Les gravures rupestres de la vallée de l'Ogooué

L'édition de cet ouvrage a été possible grâce à l'appui d'Elf Gabon. Les auteurs et l'éditeur tiennent à lui exprimer leurs vifs remerciements.

© Éditions Sépia, 1993 ISBN 2-907888-38-2

Richard O sl i s l y Bernard Peyrot

Les gravures rupestres de la vallée de l'Ogooué

( G a b o n )

Éditions Sépia

PRÉFACE

S

ous l'aisselle de l'Afrique, au creux de ce Golfe de Guinée d'où partent, en zones concentriques, les auréoles de paysages de cou- verture décroissante, de la grande forêt à la savane, existait un

véritable blanc de la carte des peuplements préhistoriques de ce conti- nent. Les difficultés de prospection avaient sans doute inconsciemment amené les préhistoriens à conclure à des difficultés comparables pour des implantations humaines. Ce livre de Richard Oslisly et Bernard Peyrot est donc incontestablement un ouvrage pionnier. Le long de la vallée de l'Ogooué, au coeur du Gabon et de la toute première auréole, la plus arborée, ces auteurs ont en effet rencontré une extraordinaire succession, parfaitement inattendue, d'images piquetées sur des rochers et ce sont ces fascinants messages, vieux de plus de deux millénaires, qu'ils nous trans- mettent ici.

Entre les bassins du Zaïre et du Tchad, entre le Cameroun, la Centra- frique, le Congo et l'Angola, entre les réseaux des fleuves Bénoué, Sanaga, Chari, Logone, Oubangui, Congo, Zambèze, ont donc vécu des peuples. Et ici, comme ailleurs, ces peuples -que l'on qualifie sans discer- nement de «sans écriture»- ont bel et bien orné leurs poteries et les rochers de leur territoire des signes de leur compréhension de l'univers : de la Terre et des êtres qui la peuplent; du Ciel et des mystères qu'il éveille et des rapports qui unissent évidemment ces deux mondes. Lan- gage codé certes mais d'où émanent à la fois sens et esthétique, force et foi, expressions partagées et interprétations originales. La grande rosace

d'Elarmekora, les chaînes de Kongo Boumba ou les vulves de Kaya Kaya sont de bons exemples de ces traitements élégants et particuliers, caracté- ristiques de ce que l'on peut désormais appeler l'école de l'Âge du fer gabonais.

Richard Oslisly et Bernard Peyrot ont fait connaître par ailleurs bien d'autres peuplements, antérieurs et postérieurs, de cette grande province biogéographique, si peu connue auparavant, mais le propos de cette pré- sentation a été volontairement limité par les auteurs à cet Art qu'ils ont su en outre situer dans le temps. Une période que l'on peut appeler Néolithi- que (jusqu'à 2350 ± 70 ans BP), riche d'une poterie carénée et bilobée, précède en effet un premier âge du fer à vases campanulés et à bords ouverts, qui est précisément celui des rupestres, premier âge du fer suivi lui-même d'un second (à partir de 1 970 ± 70 ans BP) à vases sphériques et à bords ouverts mais au méplat plus marqué et à de petits bols à bords rentrants.

Félicitons encore Richard Oslisly et Bernard Peyrot de leur découverte de cette nouvelle culture de métallurgistes et de leurs pétroglyphes; elle vient ajouter une page brillante à l'histoire du peuplement de l'Afrique et à celle de son expression mythique. Et remercions-les, enfin, de nous avoir offert le privilège d'ouvrir leur très bel album.

Yves COPPENS Membre de l'Institut

Professeur au Collège de France

AVANT-PROPOS

A l'époque de nos premières découvertes sur les gravures rupestres de la vallée de l'Ogooué et face à nos interrogations, un ami, écri- vain et poète, voulut apporter sa contribution en partageant

nos émotions et nous dédia ces quelques lignes... « Au cours des âges, régulièrement comme le mouvement ininter-

rompu des planètes, des hommes ont déposé leurs empreintes au cœur de la pierre. Traces énigmatiques, témoignages poignants dans l'onctuosité des formes et la richesse des symboles, ces signes obscurs sont l'expres- sion profonde des mythes, des croyances et des préoccupations de tout un peuple partagé entre la matière et l'esprit.

Une voix s'extirpe alors de la nuit des temps, gravée au sommet d'un lieu sacré, tout près du ciel et des dieux dans un décor sauvage, une voix arrachée au roc exprimant une vérité authentique : la connaissance d'une force naturelle secrète commune à tous les hommes de l'univers.

Les gravures sont un cri gravé sur la roche pour témoigner de ce feu divin qui brûle encore dans l'âme des hommes en marche pour retrouver la voie sacrée de l'univers.

L'art dérape sur la vie en projetant dans la pierre une expression magi- que et universelle, preuve d'un savoir hermétique, sorte de science sacrée dont nous avons oublié et altéré les lumières.

Adorateurs du soleil et du feu, de la lune et de la terre fertile, ces hom- mes ont condensé dans les signes une pensée adressée aux forces de l'au- delà.

Les gravures correspondent à un rituel sacré, elles sont source d'éner- gies libérées, accumulations de forces porteuses d'une véritable entité col- lective.

L'homme martelle la roche avec dans la main la pointe acérée de métal qui creuse en un mouvement répété, tournant et battant pour trans- crire le message essentiel.

Signes sacrés d'un monde oublié, paroles vibrantes dans la mémoire de l'homme, les figures géométriques et zoomorphes sont chargées de lumière venue de cette conscience supérieure à laquelle nous apparte- nions tous autrefois, avant de nous séparer de l'esprit.

Une conscience supra-humaine guide la main de l'artiste graveur qui parle au cosmos dans un rituel sacré enfoui dans sa mémoire. Le geste cérémonial du graveur est une offrande aux sources originelles de l'uni- vers.

Retrouver la paix du début des temps, retrouver le silence du grand accord des êtres et du monde, dans la perfection magique du bel équili- bre et vivre à nouveau en harmonie avec l'esprit et la matière. Mais le mystère planant en l'écritutre demeure encore inexpliqué.

Et le rêve des hommes s'y greffe comme un espoir face à l'incessante interrogation que nous pose le miracle de la vie, car un jour peut-être, déchirant le masque de l'espace et du temps, les sanctuaires rupestres de la vallée de l'Ogooué dévoileront sans énigme le secret de leur message. Et nous comprendrons enfin la beauté de ces paroles de pierre pour retrouver ensemble cette innocence qui nous rapproche des étoiles».

Jean-François PURNELLE

BIBLIOGRAPHIE

BAYLE DES HERMENS (R. de), 1975 — Recherches préhistoriques en Répu- blique centrafricaine. Labethno, Nanterre.

BEAUCHENE (G. de), 1963 — «La préhistoire du Gabon». Objets et mondes, tome 3, fascicule 1, p. 3-1 6.

BREUIL H., 1952 — «Les figures incisées et ponctuées de la grotte de Kian- tapo» (Katanga). Annales du Musée Royal de Tervuren, série in 8°, p. 1-32.

CHALLAYE F., 1909 — Le Congo français : la question internationale du Congo. Alcan, Paris.

DIGOMBE L., SCHMIDT P., MOULEINGUI V., MOMBO J. et LOCKO M., 1 988 — «The development of an early iron age prehistory in Gabon». Cur- rent Anthropology, volume 29, n° 1, p. 179-184.

ELIADE M., 1952 — Images et symboles. Collection Tel, Gallimard.

ERVEDOSA C., 1980 — Arquaelogia Angolana. Ediçoes 70, Lisbonne.

MARLIAC A., 1981 — «Recherches sur les pétroglyphes de Bidzar au Cameroun septentrional ». Orstom, mémoire 92.

MORTELMANS G., 1952 — «Les dessins rupestres gravés, ponctués et peints du Katanga». Annales du Musée Royal de Tervuren, série in 8°, p. 33-35.

NENQUIN J., 1959 — «Sur deux gravures rupestres du Bas-Congo». Bulle- tin de la société royale belge d'anthropologie et de préhistoire, p. 153-158.

OSLISLY R., 1987 — «Découverte des premières gravures rupestres au Gabon». Nyame Akuma, n° 29, p. 26-27.

OSLISLY R., 1988 — «Gravures rupestres au Gabon : les pétroglyphes d'Elarmékora». L'Anthropologie, tome 92, n° 1, p. 373-374.

OSLISLY R., 1989 — Les gravures rupestres de la vallée de l'Ogooué. Pre- mier Séminaire des archéologues du monde Bantu. CICIBA. Libre- ville. Gabon. Nsi, n° 6, p. 103-11 3.

OSLISLY R., 1992 — «L'art rupestre au Gabon : les pétroglyphes de la val- lée de l'Ogooué». L'Anthropologie, Tome 96, n° 4, p. 811-824.

OSLISLY R., 1993 — «Rock art in Gabon : Petroglyphs in the Ogooué river valley». Rock Art Research, Melbourne, n° 1, volume 10, p. 18-23.

OSLISLY R., 1988 — «Préhistoire de la moyenne vallée de l'Ogooué» (Gabon), 2 tomes, T.D.M., n° 96, Orstom.

OSLISLY R. et FONTUGNE M., 1993 — «La fin du stade néolithique et le début de l'âge du fer dans la moyenne vallée de l'Ogooué au Gabon». Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, tome 316, série II, p. 997-1003.

OSLISLY R. et PEYROT B., 1987 — L'Art préhistorique gabonais. Éditions Rotary Club de Libreville.

OSLISLY R. et PEYROT B., 1988 — «La Préhistoire du Gabon». Institut Péda- gogique National. Editions du Ministère de l'Education Nationale du Gabon.

OSLISLY R. et PEYROT B., 1992 — «L'arrivée des premiers métallurgistes sur l'Ogooué» (Gabon). African Archaeological Review, n° 10, p. 129- 138.