les idees pour valoriser l engagement des jeunes

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"Les idées pour valoriser l'engagement des jeunes", rapport de France Stratégie. 22 juin 2015. Embeddé par 20 Minutes Paris.

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  • RAPPORT

    JUIN

    2015Reconnatre,valoriser, encouragerlengagement des jeunes

    Bligh Nabli et Marie-Ccile Navesavec la collaboration dAlice Karakachian

  • JUIN 2015

    RECONNATRE, VALORISER, ENCOURAGER

    LENGAGEMENT DES JEUNES

    Bligh Nabli

    Marie-Ccile Naves

    avec la collaboration dAlice Karakachian

  • FRANCE STRATGIE 3 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    AVANT-PROPOS

    Un lieu commun circule : les jeunes seraient dsintresss des affaires de la cit, ils seraient replis sur eux-mmes, lcart de la vie collective. La premire vertu de ce rapport est de tordre le cou cette vision pjorative de la jeunesse. Une nation qui na pas confiance en sa jeunesse est une nation qui na pas confiance en son avenir. Nous devons retrouver fiert et optimisme, et cela passe entre autres par le fait de laisser toute sa place la jeunesse.

    Nous devons donner chaque jeune la possibilit de vivre pleinement sa citoyennet, de faire entendre sa voix selon les modalits quil aura choisies. L est la seconde vertu de ce rapport : il explore avec finesse un grand nombre de pistes pour encourager et valoriser lengagement des jeunes. Plusieurs ont retenu mon attention ; je vais en tudier lopportunit et la faisabilit.

    Il ne sagit pas dexiger davantage des jeunes que de leurs ans. Les jeunes nont pas de preuves donner de leur attachement la communaut nationale. Il sagit au contraire de montrer que les jeunes font totalement partie de cette communaut et qu ce titre, ils ont leur mot dire sur son destin.

  • FRANCE STRATGIE 5 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    AVANT-PROPOS

    En dpit de la hauteur des barrires que les institutions conomiques, sociales et politiques de notre pays opposent aux jeunes, le conflit entre gnrations na pas, aujourdhui, dexistence politique visible. Les partis, syndicats ou associations qui structurent notre vie collective existaient presque tous il y a vingt ou trente ans, quand ce nest pas beaucoup plus.

    Cela nimplique pas quon puisse ignorer les fractures intergn-rationnelles qui traversent notre socit et la menace quelles reprsentent pour sa cohsion.

    Aux yeux de leurs ans, les jeunes apparaissent souvent comme individualistes, dsaffilis, dsengags. Eux-mmes font souvent tat dun dcalage lgard dinstitutions de participation la vie de la cit quils peroivent comme mal adaptes leurs pratiques de socialisation ou domines par les gnrations antrieures. Ils donnent moins de temps aux associations que leurs ans, et sabstiennent plus souvent lors des lections. Sans lever la voix, ils prennent leurs distances.

    Est-ce lexpression dun divorce, ou dune frustration ? La jeunesse refuse-t-elle de sengager, se dtourne-t-elle des institutions de la vie collective ? Face des structures de la socit civile quelle peroit comme trop fermes, est-elle tente par le repli ? Ou bien est-elle plutt la recherche de formes dengagement mieux adaptes ses valeurs, ses convictions, ses modes de vie et de sociabilit ?

    Soucieux de dissiper les incomprhensions mutuelles et dsireux de dfinir les voies dune action publique adapte, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, a demand France Stratgie denquter auprs des jeunes et auprs des structures dengagement (associations, syndicats, partis politiques) pour comprendre et pour mesurer la ralit du dcalage entre une relle aspiration lengagement et des cadres jugs dpasss.

  • Reconnatre, encourager, valoriser lengagement des jeunes

    FRANCE STRATGIE 6 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    Ce qui ressort du prsent rapport, cest un cart proccupant entre la demande et loffre dengagement, qui pose un dilemme pour les pouvoirs publics : faut-il laisser faire, ou intervenir ?

    La jeunesse est lge de la construction de soi, lchelle dun individu comme lchelle dune gnration dans son ensemble ; et il est naturel quon ne se construise pas en demeurant dans les cadres hrits de la gnration prcdente. Il appartient aux jeunes dinventer eux-mmes les formes quils veulent donner leurs engagements : largement marques par le numrique, ces formes sont aujourdhui plus souples, plus phmres, moins hirarchises quelles ont pu ltre par le pass. Si une institution civile ou politique ne le comprend pas et se montre incapable de sadapter, aucune intervention publique ne la sauvera de la dsaffection.

    Une rupture entre la jeunesse et les cadres de la vie collective serait cependant dangereuse pour notre socit civile et notre dmocratie politique. La fluidit nouvelle de lengagement ne doit pas empcher le lien social de se tisser, et la construction dun monde commun suppose malgr tout des formes stables, des repres que lon peut partager. Cest pour cela que Bligh Nabli et Marie-Ccile Naves proposent, dans ce rapport, la fois douvrir davantage les institutions existantes aux jeunes, qui en sont trop souvent exclus, de fait sinon de droit, et de crer des espaces nouveaux dans lesquels la jeunesse serait en mesure de faire entendre sa voix, non seulement elle-mme mais lensemble de la communaut nationale.

    Leurs propositions portent simultanment sur lengagement dans la socit civile et la participation la dmocratie politique. Certaines sont modestes, dautres plus radicales. Toutes sont inspires de la mme proccupation : dans un pays o les jeunes sont deux tiers considrer quon ne leur permet pas de montrer de quoi ils sont capables, il est urgent, non pas tant de faire une place aux jeunes, mais de leur donner les moyens de prendre celle qui leur revient de plein droit.

  • FRANCE STRATGIE 7 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    SOMMAIRE

    Introduction ............................................................................................................... 9

    Vingt-cinq mesures en faveur de lengagement des jeunes ................................ 27

    Partie 1 Favoriser la socialisation et la pratique de lengagement des jeunes ............................................................................................... 291. Socialisation lengagement ..................................................................... 312. Pratique de lengagement .......................................................................... 37

    Partie 2 Reconnatre et valoriser lengagement des jeunes ............................. 411. Reconnaissance et valorisation de lengagement citoyen ......................... 422. Reconnaissance et valorisation de lengagement dans les parcours

    de formation et demploi ............................................................................. 46

    Partie 3 Encourager lengagement des jeunes dans les processus de dcision .............................................................................................. 511. Lamlioration de la reprsentation des jeunes dans les structures

    parlementaires, partisanes et associatives ................................................ 532. La cration dorganes parlementaires dexpression des jeunes ................ 61

    AnnexesLettre de mission .............................................................................................................. 73Personnes auditionnes ................................................................................................... 75Questionnaire envoy aux sections jeunes des partis politiques ............................... 77

  • FRANCE STRATGIE 9 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    INTRODUCTION

    Participation lectorale, adhsion aux partis politiques, aux organisations syndicales et aux associations, implication dans des activits bnvoles : pour chacun de ces marqueurs traditionnels de lengagement, les jeunes apparaissent sensiblement en retrait par rapport au reste de la population.

    Ces lments semblent premire vue accrditer la reprsentation globalement ngative de la jeunesse qui apparat dans certaines tudes dopinion, pour qui les jeunes seraient avant tout gostes et paresseux 1. Cependant, ces constats paraissent difficilement conciliables avec les nombreuses enqutes et recherches en sciences sociales qui tmoignent de lattachement des jeunes aux valeurs dmocratiques et rpublicaines2, et qui rfutent limage dune jeunesse massivement dsengage de la cit, en retrait ou passive3.

    Au-del du dcalage entre les reprsentations et la ralit de lengagement des jeunes, entre leurs aspirations et loffre dengagement fige dans des formes traditionnelles nayant pas su voluer pour sadapter une nouvelle gnration , on peut voir l lexpression dun phnomne plus profond de crise de confiance rciproque entre les jeunes et une socit qui, selon 70 % des 18-25 ans, ne leur permet pas de montrer de quoi ils sont capables 4.

    Comprendre les ressorts et les formes de lengagement de la jeunesse aujourdhui, analyser les raisons de leur prise de distance avec loffre disponible, identifier les (1) Selon un sondage publi le 24 novembre 2011, ralis par Ipsos pour Logica/Le Monde, 63 % des Franais voient les jeunes comme gostes et 53 % comme paresseux . Voir galement analyse CODE (2012), Images des enfants et des jeunes vhicules dans les mdias audiovisuels (tlvision, publicit, Internet) ; Van de Velde C. (2010), interview par lObservatoire de la jeunesse solidaire ; AFEV (2010), sondage Les Franais et les jeunes . (2) Enqute Gnration Quoi (2013), mene par C. Van de Velde et C. Peugny ; Galland O. et Roudet B. (2012), Une jeunesse diffrente ? Les valeurs des jeunes Franais depuis 30 ans, Paris, La Dcouverte. (3) Rapport denqute de lAnacej (2014), Les jeunes et le vote, Travaux raliss par M. Bruter (ECREP - LSE - Civic Planet) et A.-J. Clary ; Muxel A. (2010), Avoir vingt ans en politique : les enfants du dsenchan-tement, Paris, Seuil ; Roudet B. (2011), Participation associative : des jeunes plus engags dans la vie de la cit , Bulletin dtudes et de synthse de lObservatoire de la jeunesse, INJEP, n 4, mai ; Becquet V. et de Linares C. (dir.), Quand les jeunes sengagent. Entre exprimentations et constructions identitaires, Paris, LHarmattan. (4) Enqute Gnration Quoi publie en 2014. Ce pourcentage a progress de 17 points en sept ans.

  • Reconnatre, encourager, valoriser lengagement des jeunes

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    moyens de favoriser cet engagement sont des pralables ncessaires pour viter que les jeunes, qui conjuguent lun des plus forts niveaux de dfiance et lun des plus faibles sentiments dappartenance la socit1, ne cdent au dsengagement, voire la radicalisation.

    Un acte volontaire mais soumis des dterminismes sociaux Historiquement, la notion dengagement a dabord revtu une connotation morale ou spirituelle : il sagissait dun engagement lgard de soi et de lAutre2 (dans le domaine militaire, religieux, matrimonial, etc.), l action de se lier par une promesse ou une convention , pour reprendre la formule du Grand Robert. Cette dimension demeure prgnante : sengager, cest embrasser volontairement une cause politique, civile, culturelle, humanitaire, sportive, par une contribution personnelle (offrir du temps, un savoir-faire) ou matrielle (donner de largent, des ressources). Pour autant, engagement et individualisme ne sont pas forcment antinomiques et peuvent mme se nourrir mutuellement : on peut trouver une satisfaction personnelle servir lintrt collectif.

    Anim par des convictions ou des valeurs, lengagement est un acte volontaire qui procde dun droit fondamental3 et dune libert civique4, non dune obligation. Certes, dans la pense rpublicaine, lengagement est conu comme un devoir civique. Cest pourquoi la socit franaise tend adopter une approche moralisatrice dans les appels lengagement quelle adresse la jeunesse un appel la participation qui sonne comme un impratif catgorique 5. La jeunesse est mme culpabilise si elle nentre pas dans des dispositifs formaliss et labors d en-haut . Or lengagement ne saurait tre contraint (par la loi) ou subi ; le discours injonctif ( il faut sengager ! ) ne peut qutre mal peru dans un contexte dindividualisation qui touche particulirement la jeunesse6.

    Selon la majorit des enqutes7, lengagement des jeunes est motiv par le partage, le souhait daider les autres, de se rendre utile et de dfendre une cause, ainsi que la

    (1) Les jeunesses face leur avenir , FONDAPOL, p. 30. (2) Schnapper D. (2011), Lengagement, Fondation pour linnovation politique, juin, p. 6. (3) Les formes dengagement telles que le vote, le militantisme, la cration ou ladhsion une association, sont reconnues et garanties par la Constitution. (4) Outre la Charte europenne rvise de la participation des jeunes la vie locale et rgionale, ladoption de la Convention relative aux droits de lenfant par lAssemble gnrale des Nations unies le 20 novembre 1989 (ratifie par la France) a consacr cette volution. (5) Rizet S. (2012), Jeunes mineurs en associations. Quel impact sur leurs parcours ? , Cahiers de laction, n 28, INJEP, p. 1-66. (6) Becquet V., Loncle P. et Van de Velde C. (2012), Politiques de jeunesse : le grand malentendu, Nmes, Champ social. (7) Pro-Bono (2012), UNAF (2013), France Bnvolat (2010 et 2012), notamment.

  • Introduction

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    volont de se distraire, de saffirmer1, de donner un sens sa vie, voire de tester une vocation et de se former. Les jeunes demeurent fortement attachs aux valeurs de solidarit, de dmocratie et de justice2. Leurs motivations diffrent en partie de celles du reste de la population pratiquant des actions de bnvolat. Par exemple, en 2010, 60 % des 18-25 ans citaient lpanouissement comme source de satisfaction dans lenga-gement contre seulement 36 % des retraits et 48 % de lensemble des bnvoles en moyenne3. Si la moiti des bnvoles souhaitent mobiliser leurs comptences pour se rendre utiles la socit, cette tendance est plus forte chez les tudiants (70 %). Dautres motivations sont communes toutes les gnrations : chez les plus de 18 ans, les raisons pour lesquelles on adhre une association sont, outre la pratique dun sport ou dun loisir, la dfense dune cause ou encore le souhait dtre utile la socit4.

    Par ailleurs, bien que procdant dun droit et dune libert, lengagement nchappe pas au poids de dterminismes sociaux et culturels. Le niveau dtudes et de diplme et la catgorie socioprofessionnelle est primordial dans la dcision la fois de faire partie dune association et de sengager dans une activit de bnvolat ou de volontariat : les cadres et les diplms du suprieur sinvestissent plus que les autres5. Ce phnomne se vrifie dans toutes les classes dge. Ainsi, selon lenqute Valeurs de 20086, 45 % des jeunes ayant termin leurs tudes 22 ans au plus tt participent au moins une association, contre seulement 24 % de ceux qui les ont acheves 18 ans. Le degr dengagement des parents constitue galement un facteur de reproduction : en moyenne, plus leurs parents pratiquent le bnvolat, plus les jeunes sont leur tour impliqus. La reproduction sociale joue galement en matire dengagement politique7.

    Dautres donnes ou variables psent sur le rapport entre les jeunes et lengagement. Chaque pays possde un contexte spcifique influant tant sur les comportements et les valeurs des jeunes que sur les modalits de transition vers lge adulte : situations conomiques, organisations institutionnelles et modles culturels tracent les contours de situations diffrencies. On constate ainsi une persistance de modles nationaux en matire de sens civique, de sentiment dappartenance collective, de participation politique8.

    (1) Bellaoui N. (2005), Lengagement bnvole des jeunes et des tudiants , in V. Becquet et C. de Linares (dir.), op. cit., p. 127-137. (2) Enqute Gnration Quoi (2013), op. cit. ; Galland O. et Roudet B. (2012), op. cit. (3) France Bnvolat (2010), Enqute La France bnvole . (4) Plusieurs rponses possibles. Prouteau L. et Wolff F.-C. (2013), Adhsions et dons aux associations : permanence et volutions de 2002 2010 , conomie et statistique, n 459, p. 27-57. (5) Prouteau L. (2011), partir de l Enqute sur la vie associative en France en 2010 , ministre des Affaires sociales et de la Sant, DREES et BVA. (6) Enqute Valeurs (2008), www.injep.fr/L-Injep-partenaire-de-l-enquete.html. (7) Muxel A. (2010), Avoir 20 ans en politique, Paris, Seuil. (8) Roudet B. (2009), Les jeunes Europens et les valeurs dmocratiques , Agora dbats/jeunesses, 2/2009, n 52, p. 53-66. Analyse qui sappuie principalement sur les rsultats relatifs aux 18-29 ans de trois

  • Reconnatre, encourager, valoriser lengagement des jeunes

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    Une diversit de formes et de pratiques Quel rapport les jeunes entretiennent-ils avec lengagement ? Ils font montre dune culture et de pratiques de lengagement sans cesse renouveles, qui se manifestent sous des formes trs varies1. Leur engagement regroupe des ralits et modalits diffuses, qui ne sont pas ncessairement institutionnalises ou (re)connues.

    De nombreux jeunes font le choix de lengagement dans la vie sociale y compris au travail2 , culturelle et politique, et ce aux diffrents niveaux, local, national, europen et international. Aux formes dengagement traditionnelles (adhsion un parti, un syndicat, une association), les jeunes privilgient des implications plus informelles, ponctuelles ou spontanes, soulignant une tendance lengagement pratico-pratique et parfois court-termiste (ptitions, manifestations, boycotts, etc.). Sils participent encore des mouvements que lon peut qualifier d affinitaires , autour de gots et de projets culturels ou sportifs partags, par exemple, ils ne dlaissent pas les grandes causes comme la lutte contre le racisme ou la dfense de lenvironnement3. Dun ct, ils font preuve desprit critique, ressentent un besoin de rsultats, dactions4, qui les fait se questionner en permanence sur lutilit de leur action. De lautre, ils sont porteurs de solutions, par leur capacit dvelopper une analyse critique et des initiatives pratiques susceptibles de revivifier une dmocratie en crise5.

    On assiste une prise de distance avec les formes traditionnelles dengagement politique et syndical. Selon le CREDOC, seuls 4 % des jeunes de 18 29 ans sont membres dun parti politique, contre 9 % des plus de 30 ans. La proportion est plus faible encore pour les syndicats (3 %, contre 10 % pour les plus de 30 ans)6. Ce faible niveau

    enqutes successives et comparatives sur les valeurs des Europens. En France, cette enqute est place sous la responsabilit scientifique de chercheurs et duniversitaires, regroups dans lAssociation pour la recherche sur les systmes de valeurs (ARVAL) ; lINJEP est partenaire de lenqute depuis 1999. (1) Richez J.-C. (2012), Cinq contributions autour de la question de la participation des jeunes , Document de travail, INJEP, p. 22 (2) Naboulet A. et Triomphe C.-E. (2015), Sengager au travail : les attentes des nouvelles gnrations , Metis. Correspondances europennes du travail, 15/06. Cet aspect, qui fait lobjet dune rflexion approfondie de la part dASTREES, ne relve pas du champ danalyse de ce rapport. (3) Diebold N. (2007), Parier sur lhabilet sociale des jeunes , Agora dbats/jeunesses, n 43, p. 68-76. (4) Becquet V. (dir.) (2014), Jeunesses engages, Paris Syllepse ; Miralles J.-F. et al. (2006), Les jeunes dans la vie locale : la participation par laction , Cahiers de laction, n 4, INJEP. (5) Cochoy F. et Licoppe C. (dir.) (2013), dossier Le sujet et laction lre numrique , Rseaux, n 182. (6) CREDOC, enqutes Conditions de vie et aspirations des Franais , 2009-2010. Selon lhistorien Stphane Sirot, il y a une sous-syndicalisation de la jeunesse car les grandes confdrations syndicales comportent moins de 5 % de moins de 30 ans ; voir linterview de Stphane Sirot sur www.franceculture.fr/emission-pixel-quel-engagement-syndical-pour-les-jeunes-2015-05-01. En 2014, au sein de la CGT, par exemple, 1,2 % des adhrents ont moins de 25 ans, 5,9 % ont moins de 30 ans et 14,8 % ont moins de 35 ans (sur un total de 700 000 adhrents). Source : audition de Sophie Binet, Secrtaire gnrale adjointe de lUGICT-CGT, pilote de la Commission Femmes Mixit la CGT-CE Confdrale.

  • Introduction

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    de syndicalisation est la consquence de plusieurs facteurs, dont la prcarit et le grand nombre demplois atypiques au sein de cette population.

    On ne constate pas la mme dsaffection vis--vis du monde associatif : plus de 40 % des moins de 30 ans sont membres dune association (surtout dans le sport, mais aussi la culture ou le domaine caritatif), soit presque autant que les 30 ans ou plus1. Cest le signe dune volont de participation la vie sociale et citoyenne, dautant que les associations bnficient dune bonne image auprs de la jeunesse2. Cest aussi lindicateur dune tendance forte la multiplicit des sphres de socialisation, hors des cadres scolaire et familial.

    Cependant, appartenir une association, notamment pour y pratiquer un loisir ou un sport, ne signifie pas y tre bnvole, autrement dit sengager titre gracieux3. Les jeunes sont ainsi moins impliqus que la moyenne dans le bnvolat associatif : daprs le CREDOC, 31 % des moins de 30 ans sengagent aujourdhui bnvolement au sein dune association ou dune autre organisation, contre 40 % pour les plus de 30 ans. Selon lEurobaromtre de 2015, 25 % des Europens de 15 30 ans ont affirm en 2014 avoir particip une activit bnvole encadre durant lanne prcdente. La France, avec un taux de 23 %, se classe au 17e rang sur 28, loin derrire lIrlande (42 %), le Danemark (39 %), les Pays-Bas (38 %) ou encore lAllemagne (32 %) et le Royaume-Uni (31 %). Ce chiffre correspond celui relev par de prcdentes enqutes, notamment celle ralise en 2010 qui estimait que 21 % des 18-24 ans pratiquaient le bnvolat en France, contre 25 % des 25-34 ans, 34 % des 35-44 ans ou encore 39 % des 45-54 ans4. Lapprciation du bnvolat reste nanmoins trs difficile, tant donn que sont rarement diffrencis, dans les enqutes, limplication ponctuelle et durable et le type dorganisation concerne (association, autre), et que nest pas toujours prcis le nombre dheures consacres cet engagement.

    Les jeunes inventent par ailleurs de nouveaux dispositifs dexpression collective, notamment des mouvements quils estiment davantage reprsentatifs des problmes quils rencontrent, ou de nouvelles modalits de mobilisation, surtout via les rseaux sociaux5. De manire plus gnrale, la conception et la pratique de lengagement sont renouveles par les outils numriques, qui facilitent lmergence de nouveaux modles dengagement citoyen, souvent ports par des jeunes, en dehors des cadres traditionnels. Le numrique permet de crer des liens, de sinformer en temps rel, dorganiser distance des vnements comme des mobilisations distance, de toucher (1) CREDOC (2015), op. cit. Voir aussi Prouteau L. et Wolff F.-C. (2013), op. cit. (2) Ibid. (3) Selon L. Prouteau et F.-C. Wolff (2013), op. cit., la majorit des membres dassociations ny sont pas bnvoles : 59 % en 2002, 55,5 % en 2010, chez les plus de 18 ans. (4) Prouteau L. (2011), op. cit. (5) 80 % des jeunes de 18-29 ans participent des sites de rseaux sociaux. Source : CREDOC, enqutes Conditions de vie et aspirations des Franais .

  • Reconnatre, encourager, valoriser lengagement des jeunes

    FRANCE STRATGIE 14 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    des centaines, voire des milliers de personnes en des laps de temps trs rduits1. Le printemps arabe, le mouvement des Indigns ou, plus rcemment, de la jeunesse afro-amricaine qui se mobilise contre les violences policires aux tats-Unis, en sont des illustrations.

    Les initiatives civiques en ligne et hors ligne sont interconnectes dans la vie des jeunes. Internet renouvelle la dmocratie par lgalit radicale des internautes, la visibilit extrme des subjectivits et la production de solidarits nouvelles selon lexpression du sociologue Dominique Cardon2. Sil largit lespace public, valorise les liens faibles, le tout participatif nabolit pas les ingalits en termes de capital social ou culturel. Pas plus quil ne doit tre diabolis, loutil numrique ne doit donc tre idalis. Pour certains observateurs dont Pierre Rosanvallon, lengagement via internet peut tre considr comme une forme politique en soi3. Cest leur ct spontan qui fait la force de ces mobilisations : pour les pouvoirs publics, il ne sagit pas tant de les institutionnaliser4 que de changer le regard port sur elles en prenant au srieux limplication des jeunes quelles suscitent et les effets quelles ont sur les agendas politique et mdiatique.

    Le fminisme 2.0 , par exemple, permet une organisation horizontale, ultra participative, et revendique un ancrage dans le rel, loin des idologies parfois juges surplombantes des associations institues. Le collectif des Georgette Sand , en dnonant le marketing genr5, a cr un Tumblr, une page Facebook, puis une ptition en ligne. Cette mobilisation a t lorigine dune enqute lance par le ministre de lconomie sur le marketing genr. Certaines causes ont pu trouver ou retrouver, par ce biais, des chos auprs de nouveaux publics. Une autre forme dengagement via internet est le crowdfunding, ou financement participatif. Il offre aux internautes la possibilit de soutenir des ides et des projets (culturels, environnementaux, conomiques, etc.) dans lesquels ils croient, en versant une somme pouvant tre trs modique ( partir de quelques euros parfois). Les jeunes plbiscitent ce procd6, notamment parce quil offre une opportunit ceux qui, issus de quartiers dfavoriss, nont pas ncessairement la possibilit dinvestir de largent dans un projet via les canaux classiques, ni dtre financs par les rseaux institus. (1) Cardon D. (2010), La Dmocratie Internet, Paris, Seuil/Rpublique des Ides ; Proulx S. et Jaurguiberry F. (dir.) (2002), Internet, nouvel espace citoyen, Paris, LHarmattan ; Bennett L. W. (2007), Changing Citizenship in the Digital Age , The John D. and Catherine T. MacArthur Foundation Series on Digital Media and Learning, p. 1-24. (2) Cardon D. (2010), op. cit. (3) Rosanvallon P. (2006), La Contre-dmocratie. La politique lge de la dfiance, Paris, Seuil, p. 75. (4) Gratacap O. (2014), De la prise dinitiative linstitutionnalisation de linitiative jeunesse , in V. Becquet (dir.), Jeunesses engages, op. cit. (5) Un mme produit aura un packaging diffrent pour les hommes et pour les femmes et sera souvent factur plus cher dans sa version fminine . (6) Selon une enqute ralise par la Junior Entreprise dHEC en 2013, la moiti des personnes qui ont dj support des projets via les plateformes de financement participatif ont moins de trente ans : http://luzeoles.fr/2013/11/21/enquete-sur-les-principales-valeurs-vehiculees-par-le-crowdfunding/.

  • Introduction

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    La relation particulire des jeunes avec les technologies numriques, dont ils tendent se saisir efficacement, ouvre la voie une forme de rnovation des modes de socialisation et dengagement politiques des jeunes quil sagit de prendre au srieux. Certes, il convient de ne pas surestimer les bnfices de la technologie. Par exemple, des tudes menes dans les pays qui le pratiquent ont montr que, sur le moyen terme, le vote lectronique 1 causait une baisse de la participation et du sentiment de satisfaction et defficacit du vote. De plus, lengouement civique ou participatif autour des nombreux forums mis en place par des gouvernements nationaux ou locaux est relativiser2. Mais lamlioration des modalits de la participation politique doit intgrer les opportunits offertes par les technologies de linformation et de la communication (TIC) qui, en tant quoutils et espaces dexpression personnelle et collective, sont susceptibles dinfuser un dynamisme dmocratique nouveau en compltant et en amliorant les processus informationnels, dlibratifs et dcisionnels traditionnels. La participation grce aux nouveaux mdias (participation lectronique) est un modle type denga-gement politique dans une socit de rseaux, tant au niveau du contenu que de la forme. Les institutions nationales, locales et europennes doivent participer louverture de processus de dmocratie lectronique, afin de crer de nouveaux canaux dinformation, de consultation et de participation pour les citoyens.

    TIC et processus constituant : lexprience islandaise

    LIslande est le premier pays avoir fait appel aux internautes et aux rseaux sociaux pour laborer sa Loi fondamentale ou constitutionnelle (entre avril 2011 et lautomne 2012). La dimension informationnelle et collaborative est plus novatrice encore. En avril 2011, le Comit constitutionnel dont les membres taient des citoyens lus au suffrage universel a ouvert la consultation sur internet. Non seulement les citoyens pouvaient suivre les runions publiques retransmises en direct sur la chane Youtube du Conseil, mais le comit constitutionnel devait soumettre ses propositions aux Islandais par le biais dun site officiel. Chaque citoyen tait invit les commenter, poser des questions, proposer des amendements sur le site du Comit comme sur la page Facebook et le compte Twitter des Sages (les deux tiers des 320 000 Islandais disposaient dj dun compte Facebook). Transmis en juillet 2011 au Parlement, le texte a t soutenu par une majorit du peuple, qui sest exprim par la voie rfrendaire, le 21 octobre 2012.

    (1) Pour une tude de lgislation compare, voir www.senat.fr/lc/lc176/lc176_mono.html. (2) Tournadre-Plancq J. (2006), De nouveaux modes dexpression dmocratiques. La dmocratie lec-tronique : quelles attentes ? , Cahiers franais, n 356, mai-juin.

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    FRANCE STRATGIE 16 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    Lengagement des jeunes dans un contexte de crise Lengagement des jeunes sinscrit aujourdhui dans un contexte o leur insertion sociale et en particulier leur entre sur le march du travail savrent de plus en plus difficiles. Les plus vulnrables dentre eux sont les premires victimes de la panne de lascenseur social et de la fragilisation des systmes de protection. Un rcent avis du Conseil conomique, social et environnemental1 (CESE) dresse le portrait dune jeunesse en voie de prcarisation et dappauvrissement. La crise, mais aussi un chmage structurel, nont fait qu aggraver les conditions de vie des jeunes et de linsertion sociale et professionnelle des 15-29 ans en France : un jeune sur cinq est toujours la recherche dun emploi trois ans aprs sa sortie du systme scolaire, et prs de deux millions de personnes ges de 18 29 ans vivent sous le seuil de pauvret. Le CESE estime galement entre 1,6 et 1,9 million le nombre de ces jeunes sans emploi, ducation ou formation. Dans lensemble, les jeunes ont deux fois plus de risques de se retrouver sans emploi que la tranche dge suprieure. Un tel contexte nourrit le sentiment des jeunes Franais (de 18-25 ans) dtre une gnration sacrifie 2. Les formes de dsenga-gement et dengagement des jeunes sont directement nourries par une profonde crise de confiance, qui se fonde en partie sur une situation dinscurit sociale exacerbe.

    Une crise de confiance des jeunes lgard des institutions Le rgime de la Ve Rpublique est confront un phnomne drosion de la confiance politique pourtant ncessaire au lien civique constitutif de toute dmocratie. La traditionnelle dichotomie gouvernants/gouverns sest transforme en fracture, les premiers tant accuss par les seconds dincomptence, dimpuissance, de non-reprsentativit ou encore dimmoralit. Bien ancre dans les esprits, cette chane de prsomptions se traduit par la progression de labstention et des partis politiques protestataires. Une srie denqutes dopinion dresse un tableau difiant de cette crise de confiance politique, qui frappe tout particulirement les jeunes citoyens.

    Si les jeunes sintressent la chose publique et politique, ils nen expriment pas moins leur dfiance vis--vis des institutions reprsentatives et des partis politiques3. On observe galement une baisse de la confiance dans les dirigeants politiques chez lensemble de la population depuis 2008 ; toutefois, cette baisse est plus affirme chez les jeunes de 18-29 ans. En 2012, seuls 15 % des 18-29 ans affirmaient avoir confiance dans linstitution gouvernementale, contre 26 % des adultes de plus de 30 ans4. Une

    (1) Avis vot lors de la sance plnire du 25 mars 2015, Scuriser les parcours dinsertion des jeunes rapport par Antoine Dulin. (2) Rapport denqute de lAnacej (2014), Les jeunes et le vote, op. cit., p. 41. (3) Enqute Anacej (2014), op. cit. (4) CREDOC, enqutes Conditions de vie et aspirations des Franais .

  • Introduction

    FRANCE STRATGIE 17 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    tendance qui sest confirme depuis1 et qui nourrit incontestablement le phnomne abstentionniste (voir infra).

    Les organisations syndicales, de leur ct, semblent marques, aux yeux des jeunes, par des cadres de rfrence loigns de leurs proccupations (par exemple les discriminations lies lorigine ou au sexe). Un renouvellement de leur agenda, comme des personnels syndicaux eux-mmes2, apparat de plus en plus ncessaire3. Les syndicats sont ainsi parfois jugs comme dpasss car trop politiss, trop prisonniers dune idologie, ce qui doit tre mis en perspective avec labstentionnisme chez les jeunes, ou encore trop dogmatiques4. Ainsi, certaines questions, comme celle de laccs au premier emploi, sont vues comme tant laisses de ct contrairement dautres comme les retraites : les syndicats auraient tendance dfendre les insiders plutt que les outsiders, au premier rang desquels les jeunes5.

    De la crise de confiance la crise de la participation Laffirmation du phnomne abstentionniste depuis le dbut des annes 1980 a nourri un discours ngatif sur la conscience civique et lengagement politique des jeunes. La ralit est toutefois plus complexe quil ny parat. Dun ct, des tudes internationales montrent en effet que les jeunes sont beaucoup moins enclins que les autres citoyens voter et adhrer un parti6. Il ny a pas ici de vritable spcificit franaise. De lautre, la baisse de la participation lectorale des jeunes nest pas synonyme de dpolitisation, de dsintrt pour la chose publique ou dune quelconque inaction ou apathie7. Du reste, le choix de sabstenir constitue pour certains jeunes un acte politique en soi, porteur de sens. Anne Muxel souligne notamment le phnomne dabstentionnisme dans le jeu politique , qui correspond un nouveau type dlecteur, relativement critique et exigeant

    (1) Enqute Gnration Quoi , op. cit. (2) Ainsi, pour ne prendre que lexemple de la CGT, au niveau de la commission excutive confdrale, sur 55 membres, trois seulement ont moins de 35 ans. Dans le bureau confdral, un seul membre sur 10 a moins de 30 ans et sur 1 000 dlgus, 7 % ont de moins de 30 ans. La CGT sest fix comme objectif den avoir 20 % pour le congrs 2016 (source : CGT). (3) Vakaloulis M. (2013), Prcariss, pas dmotivs ! Les jeunes, le travail et lengagement, ditions de lAtelier. (4) ASTREES (Atelier social du futur) (2014), Enqute Travail et engagements professionnels : les jeunes prennent la parole ; Chabault V. (2007), Lengagement syndical des jeunes salaris , Agora dbats/jeunesses, n 43. (5) Chauvel L. (2009), Vacarme, n 47, p. 26-29. (6) Goerres A. (2009), The political participation of older people in Europe, New York: Palgrave ; Bouza L. (2014), Addressing youth absenteeism in European elections, Stockholm: International IDEA and European Youth Forum. (7) Voir Cammaerts B., Bruter M., Banaji S., Harrison S. et Anstead N. (2014), The myth of youth apathy: Young Europeans critical attitudes toward democratic life , American Behavioral Scientist, 58(5), p. 645-664 ; Sur le cas franais, voir Enqute Anacej (2014), op. cit.

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    lgard de loffre politique, et pouvant utiliser labstention au mme titre que le vote pour se faire entendre et peser sur llection1.

    Les jeunes sont attachs aux valeurs dmocratiques2, ils sont anims par des ides et des convictions politiques, sur lducation, la formation, lemploi, mais aussi sur des questions telles que le changement climatique et les nouvelles technologies. Ils conoivent et pratiquent diffrents modes dengagement en politique (de plus en plus extra-partisan et extra-lectoral), et ce diffrents niveaux (national, mais aussi de plus en plus supra et infranational, ce qui traduit un attachement particulier la citoyennet europenne et la dmocratie locale). En outre, lenqute de lAnacej de 2014 souligne lapptence des jeunes pour la dmocratie directe et lexpression par voie rfrendaire. Or linstrument du rfrendum est de moins en moins pratiqu sous la Ve Rpublique, malgr la possibilit de rfrendum dinitiative partage ouverte par la loi constitu-tionnelle du 23 juillet 2008.

    En France, cette prise de distance avec la vie politique officielle et le systme reprsentatif se traduit par un double constat chaque scrutin : la faiblesse particulire du niveau de vote-participation et de la reprsentation-lection des jeunes (voir infra pour des donnes chiffres). Ces derniers votent moins et sont moins bien reprsents que les autres tranches dge de la socit. Il sensuit un double dficit de la reprsentativit/lgitimit du corps lectoral et des institutions dmocratiques3, indice de lincapacit du systme politique mobiliser la jeunesse et renouveler ses organes reprsentatifs. Cette crise de la participation et de la reprsentation des jeunes fragilise notre assise dmocratique et la cohsion nationale. Plus en aval, elle affecte la nature et les orientations des politiques publiques. Lorsquun pan entier de la socit ne participe pas assez aux dlibrations et aux dcisions politiques, le risque est que ses vues et ses intrts constitutifs de lintrt gnral ne soient pas pris en considration

    Mme si le phnomne abstentionniste concerne lensemble du corps lectoral, il savre plus aigu chez les jeunes. La pousse de labstention partir du dbut des annes 1980 (tendance confirme dans lensemble des pays dEurope occidentale) est particulirement vive chez les 18-24 ans4. Pour chaque lection, on constate un cart moyen de 10 % entre labstention des jeunes et labstention moyenne5. Cette donne structurelle varie nanmoins en fonction des scrutins : lacte de vote est exerc au gr

    (1) Muxel A. (2008), Abstention : dfaillance citoyenne ou expression dmocratique ? , Cahiers du Conseil constitutionnel, n 23 (Dossier : La citoyennet), fvrier. (2) Roudet B. (2009), Les jeunes Europens et les valeurs dmocratiques , op. cit. (3) Une trop faible participation lectorale des jeunes met en cause la reprsentativit du corps lectoral et par extension, celle des institutions dmocratiques. (4) Tournier V. (2009), Comment le vote vient aux jeunes. Lapprentissage de la norme lectorale , Agora dbats/jeunesses, 2009/1, n 51, p. 79-96. (5) Rapport denqute de lAnacej (2014), Les jeunes et le vote, op. cit.

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    des enjeux ressentis du moment1. Si llection prsidentielle parvient maintenir une participation plus leve parce quelle est perue comme un scrutin central, la tendance labstention se vrifie nettement pour les autres scrutins. Ainsi, prs de 66 % des 18-24 ans ne sont pas alls voter au premier tour des lections lgislatives de 2012, alors que pour lensemble de la population le taux dabstention tait de 42,8 %2. En outre, Anne Muxel souligne quau premier tour des deux dernires lections municipales (2008 et 2014), les 18-24 ans se sont galement abstenus dans une proportion nettement plus importante que leurs ans : le diffrentiel est de 20 points, avec un taux d'abstention de 57 % (contre 36,5 % pour lensemble de la population) 3. Paradoxa-lement, le fort attachement la construction et la citoyennet europennes4 ne se traduit pas par une participation forte aux lections europennes : 71 % des lycens et des tudiants se sont abstenus de voter aux lections europennes de 2014, contre 58 % pour lensemble des inscrits5.

    Les jeunes sont sans doute dabord insatisfaits par loffre politique, par le fonctionnement de la dmocratie et par le comportement du personnel politique, insatisfaction qui peut se traduire par un dsengagement, mme chez ceux qui sengagent dans dautres sphres. Ainsi, les volontaires du service civique ne font pas montre dun engagement politique (participation lectorale, militantisme, etc.) plus lev que la moyenne6.

    cette distance lgard de loffre et de la vie politique institutionnelle sajoute un autre dcalage7, entre lidal de vertu quest cens reprsenter lhomme politique et le manque de probit attach son image auprs des jeunes : 42 % des 18-25 ans ont une image ngative ou trs ngative des hommes politiques8.

    De ce point de vue, linstitution du vote obligatoire, parfois prsente comme un remde miracle contre labstention, ne rglerait pas le problme de dfiance vis--vis de loffre politique, bien au contraire. Elle serait particulirement mal ressentie, tant le vote est

    (1) Roudet B. (2012), La participation politique et associative des jeunes , INJEP, Les fiches Repres, juin, www.injep.fr/IMG/pdf/FR_Participation_02.pdf. (2) Sondage Premier tour des lections lgislatives : comprendre le vote des Franais , ralis par Ipsos/ Logica Business Consulting pour France Tlvisions, Radio France, Le Monde et Le Point, 10 juin 2012. (3) Anne Muxel in Le Monde, 28 mars 2014. (4) Rapport denqute de lAnacej (2014), op. cit. (5) Selon OpinionWay pour Le Figaro, dans Sociologie du vote aux lections europennes 2014 , 25 mai 2014. Les chiffres enregistrs par Ifop-Fiducial pour i-Tl, Paris Match et Sud radio, publis dans Sondage Jour du Vote : profil des lecteurs et clefs du scrutin europen. lections europennes, 25 mai 2014 sont sensiblement similaires, avec parmi les abstentionnistes 74 % des 18-24 ans, 72 % des 24-35 ans, soit 73 % des moins de 35 ans, et toujours 58 % dabstentionnistes pour lensemble des inscrits. (6) Entretien avec J.-B. Dujol, dlgu interministriel la Jeunesse, le 4 septembre 2014 ; voir tude de lAgence du service civique : Yvon C. (2014), Effets socialement diffrencis du service civique sur les jeunes volontaires. Analyses secondaires des donnes de lenqute TNS Sofres, Rapport de lINJEP, avril. (7) Rapport denqute de lAnacej (2014), op. cit. (8) Ibid.

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    conu par les jeunes comme une libert et un droit, non comme un devoir civique, une obligation morale. Les jeunes sont dailleurs majoritairement opposs une telle mesure, selon les enqutes dopinion.

    De la crise de confiance la radicalisation Selon les rsultats des enqutes sur les valeurs des Europens, les jeunes du nord de lEurope (Sude, Danemark, Pays-Bas, Allemagne) restent nettement moins absten-tionnistes que ceux du sud (Espagne, Portugal, Italie, Grce, France). Dans ce deuxime groupe de pays, la monte de mouvements protestataires (ptitions, manifestations, et un moindre degr, le boycott, la grve, loccupation de bureaux ou dusines) est le symptme des difficults aigus dinsertion sociale et de reconnaissance professionnelle auxquelles les jeunes sont confronts. Celles-ci nourrissent les sentiments de dfiance et dabandon qui animent beaucoup de jeunes. Mme si un mouvement comme celui des Indigns na pas eu de prise vritable sur la jeunesse en France1, les jeunes privilgient de plus en plus des formes de participation protestataire au dtriment du militantisme partisan traditionnel et de la participation lectorale2. Par exemple, les jeunes sont davantage attachs la manifestation que leurs ans. En 2008, 48 % des 18-29 ans avaient dj particip une manifestation autorise alors que les plus de 30 ans ntaient que 40 % dans ce cas. Labstentionnisme, la mfiance lgard des lites politiques et du systme partisan, le rejet des politiques gouvernementales les font ponctuellement basculer, de manire encore marginale, dans des formes dengagement radicales, extrmes.

    Cette tendance la radicalisation est trs marque dans la vie politique et lectorale. Ainsi, 44 % des 15-17 ans et 43 % des 18-25 ans seraient prts voter pour un parti situ aux extrmes de lchiquier politique3. Le Front national se rvle particulirement attractif : selon un sondage de mai 20154, 33 % des 18-24 ans se disent prts voter pour Marine Le Pen, contre 23 % des 50-64 ans et 13 % des plus de 65 ans. Prendre sa carte, sinvestir, voire devenir candidat au sein de ce parti ne relve plus du tabou. Plusieurs lments rendent aujourdhui le Front national attractif auprs des jeunes, ou du moins une partie dentre eux. Il sagit de jeunes arrivant sur le march du travail en temps de crise et qui sont inquiets quant leur avenir. Sociologiquement, llectorat du Front national est trs proche de llectorat abstentionniste. Rejetant la mondialisation et le cosmopolitisme, ces jeunes sont gnralement issus des catgories populaires, peu diplms et loigns des potentialits offertes par la culture ou encore le fait de parler une ou plusieurs langues trangres. Dfiants vis--vis des partis de gouvernement, ils peuvent tre attirs par les positions du FN5. En outre, le Front national entend

    (1) Dagnaud M. (2011), Pourquoi la jeunesse franaise ne sindigne pas , Slate, 22 octobre. (2) Roudet B. (2012), La participation politique et associative des jeunes, op. cit. (3) Rapport denqute de lAnacej (2014), op. cit. (4) Sondage OpinionWay pour Marianne. (5) Sylvain Crpon (2012), Enqute au cur du nouveau Front national, Paris, Nouveau Monde ditions.

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    FRANCE STRATGIE 21 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    aujourdhui incarner une certaine modernit qui parle la jeunesse1. Ainsi, les jeunes sont nombreux prendre en considration cette offre politique et les opportunits quouvre, pour eux, lengagement au sein de ce parti2 (opportunits illustres par le fait que les benjamins des deux assembles en sont issus). Le vote FN chez les jeunes ne cesse daugmenter. Au premier tour de llection prsidentielle de 2012, Marine Le Pen a obtenu 18 % des suffrages exprims chez les 18-24 ans et 20 % chez les 25-34 ans. Aux dernires lections europennes, les candidats du Rassemblement Bleu Marine sont arrivs en tte chez les moins de 35 ans, avec un score de 30 %3 . Le vote frontiste est donc surreprsent chez les jeunes. Ces chiffres sont nanmoins relativiser, car les trois quarts de cette tranche dge se sont abstenus.

    Une demande et un besoin insatisfaits des jeunes en matire dengagement Lengagement des jeunes a fait lobjet dune action publique aux niveaux national4 et europen (voir encadr). Inscrite dans le cadre plus global de la politique de la jeunesse, cette action vise fondamentalement amliorer lautonomie et linsertion sociale des jeunes, y compris par leur participation la vie de la cit.

    Laction publique europenne en faveur de lengagement et de la participation

    Suite la Convention de 2000 du Conseil de lEurope sur la promotion dun service volontaire transnational de longue dure pour les jeunes, et la rsolution du Conseil de lUnion europenne de 2002 sur la valeur ajoute des activits bnvoles dans le contexte de dveloppement de laction commu-nautaire en faveur des jeunes, lUnion europenne a mis en place de multiples programmes visant promouvoir lducation, lintgration et la citoyennet active des jeunes. La stratgie europenne de la jeunesse (2010-2018) invite aujourdhui les tats membres investir dans la jeunesse en encourageant cette dernire simpliquer activement dans la socit. La Mthode ouverte de

    (1) Ibid. (2) Boumaza M. (2004), Une approche gnrationnelle des jeunes militants frontistes , Temporalits, n 2, p. 60-79 ; Crpon S. (2006), La nouvelle extrme droite. Enqute sur les jeunes militants du Front national, Paris, LHarmattan ; Perrineau P. (2012), La renaissance lectorale de llectorat frontiste , Les lectorats politiques, CEVIPOF, n 5. (3) Sondage veille du vote - Ipsos/STERIA pour France Tlvisions, Radio France, Le Point, LCP Public Snat, France 24, 22-24 mai 2014. (4) En France, le Comit interministriel de la jeunesse (CIJ) qui sest runi le 21 fvrier 2013 a consacr la participation des jeunes la production des politiques publiques comme lun des axes prioritaires du Plan daction Priorit jeunesse dfini cette occasion.

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    FRANCE STRATGIE 22 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    coordination (MOC) dans le domaine de la jeunesse adopte en 2009 par le Conseil des ministres traite de tous les aspects relatifs lorientation des politiques de jeunesse des pays de lUE. Elle accorde une place importante aux questions dengagement et de participation, faisant mme de la participation [des jeunes] la vie de la socit un de ses principaux objectifs. L encore, lengagement ne se limite pas la participation lectorale, mais doit pouvoir sappuyer sur les organisations de jeunes, lesquelles, outre lducation la citoyennet, se voient accorder de nombreux autres rles : aide linsertion, contribution au dveloppement personnel et la formation, construction de liens de solidarit.

    Le dispositif European Voluntary Service (EVS)1, cr en 1996, par exemple, soutient la participation des jeunes de 17 30 ans dans des activits de bnvolat ou de volontariat, au sein de lUnion ou en dehors, mais dans tous les cas hors de leur pays de rsidence. Les jeunes sont logs, nourris, bnficient dune assurance et touchent de largent de poche. Une participation financire est galement accorde pour payer leur voyage. Les projets peuvent durer entre deux semaines et douze mois. Le dispositif se caractrise aussi par un programme de formation et dvaluation des jeunes avant, pendant et aprs leur exprience. Un certificat de participation et dacquisition de comptences, un youthpass , leur est donn aprs leur participation.

    Toutefois, si le soutien lengagement revt un rle central dans la construction de la politique de jeunesse, il demeure parcellaire, inachev et insatisfaisant au regard des attentes exprimes par les jeunes, dans un contexte de fragilisation du lien social quils ressentent fortement. Ainsi, selon le CREDOC, les moins de 30 ans soulignent les freins lengagement que constituent le manque de temps et la nature des opportunits offertes ; du reste, 46 % dentre eux se disent prts sinvestir pour une cause, contre 31 % des plus de 30 ans2. Les enqutes rcentes3 et les associations reprsentatives de la jeunesse rendent compte en effet de leur volont de bnficier de nouveaux droits et dispositifs au service de lengagement. Labsence de prise en compte, dans les parcours de formation et dinsertion professionnelle, de lexprience bnvole, et des comptences quelle permet dacqurir, en est une manifestation, de mme que la raret des reconnaissances symboliques de lengagement des jeunes. Le faible renouvellement des responsables politiques, syndicaux et associatifs suscite lui aussi, par exemple, de fortes dceptions.

    (1) https://europa.eu/youth/evs_database. (2) Enqute CREDOC (2015), Les jeunes investis dans la vie de la cit, rapport. (3) Enqute CREDOC (2015), op. cit.

  • Introduction

    FRANCE STRATGIE 23 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    Proportion de personnes se dclarant prtes sengager bnvolement ou donnant dj du temps bnvole

    Source : CREDOC, 2015

    Malgr une forte aspiration au changement, les Franais en gnral et les jeunes de moins de 30 ans en particulier se sentent majoritairement dmunis pour contribuer faire voluer la socit dans laquelle ils vivent. Les reprsentants des jeunes expriment la volont de voir mieux reconnatre lengagement de ces derniers et militent pour que soient consacrs de nouveaux droits et tendus des dispositifs dj existants1. Ainsi, le Forum franais de la jeunesse2 (FFJ) a soulign demble le double dficit de reconnaissance et de reprsentation des jeunes dans les instances et processus de dcision au sein des diffrentes sphres dengagement : politique, associative, syndicale3.

    (1) Il existe des valuations de dispositifs de reconnaissance ou de valorisation de lengagement des jeunes. Ainsi, le Fonds dexprimentation pour la jeunesse (FEJ) supervise lvaluation des projets expriments qui portent sur des incitations lengagement, sur laccompagnement des jeunes dans leurs actions, et sur la valorisation des comptences acquises loccasion dactions entreprises dans des cadres associatifs. Nanmoins, ces valuations sont peu connues et souvent peu prcises. (2) Cr en 2012, le FFJ est compos des principales organisations associatives, syndicales, politiques et mutualistes gres et animes par les jeunes. (3) Avis n 1 de juin 2012, avis n 2 de fvrier 2013 et avis n 4 de fvrier 2014.

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    FRANCE STRATGIE 24 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    Objet et mthodologie Ce rapport sappuie sur un ensemble de travaux de recherche, sur une srie dentretiens et dauditions mens auprs dassociations reprsentatives et dacteurs de la politique de la jeunesse, ainsi que sur les rponses un questionnaire adress aux sections jeunes des partis politiques1. Il vise proposer des pistes de rflexion et des solutions en vue de mieux reconnatre, valoriser et encourager lengagement des jeunes de 16 30 ans.

    Le constat dress appelle en effet une raction politique forte pour rpondre linsuffi-sance et linadaptation de loffre existante en matire de dispositifs dengagement. Les jeunes sont galement dans lattente dune meilleure reconnaissance de leur(s) pratique(s) dengagement(s), que ce soit dans le bnvolat ou le volontariat classique, ou sous des modalits moins formelles ou plus innovantes. Ils plbiscitent des cadres mieux adapts leurs aspirations et leurs modes daction, et souhaitent conjointement que les organismes de dlibration et de dcision, dans le monde politique, syndical et associatif, leur fassent davantage de place, les considrent capables dassumer et dexercer des responsabilits. Il sagit ainsi de renouer ou de restaurer la confiance entre la jeunesse, dun ct, et le reste de la population et les pouvoirs publics, de lautre. Il faut rpondre laspiration des jeunes faire pleinement partie de la communaut nationale.

    Ces enjeux intimement lis la vie sociale et dmocratique du pays justifient que soit dploye une action publique portant spcifiquement sur lengagement des jeunes, conu comme un levier de la cohsion sociale et nationale.

    Cest pourquoi il est de lintrt des jeunes comme de la collectivit dans son ensemble de renforcer les effets et de librer les potentialits de lengagement des jeunes. Ce rapport propose trois orientations pour guider laction publique en ce sens :

    faciliter la socialisation et la pratique mme de lengagement des jeunes ; reconnatre et valoriser cet engagement ; encourager lengagement des jeunes dans les processus de dcision. Lensemble des mesures dclines partir de ces trois axes forment un tout cohrent, dont la combinaison ne pourra que renforcer la porte.

    Laction publique en faveur de lengagement des jeunes suppose que soient articuls deux niveaux dintervention : des mesures dordre structurel, visant favoriser la participation de tous les citoyens, quel que soit leur ge, la vie sociale et dmocratique du pays, et des mesures ciblant les jeunes, pour rpondre aux obstacles spcifiques

    (1) Voir annexes.

  • Introduction

    FRANCE STRATGIE 25 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    leur engagement. Au-del de sa dimension mthodologique, cette articulation souligne combien la frontire entre la catgorie dite des jeunes et le reste du corps social est relativiser : bien que leur situation soit particulire, les jeunes ne font pas moins partie dune mme communaut nationale, o lengagement des uns et des autres contribue in fine dfinir un destin commun.

  • FRANCE STRATGIE 27 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    VINGT-CINQ MESURES

    EN FAVEUR DE LENGAGEMENT DES JEUNES

    Mesure 1 Socialiser les lves lengagement via des projets au service de lintrt gnral.

    Mesure 2 Gnraliser le tutorat scolaire ds le lyce (gnral, technologique et professionnel).

    Mesure 3 Instaurer des journes portes ouvertes aux associations dans les collges et les lyces.

    Mesure 4 Dvelopper la culture et les pratiques dmocratiques des lycens.

    Mesure 5 Dvelopper le recours aux TIC dans le cadre de la socialisation politique des jeunes.

    Mesure 6 Tirer au sort les dlgus pour la vie lycenne et leur donner les moyens dassurer leur mission.

    Mesure 7 Rapprocher les bureaux de vote des lieux de vie effectifs des jeunes.

    Mesure 8 Lancer un dbat national sur labaissement de lge du droit de vote 16 ans.

    Mesure 9 Faciliter lengagement bnvole des tudiants.

    Mesure 10 Instituer une crmonie loccasion du premier vote.

    Mesure 11 Crer le prix du meilleur site ou blog de veille dmocratique, gr par un jeune de moins de 25 ans.

    Mesure 12 Rcompenser, par un dispositif daccompagnement, les engagements bnvoles des jeunes.

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    FRANCE STRATGIE 28 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    Mesure 13 Revoir les conditions dattribution de la lgion dhonneur et de la mdaille dhonneur du bnvolat associatif

    Mesure 14 Systmatiser la dlivrance dattestations pour les bnvoles et inciter les jeunes valoriser leur exprience de bnvolat.

    Mesure 15 Instaurer une note bnvolat pour lobtention du brevet, du baccalaurat, du CAP et du BEP.

    Mesure 16 tendre loctroi de crdits ECTS tous les tudiants bnvoles.

    Mesure 17 Promouvoir le CV par comptences et valoriser auprs des employeurs le bnvolat de comptence.

    Mesure 18 Accorder des points supplmentaires pour ladmissibilit aux candidats la fonction publique.

    Mesure 19 Inciter les partis investir de jeunes candidats aux lections.

    Mesure 20 Renforcer la participation des jeunes au sein des structures de concertation.

    Mesure 21 Promouvoir le rajeunissement des institutions dmocratiques.

    Mesure 22 Favoriser la nomination de jeunes aux fonctions de direction des structures associatives et syndicales.

    Mesure 23 Supprimer lobligation dautorisation du reprsentant lgal pour les jeunes de 16 18 ans souhaitant crer une association loi 1901.

    Mesure 24 Crer une dlgation (inter)parlementaire pour la jeunesse.

    Mesure 25 Instituer un Parlement national des jeunes tir au sort.

  • FRANCE STRATGIE 29 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    PARTIE 1 FAVORISER LA SOCIALISATION

    ET LA PRATIQUE DE LENGAGEMENT DES JEUNES

    Les processus de socialisation et dengagement se nourrissent mutuellement. Suivant un mouvement circulaire, la dynamique de socialisation au sein de la famille, de lcole et des groupes de pairs prpare et favorise lacte dengagement, qui, son tour, renforce la socialisation de lindividu1.

    Lengagement associatif est marqu par une forte reproduction sociale. Les adolescents qui ont grandi dans une famille elle-mme sensibilise au bnvolat sont ainsi plus impliqus dans les associations : en 2010, 49 % des Franais de 15 18 ans dont les parents pratiquaient une activit bnvole faisaient de mme, contre 27,7 % pour les autres2.

    Lorigine socioconomique, le capital culturel et le niveau dinsertion dans la socit (diplme obtenu, accs un emploi stable, un logement, etc.) psent aussi sur lengagement civique et la pratique du vote3. La socialisation politique est dautant plus dcisive que les premires expriences de vote sont cruciales : elles crent des pratiques qui sinstaurent dans la dure4. Or aujourdhui le phnomne abstentionniste est particulirement marqu chez les moins de 25 ans. Celui-ci est le signe dune

    (1) Roudet B. (dir.) (2004), Sociabilits juvniles et construction de soi , Cahiers de laction, n 35, INJEP ; Cicelli V. et Germain V. (2014), La jeunesse franaise : paradoxes et polarisations au pluriel , SMP, vol. 5, n 10, Firenze University Press, p. 87-106. Certains dispositifs uvrent la fois la socialisation et lengagement des jeunes, comme celui de lassociation Impulsion 75 qui, par une charte des droits et des devoirs rciproques, permet de jeunes dcrocheurs franciliens de moins de 25 ans de participer des activits ducatives et sportives collectives, afin de rompre avec lchec. (2) Prouteau L. (2011), op. cit. Voir aussi Simonet M. (2010), Le travail bnvole. Engagement citoyen ou travail gratuit ?, Paris, La Dispute. (3) Voir Dormagen J.-Y. et Braconnier C. (2007), La Dmocratie de labstention. Aux origines de la dmobilisation lectorale en milieu populaire, Paris, Gallimard. (4) Ainsi, la non-inscription sur les listes lectorales et labstention lors des premiers scrutins psent fortement sur le comportement futur. Bruter M. et Harrison S. (2009) The Future of Our democracies? Young Party Members in 6 European Democracies, Palgrave Macmillan, Basingstoke, UK.

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    FRANCE STRATGIE 30 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    dsacralisation du devoir civique, voire dune rupture de confiance lgard des acteurs de la vie politique. Ainsi, selon lenqute de lAnacej1, les trois principales causes de labstention des jeunes de 18 25 ans sont : les mensonges des candidats, le fait que les campagnes ignorent les proccupations relles des jeunes, et la malhonntet des politiques. Cette image dgrade des hommes politiques se retrouve dans lensemble de la population2.

    La moralisation de la vie politique

    La moralisation de la vie politique et lexemplarit de ses acteurs sont essentielles pour renouer la confiance entre les jeunes et les responsables politiques. cet gard, si les lois doctobre 2013 relatives la transparence de la vie publique ont constitu un pas en avant significatif, ladoption de nouvelles rgles de comportement constitutives de prescriptions et dinterdictions savre ncessaire. Parmi les mesures envisageables, il conviendrait de dvelopper le contrle a priori (pour prvenir les manquements) et a posteriori (pour sanctionner les manquements) sur la probit des responsables politiques3. En effet, une exigence particulire existe quant la probit des responsables politiques en matire fiscale : on attend lgitimement des membres du gouvernement comme des parlementaires quils soient exemplaires sur ce plan. Lexigence dexemplarit devrait sappliquer galement aux candidats des fonctions lectives nationales. Les conditions dligibilit et les modalits de linligibilit seraient ainsi appeles se renforcer.

    Par ailleurs, le comportement individuel des responsables politiques qui enfreignent les rgles de droit ou dontologiques devrait connatre un rgime de sanction plus strict ou svre. Si la possibilit dune suspension temporaire est dj prvue (mais rarement applique) par les rglements des deux assembles parlementaires, ces textes pourraient tendre le champ dapplication des cas de dchance de mandat ou de dmission doffice travers la reconnaissance

    (1) Rapport denqute de lAnacej (2014), op. cit. (2) Selon un sondage BVA ralis pour i-Tl-CQFD et Le Parisien publi en mars 2014, 69 % des interrogs estiment que les personnalits politiques sont le plus souvent corrompues. Ils sont une minorit (29 %) considrer que les personnalits politiques corrompues ne reprsentent que des cas isols. Le sentiment que les responsables politiques ne tiennent pas compte des proccupations des gens est aussi trs rpandu dans lensemble de la population. En effet, selon lenqute CEVIPOF de fvrier 2015 (vague 6bis), 85 % des personnes interroges considrent que les responsables politiques ne se proccupent pas ou peu de ce quelles pensent. (3) Voir Nadal J.-L. (2015), Renouer la confiance publique, Rapport au prsident de la Rpublique sur lexemplarit des responsables publics, Paris, La Documentation franaise.

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    de lengagement des jeunes

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    dhypothses de rvocation ou de mcanismes permettant de dchoir des parlementaires jugs coupables de crimes ou de dlits graves, tels que la fraude fiscale1. Pour les lus locaux (conseillers municipaux, dpartementaux et rgionaux), lorgane dlibrant dont ils sont membres pourrait dcider la suspension, voire la destitution, de tout membre ayant manqu la probit. Les condamnations pour atteinte la probit devraient en outre tre automatiquement assorties de peines dinligibilit.

    Un dficit de confiance caractrise galement les rapports entre les jeunes et les syndicats : seuls 20 % des 18-24 ans ont assez confiance dans les syndicats (et aucun ne dit avoir trs confiance ), alors que 27 % de lensemble de la population a trs confiance ou assez confiance en eux2.

    La notion de citoyennet active fait directement rfrence une participation pleine et entire du citoyen la vie en socit, mais aussi sa (mise en) capacit le faire. Il sagit donc de crer les conditions sociales et culturelles qui favorisent cette pleine participation (empowerment).

    1. Socialisation lengagement Longtemps mal perue, la politisation des jeunes est au contraire un signe de bonne sant dmocratique. Il ne sagit pas didentifier une solution miracle pour consolider leur engagement civique et politique, mais de prfrer aux discours injonctifs des dispositifs dincitation, adapts aux dfis actuels et impliquant les acteurs scolaires et politiques. Les tablissements scolaires et denseignement suprieur, qui jouent aprs la famille un rle essentiel dans la socialisation (y compris politique) des jeunes, sont un cadre adapt pour transmettre des connaissances et des expriences susceptibles de dvelopper la volont de sengager. La fabrique du citoyen , lapprentissage de la citoyennet, dans leur acception large, doivent sinscrire dans des projets ducatifs. Il ne sagit pas seulement dinculquer les valeurs de la Rpublique, mais de les mettre en pratique pour constituer un sentiment de comptence3, dterminant en vue de lengagement citoyen et politique, en gnral, et de la participation lectorale, en particulier. Enfin, le recours aux TIC peut jouer un rle actif dans cette fonction de socialisation.

    (1) Voir ce sujet la proposition de loi organique du snateur (UMP) Bruno Retailleau, renforant les sanctions en cas de fraude fiscale commise par un parlementaire, dpose le 10 octobre 2014. (2) Sondage CSA/LHumanit ralis par internet les 23 et 24 avril 2013. (3) Gaxie D. (1978), Le Cens cach. Ingalits culturelles et sgrgation politique, Paris, Seuil.

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    FRANCE STRATGIE 32 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    Aux Pays-Bas, lencouragement au bnvolat sinscrit dans une culture de participation sociale de la jeunesse

    Dans certains pays dEurope du Nord, le bnvolat est obligatoire au cours de la scolarit. Aux Pays-Bas, o lengagement bnvole des jeunes est le plus rpandu en Europe (plus de 40 % des 18-24 ans sont concerns, surtout dans le sport ou la culture), cest le cas ds lenseignement secondaire. Le nombre dheures de temps libre des collgiens et lycens est trs lev (il est valu 40 heures par semaine en moyenne) et il est culturellement admis que ce temps doit tre pass en dehors de la cellule familiale. Les deux tiers des enfants participent des activits de club aprs lcole, notamment sportives, et les adolescents sont vivement encourags faire montre de leur implication dans la socit. Ces activits prennent place dans de nombreux programmes de participation des jeunes la vie de la cit : engagement dmocratique, accs progressif la citoyennet, prvention de la violence et de la dlinquance, etc.

    Municipalit de Capelle aux Pays-Bas : lengagement citoyen ds le plus jeune ge dans le cadre dune politique globale de la jeunesse au niveau local

    En 2011, la ville de Capelle1, qui compte prs de 70 000 habitants, a remport le Young Local Award, rcompensant sa politique positive en faveur de la jeunesse. Afin de lutter contre les graffitis sauvages, elle a ainsi responsabilis les jeunes grapheurs en leur ddiant quatre espaces dexpression et en les associant au choix de ces lieux. La municipalit est galement active en matire dengagement citoyen : le conseil municipal des jeunes regroupe 25 adolescents et adultes de 12 23 ans, dorigines et de quartiers trs divers. Il est, de lavis mme de ses membres, trs souvent consult par les autorits. Il reoit 75 000 euros par an pour son fonctionnement et dispose dun assistant administratif. Le projet dun conseil municipal des enfants est ltude. Par ailleurs, coliers et enseignants sont rgulirement convis la mairie pour des confrences sur la dmocratie locale. Un maire des enfants , choisi par ces derniers, participe aux crmonies officielles aux cts du maire de la ville. Un autre dispositif mis en place Capelle consiste rendre des jeunes de 17 et 18 ans acteurs de sessions dinformation sur les grossesses non dsires, labus dalcool et la violence domestique. Dautres jouent, aprs une session de formation, un rle de mdiateur dans les collges et lyces contre le harclement entre lves.

    1 Netherlands Jeugg Instituut (2015), Rapport Including all Children and Young People.

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    Mesure 1 Socialiser les lves lengagement via des projets

    au service de lintrt gnral

    La loi du 8 juillet 2013 dorientation et de programmation pour la refondation de lcole de la Rpublique dispose que pour devenir de jeunes citoyens, les lves doivent apprendre les principes de la vie dmocratique et acqurir des comptences civiques grce aux enseignements dispenss et par la participation aux instances reprsentatives et/ou la vie associative des coles et des tablissements 1. Les programmes denseignement moral et civique, qui entreront en vigueur la rentre scolaire 2015, reprsentent un vecteur dapprentissage de la morale civique et du devoir lectoral remobiliser. Ils gagneraient se doter dune dimension concrte , vivante , en tant notamment plus en prise avec lactualit politique. Il importe donc de mettre en pratique2 ces enseignements sur la cohsion sociale, par exemple via les approches transdisciplinaires. De tels dispositifs pourraient sincarner par la mise en place, dans chaque collge, lyce gnral, technologique et professionnel, dune activit denga-gement au service de lintrt gnral de tous les lves, qui donnerait lieu une valuation. Faire travailler systmatiquement ensemble, sur un projet, un collge de lducation prioritaire et un collge situ hors de lducation prioritaire, une cole urbaine et une cole rurale, par exemple, nourrirait la coopration entre territoires et la rencontre de jeunes dorigines sociales et culturelles diffrentes. La dimension territoriale de ces projets apparat en effet cruciale.

    Mesure 2 Gnraliser le tutorat scolaire ds le lyce (gnral, technologique

    et professionnel)

    Lentraide des lves nest que peu encourage, et au cas par cas. Laccompagnement, par chaque jeune, dun lve scolaris dans une classe de niveau infrieur (aide aux devoirs, intgration dans ltablissement, etc.), sur le modle du tutorat luniversit, pourrait tre systmatiquement propos ds le lyce (gnral, techno-logique et professionnel), et donnerait lieu des points supplmentaires dans le contrle continu.

    (1) Loi 2013-595 du 8 juillet 2013. Rapport annex. (2) Voir les prconisations de la Commission enfance et adolescence, France Stratgie (2015, rapport paratre).

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    FRANCE STRATGIE 34 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    Mesure 3 Instaurer des journes portes ouvertes aux associations

    dans les collges et les lyces

    Lcole reste trs fortement coupe des autres sphres de vie juvniles, notamment de celle des loisirs, et ce cloisonnement doit tre questionn alors que nous vivons et les jeunes gnrations vivront plus encore dans une socit ouverte et ultra-connecte. Afin de faire connatre tous les lycens le monde associatif et la diversit de ses missions, mais aussi de ses publics bnficiaires, des journes portes ouvertes aux associations pourraient tre organises dans tous les collges et les lyces. Ces journes sinscriraient dans le cadre de la semaine nationale pour lengagement . De leur ct, les responsables associatifs seraient ainsi sensibiliss au fait quil est de leur intrt de prendre des jeunes en stage, ds la classe de troisime, car ils constituent un vivier potentiel de bnvoles, voire de salaris par la suite.

    Mesure 4 Dvelopper la culture et les pratiques dmocratiques des lycens

    Il importe que le lyce soit un cadre privilgi o les jeunes apprhendent le dbat dmocratique, interactif et contradictoire, limage de ce que pratiquent plusieurs pays trangers. En Norvge, des dbats sont organiss de faon systmatique dans les lyces avant les lections, avec des reprsentants des organisations de jeunesse des partis. Des groupes de discussion politique existent aussi dans les tablissements scolaires de Finlande, qui nourrissent les dbats du Parlement des jeunes. Au Qubec, le dispositif des lecteurs en herbe consiste en lorganisation dune lection parallle llection nationale, et en la prparation de discussions collectives au sein des lyces. Les mdias rendent comptent des rsultats de ces lections.

    Des pratiques similaires mriteraient dtre exprimentes en France, dautant que ltude conduite par lAnacej montre que plus de 55 % des jeunes y sont favorables, parmi les 15-17 ans comme les 18-25 ans. De plus, les lyces pourraient souvrir aux responsables politiques de tous niveaux, afin quils expliquent le quotidien de leur action politique, le fonctionnement pratique des institutions (locales, nationales, europennes). Les jeunes doivent aussi tre en mesure daller la rencontre de ces acteurs et institutions politiques pour mieux connatre la ralit de leurs missions. De telles expriences pourraient contribuer dconstruire nombre de prjugs sur la vie politique et tablir une proximit entre le jeune citoyen et le systme dmocratique.

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    de lengagement des jeunes

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    Mesure 5 Dvelopper le recours aux TIC dans le cadre de la socialisation

    politique des jeunes

    Dans leurs relations avec les administrs et les citoyens, les administrations et le Parlement recourent de plus en plus loutil numrique, peru comme un moyen dencourager la transparence sur les dlibrations politiques et de renouer la confiance. Cette tendance relativement rcente mrite dtre approfondie, en direction en particulier des jeunes. Les TIC offrent en effet lopportunit de nouer un lien plus direct entre les jeunes et les institutions, de crer un nouveau cadre de socialisation (et, terme, de participation) politique des jeunes.

    Lexprience DemocraTweet en Tunisie

    En Tunisie, le Programme des Nations unies pour le dveloppement (PNUD) a utilis une varit doutils innovants pour atteindre les jeunes avant les lections de lAssemble constituante de 2011.

    Une chanson lectorale, Enti Essout ( Vous tes la voix ) est ainsi devenue lhymne des lections , avec plus de 100 000 tlchargements gratuits (www.youtube.com/watch?v=nMEi9Dnn_sI&feature=context-cha).

    DemocraTweet tait un jeu dducation des lecteurs visant mobiliser les jeunes en partenariat avec la principale station de radio de Tunisie, Radio Mosaque FM. 10 000 personnes y ont jou en trois semaines. Trois campagnes dducation des lecteurs taient centres sur lenregistrement, linscription tardive des lecteurs et la mobilisation des lecteurs, avec des messages mdiatiques et des affiches. La connaissance des jeunes sur le processus lectoral a augment. Le taux de participation a t lev (76 % des 4,1 millions de Tunisiens inscrits).

    Source : www.undp.org/content/undp/fr/home/ourwork/democraticgovernance/successstories/supporting-democratic-elections-tunisia/

    Nanmoins, la dmocratie lectronique exige ducation et formation. Il est donc ncessaire de veiller former les plus jeunes lapprentissage dutilisations spcifiques des TIC1. Ainsi, afin daider les collgiens, les lycens et les tudiants nourrir leur

    (1) Conseil de lEurope, La dmocratie lectronique, Recommandation CM/Rec(2009)1 adopte par le Comit des ministres le 18 fvrier 2009, http://book.coe.int, ditions du Conseil de lEurope, p. 19. Le Conseil de lEurope reconnat, propos des TIC, quil y aura ceux qui ne savent pas, mais veulent les utiliser et dautres qui savent, mais ne veulent pas les utiliser , pour qui il faudra peut-tre prvoir une aide personnalise et des dispositions particulires.

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    FRANCE STRATGIE 36 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    capacit critique et leur regard citoyen, lacquisition de comptences numriques ( digital literacies ), prvue dans les nouveaux programmes, pourrait permettre dapprendre slectionner, hirarchiser et sapproprier de linformation sur les mdias lectroniques. Des outils comme les Voting Advice Applications (censs aider les jeunes se situer sur lchiquier politique et dans le systme des partis) prsentent ici lintrt dtre un objet la fois pdagogique et danalyse critique1.

    Application allemande de conseils lectoraux Wahl-o-mat

    En Allemagne, des applications de conseils lectoraux en ligne existent pour informer les citoyens sur les valeurs et les programmes des partis politiques. LAgence fdrale de lducation civique aide les citoyens identifier quel parti politique correspond le mieux leurs prfrences. Un questionnaire standardis est envoy tous les partis. Une application en ligne permet aux lecteurs de rpondre aux mmes questions que les partis politiques. Lapplication calcule ensuite quel parti politique est le plus proche des prfrences de llecteur et fournit des complments dinformation. Aux lections nationales allemandes de 2009, lapplication de conseils lectoraux Wahl-o-mat a t utilise 6,7 millions de fois. Plus dun tiers des utilisateurs avaient moins de 30 ans.

    Source : www.bpb.de/methodik/KZ6IKY,0,Fakten_zum_WahlOMat.html

    Mesure 6 Tirer au sort les dlgus pour la vie lycenne et leur donner

    les moyens dassurer leur mission

    Les conseils des dlgus pour la vie lycenne (CVL)2 ne sont pas systmatiquement mis en place ou nont pas toujours les moyens de fonctionner3. Il importe de veiller leur effectivit. Soit ils peinent recruter, soit ce sont uniquement les lycens les plus (1) Cedroni L. et Garzia D. (d.) (2010), Voting Advice Applications in Europe; The State of the Art, ScriptaWeb, Naples. (2) Crs en 1998, les conseils des dlgus pour la vie lycenne sont composs de dix lycens lus pour deux ans par les autres lves, de cinq enseignants ou personnels dducation, de trois personnels administratifs et de deux reprsentants des parents dlves. Ils doivent officiellement tre consults, notamment, sur lorganisation des tudes et du temps scolaire, sur le travail personnel et le soutien des lves ou leur orientation. Il en va de mme pour lhygine, la scurit et les activits sportives, culturelles et priscolaires. Le prsident du CVL est le chef dtablissement. Le vice-prsident (un lu lycen) est membre de droit du conseil dadministration (CA) du lyce o il prsente ses travaux. Le CVL doit tre runi avant chaque sance du CA. Voir Becquet V. (2002), Mise en place et fonctionnement des conseils de la vie lycenne, DESCO, ministre de la Jeunesse, de lducation nationale et de la Recherche ; Condette S. (2003), Les nouveaux droits des lycens : de la loi la mise en uvre , in Henaff G. et Merle P. (dir.), Le droit et lcole. De la rgle aux pratiques, Presses universitaires de Rennes. (3) Comme nous lont confirm les auditions (liste en annexe 2).

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    de lengagement des jeunes

    FRANCE STRATGIE 37 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    intgrs scolairement, ceux qui ont les meilleurs rsultats, qui candidatent, or ils ne sont pas reprsentatifs de lensemble des lves. Remplacer llection par les pairs par un tirage au sort garantirait une rotation minimale des lycens au sein des CVL. Cette mesure devrait saccompagner dune formation la prise de parole et pourrait sinscrire dans les projets pdagogiques sur lengagement citoyen et linstruction civique. Une valuation de lexprimentation des conseils de dlgus pour la vie collgienne, dbute en 2014, devrait galement tre ralise.

    2. Pratique de lengagement Pour rsorber le dcalage entre les aspirations des jeunes et les cadres qui leur sont aujourdhui offerts, il convient de faciliter le passage lacte dengagement. Comment ? En levant les obstacles qui se dressent tant pour lexercice du droit de vote que pour lengagement bnvole. Les associations peinent recruter des bnvoles, qui sont essentiels au fonctionnement de certains secteurs (culture, sport, social). Il est donc important de crer des parcours dengagement ds ladolescence pour fidliser les bnvoles et simplifier lentre des jeunes dans le monde associatif, notamment au titre du bnvolat et du volontariat. Il sagit notamment damliorer laccs linformation sur les offres existantes et doffrir la possibilit de dcouvrir et dexprimenter cette forme dengagement.

    Mesure 7 Rapprocher les bureaux de vote des lieux de vie effectifs des jeunes

    Si lacte de vote doit demeurer volontaire, son exercice devrait tre facilit. Il conviendrait de simplifier et dassouplir les dmarches administratives lies linscription ou la mauvaise inscription sur les listes lectorales.

    Certes, la loi du 10 novembre 19971 prvoit une inscription automatique pour les jeunes de 18 ans. Toutefois, cette avance ne permet pas datteindre un taux dinscription de 100 % cet ge, notamment dans le cas o le jeune a dmnag aprs les Journes Dfense et citoyennet (JDC) et que sa nouvelle adresse na pas t retrouve. Plus largement, les jeunes rencontrent des difficults spcifiques pour exercer leur droit de vote, par exemple lorsquils sont amens quitter leur commune dorigine (pour leurs tudes notamment), tout en restant inscrits sur les listes lectorales.

    Il serait ainsi utile dexprimenter limplantation de bureaux dinscription, mais aussi de bureaux de vote, dans certains lieux de vie des jeunes : lyces, universits, Maisons des Jeunes et de la Culture, etc., Plus largement, il faudrait tudier la possibilit de

    (1) Loi n 97-1027 du 10 novembre 1997 relative linscription doffice des personnes ges de 18 ans sur les listes lectorales, JORF n 262 du 11 novembre 1997, p. 16389.

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    FRANCE STRATGIE 38 JUIN 2015 www.strategie.gouv.fr

    reconnatre aux jeunes le droit de voter dans des bureaux de vote situs dans la commune de leur lieu dtude, de stage ou dapprentissage.

    Mesure 8 Lancer un dbat national sur labaissement de lge du droit de vote 16 ans

    La loi du 5 juillet 1974 a baiss lge dexercice du droit de vote 18 ans, au lieu de 21 ans. Selon un rapport de lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope de mars 2011, la majorit lectorale stablit 18 ans dans la plupart des pays europens. LAutriche est une exception, tous les jeunes pouvant y voter partir de 16 ans depuis 2007. Depuis 1995, cinq Lnder allemands ont abaiss le droit de vote 16 ans pour les lections municipales.

    Dans une socit o le vieillissement de la population se rpercute sur le corps lectoral, lhypothse dabaisser lge de reconnaissance du droit de vote mrite dtre dbattue. Dun ct, une telle mesure ne fait pas lobjet dune relle demande de la part des jeunes1. De plus, le poids de lenvironnement familial dans la socialisation politique des jeunes risque daboutir un comportement lectoral mimtique. De lautre, il ny pas de limite dge maximum pour lexercice des droits politiques. Cet lment, conjugu au vieillissement du corps social, pse in fine sur la part des jeunes dans le corps lectoral. En outre, contrairement aux 18-20 ans qui doivent souvent quitter le foyer familial pour suivre des tudes ou chercher un premier emploi, les jeunes gs de 16 ans vivent une priode de stabilit sociale propice lengagement civique et lexercice dun premier acte de vote, crucial pour lacculturation de cette pratique. Enfin, comme le montrent les expriences ltranger, le droit de vote 16 ans a une influence trs positive tant sur le taux de participation que sur la satisfaction dmocratique des jeunes2.

    Mesure 9 Faciliter lengagement bnvole des tudiants

    Dune part, il sagirait de permettre tous les tudiants de faire du bnvolat durant une anne de csure au sein dune association dintrt gnral. Comme la souhait le prsident de la Rpublique lors dun discours prononc le 6 mai 2015 au CESE, laccs une anne de csure devrait tre possible pour tous les tudiants qui le souhaitent, dans tous les tablissements publics denseignement suprieur. Cette possibilit devrait notamment saccompagner dun maintien de linscription dans ltablissement et dune couverture sociale associe. Dans certains pays comme le Danemark, lanne de csure est valorise ; elle permet de gagner des points pour entrer luniversit. Selon une

    (1) Rapport denqute de lAnacej (2014), op. cit. (2) Ibid.

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    de lengagement des jeunes

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    enqute parue en avril 20151, 15 % des tudiants de 18-24 ans luniversit ont dj pris une anne de csure (pour travailler, faire un stage, partir ltranger ou raliser un projet personnel), contre 22 % des tudiants des grandes coles soit 50 % de plus. En outre, 49 % de ceux qui ne lont jamais fait souhaiteraient avoir cette possibilit, et, parmi eux, un sur cinq en profiterait pour faire du bnvolat ou une mission de service civique.

    Dautre part, il conviendrait damnager le cursus et de mettre disposition des infrastructures pour les tudiants bnvoles. La reconnaissance dun statut dtudiant bnvole dans les universits, comme il existe un statut dtudiant sportif de haut niveau ou dtudiant entrepreneur, permettrait doctroyer un certain nombre davantages pratiques, comme une dispense partielle dassiduit. De plus, la mise disposition de salles pour organiser des runions et des confrences en lien avec les projets bnvoles devrait tre rendue possible dans chaque tablissement public denseignement suprieur.

    (1) Viavoice (2015), Anne de csure. tat des lieux et perceptions , enqute ralise pour Animafac.

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    PARTIE 2 RECONNATRE ET VALORISER LENGAGEMENT DES JEUNES

    Les consultations menes dans le cadre de ce rapport1 et un certain nombre denqutes2 ont permis de pointer le sentiment de manque de reconnaissance dont souffre lengagement des jeunes. Or les jeunes sengagent, diffrents niveaux, mais le vote, le bnvolat, le volontariat, en particulier, ne sont pas assez valoriss par la socit et par les autorits publiques. Ds lors, une attente lgitime sexprime en la matire, au regard de lapport des diffrentes formes dengagement des jeunes la cohsion nationale et la production de richesse du pays3.

    La dmocratie tire sa lgitimit des citoyens constitus collectivement en peuple souverain. Les jeunes citoyens s