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DU CONSEIL NATIONAL DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE Actes congrès 127 e Les du Entrepreneurs du service public ˜ S a i n t - M a l o , les 8 & 9 octobre ˜ 2015

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du Conseil national des Greffiers des tribunaux

de CommerCe

Actes

congrès127e

Les

du

Entrepreneurs du s erv i c e pub l i c

˜ Saint -Malo , les 8 & 9 octobre ˜

2015

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29, rue Danielle Casanova - 75 001 Paris / Tél : 01 42 97 47 00 - Fax : 01 42 97 47 55 / Mail : [email protected] - Site internet : www.cngtc.fr

Conseil national

des Greffiers des tribunaux de CommerCe

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Actes

congrès127e

Les

du

˜ Saint-Malo, les 8 & 9 octobre ˜

2015

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Les greffiers des tribunaux de commerce

sont des entrepreneurs du service

public et des professionnels du droit.

Ils apportent leur savoir et leurs

compétences au service d’une justice

commerciale accessible, fiable

et efficace. Ils mettent tout en oeuvre

pour faciliter la compétitivité et la

croissance.

Conseil national des Greffiers des tribunaux de CommerCe

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Sommaire

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Chapitre 1 08

éditorial de PhiliPPe bobet, Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce

Chapitre 2 11

ProGramme du 127e ConGrès

Chapitre 3 14

introduCtion de Claude renoult, maire de saint-malo et Président de saint-malo agglomération

Chapitre 4 18

intervention de véronique françois, Greffier associée du tribunal de commerce de saint-malo

Chapitre 5 24

intervention de PhiliPPe bobet, Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce

Chapitre 6 30

l'essor du numérique : PersPeCtives et Contraintes de l’oPen dataintervention d'alain bensoussan - avocat à la Cour d’appel de Paris

Chapitre 7 42

table ronde - exPérienCes Croisées d'oPen data- intervention de didier françois - directeur adjoint de l'information légale et administrative (dila)- intervention de Clara sorin - directrice de projet, programme « dites-le-nous une fois », secrétariat Général pour la modernisation de l'action Publique (sGmaP)- intervention de Jean Coudray - adjoint au maire de saint-malo délégué à la promotion des projets jeunesse et à l'animation de la ville- intervention de bernard bailet - Président du Gie infogreffe, Greffier associé du tribunal de commerce de nice

Sommaire

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Chapitre 8 60

remise du Prix des masters 2 du Conseil national,

Chapitre 9 62

le traitement de la donnée Personnelle dans un environnement d’oPen data, intervention d’isabelle falque-Pierrotin - Présidente de la Commission nationale de l’informatiqueet des libertés (Cnil)

Chapitre 10 68

l’information léGale faCe À l’oPen data,intervention d'antoine Chéron - avocat au barreau de Paris et de bruxelles

Chapitre 11 86

raPPort de synthèse : l’information léGale faCe À l’oPen data, intervention de didier Guével, Professeur de droit privé et sciences criminelles, doyen de la faculté de droit, sciences politiques et sociales, université de Paris 13, sorbonne Paris Cité

Chapitre 12 96

intervention de PhiliPPe bobet, Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commercee

Chapitre 13 108

intervention de monsieur Jean-ChristoPhe GraCia, représentant madame Christiane taubira, Garde des sceaux, ministre de la Justice

Chapitre 14 116

l’aCtualité des Greffiers des tribunaux de CommerCe en 2015

Chapitre 15 124

le ConGrès en imaGes

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1éditorial

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l’open data constitue une révolution des échanges d’informations et un enjeu économique qui concerne des domaines très variés d’activités.

dans le cadre de l’information légale, le rôle et l’expertise des greffiers des tribunaux de commerce, qui certifient et authentifient l’information légale, sont indispensables à la sécurité juridique et à la transparence de la vie économique.

« l’information légale face à l’open data » était donc le thème central de ce 127ème Congrès national des greffiers des tribunaux de commerce qui s'est tenu au Palais des Congrès de saint-malo les 8 et 9 octobre 2015.

en présence des représentants de la Chancellerie et des principaux interlocuteurs du Conseil national, des universitaires, des hauts-fonctionnaires, des professionnels, ont fait le point sur les enjeux et les perspectives de cette évolution majeure que constitue l'ouverture des données publiques.

vous retrouverez dans cet ouvrage les différentes interventions qui ont rythmé nos travaux.

Ce Congrès a également permis, dans une année très mouvementée, d'aborder les sujets d’actualité de la profession, notamment la mise en œuvre opérationnelle de la loi relative à la croissance, à l’activité et à l’égalité des chances économiques ainsi que le projet de loi sur la justice du 21ème siècle.

dans des circonstances difficiles, la profession a une nouvelle fois démontré son unité et sa capacité à être force de propositions, notamment avec la présentation du site « datainfogreffe ».

Je tiens à remercier chacun des intervenants pour la qualité de leurs propos et à saluer la participation toujours plus nombreuse, des greffiers et de nos partenaires qui nous accordent leur confiance.

Je vous donne d'ores et déjà rendez-vous pour le 128ème Congrès des greffiers des tribunaux de commerce qui se déroulera les 29 et 30 septembre 2016 à Pau.

bien confraternellement.

10

édit

or

ial

Philippe BOBETPrésident du Conseil national des greffiers

des tribunaux de commerce

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2pro gr amme

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127e Congrès Nationaldes greffiers des tribunaux de commerce

PhiliPPe BoBetPrésident du conseil national des greffiers

des triBunaux de commerce

&

les memBres du conseil national des greffiersdes triBunaux de commerce

Vous Prient de leur faire l'honneur d'assister au congrès

qu'ils organisent au Palais du grand large,

esPace congrès de saint-malo

l e j eudi 8 oc tobre 2015

sur le thème :

l’information légale face à l’oPen data

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le Programme

9h00 accueil des congressistes et des invités au Palais du Grand large, espace Congrès de saint-malo.

9h30 intervention de bienvenue par monsieur Claude renoult, Maire de Saint-Malo et Président de Saint-Malo Agglomération.

9h45 intervention de bienvenue par véronique françois, Greffier associée du tribunal de commerce de Saint-Malo.

10h00 discours introductif de Philippe Bobet, Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

animation de la journée par Sophie Jonval, Greffier associée du Tribunal de Commerce de Caen et Thomas denfer, Directeur juridique d’Infogreffe.

10h15 essor du numérique : perspectives et contraintes de l’open data par maître alain bensoussan, Avocat à la Cour d’appel de Paris.

11h00 Pause dans l’espace partenaires.

11h30 Table ronde : Expériences croisées d’Open data avec - Didier François, Directeur adjoint de l’Information Légale et Administrative (DILA) - Clara Sorin, Directrice de projet, Programme « dites-le-nous une fois », Secrétariat Général pour la Modernisation de l’Action Publique (SGMAP) - Jean Coudray, Adjoint au Maire de Saint-Malo délégué à la promotion des

projets jeunesse et à l’animation de la Ville - Bernard Bailet, Président du GIE Infogreffe, Greffier associé du tribunal de commerce de Nice.

12h45 déjeuner.

14h00 remise du prix des masters du Conseil national des greffiers.

14h30 le traitement de la donnée personnelle dans un environnement d’open data par madame isabelle falque-Pierrotin, Présidente de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).

15h15 les limites de l’open data dans la diffusion de l’information légale par maître antoine Chéron, Avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles.

16h00 Pause dans l’espace partenaires.

16h30 rapport de synthèse par monsieur didier Guével, Professeur de Droit privé et Sciences criminelles, Doyen de la Faculté de Droit, Sciences politiques et sociales, Université de Paris 13, Sorbonne Paris Cité.

17h10 intervention de Philippe bobet, Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

17h30 intervention de monsieur Jean-Christophe Gracia, représentant Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.

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3introductionde claude renoult,

maire de saint-malo

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monsieur le Premier Président,

monsieur le Procureur,

messieurs les présidents,

Je suis évidemment très heureux de vous accueillir à saint-malo dans ce grand auditorium du Palais du Grand large (c'est ainsi que l'on appelle le Palais des Congrès de saint-malo) pour votre congrès national qui va porter sur l'information légale et l'open data. Je ne vais pas rentrer dans le sujet lui-même parce que j'en suis bien incapable et cela va être le sujet de vos conversations pendant quelques jours, mais ce que je voudrais, c'est évidemment de vous accueillir à saint-malo et vous dire que vous avez bien choisi le meilleur endroit possible pour avoir un échange très sérieux sur des sujets très sérieux, tout en profitant de la qualité des lieux et de la beauté de cette ville. Certains d'entre vous connaissent très bien cette ville j'imagine, mais d'autres vont la découvrir. J'espère que, comme tous les congressistes qui viennent à saint-malo et qui viennent d'assez loin, vous allez trouver le petit moment qui convient pour profiter de notre ville. le tour des remparts constitue un peu moins de deux kilomètres. en marchant tranquillement pendant une petite heure, vous avez la possibilité de faire le tour des remparts et de profiter de cet endroit magnifique.

Je ne vais pas vous parler de l'histoire de saint-malo car cela prendrait beaucoup de temps, c'est une histoire très riche. C'est une ville qui a une notoriété planétaire.

vous savez, nous avons beaucoup de rapports avec nos amis rennais, on travaille beaucoup ensemble, des coopérations très larges se développent avec les rennais. l'agglomération de rennes est une agglomération beaucoup plus grosse que celle de saint-malo puisque le rapport de population est d'à peu près cinq, mais nous sommes très fiers, lorsque nous faisons des études de notoriété, de voir que c'est le nom de saint-malo qui sort plus rapidement que celui de rennes lorsqu'on fait une large enquête au plan national ou international. C'est notre grande fierté. évidemment, on en use et on en abuse quelquefois, mais en ce qui nous concerne, nous essayons d'en user simplement.

vous allez aborder des thèmes qui sont des thèmes très importants j'imagine pour votre profession, entre information légale et open data, ouverture des données à l'ensemble des systèmes qui permettent aujourd'hui de s'immiscer grâce à la toile sur toutes les bases de données, tous les systèmes d'informations possibles. Je voudrais simplement vous dire que vous êtes aussi dans une cité qui se veut moderne et qui participe à ce mouvement général d'ouverture des données sur le monde. la ville de saint-malo et l'agglomération que je préside participent à ce mouvement d'ouverture des données d'open data pour l'ensemble des données publiques. effectivement l'ouverture de ces données au public génère un certain nombre d'initiatives quelquefois étonnantes qui vont permettre de mettre en œuvre des solutions pour répondre aux besoins de nos concitoyens, que l'on n'imaginait pas avant.

introduction claude renoult maire de saint-malo et Président de saint-malo agglomération

Conseil national des Greffiers des tribunaux de CommerCe16

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C'est une façon, quelque part, de donner le pouvoir à l'imagination. mais, on voit bien qu'en contrepartie, il faut tout de même conserver un certain nombre d'informations d'une façon protégée, qui ne doivent pas être mises à la disposition de tout le monde, et vous êtes en plein cœur de cette problématique. saint-malo agglomération et la ville de saint-malo participent à ce grand mouvement. nous faisons partie de cette dynamique autour de ce que l'on appelle les labels french tech qui ont permis à neuf agglomérations ou ensembles de villes d'obtenir de ce label qui permet à nos entreprises de rentrer justement dans cette nouvelle approche du traitement de l'information.

Je voudrais aussi terminer mon propos en disant que ce n'est pas parce que le numérique, « la toile » est maintenant omniprésente qu'il ne faut pas toujours avoir des bureaux, un siège. un ordinateur se pose sur un bureau, cela doit être entouré d'un certain nombre de conditions matérielles et j'en profite pour envoyer un petit signal vers les malouins qui travaillent dans des lieux qui ont besoin d'être rénovés, c'est le moins que l'on puisse dire car nous avons un tribunal à saint-malo qui est un peu vieillot et qui prend un peu l'eau. et nous faisons un effort commun les uns et les autres pour qu'un nouveau palais de justice voie le jour. les engagements ont été pris pour qu'il en soit ainsi et j'espère que nous pourrons poser l'année prochaine la première pierre de ce nouveau palais de justice dont le permis de construire a été accordé, et que nous pourrons vous voir vous y installer ainsi que tous ceux qui travaillent avec vous dans le courant de l'année 2018. Je voulais terminer là-dessus parce que je pense qu'il ne faut oublier que tout cela se passe quelque part et dans des conditions qui doivent être les meilleures possibles.

Je vous souhaite un excellent congrès. Profitez de saint-malo, n'oubliez pas de vous aérer. le Palais des congrès est tout près de la vieille ville, du château, des remparts, la plage est à proximité. on peut travailler en s'aérant l'esprit de temps en temps et c'est vraiment des conditions que nous aimons faire découvrir à nos visiteurs. bon séjour à saint-malo !

Actes du 127e congrès 17

Chapitre 3

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4interVentionde Véronique françois

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monsieur le maire,

mesdames, messieurs les Parlementaires,

mesdames, messieurs les hautes Personnalités,

mesdames, messieurs les magistrats et Juges Consulaires,

Chères consœurs, chers confrères,

mesdames, messieurs,

Chacun connaît de ce morceau de côte deux joyaux exceptionnels que sont le mont saint-michel, merveille de l’occident, et saint-malo, la célébrissime cité corsaire, escale obligée des voyages lointains et des rêves d’aventure.

« Malouin d’abord, Breton peut-être, Français s’il en reste ».

Cette devise résume bien l’histoire de notre ville dans laquelle nous avons le grand plaisir de vous accueillir.

dès le xvième siècle, saint-malo était un port très prospère et l’un des principaux du royaume. sa richesse reposait notamment sur la pêche à terre neuve, le négoce de fourrures, de toile etc…

les malouins doublaient le Cap horn pour fournir

en objets de première nécessité les colons installés au Pérou.

les iles malouines, près de l’argentine, rappellent par leur nom, ce commerce au long court malouin.

une classe d’armateurs-marins s’est ainsi développée, lesquels étaient familiarisés aux techniques financières modernes, comme la lettre de change. on les appelait au xviième siècle « Ces messieurs de saint-malo ».

Cet équilibre fut rompu à partir de 1693. les attaques anglaises ont confirmé l’urgence de renforcer les défenses de la ville, qui a été fortifiée par vauban, puis par l’ingénieur Garangeau, à qui l’on doit les maisons traditionnelles de l’époque des corsaires, dites « malouinières ».

elles furent construites par les armateurs malouins entre 1650 et 1730, afin d’échapper à l’univers congestionné de la ville, et étaient édifiées dans un rayon maximum de douze kilomètres autour de saint-malo, distance parcourue en deux heures par un cavalier pour rejoindre le port afin de s’occuper des navires et des cargaisons.

Ces demeures, dont l’architecture était marquée par une certaine sobriété militaire, étaient souvent somptueusement meublées, les armateurs qui les occupaient rapportant de leurs voyages, du bois des iles pour le mobilier et les parquets, des porcelaines de la Compagnie des indes etc…

interVention de Véronique françois Greffier associée du tribunal de Commerce de saint-malo

Conseil national des Greffiers des tribunaux de CommerCe20

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la protection de la ville a été renforcée grâce aux quatre forts construits sur les îlots : le plus proche est le fort national, appelé fort de l’islet, puis la Conchée, le fort de l’ile harbour et celui du Petit bé.

la ville a payé un lourd tribut lors de la seconde guerre mondiale. en août 1944, les américains ont pilonné la ville de façon préventive : plus de 80% de saint-malo intra-muros, soit 650 immeubles, ont ainsi été détruits. l’enceinte fortifiée fut heureusement épargnée.

la reconstruction des années 1950 a respecté dans l’ensemble l’aménagement urbain et la beauté des bâtiments, ainsi que vous serez amenés à le constater au cours de vos promenades.

saint-malo est aussi connu par ses habitants.

le plus célèbre d’entre eux qui, comme Christophe Colomb a été un autre explorateur du nouveau monde, est Jacques Cartier lequel en 1535 a posé le pied sur une nouvelle terre et décrit ce vaste territoire qui allait devenir « la nouvelle france », c’est-à-dire le Canada actuel.

Citons encore duguay trouin qui s’est emparé de la ville de rio de Janeiro en 1711 et mahé de la bourdonnais qui a colonisé l’archipel des mascareignes (madagascar, la réunion et l’ile maurice).

nul n’ignore surcouf, le plus célèbre des Corsaires, à ne pas confondre avec les pirates, lesquels étaient des hors la loi.

les corsaires étaient en effet détenteurs d’une autorisation officielle du roi de courir sur les ennemis, la course étant l’action de courir en mer à l’abordage des navires ennemis ; ils partageaient avec l’etat les bénéfices retirés de la vente des prises.

Cette guerre de course qui existait depuis le xiiième

siècle a été réglementée par Colbert en 1681 et abolie en 1856.

surcouf a ainsi pratiqué la course jusqu’en 1809 ; ses prises anglaises en firent un héros.

l’un de ses navires, dont la réplique peut être vue dans le port de saint-malo s’appelait « le renard ».

les corsaires avaient obtenu de tels privilèges du roi qu’ils étaient devenus les hommes les plus riches de la ville.

Parmi les hommes célèbres, il y a lieu d’évoquer Chateaubriand qui est né à saint-malo et qui repose, conformément à ses vœux, sur l’ile du Grand bé et qui a parfaitement décrit ce pays où la mer invite au voyage romantique.

les peintres ont également été séduits par la symphonie des couleurs qui s’étendent du turquoise au vert profond, en passant par les bleus, les gris. ils ont su capter l’intensité des lumières, la course des nuages et ont su révéler le charme des roches, celui des longues plages et des petites criques : citons eugène herpin à qui l’on doit le nom de la Côte d’emeraude, mathurin méheux, Paul signac, Picasso etc…

nous vous invitons donc pour découvrir saint-malo, à faire le tour des remparts, même sous un ciel gris avec une petite brise, voire une ondée qui sera je n’en doute pas, rapidement suivie d’une éclaircie ; vous serez conquis par le spectacle de la mer, les couleurs changeantes du ciel et l’impressionnante stature des hôtels particuliers.

Cette découverte devra se poursuivre au gré de vos envies, entre terre et mer, vers Cancale, réputé pour ses parcs à huitres, son port de la houle et son cuisinier talentueux ou vers dinard, à l’ambiance surannée, lieu de villégiature depuis le xixème siècle des têtes couronnées européennes et des aristocrates anglais, et vous apprécierez les villas balnéaires à l’architecture démesurée, juchées sur des éperons rocheux, certaines ayant un style « so british ».

de ce rapide tour d’horizon, il ne faut pas oublier dinan qui est un véritable joyau de la région; cette ville, épargnée des bombardements, a su conserver son patrimoine qui lui confère une ambiance médiévale, préservée de toute modernité, ainsi que son petit port

Chapitre 4

Actes du 127e congrès 21

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romantique qui s’étire le long de la rance.

dinan est lié à bertrand du Guesclin, grande figure du moyen age, qui est devenu Grand Connétable de france en 1370 et a lutté contre l’envahisseur anglais.

Ce territoire très varié et contrasté permettra à chacun de trouver son bonheur, que l’on soit amoureux d’histoire et de légendes, de randonnées, de plaisirs nautiques ou encore de découvertes gastronomiques.

l’histoire a transmis aux malouins un riche héritage qui va au-delà d’une image prestigieuse et de la beauté d’un patrimoine architectural exceptionnel.

le legs principal de cette histoire est l’exemple d’une réussite passée qui a été fondée sur l’esprit d’ouverture sur la mer, le monde, les autres peuples et sur l’esprit d’entreprise avec le goût du risque, de l’innovation, de la conquête, laquelle se perpétue aujourd’hui, comme en atteste le succès de plusieurs entreprises locales, dont le rayonnement est international.

Je voulais, avant de clore mon intervention et non sans émotion, vous annoncer le prochain départ de mon associé Jacques Jean, qui va bientôt pouvoir profiter d’une retraite bien méritée, après une carrière professionnelle riche en rebondissements.

nous aurons travaillé ensemble durant presque sept années en confiance, au cours desquelles nous avons su tisser des relations amicales.

Je ne veux pas oublier son épouse marie, qui nous a apporté durant tout ce temps, son précieux concours et sa bonne humeur.

enfin, je souhaite la bienvenue dans la profession à mon nouvel associé olivier lefebure.

Je vous remercie de les applaudir.

le temps qui m’est imparti est désormais écoulé.

il me reste à vous souhaiter un excellent congrès, agrémenté nous l’espérons de belles découvertes sous des cieux cléments et de l’envie de revenir.

Conseil national des Greffiers des tribunaux de CommerCe22

Chapitre 4

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5interVentionde PhiliPPe BoBet

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monsieur le maire,

mesdames, messieurs les Parlementaires,

monsieur le représentant de madame la directrice des affaires Civiles et du sceau,

madame la Conseillère,

mesdames, messieurs les hautes Personnalités,

mesdames, messieurs les magistrats et les Juges Consulaires

mesdames, messieurs,

Chères Consœurs, Chers Confrères,

monsieur le maire, permettez-moi au nom de l’ensemble de la profession de vous remercier très sincèrement pour vos mots d’accueil.

Je dois vous dire que chaque année le lieu du Congrès suscite des réactions contrastées. vous avez des enthousiastes, des mécontents, des sceptiques et toujours quelques résignés…

Cette année avec saint-malo, je suis heureux de constater qu’il se dégage une unanimité sincère quant au choix de tenir dans votre cité le Congrès annuel de la profession.

vous êtes, monsieur le maire, le premier magistrat d’une ville qui a un fort pouvoir d’attraction. vos

propos et la présentation des greffiers associés sont venus rappeler la situation géographique extraordinaire de saint-malo, son incroyable passé au cours duquel de célèbres marins sont partis à la découverte de terres inconnues.

hier soir, en passant sur les remparts, j’imaginais ces générations de malouins partant en mer pour de longs mois bravant tempêtes et flots incessants. J’imaginais aussi leurs retours joyeux rentrant en héros au port, tout comme les destins tragiques où les eaux indomptables n’ont jamais rendu ceux partis en conquête. la mer et son environnement ont pour nous autres, femmes et hommes de la terre ferme, des aspects fascinants que nous ne pouvons qu’imaginer et qui en font toute la beauté.

Je pourrais presque être tenté de faire des parallèles entre saint-malo et notre profession sur plusieurs aspects :

- ici depuis des siècles et ces dernières années dans la profession, nous avons cette capacité et cette volonté à rester debout devant les vents contraires pour faire face aux tempêtes et marées ;

- rocher fait de granit et de quartz solidement ancré au-dessus de la mer, point de départ de lointaines courses transatlantiques, et les greffiers avec cette double nature de professionnels libéraux et d’officiers publics et ministériels, inlassablement tournés vers l’innovation ;

interVention de PhiliPPe BoBet Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce

Conseil national des Greffiers des tribunaux de CommerCe26

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- une mise en commun de moyens humains et financiers dans le cadre de saint-malo agglomération, que vous présidez monsieur le maire, à l’image de ce que font tous les greffiers au travers du Gie infogreffe depuis maintenant plus de trente ans pour développer collectivement et mutualiser les projets.

Je vais arrêter ici les parallèles car je me sens d’inspiration plus réduite s’il faut évoquer surcouf et les corsaires !

merci donc monsieur le maire de nous offrir, en nous accueillant à saint-malo, un environnement idéal où l’horizon de l’océan, la beauté du ciel et la force du vent, vont donner à nos travaux une dimension exceptionnelle.

* * *

Chère véronique, Cher Jacques, Cher olivier je voudrais pleinement vous dire combien nous sommes heureux d’être ici.

nous savons tous que la profession contient en son sein de fortes personnalités parfois si bruyantes qu’on les entend de loin avant même de les apercevoir !

vous êtes, vous les greffiers associés de saint-malo des professionnels discrets sans être effacés, toujours attentifs à la qualité du service que vous rendez aussi bien aux juges qu’aux entreprises et habités de la volonté permanente de former avec vos collaborateurs une équipe soudée et efficace au service de la justice commerciale et de ses acteurs.

Ce caractère humain et de proximité qui vous caractérise honore la profession toute entière.

la structure actuelle et future du greffe de saint-malo vient battre en brèche des idées reçues que certains pourraient avoir à l’encontre de la profession :

- un greffe avec deux associés au sein duquel la parité est parfaitement respectée ;

- dans votre cas précis, vous avez accédé à la profession

sans avoir auparavant d’antécédents particuliers ;

- vous êtes la preuve que notre profession n’est nullement hermétique et repliée sur elle-même :votre greffe vient de connaitre un changement important puisque par arrêté du 25 septembre 2015 publié au journal officiel du 6 octobre dernier, madame la garde des sceaux, ministre de la Justice a accepté le retrait de notre confrère Jacques Jean et nommé olivier lefebure, greffier associé du tribunal de commerce de saint-malo.

Jacques, tu as été huissier de justice à mayenne et à la rochelle. tu as fait ton stage de greffier à saint-malo où tu as ensuite été nommé. ton retrait volontaire montre bien qu’imposer par la loi une limite d’âge pour l’exercice de la profession n’était pas un sujet en tant que tel.

olivier, tu étais il y a encore peu de temps avocat d’affaires ayant exercé son activité à Paris, Pékin et new-york.

sois le bienvenu dans la profession. C’est une arrivée en fanfare pour toi car recevoir les principaux représentants de la chancellerie et toute la profession deux jours après ta nomination et avant même d’avoir prêté serment est un cas unique !

Jacques et olivier, vous êtes tous les deux l’illustration de personnes ayant bénéficié de passerelles professionnelles qui ont permis à d’anciens huissiers, avoués, avocats, notaires, et même procureur d’exercer aujourd’hui notre métier.

véronique, tu as subi de plein fouet ce que beaucoup de consœurs et confrères ont vécu à savoir une des trois cartes judiciaires depuis 1999 : de 227 tribunaux nous sommes passés à 134 !

la suppression en 2008 du tribunal de commerce de saumur a été une épreuve douloureuse et injuste tant pour toi que pour que tes collaboratrices obligées de s’organiser pour faire face à cette décision qui tombe comme un couperet sur la tête d’un condamné.

Chapitre 5

Actes du 127e congrès 27

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tu as alors trouvé cette opportunité d’association à saint-malo t’obligeant à quitter le saumurois que tu habitais depuis l’âge de cinq ans, mais pour revenir ici avec ta famille dans la ville où tu as vu le jour.

Certains pourraient penser que la profession est depuis l’origine dans un cocon bien douillet mais ton parcours, montre combien les histoires ne sont jamais préécrites à l’avance et que les trajectoires professionnelles sont conditionnées à des événements extérieurs que l’on ne peut prétendre contrôler.

il faut savoir se remettre en question et s’adapter en permanence. C’est ce que tu as fait avec ce sourire que nous te connaissons tous.

merci donc à saint-malo d’accueillir pour la deuxième fois un Congrès des greffiers, le précédent s’était tenu ici même en 1970. les biens beaux sujets alors abordés étaient liés à l’actualité du moment, et ne sont pas obsolètes, bien au contraire, je cite : l’ordonnance du 20 décembre 1969 sur les conséquences envers les tiers de la publicité au bodaCC et le décret du 24 décembre 1969 sur le contrôle judiciaire de la constitution des sociétés commerciales.

auparavant, le département d’ille et vilaine, et en particulier, la ville de rennes avait été en 1897 l’hôte de nos travaux. nantes n’étant pas en bretagne, je ne cite donc pas le Congrès de 2004 qui s’y était tenu. J’espère sincèrement que nous n’attendrons pas le siècle prochain pour revenir dans les environs !

* * *

le Congrès 2015 est particulier voire exceptionnel à plusieurs titres :

- C’est la première fois dans l’histoire de la profession qu’un congrès national comporte dans son intitulé une expression anglaise ;

- le sujet de l’open data recouvre des situations et des implications très diverses. il n’est pas toujours facile de s’y retrouver ;

- l’intitulé de nos travaux « l’information légale face à l’open data » pourrait laisser supposer l’antinomie voire une opposition entre les deux termes. nos travaux vont sans doute permettre d’approfondir des sujets sensibles, notamment au regard de la réutilisation des informations personnelles contenues dans les registres légaux.

nous avons sollicité pour alimenter les échanges tout au long de la journée des spécialistes de haut niveau et des retours d’expériences de gestion de la data aussi bien à l’échelle nationale que locale.

Je vais à présent laisser la place à sophie Jonval, greffier associée du tribunal de commerce de Caen, membre du bureau du Conseil national qui a accepté d’assurer l’animation et la cohérence de nos travaux.

elle est accompagnée par quelqu’un que beaucoup d’entre vous ici connaissent et apprécient à savoir Thomas denfer, directeur juridique du Gie infogreffe.

Je vous remercie tous très sincèrement pour votre présence et vous souhaite un très bon congrès 2015.

sophie et Thomas, je vous laisse à présent la direction et la conduite de la journée.

merci de votre attention !

Conseil national des Greffiers des tribunaux de CommerCe28

Chapitre 5

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6l'essor du numériquePar maître alain Bensoussan

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Conseil national des Greffiers des tribunaux de CommerCe32

introduction Par soPhie JonVal et thomas denfer

Sophie JOnval, Greffier associée du tribunal de Commerce de Caen et membre du bureau du Conseil national.

ThOmaS DEnFER , directeur juridique du Gie infogreffe

Sophie Jonval :bonjour à toutes et à tous !a l’évocation des corsaires d’hier et des malouins d’aujourd’hui, nous pensons évidemment aux greffiers des siècles passés, à ceux que nous sommes aujourd’hui et à ce que sera le greffier de demain, sans nul doute un greffier nu-me-rique !au moment d’entrer dans ce monde numérique qui se dessine, en tant qu’acteurs de la vie économique nous tenterons aujourd’hui d’en délimiter les contours juridiques et techniques en confrontant nos expériences pour tenter de comprendre les nouveaux usages de l’information légale.au centre de nos réflexions de ce jour, la nouvelle coqueluche des acteurs économiques y compris de l’etat, vous l’aurez reconnue il s’agit bien de l’open data, en moins glamour ça donne « la donnée ouverte  » !! Ce vocable venu d’outre-atlantique pour arriver jusqu’aux remparts de saint-malo nous

guidera tout au long de cette journée.nos différents intervenants, qu’ils soient avocats, greffiers, chargés de projets numériques engagés par l’etat, universitaires, ou encore à la tête d’une haute autorité chargée de l’informatique et des libertés, auront pour mission, grâce à leur expertise, de nous accompagner dans l’univers de la désormais célèbre donnée ouverte.le monde qui vous sera décrit, à consonance anglo-saxonne, n’est pas franco-français vous l’aurez compris, la donnée, la data a depuis longtemps traversé les frontières, il nous faut donc l’analyser à travers le prisme de l’europe, et sous toutes ses facettes qu’elles soient sociales, médicales, économiques ou au service des politiques publiques.

Thomas DEnFER :en effet la donnée est partout. vous êtes une donnée, nous sommes des données. tout le monde la cherche.

l'essor du numérique : PersPectiVes et contraintes de l’oPen data. maître alain bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris.

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tout le monde la veut.et pourtant plusieurs interrogations subsistent :- quelle est sa source ?- quelle est sa valeur... juridique bien sûr ?- qui en est le garant ?- et comment la faire cohabiter avec la notion d’information légale ?voici donc posé sous forme de défi le thème de notre congrès.

sans plus tarder, nous vous proposons d’embarquer à bord du navire de la data et de partager cette navigation avec notre premier intervenant :

- il est avocat au barreau de Paris,- il a fondé dès 1978 un cabinet dédié au droit des nouvelles technologies de l’informatique et de la communication,- il est l’auteur du premier traité de droit de l’informatique publié en 1985,- il est le fondateur de la Commission des droits de l’homme numérique qu’il a présidée jusqu’en 2012,- il a fondé plus récemment, en janvier 2014, l’association du droit des robots pour appeler à la création d’un cadre juridique propre à la robotique.nous vous remercions de bien vouloir accueillir maître alain benssousan.Cher maître vous avez la parole !

Actes du 126e congrès 33

Maître Alain Bensoussan : *

mesdames, messieurs les hautes Personnalités,

mesdames, messieurs, Chers amis,

Je vous propose, une « course » dans l'open data. mais dans ce domaine, il n'y a pas de corsaires, il n'y a que des pirates… le monde est un monde de barbares. le monde de la data est un monde de prédateurs. tout le monde va être impacté. Ce n'est pas uniquement l'open data, ce n'est pas uniquement l'information légale, c’est l’ensemble des acteurs économiques qui produisent des données.

le thème de votre congrès est intéressant : vous avez mis « l'open data face à l'information légale ». C'est plutôt l'open data qui « impacte » l'information légale. Prenons un synonyme. au terme « impacter », je préfère aujourd'hui, là encore un nouveau terme, celui d’« uberiser ». tout le monde va être « uberisé ». Je vous propose de regarder cette notion.

l'enjeu est un enjeu de démocratie. Pour la première fois, de manière extrêmement importante, une décision gouvernementale est prise : barack obama a décidé en

2009 d'ouvrir, dans le cadre d'un gouvernement ouvert, l'ensemble des données de son administration rompant avec ses prédécesseurs. Parce que derrière l'open data, il y a les futures richesses. l'enjeu de la modernisation des administrations, c'est d'abord et avant tout un enjeu économique qui est celui de l'innovation. l'open data, c'est une ouverture vers une nouvelle forme de vie numérique. et, c'est dans ce cadre que je vous propose de regarder la problématique de l'open data à travers le monde, de regarder avec vous les projets d'actualité car l'open data, c'est les communs, et les communs, c'est une grande idée mondiale qui est que la richesse de cette planète numérique passe d'abord et avant tout par l'échange des connaissances. et l'enjeu de la data, c'est l'enjeu de la compréhension du monde et je vous propose une conversation à travers ce voyage qui essayera de conjuguer au temps présent la cartographie du monde de l'open data, et ensuite l'ensemble des formes du mot « open ».

la tendance est claire, elle est mondiale. la data aujourd'hui est une nouvelle génération de réflexion. d'abord, une cartographie mondiale : les états-unis, le Canada, le royaume uni, le danemark, le Japon, la

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* Nota : Le style oral de la présentation a été conservé pour la publication des actes.

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communauté européenne. J'ai oublié la france ? non, elle est troisième au classement mondial de l’open data index.

la france est en avance parce que notre gouvernement a décidé lui aussi d'ouvrir cette notion d'open data pour tout le monde.

les états-unis sont les premiers, les champions. ils ont tout ouvert. absolument tout. regardez quelques exemples aux états-unis. la police ubérisée avec Predicitive Police : vous êtes à un endroit donné, une caméra vous regarde et va peut-être vous dire à travers quelqu'un que vous êtes coupable, que vous allez commettre une infraction alors que vous n'avez rien fait dans une sorte de « proto tentative ». et pourtant le logiciel a raison : grâce aux données de crimes, on va pouvoir définir une politique policière. même la police est ubérisée. et je ne vous parle pas de Crime Map : la possibilité de voir autour de sa maison la situation statistique en matière de délit et de crime, permettant d'avoir une influence sur la structure immobilière, une réaction de chacun des citoyens.

le Canada est également à la pointe de l'open gouvernement. quand on parle d'open gouvernement, on ne parle pas uniquement des administrations. on parle de tous ceux qui disposent des données publiques et des données d'intérêt général. vous voyez, l'idée est de tout donner en termes de liberté pour les données.

le royaume-uni est lui aussi très en avance dans ce domaine, avec des applications très citoyennes. J'ai voulu retenir deux applications. CycleStreets, une application intéressante qui permet de prendre son vélo et d’emprunter le meilleur trajet. oui, mais ce qui est important dans un trajet, c'est de prendre la voie où il y a très peu d'accidents, alors quand on intègre sur ce trajet la situation des éléments de danger, on va pouvoir prendre son vélo avec plus de sécurité. en couplant les données de voieries avec celles des accidents, on peut tout simplement permettre à chacun d'entre nous d’éviter les zones accidentées, permettant ainsi de réguler le trafic. FXStreet fait de chacun d'entre nous à

londres (malheureusement pas encore à saint-malo) le régulateur de toutes les difficultés de la voirie.

Comme vous le voyez, dans le monde anglo-saxon en matière d’open data, ils sont présents, mais c’est le danemark qui est en tête des classements open data. le Japon est également très présent, et bien évidemment la Communauté européenne avec au centre la france pour les données, notamment législatives. moi-même, j'en ai profité. J'ai tout légifrance chez moi ! dès que j'ai appris que c'était gratuit, j'ai tout commandé et je me suis retrouvé avec l'ensemble de légifrance au sein de mon cabinet ! malheureusement, c'est très difficile à utiliser… il a fallu à mes informaticiens plus de trois ou quatre mois pour maîtriser la situation. mais maintenant, je dispose en temps réel de textes de la jurisprudence mettant à jour automatiquement mes consultations. Je n'ai quasiment plus rien à faire, légifrance le fait pour moi. il existe un grand projet d'open law europa et datainfogreffe pourrait être à l'intérieur de ce projet. là, vous avez pris je crois une décision merveilleuse. entre la loi et les décrets d'application, vous avez ouvert un site d'open data. C'est superbe, superbe d'agilité, superbe d'intelligence. si vous me permettez, un tout petit conseil : dans cette conversation totalement privée, libérez les données ! vous avez mis une petite restriction. lâchez-les ! elles veulent vivre avec vous et grâce à vous. Je vous propose dans datainfogreffe l'ouverture. donnez les documents, donnez les services à valeur ajoutée, mettez les données à disposition sur les plates-formes. aujourd'hui, l'open data de manière plus générale, c'est l'open de la connaissance à travers la donnée. regardez, vous avez une possibilité de créer un océan de valeur ajoutée.

1/ Données et ouvertureles « données ouverture », le concept open data est complexe et je vous propose d'en faire une typologie, de regarder ensuite l'open information légale et de faire bien entendu un zoom sur le rCs, sans oublier datainfogreffe, intelligence stratégique de la data dans votre domaine.

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Permettez-moi de vous positionner la data. vous savez que lorsqu'un concept arrive et qu'il est dans les journaux, il est trop tard pour le maîtriser. aujourd'hui, l'open data en termes de stratégie, c'est quasiment hier. examinons l'open data à vingt-cinq ans – difficile de faire une prévision à vingt-cinq ans mais essayons quand même. vingt-cinq ans, un quart de siècle, c’est ce qui sépare 1995 à aujourd'hui. 1995, c'est l'arrivée de l'internet. aujourd'hui, 2015, on peut déjà revoir ce qui s'est passé et vous étiez présents sur l'internet, vous étiez présents sur le minitel (cela ne nous rajeunit pas, moi non plus). À chaque fois qu'il y a eu une nouvelle technologie, vous avez pris cette technologie, vous l'avez maîtrisée et vous l'avez ouverte pour le bien de tous.

la data est à la fin de la transition informatique, le début de la transition numérique, l'antécédent de la transition intelligente. avec la transformation informatique, c'est là qu'on utilise le terme « donnée ». Pourquoi est-ce qu'on n'utilise pas le terme « donnée » aujourd’hui et qu'on a besoin du terme « data » ? Parce qu'on est en phase de transition numérique. dans la première phase, on a pris les supports et on les a transformés en électronique, mais on n'a pas changé les métiers. les métiers se sont faits exactement de la même manière. Je vous donne un exemple. Pour les avocats, on a informatisé bien entendu les cabinets d'avocats, mais

qu'est-ce que cela a donné ? on avait des dossiers, ils ont été rentrés de force dans l'ordinateur. Pourquoi ont-ils été entrés de force dans l'ordinateur ? Parce qu'on a changé uniquement le support. on a construit une informatisation du dossier, mais le dossier, on a continué de le rentrer par la cote correspondance, par la cote procédure, par la cote pièce communiquée. mais ce n'est pas le métier ! quand je discute avec un de mes clients, je ne rentre pas par la cote correspondance en lui demandant effectivement si c'est une lettre entre avocats, j'y rentre par les faits.

la transition numérique, par rapport à la transition informatique, c'est le métier qui est informatisé et non pas le support de ce métier. C'est pour cela que la data prend une place déterminante parce qu'elle est l'objet du mode de travail, et non pas l'élément manuel qui a été placé d'un support physique à un support électronique. on est passé de la molécule avec de la poussière au point Word, au point PowerPoint.

la transition intelligente, c'est la vôtre. il faut que datainfogreffe prenne la transition intelligente. le monde est celui des robots, y compris dans votre secteur. vous l'avez bien compris parce que dans le contrat de datainfogreffe, il y a une restriction. vous avez tout ouvert, mais vous avez réduit le temps de possibilité de prendre la data qui se trouve ouverte pendant un certain temps, et après vous refermez ! Pourquoi vous refermez ? tout simplement parce que ce n'est pas des hommes qui interrogent, c'est les robots. 60 % du Web est aujourd'hui occupé non pas par l'homme mais par des avatars. et, il suffit de regarder votre contrat pour voir qu'ils sont présents. eux travaillent à la vitesse de la lumière et vous avez donc restreint l'unité de temps, ils sont obligés de patienter le temps que vous avez mis pour pouvoir prendre une nouvelle information. l'enjeu est la transition intelligente. l'arrivée des robots. les robots avec bien évidemment des molécules. vous connaissez le petit nao. il est chez moi au cabinet et je vous invite à venir le voir entre amis. nao vous dira « bonjour » et il a déjà une page sur facebook… la transition intelligente est au cœur de votre contrat

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parce que le Web est déjà entre les mains des robots et non plus entre les mains des humains.

au-delà de ça, regardons les open qui sont en jeu. l'open format, l'open access, l'open process, l'open source, l'open business, tous ces open qui sont derrière l'open data.

Prenons le premier, l'open format. 30 % du Web est en xls, c’est-à-dire sous microsoft. il faut libérer les formats et les mettre en format libre. sinon, le Web risque d’être privatisé.

l'open access, c'est la possibilité de libérer les données, premier stade, à condition qu'on les libère dans un format ouvert parce que si on les libère dans un format fermé, on réintroduit un monopole sur la donnée.

l'open process, c'est déjà le niveau de privatisation, c'est votre enjeu pour vous. l'open process, c'est « j'ouvre toutes les données » mais pour savoir qui a consulté, pour avoir une profondeur dans la consultation, il faut bien évidemment payer. la gratuité de l'open process, on la retrouve sur l'open access. elle est un des éléments de l'open format. l'open source est au cœur de la data, car la data sans logiciel n'existe pas.

quant à l'open business, c'est tout simplement de savoir si on ouvre les données pour tous, ou si on ouvre les données avec privatisation – sachant que la

donnée au sens de la data, c’est-à-dire non pas au sens de l'ancien système informatique mais au sens d'une valeur économique est hors droit. elle est sans droit. elle a été oubliée par les juristes. J'abuse un peu mais comme toujours, la caricature est le trait essentiel.

la notion de format en standard ouvert est un principe légal. le projet sur la république numérique est en consultation publique sur une plateforme collaborative (je vous engage à y participer). C’est un nouveau mode démocratique qui permet au peuple de prendre le pouvoir, avant les représentants du peuple, en travaillant avec son gouvernement – initiative merveilleuse de notre gouvernement – dont l'enjeu est bien évidemment l'Open document text, c’est-à-dire la possibilité d'utiliser les données sans passer par un format propriétaire.

quel est l'intérêt de l’open access ? l'intérêt n'est pas uniquement le marché économique. l'intérêt de l'open, c'est que l'etat start-up prend et utilise la puissance de l'ouverture de la donnée pour deux éléments : faire faire son métier par le privé et faire mieux son métier grâce à l'innovation. lorsqu'on met en place une Crime Map et que l'on dessine les infractions autour du domicile de la personne, on permet au citoyen d'examiner sa situation, de mettre en place non pas une surveillance mais une protection qu'il partage avec la police. lorsqu'on lui donne la possibilité d'immédiatement intervenir sur un tag qui ne sera pas du street art, il participe alors à la beauté de sa ville. Ce n'est pas décentrer l'état vers le citoyen, c'est mettre l'état et le citoyen en position de coopération. même la justice est ubérisée. Pourquoi  ? Parce qu'on a décidé par exemple pour les conflits en matière de consommateurs et de l'internet, de privilégier les plates-formes de régulation amiable. là encore, ce n'est pas abandonner le devoir de justice, c'est tout simplement rapprocher la communication conflictuelle entre le citoyen consommateur et le vendeur dans une plate-forme de médiation, base d'une solution coopérative et de laisser l'état affronter la délinquance réelle.

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l'open process, c'est là que se situe l'enjeu aujourd'hui de la valeur. elle n'est pas sur la data. elle est sur la façon dont on processe la data, avec deux concepts extrêmement importants : la « smart data » derrière l'open data et le « text and data mining ». il existe déjà des modifications aux états-unis. Par exemple, en angleterre, la loi est intervenue pour permettre le text and data mining, c’est-à-dire la possibilité de moissonner les données et d'en sortir des nouvelles valeurs. mais, certains éditeurs le refusent considérant que la base de données leur appartient, que ces robots qui moissonnent doivent payer à l'entrée. C'est en fait un véritable droit de lecture, d’analyse qui est en train d'être privatisé. C'est comme si demain on me disait « tu as le droit de lire le livre mais pour la compréhension, tu t'arrêtes à quinze ou vingt idées ». C'est cela qui est en jeu derrière l'open process : c'est le droit de lecture libre, non pas par moi, humain, mais par des robots. or les robots, c'est moi ! demain, tout le monde aura un robot, comme aujourd'hui tout le monde a une calculatrice. la transition intelligente, c'est la maîtrise de l'homme avec le robot. et, dans le data mining, ce n'est pas moi qui fais l'analyse mais, par exemple, il est extrêmement intéressant dans une loi de reconnaître s'il y a une ou deux occurrences du même mot, de regarder si telle définition qui se trouve dans la directive 95/46 se retrouve dans le projet de règlement. Par l'utilisation de ces modes de lecture sémantique par robot – on disait avant « par logiciel  »  -, le robot devient intelligent. il devient autonome, il devient indépendant. il est parfois plus rapide et plus intelligent que l'homme – le robot appelé Watson l'a montré aux usa avec le jeu Jeopardy. dans le cas de l'open access et de l'open process, regardez ce qui se passe non pas chez vous mais dans l'édition scientifique. l'usage est libre parce que personne ne veut privatiser les connaissances. mais, la possibilité de lire avec des robots (les aPi des éditeurs) est réduite et très chère. l'idée est de payer un droit d'accès sur les robots et de laisser libres les humains. mais les humains ont besoin des robots pour lire, ce serait comme si aujourd'hui on disait « je vous laisse le droit de calculer mais pour la calculatrice, il faut payer ».

C'est l'enjeu de l'open process. et pour datainfogreffe, me semble-t-il, le fait de mettre en place une nouvelle forme pour processer vos données, c'est peut-être aussi une nouvelle forme de valeur économique.

l'open source, vous connaissez, c'est la mise à disposition de l'ensemble des éléments des logiciels.

Pour l'open business, quel est l'enjeu ? J'ai signé une tribune ouverte, une sorte de pétition sur les communs. Pourquoi ? Parce que moi qui me bats depuis des années pour la liberté des données, et de manière générale pour les droits de l'homme numérique, pour reconnaître la propriété des données, pour reconnaître le droit à l'oubli, pour reconnaître la souveraineté sur ses données personnelles, pour créer un droit à l'intimité numérique – tous ces droits n'existent pas et il faudra les créer dans le monde des libertés numériques – je constate qu’il y a un risque. Pour l'open data, si on ne crée pas le droit des communs comme il existe aujourd'hui dans le projet de la ministre madame axelle lemaire (merveilleux projet), il y a un risque que les data soient privatisées. or, ce qui est commun pour tous doit le rester pour chacun. il ne doit pas y avoir de possibilité, si on ouvre les données, que le marché puisse les prendre et se les approprier. qu'il crée de la valeur avec, oui. qu'il referme la data, non. et donc, il est important de créer un droit des communs. lorsque la data a été ouverte, notamment par les administrations et puisant l'impôt dans son financement, il y a la nécessité de la libérer.

dans l'open information légale, c'est la même chose. aujourd'hui, l'ouverture est réelle mais dans des formats complexes. l'ouverture est réelle mais avec un coût de maintenance, certes faible mais existant. dans votre cas, vous avez créé datainfogreffe : agilité, présence, subtilité stratégique. Pardon pour ces termes, moi qui vis dans le monde du numérique, votre position stratégique est tactique. vous avez adopté une stratégie d'attaque, mais vous êtes en position de défense dans cette attaque. libérez la donnée, non pas uniquement pour les humains, mais aussi pour les robots, et vous verrez, vous augmenterez la création de valeur pour

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tous et notamment vous. l'enjeu, c'est les jeux de données. si vous permettez effectivement la création de valeur ajoutée dans votre service et que vous accueillez sur votre plate-forme ces services (j'y reviendrai tout à l'heure), vous ferez comme l'ont fait ebay ou d'autres plates-formes, vous deviendrez une place de marché. Car, ce qui fait votre force et qui fait que personne ne vous prendra, c'est deux choses : vous donnez une data certifiée et vous donnez une data mise à jour. tous les services à valeur ajoutée viendront chez vous pour ces raisons. et, au lieu de restreindre ces robots, il faut les accueillir me semble-t-il : il faut leur donner une place de marché dans votre plate-forme. À partir de là, l'ensemble – réglementation, gouvernement, justice, registre du commerce, vous, le public et le marché – sera en communion sur la création de valeur.

2/ Données et documentsun mot rapide sur l'accès aux documents. aujourd'hui, en matière de gestion des connaissances, il y a un risque. il existe un open access green, c’est-à-dire que vous auto-archivez vos données. dans le monde scientifique et celui des futurs nobel, les laboratoires payent pour que les articles de leurs chercheurs soient publiés et mis en ligne. la puissance de la plate-forme aujourd'hui est telle que des gens payent pour pouvoir publier et accéder à la plate-forme. nous passons d’un open access à la donnée à un nouveau concept, celui d’open access à la plate-forme, et bien évidemment la plate-forme n'est pas open parce qu'elle constitue un service. il existe des modèles hybrides et des archives ouvertes.

le dépôt des documents est votre force. en allemagne, ils ont déjà ouvert le dépôt des documents. le traitement des documents est l'enjeu pour vous.

3/ Données et services à valeur ajoutéeon parle beaucoup d'open data et des formats, mais il existe une nouvelle révolution qui est le format de l'open. dans le Web, les données, les documents en fait, sont régis par des pages Web avec une adresse,

l'url. le W3C a créé une nouvelle adresse qui est non pas l'url mais l'uri, c’est-à-dire l'accès à la donnée dans le document, la prise de la donnée. Comme la donnée a son adresse, elle est qualifiée, elle rentre dans de nouvelles applications. Par exemple la possibilité de suivre les bus, c'est très important et très intéressant si on veut faire de la circulation et de l'amélioration de cette circulation par des applications.

vous avez des données. elles sont certifiées et mises à jour, elles sont dans des documents, mais peu importe les documents parce qu’ils seront demain fabriqués à la volée par des « requêteurs » (ces fameux robots, là encore). mais cette donnée, si vous la mettez non pas en position d'url telle qu'elle est aujourd'hui mais en position d'uri, vous mettez datainfogreffe dans une place stratégique non plus dans le Web lexicographique mais dans le Web sémantique. lâchez la donnée, ouvrez les uri, vos applications et celles du marché viendront sur votre plate-forme.

Je rêve peut-être mais quand même. sur la particularité du système, je vous ai mis ici ce que font les plates-formes de sciences. regardez tous ces services à valeur ajoutée. Je voudrais en prendre un. tout le monde veut connaître sur quel sujet de recherche le laboratoire travaille. C'est vrai, c'est important ! allez un jour sur Paperscape, vous avez une cartographie de l'ensemble des articles du monde ! et, si je sais que tel laboratoire concurrent va peut-être sortir un sujet de recherche ; laboratoire dont le patron va peut-être un jour être le nobel, c'est extrêmement important de connaître les chercheurs du laboratoire et ce qui les intéresse. vous voyez qu'en ouvrant les articles, il en ressort une nouvelle valeur, celle de la circulation des utilisateurs. le data mashup est un autre système merveilleux qui permet de partager avec des applications différentes sur des plates-formes les data que vous avez où que d'autres éditeurs ont afin de les croiser. Je vous ai mis la liste de tous les services que font les gens qui ont ouvert la data  : ils ont beaucoup plus de valeur économique avec les services de la data ouverte que sur les services avec la data fermée. ici, c'est elsevier

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qui présente les valeurs de contenu.

Je voulais vous montrer cette carte, regardez, «  croissance de la valeur  » et « compréhension sémantique ». le monde de demain est celui de la compréhension et non pas de l'information.

la rupture de la transition intelligente est la prochaine rupture après la transition numérique. en étant en uri, en mettant datainfogreffe, premier site d'information légale en uri tel que le définit le W3C de manière gratuite, vous prenez un avantage compétitif en termes de valeur économique pour vous, pour la justice, et de manière générale, pour toutes les administrations françaises.

4/ Données et plates-formesil me faudra conclure, malheureusement le temps est compté et le voyage doit s'arrêter. alors, sachez qu’il y a aussi les creative commons qui sont la façon de faire. il y a la position du gouvernement sur etalab qui ouvre complètement, et il me faudra terminer sur les plates-formes.

le gouvernement est en train de mettre en place une nouvelle réglementation. votre plate-forme devient un espace virtuel de partage. elle devient un concentrateur d'audience. datainfogreffe est le seul lieu demain où l'on trouve l'information à jour et certifiée avec valeur ajoutée. vous êtes sous cette réglementation. le droit des plates-formes est en train de se créer avec la loyauté

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Chapitre 6

de la plate-forme – nouveau concept – et un projet dans la république numérique pour le définir (mais il y a longtemps que vous êtes loyaux !). la neutralité est bien évidemment un élément clé de la mise à disposition de la data. il ne faut pas qu'il y ait d'emprise sur elle, mais une prise pour qu'elle puisse être non pas commercialisée mais diffusée.

C'est sur informatique et libertés que je voudrais terminer. J'ai commencé ma vie professionnelle avec la loi 78-17, je ne sais pas si je terminerai avec elle, ils ont inventé des concepts dont l'un des plus importants – et c'est avec cela que je voulais terminer notamment à cause de l'information légale – c'est l'information judiciaire. regardez, il faut parfois prendre de la réserve. la Cour de justice de l'union européenne a décidé qu'il y avait en europe un droit à l'oubli qui fait de chacun d'entre nous le seul conservateur de son passé, sauf exception. le droit à l'oubli est complexe pour l'information légale et l'information judiciaire. le droit à l'oubli, c'est le droit de savoir. le droit à l'oubli, c'est le droit à l'histoire. le droit à l'oubli, c'est le devoir de mémoire. rappelez-vous musset « à défaut du pardon, on laisse venir l'oubli », elie Wiesel « Le bourreau tue toujours deux fois, la seconde par l'oubli ».

alors, le droit à l'oubli, droit fondamental, montre bien que derrière la data, elle ne porte pas uniquement des richesses mais aussi de la personnalité. Je vous parlais

du déficit juridique. Chacun d'entre nous dit « c'est mes données, c'est ma propriété », mais il n'y a pas de droit de propriété sur les données. Chacun d'entre nous aimerait bien être souverain de ses données, mais il n'y a pas de droit de souveraineté sur ses données.

dans le monde de la data, des droits fondamentaux sont à créer et vous êtes au cœur de la situation. bienvenue et bon vent à datainfogreffe.

merci.

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7exPériences croisées d'oPen data

taBle ronde

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Introduction de Sophie Jonval :

après avoir eu une vision transversale de ce qu’est la data, nous vous proposons maintenant de partager les expériences de nos intervenants autour d’une table ronde pour vous offrir un regard concret des offres, services et usages répondant aux besoins des acteurs économiques.

autour de cette table ronde nous découvrirons que la data peut être un vecteur :

- d’information

- de simPlifiCation

- de Proximité

- et d’innovation

ta B l e - r o n d e : exPériences croisées d'oPen data

avec didier françois, Clara sorin, Jean Coudray et bernard bailet.

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Chapitre 7

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Présentation par Thomas DEnFER :Pour commencer, tournons-nous vers notre premier intervenant : monsieur didier franCois vous êtes directeur adjoint de la dila, c’est-à-dire la direction de l’information légale et administrative.

la dila nous la connaissons tous puisqu’elle édite notamment le Journal offiCiel et le non moins célèbre bulletin officiel des annonces Civiles et Commerciales, le bodaCC, bien connu des greffiers !

vous allez donc nous expliquer la démarche de la dila s’agissant de l’ouverture de certaines données publiques notamment des données de jurisprudence diffusées jusqu’ici sur le site leGifranCe.

Pouvez-vous donc nous éclairer par exemple sur la plate-forme data.Gouv.fr et le rôle d’information que peut donc revêtir cette démarche d’ouverture ?

interVention de didier françois

directeur adjoint de l'information légale et administrative (dila)

Didier FrAnçois : *

Je commencerai mon intervention par un rappel sur ce qu'est la dila. non pas simplement pour présenter la direction que je représente, mais parce que c'est important pour comprendre l'évolution en cours.

la dila, c'est le Journal officiel, c'est légifrance, c'est le bodaCC, mais c'est aussi bien d'autres choses. la dila a été créée il y a cinq ans de la fusion des Journaux officiels et de la documentation française. les informations de la dila en quelques chiffres : c'est légifrance avec 950 000 textes de loi et de règlement en stock, c'est 1 million de décisions de jurisprudence. mais la dila, ce n'est pas que l'information légale. dans l'information légale, il y a deux volets, il y a légifrance, le Journal officiel et ce que l'on appelle les annonces légales que vous trouvez au bodaCC ou au balo, mais il y a aussi l'information administrative, deuxième mission de la dila, héritage de la documentation française, le site service-Public.fr, c’est-à-dire d'expliquer la loi d'une façon un peu plus accessible aux citoyens. légifrance, la loi française, même si c'est un progrès par rapport au Journal officiel, sont un peu ardus à comprendre pour le commun des mortels. et donc l'ambition de service-Public.fr est

* Nota : Le style oral de la présentation a été conservé pour la publication des actes.

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d'expliquer cela, à savoir ce que l'on appelle l'information, et cela va jusqu'au développement des services en ligne (comme s'inscrire sur les listes électorales etc.). service-Public.fr, c'est 3 500 fiches, 1 500 formulaires, une masse d'informations assez considérable. et il faudrait, pour être complet, ajouter le troisième volet de la mission de la dila, à savoir ce que l'on appelle l'accès au débat public. il s'agit de faciliter la compréhension par nos concitoyens des enjeux économiques, politiques et sociaux dans lesquels ils se situent. Cela passe par les rapports publics – la bibliothèque des rapports publics représente un peu plus de 10 000 rapports accessibles en ligne de façon dématérialisée. toute cette masse d'informations est en open data. Pour être complet, il faudrait aussi mentionner les 250 titres que la marque documentation française sort chaque année et qui ne sont pas en open data.

en fait, le métier de la dila est de produire et de diffuser de l'information. dès lors, il n'était pas étonnant que l'on se soit retrouvé au premier plan quand la politique d'open data a été mise en place et j'en viens donc à la présentation de ce qu'est l'open data à la dila. Premièrement, l'open data à la dila s'inscrit dans une politique beaucoup plus large, politique de transparence et d'ouverture avec un certain nombre de textes législatifs existants ou en cours de discussion actuellement, ou encore avec la création d'etalab il y a quelques années. C'est un mouvement beaucoup plus large que simplement la dila. et, c'est un mouvement dans lequel la france est loin d'être en retard. nous sommes même parmi les précurseurs, nous ne sommes pas les premiers mais pas loin. en france, nous avons précédé la simple transposition de directives européennes puisque nous sommes actuellement en discussion devant le Parlement à propos de cette loi de transposition, alors que l'open data est une réalité chez nous depuis un certain temps. deuxièmement, l'open data à la dila n'est pas nouveau, cela fait des années. Ce qui est nouveau, c'est la gratuité. toutes les données de légifrance étaient déjà réutilisables au moyen de licences de rediffusion depuis plusieurs années déjà, de la même façon que les données du bodaCC. Ces licences étaient

payantes mais elles n'étaient pas très chères (quelques dizaines de milliers d'euros pour un produit comme légifrance qui est assez riche et complet). la grande nouveauté, c'est donc la gratuité de tout cela, ce n'est pas l'ouverture.

l'open data à la dila aujourd'hui, c'est quoi ? C'est soixante-dix-huit jeux de données auquel on accède via le site data.gouv. Ces jeux de données sont mis à jour quotidiennement et sont réutilisables au moyen de la licence ouverte dite etalab (que maître bensoussan a évoquée dans son exposé). Cette ouverture a donné lieu à des discussions sur un point technique, mais aujourd’hui toutes les données dila sont sous licence ouverte.

la dila propose des données juridiques classées 5 étoiles. Ces 5 étoiles représentent l'interopérabilité des données, classement le plus élevé qui existe actuellement. C'est le résultat d'une évolution. la première étoile concernait des données qui soient accessibles sur le Web (cela remonte à la création de légifrance). la deuxième a été la structuration de ces données (c'est le xml du service public d'accès au droit qui doit remonter à 2002). la troisième a été la gratuité de ces données en 2014. Puis, la quatrième concernait ces notions de structuration des données, à savoir l'utilisation des identifiants européens eli et eCli (qui identifie l'un la jurisprudence et l'autre les textes de réglementation). enfin, la cinquième est extrêmement récente (elle date de cet été), c'est la sémantisation de ces données, c’est-à-dire de permettre des croisements entre des données d'origines diverses parce qu'elles ont été structurées, sémantisées et réutilisables de façon automatisée par des robots. nous ne sommes pas très nombreux en europe (je n'ai pas la vision mondiale comme notre intervenant de ce matin) à avoir des données juridiques accessibles de cette façon.

Pour en arriver là, on rencontre bien sûr quelques difficultés et notamment une en particulier. les difficultés techniques ne sont pas de vraies difficultés, on les surmonte toujours ; les progrès sont tels qu'on y arrive. il ne faut pas non plus oublier quelques aspects

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financiers car rien n'est gratuit. la gratuité n'existe pas et il faut bien que quelqu'un le paye d'une façon ou d'une autre. mais, tout cela se règle. la vraie difficulté tourne autour de la protection des données personnelles et de l'anonymisation qui est nécessaire. C'est une question plus large que l'open data, qui pose l'équilibre à trouver entre un impératif de publication (pour qu'un certain nombre de choses soient opposables) et le principe de protection des données personnelles, de droit à l'oubli, de droit à la vie privée. C'est si vrai que cela dépasse le seul open data. C'est le point technique juridique le plus difficile que nous avons eu à régler. Pour pouvoir dématérialiser totalement le Journal officiel (vous savez sans doute qu'à partir du 1er janvier, le Journal officiel sera totalement dématérialisé, il n'y aura plus de journal lois et décrets papier). la difficulté a porté sur un certain nombre de données qui concernent les changements de noms et les naturalisations. on est dans la situation un peu paradoxale aujourd'hui où ils sont publiés sous format papier du Journal officiel mais pas au format électronique – c'est l'équilibre que la Cnil avait trouvé à l'époque entre la nécessité de publier ces informations (pour qu'elles soient opposables) et à en rendre la réutilisation compliquée (afin de protéger la vie privée). le sujet est donc plus large que le simple open data, mais l'open data le souligne et son acuité est accrue. C'est tellement vrai que, par exemple pour la dématérialisation du Journal officiel, la solution qui a été trouvée avec la Cnil est que ces données seront publiées de façon dématérialisée sur le Journal officiel (donc accessibles sur le Web), mais elles seront enfermées dans une espèce de bulle qui en empêchera techniquement la réutilisation. on voit donc par-là que l'open data rend plus aigu un certain nombre de sujets.

deuxième point que je voulais aborder, c'est la politique d'innovation que l'on essaye de mettre en œuvre à la dila pour faciliter la rediffusion et la réutilisation des données. en effet, la vraie question est la suivante : mettre les données en open data, oui mais après ? qu'est-ce qu'on en fait et comment on en fait quelque chose ? on pourrait considérer (un certain nombre d'autres pays

européens sont un peu dans cette attitude) qu'après tout, la mission de service public est de mettre les données «  en vrac », un peu n'importe comment, et que c'est ensuite au secteur privé de se débrouiller, de voir ce qu'il peut en faire et comment. or, ce n'est pas la conception de la dila, et je crois que ce n'est pas la conception du gouvernement actuel. en tout cas, nous travaillons dans l’optique d’essayer de faciliter la rediffusion des données, pour au moins deux raisons :

- la première, on considère que cela fait aussi partie de la mission de service public de faciliter cette réutilisation – il ne suffit pas de tout jeter en vrac mais il faut aussi aider les uns et les autres à en faire quelque chose.

- la deuxième raison (qui n'est pas très éloignée de la première mais ce n'est pas exactement la même), on considère que la mission de service public est de faciliter l'accès des citoyens non plus tellement à l'information (notion qui a évolué, nous le verrons plus tard) mais au meilleur service. Pour faciliter l'accès des citoyens au meilleur service, faciliter la réutilisation des données (qui est devenue centrale), développer des services à partir des données, ne peut que bénéficier aux citoyens. et, la question de savoir si c'est le service public ou si c'est un partenaire privé qui assure ce service, est secondaire après tout, l'essentiel est que le citoyen puisse y accéder. on essaye donc de promouvoir cette innovation, de deux façons. la première, on a utilisé des conventions de recherche et développement dont l'intérêt est de « tester » un certain nombre de choses mais aussi de développer certains produits au moins à titre expérimental. Cela permet aussi à l'administration et à la dila de réutiliser le produit de cette expérimentation si on veut développer un service en direction du public (d'ailleurs, que ce service soit exploité par le public ou par un partenaire privé). et à l'inverse, le partenaire privé avec lequel on a travaillé pour développer cette expérimentation peut aussi l'utiliser s'il veut en faire un usage privé. Je dirai que chacun s'y retrouve et on peut réutiliser des résultats. Par ailleurs, nous menons des opérations Open Law qu'on appelle « hackaton ». on en a fait deux, dont un l'année dernière avec un certain nombre de partenaires

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publics et privés pour essayer de promouvoir un certain nombre d'expérimentations. d'ailleurs, nous étions surpris du nombre important des projets proposés (17-18) dont certains sont en train d'être réalisés. Je pense par exemple au projet « data asso » qui permet d'utiliser toutes les données du Journal officiel sur les associations et de les croiser avec de la géolocalisation. Je pense à un autre projet que la dila développe, qui n'est pas très éloigné des sujets qui peuvent vous intéresser, à savoir le dashboard entreprise, un sujet d'information et non de service, dont l'ambition est de donner une espèce de tableau de bord pour chaque entreprise sur les informations qui peuvent la concerner – en particulier les informations dans le domaine légal (l’évolution de la convention collective qui la concerne, de la réglementation, de normes qui peuvent la concerner). nous avons renouvelé une opération d'hackathon tout récemment sur le projet open law europa, avec un peu de couleur européenne, en essayant de mettre l'accent sur la meilleure utilisation des deux identifiants eli et eCli et de mettre sur la table l'utilisation des informations de niveau européen comme la base eur-lex. il est encore trop tôt pour tirer un bilan puisque ce projet est encore en cours de développement, mais l'élément intéressant est que nous avons des partenaires de bonne taille (deux des gros éditeurs juridiques ou encore deux cabinets d'avocats de dimension internationale), ce qui me fait penser que le sujet était mûr pour être sur la table.

sur le plan européen, se tient tous les ans le forum des Journaux officiels européens, et, cette année, la donnée a été un thème central dans toutes les réflexions et dans toutes les discussions. Ce n'est pas une nouveauté mais c'est le résultat d'une évolution. Cela fait déjà quatre ou cinq ans que nous parlons de ces notions de données et d'open data avec nos collègues européens. Certains n'en voyaient pas bien l'enjeu. quand on a commencé, la france, avec quelques autres, était plutôt en pointe, et, peu à peu, la prise de conscience s'est faite. si je voulais résumer la conclusion de ces journées, c'est que la majorité des Journaux officiels européens se voit maintenant non plus comme des producteurs d'informations, mais

comme des producteurs de données et de services numériques.

il s'agit là d'une évolution tout à fait fondamentale, et c'est ce qui m'amène à quelques mots de conclusion. derrière l'open data, ce sont des évolutions assez considérables qui se dessinent. C'est une transformation des métiers. en tout cas, à la dila, on s'en est rendu compte peu à peu et la prise de conscience est claire désormais. notre métier n'est plus tellement de diffuser de l'information, c'est de traiter de la donnée. on est devenu des producteurs de données, ce qui a des impacts assez lourd en termes de métiers. les métiers qui prennent de plus en plus d'importance sont ceux liés à la structuration de la donnée, tout ce qui tourne autour de la métadonnée. Ce n'est plus la même chose que simplement diffuser que ce soit sur papier ou sur numérique. Cela a fait bouger la limite entre l'information dite « légale » ou « juridique », et l'information dite « administrative ». on voit bien que si on raisonne en termes de donnée, on se pose forcément la question de savoir comment est-ce qu'on peut combiner différentes données entre elles. et c'est là que la fusion entre Journal officiel et documentation française prend tout son sens. Journal officiel, c'était légifrance. documentation française, c'était service public.fr. l'avenir est commun et c'est là le sens le plus profond de cette fusion. il reste à inventer le partage des rôles entre le service public et le partenaire privé, des partenariats nouveaux qu'il faut mettre sur la table et définir ce que

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peut apporter le service public. si vous le permettez, je terminerai sur une opinion personnelle pour dire que je vois deux directions dans lesquelles le service public trouve toute sa place. la première, c'est l'organisation des données, leur structuration, de les mettre sur la table d'une façon où on peut en faire quelque chose, et non pas en vrac. la deuxième, c'est la notion d'authentification, de sécurité des données et c'est fondamental. C'est tellement vrai que nous sommes en train de devenir des producteurs de données et non plus des diffuseurs d'information, avec derrière la création d'un service public de la donnée. actuellement, un projet de loi est en cours de discussion devant le Parlement. derrière ce mot

« open data », il y a donc des évolutions considérables qui touchent à la fois la façon dont travaille l'administration (ou dont travailleront forcément les greffes puisque vous êtes aussi des producteurs de données) et la relation à la fois public/privé et public/citoyen.

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Présentation par Sophie Jonval :madame Clara sorin, je me tourne à présent vers vous, vous êtes directrice de projet du programme « dîtes le nous une fois », alors ce programme est engagé par le secrétariat général de modernisation de l’action

publique autrement dit le sGmaP, vous allez nous expliquer en quoi l’utilisation et la libre circulation de la donnée entre administrations permet de simplifier la vie des entreprises. Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet « mPs » marché public simplifié, auquel participe notre profession à vos côtés ?

interVention de clara sorin directrice de projet, programme « dites-le-nous une fois », secrétariat Général pour la modernisation de l'action Publique (sGmaP)

Clara sorin : * Je voudrais vous remercier de votre invitation parce que je pense que c’est très important de pouvoir partager sur des sujets concrets, notamment en ces périodes troublées. un grand merci et surtout un grand merci à Philippe bobet avec qui nous travaillons depuis de nombreuses

années sur ces sujets de simplification. il m’a toujours honorée de sa confiance et il m’a permis que, quelles que soient les périodes, on arrive quand même à répondre à ces enjeux. vraiment un grand merci extrêmement sincère.sur ce programme «  dites-le-nous une fois  », je ne

* Nota : Le style oral de la présentation a été conservé pour la publication des actes.

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vais pas vous parler d’open data au sens d’ouverture totale. Ce n’est pas si «  open  » que ça. mon sujet, est de savoir comment échanger des données utiles entre acteurs publics, entre acteurs qui ont des missions de services publics avec pour finalité de rendre des services. finalement, ce que nous essayons tous d’apporter, ce sont de meilleures réponses aux usagers quels qu’ils soient, qu’il s’agisse d’entreprises ou de particuliers. aujourd’hui, la plupart des démarches administratives sont quand même dignes du moyen Âge. il s’agit donc de faire autrement. Pour reprendre un vocabulaire marin, cela « secoue ». il y a un avis de tempête sur les données. Je veux également mettre une zone d’éclaircie dans tout cela. très concrètement, ce que nous faisons tous, c’est d’œuvrer pour des services meilleurs, des services qui nous rendent aussi un service en tant que citoyen. vous êtes les premiers à trouver insupportable des démarches dans lesquelles on n’arrête pas de vous demander des informations, des justificatifs, etc. C’est tout ça qui doit changer. Comme le disait maître bensoussan tout à l’heure, tout ce cadre-là change. l’enjeu n’est plus de se dire « est ce que je possède la donnée ? ». C’était valable il y a 50 ans. il est vrai qu’aujourd’hui, la question est quel service ? Grâce à la valeur ajoutée que j’ai de par la certification que j’apporte, la qualité que j’apporte à la donnée, quels sont les services que je peux développer et qui vont faire que je suis un acteur incontournable ? la question d’aujourd’hui et de demain est là. Je voudrais aujourd’hui vous raconter une belle histoire. C’est l’histoire de marché Public simplifié qui est un bel exemple de ce que sur ce programme «  dites-le-nous une fois », nous avons essayé de mettre en place et que nous avons pu mettre en place grâce à votre aide et aux partenariats que nous avons avec les greffes et avec tout un tas d’autres partenaires. Cela fait que nous avons pu repenser sur des sujets complexes la manière dont l’interaction entre l’usager et les acteurs publics peut se faire. un petit éclairage sur le programme « dites-le-nous une fois ». Ce n’est pas un programme belge pour ceux qui le croiraient sauf que le nom de programme «  arrêtez

d’emmerder tout le monde » ne passait pas, nous avons donc pris le libellé « dites-le-nous une fois ». l’idée, c’est quand même bien celle-ci. très concrètement, c’est un programme qui se vit fixer des objectifs assez ambitieux puisque le but du jeu, c’est de faire qu’en 2017, on arrête de demander à une entreprise son nom, son adresse, qui elle est, etc. qu’on arrête de lui demander x fois ses données fiscales, de chiffres d’affaires, etc. alors qu’on les connaît parfaitement. qu’on arrête de faire la même chose pour savoir « mais au fait, vous avez combien de salariés ? ». on le sait en fait donc on n’a pas besoin de le demander. qu’on arrête de lui demander tout un tas de pièces justificatives. sur certaines démarches, je ne citerais pas le ministère qui est concerné mais à saint-malo, il doit y avoir quelques acteurs concernés, c’est dans des sujets de préservation du patrimoine, on peut demander jusqu’à 25 pièces justificatives. Ce n’est plus possible. le chiffon rouge sur «  j’ai de la donnée, je n’ai plus de donnée », arrêtons, créons autre chose et faisons autrement. Je vais vous dire ce qui m’irrite depuis de nombreuses années et qui me donne encore une étincelle le matin quand je me lève pour faire avancer des choses, c’est ce genre de choses. voici un maping (voir schéma page suivante) que nous avions réalisé et qui donne une idée de la manière dont les entreprises perçoivent le degré de complexité sur certains moments de leur vie dans leurs interactions avec les administrations. vous voyez que le taux moyen de perception de la complexité est très élevé. Je ne vous cache pas qu’il a même augmenté. dans la bulle que j’ai

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mise en rose, vous voyez bien que certains moments de vie sont particulièrement irritants pour une entreprise. il est intéressant de voir que les usagers ne jugent pas tout également complexe. étrangement, la relation avec la sphère fiscale est peut-être désagréable sur le fond de la question. en revanche, elle n’est pas considérée comme irritante. Pourquoi ? Parce que dans la relation de services, il y a des choses qui se sont beaucoup simplifiées. vous voyez que les marchés publics pour une entreprise, c’est infernal. on a un véritable enjeu économique sur ce genre de question. C’est-à-dire que c’est tellement compliqué. Cela crée une telle bagarre à l’entrée de devoir fournir des dossiers épouvantables que vous avez des très grosses entreprises qui sont très bien

organisées et qui en bénéficient. Je vous rappelle que 95 % des entreprises françaises ont moins de dix salariés, or tout ce tissu-là ne va pas vers la commande publique. quand vous avez un dossier qui est constitué d’un million de choses, c’est trop pour ce type de structure. Ce que nous avons essayé de faire avec marché Public simplifié, c’est de se dire « changeons de paradigme et fabriquons les outils qui devraient permettre de faire qu’un dossier de réponse à un appel d’offre contienne juste le numéro siret de l’entreprise, quelques cases à cocher, le dossier technique de l’entreprise et c’est tout ». tout le reste  : les justificatifs, les éléments beaucoup plus approfondis sur l’identité, sur la question de savoir si l’entreprise n’est pas en redressement (auquel cas, un

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Maping : la complexité des événements de vie des entreprises

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acheteur public se mettrait hors la loi en choisissant cette entreprise),… tout ça, on ne le demande plus puisqu’on le sait. Cela veut dire quoi « on le sait » ? Cela veut dire que nous avons créé des partenariats avec l’ensemble des acteurs, avec la sphère fiscale, avec les greffes, avec la sphère sociale pour récupérer l’ensemble de ces informations et de ces attestations.

qu’est-ce que cela donne concrètement  ? C’est très simple et c’est pour cette raison que je me tourne vers la ville de saint-malo qui, à l’issue de mon intervention, devrait être un acheteur généralisé marché Public simplifié dans l’heure qui suit. tout d’abord, l’acheteur public doit simplement taguer sur son appel d’offres le fait que ce soit un marché Public simplifié. C’est-à-dire un marché dans lequel on ne demandera pas toutes ces informations. À partir de là, c’est le système qui appelle les données d’identité de l’entreprise notamment grâce au partenariat que je n’ai pas cité mais qui est une telle évidence avec l’insee et qui nous permet juste de demander le numéro siret, d’obtenir les capacités financières de l’entreprise, tout un tas d’éléments de conformité. Pour l’acheteur public, c’est beaucoup plus simple. les personnes avec qui on a travaillé nous disent « parfois, mon marché est infructueux, cela met trois mois avant de récupérer une attestation qui s’est perdue dans les arcanes des couloirs de la maire  ». Ce

n’est juste plus possible parce que la donnée, vous la récupérez et vous savez en tant qu’acheteur qu’elle est fiable parce qu’elle vient de la sphère fiscale, de la sphère sociale, des greffes, tout le monde est content. en termes de changements dans les pratiques de travail, vous redonnez l’information sous un format qui est le même qu’auparavant.

voilà ce qu’est mPs. C’est un service qui a été mené au départ en «  mode agile  ». C’était une logique de start-up. on a commencé avec quelques partenaires, des collectivités locales, les greffes, l’insee, la sphère fiscale en se disant «  si on peut le faire. on peut développer en quelques mois  ». oui, on l’a fait. en 5 mois, c’était prêt et cela fonctionnait. là, cela a pris de l’ampleur. Cela se déploie. aujourd’hui - après une véritable année d’exploitation - ce sont quasiment 10 000 entreprises qui ont bénéficié de ces démarches-là et de cet allégement. vous voyez le potentiel que tout cela ouvre. derrière ce schéma qui montre les partenariats, je veux aussi montrer que l’on est vraiment passé dans un monde ouvert. la logique de développement de service fait que l’on ne peut plus raisonner chacun dans sa boutique. Ce n’est plus possible. Cela marche parce qu’on a tout ce monde avec nous. on travaille en mode complètement ouvert. Ce sont des open lab tous les lundis matin et ceux qui sont intéressés viennent. nous sommes dans des logiques de service ouvert.

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Cela fonctionne et ouvre des horizons sur ce sur quoi je voudrais terminer, c’est le nouveau maping. la nouvelle étude que nous avons réalisée auprès d’environ 1  500 entreprises. vous voyez des résultats 2015 et la complexité a augmenté. elle montre qu’il y a encore des tas de sujets qui sont compliqués. Je pense que c’est ça qui doit nous interpeller plus que de savoir qui est possesseur de quoi. le résultat de tout ce questionnement sur «  est-ce que c’est moi, est-ce que c’est l’autre  ?  ». Cela donne une complexité inutile. Cela donne un pays qui est en mauvaise forme, des entreprises pour qui c’est compliqué, des citoyens que nous sommes tous pour lesquels chaque démarche est compliquée. si nous voulons sortir de cette situation et être plus agiles, réfléchissons plutôt à la manière dont collectivement nous pouvons ouvrir nos données. mais cette ouverture

doit être réalisée dans l’objectif de proposer des services qui vont nous rendre à tous la vie juste meilleure et plus simple. C’est encore mon rêve chaque matin et j’espère que l’on va avoir de nombreuses occasions de le partager et de le faire vivre.

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Jean Coudray : *

bonjour et merci à tous pour votre invitation. vous m’excuserez, je n’aurai pas de diaporama, mais je vais plutôt vous donner le témoignage d’un élu local. J’ai bien entendu votre appel, plutôt deux fois qu’une. nous sommes heureux de vous accueillir à saint-malo et le hasard fait bien les choses puisque nous avons aussi une production de données libres et la plate-forme choisie à saint-malo et avec laquelle nous avons signé est opendatasoft, la même que vous, monsieur bailet.

Pourquoi nous avons voulu à la ville de saint-malo avoir un chargé de l’open data  ? nous avions une volonté politique qui était née pendant la campagne électorale. la production de données n’existait pas avant sur saint-malo, et, derrière cette volonté politique, c’était la vision de personnes non spécialistes (comme vous, nous ne sommes pas spécialistes de l’informatique) dans la

perspective de donner aux citoyens une démocratie 2.0, une capacité d’agir sur l’efficacité de la ville grâce aux données, une meilleure efficacité des services publics, une notion d’économie, puis un intérêt pour la ville. In fine : le but étant de créer à saint-malo une smart city, une ville intelligente, où les données que nous possédons sont ouvertes et permettent de mieux gérer la ville. Petit à petit, par nos petits jeux de données, on arrive à intéresser d’autres acteurs. aujourd’hui, nous sommes en discussion avec un acteur de smart city qui s’appelle engie pour ne pas le nommer (anciennement Gdf). nous sommes au même niveau que des villes comme vancouver. vous voyez une petite ville de province, grande par son histoire mais qui compte moins de 50 000 habitants, arrive petit à petit, en étant proactif sur la donnée, à intéresser des acteurs. Ce qui est important, c’est que sur notre tissu local, nous avons un tissu actif au niveau de l’économie numérique. nous leur donnons

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Présentation par Thomas DEnFER :après l’information et la simPlifiCation, place à la Proximité monsieur Jean Coudray, vous êtes avant tout malouin, donc notre régional de l’étape, vous manipulez vos patients au quotidien en tant qu’ostéopathe !mais vous manipulez également la donnée, puisqu’en tant qu’adjoint au maire de saint-malo délégué à la

promotion des projets jeunesse et à l’animation de la ville vous portez le projet d’open data de la cité corsaire.vous allez nous expliquer quelle peut être la démarche d’une commune dans le cadre de l’ouverture de ses données.alors quel est donc le rôle de monsieur open data à la mairie de saint-malo ?

interVention de Jean coudray adjoint au maire de saint-malo délégué à la promotion des projets jeunesse et à l'animation de la ville

* Nota : Le style oral de la présentation a été conservé pour la publication des actes.

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donc de l’eau à leur moulin par leurs données. nous avons réussi à raccrocher la métropole rennaise pour être labellisé french tech (qui est désormais la french tech rennes saint-malo). vous voyez que c’est quelque chose de très important pour une ville de taille quatre fois inférieure à celle de rennes d’avoir un tissu constitué d’une centaine de start-up sur la ville de saint-malo, qui sont actives et qui nous demandent des données.

quand nous sommes arrivés à la ville de saint-malo aux dernières élections, il n’y avait personne qui s’occupait des données. Ce n’était pas nous, les élus, qui allions mettre les mains dans le cambouis pour trouver les données. nous ne sommes pas spécialistes, nous sommes élus, mais nous avions cette volonté et il se trouve toujours que l’on trouve un référent intéressé pour produire les données. À la ville, nous avons donc un référent qui s’occupe d’aller chercher les données dans chaque service. ville de saint-malo, environ mille agents, plus d’une dizaine de services, des données à foison, elles existent. vous pouvez si vous voulez aller dans chaque service demander les données, vous allez les avoir sur papier dans un format un peu incompréhensible et donc le but est de motiver les gens à produire. C’est un travail de tous les jours. nous avons commencé le 7 juillet 2014 pour le premier jeu de données qui était les emplacements des bureaux de vote, un sujet ultra basique mais le premier que l’on pouvait avoir facilement, mis en ligne sur data.gouv sur un format libre, et on s’aperçoit qu’au fur et à mesure, on produit.

nous sommes à quarante-quatre jeux de données aujourd’hui, qui passent par les statistiques du logement, les index de rue, et on s’aperçoit que les difficultés ne sont pas forcément celles que l’on croit. lors de différentes tables rondes sur l’open data, par exemple avec la ville de rennes qui produit depuis beaucoup plus longtemps et qui est vraiment en pointe sur ces jeux de données, on s’est aperçu que les peurs n’étaient pas forcément les mêmes. les élus de la ville de rennes avaient des difficultés à donner le budget (ils l’ont fait). le budget de la ville de saint-malo consiste à un bottin de six cents pages avec des lignes, quelque chose d’incompréhensible, et, le fait

de les mettre en données libres, il y avait une espèce de peur de trouver la ligne dans telle case qui faisait défaut. au final, c’est qu’ils ont eu zéro questionnement sur leur budget. À la ville de saint-malo, si je peux parler au nom de la ville, nous essayons de n’avoir aucun frein politique, du moment que nous respectons l’anonymat et les règles bien évidemment, mais il est vrai qu’il peut y avoir en politique, même au niveau local, des petites peurs. un exemple, l’un des derniers jeux que nous avons posté et qui a soulevé des questions (même si finalement vous pouvez le trouver sur data.gouv), c’est le menu de la cuisine centrale – ce que les petits malouins vont manger pendant des semaines. vous pensez à certaines municipalités qui veulent retirer tel ou tel produit, il peut y avoir des questionnements. Pour ce qui nous concerne, on ouvre et nous n’avons eu aucun retour là-dessus pour l’instant.

et puis, on peut avoir de bonnes surprises. lors de la route du rhum (événement majeur), nous avons produit l’emplacement des bateaux sur les quais (ce qui nous semblait anodin au départ). Grâce à l’entreprise Pen duick, qui gère la route du rhum, nous pouvions avoir les emplacements de bateaux et nous avons eu quatre réutilisations pour des petites applications permettant aux gens de se déplacer. Cela vivifie notre ville et l’utilisation des données, cela permet d’être repéré partout en france comme une ville active. vous voyez donc que nous sommes vraiment dans une logique gagnant-gagnant quand on libéralise. la peur que nous pouvions avoir, c’est « je suis propriétaire de l’information donc j’ai le pouvoir. Vous n’aurez l’information que si vous baisez ma main ou si vous me donnez quelque chose en retour ». on s'aperçoit qu'en libéralisant, qu'en ouvrant, qu'en essayant d'aller vers le maximum de données, tout le monde est gagnant. en tout cas, le témoignage que je voulais vous proposer en tant qu'élu local, c'est « allez-y, n’ayez pas peur ».

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Bernard Bailet : *

bonjour et merci à tous pour votre invitation. Je remercie monsieur bensoussan qui a largement chauffé la salle et présenté datainfogreffe (il m'a un peu coupé l'herbe sous les pieds mais ce n'est pas grave, il l'a fait avec talent !). Je commencerai par un petit théorème, les choses simples sont parfois les plus complexes à expliquer. aujourd'hui, notre société qui, après avoir connu la révolution industrielle est confrontée à la révolution numérique, a besoin de s'adapter. Pour notre profession, dont l'essence même est d'établir des actes, le fait d'évoquer la notion de « donnée » qui est un terme ô combien générique et difficile à déterminer, peut être révolutionnaire. Cependant, je pense que nous ne devons pas avoir peur de cette nouvelle mutation qui s'annonce et c'est une nouvelle étape dans le développement de notre profession. nous devons y apporter notre expertise et cette mutation, nous y sommes préparés, nous y sommes prêts car cela fait plus de cinq ans que nous mettons tout en œuvre, tous les moyens nécessaires

pour harmoniser l'ensemble des données que nous administrons au quotidien. nous avons également harmonisé les tables de forme juridique, les qualités de dirigeants, les types d'actes. Cela n'existait pas, nous en avons fait un référentiel juridique d'ordre national et il est à disposition.

Ce travail quotidien nous permet d'être en mesure de faire face au nouvel enjeu de la donnée. l'ouverture des données doit être comprise comme un formidable moyen d'évolution. l'attentisme et le conservatisme ne sont pas des facteurs de modernité et l'expérience de notre profession durant ces trente dernières années démontre que nous avons su éviter les pièges. en effet, que serait notre profession aujourd'hui si nous n’avions inventé la diffusion et la dématérialisation ? C'est dans cet esprit que nous avons réfléchi au meilleur moyen de résoudre une équation assez complexe, c'est-à-dire continuer à assurer la diffusion de nos actes (qui sont l'essence même de notre profession) tout en assurant une diffusion de ces données, les données étant les informations qui

Présentation par Sophie Jonval :maintenant nous allons donner la parole à maître bernard bailet, bernard tu es greffier associé au tribunal de Commerce de nice depuis 1985, mais tu es également président de notre Gie infogreffe

et c’est à ce titre que tu vas nous faire découvrir le positionnement des greffiers dans cet environnement d’open data, peux-tu nous présenter la dernière innovation en la matière à savoir le portail datainfogreffe.fr ?

interVention de Bernard Bailet Président du Gie infogreffe, Greffier associé du tribunal de commerce de nice

* Nota : Le style oral de la présentation a été conservé pour la publication des actes.

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constituent ces actes aujourd'hui, et ce, dans le respect des données personnelles et en garantissant la qualité juridique de ces données qui pourront être réutilisées à d'autres fins que l'information.

C'est ainsi qu'est née l'idée de datainfogreffe dont l'objectif est de mettre à disposition des données pour favoriser la création économique des entreprises innovantes. en ouvrant ces données juridiques, et peut-être en les ouvrant encore plus tel que le propose me bensoussan dans son remarquable exposé, je pense que notre profession est en mesure d'insuffler une nouvelle dynamique au big data français. Je souhaite, et nous souhaitons, que les sociétés hexagonales soient les acteurs privilégiés de leur réutilisation et que nous, greffiers des tribunaux de commerce, en soyons leurs interlocuteurs privilégiés.

Je voudrais souligner également qu'il s'agit d'une première européenne, puisque quand nous allons dans différents colloques européens, chacun présente sa solution qui est apparemment toujours la meilleure (c'est normal), mais je pense que nous sommes le premier pays de l'union où la personne qui a en charge le registre du commerce et des sociétés a fait cette démarche. Je ne crois pas que d'autres pays de l'union européenne aujourd'hui mettent les données juridiques des entreprises commerciales en ligne tel que nous le faisons et c'est un grand pas que fait notre profession.

Je vous propose de passer aux actes – ou plutôt aux données puisque c'est la journée de la donnée –, et avant de vous faire une démonstration de notre nouveau site, je vous propose juste une petite animation qui retrace l'historique du registre du Commerce et des sociétés.

intermède vidéo : " Créé en 1919, le Registre du commerce et des sociétés est l’organe de publicité légale des entreprises. Le RCS assure au monde des affaires transparence et sécurité. Avec la création d’Infogreffe en 1986, les greffiers mettent en place un service d’accès au RCS. Cet outil regroupe les 134 greffes des tribunaux de commerce de France. Infogreffe diffuse le registre de plus de 3 millions d’entreprises. Le site comptabilise plus de 30 000 abonnés, 2 millions de visites

par mois, 600 000 mises à jour quotidiennes, et 20 000 commandes par jour. Infogreffe a toujours su s’adapter aux rendez-vous technologiques de l’évolution des moyens d’information. Conscient de l’importance du mouvement Open data, Infogreffe décide avec Datainfogreffe de la libre diffusion des données issues des fiches entreprises. En faisant cette démarche, Infogreffe souhaite être un vecteur de croissance en permettant l’émergence de nouveaux métiers ou services. Avec Datainfogreffe, les greffiers démontrent plus que jamais qu’ils sont les acteurs modernes de la sécurité des affaires et de la préservation des intérêts économiques des entreprises. Datainfogreffe met à disposition de tous des données sur les entreprises de nature à favoriser la création économique des entreprises innovantes."

reprise de l'intervention de Bernard Bailet :

Je vous propose maintenant de découvrir notre nouveau site datainfogreffe.

nous avons mis à disposition sur notre site datainfogreffe six jeux de données pour commencer (vous voyez me bensoussan, nous avons encore de la marge d'après ce que vous nous préconisez, ou encore monsieur françois avec vos soixante-dix jeux de données). mais ces six jeux de données sont intéressants. les trois premiers jeux de données mis en ligne sont des jeux de données que je qualifierai de généralistes. À tout seigneur, tout honneur, ce sont les données des greffes en premier lieu. deuxième jeu de données généralistes, ce sont les référentiels dont je vous ai parlé tout à l'heure : forme juridique pour l'instant, les communes qui sont rattachées à chaque

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tribunal de commerce. troisième jeu de données les statistiques du Conseil national des Greffiers. enfin, trois jeux de données métier qui constituent le cœur du site, ce sont les jeux de données relatifs aux immatriculations des sociétés commerciales, aux radiations des sociétés commerciales et aux chiffres clés qui regroupent le chiffre d'affaires, les résultats et l'effectif de l'ensemble des sociétés commerciales françaises sur les trois derniers exercices à savoir 2012, 2013 et 2014. Ces jeux de données sont ce que l'on appelle « data visualisables », avec trois outils de « data visualisation ». le premier, le plus spectaculaire, est la carte interactive (captures ci-dessus). Ce que vous voyez sur l'écran, c'est l'ensemble des sociétés immatriculées en france (sociétés commerciales uniquement puisque comme je vous le rappelais dans mon exposé, protection des données personnelles oblige, les commerçants ne sont pas mis en ligne dans le site), il s’agit donc des sociétés commerciales immatriculées

sur le territoire depuis le premier janvier. deuxième outil de data visualisation, c'est un outil graphique, plus intéressant pour des statistiques. enfin, le troisième outil, celui qui contient les données à proprement parler, sous forme de données, avec la dénomination, le siren, la forme juridique, le secteur d'activité, l'adresse, la ville, la région, la date d'immatriculation, le greffe compétent. et, nous avons mis un hyperlien qui renvoie vers la fiche d'identité d'entreprise. Pour mémoire, les informations mises à disposition sont celles issues de la fiche d'identité d'entreprise que nous affichons unitairement à l'heure actuelle sur infogreffe. enfin, dernière donnée, c’est le code activité insee. quatrième outil, plus technique, les aPi. l'aPi permet de sélectionner les différents champs souhaités et de transférer les données de « robot à robot », pour reprendre l'expression de me bensoussan (un robot qui se retrouve aux états-unis ou en Chine pourra remplir son formulaire, ou du moins l'humain derrière, choisir les données, puis celles-ci seront automatiquement transférées sur la plate-forme). voilà les trois outils de data visualisation.

nous allons maintenant faire un petit essai avec Thomas pour vous montrer quelle serait l'utilisation qui peut être faite de cet outil que nous mettons à disposition. Je suis niçois et j'ai envie de partir de nice (je ne sais pas si c'est une bonne idée), je suis pêcheur, et si ma ville est belle, ce n'est pas terrible pour pêcher. J'ai donc l'intention de venir m'installer sur la région de saint-malo et je souhaite faire une étude de marché. aujourd'hui, c'est assez compliqué de faire une étude de marché, et il faut surtout avoir les moyens pour le faire. avec l'outil que nous mettons en ligne, je vais avoir la possibilité d'analyser la compétence commerciale des entreprises déjà installées. y a-t-il beaucoup d'entreprises spécialisées dans la pêche ou y en a-t-il que très peu ? À partir de là, je verrai ce que je souhaite faire. Je vais prendre les entreprises immatriculées en 2015, je vais aller dans la recherche textuelle, je saisis le mot-clé « pêche » et vous voyez que 102 entreprises ont « pêche » dans leur activité et se sont immatriculées depuis le début de l'année. J'ai un deuxième filtre assez simple, « bretagne », je clique dessus et je peux voir que depuis le

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1er janvier, 19 entreprises se sont immatriculées dans ce type d'activité. et je vais regarder où elles sont et je vois ces 13 entreprises immatriculées depuis le 1er janvier dans les différents secteurs. si je veux voir à saint-malo, je peux voir qu’il y a deux concurrents potentiels. Je vais vérifier s'ils sont bien immatriculés, je sélectionne et j'arrive sur une société qui s'appelle « Pagaille » (ce n'est pas un test, c'est vraiment le nom de la société…), immatriculée le 27 février 2015, vous avez son numéro siren, son secteur d'activité, la forme juridique, l'adresse, le code postal, la ville, la région et toujours le petit hyperlien qui me renvoie sur infogreffe. Je vous rappelle que ces fichiers ne sont pas des informations à l'instant donné, et donc cela me permet d'aller vérifier si les données sont à jour, et là je vois que la société Pagaille est bien immatriculée et qu'elle n'a rien modifié par rapport à sa date d'immatriculation. Je reviens sur ma carte, je trouve une deuxième société qui s'appelle l'intrépide, société immatriculée depuis le 3 avril, avec aussi l'ensemble des données. voilà pour cette petite démonstration (qui s'est parfaitement déroulée, je suis très content !), et merci à opendatasoft qui est notre prestataire et qui a vraiment une plate-forme extraordinaire pour nous permettre d'avoir cela.

voilà donc ce que nous avons présenté lors du lancement de notre site le 29 septembre devant un parterre d'initiés, c'est-à-dire de pratiquants du monde numérique (en général, ils ont un look avec barbe et pull, et nous avions gardé notre look de greffier…), mais cela s'est bien passé, nous avons réussi à communiquer et ils ont trouvé le site très intéressant. vous avez pu constater que datainfogreffe n'est pas une autre version d’infogreffe. C'est la mise à disposition de jeux de données. l'idée est de favoriser l'inventivité et la création de nouveaux services, notamment pour les start-up (je lisais il y a deux jours une interview de xavier Kergall qui disait que deux millions et demi de français voulaient créer leur start-up, je pense que cet outil pourra les intéresser). Je voudrais vous donner les statistiques qui montrent que nous sommes passés à une taille mondiale avec trente mille connexions dès le premier soir, un chiffre assez important, pour plus de 130 000 connexions en cinq jours, et on peut voir que cela intéresse le monde

entier (je rejoins l'explication de me bensoussan tout à l'heure, je pense qu'il y a des robots derrière). deuxième statistique, l'intérêt est de savoir quels sont les jeux de données téléchargés et on s'aperçoit que le jeu de données le plus téléchargé est celui des immatriculations 2015 puisqu'il a été téléchargé 650 000 fois pour les données d'immatriculation d'entreprise. au final, tous les jeux de données ont été téléchargés (même celui des greffes) et je pense que c'est une véritable réussite, et que cela répond à un besoin. donc, n'ayons pas peur. maître bensoussan a peut-être créé un petit trouble avec la démonstration qu'il a faite en parlant de robot. n'ayons crainte, je crois qu'il y a deux choses distinctes : nos actes sont nécessaires à la sécurité juridique des transactions (et donc il n'y a pas de raison à ce qu'ils soient mis en péril aujourd'hui), mais les données doivent être aujourd'hui mises en ligne. il y a trente ans, en 1986, nous avons créé infogreffe avec le minitel. Peut-être étions-nous à cette époque les « monsieur Jourdain » de la donnée ? Je ne sais pas mais c'est une question que l'on peut se poser. aujourd'hui, nous avons créé datainfogreffe. soyons les Jacques Cartier de la data, je pense que nous, les greffiers, nous aimons innover et nous continuerons à le faire. C'est le message que je voulais transmettre.

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Thomas DEnFER :vous l’aurez compris, l’eldorado de la data laisse entrevoir des perspectives de développement immédiates offrant un potentiel de croissance.information, simPlifiCation, Proximité, innovation : l’aventure ne fait que commencer !mais pour profiter pleinement de cette aventure jus-tement, nous verrons qu’il faut disposer des outils nécessaires à une progression en toute sécurité… juridique bien sûr !

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8remise du Prix des masters 2du conseil national

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8 depuis 2011, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce organise le Prix des masters 2.

Ce concours, ouvert à tous les étudiants inscrits en master 2 dans une ufr ou une faculté de droit en france, a pour objet de récompenser les meilleurs mémoires dont le thème est lié aux domaines d’intervention et aux missions exercées par les greffiers des tribunaux de commerce.

il illustre également la volonté d’ouverture de la profession, toujours déterminée à mieux faire connaître nos activités, en particulier à l’université, et à attirer de nouveaux talents.

C’est dans ce but que le jury de sélection est constitué d’un savant mélange de représentants du monde universitaire, du bureau du Conseil national et de la profession.

Pour le Prix des masters 2015 le jury était composé de :

- m. didier Guével, professeur de droit privé et sciences criminelles, doyen de la faculté de droit, sciences politiques et sociales, université de Paris 13, sorbonne Paris Cité,

- me anne PenChinat, greffier associé du tribunal de commerce de nîmes, et membre du bureau du Conseil national,

- me louis-dominique renard, greffier du tribunal de commerce de saint-quentin, également membre du bureau du Conseil national,

- me dominique CiGnetti, greffier associée du tribunal de commerce de nice.

Cette année le Prix des masters 2 a été décerné, à l’unanimité, à m. nicolas GleiZes, étudiant en master 2 Juriste d'affaires - diplôme Juriste-Conseil d'entreprise (dJCe) de l’université de Paris ii Panthéon-assas.

son mémoire porte sur un sujet rarement traité mais néanmoins fort intéressant car se situant à la croisée du droit des sociétés, du droit des procédures collectives et du droit des sûretés. il s’agit du thème « fiducie et restructuration d’entreprise ».

les membres du jury ont souligné la qualité du travail de recherche sur un sujet technique et complexe ainsi que le développement de réflexions théoriques illustrées par des exemples pratiques.

Philippe bobet, Président du Conseil national en lui remettant le prix d’un montant de 1 500 € a tenu à féliciter nicolas GleiZes au nom du jury et plus généralement de la profession. les éditions lexisnexis, partenaires du Conseil national, s’associent à cette récompense et offrent au lauréat un abonnement d’un an à la revue des procédures collectives civiles et commerciales.

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9le traitement de la donnée Personnelle dans un

enVironnement d’oPen dataPar isaBelle falque-Pierrotin

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isabelle FALQUE-PiErroTin : *

bonjour à tous. Je suis très heureuse d’être ici cet après-midi pour participer à vos débats, d’autant plus que la profession des greffiers et la Cnil entretiennent des relations de confiance et de coopération depuis déjà de nombreuses années.

nous devons parler d’open data. l’open data, c’est clairement une nouvelle étape, à la fois dans la transparence, dans l’économie numérique, dans la modernisation de l’action publique et aussi dans ce qu’on appelle l’empowerment citoyen. C’est une composante absolument essentielle de la transition numérique du secteur public. la Cnil y croit. en tant qu’administratrice et productrice de données publiques, la Cnil y prend toute sa part.

le 15 juin dernier, nous avons à nouveau publié huit nouveaux jeux de données sur data.gouv.fr :

- les organismes ayant désigné un correspondant informatique et libertés,

- le volume annuel de nos plaintes (nous avions 6 000 plaintes l’année dernière, contre 8 000 plaintes cette année, ce qui – au passage – montre que cette transition numérique préoccupe de plus en plus nos concitoyens),

- le volume annuel de demandes de droit d’accès indirect (qui explose lui aussi),

- le volume annuel et la liste des contrôles réalisés, notre budget, nos effectifs,

- la passation des marchés publics.

nous participons donc à cette démarche d’ouverture des données publiques. mais, en tant que régulateur, nous sommes bien sûr conscients que cette ouverture pose des questions relatives aux données personnelles qui peuvent y figurer. il y a trois ans, ces interrogations

interVention d’isaBelle falque-PierrotinPrésidente de la Commission nationale de l’informatiqueet des libertés (Cnil)

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Introduction de Thomas DEnFER :nous allons à présent évoquer le traitement de la donnée personnelle dans un environnement d’open data, et nous avons l’honneur d’accueillir parmi nous madame isabelle falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés,

madame isabelle falque-Pierrotin,- vous êtes donc présidente de la Cnil depuis 2011,- vous êtes également conseiller d’etat depuis 2001,- et présidente du G29, le groupe des Cnil européennes.nous vous laissons donc la parole pour nous présenter le rôle de la Cnil dans ce contexte d’ouverture des données.

* Nota : Le style oral de la présentation a été conservé pour la publication des actes.

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étaient telles qu’on parlait même de « vide juridique » : « que va-t-il se passer s’il y a une politique d’ouverture des données publiques avec des données personnelles ? on ne sait pas comment on va traiter ces données personnelles », entendait-on alors. la Cnil s’est donc mobilisée et je vais essayer de vous expliquer comment nous avons réfléchi et comment nous avons essayé d’élaborer des outils pour faire en sorte que cette politique d’open data se développe mais dans le respect du droit des personnes.

nous avons commencé par écouter les acteurs, les professionnels, ceux qui utilisent ou produisent ces données publiques. nous avons organisé un workshop en juillet 2013, une journée d’échanges et de retours d’expériences avec le soutien d’etalab. Puis, début 2014, nous avons lancé une consultation publique auprès de différents acteurs de l’open data – des responsables d’une plate-forme ou d’une politique d’open data, notamment au sein des collectivités locales, des producteurs et gestionnaires d’informations publiques, des réutilisateurs et aussi des Cil (Correspondants informatique et libertés). qu’est-ce que ces consultations nous ont appris ? Premier constat, ces acteurs et ces experts de l’open data éprouvent de réelles difficultés pour apprécier si les données dont la mise à disposition et la réutilisation sont prévues, peuvent ou non être attachées à des personnes physiques identifiables. 55 % des répondants nous ont dit : « dans le fond, nous ne savons pas si dans nos politiques d’open data il s’agit ou non de données personnelles. deuxième enseignement, les producteurs de données nous ont dit « nous n’avons pas suffisamment d’outils, de méthodes, pour assurer une anonymisation des données ». la conséquence de tout cela, c’est que ces incertitudes touchant la politique d’open data fragilisent cette dernière. 50 % des gestionnaires de données publiques nous ont indiqué avoir en réalité formulé une opposition à l’ouverture de certaines données, au motif que celles-ci recelaient un risque d’identification des personnes physiques. nous voyons donc bien qu’il y a un besoin, une volonté

de développer l’open data. de véritables incertitudes juridiques et techniques existent lorsque cet open data contient des données personnelles.

Cet état des lieux une fois réalisé, comment a procédé la Cnil pour assurer l’articulation de cette politique d’open data avec le respect des libertés dont elle a la charge ?

en première analyse, le constat est que nous ne partons pas de zéro, bien sûr. l’articulation des lois Cnil et Cada offre un bloc juridique solide pour savoir quoi faire. en effet, l’article 13 de la loi Cada subordonne l’ouverture et la réutilisation des données publiques au respect de la loi Cnil. Concrètement, cela veut dire que la réutilisation de données publiques personnelles est possible, soit avec le consentement de la personne, soit avec une anonymisation de la donnée, soit encore à travers une disposition légale. donc, les choses sont claires. il semble à ce stade que le seul problème est finalement de savoir ce qu’est une donnée anonymisée. mais, en deuxième analyse, la question apparaît plus complexe. dans le fond, en effet, nous ne sommes pas simplement face à l’open data. nous sommes aussi face au big data. qu’est-ce que le big data ? (Je crois que vous en avez parlé longuement ce matin). le big data, c’est le déluge d’informations, la profusion d’informations, et surtout la capacité d’avoir des algorithmes qui croisent d’une façon absolument inédite ces données. la conséquence du big data est qu’une donnée qui a priori n’est pas ou plus identifiante, peut le redevenir à l’issue d’un croisement. des études le montrent. Par exemple, des études menées dans les années 1990-2000 sur la population américaine, avec la question de savoir si on pouvait identifier une personne donnée à partir d’informations aussi simples que le sexe, la date de naissance et le code postal du lieu de naissance. Cette étude a montré qu’entre 63 à 87 % de la population américaine pouvait être directement réidentifiée uniquement à partir de ces trois informations. autre exemple, il y a quelques années un moteur de recherche avait tenté l’expérience de rendre accessibles les recherches effectuées par ses utilisateurs (à l’époque, il

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y en avait un demi-million) sans pour autant permettre de repérer l’auteur de la recherche. des scientifiques se sont essayés à croiser les recherches entre elles et ils ont pu retrouver les auteurs alors qu’ils ne disposaient a priori que de l’objet de la recherche et absolument pas des auteurs de celle-ci. Ces exemples montrent que la réidentification à partir de données anonymes ou anonymisées, du fait des possibilités du big data, devient absolument possible.

alors que faire ? nous voulons tous les uns et les autres développer cet open data dans un contexte de big data, mais tout en préservant les droits des personnes. depuis maintenant environ un an, la Cnil a élaboré une réponse à l’aide d’un certain nombre d’outils nouveaux. elle a travaillé selon deux axes.

Premier axe, en amont, l’anonymisation bien sûr. Comment faire en sorte d’anonymiser les données ? Pour ce faire, nous avons bien sûr une expérience au niveau de la Cnil. nous disposons aussi d’un avis du G29 qui fixe des conditions à travers lesquelles l’anonymisation est considérée comme satisfaisante. travailler en amont sur l’anonymisation, mais également – et ce fut notre second axe – travailler en aval sur la réutilisation, pour éviter que celle-ci ne conduise à la réidentification des personnes.

À travers deux exemples, je voudrais montrer comment notre institution a pu effectivement être présente sur ces deux flancs. dans le projet de loi santé, l’objectif du gouvernement est d’ouvrir une base de données médico-administratives (sniram) aux chercheurs. au départ, le projet de loi santé prévoyait que les jeux de données issues des traitements de données à caractère personnel fassent l’objet d’une anonymisation et que la Cnil ne contrôle cette anonymisation qu’a posteriori, c'est-à-dire une fois que ces données anonymisées auraient été, le cas échéant, réutilisées par des chercheurs, voire par des entreprises. Ce que nous avons demandé, c’est que le contrôle de la Cnil intervienne a priori et que nous puissions homologuer les méthodologies d’anonymisation. deuxième exemple, ce que nous

avons fait avec etalab sur la licence d’open data. il s’agit là d’une solution non pas législative mais conventionnelle, cette fois. nous avons, Cada et Cnil de concert, discuté avec etalab pour arriver au résultat suivant : insérer dans la licence de réutilisation d’etalab un caveat, c'est-à-dire une précision, une prescription à destination des utilisateurs visant à préciser que la réutilisation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de réidentifier les données personnelles qui font l’objet de la réutilisation. on crée donc une sorte de barrière juridique pour qu’en aval la réutilisation ne conduise pas à l’identification des personnes.

voilà le cœur des réflexions que la Cnil a menées jusqu’à présent sur la question de l’open data. Je crois que cet open data est effectivement une dimension nouvelle des politiques publiques, et une dimension pour laquelle nous devons inventer de nouveaux outils. vous-même, c’est face à un défi de ce type que vous vous trouvez aujourd’hui : il vous faut inventer de nouveaux outils et peut-être de nouvelles réflexions. Je crois que vous pouvez d’ores et déjà trouver auprès de la Cnil deux réponses adaptées à une partie des enjeux auxquels vous faites face :

- les correspondants informatique et libertés (Cil) sont des piliers du pilotage de la conformité au sein des organisations amenées à divers titre à traiter des données personnelles. aujourd’hui, il y a un correspondant informatique et libertés auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris. il est évident que si vous vous dotiez les uns et les autres de correspondants informatique et libertés, vous pourriez échanger et partager au sein de cette communauté l’expérience de ce défi commun de l’open data et du big data. d’autant plus que demain la désignation d’un délégué à la protection des données (future appellation du Cil) sera imposée par le règlement européen qui sera conclu à la fin de l’année. si vous vous dotiez au sein de vos greffes, de correspondants à la protection des données, quitte à les mutualiser, vous pourriez bénéficier à travers eux d’une expertise et d’une intelligence collective vous permettant de progresser sur cette question de l’open

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data, mais aussi sur beaucoup d’autres.

- deuxième outil que vous pourriez utiliser : les packs de conformité. C’est une démarche que nous avons développée au sein de la Cnil depuis maintenant dix-huit mois. le principe en est assez simple : plutôt que d’interagir ponctuellement avec le régulateur à l’occasion d’une autorisation unique ou d’une déclaration, instaurons un dialogue plus continu entre le régulateur et un ensemble d’acteurs à même d’exprimer les besoins d’un secteur. Concrètement, ce dialogue aboutit au déploiement d’une ombrelle de conformité, une sorte de code de conduite que le régulateur ouvre à une profession tout entière. nous sommes ainsi en train de travailler avec la Cada et etalab sur un pack de conformité de l’open data. si vous participiez à l’élaboration de ce pack, vous pourriez bien sûr profiter des orientations et des discussions qui se dégagent, et surtout, faire remonter vos préoccupations spécifiques (que nous ne connaissons peut-être pas ?). Je crois donc qu’il serait très utile que vous puissiez participer à ce travail sur le pack de conformité.

voilà, mesdames, messieurs, ce que je voulais vous dire sur cette question de l’open data. Comme je l’ai dit en introduction, c’est une dimension nouvelle des politiques publiques qui, qu’on le veuille ou non, est appelée à durer. quand je dis cela, c’est parce que je ne méconnais pas les enjeux économiques derrière cette politique d’open data pour vous. mais, permettez-moi la remarque : qui dit open data (ouverture des données) ne dit pas nécessairement gratuité des données, ce qui est un autre sujet…

Je terminerai enfin en disant que dans ce terme d’open data, ou dans celui de big data, certes il faut parler de données mais n’oublions pas ce qu’il y a derrière le terme de « data ». le terme « data » nie, d’une certaine manière, neutralise toutes les dimensions des données. bien sûr qu’il y a la dimension économique, mais vous le savez comme moi, derrière la donnée il y a la dimension historique (le problème des archives), la dimension personnelle, humaine, charnelle, juridique

et philosophique, c’est la donnée au sens de droit fondamental et je crois qu’il ne faut absolument jamais l’oublier lorsque l’on raisonne les uns et les autres sur l’ensemble de ces questions. Je vous remercie.

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Thomas DEnFER :merci madame la Présidente pour ces propos rassurants.

les citoyens, entrepreneurs ou non, peuvent donc compter sur la sagesse et l’expertise de la Cnil pour préserver leurs libertés individuelles et leurs droits fondamentaux.

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10les limites de l’oPen data dans la diffusion

de l’ information légale

Par maître antoine cheron

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inTroDUCTion1. – société de l’information, open data et droit à l’information. dans la continuité de la société industrielle figure la société de l’information, pour laquelle les technologies de l’information jouent un rôle fondamental. son émergence est parfois considérée comme constituant un tournant historique identique à celui connu lors de l’invention de l’imprimerie pendant le siècle des lumières. elle va également de pair avec un phénomène industriel lourd, car les outils de la société de l’information sont des enjeux économiques très importants, sources d’emploi et de croissance1. au premier rang de ces outils réside l’informatique, qui a connu une croissance exponentielle et dont la matière première est l’information, traditionnellement définie comme «  tout élément de connaissance susceptible d’être représenté à l’aide de conventions pour être conservé, traité et communiqué », étant établi que «  la

1 Propos recueillis par m. le Professeur P. sirinelli, 2015.

représentation de cette information sous une forme conventionnelle destinée à représenter son traitement s’appelle donnée  »2. la donnée revêt une importance économique considérable, de sorte qu’elle est souvent qualifiée de pétrole de la société de l’information3, comme en atteste le phénomène de big data qui consiste à croiser des dizaines de milliers de données afin de créer par recoupement des informations pertinentes. avantageux d’un point de vue commercial, ce mécanisme concerne surtout les sociétés privées, le secteur public étant plutôt concerné par le phénomène de l’open data.

2. – La problématique de l’open data. les activités de l’état et du service public sont à l’origine de la collecte et de la compilation de nombreuses et diverses données publiques, dont la diffusion est fondamentale

2 b.o.e.n., 26 févr. 1981, n°8.3 la formule « data is the new oil » est à ce titre visible dans de nombreux articles de presse anglo-saxons depuis qu’elle a été prononcée par a. Winblad, associée principale du groupe hummer-Winblad.

interVention de maître antoine cheronavocat au barreau de Paris et de bruxelles

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Présentation de Sophie Jonval :a présent il est temps d’accueillir notre deuxième intervenant de l’après-midi, il est avocat au barreau de Paris et de bruxelles, il est également docteur en droit de la propriété intellectuelle et chargé d'enseignement en master à l'université Panthéon-assas et à l’université Jean moulin de lyon,

je vous demande d’accueillir chaleureusement maître antoine Cheron.

maître, vous allez mettre en perspective notre sujet d’aujourd’hui avec la mission centrale des greffiers qu’est la diffusion de l’information légale, c'est à vous !

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afin d’assurer transparence administrative, lisibilité de l’action publique et développement économique4. depuis quelques années, le Gouvernement manifeste sa volonté de favoriser la pratique de l’open data, c’est-à-dire le processus de libéralisation des données publiques. en effet, une telle ouverture des données ne concerne en france que le secteur public, bien qu’elle soit également mise en œuvre par certaines entreprises en situation de quasi-monopoles telles que la snCf ou la ratP5. l’open data a initialement été motivée par la volonté de réinscrire les gouvernés dans les institutions administratives et dans l’action de l’état, plus spécifiquement via l’idée de participation du citoyen à la prise de décision concernant le fonctionnement de la démocratie. dans le contexte de l’économie de la connaissance, l’open data offre en effet des perspectives nouvelles de création de produits et de services innovants à partir de la réutilisation des informations publiques. l’état a ainsi mené plusieurs projets de mise en open data, tels que les plateformes legifrance ou data.gouv.fr6, ainsi que le projet interministériel etalab7 lancé en 2011. Ce dernier consiste, pour les ministres, à coordonner les données publiques au sein des administrations gouvernementales afin de les mettre à disposition du public sur une plateforme, et représente à ce titre un potentiel théoriquement infini d’activité économique, de revenus et d’innovation.

l’open data est juridiquement encadrée par la loi dite Cada du 17 juillet 19788 qui prévoit un libre accès aux documents administratifs dans le cadre d’un droit à l’information générale du public, modifiée

4 a. Chéron, La réutilisation des données publiques : bases de données et Open data, aJ Collectivités territoriales 2011, p.391.5 a. Chéron, Open data et valorisation du patrimoine immatériel, aJ Collectivités territoriales 2013, p.123.6 il succède aux « data.gov » américain et au « data.gov.uk » anglais lancés en 2009 et 2010.7 Circ. n° nor : Prmx1114652C, Jo du 27 mai 2011.8 loi n°78-753 Cada du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.

par une ordonnance de 2005 pour transposer la directive européenne du 17 novembre 20039 relative à l’établissement d’un cadre général fixant les conditions de réutilisation du secteur public. le régime juridique attaché à ladite réutilisation évolue donc vers un accès libre et gratuit, ce que dénoncent certains, fermement opposés à une telle diffusion des données publiques.

3. – La mise en open data prochaine des bases de données des greffiers. en france, l’information légale, qui englobe les données publiques relatives au service public de la justice, fait l’objet de collecte, de traitement et de diffusion au public selon des conditions plus ou moins strictes. aussi les décisions de justice publiées sur légifrance sont-elles gratuitement accessibles, de même que les bases de données de l’inPi depuis un décret du 19 août 201410 lui ayant fait perdre son monopole sur les titres de propriété industrielle, mis à disposition via un mécanisme de licence gratuite. les 4,2 millions de titres de propriété industrielle sont devenus consultables gratuitement dans un format ouvert sur data.gouv.fr11. le gouvernement a souhaité poursuivre cette entreprise d’open data en centralisant au profit de l’inPi les données traitées par les greffiers des tribunaux de commerce, lesquelles seront mises à la disposition du public gratuitement.

À l’heure actuelle, ces données, fournies par les entreprises lors de leur immatriculation au rCs ou rnCs, sont actuellement traitées par les cent trente-quatre greffes des tribunaux de commerce français, possédant chacun une base de données. Ces greffes forment ensemble le Gie infogreffe, spécialisé dans la diffusion des informations légales sur les entreprises et la dématérialisation des procédures et formalités

9 directive 2013/37/ue du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/Ce concernant la réutilisation des informations du secteur public.10 décret n° 2014-917 du 19 août 2014 relatif à la mise à disposition du public, pour un usage de réutilisation, d’informations publiques issues des bases de données de l’institut national de la propriété industrielle.11 G. Champeau, Open data : l’INPI offre ses données sur les brevets et marques, numérama, 6 octobre 2014.

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accomplies auprès de ces derniers12. À ce titre, le Gie infogreffe produit deux bases de données, la première à partir des données extraites des cent trente-quatre premières bases, la seconde à partir des données bilancielles extraites des bilans communiqués par les greffes13. les données des registres rCs et rnCs étaient jusqu’à présent accessibles sous couvert de l’acquittement d’une certaine somme, ce qui visait à protéger leur diffusion : leur réutilisation existait donc, mais elle était payante.

la loi macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques14 bouleverse cette organisation afin de rendre les données précitées librement et gratuitement accessibles au public. le projet de loi a finalement été adopté le 10 juillet 2015, au terme de plus de 400 heures de débats à l’assemblée nationale et au sénat. la loi macron a en effet suscité de vives tensions et divise toujours aujourd’hui, notamment s’agissant de la mise en open data des données traitées par les greffiers des tribunaux de commerce. les greffiers considèrent ainsi que le rôle centralisateur conféré à l’inPi, s’il se justifiait lors des prémices de l’informatique, n’a aujourd’hui plus lieu d’être compte tenu de l’importance des investissements techniques, humains et matériels mis en œuvre par eux-mêmes depuis une trentaine d’années15. face à eux, l’état défend cette loi en avançant l’idée selon laquelle les données lui appartiennent, leur revente par les greffiers constituant ainsi une privatisation indue à leur profit16. les défenseurs du texte ajoutent encore que la rémunération perçue par les greffiers antérieurement

12 Plus d’informations sur le site internet accessible à l’adresse suivante : http://www.gfii.fr/fr/adherent/g-i-e-infogreffe.13 Consultation de maître senesi relative au projet de loi macron en date du 24 novembre 2014.14 loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.15 quelques vérités sur la loi macron, l’inPi et infogreffe, www.infogreffe.fr.16 argument contestable dans la mesure où les données brutes, assimilables à des idées, ne sont pas susceptibles d’appropriation et demeurent de libre parcours.

à cette loi était excessive et se basait sur un paiement double par les entreprises, qui « payaient pour inscrire au RCS des informations que les autres devaient ensuite payer pour obtenir »17.

4. – Une mise en open data contestable mais inévitable. après l’adoption de cette loi, un recours a été formé devant le Conseil Constitutionnel, qui dénonçait l’inconstitutionnalité d’un certain nombre de dispositions du texte, y compris son article 60 relatif à la mise en open data des données des registres des greffiers des tribunaux de commerce. Par une décision du 5 août 201518, le Conseil constitutionnel a rejeté ce recours, considérant au terme d’un raisonnement trop concis pour être convaincant que l’article précité ne méconnaissait aucune exigence constitutionnelle. la loi macron est donc entrée en vigueur le 6 août 2015 sans être amendée sur ce point  : les greffiers devront donc s’y soumettre et transmettre leurs bases de données à l’inPi, qui diffusera en totale gratuité les données y étant incorporées.

l’analyse de la mise en open data de telles données est saisissante en ce que l’article 60 de la loi macron fait abstraction des risques inhérents à celle-ci, pourtant nombreux, et sur lesquels le Conseil Constitutionnel ne s’exprime aucunement dans la décision précitée. l’exemple de la mise en open data des registres du rCs et rnCs met ainsi en exergue les limites de la diffusion de l’information légale dans un contexte d’open data, lesquelles tiennent à un accès illimité à des données à caractère personnel (I) et à une possible atteinte aux droits de propriété intellectuelle susceptibles d’exister, notamment pour les greffiers quant à leurs bases de données (II).

***

17 f. bancilhon, Propos recueillis par m. damgé, Greffiers : les arguments controversés de la profession réglementée la mieux payée, le monde, le 10 décembre 2014.

18 décision n°2015-715 dC du Conseil Constitutionnel du 5 août 2015 relative à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

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i. les limites liées À un aCCès illimité À des données À CaraCtère Personnel

5. – Les risques inhérents à l’ouverture des données des greffes. la simple mention de la mise à disposition au public par l’inPi des données de la base infogreffe laisse interrogateur, dans la mesure où le contrôle autrefois opéré par les greffiers sur lesdites données n’aura plus lieu d’être. les deux risques majeurs, qui s’autoalimentent, tiennent à une utilisation massive et abusive des données collectées (A), lesquelles peuvent être des données à caractère personnel, posant ainsi le problème d’une atteinte éventuelle au droit au respect de la vie privée (B).

A. Vers une apparente utilisation massive et abusive des données collectées

6. – Une large diffusion en prévision des données traitées par les greffiers. l’article 60 ii de la loi macron du 6 août 2015 prévoit que l’inPi assure «  la diffusion et la mise à disposition gratuite du public, à des fins de réutilisation, des informations techniques, commerciales et financières qui sont contenues dans le registre national du commerce et des sociétés et dans les instruments centralisés de publicité légale  ». la lecture de cette disposition, qui sera codifiée à l’article l. 411 1 du Code de la propriété intellectuelle19, interpelle en premier lieu car le terme de public n’est assujetti à aucune restriction. il est ainsi constitué par l’ensemble de la population sans distinction ni limite, de sorte que chacun, quels que soient les motifs invoqués, pourra accéder aux données mises à sa disposition par l’inPi sans que les personnes physiques et morales concernées ne puissent s’y opposer. Ce premier élément manifeste l’extension non négligeable de la consultation des données collectées par les greffiers.

19 C. de la propr. intell., article l. 411-1, modifié par loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 – art. 73 (v).

l’élément le plus préoccupant de l’article précité tient sans doute à l’automaticité de la mise à disposition gratuite des données au public. en effet, l’article l. 123-1 ii du Code de commerce dans sa version en vigueur au 21 septembre 200020 énonce que les actes et pièces constitutives de l’inscription au rCs sont portées à la connaissance du public, ce qui ne crée toutefois aucun droit inconditionnel et absolu à l’accès à de tels actes21. la nouvelle disposition prévoit au contraire que l’inPi recueille les données transmises par les greffiers afin d’en assurer la diffusion et la mise à disposition gratuite à des fins de réutilisation, laquelle n’est pas une simple opportunité mais un véritable objectif. la collecte des données par l’inPi n’a ainsi lieu que dans la perspective de procéder à cette mise en open data, soit en instaurant une réutilisation à titre gratuit des données par des tiers. la philosophie de l’accès aux données des rCs s’en trouve ainsi bouleversée, la loi macron procédant à une confusion manifeste entre la mise à disposition au public et l’exploitation libre et gratuite de l’ensemble des données désormais transmises à l’inPi. au surplus, la nouvelle loi crée un important changement d’échelle par comparaison au système qui jusqu’alors prévalait. avant cette réforme, la communication par les greffes des tribunaux de commerce des données s’effectuait au sein du rnCs, lequel se cantonnait aux actes constituant les différents rCs. l’objectif d’une telle communication se reportait donc à un motif d’ordre public économique, ce qui le rendait tout à fait proportionné. tel n’est plus le cas désormais, compte-tenu du motif affiché de réutilisation des données collectées par les greffiers et gérées par l’inPi.

7. – L’enjeu de la réutilisation des données à des fins commerciales. le terme de réutilisation apparaît explicitement dans l’article 60 de la loi macron en

20 C. de com., article l. 123-1 ii, créé par l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de commerce.21 d. de béchillon, obs. au secrétaire général du Conseil Constitutionnel m. l. vallée relativement aux articles 50, 56, 60 et 61-iv de la loi relative à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, p.39.

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tant que finalité poursuivie par la mise à disposition au public à titre gratuit. le régime antérieurement en vigueur envisageait la réutilisation des données dans la perspective de protéger les intérêts des associés et des tiers22, mais celle-ci est aujourd’hui érigée en enjeu commercial légalement institué23. la poursuite d’un tel objectif fait écho à la consécration d’un droit de réutilisation des données publiques au profit de tout tiers intéressé par la directive du 17 novembre 2003 relative à la réutilisation des informations du secteur public, dont les dispositions ont modifié en 2005 celles de la loi Cada du 17 juillet 1978. la réutilisation des données à des fins commerciales est assujettie à un système de redevance décrit dans une licence fournie par l’établissement public aux nouveaux utilisateurs, quand la réutilisation à des fins non commerciales est en principe exonérée de toute redevance24.

Ce droit de réutilisation est consacré en matière de données collectées par les greffes des tribunaux de commerce, dans la mesure où la loi macron prévoit une véritable extraction des données à partir des actes enregistrés aux rCs et au rnCs et une rediffusion quasiment illimitée par des opérateurs spécialisés dans l’information économique. en effet, l’un des objectifs poursuivis par l’instauration d’une large diffusion des données des greffes à titre gratuit tient à la création de nouveaux emplois, ce qui in fine revient à développer la croissance25. Cette mesure vise également à soutenir « des innovations de rupture en permettant l’émergence de nouveaux usages des données, ou des améliorations de la qualité des services rendus »26. aucun système de

22 directive 2009/101/Ce du Parlement européen et du Conseil du 16 sept. 2009 relative à la publicité des sociétés dans l’union européenne.23 d. de béchillon, obs. au secrétaire général du Conseil constitutionnel m. l. vallée, op. cit., p.39.24 a. Chéron, Open data  : les risques potentiels de l’ouverture des données publiques, Journal du net, publié le 1er mars 2011.25 Les 10 questions au sujet d’Infogreffe et de l’Open data, www.infogreffe.fr.26 étude d’impact du gouvernement sur le projet de loi pour la croissance et l’activité, tome 1, 10 décembre 2014

redevance n’est prévu, la gratuité de la réutilisation étant au contraire consacrée afin d’éviter les risques de lobbying face à la réutilisation de données publiques compte-tenu des difficultés de tarification. toutefois ce système est risqué, car les données ne bénéficient plus de la protection que leur octroyaient auparavant les greffiers. en effet, s’il est vrai que les données extraites des actes officiels présents sur infogreffe ne sont actuellement pas marquées du sceau du greffier, ce dernier en garantit toutefois la véracité et la protection par le biais du contrôle de leur diffusion. À l’inverse, dans le cadre de l’exploitation de telles données par des opérateurs privés, nul ne peut garantir une quelconque protection, d’autant que la loi ne prévoit aucune garantie relative à l’accès aux données27.

8. – Les risques élevés d’utilisation abusive des données traitées par les greffiers. aucune garantie n’ayant été prévue par l’article 60 de la loi macron du 6 août 2015, la réutilisation commerciale des données transmises à l’inPi par les greffiers confronte celles-ci à des risques d’utilisation abusive du fait de la marchandisation de grande ampleur de données offerte par leur réutilisation. en effet, la gratuité et l’absence de restrictions quant à la consultation de telles données invitent à craindre leur réutilisation par des entreprises étrangères peu scrupuleuses qui en tireraient des sources de revenus importantes alors même que les greffiers subissent un manque à gagner conséquent. Cette problématique s’est d’ores et déjà posée au sujet de la société Google, souvent accusée de pillage pour avoir accédé à des données publiques via son mécanisme d’indexation et son algorithme performant28. Plusieurs applications gérées par Google répertorient ainsi des données publiques, telles que Google transit, qui exploite l’information ouverte des transports en commun. s’il est vrai que le risque d’exploitation massive des données publiques françaises est très souvent dénoncé par les partisans d’un discours

27 v. Supra n°11.28 a. Chéron, Open data  : les risques potentiels de l’ouverture des données publiques, op. cit.

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protectionniste, il ne doit pas être exclu s’agissant des données des greffes des tribunaux de commerce.

le second facteur de risques, sans doute le plus préoccupant, tient aux risques d’atteinte au droit au respect de la vie privée générés par une telle évolution législative. en effet, les données traitées par les greffes comportent un nombre conséquent de données à caractère personnel, soumises aux dispositions de la loi informatique et libertés du 6 janvier 197829 et sous le contrôle de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil). Ces deux garanties sont toutefois évincées par l’article 60 de la loi macron du 6 août 2015, ce qui inquiète considérablement s’agissant du droit au respect de la vie privée.

B. Les importants risques d’atteinte au droit au respect de la vie privée

9. – La présence problématique de données à caractère personnel parmi celles collectées par les greffes. le droit des données à caractère personnel étant considéré par une majeure partie de la doctrine comme un droit de la personnalité, il entretient un lien très étroit avec le droit au respect de la vie privée, proclamé par l’article 2 de la déclaration des droits de l’homme et du Citoyen (ddhC). en effet, la préservation de ce dernier résulte également de la capacité qu’a l’individu de contrôler le traitement de ses données à caractère personnel et des règles qui s’imposent au responsable dudit traitement. le Conseil constitutionnel lui-même indique dans un considérant constamment réaffirmé que «  la liberté proclamée par l’article 2 de la DDHC de 1789 implique le droit au respect de la vie privée  ; que, par suite, la collecte, l’enregistrement, la conservation la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à

29 loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

cet objectif  »30. en droit français, la notion de donnée à caractère personnel est posée à l’article 2 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 : les données revêtent cette qualité dès lors qu’elles concernent une personne identifiée ou identifiable par référence à plusieurs éléments qui lui sont propres. selon l’article 7 bis de la directive du 16 septembre 2009 relative à la publicité des sociétés dans l’union européenne31, le fait que les données concernent des personnes physiques suffit à les caractériser de données à caractère personnel.

le fait que l’article 60 de la loi macron du 6 août 2015 circonscrive la mise à disposition et la diffusion gratuite des données à celles revêtant un caractère technique, commercial ou financier n’est en aucun cas susceptible d’exclure leur éventuelle qualification de données à caractère personnel. au contraire, celles-ci sont omniprésentes parmi les données concernées, dont beaucoup sont relatives à l’ensemble des représentants légaux des sociétés françaises permettant leur identification précise, telles que leur adresse, leur date et lieu de naissance ou la nationalité des mandataires sociaux. les décisions relatives aux faillites et aux interdictions de gérer, d’administrer ou de contrôler sont également mentionnées et assorties de l’indication de la durée pour laquelle ces mesures ont été prononcées.

Compte-tenu de la nature de certaines données, il est indéniable que les greffiers des tribunaux de commerce, et prochainement l’inPi, exercent un traitement de données à caractère personnel, défini par l’article 3 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 comme toute opération ou ensemble d’opérations portant sur des données à caractère personnel. la loi informatique et libertés a donc vocation à s’appliquer tant s’agissant de la collecte des données par les greffes des tribunaux

30 décision n° 2013-681 dC du Conseil Constitutionnel du 22 mars 2012, cons. 11.31 art. 7 bis de la directive 2009/101/Ce du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 relative à la publicité des sociétés dans l’union européenne.

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de commerce que par leur traitement par l’inPi. s’il est vrai que les premiers se conformaient jusqu’à présent aux dispositions du texte précité, des interrogations ont rapidement été soulevées s’agissant de l’inPi en raison du caractère lacunaire de la loi macron en la matière.

10. – Le contrôle exhaustif des registres des greffiers par la CniL en 2014. dans une délibération du 25 septembre 201432, la Cnil impose un certain nombre de garanties s’agissant des traitements de données à caractère personnel mis en œuvre par les greffes des tribunaux de commerce. Compte-tenu des particularités des données traitées, la Cnil instaure tout d’abord un régime d’autorisation unique s’agissant des traitements réalisés par les greffes, dérogeant au régime de déclaration applicable aux traitements les plus courants. en effet, la Cnil constate que les traitements mis en œuvre par les greffes des tribunaux de commerce concernent des données justifiant l’application de l’article 25-i 3° et 6° de la loi informatique et libertés33, notamment s’agissant des données relatives aux infractions et condamnations ainsi que le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques.

Par ailleurs, la Cnil établit dans cette délibération une liste exhaustive des personnes habilitées à consulter les données à caractère personnel collectées par les greffiers des tribunaux de commerce, après avoir

32 Cnil, délibération n°2014-371 du 25 sept. 2014 portant autorisation unique relative aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre aux fins d’exercice des activités des greffes des tribunaux de commerce.33 art.25-i 3° loi informatique et libertés 6 janv. 1978 : « Sont mis en œuvre après autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, à l’exclusion de ceux qui sont mentionnés aux articles 26 et 27 : 3° Les traitements, automatisés ou non, portant sur des données relatives aux infractions, condamnations ou mesures de sûreté, sauf ceux qui sont mis en œuvre par des auxiliaires de justice pour les besoins de leurs missions de défense des personnes concernées ; 6° Les traitements portant sur des données parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et ceux qui requièrent une consultation de ce répertoire sans inclure le numéro d’inscription à celui-ci des personnes ».

rappelé que le responsable du traitement est tenu de garantir la préservation de la sécurité des données, notamment en empêchant que les tiers non autorisés y aient accès. elle ajoute que dans le but de préserver la sécurité des données et d’en empêcher une utilisation détournée ou frauduleuse, l’accès à celles-ci ne peut se faire que via un moyen d’authentification fiable tel qu’un identifiant et un mot de passe individuels régulièrement renouvelés. la Cnil rappelle en outre que les greffiers des tribunaux de commerce ont eu recours à la cryptographie afin de préserver la confidentialité des données échangées lorsque celles-ci transitent sur internet vers les utilisateurs ayant payé pour les consulter. il va de soi que ces dispositifs protecteurs ne sauront perdurer une fois que l’inPi mettra à disposition gratuitement les données. en effet, la gratuité entrave l’investissement du responsable du traitement destiné à favoriser la sécurité des données, comme le dénoncent régulièrement les greffiers, qui estiment que la gestion de leurs bases de données implique la monopolisation de fonds importants34.

la Cnil rappelle également que, conformément à l’article 32 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, les personnes concernées par le traitement de données à caractère personnel doivent recevoir un certain nombre d’informations claires et complètes s’agissant de celui-ci35, parmi lesquelles la mention des destinataires des données. avec le transfert de ces données à l’inPi et leur diffusion gratuite, l’exécution de cette obligation d’information deviendra indéniablement plus complexe. en effet, dans la mesure où les données seront diffusées très largement et gratuitement, il deviendra impossible de donner aux

34 m. r. dragon, Porte-parole des salariés des greffes des tribunaux de commerce, propos recueillis par m. x. berne, Pourquoi les greffiers s’opposent à la mise en Open data du registre Infogreffe ?, next impact, le 27 janvier 2015.35 art.32 loi informatique et libertés 6 janv. 1978  : «  Identité du responsable, finalités poursuivies, caractère obligatoire ou facultatif des réponses du déclarant aux questions posées durant le processus d’immatriculation, destinataires des données ».

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personnes concernées des informations relatives à leurs destinataires, lesquels demeureront inconnus.

la Cnil avait donc, bien avant la loi macron du 6 août 2015, envisagé les risques que prenaient les greffiers à traiter de telles données à caractère personnel, c’est pourquoi elle avait encadré scrupuleusement l’accès à celles-ci. désormais, alors que les greffiers s’engagent à les transmettre à l’inPi afin que leur mise à disposition et leur diffusion soit totale et gratuite, il va de soi que les risques d’atteinte au droit au respect de la vie privée sont nombreux, d’autant que la loi précitée n’a prévu aucune garantie susceptible de les juguler.

11. – Les risques d’atteinte à la vie privée générée par l’absence de garanties de la loi Macron. alors que la délibération précitée mettait en évidence les efforts des greffiers des tribunaux de commerce pour respecter le droit des données à caractère personnel, la loi macron du 6 août 2015 fait craindre des atteintes importantes à ce dernier, et partant, au droit au respect à la vie privée des personnes concernées.

À l’inverse de la délibération précitée, la nouvelle loi ne prévoit aucune garantie relative à l’accès aux données. en effet, la réutilisation de données publiques comportant des données à caractère personnel est subordonnée au respect des dispositions de l’article 13 de la loi Cada du 17 juillet 1978, lequel exige alternativement le consentement de la personne intéressée ou l’anonymisation des données traitées, sauf si une disposition législative ou règlementaire le permet. il découle des termes de l’article 60 de la loi macron du 6 août 2015 que ce dispositif protecteur est totalement ignoré. s’il est vrai que le rCs et rCns est dispensé du recueil du consentement des personnes physiques concernées par le traitement de données, aucune disposition n’est prévue s’agissant de la communication hors du rCs ou rCns à des fins de réutilisation36. le principe du consentement est pourtant également prévu

36 Consultation de maître senesi relative au projet de loi macron en date du 24 novembre 2014.

par l’article 7 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 et l’article 7 de la directive 95/46/Ce du 24 octobre 199537. en outre, l’anonymisation des données extraites du rCs et rCns n’est en aucun cas envisagée, ce qui est très préoccupant s’agissant de données à caractère personnel. le fait d’ériger en véritable finalité la réutilisation des données à des fins commerciales s’avère par ailleurs nuisible à la sécurité des données traitées, ce qui pousse les greffiers à conclure à un irrespect du droit des données à caractère personnel38.

les seules modalités d’adoption de cette loi révèle qu’elle ne tient pas compte des libertés publiques et du droit des données à caractère personnel. en effet, alors que des millions de personnes physiques sont concernées par la rediffusion au public par l’inPi des données du rnCs, ni le Conseil d’état ni la Cnil n’ont été consultés préalablement à l’adoption de la loi, qui résulte d’un amendement gouvernemental39. Cette démarche atteste manifestement d’une volonté du pouvoir exécutif de s’émanciper des exigences posées par la loi informatique et libertés.

12. – Une loi ignorante des personnes physiques à l’origine des données diffusées. le premier constat qui s’impose après l’analyse de la loi macron du 6 août 2015 tient à l’absence de prise en considération des personnes physiques dont les données sont collectées, traitées et diffusées gratuitement. alors que les greffiers des tribunaux de commerce mettaient en œuvre un grand nombre de garanties au profit des personnes dont les données avaient été collectées afin de respecter les libertés publiques sous le contrôle de la Cnil, le droit des données à caractère personnel se trouve aujourd’hui relégué au second plan. Cette première limite de la

37 directive 95/46/Ce du Parlement européen et du Conseil du 24 oct. 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données38 Consultation de me senesi relative au projet de loi macron en date du 24 novembre 2014, op. cit.39 d. de béchillon, obs. au secrétaire général du Conseil Constitu-tionnel m. l. vallée, op. cit., p.35.

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mise en open data de l’information légale n’est pas la plus préjudiciable aux greffiers, lesquels subissent une atteinte portée aux droits de propriété intellectuelle qu’ils détiennent sur leurs bases de données.

ii. les limites liées À l’atteinte Portée aux droits de ProPriété intelleCtuelle des Greffiers

13. – Une atteinte au droit constitutionnel de propriété. le droit de propriété est constitutionnellement protégé40, les atteintes portées à ce dernier par la loi n’étant justifiées que si elles ne revêtent pas un caractère de gravité propre à le dénaturer. depuis son avènement en 1789, le droit de propriété a évolué et changé de visage car avec l’évolution des technologies, son objet constitutionnellement protégé s’est étendu à l’immatériel, et notamment aux droits de propriété intellectuelle41. bien que les défenseurs de la loi macron du 6 août 2015 soutiennent que les données n’appartiennent qu’à l’état, il apparaît que les bases de données des greffiers des tribunaux de commerce sont éligibles à la protection du droit d’auteur (A) et qu’en raison de leurs investissements, lesdits greffiers bénéficient de la protection conférée par le droit sui generis propre aux bases de données (B).

C. L’octroi aux bases de données des greffiers de la protection du droit d’auteur

14. – La bases de données, une création péri-logicielle doublement protégée  : notion. Compte-tenu du

40 art.17 ddhC : « la propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

41 décision 2006-540 dC du Conseil Constitutionnel du 27 juillet 2006 dadvsi, cons. n°15 : « les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont subi depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d’application à des domaines nouveaux  ; que, parmi ces derniers, figurent les droits de propriété intellectuelle et notamment le droit d’auteur et les droits voisins ».

caractère déterminant acquis par l’économie de la connaissance en l’europe du fait du développement des nouvelles technologies, l’union européenne a adopté le 11 mars 1996 une directive conférant un statut légal et une protection juridique harmonisée aux bases de données42. Ce régime a été transposé en droit français par une loi du 1er juillet 199843. l’article l.112-3 du Code de la propriété intellectuelle issu de cette loi définit ainsi la base de données comme «  un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen  »44. une base de données n’incorpore pas nécessairement d’œuvres de l’esprit, à savoir des créations de forme originale protégées par le droit d’auteur. au contraire, les données contenues dans celle-ci peuvent être de simples données brutes, exclues par principe de la protection octroyée par le droit d’auteur car elles ne présentent pas le critère de forme requis.

la base de données se caractérise ainsi par l’ordonnancement et la disposition des données qu’elle incorpore, qui rejoignent la condition d’originalité propre à lui octroyer la protection par le droit d’auteur45. la base de données, dans la mesure où elle a vocation à permettre l’accès à l’information, doit nécessairement comprendre un index, un plan ou encore une table des matières, permettant à l’utilisateur de se repérer parmi les données afin d’en faciliter la lecture46. la Cour de Justice de l’union européenne (CJue) a précisé les contours de la notion de base de données dans un arrêt du 9 novembre 2004. après avoir rappelé la définition posée par la directive du 11 mars 1996, elle énonce que la base de données comporte nécessairement

42 directive 96/9/Ce du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données.43 loi n°98-536 du 1er juill. 1998 – art.1er Jorf 2 juill. 1998.44 C. de la propr. intellect., art. l. 112-3, modifié par la loi n°98-536 du 1 juillet 1998.45 v. Supra n°15.46 a. bensamoun et J. Groffe, Création numérique, dalloz octobre 2013 (actualité : juin 2014).

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«  un moyen technique tel qu’un procédé électronique, électromagnétique ou électro-optique (…) ou un autre moyen, tel qu’un index, une table des matières, un plan ou un mode de classement particulier, qui permette la localisation de tout élément indépendant contenu en son sein » 47. la CJue met ainsi l’accent sur l’accessibilité à la donnée, critère fondamental pour caractériser l’existence d’une base de données.

la seule consultation de l’une ou l’autre des cent trente-six bases de données produites par les greffiers des tribunaux de commerce suffit à leur reconnaître cette qualification d’un point de vue juridique, dans la mesure où dans tous les cas, les données font l’objet d’une structuration, d’un ordonnancement, d’une indexation et d’une classification par chaque greffe48, contribuant à en faciliter l’accès par le public.

Compte-tenu de la spécificité de la base de données, deux régimes de protection se conjuguent, qui peuvent être alternatifs ou cumulatifs selon les propriétés de la base concernée. la base de données est tout d’abord protégée, si elle remplit le critère d’originalité, par le droit d’auteur propre aux bases de données, qui comporte un certain nombre d’aménagements en raison du caractère péri-logiciel de ce type d’œuvre. elle est également susceptible d’être protégée par le droit sui generis propre aux bases de données, qui récompense l’investissement fait par son producteur pour la produire. les cent trente-six bases de données des greffiers des tribunaux de commerce, en ce qu’elles ne constituent pas un simple empilement de données, sont cumulativement protégées par le droit d’auteur et par le droit sui generis.

15. – L’originalité, condition clef de l’octroi de la protection par le droit d’auteur. le droit d’auteur

47 CJCe, 9 novembre 2004, Fixtures Marketing Ltd c. Oy Veikkaus Ab, aff. C-444/02.48 Consultation de me senesi relative au projet de loi macron en date du 24 novembre 2014, op. cit.

octroie sa protection à une œuvre de l’esprit, c’est-à-dire une création de forme originale. l’originalité étant une notion-cadre non définie au Code de la propriété intellectuelle, la jurisprudence lui a donné un sens au travers de nombreuses décisions. dans un premier temps, caractériser l’originalité d’une œuvre de l’esprit consistait à prouver qu’elle reflétait la personnalité de son auteur. Cette définition concernait surtout les beaux-arts et les arts appliqués, dans la mesure où leur naissance même résultait des choix créatifs d’un auteur. toutefois, l’extension de la protection du droit d’auteur à des œuvres utilitaires, en particulier des créations péri-logicielles, a rapidement nécessité d’adapter cette définition, complexe à caractériser en la matière. C’est ainsi que l’assemblée Plénière de la Cour de cassation, dans un arrêt Pachot du 7 mars 1986 relatif à la protection du logiciel, a défini l’originalité comme reflétant « l’apport intellectuel de l’auteur »49 de l’œuvre concernée. la Cour de Justice de l’union européenne semble adopter une définition similaire, qu’elle généralise d’ailleurs à toutes les œuvres  : dans un arrêt Infopaq du 16 juillet 200950, elle qualifie l’originalité de «  création intellectuelle propre à son auteur », ce qui semble synthétiser les deux acceptions françaises de l’originalité.

en matière de bases de données, l’originalité peut trouver son siège de façon alternative ou cumulative dans la structure de la base, qui concerne les choix d’organisation, ou dans la composition, qui résulte du contenu, c’est-à-dire la sélection des données. toutes

49 Cass., ass. Plén. 7 mars 1986, Pachot, pourvoi n° 83-10.477 : « Attendu, en second lieu, qu’ayant recherché, comme ils y étaient tenus, si les logiciels élaborés par Monsieur X... étaient originaux, les juges du fond ont souverainement estimé que leur auteur avait fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée ; qu’en l’état de ces énonciations et constatations, et abstraction faite des motifs ci-dessus cités, critiqués par le pourvoi, la Cour d’appel, qui a ainsi retenu que les logiciels conçus par Monsieur X... portaient la marque de son apport intellectuel, a légalement justifié sa décision de ce chef ».50 CJue, 16 juill. 2009, Infopaq International A/S c. Danske Dagblades Forening, aff. C-5/08 d. 2011 p.2164, spéc. p.2166 obs. sirinelli.

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deux doivent être guidées par une certaine subjectivité et un certain arbitraire, à défaut de quoi il s’agira uniquement d’une juxtaposition d’informations sans implication personnelle51. un véritable apport intellectuel doit ainsi être caractérisé dans la structure, ce qui exclut les bases de données organisées selon un classement alphabétique ou chronologique52, donc nécessairement les annuaires, ce qui est conforme à ce que retient en la matière le droit américain53. le choix de l’organisation de la base doit ainsi suivre une organisation subjective et non automatique. il en va de même pour la composition de la base, qui ne doit pas être exhaustive. Par exemple, ne sera pas considérée comme originale une base de données recensant l’intégralité des restaurants d’une ville, mais pourra être considérée comme telle une base de données recensant les meilleurs restaurants de ladite ville selon des critères choisis et explicités par son auteur. la protection octroyée par le droit d’auteur peut ainsi porter sur la structure, sur la composition, ou sur les deux cumulativement. s’agissant de bases de données qui synthétisent de l’information légale, elle portera bien souvent uniquement sur la structure, comme en témoigne un arrêt du 20 janvier 2004 par lequel la Première Chambre civile a reconnu l’originalité d’une base de données intitulée «  Dictionnaire permanent des conventions collectives  » au motif qu’elle suivait une présentation thématique originale, en procédant à la synthèse de chaque convention collective, ce qui permettait d’appréhender chacune d’elles grâce au plan et à un découpage spécifique54.

51 a. bensamoun et J. Groffe, Création numérique, op. cit. n° 14.

52 v. en ce sens, Civ.1ère, 2 mai 1989, Coprosa, n°87-17.657, d.1990. p.49, obs. Colombet et p.330, obs. huet.53 v. en ce sens, US Supreme Court, Feist Publications, Inc. v. Rural Telephone Service Company, Inc., 27 mars 1991, n°89-1909.54 Civ.1ère, 20 janv. 2004, pourvoi n°00-19577, d. 2005 p.1482 obs. sirinelli  : «  Loin d’être une simple compilation de documents déjà accessibles au public, le dictionnaire regroupe et résume environ quatre cents conventions collectives suivant une présentation thématique originale, fournissant une synthèse des éléments essentiels de chacune selon un plan et un découpage propres, et conférant ainsi aux documents de base, par leur véritable réécriture simplifiée, une expression nouvelle marquée par la personnalité du rédacteur ».

il apparaît a priori complexe que la composition des cent trente-quatre bases de données établies par les greffiers dans chaque région soit qualifiée d’originale, dans la mesure où elles recensent les données extraites de chaque rCs, sans que les greffiers n’interviennent pour sélectionner ou synthétiser celles-ci. la première des deux bases de données produite par le Gie infogreffe incorpore quant à elle des données des cent trente-quatre premières, sans qu’elles soient a priori sélectionnées au préalable. la réponse est plus nuancée s’agissant de la seconde base produite par le Gie infogreffe. en effet, les données étant extraites par les membres du Gie infogreffe à partir des bilans communiqués par les cent trente-quatre greffes régionaux, une sélection s’opère, mais encore faut-il pouvoir la qualifier d’originale. en revanche, dans tous les cas précités, l’originalité peut être caractérisée par référence à la structure de la base. les données incorporées dans les bases font systématiquement l’objet d’une structuration, d’une indexation et d’une classification particulière et surtout différentes pour chaque greffe, lesquels recourent tous à des développeurs indépendants. si les cent trente-quatre bases de données des greffes régionaux suivent chacune une structuration particulière, toutes ne sont pas comparables même si certaines similitudes existent parfois. les deux bases de données produites par le Gie infogreffe structurent également les données de façon logique et lisible, mais selon une arborescence distincte entre elles et distincte des bases régionales. Compte-tenu des efforts de réflexion et des choix opérés par les greffiers régionaux et du Gie infogreffe pour proposer aux utilisateurs un service fiable et facile d’utilisation vers une multiplicité de données, nul doute que les bases de données des greffes des tribunaux de commerce peuvent être qualifiées d’originales, ouvrant ainsi droit à leur protection par le droit d’auteur, dont une violation légale est caractérisée.

16. – L’atteinte portée aux droits d’auteur des greffiers des tribunaux de commerce.

les bases de données sont souvent produites d’après la

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figure de l’œuvre collective55, de sorte que la titularité des droits est octroyée au promoteur, c’est-à-dire la personne physique ou morale qui en a eu l’initiative et l’a divulguée. en l’occurrence, il s’agit des greffes régionaux pour les cent trente-quatre premières bases et du Gie infogreffe pour les deux dernières. la protection étant accordée pour une durée de soixante-dix ans à compter de la publication de l’œuvre, elle est donc effective à l’heure actuelle pour l’intégralité des bases précitées.

la directive bases de données du 11 mars 1996 reconnaît au profit des auteurs et titulaires des droits sur une base de données un droit de reproduction, un droit de représentation, un droit de location et un droit de distribution. Ces derniers sont donc fondés à autoriser ou interdire tout acte d’exploitation de leur base, sur laquelle ils détiennent un monopole. des exceptions légalement prévues sont toutefois susceptibles de faire échec à ce droit. en matière de bases de données, seules s’appliquent l’exception de copie privée, l’exception liée à l’accomplissement des actes nécessaires par l’utilisateur légitime et l’exception de reproduction à des fins administratives et juridictionnelles56. la loi macron du 6 août 2015 n’intervient toutefois pas dans le contexte de l’une ou l’autre de ces exceptions, ce dont il découle une atteinte portée par cette loi au monopole que détiennent les greffes des tribunaux de commerce et le Gie infogreffe sur leurs bases de données en vertu du droit d’auteur. À cela s’ajoute l’atteinte portée par ladite loi au droit sui generis qu’ils détiennent sur leurs bases.

55 C. propr. intellect., article l. 113-2 al.3, créé par loi 92-597 1992-07-01 annexe Jorf 3 juillet 1992 : « est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».

56 C. propr. intellect., article l. 331-4, modifié par loi n°2007-1544 du 29 octobre 2007 – art.30 Jorf 30 octobre 2007 : « Les droits mentionnés dans la première partie du présent code ne peuvent faire échec aux actes nécessaires à l’accomplissement d’une procédure parlementaire de contrôle, juridictionnelle ou administrative prévue par la loi, ou entrepris à des fins de sécurité publique ».

D. L’octroi aux greffiers de la qualité de producteurs de base de données

17. – Le droit sui generis, spécificité du régime propre aux bases de données. les bases de données présentent la particularité de permettre une réservation indirecte d’éléments de libre parcours, c’est-à-dire non protégés par le droit d’auteur ou par un quelconque autre droit privatif. la directive européenne du 11 mars 1996 a ainsi instauré au profit des producteurs de base de données un moyen de lutter contre l’appropriation indue de celles-ci par des tiers. un droit sui generis a donc été conçu, qui concernait tout d’abord les données factuelles non protégées par le droit d’auteur avant d’être étendu à l’intégralité des bases de données, ménageant un possible cumul avec la protection octroyée par le droit d’auteur. les articles 7 et suivants de la directive organisent ainsi le droit sui generis comme un véritable droit privatif même si tel n’est pas le cas, puisqu’il concerne a priori des éléments de libre parcours en amont et en aval de la création de la base. en droit français, l’article l. 341-1 du Code de la propriété intellectuelle définit le droit sui generis comme une « protection du contenu » de la base qui présente un caractère indépendant et « s’exerce sans préjudice de celles résultant du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs ».

18. – L’investissement substantiel des greffiers et du GiE infogreffe, producteurs des bases de données. Pour bénéficier de la protection octroyée par le droit sui generis applicable aux bases de données, il importe d’être en présence d’un producteur de bases de données et de caractériser un investissement substantiel. le producteur est entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements nécessaires à la création de la base. quant à l’investissement substantiel, il peut être financier, matériel ou humain et ne nécessite pas toujours l’engagement de sommes importantes, sous réserve de présenter un caractère substantiel d’un point

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de vue quantitatif ou qualitatif. il s’agit toutefois d’une notion volontairement floue, dont l’appréciation ne peut se faire qu’au cas par cas57. il doit ainsi porter sur l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données, et en aucun cas sur la recherche de celui-ci, les données devant être externes. en revanche, le travail de vérification des données est susceptible de caractériser l’investissement substantiel. À ce titre, la CJue a précisé dans un arrêt The British Horseracing du 9 novembre 2004 que « la notion d’investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés lors de la consultation de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci »58.

les greffiers des tribunaux de commerce défendent leur qualité de producteur de bases de données à juste titre. il est en effet illusoire de considérer, comme le prétendent pourtant certains, qu’ils se bornent à percevoir les rémunérations liées à la consultation de bases de données identiques sans n’avoir fait aucun effort préalable. en effet, un véritable investissement substantiel s’observe tant au niveau de la vérification des données des bases que de la structuration de celles-ci. initialement, les données traitées ne sont pas internes et ne sont en aucun cas brutes : elles ne sont pas produites au sein des greffes mais sont fournies par les entreprises dans les formulaires qu’elles remplissent, et font par la suite l’objet d’un contrôle de légalité, voire de corrections très fréquentes59. les greffiers effectuent en effet un important travail de contrôle, lequel s’observe d’ailleurs également lors de la centralisation des données par le Gie infogreffe en vue d’alimenter ses deux bases de données. il est en effet indispensable que les données soient fiables et exactes, car la consultation a fortiori

57 P. sirinelli, Propriété littéraire et artistique, d. 2012 p.2836.58 CJCe, 9 novembre 2004, aff. C-203/02, The British Horseracing Board Ltd e.a. c. William Hill Organization Ltd, cons. n°34.59 d. de béchillon, obs. au secrétaire général du Conseil constitutionnel m. l. vallée, op. cit., p.28.

payante de données erronées serait préjudiciable pour les utilisateurs. le rôle des greffiers et du Gie infogreffe s’agissant de la présentation des bases de données est également prépondérant. Chacune des bases de données des cent trente-quatre greffes comporte en effet sa propre indexation et structure, et les bases de données du Gie infogreffe comportent chacune une arborescence qui leur est propre, distincte de celle des bases de données de chaque greffe. les greffiers des tribunaux de commerce mettent donc en œuvre d’importants moyens humains, matériels et financiers afin d’élaborer et de mettre à jour leurs bases de données, d’autant qu’ils ne bénéficient pas du moindre financement étatique. au contraire, les greffes ont financé les bases de données constitutives de leur outil de travail via leurs fonds propres, et n’ont pas rechigné à faire un tel investissement dans la mesure où l’ensemble du monde économique et de leurs partenaires y percevaient des avantages certains60. en ce sens, cet investissement constitue bel et bien un risque, dégagé de toute aide de l’état, la création et l’administration de ces bases de données reposant sur leur seule initiative. ils sont ainsi indéniablement les producteurs de telles bases et, en ce sens, disposent d’un droit sui generis leur permettant de se défendre contre toute extraction de leurs données.

19. – L’indifférence du caractère public des données incorporant les bases. le fait que les données incorporées dans une base de données soient publiques n’est en aucune manière susceptible de dénier à celle-ci sa qualité au sens juridique du terme. Cette particularité n’a également aucun impact sur le droit sui generis, dont l’origine est justement de protéger les producteurs de bases de données lorsque celles-ci sont insusceptibles de protection par le droit d’auteur. la CJue a ainsi considéré dans un arrêt du 12 juillet 201261 que l’état autrichien était titulaire d’un droit sui generis sur son

60 m. r. dragon, Porte-parole des salariés des greffes des tribunaux de commerce, propos recueillis par m. x. berne, Pourquoi les greffiers s’opposent à la mise en Open data du registre Infogreffe ?, op. cit., n°1061 CJue, 12 juillet 2012, aff. C-138/11, Compass-Datenbank GmbH c. Republik Östrerreich.

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registre de commerce et des sociétés, base de données protégées par le droit d’auteur tel qu’issu de la directive du 11 mars 1996. la Cour reconnaît ainsi que c’est au titre de ce droit que l’état autrichien est fondé à interdire la réutilisation des données contenues dans ce registre et leur commercialisation afin de créer un service d’informations commerciales de plus grande envergure.

la Cour d’appel de bordeaux a récemment rendu une décision favorable au producteur d’une base de données incorporant des données publiques. elle a en effet reconnu, dans un arrêt du 26 février 2015, que le droit sui generis primait sur le respect des dispositions de la loi Cada du 17 juillet 1978 relative à la réutilisation des données publiques, ce qui est cohérent dans la mesure où son article 10 consacre la suprématie des droits de propriété intellectuelle sur les dispositions qu’elle prévoit62. la Cour d’appel, après avoir qualifié de base de données le stockage d’archives départementales réalisé par le département de la vienne et reconnu à celui-ci le statut de producteur en raison de son investissement substantiel, énonce que « la possibilité pour le producteur de base de subordonner la réutilisation d’informations publiques au versement de redevances, prévue par l’article 15 de la loi du 17 juillet 1978, ne saurait être le corollaire d’une obligation d’autoriser l’extraction  » 63. le régime protecteur est donc pleinement effectif même s’agissant d’une base recensant des données publiques, comme cela est le cas s’agissant des bases des greffes des tribunaux de commerce.

20. – L’atteinte portée au droit sui generis des greffiers et du GiE infogreffe. aux termes de l’article l. 342-1 2° du Code de la propriété intellectuelle, « le producteur de bases de données a le droit d’interdire la réutilisation, par la mise à disposition du public, de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base, quelle qu’en

62 loi n°78-753 Cada du 17 juillet 1978, article 10 c) : « Ne sont pas considérées comme des informations publiques, pour l’application du présent chapitre, les informations contenues dans des documents ou sur lesquels des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle ».63 Caa bordeaux, 4e Ch., 26 fév. 2015, rG n°13bx00856..

soit la forme ».

l’article 60 i 1° de la loi macron du 6 août 2015 prévoit toutefois que les greffes transmettent à l’inPi « par voie électronique, sans frais ni délai, les résultats des traitements des informations contenues dans les inscriptions, actes et pièces mentionnés au deuxième alinéa, dans un format informatique ouvert de nature à favoriser leur interopérabilité et leur réutilisation » afin de les mettre à la disposition gratuite du public64. l’expression précitée de « résultats des traitements des informations contenues dans les inscriptions, actes et pièces » se réfère aux bases de données, car elle se rapporte au travail de structuration et d’indexation fait par les greffes. l’expression ne qualifie en aucun cas les seules données, comme le prétend le Conseil constitutionnel65, qui assimile les données et le traitement dont elles font l’objet. en effet, l’article n’évoque pas la simple mise à disposition des données brutes fournies par les entreprises lorsqu’elles remplissent les formulaires d’immatriculation, mais les données vérifiées, traitées et classées par les greffes. Cette disposition prévoit ainsi que l’inPi s’acquitte de ses nouvelles missions à partir des données transmises par les greffiers des tribunaux de commerce, ce qui constitue indéniablement une atteinte à leurs droits en tant que producteurs de bases de données, de même que la mise à disposition desdites bases au public de façon totalement gratuite, conformément à l’article l. 342-1 2° précité. l’un des aspects les plus problématiques pour les greffes est, en effet, qu’ils ne percevront aucune rémunération contre la mise à disposition à l’inPi de leurs bases de données, de sorte qu’ils ont dénoncé une rupture d’égalité devant les charges publiques, argument que le Conseil constitutionnel a toutefois rapidement balayé66. aussi les greffiers analysent-ils cette disposition comme une spoliation de leur droit sui generis, dans la mesure où ils ne percevront aucun retour sur investissement et aucun

64 v. infra n°6.65 décision n°2015-715 dC du Conseil Constitutionnel du 5 août 2015, op. cit., n°4.66 décision n°2015-715 dC du Conseil Constitutionnel du 5 août 2015, op. cit., cons. 110 et 111.

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financement de nature à leur permettre de poursuivre leur travail de constitution des bases, tant s’agissant de la vérification des données nouvelles que de la mise à jour et de la structuration de celles-ci.

tant que les greffiers veillaient à la véracité des données fournies et encadraient leur diffusion par l’acquittement d’une somme protectrice des données à caractère personnel, les renseignements relatifs aux greffes des tribunaux de commerce circulaient de façon sécurisée. tel ne sera plus le cas avec la mise en open data des données collectées et traitées par les greffiers, menaçant directement la pérennité de ces bases de données, dont la qualité sera nécessairement moindre.

***

ConCLUsion21. – Un texte liberticide et nuisible à l’investissement. l’analyse de l’article 60 de la loi macron du 6 août 2015 révèle que ce texte présente d’importants risques d’atteintes au droit au respect de la vie privée, dans la mesure où il prévoit la diffusion gratuite et généralisée au public des bases de données sans envisager aucune garantie propre à respecter le droit des données à caractère personnel, bien que de telles données soient très nombreuses dans les bases de données des tribunaux de commerce. au surplus, ce texte nuit à l’investissement de ces greffiers, car non seulement ils ne peuvent plus désormais réaliser aucun profit sur leurs bases, mais ils ne disposent plus des ressources nécessaires à assurer la pérennité de celle-ci. s’il est vrai que la mise en open data de ces bases permet une diffusion large et gratuite des informations, encore faut-il s’assurer de la qualité des données diffusées, paramètre que n’envisage aucunement la loi macron. il est en effet illusoire d’espérer mettre à disposition du public des registres aussi fiables et élaborés qu’antérieurement si les greffes ne bénéficient plus d’une seule rémunération, et c’est en ce sens que la loi macron n’est pas favorable aux entreprises, aux tribunaux, aux

banques et aux justiciables. les greffiers dénoncent une diminution de la qualité du service public de la justice par la mise à mal d’un système qui jusqu’alors fonctionnait parfaitement et sans qu’aucune plainte ne l’effleure67.

22. – Une absence d’opposition de principe à l’open data. les greffiers ne s’opposent pas par principe à l’open data, qui constitue sans doute un passage obligatoire à maints égards dans la société de l’information, mais contestent la mise en œuvre de l’open data résultant des dispositions de la loi macron. alors que celle-ci était encore au stade de projet, ils avaient ainsi proposé la mise en licence ouverte des données dont ils sont producteurs au regard du projet etalab, tout en anonymisant toutes les données à caractère personnel des dirigeants de société afin d’éviter tout risque d’atteinte à leur vie privée. Ce n’est toutefois pas le chemin que le gouvernement et le Conseil Constitutionnel ont choisi68, ceux-ci ayant finalement opté pour une mise en open data réalisée au mépris des droits des greffiers. le libre accès à l’information légale des greffes est consacré, mais en résulte une information de moindre qualité. au regard des nombreuses lacunes de la nouvelle loi, reste à envisager l’application pratique de ce texte et les surprises qu’il est susceptible de nous réserver.

Biographie

antoine Chéron est avocat associé du cabinet d’avocats aCbm. avocat au barreau de Paris et de bruxelles, il est également docteur en droit de la propriété intellectuelle et chargé d’enseignement en master à l’université Panthéon-assas (Paris ii) et à l’université Jean moulin (lyon iii).

67 m. r. dragon, Porte-parole des salariés des greffes des tribunaux de commerce, propos recueillis par m. x. berne, Pourquoi les greffiers s’opposent à la mise en Open data du registre Infogreffe ?, op. cit., n°10.68 décision n°2015-715 dC du Conseil Constitutionnel du 5 août 2015, op. cit. n°3.

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11raPPort de synthèsePar didier guéVel

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1. mesdames et messieurs les hautes autorités, mesdames messieurs, chers amis, voilà déjà plusieurs années que j’ai le plaisir, grâce à l’entregent de monsieur le professeur Pascal ÉTAin, de participer, à divers titres, aux Congrès des Greffiers des tribunaux de commerce et j’ai toujours apprécié la grande qualité de leurs travaux. monsieur  le Président Philippe BoBET continue, et améliore encore, cette grande tradition de recherche pure et de recherche appliquée. les universitaires se rapprochent de la pratique et les praticiens mènent une réflexion approfondie sur leur profession : la rencontre ne peut être que salutaire. que monsieur le Président Philippe BoBET soit ici remercié pour son action.

2. monsieur Claude rEnoULT, le nouvel édile de saint-malo, et maître Véronique FrAnçois ont rappelé l’histoire prestigieuse de cette cité. Je dois vous confier que je suis particulièrement sensible à l’invitation qui m’a été faite de tenter, en ce lieu, une synthèse des réflexions menées aujourd’hui, parce que je suis un juriste breton au service de la france, comme le furent (en beaucoup plus courageux) certains corsaires et, surtout, parce que je suis descendant direct de terre-neuvas qui habitèrent tout près d’ici. Parler, en cette belle ville de saint-malo de la « terre neuve » que constitue l’Open data ne peut, conséquemment, que me ravir. saint-malo est une ville où l’ouverture des données est déjà fort bien développée ; félicitations donc à Monsieur Jean CoUDrAy, premier adjoint en charge de ces questions, et aux fonctionnaires territoriaux qui œuvrent à cette réussite.

3. mille mercis, aussi, aux mots sympathiques de bienvenue de monsieur Claude rEnoULT et à l’accueil que nous ont réservé maître Véronique FrAnçois et, par représentation, maîtres Jacques JEAn et olivier LEFÉBUrE. un mot aussi pour dire combien ont été efficaces maître sophie JonVAL et monsieur Thomas DEnFEr dans leur très compétente animation, tâche ô combien difficile.

4. michel houellebecq fait dire à l’un de ses personnages : « il disait […] que l’augmentation du flux d’informations à l’intérieur de la société était en soi une bonne chose. que la liberté n’était rien d’autre que la possibilité d’établir des interconnexions variées entre individus, projets, organismes, services. le maximum de liberté coïncidait selon lui avec le maximum de choix possibles » 1. l’auteur semble fort critique à l’égard de cette affirmation. sa méfiance est-elle justifiée  ? sommes-nous en présence, comme se le demande monsieur simon ChiGnard, grand spécialiste de l’Open data, d’« une mode dont il ne sera plus question dans quelques années, ou au contraire [d’] une lame de fond » 2 ? madame Clara sorin nous a parlé d’ « avis de tempête ». Je dois vous confesser que je songe plutôt même à une sorte de tsunami.

5. Plusieurs des intervenants, notamment madame

1 Extension du domaine de la lutte, édit. maurice nadeau, 1994, édit. J’ai lu 2015, p. 402 s. Chignard, Open data. Comprendre l’ouverture des données publiques, Coll. entreprendre, édit. fyp, 2012, p. 5

interVention de didier guéVelProfesseur de droit privé et sciences criminelles, doyen de la faculté de droit, sciences politiques et sociales, université de Paris 13, sorbonne Paris Cité

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isabelle FALQUE-PiErroTin et maître sophie JonVAL, ont tenté de nous donner des définitions du sujet de notre réflexion. Cette démarche préalable est, en effet, indispensable.

6. il faut d’abord remarquer que l’Open data peut avoir un sens passif et un sens actif. Passivement, ce sont les « données ouvertes » et, d’un point de vue dynamique, il s’agit de l’« ouverture des données».

7. les intervenants ont souvent utilisé le vocable de «  donnée  » et celui d’«  information  ». on lit souvent que, stricto sensu, une «  donnée  » est nécessairement non construite, brute (l’expression de « donnée brute » constituerait un pléonasme), alors qu’une «information» est constituée d’une ou de plusieurs données travaillées 3 (par exemple, comme nous l’a dit monsieur Didier FrAnçois, par «  sémantarisation  »). il nous semble, cependant, que la distinction est assez artificielle  ; une donnée n’est que très rarement totalement brute 4 (un simple tableau, un ordre de présentation, un classement par date… sont déjà des travaux). nous pouvons donc considérer, semble-t-il, que nous avons affaire à des substantifs synonymiques. lorsque monsieur Didier FrAnçois nous a dit que la dila n’avait plus seulement pour rôle de « diffuser des informations » mais également, dorénavant, celui de « produire des données », il faut donc entendre que c’est bien le verbe qui a changé et non son complément.

8. il est, ensuite, intéressant de relever que l’expression Open data mêle, assez étrangement, anglais et latin 5. Peut-être faut-il y voir une illustration de la possible complémentarité des mondes romano-germanique et anglo-américain (comme a su la réaliser le québec, qu’évoquait indirectement maître Véronique FrAnçois en parlant de Jacques Cartier).

9. il faut cependant se défier de la sémantique, car une

3 v. s. Chignard, op.cit., p. 10-114 v. s. Chignard, op.cit., p. 1865 même si open viendrait, initialement, du germanique, voire de l’indo-européen…

donnée ce peut être ce qui est exact, certain, ce qui est considéré comme acquis. Ce sens ne peut être retenu ici, car les « data », hélas, ne sont pas forcément exactes, ni authentifiées ; on peut même dire que la majorité d’entre elles sont, au contraire, incertaines.

10. monsieur Didier FrAnçois nous a dit que, pour légifrance, «  la nouveauté c’était la gratuité  », tout en affirmant, peu après, que «  la gratuité n’existait pas  ». on comprend bien qu’il n’y avait pas, en réalité, de contradiction dans ces propos, même si l’on peut penser qu’il peut y avoir une gratuité avec pour seule contrepartie un intérêt moral 6. il faut surtout se souvenir que « data » vient de dare. Dare c’est transférer la propriété, mais c’est le faire à titre gratuit. Data n’est que le pluriel de datum 7 qui signifie le don, le cadeau. la donnée, c’est bien ce qui est donné, ce qui a fait l’objet d’un don ; par essence, la donnée est gratuite. le choix de ce mot par les spécialistes, c’était donc pas, lui, gratuit 8.

11. nous sommes en présence d’une série d’ensembles inclus. le plus petit est constitué des informations légales. il est inclus dans un ensemble plus vaste, l’Open data, constitués des données administratives, émanant des collectivités publiques, des services publics et même, comme nous l’a dit maître Antoine ChÉron, des entreprises quasi-monopolistiques 9. Ce deuxième ensemble est lui-même inclus dans un ensemble plus vaste que l’on nomme fréquemment le «  big data  », comprenant toutes les données publiques et privées qui

6 v., p. ex., d. Guével, droit des successions et des libéralités, lGdJ, 3ème éd. 2014, n° 251, p. 1187 on devrait donc parler «des» data…8 on dit que le citoyen qui a payé l’impôt, n’a pas à repayer une information émanant d’un service public  ; c’est oublier qu’une personne privée peut être chargée d’un service public ; c’est également oublier que celui qui va profiter de l’information sera souvent un étranger, un «citoyen du monde», qui n’aura pas payé l’impôt du pays correspondant ou l’habitant d’une ville, qui recueillera et utilisera des données venues et établies par une ou des autres communes9 actuellement  : des données géographiques, économiques, sociologiques, de transports, de cartographie, d’environnement, de pollution, d’états civils… mais aussi des données juridiques, venant d’une cinquantaine d’états ou d’organismes supranationaux et surtout de communes ou villes, de par le monde

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circulent. enfin, ce dernier ensemble n’est peut-être, à son tour, qu’un élément de toutes les informations sur les choses et le vivant, que l’on appelle l’« open knowledge », la connaissance universelle. or, le sort de l’information légale nous semble un bon exemple de ce qui peut être entrepris et qu’il faut protéger.

12. en flânant hier sur les quais de saint malo, j’ai pu admirer de fort beaux chalutiers qui y étaient amarrés. J’ai alors repensé que l’Open data de la commune nous avait appris que, chaque année, la pêche ramenait dans ce port 150 000 tonnes de poissons et crustacés. monsieur Bernard BAiLET nous a d’ailleurs, non sans humour, fait sa remarquable démonstration de data-infogreffe, en faisant mine de vouloir créer, ici même, une entreprise de pêche et monsieur Thomas DEnFEr a évoqué «  le navire de la data ». la métaphore était donc inévitable : il y a aussi une véritable « pêche aux données », qui constitue une formidable ressource halieutique et informative, ressource que nous qualifierons (que l’on nous pardonne le hasardeux néologisme) d’«  informhalieutique  » (i). s’agira-t-il d’une «  pêche miraculeuse  » qui permettra aux « pratiquants » de la data, dont nous parlait monsieur Bernard BAiLET, de convertir les plus sceptiques ? Pour autant, quand on reçoit les réponses d’un moteur de recherche, comme on tire le « raban de cul » du chalut, tout arrive en vrac : du meilleur et du pire. il faut trier et remettre à l’eau. Cette pêche aux données, comme les autres, ne peut se développer sans ordre  : elle doit être régulée (ii).

13. tous les intervenants ou presque nous ont dit  : « n’ayez pas peur ». mais la maxime est connue : in medio stat virtus ; le courage est de prendre une voie raisonnable (certes, moins attirante), et non de céder à la facilité des positions extrêmes (quoique plus séduisantes).

i. une formidable ressourCe « informhalieutique »

il y a plusieurs types de ressources pélagiques. il peut y avoir du tout-venant, du krill, voire des méduses 10 et des espèces de grande qualité parfois pêchées à la ligne. il en va identiquement pour les données et c’est toute la différence entre le big data (1) et l’open data (2).

1) Le big data (le krill et les méduses)14. «  la donnée est partout  », nous disait monsieur Thomas DEnFEr. madame isabelle FALQUE-PiErroTin a évoqué un «  déluge d’informations  », monsieur Claude rEnoULT a rappelé qu’elles pouvaient aussi venir du secteur privé et maître Alain BEnsoUssAn a manifesté un enthousiasme communicatif en faveur du phénomène.

15. il est vrai que l’idée de pouvoir accéder aisément et gratuitement à toute information et ce, au niveau mondial, a de quoi séduire et même de quoi mobiliser une jeunesse en mal d’idéaux. C’est l’open knowledge  : l’ouverture, à tous, de toute la connaissance humaine, les encyclopédies participatives et les logiciels libres, la science pour tous 11, l’interopérabilité. C’est encore une diffusion généralisée censée dissuader des agissements répréhensibles, par crainte de leur publicité.

16. on se sent tenté, emporté par cette vague, de défendre la notion de biens immatériels communs, comme on souhaite protéger certains biens communs plus tangibles, théorie chère à madame elinor ostrom 12 et à inventer pour eux des modes de gestion novateurs. maître Alain BEnsoUssAn a d’ailleurs, dans cette

10 dont on entend désormais tirer profit  ; si sur terre, nous vivons l’anthropocène (règne de l’humain), en mer nous en sommes au médusocène (règne des méduses)11 v. valérie schafer (dir.), Information et communication scientifiques à l’heure du numérique, Coll. les essentiels d’hermès, Cnrs, 201412 «Common-pool ressources». v. e. ostrom, Governing the Commons : The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge university Press, 1990 et, en français : La gouvernance des biens communs : Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, révision scientifique de laurent baechler, Commission université-Palais, édit. de boeck, 2010

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veine, suggéré d’élaborer « un droit des communs ».

17. on est proche de l’idée d’une intelligence collective (comme celle des fourmis ou des abeilles), avec les procédés consistant à utiliser les ordinateurs de milliers – millions – de personnes (recherche spatiale ou calculs de très grande ampleur) ou avec l’amélioration-élaboration collective (crowdsourcing), les utilisateurs corrigeant eux-mêmes les données diffusées.

18. Cette ressource extraordinaire, démesurée, peut avoir des effets heureux. en analysant des appels téléphoniques, on peut anticiper la progression d’une épidémie. on a pu, récemment, au moment des grands séismes qu’a subis le népal, grâce aux vues satellitaires diffusées et grâce à l’action de plus de 5 000 contributeurs, conseiller les sinistrés sur les refuges existants, les voies coupées etc. 13. maître Alain BEnsoUssAn nous a également parlé de la prédétermination des lieux criminogènes ou accidentogènes. on a dit encore pouvoir, en analysant la provenance et la fréquence d’appels téléphoniques, suggérer à des états où construire des routes…

19. en résumé, comme l’a dit maître Alain BEnsoUssAn, il s’agit de créer «  une nouvelle vie numérique  » avec ses nouveaux métiers, «  l’enjeu en étant la compréhension du monde ».

2) L’Open data (le bar de ligne)20. l’Open data, dont monsieur Claude rEnoULT nous a vanté les bienfaits, n’est qu’ « une nouvelle étape vers un plus  », nous a dit madame isabelle FALQUE-PiErroTin. Ce «plus» c’est sans doute son insertion dans le big data. Pour autant, il doit garder sa spécificité.

21. l’ouverture généralisée des données semble faire l’unanimité. les ultra-libéraux la portent aux nues, en ce qu’elle permettrait de contrôler les services publics et les élus (moralisation de la vie publique) et de mettre en application l’idée que le marché peut tout assumer et s’autoréguler. les partisans d’une nouvelle société, faite

13 sciences & vie, août 2015, p. 113, C. G., La cartographie citoyenne se met au service de l’humanitaire

de fraternité et de partage, y voient, eux, l’accès gratuit et universel au savoir. finalement, il s’agit d’un phénomène qui convient parfaitement à ceux que l’on nomme les «libertariens», qui associent les deux tendances précédentes (pourtant, a priori, opposées).

22. l’ouverture des données permet à des utilisateurs très différents de trouver des «matières premières», du militant citoyen au grand groupe industriel, en passant par le dirigeant d’une Pme y voyant une opportunité de développement (comme, pour la pêche, de la ménagère au grand groupe de distribution).

23. la france fait depuis longtemps de l’ouverture des données sans le savoir. mais l’internet lui a donné une nouvelle dimension. monsieur Didier FrAnçois nous a décrit tout ce que les publications officielles comprenaient et nous a démontré combien la france avait été, en l’espèce, un pays précurseur. Chacun sait que légifrance est un instrument unique, souvent copié, jamais égalé, qui est, désormais, le compagnon permanent de tous les juristes.

24. madame Clara sorin a montré une belle promesse de l’Open data avec le programme « dites-le nous une fois » et les marchés publics simplifiés. Ces programmes devraient faciliter la vie des entreprises, en évitant les redondances. on ne peut que souhaiter qu’ils soient appliqués encore plus largement.

25. on connait déjà fort bien la masse d’informations légales traitées par les greffes des tribunaux de commerce. Plus encore, monsieur Bernard BAiLET, dans sa belle et séduisante présentation active, disant refuser tout « conservatisme ou attentisme », a su montrer une voie de développement très intéressante. enfin, Monsieur Jean CoUDrAy, en décrivant le programme de « smart city » envisagé pour sa ville, a revendiqué, là encore, une position de précurseur.

26. mais ces pêches miraculeuses, qui devraient faire de nous des disciples béats de l’ouverture des données, comportent des risques plus ou moins recélés.

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ii. une ressourCe « informhalieutique » qu’il faut réGuler

27. là encore, il faut distinguer la pêche en gros 14 (big) et la pêche de spécialité, même si les moyens de régulation peuvent parfois se rapprocher.

3) Le big data (le krill et les méduses)

28. « Le monde de la data est un monde de barbares », nous a dit maître Alain BEnsoUssAn. les détournements à des fins crapuleuses ou financières sont possibles. flibustiers et pirates (informatiques) existent. on sait combien parfois certains gros navires de pêche étrangers viennent braconner des espèces interdites, dans des eaux prohibées. le risque d’utilisation malveillante et de manipulation des informations données existe. Chacun peut aujourd’hui sur son ordinateur savoir où sont exactement tous les avions commerciaux en vol et ce, en temps réel ; qui ne voit ce qu’un être malintentionné pourrait en faire ?

29. selon maître Alain BEnsoUssAn, « tout le monde va être «ubérisé», même la justice ». C’est une perspective effrayante. déjà, les chaînes de radiodiffusion et de télévision ne cessent de vanter la commercialisation de leurs biens par les particuliers, oubliant de rappeler qu’il peut s’agir de porter atteinte au droit fiscal, au droit social, au droit de la publicité légale, au droit de la copropriété des immeubles bâtis, au droit des assurances… on ne peut, sans frémir et sans réagir, accepter que s’instaure une telle jungle dérégulée.

30. il faut continuer à protéger les marques, les droits d’auteurs et les droits voisins, les œuvres littéraires et artistiques, les données stratégiques, les secrets d’état, les secrets professionnels, des affaires, de l’instruction, la vie privée, les données à caractère religieux, les données médicales… monsieur Didier FrAnçois l’a justement dit : « le droit à la vie privée dépasse l’open data ». les pouvoirs publics s’emploient à protéger les données personnelles 15. mais la tâche sera de plus en plus rude.

14 et non «au» gros…15 madame axelle lemaire, secrétaire d’état « au numérique », doit

31. le plus grave est peut-être encore ailleurs. il s’agit de la substitution d’un mode de réflexion (français) à un procédé intellectuel (nord-américain). on ne recherche plus hiérarchiquement mais anarchiquement. le big data, c’est le foisonnement sans classement, ni hiérarchie, ni chronologie, ni plan, ni structure, ni explication, ni pédagogie (avec les risques de contresens, d’incompréhensions sincères ou simulées que cela peut induire). Cette pêche massive et indifférenciée conduit à des vérités approchées, des approximations. on considère que la quantité et le pourcentage font la vérité. C’est oublier qu’un seul peut avoir raison contre tous  ; Galilée, aujourd’hui, serait encore condamné, cette fois par la religion de l’internet.

4) L’Open data (le bar de ligne)

32. l’une des difficultés majeures en la matière est, comme l’a dit madame isabelle FALQUE-PiErroTin, de faire en sorte que « l’open data se développe dans le respect des personnes  ». elle nous a révélé le nombre impressionnant de saisines de la Cnil portant sur des questions d’identification des personnes physiques. maître Antoine ChÉron a montré combien le nouveau procédé de diffusion des informations légales 16, imposé par la loi macron 17, risquait de poser un problème, par refus d’exiger l’anonymisation recommandée par la Cnil (respect de la vie privée  : adresse des dirigeants d’entreprises…). monsieur Didier FrAnçois nous a également confié qu’il s’agissait là d’une des préoccupations majeures de la dila.

33. hélas, si le combat juridique est justifié, beaucoup de spécialistes pensent qu’il est, de fait, perdu et que l’on

débloquer (octobre 2015) des fonds pour soutenir la création dans le domaine de la protection des données personnelles 16 la loi macron permettrait à l’inPi d’offrir, moyennant finance (licence et redevance en cas de réutilisation commerciale) pour les exploitants professionnels et gratuitement pour le public, les données collectées, vérifiées et mises en ordre par les greffiers des tribunaux de commerce17 loi n° 2015-990 du 6 août 2015, « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques »

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va glisser vers une situation à l’anglo-américaine où tout peut être dit et diffusé. on nous dit que l’anonymisation est impossible ; c’est la «règle de quatre» : avec seulement quatre informations, quatre métadonnées, on peut (algorithmes), sans problème, identifier un individu parmi des millions de personnes 18. madame isabelle FALQUE-PiErroTin nous a même révélé que c’était possible avec seulement trois données anonymes, mais avec un pourcentage de réussite moindre. qui plus est, avec ces méthodes le risque d’erreur demeure. il s’agit là encore d’une vérité approchée, établie par le nombre et non par la qualité.

34. la deuxième difficulté tient au fait que l’on ne peut pas traiter de la même façon une information authentifiée, fiable, certaine et lourde de conséquences (le poisson de ligne garanti, voire l’aquaculture raisonnée) et une information (parfois sans grande importance  : les prénoms les plus choisis cette année dans une commune…), ou incertaine et que chacun est appelé à rectifier et à améliorer (Wikipédia, arrêts d’autobus…).

35. Comme maître Antoine ChÉron l’a clairement exposé, il faut rémunérer l’enrichissement des données, récompenser la plus-value apportée, la création intel-lectuelle, l’investissement, la structuration, l’indexa-tion, les vérifications, les corrections, les certifications etc.  (cet enrichissement qu’apportent les fonction-naires, malgré leur nombre déclinant 19, et les greffiers des tribunaux de commerce).

36. une troisième difficulté se présente ici avec une particulière acuité  : celle de la préservation du droit de propriété, notamment, nous a dit maître Antoine ChÉron, dans le cadre de la loi macron. Certes, l’article 544 du Code civil fait réserve de l’usage prohibé par les lois et la loi macron en est une. mais ce serait sans doute là faire dire au Code civil ce qu’il ne voulait pas dire. Certes, il y a également des doctrinaires, comme maître Alain BEnsoUssAn, pour affirmer, sans doute un peu par provocation, que, dans le monde de la data ou

18 v. le monde, science & médecine, 30 sept. 2015, p. 4 et 519 dans la fPe et la fPh

des data, « il n’y a pas de propriété ».

37. mais maître Antoine ChÉron a expliqué combien, selon lui, le nouveau procédé imposé portait atteinte aux droits d’auteur, les bases de données ordonnées appartenant, selon sa démonstration, aux greffiers (134 bases) et à infogreffe (2 bases). il s’agirait, finalement, de la part de l’inPi de ventes a non domino…

38. Pour résoudre toutes ces questions (et d’autres) des suggestions ont été faites. maître Alain BEnsoUssAn a proposé de ne plus raisonner en termes de données, mais en ceux de mise à disposition et d’accès rémunéré à des plates-formes. monsieur Didier FrAnçois a suggéré d’accompagner les diffusions en partenariat avec le secteur privé… il y a également tous les mécanismes de licences, hélas encore mal harmonisés 20. l’espoir demeure donc qu’il n’y ait que nouvelle civilisation et non fin des civilisations.

ConCLUsion

39. nous vivons dans un monde d’oxymore  : à la fois une «  génération partage et gratuité  » (films, musique, images, concepts, fichiers…) et des buts mercanti, oublieux du sens du service public.20 une donnée est rarement totalement «ouverte» (open) (licences totalement ouvertes) ou complètement «fermée» (closed). tout est plus nuancé. il y a de nombreuses occurrences intermédiaires, avec des restrictions juridiques diverses  : licences non libres  : licences odC (Open database Commons : qui imposent de citer la source si on réutilise la donnée), licences odl ou odbl (Open database License : qui impose une utilisation dans les mêmes conditions que celles de la donnée originale, droit d’accès mais sans droit de réutilisation, cas fréquent pour des services publics industriels et commerciaux…), limites financières (redevances) et/ou techniques (formats – Pdf, excel… –, standards, langues, fourniture non de l’information, mais du lien pour y accéder…) ; la fourniture d’un fichier à télécharger ou l’accès à une interface (aPi) permet une sélection des informations ; il peut y avoir encore l’accès à des données par le biais du « portail » de la collectivité ou de l’entité à la source de l’information ; on peut ainsi, par la technicité requise, limiter l’accès de données à quelques spécialistes connaissant les procédés très élaborés qu’il est nécessaire de maîtriser pour y parvenir ; on peut citer, en france, entre autres : licence etalab, licence aPie (agence du patrimoine immatériel de l’état)... sur tous ces points, v. s. Chignard, op. cit., à qui nous empruntons toutes ces informations

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40. l’ouverture des données c’est, avec les questions biologiques et climatiques, la prise de conscience de notre vie mondialisée mais fragile. le risque est que, sans nous en rendre compte, notre société soit en train de glisser du libéralisme vers le «  libérisme  » qui en est la caricature 21. diffuser sans retenue l’information provoque paradoxalement le retour de l’obscurantisme (mensonges, faux complots, manipulations etc.). au moment où l’on comprend que le temps des hominidés n’est pas infini, formulons le vœu que l’ouverture des données constitue bien les prémisses d’un monde nouveau et non l’annonce de la fin de toute humanité.

41. « um Herschaft und um Freiheit wird gerungen » 22 écrivait friedrich von sChiller. disons plutôt, en français et en latin, allusion à Cicéron, qu’il faut se battre pour l’Imperium et la Libertas, deux plateaux d’un équilibre qu’il faut savoir préserver  ; il ne faudrait pas qu’avec l’Open data l’un et l’autre soient dévoyés.

21 v Jacques de saint victor, Libéralisme, Néolibéralisme, social-libéra-lisme, libérisme et plus si affinités…, revue des deux mondes, oct. 2015, p. 3222 Johann Christoph friedrich von schiller, Wallensteins Lager, 1799, prologue, v. 66, cité par renzo tosi, dictionnaire des sentences latines et grecques, milan 1991, rééd. 2010, trad. r. lenoir, éd. Jérôme millon, n° 279, p. 224

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12interVention de PhiliPPe BoBet

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monsieur le représentant de madame la directrice des affaires Civiles et du sceau,

madame la Conseillère,

mesdames, messieurs les Parlementaires,

mesdames, messieurs les hauts magistrats,

madame et messieurs les Présidents des ordres professionnels,

mesdames, messieurs les hautes Personnalités,

mesdames, messieurs,

mes Chères Consœurs, Chers Confrères,

Chers amis,

Je souhaite bien sûr remercier très chaleureusement chacun des intervenants qui se sont succédés à la tribune tout au long de cette belle journée que nous avons pu partager.

merci à tous pour la qualité de vos propos, merci pour la vérité de votre langage et vos convictions profession-nelles qui ont conquis un auditoire curieux d’apprendre et de comprendre, curieux d’avancer dans la réflexion, sans recevoir de leçon, ni de vérité toute faite. mais avec

ce recul, ce sens de l’analyse, qui fait la particularité de la nature humaine.

merci également aux permanents du CnG, qui aiment et font avec cœur leur travail, comme l’ensemble des officiers publics ici présents, tous fiers d’exercer avec application les missions régaliennes qui nous ont été confiées par l’etat bien éloignés que nous sommes des anathèmes politiques, idéologiques, médiatiques…ou des calculs en tout genre …

nous sommes tous restés dévoués à exercer nos missions avec le même sens des responsabilités, dans l’intérêt de la défense du bien commun, et plus particulièrement celui de la justice et de l’intérêt général.

Je me rappelle à l’instant les propos d’un haut conseiller qui concluait il y a quelques mois son court propos par ces mots « c’est tout ce que nous avons contre vous ».

« Contre vous », ces mots résonnent toujours, et je ne sais toujours pas si j’aurais dû l’inviter d’aller à « confesse », ou de prendre immédiatement un rendez-vous chez un « psy ». Probablement poursuivra-t-il une brillante carrière, tel icare.

oui  ! nous sommes forts car nous croyons en ce que nous faisons et savons bien le faire. et cette année aucun homme public n’a jamais critiqué, ni la qualité, ni l’effi-cacité du service public de la justice commerciale que nous gérons.

discours de PhiliPPe BoBet Président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce

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merci à vous, chers membres du bureau et collabora-teurs, d’avoir su organiser cet événement annuel qui rassemble quasiment tous les greffiers, ceci malgré les obstacles et les contraintes qui se sont dressés face à nous cette année, avec une opposition et une acrimonie particulièrement bien orchestrée et mise en scène.

Pour en revenir au thème de la journée, il est certain que l’open data représente en soi une révolution des échanges d’informations et un enjeu économique qui concerne des domaines très variés d’activités. l’aspect « data » ayant toutefois certainement plus d’importance que l’aspect « open ».

le sujet de l’information légale a longuement été évoqué, mais ce nouvel accès aux données concerne aussi un grand nombre de secteurs comme les transports, la santé ou l’énergie.

il s’agit d’un mouvement de société de très grande enver-gure qui fait déjà et fera encore plus demain évoluer en profondeur les pratiques économiques.

le besoin de découvrir, le besoin de transparence, la recherche de nouveaux marchés, sont autant d’éléments qui font de la donnée un enjeu fort pour les décennies à venir.

toutefois, et cela a été souligné à plusieurs occasions et rappelé dans la synthèse des travaux, l’open data ne signifie pas une ouverture sans limites des données, mais davantage un accès à des informations libres dans le respect des droits fondamentaux. les sujets de la protec-tion des données personnelles, du droit à l’oubli et à la seconde chance, du libre consentement et des droits de la propriété intellectuelle sur les bases de données ont tous été évoqués cet après-midi.

alors ne succombons pas aux sirènes de la facilité, du « yakafokon » pour trouver de la croissance, à y perdre notre âme, et nos valeurs, qui s’évaporaient dans le cloud numérique.

Je le rappelais brièvement ce matin l’intitulé du Congrès «  l’information légale face à l’open data  » pourrait laisser penser à l’adoption d’une posture, voire à une appréhension de notre part qui consisterait à vouloir surprotéger à notre avantage exclusif les informations du registre du commerce et des sociétés.

mais les informations légales ne nous appartiennent pas, nous n’avons jamais défendu cette position, appar-tiennent-elles à l’etat ou aux entreprises elles-mêmes ? bien plus, existe-il réellement un droit de propriété sur la donnée ? a vrai dire, peu importe, l’essentiel est de pouvoir y accéder dans un cadre juridique clairement défini, participant à la confiance économique, en assu-rant sécurité et protection aux acteurs économiques.

faut-il rappeler qu’il s’agit d’un registre public légal, dont la gestion est strictement encadrée par des règles européennes et nationales.

notre responsabilité est d’en assurer le contrôle de léga-lité, la conservation, en garantissant un accès perma-nent aux entreprises et aux citoyens.

a l’image (mais aussi à la différence) de monsieur Jour-dain, la profession fait de l’open data depuis bien long-temps et en le sachant parfaitement :

des informations extraites du registre légal sont acces-sibles librement sur le site internet infogreffe depuis plus de 15 ans. Permettant d’identifier l’existence légale d’une société et ses caractéristiques. un lien vers le site du bodaac permet d’accéder à tous les événements qui y ont été publiés.

l’association du site du bodaCC (dila) et de celui des greffiers permet un accès complet aux informations légales sur les entreprises.

la présentation faite ce matin du site data-infogreffe montre combien la profession reste dans l’innovation pour répondre aux demandes des entreprises et parti-ciper au mouvement général d’open data, ceci, pour

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notre domaine d’activité et en tant que référent naturel de l’information légale.

(le site a été ouvert le 29 septembre avec immédiatement 20 500 connexions dans les heures qui ont suivi l’ouver-ture, avec des internautes situés aux etats-unis, mais aussi au Japon, en amérique latine…)

ne fait pas de l’open data qui veut, encore faut-il avoir de la bonne data dans sa « data-tière » ! une visibilité et une reconnaissance de fiabilité par les utilisateurs et surtout être en capacité technologique de le faire, en maîtrisant le savoir-faire. tout cela ne s’improvise pas, mais est le fruit d’une lente maturation, d’efforts et d’in-vestissements permanents au fil du temps.

Je ne jouerai pas les modestes sur ce sujet en affirmant que le service public que nous gérons fait partie des plus performants en europe, avec un coût d’accès parmi les moins chers. la Commission européenne ne s’y trompe et nous sollicite très régulièrement à fin, entre autres, de préparer la future interconnexion des registres euro-péens à laquelle nous sommes étroitement associés.

outre la dila et infogreffe, l’accès au contenu du registre est par ailleurs disponible sur de nombreux sites qui ont acquis une licence d’accès illimité à l’information légale délivrée par l’inPi. Ces licences sont techniquement modélisées, produites et réalisées par notre profession pour le compte de l’inPi, collaboration qui remonte à quelques années et à l’époque scellées avec l’accord des deux ministères de tutelle.

Ces licences ne sont pas aujourd’hui sans poser de ques-tions juridiques d’importances laissées en suspens, il s’agit principalement de l’absence du consentement donné par le dirigeant quant à la divulgation de ses données personnelles, voire de sanctions commerciales dont il a fait l’objet et, bien plus encore, de son impossi-bilité d’en demander la rectification ou l’interdiction de diffusion libre comme on peut le voir sur certains sites.

Je reviendrai sur ce sujet un peu plus loin.

* * *

voilà juste un an, madame la ministre était venue clôtu-rer à dijon le 126ème congrès des greffiers consacré au thème de «  l’information légale au service de la lutte anti-fraude ».

madame taubira avait découvert devant elle une profession un peu Ko debout qui venait d’essuyer les jours et les semaines antérieures un déferlement média-tique d’une rare violence.

Par ces propos, il avait été rappelé que le droit n’était pas une simple marchandise, que la sécurité juridique et la transparence économique étaient plus que jamais nécessaires au bon fonctionnement de notre société.

dans ce cadre, le rôle de l’officier public qui certifie et authentifie l’information légale dont il est le conserva-teur prend toute sa dimension. il est lui-même double-ment concerné car personnellement responsable des actes qu’il délivre.

il avait également été rappelé la nécessité de retrouver un climat de sérénité et de confiance pour progresser et travailler collectivement sur des sujets ayant trait à notre statut et aux différents projets menés avec l’etat au service des juridictions commerciales et plus généra-lement des entreprises.

Ces vœux sont restés pieux.

Je ne reviendrai pas ici en détail sur les neuf mois qui ont séparé la présentation en Conseil des ministres du projet de loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et la publication cet été au Journal officiel du texte.

les membres du bureau du Conseil national, mais sans doute l’ensemble de nos consœurs et confrères garde-rons de cette période un curieux mélange de tensions, de doutes, mais aussi des moments forts de mobilisation et d’union, aussi bien au niveau national que local, à la

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rencontre de nos interlocuteurs ministériels à Paris et des parlementaires au niveau local.

de l’assemblée générale de novembre 2014 devant une profession sous tension, en passant par la manifesta-tion historique de toutes les professions du droit en décembre à Paris.

Puis une qPC ayant donné lieu à la décision du Conseil Constitutionnel du 26 mars venue réaffirmer dura-blement la nature libérale de notre statut. le Conseil Constitutionnel a énoncé que «  les greffiers des tribu-naux de commerce exercent une profession réglementée dans un cadre libéral », « que, s’ils participent à l’exercice du service public de la justice et ont la qualité d’officier public et ministériel nommé par le garde des sceaux, ils n’occupent pas des «dignités, places et emplois publics» au sens de l’article 6 de la déclaration de 1789 ».

un projet de loi systématiquement réécrit selon qu’il était examiné par l’assemblée nationale ou le sénat, trois recours à l’article 49-3 pour faire définitivement adopter le texte, deux saisines du Conseil Constitu-tionnel par 60 députés et 60 sénateurs qui reprenaient tous les points litigieux et, en fin de course, une loi de 299 articles signée par le Président de la république, le Premier ministre et pas moins de douze ministres !

les débats ont eu lieu, la représentation nationale s’est exprimée. la loi a été adoptée et promulguée. il s’agit maintenant de la mettre en œuvre.

après le débat politique, nous sommes maintenant revenus sur le terrain du droit et des professionnels, avec la rédaction des différents décrets d’application et des ordonnances prévues par la loi.

il s’agit de passer à la réalité concrète et de mettre en application les dispositions telles que votées.

l’exercice risque dans le cas présent de ne pas être aussi simple que prévu.

Plusieurs raisons à cela :

- le chantier réglementaire, notamment sur le décret tarifaire, va concerner toutes les professions juridiques dotées d’un tarif réglementé avec, dans un premier temps, un tronc commun à établir puis ensuite des arrê-tés spécifiques prévus pour chacune des professions.

- après pourtant un an d’échanges, des exper-tises supplémentaires viennent d’être demandées à l’inspection générale des finances et à l’autorité de la concurrence pour compléter la connaissance de l’etat sur les professions du droit, alors qu’un nombre incal-culable de rapports et autres études ont déjà été réalisées depuis plus de trois ans !

- des délais impératifs ou un calendrier strict ont été fixés par le législateur pour la publication des textes d’application : quelques mois pour les décrets, six mois pour la rédaction de certaines ordonnances.

enfin, il est prévu le lancement prochain d’expérimenta-tions dans les dom sans que personne ne sache encore depuis la loi lurel ce que signifie juridiquement «  la gestion matérielle du registre du commerce » et surtout, sans que les acteurs visés n’aient aujourd’hui ni les attri-buts juridiques, ni les moyens techniques pour assurer cette mission aux contours encore mal définis.

sujet par ailleurs pratiquement épuisé puisque les efforts fournis par le ministère de la justice ont résorbé en grande partie les retards qui existaient.

Ceux qui pensaient que l’adoption définitive de la loi permettrait à chacun de souffler un peu, voient bien que le programme de travail des jours et des semaines qui viennent est ambitieux, voire titanesque.

nous ne sommes pas dans le cadre de mesures homéo-pathiques, mais bien dans des enjeux fondamentaux qui vont au-delà de la qualité de service des profes-sions, vont affecter les conditions d’exercice, le modèle économique, les équilibres financiers et, en définitive

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l’existence même des professions du droit.

il s’agit, par ailleurs, d’un secteur particulier qui est celui des professions réglementées. C’est bien l’etat qui véri-fie, valide les dossiers d’accès aux professions selon des critères qu’il fixe unilatéralement, principalement, pour assurer et garantir la pérennité du service public.

Pour cette raison, je sais et je partage la préoccupation légitime des différentes administrations centrales pour s’assurer de la nécessaire sécurité juridique des actes d’application afin, le cas échéant, ne pas être exposées à des recours ou des annulations ultérieures aussi bien au niveau national qu’européen  ; et pire encore à ne surtout pas avoir à assumer une quelconque responsa-bilité financière qui incomberait à l’etat. notamment, si par l’effet de la loi ceux qui se sont ces dernières années installés dans des conditions financières vérifiées et vali-dées par l’etat, se voient demain mis en difficulté.

il faut bien garder à l’esprit que les professionnels du droit sont majoritairement organisés en société de personnes, leurs dettes ont un caractère personnel et non sociétal.

* * *

Je le disais à l’instant ces chantiers sont essentiels pour la profession.

nous sommes avec ces textes au cœur de notre mission.

est directement en jeu notre capacité ou non à conti-nuer d’exercer au quotidien avec des moyens qui nous permettent d’assurer avec la même qualité de service et toujours la même efficacité que chacun s’accorde encore à nous reconnaître.

Pour cette raison, permettez-moi d’aborder très rapide-ment quelques sujets d’importance :

la réforme tarifaire, la transmission sans frais à l’inPi des données du rCs, le concours d’accès à la profession.

les tarifs, tout d’abord

C’est depuis le début le sujet central de la réforme des professions réglementées, l’objectif premier.

la Cour des comptes, l’iGf, les missions parlementaires, l’autorité de la concurrence ont réalisé des rapports sur la question. tarif, je le répète, fixé unilatéralement par l’etat.

Par principe, il faut savoir qu’en france, « bénéficiaire » ne rime pas avec service public. si vous êtes un service public bénéficiaire, c’est suspect, et il faut y remédier au risque de tout déstabiliser et d’altérer les prestations servies aux usagers.

la loi indique que les tarifs prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs.

rien de bien choquant, en soit, dans ces principes, encore faut-il comprendre leur articulation.

le projet de décret nous a été officiellement transmis pour avis le 11 septembre. Pourtant, le même jour, il était adressé au Conseil d’etat et à l’autorité de la concurrence pour saisine officielle !

nous avons analysé ce projet, avons formulé nos remarques que nous compléterons dans les jours qui viennent.

il fixe pour chaque profession un objectif moyen de rémunération raisonnable sur la base de données collectées et exploitées. Cette rémunération prendra en compte différents paramètres tels que l’endettement, le degré de responsabilité, le niveau requis de qualifica-tion, la dimension sociale.

une révision tarifaire est prévue tous les deux ans. on peut ici s’interroger sur la pertinence de ce délai. l’objectif initial de la loi était de favoriser l’entrée des jeunes, en instaurant un doute sur la stabilité des

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tarifs au-delà de deux ans, on peut s’interroger sur les possibilités d’un jeune sans capital à intégrer une profession. il est hélas évident qu’aucun organisme prêteur ne s’engagera à ses côtés.

est aussi introduit la notion de « professionnel de réfé-rence  » qui suscite de réelles interrogations dans la mesure où cette notion est purement et simplement floue.

nous n’avons jamais été opposés à la fixation de tarifs sous l’angle de l’approche par les coûts, avec maintien d’une incontournable péréquation pour couvrir les actes délivrés à titre gratuit. mais fondamentalement il importe, selon nous, de partir de l’acte pour déterminer un tarif qui procurera un revenu et non l’inverse.

que devient le principe de rémunération raisonnable s’agissant des prestations aujourd’hui assurées à titre gratuit ?

Je pourrais rappeler ici la longue liste de ces diligences faites sans rémunération à titre gratuit et nos obligations en tant que collecteur de taxes pour le compte de l’etat.

si c’est effectivement cette démarche générale qui est suivie, je réitère nos plus vives inquiétudes sur la viabi-lité de la réforme et sur ses impacts.

la transmission à l’InPI des données du RCS

nous n’avons cessé de le répéter, fallait-il recréer de toute pièce ou plus exactement relancer un dispositif via le rnCs, alors que la france dispose d’un outil juridique et technologique parmi les plus matures en europe.

ne peut-on s’appuyer sur le service public de qualité existant pour développer de nouvelles possibilités d’accès.

le postulat de départ que j’ai cité « être contre », nous

éloigne évidemment des réalités et limite le discerne-ment.

la loi prévoit que le greffier transmettra à l’inPi, par voie électronique et sans frais, un document valant original des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y sont déposés.

dans sa décision du 5 août 2015, le Conseil Constitu-tionnel a retenu une distinction essentielle entre « les données contenues dans la version électronique du rCs » et « les bases de données » élaborées par les gref-fiers.

la nuance est plus qu’importante dans la mesure où elle n’autorise pas la transmission des bases de données et reconnait le droit de propriété de chaque greffier sur sa base de données.

dans ses observations adressées au Conseil Constitu-tionnel, le gouvernement indiquait d’ailleurs que les transmissions à l’inPi seraient limitées aux « données brutes entrées par les greffiers des tribunaux de commerce dans la version électronique des registres du commerce et des sociétés ».

là aussi la notion de «  données brutes  » sera à préci-ser, probablement dans le décret d’application annoncé pour décembre.

il est indiqué dans la loi que c’est chaque greffier qui communiquera directement l’information, rien de plus normal puisque chaque teneur du registre est respon-sable de son contrôle légal et de l’authentification des informations extraites de son registre.

Comme sur la question tarifaire, il plane sur ce sujet des incertitudes juridiques fortes sur ce qui peut être fait ou pas tant sur le contenu que sur la nature des données à transmettre.

les exposés de cet après-midi de madame falque-Pierrotin, Présidente de la Cnil, et, de maître

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Chéron ont été sur ces différents points très instructifs.

l’accès et les modalités d’exercice de la profession

Ces sujets relèvent de la compétence du ministère de la Justice.

nous sommes aujourd’hui 230 greffiers exerçant sur 134 lieux d’activité.

il existe des passerelles avec différentes professions juri-diques. nous comptons parmi les greffiers d’anciens avoués, notaires, huissiers, avocats.

l’organisation d’un concours spécifique pour accéder à la profession va renvoyer à des questions juridiques et pratiques non négligeables, notamment eu égard à la décision du Conseil Constitutionnel:

Plusieurs notions interviennent et posent des limites : quid du respect de l’affectio societatis pour l’association, quid du devenir des titulaires actuels de l’examen profes-sionnel qui n’exercent pas encore aujourd’hui, quid des greffiers aujourd’hui installés souhaitant rejoindre un autre office ? devront-ils passer un concours ?

et que comprendre des termes de la loi disposant que le gouvernement est autorisé à prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi pour améliorer, par la voie du concours, en fixant les conditions financières de cette mesure, le recrutement des greffiers de tribu-naux de commerce  ». faut-il entendre que la mise en place d’un concours en ce qu’elle porte atteinte au droit de présentation devra donner lieu à une indemnisation financière ? C’est me semble-t-il le sens des déclarations du ministre de l’economie devant la représentation nationale le 4 février dernier, qui prenait en compte l’avis rendu par le Conseil d’etat le 8 décembre 2014

quoi qu’il en soit, il parait essentiel que les dispositions qui seront prises n’aillent pas à l’encontre des objectifs

d’ouverture de la profession.

avant de conclure, j’évoque le projet de justice du 21ème

siècle

les greffiers de tribunaux de commerce sont, en qualité de membre de la juridiction consulaire, directement concernées par les évolutions proposées.

nous nous associons pleinement aux objectifs de modernisation de la justice.

au-delà des considérations relatives aux techniques juridiques, il ne faut pas occulter l’aspect financier prin-cipalement en matière de procédures collectives où la prise en compte par le débiteur de sa participation n’est pas toujours suffisamment assumée.

dans le cadre de la Justice du 21ème siècle, le Conseil national vient de publier une brochure intitulée «  le Greffe numérique», présentant tous les projets de déma-térialisation conçus, engagés et réalisés par la profession au service de la justice commerciale et des entreprises.

* * *

voilà la longue liste sans doute non exhaustive des dossiers qui nous attendent dans les jours et les semaines qui viennent !

il s’agit de rendez-vous essentiels qui vont conditionner la survie même de la profession. les projets de textes d’application suscitent de vives inquiétudes.

l’étape parlementaire achevée, nous sommes au milieu du gué.

même si les premiers projets de textes réglementaires sont connus, il reste de nombreuses interrogations sur les indicateurs et les critères qui seront retenus pour définir avec précision les impacts concrets pour la profession.

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on observe que les trésoreries des greffes sont depuis des années plus que tendues et certains rencontrent des difficultés, notamment, en raison des avances finan-cières opérées dans le cadre des procédures collectives.

Je le disais à l‘instant, le Conseil Constitutionnel saisi d’une qPC sur ce sujet a rappelé le caractère libéral de notre activité.

nous rappelons souvent que les greffiers de commerce sont des entrepreneurs du service public.

si le greffier est officier public et ministériel, il est aussi chef d’entreprise.

alors comment ne pas évoquer :

- la réforme de la caisse de retraite des professions libérales qui va impliquer une très forte hausse des cotisations ? (proche de 50%) ;

- les nouvelles obligations et les problèmes de finance-ment de la formation professionnelle des salariés?

- les augmentions prévues dans le cadre du contrat de groupe de la responsabilité civile professionnelle  ? (+25%) ;

- la mise en place obligatoire du régime complémen-taire de santé.

en plus de la réforme des professions réglementées, il n’est pas possible d’ignorer tous ces sujets qui nous concernent directement et qui sont loin d’être anodins.

l’accumulation des charges aura un effet direct sur la capacité de la profession tout entière à continuer d’investir dans la formation professionnelle et en faveur d’outils techniques performants au nom du service public.

il est de mon devoir de le rappeler à nouveau à cette tribune.

Je me rappelle du trouble que j’avais suscité en février dernier en écrivant à nos interlocuteurs ministériels pour les alerter sur le fait, qu’en plus de la baisse tari-faire de 2013, une nouvelle réforme aurait pour impact de remettre en cause les projets que nous menons avec et pour le compte de l’etat comme le fichier national des interdits de gérer, la plate-forme de publicité légale, le traitement à titre gratuit de 30 000 formalités pour le compte de la dGfiP, l’immatriculation sans émolument des auto-entrepreneurs …

faute de visibilité à plus de trois mois sur la traduction concrète des politiques publiques, ma responsabilité est d’alerter sur les risques auxquels nous sommes expo-sés et qui sont de nature à mettre en péril aussi bien la continuité du service public, la gestion des offices, que les niveaux de rémunération des collaborateurs.

Pour cette raison, la période qui s’ouvre va être décisive.

l’élaboration des textes réglementaires est un exer-cice interministériel sous l’autorité et l’arbitrage de monsieur le Premier ministre.

Je reste persuadé que le ministère de la Justice aura à cœur de défendre l’idée d’une justice qui soit lisible et efficace aussi bien pour ceux qui y participent que pour les usagers qu’elle sert.

* * *

Je veux rappeler le danger de casser un modèle qui fonc-tionne et qui a fait la preuve de sa modernité et de son savoir-faire.

nous ne sommes pas immobiles, nous innovons en permanence et nous en faisons souvent la démonstra-tion à qui veut bien ouvrir les yeux.

que doivent penser mes consœurs et confrères entrés dans la profession il y a quelques mois, ou quelques années, ainsi que ceux qui se sont vu rattacher à prix fort une chambre commerciale de tGi lors de la

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dernière réforme de la carte judiciaire, prix volontaire-ment majoré par l’etat parce que, je cite, « vous avez du potentiel »?

dans les deux cas, ils se sont lourdement endettés et pour longtemps.

la baisse tarifaire de 2013 a déjà eu un impact fort.

Je crains que la prochaine lame de fond ne soit fatale pour beaucoup.

Je termine en vous livrant un sentiment et une interro-gation.

le sentiment, d’abord :

J’ai aujourd’hui cette impression que l’on pousse vers une complexification volontaire les règles qui nous seront applicables.

l’objectif annoncé de la réforme était à l’origine de rendre plus lisible et plus transparente l’activité des professions réglementées au profit des citoyens.

J’ai le sentiment que cette approche vertueuse n’est plus aujourd’hui à l’ordre du jour.

Certains parlent d’usine à gaz, le vent du large me fait plutôt penser à un bateau ivre.

l’interrogation, ensuite :

la sémantique a parfois son importance.

on nous parle, en effet, de concours, d’indices, de coeffi-cients correcteurs, de profession de référence…

ne sommes-nous pas en train de basculer sans le dire dans les prémices d‘une fonctionnarisation qui ne dit pas son nom ?

après la baisse tarifaire arrêtée de 2013 et avec cette réforme en cours qui dévoile son vrai visage, le risque

d’affecter gravement les offices de greffe, l’objectif poursuivi n’est-il pas en fait, le moment venu, de rendre plus abordable pour l’etat le montant des indemnités qu’il aurait à payer en cas de fonctionnarisation des greffes de commerce.

Je vous remercie de votre attention.

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13interVention de Jean-christoPhe

gracia

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monsieur le Président,

mesdames et messieurs les hauts magistrats,

mesdames et messieurs les greffiers,

mesdames et messieurs,

représentant la directrice des affaires Civiles et du sceau, Carole ChamPalaune, qui devait jusqu’à hier après-midi venir clôturer cette journée, mais qui a été retenue à Paris pour participer à une importante séance de l’assemblée générale du Conseil d’etat, je veux vous dire le grand plaisir que j’ai de clôturer ce congrès, en tant que représentant de madame Christiane taubira, Garde des sceaux, ministre de la Justice.

Comme chaque année, cette manifestation est une occasion unique et importante pour votre profession de se réunir, de débattre, d’ouvrir ses horizons sur des domaines divers touchant directement au droit et à la vie de la société. le cadre que vous avez choisi pour les débats de ce jour, la ville de saint-malo, est d’ailleurs particulièrement propice à l’exploration de ces nouveaux horizons, cette ville ayant connu nombre d’étonnants voyageurs, de Jacques Cartier à robert surcouf, de la famille magon à tant d’autres marins, qui ont fait la réputation mondiale de cette ville.

Je disais “plaisir” car vous savez combien madame la Garde des sceaux, ministre de la Justice sait l’excellence

des prestations unanimement reconnue que vous offrez notamment aux entreprises.

***

l’année dernière à la même époque, nous étions dans une démarche de réflexion à l’approche des réformes importantes visant les professions réglementées dans leur ensemble. tout au long de l’année, celles-ci ont été préparées puis débattues au Parlement et enfin votées. la promulgation, le 6 août dernier, de la loi n° 2015-990 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, a mis fin au processus mais pas à l’action que chacun des ministères concernés doit mener, et singulièrement le ministère de la Justice pour prendre les mesures relatives aux professions dont il a la tutelle, afin d’élaborer les nombreux textes d’application de la loi qui sont attendus, et notamment par le Parlement, attaché, comme c’est légitime, à la mise en œuvre la plus rapide possible des textes qu’il a adoptés.

madame la Garde des sceaux vous sait inquiets... mais aussi confiants.

le choix du thème de ce congrès en témoigne : « l’information légale face à l’open data ».

vous regardez, avec ce thème d’une grande actualité, l’avenir, les yeux grands ouverts. J’y vois aussi, mais c’est sans doute le lieu qui m’y pousse, un hommage indirect au plus grand natif de saint-malo, je veux dire

discours de Jean-christoPhe gracia représentant madame Christiane taubira, Garde des sceaux, ministre de la Justice

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Chateaubriand, selon lequel « l’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir, il porte avec lui l’immensité ». ainsi pourrait-on dire avec un peu de malice que de Chateaubriand au big ou à l’open data, il n’y a qu’un pas…

les interrogations qui sont les vôtres témoignent de la haute conception que vous vous faites des missions de service public que vous assumez. madame la Garde des sceaux vous disait l’année dernière que vous aviez raison d’être fiers de votre belle mission de service public, d’être conscients de votre utilité et des services que vous rendez aux entreprises de ce pays. vous défendez votre profession avec force, engagement, dignité et mettez à juste titre en avant la qualité qui la caractérise. Je partage votre souci constant de préserver la qualité dans l’exercice de votre profession parce qu’elle participe de la sécurité juridique et de la confiance sans lesquels les opérateurs économiques sont entravés dans leurs investissements, dans leur croissance, dans leur réussite et parfois, y jouent parfois leur survie. en effet, comme vous le savez, la direction des affaires Civiles et du sceau place au frontispice de ses valeurs, la sécurité juridique, qui est la marque de notre droit et, plus généralement du droit continental, et qui est la garantie, pour les opérateurs économiques, d’évoluer dans un environnement normatif sûr.

madame la ministre vous avait également fait part de son indignation quant aux termes d’abord employés à votre encontre. Cela est derrière nous et il s’agit désormais, je le redis, pour le ministère de la Justice de rédiger, avec le ministère de l’economie, de l’industrie et du numérique, les textes qui vont mettre en œuvre des réformes que le Parlement a estimé nécessaires pour donner un nouveau souffle au modèle français des professions réglementés, maintenu, mais adapté à de nouvelles exigences, ouvert à de nouveaux enjeux. en qualité de tutelle de votre profession, le ministère de la Justice est pleinement engagé, n’en déplaise à un journal du soir, pour donner corps à cette réforme, qui ne met pas en cause la spécificité de votre mission de service public que vous accomplissez.

la loi du 6 août 2015 vise, à introduire, en simplifiant le recours au salariat dans les offices publics, de la souplesse et de dynamisation dans votre profession, notamment dans l’optique d’une future installation ou association de jeunes diplômés. un greffier titulaire d’un greffe qui le jugera utile ou nécessaire pourra recruter jusqu’à deux greffiers salariés et la personne morale titulaire d’un greffe pourra employer comme greffier salarié jusqu’au double des greffiers de tribunal de commerce associés qui y exercent la profession. la limitation de l’âge d’exercice de la profession à 70 ans avec possibilité de prolongation pour une durée de 12 mois, participe de cette même volonté.

Par ailleurs, l’aménagement et la réforme des voies d’accès à votre profession doivent permettre une amélioration dans le recrutement des greffiers. il n’est évidemment pas ici question de stigmatiser votre profession mais d’instiller davantage de diversité pour permettre à tous ceux qui aspirent à y accéder de le faire dans un cadre rénové. il n’est évidemment pas non plus question de porter atteinte au droit de présentation. Ce dernier subsiste et continue d’être exercé dans des conditions justes. Ce droit de présentation a d’ailleurs été reconnu comme conforme à la constitution par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 26 mars 20151.votre Conseil national s’est félicité de cette décision validant la qualité de professionnels libéraux reconnue aux greffiers des tribunaux de commerce et consacrant la qualification « d’entrepreneurs du service public ».

Cette expression d’entrepreneurs du service public apparaît pertinente pour qualifier votre profession caractérisée par cette dualité qui est celle d’exercer des attributions analogues à celles des greffiers en chef des autres juridictions, pour lesquelles vous ne recevez aucun émolument, et celle d’exercer des attributions à caractère économique au profit des entreprises, activité sur laquelle vous percevez votre « rémunération ». votre profession a pu dire à l’autorité de la Concurrence,

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1 décision n° 2015-459 qPC du 26 mars 2015

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avant qu’elle ne rende son avis en janvier 2015, que l’exercice des attributions juridictionnelles occuperait en moyenne 50% du temps passé par un greffier. le ministère de la Justice est conscient de l’engagement sans faille dont font preuve les greffiers dans l’exercice de leurs missions de service public. Ce professionnalisme exemplaire mérite, à tous égards, le respect.

revenons au thème que vous avez choisi pour ce congrès et qui porte spécialement sur l’information légale qu’il vous revient d’assurer.

Cette mission consiste dans la tenue de registres et la diffusion de l’information juridique et financière sur les entreprises. vous assurez ainsi la tenue de l’état-civil des entreprises. outil indispensable à la transparence économique, le registre du commerce et des sociétés permet d’avoir une information authentifiée et actualisée sur les personnes qui doivent s’y immatriculer. la qualité et l’utilité de cet outil reposent en amont sur le travail de contrôle de régularité et de légalité que vous effectuez en votre qualité d’officier public et ministériel et en aval sur les moyens techniques développés par l’ensemble de la profession qui permettent de diffuser cette information légale.

le ministère de la Justice est conscient en la matière des efforts permanents de la profession afin d’améliorer toujours plus la qualité du service et de développer les outils permettant un accès à une information économique de qualité. votre profession participe ainsi aux travaux sur la création d’un portail de publicité légale des entreprises pour permettre un accès unique aux bases de publicité légale des sites du bodaCC, de votre profession et du site de l’association de la presse pour la transparence économique (atPe) qui regroupe les journaux d’annonces légales.

Comme vous le savez, la loi du 6 août 2015 a pour objet d’améliorer la diffusion et la réutilisation des informations techniques, commerciales et financières contenues dans le registre national du commerce et des sociétés tenu par l’institut national de la propriété industrielle (« inPi »).

Ces évolutions ne sont pas propres à votre profession et s’insèrent dans un mouvement plus général de développement de l’open data et de publication des données publiques. Pour exemple, l’inPi diffuse depuis le 1er octobre 2014 ses données relatives aux titres de propriété intellectuelle à des fins de réutilisation et les met à disposition dans des formats ouverts. de même, sont librement gratuites et réutilisables les données publiques juridiques et, depuis juillet 2015, économiques, détenues par la direction de l’information légale et administrative (dila), comme cela nous a été exposé ce matin.

un projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des données publiques a, par ailleurs, été examiné le 6 octobre en séance publique à l’assemblée nationale2 et a pour objet d’instaurer un principe de gratuité de la réutilisation des informations publiques et de restreindre les exceptions ouvertes par la directive en matière de tarification et d’accord d’exclusivité.

Je connais les vives inquiétudes de votre profession s’agissant de la mise en œuvre de l’article 60 de la loi du 6 août 2015. les précisions apportées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 5 août 2015 sont, je pense, de nature à rassurer votre profession.

Je sais aussi que votre profession sera, comme toujours, un précurseur dans la diffusion de l’information légale. vous l’avez montré en ouvrant le site internet datainfogreffe dont le nombre de connexions montre l’intérêt et l’appétence des internautes et plus généralement de l’ensemble de la société, pour l’accès aux données, ce que le Gouvernement doit développer tout en s’assurant du respect des droits fondamentaux. la démonstration qui nous a été faite montre la grande facilité d’utilisation de cet outil dont l’utilisation par les opérateurs économiques doit pouvoir éclairer leurs décisions des uns ou susciter des autres, des initiatives encore inconnues à ce jour.

vous avez ainsi montré, par cette décision stratégique

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2 http://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl3037.asp

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majeure, que vous êtes pleinement engagés dans la démarche de l’open data, prouvant qu’en réalité, ce n’est pas d’un « face-à-face » entre information légale et open data, dont il s’agit, mais d’une véritable continuité entre l’open data et l’information légale.

Pour autant, il ne peut être passé sous silence que se pose la question du modèle économique de vos greffes du fait de la diffusion de l’information légale à des conditions revues. ainsi, d’une part, la mise en ligne gratuite de données interroge et cela a été au cœur des discussions de ce matin. il me semble à cet égard que la distinction de « l’acte » et de la « donnée » qu’il contient pourrait être féconde. d’autre part, vous avez à de nombreuses reprises fait part de la crainte que la loi du 6 août 2015 et ses décrets d’application, ne remette en cause l’équilibre financier de vos greffes.

de nouvelles modalités de fixation des tarifs sont en effet prévues par la loi du 6 août 2015, dont j’ai conscience qu’elles puissent susciter des interrogations de votre part au regard de leur caractère et de leur orientation totalement nouveaux. Pour autant, en refondant la détermination des tarifs sur les coûts pertinents et une rémunération raisonnable, à l’évidence, le législateur a affirmé que le nouveau modèle économique sur lequel reposera désormais votre activité était un modèle d’efficience, prenant en compte les investissements capitalistiques et humains nécessaires au bon accomplissement de vos missions.

J’évoquais le travail réalisé par les greffiers pour les tribunaux de commerce ; je veux aussi insister sur les efforts consentis par les greffiers dans l’exercice de leurs missions de service public. sans en reprendre l'énumération, votre profession exerce, sans contrepartie financière directe, de nombreuses missions d'intérêt général. en outre, dans un passé récent, votre profession a manifesté, à diverses reprises, sa contribution à la réduction des coûts auxquels les justiciables, les entreprises et les particuliers, peuvent accéder aux services que vous assurez dans des conditions de délais et de qualité particulièrement remarquées.

le décret du 19 mai 2014 a réduit les frais d’immatriculation au registre du Commerce et des sociétés pour les commerçants personnes physiques et les sociétés commerciales ; il a supprimé le surcoût de la transmission d’un extrait d’immatriculation du registre du commerce, par voie électronique sécurisée. de son côté, la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises prévoit qu' « aucun émolument n'est dû par les personnes physiques exerçant une activité commerciale et bénéficiant du régime prévu à l'article l. 133-6-8 du code de la sécurité sociale pour les formalités d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, d'inscription modificative ou de radiation de ce registre. » en clair, aucun émolument n’est dû par les auto-entrepreneurs pour ces diverses formalités. il s’agit d’une mesure concrète, qui répond à l'attente et aux objectifs de ce nouveau statut.

Ce sont des exemples d’évolutions positives qui montrent que votre profession s'est inscrite dans une dynamique de réduction des coûts.

toutefois, ainsi que la Garde des sceaux l’avait rappelé l’an dernier à votre congrès de dijon, le droit n’est pas un produit comme un autre et les services juridiques, dans la mesure où ils participent à la sécurité juridique, ne peuvent être appréhendés de la même façon que toute autre prestation de service. en effet, si les professions du droit sont réglementées, c’est avant tout pour assurer la sécurité des biens et des personnes. or cette sécurité, au demeurant difficilement quantifiable, contribue de façon évidente à la compétitivité de notre pays, dans la mesure où les actes juridiques, qui concrétisent de nombreux accords commerciaux, sont garantis par les règles encadrant les professions juridiques.

a cet égard, le tarif forme un ensemble cohérent et toute révision substantielle doit porter sur ses divers éléments constitutifs. il convient également d’intégrer le fait que le même tarif est appliqué partout, par des professionnels se trouvant dans des situations très différentes : le même acte n’a pas le même coût ni le même impact selon les cas et le tarif doit tendre à tenir compte de ces variétés de

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situations et garantir le maillage qualitatif et quantitatif.

la loi du 6 août 2015 pose les grands principes de fixation des tarifs dont les nouvelles modalités seront précisées tant par le décret tarifaire que par arrêtés. lors des phases d’élaboration de ces textes d’application, vous pourrez continuer de faire valoir vos observations, apporter vos idées et votre expérience.

on peut envisager qu’un tarif soit fixé différemment avec, par exemple, un meilleur équilibre entre certains actes et prestations, une meilleure prise en compte des coûts ou des progrès apportés par les nouvelles technologies, une redistribution au sein de la profession.

la volonté du gouvernement est, en se fondant sur les critères définis par la loi, de rendre ce tarif plus performant et mieux adapté à l’évolution de l’environnement économique, tout en préservant la nécessaire et indispensable sécurité juridique assurée par la qualité de votre profession. les nouvelles dispositions s’inscrivent dans une perspective de stabilité à moyen terme, permettant à chacun d’avoir une visibilité sur ses engagements et ses investissements.

il me semblait important d’évoquer longuement et précisément avec vous ces dispositions importantes qui font l’actualité de votre profession (et aussi celle du ministère de la Justice) afin de dédramatiser la situation et d’engager une dynamique sereine. Je sais que votre profession a toujours fait preuve, d’une capacité d’adaptation sans faille. Cette réforme vous demandera des efforts – mais quelle profession, quelle activité n’est pas appelée à faire des efforts pour contribuer à l’adaptation de notre pays au monde tel qu’il est ; la chancellerie en a conscience et la Garde des sceaux m’a demandé de vous dire la confiance qu’elle a en votre profession reconnue par les entreprises et la justice commerciale, comme « compétente, innovante, diligente et efficace ».

l’actualité de votre profession qui poursuit sans discontinuité sa mission a été également marquée par des événements dont je ne peux que me réjouir et que je

souhaite évoquer devant vous.

il en va ainsi de la formation continue ayant pour objectif d'assurer la mise à jour et le perfectionnement des connaissances nécessaire à l'exercice professionnel, sous la responsabilité du Conseil national chargé depuis 2012 du contrôle de l’accomplissement effectif de l’obligation de formation continue des greffiers. vous êtes exemplaire en la matière puisque la formation continue obligatoire (20 heures au cours d'une année civile ou à 40 heures au cours de deux années consécutives) a été en moyenne de 23,9 heures par greffier en 2014. Ce chiffre était de 22,49 heures en 2013 et 20,43 heures en 2012. il est donc en constante augmentation et témoigne de votre implication dans l’exigence de qualité que vous vous êtes fixés.

Je dois également saluer votre engagement, dans la lutte contre la fraude. vous en aviez fait le thème de votre congrès 2014 à dijon, démontrant votre choix de devenir un acteur engagé dans cette lutte. Ce sujet reste extrêmement sensible pour les pouvoirs publics  ; pour mémoire, les chiffres les plus couramment évoqués évaluent la perte à 60 à 80 milliards d’euros pour les finances publiques en matière fiscale et à 20 à 25 milliards d’euros pour la fraude sociale.

Cette information légale qui est au cœur des débats de cette journée n’est en effet pas seulement à destination des utilisateurs finaux que sont les entrepreneurs ou leurs partenaires. elle constitue un outil important afin d’exercer des missions régaliennes telles que la lutte contre les fraudes ou la mise en œuvre du contrôle et du recouvrement des impôts.

la convention de partenariat que votre profession a signé avec traCfin le 3 avril 2015 en est l’illustration.

votre profession est aussi engagée dans le programme de simplification décidé par le Président de la république. ainsi dans le cadre des travaux de simplification sur la suppression de l’obligation d’enregistrement des actes constituant la formation d’une société, votre profession a proposé de transmettre aux services de la

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Chapitre 13

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direction générale des finances publiques des données et informations se trouvant dans le registre du commerce et des sociétés. l’obligation d’enregistrement des actes constatant la formation d’une société auprès des services des impôts étant effective depuis le 1er juillet 2015, je ne doute pas que votre profession continuera, selon les modalités de transmission arrêtées en concertation avec la direction générale des finances publiques, à apporter son concours à la mise en œuvre de cette mesure de simplification afin que les services des impôts puissent continuer à disposer des actes et données nécessaires à l’exercice de leurs missions régaliennes de recouvrement de l’impôt. C’est une autre forme de contribution au service public dans laquelle vous vous êtes engagés et qui démontre que vous œuvrez pleinement dans l’intérêt général.

Cet engagement vient aussi au soutien d’une forme de libre circulation de l’information légale au plan européen. en effet, la diffusion de cette information légale ne s’arrête pas à nos frontières et je sais que votre profession participe, avec la chancellerie, à la mise en œuvre de l’interconnexion des registres du commerce et sociétés prévue par la directive 2012/17/ue du 13 juin 2012 modifiant la directive 89/666/Cee du Conseil et les directives 2005/56/Ce et 2009/101/Ce du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'interconnexion des registres centraux, du commerce et des sociétés. sur ce sujet, votre profession, comme le président bobet l’a rappelé dans son discours, est un interlocuteur particulièrement apprécié de la Commission européenne.

Je suis certain par ailleurs que votre profession continuera d’apporter son concours aux projets du ministère de la Justice, tels que le fichier national des interdits de gérer, dont l’ouverture est prochaine et auquel madame la Garde des sceaux avait souligné son attachement, lors de sa venue au précédent congrès de votre profession, compte-tenu des enjeux de prévention des infractions et d’exécution de justice dont il est porteur. fidèles à vos engagements et conformément à la volonté du législateur qui vous a confié cette tâche, pour

laquelle vous vous étiez proposés, il vous appartiendra de le mettre en œuvre à partir du 1er janvier 2016.

la profession a enfin choisi, dans une dynamique volontariste, de s’engager et de s’impliquer dans un nouveau grand chantier de réformes dans le cadre du projet de loi « justice du xxième siècle » s’inscrivant ainsi dans la modernisation du service public. vous êtes à cet égard force de proposition, notamment pour contribuer à la diminution du coût des procédures collectives qui est un des objectifs poursuivis par la dernière réforme menée en la matière par le ministère de la Justice. vous vous préoccupez, encore, du bien commun, en cherchant les voies de la diminution des frais de justice, qui vous ont conduit à faire des propositions actuellement à l’étude.

***

toutes ces évolutions de la diffusion de l’information légale que votre profession accompagne pour certaines et initie pour d’autres, participent aux travaux de modernisation de l’économie engagés par le Gouvernement en faveur des entreprises et auxquels travaillent dans leur sphère de compétence les services de la direction des affaires Civiles et du sceau.

le ministère de la Justice et en son sein la direction des affaires Civiles et du sceau souhaite continuer à travailler, cette année encore, avec des interlocuteurs de votre qualité afin de mettre en œuvre, rapidement et efficacement dans l’esprit du législateur qui a recherché les voies de la modernisation et de l’efficacité les différentes réformes en cours.

Pleinement parties prenantes de la justice du 21ème siècle, je sais que vous aurez à cœur d’en faire une réussite au service de vos missions.

Je vous remercie.

Chapitre 13

Actes du 127e congrès 115

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14l'actualite de la Profession en 2015

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l’examen parlementaire, la publication et la préparation des textes réglementaires de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dite «  loi macron  » ont été le fil rouge de l’actualité de la profession en 2015.

Plusieurs dispositions contenues dans le projet concernaient directement la profession de greffier de tribunal de commerce dont, notamment, les modalités de fixation et de révision des tarifs des professions juridiques réglementées, la transmission sans frais par les greffiers à l’inPi des données du rCs, la mise en place d’un concours pour l’accès à la profession ainsi que la limite à soixante-dix ans de l’exercice professionnel.

Présenté en Conseil des ministres en décembre 2014, le projet de loi pour la croissance et l’activité a fait l’objet d’un examen en première lecture à l’assemblée nationale en début d’année. le gouvernement a alors engagé sa responsabilité sur ce texte en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. la motion de censure déposée n’ayant pas obtenu la majorité requise, le texte a été déclaré comme adopté par l’assemblée nationale en première lecture, sans vote, le 19 février 2015.

le Conseil national a rédigé des amendements qui ont été relayés par les greffiers auprès des parlementaires au niveau local. le Conseil national a également été auditionné au sénat par le rapporteur en charge des questions relatives à la justice contenues dans le projet de loi.

le sénat a largement remanié le texte qui a été

adopté le 12 mai 2015, après 133 heures de débat et 627 amendements adoptés. a la suite de l’échec de la Commission mixte paritaire, le gouvernement a engagé une deuxième fois la procédure de l’article 49-3, conduisant à l’adoption du texte par l’assemblée nationale dans son intégralité en deuxième lecture le 18 juin 2015. de nouveau saisi, le sénat a rétabli le texte tel qu’il l’avait adopté précédemment.

le 10 juillet 2015, au lendemain de l’examen par la Commission spéciale de l’assemblée nationale, le Premier ministre a utilisé une troisième fois l'article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le texte, sans vote et en lecture définitive, par l’assemblée nationale. 

Chacune des deux assemblées a saisi le Conseil Constitutionnel. le Conseil national a préparé activement ces deux recours et transmis aux personnes en charge un argumentaire complet sur les articles qui concernent la profession. dans sa décision n°2015-715 dC du 5 août 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions que nous contestions conformes à la Constitution mais a repris dans ses considérants les éléments essentiels, établissant de claires règles d’interprétation qui seront très utiles dans l’élaboration des normes d’application.

La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a été promulguée le 6 août 2015.

le Conseil national reste mobilisé dans les négociations concernant l'élaboration des décrets d'application à venir.

l’a c t ua l i t é des greffiers des triBunaux de commerce en 2015

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L’actualité 2015 des greffiers des tribunaux de commerce a également concerné les sujets suivants :

i - L’ACTUALiTÉ DU ConsEiL nATionAL

Décisions de justice : Par sa décision QPC n° 2015-459 du 26 mars 2015, le Conseil Constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le droit de présentation des greffiers des tribunaux de commerce. il a relevé que, s'ils participent à l'exercice du service public de la justice et ont ainsi la qualité d'officier public nommé par le Garde des sceaux, les greffiers titulaires d'un office exercent une profession libérale et n'occupent pas des « dignité, places et emplois publics » au sens de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 2 décembre 2014 a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 23 mai 2013 en condamnant monsieur James mountary, gérant de la sarl inforegistre à une lourde sanction pénale de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et d'une amende de 30 000 euros. Cette première décision rendue dans le cadre de la lutte contre les sociétés parasites constitue une jurisprudence favorable pour les affaires pendantes et à venir. le Conseil national invite les greffiers à rester vigilants et rappelle l’importance de signaler au procureur toute pratique frauduleuse.

Textes publiés  : Le décret n° 2015-194 du 19 février 2015 sur la mise en œuvre du Fichier national des interdits de Gérer (fniG) a été publié au Jo du 21 février 2015. il comporte des mesures d’application de la loi du 22 mars 2012 qui a posé le principe du fichier national dont la tenue est confiée au Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. bien que ce texte prévoie une entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2016, les travaux de mise en place avec la délégation nationale de la lutte contre la fraude et la Chancellerie ont été suspendus en raison de l’actualité liée à la réforme des professions réglementées.

a la suite de la dissolution du GiP Guichet entreprises le 31 janvier 2015, un service à Compétence nationale

(sCn) a été créé par arrêté du 22 avril 2015 pour reprendre la gestion de cette activité. le sCn Guichet-entreprises a pour mission d’assurer la mise à disposition d’un service électronique accessible par internet, sécurisé et gratuit, permettant d’effectuer à distance et par voie électronique divers types de formalités et de procédures. un comité d’orientation stratégique a été mis en place en vue de rendre des avis sur les travaux à effectuer.

l’union européenne a publié le règlement 2015/848/UE du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité. Ce texte, qui vise à améliorer la gestion des procédures d’insolvabilité transfrontalières, comprend notamment des dispositions régissant la compétence, la loi applicable, ainsi que la reconnaissance et l'exécution des décisions rendues dans le cadre de ces procédures. Par ailleurs, il prévoit la création de registres nationaux d’insolvabilité (avant le 26 juin 2018) et un système d’interconnexion de ces registres.

La directive 2015/849/UE du 20 mai 2015, quatrième directive anti-blanchiment, a également été publiée le 5 juin 2015. elle met l’accent sur l’identification du réel bénéficiaire, l’objectif étant de s’assurer que toute personne détenant le contrôle effectif sur une société ou entité juridique est identifiable. afin de satisfaire cet objectif, elle contraint les états membres à obtenir et conserver des informations satisfaisantes, exactes et actuelles sur ces bénéficiaires effectifs dans des registres centraux avant le 26 juin 2017.

Accès à la profession : en 2014, 6 candidats sur 10 ont réussi l’examen d’aptitude à la profession. une quinzaine de candidats devraient se présenter à la session 2015. il est à noter que 7 greffiers et 1 greffier salarié ont été nommés au cours de l’année 2014.

Actualité sociale  : dans le cadre des dispositions légales du 14 juin 2013 sur la généralisation de la complémentaire santé et de l’accord de branche du 12 décembre 2014, le Conseil national a publié un appel d’offre ouvert à tous les organismes d’assurance afin d’en sélectionner un aux conditions définies dans le cadre de

Chapitre 14

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la commission mixte paritaire. le choix s’est finalement porté sur l’offre faite par harmonie mutuelle et apreva mutuelle qui ont donc été recommandées dans l’accord de branche pour assurer le régime complémentaire santé de la profession.

ii - ACTions DU ConsEiL nATionAL DAns LE CADrE DE LA ForMATion :

Formation des greffiers  : Le séminaire national de formation s’est tenu du 25 au 27 mars 2015 à bruxelles. il avait pour objectif de mettre en lumière l’importance des dossiers européens qui concernent directement la profession. Ce premier séminaire organisé à l’étranger a connu une forte fréquentation puisqu’il a permis de réunir 160 greffiers.

un rapport sur l’obligation de formation continue des greffiers des tribunaux de commerce de 2014 a été élaboré par le Conseil national. Ce rapport, présenté le 3 juillet 2015 à un comité scientifique composé de magistrats, d’universitaires et de greffiers, a permis de faire un bilan après trois années de mise en œuvre effective de l’obligation de formation professionnelle.

sur l’année 2014, 5  333 heures de formation ont été suivies par la profession, 95% des greffiers ayant participé à une formation. il est également à noter que 72% des greffiers en exercice ont suivi au moins 20 heures de formation dans l’année, pourcentage en hausse constante depuis l’instauration de l’obligation de formation. ainsi, chaque greffier a suivi en moyenne 23,09 heures de formation en 2014, soit près de 3 heures de plus qu’en 2012. le bilan des trois premières années de formation est globalement très positif.

dans le prolongement du congrès de dijon et pour faire suite aux demandes de la profession, le Conseil national a mis en place des ateliers de formation en effectif restreint sur le thème du management des collaborateurs. un module de formation sur les auto-entrepreneurs a également été proposé aux greffiers. enfin, une formation sur la déontologie, les règles

professionnelles et les inspections a été organisée à l’attention des greffiers nouvellement nommés et des inspecteurs du Conseil national.

le partenariat entre le Conseil national et l’enm va être renouvelé pour trois ans. en 2014, 57 greffiers ont participé aux formations organisées par l’enm.

Formation des salariés : en 2014, 67 salariés de greffes étaient inscrits au cycle de formation CnG  : 65% des salariés inscrits à l’examen de première année l’ont réussi, et 79% des candidats ont réussi l’examen de deuxième année.

Par ailleurs, 431 salariés ont suivi les formations organisées avec elegia sur l’année 2014. il faut noter qu’en 2015, 310 salariés ont déjà suivi ces formations, dont 191 pour la seule formation sur les micro-entrepreneurs.

iii - ACTions DE CoMMUniCATion DU ConsEiL nATionAL :

Publications  : la profession a élaboré son rapport d’activité pour l’année 2014. Ce cinquième rapport d’activité a été largement diffusé à l’ensemble des greffiers, aux présidents des tribunaux de commerce, aux premiers présidents de cours d’appel, à tous les députés et sénateurs, mais aussi aux différents interlocuteurs et partenaires du Conseil national. Ce document a pour ambition de rendre compte et de valoriser les différentes actions engagées par la profession durant l’année écoulée. Pour la première fois, le rapport d’activité met en avant des jeunes professionnels. il est également consultable sur le site internet du Conseil national.

le Conseil national a publié les actes du 126ème congrès des greffiers des tribunaux de commerce dont le thème était «  l’information légale au service de la lutte anti-fraude ».

en complément de la lettre mensuelle d’information, dont l’objectif est de donner un aperçu de l’activité quotidienne du Conseil national et de l’actualité de

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Chapitre 14

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la profession, le CnG a décidé, dans le prolongement du séminaire de formation de bruxelles, de créer une lettre d’information trimestrielle afin de maintenir la profession en liaison avec l’actualité européenne. le premier numéro de cette lettre Europ’info a été diffusé en juin dernier.

une deuxième édition de la brochure destinée aux entrepreneurs en difficultés a été réalisée intégrant les dispositions issues de la réforme des procédures collectives.

Une chronique sur l’actualité du registre du commerce et des sociétés a été publiée dans le bulletin Joly « sociétés » sous la direction de Jean-marc bahans, greffier associé de bordeaux, et avec la participation de nombreux confrères (maîtres fournier, Gourlaouen, léger, mpouki, oudenot et teboul). Cette chronique reprend les principaux changements de l’année 2014 et des premiers mois de 2015, et fait également un résumé des avis rendus par le CCrCs, dont le Conseil national assure le secrétariat.

site internet/extranet  : un an après la rénovation de l’extranet de la profession, le nouveau site internet du Conseil national a été mis en ligne. Cette version modernisée propose un équilibre entre une approche institutionnelle et un espace d’informations générales, pratiques et opérationnelles sur la profession, son organisation et ses missions au quotidien. Comme cela avait été le cas pour l’extranet, le nouveau site utilise une technologie permettant la consultation sur n’importe quel support (ordinateurs, tablettes, téléphones portables…).

l’extranet a été développé afin de proposer un accès spécifique aux collaborateurs pour lequel chaque greffier peut accorder des droits. l’outil de statistiques a aussi été amélioré pour proposer la consultation des tableaux de bord d’activité par Cour d’appel.

L’ensemble des avis rendus par le Comité de coordination du rCs a été mis en ligne sur le site public du Conseil national. Plus de 600 avis, depuis le premier rendu en 1984, sont accessibles.

Le renouvellement des certificats pour la signature électronique du registre chronologique a été organisé en juin dans la mesure où le dispositif mis en place lors du Congrès d’annecy en 2012 arrivait à échéance.

la 5ème édition du Prix des Masters 2 du Conseil national a été remportée par nicolas Gleizes de l’université Paris ii - Panthéon assas pour son mémoire sur le thème « fiducie et restructuration d’entreprise ».

iV - PArTEnAriATs DE LA ProFEssion

dans le cadre de la représentation de la profession, le Conseil national a continué sa politique de partenariats.

La Fondation pour le Droit Continental en tant que relai auprès des pouvoirs publics permet de proposer des évolutions législatives et réglementaires du droit national. elle permet également de se rapprocher de partenaires étrangers et des administrations européennes et internationales pour faire valoir les

Chapitre 14

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le Conseil national a publié une brochure intitulée « le greffe numérique, la dématérialisation au service de la justice commerciale et des entreprises » afin de mettre en lumière la politique volontariste et innovatrice de la

profession en matière de dématérialisation et de communication électronique. Cette publication recense les différentes actions et projets menés par les greffiers des tribunaux de commerce et présente les différentes facettes du « greffe numérique » français.

Le greffe numérique

L a d é m at é r i a L i s at i o n a u s e r v i c e d e L a j u s t i c e c o m m e r c i a L e e t d e s e n t r e p r i s e s

Les Greffiers des Tribunaux de Commerce Entrepreneurs du service public

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spécificités françaises telles que le rCs ainsi que le savoir-faire des greffiers. Philippe bobet et frédéric barbin interviendront lors de la convention annuelle des juristes de la méditerranée qui aura lieu à beyrouth les 22 et 23 octobre 2015 sur le thème «  les relations familiales dans l’espace méditerranéen ».

Une convention de partenariat entre la profession et les services de TrACFin a été signée. Ce partenariat permettra à la profession de mettre en place des actions concertées en vue d’adresser à traCfin des informations utiles à l’exercice de sa mission. un comité de pilotage composé de représentants de traCfin et du Conseil national sera notamment chargé de l’élaboration de propositions et du suivi des actions. des points comme l’automatisation des signalements, la connexion d’infogreffe au futur système informatique de traCfin et la mise en place de formations adaptées à la profession pourront être abordés.

a l’occasion du 126ème Congrès des greffiers à dijon, la convention de partenariat entre le Conseil national et la Caisse de dépôts a été renouvelée en présence de madame nathalie Gilly, directrice des services bancaires. d’une durée de quatre ans, cette convention définit les domaines d’intervention suivants : contribuer à la performance du service public de la justice, développer la formation continue, sécuriser les fonds des tiers, promouvoir et accompagner les réformes réglementaires.

le Conseil national est dorénavant présent à bruxelles par l’intermédiaire du cabinet de conseil athenora afin d’assurer le suivi des affaires européennes. ainsi, une réunion est organisée chaque mois avec le cabinet athenora pour suivre au plus près les dossiers européens qui concernent la profession.

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15le congrès en images

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conseil national

Le Conseil National s'est réuni la veille du 127ème Congrès. Cette réunion était précédée d'une réunion du Bureau du CNG.

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Palais des congrès

Le 127ème congrès s'est déroulé dans le cadre du Palais du Grand Large de Saint-Malo.Les travaux, alternant interventions d'experts, de greffiers et d'universitaires, ont porté sur l'information légale face à l'Open data

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soirée du 8 octoBre

Après un cocktail d’accueil à bord de la frégate corsaire L’Etoile du Roy, la soirée de gala s’est

déroulée à l’Espace Duguay-Trouin.

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Journée du 9 octoBre

La journée a été consacrée à la formation, à l'assemblée générale, aux questions d'actualités et

aux remises de médailles de la profession.Une huîtrerie de Cancale a été le cadre de la soirée

de clôture du congrès

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l'esPace Partenaires du congresRendez-vous incontournable, l'espace partenaire constitue pour les congressistes une occasion privilégiée de rencontrer les principaux acteurs du secteur, d'échanger avec eux et d'être informés des dernières nouveautés.

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Publication du Conseil national des Greffiers - Janvier 2016 / Conception graphique : Communication Photos : yves forestier / impression : tPi-sa - imprimé sur du papier issu de forêts écologiquement gérées.

le Conseil national remercie les partenaires du 127ème congrès : la Caisse des dépôts et Consignations,

ainsi que infogreffe, amitel, Chambre nationale des commissaires priseurs judiciaires (CnCPJ), agora, la société de Clarens, association nationale des Chèques vacances (anCv), apria ram, replay, docapost, Cavom, mach,

studia lifing, fromental, ediis, novalto, les editions légisaltives, elegia formation, doc direct, harmonie mutuelle, Crepa, neopost france.

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les actes du 127ème congrès du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce sont publiés avec le concours de la Caisse des dépôts

et Consignations.

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CnG

Conseil national des Greffiers des tribunaux de CommerCe

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