les droits de l’homme et leur protection dans la constitution et législation marocaine
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2ème Partie : Les droits de l’Homme et leur protection dans la Constitution et législation marocaine
INTRODUCTION 1
CHAPITRE I : LA PROMOTION DES DROITS DE L’HOMME AU MAROC 2
Section I : La constitutionnalisation des droits de l’Homme au Maroc 3
La portée de la constitution de 2011 3
Limites et ambigüité du texte de 2011 4
Section II : L’impact des conventions internationales en droit interne marocain 5
Les réserves aux traités relatifs aux droits de l’Homme 5
Les réserves dans la pratique marocaine 6
CHAPITRE II : LES MECANISMES DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME AU
MAROC 8
Section I : La protection d’ordre juridictionnelle 8
L’attitude timide du juge marocain en matière de protection des droits de l’Homme 9
La protection des droits de l’Homme et des libertés par la Cour constitutionnelle. 10
Section II : Les mécanismes de protection non-juridictionnelle des droits de l’Homme au Maroc 12
La contribution de la société civile. 13
Les organes de protection non juridictionnelle initiés par le pouvoir politique 15
Introduction
Il s’agit dans cette 2ème partie de savoir comment le Maroc arabo-musulman, qui est bien situé
régionalement, tout en surmontant les contraintes religieuses, historiques, idéologiques et culturelles
va respecter l’universalisation des droits de l’Homme ?
Comment le Maroc va intégrer son ordre juridique interne à cette dimension universelle ?
La question de la transposition des principes proclamés par le droit international de droit de
l’homme dans l’ordre juridique institutionnel marocain suppose une adaptation au double point de
vue c’est-à-dire au point de vue normatif et au point de vue institutionnel.
Mais, pour que cette adaptation soit porteuse d’efficacité et d’effectivité des droits proclamés
universellement il faut réunir un certain nombre de conditions qui ne peuvent que favoriser le
développement de la culture des droits de l’Homme.
Dans tous les pays où se développe cette culture, il existe trois conditions réunis :
L’Etat de droit ;
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La démocratie ;
La justice sociale.
Sans ces trois conditions, la proclamation des droits en général et les droits de l’Homme en particulier
risque de demeurer purement fictive.
Cela étant, il faut souligner que la volonté de garantir les droits par un certain nombre de conditions
favorables est une réalité qui est l’œuvre depuis le début des premières proclamations relatives aux
droits de l’Homme.
Depuis la fin du 18ème siècle, les révolutionnaires français avaient pour objectif de mettre un terme à
l’arbitraire et de reconnaître à l’individu des droits subjectifs qui soient opposables au pouvoir
politique.
Alors cette attitude est conforme à la définition de l’Etat de droit, que l’on peut qualifier comme un
Etat où l’autorité s’exerce conformément à des règles connues à l’avance et qui reconnaît aux citoyens
des droits qui peuvent les prévaloir à l’égard du pouvoir politique.
Donc, on peut dire que l’Etat de droit implique l’idée d’une limitation du pouvoir politique, que
recherchaient les révolutionnaires de 1789 qui avaient pour objectif d’abattre l’absolutisme de
l’époque. Pourtant la promotion de l’Etat de droit et la revendication des droits de l’Homme ne sont ni
concomitantes ni totalement assimilables, car chacune a sa dimension :
La première est une construction doctrinale imaginée par les juristes et qui met l’accent sur les aspects
formels de l’encadrement du pouvoir en insistant sur son contrôle juridictionnel ; alors que la
deuxième notion s’est pendant longtemps préoccupée du contenu des droits que de leur garantie. Il
s’agit donc de deux revendications parallèles mais chacune avec des dimensions et objectifs distincts.
Il faut pratiquement attendre les années 80 pour que les deux thématiques puissent apparaître
comme indissociables ou consubstantielle. A partir de cette période, l’État de droit ne renvoie plus au
respect uniquement de l’hiérarchie des normes mais aussi au respect des droits fondamentaux. Ainsi,
les droits de l’Homme deviennent une dimension de l’Etat de droit, ils ne peuvent se concevoir ni avoir
de l’effectivité en dehors de celui-ci. Cette interdépendance des deux notions est présente aussi dans
les discours internationaux.
La mondialisation de la thématique de l’Etat de droit s’articule dans le souci de l’universalisation des
droits de l’Homme (l’effondrement du bloc socialiste 1989 : le mur de Berlin). Dans ces conditions,
l’Etat de droit devient le garant des droits de l’Homme en favorisant leur promotion au sommet de
l’hiérarchie des normes, grâce à un double processus de constitutionnalisation et
d’institutionnalisation, mais aussi en perfectionnant les instruments de contrôle sur les actes du
pouvoir exécutif et sur les lois. C’est de cette manière que l’Etat de droit va de pair avec le respect de
la garantie des droits de l’Homme.
Concernant le Maroc, il a inauguré un cycle de réformes ayant pour but d’harmoniser sa législation
interne avec les normes internationales des droits de l’Homme. Il va alors parallèlement mettre en
place un certain nombre d’institutions qui sont censées veiller au respect de ces droits, à leur
promotion et à leur protection.
Chapitre I : La promotion des droits de l’Homme au Maroc
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Généralement, la promotion et la garantie des droits de l’Homme sont acquises suite à leur
constitutionnalisation et à la ratification des traités internationaux.
La question est de savoir jusqu’à où la Constitution marocaine va garantir l’effectivité des droits de
l’Homme ? Et dans quelle mesure la Constitution de 2011 a-t-elle réussi à inscrire les efforts du
Royaume dans des pratiques et standards en cours dans les pays réputés respectueux des droits de
l’Homme et des libertés fondamentales ?
Section I : La constitutionnalisation des droits de l’Homme au Maroc
Avant 2011, la question de la constitutionnalisation des droits de l’Homme avait suscité deux attitudes
contradictoires. D’un coté, une attitude qui affirmait que la constitutionnalisation des droits de
l’Homme est acquise dès la révision de la constitution de 1992 confirmée en 1996. De l’autre coté, on
va souligner que le préambule de la Constitution, où ces droits ont été consignés, n’avait pas une
valeur juridique égale au texte constitutionnel lui-même. La consécration des droits de l’Homme était,
de ce fait, incomplète juridiquement, et les rapports droits internes et droit international n’étaient pas
clarifiés. En effet, bien que le préambule de la constitution de 1996 réaffirmait la souscription « aux
principes, droits et obligations découlant des Chartes internationales et son attachement aux droits de
l’Homme universellement reconnus », le justiciable et le juge marocain ignoraient s’ils pouvaient
invoquer le droit conventionnel contre l’Etat, tant que le droit positif ne reconnaissait pas
explicitement la primauté du droit international sur le droit interne.
Aussi longtemps que la Constitution ne confirme pas clairement la suprématie du droit conventionnel,
le scepticisme et l’ambigüité demeurent de rigueur. Dans ce cas, quelles sont les apports du texte de
2011 ? Va-t-il éclairer cette ambigüité ?
La portée de la constitution de 2011
La Constitution de 2011 mentionne un certain nombre de droits mais elle les conditionne d’un certain
nombre d’exigences qui dénaturent leur sens et qui limitent leur portée.
Pour certains analystes, la nouvelle Constitution fait de large place aux droits de l’Homme. En effet le
titre II de la Constitution « liberté et droits fondamentaux » (Article 19-Article 40) mentionne
l’importance des droits.
L’énumération des droits et certainement importante mais pas suffisante. Encore faut-il les
accompagner des garanties nécessaires à leur effectivité et à leur protection. Au-delà des garanties
d’application, il faut que les droits en question soient définis avec précision. Il faut que l’architecture
globale de la Constitution soit harmonieuse, que l’organisation des différents pouvoirs puisse être
conforme aux droits mentionnés (la parité ; l’indépendance de la justice ; etc.).
Par ailleurs, le nouveau texte n’apporte rien de plus par rapport à ce qui existait dans l’ancienne
constitution, il souligne un certain nombre de droits, ensuite, il les vide de leur sens. En effet, il y a un
certain nombre d’ambigüités. Le préambule de la Constitution souligne que le Royaume « réaffirme
son attachement aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus ». Il y est
mentionné aussi que le Maroc s’engage à « protéger et promouvoir les dispositifs des droits de
l’Homme et des droits humanitaires et contribue à leur développement dans leur indivisibilité et
universalité». Ces affirmations laissent supposer que la Constitution marocaine souscrit à la
conception universelle des droits de l’Homme et, en même temps, à leur indivisibilité. Mais lorsque la
Constitution dans le même préambule et dans d’autres articles du texte, limite la portée des droits
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sur la base du respect de ce qu’elle appelle « l’identité nationale immuable », ou encore sur la base
« des constantes et des lois du Royaume » (article 191), il devient clair que cette attitude détermine la
véritable portée des droits que le texte énonce, en leur donnant donc une dimension beaucoup plus
réduite que celle qu’affirme le préambule quand il souligne l’attachement au droits de l’Homme, tels
qu’ils sont universellement reconnus et contribuer à leur développement dans leur indivisibilité.
Là on constante une contradiction, le nouveau texte n’était pas réellement à la hauteur des attentes.
Limites et ambigüité du texte de 2011
Dans le préambule, partie intégrante de la Constitution, est mentionnée la « primauté » des
conventions internationales telles que ratifiées par le Royaume, mais à condition que ces conventions
soient conformes à la Constitution, concordantes avec les dispositions des lois du Royaume et
respectueuses de l’identité nationale immuable. Comment peut-on exiger que les conventions
internationales soient conformes aux lois nationales, alors que le principe de leur primauté suppose
leur respect et leur application même si elles contredisent les lois nationales ? Dans ce cas, que signifie
la primauté des conventions internationales ?
En réalité, conditionner la primauté à sa conformité avec les lois du Royaume constitue un retour à
réalités antérieures d’avant la Constitution de 2011. Quel type de rapports le législateur marocain
entend établir entre le droit international et le droit interne ?
En fait, aucune supériorité n’est reconnue aux conventions internationales par rapport aux lois
nationales. Le préambule de la Constitution accorde certes « aux conventions internationales dûment
ratifiées, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de
son identité nationale immuable, et dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit
interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation
nationale ».x
L’une des premières conséquences que l’on peut tirer de ces affirmations est que la Constitution
marocaine ne prend pas en considération le principe de la primauté des conventions internationales,
car celui-ci n’a de sens que par rapport à sa conformité ou non avec les lois nationales. Or, le
préambule souligne que cette primauté s’exerce dans le cadre des lois internes. Comment peut-on
alors parler de primauté « sur » et « dans » le cadre des lois internes ?
On peut supposer que les rédacteurs du texte constitutionnel se soient trompés dans leur formulation.
Cependant, quand on lit le discours du Roi du 17 juin 2011, qui clarifie la portée du texte constituel à
ce niveau, on constate qu’il n’en est rien, bien au contraire. Que dit le discours ? La
constitutionnalisation des conventions internationales est acquise, mais dans le respect à la fois de
la Constitution et des lois du Royaume inspirées par la religion musulmane. Ceci signifie en fait que la
question de primauté des conventions internationales sur les lois nationales doit âtre nuancée : Il n’y a
pas de primauté des dites conventions sur les lois inspirés par la religion. Il y’a primauté des
conventions internationales uniquement par rapport aux lois n’ayant pas de fondement religieux.
Ce qui est visé sans doute, ce sont les lois en particulier du droit de la famille. En fait l’ambigüité
relative à la primauté du droit international par rapport au droit interne demeure. Le Conseil National
des Oulemas, présidé par le Roi, va confirmer la thèse « primauté relative » quand il estime que « la
nouvelle constitution confirme la suprématie de la religion sur les conventions internationales, du
1 En ce qui concerne l’égalité entre hommes et femmes
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moment où le texte constitutionnel insiste sur la conformité avec la Constitution elle-même, et avec
les lois nationales pourvu qu’elles soient ratifiées par le Maroc ».
Section II : L’impact des conventions internationales en droit interne marocain
L’internationalisation des droits de l’Homme s’est traduite par une multiplication des conventions qui,
une fois ratifiées, s’imposent aux Etats et devient source de nouvelles lois.
Lorsque par ailleurs, une convention envisage un contrôle juridictionnel, la jurisprudence de cette
juridiction devient une source de droit à laquelle les autorités législative, exécutive et juridiques
doivent adhérer.
Les droits reconnus par les conventions internationales sont en principe promus à la place la plus
haute de la hiérarchie des normes, plus haute même que le droit ayant une valeur constitutionnelle.
Un Etat, en effet, ne peut invoquer les dispositions de sa constitution pour se soustraire aux
engagements contractés au niveau international. Cependant, le principe de la suprématie des
dispositions conventionnelles sur le droit interne n’est pas toujours garanti.
S’agissant de la pratique marocaine, et malgré une série de réformes qui expriment le caractère
universel et indivisible des droits de l’Homme, celle-ci demeure très souverainiste. Avant de voir à quoi
consiste cette pratique, on va s’arrêter sur la ratification et la technique de réserve pour comprendre
comment le Maroc se positionne.
Les réserves aux traités relatifs aux droits de l’Homme
La réserve est une déclaration unilatérale faite par une Etat, dont l’objectif est de modifier à son égard
certaines dispositions d’un traité auquel il s’apprête à s’engager définitivement. Il s’agit en fait d’une
procédure qui conditionne l’entrée en vigueur du traité dans la législation de l’Etat qui la formule.
C’est un système ambivalent d’un point de vue pratique. L’avantage pour l’émetteur consiste en la
possibilité qui lui est donnée de « doser » ses engagements (s’engager progressivement).
L’inconvénient majeur réside dans le risque d’éclatement que court le traité.
C'est un système, sinon nécessaire, du moins qui est la conséquence du caractère fondamentalement
interétatique de la société internationale, vérifié par l'évolution historique : entre la prohibition
des réserves (Pacte de la S.D.N., Charte de l'O.N.U., ou Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer de 1982) et leur reconnaissance (Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités).
Toutefois, les risques d'excès sont réels (exemples : la deuxième Conférence de La Haye de 1907, la
Convention de 1951 sur les réfugiés). D'où un effort de réglementation, dans le sens de la
rationalisation.
Le droit international des droits de l’homme fait partie intégrante du droit international dont il tire sa
force et sa validité juridique.
Le but premier des traités relatifs aux droits de l’homme est de poser des standards minima
uniformes de protection au bénéfice de tous les être humains, tous égaux en dignité quel que soit
l’Etat sous la juridiction duquel ils sont placés. D’où d’ailleurs le caractère "objectif" de ces traités, qui
n’ont pas pour but de créer des obligations réciproques entre Etats, mais bien d'avantage, de
soumettre les États parties à « un ordre légal au sein duquel ils assument, pour le bien commun,
diverses obligations à l'encontre de toute personne relevant de leur juridiction » (C.E.D.H., 11 janv.
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1961, Autriche c. Italie). En effet les droits de l’homme sont le bien commun de l’humanité et l’arrêt
rendu en 1970 par la C.I.J avait énoncé que les obligations envers les individus étaient erga omnes2.
Dans ce cas, l'invalidité de la réserve n'est pas circonscrite aux relations entre États (à la différence de
la solution de l'art. 21, § 3 de la Convention de Vienne), mais touche aussi le rapport de l'État à la
convention
En effet, la pratique des réserves en matière de traités relatifs aux droits de l’Homme pose des
problèmes particuliers en raison de la spécificité de l’objet et du but du traité. En 1992, on observait
déjà à l’intention des Etats que certaines réserves formulées posaient des problèmes quant à leur
compatibilité avec l’objet et le but des instruments en question. En 1993, le secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros Ghali lors d’une conférence
mondiale avait démontré que la plaie des traités relatifs aux droits de l’homme résidait dans le nombre
des réserves faite par les Etats. Tout Etat qui considère que l’objectif, le but ou le contenu dans son
ensemble lui convient à l’exception de certaines dispositions, a le choix entre plusieurs attitudes : Refuser d’être partie au traité pour échapper à son application ;
Etre partie au traité auquel cas il va le signer, le ratifier et se conformer à ses dispositions ;
Consentir à s’engager mais en déclarant qu’il exclu certaines dispositions qui ne rencontrent
pas son agrément ou encore qu’il entend leur donner des significations particulières
acceptable pour lui (on dit que l’Etat formule des réserves à l’égard de certaines dispositions
du traité en question).
Les réserves dans la pratique marocaine
Généralement, les réserves que formule le Maroc à l’égard de certains principes inclus dans les
conventions sont nombreuses et portent souvent atteinte à la finalité et buts de ces conventions. Ces
réserves sont de deux types, certaines concernent des dispositions incompatibles avec le droit positif
ou le droit musulman. D’autres sont relatives à la procédure, qu’il faut mettre en œuvre, à la
résolution de tout différend susceptible de naître suite à l’application des conventions relatives aux
droits de l’Homme.
Exemples des réserves formulées à l’égard de certaines dispositions de conventions internationales.
1. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
(CEDAW), ratifiée en 1993, est l’une des conventions qui ont suscité beaucoup de réserves de la part
du Maroc. En effet, il déclare vouloir interpréter comme il l’entend la Convention, notamment son
article 2 qui affirme le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, de manière à ce que ce
principe n’ait pas d’effet sur les dispositions constitutionnelles relatives aux règles de succession au
trône d’un côté, et qu’il ne rentre pas en conflit avec les dispositions de la Charia islamique surtout en
matière de succession.
Ensuite, le Maroc émet des réserves à l’égard d’autres dispositions de la Convention, notamment
l’article 9 relatif aux droits égaux que doivent posséder l’homme et la femme en ce qui concerne la
transmission de nationalité.
Il exprime aussi des réserves sur l’article 15 qui concerne la capacité juridique en matière civile qui
devait être identique pour l’homme et la femme. Et enfin l’article 16 en ce qui concerne l’égalité
2 À l'égard de tous
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devant le mariage (le même droit de contracter mariage, et les mêmes droits et les mêmes
responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution).
L’attitude marocaine sera critiquée par le Comité des NU pour l’élimination de toute forme de
discrimination à l’égard des femmes et ceci à l’occasion de chaque rapport périodique présenté par le
Gouvernement marocain. À chaque fois, le Comité recommande de mettre en place des mécanismes
spécifiques susceptibles de promouvoir les droits des femmes, et de réexaminer dans les meilleurs
délais toutes les dispositions législatives jugées discriminatoires à l’égard des femmes en matière
politique, économique, sociale, judiciaire, etc.
Pour le Comité, la ratification de la Convention par le Maroc est un événement important mais « le fait
de l’assortir de déclarations et de réserves qui touchent le fond de la Convention entrave
sérieusement son application ». Tout en rejetant les réserves du Royaume, le Comité va estimer que
« le Maroc demeure lié par les dispositions de la Convention qui l’a ratifiée en 1993 ».
2. La convention relative aux droits de l’enfant ratifiée aussi en 1993, la CRDE a fait l’objet de réserves
marocaines portant atteinte à son but et contenu. Lors de sa ratification, le Maroc émet des réserves
en ce qui concerne l’article 14 qui reconnaît à l’enfant « le droit à la liberté de religion ». Pour lui, il
s’agit d’une disposition inacceptable car la religion de l’Etat est l’Islam. La réserve en question ne porte
pas atteinte à la liberté de culte des autres marocains non-musulmans.
Le Comité des droits de l’enfant chargé de son application a critiqué cette réserve car « elle risque
d’être préjudiciable à l’exercice des droits garantis par le dit article et souligne la question quant à la
compatibilité de la réserve avec l’objet et le but de la Convention ».
Soulignons que les remarques ainsi que les conclusions des comités de suivi ne sont nullement
contraignantes à l’égard des États, mais constituent un moyen très efficace pour apprécier et juger la
pratique des pays et dénoncer ceux qui n’ont pas honorer leurs engagements afin de les pousser à
harmoniser leur droit interne avec les dispositions des Conventions ratifiées.
Dans le cas marocain, cette attitude semble avoir des conséquences positives puisque le Royaume a
depuis levé certaines réserves qu’il avait formulées. Pour la Convention sur les droits de l’enfant, la
réserve sur l’article 14 va être retirée.
En plus, le travail sur l’harmonisation des lois internes avec la Convention internationale se poursuivra
notamment en ce qui concerne le code de la nationalité, le code de l’état civil, etc., de manière à
donner aux dispositions de la Convention une effectivité réelle.
Concernant la CEDAW, là aussi la volonté du Royaume d’être en conformité avec la Convention est
évidente. Les réserves concernant les articles 1 et 9 seront levés. En 2008, le Souverain adressera une
lettre au Conseil consultatif des droits de l’Homme (CCDH), annonçant la levée de toutes les réserves
émises à propos de la Convention CEDAW lors de sa ratification en 1993.
Mais les instances internationales n’ont toujours pas reçus des instruments officiels prouvant cette
levée.
Exemples de réserves relatives à la procédure
Le Maroc estime que seuls les tribunaux du Royaume sont compétents. Cette attitude sera mise en
avant lors de la ratification de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide
en 1958.
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Pour le Royaume « seuls les cours et les tribunaux marocains sont compétents à l’égard des actes de
génocide commis à l’intérieur du Royaume». La compétence de la Cour internationale des droits de
l’Homme pourra être envisagée exceptionnellement dans les situations pour lesquelles le
Gouvernement aura donné expressément son accord. En outre « l’accord préalable des parties aux
différends relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente convention est
nécessaire pour que le différend soit soumis à l’examen de la Cour internationale de justice ».
Ce type de réserve qui porte sur la procédure à suivre porte pratiquement sur toutes les conventions
ratifiées par le Maroc telles que : La Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination
raciale ; La Convention de protection des droits des travailleurs migrants et leurs familles ; La
Convention sur les droits politiques de la femme ; La convention sur la torture ; etc.
Pratiquement toutes les conventions importantes ratifiées par le Maroc sont concernées par cette
procédure. Le Maroc veut avant tout protéger les responsables marocains contre toute poursuite
internationale.
L’attitude marocaine en ce qui concerne les réserves laisse apparaître une contradiction, car on
conçoit mal qu’un Etat ayant accepté et paraphé une convention n’ait pas tout fait pour remplir toutes
les obligations, et qu’il essaye au contraire de se protéger.
Il serait souhaitable que le Maroc, comme tous les Etats émettant des réserves, acceptent l’intégralité
des stipulations des textes relatifs aux droits de l’homme, car elles sont l’expression juridique de
droits essentiels que chacun doit pouvoir exercer en tant qu’être humain.
Le nombre des réserves, leur teneur et leur portée peut en effet compromettre l’application effective
des traités, et inciter les Etats parties au relâchement dans le respect de leurs obligations. En outre, la
ratification d’un traité assorti de réserves peut être pour l’Etat réservataire l’occasion d’améliorer à
peu de frais son « image internationale » sans accepter réellement les engagements contraignants des
conventions en question.
La profusion des réserves diminue dangereusement l’efficacité des instruments juridiques relatifs à la
protection internationale des droits de l’Homme. C’est pour cela que les ONG relatives aux droits de
l’Homme ne cessent de sensibiliser les opinions nationales et internationales sur ces réserves.
Chapitre II : Les mécanismes de protection des droits de l’Homme au
Maroc
A l’instar de la plupart des pays s‘occupant de la protection des droits de l’Homme, le Maroc s’est
engagé depuis quelques décennies à se donner des moyens ayant pour finalité la protection et la
garantie des droits de l’Homme. Toutefois, il faut souligner que l’efficience de ces moyens n’est pas
évidente, surtout quand il s’agit d’ordre juridictionnel.
On distingue, la protection d’ordre juridictionnel et la protection d’ordre non-juridictionnel.
Section I : La protection d’ordre juridictionnelle
Les garanties juridictionnelles sont assurées soit par « le juge » soit par un organisme supra-
juridictionnel qui est la Cour constitutionnelle. La question est de savoir jusqu’à quel point ces deux
instances garantissent et protègent les droits de l’Homme.
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L’attitude timide du juge marocain en matière de protection des droits de l’Homme
L’attitude hésitante du juge est vivace dans ce domaine. La reconnaissance des droits en général,
droits de l’Homme en particulier, est menacée tant qu’elle n’est pas garantie. Dans les Etats
démocratiques, l’effectivité des droits de l’Homme est traditionnellement rattachée à la garantie
juridictionnelle, le juge étant perçu comme le garant par excellence de la protection des droits et
libertés.
Cette évidence pose néanmoins un problème : elle constitue un véritable paradoxe, car ces garanties
sont plus développées là où l’Etat de droit est le mieux établi est donc là où les droits de l’Homme sont
le mieux protégés et garantis. A l’inverse, là où ces droits sont généralement mis en cause, ignorés, les
garanties sont généralement déficientes voir inexistantes.
Ce paradoxe se prolonge au niveau international quand il s’agit par exemple des Conventions
européennes des droits de l’Homme qui lient les Etats démocratiques, grâce à un système
juridictionnel perfectionné, qui s’avère doté d’une efficacité sans aucune comparaison avec tout autre
instrument de protection international.
Ce caractère paradoxal n’est en réalité qu’apparent, puisque l’Etat de droit implique à la fois la
reconnaissance de droits et de moyens pour les défendre face au pouvoir. Les droits de l’Homme
proclamés par les textes conventionnels incluent la plupart du temps à coté des droits substantiels,
des droits garantis sur le modèle de l’article 8 de la DUDH qu’on trouve dans d’autres textes comme la
PIDCP.
Selon l’article 8 de la DUDH « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions
nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la
constitution ou par la loi ». Ainsi, le juge est vu comme le meilleur garant des droits et libertés. Cette
confiance au juge tient au fait qu’il a pour mission de dire le droit, faire prévaloir la loi, qu’il est à la fois
indépendant du pouvoir politique et neutre par rapport aux parties aux différends.
Mais il est nécessaire d’avoir des garanties pour que la confiance au juge puisse être réellement
justifiée dans les faits et pour que son intervention soit synonyme d’une protection efficace en
matière des droits et des libertés. Quelles sont ces garanties ?
1. Le droit au « juge » doit être garanti. Le juge doit être accessible ce qui pose plusieurs questions : le
problème de l’étendue de sa compétence. Ensuite, la question des personnes habilitées à le saisir. En
outre, la question des délais pour la saisine. La question du coût de la justice (les moyens d’avoir un
avocat, payer les frais pour engager la procédure). Mais aussi, la question relative au degré de
formalisme qui entoure la procédure (technicité des matières, etc.).
2. Le juge doit bénéficier de réelles garanties d’indépendance, aussi bien organiques que formelles
pour que la procédure puisse assurer l’égalité des parties au procès (procès équitable).
3. Les recours doivent être effectifs, ce qui pose la question du délai de jugement (délai raisonnable, il
ne faut pas que la procédure traine jusqu’à ce que l’une des parties soit épuisée financièrement et
moralement), et de l’application du jugement.
4. L’exécution du jugement, qui doit être obtenue, surtout quand elle est au dépends de l’autorité
publique.
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Toutes les juridictions, chacune dans sa compétence, doivent protéger les droits de l’Homme. On
attend en effet du juge qu’il défend les libertés contre les empiétements, d’où qu’ils viennent,
notamment contre ceux du pouvoir exécutif considéré traditionnellement comme le plus menaçant
contre les droits de l’Homme et les libertés. Cependant il faut avoir conscience que le juge pénal peut
incarner une menace potentielle pour les droits de l’Homme et les libertés des individus en raison des
pouvoirs qui lui sont attribuées (écoutes téléphoniques, violation de domicile et de la vie privée).
Parmi les moyens pour prévenir ces excès il y a certes des règles posées au niveau du droit interne,
mais il y a aussi et surtout celles qui sont consacrées par le droit conventionnel. Mais le problème à ce
niveau réside dans l’attitude ambigüe du juge marocain concernant le recours au droit international
ratifié par le Royaume. En fait, le juge ne refuse pas systématiquement l’application du droit
conventionnel. La pratique généralement suivie montre qu’il ignore la plupart du temps les
dispositions des traités ratifiés par le Maroc.
Tout compte fait, le juge marocain adopte une attitude différente selon l’objet des litiges, selon qu’ils
mettent en cause directement ou indirectement le droit musulman ou la conception officielle de
l’Islam Malikite, qu’il s’agisse d’une affaire où le pouvoir politique est mis en cause où qu’il s’agisse de
l’intérêt des particuliers. Donc, toutes ces conditions font dire que le juge marocain est partagé entre
la nécessité de donner la primauté aux conventions internationales et l’impossibilité de le faire
systématiquement.
Le justiciable marocain ne bénéficie pas réellement des garanties que le droit conventionnel peut lui
accorder. Dans tous les cas de figure, le juge pénal national même s’il est au courant de ces évolutions
à ce niveau, pratique une sorte d’autocensure qui se justifie par sa dépendance à sa hiérarchie, et son
manque d’autonomie quand sa formation ne fait pas défaut. Il subit des contraintes (impossibilité de
se syndicaliser, discipline du juge du Conseil supérieur de la magistrature, etc.).
La protection des droits de l’Homme et des libertés par la Cour constitutionnelle.
La Constitution de 1996 comportait une innovation importante qui allait dans le sens du respect et de
la protection des droits de l’Homme, il s’agit de la création du Conseil constitutionnel. Dans la
Constitution de 2011, on va encore innover en instaurant une Cour constitutionnelle (Titre VIII).
Cette initiative s’inscrit dans la pratique juridique qui caractérise l’Etat de droit des pays
démocratiques. Pour ce qui concerne le Maroc, il faudra attendre la loi organique qui va déterminer
« les règles d’organisation et de fonctionnement de la nouvelle cour ainsi que de la nouvelle
procédure, qui sera suivie devant elle » pour pouvoir apprécier le degré de protection et des garanties
des droits et libertés individuelles que va pourvoir assurer la Cour constitutionnelle (article 36).
Il a pour attribution de :
Apprécier la conformité à la Constitution des lois organiques, et des lois ordinaires.
Protéger et garantir toutes les libertés ainsi que les droits qui sont proclamés par la
Constitution et en assurer le respect par le législateur. Ce dernier, bien que bénéficiant d’une
légitimité populaire, n’est pas infaillible et peut, volontairement ou non, porter atteinte aux
droits et libertés même s’ils sont constitutionnellement garantis.
Pour que cette atteinte soit évitée, il faut que la protection des droits et des libertés soit
juridictionnellement garantie. La loi peut être agressive, seul donc le développement du contrôle
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juridictionnel peut permettre de faire respecter par le législateur des principes et des valeurs contre
les excès d’une quelconque majorité politique.
La question qui se pose est celle de savoir selon quelle procédure va-t-on assurer la meilleure garantie
de la protection constitutionnelle des droits et libertés, sachant par ailleurs qu’un mécanisme de
contrôle et de protection est plus efficient quand il est ouvert à un plus grand nombre de justiciables
avec le minimum de formalisme ?
A ce niveau, le modèle américain de constitution considéré comme concret et exemplaire, car tout
citoyen s’estimant lésé pour l’un de ses droits constitutionnels par la loi, peut devant n’importe quelle
juridiction en contester la constitutionnalité et demander à ce que la loi ne lui soit pas applicable. Mais
ce modèle est difficilement transposable du fait de son exemplarité. Les pays qui l’ont suivi sont peu
nombreux.
Certes, la logique démocratique implique une action populaire ouverte à tout citoyen pour contester
la loi constitutionnelle attentatoire aux droits et libertés. Hans Kelsen estime que « la plus forte
garantie consisterait certainement à autoriser une action populaire : le tribunal constitutionnel serait
tenu de procéder à l’examen de la régularité des actes soumis à sa juridiction et en particulier des lois
et des règlements à la demande de quiconque ».
Le problème est double, on risque de mettre en cause la loi par n’importe qui pour n’importe quelle
raison. En plus, l’encombrement des tribunaux est toujours envisageable.
Pour l’une ou l’autre raison, ce recours est difficilement praticable. Il faut donc démocratiser ou
politiser la justice et dans tous les cas, le citoyen risque de se voir violer ses droits.
Dans beaucoup de pays démocratique ou la justice constitutionnelle a fait ses preuves (Allemagne,
Autriche, etc.) les citoyens peuvent contester la constitutionnalité d’une loi si elle viole leurs droits, à
condition que celle-ci soit applicable. Mais en général, les autorités publiques conservent des
privilèges importants par rapport aux particuliers. Pour les particuliers, il y a mieux de faire une
distinction entre le recours direct et indirect.
Généralement, seuls les recours indirects sont accessibles aux particuliers et exercés sur le renvoi
d’une juridiction (administrative ou civile) suite à une exception d’inconstitutionnalité soulevée devant
elle. Plusieurs cours européennes admettent cette modalité.
Concernant le Maroc, bien qu’il ait été très réticent même à l’égard d’un recours indirect des
particuliers, il semble à la lumière de la nouvelle constitution s’acheminer vers l’octroi d’un tel recours
puisque l’article 13 estime que « la Cour constitutionnelle est compétente pour connaitre d’une
exception d’inconstitutionnalité soulevée lors d’un procès lorsqu’il est soutenu par l’une des parties
que la loi dont dépend l’issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la
Constitution ».
Là aussi, soyons prudents, car seule la loi organique, qui tarde à venir, peut organiser la procédure et
les modalités de ce recours.
Quant au recours direct, l’article 132 laisse entendre que seules sont compétentes de saisir la Cour, les
personnes suivantes : le Roi, le Chef du gouvernement, les deux présidents des Chambres, le
cinquième des membres de la Chambre des Représentants ou quarante membres de la Chambre des
Conseillers. La question de la saisine de la nouvelle Cour Constitutionnelle est très importante pour la
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garantie des libertés et ceci d’autant plus que le texte constitutionnel n’accorde cette possibilité
qu’aux personnes citées.
Le constat qui se pose actuellement et que les citoyens ordinaires ne peuvent pas encore accéder
directement à la justice constitutionnelle, les tribunaux ordinaires n’ayant pas la possibilité de se
prononcer sur la constitutionnalité des lois. Le nouveau texte constitutionnel semble pouvoir remédier
à ces insuffisances si les lois organiques à venir s’inscrivent dans la philosophie des droits de l’Homme
que le texte paraît vouloir mettre en place.
Conclusion : S’agissant des garanties de protection, si elles sont conformes aux standards
internationaux et à la pratique des pays où les droits de l’Homme sont respectés, il n’en demeure pas
moins qu’au niveau de leur application, elles se rapprochent des handicaps qui paralysent leur
efficience. On peut citer l’attitude du juge qui reste trop dépendant de sa hiérarchie, bien que la
nouvelle Constitution prévoie tout un titre à l’indépendance de la Justice.
Les garanties juridictionnelles demeurent très formelles et ne peuvent être mises en pratique que très
exceptionnellement. Le décalage entre théorie et pratique en droits de l’Homme demeure de rigueur,
bien que le Maroc ne cesse de réitérer sa volonté de se constituer en un véritable Etat de droit
comparable aux démocraties occidentales.
Ce décalage et ses conséquences s’accentuent du fait aussi de la non-ratification, par le Royaume de
plusieurs textes conventionnels tels que les protocoles facultatifs annexés au PIDCP, qui procurent
aux particuliers la possibilité d’entreprendre un recours direct devant un organe international de
contrôle, ainsi que l’abolition de la peine de mort.
A l’occasion de chaque rapport périodique présenté par le Maroc (tous les 3 ans) devant le Comité des
droits de l’Homme, celui-ci encourage le Maroc à ratifier les dits protocoles.
Certes, ces mécanismes sont très importants du fait de leur caractère juridictionnel. Toutefois, les
mécanismes non-juridictionnels sont beaucoup plus intéressants. Quel est donc leur contenu ?
Section II : Les mécanismes de protection non-juridictionnelle des droits de l’Homme au
Maroc
Dans les Etats de droit, il n’est plus question de rattacher l’effectivité des droits de l’Homme
uniquement au rôle joué par les instances judiciaires, classiquement considérées comme les garants
par excellence de la protection des droits et des libertés. Dorénavant, le respect et la protection des
droits de l’Homme dépendent aussi et surtout de la capacité des citoyens à se mobiliser pour les
défendre et pour les transformer en cause civique.
Pour cette raison, les droits de l’Homme suscitent de larges mouvements d’opinion et de nouvelles
formes distinctes du militantisme traditionnel ou social. Depuis quelques décennies, l’apparition de
nouveaux acteurs (ONG, mouvement d’opinion, médias, etc.) incarne une tendance aspirant à
repenser la relation entre le pouvoir politique et les citoyens en matière de droits de l’Homme. Dans
ces conditions, le recours au juge n’est pas le seul moyen de protection des droits de l’Homme, car
l’action politique prend appui sur les grandes libertés qui caractérisent la démocratie moderne (liberté
d’association, de réunion, etc.).
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Les associations toujours plus nombreuses entendent faire reconnaître et respecter les droits des
groupes les plus vulnérables. Là aussi, on est face à un paradoxe : il est plus facile de défendre et faire
progresser les droits de l’Homme dans les sociétés modernes que dans celles où ils sont violés.
Pour remédier à cette situation politique, l’une de ses préoccupations a été de créer au niveau
international de nombreuses ONG, qui ont pour rôle d’alerter et dénoncer les violations des droits de
l’Homme commises dans le monde ou qui vont aussi intervenir directement auprès des victimes.
Les moyens d’actions de ces ONG sont essentiellement informels et consistent à prendre pour
témoin l’opinion publique internationale comme le fait par exemple « Amnesty International ».
Les ONG bénéficient d’un statut d’observateur auprès des Nation Unies, ce qui leur donne la
possibilité de faire entendre leurs voix au sein des instances internationales. A ce titre, les ONG
participent au processus d’élaboration des normes et jouent parfois un rôle moteur dans l’adoption
de certains instruments internationaux.
Très souvent aussi, ces ONG sont associées aux organisations de contrôle notamment en tant que
source d’information en matière de violation des droits de l’Homme commises par un Etat partie. Les
Etats parties doivent présenter des rapports périodiques, les ONG ont la possibilité de produire des
contre-rapports.
Au Maroc, la mobilisation de la société civile existe depuis longtemps. Elle est incarnée par des ONG ou
des mouvements très structurés, variés et qui ont des objectifs différents. Mais la protection des
droits de l’Homme va connaitre ses premières manifestations et va évoluer avec l’apparition des
nouvelles institutions mises en place par le pouvoir politique qui est soucieux de montrer l’intérêt
qu’il porte à la garantie et la protection des droits de tous dans le Royaume. C’est ainsi qu’en 1990 les
réformes feront naître des transformations des institutions ayant pour finalité exclusive la promotion
des droits de l’Homme dans le pays.
Les mécanismes non-juridictionnels comprennent deux volets : un volet mis en place par la société
civile ; et un volet piloté par le pouvoir politique. Donc on va essayer de les mettre en parallèle et les
comparer.
La contribution de la société civile.
L’intérêt de la société marocaine pour les droits de l’Homme et les libertés s’est manifesté pour la
première fois dans le cadre de la lutte que le pays va a mené dans le cadre du protectorat français. En
effet, la brutalité et l’usurpation des droits des individus dont le protectorat fut d’expression vont
cristalliser le combat des nationalistes marocains pour les libertés publiques. Ce combat va se traduire
de différentes manières, puisque dès 1930 on va assister à la mobilisation et la protestation contre le
Dahir berbère qui fut considéré comme une tentative de christianisation des berbères marocains.
En 1934 va être créée la Ligue des droits de l’Homme à Tétouan, et qui ne va pas hésiter à demander
les premières réformes politiques, économiques et sociales.
Il n’empêche que l’exigence des libertés n’était pas la seule demande du nationalisme au Maroc.
Celui-ci faisait appel aussi au patrimoine culturel arabo-musulman. Cette attitude n’était pas au goût
des organisations des droits de l’Homme ni des partis politiques français. La ligue française des droits
de l’Homme, qui était contre le protectorat, ne va pas admettre cette référence à la tradition
identitaire réclamée par les nationalistes.
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Devant toutes ces demandes du nationalisme marocain, la seule réponse de la part du Protectorat
était la répression de ces mouvements, et la limitation encore plus sévère des libertés publiques. Il
publiera un Dahir en 1935 instaurant le délit de trouble public, et un Dahir l’année suivante qui va
interdire toute activité syndicale.
La crise économique marocaine va favoriser l’investissement des syndicats nationalistes, et en même
temps, la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 sera adoptée. Tous ces événements
vont finir par asseoir l’idée des droits de l’Homme au Maroc et à sensibiliser l’opinion publique
française qui va s’engager à coté des nationalistes marocains. Quand le Maroc retrouvera son
indépendance, le pouvoir politique va focaliser tous ses moyens pour la construction d’un Etat
moderne qui serait l’expression d’une synthèse entre l’idéologie arabo-musulmane et l’idéologie
moderne, et dont les principes essentielles sont la monarchie, l’Islam et la patrie.
Dès 1958, une charte des libertés publiques est instituée et un code de procédure pénale sera
promulgué. Mais très vite, toutes ces mesures vont être considérés, par une partie de la classe
politique, comme un ensemble de mécanismes servant d’abord à encadrer et limiter le champ des
libertés publiques, plutôt que représentant les premières bases d’une Etat moderne et démocratique.
Avec l’adoption de la constitution de 1962, les choses vont devenir plus graves. Les partis politiques
marocains vont estimer que le texte en question est un instrument de concentration des pouvoirs
politiques entre les mains du Roi. Tout ceci va avoir pour effet le refus de certains partis, comme
l’UNFP, et plus tard certaines organisations qualifiées de gauche radicale, d’adhérer à l’idéologie
officielle, ce qui aura pour conséquence le déclenchement par les autorités d’une répression
exemplaire. Cette répression va susciter la réprobation internationale, notamment celle des ONG des
droits de l’Homme comme Amnesty International et la FID (Fédération international des droits de
l’Homme) qui vont dénoncer les irrégularités des procès organisés en 1963 et le recours
systématique à la torture. Cependant, cette mobilisation internationale ne pouvait être relayée sur le
plan interne, d’autant plus qu’en 1965 va être décrété l’état d’exception qui va finir par neutraliser
tout mouvement contestataire.
La répression sanglante qui va suivre en mars 1965 ainsi que la rupture qu’elle va provoquer entre le
mouvement national traditionnel, et la mouvance plus radicale qui est née de ces manifestations, va
donner lieu à la naissance d’un courant qualifié de Marxiste Léniniste qui sera tenté de créer une
nouvelle dynamique et surtout d’occuper l’espace public.
Dans ces circonstances, l’idéologie des droits de l’Homme sera perçue comme étant une idéologie très
dangereuse, parce qu’elle est supposée s’opposer aux principes de l’Islam et de remettre en cause le
principe monarchique de l’époque. La création à cette époque de certaines associations des droits de
l’Homme apparaît comme une réponse politique, comme une réaction face au climat de répression et
de limitation des droits et libertés.
Ces associations étaient marqués politiquement par le lien qu’elles avaient avec les partis de
l’opposition et les associations comme la Ligue marocaine pour la défense des droits de l’Homme
créée en 1972, l’Association marocaine de la défense des droits de l’Homme créée en 1979 ou
encore l’Organisation marocaine des droits de l’Homme 1988. Toutes ces associations avaient pour
tâche essentielle la défense des prisonniers politiques, principal problème de l’époque.
Ce n’est que progressivement, sous l’influence de facteurs à la fois nationaux et internationaux, que
l’intérêt pour la question des droits de l’Homme proprement dits va se cristalliser au Maroc. Au niveau
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interne on va assister, suite aux influences extérieures exercées par les ONG, à une diminution de la
répression qui va se traduire par la libération de plusieurs prisonniers politiques et le retour au Maroc
de plusieurs exilés politiques (par exemple la famille Oufqir).
On va assister à la création du Conseil consultatif des droits de l’Homme et l’avènement d’un
ministère des droits de l’Homme. Le pouvoir politique va permettre aux associations des droits de
l’Homme d’agir dans la transparence et dans une relative liberté, qui va permettre à celles-ci
d’acquérir un certain poids pour qu’elles deviennent les interlocutrices face aux autorités, notamment
à l’occasion des événements de la ville de Fès en décembre 1990. Le mouvement des droits de
l’Homme, à partir de cette époque, ne sera plus perçu comme mouvement subversif comme il l’était
auparavant.
Actuellement, les ONG s’occupant des droits de l’Homme se donnent pour objectif premier d’affirmer
et d’approfondir la prise de conscience des droits de l’Homme ainsi que de contribuer à la protection
effective de ces droits en cas de violation. Toutes les ONG informent les opinions publiques internes
et internationales sur toutes les violations des droits, et luttent pour l’abrogation de textes répressifs,
l’application effective des textes conventionnels garantissant des droits et des libertés ainsi que
l’intégration du droit international dans le droit positif marocain.
Un certain nombre de défis est toujours d’actualité et doit être relayé par les mouvements associatifs
des droits de l’Homme afin d’introduire dans le pays la culture universelle de ces droits. La tâche est
d’autant plus difficile que cet objectif se trouve confronté à toute un héritage culturel et identitaire
voir même un choix de société ne faisant pas forcément l’unanimité de toutes les composantes de la
société marocaine.
La modernisation de la société marocaine est tributaire aussi du rôle précurseur que doit jouer les
mouvements des droits de l’Homme face à certaines questions fondamentales de société (problèmes
de la famille, de la femme, d’islamisme, etc.). On est face à d’autant de défis que les associations, et à
travers elles, la société civile doivent résoudre sans complaisance, et ceci sans parti-pris idéologique.
Nous avons vu une contribution non-juridictionnelle des droits de l’Homme, qui est plutôt une
contribution purement associative. Toutefois cette contribution n’est pas la seule car le pouvoir
politique lui aussi va s’investir d’avantage dans ce domaine.
Les organes de protection non juridictionnelle initiés par le pouvoir politique
Vers la fin des années 80 la question des droits de l’Homme va connaître une ampleur internationale
incomparable. En effet, plusieurs ONG internationales, mais aussi les instances onusiennes ayant pour
responsabilité les droits de l’Homme ou encore certains pays amis du Royaume vont, de concert,
exprimer leur émoi et leur critique vis-à-vis de la manière dans les droits de l’Homme sont abordés par
le pouvoir politique, tout en pressant celui-ci d’assumer la responsabilité lui incombant en la matière.
Le 20 février 1990, Amnesty international va publier un rapport qui dénonce « le recours
systématique à la torture et au mauvais traitement contre les détenus politiques». En même
moment le département d’Etat Américain, les Nations Unies et le Parlement européen ne vont pas se
priver à leur tour de mettre en exergue le bilan pour le moins mitigé des droits de l’Homme au Maroc.
C’est dans ce contexte de critiques et réprobation de plus en plus difficile à contenir que le régime
marocain va opter pour la prise en charge d’institutionnalisation des droits de l’Homme. Alors pour
convaincre de sa bonne foi à respecter son engagement, le pouvoir va mettre en place un certain
nombre d’institutions. Un Conseil consultatif des droits de l’Homme qui va être réformé en mars 2011
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pour donner naissance à l’actuel Conseil national des droits de l’Homme. Au moment de la transition
démocratique, le gouvernement d’alternance va instituer aussi un ministère des droits de l’Homme
qui sera rapidement supprimé : Cette initiative va être interprétée comme un facteur d’ouverture
politique d’Hassan II. On va aussi mettre en place le Diwan des Madhalim qui sera remplacé en mars
2011 par l’institution du Médiateur. Parallèlement à toutes ces innovations institutionnelles, le
pouvoir va mettre en place une délégation interministérielle, tout en annonçant la réforme
constitutionnelle.
En quoi toutes ces institutions vont contribuer ? Quel type de garanties va-t-elle permettre ? Le Maroc
va-t-il rentrer dans le club des pays démocratiques respectueux des droits de l’Homme ?
A. Les instances de promotion et de protection
1. Le CCDH
Ce fameux conseil (CCDH) a été mis en place le mois d’avril 1990. Il avait pour mission de « donner des
avis et assister le Souverain marocain sur toutes les questions relatives à la défense et la protection
des droits de l’Homme le respect et la garantie de leur plein exercice et à leur promotion ».
Le CCDH va être investi de plusieurs prérogatives dont les plus importantes sont les suivantes :
Emettre un avis consultatif sur les questions d'ordre général ou spécial se rapportant à la
défense et à la protection, au respect et à la promotion des droits de l'Homme;
Faire des propositions susceptibles d’améliorer la protection des droits de l’Homme et leur
promotion ;
Etudier l'harmonisation les textes législatifs et les textes conventionnels relatifs aux droits de
l’Homme ;
Encourager la ratification et l’adhésion du Maroc aux conventions internationales des droits
de l’Homme ;
Examiner tous les cas de violation de droits de l’Homme et faire des recommandations, qui
s’imposent aux autorités compétentes.
Faciliter la coopération entre les autorités publiques d'une part, et les représentants des
associations, nationales et internationales, d'autre part ;
Contribuer à diffuser les plus largement possible la culture des droits de l’Homme dans le
pays ;
Enfin chaque année le Conseil devra soumettre un rapport au Souverain sur la situation des
droits de l’Homme dans le pays.
Il s’agit là d’un ensemble de prérogatives très importantes dont la portée ne pouvait qu’être positive.
Cependant, la question qu’on se pose est de savoir si réellement le CCDH est capable d’assurer ces
prérogatives qui émanent de compétences et de moyens particuliers au delà de l’autonomie de
l’institution, vu son rapprochement de l’autorité royale. Afin de permettre au CCDH d’atteindre ses
objectifs, ses attributions vont être élargies ainsi que sa représentativité étendue suite à la réforme de
2011. Le CCDH va aussi mettre en place deux mécanismes mais ayant pour objectif la promotion et la
consolidation des droits de l’Homme : La Commission indépendante d’arbitrage, qui va être chargée
d’indemniser les préjudices matériels et moraux subis par les victimes de la disparition forcée et leurs
ayants droits. Et l’Instance équité et réconciliation mise en place en novembre 2003 suit à une
recommandation adoptée à l’unanimité par les membres du CCDH.
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S’agissant de la Commission indépendante d’arbitrage, elle a été saisie par 5 500 requêtes
d’indemnisation.
S’agissant de l’Instance équité et réconciliation, elle a travaillé dans l’optique de clore les problèmes
de violation des droits de l’Homme de manière « juste et équitable ». Elle va prendre le relais de la
Commission d’arbitrage pour se préoccuper des dossiers très délicats des disparitions forcées. Le
problème était la discordance des nombres des disparus. Pour les autorités 112 000 disparus selon un
mémorandum publié par le CCDH en 2008. Les ONG parlent de 600 000. Il y avait aussi une autre
difficulté de regroupement des statistiques et des informations constantes vu la multiplication des
participants à la répression : police, armée, gendarmerie, etc.
Jusqu’aux années 90, les autorités marocaines ont toujours nié l’existence de disparitions. Cette
négation va aussi compliquait le travail du CCDH. Conséquence de tout cela, le dossier n’est pas tout à
fait clos, car des familles appuyées par des ONG, demandent de connaître les réalités concernant le
sort des leurs.
L’IER va achever sa mission en novembre 2005, elle va rendre au Souverain un rapport final où elle va
inclure entre autres un certain nombre de recommandations pour que les violations des droits de
l’homme ne se reproduisent plus et pour que le processus de réformes soit poursuivi et consolidé.
Parmi ces recommandations figure:
La réforme constitutionnelle ;
La mise en œuvre d’une stratégie nationale de lutte contre l’impunité ;
Le suivi des recommandations ;
La nécessité de renforcer la séparation des pouvoirs (elle va insister qu’il soit interdit
constitutionnellement tout immixtion du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire).
La prohibition des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, du génocide, de la torture
et du traitement cruel, inhumain et dégradant ;
Porter intérêt à la réparation des préjudices subis par certaines régions du Maroc en
préconisant l’adoption de nombreux programmes de développement économique, social et
culturel comme la région de Casa, du Rif, Zagoura, Moyen Atlas, etc.
Le CCDH va s’avérer de plus en plus incapable de mettre en pratique les recommandations de l’IER et
on va le remplacer par le CNDH.
2. Le CNDH
Le CNDH sera conçu comme un mécanisme national chargé de la promotion et de la protection des
droits de l’Homme dont l’autonomie est affirmée vis-à-vis des pouvoirs publics contrairement au
CCDH. Sa composition est pluraliste dans l’optique de renforcer ses compétences, son efficacité mais
aussi sa cohérence avec les standards internationaux. En plus des missions qui furent celles du CCDH le
CNDH se voit attribuer de nouvelles missions :
Veiller à la surveillance, l’alerte précoce et l’évaluation de la situation des droit de l’Homme ;
Contribuer à la réflexion et l’enrichissement des débats sur la question des droits de l’Homme
sur l’ensemble du territoire national ;
En tant qu’institution nationale, le CNDH pourra à son initiative ou sur la base de requête
diligenter des enquêtes et examiner des situations d‘atteintes ou d‘allégations de violations
de droits de l’homme.
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Entreprendre toute action de médiation susceptible de prévenir les violations.
Décider de visiter les établissements pénitentiaires et constater les situations des prisonniers
sur place.
Le CNDH jouit de la capacité juridique et l’autonomie financière. A ce niveau, les crédits sont inscrits au
budget de l’Etat pour couvrir les dépenses de fonctionnement et d’équipement du Conseil,
contrairement au CCDH qui relevait du budget royal.
Le président du CNDH est censé remettre un rapport annuel au Souverain et sur la situation des droits
de l’homme et les perspectives d’actions du Conseil, le rapport doit être publié au BO du Maroc.
Sur la base de tout cela, le CNDH va mettre en place cinq groupes de travail :
La promotion de la culture des droits de l’homme ;
La protection des droits de l’homme et l’examen des violations ;
Les droits de l’homme et l’évolution de la société ;
L’étude des législations et des politiques publiques ;
Les relations extérieures.
Pour que son action puisse s’établir sur tout le territoire national, dix commission régionales de droits
de l’Homme ayant pour objectif de protéger et de promouvoir la culture des droits de l’Homme, vont
être mises en place. Le citoyen marocain se trouve à proximité permanente avec les commissions et
par conséquent proche d’une instance susceptible de prendre en charge ses doléances.
2. Les instances de médiation et de recours
Il s’agit des instances censées prendre en charge une intermédiation entre les citoyens et certains
organismes d’Etat, lors des litiges et quand toutes les voies de recours ont été épuisées.
Ces instances permettent d’enrichir l’éventail des recours non-juridictionnels offerts aux citoyens. Le
souci de ces instances est d’instaurer un Etat de droit ; lutter contre la corruption et les abus de
pouvoir ; et œuvrer pour la réparation des injustices dont les citoyens peuvent être victimes. Elles
sont censées instaurer l’idée d’une autorité de proximité au service des droits de l’Homme.
Qu’il s’agisse du Diwane al Madalim ou du Médiateur, ces instances peuvent être comparées à une
institution célèbre qui est « l’ombudsman » 3 suédois.
A. L’institution d’ombudsman
En Europe, le Médiateur constitue une institution non-juridictionnelle de protection des droits. C’est
elle qui va protéger le citoyen lors des problèmes avec l’Administration. L’institution est dotée de
pouvoirs d’instruction, et peut formuler des recommandations au gouvernement. Elle agit de manière
curative et préventive pour le compte des administrés qui s’adressent à elle plutôt que de recourir aux
organes juridictionnels. Elle a pour objectif de contrer les abus de l’Administration et de la justice.
3 Un ombudsman est une personne indépendante et objective qui enquête sur les plaintes des gens contre les
organismes gouvernementaux et autres organisations, tant du secteur public que privé. Après un examen approfondi et impartial, il détermine si la plainte est fondée et formule des recommandations à l'intention de l'organisation afin de régler le problème.2 Dans la plupart des contextes, l'« ombudsman » se réfère à un fonctionnaire nommé pour contrôler l'activité du gouvernement dans l'intérêt du citoyen, et pour surveiller le suivi des plaintes du citoyen contre l'État
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Dans tous les pays européens, il s’agit d’une personne chargée de recevoir les requêtes des citoyens
qui jugent être lésés par l’Administration suite à la mise en œuvre des lois gouvernementales. Cette
personne peut agir de sa propre initiative, mais cette « autosaisie » n’est pas courante. Cette
institution est régie par une loi constitutive inscrite dans la Constitution du pays, d’où l’importance du
titulaire de cette fonction. Importance qui vérifie également par l’inamovibilité, par la protection
contre l’ignorance, par des immunités contre les poursuites. L’indépendance de l’ombudsman assure
la neutralité et l’impartialité de ses interventions aussi bien au bénéfice des administrés que du
pouvoir public. Au Maroc, une instance comparable va revêtir deux noms : Diwane Al Madalim devenu
Médiateur de Royaume.
B. Diwane al madalim
Il s’agit d’une ancienne institution en droit public musulman qui était sous la responsabilité d’un juge à
compétence étendue. Il avait pour fonction d’examiner les abus des pouvoirs et les sanctionner si
nécessaire, sans qu’il y ait besoin de plainte particulière. Parmi les attributions de cette institution :
veiller à promouvoir l’intermédiation entre d’un coté les citoyens et de l’autre les administrations ou
tout organisme disposant de prérogatives de politique publique. Il s’agit d’inciter ces derniers à donner
la primauté aux règles de droit. Ayant par ailleurs pour rôle de réparer les injustices par des
recommandations susceptibles de rétablir le droit, Le Diwane est considéré comme un instrument
correctif des abus de l’Administration, et à ce titre, est supposé contribuer à la moralisation du secteur
public, qui est essentiel pour l’avènement d’une Administration citoyenne qui est elle-même le
fondement de l’Etat de droit.
Le responsable de cette institution établi un rapport au CCDH, dont il est membre, sur les questions
relatives à la promotion des droits et un rapport annuel sur le bilan de son activité au Souverain..
De par les attributions qui lui sont confiées par le dahir portant sa création, le Diwane est supposé
contribuer au renforcement de la justice, en particulier la justice administrative dans le domaine de la
protection des droits et libertés des citoyens.
En assurant une mission de médiation entre l’Administration et les administrés et une mission
extrajudiciaire de règlement des différends, cette institution est censée œuvrer à la réparation des
injustices imputables à de situations incompatibles avec les impératifs d’équité et préjudiciable aux
usagers des services publics.
Cependant, ayant une mission extrajudiciaire, le Diwane ne peut de ce fait déborder du champ
d’action qui lui est confié pour se substituer à la justice ou d’intervenir dans la justice comme.
C. Le Médiateur
Institué dan la foulée de la mise en place du CNDH pour remplacer Diwane al Madalim, la nouvelle
institution s’inscrit dans la volonté de mettre en œuvre « une réforme institutionnelle globale vouée
essentiellement à doter le pays d’un dispositif national des DH cohérent moderne et efficient ».
Il s’agit de préserver la dignité des citoyens, de protéger et promouvoir leurs droits en parfaite
harmonie avec les standards internationaux dans le domaine des DH.
L’institution du médiateur est chargée d’assurer la protection des droits des usagers des services
publics. Pour plus de proximité avec le citoyen, on va mettre en place des médiateurs régionaux. Cette
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institution aura pour tâche essentielle de défendre les droits des citoyens contre les actes
administratifs entachés d’abus de pouvoir.
Par ailleurs, le médiateur aura la faculté de mener des enquêtes il peut aussi engager des démarches
de médiation et de conciliation. Il sera amené à faire des recommandations relatives à l’assistance
judiciaire en faveur des personnes démunies et contrairement à Diwane al Madalim le médiateur est
érigé en instance de proposition pour renforcer les principes de bonne gouvernance dans la gestion
des services publics ; elle jouera un rôle dans le renforcement des valeurs de transparence et de
moralisation de la vie publique ; elle peut aussi faire des recommandations pour moderniser
l’administration.
En tout cas, l’expérience de Diwan Al Madhalim n’a pas été concluante. Les rapports que son président
remettait au cabinet royal n’ont jamais fait de vagues. D’ailleurs les conditions dans lesquelles cette
institution a été créée en décembre 2001 avaient soulevé des interrogations. A l’époque, le Premier
ministre Abderrahman Youssoufi travaillait sur le projet du médiateur, à l’image de l’ombudsman dans
les pays européens. Avant de faire aboutir son projet, il voit la mise en place de Diwan Al Madhalim,
une structure chargée de promouvoir l’intermédiation entre les citoyens et les administrations et tout
autre organisme exerçant les prérogatives de puissance publique. D’ailleurs, le dahir portant création
lui interdisait d’instruire des plaintes pour lesquelles la justice était saisie, la révision d’une décision de
justice irrévocable et les questions relevant des compétences de l’ex-CCDH.
C. L’instance de coordination