les enrobés à module élevé (eme): quelques expériences

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FACHARTIKEL ARTICLES TECHNIQUES 420 route et trafic N o 10 Octobre 2002 Les couches de support à hautes performances sont sorties de l’ima- gination des techniciens français dès 1980, en particulier ceux oc- cupés par les sociétés routières et pétrolières. Il s’agissait à l’époque d’occuper le créneau des travaux de «renforcement et/ou de rechar- gement» en proposant des sous- couches bitumineuses qui pré- sentent, d’une part un pouvoir de renforcement nettement supérieur à celui des sous-couches «norma- lisées» à disposition et, d’autre part, qui se comportent très cor- rectement vis-à-vis de la fissura- tion et de la déformation perma- nente. En d’autres termes, le but était de faire mieux à la portance et aussi bien en fatigue que les bé- tons bitumineux du type Grave- Bitume en France (HMT...S en Suis- se). Le terme générique «haut mo- dule» ou «module élevé» se rap- porte à la notion de «module de rigidité». Comme très souvent, ce sont les en- treprises routières spécialisées qui ont convaincu des maîtres d’ouvra- ge de mettre en pratique ce nou- veau concept original. Et il y a eu des maîtres d’ouvrage assez moti- vés pour accepter, avec l’entrepre- neur, les risques inhérents à toute nouveauté. Données techniques disponibles Dans les années 80 La Suisse romande a réalisé ses pre- miers chantiers en même temps que la France. Les bétons bitumineux à haut mo- dule de l’époque étaient «simple- ment» les HMT...s 16, 25 ou 32 dans lesquels le bitume mi-dur B 60/70 était remplacé par du bitume très dur (B 10/20 au moins) en quantité élevée pour des couches de base, à savoir du même ordre de grandeur que pour les couches de roulement. Le liant est l’élément déterminant pour l’obtention des hautes perfor- mances recherchées. Le critère de dosage de la teneur en liant est le «module de richesse» (voir remarque ci-après), caractéris- tique utilisée essentiellement dans les pays francophones (France, Bel- gique et Suisse romande). Le modu- le de richesse caractérise la pseudo- épaisseur moyenne du film de liant qui entoure les granulats d’un mé- lange bitumineux [1]. Pour les BBHM (Béton Bitumineux à Haut Module) ou EME (Enrobé à Module Elevé), les modules de richesse se situaient entre 3,5 et 3,75, soit à hauteur de ceux des couches de surface AB6 et AB10 de l’époque. En Suisse, dans ces années 80, la plupart des variantes proposées consistaient, après avoir raboté les 10 cm supérieurs d’une structure bi- tumineuse «fatiguée», de poser un «haut module» de 7 à 8 cm, recou- vert d’une nouvelle couche de roule- ment. Les enrobés à module élevé (EME): quelques expériences romandes Blaise Graf, ingénieur civil diplômé EPFL, Lutry Gérald Cuennet, ingénieur civil diplômé EPFL, Leysin Christophe Rohr, ingénieur civil diplômé ETSL, Viagroup S.A. Romanel/Lausanne Dans les années 80, les techniciens français ont développé et mis en œuvre des bétons bitumineux à hautes performances, à savoir des cou- ches de support richement dosées en bitume très dur, à utiliser dans les cas de sollicitations sévères (fort trafic lourd canalisé, par exemple) en remplacement des matériaux normés de l’époque. Le but recherché était d’avoir une gamme d’enrobés d’entretien à très haute tenue à l’orniérage et à la fatigue. La Suisse romande a réalisé simultanément ses expérien- ces. Tout d’abord en voirie urbaine et cantonale puis, dès les années 90, pour l’entretien «lourd» de plusieurs tronçons autoroutiers. Cet article présente d’une part les formulations appliquées et les caracté- ristiques spécifiques de certains chantiers importants et, d’autre part, les résultats des essais effectués in situ, en particulier les mesures de la por- tance avec l’appareil FWD. Le bilan actuel peut être résumé comme suit: les enrobés à module éle- vé EME testés et observés rendent tous les services escomptés. Les per- formances recherchées vis-à-vis de la résistance à l’orniérage et à la fatigue sont très bonnes. La représentation graphique des caractéristi- ques déterminantes (par exemple l’orniérage et la fatigue) des EME et des HMT.S et HMT.H «normés», met en évidence les domaines d’utili- sation optimale de chacune de ces familles d’enrobés. Les plus perfor- mants à l’orniérage sont les EME suivis par les HMT.H et les HMT.S. Pour la résistance à la fatigue, les EME sont également les plus perfor- mants, nettement devant les HMT.S, puis les HMT.H. L’indicateur «mo- dule de richesse» (pseudo-épaisseur moyenne du film de liant qui entoure chaque particule minérale) permet d’établir assez simplement les plages des performances de ces différentes familles d’enrobés EME et HMT. Si le prix au départ du poste d’enrobage est plus élevé (car plus de liant) pour les EME que pour les HMT...S et les HMT…H, le niveau des perfor- mances et leur durabilité in situ compensent largement ce handicap. Les études nationales en cours devraient permettre d’établir, dans un futur relativement proche, les bases nécessaires à la «normalisation» des EME par la VSS. Remarque: la formule (selon Duriez) du module de richesse est: m = p %/A ( ) (- 1/5) . m = module de richesse p%/A = teneur en liant sur granulats = surface spé- cifique des granulats enrobés [m 2 /kg] On peut admettre comme valeur simpli- fiée: = 1,3 f [% masse] + 2,5, avec f = teneur en filler (passant au tamis de 80 microns [% masse]).

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Page 1: Les enrobés à module élevé (EME): quelques expériences

FACHARTIKEL ARTICLES TECHNIQUES

420 route et trafic No 10 Octobre 2002

Les couches de support à hautesperformances sont sorties de l’ima-gination des techniciens françaisdès 1980, en particulier ceux oc-cupés par les sociétés routières etpétrolières. Il s’agissait à l’époqued’occuper le créneau des travauxde «renforcement et/ou de rechar-gement» en proposant des sous-couches bitumineuses qui pré-sentent, d’une part un pouvoir derenforcement nettement supérieurà celui des sous-couches «norma-lisées» à disposition et, d’autrepart, qui se comportent très cor-rectement vis-à-vis de la fissura-tion et de la déformation perma-nente.

En d’autres termes, le but était de faire mieux à la portance et aussi bien en fatigue que les bé-tons bitumineux du type Grave- Bitume en France (HMT...S en Suis-se). Le terme générique «haut mo-dule» ou «module élevé» se rap-porte à la notion de «module de rigidité».Comme très souvent, ce sont les en-treprises routières spécialisées quiont convaincu des maîtres d’ouvra-ge de mettre en pratique ce nou-veau concept original. Et il y a eudes maîtres d’ouvrage assez moti-vés pour accepter, avec l’entrepre-neur, les risques inhérents à toutenouveauté.

Données techniques disponibles

Dans les années 80La Suisse romande a réalisé ses pre-miers chantiers en même temps quela France. Les bétons bitumineux à haut mo-dule de l’époque étaient «simple-ment» les HMT...s 16, 25 ou 32 danslesquels le bitume mi-dur B 60/70était remplacé par du bitume trèsdur (B 10/20 au moins) en quantitéélevée pour des couches de base, àsavoir du même ordre de grandeurque pour les couches de roulement.Le liant est l’élément déterminantpour l’obtention des hautes perfor-mances recherchées.Le critère de dosage de la teneur enliant est le «module de richesse»(voir remarque ci-après), caractéris-tique utilisée essentiellement dansles pays francophones (France, Bel-gique et Suisse romande). Le modu-le de richesse caractérise la pseudo-épaisseur moyenne du film de liantqui entoure les granulats d’un mé-lange bitumineux [1]. Pour lesBBHM (Béton Bitumineux à HautModule) ou EME (Enrobé à ModuleElevé), les modules de richesse sesituaient entre 3,5 et 3,75, soit àhauteur de ceux des couches desurface AB6 et AB10 de l’époque. En Suisse, dans ces années 80, laplupart des variantes proposéesconsistaient, après avoir raboté les10 cm supérieurs d’une structure bi-tumineuse «fatiguée», de poser un«haut module» de 7 à 8 cm, recou-vert d’une nouvelle couche de roule-ment.

Les enrobés à module élevé (EME): quelques expériences romandesBlaise Graf, ingénieur civil diplômé EPFL, Lutry Gérald Cuennet, ingénieur civil diplômé EPFL, Leysin Christophe Rohr, ingénieur civil diplômé ETSL, Viagroup S.A. Romanel/Lausanne

Dans les années 80, les techniciens français ont développé et mis enœuvre des bétons bitumineux à hautes performances, à savoir des cou-ches de support richement dosées en bitume très dur, à utiliser dans lescas de sollicitations sévères (fort trafic lourd canalisé, par exemple) enremplacement des matériaux normés de l’époque. Le but recherché étaitd’avoir une gamme d’enrobés d’entretien à très haute tenue à l’orniérageet à la fatigue. La Suisse romande a réalisé simultanément ses expérien-ces. Tout d’abord en voirie urbaine et cantonale puis, dès les années 90,pour l’entretien «lourd» de plusieurs tronçons autoroutiers.Cet article présente d’une part les formulations appliquées et les caracté-ristiques spécifiques de certains chantiers importants et, d’autre part, lesrésultats des essais effectués in situ, en particulier les mesures de la por-tance avec l’appareil FWD.Le bilan actuel peut être résumé comme suit: les enrobés à module éle-vé EME testés et observés rendent tous les services escomptés. Les per-formances recherchées vis-à-vis de la résistance à l’orniérage et à la fatigue sont très bonnes. La représentation graphique des caractéristi-ques déterminantes (par exemple l’orniérage et la fatigue) des EME etdes HMT.S et HMT.H «normés», met en évidence les domaines d’utili-sation optimale de chacune de ces familles d’enrobés. Les plus perfor-mants à l’orniérage sont les EME suivis par les HMT.H et les HMT.S.Pour la résistance à la fatigue, les EME sont également les plus perfor-mants, nettement devant les HMT.S, puis les HMT.H. L’indicateur «mo-dule de richesse» (pseudo-épaisseur moyenne du film de liant qui entoure chaque particule minérale) permet d’établir assez simplementles plages des performances de ces différentes familles d’enrobés EMEet HMT.Si le prix au départ du poste d’enrobage est plus élevé (car plus de liant)pour les EME que pour les HMT...S et les HMT…H, le niveau des perfor-mances et leur durabilité in situ compensent largement ce handicap. Lesétudes nationales en cours devraient permettre d’établir, dans un futurrelativement proche, les bases nécessaires à la «normalisation» des EMEpar la VSS.

Remarque: la formule (selon Duriez) dumodule de richesse est: m = p %/A � (� ) (- 1/5).m = module de richesse p%/A = teneuren liant sur granulats � = surface spé-cifique des granulats enrobés [m2/kg]On peut admettre comme valeur simpli-fiée: � = 1,3 � f [% masse] + 2,5, avec f = teneur en filler (passant au tamis de80 microns [% masse]).

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strasse und verkehr Nr. 10 Oktober 2002 421

Dans les années 90 en SuisseAprès les premières réalisations quieurent lieu en voirie urbaine et can-tonale, les responsables des auto-routes, en particulier le SRA vau-dois, ont établi un premier «cahierdes charges» [2] qui tenait compte,d’une part, des dernières informa-tions des entreprises spécialiséeset, d’autre part, des procéduresd’essais à disposition dans notrepays.

En France actuellementLe document de référence est la nor-me NF P98-140. Il définit une caté-gorie d’enrobés spéciaux pourcouches d’assises et/ou de liaison,les Enrobés à Module Elevé (EME).Deux classes sont définies: la classe1 est orientée «orniérage» et la clas-se 2 orientée «fatigue». Toute entre-prise qui veut justifier de compéten-ce vis-à-vis d’un tel enrobé spécialdoit faire une demande parfaite-ment documentée au Comité fran-çais pour les Techniques Routières.Après examen du dossier présenté,ce Comité Technique produit un«Avis Technique» numéroté, spéci-fique au produit concerné, d’une va-lidité de 5 ans.Rappel des performances selon lanorme française NF P 98-140.Le tableau de la figure 2 rassembleles principales performances atten-dues.

Essais de qualification – rappel/descriptionLes essais auxquels il est fait allu-sion dans le présent article sont àdisposition plus ou moins facile-ment en Suisse. Les éléments lesplus significatifs sont rappelés ci-après.

Compression diamétraleCet essai utilisé par les Belges duCRR pour les bétons bitumineux estinspiré de l’essai «Brésilien» prati-qué sur les bétons hydrauliques [3].Les résultats de cet essai permettentde connaître, pour le moins, la capa-cité (souhaitée) de déformation àfaible température ainsi que la résis-tance à la déformation aux tempéra-tures élevées. L’essai consiste à déterminer lacontrainte de rupture en traction parcompression d’une éprouvette cy-lindrique, écrasée entre deux pla-teaux le long d’une génératrice. Lavitesse de chargement est constante

Hochmodulmischgut (EME): Einige Erfahrungen aus dem WelschlandIm Laufe der 80er-Jahre haben französische Techniker verschiedeneMischgutsorten mit erhöhtem Leistungsvermögen entwickelt und aufden Markt gebracht. Diese Produkte waren mit sehr hartem Bitumen reichdosiert. Diese Materialien ersetzten die damalig normierten Materialienund mussten sehr hohen Beanspruchungen entsprechen (z.B. kanalisier-ter intensiver Schwerverkehr). Das Ziel war, beim Unterhalt über ver-schiedene Mischgutsorten mit sehr hoher Resistenz gegenüber Spurrin-nenbildung und Ermüdung zu verfügen. Die Romandie hat zur gleichenZeit ebenfalls Versuche unternommen, vorerst auf städtischen und kanto-nalen Strassen. Seit den 90er-Jahren wurden diese Mischgüter auf ver-schiedenen, vom Schwerverkehr besonders belasteten Autobahnstre-cken eingesetzt. Mit diesem Artikel sollen zunächst die angewendeten Formulierungenund die spezifischen Charakteristiken einiger wichtiger Baustellen darge-legt werden und anderseits die erzielten Resultate der In-situ-Versuchenachgewiesen werden, insbesondere die erzielten Tragfähigkeiten mitdem FWD-Apparat.Die gegenwärtige Bilanz kann wie folgt zusammengefasst werden: Diegetesteten Hochmodulmischgüter EME erfüllen sämtliche Erwartungen.Die erzielten Leistungen bezüglich Spurrinnenwiderstand und Ermüdungdes Belages sind sehr gut. Die grafische Darstellung der ausschlaggeben-den Charakteristiken (z.B. Spurrinnenbildung und Ermüdung) des EMEund des HMT.S sowie des HMT.H «genormt» zeigt die Anwendungsbe-reiche und die Optimierungsmöglichkeiten dieser Mischgüter. Die wider-standfähigsten Schichten gegenüber Spurrinnenbildung sind die EME,gefolgt von HMT.H und HMT.S. Bezüglich Ermüdung liegt EME ganz ein-deutig vor HMT.S und HMT.H. Der Indikator «module de richesse» (Ver-hältnis der Dicke des Bindemittelfilms zur spezifischen Oberfläche des Fil-lers) ermöglicht auf einfache Weise die Darstellung der verschiedenenResultate der diversen Mischgutsorten EME und HMT.Selbst wenn der Preis ab Mischanlage bei den EME etwas höher ist (da es mehr Bindemittel enthält) als bei HMT.S und HMT.H, machen die Leis-tungen und die Dauerhaftigkeit diesen Nachteil wett. Die laufenden natio-nalen Studien sollten demnächst die Vorteile nachweisen und die notwen-digen Voraussetzungen für die Normung des EME durch den VSS erfüllen.

1: A1 vers Morges.A1 bei Morges.

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FACHARTIKEL ARTICLES TECHNIQUES

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et l’essai est exécuté à différentestempératures, généralement –10°Cet + 45°C (éventuellement à + 25°C).Les éprouvettes peuvent être des«éprouvettes» Marshall ou deséchantillons carottés prélevés in situ.A part la contrainte de traction, lesdeux autres indicateurs utilisés sontla déformation verticale relative et lecoefficient de traction (CT). Cet essaia fait l’objet de plusieurs mandatsde recherche en Suisse [3], [4] maisn’est pas encore proposé dans lesnormes. Certains maîtres d’œuvre(RN Vaud et Valais) ont fixé des va-leurs limites pour ces indicateurs.Cet essai «simple» est un complé-ment très intéressant à l’essai Mar-shall.

Orniéreur LPCL’essai consiste à reproduire un tra-fic lourd et canalisé sur un enrobépour définir sa tenue à l’orniéragepar fluage. L’enrobé fabriqué en la-boratoire ou extrait in situ est uneplaque de 10 cm d’épaisseur géné-ralement, sollicitée cycliquementpar une charge roulante équipéed’un pneumatique passant une foispar seconde.La température d’essai (générale-ment + 60°C) est garantie par uneenceinte, et les mesures de la pro-fondeur des ornières dans les tracesde passage sont enregistrées à huitinstants différents (entre 100 et100000 cycles).L’examen de la profondeur de l’or-nière en fonction du nombre de

cycles permet de connaître, d’unepart, la résistance de l’enrobé testé à l’orniérage par fluage et, d’autrepart, la progression de ce fluage enfonction du nombre de cycles desollicitation.

Module Complexe et Fatigue LCPCPour la détermination des caracté-ristiques concernant le Module et laFatigue, il faut confectionner deséprouvettes spéciales (trapézoï-dales) découpées dans des plaquesfabriquées en laboratoire ou extrai-tes de prélèvements sur le chantier.Dans les deux cas, les éprouvettessont fixées par leur grande base et sollicitées (sinusoïdalement) àl’autre extrémité sous forme d’undéplacement imposé, pour des

Qualification/PerformancePropriété Essai Norme NF Indicateur EME 1 EME 2

0 / 14 0 / 20 0 / 14 0 / 20Formulation – Module de richesse ≥ 2,5 ≥ 3,4

Pourcentage de vides: à 100 girations ≤ 10 ≤ 6Compactabilité PCG P 98-252 [% vol.]: à 120 girations ≤ 10 ≤ 6Tenue à l’eau Duriez P 98-251-1 Rapport I/C à 18°C ≥ 0,70 ≥ 0,75Orniérage LPC P 98.253-1 Ornière à 60°C, après 30000 cycles [%] ≤ 8,0Rigidité LCPC P 98-260-2 Module complexe à 15°C et 10 Hz [MPa] ≥ 14000

Déformation relative à 10°C et 25 Hz, ≥ 100 ≥ 130Fatigue LCPC P 98-261-1 après 106 cycles [10-6]

2: Principales performances selon NF P 98-140.Hauptleistungen gemäss NF P 98-140.

3: Essai de compression diamétrale.Diametraler Druckversuch.

4: Essai à l’orniéreur LPC.Versuch mit dem Spurrinnenbildungs-gerät LPC.

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strasse und verkehr Nr. 10 Oktober 2002 423

couples de températures et de fré-quences prédéfinis.Pour le Module complexe E*, le testcomplet se compose de huit à dixtempératures et de cinq fréquencespar température. Les éprouvettessont testées pendant 500 cycles. Cequi permet d’établir la courbe maî-tresse du mélange examiné. Parconvention, on exprime générale-ment ce module à 15°C et pour unefréquence de 10 Hz.Pour la Fatigue, les éprouvettessont sollicitées jusqu’à la rupture,en admettant que cette rupture estatteinte lorsque l’effort nécessairepour déplacer l’éprouvette est lamoitié de l’effort initial. Le test estpratiqué à 10 °C (éventuellement àd’autres températures supplémen-taires) et 25 Hz, et pour cinq ni-veaux de déformation initiale. Lesinformations sont représentées gra-phiquement sous forme de droitesde fatigue (déformation = f (nombrede cycle – durée de vie). Par con-vention, la performance en fatigues’exprime par la déformation enrupture à 10°C et sous 25 Hz, après106 cycles de déformations impo-sées.

FWDLes FWD sont des petits systèmessur remorque tractée (1 tonne envi-ron), qui font des mesures à l’arrêt.Le but est de simuler le passaged’un essieu lourd en mouvement.On le fait au travers d’une chargepulsée (masse tombante) transmiseà la structure par une plaque rigidede chargement (diamètre 30 cm, gé-néralement). L’effet de cette charge(dont on connaît parfaitement l’in-tensité et la durée) est mesuré parune série de capteurs de déplace-ment (type: géophone), placés lon-gitudinalement sous la remorqueFWD [il y a de 6 à 10 capteurs]).L’impact de la charge pulsée peutêtre mesuré sur une longueur de 2 mètres.La famille des appareils FWD (Fall-ing Weight Deflectometer), ou Dé-flectomètre à masse tombante, ap-partient depuis longtemps au maté-riel à disposition des spécialistespour évaluer la capacité portantedes structures routières. Ce matériela été développé en même temps(années 60) et par les mêmes per-sonnes, en France, que le Déflecto-graphe Lacroix, appareil le plusconnu de tous [6]. Ce n’est que plus

1E+02

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1E-05 1E-04 1E-03 1E-02 1E-01 1E+00 1E+01 1E+02 1E+03 1E+04 1E+05 1E+06

FREQUENCE [Hz]

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DUREE DE VIE [N cycles]

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RM

AT

ION

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1E-03

1E-02

a = -0.160p = -6.260

r 2 = 0.913

EPS 6 = 157 .10 - 6

EPS = K . N -a = 1427 . 10 -6 . N -0.160

5: Courbe maîtresse de module.Standardmodulkurve.

6: Courbe de fatigue.Ermüdungskurve.

7: Appareil FWD.FWD-Gerät.

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424 route et trafic No 10 Octobre 2002

tard, dès 1964, que le FWD a été re-mis en exploitation par les servicesroutiers danois. A partir de 1976,plusieurs sociétés nordiques ontcontinué de développer et fabriquerdes FWD. Aujourd’hui, cinq sociétésprivées fabriquent des FWD, donttrois en Europe (Dynatest, KUAB etCarl Bro (ex-Phoenix), une aux USA(JILS) et la dernière au Japon (Ko-matsu). Plus de 300 appareils sontactuellement en service dans lemonde, dont plus de 100 aux USA etun en Suisse.

Les réalisations romandes

Les auteurs ont rassemblé les infor-mations dont ils disposaient et re-cherché tous les compléments dis-ponibles.

Rappel chronologiqueLes premiers EME romands ont étéexécutés en voirie urbaine à Lausan-ne au début des années 80. Il s’agis-

sait de variante d’entreprise propo-sée en lieu et place de solution clas-sique.Comme pour les réalisations ur-baines, le premier chantier sur routecantonale est une variante d’entre-prise exécutée à la même époquesur les hauts de Lausanne. Dès1993, les bétons bitumineux à hautmodule trouvent leur applicationsur autoroute, en particulier sur laA1 entre Lausanne et Genève, dansla région de Morges. De nom-breuses réalisations autoroutièresont été entreprises depuis.

Tableaux synoptiques des chantiersexaminés et des valeurs techniquesdisponiblesLes informations disponibles sontregroupées selon deux tableaux. Lepremier rappelle quelques générali-tés et le deuxième explicite lessources techniques utilisées.

Généralités(voir figure 8)

Valeurs techniquesTous les chantiers ne sont pas exa-minés en détail, essentiellement enraison de l’indisponibilité de cer-taines informations (voir figure 9).

Analyse des résultatsL’ensemble des nombreuses informa-tions disponibles est représenté sousforme graphique, assortie des re-marques et commentaires y relatifs.

Le Module de richessePour mémoire, les concepteurs desenrobés à module élevé voulaientobtenir, à partir des formules «clas-siques» HMTS ou similaires, et autravers d’une seule opération (quan-titative et qualitative), beaucoupplus de rigidité, mais pas moins derésistance à la fatigue et à l’ornié-rage. En choisissant des teneurs enliant très élevées (> 5% sur total) deliants très durs (pénétration < 25),on satisfait toutes ces exigences. Deplus, les vides résiduels de labora-toire (Marshall, par exemple) et in

N° Année Localisation Objet Entreprise Divers1 << 90 Lausanne Av. de Morges SARER Pas d’informations disponibles2 << 90 Epalinges Rte de Berne SARER Pas d’informations disponibles3 1992 Lausanne Av. de la Sallaz R. May 11 / 12 cm BBHM 324 1993 Lausanne Av. d’Ouchy R. May 11 / 12 cm BBHM 325 1993 Lausanne Av. de Sévelin Camandona 11 / 12 cm BBHM 326 1993 Morges A1 – Lot 06-08/301 Consortium BBHM 32 et BBHM 167 1995 Sierre Est A9 Consortium BBHM 228 1996 Bussigny – Crissier RC 152c Consortium BBHM 229 1995 Rolle – Gland A1 – Lot 06/501 Consortium BBHM 3210 1999 Lonay A1 – Lot 08/902-701 Consortium BBHM 22 – C1 et C2

8: Réalisations romandes – Généralités.Verwirklichungen in der Romandie – Allgemeines.

Liant Enrobé Compression diamétrale Orniérage Module Module in situN° Module de Marshall – 10°C + 45°C LPC Fatigue FWD

Type* Valeur Liant Granulo richesse M C P M C P Avant Après3 D – X – X X – – – – – – – – – X4 D – X – X – – – – – – – – – – –5 A – X X X X X X – X X – – – – X6 A X X X X X – X X – X X – X X X7 C X X X X X – – – – – – – X – –8 A – X X X X – – – – – – – – X X9 B X X X X X X – X X – X X X – X10 C X X X X X – – – – – – X X – –

9: Réalisations romandes – Valeurs techniques.Verwirklichungen in der Romandie – Technische Werte.M = éprouvette Marshall C = carotte chantier P = plaque labo LPC* Les liants «durs» utilisés sont repérés selon les codes suivants:A = liant pétrolier 1, B = liant pétrolier 2, C = liant entreprise, D = liant pétrolier 3

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strasse und verkehr Nr. 10 Oktober 2002 425

situ, restent situés entre 2 et 5%,comme pour les HMTS «classiques».Par contre, les modules de richesse(m), qui sont une mesure indirectede l’épaisseur du film de liant autourdes granulats, s’établissent entre 3et 4 pour ces enrobés à module éle-vé, contre 2,6 à 3,2 au plus pour lesformules courantes de type HMTS.Cette différence entre les modulesde richesse correspond en fait à unedifférence de l’ordre de 1% sur lesteneurs en liant. Les lots autoroutiers de la N1 entreLausanne et Genève (n° 6, 9 et 10)exécutés entre 1993 et 1999 font étatde modules de richesse comprisentre 3,3 et 3,5. Les teneurs en liantcorrespondantes sont ainsi «géné-reuses»: elles varient entre 5,2 et 5,6% sur enrobé. C’est un choix déli-béré fait pour garantir la pérennitédes performances, sans risque defissuration. Les formules utiliséessont de type «EME 2» (spécial fati-gue), définies par la norme françaiseNF – P 98-140 (module de richessem ≥ 3,4). Le module de richesse per-met donc de repérer simplement la famille des enrobés HMT...S (m < 3,2) de celle des EME 2.

Compression diamétraleNous avons choisi de représenter lacontrainte de traction à –10°C et à+45°C, en fonction du module de richesse.Les essais réalisés à –10°C indiquentque les EME avec un module de ri-chesse > 3,2 dépassent la valeur mi-nimale 4,0 N/mm2 fixée par la DRN-VD (Division des Routes Nationalesdu canton de Vaud). Cette exigencerelativement «sévère» n’est parcontre pas respectée systématique-ment pour les EME dont le modulede richesse est inférieur à 3,2. C’estégalement le cas des matériaux«classiques» du type HMT...s etAB...us. L’indicateur «déformation»,qui n’est pas représenté ici, amèneles mêmes remarques, à savoir queles EME à module de richesse supé-rieur à 3,2 sont très performants àbasse température. A +45°C, seuls les EME à module derichesse suffisant (m > 3,2) dépas-sent la valeur minimale 3 N/mm2

fixée par la DRN-VD.En bref, et comme le signalent lesspécialistes [3], [4], les caractéris-tiques relevées avec l’essai de com-pression diamétrale sont suffisantespour donner un préavis sur les per-

Module de richesse

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7.00

8.00

9.00

9.01

9.02

9.03

9.04

9.05

9.06

9.07

9.08

9.09

9.10

9.11

10.0

0

10.0

1

10.0

2

10.0

3

10.0

4

10.0

5

10.0

6

10.0

7

Chantier n°

Mo

du

led

eri

ches

se[-

]

Limite SN pour HMT16-22S

Limite DRN VD pour BBHM22S - C2

Compression diamétraleContrainte de traction à - 10 °C

3

3.5

4

4.5

5

5.5

2 2.2 2.4 2.6 2.8 3 3.2 3.4 3.6 3.8 4

Module richesse [-]

Co

ntr

ain

te[N

/mm

2 ]

Marshall Carotte chantier Carotte plaque LPC

Limite DRN VD pour BBHM22S - C2 (1996)

HMT25s 60/70 + TE

HMT32s 60/70 + TE

AB16us 60/70 + TE

Compression diamétraleContrainte de traction à + 45 °C

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

2 2.2 2.4 2.6 2.8 3 3.2 3.4 3.6 3.8 4

Module richesse [-]

Co

ntr

ain

te[N

/mm

2 ]

Limite DRN VD pour BBHM22 - C2 (1996)

Marshall Carotte chantier Carotte plaque LPC

Limite DRN VD pour BBHM32 (1993)

HMT25s 60/70 + TE

HMT32s 60/70 + TE

HMTB32 60/70 + TE

HMT22S 60/70

HMT32s 60/70 + TE AB16us 60/70 + TE

10: Module de richesse.Modul des Bindemittelgehalts.

11: Compression diamétrale, contrainte de traction –10°C.Druckdiagramm, Zugspannung –10° C.

12: Compression diamétrale, contrainte de traction + 45 °C.Druckdiagramm, Zugspannung + 45 °C.

Page 7: Les enrobés à module élevé (EME): quelques expériences

FACHARTIKEL ARTICLES TECHNIQUES

426 route et trafic No 10 Octobre 2002

formances d’un enrobé à basse tem-pérature (fissuration) et à hautetempérature (orniérage).

Orniérage LPCSeules quelques formules mises enœuvre ont été testées avec l’ornié-reur LPC.Sur le graphique, qui exprime laprofondeur de l’ornière en fonctiondu module de richesse, tous lesEME fabriqués avec des liants trèsdurs présentent moins de 8% d’or-nière à 60°C après 30000 cycles,même pour des modules de riches-se élevés (> 3,5). La valeur particu-lière située à plus de 10% de profon-deur d’ornière relative [%] corres-pond à la formule confectionnéeavec le liant le «moins» dur. Les enrobés «classiques», tels lesHMT...S et AB...us faits avec des bi-tumes «moyennement» durs, peu-vent également présenter de bonsrésultats à l’orniérage, mais avecdes performances en fatigue forte-ment amoindries.

Module LCPCLe module complexe, qui est définià +15°C et sous une fréquence de 10 Hz, est représenté graphique-ment en fonction du module de ri-chesse.La DRN-VD, qui avait fixé une valeurminimale de 15000 MPa et un mo-dule de richesse de 3,7 environ pources premières réalisations de 1993,avait été un peu trop exigeante [2].En effet, les valeurs obtenues se si-tuaient entre 11000 et 13000 MPa.Si l’on ramène le module de riches-se à hauteur de 3,2 environ, il estpossible d’obtenir des modulescomplexes de plus de 15000 MPa(18000) [7].Les valeurs correspondantes de mo-dule complexe pour les enrobés«classiques» HMT...S (dont les mo-dules de richesse avoisinent 3,0) sesituent souvent entre 6000 et 9000MPa).

Fatigue LCPCComme pour le module complexe,la déformation relative �6 est repré-sentée en fonction du module de richesse.Les EME contrôlés font état de va-leurs élevées, dépassant nettement100. Cette caractéristique, «typique»des formules EME, a été fixée à 130par la DRN-VD pour toutes les for-mules posées en 1993 [2].

Orniérage LPCOrnière à 30'000 cycles

2

4

6

8

10

12

14

16

2.0 2.2 2.4 2.6 2.8 3.0 3.2 3.4 3.6 3.8 4.0

Module de richesse [-]

Orn

iéra

ge

[%]

Limite SN pour HMT16-22S à 60 °C, 10'000 cycles, 1997 et Limite DRN VD pour BBHM22S - C2 à 60 °C, 30'000 cycles, 1999

50 °C 60 °C

AB16us 60/70 + TE

Limite SN pour HMT H à 60°C, 30'000 cycles, 1997 et Limite DRN VD pour BBHM22S - C1 à 60°C, 30'000 cycles, 1999

HMT22S 60/70 + recyclé

HMT22S 60/70

Module complexe à 15 °C / 10 HzModule E* [MPa]

1000

10000

100000

2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9 3.0 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8

Module de richesse [-]

Mo

du

leco

mp

lexe

[MP

a]

Limite pour EME 1 et 2 NF P98 - 140

Limite DRN VD, BBHM22S - C2, (1996)

130001400015000

Limite DRN VD, BBHM32S, (1993) et BBHM22S - C1 - C2, (1999)

Type A Type C

pén. 25°C = 18 10-1 mmA et B = 61 °CIP = - 0.8

pén. 25°C = 22.3 10-1 mmA et B = 69.5 °CIP = 0.92

Type B

pén. 25°C = 33/35 10-1 mmA et B = 65/66.2 °CIP = 1.12

HMT22S 60/70

Essai de fatigue à 10 °C / 25 HzDéformation relative Eps. 10 6

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

180

2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9 3 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8

Module de richesse [-]

Déf

orm

atio

nR

elat

ive

Ep

s.10

6

Type A Type C

pén. 25°C = 18 10-1 mmA et B = 61 °CIP = - 0.8

pén. 25°C = 22.3 10-1 mmA et B = 69.5 °CIP = 0.92

Limite DRN VD, BBHM22S - C2, (1996 et 1999)

Limite DRN VD, BBHM32S, (1993) et Limite pour EME 2 NF P98 - 140

Limite pour EME 1 NF P98 - 140

Type B

pén. 25°C = 33/35 10-1 mmA et B = 65/66.2 °CIP = 1.12

Limite DRN VD pour BBHM22S - C1

HMT22S 60/70

HMT25s 60/70

15: Essais de fatigue.Ermüdungsversuch.

13: Essai d’orniérage LPC.Spurrinnenbildungsversuch LPC.

14: Module complexe LCPC.Komplexmodul LCPC.

Page 8: Les enrobés à module élevé (EME): quelques expériences

FACHARTIKEL ARTICLES TECHNIQUES

strasse und verkehr Nr. 10 Oktober 2002 427

Les formules HMT..s, voire les AB...s(d’avant 1988), et les HMT 22 S n’at-teignent pas de telles performancesen fatigue. Les déformations rela-tives �6 se situent en deçà de 100.

Modules in situ FWDL’appareil FWD, utilisé sur quelques-unes des réalisations précitées, apermis de mettre en évidence lesmêmes tendances que celles notéesen laboratoire. La figure 16 met enparallèle les résultats FWD (en ter-me de module élastique) et les va-leurs correspondantes mesurées enlaboratoire. Les modules complexes mesurés en laboratoire sont conventionnelle-ment exprimés à +15°C et pour unefréquence de sollicitation de 10 Hz.Ceux mesurés in situ par le FWD lesont à la température vraie (qui estsystématiquement relevée), puis re-calculés à la température de référen-ce de + 25°C. La fréquence de sollici-tation du FWD employée est del’ordre de 34 Hz. La relation entre le «Module com-plexe de laboratoire LCPC – Moduleélastique FWD» s’avère très satisfai-sante dans la plage de valeurs al-lant de 9000 à 20000 MPa (valeursLCPC à +15°C et 10 Hz). Les me-sures effectuées confirment égale-ment le fait connu suivant: touteschoses étant égales par ailleurs,plus le liant utilisé est dur, plus lesmodules sont élevés [8]. Sur les formules suisses HMT...S etHMT...H [9], dont le module de ri-chesse est compris entre 2,5 et 3,1,et qui peuvent être fabriqués avec

des liants «moyennement» durs (B35/50, par exemple), les modulesélastiques mesurés in situ avec le

FWD peuvent effectivement at-teindre des valeurs relativement éle-vées. Mais les performances en fa-tigue, qui sont elles mesurées en laboratoire, font état de résultatsfaibles, inférieurs à ceux obtenussur des formules «normales» du type HMT...N (figure 15).

Le point de vue des auteurs

L’expérience d’un maître d’œuvreTant en renforcement, en recons-truction partielle qu’en constructionneuve, ces enrobés à haut moduleont été mis en œuvre sur le réseauroutier vaudois. En plus des tron-çons répertoriés à la figure 8, onpeut encore citer les routes sui-vantes: la RC19 (Nyon, 1995), laRC179 (Villars-Ste-Croix, 1996), lesA1 (La Venoge/Ecublens, 1996,Yverdon–Payerne, 1998–2000) et A9(Contournement de Lausanne, 1996).

Module élastiqueLPC (Laboratoire) 15 °C 10 Hz - FWD (In-situ) 25 °C 34 Hz

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 16000 18000 20000

Module LPC [MPa] - 15 °C 10Hz

ModuleFWD[MPa]25°C34Hz

Type A

Type B

Type C

pén. 25°C = 22.3 10-1 mmA et B = 69.5 °CIP = 0.92

pén. 25°C = 34 10-1 mmA et B = 65/66.2 °CIP = 1.12

pén. 25°C = 18 10-1 mmA et B = 61 °CIP = - 0.8

16: Module LCPC – FWD.LCPC-/FWD-Modul.

17: Historique. Geschichte.

Page 9: Les enrobés à module élevé (EME): quelques expériences

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428 route et trafic No 10 Octobre 2002

Le schéma de la figure 17 décrit lesdifférentes opérations d’entretien etde reconstruction réalisées sur l’au-toroute A1 Lausanne–Genève, dansla région de Morges, entre 1974 et1995. La superstructure, à la mise en ser-vice, se compose de couches liéesavec des bitumes très mous (B180/220 et B 120/150), posées surune fondation en grave I ronde,0/100 non gélive. Au début, le trafictotal et celui des PL sont très «mo-destes».Dix ans plus tard, ils ont augmentéet leur effet, aggravé par la forte uti-lisation des pneus à clous (spikes)sur chaussée déneigée, se fait sentirpar des déformations de la couchede roulement. La voie normale (VN)empruntée par la majorité des véhi-cules lourds, présente des ornièresbien marquées. Elles sont suppri-mées temporairement (IIa) par lamise en place d’une nouvelle cou-che de roulement (AB10s), compor-tant des granulats entièrement con-cassés et un bitume un peu plus dur(B 80/100).A cette époque, la Suisse commen-ce à connaître les fortes déforma-tions plastiques créées par un im-portant trafic lourd canalisé. Les déformations observées en surfaceproviennent de l’instabilité descouches de base liées avec des bi-tumes trop tendres, dont le dosageest trop élevé pour cette dureté. Deplus, le squelette granulaire n’estpas assez stable.En 1985, il faut reconstruire en pro-fondeur une partie de la chaussée(VN – schéma III a).L’orniérage ne réapparaît pas, maisl’ensemble des couches liées (18 cmseulement pour un trafic TF > 2000,T5) est fatigué: au début des années90, de la fissuration apparaît. Les ca-rottages exécutés et les mesures deportance au FWD montrent que lafissuration traverse tous les enrobés(schéma, phase IV).Cette deuxième reconstruction par-tielle (seule la VN est fatiguée – 29 ans de service) doit être durable(20 ans), économique, performanteet facile à mettre en œuvre. La solu-tion consistant à mettre en œuvredes enrobés à haut module est rete-nue. Ces matériaux (appelés BBHM32 S et BBHM 16S) sont faciles à fabriquer, à mettre en œuvre et àcompacter. Ils sont très perfor-mants, aussi bien en portance qu’en

fatigue. Leur durabilité élevée com-pense largement le prix plus élevédu liant très dur utilisé et le dosagesupérieur à celui d’un HMT 22 S/Hou 32 S/H.Pour la traversée de Morges (1993)et de Rolle à Gland (1995) (phase IV a), une à deux couches de BBHM32 S sont mises en place sur la gra-ve de fondation existante. Les me-sures au FWD (en fin de chantier,puis récemment) montrent que lavoie normale reconstruite supportetrès bien le trafic lourd. Les modulesde rigidité estimés à partir des me-sures FWD correspondent bien àceux mesurés en laboratoire [5].A ce jour, les chaussées de ces deuxtronçons de la N1 ne souffrent ni dedéformations plastiques permanen-tes, ni de fissuration.

Le mandataire technique spécialiséPour ces enrobés spéciaux EME,qui se caractérisent par des perfor-mances exceptionnelles en rigiditéet en fatigue, les essais de labora-toire sont nécessairement pluscomplexes, longs et onéreux (fa-tigue, module et orniérage). Peu delaboratoires ont tous les appareilsqu’il faudrait, et il a fallu faire preu-ve d’un peu d’imagination pour uti-liser au mieux les possibilités exis-tantes. L’essai Marshall garde toutson intérêt pour l’estimation de lateneur en vides résiduels et commeréférence de compacité sur le chan-tier. Pour ce qui concerne l’appré-ciation des performances en rigidi-té et en fatigue, l’essai de compres-

sion diamétrale (à –10°C et +45°C)s’avère très intéressant, et les testspeuvent être pratiqués sur deséprouvettes de type Marshall et surdes échantillons carottés in situ.Pour la détermination des modulessur le chantier, le FWD est l’outilidéal qui permet d’avoir des résul-tats immédiatement après les me-sures et de pouvoir les corréleravec les résultats obtenus en labo-ratoire.

Le producteur de liantLes pétroliers européens ont égale-ment participé à la réussite de cessous-couches bitumineuses origi-nales imaginées par des techni-ciens routiers de l’Hexagone. Lespremières réalisations ont utiliséles bitumes à disposition àl’époque chez les pétroliers, à sa-voir les bitumes de «distillation di-recte» les plus durs (pén. 10/20) as-sociés, ou non, avec des bitumesencore plus durs de type «oxydés».Comme la fragilité à froid d’un bitu-me va de pair avec sa dureté, cer-tains pétroliers ont développé en-suite une gamme de bitumes «spé-ciaux», toujours relativement dursmais un peu moins fragiles à bassetempérature. Enfin, est apparu leconcept «multigrade» qui, commeson nom l’indique, assure des per-formances convenables à toutes lestempératures, mais ne satisfait pasautomatiquement toutes les exi-gences requises par les EME. Desliants de ces quatre familles ont étéutilisés pour les EME examinés

18: A9, région de Lavaux.A9, Region von Lavaux.

Page 10: Les enrobés à module élevé (EME): quelques expériences

FACHARTIKEL ARTICLES TECHNIQUES

strasse und verkehr Nr. 10 Oktober 2002 429

Selon tableau 3.2.2Famille de liant dur

CaractéristiquesChantier n° Liant type Pén. à 25°C [1/10 mm] A&B”[°C] Fraass [°C]7, 10 C Distillation directe avec < 25 > 60 < 0

+/– d’oxydé

3, 4 D Distillation directe < 25 > 60 < 05, 6, 8 A Distillation directe spéciale < 30 > 60 < – 59 B Multigrade < 40 > 50 < – 5

19: Familles de liant.Bindemittelfamilie.

Module complexe à 15 °C / 10 HzModule E* [MPa]

1000

10000

100000

2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9 3.0 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8

Module de richesse [-]

Mo

du

leco

mp

lexe

[MP

a]

Limite pour EME 1 et 2 NF P98 - 140

Limite DRN VD, BBHM22S - C2, (1996)

130001400015000

EME1, NF P98-140

HMT22S, SN 640 431b

EME2, NF P98-140

DRN VDBBHM22S-C1 (1999)

DRN VDBBHM22S-C2 (1999)

Limite DRN VD, BBHM32S, (1993) et BBHM22S - C1 - C2, (1999)

DRN VDBBHM32S (1993)

Lot 06+08/301

Type A Type C

pén. 25°C = 18 10-1 mmA et B = 61 °CIP = - 0.8

pén. 25°C = 22.3 10-1 mmA et B = 69.5 °CIP = 0.92

Type B

pén. 25°C = 33/35 10-1 mmA et B = 65/66.2 °CIP = 1.12

HMT22S 60/70

Essai de fatigue à 10 °C / 25 HzDéformation relative Eps. 10 6

80

90

100

110

120

130

140

150

160

170

180

2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9 3 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 3.7 3.8

Module de richesse [-]

Déf

orm

atio

nR

elat

ive

Ep

s.10

6

Type A Type C

pén. 25°C = 18 10-1 mmA et B = 61 °CIP = - 0.8

pén. 25°C = 22.3 10-1 mmA et B = 69.5 °CIP = 0.92

Limite DRN VD, BBHM22S - C2, (1996 et 1999)

EME1, NF P98-140

HMT22S, SN 640 431b

EME2, NF P98-140

DRN VDBBHM22S-C1 (1999)

Limite DRN VD, BBHM32S, (1993) et Limite pour EME 2 NF P98 - 140

DRN VDBBHM32S (1993)

Lot 06+08/301Limite pour EME 1 NF P98 - 140

Type B

pén. 25°C = 33/35 10-1 mmA et B = 65/66.2 °CIP = 1.12

Limite DRN VD pour BBHM22S - C1

DRN VDBBHM22S-C2 (1999)

HMT22S 60/70

HMT25s 60/70

20: Module com-plexe – Spécifica-tions.Komplexmodul –Spezifikationen.

21: Fatigue – Spécifications.Ermüdung – Spezifikationen.

Page 11: Les enrobés à module élevé (EME): quelques expériences

FACHARTIKEL ARTICLES TECHNIQUES

dans cette étude, et ils peuvent êtreclassés (en reprenant la numérota-tion du chap. 3.2.2) selon le tableaude la figure 19.Les liants C et D sont de la premièregénération, le A de la deuxième etle B respectivement de la troisièmegénération. Seuls les liants A, C etD permettent d’obtenir les perfor-mances minimales voulues pourles EME. Cette constatation va desoi, puisque ces liants ont été ima-ginés pour les EME tout particuliè-rement.Si l’on s’éloigne trop de l’idée de départ, comme le relatent cer-taines expériences [9], on connaîtrapidement quelques désillusions.En effet, les matériaux HMT…H définis selon nos normes natio-nales SN, ne partent pas de la même idée de formulation. LesHMT…H sont la variante ultime officiellement à disposition dutechnicien routier suisse dans lagamme des couches de supporttrès résistantes à l’orniérage. Maisil s’avère que le faible dosage enliant suggéré ne permet plus degarantir la résistance à la fatigue,autrement qu’en utilisant un liantPmB, et pas n’importe lequel. Parrapport au concept, on peut écrirel’inéquation suivante: EME >>HMT…H.

Remarques finales – recommandations

Le concept initial des enrobés àhautes performances EME, qui aconsisté à choisir un liant très dur(rigidité très élevée) et un fort do-sage de bitume (augmenter l’épais-seur du film de liant pour obtenirdes performances exceptionnellesen fatigue), s’avère parfaitementadapté aux buts recherchés. Toutesles réalisations autoroutières roman-des, dont certaines fêteront leurs dixans, ont rendu les services escomp-tés.Ces enrobés sont à utiliser pour tousles cas de renforcement d’une su-perstructure routière fatiguée, parti-culièrement lorsqu’il n’est pas pos-sible d’exhausser le niveau de roule-ment. En construction neuve, ilspermettent également de diminuerles épaisseurs des couches de base,grâce à leur module très élevé et àleur résistance en fatigue très supé-rieure à celle des HMT 22 S/H.Les résultats positifs obtenus à cejour, ainsi que les recherches actuel-lement en cours [8], [10] conduirontprochainement à une proposition denormalisation par SN qui permettradès lors une utilisation courante etintense de ce type d’enrobé, princi-palement pour l’entretien construc-tif du réseau autoroutier suisse (en2001, 58% du réseau est âgé de 26ans et plus).

Références

[1] Duriez et Arrambide, «Traité des ma-tériaux», Dunod, Paris.

[2] «Valeurs théoriques – BBHM 32 S»,Canton de Vaud, Service des routeset autoroutes, Division RN, avril1993.

[3] A. H. Assef-Vaziri et all., Mandat VSS27/81, 10/84, «Essai de compressiondiamétrale».

[4] M. Huet, Route et Trafic 9/90, «Ca-ractérisation mécanique des enro-bés suisses au moyen de l’essai decompression diamétrale».

[5] B. Graf, Route et Trafic 2/02, «Les bitumes polymères dans quelquesréalisations vaudoises».

[6] G. Cuennet et Ch. Rohr, Route et Tra-fic 2/02, «L’action COST 336: FWD».

[7] «BBHM 22 S – Classe C2. Proposi-tion – Exigences», Canton de Vaud,Service des routes, Division RN,mars 1999.

[8] J. Perret et all., Mandat VSS1996/035, 12/01, «Evaluation desperformances de nouveaux maté-riaux de revêtement: 1re partie: enro-bés à haut module».

[9] H. Byland, Route et Trafic 10/01,«Tragschichten Typ H: erste Erfah-rungen».

[10] ASTRA, «Unterhalt 2000 – Massnah-me 17, Forschungsprojekte 1–4 und7», Februar 2000.