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    JO NESB

    L toile

    du diable

    TRADUIT DU NORVGIENPAR ALEX FOUILLET

    GALLIMARD

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    Titre original et copyrights

    Titre original :

    MAREKORS

    Jo Nesb 2003.

    Published by agreement with Salomonsson Agency.

    ditions Gallimard, 2006, pour la traduction franaise.

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    PREMIRE PARTIE

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    Chapitre 1

    Vendredi. uf

    Limmeuble avait t construit en 1898 sur un terrain argileux qui stait insensiblementaffaiss vers louest, de sorte que leau passa le seuil du ct o la porte tait gonde, plus louest. Elle coula sur le sol de la chambre coucher en tirant un trait mouill sur le parquet dechne, toujours vers louest. Le flux sarrta un instant dans un renfoncement du parquet avantque davantage deau narrive de derrire, avant de filer comme un rat inquiet jusquau mur.Leau stala alors dans les deux sens, cherchant et reniflant presque sous la plinthe jusqu trouver un interstice entre le bout des lattes et le mur. Dans cet interstice se trouvait une pice decinq couronnes frappe du profil de saint Olaf et marque de l anne 1987, un an avant que lapice ne tombe de la poche du menuisier. Mais ctait alors une priode de vaches grasses, il yavait beaucoup dappartements sous les toits remettre rapidement en tat, et le menuisier ne

    s

    tait pas donn la peine dessayer de la retrouver.Leau ne mit pas longtemps trouver un chemin travers le sol sous le parquet. Hormis

    lors dune fuite en 1968, lanne o limmeuble avait reu un nouveau toit, les lames de parquetavaient sch et staient rtractes de faon ininterrompue depuis 1898, de sorte que la fenteentre les deux grandes planches de sapin du bout mesurait pratiquement un demi-centimtre. Endessous, leau rencontra lune des poutres, et fut emmene un peu plus loin vers louest, verslintrieur du mur. Elle y fut absorbe dans lenduit et le mortier que le matre maon JacobAndersen, pre de cinq enfants, avait prpars plus de cent ans auparavant. Comme tous lesautres maons de lpoque, Andersen fabriquait son enduit et son mortier. Il appliquait desproportions de chaux, de sable et deau qui lui taient propres, et il avait une spcialit : des crinsde cheval et du sang de porc. En effet, Jacob Andersen pensait que les crins et le sang semlaient pour rendre lenduit plus rsistant. Lide ntait pas de lui, avait-il avou sescollgues incrdules. Son pre et son grand-pre, tous deux cossais, avaient employ la mmerecette en utilisant le mouton. Et bien quil et renonc son nom cossais et quil ft devenumatre maon, il ne voyait aucune raison de ne plus mettre profit une exprience vieille de sixcents ans. Certains de ses collgues trouvaient que ctait immoral, certains le pensaient demche avec le dmon, mais la plupart ne faisaient que se moquer de lui. Cest peut-tre lun desderniers qui labora une histoire qui savrerait ds lors bien implante dans cette villeflorissante qui sappelait alors Kristiania. Un cocher de Grnerlkka stait mari avec sacousine du Vrmland, et ils avaient emmnag ensemble dans un studio dans Seilduksgata, danslun des immeubles construits entre autres par Andersen. Le premier enfant du couple avait eu lemalheur de venir au monde avec des boucles brunes et des yeux marron. Les parents tant tousdeux blonds aux yeux bleus, et le pre naturellement jaloux, celui-ci avait pass sa bonne femme tabac tard dans la nuit, avant de la descendre la cave et de ly emmurer. Ses cris avaient tefficacement touffs par les murs pais dont elle faisait dsormais partie intgrante, coinceentre deux couches denduit. Son mari avait peut-tre tabl sur une mort par asphyxie, mais sil yavait une chose que les maons savaient faire, ctait assurer une circulation dair correcte. Lapauvre femme avait fini par se dchaner sur le mur coups de dents. Et la technique avaitpeut-tre pay, puisque lcossais Andersen se servait de crins et de sang, pensant ainsi pouvoirfaire lconomie dune chaux de meilleure qualit, le mur tait poreux et cdait prsent sous les

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    coups rpts de fortes dents vrmlandaises. Mais sa gloutonnerie lui fit avaler de trop grossesbouches de mortier et de brique. Elle finit par ne plus pouvoir ni mcher, ni avaler, ni recracher,et le sable, les gravats et des fragments dargile brle bouchrent ses voies respiratoires. Sonvisage bleuit, son cur battit de plus en plus lentement, et elle cessa de respirer.

    Elle tait ce que la plupart des gens qualifieraient de dcde.

    Mais le mythe prtendait que le got de sang de porc avait fait croire cette malheureusebonne femme quelle tait encore en vie. Elle avait par consquent gliss librement des cordesqui la retenaient, hors du mur, et tait repartie. Certaines personnes ges de Grnerlkka sesouviennent encore de cette histoire entendue dans leur enfance, celle de cette femme tte deporc qui va et vient arme dun couteau pour dcapiter les petits enfants qui restent tard dehors,parce quil lui faut avoir le got de sang en bouche pour ne pas disparatre totalement. Peu degens en revanche connaissaient le nom du maon, et Andersen avait imperturbablement continu fabriquer son mlange spcial. Quand il tait tomb dun chafaudage, trois ans aprs avoiruvr sur limmeuble dans lequel leau coulait pour lheure, en abandonnant derrire lui deuxcents couronnes et une guitare, il restait encore presque cent ans avant que les maons necommencent utiliser pour leurs mlanges de mortier des fibres synthtiques semblables des

    cheveux, et quon ne dcouvre dans un laboratoire milanais que les murs de Jricho avaient trenforcs par du sang et des crins de chameau.

    La majeure partie de leau ne coula nanmoins pas vers lintrieur du mur, mais vers lebas. Car leau, la poltronnerie et le dsir cherchent toujours le niveau le plus bas. Les premierscentilitres furent absorbs par largile grumeleuse et poudreuse qui occupait lespace entre lespoutres de ce plafond hourdis, mais il en arriva encore et largile fut imbibe, leau passa autravers et dtrempa unAftenposten dat du 11 juillet 1898, qui relatait que la conjoncturehautement favorable que connaissait le secteur du btiment Kristiania avait vraisemblablementatteint un sommet, et quon pouvait esprer que des temps moins clments attendent lesspculateurs. En page trois, on pouvait lire que la police navait toujours aucune piste danslaffaire de la jeune couturire qui avait t retrouve la semaine prcdente crible de coups decouteau dans sa salle de bains. En mai, une fille tue et mutile de la mme faon avait tretrouve prs de lAkerselva, mais la police refusait de dire sils tablissaient ou non un lienentre ces deux affaires.

    Leau coula du journal, entre les planches en dessous et sur l intrieur du plafond.Puisque celui-ci avait t perfor durant la fuite de 1968, leau ruissela par les trous, forma desgouttes qui restrent en suspension jusqu ce quelles soient suffisamment lourdes pour que lapesanteur lemporte sur ladhrence. Elles lchrent alors prise et churent de trois mtres et huitcentimtres. L, leau sarrta. Dans de leau.

    Vibeke Knutsen tira nergiquement sur sa cigarette et souffla la fume par la fentreouverte du quatrime tage. Ctait laprs-midi, et de lair chaud slevait de lasphaltesurchauff de la cour en emmenant la fume un peu plus loin le long de la faade bleu ciel, oelle se dsagrgeait. De lautre ct du toit, elle entendait le bruit de quelques voitures quipassaient dans Ullevlsveien, dordinaire si frquente. Mais ctaient les grandes vacances, et laville tait pour ainsi dire vide de ses habitants. Une mouche gisait les six fers en lair sur lappuide fentre. Elle navait pas eu lintelligence de fuir la chaleur. Il faisait plus frais lautre bout delappartement, qui donnait sur Ullevlsveien, mais elle naimait pas la vue quelle en avait. VrFrelsers Gravlund[1]. Plein de gens clbres. Clbres et morts. Au rez-de-chausse, uneboutique vendait des monuments , comme il tait crit sur renseigne, savoir des pierres

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    tombales. On pouvait srement parler de proximit au march.Vibeke appuya son front sur le verre frais.Elle avait t heureuse que la chaleur arrive, mais la joie avait rapidement disparu. Elle

    regrettait dj les nuits plus fraches et les gens dans les rues. Ce jour-l, cinq clients taientpasss la galerie avant le djeuner, et trois aprs. Elle avait fum un paquet et demi par pur

    ennui, avait eu si peur et avait eu la gorge si sche quelle avait peine pu parler quand le chefavait appel pour lui demander comment les choses se passaient. Pourtant, peine fut-elle

    rentre et eut-elle mis des pommes de terre cuire quelle sentit de nouveau monter lenvie.Vibeke avait cess de fumer quand elle avait rencontr Anders, deux ans auparavant. Il ne

    le lui avait pas demand. Bien au contraire. Lorsquils staient rencontrs Grande Canarie, illui avait mme tap des clopes. Pour samuser, en quelque sorte. Et quand ils avaient emmnagensemble un mois seulement aprs leur retour Oslo, lune des premires choses quil avaitdites, ctait que leur relation devait pouvoir supporter un peu de tabagisme passif. Que lesreprsentants de la recherche contre le cancer exagraient certainement. Et quil ne lui faudraitque peu de temps pour shabituer lodeur de tabac dans leurs vtements. Le lendemain, elleavait pris sa dcision. Quelques jours plus tard, quand il stait tonn table de ne pas lavoir

    vue fumer depuis quelques jours, elle lui avait rpondu quen fait, elle n

    avait jamais t unevraie fumeuse. Anders avait souri, stait pench par-dessus la table et lui avait caress la joue :

    Tu sais quoi, Vibeke ? Cest ce que jai toujours souponn. Elle entendit bouillir dans la casserole derrire elle et regarda sa cigarette. Encore trois

    bouffes. Elle tira la premire. a navait aucun got.Elle ne se souvenait pas exactement quand elle stait remise fumer. Peut-tre lan

    pass, peu prs quand Anders avait commenc tre de plus en plus longtemps absent pour sesvoyages daffaires. Ou bien tait-ce pour le nouvel an, quand il stait mis faire des heures suppresque tous les soirs ? tait-ce parce quelle tait malheureuse ? Ltait-elle ? Ils ne sedisputaient jamais. Ils ne couchaient presque jamais ensemble, mais ctait parce que Andersavait des tonnes de boulot, avait-il dit en laissant tomber le sujet. Non quelle le regretttparticulirement. Quand de rares occasions ils sadonnaient une partie de jambes en lair peuconvaincue, ctait comme sil ntait pas l. Elle avait alors dcouvert quelle non plus navaitpas besoin dtre l.

    Mais ils ne se disputaient pas. Anders naimait pas quon lve la voix.Vibeke regarda lheure. Cinq heures et quart. Que fabriquait-il ? Il prvenait toujours,

    quand il serait en retard. Elle crasa sa cigarette, la laissa tomber dans la cour, se tourna vers lacuisinire et regarda les pommes de terre. Elle planta une fourchette dans la plus grosse. Presquecuites. Quelques petits grumeaux noirs flottaient la surface de leau bouillante. Curieux. Est-ceque a venait des pommes de terre, ou de la casserole ?

    Elle essayait de se remmorer les circonstances de la dernire utilisation quand elleentendit la porte de lappartement souvrir, puis se refermer. Une respiration sifflante et le son dechaussures quon quittait lui parvinrent depuis lentre. Anders arriva dans la cuisine et ouvrit lerfrigrateur.

    Alors ? interrogea-t-il.Carbonades.OK Sa voix monta sur la fin, en un point dinterrogation dont elle connaissait peu

    prs la valeur. Encore de la viande ? Est-ce quon ne devrait pas manger plus souvent dupoisson ?

    a sera srement trs bon, dit-il dune voix sans timbre en se penchant sur la table de

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    cuisson.Quest-ce que tu as fait ? Tu es en nageJe nai pas pu mentraner ce soir, alors jai fait laller-retour vlo jusqu Sognsvann.

    Cest quoi, ces grumeaux dans leau ?Je ne sais pas. Je viens tout juste de les voir.

    Tu ne sais pas ? Tu n

    tais pas pratiquement la cuisinire, une poque ? Rapide comme lclair, il attrapa lun des grumeaux entre le pouce et lindex et le porta sa bouche. Elle gardait les yeux rivs sur larrire de sa tte. Sur ces cheveux bruns et fins quelleavait tant apprcis, les premiers temps. Bien coups, suffisamment court. Spars par une raiesur le ct. Il avait lair si convenable. Comme quelquun avec un avenir. Pour plus dunepersonne.

    Quel got a a ? demanda-t-elle.Aucun, rpondit-il, toujours courb au-dessus de la cuisinire. Comme de luf.De luf ? Mais jai lav cette casserole Elle sinterrompit tout coup. Quest-ce quil y a ? demanda-t-il en se retournant.

    a

    a goutte. Elle tendit un doigt vers la tte dAnders.Il plissa le front et leva une main sur son occiput. Puis, comme sur ordre, ils levrent tous

    les deux la tte et regardrent au plafond. Deux gouttes taient suspendues au revtement blanc.Vibeke, qui tait lgrement myope, ne les aurait sans doute pas vues si elles avaient ttransparentes. Mais elles ne ltaient pas.

    On dirait que a a dbord chez Camilla, constata Anders. Monte sonner chez elle,pendant que je vais chercher le gardien tic limmeuble.

    Vibeke plissa les yeux vers le plafond. Puis sur les grumeaux dans la casserole. Doux Jsus, murmura-t-elle en sentant revenir cette vieille peur latente.Quoi, quest-ce quil y a ?Va chercher le gardien de limmeuble. Vous irez sonner ensemble chez Camilla.

    Pendant ce temps-l, moi, jappelle la police.

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    Chapitre 2

    Vendredi. Liste de vacances

    Lhtel de police de Grnland, quartier gnral de la police dOslo, se trouvait sur lahauteur qui allait de Grnland Tyen, et dominait la partie ouest du centre-ville. Tout de verreet dacier, il avait t achev en 1978. Il ne penchait daucun ct et restait parfaitementhorizontal, et les architectes Telje, Torp et Aasen avaient reu un prix. Le technicien tlcom quiavait pos les cbles dans les deux longues ailes de bureaux hautes de six et neuf tages avaitreu une allocation de la Scu et une belle engueulade de son pre quand il s tait cass le dos entombant de lchafaudage.

    Depuis sept gnrations, on est maons, en quilibre entre ciel et terre jusqu ce que lapesanteur nous ramne au sol. Mon grand-pre a essay de fuir la maldiction, mais elle lapoursuivi par-del la mer du Nord. Alors le jour o tu es n, je me suis promis que tu ne

    souffrirais pas dun tel destin. Et je pensais avoir russi mon coup. Technicientlcom. Qu

    est-cequun technicien tlcom a foutre six mtres au-dessus du sol ?

    Et ce jour-l, travers le cuivre contenu dans ces mmes cbles que le fils avait poss, lesignal partit du central dalerte, traversa les paliers constitus de bton industriel, pour arriver aucinquime tage, dans le bureau du capitaine de police Bjarne Mller, de la Brigade criminelle,au moment prcis o celui-ci cherchait savoir sil se rjouissait ou sil angoissait lide de cesproches vacances en famille, dans le chalet quils avaient lou Os, non loin de Bergen. Os enjuillet, ctait presque coup sr synonyme de temps pourri. Bjarne Mller n avait cependantrien contre le fait dchanger la vague de chaleur annonce dans la rgion dOslo contre unepetite bruine. Mais occuper deux petits garons dbordants dnergie sous une pluie diluvienne,sans autre accessoire quun jeu de cartes priv de son valet de cur, a relevait de la gageure.

    Bjarne Mller tira ses longues jambes et se gratta derrire loreille tout en coutant lemessage.

    Comment Font-ils dcouvert ?a fuyait chez le voisin du dessous, rpondit la voix reprsentant le central d alerte. Le

    gardien et le voisin ont sonn sans quon leur ouvre, mais la porte ntait pas verrouille, alors ilssont entrs.

    Bon. Jenvoie deux de nos gars. Mller raccrocha, poussa un soupir et laissa courir un doigt sur la liste de garde, qu il

    avait devant lui sur son bureau, dans une pochette plastique. La moiti de la section tait partie.Comme tous les ans pendant les congs dt. Sans que cela signifie que les habitants dOslocourent des risques particuliers, puisque les malfrats de la ville semblaient eux aussi apprcier unpeu de repos en juillet, le mois le plus creux de lanne en matire de crimes et dlits relevant dela Brigade criminelle.

    Le doigt de Mller sarrta sous le nom de Beate Lnn. Il composa le numro de laTechnique, dans Kjlberggata. Pas de rponse. Il attendit que son appel soit transfr austandard.

    Beate Lnn est au laboratoire, linforma une voix claire.Cest de la part de Mller, de lOCRB. Trouvez-la-moi. Il attendit. Ctait Karl Weber, le directeur nouvellement retrait de la police scientifique,

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    qui avait fait transfrer Beate Lnn des rangs de lOCRB ceux de la Technique. Mller y voyaitune preuve supplmentaire de la thorie no-darwiniste selon laquelle lunique force motricedun individu consiste dvelopper ses propres gnes. Et Weber avait clairement exprim queBeate Lnn en tait bourre. premire vue, Karl Weber et Beate Lnn pouvaient sembler trsdiffrents. Weber tait grincheux et emport, tandis que Lnn tait une tranquille petite souris

    grise qui sa sortie de l

    cole de police rougissait chaque fois que quelquun lui adressait laparole. Mais leurs gnes policiers taient identiques. Ils faisaient partie de ces passionns qui,

    une fois la proie flaire, peuvent faire abstraction de tout et de tout le monde pour ne seconcentrer que sur une piste technique, un indice, une prise vido, un vague signalement etlexploiter jusqu ce que a puisse ressembler de prs ou de loin une information sense.Certaines mauvaises langues prtendaient que Weber et Lnn spanouissaient dans un labo etnon au milieu des gens, o la psychologie dun enquteur tait en fin de compte plus importantequune empreinte de chaussure ou un bout de fil de veste.

    Ici Lnn.Salut, Beate. Ici Bjarne Mller. Je te drange ?videmment. Quest-ce qui se passe ?

    Mller lui exposa les grandes lignes et lui donna ladresse. Jenvoie aussi deux de mes hommes, ajouta-t-il.

    Qui a ?Je vais voir qui je trouve. Avec les vacances Mller raccrocha et continua parcourir la liste.Il sarrta sur Tom Waaler.La rubrique concernant les dates de cong tait vide. Ce ntait pas une surprise pour

    Bjarne Mller. On pouvait avoir de temps en temps la sensation que linspecteur principal TomWaaler ne prenait jamais de vacances, quil dormait peine. En tant quenquteur, il tait lundes deux plus solides atouts de la section. Toujours prsent, toujours en action, et presquetoujours avec des rsultats. Et contrairement lautre as des enquteurs, Tom Waaler tait fiable,respect de tous. Il avait un casier vierge. En deux mots : un subordonn de rve. Compte tenu deses aptitudes indiscutables diriger, on pouvait galement prvoir quil reprendrait le momentvenu le poste de CP capitaine de police quoccupait Mller.

    Le signal tlphonique initi par Mller crachota entre les cloisons. Ici Waaler, rpondit une voix grumeleuse.Cest Mller. OnUn moment, Bjarne. Je finis juste une autre conversation. Bjarne Mller tambourina sur son bureau tandis quil attendait.Tom Waaler pouvait devenir le plus jeune CP que la Criminelle ait Jamais eu. tait-ce

    lge qui causait de temps autre une vague sensation de malaise Mller, l ide que cetteresponsabilit pt tre confie Tom, et pas quelquun dautre ? Ou peut-tre taient-ce lesdeux fusillades ? Linspecteur principal avait saisi son arme au cours de deux arrestations, et sarputation de tireur de premier ordre nen avait pas souffert : il avait tu dans les deux cas. MaisMller savait galement que paradoxalement, ce seraient peut-tre ces deux fusillades qui en toutdernier ressort plaideraient en faveur de Tom pour la nomination du nouveau capitaine de police.Lenqute du SEFO[2] navait rien rvl qui pt contester que Tom Waaler ait tir en tat delgitime dfense, et avait mme conclu que, par deux fois, il avait fait preuve de prsencedesprit et de ractivit dans des situations critiques. Quelle meilleure attestation pouvait-onfournir quelquun qui postulait un poste responsabilits ?

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    Dsol, Mller. Tlphone mobile. Que puis-je pour toi ?On a une affaire.Enfin. La conversation fut expdie en dix secondes. Il ne manquait plus que le dernier.Mller avait dabord pens linspecteur Halvorsen, mais la liste indiquait que celui-ci

    tait en vacances Steinkjer.Il continua parcourir la liste. Cong, cong, malade.Le CP poussa un gros soupir quand son doigt sarrta prs dun nom quil avait espr

    viter.Harry Hole.Solitaire. Poivrot. Lenfant terrible[3] de la section. Mais ct de Tom Waalerle

    meilleur enquteur du cinquime tage. Sil ny avait pas eu cela, plus lespce daffectionperverse dveloppe au fil des ans par Bjarne Mller pour prendre tous les risques en faveur dece grand policier imbib, Harry Hole aurait depuis longtemps t dgag de la maison.Normalement, Harry aurait t le premier appel pour se voir confier le boulot, mais les chosesntaient pas normales.

    Ou plus exactement : elles taient plus anormales que dhabitude.Le paroxysme avait t atteint quatre semaines plus tt. Aprs que Hole avait repris

    lhiver prcdent la vieille affaire du meurtre dEllen Gjelten, la plus proche collgue de Harryqui stait fait passer tabac sur les bords de lAkerselva, il avait perdu tout intrt pournimporte quelle autre affaire. Le hic, ctait que laffaire Ellen tait lucide depuis longtemps.Mais Harry tait de plus en plus tatillon, et Mller avait sincrement commenc sen faire pourlquilibre mental de son subordonn. Avec un sommet un mois plus tt, quand Harry avaitdbarqu dans le bureau de Mller pour lui exposer ses terrifiantes thories de complot. Maisarriv au pied du mur, il navait rien eu qui pt prouver ou mme rendre vraisemblables sesaccusations fantaisistes contre Tom Waaler.

    Et puis il avait disparu, purement et simplement. Quelques jours plus tard, Mller avaitappel au restaurant Schr0der, pour sentendre confirmer ce quil redoutait : Harry avait denouveau craqu. Mller lavait fait porter sur ses listes destivants pour couvrir son absence.

    Encore une fois. En gnral, Harry donnait signe de vie au bout dune semaine. Il sentait coul quatre. Les vacances taient termines.

    Mller regarda son combin, se leva et alla la fentre. Il tait cinq heures et demie, etpourtant le parc devant lhtel de police tait pratiquement dsert ; seuls quelques adorateurs dusoleil qui ntaient pas partis dfiaient la chaleur. Sur Grnlandsleiret, certains piciersattendaient, assis sous leurs stores, en compagnie de leurs lgumes. Mme les voitures roulaientplus lentement bien quil ny et aucun encombrement li aux heures de pointe. Mller ramenases cheveux en arrire, une habitude quil avait toujours eue, mais dont sa femme pensait quildevait labandonner, au risque dtre souponn de vouloir cacher une calvitie naissante.Navait-il rellement aucun autre choix que Harry ? Mller suivit du regard un homme quidescendait Grnlandsleiret en titubant. Il paria quil tenterait sa chance au Ravnen. Quil y seraitrefus. Quil chouerait au Boxer. Lendroit o un point final catgorique avait t pos laffaire Ellen. Et peut-tre la carrire de policier de Harry. Mller navait plus trop le choix, ildevrait bientt prendre une dcision quant au problme que reprsentait Harry. Mais longterme, en ce qui concernait cette affaire.

    Mller dcrocha et se dit quil tait en passe de mettre Harry et Tom Waaler sur la mmeaffaire. Quelle merde, ces grandes vacances Les impulsions lectriques disparurent hors du

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    monument que Telje, Torp et Aasen avaient rig une socit dordre, et un tlphone se mit sonner en un lieu o rgnait le chaos. Dans un appartement de Sofies Gate.

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    Chapitre 3

    Vendredi. Rveil

    Elle cria encore une fois, et Harry Hole ouvrit les yeux.Le soleil clignotait entre les rideaux qui battaient paresseusement, tandis que le ululement

    des freins dun tram descendant Pilestredet mourait lentement. Harry tenta de sorienter. Il taittendu mme le sol, dans son salon. Habill, bien que mal. Et en vie dfaut dtre vivant.

    La sueur couvrait son front comme une couche de maquillage moite, et son cur luidonnait limpression dtre lger et frntique, comme une balle de ping-pong sur une dalle deciment. Ctait pire en ce qui concernait sa tte.

    Harry hsita un instant avant de dcider de continuer respirer. Le plafond et les murstournaient autour de lui, mais il ny avait pas une photo, pas un plafonnier dans lappartementauquel son regard pt se fixer. Une tagre Ivar, le dos d un fauteuil et une table basse de chez

    Elevator grondaient lextrme priphrie de son champ de vision. Mais il put au moins s

    arrterde rver.

    Il avait encore fait le mme vieux cauchemar. Clou, incapable de bouger, il avait tenten vain de fermer les yeux pour ne plus voir sa bouche grande ouverte et son cri silencieux. Sesyeux exorbits et fixes, laccusation muette quil y lisait. Quand il tait petit, a avait t sa petitesur, la Frangine. Et prsent, Ellen Gjelten.

    Avant, les cris taient silencieux ; ils hurlaient maintenant comme le frein durgence dansun train. Il ne savait pas ce qui tait le pire.

    Compltement immobile, Harry regarda entre les rideaux ce soleil frmissant suspenduau-dessus des rues et des immeubles de Bislett. Seul le tram rompait la tranquillit estivale. Il necligna pas des yeux. Il le regarda fixement jusqu ce que le soleil se change en cur jaune quibattait en sautant contre une fine membrane bleu laiteux, en pompant de la chaleur. Quand il taitpetit, sa mre lui avait dit que les enfants qui regardaient le soleil en face avaient la vue brle etgardaient la lumire du soleil dans leur tte, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tout le restantde leur vie. Ctait a quil essayait darriver. Une lumire solaire dans la tte, qui brlerait toutle reste. Comme limage de la tte clate dEllen, dans la neige prs de lAkerselva, danslombre. a faisait trois ans quil tentait dattraper cette ombre. Mais a non plus, il ny tait pasarriv. Au moment o il avait cru lavoir, tout tait parti en couille. Il ntait arriv rien.

    RakelHarry leva prudemment la tte et regarda lil mort du rpondeur. Il ne stait pas anim

    au cours des semaines qui avaient suivi lu runion avec le chef de la Crim et Mller, au Boxer.Vraisemblablement brl par le soleil, a aussi.

    Putain, ce quil faisait chaud, dans cet appart !Rakel...Il se rappelait. un moment donn du rve, le visage avait chang et tait devenu celui

    de Rakel. La Frangine, Ellen, maman, Rakel. Des visages de femmes. Qui changeaient etfondaient nouveau, dans un mouvement constant de pompe.

    Harry gmit et laissa sa tte retomber sur le parquet. Son regard tomba sur la bouteille enquilibre sur le bord de la table au-dessus de lui,Jim Beam from Clermont, Kentucky. Le contenuavait disparu. vapor, volatilis. Rakel. Il ferma les yeux. Rien ne revint.

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    Il navait aucune ide de lheure, si ce nest quil tait trop tard.Ou trop tt. En tout cas, ce ntait pas le bon moment pour se rveiller. Ou plutt pour

    dormir. On devrait faire autre chose cette heure de la journe. On devrait boire.Harry se mit genoux.Quelque chose vibrait dans son pantalon. Ctait cela qui lavait rveill, il le sentait. Un

    papillon de nuit enferm, qui battait dsesprment des ailes. Il plongea la main dans sa poche depantalon et en tira son tlphone mobile.

    Harry marchait pas lents vers Saint Hanshaugen. La cphale lui appuyait derrire lesyeux. Ladresse que Mller lui avait donne tait quelques pts de maisons. Il stait pass deleau sur le visage, avait trouv une larme de whisky dans lune des bouteilles du placard souslvier et espr quune petite marche lui dbarbouillerait la cervelle. Harry passa devantlUnderwater. De quatre trois, de quatre une le lundi, ferm le dimanche. Ce ntait pas unendroit o il venait habituellement, tant donn que Schrder, sa base, se trouvait dans la rueparallle, mais comme la plupart des alcooliques, Harry avait une zone dans le cerveau o leshoraires des dbits de boissons taient automatiquement stocks.

    Il adressa un rictus au reflet que lui renvoyaient les vitres fumes. Une autre fois.Au coin, il tourna droite pour descendre Ullevlsveien. Ctait une rue pour lesvoitures, pas pour les gens. Le mieux quil pouvait dire dUllevlsveien, ctait que lombre dutrottoir de droite procurait une certaine fracheur par des journes comme celle-ci.

    Harry sarrta devant limmeuble portant le numro quon lui avait communiqu, et jetaun rapide coup dil sur le btiment.

    Une laverie automatique quipe de machines rouges occupait le rez-de-chausse. Sur lavitrine, un mot indiquait que la laverie tait ouverte de huit heures vingt heures chaque jour, etquelle proposait dsormais le schage en vingt minutes pour le prix promotionnel de trentecouronnes. Une femme basane portant un chle tait assise, le regard perdu dans le vague, ct de lun des tambours qui tournaient. Une vitrine exposant des pierres tombales jouxtait lalaverie, et un peu plus loin, un bandeau de non indiquait LA MAISON DU KEBAB au-dessusdun snack-bar/picerie. Le regard de Harry parcourut la faade dfrachie. La peinture taitcaille sur les vieilles fentres, mais des encorbellements sur le toit indiquaient que denouveaux appartements taient disponibles sous les combles, au-dessus des trois tageshabituels. Et les interphones rcemment installs prs de la porte cochre rouille taientsurmonts dune camra. Largent du Vestkant migrait lentement mais srement vers lest, danscette ville. Il appuya sur le bouton du haut, qui portait le nom de Camilla Ln.

    Oui ? fit-on dans le haut-parleur.Mller lavait prvenu, mais il ressentit tout de mme un coup au cur en entendant la

    voix de Waaler.Harry essaya de rpondre, mais ses cordes vocales nmirent aucun son. Il toussa et fit

    une nouvelle tentative. Cest Hole. Ouvre. La porte cochre grsilla, et il attrapa la poigne de fer noir, froid et rugueux. Salut ! Harry se retourna. Salut, Beate. Beate Lnn tait dune taille lgrement infrieure la moyenne, (elle avait les cheveux

    blonds mi-longs, les yeux bleus, et elle ntait ni laide ni jolie. En un mot : il y avait peu de

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    choses en elle videntes de prime abord. Hormis sa tenue : un uniforme ressemblantfurieusement une combinaison de cosmonaute.

    Harry lui tint la porte ouverte tandis quelle tranait deux malles en fer lintrieur. Tu arrives maintenant ? demanda-t-il en essayant de sarranger pour quelle ne puisse

    pas sentir son haleine en passant.

    Non. Il a fallu que je redescende la voiture chercher le reste de mon attirail. a faitune demi-heure quon est l. Tu tes esquint ? Harry passa un doigt sur lgratignure quil avait le long du nez. Manifestement. Il la suivit travers la porte suivante, qui donnait sur lescalier. Quelle tronche a a, l-haut ? Beate posa les valises devant une porte verte dascenseur et leva rapidement les yeux vers

    Harry. Je croyais quun de tes principes, ctait de voir dabord, et de demander ensuite ,

    dit-elle en appuyant sur le bouton APPEL.Harry acquiesa. Beate Lnn faisait partie de ces gens qui se souviennent de tout. Elle

    pouvait numrer des dtails daffaires criminelles qu

    il avait lui-mme oublies depuislongtemps, et qui avaient eu lieu avant son entre lcole suprieure de police. Elle avait en

    outre un gyrus fusiforme la partie du cerveau qui retient les visages exceptionnellementdvelopp. Il avait t test, et les rsultats avaient laiss les psychologues comme deux ronds deflan. Ce serait la moindre des choses quelle retienne aussi le peu quil avait eu le temps de luiapprendre lors de leur collaboration sur la vague de braquages de lan pass.

    Jaime bien tre le plus rceptif possible des impressions personnelles la premire foisque je vois la scne dun crime, oui , rpondit Harry en sursautant quand la machinerie delascenseur se mit en branle sans crier gare. Il commena fouiller dans ses poches larecherche dune cigarette.

    Mais en fait, je ne crois pas que je bosserai sur cette affaire.Pourquoi ? Harry ne rpondit pas. Il tira un paquet de Camel chiffonn de la poche gauche de son

    pantalon et en sortit une cigarette brise. Ah oui, je men souviens, maintenant, sourit Beate. Cest vrai que tu mas dit que vous

    deviez tre en vacances. En Normandie, cest a ? Tu es verni Harry plaa la cigarette entre ses lvres. Ctait dgueulasse. Et a narrangerait srement

    pas son mal de crne. Il ny avait quune seule chose qui aidait. Il regarda sa montre en plissantles yeux. Lundi. De quatre une.

    Il nest plus question de Normandie, dit-il.Ah ?Non, alors ce nest pas pour a. Cest parce que cest lui, qui est dj l-haut, qui a

    rcupr laffaire. Harry leva les yeux tout en tirant sur sa cigarette.Elle le regarda longuement. Fais gaffe quil ne devienne pas une obsession, Harry. Fais-en abstraction.En faire abstraction ? Il souffla la fume. Il fait des dgts sur les gens, Beate. Tu es bien place pour le savoir. Elle rougit brusquement.

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    On a juste eu une courte relation, Tom et moi, cest tout.Ce nest pas ce moment-l que tu te trimbalais avec des marques bleues sur le cou ?Harry ! Tom na jamais Beate se tut brutalement en sapercevant quelle parlait anormalement fort. Lcho de

    leurs voix se rpercutait vers le haut de la cage descalier, mais il fut assourdi quand lascenseur

    stoppa devant eux avec un petit choc sourd. Tu ne laimes pas, dit-elle. Alors tu te fais tout un cinma. En fait, Tom a tout un tas debons cts que tu ne connais pas.

    Mmm. Harry teignit sa cigarette contre le mur pendant que Beate ouvrait la porte de lascenseur

    et entrait. Tu ne veux pas monter ? demanda-t-elle Harry qui tait rest dehors, le regard fixe.

    Lascenseur. Il y avait une grille derrire la porte. Un treillis mtallique tout simple que lonpousse de ct et quon laisse se rabattre pour que lascenseur puisse dmarrer. Le cri tait denouveau l. Ce cri muet. Il sentit tous les pores de sa peau se mettre transpirer. Une rasade dewhisky naurait pas suffi. De loin.

    a ne va pas ?Non, non, rpondit Harry dune voix rauque. Cest juste que je naime pas les vieuxascenseurs de ce genre. Je monte pied.

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    Chapitre 4

    Statistiques

    Effectivement, limmeuble comptait des appartements sous les combles, deux. La portede lun deux tait ouverte, mais laccs en tait interdit par des morceaux de tresse plastiqueorange de la police tendus en travers de louverture. Harry plia son mtre quatre-vingt-douzepour passer en dessous et dut faire un petit pas rapide pour reprendre son quilibre en seredressant de lautre ct. Il se trouvait sur le parquet de chne dun salon au toit mansard percde Velux. Il y faisait aussi chaud que dans un sauna. Lappartement tait petit et chichementmeubl, tout comme le sien, mais la comparaison sarrtait l. Ici, on trouvait le dernier canapde Hilmers Hus, une table basse de chez Room et une petite tl Philips de quinze pouces, enplastique transparent bleu arctique assorti la chane hi-fi. Des portes ouvertes donnaient sur unecuisine et une chambre coucher. Ctait tout. Lendroit tait trangement calme. Un agent en

    uniforme se tenait debout, les bras croiss, et se balanait doucement davant en arrire enobservant Harry, le sourcil hauss. Il secoua la tte avec un sourire narquois quand Harry lui

    montra sa carte.Tout le monde connat le singe, pensa Harry. Le singe ne connat personne. Il se passa

    une main sur le visage. O sont les TIC[4] ?Dans la salle de bains, rpondit lagent avec un signe de tte vers la chambre. Lnn et

    Weber.Weber ? On se met rappeler des retraits, maintenant ?Vacances dt , rpondit lagent avec un haussement dpaules.Harry regarda autour de lui. OK, mais veillez ce que lentre de limmeuble et la cage descalier soient interdites

    daccs. Les gens entrent comme dans un moulin, ici.Maiscoute. Cest une partie de la zone dont on est responsables, OK ?Je comprends , commena le policier dune voix rauque, et Harry comprit quen

    deux phrases, il stait fait un nouvel ennemi dans la maison. Pas le premier. Mais jai reu la consigne claire de monter la garde ici , complta une voix depuis la chambre coucher.Tom Waaler apparut dans lembrasure.En dpit de son costume sombre, il navait pas la moindre goutte de sueur la lisire de

    ses cheveux noirs et drus. Tom Waaler tait un bel homme. Peut-tre pas de faon attirante, maisdans la mesure o il avait des traits rguliers et symtriques. Il ntait pas aussi grand que Harry ;pourtant, si on avait pos la question, un nombre surprenant de personnes auraient rpondu quilltait. Ctait peut-tre d au maintien rigide de Waaler. Ou cette ngligente confiance en soiqui faisait que ceux qui se trouvaient dans lentourage de Waaler non seulement se laissaientimpressionner, mais avaient aussi le sentiment que la sensation de scurit tait contagieuse,quils se dtendaient et trouvaient la place qui tait la leur. Limpression de beaut pouvaitgalement venir de son physique, aucun costume ne pouvant dissimuler cinq sances demusculation et de karat par semaine.

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    Et il va continuer monter la garde, poursuivit Waaler. Je viens tout juste denvoyer untype en bas pour interdire les accs qui doivent ltre. Tout est sous contrle, Hole.

    Il pronona ces derniers mots sur un ton si neutre quon pouvait choisir de linterprtercomme un constat ou comme une question. Harry sclaircit la voix.

    O est-elle ?

    L-dedans. Waaler prit un air inquiet en faisant un pas de ct pour laisser passer Harry. Tu tes esquint, Hole ? La chambre tait simple, mais romantique et meuble avec got. Un lit fait pour une

    personne mais suffisamment large pour deux tait pouss contre une poutre matresse grave dece qui pouvait tre un cur au-dessus dun triangle. Peut-tre la marque de proprit dun amant,songea Harry. Au mur au-dessus du lit, on avait accroch trois photos encadres dhommes nus, lrotisme politiquement correct les situant entre le porno soft et le sous-art commercial.Aucune photo ou objet personnel, ce quil put voir.

    La salle de bains se trouvait de lautre ct de la chambre. Elle tait tout juste assezgrande pour contenir un lavabo, une cuvette de WC , une douche sans rideau et Camilla Ln.

    Celle-ci tait tendue sur le sol carrel, la tte tourne vers la porte mais le regard point vers lehaut, vers la douche, comme si elle attendait que leau se remette couler.Elle tait nue sous son peignoir blanc et tremp qui tait ouvert et qui bouchait la bonde

    dvacuation. Depuis la porte, Beate prenait des photos. Est-ce que quelquun a cherch savoir depuis combien de temps elle tait morte ?Le lgiste arrive, rpondit Beate. Mais le cadavre nest pas encore roide, et elle nest

    pas encore compltement froide. Je dirais deux ou trois heures, tout au plus.Je nai pas cru comprendre que la douche coulait quand le voisin et le gardien

    dimmeuble lont trouve ?Si, et alors ?Leau chaude a pu maintenir une certaine temprature dans son corps et retarder la

    rigidit cadavrique. Harry regarda lheure. Six heures et quart. Alors disons quelle est morte vers cinq heures. Ctait la voix de Waaler. Pourquoi a ? demanda Harry sans se retourner.Il ny a aucune trace qui indique que le corps ait t dplac, et on peut donc supposer

    quelle tait sous la douche quand elle a t tue. Comme tu vois, le corps et le peignoirobstruent la bonde. Cest cause de a quil y a eu inondation. Le gardien qui a ferm le robineta dit que celui-ci tait ouvert en grand, et jai vrifi la pression. Pas mal, pour un appartementsous les toits. Dans une salle de bains si petite, il na pas pu scouler des heures avant que leaupasse le seuil pour aller dans la chambre. Et pas des heures avant quelle se fraie un cheminjusque chez le voisin. La nana du dessous dit quil tait exactement cinq heures vingt quand ils sesont rendu compte de la fuite.

    a ne fait quune heure, dit Harry. Et a fait une demi-heure que vous tes l. On diraitque tout le monde a ragi anormalement vite.

    Pas tout le monde, si ? Harry ne rpondit pas. Je pensais au lgiste, dit Waaler avec un sourire. Il devrait tre ici, lheure quil est. Beate cessa de prendre des photos et changea un coup d il avec Harry.

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    Waaler lui posa une main sur le bras. Appelle sil y a quoi que ce soit. Je descends au second discuter avec le gardien.OK. Harry attendit que Waaler ait quitt la pice. Je peux ?

    Beate acquiesa et fit un pas de ct.Les semelles de Harry claqurent sur le sol dtremp. La vapeur stait accumule surtoutes les surfaces lisses de la pice et des gouttes dgoulinaient. Le miroir avait lair davoirpleur. Harry saccroupit en posant une main sur le mur pour ne pas perdre l quilibre. Il inspirapar le nez, mais ne sentit que le parfum du savon et aucune des autres odeurs qui devaient tre l.Dysosmie, avait-il lu dans le livre que lui avait prt Aune, le psychologue attach laCriminelle. Le cerveau refusait purement et simplement denregistrer certaines odeurs, et le livreexpliquait que cette perte partielle de lodorat tait souvent due un traumatisme motif. Harryne le savait pas. Tout ce quil savait, cest quil ne sentait pas lodeur du corps.

    Camilla Loen tait jeune. Entre vingt-sept et trente ans, supposa Harry. Jolie. Potele. Sapeau tait lisse et bronze, avec en dessous ce reflet ple que les dfunts ont si vite. Ses cheveux

    taient bruns, s

    clairciraient certainement un peu une fois schs, et elle avait un petit trou dansle front qui ne se verrait certainement plus une fois le travail du taricheute accompli. Celui-cinaurait par ailleurs pas grand-chose faire, si ce nest maquiller ce qui ressemblait une petiteboursouflure sur le globe oculaire droit.

    Harry sintressa tout entier au petit trou bien rond quelle avait dans le front. Il ntaitpas beaucoup plus large que celui quil y a dans les pices dune couronne[5]. Il arrivait quil ftsurpris par la petitesse que pouvait avoir un trou lorigine de la mort dune personne. Mais detemps autre, on pouvait tre abus parce que la peau se resserrait aprs coup autour de l orifice.En loccurrence, Harry supposa que le projectile tait plus gros que le trou.

    Pas de bol quelle ait marin dans leau, dit Beate. Sans a, on aurait peut-tre trouvdes empreintes digitales du meurtrier sur elle, des fibres textiles ou de lADN.

    Mmm. En tout cas, son front tait hors de leau. Et il na pas reu tant deau que avenant de la douche.

    Ah ?Il y a du sang sch bien noir autour de lorifice. Et de toutes petites taches noires dans

    la peau conscutives au coup de feu. Ce petit trou peut peut-tre nous apprendre deux ou troistrucs tout de suite. Loupe ?

    Sans se retourner, Harry tendit une main vers larrire, sentit le poids solide delinstrument allemand et commena son tude de la zone entourant la blessure.

    Quest-ce que tu vois ? La voix basse de Beate tait toute proche de son oreille. Dmontrant toujours la mme

    frnsie dapprendre davantage. Harry savait que le temps o il naurait plus rien lui apprendrentait pas si loin.

    La nuance grise des taches noires dans lorifice de la balle laisse penser un tir boutportant, mais pas un tir de contact. Je parie que le coup est parti denviron cinquantecentimtres.

    Ah oui ?Lasymtrie des taches semble montrer que celui qui a tir tait plus haut quelle et que

    le coup est parti en biais, vers le bas. Harry tourna prcautionneusement la tte de la dfunte. Le front de cette dernire n tait

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    pas encore compltement froid. Pas dorifice de sortie. Ce qui renforce les soupons dun tir de biais. Elle tait peut-tre

    genoux devant le meurtrier.Tu peux voir de quel genre darme il sagit ?a, ce sera aux mdecins et aux gars de la Balistique de le dire.

    Mais je vois des marques dintensit dcroissante, qui indiqueraient une arme canoncourt. Un pistolet, par consquent.

    Harry tudiait mthodiquement le corps, essayant de tout enregistrer, mais il remarquaque la torpeur partielle due lalcool filtrait des dtails qui pourraient lui servir par la suite. Non,qui pourraient leurservir par la suite. Ce ntait pas son affaire. Lorsquil en arriva la main, ilvit nanmoins quil manquait quelque chose.

    Donald Duck , murmura-t-il en se penchant un peu plus vers la main endommage.Beate le regarda sans comprendre. On les dessine comme a, dans les bandes dessines, expliqua Harry. Avec quatre

    doigts.Je ne lis pas de bandes dessines.

    C

    tait lindex qui avait t amput. Il ne restait que quelques bosses noires de sangcoagul et des tendons luisants. La coupure semblait nette et rgulire. Harry posa tout

    doucement le bout dun doigt sur ce qui luisait au milieu de cette chair rose. La surface de coupede los paraissait lisse, bien droite.

    Cisailles, dit-il. Ou un couteau trs, trs bien aiguis. Est-ce quon a retrouv le doigt ?Nix. Harry se sentit subitement pris de nause et ferma les yeux. Il respira fond deux ou trois

    fois avant de les rouvrir. Il pouvait y avoir tout un tas de motifs pour quune victime ait un doigten moins. Il ny avait aucune raison pour se mettre gamberger comme il avait failli le faire.

    Peut-tre un crancier, suggra Beate. Ils aiment bien les cisailles.Peut-tre , murmura Harry en se levant et en dcouvrant ses propres empreintes de pas

    sur ce quil avait pris pour des carreaux roses. Beate se pencha en avant et fit un gros plan duvisage de la trpasse.

    Punaise, il ne doit pas rester beaucoup de sang lintrieur de son corpsCest parce que sa main est reste dans leau. a empche le sang de coaguler.Tout ce sang rien quavec un doigt amput ?Oui. Et tu sais quoi a fait penser ?Non, mais jai le sentiment que je ne vais pas tarder le savoir.a veut dire que Camilla Loen la vraisemblablement perdu alors que son cur battait

    encore. Donc avant de se faire seringuer. Beate fit la grimace. Je descends discuter avec les voisins , dit Harry. Camilla habitait dj au-dessus quand on a emmnag, dit Vibeke Knutsen avec un

    rapide coup dil vers son concubin. On navait pas tant de contacts que a avec elle. Ils taient assis avec Harry dans le salon de leur appartement au troisime tage, juste

    sous lappartement dans les combles. En ntant pas au courant, on aurait pu penser que ctaitHarry qui habitait l. Les deux concubins taient assis trs droits, chacun son extrmit ducanap, tandis que Harry tait affal dans lun des fauteuils.

    Leur dissemblance frappait Harry. Tous deux avaient entre trente et quarante ans, maisAnders Nygrd tait mince et musculeux comme un marathonien. Sa chemise bleu clair tait

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    bien repasse et sa coupe de cheveux classique tait rcente. Ses lvres taient fines et il necessait de communiquer avec son corps. Bien que son visage ft jeune et ouvert, presqueinnocent, il respirait lascse et la force. La rousse Vibeke avait de profondes fossettes et unegnrosit corporelle que soulignait un haut moulant motifs lopard. Elle semblait en outreavoir pas mal vcu. Les rides qui se dessinaient au-dessus de ses lvres trahissaient de

    nombreuses cigarettes, et les pattes-doie autour de ses yeux qu

    elle avait beaucoup ri. Que faisait-elle ? demanda Harry.

    Vibeke regarda son concubin, mais elle reprit la parole en voyant quil ne rpondait pas. ce que jen sais, elle bossait dans une agence de pub. Elle soccupait de design. Ou

    un truc du genre.Un truc du genre , rpta Harry en notant sans enthousiasme dmesur sur le bloc

    quil avait devant lui.Ctait une ficelle quil utilisait lorsquil interrogeait des gens. En vitant de les regarder,

    il leur permettait de se dtendre davantage. Et en donnant limpression que ce quils disaientlennuyait, ils cherchaient instinctivement dire quelque chose qui puisse susciter son intrt. Ilaurait d tre journaliste. Il avait limpression que les ides taient plus larges concernant les

    journalistes qui exeraient sous lemprise de l

    alcool. Un petit copain ?

    Vibeke secoua la tte. Des amants ? Elle eut un petit rire nerveux et regarda de nouveau son concubin. On ne passe pas notre temps couter aux portes, rpondit Anders Nygrd. Vous

    pensez que cest un amant qui a fait a ?Je ne sais pas.a, que vous ne sachiez pas, je le comprends, dit-il dune voix dans laquelle Harry

    sentit une nette irritation. Mais nous qui habitons ici, on aimerait bien savoir si ctait une affairepersonnelle, ou sil peut y avoir un tueur fou en libert dans le coin.

    Il peut y avoir un tueur fou en libert dans le coin , rpondit Harry en posant son styloet en attendant.

    Il vit Vibeke Knutsen se ratatiner dans son canap, mais resta concentr sur AndersNygrd.

    Quand les gens ont peur, ils se mettent plus facilement en colre. Principe universel depremire anne lcole suprieure de police, prendre comme un conseil visant ne pas nerverinutilement des gens effrays. Harry avait dcouvert que la dmarche inverse lui tait plusprofitable. Les nerver. Les gens en colre disaient souvent des choses quils ne pensaient pas.Ou plus exactement : des choses quils ne pensaient pas dire.

    Anders Nygrd posa sur lui un regard vide. Mais il est plus vraisemblable que le coupable soit un amant, poursuivit Harry. Un

    amant ou une personne avec qui elle a entretenu une relation, et quelle a plaqu.Pourquoi ? demanda Anders Nygrd en passant un bras autour des paules de Vibeke.

    La petite taille de son bras en comparaison de la carrure impressionnante de sa concubinedonnait un aspect comique la scne.

    Harry stira dans son fauteuil. Statistiques. Je peux fumer ?Nous essayons de maintenir cet endroit labri de la fume , rpondit Anders Nygrd

    avec un petit sourire.

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    Harry remarqua que Vibeke baissait les yeux quand il remit son paquet dans sa poche depantalon.

    Quest-ce que vous entendez par statistiques ? demanda lhomme. Quest-ce qui vousfait croire que vous pouvez les appliquer un cas isol comme celui-ci ?

    Eh bien, avant que je rponde vos deux questions, Nygrd, avez-vous de quelconques

    connaissances dans ce domaine ? Loi normale, variance, cart type ?Non, mais jeBien, linterrompit Harry. Car dans le cas prsent, ce nest pas ncessaire. Cent ans de

    statistiques criminelles provenant du monde entier nous apprennent en effet une seule chose : quecest son mec qui a fait le coup. Ou que si elle nen avait pas, que cest celui qui peut imaginerltre. Cest la rponse votre premire question. Et la deuxime.

    Anders Nygrd rencla et lcha Vibeke. Cest compltement hors sujet, vous ne savez rien de Camilla Ln.Cest juste.Alors pourquoi dites-vous a ?Parce que vous mavez pos la question. Et si vous avez fini avec les vtres, je peux

    peut-tre revenir aux miennes ? Nygrd sembla sur le point de rpliquer, mais changea davis et posa un regard courroucsur la table. Harry avait pu se tromper, mais il lui avait sembl apercevoir une ombre de sourireentre les fossettes de Vibeke.

    Croyez-vous que Camilla Loen consommait des stupfiants ? demanda Harry.Pourquoi est-ce quon penserait a ? sexclama Nygrd en relevant brutalement la

    tte.Harry ferma les yeux et attendit. Non , rpondit Vibeke. Sa voix tait basse et douce. Nous ne le croyons pas. Harry rouvrit les yeux et lui fit un sourire plein de reconnaissance. Anders Nygrd la

    regarda avec un tonnement non feint. Sa porte ntait pas verrouille, cest bien a ? Nygrd acquiesa. Vous ne trouvez pas a bizarre ?Pas tellement. Elle tait chez elle, quand mme.Mmm. Vous avez une serrure toute simple votre porte, et jai remarqu que vous

    avez ferm aprs mavoir laiss entrer, dit Harry avec un petit signe de tte lattention deVibeke.

    Elle est un peu angoisse, rpondit Nygrd en donnant une petite tape sur le genou desa voisine.

    Oslo nest plus ce quil tait , rpondit-elle. Son regard rencontra un court instant celuide Harry.

    Vous avez raison, rpondit ce dernier. Et on dirait que Camilla Loen aussi lavaitcompris. Sa porte compte deux serrures de sret et un entrebilleur. Elle ne m a pas donnlimpression dtre une nana qui serait alle prendre une douche en laissant son appartementouvert tous les vents.

    Nygrd haussa les paules. Le type en question a peut-tre crochet la serrure pendant quelle tait sous la douche ?Il ny a que dans les films quon crochte les serrures de sret, rpondit Harry en

    secouant la tte.

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    Il y avait peut-tre dj quelquun dans lappartement avec elle ? suggra Vibeke.Et qui ? Harry attendait en silence. Comprenant que personne nallait le rompre, il se leva. On vous contactera pour une audition. En attendant, je vous remercie. Arriv dans lentre, il se retourna.

    propos, lequel de vous deux a appel la police ?Ctait moi, rpondit Vibeke. Jai tlphon pendant quAnders tait parti chercher legardien de limmeuble.

    Avant de lavoir trouve ? Comment saviez-vous que ?Il y avait du sang dans leau qui a fui chez nous.Ah oui ? Comment lavez-vous su ? Anders Nygrd poussa un soupir exagrment las et posa une main sur la nuque de

    Vibeke. Ctait rouge, ce nest pas a ?Eh bien, il y a dautres choses que le sang qui soient rouges, fit observer Harry.Cest vrai, dit-elle. Et ce ntait pas la couleur.

    Anders Nygrd la regarda, comme deux ronds de flan. Elle sourit, mais Harry remarquaquelle se glissait hors de porte de la main de son concubin. Jai habit avec un cuistot, et on faisait tourner un petit restaurant. Ce qui fait que jai

    appris deux ou trois trucs sur la nourriture. Entre autres que le sang contient de l albumine, etque si on verse du sang dans une casserole qui contient de l eau plus de soixante-cinq degrs, ilcoagule et fait des grumeaux. Exactement comme quand un uf clate dans de leau bouillante.Quand Anders a got lun des grumeaux et ma dit que a avait le got duf, jai compris quectait du sang. Et quil stait pass quelque chose de grave.

    La bouche du susnomm souvrit moiti. Il avait subitement pli sous sa peau brune, luiaussi.

    Bon apptit , murmura Harry avant de sen aller.

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    Chapitre 5

    Vendredi. Underwater

    Harry avait horreur des pubs thme. Irlandais, topless, news ou pire que tout clbrits, aux murs orns de portraits de clients fameux. Le thme de lUnderwater tait unmlange maritime peu clair de plonge sous-marine et de romantisme de vieux grements. Maisaprs avoir bien entam sa quatrime pinte, Harry cessa de soccuper des aquariums remplis debulles vertes, des casques de scaphandrier et des intrieurs rustiques en bois grinant. Les chosesauraient pu tre pires. La dernire fois quil tait venu, les gens staient tout coup mis sautersur place en chantant des airs dopra clbres, et pendant une fraction de seconde, il avait eulimpression que la comdie musicale avait enfin rattrap la ralit. Il regarda autour de lui etconstata avec un certain soulagement quaucun des quatre clients de lendroit navait lair dedevoir se mettre chanter sans crier gare.

    Vacances ? demanda-t-il la fille derrire le comptoir quand elle posa la pinte devantlui.Il est sept heures. Elle lui rendit la monnaie en billets de cent plutt quen deux cents.Sil avait pu, il serait all chez Schrder. Mais il avait la vague Impression quil y tait

    persona non grata, et il navait pas le courage de tirer les choses au clair. Pas aujourdhui. Il serappelait des bribes dun incident survenu mardi. Ou mercredi ? Quelquun stait mis remuerle pass en parlant de la fois o Harry tait pass la tl, prsent comme un hros de la policenorvgienne parce quil avait abattu un assassin Sydney. Un mec avait fait des commentaires eten tait venu aux railleries insultantes. Lune delles avait fait mouche. En taient-ils venus auxmains ? On ne pouvait pas lexclure, mais les blessures sur les phalanges et larte du nez aveclesquelles Harry stait rveill le lendemain pouvaient tre conscutives une mauvaise chutesur le pav de Dovregata.

    Son mobile sonna. Harry regarda le numro qui saffichait et constata que cette fois-cinon plus, ce ntait pas Rakel.

    Salut, chef.Harry ? O est-ce que tu es ? demanda Bjarne Mller dune voix qui trahissait son

    inquitude.Sous leau. Quest-ce qui se passe ?Leau ?Leau. De leau saumtre. De leau de Seltz. Tu as lair comment on dit, dj ? Dans

    tous tes tats.Tu es beurr ?Pas assez.Quoi ?Rien. La batterie ne va pas tarder lcher, chef.Lun des agents qui taient sur place a menac dcrire un rapport sur ton compte. Il a

    dit que tu tais visiblement gris quand tu es arriv.Pourquoi a menac, et pas menace ?Je len ai dissuad. Est-ce que tu tais gris, Harry ?Bien sr que non, chef.

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    Est-ce que tu es parfaitement sr de dire la vrit, Harry ?Est-ce que tu es parfaitement sr de vouloir le savoir ? Harry entendit Mller gmir lautre bout du fil. a ne peut plus durer, Harry. Je suis contraint de dire stop.OK. Commence par me retirer cette affaire.

    Quoi ?Tu as trs bien entendu. Je ne veux pas bosser avec ce porc. Mets un autre gonze sur lecoup.

    On na pas les ressources suffisantes en personnel pourAlors tu ferais aussi bien de me foutre la porte. Je men tape. Harry glissa le mobile dans sa poche intrieure. Il entendit la voix de Mller vibrer

    faiblement sur son sein. En fait, ctait assez agrable. Il termina son verre, se leva et sortit enchancelant sous le chaud soleil dt. Le troisime taxi quil hla dans Ullevlsveien sarrta et lefit monter.

    Holmenkollveien , dit-il en appuyant sa nuque en sueur sur le cuir frais de la banquettearrire. Tandis quils roulaient, il fixait par la vitre arrire les hirondelles qui se dcoupaient sur

    le ciel bleu ple, la recherche de leur pitance. C

    tait lheure o les insectes sortaient. C

    tait lecrneau des hirondelles, leur chance de survivre. partir de maintenant, le soleil allait

    descendre.

    Le taxi sarrta en contrebas dune grande villa de rondins sombre. Je vous monte jusque l-haut ? demanda le chauffeur.Non, on va juste rester un petit moment ici , rpondit Harry.Il leva les yeux vers la maison. Il lui sembla voir rapidement Rakel la fentre. Oleg

    nallait certainement pas tarder se coucher.Il devait srement faire des pieds et des mains pour retarder un peu l heure du coucher

    puisque ctait Cest vendredi, aujourdhui, hein ? Le chauffeur de taxi hocha lentement la tte en fixant son passager dun regard vigilant.Les jours. Les semaines. Bon sang, que ce mme grandissait vite.Harry se frotta le visage, essaya dimprimer un peu de vie sur ce masque mortuaire la

    pleur automnale avec lequel il se trimbalait.a avait t plus joli voir en hiver.Harry avait clairci quelques affaires de moyenne importance, il avait un tmoin dans

    laffaire Ellen, il avait t mis au rgime sec, lui et Rakel taient passs du stade de jeunesamoureux celui o lon commence faire des choses dignes dune vraie famille. Et il avaitaim a. Les sjours au chalet. Les runions denfants. Avec Harry comme responsable debarbecue. Il avait aim recevoir la Frangine et son pre pour le repas du dimanche, et voir sasur, qui souffrait du syndrome de Down, jouer avec Oleg, qui avait neuf ans. Et cerise sur legteau : ils taient toujours amoureux. Rakel avait mme mis lide que Harry puisse venirsinstaller avec elle. Elle avait argu que la maison tait trop grande rien que pour elle et Oleg. EtHarry ne stait pas employ outre mesure trouver une objection cela.

    On verra quand jen aurai fini avec laffaire Ellen , avait-il dit.Le voyage quils avaient prvu en Normandie, trois semaines dans une gentilhommire et

    une semaine sur une pniche, tait envisag comme une sorte de test de maturit.Puis les choses staient mises moins bien fonctionner.

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    Il avait boss tout lhiver sur laffaire Ellen. Intensment. Trop intensment. Mais Harryne connaissait pas dautre faon de travailler. Et Ellen Gjelten navait pas seulement t unecollgue, mais aussi sa plus proche amie et celle qui le comprenait le mieux. Il y avait trois ansque tous deux avaient traqu un trafiquant darmes oprant sous le nom de code de Prinsen, etquune batte de bois avait t la vie Ellen. Les traces sur place avaient dsign Sverre Olsen,

    une vieille connaissance du milieu no-nazi. Ils navaient malheureusement jamais pu entendreses explications, puisque celui-ci avait ramass une balle dans le crne aprs avoir soi-disant tir

    sur Tom Waaler lors de son arrestation. Harry tait nanmoins convaincu que Prinsen tait levritable commanditaire du meurtre, et il avait persuad Mller de le laisser effectuer sa propreenqute. Ctait une affaire aussi personnelle que possible et a allait lencontre de tous lesprincipes quils suivaient la Crim, mais Mller lavait autoris un temps, comme une sorte dercompense pour les rsultats quavait obtenus Harry dans dautres affaires. Et cet hiver, il yavait effectivement eu du nouveau. Le soir du meurtre, un tmoin avait vu Sverre Olsen dans unevoiture rouge, Grnerlkka, en compagnie dune autre personne, seulement quelquescentaines de mtres du lieu du crime. Le tmoin tait un certain Roy Kvinsvik, dj condamn etancien no-nazi, prsent pentectiste de frache date la paroisse de Filadelphia. Kvinsvik

    n

    tait pas ce quon pourrait appeler un tmoin modle, mais il avait longuement tudi la photoque Harry lui montrait avant de dire que oui, ctait bien la personne quil avait vue dans la

    voiture avec Sverre Olsen. Ctait Tom Waaler qui figurait sur la photo.Mme si a faisait longtemps que Harry souponnait Tom Waaler, cette confirmation

    avait t un choc. Dautant plus que a signifiait quil y avait dautres vers dans le fruit. Dans lecas contraire, Prinsen naurait jamais pu oprer en ayant les coudes aussi franches. Et asignifiait de nouveau que Harry ne pouvait plus faire confiance personne. Il avait parconsquent ferm sa gueule sur ce que Kvinsvik lui avait dit, parce quil savait quil nauraitdroit qu un essai, que la pourriture devait tre radique en une seule fois. Et il fallait qu il soitsr que la racine suivrait, sinon, cen tait fait de lui.

    Voil pourquoi Harry stait mis en toute discrtion monter une affaire bton, ce quistait rvl plus difficile que prvu. Puisquil ne savait pas qui il pouvait parler en toutescurit, il avait commenc explorer les archives aprs le dpart des autres, chercher en doucesur Intranet, imprimer des mails et des listes dappels aussi bien entrants que sortants faisantintervenir ceux qui sa connaissance taient dans lentourage de Waaler. Pendant desaprs-midi, il avait planqu dans une voiture sur Youngstorget pour tenir Herbert s Pizza lil.Daprs Harry, le trafic darmes soprait au sein du milieu no-nazi qui frquentait lendroit.Devant le manque de rsultats, il stait mis filer Waaler et quelques-uns de ses collgues, en seconcentrant sur ceux qui passaient pas mal de temps sentraner au tir sur le terrain quilsavaient kern. Les suivant bonne distance. Grelottant dans sa voiture pendant qu ilsdormaient chez eux. Il tait rentr chez Rakel au point du jour, extnu, stait couch quelquesheures avant de retourner bosser. Au bout dun moment, elle lavait pri de rentrer dormir chezlui les soirs o il cumulait deux gardes. Il ne lui avait pas dit que son boulot nocturne taitoff-the-record[6], off-plannings, off-suprieurs, off-plein de choses.

    Puis il stait mis bosser aussi off-Broadway[7].Il tait pass chez Herberts Pizza un soir. Puis un autre. Pour parler avec les types. Leur

    payer boire. Bien sr, ils savaient qui ils avaient affaire, mais la bire gratuite reste de la biregratuite, et ils avaient bu, souri et lavaient boucle. Petit petit, il avait compris quils nesavaient rien, mais il avait continu traner dans le coin. Il ne savait pas exactement pourquoi.Peut-tre parce que a lui donnait limpression dtre proximit de quelque chose, du repaire du

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    dragon, parce quil pensait quil fallait tre patient, attendre le jour o le dragon sortirait. Mais niWaaler ni aucun de ses collgues ne stait montr, et il en tait revenu surveiller limmeubleo habitait Waaler. Une nuit, par moins vingt degrs, alors que la rue tait dserte, il avait vuarriver un jeune portant un blouson court et lger, qui tait venu vers sa voiture avec la dmarchechaloupe caractristique des junkies. Il stait arrt devant la porte de limmeuble de Waaler,

    avait regard droite puis gauche avant de sattaquer la serrure coups de pied-de-biche.Harry avait observ de son poste, parfaitement conscient quil risquait dtre dcouvert sil

    intervenait. Le gamin tait manifestement trop dcalqu pour pouvoir engager correctement sonpied-de-biche, et quand il avait tir, un gros clat stait dtach de la porte en produisant unboucan dchirant, en mme temps que lui partait la renverse et atterrissait sur la congre quirecouvrait la bande de gazon devant limmeuble. O il tait rest tendu. On avait allum de lalumire quelques-unes des fentres. Les rideaux de chez Waaler avaient boug. Harry avaitattendu. Il ne stait rien pass. Moins vingt degrs. Toujours allum chez Waaler. Le gosse nebougeait plus. Par la suite, Harry stait demand plusieurs reprises ce quil aurait d faire. Labatterie de son mobile tait hors service cause du froid, ce qui lui interdisait dappeler leservice mdical de garde. Il avait attendu. Les minutes avaient pass. Maudits junkies. Moins

    vingt et un. Putains de junkies. videmment, il aurait pu aller en voiture prvenir le mdecin degarde. La porte de limmeuble stait ouverte. Ctait Waaler. Il tait comique en peignoir,bottes, bonnet et moufles. Il tenait deux tapis de laine. Incrdule, Harry lavait regard vrifier lepouls et les pupilles du junkie avant de lempaqueter dans les tapis. Il tait ensuite rest l,battant des bras et de la semelle, plissant les yeux vers la voiture de Harry. Quelques minutesplus tard, lambulance tait arrive devant limmeuble.

    Cette nuit-l, Harry tait rentr chez lui, stait install dans son fauteuil oreilles pourfumer en coutant les Ragga Rockers et Duke Ellington, avant de retourner au boulot sans avoirquitt ses vtements depuis les dernires quarante-huit heures.

    Rakel et Harry staient disputs pour la premire fois un soir en avril.Il avait annul au tout dernier moment un sjour dans leur chalet, et elle lui avait fait

    remarquer que ctait la troisime fois en peu de temps quil ne respectait pas un accord. Unaccord avec Oleg, avait-elle prcis. Il lavait accuse de se planquer derrire Oleg, disant que cequelle exigeait en ralit, ctait de lui donner la priorit elle plutt qu lenqute sur la mortdEllen. Elle avait appel Ellen un fantme, et dit quil stait enferm avec une morte. Que centait pas normal, quil tait accro au tragique, que ctait de la ncrophilie, que ce ntait pasEllen qui lanimait mais son propre dsir de vengeance.

    On ta bless, dit-elle. Et maintenant, tu dois faire limpasse sur tout le reste pourpouvoir te venger.

    En passant la porte en trombe, Harry avait aperu le pyjama et les yeux terrifis d Olegderrire les barreaux de la rampe de lescalier.

    Par la suite, il avait cess tout ce qui ne visait pas directement trouver le coupable. Ilavait lu des mails la lueur de lampes basses, avait fix des fentres obscures de villas etdimmeubles et attendu des gens qui ntaient jamais sortis. En dormant quelques heures par-ci,par-l dans son appartement de Sofies Gate.

    Les jours staient faits plus clairs et plus longs, mais il navait rien trouv.Et une nuit, un cauchemar de son enfance tait brusquement rapparu. La Frangine. Ses

    cheveux coincs. Lexpression de choc sur son visage. Lui, incapable du moindre mouvement.Le rve tait revenu la nuit suivante. Puis la suivante.

    ystein Eikeland, un copain denfance qui picolait chez Malik quand il ne conduisait pas

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    son taxi, avait dit Harry quil avait lair sur les rotules, et lui avait propos du speed bas prix.Harry avait dclin et continu sa course, furieux, harass.

    a navait t quune question de temps avant que les choses ne dgnrent.Ctait quelque chose daussi prosaque quune facture impaye qui avait dclench

    lavalanche. Ctait la fin mai, et il navait pas parl Rakel depuis plusieurs jours quand il fut

    rveill sur son fauteuil de bureau par la sonnerie du tlphone. Rakel lui dit que lagence devoyages avait de nouveau demand que soit rgle la facture concernant la ferme en Normandie.

    Ils avaient jusqu la fin de la semaine, la suite de quoi le crneau serait accord quelqu undautre.

    Vendredi dernier carat , avait-elle dit avant de raccrocher.Harry tait all aux toilettes, stait asperg le visage deau froide et avait crois son

    propre regard dans le miroir. Sous sa mche dresse et humide, il avait vu deux yeux injects desang au-dessus de poches sombres et de joues creuses. Il avait essay de sourire. Des dentsjaunes taient apparues dans un rictus. Il ne stait pas reconnu. Et il avait compris que Rakelavait raison, on arrivait au terme. Pour lui et Rakel. Pour lui et Ellen. Pour lui et Tom Waaler.

    Le mme jour, il tait all trouver son suprieur direct, Bjarne Mller, le seul dans lhtel

    de police en qui il ait confiance cent pour cent. Mller avait alternativement hoch et secou latte quand Harry lui avait dit ce quil voulait, et lui avait dit quheureusement, il ny pouvait rien,quil fallait que Harry voie a directement avec le chef de la Criminelle. Et quil devrait de toutefaon y rflchir deux fois avant de se lancer. Harry tait all directement du bureau carr deMller celui ovale du chef de la Criminelle, avait frapp, tait entr et avait expos ce quilavait. Un tmoin qui avait vu Tom Waaler en compagnie de Sverre Olsen. Et le fait que ctaitjustement Waaler qui avait abattu Olsen durant son arrestation. Voil. Voil tout ce quil avait aubout de cinq mois de labeur, cinq mois de chasse lafft, cinq mois au bord de la folie.

    Le chef de la Criminelle lui avait demand ce qui, selon Harry, avait t le motif ventuelde Waaler pour tuer Ellen Gjelten.

    Harry avait rpondu quEllen avait dtenu des informations importantes. Le soir de samort, elle avait laiss un message sur le rpondeur de Harry dans lequel elle disait savoir qui taitPrinsen, le principal responsable des importations illgales darmes qui faisaient que les milieuxcriminels dOslo se retrouvaient du jour au lendemain abondamment fournis en armes de tueursprofessionnels.

    Il tait malheureusement trop tard quand jai rappel, avait ajout Harry en essayant delire sur le visage du chef de la Crim.

    Et Sverre Olsen ?Quand nous sommes tombs sur la piste de Sverre Olsen, Prinsen la supprim pour

    quil ne puisse pas dvoiler qui tait derrire le meurtre dEllen.Et ce Prinsen serait, selon toi ? Harry avait rpt le nom de Tom Waaler, et le chef de la Crim avait hoch

    silencieusement la tte avant de reprendre la parole : Lun des ntres, donc. Lun de nosinspecteurs principaux les plus estims.

    Durant les dix secondes qui avaient suivi, Harry avait eu limpression dtre dans le videcomplet : pas un souffle, pas un son. Il savait que sa carrire pouvait s arrter cet endroit, cetinstant.

    OK, Hole. Je veux voir ce tmoin avant de dcider de ce quon va faire. Le chef de la Crim stait lev. Et je suppose que tu comprends que jusqu nouvel ordre, tout a doit rester entre toi et

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    moi.

    Combien de temps on va rester ici ? Harry sursauta en entendant la voix du chauffeur de taxi. Il tait sur le point de

    sendormir.

    On repart , dit-il en jetant un dernier coup d

    il vers la villa de rondins.Tandis quils redescendaient Kirkeveien, son tlphone mobile sonna. Ctait Beate. Nous pensons avoir trouv larme, dit-elle. Et tu avais raison : cest un pistolet.Dans ce cas, flicitations nous deux.Oh, ce ntait pas si difficile trouver. Il tait dans la poubelle sous lvier.Marque et numro ?Un Glock 23. Le numro a t effac.Les marques ?Si tu te demandes si elles sont identiques celles retrouves sur la plupart des armes

    confisques Oslo en ce moment, la rponse est oui.Je vois. Harry prit son tlphone dans la main gauche. Ce que je ne comprends pas,

    cest pourquoi tu m

    appelles pour me raconter tout a. Je ne suis pas concern. ta place, je nen serais pas si sre. Mller a dit que

    Mller et toute cette putain de police dOslo peuvent aller se faire foutre ! Harry sursauta au son de sa propre voix et ce qu elle avait de perant. Il vit les sourcils

    en V du conducteur emplir le rtroviseur. Dsol, Beate. Je Tu es toujours l ?Oui.Je suis un peuoff, en ce moment.a peut attendre.De quoi ?a ne presse pas.Allez, quoi ? Elle poussa un soupir. Tu as remarqu la boursouflure que Camilla Loen avait juste au-dessus de la paupire ?Bien sr.Je me disais que le meurtrier lavait peut-tre frappe, ou quelle se ltait faite en

    tombant. Mais il est apparu que ce ntait pas une boursouflure.Ah ?Le lgiste a pass son doigt dessus, et il a senti que ctait tout dur. Il a alors gliss le

    doigt sous la paupire, et tu sais ce quil a trouv sur le dessus de son globe oculaire ?Euh nonUne petite pierre prcieuse rouge taille en forme dtoile. On pense que a peut tre un

    diamant. Quest-ce que tu dis de a ? Harry prit une inspiration et regarda lheure. Il restait encore trois heures avant quils ne

    cessent de servir chez Sofie. Que je ne suis pas concern , rpondit-il avant dteindre son mobile.

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    Chapitre 6

    Vendredi. Eau

    La scheresse svit, mais jai vu le policier sortir de sous leau. Leau pour ceux qui ontsoif. Leau de pluie, leau de rivire, les eaux.

    Il ne ma pas vu. Il a titub jusqu Ullevlsveien o il a essay darrter un taxi. Aucunne voulait de lui. Comme lune des mes en peine qui errent le long de la rive sans que lepasseur veuille les prendre. Je sais un peu ce que a fait. Dtre trait comme un chien par ceuxqui la veille vous nourrissaient. Dtre rejet alors que, pour une fois, cest vous qui avez besoindaide. De dcouvrir quon vous crache dessus et que vous navez personne sur qui cracher enretour. De comprendre lentement ce quil faut faire. Le paradoxe, cest bien entendu que lechauffeur de taxi qui a piti de vous, vous lui tranchez la gorge.

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    Chapitre 7

    Mardi. Licenciement

    Harry alla tout au fond du magasin, ouvrit la porte vitre de larmoire des produits laitierset se pencha lintrieur. Il remonta son T-shirt tremp de sueur, ferma les yeux et sentit lesouffle rafrachissant caresser sa peau.

    On annonait une nuit caniculaire, et le peu de clients dans la boutique taient en qute degrillades, de bire et deau minrale.

    Harry la reconnut la couleur de ses cheveux. Elle tait au rayon boucherie et lui tournaitle dos. Son large derrire emplissait son jean la perfection. Lorsquelle se retourna, il constataquelle portait un haut motif zbre, mais tout aussi troit que le lopard. Vibeke Knutsenchangea alors davis, remit les morceaux de buf sous blister dans le rayon, poussa son chariotjusquau rayon frais et y saisit deux paquets de filet de cabillaud.

    Harry redescendit son T-shirt et ferma la porte vitre. Il ne voulait pas de lait. Ni deviande ou de poisson. En dfinitive, il voulait le strict minimum, juste quelque chose manger.Pas cause de la faim, mais pour son ventre, qui avait pris un coup de dlire la veille au soir. Etil savait dexprience que sil ningrait pas quelque chose de solide, pas une seule gouttedalcool ne resterait dans son estomac. Dans son caddie, il avait un pain complet et un sac duVinmonopol, de lautre ct de la rue. Il ajouta un demi-poulet, un pack de six Hansa et longeatout tranquillement le rayon fruits avant de prendre la file la caisse, juste derrire VibekeKnutsen. Pas dlibrment, mais peut-tre pas compltement par hasard non plus.

    Elle se tourna demi sans le regarder tout en fronant le nez, comme si quelque chose nesentait pas bon, ce que Harry ne pouvait pas exclure. Elle demanda la caissire deux paquets dePrince Mild.

    Je croyais que vous essayiez de prserver la maison du tabac. tonne, Vibeke se retourna et le regarda. Puis elle lui fit trois sourires diffrents.

    Dabord un premier, automatique. Puis un qui montrait quelle le reconnaissait. Enfin, aprsavoir pay, un sourire curieux.

    Et vous allez faire la bamboche, ce que je vois. Elle fourra ses achats dans un sac en plastique. Un truc dans le genre , murmura Harry en souriant son tour.Elle pencha lgrement la tte de ct. Les zbrures remurent. Beaucoup de convives ?Seulement quelques-uns. Dont aucun na t invit. La caissire tendit sa monnaie Harry, qui fit un signe de tte vers le tronc de l Arme du

    Salut. Vous devez bien pouvoir les lourder ? Son sourire avait atteint les yeux. Eh bien Ces invits-l ne se laissent pas virer aussi facilement. Les bouteilles de Jim Beam tintrent joyeusement contre le pack de bires quand il

    souleva ses sacs. Ah ? De vieux copains de beuverie ? Harry lui jeta un coup dil. Elle semblait savoir de quoi elle parlait. Il en fut dautant

    plus frapp quelle vivait avec un gars qui avait tout lair dun ascte. Ou plus exactement :

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    quun tel ascte vivait avec elle. Je nai pas de copains, dit-il.Des copines, alors. Le genre collant, aussi ? Il avait prvu de lui tenir la porte ouverte, mais ctait une porte automatique. Aprs tout,

    il navait fait ses courses ici que quelques centaines de fois. Arrivs sur le trottoir, ils se firent

    face. Harry ne savait pas quoi dire. Ce fut certainement pour cela quil dit : Trois nanas. Ilarrive quelles sen aillent si je bois suffisamment.

    Hein ? dit-elle en mettant une main en visire au-dessus de ses yeux pour pouvoir leregarder.

    Rien. Dsol. Je pensais juste voix haute. Cest--dire, je ne pense pas mais je lefais voix haute, en tout cas. Je papote, si on peut dire. Je

    Il ne savait pas pourquoi elle tait toujours en face de lui. Ils ont mont et descendu les escaliers toute la journe, dit-elle.Qui a ?La police, tiens.

    Harry intgra lentement linformation : un week-end s

    tait coul depuis son passagedans lappartement de Camilla Ln. Il essaya dapercevoir son propre reflet dans la vitrine. Tout

    le week-end ? De quoi avait-il lair, maintenant ? Vous ne voulez rien nous dire, dit-elle. Et les journaux disent juste que vous navez

    aucune piste. Cest vrai ?Ce nest pas mon affaire.Je vois. Vibeke Knutsen acquiesa. Puis elle sourit. Et vous savez quoi ?Quoi ?En fait, cest aussi bien. Harry mit quelques secondes raliser ce quelle venait de dire. Il se mit rire, jusqu

    ce que a dgnre en vilaine quinte de toux Curieux que je ne vous aie jamais vue dans ce magasin , dit-il quand il eut repris son

    souffle.Vibeke haussa les paules. Qui sait, on sy reverra peut-tre bientt ? Elle lui fit un sourire blouissant et tourna les talons. Les sacs plastique et son popotin

    ondulaient doucement dun ct, puis de lautre.Toi, moi et un animal en Afrique.Harry pensa ces mots si intensment que pendant un instant, il craignit de les avoir dits

    voix haute.

    Un homme se tenait sur les marches devant la porte de limmeuble de Sofies Gate, laveste sur lpaule et une main appuye sur le ventre. Sa chemise tait orne de taches sombressur la poitrine et sous les aisselles. Lorsquil aperut Harry, il se redressa.

    Harry inspira et se prpara au pire. Ctait Bjarne Mller. Doux Jsus, Harry !Doux Jsus, chef.Tu sais de quoi tu as lair ?Dtre en petite forme ? rpondit Harry en sortant ses cls.Tu as reu la consigne dapporter ton aide sur cette affaire de meurtre, ce week-end, et

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    personne ne ta vu. Et aujourdhui, tu ne viens mme pas bosser.Panne de rveil, chef. Et ce nest pas si loin de la ralit que tu le crois.Et cest peut-tre aussi ce qui sest pass les semaines pendant lesquelles on ne ta pas

    vu, avant ce vendredi ?Eh bien les nuages se sont dissips aprs la premire semaine. Jai appel au boulot,

    et on ma dit que quelqu

    un m

    avait coll sur la liste des vacanciers. Je me suis dit que c

    taittoi.

    Harry monta lescalier pas lourds, un Mller trpignant sur les talons. Il le fallait bien, rpondit Mller en gmissant, une main sur le ventre. Quatre semaines,

    Harry !Boah, une nanoseconde lchelle cosmique.Et pas un seul mot sur lendroit o tu tais ! Harry sappliqua introduire la cl dans la serrure. a arrive maintenant, chef.De quoi ?Un mot sur lendroit o jtais. Ici.

    Harry poussa la porte, et une puanteur aigre-douce de vieilles ordures, de bire et demgots de cigarettes les assaillit. a taurait aid te sentir mieux, de le savoir ? Harry entra, et Mller suivit avec hsitation. Pas besoin de retirer tes godasses, chef , cria Harry depuis la cuisine.Mller leva les yeux au ciel et traversa le salon en veillant ne pas mettre le pied sur une

    bouteille vide, une assiette pleine de mgots ou un vinyle. Tu es rest ici picoler pendant quatre semaines, Harry ?Avec des pauses, chef. De longues pauses. Je suis en vacances, non ? La semaine

    dernire, je nai presque pas aval une goutte.Japporte de mauvaises nouvelles, Harry , cria Mller en dfaisant le crochet de la

    fentre et en donnant des coups fbriles sur le montant. la troisime bourrade, le battant partit la vole. Il gmit, dfit sa ceinture et le premier bouton de son pantalon. Lorsquil se retourna,Harry tait la porte du salon, une bouteille de whisky ouverte la main.

    Mauvaises quel point ? demanda Harry en regardant la ceinture dgrafe du capitaine.Je vais tre ross, ou viol ?

    Digestion paresseuse, expliqua Mller.Mmm, fit Harry en sentant le goulot. Drle dexpression, a, digestion paresseuse. Je

    me suis aussi lgrement bagarr avec mon bide, ce qui fait que je me suis un peu renseignl-dessus. Digrer des aliments prend entre douze et vingt-quatre heures. Chez tout le monde.Quoi quil arrive. Tes intestins nont pas besoin de plus de temps, ils font juste plus mal.

    HarryUn verre, chef ? moins quil doive tre propre, sentend.Je viens te dire que cest termin, Harry.Tu raccroches ?Arrte ! Mller abattit son poing sur la table en faisant sursauter les canettes vides, avant de se

    laisser tomber dans un fauteuil oreilles vert. Il se passa une main sur le visage. Jai dj risqu mon job trop de fois pour sauver le tien, Harry. Il y a des gens dans ma

    vie qui me sont plus proches que toi. Dont jai la charge. a sarrte ici, Harry. Je ne peux plus

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    taider.Bon. Harry sassit dans le canap et remplit un des verres qui se trouvaient l. Personne ne ta demand daider, chef, mais merci quand mme. Pour ce que a a dur.

    Skl.

    Mller inspira profondment et ferma les yeux. Tu sais quoi, Harry ? Quelquefois, tu es lenfoir le plus arrogant, le plus goste et leplus con de la plante.

    Harry haussa les paules et vida son verre dun trait. Jai rdig ta lettre de licenciement , linforma Mller.Harry reposa son verre et le remplit de nouveau. Elle est sur le bureau du chef de la Crim. Tout ce qui manque, cest sa signature. Tu

    sais ce que a veut dire ? Harry acquiesa. Tu es sr que tu ne veux pas ten jeter un petit avant dy aller, chef ? Mller se leva. Arriv la porte, il se retourna.

    Tu nas pas ide du mal que a me fait de te voir dans cet tat, Harry. Rakel et ceboulot, ctait tout ce que tu avais. Tu as dabord sabord Rakel. Et maintenant, le boulot.

    Il y a exactement quatre semaines que jai foutu les deux en lair. Harry le pensa on nepeut plus fort.

    Vraiment mal, Harry. La porte se referma derrire Mller.Trois quarts dheure plus tard, Harry dormait dans son fauteuil. Il avait eu de la visite.

    Pas des trois femmes habituelles. Ctait le chef de la Crim.

    Il y avait quatre semaines et trois jours. Ctait le chef de la Crim lui-mme qui avaitdemand que le rendez-vous ait lieu au Boxer, un bar de soiffards bienheureux sis un jet depierre de lhtel de police et quelques pas chancelants du caniveau. Rien que lui-mme, Harryet Roy Kvinsvik. Il avait expliqu Harry que tant quils navaient pas pris de dcision, il taitprfrable que tout se droult aussi officieusement que possible, de sorte quil ait toutes lespossibilits de retraite.

    Il navait rien dit quant aux possibilits de retraite de Harry.Quand Harry tait arriv au Boxer un quart dheure plus tard que convenu, le chef de la

    Crim tait assis tout au fond de la salle devant une pinte de bire. Harry avait senti son regard surlui au moment o il sasseyait, ces yeux bleus qui luisaient au fond de leurs orbites, de part etdautre dun nez fin et majestueux. Il avait le cheveu gris et dense, il tait mince et se tenait droit,compte tenu de son ge. Il avait parfaitement lapparence de ces sexagnaires dont il est difficiledimaginer quils ont un jour eu lair jeune. Ou quun jour, ils auront lair vieux pour de bon. la Brigade, on lappelait le Prsident parce que son bureau tait ovale, mais aussi parce qu il enavait la faon de parlernotamment en public. Mais cette entrevue tait aussi officieuse quepossible . Le chef de la Crim avait ouvert sa bouche sans lvres : Tu es seul.

    Harry stait command une Farris, avait ramass un menu qui tranait sur la table, tudila premire page avant de dire nonchalamment, comme sil sagissait dune informationsuperflue : Il a chang davis.

    Ton tmoin a chang davis ?Oui.

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    Le chef de la Crim avait lentement bu un peu de sa bire. Il a accept dtre tmoin pendant cinq mois, dit Harry. Avant-hier pour la dernire

    fois. Vous pensez queleisbein est bon ?Quest-ce quil a dit ?Nous tions convenus que je passe le chercher aprs la runion Filadelphia

    aujourdhui. Quand je suis arriv, il m

    a dit qu

    il avait rflchi. Et qu

    il en tait arriv laconclusion quen fin de compte, ce ntait pas Tom Waaler quil avait vu dans la voiture avec

    Sverre Olsen. Le chef de la Crim regarda Harry. Puis, dun geste dont Harry comprit quil sonnait la fin

    du rendez-vous, il remonta sa manche de manteau et regarda sa montre. Dans ce cas, on ne peut gure que supposer que c tait quelquun dautre que Tom

    Waaler que ton tmoin a vu. Quen dis-tu, Hole ? Harry dglutit. Puis de nouveau. En regardant fixement son menu. Eisbein. Je dis eisbein.Pas de problme. Je me sauve, mais fais-le inscrire sur ma note.Trs gentil de votre part, chef, dit Harry avec un petit rire. Mais pour tre parfaitement

    honnte, jai le vilain sentiment que je resterai malgr tout avec l

    addition sur les bras. Le chef de la Crim plissa le front et lorsquil parla, lirritation tait bien sensible dans sa

    voix : Alors laisse-moi tre parfaitement honnte moi aussi, Hole. Il est de notorit publiqueque toi et linspecteur principal Waaler ne pouvez pas vous encadrer. Depuis linstant o tu asavanc ces accusations inconsistantes, jai eu le sentiment que tu laissais ta propre antipathieinfluencer ton jugement. Tel que je vois les choses, je viens davoir la preuve que ce soupontait fond.

    Le chef de la Crim repoussa sa pinte encore moiti pleine du bord de la table, se leva etreboutonna son manteau.

    Alors je vais tre bref, mais jespre clair, Hole. Le meurtre dEllen Gjelten estclairci, et partant, laffaire est classe. Ni toi ni qui que ce soit dautre na russi prsenterquelque chose de suffisamment nouveau pour que lenqute puisse tre relance. Si tu approchescette affaire de nouveau rien que a ce sera considr comme le non-respect dun ordre, et talettre de licenciement filera illico la DRH, signe de ma main. Je ne fais pas cela parce que jerefuse de croire quil y ait des policiers corrompus, mais parce quil est de ma responsabilit demaintenir une certaine morale professionnelle dans la bote. Ce qui implique que nous nepouvons pas employer des lments qui crient au loup tort et travers. Si japprends que tucontinues porter dune quelconque manire des accusations contre Waaler, tu serasimmdiatement suspendu, et cest le SEFO qui sera charg de laffaire.

    Quelle affaire ? demanda Harry voix basse. Waaler con