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Les prismes de lecture procédures et processus pour regarder autrement Arthur Clauss ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE LA VILLE & DES TERRITOIRES A MARNE-LA-VALLEE DOCUMENT SOUMIS AU DROIT D’AUTEUR

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Les prismes de lecture– procédures et processus pour regarder autrement –

Couverture : Pink Floyd, The Dark Side Of The MoonEMI Records Lttd. Quadraphinic, Abbey Road Studio London

1972 - 1973

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Mémoire

École Nationale Supérieure d’Architecture de la Ville et des Territoires à Marne-la-Vallée

Janvier 2013

Jacques Lucan, Benjamin Persitz

Arthur Clauss

Les prismes de lecture- procédures et processus pour regarder autrement -

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Regarder autrement c’est étendre, décentrer et surtout repenser notre regard aux choses. Cela permet à toute action de prolonger et d’enrichir notre connaissance de la réalité

Antoine Collet et Arthur Clauss

Regarder Autrement

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L’Architecture d’Aujourd’hui : Regarder autrement, est-ce chez vous le fruit d’une réflexion ?Rem Koolhaas : Non c’est un véritable instinct, c’est tout à fait inconscient.

La deuxieme chance de l’architecture moderne, Entrtien avec Rem Kooolhaas, L’achitecture d’aujourd’hui, n°238, avril 1985.

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Avant-propos

A la question  : «Regarder autrement, est-ce chez vous le fruit d’un réflexion» l’architecte hollandais Rem Koolhaas répondait : «Non c’est un véritable instinct, c’est tout à fait inconscient».J’aimerais montrer, plus généralement, que le regard autre, ou regarder autrement, peut être le résultat d’une démarche - une démarche quasi scientifique au dela de l’instinct qui pourrait se théoriser.Jusqu’à maintenant j’ai pu distinguer deux manières d’opérer le regard autre.La première, la plus vaste, s’image dans un mouvement  ; elle consiste à se décaler, à déplacer son regard pour mieux le repenser, pour obtenir de nouvelles interprétions. Cette méthode touche à l’immense domaine de la perception.La seconde, la plus restreinte, consiste à placer un intermédiaire – un élément, un objet, un médium – entre notre vision et ce que l’on observe.Ce mémoire traite de cette seconde démarche.

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De nombreux objets ou systèmes peuvent prétendre au rôle d’intermédiaire entre notre regard et ce que nous observons : les lunettes, les loupes, les filtres… tous en font partie. Trouver un médium capable de dépasser la simple retranscription et de don-ner une nouvelle interprétation de ce l’on observe est quelque chose de plus complexe.Il existe pourtant dans le domaine de la physique un objet capable d’illustrer concrètement la seconde démarche du regard autre.Cet objet c’est le prisme.En physique un prisme est un élément optique à base triangulaire constitué de verre ou de plexiglas. Si un rayon lumineux (autre-ment dit une onde) est projeté au travers de cet objet on observe une déviation de la trajectoire de ce rayon.La lumière blanche est composée de plusieurs ondes ‘mélangées’. Lorsqu’un rayon de lumière blanche traverse un prisme les tra-jectoires des ondes qui la composent sont toutes déviées selon un angle différent. Un spectre de couleur apparaît à la sortie du prisme (fig. 1).Ce qui entre dans le prisme n’est pas équivalent visuellement à ce qui en ressort, pourtant la lumière n’a subi aucune modification de son ADN: que l’on perçoive un faisceaux blanc ou un spectre coloré, cela reste la définition de la lumière blanche. Le prisme est un médium dont les propriétés permettent d’obte-nir d’une et même chose deux interprétations possibles, autre-ment dit d’obtenir un renouvellement.Le prisme est par définition un objet pour de regarder autrement.C’est là question posée par ce mémoire et la problématique dé-veloppée par ce travail  : existe-t-il l’équivalent architectural du prisme.

Précisions

Tous les médiums se plaçant entre la vision et l’objet d’étude peuvent être considéré comme des outils. Qu’ils modifient légè-rement la perception (les loupes, les filtres...) ou qu’ils la renou-vellent complètement (les prismes...), tous ces éléments donnent

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une lecture ou une analyse spécifique de l’objet d’étude. Dans ce sens ces intermédiaires peuvent être qualifiés d’outils de lecture ou d’analyse. Les prismes sont des outils de lecture et par contraction des prismes de lecture.Cette précision sur l’origine du titre choisie s’accompagne d’une seconde visant à clarifier le sujet de ce mémoire.La démarche proposé tout au long du travail consiste à s’intéresser au prisme : objet pris comme tel. Ce n’est pas tant l’aspect de ce qui «entre» ou de ce qui «ressort» qui fait l’objet d’une explica-tion, mais avant tout, les mécanismes et les systèmes internes des prismes. Ce choix à pour but d’essayer de comprendre le fonction-nement du renouvellement que ces médiums opèrent, et donc une partie du regard autre.

Pour rendre cohérente cette démarche de recherche basée sur des exemples issues de la physique j’ai choisi de rédiger les textes sous une forme scientifique. Deux parties et des sous-parties re-groupent de cours paragraphes traitant de thèmes spécifiques, leur enchaînement vise à s’approcher le plus possible d’une démons-tration. C’est également pour rendre plus cohérente, et peut-être plus véridique, la méthode que les deux grandes parties, autant dans leur forme que dans leur fond, s’appuient respectivement l’une sur l’autre et entretiennent des liens forts.

Figure 1 : décomposition de la lumière blanche au travers d’un prisme

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Sommaire

– Regarder Autrement (7) –

– Avant-propos (9) –

– Introduction (15) –

– Conclusion (101)–

– Bibliographie (108)–

– Prisme rationaliste (21) –

La Transparence (23)

Colin Rowe (31)

Peter Eisenman (39)

Bernhard Hoesli (47)

Prisme rationaliste (53)

Définition

Forme

Démarche

Résultat

– Prisme surréaliste (59)–

La méthode paranoïaque-critique (61)

Le Mur (69)

L’Oeuf (77)

La Piscine (85)

Prisme surréaliste (95)

Définition

Forme

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Résultat

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Figure 2 : 1 Systèmes de proportions de L’homme de Vitruve, De l’architecture2 Proportions du corps huamin, Rob Krier, Architectural Composition

3 Proportions du corps humain, Le Corbusier, Le Modulor4 Proportions du Corps humain, Le Neuferts, 3ieme édition

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Introduction– l’outil surfacique –

Les intermédiaires entre notre regard et ce que l’on observe sont nombreux et très variées. Dans le domaine architectural ces médiums ont été employés, plus ou moins consciemment depuis les origines de la théorie.

Dans son fameux dessin Vitruve (fig. 2) montre un homme cir-conscrit dans un carré et dans un cercle. Symbole universel de l’humanisme de la Renaissance il illustre les proportions parfaites du corps humain. Par sa manière de représenter de l’homme, Vitruve suggère un sys-tème géométrique permettant d’ordonnancer le corps.

«[…] que la Nature a distribué les mesures du corps humain comme ceci.Quatre doigts font une paume, et quatre paumes font un pied, six paumes font un coude : quatre coudes font la hauteur d’un homme. Et quatre coudes font un double pas, et vingt-quatre paumes font un homme..»1

1Vitruve, De l’architec-ture, texte en latin et traduit en français par Ch. L. Maufras, 1847.

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Figure 3 : Système de proportions extrait de la villa Rotonda Mathématiques De La Villa Idéale : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000

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Introduction 17

Les rapports de proportions, extraits de son dessin et générali-sés comme système de mesure de l’homme peuvent s’apparenter à un outils, et à une couche géométrique appliquée sur un objet d’étude. Ce filtre géométrique, et les mécanismes de proportions qu’il implique, sont clairement un intermédiaire entre notre vi-sion et le corps humain analysé. Le système de proportion définit par Vitruve est un outil de lecture.

Ce phénomène de couche géométrique peut également s’obser-ver dans les dessins du Neufert, du Modulor de Le Corbusier, ou encore dans ceux de Rob Krier (Fig 2). Ces outils, principalement dévolus à proportionner le corps humain, ont pour but commun de faciliter le dimensionnement des éléments de l’architecture. Dès lors qu’ils servent de système de mesure ils forcent la nature de l’homme dans un schéma préétabli, cela équivaudrait à regar-der le corps avec des ‘lunettes de proportions’.C’est dans ce sens qu’il est possible d’assimiler ces systèmes géo-métriques à des outils de lecture, objets placés entre notre vision et notre sujet d’étude.

Colin Rowe dans dans son texte Mathématiques de la Villa Idéale utilise un système de proportion identique appliqué directement aux édifices. Il étudie la Villa Rotonda avec la même précision que Vitruve analyse les proportions du corps. Rowe remplace cependant la représentation de l’homme par les plans de Palladio (fig 3). Il établie, comme ses prédécesseurs, des rapports mathématiques entre les pièces de la villa. Si physique-ment aucun éléments ne se trouve entre notre vision et l’objet étudié, il est claire que pour valider sa lecture il force, au travers d’une représentation simplifiée, le bâtiment dans un système de proportions. Cette opération consiste à regarder la villa Roton-da au travers d’un filtre. Autrement dit, dans cet exemple Colin Rowe concentre sa vision sur un mécanisme géométrique pour analyser l’édifice. Le système de proportion est indéniablement l’équivalent d’un médium placé entre le regard de l’auteur anglais et la villa Italienne.

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Figure 4 : Outil de mesure de proportion construit par Rob Krier et ses étudiantsArchitectural Composition, Edition Axel Menges, Suttgart/London, 2010

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Introduction 19

Les deux exemples de proportionnalité présentés précédemment sont, malgré leur caractère abstrait, des objets intermédiaires du regard. Pour rendre toujours plus explicite ce phénomène un troi-sième exemple est nécessaire.Dans sont livre Architectural Composition Rob Krier présente un dispositif optique complexe «type loupe» composé de deux len-tilles superposées et d’un cadran de 360°(fig 4). Cet objet fonc-tionne comme un compas et permet par le réglage des lentilles et du cadrant de mesurer, puis de déduire les systèmes de propor-tions contenus dans un dessin. Cet objet est l’illustration physique des systèmes de proportions définis par Vitruve, Neufert, Le Corbusier, Rowe...

Les objets concrets ou abstraits présentés dans cette introduction possèdent tous des mécanismes de proportions qui leurs sont propres. Tous s’apparentent à une couche ou un filtre, ils sont surfaciques - bidimensionnels. Ce sont des outils, des procédés de lecture.Leurs caractéristiques permettent de les rapprocher de disposi-tifs optiques architecturaux. Les systèmes de proportions sont des médiums intercalés entre notre regard et notre objet d’étude. Cependant aucun d’entre eux ne possède réellement les caracté-ristiques des prismes définis précédemment. Aucun ne permet d’opérer un renouvellement. Ils se contentent de retranscrire une réalité en la modifiant jamais d’en superposer une autre. Cette distinction suggéré par le prisme est la base du travail qui suit : il est possible de la rapprocher de la distinction effectuée par Colin Rowe entre la Transparence littérale et phénoménale.

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Prisme rationaliste– définition d’un langage –

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Diagramme de T. Van DoesburgIssu de Transparency

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Prisme rationaliste 23

Il existe de nombreux liens entre la peinture et l’architecture ; c’est à la frontière des disciplines, lorsqu’elles se confondent, que les idées les plus novatrices se constituent.La définition de la Transparence, à la fois en peinture et en archi-tecture en est l’exemple même.

Théorie de la Transparence

En 1955 lors de la première parution de l’article Transparence : lit-térale et phénoménale1, les auteurs Colin Rowe et Robert Slutsky, font une distinction entre deux types de Transparence à partir des points de vue artistique de Gyorgy kepes et Moholy-Nagy.Ils opposent la Transparence littérale (réelle, concrète) et ses qua-lités inhérentes de substance, à la Transparence phénoménale (vir-tuelle, suggérée) et ses qualités inhérentes d’organisation.Lorsque la Transparence est dite littérale elle est de l’ordre du ma-tériau (type verre qui laisse filtrer la vue et la lumière).

La Transparence– le Cubisme –

1Colin Rowe et Robert Slutsky, Mathématiques De La Villa Idéale : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000

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Les prismes de lecture24

Autrement dit c’est la caractéristique d’un matériau à être transpa-rent, ou diaphane. Les architectes définissent ce degré de Transpa-rence au début de leur article par la ‘définition du dictionnaire’ :

«Transparence  : v. 1380. 1. La qualité ou condition d’être trans-parent  ; diaphanéité, limpidité. 1615. 2 . Qualité d’une substance transparente. Ce qui est transparent, ou qui laisse passer les rayons lumineux. 1591. b. spéc. Projection d’un film ou d’une image sur un écran transparent. 3. Translucidité (du teint, etc.). Fig. : candeur, limpidité, absence de dissimulation»2.

A l’inverse la Transparence phénoménale est une qualité beau-coup plus ambiguë  : selon Rowe et Slutsky c’est avant tout un dispositif spatial. Ils extraient cette interprétation de l’oeuvre de Gyorgy Kepes The Language of Vision :

«Lorsque l’on voit deux ou plusieurs figures qui se chevauchent, chacune revendiquant pour elle seule l’aire qui leur est commune, on se trouve face à une contradiction d’ordre spatiale. Pour résoudre cette contradiction il faut supposer la présence d’une nouvelle qua-lité optique. Les figues sont dotées de transparence : autrement dit, elles sont susceptibles de s’interpénétrer sans se détruire optiquement l’une l’autre. Cependant, la transparence est d’avantage qu’une simple caractéristique optique ; elle implique un ordre spatiale plus global. « Transparence » signifie perception visuelle simultanée de différentes aires ou couches spatiales. Non seulement l’espace recule ou s’avance, mais il oscille constamment, en une incessante activité. La position apparente des figures transparentes est ambivalente, cha-cune étant tantôt la plus proche, tantôt la plus éloignée»3.

Cette distinction théorique introduit l’article et pose les bases du travail de Rowe et Slutsky. Ils poursuivent en illustrant leur dé-marche par des parallèles de tableaux cubistes. Ces mises en rela-tions renforcent la distinction entre Transparence littérale et phé-noménale. Elle permet également de comprendre les mécanismes et les systèmes que la Transparence met en jeu.

2Colin Rowe et Robert Slutsky, Mathématiques De La Villa Idéale : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000, p194

3Ibid., p195, Issue de Gyogy Kepes, Language of vision, Chicago, 1944, p77

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Une fois transposé dans le domaine architectural ce sont ces mêmes mécanismes qui définiront les principes du prisme ratio-naliste.

L’ exemple de la peinture : le cubisme analytique

Colin Rowe et Robert Slutsky proposent trois parallèles de tableaux, chacun permettant d’illustrer plus précisément la dis-tinction entre les degrés de Transparence et les outils graphiques employés. Ces mises en relation explicitent ce qui est de l’ordre du phéno-mène par rapport à ce qui est de l’ordre du système.

Le premier parallèle (fig. 51) effectuée dans l’article oppose Le Clarinettiste de Picasso et Le Portugais de Braque. Chez le peintre espagnol le «contour omniprésent»4et «sur-dessiné»5 fait surgir une forme détachée au travers de laquelle on peut voir le fond : c’est une expérience de Transparence littérale. À l’inverse chez Braque au premier regard les figures et le fond semblent liés. C’est seulement après quelques instant qu’il est possible de lire les formes : c’est une expérience de Transparence phénoménale. Cette distinction à pour but de définir la notion de profondeur du tableau. Par son moyen de représentation Picasso différencie le fond et la figure, les plans du tableau sont clairement identifiables. Dans le second cas la distinction figure/fond ne s’opère pas im-médiatement, l’outil de représentation du peintre : les lignes, les surfaces et la grille qu’il dessine superposent les plans. Un laps de temps est nécessaire pour les distinguer.Le premier exemple révèle d’entrée la notion d’ambiguité spatiale et les systèmes avancés par la Transparence phénoménale.

L’opération se répéte une seconde fois (Fig 52) avec le tableau Les Fenêtres Simultanées de Delaunay et Nature Morte de Gris. Les deux œuvres représentent des objets transparents : une fenêtre dans un cas, et des bouteilles et des verres dans l’autre. Cette simi-litude permet de différencier dans la peinture un phénomène (voir

4, 5Colin Rowe et Robert Slutsky, Mathématiques De La Villa Idéale : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000, p199

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Figure 5 : Parallèle de toiles Cubistes1 Respectivement le Clarinettiste de Picasso puis Le Portugais de Braque

2 Respectivement Les Fenêtres Simultanées de Delaunay puis Nature Morte de Gris

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au travers) d’un système (un dispositif spatiale) : «Mais tandis que Gris supprime la transparence littérale du verre en faveur de celle de la grille, Delaunay accepte sans réserve, avec fougue même, les fugaces qualités réfléchissantes de ses «ouvertures vitrées superposées». Gris tisse un système de lignes obliques et incurvées en une sorte d’espace plissé, pratiquement dénué de profondeur ; […]»6

Ce parallèle rappelle en premier lieu la différence de profondeur entre les degrés de Transparence.Le premier tableau est littéralement profond, il dissocie les plans. Malgré l’ensemble des effets cubistes employés par Delaunay, la Transparence reste littérale ; on est face à un phénomène de reflet du verre plus qu’à une organisation spatiale.Par contre Gris pour rendre ambiguë la profondeur de sa Nature Morte  applique volontairement un jeu de lignes, de surfaces, de grille, et de valeurs, les plans semblent se superposer. L’ensemble des systèmes nécessite un certain temps d’appréhension pour dis-tinguer les parties du tableaux. De ce fait le spectateur est placé entre concret et suggéré.

Le troisième, et dernier, parallèle (Fig. 6) oppose le tableau de La Sarraz de Moholy-Nagy et celui intitulé Trois Visages de Fernand Léger. Les deux procèdent par abstraction du contexte.Moholy-Nagy superpose «négligemment» des cercles et des bandes sur un fond noir. Léger joue avec un motif d’apparence moderniste. L’un superpose littéralement ces formes, et l’autre les met en rela-tion en les positionnant perpendiculairement aux bordures du cadre, Léger les distingue par un jeu de couleurs contrastés offrant des formes positives et négatives.Finalement Moholy-Nagy «ne fait que superposer» des formes au travers desquelles il est possible de voir (autrement dit transpa-rente). Malgré l’abstraction, la profondeur du tableau reste iden-tique et le traditionnel jeu de plan est toujours identifiable.A l’inverse Léger renforce l’ambiguité des plans par la disposi-tion des formes et la valeur graphique qu’il leur donne. Les plans semblent avancer ou reculer selon l’attention qu’on y porte.

6Colin Rowe et Robert Slutsky, Mathématiques De La Villa Idéale : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000, p 199

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Figure 6 : Parallèle de toiles Cubistes Respectivement La Sarraz de Moholy-Nagy et celui intitulé Trois Visages de Léger

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Ce dispositif de «coulisses»7 mis en place par un système de re-présentation est caractéristique de la Transparence phénoménale.

Ces trois parallèles distinguent les degrés de Transparence intro-duits dans la définition théorique. Ils définissent clairement la Transparence Phénoménale comme un dispositif spatial permet-tant de placer le spectateur entre réel et virtuel au travers d’une ambiguité dans la superposition des plans. Cette typologie de Transparence est obtenue par un certain nombre d’outils caracté-ristiques du cubisme analytique.Lignes, surfaces, grilles, et valeurs, décomposent la toile et créent la sensation d’ambiguité.L’analyse minutieuse de chaque partie des tableaux opéré par Rowe et Slutsky renforce cette idée de fragmentation que la Trans-parence phénoménale nécessite. Ce sont ces outils et cette manière de les employer, que Rowe (une nouvelle fois) puis Peter Eisenman et Bernhard Hoesli vont trans-poser dans le champ architectural.

7Sébastion Marot, L’art de la mémoire, le terri-toire et l’architecture, Editions de la Villette, Paris, 2010, p 128

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Figure 71 : Illustration des plans de la villa Stein par Bernhard HoesliIssu de Transparency

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Colin Rowe– du Cubisme à l’outil de la Surface –

Une fois distingués dans le domaine de la peinture les degrés de la Transparence et après avoir clairement explicité ses méca-nismes, Rowe et Slutsky transposent à l’architecture ces notions. De cette opération sur la Transparence il est possible d’extraire un premier outil analytique.

Les deux architectes appliquent à l’architecture ce qu’ils ont décripté de la peinture cubiste. Ils réalisent en premier lieu un parallèle entre entre L’école du Bauhaus à Weimar de Walter Gro-puis et la villa Stein à Garches de Le Corbusier (Fig 72). Ils com-plètent dans un second temps la mise en relation avec le projet du concours réalisé pour le palais de la Société des Nations à Genève toujours par Le Corbusier. Rowe et Slutsky précisent cependant que la peinture et l’architecture ne sont pas équivalant dans le sens où : «la peinture ne peut que suggérée la troisième dimension, l’architecture ne peut la supprimer»8. Il est donc indispensable d’adapter la transposition.

8Colin Rowe et Robert Slutsky, Mathématiques De La Villa Idéale : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000, p 203

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Figure 72 : Facades de la Villa Stein à Garches de Le Corbusier et De l’école du Bauhaus à Weimar de Walter Gropuis

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Historiquement il faut préciser que S. Geidion voyait dans les façades vitrées l’édifice de Gropius l’illustration du cubisme ana-lytique des peintres parisiens du début du siècle. C’est en réaction à cette interprétation (qu’ils jugent erronée) que Rowe et Slutsky rédigent la première partie de l’article Transparence Littérale et Phénoménale, c’est aussi pour cette raison qu’ils analysent pré-cisément les tableaux cubistes. Cet article s’intègre dans le cadre de leurs recherches sur la définition de l’espace et de ses outils, pédagogie chère à l’école d’Austin dans l’état du Texas ; Lieu où les deux architectes enseignent. Enfin initialement ce texte était conçu en deux parties, la seconde sera publiée quelques années après la parution de la première.

A partir des principes énoncées avec les parallèles de la peinture cubiste Rowe et Slutsky démontrent que l’école du Bauhaus est un édifice auquel on pourrait attribuer les qualités de la Transpa-rence Littérale. Inversement la Villa Stein serait l’exemple de la Transparence Phénoménale.

Décomposition

Comme avec les toiles cubistes, la première étape de la définition architecturale de la Transparence s’effectue par l’analyse des élé-ments constitutifs de la villa Stein.«A garches, le rez-de-chaussée est conçu comme une surface verticale traversée par une série de fenêtre horizontales ; au Bauhaus, il prend l’aspect d’un mur plein généreusement percé de vitrages. À Garches, il met en évidence l’ossature portant les dalles en porte-à-faux ; au Bauhaus, il représente des piliers massifs que l’on associe pas néces-sairement à la notion de squelette structurel»9.Cette citation illustre la manière d’opérer de Colin Rowe et Ro-bert Slutsky. Pour distinguer des ensembles caractéristiques de la Transparence phénoménale les auteurs de l’article analysent éléments par éléments l’intégralité de la villa. Plus ou moins consciemment ils décomposent l’édifice, exactement comme ils le faisaient avec les tableaux cubistes. Le procédé de décomposi-

9Colin Rowe et Robert Slutsky, Mathématiques De La Villa Idéale : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000, p 204

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tion analytique est la première étape permettant d’identifier une Transparence d’ordre spatiale dans l’architecture.

Systèmes

Cette première étape est immédiatement suivie d’une seconde qui vise à définir des espaces architecturaux (équivalent des objets dans la peinture) qui s’interpénètrent sans se détruire optiquement, il est nécessaire de trouver dans la villa Stein des mécanismes simi-laires à ceux employés par la Transparence phénoménale en pein-ture : lignes, grilles, surfaces, et valeurs.Pour ce faire Rowe et Slutsky identifient grâce à leur décomposi-tion minutieuse des couches ou des strates d’espaces dans le plan et les façades de la villa à Garches. Ces systèmes architecturaux linéaires, identifiables aux plans d’un tableau, sont constitués par les «surfaces verticales, les fenêtres hori-zontales, les dalles en porte-à-faux...». Ils donnent à lire une très grande frontalité dans les espaces de la villa. Il devient même diffi-cile de distinguer leur profondeur tellement ils semblent s’avancer ou se reculer selon le regard qu’on leur porte, un certain temps est nécessaire pour les séparer visuellement. C’est exactement le même système de «coulisses» qui opérait dans le tableau de Léger Trois Visages, et qui plaçait le spectateur entre réel et virtuel.Lorsque que les auteurs décomposent l’Ecole du Bauhaus à Wei-mar, ils ne retrouvent pas ces mêmes mécanismes de strates spa-tiales qui permettent de générer l’ambiguité de la Transparence phénoménale. Colin Rowe et Robert Slutsky différencient ainsi les deux édifices :

«à Garches une Transparence est obtenue, non pas par l’intermé-diaire d’une fenêtre (c’est le cas au Bauhaus) mais parce que nous avons pris conscience que des concepts élémentaires s’interpénètrent sans se détruire optiquement»10.

Avec les deux opérations précédentes il est possible d’esquisser les premiers mécanismes de la Transparence phénoménale en

10Colin Rowe et Robert Slutsky, Mathématiques De La Villa Idéale : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000, p 205

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architecture. Les systèmes de lignes, grilles, surfaces, et valeurs qui permettaient l’ambiguité des plans du tableaux peut s’opérer un architecture au travers de strates spatiales, elles mêmes composées d’éléments surfaciques.La transposition effectuée par les deux architectes suggère deux caractéristiques liées à la transparence. La première est une mé-thode, elle consiste à décomposer l’édifice (ou la toile) analysé. La seconde permet d’obtenir, à partir de la décomposition, une stra-tification spatiale. Dès lors la bâtiment peut être résumé à une série de plans ou de surfaces.

Images doubles

Dans la seconde partie de l’article Colin Rowe et Robert Sluts-ky réaffirment le fait que la Transparence phénoménale est une «matrice spatiale», autrement dit une organisation par plans de l’espace.Ils prolongent la question du phénomène de «coulisses». Ce dernier suggérait une équivalence entre les plans les plus avan-cées et plans les plus reculés spatialement, «la coulisse» étant le système optique opérant des allers-retour entre ces plans. Grâce à ce mouvement elle permettrait visuellement de rapprocher les plans les plus éloignés et de reculer ceux plus avancés. La «cou-lisse» entretiendrait de ce fait une «contradiction de dimensions spatiales», une d’ambiguité. Elle suggérait également une équiva-lence figure/fond (plans avancés/plans reculés)

En donnant une valeur identique à la figure et au fond, Colin Rowe et Robert Slutsky suggèrent qu’il est possible de les différen-cier uniquement au travers du système optique de la «coulisse». Pour illustrer ce phénomène ils présentent une illusions optique (Fig. 8). Si le fond avance, on perçois deux visages face à face, si la figure avance, on perçois une coupe. Il est donc possible uniquement avec des surfaces d’obtenir deux interprétations différentes d’une image sans modifications concrètes : c’est la définition même d’une image double.

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Figure 8 : Illusion d’optique présenté par Colin Rowe et Robert SlutskyIssue de Persecpecta 13/14 (1971)

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Cette dernière opérations sur la Transparence est l’ultime étape du développement de l’outil de la surface par Colin Rowe et Ro-bert Slutsky.La Transparence phénoménale, au travers de la surface devient un objet permettant de décomposer un édifices en strates, de générer une ambiguité entre ces différentes bandes, et enfin de superposer leur signification.La surface accompagnée de ses mécanismes est le premier outil caractéristique du prisme rationaliste.

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Croquis de Peter Eisenman Issu de The Formal Basis Of Modern Architecture

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Peter Eisenman– la Surface, la Masse, le Volume, le Mouvement –

Colin Rowe et Robert Slutsky, en transposant la Transparence phénoménale avec son système de plans et de rapport figure/fond définissent une première étape du développement de la Transpa-rence. A leur suite Peter Eisenman rédige une thèse, dirigée par Colin Rowe : The Formal Basis of Modern Architecture11 dont le but est de définir un système formel qui serait une base théorique du mouvement moderne en architecture.Eisenman étudie la Forme et plus particulièrement sa génèse. Il considère qu’elle doit être réhabilitée comme base de la compré-hension des édifices (et notamment des édifices modernes) au même titre que la fonction, la structure, et la technique. Il cherche à élever la forme au rang d’outils théorique et conceptuel. Pour ce faire il distingue «form» et «shape», la dernière expression étant une question de perception et de goût. Ce sont les mécanismes à l’origine de la conception d’une forme (d’où «form») qui inté-ressent l’architecte américain. Il avance l’idée qu’elle est un moyen

11Peter Eisenman, The Formal Basis Of Mo-dern Architecture, Lars Müller Publishers, Donauwörth/ger-many, 2006

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Figure 9 : Séries de croquis analytiques, Peter Eisenman Issu de The Formal Basis Of Modern Architecture

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d’exprimer ses intentions qu’elle n’est pas que le résidu de la fonc-tion, elle lui serait même antérieure. Pour lui le mouvement moderne ne se résume pas à la maxime «form follows function».Le point de départ de Eisenman est la compréhension de l’objet de communication d’un édifice ; autrement dit le mécanisme de transfert opérant entre un émetteur : l’architecte et son bâtiment, et son récepteur : celui qui le regarde (un prisme vu sous un certain angle. Il se justifie ainsi :

«L’essence de tout acte créatif est la communication d’une idée ori-ginal de son auteur au travers d’un moyen d’expression jusqu’au receveur»12.

Eisenman considère que cette capacité de communication est une des qualité de la forme , ainsi il compare sa recherche à la défini-tion d’un langage.

Dans le but de comprendre la genèse de la forme l’architecte amé-ricain met en place un système d’analyse.La première étape distingue la «forme spécifique»13 de la «forme générique »14 :

«Le terme forme générique doit ici être compris dans la signification d’une forme pensée dans un sens platonique, comme une entité défi-nissable avec ses propres lois inhérentes. Le terme forme spécifique, d’un autre côté, peut être pensée comme la configuration physique actuelle réalisée en réponse à une intention ou une fonction»15.

La «forme générique» doit être considérée comme un base. C’est elle et ses qualités intrinsèques qui peuvent expliquer les outils de la genèse de la forme et par extension faciliter la compréhension des «formes spécifiques». Dans un sens elle peut être assimilée à la syntaxe d’une langue.La deuxième étapes de son système d’analyse vise à définir les caractéristiques de la «forme générique». Dans une démarche

12Peter Eisenman, The Formal Basis Of Mo-dern Architecture, Lars Müller Publishers, Donauwörth/ger-many, 2006

13, 14, 15Ibid, p 33-34

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très similaire à celle de Colin Rowe et Robert Slutsky il ajoute à la notion de surface celle de la masse, du volume, et du mouvement :

«Ces propriétés fourniront le vocabulaire de base d’une langue de la forme, qui clarifieront autant les aspects picturaux que conceptuel de situations spécifiques»16.

La surface, complété de ces trois éléments devient l’outil analy-tique de la forme et des édifices, ils en constituent le vocabulaire.

Toujours en gardant à l’esprit les travaux de Rowe et de Slutsky, Eisenman applique ses systèmes à un corpus de bâtiment icônes du mouvement moderne. Les œuvres de Le Corbusier, Terragni, Wright, et Aalto sont décortiquées grâce à ces outils. Cependant là où la Transparence expliquait son systèmes de stra-tification spatiale par un texte accompagné d’illustrations, Eisen-man procède réellement à la représentation des effets des outils de la surface de la masse, du volume et du mouvement. De ce fait il redessine à la main les édifices analysées en plan en coupe et en axonométrie. Chaque croquis ou série de croquis est l’application illustrée des effets des outils qu’il définit (Fig. 9). Ainsi masse, surface, volume et mouvement se trouvent symboli-sés dans ces dessins au travers de points, de lignes, de lignes poin-tillées, de flèches, de surfaces..., tous annotés avec des lettres et/ou des chiffres (Fig. 10).

Les surfaces de Rowe et de Slutsky décomposaient la villa Stein en une série de plans successifs. Les outils de Eisenman opèrent une fragmentation bien plus intense. En regardant les croquis on constate encore une fois que les bâti-ments sont réduis à l’extrême. Ils apparaissent uniquement sous la forme de points structuraux, ou de lignes directrices, voire de surfaces (Fig. 9, et 10). La décomposition n’est plus uniquement le fruit de la surface, d’autres outils et leurs systèmes de représentation permettent cette démarche.

16Peter Eisenman, The Formal Basis Of Mo-dern Architecture, Lars Müller Publishers, Donauwörth/ger-many, 2006, p 57

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Figure 10 : Codification appliquées aux croquis, Peter Eisenman Issu de The Formal Basis Of Modern Architecture

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Peter Eisenman avec sa méthode formaliste transforme petit à petit l’outil originel de la Transparence. Dans son travail la sur-face et les éléments qui l’accompagnent ne sont plus réellement une recherche d’ambiguité spatiale. Par contre pris un à un et avec leur représentation spécifique ces outils analytiques expliquent la composition des édifices étudiés, autrement dit leur forme. Sa démarche est une recherche de sens. En ajoutant de nouveaux principes de décomposition Peter Eisenman enrichit la capacité analytique de la Transparence qui ne se limitent plus à la simple surface.Dès lors l’outil de lecture se complexifie.

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Figure 11 : Décomposition par plan d’un tableau de Le Corbusierissu de Transparency

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Bernhard Hoesli– De la Surface à la généralisation –

La troisième et dernière démarche identifiable à partir de la Transparence est celle de Berhnard Hoesli à ETH de Zurich. L’ar-chitecte Suisse fait partie du noyau dur de la bande des «Texas Rangers»17, il participe à toutes les discussions qui précèdent la rédaction de l’article.Après six années d’enseignement à Austin, et après la dissolu-tion de la bande, Hoesli retourne en suisse où petit à petit avec sa propre pédagogie il prend en charge le département d’architec-ture de l’ETHZ. Cette pédagogie sera centée sur les notions de la Transparence, et lui permettra d’approfondir ses présupposées d’espace, de forme, et de définition théorique de l’architecture moderne. Dans Transparenz18 Hoesli traduit en allemand le texte fondateur de la pédagogie de l’école d’Austin. Il l’accompagne d’un «com-mentaire» dans la première édition, puis le complète par sa dé-marche pédagogique dans les suivantes.Au delà la traduction, le premier acte de Hoesli est d’illustrer concrètement les principes de la Transparence du texte de Rowe et Slutsky.

17Caragonne, Alexan-der, The Texas Ran-gers: Notes from the Architectural Under-ground, Cambridge MA and London: MIT Press, 1995

18D’abord Transpa-renz puis traduit, Transparency : with a commentary by Bernhard Hoesli and an Introduction by Werner Oechslin, Birkhäuser, Basel, Boston, Berlin, 1997

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Figure 12 : Outil de la transparence, triptyque de décomposition d’édificesIssu de Transparency

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Pour ce faire il représente dans une succession de schémas l’en-semble des plans qui composent la villa Stein (Fig 71) . Dans le même esprit, et toujours pour appuyer la pertinence du paral-lèles entre la peinture cubiste et les œuvres de L’architecte Suisse, Hoesli décompose, selon le même principe, les tableaux de Le Corbusier (Fig 11).

Contrairement à Eisenman qui s’emploie à compléter l’outils de la surface pour définir un langage de la forme propre au moder-nisme, Hoesli conserve l’outil de la surface et ses caractéristiques, il complète et enrichie la définition de la transparence :

«Transparency exists where a locus in space can be referred to two or several systems of relations – where the assignment remains unde-termined and the belonging to one or the other remains a matter of choice” is a universally applicable criterium for characterizing form-organization just as for instance symmetry or asymmetry. To ask if there is transparency in a form-organization is like applying a piece of quality which might go unnoticed or, if not, can only be circums-cribed in an elaborate and cumbersome way»19.

En suivant cette démarche Hoesli applique l’outils de la Transpa-rence à de nombreux autres édifices de Le Corbusier, de Wright, de Johnson... Il l’applique également à des constructions plus anciennes, ainsi L’église d’Alberti, la villa Emo de Palladio, la villa Adriana à Rome sont tous décomposés selon des principes iden-tiques (Fig 12).Tous les édifices étudiés sont élémentarisés, schématisés par sur-faces  : soit en plan, soit en axonométrie. Certains subissent une épuration jusqu’aux lignes (Fig 12). L’auteur présente également des dessins en négatif qui explicitent les rapports de pleins et de vides, ainsi que les rapports de surfaces.

Si la démarche de Hoesli reste très similaire à celle énoncée par l’article de Rowe et Slutsky, elle n’en montre pas moins une il-lustration très concrète. Ces nombreux dessins part leurs dispo-

19Bernhard Hoesli, Transparent Form-organiztion as an Instrument of Design dans Colin Rowe, Robert Slutzky, Trans-parency, Birkhäuser, Basel, Boston, Berlin, 1997, p. 85

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Figure 13 : Codification appliquées aux croquis, Peter Eisenman Issu de The Formal Basis Of Modern Architecture

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sitions explicitent et enrichissent les concepts engendrés par la Transparence. Ils rendent évident l’élémentarisation ainsi que la pensée rationnelle suggérés par l’article.Cette démarche à également le mérite d’étendre le champs d’ac-tion de la Transparence, là où Rowe et Slutsky limitaient leur démonstration à cinq ou six édifices pour les parties une et deux réunies, Hoesli étudie un corpus de bâtiments conséquent, il s’at-tache à généraliser la Transparence : «dans mon commentaire de 1968 j’étais avant tout concerné par la généralisation du concept de Transparence Phénoménale»20.

La démarche de l’architecte suisse, en appliquant les mécanismes de la Transparence à de nombreux édifices, enrichie son langage. De nouveaux systèmes graphiques (Fig 13) apparaissent pour attester des phénomènes d’ambiguïtés. Ce qui restait très théo-rique dans l’article originel devient concret dans les schémas de l’architecte suisse. Grâce à un travail parallèle sur la définition, sur le corpus de bâti-ments et sur la représentation Bernhard Hoesli généralise la Trans-parence de Colin Rowe et Robert Slutsky.

20Bernhard Hoesli, Transparent Form-organiztion as an Instrument of Design dans Colin Rowe, Robert Slutzky, Trans-parency, Birkhäuser, Basel, Boston, Berlin, 1997, p. 85

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Prisme rationaliste– définition, forme, démarche, résultat –

Les trois démarches successives qui ont conduit à développer la Transparence à partir du cubisme permettent de définir un outil d’analyse architecturale de l’ordre du prisme. L’ensemble des sys-tèmes induis par chaque étape justifie un médium capable d’ap-porter de nouvelles interprétations à partir des éléments étudiés. Les paragraphes suivants visent à expliquer la définition, la forme, la démarche, et les résultats que peuvent produire un tel outil. Ils sont l’explication du prisme rationaliste

Définition

Les approches de Colin Rowe, Peter Eisenman, et Bernhard Hoesli définissent le prisme rationaliste : un outil qui fonctionne par retrait, par ‘ratio’.Les opérations que ces architectes effectuent à partir de la Transpa-rence procèdent toujours par décomposition de l’édifice analysé. Ces mécanismes décortiquent, dissèquent, séparent les éléments constitutifs du bâtiment. Colin Rowe et Robert Slutsky, dans leur

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article, procèdent à une décomposition des strates spatiales de la villa Stein à Garches. Peter Eisenman effectue une opération d’élé-mentarisation de ses objets études  ; dans ses croquis des édifices modernes seule les éléments premiers et les rapports qu’ils entre-tiennent sont représentés. Enfin Bernhard Hoesli opère une forme de soustraction en superposant des séries de plans qui simplifient étape par étape les édifices.Décomposition, simplification, élémentarisation, soustraction... toutes ces actions appartiennent au domaine scientifique. Elles constituent également les mécanismes internes du prisme identi-fié dans les travaux sur la Transparence. Ce rapprochement permet de qualifier cet outil de lecture de rationaliste : d’où la dénomina-tion de ce premier prisme.

Forme

La démarche du ratio expliquée précédemment s’effectue sur l’en-semble de l’objet d’étude. Par exemple Peter Eisenman propose une méthode qui élémentarise l’intégralité des édifices analysés : plans, coupes, façades, et axonométries subissent l’opération. C’est une méthode qui officie depuis le ‘tout’ vers les ‘parties’. Au-trement dit elle s’effectue à partir de l’objet pris dans sa globalité vers l’ensemble de ses éléments constitutifs.Cette caractéristique rapproche un peu plus les démarches de la Transparence de la définition physique du prisme, elle s’illustre dans l’image introductive du chapitre. Cette même manière d’opé-rer permet aussi de qualifier la forme de ce prisme. Par opposition aux outils surfaciques présentés dans l’introduction de ce travail, les systèmes de lecture de la Transparence peuvent être qualifiés d’outils volumétriques. Leur champs d’action se développe dans l’intégralité du volume de l’objet d’étude et cela dans les trois di-mensions de l’espace. Là où les systèmes de proportion opéraient comme des filtres, les mécanismes définis par Colin Rowe et ses prédécesseurs sont tridimensionnels, ils affectent le plan, la coupe, et le volume des édifices. Dans ce sens il est possible de qualifier le prisme rationaliste de volumétrique.

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Démarche

La définition rationaliste et la forme volumétrique de ce prisme nous permettent maintenant de qualifier sa démarche. La manière d’opérer avec cet outil de lecture est assimilable à une procédure. Il se distingue des systèmes de proportions définis comme «pro-cédés» dans l’introduction.La distinction entre «procédure» et «procédé» prend son sens avec cette citation: «Une procédure se distingue du simple procédé en ce sens que le résul-tat ne la camoufle pas comme un moyen mais, au contraire, l’im-plique et la déploie dans toute sa richesse»21. Autrement dit le procédé et la procédure se différencient sur la valeur du résultat ; un procédure c’est le résultat, mais le résultat mis en valeur par la démarche. Les qualités de la procédure se retrouvent facilement dans la ma-nière d’opérer de la Transparence. Tous les travaux de Rowe, Eisenman, et Hoesli tirent des conclu-sions à partir des principes qu’ils définissent. Cependant c’est plus la mise place et l’utilisation de ces outils qui me semble intéres-santes plus encore que les conclusions, elles-mêmes. Par exemple dans The Formal Basis of Modern Architecture Eisenman consacre trois chapitres à la définition de son outil, quatre pour son emploi, et seulement un seul pour la conclusion qu’il termine par cette phrase  : «Cette dissertation, par conséquent, doit être considérée seulement comme une méthode de démonstration, comme un moyen d’approcher un problème architectural, comme quelque chose d’ou-vert». Les mécanismes de la Transparence constitutifs du prisme rationaliste s’apparentent donc à des procédures.

Résultat

Les trois qualificatifs proposés ci-avant mènent au résultat du prisme. Sa définition : rationaliste, sa forme : volumétrique, et sa démarche : la procédure font de cet outil un dispositif permettant de trouver l’essence du sujet d’étude.

21Tristan Zelic et Iris Lacoudre, procéssus ouverts : la pensée créatrice, mémoire, 2012, Eavt, J. Lucan, p4, citation de George Dibi-Hubbermann, L’étoilement, 1998, p 63

22Peter Eisenman, The Formal Basis Of Mo-dern Architecture, Lars Müller Publishers, Donauwörth/ger-many, 2006, p 353

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Le prisme Rationaliste propose une méthode systématique décom-posant indéfiniment les objets dans toutes les directions de l’espace. Cette opération recherche la signification des éléments en les ex-trayant de leur contexte pour mieux comprendre les relations qu’ils peuvent entretenir.Le principe de cette outils analytique s’apparente à la déconstruc-tion, étape par étape, d’un objet voire d’une idée. Le prisme ratio-naliste, issue de l’analyse de bâtiment au travers de la Transparence, suggère une procédure plus générale. Lorsqu’elle est appliquée à un objet d’étude de manière quasi scientifique, elle tente indéfiniment de se rapprocher de son sens premier, ou l’essence de celui-ci .

Définition d’un langage

Dans l’avant-propos, la définition physique du prisme suggérait sa capacité de présenter un même phénomène sous un aspect différent. Le prisme rationaliste dans sa recherche continuelle de sens au tra-vers d’une démarche de décomposition propose un autre aspect de l’objet d’étude.Ce prisme et ses mécanismes s’apparentent à la définition d’un lan-gage. La fragmentation du tout en parties expliquée par la forme du prisme constitue un vocabulaire, autrement dit l’ensembles des mots. L’éclatement de l’objet génère des rapports entre ses éléments, leur assemblage peut s’apparenter à une syntaxe. Enfin la procédure, expression de la démarche de ce prisme, formule un certain nombre de règles d’application qui se rapprochent d’une grammaire.L’ensemble de ces parallèles illustrent le prisme rationaliste, cet ou-tils analytique est une sorte de dictionnaire étymologique. Les mots permettent de donner le sens du langage, et l’étymologie celui des mots, le prisme rationaliste est donc un outil donnant les sens des sens. Il permet de regarder autrement.

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Prisme surréaliste– définition d’une culture –

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Figure 14 : Illustration de la méthode Paranoïaque-critiqueIssue de New York Délire

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Dans le but de compléter la notion de ‘regard autre’, de l’enri-chir autant que de pointer ses limites, je souhaite montrer - voire démontrer - qu’il existe un prisme dont le fonctionnement est symétrique à celui exposé précédemment. L’idée n’est pas tant d’opposer deux conceptions mais plutôt d’équilibrer le regard par des outils complémentaires. Le paradoxe étant source d’enrichissement et la confrontation des limites source de renouvellement, je considère que l’on peut rapprocher le prisme rationaliste et le prisme surréaliste, ce der-nier étant définit par le ‘sur’. Quand les outils de la transparence opèrent par soustraction systématique d’éléments, le prisme sur-réaliste se base, lui, sur l’ajout, et l’addition consécutive.

C’est dans la démarche de l’architecte Néerlandais Rem Kool-haas (plus spécifiquement dans les travaux qui s’étalent depuis son diplôme jusqu’à la parution de New York Délire) qu’il est possible d’expliciter un certain nombre d’outils définissant un prisme de lecture dit surréaliste.

La méthode paranoïaque-critique- le Surréalisme -

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Mouvement artistique et origine des prismes

La distinction entre la Transparence Littérale et phénoménale à par-tir de tableaux appartenant au Cubisme analytique est la base de la définition du prisme rationaliste  ; c’est également un mouvement artistique qui est à l’origine de ce second prisme : le Surréalisme. Dans le premier cas il s’agissait de distinguer un phénomène à par-tir de systèmes de représentation mis en place par les peintres puis transférés à l’architecture. Concernant le surréalisme, ce n’est pas réellement une question d’ordre picturale qui est à l’origine du prisme, c’est surtout une méthode d’analyse : la «méthode para-noïaque-critique»1. L’artiste Surréaliste espagnol Salvador Dalí est l’auteur de cette méthode, elle est reprise et employée de nombreuse fois, et notamment par Rem Koolhaas :

«J’ai un intérêt de longue date pour le Surréalisme – il dira plus tard – mais plus pour son pouvoir analytique que pour son exploration de l’inconscient ou son esthétique (…). J’ai été plus impressionné par sa méthode « paranoïaque », que je considère comme une des inventions les plus géniales de ce siècle, une méthode rationnelle qui ne prétend pas être objective, au travers de laquelle l’analyse devient identique à la création»2.

C’est cette faculté «rationnelle» et «non-objective», transfor-mant l’analyse en création qui fait l’intérêt - pour la démarche de Koolhaas – du surréalisme.

Dans la première partie c’est un phénomène : la Transparence qui est à l’origine des mécanismes qui définissent le prisme rationalisteDans la seconde c’est une capacité d’analyse : la méthode para-noïaque-critique qui constitue la base des mécanismes du prisme surréaliste.

1Stephane Ellinger, une histoire paranoïaque de XXeme siècle, mémoire, 2011, eavt, j. Lucan, issue de Salvador Dalí, L’âne pourri : La révolution paranoïaque-critique, Denoël/Gonthier, 1971, Paris, page 155-160

2Roberto Gargiani, Rem Koolhaas / OMA : The Construc-tion Of Merveilles, EPFL Press, Lausanne, 2008, p 12ECOLE

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Définition de la paranoiä-critique

HistoireC’est dans la dernière partie de New York Délire que Rem Kool-haas raconte la «méthode» de l’artiste espagnol : «À la fin des années 20, Salvador Dalí injecte sa méthode para-noïaque-critique dans le courant surréaliste […]. La paranoïa est, à cette époque, à la mode à Paris. La recherche médicale a permis d’élargir sa définition au delà de la simple manie de la persécution, qui n’est qu’un des éléments d’un appareil délirant beaucoup plus vaste»3. Cet outil ayant la capacité d’assimiler l’analyse à la création est dé-finie à une époque donnée : «Ce processus (celui de la paranoïa-cri-tique) s’intensifie et s’accompagne d’un malaise parallèle, provoqué par la conviction que désormais tous les faits, toutes les composantes, tous les phénomènes du monde ont été répertoriés et catalogués, que l’inventaire définitif du monde à été dressé, Tout est connu, y compris ce qui reste reste encore à connaître. La MPC est à la fois le produit de cette angoisse et le moyen d’y remédier»4. C’est donc ce cadre historique qui pousse Dalí a concevoir une nouvelle forme de création.

Mode opératoireLa paranoïa-critique de Dalí expliquée par Koolhaas est, comme son nom l’indique, une méthode en deux étapes.La première, celle paranoïaque, consiste en un «délire d’interpré-tation»5, qui voit la «reproduction artificielle»6 de la «manière de percevoir»7 du malade. C’est la création d’un fait voire d’un monde imaginaire composé de «correspondances, d’analogies, et de schémas associatifs insoupçonnés»8. Autrement dit on repro-duit un monde nouveau perçu uniquement par le malade.La seconde étape, celle critique, correspond au passage permet-tant à ce fait ou à ce monde imaginaire de devenir réel ; d’exister. Ce passage s’opère à un moment précis – «  le point critique » –, lorsque le malade est capable de rattacher un moment ou un fait du monde réel à cet imaginaire. Dès lors l’ensemble des carac-

3, 4, 5, 6, 7, 8Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 237-241

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Figure 15 : L’Angélus de Millet

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téristiques de l’imaginaire (qu’il s’agisse d’un fait ou de tout un monde) convergent vers ce point, s’y «condense». Dalí résume cela dans cette phrase  : «La compression de ces élucubrations gazeuses jusqu’au point critique fabricant les preuves concrètes qui apportent au reste de l’humanité les découvertes de ces excursions […]»9.La méthode paranoïaque-critique est un outil permettant de rendre existant des suppositions et des points vues imaginaires. Elle élève au rang d’axiome des raisonnement détachés du réel. Son fonctionnement s’illustre dans le schéma du de la partie (Fig 14) où ces mêmes raisonnements sont imagés par une forme molle soutenue par une démarche aussi «cartésienne» et «concrète» que des béquilles. La légende issue de New York Délire détaille ce principe : «Les hypothèses molles et improuvables, nées de la simu-lation volontaire de l’activité mentale paranoïaque, soutenue (ren-due critique) par les «béquilles» de la rationalité cartésienne »10.Dans une manière qui lui est très propre Rem Koolhaas illustre aussi les principes de la méthode : «L’activité PC, c’est tricher au dernier tour d’un jeu de patience pour qu’il réussisse ; ou s’acharner sur un morceau de puzzle qui ne correspond pas pour qu’il tienne quand même»11.

Image doubleÀ l’image de la Transparence qui trouve une première explication dans le Cubisme analytique, la méthode paranoïaque-critique illustre son mode opératoire dans la peinture (et plus spécifique-ment dans la peinture surréaliste).Selon le même principe de définition formulé par Dalí et d’explica-tion proposé par Koolhaas, la méthode peut s’appliquer à l’Angélus de Millet (Fig. 15). A partir d’un imaginaire sexuel, Dalí distingue dans cette peinture, d’apparence très classique, un certain nombre d’éléments concrets (faisant partie du réel) : la fourche, les sacs, le chapeau... Mais ces objets sont aussi les «points critiques» qui condensent aussi dans leur double signification un autre monde, le monde imaginaire, qui s’intégre à celui de la réalité.Par cette opération l’Angélus prend une tout autre apparence

9, 10, 11Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 237-241

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Figure 16 : L’Angélus de Millet - peint par Dalí

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(Fig. 16), et deux versions possibles de la même image coexistent au sein du même tableau. C’est le principe d’une image double définie ainsi : «la représen-tation d’un objet qui, sans la moindre modification figurative ou anatomique, soit en même temps la représentation d’un autre objet absolument différent, dénuée elle aussi de tout genre de déformation ou anormalité qui pourrait déceler quelque arrangement».

Ce phénomène est très similaire à celui observé dans le cas de la Transparence Phénoménale où le fond et la forme s’interpénétre-raient sans se détruire optiquement. Grâce aux surfaces cubistes, le tableau regroupe deux formes su-perposeés (ou plusieurs) qui gardent leur intégrité  ; l’ensemble des mécanismes générés ensuite conduisent au prisme rationaliste. Dans l’autre cas, le tableau contient deux images superposées (ou plusieurs) qui ne subissent aucune «modifications figurative ou anatomique» ni «déformation ou anormalités qui pourrait déceler quelque arrangement»  : c’est donc les mécanismes qui découle-ront de cette méthode qui conduiront au prisme surréaliste.

La méthode paranoïaque-critique, et son mode opératoire sont les éléments qui permettent d’éclairer le travail de Rem Koolhaas  ; lui-même s’y référant régulièrement. Les images et des paraboles que l’architecte hollandais emploie sont souvent porteuses de ces même doubles significations. En exploitant ces sens il est possible d’élaborer les principes opératoires (ou des outils) constitutifs du prisme surréaliste. La démarche que je propose ci-après dégage pour chacun des trois exemples un mécanisme au travers de la mise en relation d’un symbole avec un projet (éléboré par l’OMA ou Rem Koolhaas). Ce dernier permet d’expliquer architecturale-ment le procédé.

Ce sont ces démarches que je vais m’attacher à retranscrire ci après.

12Stephane Ellinger, une histoire paranoïaque de XXeme siècle, mémoire, 2011, eavt, j. Lucan, issue de Salvador Dalí, L’âne pourri : La révolution paranoïaque-critique, Denoël/Gonthier, 1971, Paris, page 155-160

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Figure 17 : Le Mur de Berlin, exemple d’architecture «négative»Issu de Exit Utopia

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Le Mur est le premier symbole porteur d’un principe opéra-toire du prisme surréaliste. C’est aussi l’un des premiers objets d’étude de Rem Koolhaas et Elia Zenghelis à l’AA School avant la fondation de l’OMA. À l’image de certains projets de la fin des années 60 et du début des années 70 le concept de mur développé par les deux protagonistes «ne se limite pas à une simple structure porteuse, mais exprime à son plus haut degré la notion de sépara-tion»13. La référence choisie pour développer cette thématique est celle du mur de Berlin qui divise physiquement la capitale en deux.

Ce qui les «intéresse» c’est la séparation violente de la ville géné-rée par cette structure : les rues, les immeubles, les places... tout est coupé. Le ressenti qui s’en dégage est similaire à celui exprimé par «la lame qui tranche l’oeil d’une femme dans Un Chien Andalou de Bunuel et Dalí»14. À Berlin le mur est «l’instrument coupable du désespoir»15. C’est lui qui sépare «le bien» et le «mal».

Le Mur– Exodus : ou les prisonniers volontaires de l’architecture –

15Exit Utopia : archi-tectural Provocations 1956-76, Prestel, Munich, Berlin, Lon-don, New York, 2005, p 231-275

13, 14Roberto Gargiani, Rem Koolhaas et le mythe de la floating swimming pool, Matières, n°7, p 103-119

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Figure 18: Exodus

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Il focalise toutes les attentions, il les condense : d’un coté les tou-ristes, de l’autre les militaires, entre, tous ceux qui essaient de le traverser. Le mur à Berlin est un catalyseur d’attentions principa-lement ‘mauvaises’. Koolhaas et Zenghelis sont frappés de constater que le mur, ins-trument du désespoir, est clairement une «pièce maitresse»16 d’ar-chitecture. Sa constitution comme son vocabulaire appartiennent pleinement au domaine architectural : pleins, vides, préfabriqués en béton, structures métalliques, édifices entiers aux fenêtres mu-rées... Ses caractéristiques ne s’arrêtent pas là, Le Mur de Berlin ne se contente pas seulement de séparer la ville, il entoure littéra-lement la partie ouest , et en définie le périmètre. C’est aussi un ouvrage d’urbanisme.

L’ensemble de cet imaginaire, généré à partir du Mur de Berlin, engendre le premier principe générateur d’idées et de concepts. Ce principe s’exprime au travers du projet Exodus or «The Volun-tary Prisoners of Architecture», ou plutôt s’exprime en «miroir»17 de cet imaginaire.

Exodus : or The Voluntary Prisoners of Architecture

Exodus est le projet de diplôme de Rem Koolhaas, qu’il l’effectue en collaboration avec l’un de ses professeurs Elia Zenghelis. Ils sont respectivement aidés par leur femmes toutes deux peintres : Madelon Vriesendorp et Zoe Zenghelis. L’idée même de ce projet est de convertir la puissance négative, l’instrument de désespoir qu’est le Mur de Berlin en une puissance positive, un instrument d’espoir.L’objectif est de faire un projet architectural symétrique au sym-bole du Mur de Berlin. Il s’agit d’inverser le phénomène  : «est-il possible d’imaginer l’image miroir de cette architecture terri-fiante»18. C’est avec cette notion d’inversion qu’ils vont façonner Exodus. Koolhaas et Zenghelis mettent au service d’une architec-ture «positive» toute la puissance destructrice du Mur pour la placer dans le centre historique de Londres.

16, 17, 18Exit Utopia : archi-tectural Provocations 1956-76, Prestel, Munich, Berlin, Lon-don, New York, 2005, p 231-275

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Le rôle de condensateur du Mur Berlin (sa capacité négative à regrouper les touristes, les militaires, et les fuyards) va s’inverser dans Exodus pour devenir un condensateur social (un lieu d’épa-nouissement personnel et collectif ). Idem le statu des habitants passe de prisonnier à prisonnier volontaire dans le projet pour Londres ; et par un procédé similaire ils sont enfermés dans un cas et possèdent, dans le second, «un mode vie quasi mystique  comme le définit Baudelaire avec paris»19. Donc là où le mur séparait à Berlin, il réunit dans le miroir d’Exo-dus. Les volontaires sont regroupés autour d’activités sociales et d’institutions identiques à celles de la ville mais concentrées dans onze carrés.

Cette dernière action présuppose un autre phénomène, celui de la condensation. En plus de détourner la puissance négative du Mur, Exodus condense ses phénomènes dans un espace volumétrique-ment défini par une bande constituée de carrés successifs. Le sym-bolisme du mur et les activités des habitants de la ville sont réduits dans la forme de la bande centrale, Exodus et son mur ingèrent les caractéristiques de la ville, ils les condensent dans leur intérieur.

Enfin une inversion se trouve dans la forme des deux construc-tions, clairement le Mur de Berlin non seulement sépare mais entoure et délimite une partie de la ville. Exodus à l’inverse semble déployer ses murs à l’infini (Fig 18, 19).

Le titre même d’Exodus est un «hommage» à l’inversion dû à la «condition urbaine» : l’exode rurale des campagnes vers la ville et son pendent l’exode des centres villes vers la nature purificatrice.

Tout dans la rencontre entre le Mur de Berlin et Exodus procède par inversion. Le projet en se constituant en miroir exprime la double signification de l’image choisie par les architectes : le mur aux aspects négatifs opposé au mur «positif».Comme l’explique la méthode paranoïaque-critique de Dalí le mur, l’élément présenté dans le travail de l’OMA, est une image

19, 20Exit Utopia : archi-tectural Provocations 1956-76, Prestel, Munich, Berlin, Lon-don, New York, 2005, p 231-275

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Figure 19 : Plan du projet Exodus

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double, et par extension un principe double. Ce dernier fonc-tionne par inversion, et montre qu’il est possible par la condensa-tion de renverser un phénomène du négatif vers le positif et vice-versa.Ce raisonnement exprime le premier principe opératoire ; un des mécanismes du prisme surréaliste. Le mur est l’outil de l’inversion au travers d’une condensation intense. Son emploi suggère qu’un raisonnement poussé à l’extrême – condensé – peut s’inverser.

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Figure 20 : La Métamorphose de Narcisse - Dalí

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L’Oeuf– la Ville du Globe Captif –

L’oeuf , image récurrente dans les travaux de l’OMA, est le se-cond outil porteur d’un principe opératoire. C’est un objet sym-bolique chargé de plusieurs significations. A l’instar des images doubles avancées par la méthode paranoïaque-critique, il repré-sente à la fois la forme parfaite, la forme pure et en même temps l’acte de naissance, le commencement, la création.

L’oeuf comme forme pure est le premier sens interprété par Rem Koolhaas. L’anecdote de «l’oeuf de Colomb»21 illustrant le fait qu’une idée peut être très simple et à la fois très ingénieuse (autrement dit simple mais pas simpliste), est le point de départ. La transposition architecturale de cette notion conduit le hollandais à exprimer le fait que «l’architecture peut-être simple»22, au moins autant que l’oeuf de Colomb. Il emploie encore cette référence pour justifier l’action «de faire du banal quelque chose d’inattendu»23. Cette première symbolique de l’oeuf est importante dans la démarche

21L’histoire à souvent été attribuée à Chris-tophe Colomb lors de la Découvertes des Amériques, et parfois à Brunellschi pour la construction de la coupole de Saint-Marie des Fleures à Florence, Wikipédia

22, 23The Egg of Colombus Center, Architectural Design, vol XLVII, n°5, 1977, p330

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Figure 21 : L’oeuf, extrait du projet The Egg of Colombus CenterIssu de Rem Koolhaas, OMA, The Constuction of Merveilles

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de Rem Koolhaas et de l’OMA, à tel point que l’oeuf figurera sur l’illustration du texte accompagnant le démarrage de l’agence en 1975.

La deuxième signification : l’acte de naissance, est aussi impor-tante si ce n’est plus dans la compréhension du travail de l’archi-tecte.Dalí et sa peinture surréaliste s’intéresse à cette symbolique de l’oeuf, il la représente en partie dans le tableau La Métamorphose de Narcisse (Fig. 20) ; il n’est donc pas surprenant que Rem Kool-haas transpose une nouvelle fois cette notion de création dans le domaine architecturale.Ce second sens de l’oeuf suggère implicitement un système interne. L’oeuf est un incubateur, c’est un dispositif qui permet la naissance et par extension la création. L’oeuf, en exposant ce mécanisme, peut-être rapproché d’un principe au sens large et par conséquent de l’outil.

De fait ce principe lié à l’oeuf et à l’incubateur, a été décrit. Le fameux projet de la Ville du Globe Captif (Fig. 22) suggère tout un système de création, c’est dans ce sens qu’il est possible de le rapprocher du symbole de l’oeuf.

La ville du Globe Captif

La Ville du Globe Captif est l’un des projets de l’OMA classé par-mi les «conceptual-metaphorical projects»24. Il fait partie de l’un des onze blocs du projet Exodus, et est développé ensuite pour les recherchent sur Manhattan qui conduiront à New York Délire. Rem Koolhaas le considère comme  : «l’extrapolation exagérée d’un paysage métropolitain essentiellement inconscient»25 Son but est d’être  : « un lieu entier consacré à la conception et à la maturation artificielles des théories, interprétations, constructions mentales, et propositions, ainsi qu’à leur mise en application dans le monde. Dans cette capitale de l’ego, la science, l’art, la poésie, et certaines formes de folie, placées dans des conditions idéales, riva-

24The Egg of Colombus Center, Architectural Design, vol XLVII, n°5, 1977, p330

25Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 294

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Figure 22 : La Ville du

Globe Captif

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lisent pour s’assurer la suprématie dans le processus d’invention, de destruction et de reconstruction du monde de la réalité phénomé-nale»26. Autrement dit La Ville du Globe Captif est un «incuba-teur» du monde.Pour ce faire, le projet regroupe autour du globe – la Terre, un œuf, une forme parfaite  ? – un nombre infini d’îlots. Solide-ment constitué de «granit poli», chaque bloc possède sa propre «philosophie». Quelque soit sa forme (aussi bien abstraite que concrète) cette dernière n’est autorisée à se développer que verti-calement, vers «le ciel».Dans l’extrait dessiné par l’OMA chaque «philosophie»: constructivisme, futurisme, expressionnisme, surréalisme, Le Corbusier, Mies Van Der Rohe, Dalí, Malévitch, le mur de Berlin, Le Rockefeller Center... est représentée symboliquement sur son socle. Tous Cohabitent dans la même «ville», sur le même dessin et se développent sur leur bloc.

De ce projet et de la manière dont Rem Koolhaas le présente, il est possible d’extraire certaines caractéristiques qui expliquent sa manière d’opérer.La première préconise la mise à égalité de toutes les «philoso-phies» aussi distinctes soient-elles. Les concepts abstraits comme les constructions physiques sont tous positionnés au même ni-veaux. Peu importe leur importance, leur portée, ou leurs symbo-liques (positives ou négatives) elles se développent toutes sur des bases identiques ; elles ont la même valeur.

«Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie»27.

Cette citation de Lautréamont illustre la seconde caractéristique engendrée par la Ville du Globe Captif : l’hétérogénéité des «phi-losophies». Certes toutes les idéologies sont placées sur un pied d’égalité cependant chacune est le fruit d’une individualité forte. Elles pos-sèdent toutes leurs propres règles, et leurs fonctionnements spé-

26Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 294

27Roberto Gargiani, Rem Koolhaas / OMA : The Construc-tion Of Merveilles, EPFL Press, Lausanne, 2008, p. 16

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cifiques. La contraintes des limites du bloc ne fait qu’intensifier leurs mécanismes internes, leur «ego» est condensé sur le «granit poli» pour mieux se déployer verticalement.

Le paradoxe engendré par le nivellement d’idéologies distinctes est le processus moteur de la Ville du Globe Captif. C’est cette ten-sion qui explique son mécanisme d’incubation. La confrontation génère, par son intensité (elle-même fruit de la restriction imposée par les blocs), de nouvelles «philosophies».L’incubation est d’autant plus productive que sa capacité semble illimitée. Effectivement le projet en s’étendant au delà des limites du dessin suggère que les principes explicités ci-dessus sont ren-forcés par l’ajout de nouveaux blocs et donc de nouvelles «phi-losophies». On peut supposer que plus elles seront nombreuses, plus les ten-sions seront exacerbées et plus le système de production sera fer-tile.

L’ensemble de ce mécanisme justifie la forme pure de l’oeuf, il entretien une dialectique entre l’enveloppe d’apparence simple et son contenant complexe.L’interprétation de ce système de création issue du projet de la Ville du Globe Captif, peut être perçue comme un outil du prisme surréaliste. Le principe opératoire extrait possède une capacité de renouvellement par la confrontation d’éléments symboliques, de philosophies, d’icônes, de théories... tous placés dans un cadre identique, limité et répété à l’infini.Pour la seconde fois un symbole de l’OMA illustré par son projet permet de dégager un principe, un outil.

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Figure 23 : Le Radeau de La Méduse Géricault

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La Piscine– la rencontre du Radeau de la Méduse et

de la Piscine Flottante –

Le «Radeau de la Méduse» et «la Piscine Flottante» sont deux images choisies par l’OMA pour illustrer ses démarches. Leur symbolique est, elle aussi, chargée de principes qui expliquent autant la pensée ‘koolhaassienne’ qu’ils font de ces symboles des outils du prisme surréaliste.

L’architecte Hollandais choisi de confronter ces deux icônes car ils possèdent des caractéristiques à la fois très proches et très éloignées. «les extrêmes qui se touchent»28, titre d’un l’article de George Baird à propos de l’OMA illustre cette caractéristique.

Précédemment les principes opératoires du prisme se sont dégagés de l’illustration du symbole par son projet associé. Ce dernier exemple diffère légèrement. Il est à la fois un moment, une collision, et une rencontre. C’est la conjonction de ces fac-teurs qui permet d’extraire l’outil, c’est ici le moyen d’illustration.

28George Baird, «Les extrêmes qui se touchent», Archi-tectural Design, vol XLVII, n°5, 1977, p326

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Figure 24 : Le Radeau de La Méduse, extrait du projet The Egg of Colombus CenterIssu de Rem Koolhaas, OMA, The Constuction of Merveilles

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Le Radeau de la Méduse

Peint en 1819 le chef d’oeuvre de Théodore Géricault s’inspire du naufrage réelle de la Méduse en 1916. Le navire envoyé par le gouvernement français pour affirmer ses droits sur le Sénégal fait naufrage et 149 passagers dérivent pendant quinze jours sur un radeau. Une douzaine seulement échapperont à la mort, au sui-cide, et surtout au cannibalisme.

L’OMA, comme à son habitude, transpose dans le domaine de l’architecture cette image. elle lui donne, toujours selon les prin-cipes caractéristiques de la méthode paranoïaque-critique, plu-sieurs interprétations.Ce symbole peut représenter à la fois la «panique face aux phéno-mènes de la métropole»29, et «l’arrivée fortuite d’un naufragé ou d’un explorateur sur le nouveau continent... »30. Ces deux interpré-tations différentes se trouvent condensées dans l’histoire racontée par Koolhaas ; elle commence ainsi : « partie d’Europe, le radeau, avec à son bord les survivants d’une culture avant-gardiste en péril, se précipite sur New York, […] accroché à un parachute, […] »31

Enfin le «radeau» peut revêtir une signification plus ou moins intemporelle, celle «d’une génération d’architectes restées sans maîtres»32.Ce transfert de symboles, opéré depuis la peinture vers l’archi-tecture, trouve cependant son sens premier dans le cannibalisme auquel les naufragés sont contraints pour survivre. Triste fait de l’histoire, c’est un élément qui rattaché aux conceptions de Freud, et encore une fois à celles de Dalí devient «un phénomène d’appro-priation de la qualité de l’objet ingéré»33 (une nouvelle fois Kool-haas transforme un extrême en un principe opératoire cf exodus). À l’image du phoenix qui renait de ses cendres le cannibalisme permet une certaine forme renouvellement, au sein de l’architec-ture elle se traduit dans cette citation : «la démolition d’une struc-ture n’empêche nullement que sont esprit sois préservé».Ce mécanisme de renouvellement par l’ingestion est très proche du renouvellement proposé par l’incubateur de la Ville du Globe

34Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 134

29, 30, 31, 32, 33Roberto Gargiani, Rem Koolhaas et le mythe de la floating swimming pool, Matières, n°7, p 103-119ECOLE

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Figure 25, 26 : The floation Swimming Pool, plan et peintureIssus de New York Délire

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Captif. Certes le procédé diffère, cependant encore fois un sym-bole – ici celui du «radeau» - lors de sa transposition architectu-rale devient potentiellement porteur de principes.

The Floating Swimming pool La piscine flottante – en français – est aussi un projet de l’OMA classé parmi les «conceptual-metaphorical projects». Là encore ses propriétés sont assimilables à un outils analytique. Et c’est tou-jours en comprenant sa symbolique, son sens implicite, qu’il est possible de la rattacher à la définition des outils de lecture.

Dans le scénario proposé par Koolhaas la piscine, originaire de Moscou, est le produit d’étudiants de l’école d’architecture : «L’idée devait être dans l’air : les uns ima-ginaient des villes volantes, d’autres des théâtres sphériques ou encore de véritables planètes artificielles. Il fallait que quelqu’un inventât la piscine flottante»35.Fruit de références multiples : le projet constructiviste de piscine de Leonidov36, la passion de Koolhaas pour la nage37, et le radeau de la méduse38. La piscine flottante de l’OMA suggère, à l’images des symboles précédant, plusieurs principes.

Le premier s’illustre à la fois dans sa dénomination et dans cette citation  : «La piscine flottante, enclave de pureté au milieu d’un environnement contaminé […]»39. Cet objet est un paradoxe  : c’est un contenant d’eau évoluant dans l’eau, qui de surcroit op-pose l’eau «contaminée» de l’océan à la «pureté» de l’eau qu’il contient. D’un coté la construction et le programme de la «piscine» ren-forcent ce propos  : «c’était un long rectangle fait de plaques de tôles boulonnées sur un châssis en acier. […]. À chaque extrémité, un foyer vitré laissait voir, d’un coté les activités saines – et parfois excitantes – qui se déroulaient dans les profondeurs de la piscine et, de l’autre, la lente agonie des poissons dans l’eau polluée»40. De l’autre coté ils exposent le fait qu’elle est l’intermédiaire entre ces deux mondes ;

35, 39, 40Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 307

36, 37, 38Roberto Gargiani, Rem Koolhaas et le mythe de la floating swimming pool, Matières, n°7, p 103-119

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certaines parties permettant de percevoir simultanément les deux aspects.À l’image du «Mur», la «Piscine» peut-être considérée comme un entre-deux, comme un outil de dialectique.

La «piscine flottante» est à la fois la distinction entre deux uni-vers et le liens qui les réunis : «les extrêmes qui se touchent» pour citer encore une fois George Baird.Cependant toujours selon les propriétés des images doubles de la méthode paranoïaque-critique, elle propose un autre principe.

Les étudiants concepteurs de l’ouvrage, entre-temps devenus ar-chitectes/maîtres nageurs, découvrent que s’ils nagent à l’unisson dans une direction d’un bord à l’autre, la «piscine» entre elle-même en mouvement : «action = ré-action»41.Plus spectaculaire encore, le déplacement de la piscine se fait en sens inverse du mouvement de la nage coordonnée  : c’est le principe de la «rétroaction». La «piscine flottante» est donc un mécanisme permettant de se déplacer dans une direction en effectuant un mouvement (une nage) dans l’autre. Autrement dit un système, comme celui de la piscine indique qu’il est nécessaire (sinon possible) de regarder dans la direction opposée de celle de son objectif.On à là, une nouvelle fois, un principe.

Collision

Comme le suggérait l’introduction du chapitre ces deux histoires, à la fois différentes et très similaires font l’objet d’une collision ; en réalité, une rencontre ‘organisée’ par Rem Koolhaas.Toutes les deux sont similaires dans la forme  : ce sont des para-boles de ‘navires’ flottant pour rejoindre un but identique et «sal-vateur»42  la ville de Manhattan.La première, celle du «radeau», est le fruit d’un drame : le nau-frage et la mort qu’il entraine, constituent la version «pessi-miste»43. La seconde, celle de la «piscine», est le fruit de l’espoir :

42, 43,The Egg of Colombus Center, Architectural Design, vol XLVII, n°5, 1977, p330et Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 307

41(un mouvement appa-raît comme lorsque les idéologies de la Ville du Globe Captif sont contraintes dans les limites de leur bloc) Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 307

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Figure 27 : The swimmer, illustration par Rem Koolhaas, de la rencontre de la Piscine et du Radeau,

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celui de rejoindre une société meilleure, c’est la version «opti-miste»44.L’une exprime le rebut de théories avant-gardistes dépassées, l’autre est la fuite d’une société passée.

Chacune semble pourtant posséder son principe opératoire propre : le «radeau» et le cannibalisme comme capacité d’appro-priation de l’objet ingéré ; la «piscine» et la rétroaction comme capacité d’atteindre son but en regardant dans la direction inverse.La «rencontre organisée» est racontée par Koolhaas, à la fin du scénario de  l’histoire de la piscine flottante  : «L’acier de la pis-cine s’enfonce dans le plastique de la sculpture (celle représentant le radeau de la Méduse) comme un couteau dans du beurre.»45. La collision est de ce fait l’expression d’un principe commun.Effectivement cette image suggérant que l’optimisme l’emporte sur le pessimisme, voit la «piscine» cannibaliser le «radeau» et ses concepts.Cannibalisme et rétroaction ne font plus qu’un  : le mécanisme permettant à la piscine d’atteindre son but (une forme de renou-vellement) est similaire au mécanisme de renouvellement par appropriation de l’objet ingéré, dans le sens ou regarder dans la direction inverse consiste à regarder derrière, dans le passé, autre-ment dit vers l’objet passé, vers l’objet ingéré.

En complément du «Mur» et de «l’Oeuf», les deux symboles du «Radeau» et de la «Piscine», issus eux aussi de l’imaginaire de Rem Koolhaas constituent un seul et même outil opératoire ayant la capacité de s’approprier (d’ingérer) ce qui existe : le passé pour formuler quelque chose de nouveau. Il s’incarne dans la notion de «rétroaction» définie ainsi  :  l’action en retour d’un effet sur le dispositif qui lui a donné naissance, et donc, ainsi, sur elle-même.

44, 45Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, Marseille, 1978, p 307

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Prisme surréaliste – définition, forme, démarche, résultat –

Les trois principes élaborés ci-avant, à partir d’images et des symboles du travail de Rem Koolhaas, sont des mécanismes du prisme surréaliste. Comme les démarches de Rowe, Eisenman et Hoesli définissaient les outils du prisme rationaliste, le Mur, l’Oeuf, et la Piscine définissent le prisme du surréalisme. Ces trois éléments, par les mécanismes qu’ils opèrent, peuvent s’ apparrenter à des systèmes s’appliquant entre notre vision et l’objet observé.À l’instar du premiers chapitre les paragraphes suivant sont l’ex-plication du prisme surréaliste.

Définition 1

Ce sont ces trois éléments qui qualifient le prisme de surréaliste, et la notion du ‘sur’. Ils sont tous basés sur des opérations de démul-tiplication de l’objet d’étude. Là ou le prisme rationaliste décomposait, le prisme surréaliste

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appose des mécanismes de transformation : il ajoute, il enrichit et de ce fait permet le renouvellement.Ce n’est pas l’objet d’étude qui se voit décortiqué, mais son ensemble qui est modifié par une ou plusieurs opérations qui lui sont appor-tées : d’où le terme ‘sur’ pour définir ce prisme.

Plus en détails :- Le Mur est un mécanisme permettant une inversion sur ou dans l’objet d’étude.- L’Oeuf est un mécanisme permettant une forme de confrontation dans l’objet d’étude ou entre plusieurs objets d’étude.- La Piscine est un mécanisme permettant à l’objet d’étude de se re-constituer sur lui-même ou de se renouveler en s’appuyant sur ce qui le précède.

Inversion, confrontation, re-constitution sont des opérations per-mettant le renouvellement, elles sont assimilables à une démultipli-cation de propriétés du sujet analysé.Comme avec le prisme rationaliste c’est donc l’ensemble des prin-cipes énoncés ci-dessus qui définissent ce second outil et lui donne son caractère de système. Le fait que l’ensemble des symboles extraits du travail de Rem Kool-haas puissent être assimilés à des mécanismes concrets permet d’ex-pliciter un prisme de lecture - dit surréaliste.

Définition 2

L’attribution du qualificatif ‘sur’ pour ce second prisme a une se-conde origine. Le Mur, l’Oeuf, et la Piscine sont trois éléments très liés. Ils possèdent de nombreuses significations en commun. Certes ils sont clairement identifiables les uns par rapport aux autres grâce aux principes qu’ils mettent en avant, cependant il est possible de tisser des liens entre chacun de ces symboles.

- Le Mur comme la rencontre du Radeau et de la Piscine opposent des conceptions binaires de types positif/négatif, pessimiste/opti-

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miste.- Exodus, projet illustrant le Mur, et l’incubateur de l’Oeuf pola-risent tous les deux dans leurs fonctionnemnt internes des phéno-mènes multiples et variées qu’ils condensent. - Tout comme Le Mur illustré dans Exodus qui fini par «canniba-liser» la ville de londres et qui nous renvoie aux principes du par du Radeau et de la Piscine.- Enfin la Piscine et le Mur d’Exodus ont tous les deux la même forme et plus ou mois les mêmes proportions que le bloc qui met sur un pied d’égalité l’ensemble des différentes «philosophies» dans la Ville du Globe Captif.

Ces trois éléments symboliques, tous définis comme outil, fonc-tionnent sur des paradoxes et des oppositions qui sont générale-ment les moteurs des mécanismes qu’ils portent. Mais, en plus, ils fonctionnent sur des systèmes de renvois et d’associations comme démontré ci-dessus. Cet enrichissement dû aux multiples connexions possibles, définit une forme de réseau. Un systèmes d’interconnexion multiples qui justifie un peu plus le qualificatif de surréaliste attribué au prisme.

La forme : Le Kaléidoscope

Les deux parties de la définition du prisme permettent d’exposer la forme de ce dernier. Les systèmes de proportions introduits au début de ce travail suggèrent un outil de lecture de forme surfa-cique, donc bi-dimensionnel. Le prisme rationaliste dégagé des démarches de Rowe, Eisenman, et Hoesli, opère clairement dans les trois dimensions de l’espace, sa forme est dite volumétrique. Le prisme surréaliste se caractérise dans sa multiplicité et dans les renvois systématiques qu’il génère ; c’est pourquoi sa forme peut-être qualifiée de kaléidoscopique.Un kaléidoscope est un dispositif optique complexe qui grâce à une jeu de miroir et de renvoi, décompose et compose à l’infinie les images. C’est exactement la manière d’opérer des outils extraits du travail de Rem Koolhaas. Les mécanismes internes du Mur, de

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l’Oeuf, et de la Piscine permettent cette décomposition et recom-position à l’infini des images (ou des objets d’études). Ce phéno-mène est fortement amplifié par les associations possibles entre ces trois outils : c’est le principe du kaléidoscope.

Démarche 

Comme dans le premier chapitre, une fois le prisme défini et for-malisé, il est nécessaire d’identifier sa démarche ou sa manière d’opérer. Pour ce faire il est utile de s’appuyer sur les caractéris-tiques citées au-dessus. La définition et la forme montrent que les trois outils du prisme permettent d’effectuer un certain nombre d’actions sur l’objet d’étude. Ces opérations peuvent se combiner indéfiniment pour offrir de nouvelles configurations (les réseaux et le jeux de renvoi du kaléidoscope). Ces caractéristiques sont ty-piques du processus dans sa définition propre : «c’est une manière, c’est une pratique dans dans certain but. […]. En définitive, un pro-cessus est multiple, il est la voie vers une solution parmi d’autres »46. C’est dans ce sens que le prisme surréaliste opère, les outils extraits du travail de Rem koolhaas fonctionnent comme un processus. Il est possible de différencier une nouvelle fois le prisme rationa-liste du prisme surréaliste grâce à la distinction entre procédure et processus :

«  Opposer procédure et processus, c’est respectivement opposer un mode de conception à partir de règles connues, et un mode de concep-tion déterminé par des actions qui n’augurent pas de tous les résul-tats, mais laissent ouvertes des possibilités inexplorées »47

Résultat

Les caractéristiques du prisme  : définition, forme, démarche conduisent au résultat, ce qu’il est potentiellement capable de générer.Par la décomposition le prisme rationaliste menait à l’essence de l’objet d’étude, et tentait indéfiniment de se rapprocher de

47Jacques Lucan, On en veut à la compo-sition (2), matière, 2003, p 78

46Tristan Zelic et Iris Lacoudre, procéssus ouverts : la pensée créatrice, mémoire, 2012, Eavt, J. Lucan, p4ECOLE

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son sens premier. Le prisme surréaliste tend indéfiniment vers le renouvellement du sujet analysé. L’ajout systématique, la démul-tiplication, les phénomènes de renvois, la décomposition et la re-composition infinie sont un ensemble cohérent de dispositifs qui opèrent des transformations sur l’objet d’étude pour le renou-veler. Cette capacité rattache directement le prisme de lecture à la notion de regard autre introduisant le sujet de ce mémoire

Définition d’une culture

La démonstration du prisme rationaliste se terminait par un parallèle avec le langage. Un renvoi symbolique à la démarche de Eisenman dans The Formal Basis of Modern Architecure. Un renvoi similaire au travail de Rem Koolhaas dans New York Délire peut conclure ce chapitre. L’enrichissement et le renouvellement permanent que les méca-nismes du prisme surréaliste proposent peuvent s’apparenter à la définition vaste d’une culture, dans le sens ou elle regroupe un nombre infini de caractéristiques sociales (langue, tradition, savoir-faire, coutumes...) tout en acceptant leurs modifications in-cessantes. En ce sens une culture est en perpétuel renouvellement, le prisme surréaliste aussi.

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Figure 1 : prisme rationaliste

Figure 2 : prisme surréalisteECOLE

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Conclusion 101

Fonction inverse – Limite en zéro, limite en l’infinie –

Les deux outils de lecture présentés dans ce travail réunissent de nombreuses caractéristiques soit communes, soit complémen-taires. Les deux méthodes s’élaborent parallèlement, l’une enri-chissant l’autre et vice-versa. Ces passerelles théoriques sont des arguments supplémentaires pour expliciter les prismes.

L’outil rationaliste, et l’outil surréaliste tirent tous les deux leur origine de concepts théoriques : le premier est issu des principes de la Transparence et plus particulièrement de son caractère phé-noménale. Le second provient de la méthode paranoïaque-cri-tique et de sa capacité d’analyse. Ces deux démarches trouvent une illustration commune dans la peinture  : les œuvres du cubisme analytique pour le premier prisme, et les tableaux surréalistes pour le deuxième. Ces représen-tations ont la caractéristique très proche de nous placer soit entre réel et virtuel, soit entre réel et imaginaire. Plus précisément la Transparence entretient une ambiguïté spatiale qui rend difficile

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la distinction entre les plans, entre ce qui est concrètement présent et ce qui n’est que suggéré  ; d’où sa capacité à placer un obser-vateur entre réel et virtuel. La méthode paranoïaque-critique en proposant des mécanismes d’insertion des faits imaginaires dans la réalité suppose un aller-retour incessant entre ces deux mondes ; on peut lui attribuer la capacité de placer un observateur entre réel et imaginaire.Plus surprenant encore, Transparence et Paranoïa-critique pro-posent toutes les deux un phénomène d’images doubles. Autre-ment dit ces démarches peuvent superposer deux interprétations dans une même image sans opérer de modifications, ni de trans-formations de cette dernière.Dans le cas de la Transparence la superposition intervient lorsque l’outil de la surface et le phénomène de « coulisses » sont poussés à l’extrême par Colin Rowe et Robert Slutsky. Dans le cas de la paranoïa-critique ce phénomène s’opère par le système de renou-vellement d’interprétations.L’ensemble de ces parallèles fournit un base commune pour le développement d’outils de lecture.

La Transparence phénoménale et la méthode paranoïaque-cri-tique sont transposées à l’architecture respectivement par Colin Rowe et Rem Koolhaas. Le développement de ces outils dans un nouveau domaine s’opère progressivement. Chacune des étapes définies par ces deux protagonistes (ou d’autres) permet d’extraire des mécanismes d’analyse. Ces systèmes regroupés ou pris indé-pendamment sont l’essence des prismes présentés par ce mémoire.D’un coté l’outil rationaliste définit ses mécanismes par les ap-proches successives de : Rowe et la surface, Eisenman et l’ensemble constitué de la surface, de la masse, du volume et du mouvement, puis par Hoesli et la généralisation qu’il opère. Chacune de ces étapes constituent l’ensemble de la définition du prisme rationa-liste.De l’autre coté l’outil surréaliste extrait ses mécanismes des sym-boles illustrant le travail de Rem Koolhaas : le mur et son projet associé Exodus, l’oeuf est son illustration dans le dessin le Ville du

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Conclusion 103

Globe Captif, enfin la piscine dans sa rencontre avec le radeau de la Méduse. Chacun de ces éléments formalisent le prisme surréa-liste.

Les principes extrait des étapes du développement de la Transpa-rence, et ceux extraits des symboles de l’OMA caractérisent res-pectivement les deux prismes. Ils permettent de leur associer une ‘définition’, une ‘forme’, une ‘démarche’, et d’obtenir un ‘résultat’. C’est quatre éléments sont la structure primaire des prismes. Ils permettent des les distinguer.La transparence à partir du cubisme définit le prisme rationaliste, basé sur le retrait et la notion de ‘ratio’. Il possède une forme tri-dimensionnelle, dite volumétrique, et sa démarche s’apparente à une procédure. Le principe de ce prisme est de se rapprocher sys-tématiquement de l’essence de ce qu’il analyse, dans ce sens il peut s’apparenter à la définition d’un langage.Inversement la méthode paranoïaque-critique à partir du surréa-lisme définit le prisme surréaliste, basé sur l’ajout, et la notion de ‘sur’. Sa constitution est un réseau complexe de renvois d’images, de ce fait sa forme peut s’apparenter à un kaléidoscope. Sa dé-marche est à un processus. Ce second prisme par la richesse de ses opérations permet un continuel renouvellement, dans ce sens il est possible de le rapprocher de la définition d’une culture.

Dans le cas du prisme rationaliste comme dans celui du prisme sur-réaliste les quatre éléments : la définition, la forme, la démarche, et le résultat sont interprétés depuis des principes architecturaux majoritairement théoriques et conceptuels.C’est l’objectif de ce mémoire d’extraire de logiques intellectuelles des objets physiques d’analyse permettant le renouvellement du regard. En ce sens la démarche issue de la Transparence et de ses étapes de développement depuis la surface jusqu’à sa généralisation peut être considérée comme un objet de la vision. Ses mécanismes sont assimilables à ceux d’un prisme optique (Fig 1).De la même manière la méthode paranoïaque-critique tire son

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Prisme rationaliste

Transparence phénoménale

Peinture Cubisme

Entre réel et virtuel

Quatre outils basés sur la surface, la masse, le volume, et le mouvement

Representation monochromeépurée

Défini par le ‘ratio’

Forme VolumétriqueTridimensionnelle

Procédure

Va à l’essence

Défini un language

Priseme surréaliste

Méthode paranoïaque critique

Peinture Surréaliste

Entre réel et imaginaire

Quatre outils basés sur, le mur, l’oeuf, le radeau, et la piscine

Représentation saturéesurchargée

Défini par le ‘sur’

Forme kaléidoscopiqueRéseau

Procéssus

Renouvelle les interprétations

Défini une culture

Caratéristiques des prismes

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Conclusion 105

origine du surréalisme, une fois transposée à l’architecture elle permet de définir des symboles. Ces derniers, selon leur signifi-cation ou leur manière de se combiner, opèrent des mécanismes d’analyses proche de ceux d’un prisme inversé (Fig 2).Cette inversion différencie le prisme rationaliste du prisme sur-réaliste.

La première partie de ma démarche se justifie dans mise en forme des outils de la Transparence. Ces derniers étant déjà définit, je les ai regroupé pour former la structure générale d’un prisme (défini-tion, forme, démarche, résultat). La seconde partie est une interprétation des systèmes inclus dans les images de l’OMA. Appliqués individuellement ou par com-binaison, ces outils constituent le prisme surréaliste. C’est avant tout la structure similaire à celle dégagée des outils existant de la Transparence qui, pour moi, rend concret les métaphores de Rem Koolhaas. Cette structure complémentaire des prismes se résume dans le tableau ci-contre

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Fonction Inverse

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Conclusion 107

Ce travail «scientifique» est introduit par un parallèle avec la phy-sique, il est donc naturel de le conclure par un parallèle avec les ma-thématiques. Cette image de la fonction inverse est pour moi l’illus-tration du potentiel des prismes de lecture. La fonction inverse lorsqu’elle tend vers zéro se rapproche de l’infi-ni, et lorsqu’elle tend vers l’infini se rapproche de zéro. Que ce soit dans le domaine des valeurs négatives (prisme ratio-naliste ?), ou dans le domaine des valeurs positives (prisme surréa-liste ?), elle n’atteint jamais vraiment son but. Par sa nature la fonc-tion inverse impose toujours, aussi infime soit-il, un espace vide, un espace inconnu, un espace pour regarder autrement.

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Bibliographie

Introduction / conclusion

-Robert Krier, Architectural Composition, Edition Axel Menges, Sut-tgart/London, 2010-Colin Rowe, Mathématiques De La Villa Idéale  : Et Autres Essais, Edition Hazan, Paris, 2000-Tristan Zelic et Iris Lacoudre, procéssus ouverts : la pensée créatrice, mémoire, 2012, Eavt, J. Lucan-Stephane Ellinger, une histoire paranoïaque de XXeme siècle, mémoire, 2010, eavt, j. Lucan Le prisme rationaliste

Livres

-Peter Eisenman, The Formal Basis Of Modern Architecture, Lars Müller Publishers, Donauwörth/germany, 2006Caragonne, Alexander, The Texas Rangers: Notes from the Architectu-ral Underground, Cambridge MA and London: MIT Press, 1995-Colin Rowe, Robert Slutzky, Transparency  : with a commentary by Bernhard Hoesli and an Introduction by Werner Oechslin, Birkhäuser, Basel, Boston, Berlin, 1997-Sébastion Marot, L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture, Editions de la Villette, Paris, 2010.

Revues-Val K. Warke, Phenomenal Transparencies and Palpable Tensions  : Architecture at Cornell in the 1970s, A+U, n°428, juin 2005, Imple-menting Architecture : cornell and the education of architects, p54-61 -Rosmarie Haag Bletter, Opaque Transparency, Opposition, n°13, 1978, p121-130

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Le prisme surréaliste

Livres-Jacques Lucan, Composition Non-composition, Presse polytechniques et universitaires romandes, 2009-Roberto Gargiani, Rem Koolhaas / OMA : The Construction Of Mer-veilles, EPFL Press, Lausanne, 2008-Rem Koolhaas, New York Délire, éditions parenthèses, 1978-Jacques Lucan, OMA – Rem Koolhaas : pour une culture de la conges-tion, Electa Moniteur, Milan, Paris, 1990-Exit Utopia  : Architectural Provocations 1956-76, Prestel, Munich, Berlin, London, New York, 2005

Revues-Sébastien Marot, Sub-urbanisme/Sur-urbanisme : de Central Park à La Villette, marnes : documents d’architectures, 2010, p301-353-Philippe Potié, New York le Nègre et le Schizophrène, le visiteur, n°16, novembre 2010, p43-54-Vincent Ducatez, Rem Koolhaas, prisonnier volontaire de l’architec-ture ?, L’architecture d’aujourd’hui, n°36, novembre-décembre 2005, p80-87Roberto Gargiani, Rem Koolhaas et le mythe de la floating swimming pool, matières n°7, p 103-119-Numéro spécial OMA, Architectural Design, vol XLVII, n°5, 1977-Spéciale OMA, L ‘Architecture d’Aujourd’hui, n°238, avril 1985

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Page 110: Les prismes de lecturemes.marnelavallee.archi.fr/mes/072012400.pdfFigure 4 : Outil de mesure de proportion construit par Rob Krier et ses étudiants Architectural Composition, Edition

Les prismes de lecture : procédure et processus pour regarder autrement, Arthur Clauss, Séminaire 2012 - 2013, Jacques Lucan, Benjamain Persitz, Ecole d’architecture de la Ville & des Territoire à

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