lettre aux amis des auxiliaires du sacerdoce 2012
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Revue annuelle des auxiliaires du SacerdoceTRANSCRIPT
Penser large, agir localement
duSacerdoce
Auxiliaires
2012
lettre aux amis
Congrégation des Auxiliaires du Sacerdoce
57, rue Lemercier,75017 ParisTél. et fax :
01 42 26 70 89E-mail :
www.auxiliaires- du-sacerdoce.com
CCP Auxiliaires Paris 14543 18 L
Directeur de publicationMarie-Laure Quellier
Comité de rédactionMarie-Claude Daguzan
Anne-Lise Sieffert
Crédit photosArchives
de la congrégation.Gérard Aleton
RéalisationBayard Service Edition –
Île-de-France – Centre18, rue Barbès,
92128 Montrouge CedexTél. : 01 74 31 74 10
Secrétariat de rédaction : Isabelle Tranchimand
Conception graphique : Alexandra Brizon
Imprimerie :Chevillon
sommaire édito
4 Ce monde dont nous sommesUne manière de regarder le mondeAnne GenoliniDans l’épreuve au JaponGérard AletonL’histoire n’est pas finieAnne-Lise Sieffert
16 à l'écoute de la Parole de DieuLa solidarité, un exode ? L’exode, un chemin de solidarité ?Krystel Bujat
20 à l'écoute des textes d'ÉgliseD’une encyclique à l’autreMarie-Laure Dénès
22 La solidarité, c’est ce qui fait tenir le monde debout 24 Aujourd'hui des solidarités vécuesFamilles de jeunes prisonniers : dans l’antichambre des parloirsMarie-Noëlle BrunaultArtisans du monde… une nouvelle solidarité ?Jeanne-Antoinette Dussardier« Chaque jour, donner et recevoir »Claude DegueurceLe Christ est aussi venu pour ZachéeMireilleUn enrichissement mutuelJean Théréau et Odile Ducarouge
34 Vers demainPoser un geste significatifMarie-Claude Daguzan
36 à l'écoute de saint IgnacePenser globalement, agir localementJean-Marie Carrière, sj
38 Nouvelles
Durant cette année, alors que nous avions décidé en congrégation de parler de la solidarité, notre monde s’est embrasé, pays après pays. Qui aurait pu penser que des chefs d’Etat, au pouvoir depuis des décennies, tomberaient ainsi en quelques semaines ?
Au même moment, d’autres pays sont anéantis par des cataclysmes naturels comme la Nouvelle Zélande, le Japon… Un véritable chaos s’abat sur notre terre.Notre société est questionnée, non seulement par tous ces faits, mais aussi par la crise financière, par la problématique des réfugiés qui frappent à la porte de l’Europe, par l’augmentation de la pau-vreté dans notre pays et du taux de chômage. C’est dans ce contexte du monde, de la France, que nous avons abordé la question de la solidarité. Anne nous aide à réfléchir sur notre manière de regarder le monde et Gérard nous parle de la façon de concevoir la solidarité au Japon.Le terme de « solidarité » n’apparaît dans l’Eglise qu’en 1939 avec Pie XII. Nous le retrouvons dans Gaudium et Spes (1965). Jean Paul II en fera le thème d’une de ses encycliques « Sollicitudo rei socialis ». Le mot « solidarité » y revient plus de vingt fois !Dans son encyclique « l’Amour dans la Vérité », Benoît XVI reprend ce message mais avec des accents nouveaux dans le contexte diffi-cile d’aujourd’hui. Marie Laure Denès déchiffre avec nous la parole de l’Eglise au cours des dernières décennies.A travers l’histoire de Moïse, Krystel nous invite à découvrir un Dieu solidaire des hommes.L’Encyclique « l’Amour dans la Vérité » ne donne pas de solution toute faite. Elle nous appelle à discerner, dans le quotidien de nos vies, pour oser de nouveaux chemins de fraternité. Anne-Lise relit la solidarité vécue dans la congrégation au fil des années, à travers quelques évolutions. Aujourd’hui, laissons-nous interpeler dans notre quotidien avec Marie-Noëlle, Jeanne-Antoinette, Mireille, Jean et Odile.« Penser globalement et agir localement », emblème de la mondiali-sation en cours ! Est-ce nouveau ? Jean Marie Carrière interroge saint Ignace.En cette fin d’année je suis heureuse de vous présenter tous mes meilleurs vœux pour l’année 2012. Marchons en Eglise vers Diaconia 2013.
Marie-Laure Quellier
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Pour commencer notre année de ré-flexion sur la solidarité, nous avons pris le temps de regarder ce monde dont nous sommes, avec des yeux nouveaux. Anne, Auxiliaire, en communauté à Meudon et étudiante en théologie et philosophie au Centre Sèvres à Paris, partage avec nous ce que ce temps a façonné en elle.
Attendre passivement et regarder de façon indifférente ne sontpas des attitudeschrétiennes *
Une manière de regarder le monde
Trouver une manière fécondede regarder le monde« Regarde le monde, il est plus extra-ordinaire que tous les rêves fabriqués ou achetés en usine. 2 » Cette phrase apprise par cœur quand j’étais ado-lescente provient d’un livre paru en 1953 aux États-Unis, Fahrenheit 451. Ray Bradbury y imagine un monde où les livres sont interdits et brûlés. Des panneaux publicitaires cachent le paysage. Les écrans de télévision peuvent occuper la surface des murs des maisons. Le monde est mis en scène par un pouvoir dictatorial pour endormir l’intelligence et annihi-ler la volonté. « Gorgez-les de faits, qu’ils se sentent gavés, mais absolu-ment brillants côté information. Ils auront l’impression de penser, ils au-ront le sentiment du mouvement tout en faisant du sur place. 3 » Dans ces conditions, aucun risque de voir se lever des « indignés » !Les Auxiliaires pourraient prétendre avoir une vision large du monde. Nos missions sont diverses, au contact de personnes très différentes. Les échanges institués dans la congré-gation, hier par courrier, aujourd’hui
2. Ray Bradbury, Fahrenheit 451, Denoël, 1995, p. 204.3. Ibid. p. 90.
Depuis le dernier cha-pitre qui a eu lieu en février-mars 2008, nous nous étions exercées à regarder
le monde à la manière de la Trinité, comme le propose Ignace de Loyola, dans les Exercices spirituels 1. Cette année, nous avons été invitées à un autre type de regard, que l’on pourrait qualifier d’« objectif ». S’informer, réfléchir : c’est ce que nous voulions vivre pour réajuster ou élargir notre conception de la solidarité et discer-ner comment agir en conséquence. Mais comment porter un regard sur le monde qui soit mobilisateur et porteur d’espérance ?
1. Anne-Marie Petitjean, « Une lecture spirituelle du monde qui est le nôtre », dans la Lettre aux amis 2008, p. 4 à 7.
par mail, nous permettent de parta-ger nos expériences. En plus de cela, toutes les communautés suivent les informations par les médias à leur disposition. Et pendant certaines de nos réunions communautaires, nous revenons sur un sujet d’actualité ou un autre.Mais quels sont les fruits de cette
information ? Savoir peut donner un sentiment trompeur de pouvoir, sur-tout quand l’autre ne sait pas ! En vé-rité, si les données ne correspondent pas à une réalité perceptible, que sait-on vraiment ? En revanche, une sœur qui aura cherché du travail pen-dant un an, ou une retraitée qui aura lu, par exemple, Le quai de Ouis-treham 4, recevra « humblement » la nouvelle d’une réforme de Pôle Em-ploi ou les statistiques concernant le travail précaire. Dans ces cas, l’in-formation leur permettra de faire le lien avec leurs expériences, elle pren-dra « visage » et les travaillera de l’intérieur.
4. Florence Aubenas, Les quais de Ouistreham, Éd. de l’Olivier, 2010.
ce monde dont nous sommes
* Dietrich Bonhoeffer, Résistanceet soumission, Labor et Fides, 2006, p. 36-37.
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ce monde dont nous sommes
les combattre. Ils ont pris la peine de nous exposer des données chiffrées, de les décrypter pour nous, mais aussi de les analyser et de tirer des conclusions. Ils se sont donc risqués, humblement mais avec conviction, à partager leur vision du monde.Tous les trois étaient animés par la volonté de nous faire sortir de l’opi-nion courante, des amalgames, et de nous aider à prendre conscience que certaines réalités, même noyées au milieu des autres informations, ne peuvent pas devenir des banalités. Élargir notre regard a donc d’abord consisté à sortir du fait brut et isolé pour apprendre à faire des liens entre les informations, à comprendre la signification des statistiques et à en peser le poids.Mais élargir notre regard, c’est aussi ne pas nous contenter du plan local où beaucoup sont déjà engagées, que ce soit dans les gestes écologiques, la participation aux actions de proximi-té ou le dépannage des voisins. C’est au niveau national et international que des structures plus justes doivent être mises en place. Il y a urgence notamment à construire l’Europe sociale avant toute tentative de ré-formes nationales. Nous avons donc été appelées à nous appuyer sur des réseaux d’informations et de com-pétences d’instances qui portent ce souci de justice au niveau mondial.Élargir notre regard, c’est enfin ne pas nier l’ambiguïté et la complexité
Connaître peut aussi rassurer, don-ner l’impression de savoir où va le monde… Parfois, cependant, nous nous essoufflons à nous efforcer de dépasser les limites de nos capaci-tés de compréhension et d’analyse. Nous sommes aussi tentées de sim-plifier ou de figer ce qui est complexe et mouvant. Certaines en ressortent avec une confiance ébranlée dans l’avenir sans savoir quoi penser et quoi faire. Or, ce que nous désirons profondément, c’est, au contraire, vivre la suite du Christ comme un appel à « poser des gestes significa-tifs de solidarité » et témoigner de l’espérance du Royaume à venir.Il faut donc se rendre à l’évidence : seules, nous avons bien des difficul-tés à savoir regarder d’une manière féconde. Aussi avons-nous fait appel à d’autres pour nous y aider.
élargir notre regardet se laisser interpellerEntre l’automne 2010 et 2011, trois amis sont venus nous parler. D’en-trée de jeu, ils se sont présentés comme des chrétiens, des militants, des hommes et femme avec une ex-périence de terrain, qui s’informent et réfléchissent avec d’autres sur la situation actuelle du monde, dans le but d’agir. Ils nous ont plutôt livré leur analyse de la situation, une ana-lyse que l’on peut qualifier de poli-tique : il s’agit de dénoncer les causes de l’injustice et de la pauvreté pour
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d’enjeux contradictoires. Nous avons pu voir, par exemple, comment à court terme, une entreprise est pous-sée à des choix forcément contes-tables entre la protection de l’envi-ronnement et l’emploi. Nous avons pu, à cette occasion, nous rendre compte des tâtonnements des lois en matière d’environnement.
Partir d’un point de vueUne intervenante nous parlait de ses « deux yeux ». Depuis son retour du Tchad où elle a été volontaire DCC 5 il y a quelques années, elle regarde conjointement les choses de son point de vue d’Européenne et du point de vue africain.Nous sommes invités à jouer la com-plémentarité de nos points de vue plutôt que de vouloir tout embrasser de notre seul regard. Il ne s’agit pas d’essayer d’arriver à un consensus ou au relativisme. Élargir mon regard sur le monde, ce n’est pas renoncer à mes particularités, au contraire, c’est renforcer mon effort personnel de réflexion, choisir de me recentrer sur certains sujets, à partir de ce que je suis et du monde auquel j’appartiens, pour être mieux à même de débattre avec les autres. Ce faisant, je peux me laisser déranger, déplacer ou bien je peux être confirmée dans mon propre point de vue. Cela fait alors la richesse d’une vie communautaire et
5. Délégation catholique pour la coopération.
de nos rencontres sur des lieux de vie et de travail.À la fin d’une des interventions, nous étions invitées à écouter le té-moignage 6 de personnes qui ont été ou sont encore « dans la galère » pour recevoir d’elles d’autres clés de lecture de notre société. Ce n’est pas sans rappeler ces mots de Die-trich Bonhoeffer : « Cela reste une expérience d’une valeur incompa-rable que d’avoir appris tout à coup à regarder les grands événements de l’histoire mondiale à partir d’en bas, depuis la perspective des exclus, des suspects, des maltraités, des gens sans pouvoirs, des opprimés et des honnis, en un mot : de ceux qui souf-frent… Tout dépend de ce que cette perspective d’en bas ne devienne pas une prise de position pour les éternels insatisfaits, mais que nous rendions justice à la vie dans toutes ses dimensions à partir d’une sa-tisfaction plus haute qui est fondée au-delà du bas et du haut. 7 »
Anne Genolini
6. DVD d’entretiens enregistrés au cours de l’émission « Parole de vie », diffusée sur RCF Méditerranée entre 1999 et 2007, en collaboration avec le Secours catholique du Var et la Fraternité saint Laurent.
7. Dietrich Bonhoeffer, Résistanceet soumission, Labor et Fides, 2006, p. 40.
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ce monde dont nous sommes
Dans l’épreuve au Japon
À l’écoute du monde, nous devenons témoins de la solidarité qui s’y vit. Elle prend, certes, des formes diffé-rentes selon les peuples et les cultures. Gérard Aleton, un ami de la congréga-tion, parle du Japon si éprouvé cette année. Il a, lui-même, vécu et travaillé dans ce pays.
reconstruction, sans tenir compte des pertes induites.Ayant un fils vivant au Japon, marié à une Japonaise, nous avons suivi avec attention et émotion tout ceci, nous nous sommes rendus sur place du 15 avril au 15 mai pour vivre, quelque temps, avec nos enfants et partager l’épreuve du peuple ja-ponais qui a fait front avec grand courage.
La plus grave crise humanitaire depuis la Seconde GuerremondialeLe Japon, avec plus de 700 000 per-sonnes directement affectées, est confronté à la plus grave crise hu-manitaire depuis la Seconde Guerre mondiale. De nombreuses personnes ont été déplacées dans des centres d’accueil (stades, écoles) tandis que d’autres s’efforçaient de vivre, vaille que vaille, dans leurs habitations, en manquant d’eau potable, d’électricité et de médicaments. Le gouvernement semblait débordé mais les Japonais ne se sont jamais faits d’illusion sur la capacité de l’État, préférant comp-ter sur eux-mêmes plutôt que sur un État providence ou la solidarité internationale.Les Japonais s’organisent sur place avec des volontaires et des jeunes qui donnent de leur temps pour déblayer
Le 11 mars 2011, un tremblement de terre de forte magnitude associé à un tsunami dévastait la côte nord-ouest du
Japon. Aux dégâts considérables provoqués par ces phénomènes na-turels s’est ajoutée une catastrophe nucléaire provoquant un relâchement d’activité du même ordre que celle de Tchernobyl. Après l’émotion pro-voquée par les images souvent spec-taculaires du tsunami, les médias se sont surtout intéressés aux consé-quences de l’accident de Fukushima, tant il est vrai que tout ce qui est nucléaire fait peur, en oubliant du même coup les victimes du trem-blement de terre. Les conséquences humaines et économiques de ces événements sont considérables : le nombre de victimes du séisme-tsu-nami est d’environ 28 000 personnes et le gouvernement japonais estime à 150 milliards d’euros le budget de la
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les décombres, nettoyer, reconstruire. Une multitude d’initiatives et de pe-tites associations travaillent discrète-ment et avec ténacité en s’appuyant sur leurs propres moyens. Lors de notre passage, les jeunes des écoles et collèges se mobilisaient le week-end pour collecter des fonds en faveur des orphelins des zones sinistrées.
Discipline et solidaritéSans une grande discipline et soli-darité, la vie dans ce pays très den-sément peuplé et à la nature hostile ne serait guère possible. L’éducation au sens collectif et à la solidarité se fait très tôt, dans les familles et dans
les écoles. Dès l’école primaire, les enfants prennent en main l’espace de leur école et par roulement, en équipe de six à huit, font le ménage dans les classes et espaces collectifs. Les élèves tiennent propres les cours de récréation et n’imaginent pas lais-ser traîner un papier ! Cette attitude où chacun est responsable de tout pour tous se retrouve tout au long de la vie. Pas question de dégrader l’es-pace public ou de resquiller dans les transports en commun.L’impassibilité que montre le Japo-nais face aux événements est une autre façon d’exprimer sa solidarité. Dans une situation extrême comme
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ce monde dont nous sommes
L’histoire n’est pas finie
Le chapitre 2008 nous invite à une « soli-darité plus large ». Anne-Lise, Auxiliaire, a voulu relire quelques moments forts de la vie de notre congrégation et faire mémoire de la solidarité vécue pour en découvrir les visages qu’elle a pris au fil des années.
les préférés du Seigneur et les rejetés de la société.
Des évolutionsPar la suite, l’histoire de la congré-gation a connu quelques évolutions. Sans chercher à les nommer toutes, j’en interroge quelques-unes : la soli-darité en a-t-elle été un des moteurs ?
Noël 2011 !Cent ans se sont passés depuis cette nuit de Noël 1911 où Marie Galliod, notre fondatrice, reçut l’intuition qui donna naissance à la congrégation des Petites Auxiliaires du clergé, au-jourd’hui Auxiliaires du Sacerdoce. Nous en faisions mémoire l’an pas-sé. Et si ces 100 ans étaient histoire de solidarité ? Une solidarité prenant des formes différentes au fil des an-nées, en réponse à la vie de la société et de l’Église.
Les premières annéesSi, dans les débuts, le terrain nor-mal de l’action des Auxiliaires était le service de la paroisse, ce service est accompagné du désir de déborder les frontières car l’horizon n’a pas de frontières. Notre fondatrice nous voulait « dans les rues, dans les mai-sons, sur les places publiques, dans les écoles et les œuvres ».En zone rurale comme en ville, dès les premières fondations, rien ne distingue les sœurs du milieu où les communautés sont implantées. Habi-tat, style de vie, habillement contri-buent à les rendre proches de leur en-tourage où se nouent vite des amitiés. Leur attention se porte volontiers vers les plus démunis, les familles peu favorisées, tous ceux que le mot « pauvres » désigne à la fois comme
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un séisme ou un accident, montrer sa douleur trop brutalement revien-drait à penser que l’on est plus mal-heureux que les autres et, à l’inverse, ceux qui ont réchappé d’une catas-trophe ou ont la chance d’avoir des membres de leur famille épargnés, évitent de montrer leur joie pour ne pas insulter ceux qui sont morts ou blessés. On est évidemment très loin de l’exubérance latine !
Une question de survieLa solidarité pour un Japonais est une question de survie et n’est pas matière à option. Elle est constitutive de la nation et différente en cela de la solidarité occidentale cathodique – déclenchée par les médias à l’oc-casion d’une catastrophe – ou même de la solidarité compassionnelle. Ef-ficace, elle est discrète et agissante sur le long terme.Les catastrophes du 11 mars surve-nues au Japon furent aussi l’occasion de confronter les deux approches de la solidarité. À l’occasion de l’acci-dent nucléaire de Fukushima, consé-quence du séisme, les ambassades occidentales ont proposé à leurs ressortissants un rapatriement vers
leurs pays craignant la contamination radioactive dans la région de Tokyo. Cette proposition fut très mal ressen-tie par les Japonais qui l’ont vécue comme un abandon dans un moment difficile. La réponse d’un papa japo-nais, veuf depuis deux ans, à un ami français qui lui avait fait la proposi-tion d’accueillir temporairement sa fille unique de 16 ans pour la mettre à l’abri, illustre bien l’esprit japonais de solidarité : « Les gens d’ici luttent et risquent leur vie pour les autres, pas pour les tuer mais pour les aider. Je n’imagine pas un instant tourner le dos à ces gens et envoyer Kana chez vous pour sa sécurité. Kana aurait honte pour le reste de sa vie de cet acte. Ce serait une tache qui la marquerait jusqu’à la fin de ses jours. Pour Kana, le plus important pour le moment, est de sentir et de partager la douleur des gens qui souffrent. Je souhaite qu’elle tire le meilleur profit de cette crise et réflé-chisse sur ce qu’elle peut faire pour les gens dans la peine. Nous sommes en ce moment mis à l’épreuve pour voir si nous sommes une nation qui cultive un vrai respect humain pour l’autre, c’est-à-dire un respect qui ne soit ni économique ni militaire. Ceux qui sont dans l’épreuve doivent prendre en charge ceux qui souffrent même dans les moments les plus dif-ficiles. Cette crise montre les qualités de notre peuple. »
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La solidarité pour un Japonais est une question de survie et n’est pas matière à option
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D’infirmières libéralesà infirmières salariéesAuxiliaires, nous étions engagés dans les paroisses, la catéchèse, les aumôneries, les mouvements d’ac-tion catholique. Très vite, des sœurs furent envoyées comme infirmières et la congrégation ouvrit des centres de soins. Infirmières libérales, elles assuraient des soins à domicile, ce qui contribuait à la subsistance des Auxiliaires et répondait surtout à un souci pastoral : le désir de rejoindre les personnes là où elles vivent et d’aller vers tous. Par leur présence au
cœur du quartier, leurs contacts jour-naliers avec bien des familles de tous les milieux, elles étaient à l’écoute de la vie, des conditions de travail, de la vie de famille et participaient aux joies et aux soucis de tous.Pourquoi alors, certaines d’entre elles vont-elles renoncer à leur statut d’infir-mières libérales ? Pourquoi les centres de soins vont-ils fermer peu à peu ? J’ai interrogé une des infirmières. Voilà ce qu’elle m’a répondu : « De la solidarité, il y en avait, certes ! Avec la congrégation ! Mais surtout avec les autres infirmières ! Pouvions-nous continuer à supporter d’avoir un ré-gime d’exception ? Nous appartenons à une profession. » En effet, recon-nues comme travaillant non pour leur compte personnel mais pour le compte de leur communauté, les religieuses infirmières n’étaient pas imposables comme les autres infirmières libérales.Cette question méritait d’être ré-fléchie. Elle fut abordée au sein de l’UNCASH 1, mais aussi au sein de la congrégation. Ces réflexions nous aidèrent à analyser les ambigüités des différents statuts. Où voulions-nous situer nos solidarités ? Avec les plus pauvres ? Avec les collègues infir-mières ? Avec le monde religieux ? Prenant conscience alors que nos centres de santé pouvaient faire tort aux infirmières libérales, nous avons
1. UNCASH : union regroupant des congrégations très diverses dans une réflexion commune sur les aspects professionnels et missionnaires des professions de la santé.
opté pour les fermer et certaines Au-xiliaires sont allées travailler en mi-lieu hospitalier ou en centres de soins municipaux.
Des centres villes aux insertionsen périphérie ou en banlieueSi, dès l’origine, les communautés ont voulu être proches de leur en-tourage par l’habitat et le style de vie, c’est tout naturellement que des communautés ont été fondées dans les banlieues qui se peuplaient (le Petit Nanterre en 1962, quartier connaissant l’arrivée d’une popula-tion maghrébine, Bondy en 1965…) et que plusieurs communautés ont quitté les paroisses des centres villes pour se déplacer vers les périphé-ries et habiter les cités d’HLM qui sortaient de terre.
Départ au travail salariéde plusieurs AuxiliairesCe tournant se situe vers les années 1966-68. Des communautés étaient insérées en paroisses ouvrières et plusieurs Auxiliaires ont alors senti l’appel à rejoindre le monde du tra-vail salarié. Le concile était passé par là avec la constitution Gaudium et spes 2. Les problèmes des premiers prêtres ouvriers en 54-55 trouvaient écho dans le cœur de bien des Au-
2. « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. »
xiliaires. Et le monde bougeait. Mai 1968 marquait un tournant.Les motivations des sœurs ont pu être très personnelles et bien diverses ; les métiers, eux aussi : serveuse dans une cantine d’usine, fille de salle, manœuvre en usine, femme de mé-nage en collectivité, ou employée dans un bureau de la Défense… Toutes ont découvert une solidarité à vivre au quotidien : le partage, au jour le jour, les conditions de la vie au travail, le poids de la fatigue, les horaires, la répétition des mêmes gestes, etc. Ce travail salarié est d’abord vécu comme un temps de présence, d’enfouissement. Mais ce « être avec » mène certaines sœurs à s’engager dans le Mouvement ou-vrier et l’action syndicale.
Garder l’unitéNous voilà avec des envois bien différents : en pastorale directe, au travail salarié, au Tchad, au Brésil, en monde rural, urbain, banlieue ou monde ouvrier. Comment garder l’unité ?Ces envois créent des solidarités di-verses, des sensibilités diverses par rapport aux appels apostoliques : présence, options de milieu, sens de l’universel. Pour les unes, la solida-rité se vit dans l’enfouissement, pour d’autres dans l’action syndicale.Au chapitre 1973 nous en prenions acte. Nous pointions aussi les dif-ficultés. Ces solidarités, si elles
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étaient absolutisées, pouvaient nous séparer ! Nous réaffirmions alors, à la fois notre volonté de pluralisme – « il correspond à la diversité des besoins du monde et des efforts de réponse de l’Église » – et notre soli-darité de congrégation : « Les apôtres font bloc, ils se complètent, ils s’achèvent » (M.M. de la Croix).
Plus récemmentDe notre maison Bethléemà l’EHPAD BethléemCette dernière décennie nous a ame-nées à vivre un nouveau tournant. En 2004, notre maison-mère Beth-léem, à Paray-le-Monial, devenait EHPAD 3. Nous avions décidé de collaborer avec l’association PSA (Partage, Solidarité, Accueil) et d’en faire une maison ouverte à tout public.En effet, la question du grand âge se pose désormais pour nous comme pour la société qui voit augmenter le nombre de personnes âgées et se pré-occupe d’améliorer leurs conditions de vie.Nos sœurs aînées vivent une nouvelle solidarité, « compagnes d’humani-té » 4 avec le nombre grandissant de personnes âgées dont les forces dimi-nuent et en « service d’humanité », faisant de leur vie un témoignage dont la valeur ne se mesure pas au
3. Établissement d’hébergement des personnes âgées et dépendantes.4. Au chapitre 2003, nous nous voulions« compagnes et servantes d’humanité ».
rythme de l’activité et la fécondité d’une vie au rendement.
Au Tchad, travaillerau développement différemmentJ’ai personnellement vécu de nom-breuses années au Tchad. Comment ne pas faire mémoire ici de tout le travail de développement auquel nous avons participé et de l’esprit qui animait tous les acteurs de ce déve-loppement ?En 1958, nous partions pour le Tchad dans la mouvance de l’appel de Pie XII dans son encyclique Fidei do-num. Tous les chrétiens ne sont-ils pas solidairement responsables de la mission apostolique de l’Église partout dans le monde ? L’Église ne demandait qu’à naître et se dévelop-per sur cette terre du Tchad. Encore fallait-il que la Bonne Nouvelle soit annoncée ! Voilà les quatre premières Auxiliaires parties à Moïssala !Annoncer l’Évangile, c’était aussi mettre toutes nos forces au service du développement. Soigner, certes, mais aussi former à la prévention, nourrir les foules avec l’aide des vivres venus du PAM 5 lors des évé-nements de 1984 et de la famine qui a suivi. Mais surtout soutenir et promouvoir toutes les initiatives locales.Auxiliaires au Tchad, notre solida-rité nous a menées à vivre avec les Tchadiens une évolution dans la 5. Programme alimentaire mondial.
conception du développement simi-laire à celle des organismes humani-taires tel le CCFD 6 ou autres. Avec les mouvements d’action catho-lique, la JAC 7 notamment, les pre-mières Auxiliaires au Tchad parti-cipent au travail de développement : culture attelée, calendrier agricole, écoles, centres ménagers, etc. Avec l’INADES 8, les agriculteurs pour-ront suivre des cours de formation agricole. Mais il faudra aller plus loin : prévenir les maladies, infor-mer, travailler à ce que les Tcha-diens mettent en route eux-mêmes leur propre développement. Passer d’une assistance à un véritable par-tenariat n’est pas chose facile. Per-mettre qu’un ou deux puits soient creusés à la demande des villageois, avec leur travail, vaut mieux que l’intervention de tel organisme ve-
nant forer dix ou vingt puits !Pour cela, il a fallu alors travailler à l’émergence de groupements pay-sans qui peu à peu s’organisent pour la conservation et la commercialisa-tion de leurs produits vivriers, pour épargner et subvenir à un grand
6. Comité catholique contre la faimet pour le développement.
7. Jeunesse agricole chrétienne. 8. Institut africain pour le développementéconomique et social.
nombre de leurs besoins. Promou-voir des actions de développement qui mettent en valeur les richesses potentielles de chaque être humain et dynamisent les capacités collectives des populations confrontées à des situations difficiles est un travail de longue haleine qui met l’homme au cœur du développement.La mise en réseau et l'échange d'ex-périences entre les différents acteurs, regroupement régional d'organisa-tions paysannes, mise sur pied d'un réseau de microcrédit… voient le jour. L'objectif est de favoriser chez les acteurs sociaux une vision élargie de leur situation, de devenir un in-terlocuteur crédible face aux centres de décision locaux, régionaux, natio-naux, voire internationaux.
Et aujourd’hui ?C’est à la dimension du monde que se posent toutes les grandes ques-tions. Tout ce qui se passe ailleurs, au loin, a des répercussions ici et vice-versa. Nous en avons l’exemple avec la crise financière qui se propage de pays en pays. Les choix d’au-jourd’hui créent le monde de demain. Nous voilà provoquées à penser plus large. Avec tous ceux qui œuvrent pour la justice, la paix, la sauvegarde de la planète, à quels nouveaux dé-placements sommes-nous appelées ? L’histoire n’est pas finie.
Anne-lise sieffert
La solidarité,c'est ce qui rend solide !
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La solidarité, un exode ?L’exode, un cheminde solidarité ?
Moïse, une histoire de solidarité… Ce n’est pas forcément habituel de se mettre à regarder, contempler, suivre la figure de Moïse pour guider une an-née de réflexion autour de la solidarité. C’était pourtant le chemin qui nous était proposé, et nous l’avons emprunté, suivi. Krystel, Auxiliaire, en communau-té à Marseille, en propose une lecture.
« tiré des eaux » parce que la fille de pharaon laisse vibrer son être devant ce petit bout d’homme, parce que sa sœur surveille ! Parce que sa mère préfère se séparer de lui que de le voir mourir ! 1 Ce premier exode, il n’y est pour rien !
Pour un exode que nous provoquonsEt il va devenir un homme à la cour de pharaon… dans cet ailleurs tota-lement étranger et devenu hostile à ceux dont il découvrira qu’ils sont ses frères et sœurs.Il va poser alors ce geste fou face à cet Egyptien qui maltraite ceux de son peuple : il le tue 2. Il est confronté à l’injustice ; est-ce pour autant de la solidarité ? Pas si simple que cela, la solidarité ! Face à l’injustice, quel(s) moyen(s) vais-je employer ? Réagir ? Laisser faire ? Utiliser la violence ? Faire de grands discours ? Avec Moïse, rien ne marche vraiment. Il tue un Egyptien, il intervient pour sé-parer deux Hébreux. L’intervention de Moïse ne sera pas accueillie, pas com-prise. Cette solidarité, un peu instinc-tive, devra se purifier, s’approfondir ! 1. Exode 2, 1-10. 2. Exode 2, 11-14.
D’exode en ExodePour un exodeque nous n’avons pas choisiL’exode, c’est partir, sortir, quit-ter, parfois dans l’urgence, souvent sans tarder : quand c’est le moment, c’est le moment. C’est aller vers un ailleurs, vers un à-venir que l’on ne connaît pas, que l’on espère et que l’on espère souvent meilleur. C’est partir, guidé par une promesse de vie, de salut, de libération.Cet exode pour Moïse est vrai depuis sa naissance ! Rien que notre nais-sance en est un, ce passage de l’intra-utérin au monde ! Mais très vite, pour fuir et échapper à la furie de pharaon, Moïse est déposé dans un couffin et sur les eaux. Sa mère espère… es-père pour lui ! Et ça marche ! Il sera
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Et un autre exode s’ouvre devant lui : il doit fuir la cour de pharaon. Le voilà parti vers un autre ailleurs qui va se révéler comme décisif.
Pour un exode, appelé et envoyéCet ailleurs va le provoquer à un dé-tour : un buisson qui brûle sans se consumer ! Le temps est venu pour lui de la révélation d’un Dieu soli-daire des hommes et de l’appel à une solidarité qui prend sa source en Dieu qui entend la misère de son peuple. Un Dieu qui semble nous dire :
« Je ne le ferai pas sans toi. Ac-ceptes-tu d’être partenaire avec moi ? » Proposition d’un contrat so-lidaire avec Dieu !Fais le tour de ce buisson : retire tes sandales, la terre que tu foules est sainte… Oui, elle est sainte, la terre de l’humanité. En être solidaire nous appelle à nous déchausser, à y aller pieds nus !Aller trouver pharaon : tu ne sauras pas le faire ? C’est aussi vrai… mais, comme le rappelle l’archevêque de Marseille, nous sommes appelés à
Traversée de la mer Rouge (tableau, Zimbabwe).
Cir
iC
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à l’écoute de la parole de dieu
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une conversion. Passer de nous in-quiéter de ce qui pourrait bien nous arriver si nous nous engageons dans cette solidarité envers et avec nos frères, à nous demander : que va-t-il leur arriver à ces frères si nous ne nous risquons pas ?Oui, entrer dans ce contrat solidaire avec Dieu, qui n’est autre que l’Al-liance qu’il choisit de faire avec nous, c’est irrémédiablement accepter de nous laisser convertir par Dieu, par nos frères. Laisser Dieu ouvrir nos cœurs, nos oreilles, pour entendre les appels de nos frères, pour entendre la misère du peuple de ce Dieu qui veut à tout prix que nous passions de l’es-clavage à la liberté.Oui, c’est un exode ! Celui de passer de la mort à la vie. Celui de passer de l’égoïsme, de la peur paralysante, au risque et à l’amour qui me fait me tourner encore et toujours vers mes frères. Dans la conclusion de son encyclique L’amour dans la vé-rité, le pape Benoît XVI rappelle : « L’ouverture à Dieu entraîne l’ou-verture aux frères et à une vie com-prise comme une mission solidaire et joyeuse. »
La solidaritéserait-elle un exode ?Qui suis-je pour faire cela ? C’est la question de Moïse à Dieu, c’est celle de tous les prophètes, c’est encore sûrement la nôtre aujourd’hui ! Qui suis-je, même pour aller vers mes
frères et leur dire qu’il faut se bou-ger, qu’il est temps d’aimer, qu’il est temps d’être solidaires les uns des autres, que le monde ne peut pas se laisser guider uniquement par la soif du pouvoir ou le profit à tout prix, et souvent au détriment des hommes 3 ? Cette démarche est déjà difficile avec ceux et celles que l’on connaît bien, avec lesquels nous partageons les mêmes convictions, les mêmes aspi-rations, les mêmes combats. A plus forte raison, quand il s’agit de ren-contrer d’autres, différents, voire ap-paremment diamétralement opposés à nos manières de faire, de penser !La solidarité, c’est sortir de nos cer-titudes, de nos assurances exclusives qui nous font croire que nous seuls avons les solutions et connaissons le bon chemin. C’est un appel à la confiance ! Une confiance envers ce-lui qui nous appelle à partir, à nous mettre en route.Sur la parole de Moïse, le peuple hé-breu va tout laisser, emporter juste ce qu’il faut pour la route, et partir pour cet événement fondateur qu’est l’Exode 4. Il se retrouve face à la mer – obstacle physique, mais surtout obstacle à la confiance : quel est-il ce-lui-là, pourquoi nous sommes-nous mis à le suivre ? Le peuple récrimine – « Veux-tu que nous mourions ? Tu nous avais promis que…, nous qui
3. L’encyclique L’amour dans la charité nous le rappelle de manière incessante au fil des pages.4. Exode 13-14.
espérions… » – jusqu’à se tourner vers d’autres dieux, face à l’absence prolongée de Moïse au Sinaï 5.Nous ne pouvons emprunter un che-min solidaire, en voulant tout, tout de suite, sans nous questionner : en qui est placée notre confiance ? Si Dieu nous veut partenaires, co-créateurs avec lui, c’est en lui, par son Fils, dans la force de l’Esprit ! L’initiateur de cette solidarité, c’est lui. Et cela ne peut tenir qu’enraci-nés en lui ! Benoît XVI écrit, dans sa conclusion : « Seul un humanisme ouvert à l’absolu peut nous guider dans la promotion et la réalisation des formes de vie sociale et civile en nous préservant du risque de devenir prisonniers des modes du moment. C’est la conscience de l’amour in-destructible de Dieu qui nous sou-tient dans l’engagement rude et exaltant, en faveur de la justice, du développement des peuples avec ses succès et ses échecs, dans la pour-suite incessante d’un juste ordon-nancement des réalités humaines. »
L’Exode, chemin de solidaritéet d’AllianceSi le parcours de Moïse est jalonné d’exodes jusqu’aux rives de la terre promise, il est jalonné aussi, et peut-être surtout, de ce chemin d’alliance et de solidarité. Il fait l’expérience que ce chemin, il ne le fait pas seul et qu’il ne peut le faire seul. Appelé par 5. Exode 32.
Dieu, Moïse devient lien entre Dieu qui veut son peuple debout, libre et heureux, et le peuple qui se met de-bout petit à petit, à travers confiance, doute, trahison, fidélité retrouvée. Il fait l’expérience que c’est à travers tous ces aléas et au rythme du peuple
que petit à petit se révèle la fidélité indéfectible de Dieu. Il trouve en cet amour de Dieu, le courage d’agir et de persévérer dans la recherche du bien de tous ! Jusqu’à tracter avec Dieu, lorsque celui-ci semble n’en plus pouvoir de ce peuple à la tête dure. Ces allers-retours entre Dieu et Moïse sont une fabuleuse image de ce chemin vers une solidarité plus juste. Elle peut nous conduire des plus grands mouvements de joie aux plus grandes désolations. Cette alliance donne à Moïse l’audace de s’entretenir avec Dieu comme un ami parle à son ami. Cette audace est venue jusqu’à nous en ce Christ qui va jusqu’au bout de sa solidarité avec l’humanité, en donnant sa vie pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance.Que ce soit cet élan sans cesse renou-velé qui nous anime et fasse de nous les acteurs d’une solidarité toujours plus large.
Krystel BujAt
En qui est placéenotre confiance ?
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à l’écoute des textes d’église
D’une encyclique à l’autre
Nous nous sommes mises à l’écoute de l’Église, en lisant l'encyclique du pape Benoît XVI. Marie-Laure Dénès, sœur dominicaine, secrétaire générale de Jus-tice et paix jusqu’en septembre dernier, nous aide à entendre ce que l'Église dit de la solidarité à des époques différentes.
différents. Jean Paul II écrit pour un monde encore divisé par la guerre froide. L’un des points d’insistance sera d’exhorter les protagonistes à reconnaître la nécessité de nouer des relations sous le mode de l’interdé-pendance, à renoncer à la défiance pour avancer vers la collaboration, seule réponse à la hauteur des enjeux du développement. Sous la plume de Benoît XVI l’accent est différent. Il écrit dans un contexte de mondiali-sation et de crise. Les relations exis-tent déjà mais il s’agit de les mettre au service du bien commun : « La société toujours plus globalisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères » (Caritas in veritate 19). Il va déployer ce que Jean Paul II indiquait comme un chemin à suivre : « L’inter-dépendance doit se transformer en so-lidarité » (Sollicitudo rei socialis 39).
Sur l'horizon de la fraternitéVoilà pour le cadre mais il n’est pas possible ici de faire une analyse com-parée détaillée de ces deux textes denses et riches. Nous nous risque-rons simplement à mettre en lumière trois aspects, liés entre eux, qui sem-blent en germe dans Sollicitudo rei socialis et que Caritas in veritate va déployer, enrichir.En écho aux développements théolo-giques de Sollicitudo rei socialis et
La solidarité est l’un des cinq principes de la doc-trine sociale de l’Église 1 et fait partie de son ensei-gnement et de sa pratique
les plus constants. Mais sa compréhen-sion et la façon de la vivre se nuancent en fonction des enjeux du moment. Définie comme la détermination ferme et persévérante de travailler au bien commun par Jean Paul II dans Sollici-tudo rei socialis (SRS 38) et comme le fait de se sentir responsable de tous par Benoît XVI dans Caritas in veritate (CV 38), elle se décline de façon dif-férente dans le concret. Face aux défis nouveaux, les accents se déplacent, la réflexion s’approfondit comme l’il-lustre une mise en perspective de ces deux encycliques.Toutes deux sont consacrées au dé-veloppement mais sont publiées dans des contextes internationaux très
1. Avec le bien commun, la destination universelle des biens, la subsidiarité et la participation.Cf. Compendium de la doctrine sociale de l’Église, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2005, p. 91 ss.
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« aux nombreux points de contacts entre solidarité et amour » soulignés par Jean Paul II, Benoît XVI utilise le vocabulaire de la charité, de l’amour, de la vérité, plus volontiers que le mot solidarité lui-même. Ce faisant, il fait se rejoindre la dimension sociale et la dimension morale et spirituelle de la solidarité pour l’inscrire d’emblée sur l’horizon de la fraternité. Voilà l’en-jeu. Ce choix ouvre des perspectives qui peuvent contribuer de façon déci-sive aux débats et recherches actuels.L’un des aspects les plus spécifiques de Caritas in veritate est sans doute d’avoir mis l’accent sur le don et la gratuité d’une manière nouvelle. Dans Sollicitudo rei socialis, Jean Paul II af-firmait : « A la lumière de la foi, la so-lidarité tend à se dépasser elle-même, à prendre les dimensions spécifique-ment chrétiennes de la gratuité totale » (n° 40). Benoît XVI va plus loin en demandant que « dans les relations marchandes, le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité (…) trouvent leur place à l’intérieur de la vie économique nor-male » (Caritas in veritate 36). Le don et la gratuité n’ont plus pour vocation de compenser après coup les effets né-gatifs du système économique mais sont appelés à transformer le système de l’intérieur sans pour autant bannir toute logique économique. C’est là tout l’intérêt : la solidarité redevient le moteur de l’activité économique, une économie qui contribue à tisser des
liens et se fixe pour objectif le bien de la maison commune, renouant ainsi avec son sens premier. Dans un monde où le critère d’évaluation dominant est l’efficacité, cet appel-là est audacieux.Tout comme l’est l’invitation à la par-ticipation. Dans le contexte de 1987, Jean Paul II insistait sur le lien entre solidarité et liberté (Sollicitudo rei so-cialis 32). Vingt ans plus tard, c’est la subsidiarité que souligne Benoît XVI. Elle implique la participation de tous et empêche ainsi la solidarité de tom-ber dans l’assistanat qui humilie (58). Là encore, Sollicitudo rei socialis portait ce souci en germe (n° 39) mais Caritas in veritate l’amplifie. Chacun, quelle que soit sa situation, est porteur de richesses pour le projet commun. La solidarité ne vise pas à combler seulement des manques mais à recon-naître l’autre comme son semblable.Fraternité, don et gratuité, subsidia-rité et participation : il y a peu de temps encore nous passions pour des utopistes. La crise mondiale dans laquelle nous nous débattons pose à nouveaux frais les questions fonda-mentales. Alors, ne nous dérobons pas à notre responsabilité.
MArie-lAure dénès
2322
« Ce qui rend le monde
vivable, ce qui tient la société
debout, c’est une multitude
de Moïse anonymes qui por-
tent à bout de bras, qui une
famille, qui une commu-
nauté, qui un quartier. Des
gens qui, parfois dans des
conditions incroyablement
difficiles, avec entêtement et
désintéressement, au prix
d’une dépense d’énergie et
d’une détermination souvent
invisibles de l’extérieur, gardent à
la société sa vertu d’humanité. »
Pierre Calame
La solidarité,c’est ce qui fait tenir
le monde debout
Pierre Calame, ancien haut fonctionnaire de l’Équipement, est l’auteur de plusieurs essais sur le rôle et la place de l’État dans la société contemporaine.
« terre Chant des feMMes » par Marie southard CsJ
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aujourd’hui des solidarités vécues
Familles de jeunes prisonniers : dans l’antichambre des parloirs
À Marseille, dans le quartier de la Va-lentine, se trouve un établissement pé-nitentiaire pour mineurs qui accueille 60 jeunes ayant commis des vols avec violence, des délits, du commerce des stupéfiants, etc. Marie Noëlle, Auxiliaire, est bénévole à l’accueil des familles.
La solidarité : c’estle donner-recevoirde nos vies
Je vois une solidarité en mouvement, de la part des parents. Ils cherchent comment redonner une chance aux jeunes embarqués dans cette dégrin-golade sociale, comment maintenir des liens avec le jeune incarcéré, en-visager l’avenir et bâtir un projet avec lui. C’est une expression forte de leur amour parental.Dans le cadre de leur travail pro-fessionnel, les surveillants passent à l’Abri-familles pour situer tel ou tel père, mère, frère ou sœur, briser l’anonymat. Les éducateurs viennent également rencontrer les familles. Ils redisent l’objectif de leurs missions : éduquer à la règle, faire réfléchir aux conséquences et aux causes du com-portement. Ils leur donnent matière à réflexion, à discussion, même s’ils n’ont pas forcément de solution et affirment leur désir de voir les jeunes prendre la main tendue. Ils font appel aux bénévoles pour une collabora-tion que nous pouvons aussi nommer solidarité.Pour moi, vivre la solidarité à l’ac-cueil des familles, c’est s’inscrire dans la diversité de notre monde multiculturel. N’ayons pas peur des nombreux chemins de solidarité. Cer-tains invitent au silence, aux regards, aux gestes. Nous ne maîtrisons pas
Peut-il y avoir de la solidari-té dans une telle structure ? Voilà ce que je vois et per-çois depuis l’accueil des familles où les parents at-
tendent d’avoir un parloir avec leur fils.Une solidarité se joue entre les fa-milles au niveau des transports. Cela demande de prendre rendez-vous pour leur parloir à la même heure ou à la même demi-journée pour profiter de la même voiture ou du même taxi. Les parents se rapprochent, l’indiffé-rence est brisée. Voir une maman ve-nir un jour où elle n’a pas de parloir, pour retrouver d’autres mamans qui portent la même inquiétude, la même difficulté, pour se dire leurs émotions, cela, je le nomme solidarité.
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forcément le chemin vers l’autre. C’est aussi cela, la solidarité : c’est le donner-recevoir de nos vies.
La parole des bénévolesLes bénévoles avec qui j’interviens à l’accueil des familles sont membres des équipes Saint-Vincent et m’ont dit comment elles vivent la solida-rité dans cet établissement : « Notre équipe Saint-Vincent Halte Vincent/La Valentine est composée de dix-sept femmes chrétiennes qui se sont mobi-lisées et unies pour être au service de leurs prochains dans la détresse. L’en-gagement que nous avons pris nous rend solidaires : dans la fidélité et la gratuité de notre mission, dans le res-pect des accueillis, dans l’accueil et l’écoute que nous offrons aux autres sans jugement, dans la spiritualité et la prière que nous exerçons en commun avec notre aumônier, dans l’organisa-tion de nos rencontres (permanences, réunions, formations, événements), dans les liens d’amitié que nous avons tissés entre nous. Chacune est consciente d’être le maillon essentiel d’une chaîne de solidarité qu’elle vit à chaque permanence, avec sa col-lègue d’abord, avec les accueillis, grâce à l’esprit vincentien qu’elle a su acquérir pour ‘venir au secours de son prochain comme pour éteindre un feu’. L’ambiance solidaire de l’équipe est ressentie par les 5 500 personnes qui passent annuellement dans le lo-cal et que nous accueillons comme s’ils étaient des membres de notre
famille, autour de la table en prenant une collation… semblables au Christ nous invitant au festin ! La joie de ce moment efface alors l’angoisse du parloir à venir pour les familles. »L’accueil des familles est bien un lieu, un terrain sur lequel vivent et gran-dissent des personnes. Un lieu d’hu-manisation et de socialisation où des personnes cherchent peu à peu à vivre la solidarité avec d’autres.Dans la complexité de la situation, c’est sans doute osé de nommer soli-darité la structure d’attente de parloir dans un établissement pénitentiaire pour mineurs. Mais si ce lieu était un lieu qui donne droit d’exprimer ses émotions, sans fard, de dire la parole juste, vraie ? Alors, je peux dire : « Oui, ici je vis la solidarité. » La solidarité n’a-t-elle pas de multiples visages ?
MArie-noëlle BrunAult
dr
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aujourd’hui des solidarités vécues
Artisans du monde…une nouvelle solidarité ?
Jeanne-Antoinette, Auxiliaire, après de longues années en engagement pas-toral, puis professionnel, donne de son temps comme bénévole à Artisans du monde, participant ainsi au développe-ment du commerce équitable.
Le lieu de vente est l'aboutissement d'une longue chaîne de travail dans les pays du Nord comme les pays du Sud
Deux salariés sont chargés, l’un de la formation et de l’éducation au déve-loppement auprès d’étudiants ou de jeunes scolaires, et l’autre du déve-loppement commercial de l’associa-tion. Celle-ci est organisée en com-missions avec un nombre important de bénévoles. Le but est la sensibi-lisation des publics rencontrés, dans un but éducatif et de conscientisa-tion. Le lieu de vente est l’aboutisse-ment d’une longue chaîne de travail dans les pays du Nord comme dans les pays du Sud.
Remettre l'économieau service des hommesAujourd’hui, le commerce équitable et le développement durable ont pris place dans notre société. Est-ce le
Alors que mes années de retraitée s’accu-mulent, je poursuis mon chemin de pré-sence au monde au
gré des relations établies. Après un long temps de proximité par le travail pastoral, puis professionnel, un ami m’a ouvert un accueil chaleureux à Artisans du monde Vieux-Lyon. Dans ce lieu, comme bénévole, j’ap-porte ma pierre à l’objectif poursui-vi. J’ai découvert très vite ce service comme porteur d’un projet de société prenant tout son sens dans une vie associative forte.
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résultat d’une démarche entreprise depuis près de quarante ans ou une utopie engendrant l’espérance ? Sans doute les deux.Peu à peu, je découvre ce que sous-tend cette présence : promouvoir une solidarité internationale dans un par-tenariat commercial fondé sur le dé-veloppement durable, le commerce équitable et la fraternité, dans un souci d’équité, de dialogue, de trans-parence et de respect. L’objectif est de remettre l’économie au service de l’homme, en donnant du travail aux cultivateurs et aux artisans de l’Inde, d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine ou de Palestine. Payer au juste prix
leur permet de prendre en compte les besoins des producteurs et de leurs familles, en termes de travail, de vie et de santé.Ce projet de solidarité universelle et d’enracinement humain m’habite, dans ce temps donné à la rencontre des autres et à la vente où je reçois plus que je ne donne.
jeAnne-Antoinette dussArdier
a. p
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s/C
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aujourd’hui des solidarités vécues
« Chaque jour, donner et recevoir »
Dans les limites qu’impose l’âge ou la maladie, être en EHPAD*, c’est bien vivre en solidarité avec toute une géné-ration qui se fait de plus en plus nom-breuse dans notre société, et témoigner du fait que la valeur de l’homme n’est pas liée à l’efficacité et au rendement. Claude, Auxiliaire, vit cette expérience à Paray-le-Monial.
Jeannine qui cherche un partenaire pour jouer au Scrabble. Un petit mot affectueux de résidents pour une malade qui reste dans sa chambre. Une visite pour combler un moment de solitude. Voilà ce qui nous fait découvrir l’« être avec » et la joie d’entendre : « On est bien ici ! » Donner… Recevoir…Et rompant le quotidien, joie de temps plus festifs ! Déjeuner en plein air, plaisir de se retrouver avec le per-sonnel sur la terrasse afin de parta-ger le repas préparé par Christophe
et Anne, nos cuisiniers. Sortie ci-néma pour la projection du film Des hommes et des dieux organisée pour nous et une autre résidence grâce à la disponibilité du personnel pour emmener les plus handicapés en fau-teuil : plaisir partagé ! Repas de Noël avec dix-huit membres du personnel : moment agréable passé en toute sim-plicité. Beaucoup de rires, de discus-sions qui permettent un autre regard envers ceux qui nous servent à cette occasion. Vœux des enfants du caté-chisme de Paray-le-Monial : joie que
Perchée sur la colline de Vignemont, la Maison Bethléem, maison de retraite à taille humaine où la vie est un « bras-
sage » entre résidents laïcs, sœurs, personnel, familles, amis, se veut ac-cueillante, agréable par ses couleurs, ses espaces.Là, se vit une solidarité au quotidien, à travers bien des petits gestes et beaucoup d’attention à la dignité de la personne : pousser un fauteuil, ai-der les personnes à se servir, à couper la viande, faire attention aux entrées et aux sorties d’ascenseur (il y a eu des petits accidents !). C’est aussi Jeanne qui joue aux dominos tous les jours avec un groupe, Anne-Marie qui fait différents jeux avec d’autres,
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nous avons reçue et à laquelle nous avons répondu. Merci aussi à Ma-rie-Ange, âgée de 9 ans, qui, de sa propre initiative, nous a offert à cha-cune une petite carte faite de sa main. Donner… Recevoir…Au quotidien comme dans les mo-ments plus exceptionnels, être aidés
selon nos handicaps, de jour comme de nuit, par du personnel à notre dis-position ou par des compagnes plus valides, c’est une pauvreté à accepter dans la joie et l’action de grâces.Chaque jour, le « donner et rece-voir », le « se donner et se recevoir » se vivent profondément à l’Eucha-ristie et à l’office du soir. Ensemble, nous apportons notre vie reçue du Père et partagée dans la joie avec le Christ, Seigneur, solidaire de toute humanité.
ClAude deGueurCe
Découvrir l’« être avec » et la joie d’entendre : « On est bien ici ! »
Être aidés, c’est une pauvreté à accepter dans la joie et l’action de grâces
* Établissement d’hébergement des personnes âgées et dépendantes.
Suzanne Maitre. Renée Antoine. Marie-Jo Lefaucheux. Marcelle Pinatel.
Madeleine Bongain. Jeanne Nicolot. élisabeth Guibé. Claude Degueurce.
Bernadette Berger. Antoinette Maniveau. Anne-Marie Viel. Anne-Marie Petit.
dr
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aujourd’hui des solidarités vécues
Le Christ est aussi venu pour Zachée*
Ingénieur dans l’industrie et Auxiliaire, la volonté de bien faire des jeunes in-génieurs et des différents respon-sables que je côtoie dans l’industrie me marque depuis de longues années. Ils sont aussi certainement de plus en plus nombreux sans Dieu.
riences spirituelles existent bien mais sans Dieu.J’accompagne des directions dans leurs choix techniques et humains pour faire vivre et développer leurs entreprises. Au cœur des prises de décision, des combats s’invitent. Ces responsables désirent le bien de leur entreprise et ce-lui de leurs employés. Mais l’image du « grand patron » peut venir les titiller : un grand patron se doit d’externaliser et de licencier sans sourciller. Nous ne devons pas nous montrer fragiles et dé-pendants. Nous ne devons pas croire. D’autant plus que l’image de l’Église et des chrétiens portée par le milieu est négative.Alors moi, religieuse, puis-je être solidaire de ces anti-religions ? Oui, et de plus en plus, par et avec la joie profonde que j’y vis. Le Christ s’est incarné. Il a parlé l’araméen de l’an zéro. Il sait aussi parler « technique ». En écrivant cet article, je me suis rap-pelé que je m’étais risquée face à mes propres combats et aux questions de mes collègues. Lorsque certains m’avaient partagé leurs expériences spirituelles, elles avaient le même paysage intérieur que les miennes. Les miennes me disaient la présence de Dieu. Les leurs ne les portaient pas du tout à le reconnaître… Dieu existe-t-il ? Oser me laisser toucher…
Comment pourraient-ils croire en un Dieu créa-teur, surtout les plus jeunes ? Nous vivons dans un déploiement
de la technique qui nous permet de repousser sans cesse les limites des possibilités. Les découvertes, puis les chaînes de production, vont de plus en plus vite, produisent de plus en plus. Nos déplacements sont de plus en plus fréquents et lointains. La limite n’est plus la capacité technique à faire mais la vitesse d’adaptation des hommes. Un sentiment naturel de toute puis-sance des techniciens peut alors naître et discrédite l’idée même d’un Dieu auquel nous devrions la vie. Comme me l’a dit un collègue : « Croire, c’est avoir besoin de béquille. » Le déve-loppement porté par les capacités hu-maines fait que nous ne pouvons pas croire. Des recherches et des expé-
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Ma foi, bien loin de se déliter, en est sortie fortifiée. J’ai osé me laisser façonner par leurs questions et c’est notre Seigneur qui m’a façonnée. Quel mystère, que notre vie humaine en Dieu ! Avec le recul, cela est lo-gique et conforme à la tradition chré-tienne : l’humilité nous est enseignée comme un chemin sûr vers le Christ. Accepter ses combats intérieurs est un chemin d’humilité.Dans un deuxième temps, je me suis rappelé les soutiens de mes collègues et de mes amis pour que je vive ma vie religieuse. La solidarité n’est pas à sens unique. Là m’est venu, non pas un des symboles usuels dans notre Église, mais une belle réalité mécanique. Quand deux pièces sont solidaires, jamais l’une ne l’est plus
que l’autre. J’ai alors demandé à un ingénieur de me faire un schéma pour illustrer cet article. Il m’a suggéré un système rail-patin « pour qu’il y ait un degré de liberté ». Comme des pièces solidaires peuvent avoir des degrés de liberté, je peux être soli-daire de mes collègues incroyants, et pleinement croyante au Christ. Ouf ! Que c’est agréable qu’en de-hors des habituels symboles agraires
et littéraires, une de mes réalités quotidiennes me permette d’avancer dans la foi. Une réalité technique peut aider une réalité spirituelle à se développer.Cet envoi me met à distance des plus pauvres de notre société, au sens commun du terme. Quelques envois de ce type sont à mon sens importants pour la congrégation et pour l’Église. Ils permettent la justesse de l’option préférentielle pour les pauvres. Sans exclusive, elle reste, ainsi, bien pré-férentielle. Le Christ est venu pour tous, Prêtre pour tous, avec une at-tention particulière pour certains. Il est aussi venu pour Zachée avant qu’il ne grimpe à son sycomore.
Mireille
* Zachée était un riche chef de collecteurs d’impôts (Lc 19).
Quand deux pièces sont solidaires, jamais l’une ne l’est plus que l’autre
Système « rail-patin ».
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aujourd’hui des solidarités vécues
Un enrichissement mutuelPour un partage et un enrichissement mutuels, les communautés ont invité quelques amis. Jean Théréau et Odile Ducarouge sont venus à Paray-le- Monial témoigner de ce qu’ils vivent.
Nous nous rendonsattentifs à celui ouà celle qui se trouveplus en difficulté
dans un logement, et l’hébergement et l’accueil en urgence de femmes bat-tues, et de bien d’autres cas.Je ne connaissais pas ce genre de service, mais je me suis lancé avec d’autres. Pendant six ans, j’ai mené cette affaire, géré l’accueil, suivi les questions matérielles, les bénévoles, et participé aux repas partagés. »
Odile Ducarouge,habitante de Paray-le-Monial« La solidarité, pour moi, pour nous en couple, ce n’est pas vivre des choses extraordinaires, mais c’est vivre la vie de tous les jours avec des gens ordinaires. D’abord, en famille – nous sommes tous les deux, mon mari et moi, de famille nombreuse. Nous voulons garder ce sens de l’unité fa-miliale entre frères et sœurs, neveux et nièces. Nous nous rendons attentifs à celui ou à celle qui se trouve plus en difficulté : difficulté d’entente dans le couple ou avec l’un ou l’autre enfant, problème de santé… Notre attention, notre soutien à l’un ou l’autre par une visite, par un service. Nous accom-pagnons toujours ce soutien de notre prière car nous sommes vite démunis et Dieu nous aide à trouver les mots qui réconfortent, qui redonnent du courage pour continuer la route.Depuis la maladie de Thérèse, sœur de mon mari et épouse de Jean, nous participons aux rencontres LCE
Jean Théréau,exploitant agricole en retraiteà Paray-le-Monial« La solidarité, je l’ai vécue, tout au long de ma vie professionnelle, avec les autres exploitants. Nous nous ai-dions fréquemment et régulièrement. Le service rendu entre voisins, même si l’on a des idées totalement oppo-sées, permet de mieux se connaître et de partager ses difficultés.Nous avons aussi investi dans une CUMA, achat en commun, prêt et partage de matériel agricole et dans la bonne marche du Crédit Agricole. Depuis que je suis en retraite, je me suis dit : « Tu as beaucoup reçu toute ta vie, il est bien temps de faire quelque chose pour les autres, dans le bénévolat. » J’attendais... Un jour, le Père Vaux, responsable de la paroisse, est venu nous trouver, ma femme et moi, pour prendre la responsabilité de l’organisation de la Maison Saint-Vincent, avec deux sa-lariés et 50 à 60 bénévoles. Sa mission est l’accueil de ceux qui passent une ou plusieurs nuits dans la ville, ceux qui ne peuvent s’installer de suite
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(Lourdes Cancer Espérance). Mon mari a répondu à l’appel lancé par des proches pour devenir délégué départemental de Saône-et-Loire de ce mouvement. Il se met au service des personnes atteintes d’un cancer et de leur conjoint pour favoriser des rencontres, des échanges et préparer avec d’autres membres le pèlerinage annuel de Lourdes Cancer Espérance. L’appartenance à ce mouvement nous met en lien avec la paroisse du Sacré-Cœur-en-Val-d’Or par la préparation de la messe de la pastorale de la santé. Une véritable solidarité se vit entre les personnes, et les sort de leur iso-lement.Cela nous conduit à nous investir dans la préparation de la conférence du Père Thierry Magnin, vice-recteur de l’Institut catholique de Toulouse sur les enjeux éthiques posés par « l’en-fant en question quand il n’arrive pas ou s’annonce handicapé ». Permettre le rassemblement de personnes prêtes à se poser des questions sur le respect de la vie humaine dans son commen-cement et jusqu’à sa mort nous pa-raît important, surtout lorsque nous nous référons au fondement que tout homme est à l’image de Dieu.
La solidarité, je la vis aussi par les enfants que j’accompagne en ca-téchèse, par l’association Lutilea (Lutte contre l’illettrisme, l’exclu-sion, l’analphabétisme) qui m’a de-mandé d’aider une jeune femme rou-maine à apprendre le français.Certains jours, nous nous posons la question : « Pourquoi tant d’en-gagements dans des domaines si différents ? » Parce que la présence de Dieu nous habite et nous donne sa force, parce que nous avons la chance d’avoir des talents qui nous ont été confiés, nous avons à les par-tager, à les offrir gratuitement pour construire ces petits bonheurs quoti-diens. La solidarité ne va pas simple-ment dans un sens, elle se partage. »
Basilique de Paray-le-Monial, vue de nuit.
C. M
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Cie
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vers demain
Poser un geste significatifÉclairées par tout ce cheminement, il nous fallait tracer la route que nous vou-lions emprunter pour « une solidarité plus large ». Marie-Claude, Auxiliaire en communauté à Meudon, retrace ce que nous avons vécu en assemblées.
Mieux saisir l'ampleuret la complexitédes questionset l'urgence d'agir
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C’est ainsi que, réunies en chapitre en 2008, les Auxiliaires prennent cette question à frais nouveaux et formulent l’orientation suivante : « Aujourd’hui, nous sommes plus conscientes des inégalités crois-santes entre riches et pauvres mais aussi des menaces qui pèsent sur l’avenir de notre planète. L’ap-pel à la solidarité en est élargi et transformé. »« À la suite du Christ pauvre, nous désirons poser des gestes signifi-catifs de solidarité avec ceux qui se soucient de la sauvegarde de la Création, qui travaillent pour un monde plus juste, luttant contre les inégalités et les pauvretés. »Stimulées par cet appel à nous renou-veler, à poser, ensemble, des gestes significatifs, au long de cette année nous avons pris des moyens pour mieux saisir l’ampleur et la com-plexité des questions et l’urgence d’un agir. Les articles précédents de cette revue donnent un écho de notre cheminement.
Quelle réponse voulons-nousdonner aujourd’hui ?Durant cette assemblée, après avoir vivifié notre espérance à partir de témoignages de solidarités vécues dans le monde, entre Églises et dans la congrégation, le moment est venu de proposer une attitude ou un geste,
Chaque année nous nous retrouvons en assem-blées. La joie des retrou-vailles, les échanges de nouvelles marquent ces
journées. Cela se voit et s’entend, mais ce n’est pas le seul but de nos rencontres ! Nous mettons en commun le fruit de nos réflexions, de nos découvertes, de nos questions autour de la formation per-manente vécue durant l’année.Que nous était-il proposé en 2010-2011 ? « Aller vers une solidarité plus large ». Serait-ce une question nouvelle pour les Auxiliaires qui, depuis la fondation de la congrégation, vivent et ont vécu bien des solidarités, parfois au risque de leur vie ? Mais le monde bouge, évolue, tra-verse des crises nouvelles, la pauvreté est loin d’être jugulée, les richesses natu-relles ne sont pas inépuisables…
choisi en commun, qui contribuera à vivre davantage de fraternité, de jus-tice, de solidarité, à faire davantage attention à la sauvegarde de la planète.Nous avons, alors, repris conscience des conversions à faire : croire et espérer en l’avenir du monde, de l’Église, de la congrégation – ce monde que Dieu aime n’est pas per-du ; respecter et accueillir nos diffé-rences ; s’informer et se former pour entrer dans la complexité des ques-tions actuelles et agir avec justesse. Il a fallu choisir. Nos sœurs aînées à Bethléem ont choisi cette ligne : « Avec la grâce du Seigneur, avoir un regard positif qui permet d’accueillir en vérité l’autre et d’entrer en relation avec lui. »Voilà ce qui ressort de l’assemblée de septembre.« Pour notre marche ensemble, il nous semble meilleur de nous laisser entraîner par le Christ tourné dans un même mouvement vers son Père et vers les hommes pour :• travailler personnellement et communautairement l’attitude qui consiste à se situer pauvrement de-vant le Seigneur et à consentir à l’agir qu’elle appelle ; cette attitude permet à l’Esprit d’être entendu, nous croyons qu’elle fait naître des che-mins vers une solidarité plus juste ;• choisir un geste de solidarité. Conscientes de ce que nous recevons chaque jour, nous en rendons grâces et voulons en prendre soin. Nous proposons que chaque communauté,
prenant des moyens ajustés pour le faire paisiblement, choisisse le geste qu’elle désire vivre : soit dans sa consommation, pour la sauvegarde de la planète, soit dans l’échange avec nos sœurs du Brésil, soit pour un rapprochement avec une Église ou un courant d’Église…Cette attitude et ce choix nécessitent des partages réguliers de relecture de vie où chacune prendra sur elle pour oser une parole vraie. »Le travail n’est pas terminé, chaque communauté cherchera comment elle veut les vivre. Envoyées dans nos missions respectives, nous enten-dons résonner ce refrain : « Invente avec ton Dieu l’avenir qu’il te donne, invente avec ton Dieu tout un monde plus beau. »
MArie-ClAude dAGuzAn
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à l’écoute de saint ignace
Penser globalement,agir localement
La route est longue. Le terrain est vaste, à la dimension du monde ! Et nos enga-gements sont bien petits ! Jean-Marie Carrière, sj, responsable de JRS France *, donne un éclairage puisé dans le patri-moine laissé par Ignace de Loyola.
temps de partage et de réflexion. S’il est difficile de maîtriser l’information, et d’en débattre pour éclairer un enga-gement local, c’est cependant néces-saire. Nous savons d’expérience que le service rendu à des personnes, ici et dans le lieu qui est le nôtre, gagne beaucoup en qualité lorsque nous ha-bituons notre regard à se porter au-delà du souci quotidien et du problème – souvent lourd et prenant – de cette situation-là. En fait, n’avons-nous pas besoin, pour agir localement, d’un « sentir » plus large, d’une intelligence ouverte qui permet de situer les choses à leur juste place ? Penser globalement, agir localement, c’est une « tension » que nous avons à vivre.
Penser globalement, agir lo-calement. Le mot d’ordre est bien connu, et semble évident. Par exemple, com-ment croire rendre un ser-
vice pertinent à des réfugiés sans faire au moins l’effort de comprendre la si-tuation des pays d’où ils ont fui, et sans être conscient des politiques d’asile en Europe ? Dans le monde « connecté » dans lequel nous vivons aujourd’hui, le mot d’ordre semble évident, mais il n’est peut-être pas si simple que cela à mettre en pratique.Essayer de prendre en compte un niveau « global » implique de savoir maîtriser une information plus qu’abondante. La multitude des sources et des réseaux suppose de faire des choix. Il faut du temps pour trouver l’information qui soit réellement utile pour l’action lo-cale. Et puis, il faut « penser » globale-ment, ce qui est plus qu’être informé ! Cela suppose des confrontations, des
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Le haut et le basEn évoquant un « sentir », une intelli-gence et un cœur ouverts, nous nous approchons un peu du style ignatien, qui nous rend attentifs à un « sentir » du dessein de Dieu qui peut être dis-cerné au lieu même où nous sommes appelés à agir, de ce que l’Évangile appelle le Royaume.Pour saint Ignace, la tension que nous avons vue entre « global » et « local » est plutôt située entre le haut et le bas. Le regard d’Ignace se porte davan-tage et très généralement vers le bas de la société, vers les petits (vers le « local »), parce que c’est du bas que partent les choses, du bas que part le mouvement qui pourra porter vers de grandes choses. Par exemple, ce sont les jeunes, « en bas », qui sont au point de départ des transformations des « printemps arabes ». Le souci premier d’Ignace est de permettre une capacité d’action « en bas », « localement », de trouver les moyens d’en dégager les possibilités : c’est un travail de li-bération, comme ceux des femmes en Amérique latine ou en d’autres mou-vements analogues. Mais, s’il y a un bas, Ignace sait très bien qu’il y a un « haut », en toute réalité sociale : il y a ceux et celles qui se trouvent aux commandes, en position de pouvoir. Parce que ceux qui sont « en haut » (au niveau « global ») pourraient (!) servir de manière efficace les capaci-tés du « bas », il n’y a pas de service solide du « bas » sans un travail avec le « haut ». C’est en fait la dynamique
qui habite notre engagement qui compte, une dynamique qui part du bas, là où les choses commencent et se fondent, avec les petits et les pauvres, un grand désir qui ne peut être effec-tif que si nous le laissons être celui de Dieu même, de son Royaume ou de sa gloire. Alors, la place des uns et des autres dans le champ social est éva-luée de manière juste. Le regard igna-tien paraît plus pertinent, en fait, que la position un peu théorique du « think global, act local », pour la bonne rai-son qu’il prend en compte avant tout le jeu des relations entre les personnes, auxquelles une grande attention est portée par Ignace, chacune à sa place, en bas ou en haut. Les « moyens » d’agir mettent toujours en œuvre des relations, avec ceux du haut comme
avec ceux du bas. Et parce qu’ils sont des moyens, ils peuvent aussi être une grâce - mot fort cher à Ignace. On comprend alors l’importance accordée à la « gratitude » qui, en toutes rela-tions que nous engageons, en haut ou en bas, au global comme au local, sou-tient le mouvement et la dynamique de celles-ci et constitue la vraie garantie des « grandes choses ».
jeAn MArie CArrière, sj
Saint Ignace de Loyola peint par Rubens.
* Jesuit Refugee Service, service jésuite des réfugiés.
Il n'y a pas de service solide du « bas » sans un travail avec le « haut »
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nouvelles
JMJ 2011 : témoins de la joieet de la foi des jeunes
Deux sœurs ont participé aux JMJ. Alors que Krystel partait avec 250 jeunes du diocèse de Marseille, Anne accompagnait un groupe internatio-nal de 3 000 jeunes de spiritualité ignatienne, intitulé Magis.Pour Krystel, le temps de prépara-tion, tout au long de l’année, a été aussi important que ce qui a été vécu en Espagne. Voir des jeunes donner de leur temps et prendre des déci-sions, et les regarder grandir dans cette mission a été pour elle une joie. Sur place, elle retient la présence de l’archevêque, Mgr Pontier, au-près des jeunes et le sérieux de la démarche spirituelle du groupe.Pour Anne, ce qui fut le plus marquant a été la semaine d’« expériment so-cial » vécu avec des Français, des Australiens et des Portugais. Là, les jeunes ont fait l’expérience du handi-cap de la langue, mais cela n’a pas empêché le partage en profondeur d’une quête spirituelle commune. Es-pérons que certains ont pu découvrir que Dieu se rencontre dans tous les moments de la vie, et pas seulement dans la prière.Toutes les deux ont été marquées par l’ambiguïté de l’événement, dans un pays en pleine crise économique. Madrid portait la trace de l’indignation d’un certain nombre d’habitants et cela a été l’occasion pour les jeunes
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Juillet 2011, rencontre des plus jeunesau Brésil : « Grandir en parité »
deux chanceuses sont parties pour quinze jours de visite aux commu-nautés et trois jours de session. Les Auxiliaires du Brésil, novices et pos-tulantes comprises, ont montré ce qu’elles vivaient, en offrant aux visi-teuses une généreuse hospitalité.Ensuite est venu le temps de la session. La première journée, les visiteuses ont exprimé ce qu’elles avaient découvert au cours de leur périple, ce à quoi elles avaient été sensibles et leurs questions. Les Auxiliaires du Brésil ont raconté comment elles l’avaient vécu de leur côté. Puis, les sœurs les plus jeunes se sont retrouvées entre elles. Pen-dant deux jours, elles ont partagé leur itinéraire vocationnel, mais aussi leurs motifs de gratitude, leurs préoccupations et les perspectives qu’elles entrevoyaient pour l’avenir, relatives à la mission et à la vie de la congrégation.Si ce fut trop court pour aller au bout des réflexions, ce fut un temps de Passion et de Résurrection pour cette fragile poignée de sœurs plus jeunes, qui portent en elles la vie et le même désir de faire connaître à tous les hommes l’amour immense que Dieu a pour eux.
Krystel Bujat et Anne Genolini
En 2008, le chapitre de la congré-gation avait recommandé « que puisse se mettre en place une ses-sion commune entre Auxiliaires plus jeunes, Brésiliennes et Françaises » dans la visée d’une parité plus grande à l’intérieur de la congréga-tion. Outre qu’une telle session re-présentait un investissement, il fallait encore trouver des dates communes ! En France, parmi les « moins de 50 ans », deux sœurs seulement ont pu se libérer. Les autres n’ont malheu-reusement pas pu partir pour des raisons professionnelles ou de santé, mais certaines ont pris le temps d’en-voyer leurs réflexions par écrit.Avec la conseillère en lien avec le Brésil et la supérieure générale, les
de réfléchir à la complexité de la si-tuation. En même temps, il y avait la joie de cette multitude de jeunes, échangeant tee-shirts et drapeaux, partageant spontanément une danse ou un jeu… Les catéchèses et le festival de la jeunesse ont été en général bien appréciés.S’il y a eu des manquements, des limites, au cours de ces JMJ, nous sommes en même temps émer-veillées de voir comment ils ont été aussi pour les uns ou les autres, le lieu d’une véritable expérience spirituelle, d’un chemin de commu-nion. « Fondés en Christ », « enra-cinés dans la foi », ce ne sont plus des mots !
K.B. et A.G.
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La communauté de Meudonhabite la Maison de la Parole
Les Accates
Déjà constituée l’année dernière mais vivant à Paris, la communauté demeure maintenant dans le quartier de Meudon-sur-Seine. Ainsi prend corps le projet diocésain de Mgr Dau-court : ouvrir une Maison de la Pa-role, l’écoute de la Parole de Dieu étant source de toute évangélisation.Située au bord de la Seine, cette maison souhaite s’ouvrir à tous, croyants ou non : aux habitants du quartier, à ceux qui y travaillent et à tous les diocésains. Une salle d’ex-position accueille les œuvres d’ar-tistes contemporains permettant un dialogue entre art et foi. La chapelle
La congrégation a ouvert une com-munauté à Marseille, dans le quartier des Accates, dans un des apparte-ments des résidences du Hameau. En 2008, un établissement d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes avait été construit. Dans le cadre d’un projet de développement global per-mettant de créer, non pas un établisse-ment isolé, mais un lieu de vie, des im-meubles d’habitation ont vu le jour pour recevoir des personnes âgées valides.L’Association Pour l’Entraide, le Par-tage et la Solidarité veut ainsi répondre à un besoin clairement exprimé par
4e édition de « Travail et foi au quotidien »
Les jeunes religieux en réseau
En août 2011 nous nous sommes retrouvés à treize pour marcher dans les Écrins. Ce séjour permet à de jeunes professionnels de rechercher comment vivre leur travail de façon pleinement chrétienne.Deux adresses, pour vous inscrire l’an prochain (dès que les sites seront à jour !) :• www.auxiliaires-du-sacerdoce.com ; www.rji.fr.
La Conférence des religieux et religieuses de France a invité les jeunes religieux à se mettre en réseaux. Avec Anne, nous nous sommes lancées. Ces réseaux per-mettent à des religieux de même génération de se rencontrer. Cet été, je suis allée en vacances à Lourdes. Nous étions treize de congrégations différentes avec un objectif commun : animer le pavillon des vocations. Que retenir ? La joie et la bonne humeur !
Mireille
offre un beau cadre de recueillement.Nous espérons que ceux qui désirent connaître la Bible, l’ap-profondir, pourront ren-contrer le Christ vivant, Parole de Dieu ! Notre place d’Auxiliaires est, selon le souhait de notre évêque, « d’habiter la Maison de la Parole », de lui « donner une âme » : ceci, au-delà des activités auxquelles les unes ou les autres participent. Cela nous invite, nous-mêmes, à puiser ce souffle dans le Christ, Parole de Dieu.
des seniors qui aspi-rent à un cadre de vie confortable et indé-pendant, et qui sont encore autonomes. La proximité avec l’EHPAD permet à cha-cun de jouir de services, comme la restauration, et de participer aux animations.Comme tout habitant de ces logements, la communauté va profiter d’un domicile adapté, avec un projet de vie social. Souhaitons à la communauté et à cha-cune une heureuse insertion.
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Sœur Marie Monique,Raymonde Grandpierre (1910-2011)
Pauline Duc (1911-2011)
Thérèse Dreyer (1924-2011)
Le 20 avril 2010, nous fêtions dans la joie les 100 ans de Marie Monique. Le 17 mars 2011, elle entrait dans la paix de Dieu.Raymonde Grand-pierre est née à Pa-
ris le 20 avril 1910. À 18 ans, elle com-mence à travailler comme comptable. En 1932, percevant l’appel à consacrer sa vie au Seigneur, elle rejoint les Pe-tites Auxiliaires du clergé.Dès le début de sa vie religieuse, elle reçoit la charge d’économe générale, mission qu’elle assumera avec cou-
Pauline Duc nous a quittées le 2 octobre 2011, dans la paix ; elle avait eu la joie de célébrer ses 100 ans dans sa chambre d’hôpital, en-tourée de ses neveux et de Marguerite Brandet, sa grande amie cithariste.Née le 28 septembre 1911
à Bourg-en-Bresse, elle rentre en no-vembre 1935 au postulat. Elle passe son diplôme d’infirmière à Châlon-sur-Saône en 1951 et exercera dans plu-sieurs de nos maisons, mais c’est sur-tout dans la musique qu’elle donnera
Térésa, la dernière des pionnières du Brésil, nous a quittées le 6 octobre. Elle est née à Brest le 30 mai 1924, huitième d’une famille de onze en-fants. Elle resta marquée par son ori-gine bretonne, l’attrait du grand large et le désir passionné de transmettre la Bonne Nouvelle.Après sa profession religieuse en 1953, elle fait ses études d’infirmière et va se mettre avec enthousiasme au service des malades. C’est à Pa-
toute sa mesure. Formation à l’Institut grégorien, puis à l’Institut catholique où elle enseignera la musique après avoir passé brillamment son diplôme de grégorien. Elle y découvre la ci-thare et fera de nombreuses sessions dans plusieurs monastères, de l’ab-baye d’En-Calcat jusqu’à Rome.Revenue à Bethléem, à Paray-le-Monial, en 1998, elle continuera ses activités musicales tant que sa santé le permettra. Elle a voulu faire de sa vie une louange au Seigneur par la musique. Nous rendons grâce à Dieu pour elle.
laiseau, en 1968, qu’elle reçoit l’ap-pel pour partir au Brésil. Elle y vivra une véritable immersion au milieu des plus pauvres, dans des condi-tions très difficiles. Trente ans de présence marqués par la démesure de Térésa dans l’action et le service. Elle puisait sa force dans de longs temps de contemplation et de soli-tude où tous ceux qu’elle rencontrait au long des jours étaient présents. Elle disait : « Je parle d’eux avec le rabbi Jésus. » De retour en France, à Mâcon, elle continuera, malgré une mauvaise santé, d’être à l’écoute des exclus. Elle disait vivre la « pastorale du banc », dans la cité.C’est à Bethléem, notre maison mère, qu’elle a vécu sa dernière année. Des mains pour soigner, un cœur pour aimer, des doigts de fée pour créer, une inspiration originale et des élans passionnés pour transmettre la Bonne Nouvelle, c’était Térésa !
L’envoi de cette « Lettre aux amis » se veut un signe d’amitié, non lié à une formule d’abonnement. Certains d’entre vous manifestent cette amitié par un don. Si tel est votre désir, veuillez libeller votre chèque à l’ordre des Auxiliaires * et adressez-le à :
Auxiliaires – Services généraux57, rue Lemercier, 75017 Paris
CCP PARIS 14 543 18 L
Tout don fait à la congrégation est partagé selon les besoins des communautés au Brésil, en France. Nous vous en remercions.
* La congrégation n’est pas habilitée à délivrer des reçus fiscaux.
rage et compétences pendant trente-cinq ans. En 1985, membre de la communauté de Chatou (Yvelines), elle est heureuse de faire de l’accueil à la paroisse Notre-Dame et de visi-ter des malades. En 1993, en raison de l’âge et de la fatigue, elle rejoint Bethléem, la maison mère. Elle y est très présente et participante. Elle a pour mission de correspondre avec les jeunes sœurs du Brésil, leur fai-sant partager le projet de la fonda-trice qu’elle a connue et son amour de la congrégation. Puis vint pour elle le moment de tout remettre entre les mains du Seigneur. À Dieu, Marie Mo-nique ! Qu’il te comble de son amour.
Congrégation des auxiliaires du saCerdoCe
57, rue Lemercier, 75017 ParisTél. et Fax : 01 42 26 70 89
E-mail : [email protected]
Maison Mère
Bethléem, 15, avenue de Bethléem, 71600 Paray-le-Monial
CoMMunautés
FranceAime, Châlon-sur-Saône, Le Mayet-de-Montagne, Lyon, Macon,
Marseille-les-Accates, Marseille-le-Merlan, Meudon,Paray-le-Monial, Paris, Saint-Martin-de-Belleville
BrésilAracaju, Salvador, Valença