les reconstructions secondaires des amputations digitales distales par transfert d’orteil chez...

6

Click here to load reader

Upload: fm

Post on 20-Dec-2016

219 views

Category:

Documents


4 download

TRANSCRIPT

Page 1: Les reconstructions secondaires des amputations digitales distales par transfert d’orteil chez l’enfant

Mise au point

Les reconstructions secondaires des amputations digitalesdistales par transfert d’orteil chez l’enfant

Distal reconstruction of the finger with a partial toe transfer in the child

P. Valenti a,*, F.M. Leclère b

a Clinique Jouvenet, institut de la main, 6, square Jouvenet, 75016 Paris, Franceb Institut Gustave Roussy, 114, rue Edouard-Vaillant, 94805 Villejuif cedex, France

Reçu le 20 août 2012 ; reçu sous la forme révisée le 1er mars 2013 ; accepté le 2 mars 2013Disponible sur Internet le 20 juin 2013

Résumé

Les reconstructions distales du pouce ou des doigts à l’aide d’un transfert artériel vascularisé « sur mesure » à partir du pied permettent derestaurer l’esthétique et la fonction de la main de l’enfant avec des séquelles minimes du site donneur. L’excellente resensibilisation, laconservation d’un potentiel de croissance et un remodelage esthétique avec le temps sont les caractéristiques de ces transferts microchirurgicaux del’enfant. Nous en rapportons dix cas chez l’enfant ayant permis de reconstruire l’appareil unguéal, la pulpe et parfois toute l’extrémité du doigt enaval de l’interphalangienne distale, en insistant sur les détails techniques.# 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Enfant ; Transfert partiel d’orteil ; Reconstruction distale ; Doigt ; Pouce ; Croissance

Abstract

Distal reconstruction of the finger or the thumb with a ‘‘custom-made’’ arterialized toe transfer in the child is a sophisticated operation. Thisoperation can restore an excellent hand function and good cosmetic result with reduced morbidity at the donor site. Characteristics of thesemicrosurgical toe transfers in the child are the potential of nerve regeneration and the conservation of a growth potential of the phalanx. We report10 cases of reconstruction of a part of the distal finger in children (nail, pulp, bone) with a high degree of parents’ satisfaction.# 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Child; Partial toe transfer; Growth; Distal reconstruction; Finger; Thumb

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Chirurgie de la main 32S (2013) S57–S62

1. Introduction

L’amputation distale d’un doigt ou d’un pouce, en aval del’articulation interphalangienne distale (IPD), altère peu lafonction globale de la main. Cependant, la réalisation d’unepince pulpo-pulpaire fine, précise et forte, nécessite l’intégrité dela longueur du pouce et des doigts. De plus, cela affectel’apparence de la main et peut créer chez le grand enfant uneexclusion d’utilisation et un retentissement psychologique,retentissant éventuellement sur son choix de vie professionnelleet personnelle. Le transfert partiel d’orteil permet de restaurer

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Valenti).

1297-3203/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservhttp://dx.doi.org/10.1016/j.main.2013.03.007

l’apparence, mais aussi la longueur, la sensation pulpaire et laforce, au prix d’une séquelle esthétique au niveau du sitedonneur, mais sans gêne fonctionnelle, notamment à la course etau saut. Chez l’enfant, la croissance de la phalange de l’orteiltransféré suit la croissance d’une phalange d’orteil non transféré.Pratiquée dans des cas post-traumatiques chez l’adulte, cettetechnique est plus rarement réalisée chez l’enfant en raison depotentielles difficultés liées à la petite taille des vaisseaux et dupeu de publications rapportant cette technique. Par rapport àl’adulte, la grande différence est liée à la meilleure régénérationnerveuse permettant d’espérer une meilleure sensibilité [1].

Nous détaillerons nos indications, la technique, le choix dutransfert partiel, le résultat pour le pouce amputé en aval del’articulation interphalangienne (IP) et le doigt en aval del’articulation IPD.

és.

Page 2: Les reconstructions secondaires des amputations digitales distales par transfert d’orteil chez l’enfant

P. Valenti, F.M. Leclère / Chirurgie de la main 32S (2013) S57–S62S58

2. Rappel historique

Les transferts partiels d’orteil sont apparus vers les années1980. En 1980, Morrison et al. [2] rapportaient le prélèvementd’une enveloppe cutanée unguéale et pulpaire aux dépens de lapartie distale du gros orteil pour la reconstruction distale d’unpouce. Une greffe osseuse non vascularisée d’origine iliaque enposition distale restituait la longueur du pouce et le support del’ongle. En 1982, pour pallier une ostéolyse de la greffe osseusenon vascularisée, Foucher et Chabaud proposaient de prélever unfragment de la phalange distale de l’hallux, avec l’enveloppe departies molles, et donc vascularisé ; il s’agissait du « wrap-aroundmodifié » [3]. En 1982, Gilbert [4] rapportait la réalisation despremiers transferts du deuxième orteil (en totalité) chez l’enfantprésentant une absence congénitale de pouce ou de doigt. En1992, Morrison [5] rapportait la technique de reconstructiondigitale distale à l’aide d’un prélèvement sur mesure aux dépensde la partie distale du deuxième orteil : « mini wrap-around ». En1992, Cooney et Wood [6] rapportaient les premiers transfertsd’orteil dans les cas post-traumatiques de l’enfant. Enfin, en1997, afin d’améliorer la reconstruction du bord latéral du pouceet éviter une séquelle trop importante au gros orteil, Hirase et al.[7] proposaient un prélèvement à la fois sur le gros orteil et sur lapartie latérale du deuxième orteil, vascularisé par l’artèreintermétatarsienne.

Ainsi, parallèlement aux raffinements des transferts partielsd’orteils chez l’adulte, pour atteindre le « sur mesure », lesindications et les séries chez l’enfant étaient plus rarementrapportées.

3. Indications chez l’enfant

En traumatologie, la reconstruction secondaire microchi-rurgicale du doigt ou du pouce de l’enfant est indiquée quandles techniques de lambeau local d’avancement ou en îlot homo-ou hétérodigital sont dépassées. L’indication, souvent d’ordrecosmétique, doit être discutée avec les parents, et égalementavec l’enfant si celui-ci est en âge de comprendre. Il est en effetparfois nécessaire d’attendre que le patient puisse exprimer sondésir de correction de la perte de substance initiale, comprendrele geste proposé et ses résultats attendus, avant d’envisager cetype de chirurgie. Une information claire doit être donnée surles séquelles sur un site donneur préalablement indemne. Si laperte de substance pulpaire s’étend en amont de l’articulationIPD, pour des pulpes dominantes (radiale de l’index et dumajeur, ulnaire de l’auriculaire et du pouce), le transfert d’unehémi-pulpe d’orteil, et plus particulièrement du gros orteil (enraison du plus grand nombre de récepteurs sensitifs), estindiqué [8]. Si la perte de substance dorsale emporte toutl’appareil unguéal (tablette, lit et matrice), le transfert artérielvascularisé du complexe unguéal d’un orteil est indiqué ; leprélèvement partiel au niveau du gros orteil est préféré pour lareconstruction du pouce, et au niveau du deuxième orteil pour lareconstruction digitale.

La perte de substance distale peut être composite (os, pulpeet appareil unguéal) après l’écrasement dans une porte d’undoigt non réimplanté, ou après échec d’une réimplantation

distale ; la seule solution pour restituer l’intégrité digitalejustifie un transfert sur mesure à partir du gros orteil pour lepouce, et du deuxième orteil pour les doigts longs.

L’ongle en griffe, séquellaire d’une amputation distale,emportant plus de deux tiers de la phalange distale, exclut toutepossibilité de technique locale ou locorégionale et justifie unapport osseux vascularisé, qui est le seul garant de l’absence derésorption et de la repousse d’un ongle non incurvé.

En cas d’atteintes multidigitales, la reconstruction secon-daire doit privilégier le pouce et les doigts radiaux, afin derétablir une pince pollici-digitale bi- ou, mieux, tripode pour lesgestes fins.

4. Principes techniques des reconstructions secondairesdistales du pouce ou d’un doigt

L’intervention est réalisée sous anesthésie générale avec ungarrot pneumatique à la cheville ou à la racine du membreinférieur, après un drainage effectué à la bande Velpeau pourfaciliter la dissection vasculaire. Un bloc axillaire, encomplément de l’anesthésie générale, diminue les douleurspostopératoires et l’agitation, fréquente chez l’enfant etaugmente la vasodilatation périphérique. Une anesthésielocorégionale isolée peut être utilisée seule chez l’adolescent.Un garrot est utilisé à la racine du membre supérieur. Unmatelas chauffant permet d’assurer une température constantede l’enfant, pour diminuer le risque de spasme artériel. L’enfantest hospitalisé durant cinq jours avec surveillance horaire de lacoloration durant les 48 premières heures. Aucun traitementmédical à visée anticoagulante n’est prescrit, hormis quand unegreffe veineuse est réalisée.

4.1. Dissection du pouce

La dissection débute par la main, dans le but de définir leniveau des anastomoses artérielles.

Si la lésion initiale était une avulsion avec une largecontusion des parties molles, il est préférable de faire desanastomoses proximales, avec l’artère radiale ou une de sesbranches au niveau de la tabatière anatomique. Parfois, l’artèrede la première commissure est volumineuse et peut être unexcellent vaisseau receveur.

Après une amputation nette en aval de l’articulation IP, ladissection se porte plutôt sur l’artère digitale palmaire propreulnaire, en regard de la phalange proximale, bien que latechnique d’anastomose soit parfois « acrobatique ».

Les anastomoses avec les nerfs sont faites le plusdistalement possible, afin que la distance par rapport auxrécepteurs soit la plus courte possible.

Une simple ténodèse du fléchisseur et de l’extenseur estnécessaire si l’amputation se situe au niveau de l’IP. En aval, iln’y a aucun tendon à réparer dans ces reconstructions trèsdistales.

L’abord distal du moignon d’amputation, toujours« économe », suit deux incisions collatérales, à la jonctionentre peau palmaire et peau dorsale jusqu’à la base de laphalange proximale.

Page 3: Les reconstructions secondaires des amputations digitales distales par transfert d’orteil chez l’enfant

P. Valenti, F.M. Leclère / Chirurgie de la main 32S (2013) S57–S62 S59

Une incision transversale permet de chercher une veine plusproximale au niveau de la tabatière anatomique ou au bordradial du poignet. Une tunnelisation du pédicule vasculairediminue la rançon cicatricielle, souvent inesthétique à la facedorsale de la main.

4.2. Dissection du doigt long

Les mêmes principes sont appliqués pour le nerf et lestendons au niveau du doigt long. Une incision latérodigitale,prolongée jusqu’à la phalange proximale, permet à la foisl’anastomose avec l’artère digitale palmaire propre (plutôtl’artère dominante : ulnaire pour l’index et le majeur, et radialepour l’auriculaire) et une veine au niveau de la face dorsale.

4.3. Dissection du pied

Aucun examen préopératoire, en particulier angiographique,n’est utilisé pour apprécier le type de réseau vasculaire del’artère intermétatarsienne. Cependant, un examen écho-Doppler pourrait être pratiqué juste avant l’opération pourdétecter un réseau artériel plutôt dorsal ou plutôt plantaire. Ladissection est débutée dans la commissure, afin de déterminer letype, dorsal ou plantaire [9], elle est poursuivie proximalementde façon rétrograde [10]. Pour la reconstruction du pouce, leprélèvement est réalisé du même côté, alors que pour l’index, ilest préférable de prélever le côté opposé (artère dominanteulnaire). Si la dissection sur la main a trouvé une artère enposition distale, la dissection au niveau du pied peut s’arrêter àla partie proximale de la commissure, définissant un transfert àpédicule court ; cela rend la dissection plus courte et moinsdifficile, en particulier dans une forme intermétatarsienneplantaire, elle est aussi fiable en termes de résultat vasculaireque les transferts longs où la taille de l’artère est plus grosse[11]. Dans un contexte d’avulsion digitale, la dissection doit seporter plus proximalement pour obtenir un pédicule long. Si laforme est plantaire, il peut être utile de réaliser une greffeveineuse d’interposition, afin d’éviter une longue incisionplantaire, potentiellement chéloïde et douloureuse, ou uneostéotomie du deuxième métatarsien, très agressive pour laréalisation d’un prélèvement distal. Le garrot est lâché à la finde la dissection pour permettre une revascularisation de l’orteildurant une quinzaine de minutes.

5. Points techniques propres au prélèvement sur le grosorteil

Le dessin sur le gros orteil emporte la phalange distale dugros orteil, le complexe unguéal, l’éponychium et une partie dela pulpe. Afin d’éviter la classique pulpe épaisse et globuleuse,pouvant nécessiter une plastie secondaire [12], la partie médialen’est pas prélevée et une résection partielle de la graissepulpaire est effectuée lors du prélèvement. La reproductiond’une largeur unguéale adaptée au pouce est possible enlaissant la partie médiale de l’ongle (prélèvement partieladapté) ou en incurvant l’ongle complet (prélèvement complet)sur le prélèvement partiel de l’os de la phalange distale, selon la

technique de « l’illusion unguéale » de Foucher et Sammut [13].La dissection du pédicule vasculaire est faite de façonrétrograde, afin d’individualiser rapidement le type dorsal ouplantaire de l’artère intermétatarsienne du premier espace. Unepalette cutanée commissurale et médiale du gros orteil protègel’artère digitale plantaire et le réseau veineux adjacent, et éviteune squelettisation distale, source de lésion iatrogène ou despasme. L’artère intermétatarsienne dorsale du premier espace,la veine dorsale et médiale, les deux nerfs digitaux plantairespropres, une branche du nerf fibulaire [péronier] superficiel sontprélevés. La phalange distale de l’orteil est prélevée, assurantun support osseux à l’ongle. La partie distale du gros orteil estrecouverte par le lambeau cutané médial retourné à 908. Unlambeau aux dépens de la face plantaire du deuxième orteil detype « cross toe flap » peut compléter la couverture osseuse[14], recouvrant dorsalement la phalange proximale du grosorteil. Une greffe de peau totale complète la couverture osseusesur la face plantaire pour le gros orteil et le deuxième orteil. Le« cross toe flap » est sevré vers le 21e jour.

6. Points techniques propres au prélèvement sur ledeuxième orteil

Le dessin sur le deuxième orteil emporte la phalangedistale du deuxième orteil, le complexe unguéal, l’épony-chium et une partie de la pulpe. L’ongle est souvent trop étroitet trop court. Un lambeau de recul de l’éponychium, décritpar Backach [15], permettant la découverture de la lunule del’ongle et ainsi d’allonger l’ongle, pourra être proposésecondairement. La dissection du pédicule vasculaire débuteau niveau de la commissure de façon rétrograde, afind’individualiser rapidement le type dorsal ou plantaire del’artère intermétatarsienne du premier espace. Une bandelettecutanée latérodigitale protège l’artère digitale plantaire et leréseau veineux adjacent et évite une squelettisation distale,source de lésion iatrogène ou de spasme. Les deux nerfsdigitaux plantaires sont prélevés, ainsi que la phalange distalede l’orteil si un support osseux de l’ongle est nécessaire. Unlambeau plantaire d’avancement aux dépens de l’autre artèredigitale plantaire propre permet de recouvrir l’extrémité del’orteil sans le raccourcir.

7. Prélèvement sur le gros orteil et le deuxième orteil

Afin de se rapprocher de la longueur et de la largeur d’ongleidéales avec des replis latéraux unguéaux harmonieux, Hiraseet al. [7] ont proposé le prélèvement d’une partie du gros orteilassocié à celui de la partie médiale du deuxième orteil,permettant de reconstruire le repli latéro-unguéal latéral ; ils’agit d’un « modified twist toe transfer » avec un pédiculevasculaire commun pour le gros orteil et le deuxième orteil etune désépithélisation de la commissure, pour éviter toutecompression du pédicule vasculaire. Cette technique, dérivéede celle initialement décrite par Foucher et Van Der Kar sousl’appellation « twist two toes » [16], certes sophistiquée, permetd’optimiser la reconstruction unguéale sur mesure et donne unrésultat esthétique meilleur.

Page 4: Les reconstructions secondaires des amputations digitales distales par transfert d’orteil chez l’enfant

Fig. 1. A, B. Séquelles de régularisation distale de doigt après échec deréimplantation.

Fig. 2. Transfert sur mesure de la partie distale du deuxième orteil avecpédicule court.

P. Valenti, F.M. Leclère / Chirurgie de la main 32S (2013) S57–S62S60

8. Positionnement du transfert partiel sur le doigt ou lepouce

Le fragment composite est fixé à l’aide d’une ou deuxbroche(s) de Kirchner de petite taille (10/10). Puis l’épony-chium et la pulpe sont suturés. Quand la matrice ou la base du litunguéal sont encore présentes, nous réalisons une suture du litde l’ongle de l’orteil au fil 7/0 résorbable. Les anastomosesvasculaires sont réalisées au fil 10/0 monté sur une aiguille de70 m en regard de la phalange proximale. Les deux nerfsdigitaux plantaires sont suturés aux deux nerfs digitauxpalmaires en regard de la phalange moyenne ou de l’IPD.Pour diminuer l’aspect tuméfié du doigt lié à la taille dupédicule, une bandelette latérodigitale est réséquée, puis ledoigt est comprimé dès le 21e jour. Brunelli et al. [17] proposentde laisser le pédicule vasculaire extériorisé et de le sectionnerau 21e jour pour améliorer l’esthétique du doigt. Brunelli et al.utilisent la même technique d’extériorisation du pédiculevasculaire dans les transferts de pulpe revascularisés [18].D’autres auteurs proposent de squeletiser le pédicule vasculaire[1,10,11].

9. Points techniques propres à la reconstruction d’unongle

Deux situations peuvent être rencontrées dans les séquellesd’amputation digitale distale :

� soit il s’agit d’une perte dorsale isolée de l’appareil unguéal ;� soit il s’agit de perte à la fois osseuse et unguéale, entraînant

l’apparition d’un ongle en griffe.

La réparation isolée de l’appareil unguéal justifie le transfertdu complexe unguéal du gros orteil pour le pouce. Pour un doigtlong, le prélèvement est réalisé plutôt sur le deuxième orteil. Lavascularisation peut être assurée par l’artère digitale plantaireselon la même technique que les transferts partiels composites,ou par les artères dorsales comme l’ont rapporté Endo etNakayama [19]. Des auteurs ont proposé un lambeau veineuxartérialisé, mais la repousse unguéale est lente et l’ongle a unaspect dépoli [20,21].

La réparation de l’ongle en griffe nécessite un transfertcomposite si la phalange distale est amputée d’au moins 50 %[22]. Le support osseux constitue le facteur essentiel pour éviterl’apparition d’un ongle en griffe lors de la repousse unguéale.La rétraction de l’hyponychium, souvent altéré dans lesbrûlures ou après réalisation d’un lambeau d’avancementpulpaire trop court, participe aussi au développement del’incurvation unguéale. Ainsi le transfert partiel d’orteilassociant de l’os vascularisé, un appareil unguéal éventuelle-ment associé à de la matrice, de la pulpe, est indiqué dansl’ongle en griffe dont la phalange distale est amputée d’aumoins 50 %. Pour le pouce, le prélèvement emporte sur le grosorteil un petit fragment osseux, le lit et la tablette unguéale, lerepli latéro-unguéal, l’éponychium ainsi qu’une partie de lapulpe. La peau médiale du gros orteil est prélevée, afin deprotéger le pédicule vasculaire court, s’arrêtant dans la

commissure [23,24]. L’os est ostéosynthésé par deux broches,enlevées à deux mois. Le site donneur est laissé à lacicatrisation dirigée ou recouvert d’une greffe de peau totale.Lorsque le prélèvement n’emporte pas la matrice, en raisond’une repousse unguéale persistante, les séquelles au niveau dusite donneur sont minimes (Fig. 1–4).

Page 5: Les reconstructions secondaires des amputations digitales distales par transfert d’orteil chez l’enfant

Fig. 3. Résultat avec trois ans de recul. A. Petite clinodactylie radiale.B. Excellente flexion.

Fig. 4. Aspect du pied après prélèvement.

Fig. 5. Radiographie après transfert d’orteil. Présence d’une zone de croissanceactive visible sur le profil à la base de la phalange transférée.

P. Valenti, F.M. Leclère / Chirurgie de la main 32S (2013) S57–S62 S61

10. Série rapportée

Entre 1994 et 2004, nous avons réalisé 25 reconstructionsdistales de doigts, dont dix chez l’enfant. Il s’agissait de quatregarçons et six filles dont l’âge s’étendait de deux à 14 ans. Lesétiologies étaient : deux avulsions traumatiques de l’ongle, sixamputations distales de doigt et deux ongles en griffe. Lareconstruction a toujours fait appel à un transfert vasculariséartériel aux dépens de gros orteil ou du deuxième orteil :transfert de l’unité unguéale du gros orteil dans deux cas,transfert ostéocutané unguéal de la phalange distale dudeuxième orteil dans six cas et transfert ostéopulpaire avecl’appareil unguéal du gros orteil dans deux cas. Nous avonsdéploré une nécrose partielle (malgré trois reprises chirurgi-cales) et nous sommes reintervenus dans trois cas pouraméliorer l’aspect esthétique (dégraissage, amincissement dudoigt, réduction pulpaire).

Bien que la longueur, la largeur ou l’aspect du repli latéralfussent imparfaits, les parents étaient satisfaits du résultat. Lacroissance de l’os transféré était conservée (Fig. 5) et lasensibilité était d’environ 10 mm au test de Weber.

Ainsi, nous utilisons plutôt le deuxième orteil pour lareconstruction d’un doigt long, et une partie du gros orteil pourla reconstruction du pouce. L’utilisation d’un pédiculevasculaire court diminue les séquelles cicatricielles du sitedonneur, facilite la dissection d’un type vasculaire plantaire etréduit la durée opératoire, sans augmenter le risque d’échec parrapport au pédicule long.

11. Conclusion

La reconstruction microchirurgicale « sur mesure » deséquelles d’amputation distale de doigt ou de pouce, à partir dupied, est une intervention certes sophistiquée, mais qui permetun gain fonctionnel et esthétique tout en minimisant lesséquelles du site donneur. Les parents sont prévenus desimperfections (repli unguéal, largeur et longueur de l’ongle), cequi justifie une sélection rigoureuse des enfants.

Page 6: Les reconstructions secondaires des amputations digitales distales par transfert d’orteil chez l’enfant

P. Valenti, F.M. Leclère / Chirurgie de la main 32S (2013) S57–S62S62

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

[1] Wei C, El-Gammal TA, Chen HC, Chuang DC, Chiang YC, Chen SH. Toe-to-hand transfer for traumatic digital amputations in children and ado-lescents. Plast Reconstr Surg 1997;100:605–9.

[2] Morrison WA, O’Brien BM, MacLeod AM. Thumb reconstruction with afree neurovascular wrap-around flap from the big toe. J Hand Surg1980;5:575–83.

[3] Foucher G, Chabaud M. The bipolar lengthening technique: a modifiedpartial toe transfer for thumb reconstruction. Plast Reconstr Surg1998;102:1981–7.

[4] Gilbert A. Toe transfers for congenital hand defects. J Hand Surg1982;7:118–24.

[5] Morrison MA. Reconstruction de l’ongle par transferts libres microvas-cularisés prélevés au niveau des orteils. In: Pierre M, editor. Monographiedu GEM. L’ongle. Paris: Expansion Scientifique Française; 1978 . p.123–7.

[6] Cooney 3rd WP, Wood WB. Microvascular reconstruction of congenitalanomalies and post-traumatic lesions in children. Hand Clin 1992;8:131–46.

[7] Hirase Y, Kojima T, Matsui M. Aesthetic fingertip reconstruction with afree vascularized nail graft: a review of 60 flaps involving partial toetransfers. Plast Reconstr Surg 1997;99:774–84.

[8] May Jr JW, Daniel RK. Great toe to hand free tissue transfer. Clin OrthopRelat Res 1978;133:140–53.

[9] Leung PC. Thumb reconstruction using second toe transfer. Hand Clin1985;1:285–95.

[10] Wei FC, Silverman RT, Hsu WM. Retrograde dissection of the vascularpedicle in toe harvest. Plast Reconstr Surg 1995;96:1211–4.

[11] Dautel G, Corcella D, Merle M. Reconstruction of fingertip amputationsby partial composite toe transfer with short vascular pedicle. J Hand Surg[Br] 1998;23:457–64.

[12] Wei FC, Yim KK. Pulp plasty after toe-to-hand transplantation. PlastReconstr Surg 1995;96:661–6.

[13] Foucher G, Sammut D. Aesthetic improvement of the nail by the illusiontechnique in partial toe transfer for thumb reconstruction. Ann Plast Surg1992;28:195–9.

[14] Hamilton RB, O’Brien Morrison WA. The cross toe flap. Br J Plast Surg1979;32:213.

[15] Bakhach J. Eponychial flap. Ann Chir Plast Esthet 1998;43:259–63.[16] Foucher G, Van Der Kar T. Twisted two toes: technique in thumb

reconstruction. In: Landi A, editor. Reconstruction of the thumb. London:Chapman and Hall Medical; 1989.

[17] Brunelli F, Spalvieri C, Rocchi L, Pivato G, Pajardi G. Reconstruction ofthe distal finger with partial second toe transfer by means of an exterio-rised pedicle. J Hand Surg Eur Vol 2008;33:457–61.

[18] Brunelli F, Capucci M, Magnano D. A free transfer of the pulp of the toewith an exteriorized flap. A compromise between microsurgery andtraditional surgery. Ann Chir Main Memb Super 1994;13:373–7.

[19] Endo T, Nakayama Y. Short-pedicle vascularized nail flap. Plast ReconstrSurg 1996;97:656–61.

[20] Patradul A, Ngarmukos C, Parkpian, Kitidumrongsook VP. Arterializedvenous toenail flaps for treating nail loss in the fingers. J Hand Surg [Br]1999;24:519–24.

[21] Nakayama Y, Iino T, Uchida A, Kiyosawa T, Soeda S. Vascularized freenail grafts nourished by an arterial inflow from the venous system. PlastReconstr Surg 1990;85:239–45.

[22] Valenti P. Traitement microchirurgical de l’ongle en griffe. In: DumontierC, editor. L’ongle. Monographie du GEM no 27. Paris: Expansion Scien-tifique Française; 2000. p. 177–82.

[23] Koshima I, Soeda S, Takase T, Yamasaki M. Free vascularized nailtransfer. J Hand Surg [Am] 1988;13:29–32.

[24] Koshima I, Moriguchi T, Uleda N, Yamada A. Trimmed second toetransfer for reconstruction of claw nail deformity of the fingers. Br JPlast Surg 1992;45:591–4.