les fichiers numériques après leur vente. Ils ont la possibilité d’intervenir sur ces contenus et
d’en bloquer l’accès. L’exemple le plus célèbre est la suppression en juillet 2009 par Amazon de
deux livres, 1984 et La ferme des animaux de George Orwell36. Ces ouvrages ont non seulement été
supprimés de la boutique Amazon, mais également des comptes et des Kindle des clients qui les
avaient achetés. Cette suppression serait due à l’éditeur qui se serait rendu compte qu’il ne
possédait pas les droits d’exploitation numérique pour ces œuvres. Là encore, Amazon a
remboursé ses clients lésés et a assuré que cela ne se reproduirait pas. Cependant, cet incident,
très médiatisé notamment du fait de la nature des deux ouvrages, a eu pour conséquence de
révéler aux clients d’Amazon la fragilité de leur possession. Ils ont pris conscience d’acquérir non
pas la propriété d’un fichier mais un droit temporaire et révocable d’accès à ce fichier.
Enfin, les DRM posent la question de la conservation à long terme des fichiers par les
bibliothèques publiques. Comme nous l’évoquions plus haut, les DRM empêchent l’exception de
conservation. Mais ils empêchent également la mise à disposition, par les instances de
conservation, des fichiers au public. L’intérêt de la conservation est de maintenir l’accessibilité
des œuvres dans le temps. Comme le résume Alain Jacquesson, ancien directeur de la
bibliothèque de Genève et spécialiste des bibliothèques numériques, « les DRM ne permettent
qu’une consultation à très court terme, quelques années au mieux. Il est illusoire de bâtir une
bibliothèque numérique pérenne, qu’elle soit personnelle ou publique, sur un si court terme37. »
Les bibliothèques ne peuvent donc être assurées de pouvoir offrir de manière pérenne une
consultation des fichiers, et cela même lorsque les œuvres tombent dans le domaine public. La
question se pose en effet du devenir d’une œuvre diffusée en numérique et protégée par DRM
lorsqu’elle tombe dans le domaine public. Si le droit d’auteur est limité dans le temps, les mesures
techniques de protection ne sont pas soumises à une limitation de durée.
1.3.3 – Les usages du livre papier
Enfin, le spectre du livre papier se ressent particulièrement dans les usages, et les DRM jouent un
rôle ambigu dans cet état de fait. En effet, les lecteurs numériques ont tendance à calquer leurs
comportements sur ceux qui ont cours dans l’univers du papier. Notre mini sondage révèle que
75 % des lecteurs souhaiteraient pouvoir prêter, léguer ou revendre leurs livres numériques. Mais
les DRM empêchent ou limitent ces pratiques. Néanmoins, les DRM sont aussi parfois les
instruments de la reproduction du modèle du livre papier.
36. Marin DACOS, Pierre MOUNIER, op. cit.
37. Alain JACQUESSON, « Du livre enchaîné aux DRM », Bulletin des Bibliothèques de France, n° 3, 2011, p. 36-41
(http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2011-03-0036-007, consulté le 11 juillet 2013).
24
La possibilité de prêter un livre numérique semble être un souhait des consommateurs. Ils
considèrent une telle pratique légitime puisque courante pour le livre papier. La possibilité de
prêter un bien matériel découle de la théorie de l’épuisement du droit de distribution, c’est-à-dire
que le droit exclusif de distribution dont bénéficiait le revendeur s’éteint au moment de la vente
du bien. Cependant, cette théorie ne semble pas applicable au livre numérique. Par
l’intermédiaire des DRM, le revendeur conserve un contrôle sur la distribution du fichier,
notamment en limitant la copie. En outre, le prêt de livres numériques est rendu difficile par
l’incompatibilité des DRM et des formats de fichiers. Pour que le prêt soit possible entre deux
individus, ils doivent posséder un support de lecture qui supporte les mêmes formats de fichiers et
les mêmes technologies DRM. De plus, dans l’univers du papier, lorsqu’un lecteur prête un de ses
livres, il s’en trouve automatiquement dépossédé durant la période du prêt. À l’inverse, le prêt
d’un livre numérique peut se faire par copie, et le prêteur ne s’en trouve pas dessaisi. Légalement,
il ne s’agit donc pas d’un prêt mais d’une reproduction non autorisée par l’ayant droit, ce qui
constitue un acte de contrefaçon.
Il n’existe actuellement qu’un seul système de prêt entre particuliers en France. Il s’agit
d’Amazon à travers son offre Premium. Ce système, contrôlé par une interface fermée, permet le
prêt de livres numériques entre utilisateurs de Kindle pour une durée de quatorze jours. Pendant
ce laps de temps, le propriétaire du livre n’y a plus accès. À la fin de la période de prêt, le livre
disparaît de la bibliothèque de l’emprunteur et son propriétaire le récupère. Un seul prêt est
possible par fichier et il n’est possible d’emprunter qu’un seul titre à la fois. Le prêt est donc rendu
possible par l’écosystème d’Amazon, qui contrôle étroitement les contenus téléchargés par ses
clients. D’autres offres du même genre sont à l’étude en France. On peut notamment citer
l’initiative MO3T qui devrait permettre d’héberger en cloud des bibliothèques personnelles et
d’échanger des livres numériques entre bibliothèques. Enfin, le prêt numérique pose la question
de la rémunération des ayants droit. En ce sens, l’offre encadrée par Amazon a l’avantage d’offrir
une rémunération aux auteurs. En revanche, le prêt entre particuliers et en l’absence de tout
contrôle peut leur paraître préjudiciable. Dans un écosystème marqué par l’intensité et la facilité
des échanges, le prêt est donc paradoxalement très entravé.
Certains lecteurs réclament également la possibilité de revendre leurs livres numériques, ce
qui s’apparenterait à la revente d’occasion pour le livre papier. Cependant, la notion d’occasion
n’existe pas dans l’écosystème numérique, car un fichier ne subit pas d’usure. Cette pratique se
traduirait pour les acteurs du livre non seulement par un manque à gagner sur les ventes, mais
aussi par une concurrence féroce de livres vendus moins chers et dans un état neuf. De plus, cela
pourrait constituer une violation de la loi sur le prix unique du livre numérique. Les arguments
défavorables au prêt s’appliquent également à la revente : maintien du droit exclusif de
distribution, incompatibilité des DRM et des formats de fichiers et assimilation à de la
25
contrefaçon. Enfin, ici aussi, la question de la rémunération des ayants droit se pose, bien
qu’aucune solution n’ait été proposée.
On constate également des pratiques proches du papier en ce qui concerne le prêt de livres
numériques en bibliothèque, et les DRM sont souvent les instruments de ce mimétisme. Le prêt
numérique en bibliothèque s’organise de la même manière que pour le papier, c’est-à-dire autour
de la notion d’exemplaire. Tandis que l’arrivée du numérique laissait espérer une simplification et
une libération du prêt en bibliothèque, notamment par la suppression des problèmes
d’indisponibilité, les DRM servent au contraire à limiter l’utilisation des fichiers de manière à en
conserver le contrôle. Économiquement, la limitation du nombre d’utilisations d’un fichier
permet d’équivaloir à l’usure du papier. En l’absence de ces dispositifs, la vente de livres aux
bibliothèques ne serait pas rentable pour les éditeurs et l’offre serait donc inexistante. Mais ces
pratiques ne suscitent pas l’engouement des bibliothécaires, qui espéraient que le numérique leur
permettrait de prêter plus et plus longtemps.
Les consommateurs s’interrogent également sur le legs et le don de livres numériques. Il
semble en effet légitime de pouvoir transmettre quelque chose que l’on a acquis, notamment à ses
proches. Mais les DRM et les écosystèmes fermés interdisent aujourd’hui cette possibilité.
Amazon aurait ainsi refusé de transmettre les livres d’un homme décédé à sa famille, en déclarant
que « le contenu Kindle ne peut être revendu, ni donné, ni transféré entre comptes38 ». De même,
le don de livres numériques à un organisme tel qu’une bibliothèque publique ne semble pas
possible. Pour les mêmes raisons que le prêt de livres numériques en bibliothèque est très
contrôlé, un tel don serait préjudiciable aux acteurs du livre. Les dispositions législatives actuelles
ne répondent pas à ces préoccupations.
Enfin, comme nous avons déjà pu l’apercevoir, les DRM entrent souvent eux-mêmes en
contradiction avec l’écosystème numérique en reproduisant le modèle du papier. À une époque
où énormément de biens culturels se dématérialisent, les DRM ont paradoxalement pour but de
fixer de manière permanente un fichier numérique sur un support physique. De surcroît, en
rendant chaque fichier unique, ils réintroduisent artificiellement de la rareté dans un univers où
les fichiers sont reproductibles à l’infini et à un coût quasi nul. Cette imitation du modèle du livre
papier est pour Bruno Spiquel, expert associé à la Hadopi, le « symptôme d'une méconnaissance
d'un nouvel univers39 ». Selon lui, « l’humain tente, souvent vainement, de reproduire ou d'imiter
ce qu'il connaît ». Les industries culturelles tentent ainsi de maintenir leur modèle économique en
reproduisant les conditions d’accès et d’usage du livre papier. Mais cet anachronisme limite les
pratiques des lecteurs et retire une partie de l’intérêt du numérique.
38. Guillaume CHAMPEAU, « En cas de décès, Amazon ne veut pas transférer les livres aux héritiers », Numerama,
14 mai 2012 (http://www.numerama.com/magazine/22605-en-cas-de-deces-amazon-ne-veut-pas-transferer-les-livres-
aux-heritiers.html, consulté le 11 juillet 2013). 39. Bruno SPIQUEL, « Protection des droits, oui, mais les protéger de quoi ou de qui ? », in Au fil des labs. Écosystèmes.
DRM et interopérabilité, LabsHadopi, 2012 (disponible en ligne : http://fr.calameo.com/read/001574234c6812f0a486f).
26
2 – Une viabilité technique et économique en question
La seconde question qui se pose est celle de la viabilité des DRM en termes techniques et
économiques. Au regard des contraintes que ces solutions techniques imposent à la lecture et à
l’écosystème numériques, cette viabilité est un des enjeux majeurs du recours aux DRM, et donc
de leur avenir.
2.1 – « Des verrous qui tournent dans le vide1 »
En premier lieu, l’efficacité des DRM en tant qu’outil de lutte contre le piratage est souvent
remise en cause. Que ce soit en termes techniques ou psychologiques, l’utilité de recourir à ces
verrous pour protéger la propriété intellectuelle est contestée. Les DRM peuvent même avoir
l’effet inverse, et devenir contre-productifs.
2.1.1 – Une protection inefficace
Pour commencer, la capacité technique des DRM à lutter contre le piratage est très contestée. En
effet, 15 des 20 éditeurs les plus piratés y ont recours (cf. Annexe C). Leur manque d’efficacité est
tout d’abord dû à leur fragilité technique. Toutes les solutions mises en place ont effectivement
été contournées. Chaque nouvelle technologie mise sur le marché donne lieu à un concours de
celui qui parviendra le plus vite à la craquer. Les moyens de contourner les DRM se propagent
rapidement, avec une forte volonté de la part des hackers de les démocratiser. Cela se traduit par
une banalisation des outils de contournement. Selon une étude récente, les lecteurs seraient
« 43 % à disposer de l’habileté technique suffisante pour [...] supprimer les DRM2 ». Grâce à
l’installation d’un plug-in, la suppression des DRM peut même être gérée par un outil gratuit de
gestion de bibliothèque tel que Calibre. Le lecteur n’a donc qu’à cliquer sur un bouton pour
obtenir un fichier libre de toute protection. Ainsi, certains lecteurs suppriment les DRM dès
l’achat pour pouvoir lire le fichier sur n’importe quel support et le copier librement. La même
étude retranscrit le témoignage de l’un d’entre eux :
« Le premier truc que je fais quand j’achète un livre, c’est enlever les DRM. Comme ça je n’ai pas de
problème pour les transférer. Ce qui est normal puisque je l’ai acheté... je connais deux logiciels pour les
enlever, ou trois, en un double clic on enlève le fichier et voilà, en deux secondes c’est prêt3. »
Ces pratiques sont donc marquées par le sentiment des lecteurs de disposer du droit d’adopter de
tels usages et donc de la légitimité de supprimer les protections qui les en empêchent. Cependant,
le contournement des DRM concerne une minorité de lecteurs, puisque notre mini sondage
1. Antoine OURY, « Ebooks et DRM, des verrous qui tournent dans le vide », op. cit.
2. Dominique BOULLIER, Maxime CREPEL, « Pratiques de lecture et d’achat de livres numériques », Le MOTif, février
2013 (disponible en ligne : http://www.lemotif.fr/fichier/motif_fichier/488/fichier_fichier_etude.pratiques.lecture.et.a
chat.de.livres.numa.riques.pdf). 3. Ibid.
27
révèle que seuls 22 % de ceux qui savent ce qu’est un DRM en ont déjà supprimé d’un de leurs
livres.
La fragilité des DRM est souvent reconnue, voire assumée par les acteurs du marché. Déjà
en 2003, Steve Jobs, PDG d’Apple, l’évoquait dans le cas de la distribution de musique :
« Aucune des technologies dont vous parlez ne va fonctionner [...] et nous ne pensons pas qu’il soit
possible de protéger le contenu numérique. [...] il suffit de crocheter un verrou pour ouvrir toutes les
portes. Il suffit d’une personne pour crocheter un verrou4. »
Plus récemment, Bill Rosenblatt, président de Giant Steps Media, déclarait que « le DRM n’a
jamais été conçu comme une protection inattaquable et durable5 ». Mais, pour Denis Zwirn, co-
fondateur et PDG de Numilog, cette fragilité serait due au fait qu’Adobe a cessé d’investir dans
l’évolution et la lutte contre le contournement de son DRM6. La situation devrait donc selon lui
changer avec l’apparition de nouvelles technologies. Enfin, l’ultime preuve de la fragilité des
DRM est le besoin qui s’est manifesté de les protéger au moyen d’une loi, bien que cette
protection n’ait pas permis de garantir leur efficacité.
Il existe une autre forme de piratage qui échappe totalement aux verrous. Il s’agit des scans,
c’est-à-dire de la numérisation par des particuliers de livres papier. Les fichiers ainsi partagés sur
Internet sont souvent le produit de groupes, ou teams, dédiés à cette activité et qui produisent des
livres d’une grande qualité. Aux débuts de l’offre numérique légale, ces fichiers pouvaient même
se révéler de meilleure qualité que les fichiers proposés légalement. Le partage de livres
numériques et le partage numérique de livres papier sont donc deux phénomènes très différents,
qui n’ont pas les mêmes conséquences et qui n’impliquent pas les mêmes enjeux. Pourtant, le
phénomène des scans semble majoritaire sur Internet. Une étude datant de 2012 mentionne que
« l’essentiel [des textes piratés] provient de livres papier scannés et diffusés en ligne7 ». Une autre
étude publiée la même année affirme que la bande dessinée, catégorie éditoriale la plus piratée sur
Internet, n’est que très marginalement victime du crackage de fichiers légaux, mais qu’elle est très
largement l’objet de scans8.
Enfin, l’échec des DRM à empêcher le partage illégal de livres numériques est visible dans
les efforts faits en parallèle par les maisons d’édition pour lutter contre le piratage. Certains
éditeurs ont en effet recours à des sociétés spécialisées dans la surveillance du net. C’est le cas
4. Francisco Javier CABRERA BLAZQUEZ, « Systèmes de gestion des droits numériques : dernières évolutions en Europe », IRIS plus, Strasbourg : Observatoire européen de l’audiovisuel, 2007 (disponible en ligne : http://www.obs.c
oe.int/oea_publ/iris/iris_plus/iplus1_2007.pdf.fr).
5. Bill ROSENBLATT, « Enjeux techniques de la protection des données », Assises du livre numérique, 8 novembre 2012
(compte-rendu disponible en ligne : http://www.sne.fr/img/pdf/Evenements/Assises/Assises-8novembre2012/synthese-
DRM-et-protection.pdf). 6. Entretien avec Denis Zwirn, le 31 juillet 2013 (cf. Annexe J). Toutes les références à Denis Zwirn sont issues de cet
entretien.
7. Mathias DAVAL, « Ebookz 3 : Étude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2011 – 3e année », Le
MOTif, mars 2012 (disponible en ligne : http://www.lemotif.fr/fichier/motif_fichier/368/fichier_fichier_etude.ebookz.3.pdf).
8. Mathias DAVAL, « BDZ. L’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2011 : focus sur le piratage de
la BD », Le MOTif, janvier 2012 (disponible en ligne : http://www.lemotif.fr/fichier/motif_fichier/367/fichier_fichier
_fichier_fichier_le.motif.ebookz3.2.pdf).
28
d’Hachette qui, après avoir eu recours à la société Attributor, vient de signer un accord
international groupe avec la société MarkMonitor. Celle-ci a été chargée de la protection de la
quasi-totalité du catalogue du groupe et surveille le web en continu à la recherche de fichiers
diffusés illégalement. Lorsque des fichiers illégaux sont détectés, la société envoie une notification
au site qui les héberge. Mais l’activité constante de ces sociétés est un signe de leur difficulté à
résoudre durablement le problème. Arnaud Nourry, PDG d’Hachette Livre, expliquait en 2012 à
propos d’Attributor :
« Cela fonctionne bien puisque dans 85 ou 90 % des cas, les livres sont supprimés des sites. Après, ils
réapparaissent ailleurs [...] Et l'on constate que l'on est piratés massivement. Tant qu'il y aura des gens
qui mettent des scans en ligne, on continuera, et je pense qu'il y en aura toujours, d'ailleurs9. »
Sur ce point, Antoine Duquesne, directeur du développement numérique chez Harlequin,
confirme que « dès que vous avez supprimé un fichier, dix autres apparaissent10 ». Ce besoin de
traquer l’offre illégale semble s’accroître, puisque le SNE vient de mettre à la disposition de ses
adhérents deux outils : d’une part, une « solution automatisée de notification en vue du retrait des
contenus illicites » proche du modèle d’Hachette décrit ci-dessus ; d’autre part, le site Portail
Protection Livres qui donne accès à un « moteur de recherche permettant de trouver les contenus
illicites et d’adresser des notifications pour en demander le retrait11 ».
Les DRM ont donc échoué à limiter le piratage. En réalité, aucun dispositif ne s’est révélé
efficace et le phénomène semble impossible à endiguer. Un rapport du Contrôle général
économique et financier estimait en 2011 que « le piratage est susceptible d’augmenter
parallèlement à la croissance de la disponibilité des œuvres en format numérique, quels que
soient les verrous technologiques mis en place12 ».
2.1.2 – Le piratage, un phénomène inoffensif ?
L’utilité des DRM est corrélative de la nécessité de lutter contre le piratage, et donc de la nocivité
de celui-ci. Or, le partage sur Internet est perçu par certains comme inoffensif, voire positif. Il
s’avère tout d’abord que l’offre illégale est relativement restreinte et sélective. Selon la dernière
étude « Ebookz », elle représenterait environ 2 % de l’offre légale papier13. Cette même étude
remarque que « d’une façon générale, et à l’exception de quelques best‐sellers très diffusés, il reste
9. Nicolas GARY, « L’heure n'est pas venue pour les éditeurs d'enlever les DRM (A. Nourry) », ActuaLitté, 16 mars 2012
(http://www.actualitte.com/acteurs-numeriques/l-heure-n-est-pas-venue-pour-les-editeurs-d-enlever-les-drm-a-nourry-
32801.htm, consulté le 25 juillet 2013). 10. Entretien avec Antoine Duquesne, le 26 juillet 2013 (cf. Annexe H). Toutes les références à Antoine Duquesne sont
issues de cet entretien.
11. SNE, « Solutions collectives de lutte contre le piratage » (disponible en ligne : http://www.sne.fr/img/pdf/SNE/pi
ratage(1).pdf).
12. Simon BARRY, Christian FORMAGNE, Philippe MARTEL, « Les enjeux de l’application du taux réduit de TVA au livre
numérique », Contrôle général économique et financier, novembre 2011 (disponible en ligne : http://www.culturecommu
nication.gouv.fr/content/download/20956/178669/file/rapport %20final-TVA %20livre %20num %C3 %A9rique-29-11-
11 %20cf.pdf).
13. Mathias DAVAL, « Ebookz 3 : Étude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2011 – 3e année », op. cit.
29
assez fastidieux de trouver sur Internet la version pirate d’un livre précis ». Dans cette sphère, très
majoritairement non marchande, se développent des pratiques particulières. En bande dessinée,
certaines communautés traduisent, sans visée commerciale, des titres indisponibles en français14.
Dans la majorité des autres genres littéraires, il s’agit de mettre à disposition des ouvrages qui ne
sont pas disponibles en numérique. Ainsi, Clément Bourgoin, responsable numérique chez
Le Bélial’, a constaté que « les seuls de nos livres à être piratés sont des livres qu’on ne propose
pas en numérique15 » :
« Je pense qu’il y a vraiment un respect des gens pour le travail qu’on fait, qui fait que quand ils piratent,
ils le font bien et parce que les livres ne sont pas disponibles. Et quand ils voient qu’ils sont disponibles,
ils les retirent. »
De même, Claire Deslandes, directrice du développement chez Bragelonne, a constaté qu’« à
chaque fois qu’on mettait un livre numérique à disposition dans une offre légale, l’offre illégale
s’amenuisait énormément16 ». Enfin, le rapport du Contrôle général économique et financier
rapportait que « le piratage du dernier ouvrage de Michel Houellebecq (La carte et le territoire), qui
avait monté en flèche quand il est sorti en librairie au détriment des ventes légales de l’édition
physique, s’est écroulé dès lors qu’une édition numérique légale a été disponible17 ». Ainsi, s’ils
considèrent que l’offre légale est de qualité et à un prix raisonnable, les pirates encouragent plutôt
à acquérir le livre légalement.
Si la grande peur est de voir le phénomène de la musique et de la vidéo se répéter, le
partage de livres numériques ne semble pas susceptible de prendre la même ampleur. Une
véritable industrie du piratage de films et de musique s’est mise en place, avec des sites qui
attirent beaucoup de visiteurs et qui engendrent des recettes publicitaires, des fichiers lourds et
longs à télécharger et des offres d’abonnement pour bénéficier de téléchargements rapides et
illimités. À l’inverse, les ebooks sont des fichiers très légers qui se téléchargent rapidement. Ils ne
seraient donc pas rentables pour une société souhaitant tirer profit de leur partage. Cela semble
pour le moment être une activité de passionnés, à petite échelle, marginale et réservée à un public
averti.
Dans le débat sur l’impact du piratage, l’argument clé est celui de l’analogie entre un fichier
téléchargé illégalement et une vente perdue, et il est souvent soutenu que le piratage n’implique
pas nécessairement un manque à gagner pour les acteurs du livre. En effet, la gratuité favorise le
téléchargement, et il est impossible de déterminer si tel internaute aurait acheté le livre de
manière légale s’il n’avait pas été disponible illégalement. Le baromètre 2013 sur les usages du
livre numérique établit que 50 % des personnes ayant recours à une offre illégale le fait « pour
14. Françoise BENHAMOU, Olivia GUILLON, op. cit.
15. Entretien avec Clément Bourgoin, le 3 juillet 2013 (cf. Annexe G). Toutes les références à Clément Bourgoin sont
issues de cet entretien. 16 Entretien avec Claire Deslandes, le 31 juillet 2013 (cf. Annexe I). Toutes les références à Claire Deslandes sont
issues de cet entretien. 17. Simon BARRY, Christian FORMAGNE, Philippe MARTEL, op. cit.
30
obtenir des livres que je n'aurais de toute manière pas achetés18 ». De même, selon notre mini
sondage, 50 % des lecteurs qui reconnaissent avoir déjà téléchargé un livre illégalement affirment
qu’ils n’auraient pas acheté ce livre s’il n’avait pas été disponible sur les réseaux pirates.
L’analogie entre piratage et vente légale n’est pas soutenable car, dans la sphère du payant, le
consommateur se limite davantage et sélectionne mieux ses achats. Or, on remarque chez les
pirates une « logique de constitution d’un stock de livres plus important que la pratique de lecture
effective19 ». Ces comportements créent une impression de piratage massif et de perte massive de
profit. Plutôt que d’une opposition, François Capuron, directeur du marketing et de la
communication des Éditions Delcourt, parle de « corrélation entre les bonnes ventes et le
piratage20 ». Il ajoute :
« Il est certain aujourd’hui que ce n’est pas une menace pour nos ventes. Les fichiers illégaux les plus
courants correspondent aux best‐sellers en librairies. Nos séries fortes ne connaissent pas de baisse en
librairie, c’est même souvent le contraire. »
De même, Clément Bourgoin affirme ne pas avoir « constaté d’augmentation des ventes d’un
livre piraté, mais pas non plus de baisse ». Ainsi, selon Françoise Benhamou et Olivia Guillon,
les deux usages iraient « dans le sens d’une complémentarité plutôt que d’une cannibalisation, ce
qui peut s’expliquer par le fait que les utilisateurs précoces sont aussi de grands acheteurs et
lecteurs21 ». En effet, il ne semble pas exister de lien entre consommation illégale et refus
d’acheter. Ce serait même le contraire, comme le démontre une étude du MOTif : « Les pirates
de livres sont aussi de gros consommateurs de livres papier en termes de budget et de nombre de
livres lus par an22. » Les pirates interrogés achètent en moyenne 25 livres par an, pour un budget
annuel de 250 à 350 euros, la moyenne nationale étant de 58 euros.
Enfin, le piratage peut même être envisagé comme un facteur de vente. Il constitue en effet
une forme de publicité et participe de la création de notoriété pour certains auteurs23. Les éditeurs
en sont conscients puisqu’ils exploitent parfois le partage dans ce but. Les éditions Harlequin
proposent de découvrir leur catalogue à travers dix romans accessibles gratuitement et sans
DRM. L’absence de DRM permet alors une diffusion plus vaste. Les pirates peuvent être
considérés comme des acheteurs potentiels en quête de découverte ou d’avant-goût. Le partage de
livres numériques permet donc une certaine forme de prescription. Par conséquent, les DRM, en
empêchant le partage des fichiers et en faisant du prêt une forme de piratage, limitent les
capacités de prescription des lecteurs. Plusieurs livres ont manifestement connu un grand succès
grâce à leur partage illégal. On peut citer le cas de la bande dessinée Underground de Jeff Parker et
18. OpinionWay, op. cit.
19. Dominique BOULLIER, Maxime CREPEL, op. cit.
20. Mathias DAVAL, « Ebookz 3 : Étude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2011 – 3e année », op. cit.
21. Françoise BENHAMOU, Olivia GUILLON, op. cit.
22. Mathias DAVAL, Rémi DOUINE, « Portrait des cyber-pirates du livre », Le MOTif, octobre 2010 (disponible en
ligne : http://www.lemotif.fr/fichier/motif_fichier/196/fichier_fichier_portrait_pirates.pdf). 23. Françoise BENHAMOU, Olivia GUILLON, op. cit.
31
Steve Lieber. La mise en ligne de scans de la BD sur un forum anglophone a semblé corrélative
de l’explosion des ventes. Face à ce succès, les auteurs ont eux-mêmes pris l’initiative de proposer
gratuitement l’intégralité de la BD sur leur site24. Cependant, au même titre que l’on ne peut
évaluer les pertes dues au piratage, on ne peut en quantifier les effets bénéfiques. De plus, il nous
semble que le partage bénéficie aux ventes papier, au détriment des ventes numériques.
2.1.3 – Une incitation au piratage
Pour terminer, les DRM peuvent se révéler contre-productifs et inciter les lecteurs à recourir à
l’offre pirate. En effet, les restrictions qu’ils imposent peuvent pousser les consommateurs à se
tourner vers une offre non seulement gratuite mais aussi plus souple. Claire Deslandes partage
cette opinion :
« Si on propose un fichier avec DRM très contraignant, on encourage les gens à aller télécharger
illégalement un livre plus facilement lisible, transférable d’une machine à une autre, etc. Donc ça ne va
dans le sens ni de mon intérêt commercial, ni de l’intérêt de la protection de l’œuvre. »
L’offre illégale est également potentiellement plus pérenne. Les pirates semblent attachés à la
pérennité des fichiers et numérisent ou partagent dans des formats ouverts25. Par ailleurs, la
frustration des consommateurs est augmentée par un sentiment d’injustice. Car les restrictions
s’imposent à ceux qui respectent les règles du marché et achètent les fichiers, tandis que ceux qui
les téléchargent peuvent en disposer librement et ne sont pas gênés dans leurs usages. Ainsi, des
personnes qui n’ont jamais téléchargé, par respect du droit d’auteur ou par peur de la répression,
sont davantage tentées de le faire du fait des DRM.
Le baromètre 2013 sur les usages du livre numérique révèle que 14 % des lecteurs qui ont
eu recours à une offre illégale l’ont fait du fait d’une difficulté d’usage liée aux DRM26. Selon une
autre étude, 22 % des lecteurs qui déclarent avoir déjà eu recours à une offre illégale de livres
numériques le justifient par la présence de DRM27. Parmi eux, une catégorie marginale mais
représentative des inconvénients des DRM, celle des internautes mal- et non-voyants. Ceux-ci
s’organisent et mettent en place des bourses d’échange. Le piratage leur permet d’accéder à des
lectures récentes, qui leur sont inaccessibles de manière légale28. En 2011, des chercheurs de deux
universités américaines, Rice et Duke, ont dévoilé une étude sur le piratage de la musique29. Ils
ont analysé la façon dont le piratage est influencé par l’absence ou la présence de DRM et ont
conclu que moins il y a d’interdits, moins il y a de piratage : « Nos recherches présentent la
24. Alexandre HERVAUD, « Partagée sur le net, une BD devient best-seller », Écrans, 25 octobre 2010
(http://www.ecrans.fr/Partagee-sur-le-net-une-BD-devient,11171.html, consulté le 29 juillet 2013). 25. Marin DACOS (dir.), Read/Write book. Le livre inscriptible, Cléo, 2e édition, 2010 (disponible en ligne : http://books.openedition.org/oep/136#text). 26. OpinionWay, op. cit.
27. Dominique BOULLIER, Maxime CREPEL, op. cit.
28. Mathias DAVAL, Rémi DOUINE, op. cit.
29. Rice news staff, « Removal of restrictions can decrease music piracy », Rice University News & Media, 7 octobre 2011
(http://news.rice.edu/2011/10/07/removal-of-restrictions-can-decrease-music-piracy/, consulté le 29 juillet 2013).
32
conclusion qu’en fait, supprimer les DRM peut être plus efficace pour diminuer le piratage que
mettre en place des DRM plus sévères30. » Il nous semble donc que tant que les fichiers seront
limités par des DRM, le livre numérique sera incapable de proposer une alternative attractive au
livre papier. Le marché du numérique en sera bridé, et les lecteurs attachés à la lecture numérique
seront toujours tentés par le piratage.
2.2 – Un non-sens économique
En second lieu, la viabilité économique des DRM doit être examinée. Car, si elles sont censées
protéger les intérêts des acteurs du livre, ces solutions techniques ont également un impact, direct
ou indirect, sur la rentabilité des livres numériques et sur la bonne santé du marché.
2.2.1 – Le coût des DRM pour les acteurs du livre
Premièrement, les DRM ont un impact sur le marché de par leur coût. Ces coûts sont
principalement assumés par le distributeur et sont de deux sortes.
D’une part, les coûts directs, qui correspondent aux coûts de distribution, c’est-à-dire
d’implantation de la technologie dans le fichier au moment de la vente. La procédure et les coûts
diffèrent selon le fournisseur de contenus et la technologie DRM. Amazon et Apple apposent leur
propre mesure technique de protection. L’opération est donc gérée entièrement en interne et les
coûts sont imputés aux sociétés susnommées. En ce qui concerne les autres plateformes de
distribution, la plupart a recours à la solution DRM Adobe. Le coût de l’opération est alors
réparti entre le distributeur et l’éditeur. D’après Hervé Bienvault, la société Adobe demande un
« droit d’entrée » pour pouvoir utiliser la solution technique et développer des logiciels de lecture
compatibles qui s’élève à 58 000 euros par an31. Cette somme est entièrement assumée par le
distributeur. Mais le DRM Adobe coûte également 0,40 € par exemplaire vendu32. Cette somme
est versée à Adobe par le distributeur, qui la refacture à l’éditeur. Si l’on considère le prix moyen
d’un roman au format numérique établit à 14,50 € par l’institut GFK en mars 201233, ce coût
représente alors environ 3 % du prix de l’ebook. L’application de DRM sur les livres diffusés
gratuitement, comme le font Harlequin ou Le Livre de Poche par exemple, en est d’autant plus
absurde puisque le coût engendré n’est compensé par aucun bénéfice. À l’inverse, l’autre solution
technique fréquemment utilisée pour lutter contre le partage, le watermark, n’engage pas de coût
30. Emilie BROUZE, « Musique : le téléchargement légal, trop contraignant, pousse au piratage », Rue89, 10 octobre
2011 (http://www.rue89.com/2011/10/10/musique-moins-de-contraintes-sur-le-telechargement-legal-moins-de-pirates-
225422, consulté le 29 juillet 2013). 31. Hervé BIENVAULT, « Le coût d’un livre numérique », Le MOTif, avril 2010 (disponible en ligne : http://www.lemo
tif.fr/fichier/motif_fichier/153/fichier_fichier_etude.sur.le.coa.t.d.un.livre.numerique.pdf). 32. Ibid., p. 29.
33. GFK, « Assises du livre numérique », 16 mars 2012 (disponible en ligne : http://www.sne.fr/img/pdf/Evenements
/Assises/Assises16mars2012/GfK_ASSISES-NUMERIQUE_16-03-2012.pdf).
33
pour l’éditeur34. Cependant, une grande partie des éditeurs, tels que Claire Deslandes et Antoine
Duquesne, considère qu’il s’agit d’un coût marginal, qui n’influe pas sur la décision de recourir
ou non aux DRM et dont l’impact sur la rentabilité de leur activité est faible.
D’autre part, les coûts indirects, qui correspondent aux conséquences de la présence de
DRM. Ils rassemblent les coûts de gestion des informations relatives aux DRM et de service
après-vente. Ils sont assumés par le distributeur-libraire, l’éditeur pouvant parfois être son propre
libraire. Il s’agit donc des coûts humains et financiers nécessaires au référencement particulier des
ouvrages verrouillés et à la mise en place d’informations au consommateur concernant ces
verrous. Mais le coût le plus lourd est celui qui survient après la vente, lorsque les
consommateurs se retournent vers la plateforme pour résoudre un problème technique. Malgré
les efforts d’information, la majorité des consommateurs de livres numériques ignore tout des
DRM et peut être confrontée à des incompatibilités ou à des barrières qui bloquent des usages
qu’elle pensait légitimes. Les services après-vente des différentes plateformes de distribution
consacrent beaucoup de temps à accompagner ces consommateurs. Selon Hadrien Gardeur, cette
contrainte a un impact conséquent :
« Cela représente quasiment l’ensemble du SAV. Il n’y a quasiment pas de SAV quand il n’y a pas de
DRM, et il y en a énormément pour les premiers achats s’il y a un DRM. Cela représente plusieurs
heures de travail par jour, entre une et trois heures. Ça a un coût dans le sens où des employés sont
mobilisés. »
Mais pour Denis Zwirn, cet accompagnement est simplement dû à la nature technique de ce
nouveau marché. Selon lui, ce travail de service après-vente fait partie des coûts du distributeur et
il est donc normal qu’il prenne en charge les problèmes des lecteurs.
Parfois, lorsque le problème est insoluble ou que le consommateur renonce à le résoudre,
cela peut se solder par un remboursement. Le distributeur-libraire Immateriel a publié en janvier
2013 son bilan annuel, révélant que « 100 % des clients remboursés sur la librairie Immateriel.fr
avaient acheté un livre avec DRM35 ». Ce chiffre est d’autant plus significatif que la librairie
propose une majorité de titres sans DRM. Au 1er septembre 2013, nous pouvions compter, sur un
catalogue de 58 015 références, 38 363 titres vierges de tout DRM. Ceux-ci représentent donc
environ 66 % dudit catalogue. À l’inverse, le ratio de service après-vente pour les titres vendus
sans DRM est de 1 pour 1 00036. Ces demandes de remboursement montrent que les clients
manquent de visibilité sur la compatibilité des DRM avec leurs appareils de lecture. Pourtant,
Immateriel redouble d’efforts pour mieux informer les internautes. Pour Julien Boulnois, les
problèmes posés par les DRM réduisent « à néant tous les efforts qualitatifs et quantitatifs des
34. Hervé BIENVAULT, op. cit., p. 30.
35. Immateriel, « Ce que Xerfi, GFK et l’IDATE n’avaient pas prévu », Blog Immateriel, 3 janvier 2013
(http://blog.immateriel.fr/2013/01/03/ce-que-xerfi-gfk-et-lidate-navaient-pas-prevu/, consulté le 30 juillet 2013).
36. Julien BOULNOIS, « DRM : le point de vue du détaillant », Blog Immateriel, 23 février 2010 (http://blog.immateriel.f
r/2010/02/23/drm-le-point-de-vue-du-detaillant/, consulté le 30 juillet 2013).
34
éditeurs et des libraires, et contribue[nt] à écorner le rapport de confiance avec les lecteurs37 ». De
même, Hadrien Gardeur explique qu’il peut être très frustrant de travailler à améliorer
l’expérience utilisateur, lorsqu’elle est perturbée par des verrous. Les DRM exigent donc des
distributeurs-libraires qu’ils mobilisent des moyens techniques (référencement et information),
financiers (remboursements) et humains (service après-vente). Enfin, les DRM peuvent même
avoir un coût pour les éditeurs qui ont décidé de ne pas en utiliser mais dont les livres sont tout de
même verrouillés par les sociétés Amazon et Apple. Ainsi, Bragelonne a dû instaurer un service
après-vente « dédié à tous nos lecteurs qui rencontrent d’éventuels problèmes avec nos fichiers »
et permettant « entre autres aux utilisateurs ayant acheté leurs e-books avec DRM (notamment
via l’iBookstore d’Apple) d’obtenir une copie sans marquage38 ».
À ces coûts strictement liés aux DRM s’ajoutent les coûts de lutte contre le piratage, qui
découlent en partie de l’inefficacité des verrous. Comme nous l’avons vu précédemment,
certaines maisons d’édition font appel à des sociétés de surveillance du web. En ce qui concerne
les sociétés Attributor et Markmonitor, les coûts sont répartis sur l’ensemble des filiales du groupe
Hachette. David Shelley, éditeur chez Little, Brown, filiale anglaise du groupe, expliquait :
« L'argent dépensé pour l'impression et le papier sera consacré à des spécialistes de la lutte contre le
piratage, et c'est une équipe nombreuse. [...] Les coûts grandissent progressivement et pourraient
échapper à tout contrôle39. »
De même, les solutions proposées par le SNE ont un coût pour les éditeurs. La première solution,
basée sur une recherche automatisée, repose « sur le principe d’une tarification négociée40 ». La
seconde, reposant sur un moteur de recherche, est soumise à un coût « basé sur le chiffre
d’affaires » qui s’échelonne de 285 à 5 750 euros par an (cf. Annexe E). Elle est donc favorable
aux petites maisons d’édition, mais implique un coût humain puisque c’est à l’éditeur que revient
la tâche de chercher les contenus illicites, d’en vérifier l’illicéité et d’envoyer la demande de
retrait.
Pour terminer, l’ensemble de ces coûts se répercute inéluctablement sur le prix de vente des
livres. En ce sens, il est important de signaler que les deux principales causes de la frilosité ou du
rejet des consommateurs vis-à-vis du livre numérique sont d’une part les prix élevés et d’autre
part la présence de DRM (cf. 2.2.3). De surcroît, selon la loi sur le prix unique du livre
numérique, le prix de vente doit prendre en compte les modalités d’accès et d’usage :
37. Ibid.
38. Nicolas GARY, « Bragelonne : bilan plus que positif après six mois d'ebook », ActuaLitté, 26 mai 2011
(http://www.actualitte.com/les-maisons/bragelonne-bilan-plus-que-positif-apres-six-mois-d-ebook-26319.htm, consulté le
30 juillet 2013). 39. Nicolas GARY, « Les DRM, ça fonctionne très bien et chez Hachette, ça tourne (en) rond », ActuaLitté, 16 août 2012
(http://www.actualitte.com/usages/les-drm-ca-fonctionne-tres-bien-et-chez-hachette-ca-tourne-en-rond-36034.htm,
consulté le 30 juillet 2013). 40. SNE, « Solutions collectives de lutte contre le piratage », op. cit.
35
« Les modalités d'usage du livre numérique se rapportent notamment au caractère privé ou collectif de
cet usage, à la durée de mise à disposition du livre numérique, à la faculté d'impression, de copie et de
transfert du livre numérique sur divers supports de lecture41. »
Prix du livre et DRM sont donc étroitement liés, et tous deux doivent évoluer pour séduire les
lecteurs.
2.2.2 – Un frein à la compétitivité et à l’innovation
Deuxièmement, les DRM, par leur existence-même et par le manque d’interopérabilité qu’ils
instaurent, constituent un obstacle à la compétitivité et à l’innovation dans le domaine du livre
numérique. Les DRM sont un des éléments qui ont permis à quelques sociétés d’acquérir une
position dominante sur le marché du livre numérique, et ce dans trois domaines : celui des
matériels de lecture (Kobo, Amazon, Apple), celui des contenus (Amazon, Fnac) et celui des
mesures de protection (Adobe, Mobi, Fairplay). Le dernier domaine permet de lier étroitement
les deux premiers et offre aux acteurs dominants le contrôle du marché.
Amazon et Apple se distinguent en étant présents dans tous les domaines. Les DRM Mobi
et Fairplay « érigent des barrières techniques à l’entrée pour les nouveaux entrants » et limitent
donc la concurrence42. Les conditions actuelles (homogénéité des livres proposés, qualité
technique similaire, prix unique) ne permettent pas aux plateformes de se distinguer sur l’offre.
Le contrôle du consommateur est donc le seul moyen de dominer le marché43. La position de
Steve Jobs sur les DRM exposée plus haut montre bien que l’emploi de Fairplay n’a pas pour but
d’empêcher le piratage mais d’enfermer le lecteur dans un écosystème et de tenir à distance la
concurrence. Du fait de leur pouvoir de marché et de leur force de vente, un distributeur
indépendant ne peut pas contourner Amazon et Apple et refuser leurs verrous. Selon Pierre-Jean
Benghozi, cette situation assure « aux produits les plus largement adoptés une présence sur le
marché excédant significativement l’effet de leur supériorité compétitive44 ». Enfin, la domination
de ces acteurs et l’enfermement de leurs clients font craindre un dangereux pouvoir de censure.
Les lecteurs ne peuvent avoir accès qu’aux ouvrages distribués au sein de l’écosystème dans
lequel ils sont enfermés. Apple a déjà à plusieurs reprises refusé de vendre des contenus jugés
indécents, tels que des ouvrages pornographiques45. Et nous avons déjà évoqué la possibilité pour
Amazon de supprimer des livres du compte de ses clients, annotations personnelles comprises.
41. Décret n° 2011-1499 du 10 novembre 2011 pris en application de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix
du livre numérique, version consolidée au 12 novembre 2011 (disponible en ligne : http://www.legifrance.gouv.fr/affic
hTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024778333).
42. Michèle Francine MBO’O IDA, Grazia CECERE, op. cit., p. 5.
43. Pierre-Jean BENGHOZI, « DRM et nouveaux modèles d’affaires pour les contenus numériques », Ministère de la
Culture, PREG-CRG, 2006 (disponible en ligne : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/26/31/05/PDF/2006-11-
29-1059.pdf). 44. Ibid.
45. Guillaume CHAMPEAU, « Apple pousse Izneo à censurer 1500 bandes dessinées », Numerama, 4 avril 2013
(http://www.numerama.com/magazine/25580-apple-pousse-izneo-a-censurer-1500-bandes-dessinees.html, consulté le
1er août 2013).
36
En ce qui concerne le DRM d’Adobe, sa position quasi monopolistique sur le marché des
autres supports de lecture s’explique par le fait qu’il est aujourd’hui la seule solution
interopérable. Mais cette position pose problème dans le sens où les acteurs y recourant sont
soumis à la volonté d’une seule entreprise privée, sans alternative possible. Comme l’explique
Pierre-Jean Benghozi, « les acteurs spécialisés sur un des composants techniques peuvent devenir
extrêmement puissants et imposer les contraintes de leur architecture spécifique (technique et
économique) à l’ensemble du système46 ». Dans la mesure où il n’y a pas de concurrence et donc
pas de régulation du prix en fonction de l’offre et de la demande, Adobe peut proposer sa solution
à un prix supérieur à sa valeur théorique47. Comme le résume Hadrien Gardeur, cette situation
crée une dualité inéquitable :
« Il y a un monde à deux vitesses : d’un côté les sociétés comme Amazon qui contrôlent leur propre
DRM et par l’enfermement des lecteurs peuvent le rendre invisible, proposer une expérience fluide et en
cas de problème intervenir plus vite du fait qu’ils ont les fichiers et maîtrisent les technologies ; de l’autre
des acteurs qui doivent passer par des intermédiaires, qui n’ont pas le choix d’utiliser un DRM
contraignant et qui n’ont aucun pouvoir sur les fichiers et les protections. Cela a une incidence sur la
capacité des uns et des autres à offrir une expérience optimale et donc à être concurrentiel. »
À l’inverse, selon l’étude menée par des chercheurs de l’université Johannes Gutenberg,
l’interopérabilité permettrait d’instaurer « des conditions de concurrence équitables pour tous les
détaillants de l’industrie du livre48 ».
De surcroît, le manque de compétitivité et la paralysie du marché sont un danger pour
l’innovation. La situation actuelle bloque les évolutions de deux manières. D’une part, les acteurs
dominants et profondément ancrés dans le marché ont tendance à investir moins que les autres
dans la recherche et le développement. Bill Rosenblatt constate ainsi une « faible évolution
technologique [...] depuis deux décennies », notamment en matière de DRM49. Cela pose
d’autant plus problème que ces technologies sont régulièrement contournées et nécessitent d’être
sans cesse perfectionnées. De même, Hadrien Gardeur estime que le format développé par
Amazon, le Kindle Format 8, est technologiquement inférieur à l’epub et qu’il est notamment
dépassé par sa dernière version, l’epub 3. D’autre part, les autres acteurs du marché sont limités
dans leurs innovations par les contraintes imposées par les sociétés dominantes. En effet, les
formats et les DRM propriétaires ne permettent pas d’interagir avec les contenus (partage
d’extraits, citations, commentaires, recommandations, etc.). Ces fonctionnalités restent donc
l’apanage de ces sociétés. Enfin, comme nous l’avons déjà évoqué, les DRM limitent les usages
des lecteurs et les empêchent d’en développer de nouveaux.
46. Pierre-Jean BENGHOZI, op. cit.
47. April, « Analyse critique des DRM », Candidats.fr, 7 mars 2012 (http://candidats.fr/post/2012/03/07/Analyse-
critique-des-DRM, consulté le 1er août 2013).
48. Christoph BLÄSI, Franz ROTHLAUF, op. cit.
49. Bill ROSENBLATT, op. cit.
37
2.2.3 – La fuite des consommateurs
Troisièmement, les DRM peuvent se révéler économiquement contre-productifs, dans la mesure
où ils peuvent entraîner une mauvaise expérience utilisateur et provoquer un rejet de la lecture
numérique ou des plateformes légales. Selon les résultats de notre mini sondage, 33 % des
lecteurs qui sont au fait des DRM considèrent leur absence comme un critère d’achat et affirment
avoir déjà renoncé à un achat du fait de la présence d’un verrou. Plus significativement, 67 % de
ces lecteurs envisageraient d’acheter davantage de livres numériques s’ils n’étaient pas verrouillés.
Il existe plusieurs raisons à cela.
Les difficultés d’usage et d’accès dues aux DRM sont la première cause de rejet. Les DRM
imposent, lors d’un premier achat de livre numérique protégé, une procédure d’installation et
d’inscription qui peut être difficile à appréhender. Le livre papier contraste alors par son extrême
simplicité d’accès. Au-delà de la première utilisation, d’autres difficultés peuvent survenir : défaut
de mise à jour, problème d’identifiant ou de mot de passe, incompatibilité, etc. Autant de
problèmes qui peuvent détourner le lecteur d’une lecture censée être plus fluide. Guillaume de
Lacoste Lareymondie, responsable ebooks chez Eyrolles, le confirme : « Les clients qui achètent
nos ebooks chez les revendeurs avec DRM se plaignent souvent de la difficulté à les récupérer.
Cela génère de la frustration50. »
Le second motif de rejet est le prix des livres numériques, en particulier lorsqu’on le met en
perspective avec les usages permis par les DRM. Au cours de son étude sur les pratiques de
lecture et d’achat de livres numériques, le MOTif a interrogé des lecteurs et, à la question « Parmi
ces critères, pouvez-vous nous indiquer quels sont ceux qui vous incitent à ne pas acheter un livre
numérique ? », 54 % ont répondu « La présence de DRM (protection anti-copie) » et 84 % « Le
prix trop élevé51 ». L’idée selon laquelle un livre numérique coûte moins cher à produire, à
stocker et à distribuer qu’un livre papier crée chez le consommateur un consentement à payer
faible. De surcroît, les usages étant plus limités que pour le livre papier, la pratique qui consiste à
appliquer aux livres numériques des prix proches de ceux du papier est de moins en moins
soutenable. Nous avons constaté un véritable rejet de la part des lecteurs. Prenons en exemple la
réaction d’une internaute à la parution en numérique de l’ouvrage Le Vaisseau ardent de Jean-
Claude Marguerite, protégé par DRM :
« Un livre numérique à 20 € + DRM ? Non merci. À ce prix là, soit j’achète la version papier, soit je
patiente en attendant de le trouver en occasion, soit (au pire et à mon grand regret, j’insiste là-dessus), je
verserai vraiment dans la piraterie, et c’est vraiment dommage... Quant aux DRM ? Là, c’est
définitivement non. Je suis prête à donner mes sous pour l’achat d’un livre numérique à condition que le
livre m’appartienne vraiment52 ! »
50. « Faut-il utiliser des DRM ? », Livres Hebdo, n° 0799, 27 novembre 2009.
51. Dominique BOULLIER, Maxime CREPEL, op. cit.
52. Commentaire de Irkyno à l’article de Gilles DUMAY, op. cit.
38
Il paraît en effet absurde de payer quasiment la même somme pour acquérir d’un côté un
imprimé dont on pourra disposer librement, le prêter, le revendre ou le garder toute sa vie et de
l’autre un fichier dont l’usage est limité et l’avenir incertain.
Enfin, le rejet des DRM peut également s’expliquer par la volonté de contrôle des
consommateurs. L’étude sur les pratiques de lecture et d’achat a permis de distinguer deux profils
de lecteurs53 : d’une part, ceux qui aspirent à une prise en charge et à une standardisation qui leur
apportent la simplicité et le tout-intégré ; d’autre part, ceux qui souhaitent garder une autonomie
technique et commerciale, c’est-à-dire une liberté dans le choix d’un terminal de lecture, d’un
format et d’une plateforme de téléchargement. La seconde catégorie souhaite donc circuler dans
l’offre sans en être captive. C’est pourquoi ces lecteurs peuvent rejeter les DRM, en particulier les
technologies propriétaires. L’étude ajoute que ces pratiques « sont souvent justifiées par des
principes ou des valeurs qui constituent un cadre puissant d’orientation de ces pratiques elles-
mêmes ». L’étude a également constaté une séparation entre la lecture, qui se fait sur un terminal
dédié, et la recherche et l’achat de livres numériques, qui se fait le plus souvent sur un ordinateur
personnel. Seuls 38 % des lecteurs interrogés déclarent utiliser leur liseuse pour acheter et
télécharger leurs livres. La volonté de contrôle se retrouve également dans la gestion de
bibliothèque puisque 45 % des lecteurs utilisent un logiciel indépendant tel que Calibre. Enfin,
« les transferts de fichiers se font surtout manuellement » et seul un tiers des utilisateurs a recours
au système de synchronisation automatique des liseuses.
Les DRM peuvent donc être préjudiciables à ceux qui les emploient. Pour Xavier Cazin, ils
« sont le symptôme le plus criant de cette incompréhension des besoins du public54 ».
2.3 – Un atout économique ?
En troisième lieu, nous pouvons envisager les DRM comme un atout pour le marché du livre
numérique. Dès aujourd’hui et à l’avenir, ces outils de gestion des droits numériques peuvent
avoir un rôle à jouer dans le maintien et le développement du marché.
2.3.1 – La protection du marché
Tout d’abord, les DRM sont considérés par certains comme l’outil indispensable de protection du
marché contre les dérives du partage à grande échelle. En ce sens, ils sont une des conditions de
l’existence du marché du numérique. Le développement de verrous a dès le début accompagné
les évolutions technologiques en matière de contenu et de support de lecture. Beaucoup d’auteurs
et d’éditeurs ont montré et montrent encore une grande frilosité face au numérique. Selon Denis
Zwirn, ces réticences sont dues au caractère très particulier de cette nouvelle économie :
53. Dominique BOULLIER, Maxime CREPEL, op. cit.
54. Xavier CAZIN, « Éditeurs, n’ayez plus peur ! », Blog Immateriel, 3 avril 2008 (http://blog.immateriel.fr/2008/04/03
/editeurs-nayez-plus-peur/, consulté le 1er août 2013).
39
« On se retrouve avec des biens culturels dont on ne sait plus comment protéger la propriété. Un objet
physique n’est pas facile à reproduire. La différence majeure avec le numérique est que d’un clic, un
livre peut être reproduit à l’infini. La question de fond qui se pose est comment faire une économie du
livre s’il n’y a plus de moyen physique de protéger la propriété du livre. »
Pour les acteurs du livre, il était donc impensable de se lancer dans l’offre numérique sans
protéger solidement les œuvres. De ce point de vue, les DRM ont apporté une confiance en
l’économie numérique. Mais ils sont surtout la condition du maintien de l’économie du livre telle
que nous la connaissons et des intérêts de l’ensemble de ses acteurs.
Cette nécessité des DRM s’explique par le phénomène du piratage et par les évolutions que
les pratiques sont amenées à connaître. Car le piratage, si sa nocivité reste à démontrer, est bel et
bien une réalité. L’étude « Ebookz » de 2011 estime l’offre illégale entre 3 000 et 4 000 titres55.
L’année précédente, ces chiffres étaient de 2 000 à 3 000 titres56. Le phénomène semble donc en
augmentation. Alors que dans ses débuts on pouvait attribuer le piratage à la pauvreté de l’offre
légale, l’offre pirate ne décroît pas tandis que l’offre légale se développe. L’étude de 2011 conclut
en évoquant « un risque d’accroissement du piratage avec le développement du légal numérique,
tant que la qualité du légal ne l’emporte pas sur la qualité des fichiers pirates57 ». Du côté des
lecteurs de livres numériques, ils sont 14 % à avoir déjà eu recours à une offre illégale58. Les
lecteurs numériques constituent aujourd’hui une population de grands lecteurs diplômés qui
manifestent un certain respect pour le droit d’auteur. Mais nous pouvons supposer que la
démocratisation de la lecture numérique entraînerait d’autres comportements, moins respectueux
des auteurs. L’absence de DRM et la possibilité de copier les fichiers pourraient alors donner aux
lecteurs le sentiment que le partage est permis. D’autant plus que le piratage est entré dans les
usages des internautes, qu’une partie d’entre eux est déjà équipée via les smartphones et les
tablettes, et que les supports de lecture tendent à être de plus en plus abordables. On peut
également arguer que le piratage de livres numériques est plus aisé que pour les autres contenus
culturels, dans la mesure où les fichiers sont très légers, faciles à héberger sur Internet, à stocker et
à transférer (il est par exemple plus difficile de transférer par mail un album de musique ou un
film). Il est donc illusoire de parler de confiance dans l’économie numérique. Comme le fait
remarquer Denis Zwirn, il n’existe pas de marché basé sur une telle confiance. Donc, selon lui,
« la crispation idéologique anti-DRM est extrêmement naïve. » D’ailleurs, le système des DRM
n’est en vérité pas fait pour empêcher les pirates de mettre en ligne les fichiers, mais pour gêner
les utilisateurs honnêtes et les inciter à rester honnêtes. Car les verrous ne représentent pas un
55. Mathias DAVAL, « Ebookz 3 : Étude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2011 – 3e année », op. cit.
56. Mathias DAVAL, « Ebookz 2 : Étude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2010 –
2e année, Le MOTif, mars 2011 (disponible en ligne : http://www.lemotif.fr/fichier/motif_fichier/241/fichier_fichier_
ebookz.2.pdf).
57. Mathias DAVAL, « Ebookz 3 : Étude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2011 – 3e année », op. cit.
58. OpinionWay, op. cit.
40
véritable obstacle pour les pirates expérimentés. Mais, de la même manière que les tourniquets du
métro n’empêchent pas les fraudeurs de passer par-dessus mais constituent une barrière
psychologique pour les gens honnêtes de sorte qu’il paraît plus grave de sauter par-dessus que de
passer sans payer en l’absence de tourniquet, les DRM dissuadent les lecteurs de franchir la limite
de l’illégalité.
De plus, les DRM peuvent se révéler indispensables lorsqu’il s’agit de protéger une
technologie innovante. À ce titre, les livres enrichis nécessitent une protection particulière. Claire
Deslandes explique que les éditions Bragelonne font exception à leur politique sans-DRM pour
quelques livres enrichis car « ils font la plupart du temps appel à des innovations technologiques
et nous nous devons de protéger le brevet de nos fournisseurs ».
Pour terminer, les DRM pourraient permettre un plus grand contrôle du marché. Ils ont
d’ors et déjà eu pour effet d’atténuer le prêt et le marché de l’occasion, ce qui est évidemment
profitable à une grande partie de la chaîne du livre. D’après Hadrien Gardeur, « les éditeurs sont
maintenant relativement conscients du fait que les DRM ne protègent pas à proprement parler les
livres du piratage, mais que ça leur permet essentiellement d’empêcher de les partager trop
facilement ». Puisque nous sommes passés d’une logique de produit à une logique de service, le
contrôle du consommateur est devenu primordial. En ce sens, les DRM pourraient permettre de
connaître les goûts et les pratiques des lecteurs et d’assurer la traçabilité des livres59. Par
l’identification et la reconnaissance des fichiers, ces technologies pourraient permettre de mettre
en place un nouveau système de rétribution des acteurs du livre. À la différence du livre papier où
la vie de l’objet après l’achat est incontrôlable, il est possible d’identifier chaque transaction dont
fait l’objet un livre numérique. Enfin, ils sont aussi un outil de mesure de la popularité et de
l’usage, puisqu’on peut estimer grâce à eux le nombre de copies dont un livre a fait l’objet et le
nombre de supports sur lesquels il a été lu.
2.3.2 – La diversification de l’offre
Puis, les DRM peuvent être envisagés comme des atouts essentiels dans la diversification de
l’offre numérique. Actuellement basé sur le modèle du livre papier, le marché pourrait évoluer
vers de nouveaux usages et de nouveaux modèles d’affaires. La désintermédiation entre le lecteur
et le distributeur de contenus permet une flexibilité des contrats60. Les possibilités sont multiples :
achat à l’unité, abonnement, vente par chapitre, par page, location, pay per view (paiement à
l’usage), single viewing (usage unique), etc. D’autres restent à inventer. À ces différents services
s’appliquent différents prix, ce que l’on appelle de la discrimination tarifaire. Cela permet de
s’adapter au mieux aux besoins des consommateurs. Les DRM permettent donc de gérer l’offre et
de la personnaliser. Comme l’affirme Bill Rosenblatt, « le DRM relève moins du domaine de la
59. Pierre-Jean BENGHOZI, op. cit.
60. Michèle Francine MBO’O IDA, Grazia CECERE, op. cit.
41
protection que de la gestion61 ». Enfin, les DRM peuvent également aider à cette gestion par les
informations qu’ils apportent sur les goûts et les habitudes de lecture des consommateurs. Ces
informations, véritables outils marketing, permettraient d’analyser la demande et d’y répondre au
mieux.
Par ailleurs, les DRM pourraient permettre de développer une économie du prêt et de la
revente d’occasion. Ils pourraient en effet offrir la possibilité de transmettre un fichier par copie
tout en supprimant ou en bloquant l’accès de manière temporaire ou définitive au fichier
d’origine. Ils pourraient également permettre de limiter le nombre de ces transactions, tout en
rémunérant en conséquence les ayants droits, voire les éditeurs. Cela permettrait également de
concurrencer l’offre actuellement proposée par Amazon, et d’anticiper celle d’Apple, qui a
récemment déposé un brevet pour la revente et le prêt de contenus numériques62. Selon Antoine
Duquesne, le prêt et la revente d’occasion orchestrés par des sociétés privées sont « une façon
détournée pour certains acteurs de capter une partie du flux ». Les DRM pourraient donc
permettre d’éviter le développement d’un marché secondaire qui exclurait le créateur et
enrichirait le marchand, et de rééquilibrer l’offre de manière équitable. Mais les acteurs du livre
sont plutôt sceptiques vis-à-vis de ces possibilités. Claire Deslandes s’interroge : « Est-ce vraiment
réaliste de s’imaginer qu’on va contrôler ça ? C’est de l’ordre du particulier, de la sphère privée.
Je ne pense pas que le contrôle par un tiers avec redistribution soit jouable. » Denis Zwirn
confirme que « les éditeurs y sont massivement hostiles ». Enfin, Hadrien Gardeur estime que « ce
serait trop compliqué à gérer en termes de comptabilisation et de répartition des droits » :
« Ce serait des DRM très lourds, très contraignants. Ça demanderait de centraliser beaucoup
d’informations et ça ne pourrait se faire que dans un écosystème très fermé. Et ça impliquerait de
renégocier les contrats avec les auteurs. »
À l’heure actuelle, l’offre est très peu diversifiée. À l’exception des rares offres
d’abonnement et de streaming, les transactions se font par téléchargement et achat à l’unité.
Selon l’étude sur les pratiques de lecture et d’achat, seuls 7,7 % des personnes interrogées
déclarent avoir souscrit à une offre d’abonnement63. De même, le baromètre sur les usages du
livre numérique révèle que 64 % des lecteurs de livres numériques préfèrent le paiement à l’acte
au prêt, à la location ou à l’abonnement64. Les éditeurs semblent eux aussi réticents à proposer de
nouveaux modèles de consommation, et le justifient par la nécessité de suivre la demande des
lecteurs, qui va vers une imitation du papier. Comme l’explique Antoine Duquesne, « cela
nécessite de trouver des partenaires de distribution qui proposent ce service. Il y a des choses
intéressantes à faire mais tant que ce ne sera pas le modèle dominant, ça freinera la recherche et
61. Bill ROSENBLATT, op. cit.
62. Nicolas GARY, « Un brevet pour Apple sur la vente et le prêt de contenus numériques », ActuaLitté, 7 mars 2013
(http://www.actualitte.com/usages/une-brevet-pour-apple-sur-la-vente-et-le-pret-de-contenus-numeriques-40813.htm,
consulté le 1er août 2013).
63. Dominique BOULLIER, Maxime CREPEL, op. cit.
64. OpinionWay, op. cit.
42
les innovations. » Ainsi, un cercle vicieux s’est installé. D’un côté, les éditeurs attendent que les
distributeurs proposent de nouvelles offres. De l’autre, les distributeurs partent du principe que les
éditeurs ne souhaitent pas faire évoluer l’offre. En effet, Denis Zwirn affirme être techniquement
prêt à le faire : « Ce sont des choses dont nous sommes depuis très longtemps capables en termes
techniques, mais 90 % des éditeurs avec lesquels nous travaillons nous interdisent de le faire. »
2.3.3 – Le prêt de livres numériques en bibliothèque
Enfin, les DRM prennent toute leur utilité et leur importance lorsqu’on considère le prêt de livres
numériques en bibliothèque. Actuellement, il s’agit encore d’un phénomène restreint. Selon une
synthèse de l’Observatoire de la lecture publique, « 1,5 % des bibliothèques françaises déclarent
offrir des livres numériques à leurs usagers65 ». Pourtant, avec la démocratisation des supports et
de la pratique de lecture numérique, la demande pourrait augmenter.
Les DRM présentent de nombreux avantages pour le prêt en bibliothèque. Ils sont même la
condition sine qua non du prêt par téléchargement. Comme le reconnaît Annie Brigant,
bibliothécaire à Grenoble, « sans DRM, il n'y aurait sans doute pas eu d'offre commerciale de
livres numériques aux collectivités, du moins en téléchargement66 ». En effet, prêter un fichier
sans DRM reviendrait à le donner. Cette condition a donc des conséquences pour les éditeurs
sans-DRM car, comme l’explique Denis Zwirn, ce choix les empêche d’être distribués en
téléchargement en bibliothèques. Les DRM permettent le maintien d’une période de prêt grâce à
la chronodégrabilité. À la fin de la période accordée, le fichier disparaît du terminal de
l’emprunteur. Par ailleurs, les DRM permettent des conditions d’emprunt personnalisables. La
bibliothèque peut choisir la durée du prêt et le nombre de livres empruntables simultanément.
Ainsi, un utilisateur de la bibliothèque de Reims peut emprunter trois ouvrages à la fois pour une
durée de 21 jours, tandis qu’à la bibliothèque de Grenoble il est possible d’emprunter dix
ouvrages pour quatre semaines. Grâce à ce système et contrairement aux livres papier, aucun
livre ne peut être rendu en retard ou conservé par un emprunteur au détriment des autres. Une
autre fonctionnalité permet à l’utilisateur qui a terminé sa lecture avant la fin de la période de prêt
de rendre un livre en avance pour qu’il soit de nouveau disponible au prêt et pour en emprunter
un autre plus tôt que prévu. Les DRM permettent donc aux bibliothécaires de contrôler le prêt et
aux auteurs et éditeurs d’en tirer un revenu. Enfin, en réintroduisant de la rareté et en réduisant
de ce fait les prix d’achat des livres, les DRM rendent l’offre de prêt financièrement abordable
pour les bibliothèques.
65. Observatoire de la lecture publique, « Bibliothèques municipales, Données d'activité 2011, Synthèse nationale »,
Ministère de la Culture et de la Communication, juin 2013 (disponible en ligne : http://www.observatoirelecturepubliq
ue.fr/observatoire_de_la_lecture_publique_web/FR/syntheses_annuelles.awp).
66. Échanges par messagerie électronique avec Annie Brigant, entre le 24 et le 26 juin 2013 (cf. Annexe F). Toutes les
références à Annie Brigant sont issues de ces échanges.
43
Cependant, l’utilisation des DRM en bibliothèque occasionne des problèmes et suscite des
réticences chez de nombreux bibliothécaires. Pour commencer, ces solutions ont un coût pour les
bibliothèques. Hadrien Gardeur l’estime à « une dizaine de centimes par livre emprunté ».
Ensuite, les problèmes techniques inhérents aux DRM se posent aux emprunteurs. La première
exigence est d’être équipé d’un terminal supportant le DRM utilisé par les bibliothèques, c'est-à-
dire celui développé par Adobe. Les liseuses Kindle sont donc complètement exclues de cette
offre. Enfin, l’emprunteur doit disposer du logiciel Adobe Digital Edition et d’un identifiant pour
ouvrir le fichier. Ces contraintes sont non seulement susceptibles de détourner les lecteurs de
l’emprunt en compromettant l’expérience de lecture, mais elles exigent aussi des bibliothécaires
un accompagnement lourd et suivi. Annie Brigant témoigne de cet investissement humain :
« La DRM Adobe est une source infinie de complexité pour les usagers. Nous passons énormément de
temps à aider (à distance) les usagers à installer ADE, à créer leur compte, à retrouver leurs fichiers, à
rendre les livres de façon anticipée et à les conseiller sur la manière de procéder selon le matériel qu'ils
utilisent. Autant dire que le système nécessite une aisance technique que beaucoup d'usagers n'ont pas et
est donc un frein évident au développement de la lecture numérique. »
De même, Stanislas Adry, responsable du numérique à la bibliothèque de Reims, affirme que les
lecteurs rencontrent « de nombreux problèmes, une multiplicité des identifiants, une inscription
obligatoire chez Adobe, des problèmes sur Mac et tablettes, l’obligation d’installer un logiciel,
etc. Ce sont des freins à la mise en place de l’offre67. » Pour terminer, il est reproché aux DRM de
reproduire le modèle du papier en bibliothèque et de supprimer les avantages du numérique,
notamment par l’instauration d’une rareté artificielle. Annie Brigant le déplore :
« Le modèle 1 livre = 1 prêt est particulièrement pénalisant car il ne permet pas de s'adapter à la
demande à un instant T : pour un livre très demandé, il faut acquérir un nombre important
d'exemplaires à l'aveugle, sans savoir si ce nombre sera suffisant ou au contraire trop élevé par rapport
aux usages. »
Un modèle plus souple, s’adaptant à la demande, serait donc souhaitable. Cependant, le système
des DRM ne semble pas forcément le plus à même de porter à l’avenir le livre numérique en
bibliothèque. En effet, le rapport Lescure privilégie un système plus souple et recommande
l’utilisation du watermarking68. Par ailleurs, les bibliothèques semblent manifester une préférence
pour le modèle du streaming, qui ne nécessite pas de DRM.
67. Échanges par messagerie électronique avec Stanislas Adry, les 8 et 9 juillet 2013 (cf. Annexe F).
68. Pierre LESCURE, op. cit.
44
3 – Un système amené à disparaître ?
La dernière question qui se pose est celle de l’avenir des DRM tels qu’ils existent aujourd’hui, au vu
des opportunités et des risques présentés précédemment. Pour y répondre, nous proposons un tableau
des positions actuelles, chez les acteurs et les consommateurs du livre, et des perspectives d’avenir.
3.1 – Des acteurs du livre très partagés
En premier lieu, les acteurs du livre sont très divisés sur la question des DRM. Si, comme
l’affirme Denis Zwirn, « la tendance quasi générale est anti-DRM en France », la majorité du
catalogue demeure protégée. Selon une étude récente, 64 % des titres sont vendus avec DRM1.
Les positions sont donc complexes et nuancées.
3.1.1 – Les auteurs
Les auteurs sont parmi les plus hésitants en matière de protection des livres numériques. Comme
l’explique Jean-Claude Bologne, président de la Société des gens de lettres, « l’auteur est divisé
entre le désir d’être lu et celui d’être protégé2 ».
Aux auteurs, les DRM sont présentés comme l’unique solution pour protéger leurs œuvres
dans l’univers numérique. Et il nous semble que la majorité des auteurs n’est pas suffisamment
informée, ou se désintéresse de la question des DRM. Cette problématique est donc souvent
échue à l’éditeur. Ce silence s’explique lorsque l’auteur est étranger et que le choix de la
protection a déjà été fait pour un autre pays. Mais, même dans le cas d’auteurs français, la
question peut être éludée. Antoine Duquesne en témoigne : « Pour les auteurs francophones de la
collection primo numérique “HQN”, il y a une relation directe, mais les DRM ne font pas l’objet
d’une demande. Il n’y a pas de discussion, pas de questions. »
Cependant, certains auteurs se saisissent de la question et réclament vivement l’apposition
de verrous. Une partie des auteurs a en effet perçu avec inquiétude l’apparition du marché
numérique. La possibilité d’une protection par DRM a donc joué un rôle dans leur décision de
publier leurs œuvres sous forme numérique. Cette position se retrouve chez les auteurs auto-
publiés. Lorsque des plateformes d’auto-publication ne proposent pas de protection, comme c’est
le cas de The Book Edition, les auteurs manifestent leur inquiétude, voire leur colère3. Enfin,
cette exigence des auteurs peut entrer en conflit avec les positions de leur éditeur. Claire
Deslandes nous en donne un exemple :
1. Hervé BIENVAULT, « Livre numérique : l'offre disponible en France », Aldus, 22 août 2013 (http://aldus2006.typepad
.fr/mon_weblog/2013/08/livre-num%C3%A9rique-loffre-disponible-en-france.html, consulté le 1er septembre 2013). 2. S. P., « Forum SDGL - 6 : Internet fait bouger le droit d'auteur », livreshebdo.fr, 25 octobre 2012
(http://www.livreshebdo.fr/actualites/DetailsActuRub.aspx?id=9469, consulté le 13 août 2013). 3. Voir la question posée par un auteur sur le forum de The Book Edition, le 23 janvier 2010 : http://www.thebookedit
ion.com/forum/protection-du-livre-electronique-p-3285-0.html.
45
« Les DRM ont été sujet de discussion avec des auteurs anglo-saxons, surtout au début, car ils étaient
inquiets de la protection de leur œuvre et pensaient, à tort selon moi, que le DRM était la seule manière
de les protéger. »
Pour terminer, une partie des auteurs français est hostile aux DRM. Claire Deslandes
affirme ne pas avoir rencontré de résistance à sa politique sans-DRM parmi les auteurs français.
Ce comportement nous semble corrélatif du secteur éditorial concerné. Les auteurs de littératures
de l’imaginaire semblent plus sensibles, parce que plus technophiles, aux problématiques de
libertés d’usage des lecteurs4. Nous verrons que cette corrélation se retrouve dans plusieurs
sphères du monde du livre. Par ailleurs, l’écosystème numérique a donné une importance
nouvelle à la relation entre le lecteur et l’auteur et a fait naître un sentiment de proximité entre
eux. Il est devenu stratégique de soigner cette relation. C’est pourquoi certains auteurs critiquent
le sentiment de méfiance qu’instaurent les mesures de protection. Ce jugement peut aussi
provenir de l’expérience de l’auteur en tant que lecteur numérique. Jean-Noël Lafargue écrivait
ainsi récemment sur Twitter : « Je viens d’acheter mon premier ebook avec DRM. C’est assez
simple : ça marche pas. Merci Kobo, merci la Fnac, merci Adobe5. » Enfin, les positions des
auteurs peuvent avoir une influence sur la politique des éditeurs. Julian Assange, grand acteur du
web, fondateur de WikiLeaks et auteur de l’ouvrage Menace sur nos libertés a obtenu de son éditeur
en France, Robert Laffont, de diffuser son livre sans DRM. Ce choix se justifie d’autant plus de
par la nature de cet essai et permet une cohérence entre la diffusion de l’œuvre et son contenu.
3.1.2 – Les éditeurs
Les éditeurs sont les plus partagés sur la question des mesures techniques de protection. Mais,
comme le fait remarquer Denis Zwirn, « ceux qui osent le plus prendre la parole sont ceux qui
sont contre ». Pourtant, nombre d’éditeurs y sont favorables. Il s’agit grossièrement des plus gros
éditeurs du marché, qui réalisent les plus grosses ventes et redoutent le plus le piratage. Parmi
eux, Harlequin, Gallimard ou encore l’ensemble des éditeurs du groupe Hachette Livre. Ce choix
s’explique le plus souvent par la nécessité de protéger les droits des auteurs contre le piratage.
Ainsi, Antoine Duquesne évoque « une question de principe ». Comme le suggère Éric Daspet, ce
raisonnement peut s’expliquer par la peur de porter la responsabilité du piratage en prenant la
décision de ne pas protéger les fichiers6. Enfin, ces positions peuvent s’expliquer par la puissance
des grands groupes éditoriaux, tels Hachette Livre ou Gallimard. Comme nous l’avons déjà
évoqué, Hachette exige désormais lors de l’acquisition d’une œuvre qu’elle soit diffusée dans le
monde entier sous la protection de DRM. La politique de certaines maisons d’édition en la
matière serait calquée sur la politique globale du groupe auquel elles appartiennent, d’autant plus
4. Les littératures de l’imaginaire rassemblent les écrits de science-fiction, de fantastique et de fantasy.
5. Publication de Jean-Noël Lafargue, Twitter, le 1er avril 2013 (https://twitter.com/Jean_no/status/315950025500934146).
6. Éric DASPET, « Mais… pourquoi des DRM ? », Carnet de notes, 15 décembre 2011 (https://n.survol.fr/n/mais-
pourquoi-des-drm, consulté le 13 août 2013).
46
si le groupe en question assure également leur distribution. Antoine Duquesne confirme cette
influence dans le cas d’Harlequin, qui appartient à 50 % à Hachette Livre : « Nous sommes
distribués par Hachette, nous appliquons les règles standards. La question des restrictions n’a pas
été creusée par Harlequin. » Ces éditeurs appliquent donc une politique préétablie, sans tenir
compte de la cohérence de cette politique au sein de leur activité.
À l’inverse, de nombreux éditeurs se montrent défavorables à l’emploi de DRM. Que la
décision ait lieu avant le lancement de leur offre numérique ou plus tard, ils sont de plus en plus
nombreux à faire le choix de ne pas y recourir, comme le confirme Denis Zwirn : « Il y a un petit
mouvement d’éditeurs en France qui militent contre les DRM, qui commence à toucher quelques
grands groupes, comme le groupe Editis. » Ces éditeurs sont souvent très engagés en faveur d’une
disparition des DRM. Ainsi, Anne Delilliac et Julien Gracia, responsables du numérique chez
Fleurus Éditions, affirment : « Pas de DRM ! C’est notre mot d’ordre7 ! » De même, Walrus
n’applique non seulement pas de DRM sur ses publications en tant qu’éditeur, mais encourage
également ses clients à ne pas le faire dans le cadre de son service de conversion numérique : « À
chaque fois que nous proposons des missions d'accompagnement de projet numérique à nos
clients éditeurs, nous militons en faveur du NO DRM AT ALL8. »
Les éditeurs qui adoptent de telles positions nous semblent pouvoir être décrits selon trois
caractéristiques. Premièrement, ce sont souvent des lecteurs numériques, ou du moins des
technophiles, qui comprennent les besoins et les exigences de leurs lecteurs. Clément Bourgoin
explique que la décision de ne pas recourir aux DRM a été prise dès le lancement de l’offre
numérique et a relevé d’un choix personnel : « À l’époque, j’étais utilisateur de musique
numérique et j’ai fait le constat que les DRM étaient une plaie. » De même, Claire Deslandes
témoigne de son expérience personnelle : « Pour mon usage personnel, ça m’exaspère et je ne
veux pas le faire subir à nos lecteurs. » C’est pourquoi ces éditeurs s’impliquent parfois
personnellement sur leur site ou leur blog. Clément Bourgoin a même proposé sur son blog
personnel un tutoriel pour retirer les DRM des fichiers epub9. Deuxièmement, ce sont
majoritairement de petits éditeurs, dont l’offre numérique est relativement restreinte. C’est
l’opinion d’Hadrien Gardeur : « C’est plutôt une question de taille. Les petits éditeurs sont plus
flexibles sur ces questions-là. » Troisièmement, on retrouve la particularité de certains genres
littéraires, et notamment des littératures de l’imaginaire. Cela s’explique par leur lectorat
particulier, constitué de technophiles très actifs sur Internet et capables de faire pression sur les
7. Elizabeth SUTTON, « Interview : Fleurus Editions, des ebooks sans DRM et peu chers », IDBOOX, 3 juillet 2012
(http://www.idboox.com/interviews/interview-fleurus-editions-des-ebooks-sans-drm-et-peu-chers/, consulté le 13 août
2013). 8. Nicolas GARY, « DRM, watermarking : gare à la paranoïa libertaire », ActuaLitté, 8 janvier 2013 (http://www.actuali
tte.com/usages/drm-watermarking-gare-a-la-paranoia-libertaire-39437.htm, consulté le 13 août 2013). 9. Clément BOURGOIN, « Comment retirer facilement les DRM d'un livre numérique au format ePub », Nokto,
15 novembre 2010 (http://nokto.net/post/2010/11/15/Comment-retirer-facilement-les-DRM-d-un-livre-num %C3
%A9rique-au-format-ePub, consulté le 13 août 2013).
47
éditeurs. Pourtant, c’est aussi un des secteurs éditoriaux les plus piratés, puisque l’étude
« Ebookz 3 » révèle que 45 % des auteurs ayant le plus de titres piratés sont des auteurs de
science-fiction ou de fantastique10. Cependant, Denis Zwirn apporte une analyse différente, sans
doute complémentaire :
« Les éditeurs sans-DRM aujourd’hui sont en général dans la littérature plus “pointue” ou les sciences
humaines, jusqu’à présent et à quelques exceptions près. Et leur position reflète parfois des positions
liées à celles de leur lectorat ou de leurs auteurs spécifiques. Mais ce ne sont pas pour le moment ceux
qui se vendent le plus en numérique. »
Les éditeurs qui renoncent aux DRM ne le font pas forcément sur l’ensemble de leur
catalogue, mais peuvent le faire ponctuellement. Ce peut être, comme nous l’avons déjà évoqué,
à la demande d’un auteur, pour conserver une cohérence avec le contenu publié ou encore une
forme de test pour mesurer les effets du sans-DRM. On peut citer l’exemple d’Actes Sud qui a
annoncé la création d’une nouvelle collection, nommée « Exofictions » et dédiée à la science-
fiction et à la fantasy. Le livre de lancement, Silo de Hugh Howey, est paru en septembre 2013
sans DRM. À ce propos, Gilles Colleu, directeur de la production et du développement
numérique d’Actes Sud, a déclaré : « Il n’y a pas de politique globale, mais un vrai dialogue [avec
les auteurs]. Ainsi les titres sortent avec ou sans DRM11. » Cependant, avant la sortie de cet
ouvrage, la totalité du catalogue numérique d’Actes Sud était protégée par DRM. Le choix de ne
pas y recourir pour Silo nous semble donc résulter d’une part de la volonté de l’auteur, et d’autre
part d’une anticipation des exigences du public d’écrits de science-fiction.
Devant l’augmentation du nombre d’éditeurs sans-DRM, il convient d’interroger le succès
de ce choix. Les témoignages recueillis sont globalement positifs. Claire Deslandes déclare :
« Ce choix a sans aucun doute été un succès. Ça marche vraiment de mieux en mieux. On est parmi les
trois premiers éditeurs indépendants en numérique. Ça représente entre 4 et 5 % de notre chiffre
d’affaires, alors que la moyenne française est de 2,5 %. Et ça progresse sans discontinuer. Je pense que
c’est rentable dans le sens où, comme on ne crée pas de réaction négative, on vend plus de livres. »
En ce qui concerne Le Bélial’, Clément Bourgoin estime que le numérique représente 3 % de son
chiffre d’affaires. Enfin, les Éditions Verdier, qui ont abandonné les DRM en novembre 2012,
proposaient à l’époque 12 titres numériques et en proposent désormais 24. Le développement de
leur offre semble être un signe de leur réussite. Mais Hadrien Gardeur nuance l’impact des DRM
dans ce succès : « Le fait est que la littérature sans-DRM est souvent moins chère et dans des
genres qui marchent bien. En moyenne, un livre sans DRM se vend plus qu’un livre avec DRM.
Mais il est difficile d’isoler le facteur DRM. » En effet, ce succès peut s’expliquer par le fait que
les politiques des éditeurs combinent souvent absence de DRM et prix de vente très bas, en
particulier dans les littératures de l’imaginaire. Bragelonne pratique des prix allant de 9,99 à 12,99
10. Mathias DAVAL, « Ebookz 3 : Étude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2011 – 3e année », op. cit.
11. TheSFReader, « Bienvenue dans le Futur, Actes Sud », e-Lire, 9 juillet 2013 (http://numerique.actualitte.com/bienvenue-
dans-le-futur-actes-sud/, consulté le 14 août 2013).
48
euros, et Le Bélial’ fixe les siens entre 2,99 et 11,99 euros. Mais, globalement, les livres sans
DRM ne sont pas ceux qui se vendent le mieux. C’est ce que nous rapporte Denis Zwirn :
« Les succès les plus grands aujourd’hui concernent à la fois les livres professionnels et les livres très
grand public et best-sellers. Dans les deux cas, il s’agit majoritairement d’éditeurs avec DRM, puisque ce
sont de grands groupes comme Hachette. »
Enfin, le sans-DRM peut se révéler être un outil de communication important. Les éditeurs
sans-DRM font appel à la responsabilité de leurs lecteurs. Cette confiance est bien perçue par ces
derniers, en particulier pour les petites maisons qui entretiennent, grâce à Internet, un lien étroit
avec eux. Selon Claire Deslandes, « c’est très bénéfique en termes d’image et pour notre
réputation sur Internet où les choses vont assez vite et l’information se propage ». Certains
éditeurs ajoutent au début de leurs livres un message dans lequel ils expliquent leur choix,
remercient le lecteur d’avoir acheté l’ouvrage et l’incitent à adopter des usages respectueux du
droit d’auteur. Ils créent ainsi un lien avec le lecteur, qui prend conscience de la bonne volonté de
l’éditeur. Le sans-DRM peut également être une opportunité pour ces éditeurs, dans la mesure où
une partie des lecteurs numériques refuse les DRM. Au cours de notre mini sondage, 43 % des
lecteurs ayant connaissance des DRM ont affirmé avoir déjà préféré acheter un livre plutôt qu’un
autre parce qu’il n’était pas protégé. La politique du sans-DRM, mise en valeur par le
référencement des librairies, permet donc aux éditeurs de se faire connaître de ces lecteurs
exigeants, avec une probable fidélisation.
3.1.3 – Les distributeurs-libraires
Les distributeurs et les libraires sont paradoxalement les plus concernés, mais aussi les moins
impliqués dans la décision de recourir ou non aux DRM. La particularité du numérique fait que
beaucoup de distributeurs sont également libraires, mais la position des libraires varie selon qu’ils
sont aussi distributeurs ou non.
Une partie des distributeurs-libraires manifeste son opposition aux DRM. Comme
l’explique Denis Zwirn, « les libraires sont contre en moyenne parce qu’ils trouvent que c’est
compliqué pour leurs clients et que ça rajoute du SAV ». Le distributeur-libraire Immateriel a dès
sa création milité en faveur du watermark et propose un large catalogue de livres sans DRM. La
librairie Dialogues, suite à de nombreuses plaintes de clients, a décidé en novembre 2010 de ne
plus vendre de livres protégés par DRM. Pour son directeur, Charles Kermarec, « aller plus loin
serait nous rendre complices d’une arnaque au lecteur. [...] Prendre un client pour un voleur, ça
m’est insupportable12. »
12. Charles KERMAREC, « Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages », Au-delà de cette limite
votre ticket n'est plus valable, 12 novembre 2010 (http://audeladecettelimite.blogspot.fr/2010_11_01_archive.html,
consulté le 14 août 2013).
49
Une autre partie des distributeurs-libraires ne s’oppose pas aux DRM, mais les défend car
en tire profit. Nous avons déjà évoqué Amazon et Apple dont l’écosystème est basé sur un DRM
propriétaire. Dans leur cas, les auteurs et éditeurs n’ont pas la possibilité de décider de la présence
ou de l’absence de verrous. Comme l’explique Claire Deslandes, « à partir du moment où on veut
être vendus sur Amazon, on accepte que nos livres soient vendus sous le format qu’ils utilisent,
donc on accepte de rentrer dans leur univers ».
Les autres distributeurs-libraires, qu’ils soient ou non favorables aux DRM, ont rarement le
pouvoir d’influer sur cette décision. Comme en témoigne Hadrien Gardeur, « du point de vue
d’un revendeur, les DRM ne sont en général pas un choix, c’est dans les contrats, ça nous est
imposé ». De même, Denis Zwirn, pourtant favorable aux DRM, explique que « si un éditeur
nous demande de vendre sans DRM ou avec un watermark, on exécute sans problème. Par contre
si un éditeur me demande mon avis, je lui donne mon opinion et je lui dis que pour lui et pour ses
auteurs il est mieux de poser des DRM. » Le distributeur-libraire n’a pas de marge de manœuvre
dans la mesure où s’opposer aux DRM reviendrait à perdre une grande quantité de clients du
côté des éditeurs. Denis Zwirn le confirme :
« Les plus gros éditeurs avec lesquels nous travaillons [...] exigent toujours la pose de DRM. Si on les
enlevait, il n’y aurait plus que 10 ou 20 % du catalogue. Tant que les éditeurs ne sont pas convaincus,
nous ne pouvons pas arrêter les DRM. »
Ainsi, sans être favorable ou défavorable aux DRM, la plupart des distributeurs-libraires reste
pragmatique et s’accommode de la situation tout en essayant de répondre au mieux aux besoins
des lecteurs.
Cette situation introduit un clivage entre les distributeurs-libraires qui imposent leur DRM
et ceux qui les subissent, autrement dit entre ceux qui en tirent profit et ceux qui en paient les
conséquences. Comme le constate Xavier Cazin, « les DRM avantagent les plateformes qui ont
un modèle standardisé d’achat et de lecture intégré, et désavantagent les libraires qui doivent
s'occuper du service après-vente lorsqu’un lecteur n’arrive pas à lire son livre13 ». Et, en raison de
leur position sur le marché et de leur force de vente, seules les premières détiennent le pouvoir de
faire pression sur les éditeurs.
Enfin, qu’ils soient favorables ou défavorables aux DRM, de nombreux libraires proposent
sur leur site une catégorie de livres sans DRM (cf. Annexe B). Cela permet au lecteur de ne
consulter que les titres du catalogue qui ne sont pas verrouillés. Denis Zwirn reconnaît qu’« un
certain nombre de lecteurs cherche les livres sans DRM. C’est une réponse à ceux qui ont des
positions de principe, ça nous permet de ne pas les perdre. »
13. Clémentine BARON, « Distribution du livre numérique : “L'achat a lieu après la vente” (Xavier Cazin) », ActuaLitté,
2 juillet 2013 (http://www.actualitte.com/acteurs-numeriques/distribution-du-livre-numerique-l-achat-a-lieu-apres-la-
vente-xavier-cazin-43561.htm, consulté le 14 août 2013).
50
3.2 – Une opposition organisée sur le web
En second lieu, l’opposition la plus affirmée se manifeste sur Internet, où plusieurs communautés
s’organisent pour faire entendre leur voix. Ces communautés diffèrent par l’intensité de leur
engagement et par leurs méthodes d’action, mais œuvrent dans un même but : obtenir la
disparition des DRM.
3.2.1 – La communauté du logiciel libre
Les associations de défense du logiciel libre agissent à l’échelle internationale pour lutter contre
les DRM dans l’ensemble des biens culturels. La plus connue de ces associations est la Free
Software Foundation (Fondation pour le logiciel libre), fondée par Richard Stallman en 1985. La
déclinaison française, la FSF France, est née en 2001. Richard Stallman, véritable gourou du
web, est perçu par la communauté comme un visionnaire et un prophète des libertés sur Internet.
Il s’est engagé contre les DRM en France en sollicitant en 2006 un entretien avec Dominique de
Villepin, alors Premier ministre, pour lui exposer sa position sur la loi DADVSI14.
La campagne spécifique de la FSF contre les DRM, nommée Defective by Design
(défectueux à dessein), a été lancée en 2006. Elle a depuis effectué de petites actions qui ont
permis de faire connaître la problématique des DRM et de fédérer la communauté.
Defective by Design est notamment à l’origine du logo « sans DRM » ci-contre,
destiné à identifier les plateformes et les fichiers sans DRM. L’association affirme
vouloir « créer une image de marque reconnaissable pour les fournisseurs de
fichiers sans DRM, afin de communiquer rapidement auprès des utilisateurs15 ». Cependant, le
logo semble être peu utilisé par ces fournisseurs, du moins en France. Defective by Design publie
également un guide, intitulé « Guide to DRM-free Living », qui recense les offres culturelles sans
DRM16. Parmi elles, les auteurs, éditeurs et distributeurs de livres numériques non verrouillés.
Enfin, l’organisation a récemment fait parler d’elle en détournant le nom de domaine du portail
de lutte contre le piratage du SNE17. En effet, le 22 mars 2013, le SNE annonçait dans une
conférence de presse le lancement de cet outil nommé ProtectionLivres.com, bien que le site n’ait
pas encore été opérationnel. Le SNE n’avait en fait pas encore acheté le nom de domaine
annoncé. Celui-ci renvoie donc désormais sur une page du site Defective by Design intitulée
« Non aux DRM » et qui explique comment utiliser le logo évoqué ci-dessus. Cette opération a eu
pour effet de relancer le débat sur les DRM, qui restent encore très méconnus du grand public.
14. Marc REES, « Matignon se verrouille face à Richard Stallman », PCINpact, 10 juin 2006 (http://www.pcinpact.com/ar
chive/29352-Matignon-se-verrouille-face-a-Richard-Stallm.htm, consulté le 14 août 2013). 15. Nicolas GARY, « Un label pour identifier les fichiers sans DRM », ActuaLitté, 17 mars 2013
(http://www.actualitte.com/usages/un-label-pour-identifier-les-fichiers-sans-drm-41031.htm, consulté le 14 août 2013).
16. Defective by Design, « Guide to DRM-Free Living » (http://www.defectivebydesign.org/guide, consulté le 14 août 2013). 17. Nicolas GARY, « ProtectionLivres : outil de lutte anti-piratage du SNE ou anti-DRM ? », ActuaLitté, 22 mars 2013
(http://www.actualitte.com/legislation/protectionlivres-outil-de-lutte-anti-piratage-du-sne-ou-anti-drm-41114.htm, consulté
le 14 août 2013).
51
L’April est une association française créée en 1996 pour promouvoir et défendre le logiciel
libre. Elle s’est beaucoup impliquée dans la lutte contre les DRM. Elle a récemment appelé les
internautes à défendre les intérêts des consommateurs lors de l’examen à l’Assemblée du projet
de loi sur la consommation et à contacter leur député pour participer au débat18. Elle a également
influé sur le cadre législatif des DRM en déposant en 2007 une requête en annulation devant le
Conseil d’État du décret du 23 novembre 2006 qui précisait l’interdiction de contournement des
DRM et entérinait l’impossibilité pour un logiciel libre de lire des contenus protégés par DRM.
L’April explique l’aboutissement de cette requête :
« Le Conseil d’État n’a pas annulé le décret en question, il en a précisé le sens, en affirmant qu’un
Logiciel Libre peut lire un contenu sous DRM sans être considéré comme un moyen “spécialement
conçu ou adapté pour contourner une mesure technique”, ce qui a permis de sécuriser juridiquement les
auteurs et utilisateurs de logiciels libres sur ce point précis19. »
L’association est donc parvenue à rétablir l’exception de décompilation, auparavant contestée par
la loi DADVSI.
L’association VideoLAN, éditrice du logiciel de lecture audio et vidéo VLC, a récemment
relancé le débat sur cette exception de décompilation. Elle a saisi pour avis le collège de la
Hadopi, faisant appel à sa mission de régulation des DRM20. VideoLAN a interrogé la Haute
Autorité sur sa légitimité à contourner les mesures de protection des Blu-ray afin de les lire et sur
la procédure à suivre pour obtenir les informations nécessaires à ce contournement. La Hadopi a
donc ouvert une consultation publique pour déterminer si les clés de décryptage font partie des
informations essentielles à l’interopérabilité que les concepteurs sont tenus de communiquer. En
avril 2013, la Haute Autorité a rendu son avis en suggérant à l’association d’engager une action
contentieuse pour exiger ces informations. Même si cette saisine n’a pas encore donné de résultat
concret, elle ouvre la voie à plus de souplesse pour les logiciels libres.
3.2.2 – Les internautes-lecteurs
Les internautes-lecteurs constituent la masse de l’opposition aux DRM. Cette concentration de la
contestation sur le web s’explique par le fait que le lecteur numérique est par définition un
internaute (puisqu’il télécharge ses livres via Internet), que le web est le lieu des transactions et
qu’il est le seul endroit où le lecteur numérique peut s’exprimer.
On peut répartir les internautes-lecteurs en deux groupes, dont le premier ignore tout ou
presque des DRM. C’est ce que Denis Zwirn appelle les lecteurs naïfs : « Le lecteur naïf est celui qui
cherche simplement un livre. Il n’a pas de position de principe sur ces sujets mais une position de
18. Frédéric COUCHET, « Projet de loi consommation : DRM, vente liée, filtrage. Contactez les députés », April, 24 juin 2013
(http://www.april.org/projet-de-loi-consommation-drm-vente-liee-filtrage-contactez-les-deputes, consulté le 15 août 2013). 19. Jeanne TADEUSZ, op. cit. 20. Guillaume CHAMPEAU, « VideoLAN VLC : la Hadopi ouvre la porte à un fléchissement des DRM », Numerama,
8 avril 2013 (http://www.numerama.com/magazine/25618-videolan-vlc-la-hadopi-ouvre-la-porte-a-un-flechissement-
des-drm.html, consulté le 15 août 2013).
52
consommateur. » Ce lecteur est neutre vis-à-vis des DRM, sauf lorsqu’il s’aperçoit qu’ils gênent son
usage. Mais, la plupart du temps, il constate le problème sans en identifier la source.
Les internautes qui s’expriment le plus et qui sont les plus visibles sur Internet sont ceux qui
s’opposent, plus ou moins farouchement, aux DRM. Ce sont les internautes les plus aguerris et
les plus technophiles. Ce sont souvent des lecteurs de littératures de l’imaginaire, très engagés et
très attachés aux notions de liberté et d’anonymat. Clément Bourgoin le confirme : « Il y a une
frange assez ténue de lecteurs qui s’y connaissent vraiment, qui sont technophiles voire militants
et qui s’engagent dans ces thématiques-là. » La spécificité de ces internautes semble tenir aux
relations qu’ils entretiennent à la fois entre eux et avec les éditeurs et auteurs qu’ils apprécient. Le
forum des éditions Le Bélial’ est très actif et met en relation lecteurs, éditeurs et auteurs, qui
échangent de manière informelle. De même, Claire Deslandes explique :
« C’est une communauté qui communique beaucoup, ils se prêtent les livres et apprécient donc de
pouvoir le faire. Ils sont très au courant de ce qu’on fait et des polémiques autour des DRM et sont plus
sensibilisés à ce qu’ils considèrent comme leurs droits vis-à-vis de la lecture. »
Ces lecteurs sélectionnent donc les auteurs, les éditeurs et les plateformes en fonction de
leurs opinions. Ils signalent leur refus des DRM en boycottant certains éditeurs et en en
favorisant d’autres. Selon Denis Zwirn, cet engagement est profond : « Ce sont des positions
idéologiques qui peuvent être durables. Ce n’est pas juste un effet d’affichage et d’imitation. » Les
internautes se retrouvent donc sur les forums et les sites d’actualités liées au sujet, qu’ils
commentent en faisant progresser le débat. Ils renvoient à d’autres articles et sources sur le sujet,
tissant un véritable réseau d’information. Leur objectif est aussi d’informer et d’éduquer les autres
lecteurs numériques. Ils conseillent d’adopter un certain nombre de comportements qui
permettent de conserver une indépendance vis-à-vis des fournisseurs de contenus, de matériel et
de technologies DRM (lire hors connexion, gérer soi-même sa bibliothèque, faire plusieurs copies
des fichiers, etc.). Ces internautes sont capables de grouper leurs revendications pour acquérir un
poids plus grand. Ainsi, la « Readers’ Bill of Rights for Digital Books21 », et son équivalent
français la « Déclaration pour les droits de l’utilisateur de livre numérique22 », rassemblent les
droits et les libertés que revendiquent les lecteurs numériques. Parmi eux, un grand nombre de
droits et de libertés empêchés par les DRM, tels que la possibilité de conserver, transférer,
imprimer, annoter, citer et partager un livre numérique, l’interopérabilité ou encore la
préservation de la vie privée. L’initiative Readers’ Bill of Rights for Digital Books a également
diffusé sur son site un logo contre les DRM, décliné pour chaque acteur du livre et disponible en
plusieurs langues (cf. Annexe D).
21. ReadersBillofRights.info, « The Readers' Bill of Rights for Digital Books » (http://readersbillofrights.info/bill-of-
rights, consulté le 15 août 2013). 22. Marie D. MARTEL, « Déclaration pour les droits de l’utilisateur de livre numérique – 3e version », Bibliomancienne,
2 mars 2011 (http://bibliomancienne.wordpress.com/2011/03/02/declaration-pour-les-droits-de-lutilisateur-de-livre-
numerique-3ieme-version/, consulté le 15 août 2013).
53
Dans le même esprit, le collectif SavoirsCom1 a lancé sur Ulule un projet en financement
participatif visant à modifier la législation sur le droit d’auteur23. Il s’agit de financer l’impression
d’un manuel qui expose dix-huit propositions de réforme du droit d’auteur. En matière de
verrous, le manuel propose deux axes d’intervention : sur le long terme, interdire totalement le
recours aux DRM (mesure n°4), et sur le court terme, autoriser leur contournement (mesure
n°5)24. Le projet consiste donc à recueillir suffisamment d’argent pour imprimer le manuel et
l’envoyer aux députés de l’Assemblé nationale, afin de les sensibiliser à ces idées de réforme. Au-
delà de la participation financière, le collectif invite également les internautes à contribuer au
texte à la manière d’une encyclopédie participative. Pour Xavier Gillard, l’un des organisateurs,
« l'objectif, c'est d'essayer de motiver les gens pour qu'ils s'adressent à leur député par mail ou
courrier, avec l'appui d'un programme précis sur la question25 ». Le projet a rencontré un grand
succès en peu de temps. Le premier palier de la récolte a été atteint en moins de deux semaines.
Depuis, deux autres paliers ont été atteints et le collectif avait récolté, au 1er septembre 2013,
2 859 euros de la part de 129 contributeurs. L’objectif ayant été de 1 150 euros, Ulule affiche un
projet financé à 248 %. Ainsi, 1 300 exemplaires du manuel pourront être imprimés et distribués,
non seulement aux 577 députés de l’Assemblée, mais aussi à d’autres hommes politiques.
Mais la révolte des internautes se révèle parfois excessive et illégitime. L’annonce d’une
information relative aux DRM peut susciter des réactions impulsives et infondées. Certains
internautes nourrissent une véritable « paranoïa libertaire26 ». Un message posté par un internaute
sur le forum de Linuxfr.org a par exemple suscité une véritable levée de boucliers sur le web27.
L’internaute en question expliquait un problème rencontré avec les Éditions ENI : après avoir
acquis un livre numérique qu’il pensait pouvoir lire sur son smartphone hors connexion, il s’est
rendu compte qu’il s’agissait d’une offre en streaming. Le lecteur a donc demandé aux Éditions
ENI un remboursement, qui lui a été refusé car le livre avait déjà été consulté en ligne, pendant
un temps total de 22 heures. Les membres du forum se sont alors insurgés contre l’idée que les
éditeurs puissent connaître le temps qu’un lecteur passe à lire un livre. Ils se sont empressés de
relayer l’information à l’extérieur du forum. La plupart des internautes a amalgamé lecture en
streaming et verrous, et a présupposé que les informations avaient été transmises par un DRM.
En réalité, il est logique en ce qui concerne la lecture en streaming de connaître les usages des
lecteurs, puisque ceux-ci se connectent à la plateforme pour lire leurs livres.
23. Collectif SavoirsCom1, « Il faut réformer le droit d'auteur ! », Ulule (http://fr.ulule.com/ref-da/, consulté le
1er septembre 2013). 24. Xavier GILLARD, « Il faut réformer le droit d'auteur ! Partie 1 : Les solutions », 25 juin 2013
(http://rda.sploing.fr/partie-1-les-solutions/, consulté le 15 août 2013). 25. Antoine OURY, « Un livre envoyé aux députés pour porter la réforme du droit d'auteur », ActuaLitté, 16 juillet 2013
(http://www.actualitte.com/societe/un-livre-envoye-aux-deputes-pour-porter-la-reforme-du-droit-d-auteur-43880.htm,
consulté le 15 août 2013). 26. Nicolas GARY, « DRM, watermarking : gare à la paranoïa libertaire », op. cit.
27. palm123, « Livre numérique des éditions eni », Linuxfr.org, 29 juillet 2012 (http://linuxfr.org/users/palm123/journ
aux/livre-numerique-des-editions-eni, consulté le 15 août 2013).
54
3.3 – Les solutions alternatives
En troisième lieu, des solutions alternatives aux DRM existent. Certaines sont déjà appliquées,
d’autres sont en projet. Au rythme des évolutions du marché et des technologies, les DRM sont
indéniablement amenés à changer, voire à être remplacés par d’autres modèles.
3.3.1 – Un DRM light
Une des principales pistes d’avenir évoquées par les acteurs du livre est celle de l’évolution vers
des DRM plus légers. En effet, comme nous le fait remarquer Hadrien Gardeur, les problèmes
rencontrés ne sont pas dus à la présence en soi d’un DRM, mais plutôt au fait que les DRM
utilisés actuellement sont très contraignants. Il suffirait donc, pour contenter toutes les parties, de
les rendre plus supportables.
C’est ce que la fondation Readium s’emploie dès aujourd’hui à faire avec LCP
(Lightweight Content Protection), une mesure technique capable de se substituer au DRM
d’Adobe28. En effet, le projet Readium, connu pour avoir développé des logiciels de lecture
capables de lire le format epub 3, s’est également donné pour mission de concevoir un DRM
adapté à ce nouveau format. LCP fonctionnerait sur une simple logique de mot de passe. Comme
le fait remarquer Denis Zwirn, cette solution permettrait de conserver « l’avantage des DRM de
ne pas permettre une reproduction infinie facile, tout en limitant au maximum ses
inconvénients ». LCP ne limiterait pas le nombre de copies mais restreindrait la transmission du
fichier, puisque pour le partager le lecteur serait dans l’obligation de divulguer son mot de passe.
Le partage se limiterait donc probablement à un cercle restreint de famille et d’amis proches. Du
point de vue du lecteur, LCP ne présenterait plus aucun des inconvénients du DRM d’Adobe :
pas de création de compte, interopérabilité, nombre de supports de lecture illimité et pérennité
plus grande.
Du point de vue des éditeurs et des distributeurs, LCP présenterait également de nombreux
avantages. Le principal de ces avantages est de ne plus dépendre d’un tiers privé en position
monopolistique. Les membres de la fondation contrôleraient la solution et seraient donc libres de
la faire évoluer en fonction de leurs besoins et des évolutions du marché. Comme l’explique
Hadrien Gardeur, la fondation assurerait un équilibre entre les acteurs du livre :
« Il y aura une licence commerciale, il faudra faire partie de la fondation et respecter un certain nombre
de règles pour l’utiliser. Les membres de la fondation ont un droit de vote, peuvent élire le conseil
d’administration. C’est une situation plus démocratique. Le futur n’est pas entre les mains de quelqu’un
d’autre, on peut décider de changer les choses, de les faire évoluer. »
28. Bernard, « Readium.org lance sa Fondation à code source ouvert et le projet de kit de développement EPUB 3 »,
Blog Feedbooks, 25 mars 2013 (http://blog.feedbooks.com/fr/index.php/2013/03/25/readium-org-lance-sa-fondation-
a-code-source-ouvert-et-le-projet-de-kit-de-developpement-epub-3/, consulté le 16 août 2013).
55
Readium est une organisation à but non lucratif, qui œuvre pour développer et faire adopter cette
nouvelle technologie à l’échelle internationale, dans le but d’en faire un standard. LCP serait
également moins coûteux pour les éditeurs et les distributeurs. Enfin, cette solution serait
utilisable en bibliothèque, avec l’avantage de supprimer les contraintes du DRM d’Adobe.
LCP semble faire consensus parmi les acteurs du livre. Le projet a été lancé en 2012 par
l’IDPF (International Digital Publishing Forum), consortium international pour le livre
numérique29. La fondation Readium rassemble de grands acteurs du livre, parmi lesquels des
distributeurs-libraires, des éditeurs d’applications de lecture et de logiciels, des éditeurs de
contenus et des constructeurs de matériel de lecture. En France, elle réunit essentiellement des
éditeurs tels que Hachette Livre et Editis, et des distributeurs-libraires tels qu’Eden Livres
(distributeur de Gallimard, La Martinière et Flammarion), Feedbooks et Numilog. Pour Denis
Zwirn, cette solution user friendly est « un bon compromis ». De même, Arnaud Nourry explique
son engagement dans le projet par la volonté de favoriser les standards ouverts et de faciliter la vie
de l’utilisateur30. L’engagement d’Hadrien Gardeur est plus paradoxal, dans la mesure où le co-
fondateur de Feedbooks affiche une forte opposition aux DRM. LCP est pour lui un moindre mal
et un compromis entre le sans-DRM et le DRM d’Adobe. Le fait que des acteurs du livre aux avis
si divergents se rassemblent dans le projet LCP nous semble être un indicateur du potentiel de
cette solution. Selon Hadrien Gardeur, le groupe de travail devrait être en mesure de présenter ses
premiers résultats à la Foire du livre de Francfort qui se tiendra du 9 au 13 octobre 2013.
3.3.2 – Le watermarking
Actuellement, la principale alternative aux DRM est le watermark, également appelé filigrane,
empreinte, tatouage ou DRM social. Cette solution consiste à intégrer dans le fichier une ou
plusieurs informations concernant l’acheteur. Il peut s’agir d’un identifiant unique lié au compte
client, d’un nom, d’une adresse électronique ou encore d’un numéro de carte bancaire. Cette
mesure a un double objectif : d’une part, dissuader les lecteurs de partager à grande échelle leur
fichier, puisque cela reviendrait à diffuser des informations très personnelles ; d’autre part,
permettre, en cas de partage illégal du fichier, d’identifier et de punir l’internaute responsable.
Le watermarking est déjà fréquemment utilisé dans le livre numérique, et ses aspects positifs
sont reconnus par de nombreux acteurs. Son principal avantage est de ne pas gêner les usages
légitimes des lecteurs, puisqu’il permet la copie, le transfert et le prêt des fichiers. Comme nous
l’avons déjà évoqué, Immateriel a toujours milité en faveur de cette solution. De manière
générale, les distributeurs-libraires y sont plutôt favorables. De l’avis d’Hadrien Gardeur, « il y a
très peu d’inconvénients au watermarking. C’est un contrat entre tous les acteurs et c’est un bon
29. Ibid.
30. Nicolas GARY, « L'heure n'est pas venue pour les éditeurs d'enlever les DRM (A. Nourry) », op. cit.
56
compromis. » De même, des éditeurs tels que Bragelonne et Eyrolles l’ont adopté. Antoine Gilles,
responsable du e-commerce aux Éditions ENI, atteste de leur efficacité : « Nous rencontrions un
réel problème de piratage, et nous retrouvions nos ouvrages sur des forums, jusqu'au moment où
nous avons ajouté un tag sur les livres. Le piratage s'est arrêté net dès lors31. » De fait, le
watermark est lui aussi une version allégée des DRM actuels, puisque ceux-ci insèrent également
des informations personnelles dans le fichier. Et la plupart des logiciels de contournement des
DRM, qui ne visent qu’à permettre les usages légitimes et non à partager le fichier illégalement,
conserve ces identifiants.
Contrairement aux DRM actuels, les watermarks n’empêchent pas l’interopérabilité et la
pérennité des fichiers, car ils permettent d’utiliser les logiciels légaux de conversion. Les livres
restent donc toujours lisibles quelque soit le support de lecture. Le watermark a également
l’avantage d’être modulable : il peut contenir n’importe quel type d’information, être visible ou
invisible, apparaître une seule fois ou sur toutes les pages. Enfin, le watermarking a le mérite de
faire appel à la responsabilité du lecteur tout en sauvegardant son indépendance. Après l’achat, le
vendeur ne conserve pas de lien avec le fichier. Claire Deslandes assimile cette mesure de
protection à une simple « preuve d’achat ». Le watermarking peut donc être perçu comme une
marque de confiance dans le lecteur.
Pourtant, le watermarking ne présente pas que des avantages et certains aspects suscitent des
réticences. Le principal reproche qui lui ait fait est d’être inefficace. En effet, le volet répressif des
watermarks ne serait efficace que s’il existait un moyen de relever les informations intégrées aux
fichiers disponibles en téléchargement illégal et de saisir les responsables. Une telle procédure
n’existe pas en France. Par ailleurs, les watermarks peuvent eux aussi être très facilement
contournés, d’autant plus qu’il n’est pas illégal de le faire. Nous avons relevé que 5 des 20 éditeurs
les plus piratés ont exclusivement recours au watermarking (cf. Annexe C). Pour Denis Zwirn, le
sentiment d’interdiction créé par un watermark est plus faible que celui produit par un DRM :
« Pour cracker un DRM, il faut faire un effort et intervenir sur le fichier, et on sait que ce n’est pas légal
de le faire. Pour le watermark, il y a une fonction dans Adobe qui permet d’enlever le filigrane. C’est une
fonction légale standard qui se fait en quelques secondes. »
Il est également reproché à cette solution d’aller à l’encontre du respect de la vie privée et de la
protection des données personnelles. En effet, le watermarking empêche l’anonymat du
consommateur. S’il permet techniquement le prêt, il le rend délicat, et empêche la revente des
fichiers. Le tatouage peut devenir gênant, voire dangereux, si le lecteur perd ou se fait voler sa
liseuse, ou s’il prête un fichier à un ami qui le diffuse ensuite illégalement. Antoine Duquesne
s’en inquiète :
31. Nicolas GARY, « DRM, watermarking : gare à la paranoïa libertaire », op. cit.
57
« Il faut être prudent sur les informations utilisées. En tant que lecteur, je préfère avoir un DRM qu’avoir
mon numéro de carte bleue dans mon fichier. Il y a un risque que quelqu’un d’autre diffuse le fichier,
par le piratage de mon ordinateur par exemple. »
Cette situation est d’autant plus gênante que les consommateurs ne sont pas toujours informés de
la présence d’un watermark, et encore moins de la nature des informations insérées (cf. Annexe B).
Cette question est en partie liée à la problématique de l’invisibilité ou de la visibilité du watermark,
qui divise les acteurs du livre. En France, la majorité des distributeurs rend au moins une partie
du watermark visible. Cela paraît indispensable pour indiquer au lecteur que son fichier contient
des informations le concernant et pour le dissuader de le partager. Cependant, une visibilité
excessive peut gêner l’expérience de lecture et dégrader l’esthétique du livre.
De surcroît, le watermarking provoque chez certains lecteurs un sentiment de malaise. Car
cette solution implique malgré tout une certaine méfiance vis-à-vis des consommateurs. À la
contrainte technique des DRM, les éditeurs ont substitué une contrainte psychologique. C’est le
reproche formulé par Julien Simon, co-fondateur de Walrus : « Plutôt que de contraindre par la
force, plutôt que de persuader par la raison, il emploie une technique d'auto-répression douce et
violente à la fois : la peur32. » Et la peur lui semble être « une arme trop puissante pour être
utilisée dans ce cas33 ». Enfin, le watermarking présente l’inconvénient de dépendre presque
exclusivement du distributeur. Comme l’explique Clément Bourgoin, « le problème est qu’on ne
peut pas le contrôler, chaque plate-forme applique son propre watermark, et c’est parfois mal
fait ». L’éditeur ne peut donc pas intervenir sur la forme du filigrane. De même, une adoption
massive du watermarking dépendrait des distributeurs, puisqu’un éditeur ne peut y avoir recours
qu’à condition que son distributeur propose cette alternative, ce que tous ne font actuellement pas.
Pour toutes ces raisons, certains éditeurs, à l’instar d’Au Diable Vauvert, renoncent non
seulement aux DRM mais aussi au watermarking.
3.3.3 – De nouveaux modes d’accès et de rémunération
Parallèlement aux mesures de protection, de nouveaux modèles d’affaires et d’accès à la culture
sont envisagés. Nous avons déjà évoqué les diverses offres que permettraient les DRM. Mais
d’autres offres élimineraient au contraire le besoin de verrous, tout en assurant une rémunération
équilibrée des acteurs du livre.
Le modèle le plus prometteur est celui du streaming. Ce système de lecture connectée
permettrait une rémunération proportionnelle aux usages des lecteurs. Comme l’explique Denis
Zwirn, « le streaming est une forme de protection, puisqu’il ne peut pas y avoir d’échange de
fichiers. C’est régulé par un compte et un mot de passe. Il est possible de partager le mot de passe
32. Ibid.
33. Julien SIMON, « Watermark: un DRM qui ne dit pas son nom », Book to the Future, 14 décembre 2012 (http://book-
to-the-future.tumblr.com/post/37898814332/watermark-un-drm-qui-ne-dit-pas-son-nom, consulté le 16 août 2013).
58
mais cela reste gênant car plusieurs utilisateurs ne peuvent pas être sur le même compte
simultanément. » L’exemple le plus célèbre en France est celui de Youboox, qui propose deux
types d’abonnement, l’un gratuit mais au catalogue limité, et l’autre payant. L’offre premium
permettant d’accéder à la totalité du catalogue est accessible pour 9,99 euros par mois. Ces deux
offres semblent connaître un certain succès, puisque Youboox revendiquait 75 000 abonnés en
février 201334. Cependant, le modèle du streaming présente encore de nombreux inconvénients,
qui l’empêchent pour le moment de se développer davantage. Il nécessite d’abord une bonne
connexion à Internet pour permettre une lecture continue. Et l’état actuel du réseau ne permet
pas de garantir une telle connexion partout et à tout moment. L’offre de streaming est de plus
soumise à des serveurs qui autorisent et fournissent l’accès aux contenus. La coupure de ces
serveurs, ou un simple arrêt de l’abonnement, supprime donc cet accès. Bien que ce système
corresponde à la philosophie de l’accès développée par Jeremy Rifkin, nous avons vu qu’une
partie des lecteurs est encore très attachée à la propriété des livres. Le streaming ne nous semble
donc pas être pour le moment une solution suffisamment attractive en termes d’usages pour
remplacer le modèle actuel. Mais il est certainement voué à se développer, avec les progrès du
très haut débit et l’évolution des habitudes de lecture.
Le second modèle, souvent combiné au premier, est celui de la rémunération par la
publicité. Ce modèle se base sur celui de la radio ou de la télévision, avec une rémunération tirée
des revenus publicitaires et répartie selon l’audience. L’abonnement gratuit proposé par Youboox
donne ainsi accès à un certain nombre de livres dont la lecture en ligne est soumise à la présence
de publicité. Deux bandeaux publicitaires accompagnent chaque page des ouvrages. Youboox
tire donc ses revenus à la fois des abonnements et de la publicité. La moitié de ces revenus est
versée aux auteurs et aux éditeurs35. La répartition se fait selon le nombre de pages consultées. Ce
système présente deux inconvénients majeurs. D’une part, il impose de diffuser les contenus au
format PDF, puisqu’il est le seul format à garantir une pagination stable. Or, la lecture au format
PDF est loin d’être optimale et dégrade considérablement l’expérience de lecture. D’autre part,
l’insertion de publicité en marge du texte peut être gênante, d’un point de vue pratique et éthique.
Pour Frédéric Weil, directeur éditorial des Éditions Mnémos, « la publicité telle qu’elle est
présentée dans Youboox est intrusive, et ne permet pas une immersion suffisante dans la
lecture36 ». Cela lui pose également problème d’un point de vue éthique :
« On sait ce qui se passe lorsqu’on cède à la publicité : la création est livrée en pâture aux publicitaires,
qui l’influencent. C’est une question d’éthique : je ne veux pas que le livre soit touché par ce
phénomène. Car une fois la mécanique lancée, il est difficile de revenir en arrière37. »
34. Walrus, « Lecture en streaming : faut-il céder au chant des sirènes ? », Blog Walrus, 27 mars 2013
(http://blog.walrus-books.com/2013/03/27/lecture-streaming-chant-sirenes/, consulté le 16 août 2013). 35. Ibid.
36. Ibid.
37. Ibid.
59
Enfin, le modèle de la licence globale, également appelée contribution créative ou mécénat
collectif, permettrait de rémunérer les ayants droit tout en légalisant le partage à grande échelle. Il
s’agirait d’une taxe prélevée sur les abonnements Internet. La question est ancienne puisqu’un
débat avait déjà eu lieu en 2006 au moment du vote de la loi DADVSI. Pourtant, l’idée refait
régulièrement surface. En mai 2013, un député a soumis à l’Assemblée nationale une proposition
de loi pour une licence globale38. Le texte propose d’introduire dans le CPI l’article suivant :
« Une licence globale à paliers est versée par les titulaires d'un accès Internet. Cette cotisation leur
permet de télécharger des contenus audiovisuels. Le montant de cette cotisation perçu par les
fournisseurs d'accès Internet, varie par palier de 0 euro mensuel pour une personne ne téléchargeant pas,
à un montant de 10 euros pour une personne téléchargeant beaucoup. Cette cotisation est réévaluée tous
les ans par décret. »
Cependant, la licence globale ne fait pas l’unanimité. Il faut d’abord préciser que cette
proposition de loi avait déjà été déposée telle quelle en avril 2010, sans connaître de suite39. Par
ailleurs, le rapport Lescure rejette le projet, car il estime que les montants prévus ne suffiraient
pas à compenser l’intégralité des chiffres d’affaires de toutes les industries culturelles :
« Le montant de 5 euros par mois et par foyer, avancé dans certaines propositions, ne suffirait même pas
à compenser l'intégralité du chiffre d'affaires de la musique enregistrée et la vidéo, qui s'élevait en 2012 à
un peu plus de 2 milliards d'euros (ventes physiques et numériques confondues) 40. »
Pour la mission Lescure, une contribution suffisante serait de l’ordre de 20 à 40 euros par mois.
Enfin, l’idée de taxe est problématique car elle pose la question de la redistribution des
prélèvements. En ce sens, deux solutions sont envisagées. D’une part, la redistribution directe aux
ayants droit selon les audiences et les consultations. Mais ce système implique une surveillance et
une analyse des échanges, ce qui peut poser problème d’un point de vue éthique. D’autre part, la
redistribution sous forme de subventions à la création. Mais cette solution implique qu’un
organisme public juge de ce qui doit être subventionné ou non et peut faire naître des conflits
d’intérêts, voire une certaine forme de censure. Le système de la licence globale nous semble
donc trop complexe à mettre en place et trop sujet à contentieux pour apporter une véritable
solution au marché des biens culturels numériques.
38. Assemblée nationale, « Proposition de loi portant sur la création d’une licence globale à paliers visant à financer les
droits d’auteur dans le cadre d’échanges de contenus audiovisuels sur Internet », 29 mai 2013 (disponible en ligne :
http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion1070.pdf). 39. Nicolas GARY, « Projet de loi : Retour de la Licence globale à l'Assemblée nationale », ActuaLitté, 8 juin 2013
(http://www.actualitte.com/legislation/projet-de-loi-retour-de-la-licence-globale-a-l-assemblee-nationale-42948.htm,
consulté le 16 août 2013). 40. Pierre LESCURE, op. cit.
60
61
Conclusions
L’ensemble de ces considérations nous conduit à tirer deux grandes conclusions. D’une part, à
court terme, les DRM nous semblent suffisamment installés en termes législatifs, techniques et
d’usages pour perdurer encore quelques années. Nous estimons cette première période à quelques
années, dix tout au plus. D’autre part, à plus long terme, tout nous pousse à croire que les DRM
tels qu’ils sont actuellement conçus sont amenés à évoluer, voire à disparaître.
En ce qui concerne le maintien des DRM actuels dans un futur proche, notre travail a tout
de même mis en valeur certaines exigences, nécessaires au bon fonctionnement du marché. Plus
de transparence, et une meilleure définition de l’offre vis-à-vis des consommateurs nous semblent
indispensables. Les fournisseurs de contenus doivent trancher entre la licence et la propriété et
entrer véritablement dans l’écosystème numérique. L’enjeu de l’interopérabilité est également
crucial, pour une libération des lecteurs et donc de l’offre. La régulation des DRM, pour le
moment quasiment inexistante, mériterait d’être développée pour compenser le pouvoir que les
ayants droit ont acquis sur les lecteurs par l’intermédiaire des verrous.
En ce qui concerne l’évolution ou la disparition des DRM dans un futur relativement
éloigné, les arguments techniques et économiques et les opinions des différents acteurs du livre
exposés au cours de notre étude ne laissent selon nous pas de doute possible. Bien que la nécessité
d’une certaine forme de protection nous semble cohérente, les inconvénients présentés par les
DRM actuels l’emportent largement sur leurs avantages. Éditeurs, libraires et distributeurs
s’accordent pour dire que le modèle actuel ne peut perdurer longtemps. Beaucoup d’entre eux ont
déjà repoussé la solution des DRM. Reste à savoir qui, parmi ceux qui y sont encore fidèles, fera
le premier pas vers un autre modèle. À l’instar de la musique, sera-ce les consommateurs et les
distributeurs, qui feront pression pour la disparition des DRM ? Ou l’initiative viendra-t-elle des
auteurs et des éditeurs ?
L’attitude du consommateur sera selon nous déterminante. Nous sommes actuellement
dans une période charnière, où le lectorat numérique passe des adopteurs précoces (early adopters,
c’est-à-dire grossièrement ceux qui lisent depuis plus d’un an) à la majorité précoce. Et ces deux
groupes ont des caractéristiques et des besoins très différents. Les adopteurs précoces,
technophiles et souvent lecteurs de littératures de l’imaginaire, ont adopté des opinions et des
pratiques bien définies. Ils sont solidement attachés à leurs libertés et leur indépendance. Les
autres lecteurs, souvent moins habiles technologiquement, ont plutôt tendance à se laisser guider
par l’offre et enfermer dans un modèle tout-intégré. Pour séduire ces lecteurs, le livre numérique,
et les mesures de protection en particulier, doivent devenir plus simples à appréhender. L’avenir
des DRM est donc corrélatif de l’adoption de la lecture numérique et des comportements de cette
62
majorité. Nous pouvons donc conjecturer que, sous la pression d’une partie des lecteurs, de plus
en plus d’éditeurs renonceront aux DRM. Il s’agira d’abord des petits et moyens éditeurs, puis le
mouvement se répandra aux groupes éditoriaux les plus puissants, jusqu’à ce que le fait de
recourir aux DRM soit trop pénalisant en termes d’image et de rentabilité. Il faut cependant
ajouter que la transition sera plus facile pour le DRM d’Adobe et les autres solutions
interopérables que pour les DRM propriétaires, et nous pouvons nous attendre à davantage de
résistance de la part des sociétés Apple et Amazon.
Quelles que soient les positions des lecteurs et des acteurs du livre, il nous semble que le
temps jouera en défaveur des DRM actuels. Certains problèmes inhérents à ces technologies ne se
révèleront que dans quelques années. Le marché du numérique est encore embryonnaire, et les
pratiques encore hésitantes. Mais les problématiques de pérennité, d’interopérabilité ou encore de
prêt de livres numériques prendront une ampleur bien plus importante avec la démocratisation et
l’évolution des usages. Il nous semble peu probable que la lecture numérique soit adoptée
massivement tout en étant verrouillée par les dispositifs actuels. Pour se développer, le marché du
livre numérique doit donc se libérer.
Cette analyse nous a confirmé l’importance de la question des DRM, puisqu’elle est
étroitement liée à l’ensemble des problématiques du livre numérique. Cependant, il est possible
que le livre numérique soit à l’avenir structuré par des modèles radicalement différents. Et dans ce
cas, les DRM ne seront pas les seuls à évoluer, mais c’est tout un écosystème qui sera transformé.
Comme le dit très pertinemment Denis Zwirn, « on ne peut pas répondre à la question des DRM
isolément et indépendamment de la problématique plus générale de l’avenir de l’économie des
biens culturels numériques, qui est une problématique beaucoup plus complexe ».
63
Bibliographie
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TADEUSZ Jeanne, « DRM : dispositifs de contrôle d’usage », April, 2 novembre 2010.
65
Annexes
Annexe A Mini sondage auprès de lecteurs numériques
Méthodologie
Ce mini sondage a été réalisé auprès de 20 lecteurs de livres numériques, sélectionnés dans les
transports franciliens, entre juin et août 2013.
En concentrant notre relevé d’opinions sur une portion de la ligne C du RER, nous avons
voulu toucher le cœur des lecteurs et être le plus objectif possible.
Pour des raisons de sélection de l’échantillon, il s’agit principalement de lecteurs utilisant
des supports exclusivement dédiés à la lecture numérique, autrement dit des liseuses.
66
Questionnaire
Depuis combien de temps lisez-vous des livres numériques ? ..................................
Sur quelle(s) plateforme(s) achetez-vous vos livres numériques ?
..................................................................................................................................................
Savez-vous ce qu’est un DRM, ou une mesure technique de protection ? Oui □ Non □
Si oui :
Avez-vous déjà acheté un livre numérique protégé par DRM ? Oui □ Non □
Avez-vous déjà eu des difficultés à lire un livre à cause d’un verrou ? Oui □ Non □
De quelle nature était ce problème ?
..................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................
Avez-vous rencontré des problèmes pour :
ouvrir □ copier □ décrypter □ votre fichier ?
..................................................................................................................................................
L’absence de DRM est-elle pour vous un critère d’achat ? Oui □ Non □
Avez-vous déjà renoncé à un achat du fait de la présence de DRM ? Oui □ Non □
Achèteriez-vous davantage de livres numériques s’ils n’étaient pas verrouillés ? Oui □ Non □
Avez-vous déjà préféré acheter un livre plutôt qu’un autre parce qu’il n’était pas protégé par
DRM ? Oui □ Non □
Seriez-vous prêts à payer vos livres plus chers s’ils n’étaient pas verrouillés ? Oui □ Non □
Avez-vous déjà supprimé le verrou d’un de vos livres numériques ? Oui □ Non □
Si oui, pourquoi ?
.................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................
Si non :
La présence de verrous sur vos livres numériques vous gêne-t-elle ? Oui □ Non □
Avez-vous déjà rencontré des problèmes pour lire un livre numérique acheté légalement ?
Oui □ Non □
De quelle nature était ce problème ?
..................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................
67
Avez-vous rencontré des problèmes pour :
ouvrir □ copier □ décrypter □ votre fichier ?
..................................................................................................................................................
Estimez-vous être bien informé(e) sur les verrous présents dans les livres que vous achetez ?
Oui □ Non □
Avez-vous déjà demandé un remboursement pour un livre que vous ne pouviez pas lire ?
Oui □ Non □
Avez-vous rencontré des problèmes d’interopérabilité, c’est-à-dire de compatibilité entre plusieurs
technologies, logiciels ou supports de lecture ? Oui □ Non □
..................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................
Comptez-vous conserver vos livres numériques à la manière d’une bibliothèque ?
Oui □ Non □
La pérennité de vos fichiers est-elle importante à vos yeux ? Oui □ Non □
Souhaiteriez-vous pouvoir prêter, léguer ou revendre vos livres numériques ? Oui □ Non □
..................................................................................................................................................
Avez-vous déjà tenté de le faire ? Oui □ Non □
Si non, pourquoi ?
..................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................
Seriez-vous prêt(e) à payer vos livres plus chers pour pouvoir le faire ? Oui □ Non □
Avez-vous déjà téléchargé illégalement un livre numérique ? Oui □ Non □
Si oui, pour quelle(s) raison(s) ?
.................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................
Auriez-vous acheté ce livre s’il n’avait pas été disponible en téléchargement gratuit ?
Oui □ Non □
Sexe F □ H □
Âge .......
Support de lecture (Kindle, Sony Reader, iPad, etc.)....................................
68
Résultats
Depuis combien de temps lisez-vous des livres numériques ?
Sur quelle(s) plateforme(s) achetez-vous vos livres numériques ?
Savez-vous ce qu’est un DRM, ou une mesure technique de protection ?
0 1 2 3 4 5 6
1 mois
2 mois
6 mois
7 mois
9 mois
12 mois
16 mois
24 mois
36 mois
0 2 4 6 8 10
Amazon
Fnac
Chapitre
Kobo
Oui 45%
Non 55%
69
Si oui :
Avez-vous déjà acheté un livre numérique protégé par DRM ?
Avez-vous déjà eu des difficultés à lire un livre à cause d’un verrou ?
L’absence de DRM est-elle pour vous un critère d’achat ?
Oui 67%
Non 33%
0%
0%
Oui 22%
Non 78%
Oui 33%
Non 67%
70
Avez-vous déjà renoncé à un achat du fait de la présence de DRM ?
Achèteriez-vous davantage de livres numériques s’ils n’étaient pas verrouillés ?
Avez-vous déjà préféré acheter un livre plutôt qu’un autre parce qu’il n’était pas protégé par
DRM ?
Oui 33%
Non 67%
Oui 67%
Non 33%
Oui 43%
Non 57%
71
Seriez-vous prêts à payer vos livres plus chers s’ils n’étaient pas verrouillés ?
Avez-vous déjà supprimé le verrou d’un de vos livres numériques ?
Si non :
La présence de verrous sur vos livres numériques vous gêne-t-elle ?
Oui 33%
Non 67%
Oui 22%
Non 78%
Oui 11%
Non 89%
72
Avez-vous déjà rencontré des problèmes pour lire un livre numérique acheté légalement ?
Estimez-vous être bien informé(e) sur les verrous présents dans les livres que vous achetez ?
Avez-vous déjà demandé un remboursement pour un livre que vous ne pouviez pas lire ?
Non 100%
Oui 16%
Non 84%
Non 100%
73
Avez-vous rencontré des problèmes d’interopérabilité, c’est-à-dire de compatibilité entre
plusieurs technologies, logiciels ou supports de lecture ?
Comptez-vous conserver vos livres numériques à la manière d’une bibliothèque ?
La pérennité de vos fichiers est-elle importante à vos yeux ?
Oui 16%
Non 84%
Oui 75%
Non 25%
Oui 58%
Non 42%
74
Souhaiteriez-vous pouvoir prêter, léguer ou revendre vos livres numériques ?
Avez-vous déjà tenté de le faire ?
Si non, pourquoi ?
Oui 75%
Non 25%
Oui 35%
Non 65%
0 1 2 3 4 5 6 7
Je n'ai pas eu l'occasion.
Il n'y a pas de lecteur numérique dans mon entourage.
Je télécharge des livres gratuits, tout le monde peut en faire autant.
Ce n'est pas possible, mes livres sont liés à mon compte.
75
Seriez-vous prêt(e) à payer vos livres plus chers pour pouvoir le faire ?
Avez-vous déjà téléchargé illégalement un livre numérique ?
Si oui, pour quelle(s) raison(s) ?
Oui 15%
Non 85%
Oui 50%
Non 50%
0 1 2 3 4 5 6 7
Prix de l'offre légale trop élevé
Indisponibilité en offre légale
Protection DRM
Qualité supérieure
Facilité et rapidité d'accès
76
Auriez-vous acheté ce livre s’il n’avait pas été disponible en téléchargement gratuit ?
Sexe
Âge
Support de lecture
Oui 50%
Non 50%
Homme 55%
Femme 45%
0 1 2 3 4 5 6 7
20-30 ans
31-40 ans
41-50 ans
51-60 ans
61 ans et +
0 2 4 6 8 10 12
Gamme Kobo
Gamme Kindle
iPad
Tablette Asus
77
Annexe B Les mesures techniques de protection sur les principales plateformes de téléchargement
Plateforme
Mention de la
présence de DRM
Mention des
restrictions d'usage
Informations sur la
procédure
Informations sur la compatibilité
avec les supports de lecture
Catégorie « Sans DRM »
Mention de la présence de watermark
Fnac oui oui oui non non non
Amazon non non non non non -
Feedbooks oui non non oui oui oui
Kobo oui non non oui non -
Immateriel oui oui oui oui oui oui
Epagine oui non oui oui non oui
Apple non non non non non -
Google Play non non oui oui non non
Numilog non oui non oui oui non
Didactibook oui oui oui oui non oui
Le Divan oui non oui oui oui oui
Bookeenstore oui non oui oui non non
Chapitre oui oui non non non oui
Decitre oui oui non non non oui
Virgin oui non non non non oui
Izneo non non non non non non
Furet du Nord oui non oui oui oui oui
Dialogues oui oui oui oui non oui
Cultura oui non non non non oui
Sauramps oui non oui oui oui oui
Mollat oui non oui oui oui oui
Darty non oui non non non non
La Procure oui non oui oui oui oui
Vent D'ouest oui non oui oui oui oui
Boulanger non oui non non non non
Zebook.com oui oui oui oui non oui
BookCast non oui non non oui non
Gibert Jeune non oui non non non non
Cheminant oui oui non non non non
Kleber oui non oui oui non oui
Plateformes sélectionnées à partir du classement de l'étude sur les pratiques de lecture et d'achat (Dominique BOULLIER, Maxime CREPEL, « Pratiques de lecture et d’achat de livres numériques », Le Motif, février 2013) et des résultats du moteur de recherche Google aux mots-clés « librairie numérique ».
Les champs non remplis concernent les plateformes qui ne proposent pas le watermarking.
78
Annexe C Top 20 des éditeurs ayant le plus de titres piratés
Rang Éditeur Type de protection
1 Eyrolles Watermark
2 Dunod DRM
3 La Musardine Watermark
4 Gallimard DRM
5 Bragelonne1 Watermark
6 Larousse DRM
7 Albin Michel DRM
8 Marabout DRM
9 Le Masque DRM
10 Hachette DRM
11 Flammarion DRM
12 Micro Application DRM
13 Seuil DRM
14 Fayard DRM
15 Bayard DRM
16 Éditions d’Organisation Watermark/DRM
17 Éditions Générales First Watermark
18 Elsevier Masson DRM
19 Robert Laffont DRM
20 PUF Watermark
1. dont Milady.
Source du top 20 : Mathias DAVAL, « Ebookz 3 : Étude sur l’offre numérique illégale des livres français sur Internet en 2011 – 3e année », Le MOTif, mars 2012.
Annexe D Logos contre les DRM de la Readers’ Bill of Rights for Digital Books
79
Annexe E Tarifs de Portail Protection Livres
Chiffre d'affaires Redevance annuelle
Jusqu’à 295,000 € 285 €
295 001 € - 575 000 € 573 €
575 001 € - 2 300 000 € 1 148 €
2 300 001 € - 5 750 000 € 2 298 €
5 750 001 € - 11 500 000 € 3 450 €
Au-delà de 11 500 001 € 5 750 €
Licence utilisateur supplémentaire 573 €
Tous les membres du SNE peuvent profiter de ces tarifs qui comprennent une réduction de 50 %. Prix à compter du 1er octobre 2011.
Source : SNE, « Tarifs », Portail Protection Livres (http://portailprotectionlivres.com/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=64&Itemid=50, consulté le 30 août 2013).
Annexe F Questionnaire envoyé à Annie Brigant et Stanislas Adry Bibliothécaires à Grenoble et Reims
1 Que vous ont permis les DRM dans l’élaboration de votre offre de livres numériques ?
Êtes-vous globalement satisfait de ce système ? Pourquoi ?
2 Quelles sont selon vous les limites imposées par les DRM dans l’accès aux livres
numériques en bibliothèque ?
3 Vos lecteurs rencontrent-ils des problèmes dans le processus de prêt ou de
consultation (identifiant Adobe, interopérabilité, etc.) ? Quelles seraient selon vous
les solutions pour résoudre ces problèmes ?
4 Quelle serait selon vous la technologie DRM idéale pour le prêt et la consultation de
livres numériques en bibliothèque ? Quelles fonctionnalités supplémentaires sont à
l’étude ou souhaiteriez-vous voir apparaître ?
80
Annexe G Grille d’entretien avec Clément Bourgoin Responsable numérique chez Le Bélial’
1 Quel est votre rôle au sein des éditions Le Bélial’ ?
2 Pourquoi avoir fait le choix du sans-DRM ? Était-ce par conviction personnelle ou
suite à la demande de vos lecteurs ?
3 Avez-vous dès le lancement de votre offre numérique décidé de ne pas recourir aux
DRM ?
4 Diriez-vous que ce choix et que cette offre ont été un succès ?
5 Quels sont selon vous les aspects bénéfiques du sans-DRM en termes économiques ?
Pouvez-vous chiffrer ce bénéfice ?
6 Quels sont selon vous les aspects bénéfiques du sans-DRM en termes de relationnel
client ?
7 Quels sont selon vous les aspects bénéfiques du sans-DRM en termes d’image ?
8 L’absence de DRM est-elle un des éléments qui vous permettent de proposer des
livres numériques à bas prix ?
9 Avez-vous rencontré des réticences de la part de vos auteurs ? Comment êtes-vous
parvenus à les convaincre ?
10 Quelle est votre sentiment face au piratage de vos livres ?
11 Selon vous, le succès de votre engagement contre les DRM est-il lié au fait que vous
publiez une littérature de genre ?
12 Quels sont selon vous les avantages, les inconvénients et les limites du
watermarking ?
13 Pensez-vous qu’une pratique du prêt et de la revente d’ebooks d’occasion soit faisable
et souhaitable en France aujourd’hui ?
14 Que pensez-vous du prêt de livres numériques en bibliothèque ?
15 Selon vous, l’avenir du livre numérique se fera-t-il avec ou sans les DRM ?
81
Annexe H Grille d’entretien avec Antoine Duquesne Directeur du développement numérique chez Harlequin
1 Depuis quand disposez-vous d’une offre numérique ?
2 Avez-vous dès le départ recouru aux DRM ?
3 Tous vos livres sont-ils protégés par DRM ?
4 Quelle est la politique générale d’Harlequin concernant les DRM ?
5 Quelles sont vos motivations à recourir aux DRM ?
6 Techniquement, quelles sont les restrictions les plus courantes sur vos livres
numériques ?
7 Vos auteurs sont-ils informés de ces dispositifs ?
8 Des auteurs se sont-ils déjà opposés à l’utilisation d’un verrou ?
9 Au contraire, certains auteurs en exigent-ils ?
10 Avez-vous déjà eu des échos de lecteurs, distributeurs ou libraires gênés par les
DRM ?
11 Ne craigniez-vous pas de perdre des lecteurs ?
12 Connaissez-vous l’ampleur ou le nombre de titres Harlequin disponibles en
téléchargement illégal ?
13 Quelle est la politique de Harlequin vis-à-vis de ces fichiers piratés ?
14 Pourriez-vous estimer ce que vous coûtent financièrement les DRM ?
15 Pensez-vous que cet investissement soit rentable au vu des nombreux fichiers qui
circulent tout de même illégalement ?
16 Avez-vous déjà envisagé d’utiliser les DRM pour diversifier votre offre : location,
paiement à l’usage, abonnement, etc. ?
17 Que pensez-vous du watermarking ?
18 Que pensez-vous du prêt de livres numériques en bibliothèque ?
19 Que pensez-vous du prêt et de la revente d’occasion entre particuliers ?
20 Selon vous, l’avenir du livre numérique se fera-t-il avec ou sans les DRM ?
82
Annexe I Grille d’entretien avec Claire Deslandes Directrice du développement chez Bragelonne
1 Depuis combien de temps disposez-vous d’une offre numérique ?
2 Avez-vous dès le lancement de votre offre décidé de ne pas recourir aux DRM ?
3 Pourquoi avoir fait ce choix ? Était-ce une demande de vos lecteurs ?
4 Diriez-vous que ce choix a été un succès ?
5 Selon vous, ce choix est-il lié au fait que vous publiez une littérature de genre ?
6 Quels sont selon vous les aspects bénéfiques du sans-DRM en termes économiques ?
Pouvez-vous chiffrer ce bénéfice ? Est-ce un des éléments qui vous permettent de
proposer des livres numériques à bas prix ?
7 Quels sont selon vous les aspects bénéfiques du sans-DRM en termes de relationnel
client ?
8 Quels sont selon vous les aspects bénéfiques du sans-DRM en termes d’image ?
9 Ressentez-vous tout de même les effets des DRM utilisés par Apple et Amazon ?
10 Avez-vous discuté des DRM avec vos auteurs ? Avez-vous rencontré des réticences de
leur part ? Comment êtes-vous parvenus à les convaincre ?
11 Connaissez-vous l’ampleur ou le nombre de vos titres disponibles en téléchargement
illégal ?
12 Quelle est la politique de Bragelonne vis-à-vis de ces fichiers piratés ? Avez-vous des
moyens de lutte ?
13 Que pensez-vous du watermarking ? Quels sont selon vous ses avantages, ses
inconvénients et ses limites ?
14 Que pensez-vous du prêt de livres numériques en bibliothèque ?
15 Que pensez-vous du prêt et de la revente d’occasion entre particuliers ? Pensez-vous
que ce soit faisable et souhaitable en France aujourd’hui ?
16 Selon vous, l’avenir du livre numérique se fera-t-il avec ou sans les DRM ?
83
Annexe J Grille d’entretien avec Denis Zwirn Directeur de Numilog
1 Quel est votre point de vue personnel sur les DRM ?
2 Quelle est la proportion de livres protégés par DRM dans votre catalogue ?
3 Qu’avez-vous mis en place pour informer les clients de la présence et des implications
des DRM ?
4 Depuis combien de temps votre site propose-t-il une rubrique « Sans DRM » ?
Pourquoi avoir ressenti le besoin de créer une telle catégorie ?
5 Avez-vous constaté que les livres sans DRM se vendaient mieux que les livres
protégés ? Pourriez-vous me donner un ratio des ventes entre livres sans DRM et
livres avec DRM ?
6 Pensez-vous qu’il s’agisse d’un phénomène de mode ?
7 Combien vous coûte la gestion des DRM ? Pouvez-vous me donner une estimation
chiffrée ?
8 Avez-vous eu des retours négatifs de la part de vos clients concernant les DRM ? Ces
retours ont-ils entraîné des remboursements ou des échanges ? Pourriez-vous chiffrer
le coût de cette prise en charge ?
9 Quel est votre point de vue sur les DRM imposés par Apple et Amazon ?
10 À combien s’élève la remise libraire que vous concèdent les éditeurs ?
11 Avez-vous déjà envisagé d’utiliser les DRM pour diversifier votre offre : location,
paiement à l’usage, abonnement, etc. ?
12 Les DRM sont-ils selon vous indissociables de l’offre numérique en bibliothèque ?
Quel autre modèle pouvez-vous entrevoir pour l’avenir ?
13 Dans votre offre aux bibliothèques, avez-vous rencontré des problèmes dus aux
DRM ? Quelles seraient selon vous les solutions à ces problèmes ?
14 Quel serait le DRM idéal pour le prêt ou la consultation en bibliothèque ?
15 Que pensez-vous du watermarking ?
16 Que pensez-vous du prêt et de la revente d’occasion entre particuliers ?
17 Selon vous, l’avenir du livre numérique se fera-t-il avec ou sans les DRM ?
84
Annexe K Grille d’entretien avec Hadrien Gardeur Co-fondateur et chef de projet chez Feedbooks
1 Quel est votre point de vue personnel sur les DRM ?
2 Quelle est la proportion de livres protégés par DRM dans votre catalogue ?
3 Qu’avez-vous mis en place pour informer les clients de la présence et des implications
des DRM ?
4 Depuis combien de temps votre site propose-t-il une rubrique « Livres sans DRM » ?
Pourquoi avoir ressenti le besoin de créer une telle catégorie ?
5 Avez-vous constaté que les livres sans DRM se vendaient mieux que les livres
protégés ? Pourriez-vous me donner un ratio des ventes entre livres sans DRM et
livres avec DRM ?
6 Pensez-vous qu’il s’agisse d’un phénomène de mode ?
7 Combien vous coûte la gestion des DRM ? Pouvez-vous me donner une estimation
chiffrée ?
8 Avez-vous eu des retours négatifs de la part de vos clients concernant les DRM ? Ces
retours ont-ils entraîné des remboursements ou des échanges ? Pourriez-vous chiffrer
le coût de cette prise en charge ?
9 Quel est votre point de vue sur les DRM imposés par Apple et Amazon ?
10 À combien s’élève la remise libraire que vous concèdent les éditeurs ?
11 Avez-vous déjà envisagé d’utiliser les DRM pour diversifier votre offre : location,
paiement à l’usage, abonnement, etc. ?
12 Que pensez-vous du watermarking ?
13 Que pensez-vous du prêt de livres numériques en bibliothèque et de l’usage des DRM
dans ce domaine ?
14 Que pensez-vous du prêt et de la revente d’occasion entre particuliers ?
15 Selon vous, l’avenir du livre numérique se fera-t-il avec ou sans les DRM ?
85
Table des matières
Remerciements .......................................................................................................................... 5
Avant-propos............................................................................................................................. 7
Introduction .............................................................................................................................. 9
1 – Des dispositifs inadaptés à l’écosystème numérique ............................................................ 11
1.1 – Le mépris de l’éthique ....................................................................................................... 11
1.1.1 – L’information des consommateurs ......................................................................... 11
1.1.2 – La liberté de choix technologique .......................................................................... 13
1.1.3 – Le respect de la volonté des auteurs ....................................................................... 15
1.2 – L’incohérence du droit et de la législation ......................................................................... 16
1.2.1 – Le cercle vicieux de la triple protection .................................................................. 16
1.2.2 – Les exceptions au monopole d’exploitation............................................................ 17
1.2.3 – L’échec des dispositifs législatifs ............................................................................ 19
1.3 – Le spectre du livre papier .................................................................................................. 20
1.3.1 – « L’âge de l’accès » ................................................................................................ 21
1.3.2 – La pérennité des contenus ..................................................................................... 22
1.3.3 – Les usages du livre papier ...................................................................................... 23
2 – Une viabilité technique et économique en question ............................................................. 26
2.1 – « Des verrous qui tournent dans le vide » .......................................................................... 26
2.1.1 – Une protection inefficace ....................................................................................... 26
2.1.2 – Le piratage, un phénomène inoffensif ? .................................................................. 28
2.1.3 – Une incitation au piratage ..................................................................................... 31
2.2 – Un non-sens économique .................................................................................................. 32
2.2.1 – Le coût des DRM pour les acteurs du livre ............................................................. 32
2.2.2 – Un frein à la compétitivité et à l’innovation ........................................................... 35
2.2.3 – La fuite des consommateurs .................................................................................. 37
2.3 – Un atout économique ? ..................................................................................................... 38
2.3.1 – La protection du marché ....................................................................................... 38
2.3.2 – La diversification de l’offre .................................................................................... 40
2.3.3 – Le prêt de livres numériques en bibliothèque .......................................................... 42
86
3 – Un système amené à disparaître ? ....................................................................................... 44
3.1 – Des acteurs du livre très partagés ...................................................................................... 44
3.1.1 – Les auteurs ............................................................................................................ 44
3.1.2 – Les éditeurs ........................................................................................................... 45
3.1.3 – Les distributeurs-libraires ....................................................................................... 48
3.2 – Une opposition organisée sur le web ................................................................................. 50
3.2.1 – La communauté du logiciel libre ............................................................................ 50
3.2.2 – Les internautes-lecteurs ......................................................................................... 51
3.3 – Les solutions alternatives .................................................................................................. 54
3.3.1 – Un DRM light ...................................................................................................... 54
3.3.2 – Le watermarking ................................................................................................... 55
3.3.3 – De nouveaux modes d’accès et de rémunération .................................................... 57
Conclusions ............................................................................................................................. 61
Bibliographie ........................................................................................................................... 63
Annexes .................................................................................................................................. 65
Annexe A – Mini sondage auprès de lecteurs numériques ......................................................... 65
Annexe B – Les mesures techniques de protection sur les principales plateformes
de téléchargement ...................................................................................................................... 77
Annexe C – Top 20 des éditeurs ayant le plus de titres piratés ................................................... 78
Annexe D – Logos contre les DRM de la Readers’ Bill of Rights for Digital Books ................... 78
Annexe E – Tarifs de Portail Protection Livres .......................................................................... 79
Annexe F – Questionnaire envoyé à Annie Brigant et Stanislas Adry ........................................ 79
Annexe G – Grille d’entretien avec Clément Bourgoin .............................................................. 80
Annexe H – Grille d’entretien avec Antoine Duquesne ............................................................. 81
Annexe I – Grille d’entretien avec Claire Deslandes .................................................................. 82
Annexe J – Grille d’entretien avec Denis Zwirn ........................................................................ 83
Annexe K – Grille d’entretien avec Hadrien Gardeur ................................................................ 84
87
Déclaration de non-plagiat
Je soussignée, Alice Donet, régulièrement inscrite à l’université de Cergy-Pontoise en
master professionnel Ingénierie éditoriale et communication (années universitaires 2011-2013),
certifie qu’il s’agit d’un travail original, que toutes les sources utilisées ont été indiquées dans leur
totalité et que je suis l’auteur de toutes les phrases qui figurent dans le présent mémoire. Je
certifie, de surcroît, que je n’ai ni recopié ni utilisé des idées ou des formulations tirées d’un
ouvrage, article ou mémoire, en version imprimée ou électronique, sans mentionner précisément
leur origine et que les citations intégrales sont signalées entre guillemets.
Conformément à la loi, le non-respect de ces dispositions me rend passible de poursuites
devant la commission disciplinaire.
Fait à Cergy-Pontoise, le 9 septembre 2013.