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 Le plus ancien centre du CnRs Ă  l'Ă©tranger Le Centre de recherche français Ă  JĂ©rusalem a cĂ©lĂ©brĂ© ses 60 ans d'existence les 25, 26 et 27 juin derniers. 60 ans d’activitĂ© et de prĂ©sence en israĂ«l, le pari semble relever du miracle. il est pourtant porteur d’avenir [...] VALORISATION sinetombe Avec le projet sinetomb, la spatialisation 3D est mise au service de la connaissance historique : dĂ©cryptage du tombeau de l'empereur mandchou, Qianlong [...] OUTILS DE LA RECHERCHE EncyclopĂ©die des violences de masse Une publication scientiïŹque en ligne sur les violences de masse perpĂ©trĂ©es dans le monde entier : un projet intellectuel mais aussi citoyen [...] EN DIRECT DE L'ESF Retour sur la publication d'un rapport de l'EsF prĂ©sentant les nouveaux thĂšmes identiïŹĂ©s pour les sciences sociales en Europe centrale et orientale [...] LA TRIBUNE D’ADONIS Des archives philosophiques multilingues et un focus sur le prochain ThATCamp Paris 2012, organisĂ© par le ClĂ©o : deux articles du TGE Adonis [...] À SIGNALER Le 1 er congrĂšs du rĂ©seau national des Msh : Quelles sciences humaines et sociales pour le XXI e siĂšcle ? Pros- pective, rĂ©flexions, Ă©changes, qui aura lieu les 6 et 7 dĂ©cembre 2012 Ă  la MRsh de Caen [...] Les mangeurs d'autres. Civilisation et cannibalisme, de Georges Guille-Escuret, Éditions de l'EhEss, 2012 Georges Guille-Es- curet lĂšve l’un des principaux tabous de la civilisation, aprĂšs l’inceste : le cannibalisme. ii soumet au crible d'une analyse incisive le regard portĂ© par les sciences sociales sur l'anthropophagie [...] voir toutes les publications Depuis sa crĂ©ation en 2002, la revue de sciences humaines TracĂ©s, Ă©ditĂ©e par Ens Édi- tions, rĂ©unit deux fois par an des auteurs issus de diverses disciplines autour d’un thĂšme ou d’un problĂšme commun traversant les sciences humaines. Ce numĂ©ro traite du thĂšme : « Écologiques. EnquĂȘtes sur les milieux humains » [...] voir toutes les revues LIVRE REVUE IMAGE © CnRs PhotothĂšque / Claude DELhAYE, Jean-Claude GOLVin À LA UNE www.cnrs.fr Dessin aquarellĂ© restituant une vue de Paris au XiV e siĂšcle, sous le rĂšgne de Charles V – J.-C. Golvin AthĂ©na, l’alliance nationale des shs vient de fĂȘter son deu- xiĂšme anniversaire. Lieu de coordination majeur entre les diffĂ©rents acteurs du domaine, il a permis d’organiser des groupes de travail sur des thĂ©matiques sensibles pour nos disciplines [
] © CnRs / nicole Tiget Édito de Patrice Bourdelais, Directeur de l'inshs N° 18 l juillet 2012 NOUVELLES DE L’INSTITUT L'inshs accueille de nouveaux membres [...] JournalBase 2011 en ligne [...] VIE DES LABOS Quand les sciences sociales auscultent la santĂ© Comment analyser les rapports entre mĂ©decine, sciences et sociĂ©tĂ© ? La santĂ©, un enjeu pour les sciences sociales ? Le Cermes3 aborde ces questions d'intĂ©rĂȘt commun [...] VIE DES RÉSEAUX Observatoire dĂ©mographique de la MĂ©diterranĂ©e Une base de donnĂ©es dĂ©mographiques et socio-Ă©conomiques spatialisĂ©es, mise en place en collaboration avec les ofïŹces statistiques nationaux [...] FOCUS Thierry Ribault, Maison franco-japonaise À l'occasion du prix du Festival du ïŹlm de chercheur reçu pour son ïŹlm Dissonances, Thierry Ribault nous parle des mutations de la sociĂ©tĂ© japonaise et de son prochain ïŹlm [...]

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la lettre de i’inshs

ZOOM SUR
Le plus ancien centre du CnRs Ă  l'Ă©trangerLe Centre de recherche français Ă  JĂ©rusalem a cĂ©lĂ©brĂ© ses 60 ans d'existence les 25, 26 et 27 juin derniers. 60 ans d’activitĂ© et de prĂ©sence en israĂ«l, le pari semble relever du miracle. il est pourtant porteur d’avenir [...]

VALORISATIONsinetombeAvec le projet sinetomb, la spatialisation 3D est mise au service de la connaissance historique : décryptage du tombeau de l'empereur mandchou, Qianlong [...]

OUTILS DE LA RECHERCHEEncyclopĂ©die des violences de masseUne publication scientifique en ligne sur les violences de masse perpĂ©trĂ©es dans le monde entier : un projet intellectuel mais aussi citoyen [...]

EN DIRECT DE L'ESFRetour sur la publication d'un rapport de l'EsF présentant les nouveaux thÚmes identifiés pour les sciences sociales en Europe centrale et orientale [...]

LA TRIBUNE D’ADONISDes archives philosophiques multilingues et un focus sur le prochain ThATCamp Paris 2012, organisĂ© par le ClĂ©o : deux articles du TGE Adonis [...]

À SIGNALERLe 1er congrĂšs du rĂ©seau national des Msh : Quelles sciences humaines et sociales pour le XXIe siĂšcle ? Pros-pective, rĂ©flexions, Ă©changes, qui aura lieu les 6 et 7 dĂ©cembre 2012 Ă  la MRsh de Caen [...]

Les mangeurs d'autres. Civilisation et cannibalisme, de

Georges Guille-Escuret,

Éditions de l'EhEss,

2012

Georges Guille-Es-curet lùve l’un des principaux tabous de la civilisation, aprùs l’inceste : le

cannibalisme. ii soumet au crible d'une analyse incisive le regard porté par les sciences sociales sur l'anthropophagie [...]voir toutes les publications

Depuis sa crĂ©ation en 2002, la revue de sciences humaines TracĂ©s, Ă©ditĂ©e par Ens Édi-tions, rĂ©unit deux fois par an des auteurs issus de diverses disciplines autour d’un thĂšme ou d’un problĂšme

commun traversant les sciences humaines.Ce numĂ©ro traite du thĂšme : « Écologiques. EnquĂȘtes sur les milieux humains » [...]voir toutes les revues

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Dessin aquarellĂ© restituant une vue de Paris au XiVe siĂšcle,sous le rĂšgne de Charles V – J.-C. Golvin

AthĂ©na, l’alliance nationale des shs vient de fĂȘter son deu-xiĂšme anniversaire. Lieu de coordination majeur entre les diffĂ©rents acteurs du domaine, il a permis d’organiser des groupes de travail sur des thĂ©matiques sensibles pour nos disciplines [
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Éditode Patrice Bourdelais, Directeur de l'inshs

N° 18 l juillet 2012

NOUVELLES DE L’INSTITUTL'inshs accueille de nouveaux membres [...]JournalBase 2011 en ligne [...]

VIE DES LABOS Quand les sciences sociales auscultent la santé

Comment analyser les rapports entre mĂ©decine, sciences et sociĂ©tĂ© ? La santĂ©, un enjeu pour les sciences sociales ? Le Cermes3 aborde ces questions d'intĂ©rĂȘt commun [...]

VIE DES RÉSEAUXObservatoire dĂ©mographique de la MĂ©diterranĂ©eUne base de donnĂ©es dĂ©mographiques et socio-Ă©conomiques spatialisĂ©es, mise en place en collaboration avec les offices statistiques nationaux [...]

FOCUS Thierry Ribault, Maison franco-japonaise

À l'occasion du prix du Festival du film de chercheur reçu pour son film Dissonances, Thierry Ribault nous parle des mutations de la sociĂ©tĂ© japonaise et de son prochain film [...]

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la lettre de i’inshs | juillet 2012

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AthĂ©na, l’alliance nationale des sciences humaines et sociales vient de fĂȘter son deuxiĂšme anniversaire (site internet : www.allian-ceathena.fr). Lieu de coordination majeur entre les diffĂ©rents acteurs du domaine : universitĂ©s, grandes Ă©coles, CnRs et inED, il a permis d’organiser des groupes de travail sur des thĂ©matiques sensibles pour nos disciplines :u internationalisation (GT1) ;u structuration (GT2) ;u Relations avec le monde de l’entreprise et valorisation (GT3) ;u indicateurs (GT4) ;u infrastructures (GT5),ces deux derniers en co-pilotage avec la DGRi.

À ces cinq premiers groupes en ont Ă©tĂ© ajoutĂ©s quatre qui prennent en charge les articulations entre les shs et les domaines couverts par les autres alliances :u shs et santĂ©,u shs et environnement,u shs et Ă©nergie,u shs et numĂ©rique,autant de fronts pionniers dont il s’agit de favoriser le dĂ©veloppe-ment.

En fonction de l’investissement des participants et de la difficultĂ© particuliĂšre Ă  chacun des thĂšmes, les groupes ont progressĂ© Ă  des vitesses diffĂ©rentes mais plusieurs d’entre eux (internationalisation, structuration, Relations avec le monde de l’entreprise et valorisa-tion, shs et santĂ©, shs et environnement) pourront produire des bilans d’étape, Ă  la fois inventaires, constats et propositions qui se-ront autant d’apports aux dĂ©bats prĂ©paratoires aux Assises pour la recherche et l’enseignement supĂ©rieur. Par leur travail rĂ©gulier de-puis plus de dix-huit mois, les collĂšgues animateurs, rapporteurs, ou membres, de ces groupes de travail ont permis Ă  une premiĂšre rĂ©flexion actualisĂ©e de prendre corps. Qu’ils en soient trĂšs sincĂšre-ment remerciĂ©s.

Le Directoire de l’Alliance a Ă©galement organisĂ© en son sein un dĂ©-bat qui a permis d’aboutir Ă  un consensus sur les grandes lignes des thĂ©matiques scientifiques sur lesquelles AthĂ©na aimerait que l’AnR multiplie les initiatives.

En assurant sa PrĂ©sidence, le CnRs a permis le dĂ©marrage d’AthĂ©na au cours des deux premiĂšres annĂ©es. ConformĂ©ment Ă  la rĂšgle de l’alternance fixĂ©e lors de sa crĂ©ation, un reprĂ©sentant de la CPU deviendra PrĂ©sident d’AthĂ©na Ă  l’automne, il s’agira de Jean-Émile Gombert, PrĂ©sident de l’universitĂ© de Rennes 2, dĂ©signĂ© par la CPU, qui aura par consĂ©quent la charge de faire entendre la voix de l’Al-liance dans la prĂ©paration des Assises.L’inshs sera bien entendu Ă  ses cĂŽtĂ©s afin d’optimiser le dĂ©veloppe-ment des shs dans notre pays.

Patrice Bourdelais,Directeur de l'inshs

Éditode Patrice BourdelaisDirecteur de l’inshs

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juillet 2012 | la lettre de i’inshs

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L'InSHS accueille de nouveaux membres

MichĂšle BaussantMichĂšle Baussant est nommĂ©e chargĂ©e de mission pour la section 38 (sociĂ©tĂ©s et cultures : approches comparatives) au sein de l’inshs, poste oĂč elle remplace Jean-François Gossiaux.Elle est chargĂ©e de recherches en ethnologie

au CnRs, au laboratoire d’ethnologie et de sociologie compara-tive (LEsC, UMR7186). ses travaux portent sur les formes de l’exil,de la mĂ©moire et de la transmission chez diffĂ©rentes populations dites « minoritaires » qui ont connu plusieurs migrations et des rup-tures multiples de la mĂ©moire, notamment en AlgĂ©rie, en Égypte et au Liban. ParallĂšlement, elle mĂšne ou a menĂ© plusieurs autres recherches, en collaboration avec des chercheurs en sociologie, en histoire, en sciences politiques et en psychosociologie : sur les tra-jectoires des coopĂ©rants en AlgĂ©rie, sur les migrants, hommes et femmes, emprisonnĂ©s au Liban et sur la question du deuil des soi-gnants, dans le cadre de l’accompagnement des fins de vies et des dĂ©cĂšs Ă  l’hĂŽpital et/ou hors [email protected]

Florent ChampyFlorent Champy est nommĂ© directeur adjoint scientifique de l’inshs, chargĂ© des sections 36 (so-ciologie, normes et rĂšgles) et 40 (Politique, pou-voir, organisations) et des investissements d’avenir. il succĂšde Ă  Denis Rolland.

Directeur de recherche au CnRs au Centre Maurice hal-bwachs (UMR8097), Florent Champy est spĂ©cialiste d’architec-ture, de sociologie des professions et de sociologie du droit. il a notamment Ă©laborĂ© une thĂ©orie des professions en s’aidant des rĂ©flexions d’Aristote sur la prudence, une forme de connaissance et d’action requise dans des situations oĂč les routines et les applications systĂ©matiques de savoirs scientifiques sont mises en dĂ©faut par la complexitĂ© et la singularitĂ© des problĂšmes Ă  [email protected]

ClĂ©ment OliverClĂ©ment Oliver est en charge, au sein de l'inshs, des partenariats et des affaires juridiques. il Ă©tu-die et accompagne les projets de partenariat de l’inshs et participe ainsi Ă  la mise en Ɠuvre et au suivi des actions de contractualisation de l’institut.

ClĂ©ment Oliver a rejoint l’inshs le 1er mai 2012 aprĂšs avoir Ă©tĂ© char-gĂ© d’affaires industrielles et europĂ©ennes au service Partenariat et Valorisation de la DĂ©lĂ©gation ile-de-France Ouest et nord (Meudon) du [email protected]

JournalBase 2011 en ligne

JournalBase a été mis à jour le 28 mai 2012. Cette mise à jour intÚgre toutes les nouveautés des sources pour l'année 2011, jusqu'à avril 2012.Construit à partir des données du Web of Science (Thomson Reu-ters), de Scopus (Elsevier), des listes d'autorité ERih (Europe) et AEREs (France), JournalBase offre, en libre accÚs, un service inédit pour les shs. Doté d'une recherche simple et avancée, JournalBase apporte à l'utilisateur toutes les informations indispensables sur chaque re-vue : champ disciplinaire, site web de la revue, langue de publication, éditeur, pays de l'éditeur, statut (libre d'accÚs ou payant).Accessible en version bilingue, il permet également de comparer le référencement des revues en shs dans les bases de données natio-nales et internationales, mettant ainsi à la disposition de tous les acteurs de la recherche une source d'information à jour et complÚte sur la question.

u Accédez au site : journalbase.cnrs.fr

MichÚle Dassa, inshset Christine Kosmopoulos, Géographie-cités

NOUVELLES DE L’INSTITUT

contact&infou MichĂšle Dassa, inshs

[email protected] Christine Kosmopoulos, GĂ©ographie-citĂ©s

[email protected]

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la lettre de i’inshs | juillet 2012

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VIE DES LABOS

Les sciences sociales au service de la santĂ©Le Cermes3 est issu, en 2009, de la rĂ©union de deux laboratoires (le Cermes et le Cesames) Ɠuvrant sur des segments complĂ©mentaires de la santĂ©. Le Cermes (Centre de recherche mĂ©decine, sciences, santĂ© et sociĂ©tĂ©), crĂ©Ă© en 1986 par Claudine herzlich et Marc AugĂ©, explorait les transformations des rapports entre savoirs, pratiques de soin et de prise en charge et organisation du systĂšme de santĂ© de-puis l’aprĂšs-guerre. Des phĂ©nomĂšnes allaient marquer cette histoire sociale des relations de santĂ© – dĂ©veloppement de la biomĂ©decine, ir-ruption du sida comme maladie « globalisĂ©e », avĂšnement de la thĂ©-matique du handicap, Ă©mergence de nouvelles catĂ©gories d’acteurs (associations, malades et familles) – qui nĂ©cessitaient une approche renouvelĂ©e et novatrice. Le Cesames (Centre de recherche psycho-tropes, santĂ© mentale, sociĂ©tĂ©), crĂ©Ă© en 2002 par Alain Ehrenberg mais hĂ©ritier de diverses structures de recherche en place depuis les annĂ©es 90, interrogeait le passage opĂ©rĂ©, dans les sociĂ©tĂ©s contem-poraines, de la catĂ©gorie de la maladie mentale Ă  celle de la santĂ© mentale. Celle-ci ne caractĂ©rise plus un Ă©cart Ă  la norme – saine – mais davantage un ensemble d’états, de processus et de relations. Les frontiĂšres entre le « normal » et le « pathologique » se brouillent, chaque individu pouvant ĂȘtre sujet Ă  un moment ou un autre Ă  des

mal-ĂȘtre, des comportements Ă  risque voire Ă  la maladie psychia-trique « traditionnelle ». En explorant les transformations des savoirs, des pratiques et des politiques dans divers domaines de la mĂ©decine somatique et de la mĂ©decine mentale, les recherches du Cermes3 interrogent la nature mĂȘme des dynamiques sociales Ă  l’Ɠuvre dans le champ de la santĂ©.

La santĂ©, un domaine interdisciplinaire par excellenceDomaine complexe, le champ de la santĂ© requiert pour ĂȘtre compris et analysĂ© une multiplicitĂ© de points de vue et de mĂ©thodes. Cette nĂ©cessaire interdisciplinaritĂ© explique que le Cermes ait Ă©tĂ© la pre-miĂšre unitĂ© mixte crĂ©Ă©e par l’insERM en sciences humaines et so-ciales. sont conviĂ©es, au sein du Cermes3, la sociologie, l’économie, l’anthropologie, l’histoire ainsi que l’épidĂ©miologie, les sciences po-litiques, la dĂ©mographie, la philosophie ou encore la statistique. Ces approches disciplinaires multiples offrent des mĂ©thodes complĂ©-mentaires (enquĂȘtes qualitatives et quantitatives, recueil de donnĂ©es par questionnaires, observations ou entretiens, analyse d’archives, etc.) au service des mĂȘmes questions. Le dialogue interdisciplinaire permet d’élaborer des outils pertinents Ă  mĂȘme de penser les chan-gements affectant le domaine de la santĂ©, Ă  des niveaux et selon

Diagnostic prĂ©natal, politiques de santĂ© publique, histoire et sociologie de la mĂ©decine mentale, prise en charge et politique du handicap, comportements addictifs, risques sanitaires et environnementaux, dynamiques d’innovation pharmaceutique, autant de domaines de la santĂ© Ă©tudiĂ©s par les chercheurs du Cermes3, autant d’enjeux sociaux. Loin de n’ĂȘtre qu’une question mĂ©dicale ou Ă©thique, la santĂ© inter-roge aussi bien les politiques publiques que le comportement des acteurs (professionnels de la santĂ©, patients et associations de patients, familles, lĂ©gislateurs, etc.), la production et la diffusion de savoirs que l’expĂ©rience de la maladie. Étudier le champ de la santĂ© implique donc l’analyse de l’évolution des relations entre mĂ©decine, sciences, santĂ© et sociĂ©tĂ©.

Quand les sciences socialesauscultent la santĂ©Cermes3 – MĂ©decine, sciences, santĂ©, santĂ© mentale, sociĂ©tĂ©

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des modalitĂ©s plurielles (niveau individuel ou collectif ; niveau professionnel, Ă©cono-mique, Ă©tatique et Ă©thique ; niveau local ou mondial ; etc.). Ce dialogue rend alors pos-sibles des dĂ©placements de dĂ©marches, au profit d’une meilleure apprĂ©hen-sion des pratiques de santĂ© et de leur contexte. Ainsi, selon Jean-Paul Gau-dilliĂšre, directeur du Cermes3, « la vo-lontĂ© d’inscrire les Ă©volutions actuelles que subit le systĂšme de santĂ© dans une perspective historique n’est pas le fait des seuls historiens mais apparaĂźt dans nombre de travaux du centre. De mĂȘme, le souci de ne pas figer des processus com-plexes au moyen de catĂ©gories univoques, de considĂ©rer les activitĂ©s ordinaires des ac-teurs, n’est pas propre aux anthropologues ou sociologues mais s’applique Ă  l’ensemble des chercheurs du Cermes3 ».

Penser global, agir local
et inversementLe souci de multiplier les perspectives en vue d’une apprĂ©hension sans cesse affinĂ©e des objets, d’une construction intelligible de la « rĂ©alitĂ©  » conduit « naturellement » Ă  l’élar-gissement des dĂ©marches au-delĂ  des seules frontiĂšres nationales. L’importance donnĂ©e au sein du Cermes3 aux Ă©tudes comparatives et transnationales s’explique aussi par le fait que cet objet lui-mĂȘme s’est, au cours des trente derniĂšres annĂ©es, globalisĂ©, s’inscrivant en cela dans ce qu’on peut considĂ©rer comme une nouvelle phase de la mondialisation. Maurice Cassier et Laurent PordiĂ© montrent Ă  l’aide d’en-quĂȘtes ethnographiques et d’investiga-tions sociologiques, au sein du programme AnR Pharmasud (savoirs locaux, construc-tion de marchĂ©s et mondialisation : deux rĂ©-gimes d’innovation pharmaceutique au sud) que tout processus de mondialisation ne sau-rait ĂȘtre compris sans tenir compte du niveau local et des nĂ©cessaires interactions et adap-tations entre les deux niveaux. Ainsi, la situa-tion d’urgence crĂ©e par l’épidĂ©mie mondiale du sida, en lien Ă  un manque de moyens financiers, a poussĂ© le BrĂ©sil Ă  adopter – pour s’adapter – un rĂ©gime de copie de mĂ©dicaments gĂ©nĂ©riques en rupture avec le renforcement des droits de propriĂ©-tĂ© intellectuelle ; ce rĂ©gime reproduit des savoirs molĂ©culaires classiques largement rĂ©pandus mais en leur donnant, par la production de savoirs lo-caux, une dimension novatrice. À l’inverse, l’inde a choisi de s’adapter Ă  l’émergence de mar-chĂ©s globaux en industrialisant et en expor-tant des mĂ©dicaments traditionnels, issus de plantes mĂ©dicinales. ni mĂ©decine tradition-nelle ni bio-mĂ©decine, les reformulations de mĂ©dicaments traditionnels sont une rĂ©ponse Ă  la fois globale et locale. Analyser ces phĂ©-nomĂšnes interdĂ©pendants permet de poser des questions cruciales pour les sciences sociales,

par exemple celle des tensions entre accessibilitĂ© aux produits de santĂ© et droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle, entre bien commun et propriĂ©tĂ© privĂ©e. LĂ  encore, le choix de la santĂ©, en tant que domaine Ă©minemment sensible, constitue un point d’entrĂ©e particuliĂšrement pertinent pour interroger des processus plus gĂ©nĂ©raux, qu’il s’agisse de la construction des catĂ©gories, du rĂŽle de l’innovation sociale et organisationnelle ou encore des relations entre l’Etat et les marchĂ©s. La sensibilitĂ© du sujet rend davantage saillant le besoin de remise en ques-tion et de solutions, notamment normatives.

La responsabilisation des individusface à la santéAvant toute démarche normative, les sciences sociales se doivent de décrire finement, le plus finement pos-sible, le « réel ». Et pour ce faire, examiner les dif-

fĂ©rents acteurs, leurs modes de fonctionnement, leurs interactions. Dans le cadre d’une ana-lyse des pratiques de santĂ©, on ne saurait en effet faire l’impasse sur l’exercice de la mĂ©de-cine, sur les pratiques de soins, sur les presta-tions d’aides et de services ni sur leurs consĂ©-quences sur les trajectoires de vie des patients et de leur famille, sur les effets d’institutionnali-sation ou de reconfigurations des politiques pu-bliques que ces pratiques peuvent induire. C’est prĂ©cisĂ©ment l’objet de la dĂ©marche de Catherine Le GalĂšs et Martine Bungener dans le cas de la maladie d’Alzheimer au sein d’un programme fi-nancĂ© par la Fondation de coopĂ©ration scientifique Plan Alzheimer. Cette maladie, dont l’incidence est croissante, nĂ©cessite la mise en place d’une mobilisa-tion collective et de politiques adaptĂ©es. L’originalitĂ© de ce programme de recherche repose sur le recours Ă  des mĂ©thodes combinĂ©es des sciences sociales (en-

quĂȘte statistique insee handicap-santĂ©, modĂšles Ă©cono-mĂ©triques mais aussi analyse de rĂ©cits et tĂ©moignages, observations et entretiens avec des malades et leur en-tourage, etc.) permettant de mieux apprĂ©hender la spĂ©-cificitĂ© de la maladie d’Alzheimer au regard d’autres types de perte d’autonomie et de politiques de prise en charge. Ainsi, comment gĂ©rer au quotidien ce qui

faisait valeur pour l’individu avant sa perte de mĂ©moire ? Comment concilier libertĂ© individuelle et implication collective sur le plan mĂ©dical et social ? Quelles stratĂ©gies mettent en place les familles pour prĂ©ser-ver une part de l’autonomie dĂ©cisionnelle et pratique de leur proche ? Qu’autorise la visi-bilitĂ© reconnue du travail familial de prise en charge  ? Qu’implique-t-elle du point de vue collectif ? Autant de questions cruciales pour la sociĂ©tĂ© et les individus qui la composent.Entre contraintes Ă©conomiques et revendication Ă  l’autonomie : la relation entre bien commun et libertĂ© individuelle est Ă  rĂ©inventer. La question de l’automĂ©dication en est une bonne illustration. TrĂšs controversĂ©e, elle interroge les relations entre expertise, pratiques quotidiennes et politiques de santĂ©. Les travaux de sylvie Faizang interrogent la tension entre d’une part les incitations Ă  l’auto-mĂ©dication qui Ă©manent des pouvoirs publics, pour des raisons essentiellement Ă©conomiques,

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et d’autre part, la rĂ©ticence des professionnels de la santĂ© qui y voient un danger sanitaire et une dĂ©possession de leurs compĂ©tences. Qu’en est-il pour le patient ? À quelles conditions les individus dĂ©-cident-ils ou peuvent-ils dĂ©cider aujourd’hui de s’automĂ©diquer ? Ce qui se joue ici est non seulement le sens Ă  donner Ă  l’autonomie du patient mais aussi la gĂ©nĂ©ralisation, dans le domaine de la santĂ©, du paradigme du risque et de la responsabilisation des individus.

Nouveaux savoirs, nouveaux acteurs,nouvelles pathologiesLes changements de l’expertise, le dĂ©veloppement des technologies biomĂ©dicales, les processus d’individualisation du social interrogent, par ailleurs, la construction des catĂ©gories mĂ©dicales. Ceci est parti-culiĂšrement vrai dans le domaine de la santĂ© mentale qui constitue, de ce point de vue, une sorte d’analyseur. L’élargissement des cri-tĂšres diagnostiques de la dĂ©pression, de l’hyperactivitĂ©, des phobies ou encore de l’autisme, a en effet conduit Ă  une visibilitĂ© particuliĂšre de ces pathologies,mais aussi Ă  un changement de leur nature avec l'importance nouvelle donnĂ©e aux sciences biologiques, aux outils de mesure et aux symptĂŽmes. Au sein du Cermes3, ces Ă©volutions sont questionnĂ©es selon trois registres : leur lien aux nouvelles fi-gures de l’individualisme, le rĂŽle des innovations thĂ©rapeutiques (des psychotropes Ă  la stimulation cĂ©rĂ©brale), l’implication d’acteurs non professionnels de la santĂ©, de l’industrie pharmaceutique aux associations de patients. C’est pour rĂ©pondre Ă  ces questions que les projets ANR « Vie sociale des neurosciences : RĂŽle des associa-tions de patients », coordonnĂ© par Brigitte Chamak et « Aux limites de la psychiatrie. Une histoire et une sociologie des psychoses prĂ©-coces en France et en Allemagne » coordonnĂ© par Nicolas Henckes ont Ă©tĂ© mises en place.Autre configuration, le diagnostic prĂ©natal. Avec le dĂ©veloppement et l’usage croissant des technologies du diagnostic gĂ©nĂ©tique et du dĂ©pistage prĂ©natal s’ouvre tout un champ de rĂ©flexion sur la prise

en charge de la grossesse, les conceptions du fƓtus et la prise en charge du handicap. Interrogations qui font l’objet du projet

ANR « Les enjeux du diagnostic prĂ©natal dans la prĂ©-vention des handicaps  : l’usage des techniques entre progrĂšs scientifiques et action publique », sous la direc-tion d’Isabelle Ville et de Ilana Löwy. L’introduction de technologies nouvelles et d’offres de diagnostic Ă©largies permettant d’éviter la naissance d’enfants atteints de malformations ou de maladies gĂ©nĂ©tiques entre en effet en contradiction avec l’évolution des reprĂ©sentations

du handicap et de sa prise en charge sociale sous l’ef-fet conjuguĂ© des mobilisations des personnes han-

dicapées et des recherches menées dans

le champ des disa-bilities studies. Ce projet ANR

vise Ă  comprendre ces tensions mais aussi leur horizon commun, de l’évolution technique de l’offre aux politiques de

prĂ©vention.Autre projet de recherche, financĂ© par le ministĂšre de l’Éco-logie dans le cadre du PNRPE (Programme national de re-cherche sur les perturbateurs endocriniens), le projet

« Savoirs, expertise, rĂ©gulation : comment les "perturbateurs endo-criniens" sont-ils devenus des objets de gouvernement ? Une com-paraison France-États-Unis Â», dirigĂ© par Jean-Paul GaudilliĂšre. GrĂące Ă  une analyse comparĂ©e des productions scientifiques, des disposi-tifs d’expertise et de dĂ©bat public, ce projet entend expliquer pour-quoi la problĂ©matique des « perturbateurs endocriniens » a Ă©mergĂ© aux États-Unis tandis qu’elle est restĂ© jusqu’à rĂ©cemment largement mĂ©connue en France. Ce contraste, rĂ©vĂ©lateur de trajectoires diffĂ©-rentes de la santĂ© environnementale, renvoie aussi bien au relations entre chercheurs, industriels et mouvements sociaux qu’aux modes de gouvernement des risques de part et d’autre de l’Atlantique.

Une expertise reconnueL’accĂšs aux soins, les risques sanitaires et environnementaux, la mĂ©decine personnalisĂ©e sont autant de sujets d’intĂ©rĂȘt public. Les recherches du Cermes3 en font donc un « laboratoire-res-source Â», expliquant l’implication des institutions de santĂ© et des agences de financement de la recherche dans le soutien aux projets du laboratoire ainsi que la forte sollicitation des mĂ©dias. Reconnu pour son expertise dans un domaine de prioritĂ© sociĂ©tale et Ă©cono-mique, le Cermes3 bĂ©nĂ©ficie de nombreux contrats (ANR, ministĂšres de la SantĂ© et de l’Écologie, fondations, etc.) et participe Ă  deux Labex, SITES et TEPSIS. Le premier, SITES (Sciences, innovation et techniques en sociĂ©tĂ©) regroupe les centres de recherche qui, en Ile-de-France, travaillent sur les sciences et les techniques, les dyna-miques de leur production, leurs rapports Ă  l’économie et Ă  la po-litique. Le second, TEPSIS (Transformation de l’État, politisation des sociĂ©tĂ©s, institution du social) rassemble des unitĂ©s du Pres Hesam qui ont pour point commun d’analyser les formes de gouvernement des sociĂ©tĂ©s modernes et contemporaines. Outre ces multiples financements, l’expertise du Cermes3 se vĂ©rifie aussi par le nombre de sollicitations dont font l’objet ses chercheurs de la part d’entitĂ©s telles que la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, le ComitĂ© de la prĂ©vention et de la prĂ©cau-tion (CPP) du ministĂšre de l’Écologie et du DĂ©veloppement durable, l’Institut de veille sanitaire (InVS), la Direction gĂ©nĂ©rale de la santĂ© du ministĂšre de la SantĂ©, la Haute autoritĂ© de santĂ©, etc.

Les recherches du Cermes3 prĂ©sentĂ©es ici n’épuisent bien Ă©vi-demment pas la richesse de ce laboratoire. L’interdisciplinaritĂ©,

la perspective comparative internationale, la formation à la recherche, l’implication dans la nouvelle structuration natio-nale de la recherche sont autant d’atouts au service de la

santĂ© ; sujet dont les enjeux sociaux, mĂ©dicaux, Ă©conomiques et Ă©thiques s’avĂšrent capitaux pour les sociĂ©tĂ©s d’aujourd’hui mais aussi celles de demain.

Sandrine Clérisse, InSHSavec l'aimable collaboration de Jean-Paul GaudilliÚre, Cermes3

6la lettre de

I’INSHS | juillet 2012

LE CERMES3 EN CHIFFRES

u Direction : Jean-Paul GaudilliĂšre, directeur et Martine Bungener, directrice adjointeu Personnel : 20 ITA, 29 chercheurs statutaires, 6 enseignants-chercheurs, 8 chercheurs associĂ©s, 9 post-doctorants, 27 doctorantsu Tutelles : CNRS, Inserm, UniversitĂ© Paris Descartes et EHESSu Quatre axes de recherche : Transformations de la santĂ© mentale, objectivation des savoirs psychiatriques et production des individus ; Handicap, maladies chroniques et vieillissement : requalifications politiques et sociales ; Risques et addictions ; Inno-vations et mondialisations du mĂ©dicament et de la santĂ©u De nombreux contrats et collaborations : 6 ANR en cours,programmes financĂ©s par la Fondation Plan Alzheimer, les minis-tĂšre de l'Écologie et de la SantĂ©, etc. ; 2 Labex : SITES et TEPSISu Centre de documentation : 7 000 ouvrages, 200 thĂšses enregistrĂ©es, 70 revues ; politique active de dĂ©pĂŽt sur HAL

contact&infou Jean-Paul GaudilliĂšre, Cermes3

[email protected] Pour en savoir plus

www.cermes3.fr

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En 1644, les Mandchous renversent la dynastie chinoise des Ming et fondent la dynastie des Qing. Qianlong (r. 1736-1795), donnera la plus grande expansion Ă  cet empire mandchou. C’est au nord-est de PĂ©kin, dans le site des Tombeaux de l’Est, qu’il construisit son mau-solĂ©e de 1743 Ă  1752. Le Palais souterrain (digong) ou "tombe", est creusĂ© Ă  54 m sous terre et occupe 372 m2. six des neuf chambres funĂ©raires sont couvertes de reprĂ©sentations bouddhiques (rois cĂ©-lestes, Buddha, Bodhisattva) et d’inscriptions (voir figure 1). On no-tera l’absence totale de chinois ou de mandchou. Les deux Ă©critures utilisĂ©es sont le tibĂ©tain (29 464 lettres) et le lantsa (647 lettres), une Ă©criture en usage au nĂ©pal au Xie siĂšcle. Des textes en tibĂ©tain sont Ă©galement gravĂ©s sur les cercueils impĂ©riaux.MalgrĂ© le classement par l’UnEsCO en l’an 2000 de l’ensemble du site au Patrimoine mondial de l’humanitĂ©, ces inscriptions n’étaient pas identifiĂ©es. Bien que leur nature bouddhique ait Ă©tĂ© supputĂ©e, toutes sortes de rumeurs circulaient Ă  leur sujet.À l’invitation des autoritĂ©s du site, le relevĂ© et l’édition de ces inscriptions a dĂ©butĂ© en 2005. Un long travail a permis de les identifier. Les textes gravĂ©s sur les murs et les voĂ»tes sont uniquement des dharani, c’est-Ă -dire des formules sacrĂ©es, alors que des priĂšres apparaissent sur les cercueils. Cent cinquante dharani accompagnent ainsi l’empereur dans sa tombe. Ces formules valent par leur sonoritĂ© et non par leur signification. nous n’avons donc pas cherchĂ© Ă  les traduire mais Ă  analyser leur na-

ture et leur fonction. Comme elles participent Ă  la crĂ©ation d’un espace sacrĂ©, l’idĂ©e du stupa – monument funĂ©raire bouddhique par excellence – commença Ă  se dessiner. Mais, l’architecture mĂȘme de la tombe s’opposait Ă  cette hypothĂšse. Elle se dĂ©ploie en effet sur un axe horizontal alors que le stupa s’élĂšve sur un axe vertical. Mais un stupa ne se dĂ©finit pas simplement par sa forme. son conte-nu est Ă©galement fondamental. L’importance du dĂ©pĂŽt de reliques Ă  l’intĂ©rieur de ces monuments et le fait que ces reliques puissent ĂȘtre des textes spĂ©cifiques sont communs Ă  toutes les traditions boudd-hiques. Mais, dans le bouddhisme tibĂ©tain, ce dĂ©pĂŽt est extrĂȘme-ment hiĂ©rarchisĂ©. Des textes particuliers sont associĂ©s Ă  chaque par-tie architecturale du stupa. Or l’identification des inscriptions de la tombe de Qianlong montre que chaque pan de murs et de voĂ»tes

SinetombLa représentation sémantique de l'espace

VALORISATION

Figure 1 – Photographie d’une portion de surface d’une des six chambres funĂ©raires couvertes de reprĂ©sentations bouddhiques et d’inscriptions.© MAP / CRCAO

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de la derniĂšre chambre funĂ©-raire comporte des dharani de nature spĂ©cifique, comme si un classement dĂ©terminait l’agen-cement de ces textes. Leur choix et leur disposition corres-pondent en fait Ă  ceux qui prĂ©-sident au dĂ©pĂŽt des textes re-liques dans les stupa tibĂ©tains lors de la consĂ©cration.Le patronage important ac-cordĂ© par Qianlong au boudd-hisme tibĂ©tain a longtemps Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme purement politique, visant Ă  contrĂŽler les populations mongoles qui vĂ©nĂ©raient cette religion. Mais si Qianlong fit Ă©laborer un programme ornemental aussi complexe dans sa tombe, c’était pour exprimer ses croyances intimes et notamment sa volontĂ© d’ĂȘtre inhumĂ© dans un stupa comme un maĂźtre bouddhiste ou comme un monarque universel de la tradition boudd-hique. En tant que souverain d’un empire oĂč les valeurs confucĂ©ennes Ă©taient dominantes, il ne pouvait rĂ©aliser ce sou-hait ; c’est pourquoi il utilisa l’écrit pour recrĂ©er virtuellement ce stupa.C’est ainsi que le projet sinetomb (systĂšme d’informations numĂ©-riques de l’emploi des textes dans l’ornementation des monuments bouddhiques) a Ă©tĂ© montĂ© par le CRCAO, UMR8155 (CnRs/EPhE/CollĂšge de France) et le MAP, UMR3495 (CnRs/MCC) dans le cadre de l’appel Ă  projets de recherche « Blanc » de l’AnR en 2008. À l’image de son caractĂšre interdisciplinaire, ce projet marie deux prĂ©occupations scientifiques complĂ©mentaires : d’un cotĂ©, l’avancĂ© des connaissances historiques sur Qianlong grĂące au programme ornemental de sa tombe ; de l’autre, l’avancĂ© des connaissances nĂ©cessaires pour concevoir et dĂ©velopper des systĂšmes de reprĂ©sen-tation qui soient de vĂ©ritables outils d’investigation et de visuali-sation scientifique. La « spatialisation 3D Â» des inscriptions et de l’iconographie de la tombe de Qianlong met en effet clairement en Ă©vidence la crĂ©ation d’un stupa virtuel grĂące Ă  la disposition par-

ticuliĂšre de textes. La construction de ce systĂšme s’appuie sur la mise en relation de la reprĂ©sentation graphique et informatique de deux niveaux de description parallĂšles. D’un cotĂ©, la description de la morphologie de la tombe au travers de la structuration d’enti-tĂ©s gĂ©omĂ©triques spatialisĂ©es au sein d’un modĂšle 3D (collection de formes architecturales et de relations spatiales) ; de l’autre, la description des connaissances reliĂ©es aux rituels funĂ©raires tibĂ©tains (concepts abstraits et relations sĂ©mantiques). Au vu de l’articulation des espaces, de la richesse des dĂ©cors ainsi que de la quantitĂ© d’inscriptions prĂ©sentes sur les murs, l’étude de la tombe a nĂ©cessitĂ© la dĂ©finition et la mise en Ɠuvre d’une mĂ©-thode spĂ©cifique de documentation basĂ©e sur plusieurs techniques de restitution et de traitement graphique. À partir du nuage de points issu du traitement d’images par des techniques de restitution photogrammĂ©trique multi-vue, une premiĂšre phase a consistĂ© en l’extraction des profils pertinents susceptibles de dĂ©crire les entitĂ©s

gĂ©omĂ©triques nĂ©cessaires Ă  la reprĂ©sen-tation tridimensionnelle des espaces et des principaux Ă©lĂ©ments architecturaux. Un jeu d’élĂ©ments morphologiques de base a ensuite servi de support gĂ©omĂ©-trique pour le redressement d’images photographiques afin de produire des supports orthophotographiques pour la restitution dĂ©taillĂ©e des reprĂ©senta-tions et des inscriptions (voir figure 2). La restitution bidimensionnelle de ces Ă©lĂ©ments, basĂ©e sur une observation trĂšs approfondie des surfaces, a Ă©tĂ©

Figure 2 – ReprĂ©sentations 3D de la morphologie de la tombe intĂ©grant la restitution photogrammĂ©trique et l’annotation sĂ©mantique des reprĂ©sentations et des inscriptions.© MAP / CRCAO

Figure 3 – interface du systĂšme d’informations 3D : en haut, une scĂšne 3D interactive permet la navigation au sein de la reprĂ©sentation de la tombe ainsi que la sĂ©lection d’inscriptions ou de sculptures ; au milieu, une barre d’informations contient toutes les traduction des inscriptions sĂ©-lectionnĂ©es ainsi que des sources documentaires annexes ; en bas, le graphe interactif permet l’ex-ploration des entitĂ©s conceptuelles relatives au rituel funĂ©raire ; Ă  droite, la reprĂ©sentation d’un stupa montre, Ă  chaque sĂ©lection d’inscription, le niveau correspondant au sein de sa structure.© MAP / CRCAO

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fondĂ©e sur une vĂ©ritable stratĂ©gie de structuration d’informations en diffĂ©rents niveaux de lecture. Plus de 31 000 caractĂšres (en tibĂ©-tain et lantsa) ont Ă©tĂ© restituĂ©s en s’appuyant sur une segmentation et une annotation rigoureuse visant Ă  isoler des fragments d’inscrip-tions (reconductibles Ă  des dha-ranis) et des motifs dĂ©coratifs Ă  caractĂšre symbolique. Afin d’établir des relations bila-tĂ©rales entres la description mor-phologique et conceptuelle de l’espace, une mĂ©thode pour la caractĂ©risation sĂ©mantique de la reprĂ©sentation numĂ©rique de la tombe a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e. Elle se base sur trois dimensions paral-lĂšles. Tout d’abord la reconstruction tridimensionnelle des Ă©lĂ©ments d’architecture et des dĂ©cors sculptĂ©s ainsi la restitution exhaustive des inscriptions au travers de la mise en relation spatiale et projec-tive d’un jeu d’élĂ©ments tridimensionnels avec des supports d’ob-servation bidimensionnels. Ensuite, la caractĂ©risation sĂ©mantique des Ă©lĂ©ments morphologiques isolĂ©s au travers de l’annotation de segments d’inscriptions et de motifs dĂ©coratifs. Enfin, la reprĂ©senta-tion des connaissances relatives au rituel funĂ©raire tibĂ©tain au travers de la formalisation des relations conceptuelles existantes entre les dharanis (inscriptions) et les dĂ©itĂ©s (reprĂ©sentations). Les donnĂ©es graphiques et textuelles ainsi formalisĂ©es et reprĂ©sen-tĂ©es deviennent alors accessibles au sein d’un support d’analyse (systĂšme d’informations) permettant d’explorer les relations entre la description morphologique et conceptuelle de la tombe au tra-vers de trois dispositifs interactifs interconnectĂ©s : une scĂšne 3D permettant l’exploration complĂšte de l’espace physique, un graphe permettant la navigation au sein d’un rĂ©seau de concepts abstraits interconnectĂ©s, une image dynamique visualisant la position thĂ©o-rique des inscriptions (et des concepts associĂ©s) au sein d’un stupa

virtuel (voir figure 3). VĂ©ritable outil de travail pour les chercheurs spĂ©cialistes du domaine, ce systĂšme permet d’explorer l’espace phy-sique et conceptuel de façon parallĂšle : Ă  un point d’observation dans la scĂšne 3D (ou Ă  la sĂ©lection d’une entitĂ©) correspond la vue

relative (ou le concept relatif) au sein du graphe de concepts et vice-versa. Ce systĂšme, dĂ©ve-loppĂ© comme application Web, permet d’explorer et d’analyser les modalitĂ©s et la sophistication extrĂȘme de l’utilisation de l’écrit dans la tombe de Qianlong. il permettra dans l’avenir d’exploi-ter aux mieux toutes les donnĂ©es qu’elle recĂšle et de les comparer

avec celles que l’on trouve dans d’autres Ă©difices ou sur des objets utilisĂ©s dans un contexte funĂ©raire.Une vidĂ©o du fonctionnement du systĂšme est disponible en ligne.

Françoise Wang, CRCAO,Centre de recherche sur les civilisations de l'Asie orientale

Livio De Luca, MAP,ModĂšles et simulations pour l'architecture et le patrimoine

Le MAP, présent à Futur en Seine

Du 14 au 24 juin 2012, le MAP a participé au festival du numé-rique, Futur en seine, aux cÎtés d'autres laboratoires du CnRs.Des membres du MAP ont présenté les projets : u Tapenade (www.tapenade.gamsau.archi.fr)u Nubes (www.map.archi.fr/nubes)u 3D-Monuments (www.map.archi.fr/3D-monuments)

contact&infou Françoise Wang, [email protected]

u Livio De Luca, [email protected]

u Pour en savoir pluswww.map.archi.fr/?p=195

© MAP / CRCAO

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Dans son acception et ses limites physiques les plus strictes, le Bassin mĂ©diterranĂ©en regroupe quelque 480 millions d’habitants. MosaĂŻque de 21 nations dont certaines s’ignorent quand elles ne sont pas en conflit ouvert, cet espace se rĂ©vĂšle Ă  tous les plans –  dĂ©-mographique, Ă©conomique, politique et culturel – extrĂȘmement complexe et hĂ©tĂ©rogĂšne, le spectre des diffĂ©rences et de la diversitĂ© Ă©tant encore plus largement ouvert Ă  l’intĂ©rieur des frontiĂšres de chacun des États qu’entre les États.

sur toutes les questions de population au sens large – qu’il s’agisse du renouvellement des effectifs par le jeu des naissances, des dĂ©-cĂšs et des mouvements migratoires, de l’évolution des structures, de l’occupation de l’espace, des activitĂ©s Ă©conomiques, du niveau et du mode de vie des personnes, des solidaritĂ©s ou des discrimina-tions – un indispensable travail de repĂ©rage, d’analyse, d’évaluation des tendances Ă  l’Ɠuvre et des germes de changements s’impose. Poursuivi par une exploration des futurs possibles, il est la condition nĂ©cessaire Ă  l’émergence de projets collectifs viables.si plusieurs bases de donnĂ©es dĂ©mographiques internationales exis-tent aujourd’hui – la plus universelle, la plus gĂ©nĂ©raliste et la plus ancienne Ă©tant dĂ©veloppĂ©e par la Division de la population des na-tions unies – aucune n’autorise de rĂ©elles analyses infra-nationales et toutes s’avĂšrent trĂšs insuffisantes pour la rĂ©alisation d’analyses comparatives. L’Observatoire dĂ©mographique de la MĂ©diterranĂ©e – DemoMed – vise Ă  pallier ce manque d’une base de donnĂ©es dĂ©-mographiques et socio-Ă©conomiques spatialisĂ©es par une collabo-ration Ă©troite avec les offices statistiques nationaux. Ceux-ci centra-lisent des informations provenant de diffĂ©rentes sources (Ă©tat-civil, recensements, enquĂȘtes, monographies, registres, fichiers adminis-

tratifs) dont ils sont les plus Ă  mĂȘme de connaĂźtre la valeur, les limites et les particularismes. CoordonnĂ© au plan scientifique par isabelle Blöss-Widmer (Lames UMR6127, Aix-Marseille UniversitĂ© / CnRs) et Alain Parant (Futuribles inter-

national / ined), l’observatoire dĂ©mo-graphique de la MĂ©diterranĂ©e est soutenu par la Maison des sciences de l’homme Ă  Aix-en-Provence (MMsh, UsR3125). DemoMed est nĂ© des rĂ©flexions croisĂ©es de dĂ©mographes, statisticiens, gĂ©ographes et prospectivistes, cher-cheurs, universitaires ou experts, qui avaient Ă©ta-bli ces derniĂšres annĂ©es des relations de travail sur les questions de population en MĂ©diterranĂ©e et qui ont souhaitĂ© accroĂźtre leur coopĂ©ration. En consĂ©quence, ce projet fĂ©dĂšre des structures et organisations implantĂ©es dans plusieurs pays du bassin mĂ©diterranĂ©en. Leurs reprĂ©sentants scientifiques se sont entendus sur des axes prio-ritaires de recherche et un programme d’activitĂ©s associĂ©es :u Veille dĂ©mographique sur : les phĂ©nomĂšnes dĂ©mographiques et leurs tendances ; les dyna-miques et les structures des populations ; le peu-plement gĂ©ographique et ses modalitĂ©s.u RĂ©flexion prospective sur : les futurs dĂ©mo-graphiques possibles ; les enjeux et les dĂ©fis ; les options stratĂ©giques et les marges de manƓuvre.u Mutualisation sur les mĂ©thodologies : d’élabo-

DémoMedUn observatoire démographique de la Méditerranée

VIE DES RÉSEAUX

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ration des indicateurs, concepts et dĂ©finitions ; de recueil des don-nĂ©es ; de traitement des donnĂ©es ; de simulation et d’élaboration de scĂ©narios.u Diffusion de la connaissance via : l’organisation de rencontres scientifiques pluridisciplinaires et de journĂ©es d’études ; la crĂ©ation d’un site web collaboratif (demomed.org) servant au partage des bases de donnĂ©es issues de sources diverses et de diffĂ©rents formats ainsi qu’à leur valorisation et diffusion ; la publication de communi-cations, articles, ouvrages, actes de colloques, littĂ©rature grise, rap-ports mĂ©thodologiques, bulletins synthĂ©tiques d’analyses, tableaux, graphiques et cartes documentĂ©s, vidĂ©os.u Professionnalisation et application des connaissances dĂ©mogra-phiques et statistiques : Ă©change de chercheurs et d’enseignants ; accueil de stagiaires, doctorants et post-doctorants ; co-suivi de tra-vaux de recherche ; expertises techniques et mĂ©thodologiques dans le cadre de journĂ©es de formation ou de stages.

DemoMed organisera fin 2012 une rĂ©union de coordination entre membres du rĂ©seau avant d’inviter, en 2014, des reprĂ©sentants d’offices statistiques de la MĂ©diterranĂ©e Ă  participer Ă  un atelier mĂ©thodologique sur la question essentielle des sources et donnĂ©es dĂ©mographiques. Entre-temps, des circulations de chercheurs et d’étudiants enrichiront les Ă©changes.Pour tout contact avec l’équipe DemoMed : [email protected].

≄ 1000

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Données indisponibles

Habitants / km2

Cette carte est mise Ă  disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d'utilisation commerciale – Pas de modification 3.0 non transposĂ©.Les autorisations au-delĂ  du champ de cette licence peuvent ĂȘtre obtenues auprĂšs de [email protected] : Y. Doignon (2012)source : national statistics Office

contact&infou isabelle Blöss-Widmer, Lames

[email protected] en savoir plus

demomed.org

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La catastrophe du 11 mars 2011 a dĂ©voilĂ© un changement profond dans la sociĂ©tĂ© ja-ponaise qui Ă©tait en gestation et dont le film Dissonances rendait compte : il existe au Ja-pon, comme en d’autres parties du monde, des gens qui ne cherchent plus Ă  transfor-mer l’État, ni Ă  en exĂ©cuter les fonctions de maniĂšre dĂ©centralisĂ©e et diffuse, mais qui construisent, Ă  l’écart, depuis un certain temps dĂ©jĂ , des poches de rĂ©sistance et de

dissonance, afin de « dĂ©coloniser le monde vĂ©cu et se rĂ©approprier leur vie quotidienne Â» comme le dit un des personnages du film.Depuis le dĂ©sastre de Fukushima, l’existence de tous ces hommes et femmes a Ă©tĂ© bouleversĂ©e. En mars 2012 nous avons publiĂ©, nadine Ri-bault et moi-mĂȘme, un livre intitulĂ© Les Sanctuaires de l’abĂźme – Chro-nique du dĂ©sastre de Fukushima (Éditions de l’EncyclopĂ©die des nuisances), dans lequel est relatĂ© notamment l’engagement d’une de ces voix « dissonantes » dans la protection des populations contre les radiations. Cette voix est celle de Wataru iwata, compositeur de la musique du film Dissonances qui, en juillet 2011 a ouvert la premiĂšre station du rĂ©seau citoyen de mesure de la radioactivitĂ© Ă  Fukushima.Le 11 mars 2011, quand est sur-venu le dĂ©sastre de Fukushima, dĂ©passant en gravitĂ© celui de Tcher-nobyl et de Three Mile island – les divers protagonistes filmĂ©s dans Dissonances sont devenus, avec d’autres, des acteurs majeurs de l’intense pĂ©riode de panique qui a suivi. ils ont fait ce que l’État se montrait incapable de faire : orga-niser l’aide pour les populations frappĂ©es par le dĂ©sastre, tenter de convaincre les gens de quitter les zones dangereuses, mettre en place les dĂ©parts et aider Ă  refaire sa vie ailleurs, et pour la grande

majoritĂ© qui n’a pas pu, ou pas voulu quitter les terres concernĂ©es, mettre en place un contrĂŽle autonome de la radiation, afin d’infor-mer chacun et de dĂ©cider des protocoles de suivi et de soins Ă  venir, dĂ©finir les termes d’une nouvelle vie.Plus d’un an aprĂšs, il nous apparaĂźt fondamental d’aller tirer jusqu’au bout le fil que nous avons commencĂ© Ă  tirer dans Dissonances et filmer ce que sont devenues les existences de ceux qui ont connu un bouleversement tel que rĂ©flĂ©chir Ă  de « nouvelles maniĂšres de vivre », comme ils l’avaient proposĂ©, ainsi qu’aux lieux dans lesquels ces ma-niĂšres de vivre peuvent s’inscrire, Ă©tait et reste une question centrale.notre intention est donc de rĂ©aliser, toujours avec Alain sauliĂšre et Eve Alexandre qui a effectuĂ© un remarquable travail de montage,

un documentaire de 90 minutes qui suivra le parcours de quatre personnes dont la vie s’est, certes, radicalement « transformĂ©e » aprĂšs le 11 mars 2011, mais dont cer-tains choix et dĂ©sirs passĂ©s y an-nonçaient que tout pouvait mener Ă  cette transformation.Ce prix est un signal important pour nous, et il constitue un prĂ©cieux soutien dans la prĂ©paration de ce prochain film qui portera sur la mi-gration intĂ©rieure : la migration Ă  l’intĂ©rieur du pays, mais aussi le mou-vement intĂ©rieur que la conscience opĂšre lorsqu’elle est soudainement assujettie Ă  un trop grand danger. De fait, Ă  Fukushima, c’est l’essentiel rapport du corps Ă  la terre qui est en jeu. Lorsque la terre est morte, le corps ne peut plus vivre.

Thierry RibaultDissonances au sein de la société japonaise

F0CUS

À l’occasion du prix reçu pour le film Dissonances (rĂ©alisĂ© par Alain SauliĂšre et Thierry Ribault, Ateliers du passeur et CNRS Images, 2010) au Festival du film de chercheur de Nancy, Thierry Ribault (Ă©conomiste, Maison franco-japonaise et CLERsE) nous parle des mutations de la sociĂ©tĂ© japonaise et de son prochain film, en projet.

Programme NEEDS

u Thierry Ribault a Ă©tĂ© le laurĂ©at de l’appel « Fukushima un an aprĂšs Â» du programme nEEDs/ nuclĂ©aire, risque, sociĂ©tĂ©, avec son projet : Quelle protection humaine en situation de vulnĂ©rabilitĂ© totale ?www.cnrs.fr/mi/spip.php?article85

u Le dĂ©fi nEEDs du CnRs et de la Mission interdisciplinaritĂ©, « nuclĂ©aire, Ă©nergie, environnement, dĂ©chets, sociĂ©tĂ© Â», di-rigĂ© par Bernd Grambow, donne une large place aux ques-tionnements en shs suscitĂ©s par le nuclĂ©aire.www.cnrs.fr/mi/spip.php?article75

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la lettre de i’inshs | juillet 2012

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contact&infou Thierry Ribault,

Maison franco-japonaiseUMiFRE19

[email protected] Dissonances

www.filmdechercheur.eu/spip.php?article232

ÉvĂ©nements Ă  venir

Plusieurs événements auront lieu dÚs la rentrée :u Projection du film Dissonances, les 21 septembre et 3 oc-tobre 2012 à la Maison de la culture du Japon à Paris, dans le cadre du 15e anniversaire de la MCJP

u Organisation, dans le cadre du dĂ©fi nEEDs, d'un work-shop, le 7 dĂ©cembre 2012, au siĂšge du CnRs – avec la pro-jection de Dissonances.

À noter, la publication d'un dossier sur le thĂšme du nuclĂ©aire, rĂ©unissant diffĂ©rents chercheurs, dans la lettre d'information de l'inshs de novembre.

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La Fondation europĂ©enne de la science a rĂ©cemment publiĂ© le rapport final du Forward Look sur ‘L’aprĂšs transition en Europe centrale et orientale : Convergence et Divergence en Europe’.Ce rapport prĂ©sente les nouveaux thĂšmes qui ont Ă©tĂ© identifiĂ©s pour la recherche en sciences sociales en Europe centrale et orientale. La chute du communisme Ă  la fin des annĂ©es 80 n’a pas seulement remodelĂ© les relations sur le continent, elle a Ă©galement largement transformĂ© la sociĂ©tĂ©. il y a avait donc une rĂ©elle nĂ©cessitĂ© de rĂ©flĂ©-chir Ă  un nouvel agenda de recherche pour analyser cette nouvelle sociĂ©tĂ©.

Des priorités thématiquesLe rapport présente trois priorités de recherche thématiques pour cet agenda :u Populations en changement invite les chercheurs à travailler sur

l’influence des migrations internes et externes, des mouvements rĂ©gionaux, des minoritĂ©s ethniques et de l’intĂ©gration sur les struc-tures de base des sociĂ©tĂ©s dans cette rĂ©gion ;u Nouvelles gĂ©ographies en Europe propose Ă  la communautĂ© scientifique, dans le cadre du ‘retour en Europe’, d’étudier l’in-fluence des fonds de cohĂ©sion sur la gouvernance local et l’exten-sion des frontiĂšre Ă  l’Est ;u La cohĂ©sion sociale propose de rĂ©flĂ©chir sur les changements socio-Ă©conomiques de l’Europe post-communiste, notamment les questions de mobilitĂ© sociale et de confiance.

Des rĂ©formes de structuresParallĂšlement Ă  l’identification de thĂšmes de recherche, le rapport identifie Ă©galement huit recommandations structurelles qui pour-raient faciliter la mise en Ɠuvre de cet agenda pour la recherche en sciences sociales. Elles soulignent le besoin d’assurer une forte prĂ©sence de chercheurs d’Europe centrale et orientale et la prĂ©-sence des thĂšmes spĂ©cifiques dans les projets de recherche inter-nationaux. Ces recommandations exposent aussi des besoins en termes de dĂ©veloppement des infrastructures de recherches et du capital humain et l’adoption de bonnes pratiques de gouvernance, d’excellence scientifique et d’indĂ©pendance.Dr. Peter Weiss, ambassadeur de la slovaquie en hongrie, a sou-lignĂ© que « repenser la recherche en sciences sociales en Europe centrale et orientale, lui trouver de nouvelles frontiĂšres, identifier les grands sujets et favoriser la coopĂ©ration entre chercheurs de l’Est et de l’Ouest est, sans aucun doute, une des prĂ©conditions pour surmonter la crise rĂ©cente de l’UE ». Les conclusions du rap-port ont Ă©galement Ă©tĂ© soutenues par Dr. Karin Liebhart, prĂ©si-dente de l’Association de science politique d’Europe centrale : « Je souhaite fĂ©liciter l’équipe qui a travaillĂ© sur ce rapport ; c’est une excellente base pour de futures discussions, il contient beaucoup d’informations dĂ©taillĂ©es et d’idĂ©es trĂšs intĂ©ressantes. »

u Le rapport est tĂ©lĂ©chargeable en ligne : www.esf.org/ceeu Pour tout envoi de copies papier, contacter Étienne Franchi-neau : [email protected]

EN DIRECT DE L'ESFLa Fondation européennede la science

Aprùs la transition, vers un nouvel agendapour les sciences sociales pour l’Europe centrale et orientale

contact&infou Eva hoogland

humanities Committeesenior science Officer

[email protected] Pour en savoir plus

www.esf.org

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Trois accords de coopĂ©ration CnRs / institutions israĂ©liennes de re-cherche ont Ă©tĂ© signĂ©s le 25 juin, l’un avec l’universitĂ© de Tel Aviv, le second avec le ministĂšre israĂ©lien des sciences et des techniques. C’est au nom de l’inshs que monsieur Patrice Bourdelais signait un autre accord de coopĂ©ration renforcĂ©e avec l’institut Van Leer de JĂ©rusalem. Une soirĂ©e festive organisĂ©e Ă  JĂ©rusalem en prĂ©sence del’ensemble des dĂ©lĂ©gations françaises, l’ambassade de France, le Consulat GĂ©nĂ©ral de France Ă  JĂ©rusalem et des reprĂ©sentants des

universités et instituts de recherche locaux a clÎturé la journée. Des visites en lien avec les recherches conduites au CRFJ depuis 60 ans en archéologie, histoire et anthropologie ont été organisées les 26 et 27 juin pour la délégation du CnRs.

En 1952, quatre annĂ©es aprĂšs la crĂ©ation de l’État d’israĂ«l, Jean Perrot, archĂ©ologue au CnRs, fonde la “Mission archĂ©ologique française”. Fort de l’hĂ©ritage prestigieux du Consul RenĂ© neuville, il saura inscrire les lettres de noblesse de l’archĂ©ologie prĂ©historique française au Levant sud pendant plus de quarante ans. En 1985, la Mission s’ouvre Ă  l’ensemble des disciplines relevant des sciences humaines et sociales et prend le nom de Centre de recherche français Ă  JĂ©rusalem. Les programmes du CRFJ couvrent ainsi une vaste pĂ©-riode partant de la prĂ©histoire, l’AntiquitĂ©, le Moyen Âge, la pĂ©riode

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À l’occasion de son soixantiĂšme anniversaire, le CRFJ (Centre de recherche français Ă  JĂ©rusalem) a reçu Ă  JĂ©rusalem, les 25, 26 et 27 juin 2012, monsieur Xavier Inglebert, directeur gĂ©nĂ©ral dĂ©lĂ©guĂ© aux ressources, madame Min-HĂ  Pham-DelĂšgue, directrice de la DERCI et monsieur Patrice Bourdelais, directeur de l’InSHS, accompagnĂ©s d’une Ă©quipe de la direction du CNRS. Des reprĂ©sentants du MESR,du MAE, et du Haut Conseil scientifique franco-israĂ©lien Ă©taient aussi prĂ©sents.

ZOOM SUR


Le plus ancien centre du CNRS Ă  l’étrangerLe Centre de recherche français Ă  JĂ©rusalem (CRFJ) a cĂ©lĂ©brĂ©ses 60 ans de prĂ©sence en israĂ«l

signature d'un accord de coopération entre l'inshs et le Van Leer Jeru-salem institute. De gche à dte : Patrice Bourdelais, directeur de l'inshs ; Gabriel Motzkin, directeur du Van Leer Jerusalem institute ; Xavier ingle-bert, DGDR du CnRs © Emilio Maroscia

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moderne, jusqu’au monde contemporain. Le CRFJ s’inscrit dans le rĂ©seau crĂ©Ă© conjointement par le CnRs et le MAE des 27 instituts de recherche français Ă  l’étranger (iFRE) travaillant sur plus de 30 pays. L’ouverture sur la mĂ©diterranĂ©e s’opĂšre quant Ă  elle par le renforce-ment des partenariats institutionnels et la participation du Centre Ă  des programmes du CnRs (homĂšre, Mistrals), du MAE (EnviMed), et de l’Union europĂ©enne (FP7). Olivier Tourny, musicologue au CnRs, est le directeur actuel du Centre.

La politique scientifique conduite au CRFJ dĂ©montre la volontĂ© de cultiver les fondamentaux tout en ouvrant les champs de recherche. L’archĂ©ologie prĂ©historique est active, au travers des fouilles de Bei-samoun en haute GalilĂ©e. ParallĂšlement Ă  cela, de nouveaux projets Ă©mergent – les vestiges du royaume franc de Terre sainte â€“, de nou-velles compĂ©tences s’y associent – l’archĂ©omĂ©tallurgie, l’archĂ©ologie sous-marine, l’art et l’archĂ©ologie. Dans le domaine des traditions, de l’histoire, des religions et du savoir, le CRFJ inscrit son action sur des programmes depuis l’AntiquitĂ© jusqu’à la pĂ©riode moderne, en histoire du judaĂŻsme et celle des communautĂ©s juives, en islamolo-gie et, tout rĂ©cemment autour des archives de JĂ©rusalem. L’histoire, la philologie, la philosophie, les sciences du religieux, la linguistique participent Ă  ces travaux. sur le monde contemporain, l’accent est portĂ© sur la comprĂ©hension des espaces israĂ©liens et palestiniens, les nouvelles identitĂ©s religieuses ou encore la question de l’eau, des thĂ©matiques examinĂ©es du point de vue des sciences politiques, de la socio-anthropologie, de l’histoire, de la gĂ©ographie et de la culture. L’introduction rĂ©cente des sciences cognitives, Ă  la charniĂšre entre psychologie, linguistique et sciences de la vie, marque l’ouverture vers de nouveaux domaines de connaissances en lien avec son im-plantation proche-orientale.

L’accueil de chercheurs sur des pĂ©riodes plus ou moins longues et un rĂ©seau de chercheurs associĂ©s garantissent la mise en Ɠuvre et le suivi de programmes de coopĂ©ration entre partenaires français, locaux et internationaux. Centre de formation, le CRFJ sĂ©lectionne

et encadre des Ă©tudiants, apprentis ou avancĂ©s, dans le cadre de stages ou par le biais d’aides Ă  la mobilitĂ© doctorale et postdoctorale. Un sĂ©minaire de recherche leur est consacrĂ©. Centre de diffusion du savoir, le CRFJ hĂ©berge des confĂ©rences mensuelles, des ateliers et des colloques internationaux. ses travaux sont publiĂ©s en ligne dans son Bulletin français/anglais sur revues.org, ainsi que dans une col-lection archĂ©ologique chez De Boccard Ă  Paris.

Dans un espace gĂ©ographique pourtant rĂ©duit mais si chargĂ© d’hi-toire, si riche et si complexe, Ă  haut niveau acadĂ©mique, la mission du CRFJ doit rĂ©pondre Ă  ces exigences. son implantation Ă  JĂ©rusalem n’est point le fruit du hasard mais bien celui d’une Ă©vidence. En tant qu’épicentre de toutes les passions, JĂ©rusalem agit comme un ai-mant. Dans ce contexte, l’indĂ©pendance scientifique et intellectuelle du Centre est propice Ă  la rencontre, Ă  l’échange et au respect. Cette garantie est une force qui permet de transcender les frontiĂšres phy-siques et mentales, de monter des projets entre partenaires qui ne pourraient travailler ensemble dans d’autres structures.

En qualitĂ© d’établissement public, le CRFJ bĂ©nĂ©ficie du soutien fi-nancier de ses deux tutelles tout en se portant candidat Ă  d’autres sources de financement institutionnels (GDRi, AnR, ERC, etc.) ou privĂ©s (mĂ©cĂ©nat).

L’ancrage profond et durable du Centre dans le paysage scienti-fique rĂ©gional rĂ©sulte d’une vision, celle de Jean Perrot, et du travail de toutes les gĂ©nĂ©rations qui l’ont succĂ©dĂ©es jusqu’à aujourd’hui. sa prĂ©sence pour les festivitĂ©s du JubilĂ© est venue en tĂ©moigner. Quant au monde de demain, il reste Ă  Ă©crire et la mission du CRFJ sera de contribuer, toujours plus, Ă  sa comprĂ©hension. Le plein sou-tien du CnRs en est la meilleure garantie. 60 ans d’activitĂ© et de prĂ©sence en israĂ«l, le pari semble relever du miracle. il est porteur d’avenir car, pour reprendre une citation de David Ben Gourion, « ce-lui qui ne croĂźt pas aux miracles n’est pas rĂ©aliste ».

Olivier TournyDirecteur du CRFJ

contact&infou Olivier Tourny, CRFJ

[email protected] Le CRFJ

www.crfj.org

Deux générations, Jean Perrot, créateur du Centre en 1952et Olivier Tourny, actuel directeur © Emilio Maroscia

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OUTILS DE LA RECHERCHE

inaugurĂ©e en 2008 dans le cadre du CERi (Centre d'Ă©tudes et de re-cherches internationales, CnRs/sciences Po), l’EncyclopĂ©die en ligne des violences de masse est une publication scientifique d’accĂšs libre et gratuit. Le projet est intellectuel, mais il est aussi citoyen en raison du mode de diffusion choisi.

Une publication pluridisciplinaireLe comitĂ© de rĂ©daction dirigĂ© depuis 2011 par Claire Andrieu, le conseil d’orientation prĂ©sidĂ© par Jacques semelin, fondateur de la publication, et le conseil scientifique international sont composĂ©s de chercheurs et enseignants-chercheurs spĂ©cialistes du champ. Les auteurs sollicitĂ©s et l’évaluation des contributions, rĂ©alisĂ©e en pre-mier ressort par deux Ă©valuateurs en double aveugle, rĂ©pondent aux normes des publications scientifiques. Le terme de « violence de masse » vise Ă  Ă©viter un vocabulaire contraint par des normes juridiques (gĂ©nocide) ou visuelles (mas-sacre). Par violence de masse, on entend des violences physiques ciblĂ©es et systĂ©matiques, qu’elles soient concomitantes ou Ă©chelon-nĂ©es dans le temps. La violence de masse se dĂ©finit ainsi par un faisceau de critĂšres. Le site s’organise autour de catĂ©gories d’articles et selon un cri-

tĂšre gĂ©ographique. Les principaux types de contributions, qui cor-respondent Ă  des cahiers des charges dĂ©taillĂ©s, sont les Ă©tudes de cas (actuellement 48), les index chronologiques (34), les contribu-tions thĂ©oriques (11) et les Ă©tats de la question (10). Un glossaire et de courtes biographies accompagnent les articles. Du point de vue gĂ©ographique, le continent le mieux reprĂ©sentĂ©, en termes de nombre d’articles parus, est l’Europe (incluant l’ex-URss), puis l’Asie, le Moyen Orient, l’Afrique, l’AmĂ©rique latine et l’Australie. Le pĂŽle Asie bĂ©nĂ©ficie d’un partenariat avec le site amĂ©ricain Asia-Pacific Journal. L’importance donnĂ©e Ă  la gĂ©ographie et Ă  l’accĂšs par pays a pour but d’éviter de crĂ©er a priori une Ă©chelle des violences.Le pĂ©rimĂštre de la publication Ă©tant dĂ©fini par un objet – la violence de masse –, le comitĂ© de rĂ©daction, ainsi que les autres conseils et les auteurs publiĂ©s, relĂšve de plusieurs disciplines : l’histoire, la sociologie, la science politique, les relations internationales et l’an-thropologie.

Une large diffusionLa diffusion est favorisĂ©e par le caractĂšre bilingue (trilingue dans certains cas) de la publication. L’EncyclopĂ©die a reçu en 2011 une moyenne de 17 000 visites par mois. Les consultations les plus nom-

Encyclopédie en ligne des violences de masse Une publication scientifique en accÚs libre

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breuses viennent des États-Unis. L’article le plus consultĂ© est celui portant sur la rafle du Vel’ d’hiv’, dans sa version anglaise.

Les questions qui se posentu Sur la forme : l’entretien du site est exigeant. il nĂ©cessite une compĂ©tence, une vigilance et une disponibilitĂ© que le webmestre dĂ©diĂ© de l’UMR n’est pas toujours en mesure d’offrir.u Dans le rythme de publication : l’introduction de la pĂ©riodicitĂ©, sans remettre en cause le principe de la parution au fur et Ă  mesure, est en cours. Elle a pour avantage de permettre la publication de dossiers ou de mises au point Ă  plusieurs voix, et de servir d’appui Ă  des rencontres. u Sur le fond : une Ă©volution a paru nĂ©cessaire, afin d’introduire la rĂ©ponse Ă  la violence avec l’étude des mouvements sociaux qui, sur le terrain et sur le moment, tentent de s’y opposer. L’analyse de la mĂ©moire, dĂ©jĂ  prĂ©sente dans les articles, pourra aussi faire l’objet de contributions spĂ©cifiques.

Ayant dĂ©butĂ© comme base de donnĂ©es sur les violences de masse, la publication Ă©volue vers le concept de revue en ligne, spĂ©cialisĂ©e dans la violence de masse prise globalement, incluant son cadre po-litique et les rĂ©sistances sociales qu’elle suscite.

Claire AndrieuResponsable du comité de rédaction de l'Encyclopédie

Un lieu de rencontres internationales

L’EncyclopĂ©die organise ou co-organise pĂ©riodiquement des ren-contres dont le caractĂšre international tient Ă  l’origine des partici-pants et/ou au sujet examinĂ©.

u Des gĂ©nocidaires ordinaires. Revisiter la banalitĂ© du mal7 septembre 2011 ; Abram de swaan, UniversitĂ© d’Amsterdamet Jacques semelin, CERi/CnRs

u Les famines provoquĂ©es sont-elles des violences de masse ? Le cas de la Chine et de l’URSS3 octobre 2011 ; Lucien Bianco, EhEss, isabelle Ohayon, CERCEC/EhEss et nicolas Werth, ihTP/CnRs

u Femmes dans les violences de masse : complicité, résistance et réponse8 mars 2012 ; Claire Andrieu, sciences Po, Danielle de Lame, Musée Royal de Tervuren, Elissa Mailander, ChsP/sciences Po, Karoline Pos-tel-Vinay, CERi et Attreyee sen, Manchester University

u Les bombardements aĂ©riens de la Seconde Guerre mon-diale sont-ils des violence de masse ? Le cas de l’Europe de l’OuestEn partenariat avec le MĂ©morial de Caen ; 4 avril 2012 ; Claire An-drieu, sciences Po, Andrew Knapp, University of Reading, Jean Quel-lien, UniversitĂ© de Caen et DaniĂšle Voldman, CnRs

u Forecasting Genocide and Politicide for Early Warning and Prevention19 juin 2012 ; Ben Goldsmith, University of sidney et scott straus, University of Wisconsin-Madison

u Sexual Violence in Armed Conflict: InterdisciplinaryPerspectives5 juillet 2012 ; Pascale Bos, University of Texas, Gabi Mischkowski, Program Advisor on Gender Justice, Regina MĂŒhlhĂ€user, hamburg institute for social Research et Fabrice Virgili, iRiCE-CnRs

contact&infou Claire Andrieu, Centre d'histoire de sciences po

[email protected] Pour en savoir plus

www.massviolence.org

ContributionsVisites depuis

la parutionMise

en ligne

The VĂ©lodrome d’hiver Round-up : July 16 and 17, 1942

+ de 200 00028 décembre

2008

La Ășltima dictadura militar argentina (1976-1983) : la ingenierĂ­a del terrorismo de Estado

+ de 38 000 17 mars 2010

Chronologie : Répressionet persécution en France occupée 1940-1944

+ de 27 000 23 juin 2010

india from 1900 to 1947 + 22 0006 novembre

2007

Thematic Chronologyof Mass Violence in Pakistan, 1947-2007

+ de 20 000 24 juin 2008

The Extermination of Otto-man Armenians by the Young Turk Regime (1915-1916)

+ de 18 000 3 juin 08

Chronology of Repression and Persecution in Occupied France 1940-44

+ de 18 00019 novembre

2007

The Calcutta Riots of 1946 17 0005 novembre

2007

Rwanda – A Chronology (1867-1994)

17 000 1er mars 2010

La rafle du VĂ©lodrome d’hiver 16-17 juillet 1942

17 0009 novembre

2009

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Les Archives numĂ©riques de l’École de Lvov-Varsovie / Twardowski Digital Archives constituent une structure de recherche et d'archi-vage sur le web consacrĂ©e Ă  l'Ă©cole philosophique et logique polo-naise fondĂ©e par Kazimierz Twardowski (1866-1938). Archives e-LV est Ă  la fois un site-ressources (il donne accĂšs Ă  l'Ă©di-tion en fac-similĂ© des archives des philosophes, des chercheurs et des institutions liĂ©s Ă  cette Ă©cole), un site d’édition Ă©lectronique et de documents-sources (XML/TEi) et une infrastructure de recherche sur le rationalisme logique polonais.Le projet est placĂ© sous la direction scientifique et Ă©ditoriale de Wio-letta Miskiewicz, chercheur CnRs Ă  l'institut d'histoire et de philo-sophie des sciences (ihPsT, UMR8590), en Ă©troite collaboration avec Alexandre Roulois, dĂ©veloppeur web, CnRs-ihPsT.

Archives e-LV : patrimoine europĂ©en et humanitĂ©s numĂ©riques« Avec Twardowski et ses Ă©lĂšves, on passe de la philosophie po-lonaise Ă  la philosophie en Pologne. Car l'École de Lvov-Varsovie ne constitue pas seulement une page d'histoire culturelle. Pour les philosophes des sciences, en phĂ©nomĂ©nologie, en philosophie du droit, en esthĂ©tique, ses problĂ©matiques anticipent notre pain phi-losophique quotidien. sur bien des points, elle reste une source de rĂ©flexion et d'analyse, voire de renouvellement, ainsi qu'une voie pour sortir de certaines impasses. »1

Les travaux de certains Ă©lĂšves de Twardowski (Ajdukiewicz, Ɓukasiewicz, Lesniewski, Tarski, Kotarbinki, ou encore le phĂ©nomĂ©-nologue ingarden, pour ne citer que les plus connus) font, depuis des dĂ©cennies, l’objet de recherches scientifiques Ă  travers le monde. il existe une recherche internationale significative sur les disciples de Twardowski et ces derniĂšres annĂ©es, on constate une augmentation importante des travaux les concernant. Pourtant, c'est encore un continent Ă  dĂ©couvrir. Les raisons en sont principalement politiques et gĂ©opolitiques.Avant la guerre, Twardowski (disciple, comme husserl, de Franz Brentano) et ses Ă©lĂšves publiaient dans les langues vernaculaires2 et participaient activement Ă  la vie philosophique de l'Ă©poque. La seconde Guerre Mondiale a radicalement changĂ© la situation. AprĂšs l’invasion de la Pologne par les Allemands et les soviets en

septembre 1939, l’ArmĂ©e Rouge a occupĂ© Vilnius et Lvov, la ville oĂč vivait et enseignait depuis 1895 Twardowski3. Les destructions humaines et matĂ©rielles furent lourdes. sur les trois gĂ©nĂ©rations de philosophes formĂ©es par Twardowski, soit prĂšs d’une centaine, peu restent aprĂšs la guerre en Pologne. Lvov et Vilnius ne sont plus polonaises. Les bibliothĂšques et les archives sont brulĂ©es ou dis-persĂ©es, les travaux perdus. Par ailleurs, pour ceux qui subsistent professionnellement dans la Pologne communiste, la vie n'est pas simple. ils sont souvent Ă©loignĂ©s de l'enseignement et limitĂ©s dans les possibilitĂ©s de publication et de contacts internationaux. L’en-semble de l’École est alors officiellement considĂ©rĂ©e comme l’ex-pression de l’esprit occidental, bourgeois et dĂ©cadent. MalgrĂ© une relative libertĂ© intellectuelle des Polonais par rapport aux autres pays du bloc soviĂ©tique, il faudra attendre la chute du mur pour modifier la donne. Cependant, aujourd’hui encore, l’accĂšs aux archives polo-naises en Ukraine et en Lituanie demeure parfois difficile.

Des archives sorties de l’oubliLes archives de l'appartement privĂ© de Twardowski Ă  Lvov, qui rassem-blaient aussi une impressionnante correspondance (20 000 pages), dormaient, jusque-lĂ  « oubliĂ©es » sur les Ă©tagĂšres d’une bibliothĂšque Ă  l'UniversitĂ© de Varsovie. GrĂące Ă  la signature d'une convention de collaboration franco-polonaise, le 22 juillet 2005 Ă  Varsovie, entre l’AcadĂ©mie des sciences polonaises, l'UniversitĂ© de Varsovie, la so-ciĂ©tĂ© polonaise de Philosophie, l’UniversitĂ© Paris 1 et le CnRs, pour la « numĂ©risation et l'exploitation scientifique du fonds d'archives de l'École de Lvov-Varsovie", ce fonds exceptionnel est aujourd'hui accessible aux chercheurs du monde entier. Le fonds Twardowski Ă©tant dĂ©posĂ© Ă  la BibliothĂšque de l'institut de Philosophie et de sociologie de l'UniversitĂ© de Varsovie – iFis), c'est sur place que les manuscrits ont Ă©tĂ© numĂ©risĂ©s. Les documents nu-mĂ©riques ont ensuite Ă©tĂ© mis Ă  disposition sur le site au format PDF correspondant chacun Ă  une unitĂ© d’archivage. Le site des Archives e-LV4 a Ă©tĂ© crĂ©Ă© Ă  Paris, dans le cadre d'un programme de recherche au sein de l’institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques (ihPsT – UniversitĂ©de Paris  1/CnRs/Ens) Ă  l'occasion de cette premiĂšre coopĂ©ration franco-polonaise. nous gĂ©rons les consultations en ligne et dĂ©velop-

LA TRIBUNE D’ADONIS

Archives philosophiques multilinguesà l'époque du numériqueLe projet Archives e-LV

Partage d’expĂ©riences

1 Pouivet R., Rebuschi M., La philosophie en Pologne 1918-1939, Vrin, Paris, 2006, p. 92 Et ceci non seulement dans les revues Ă©trangĂšres : en 1935 Ă  l'initiative de R. ingarden est fondĂ©e la revue Studia Philosophica oĂč l'on publiait les travaux des philosophespolonais en langues vernaculaires.3 Rappelons que depuis 1795, le pays n'a pas d'existence Ă©tatique et se trouve partagĂ© entre ses trois voisins : la Russie, la Prusse et l’Autriche.AprĂšs la naissance de la DeuxiĂšme RĂ©publique de Pologne en 1918, Twardowski va devenir l'un des principaux artisans de la vie intellectuelle et des institutions acadĂ©miques polonaises.4 Le logo et le graphisme du site ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s par Alban Blanchard.

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Archives philosophiques multilinguesà l'époque du numériqueLe projet Archives e-LV

Partage d’expĂ©riences

pons les outils informatiques nĂ©cessaires. Un travail particuliĂšrement laborieux (et coĂ»teux) concerne la description Ă©lectronique des fi-chiers : pour faciliter la saisie, Alexandre Roulois a dĂ©veloppĂ© un formulaire Ă©lectronique appropriĂ© aux besoins d’e-LV et conforme aux normes internationales de description des mĂ©tadonnĂ©es (Du-blin Core). nous nous occupons aussi de la gestion du site et des comptes des lecteurs qui – aprĂšs s’ĂȘtre inscrits et aprĂšs avoir pris connaissance des obligations relatives au droit d'auteur – reçoivent un code pour accĂ©der aux fonds d'archives et peuvent tĂ©lĂ©charger, dans des buts exclusivement scientifiques, les fichiers qui les intĂ©-ressent. nous avons une centaine de lecteurs-membres Ă  travers le monde et des milliers de consultations. Une partie de plus en plus importante du site est en accĂšs libre.Une autre coopĂ©ration, avec les chercheurs de l’Universitas studio-rum Polona Vilensis, a permis de trouver dans les Archives d'État de Lituanie des archives concernant Tadeusz Czez

. owski et le Cercle

philosophique de l'UniversitĂ© stefan Batory de Vilnius (tout particu-liĂšrement original dans le domaine de la philosophie du droit et de la mĂ©decine). La totalitĂ© des travaux d'Eugeniusz Wasilewski (alias Eugenijus Grigalius Vasilevskis) contenant la description de ces ar-chives considĂ©rĂ©es comme perdues, a Ă©tĂ© mise en ligne sur notre site. Ceci a permis de prendre connaissance de la valeur historique et philosophique de ce fonds expertisĂ© par les membres du conseil scientifique de notre projet. GrĂące Ă  la mise en ligne de ces archives de chercheur, les personnes intĂ©ressĂ©es par cette problĂ©matique peuvent prendre connaissance du contenu des archives d'origine et disposent mĂȘme de leur indexation dans les Archives d'État li-tuaniennes.

Le projet e-LV est un exemple de la coopĂ©ration europĂ©enne dans le domaine de la numĂ©risation des archives philosophiques et donc plus largement, de la numĂ©risation de l'hĂ©ritage europĂ©en dans le domaine des sciences humaines et sociales. sans les change-ments politiques intervenus ces vingt derniĂšres annĂ©es et sans le nouveau cadre juridique crĂ©Ă© par l'Union europĂ©enne, cette entre-prise n’aurait pas Ă©tĂ© possible. Elle est un bel exemple de l'intĂ©gra-tion europĂ©enne et de la rĂ©Ă©valuation des hĂ©ritages scientifiques. Elle tĂ©moigne des destinĂ©es des idĂ©es et des hommes. Une progres-

sive mise en circulation universitaire de ce qui est fort probablement le dernier grand fonds inexploitĂ© et dispersĂ© d'archives philosophiques du XXe siĂšcle permettra aussi d'ajuster l'image gĂ©nĂ©rale de cette tra-dition philosophique originale considĂ©rĂ©e, parfois Ă  tort, comme une branche du nĂ©opositivisme viennois et qui – dans sa branche lĂ©opo-lienne – est pourtant une prĂ©figuration du cognitivisme.

Édition numĂ©rique des archives philosophiquesEn tant que site d'Ă©dition numĂ©rique, les Éditions e-LV visent l'Ă©di-tion critique et la traduction des manuscrits archivĂ©s en mode texte (XML/TEi). Par souci de pĂ©rennitĂ© et pour permettre l’échange de nos donnĂ©es stockĂ©es avec celles d'autres archives philosophiques, nous avons optĂ© pour les solutions de stockage et de conservation de donnĂ©es ouvertes. Ceci implique le choix du format XML. Pour l’encodage des ressources elles-mĂȘmes, la TEi a Ă©tĂ© choisi en raison de la garantie d’indĂ©pendance entre les donnĂ©es sources (manus-crits digitalisĂ©s et textes numĂ©risĂ©s) et les applications (actuelles et Ă  venir) qu’elle offre et de la coopĂ©ration avec les chercheurs des autres archives qu’elle rend possible. nous avons financĂ© la forma-tion de nos encodeurs TEi Ă  l'École des Chartes et aux BibliothĂšques virtuelles humanistes de Tours. nous avons Ă©galement organisĂ© des formations et des ateliers TEi. L'originalitĂ© de notre site d'Ă©dition (qui est dotĂ© d’un conseil scien-tifique) rĂ©side dans la diversitĂ© formelle des documents mis Ă  la dis-position des lecteurs qui est fonction du degrĂ© d'avancement de l'Ă©dition et de la recherche sur un manuscrit donnĂ© : fac-similĂ©, do-cuments transcrits XML/TEi en version diplomatique, Ă©dition norma-lisĂ©e, traduction, Ă©dition critique. nos publications en ligne tiennent compte des contraintes mais aussi des avantages du e-document pour la recherche scientifique. La question du multilinguisme fait aussi partie de nos grandes prĂ©occupations5. Plusieurs outils sont actuellement urgents Ă  construire : un index des concepts de l'École Lvov-Varsovie, une feuille de style XsLT et ssight (une visionneuse XML/TEi). Depuis novembre 2010, le site e-LV est hĂ©bergĂ© sur la grille Adonis. nous faisons aussi partie du Consortium "Cahier" de Corpus iR qui nous aide – entre autres – Ă  financer les opĂ©rations de numĂ©risation.

Une partie, retrouvée à Poznan, des archives de la société Philosophique Polonaise créée par Twardowski. On y trouve, entre autres, les lettres de Bergson et de Russell.

5 W. Miskiewicz, "Quand les technologies du Web contournent la barriÚre linguistique",Synergies, n° spécial : Pologne, Gerflint/Université de Cracovie, Cracovie, 2011, p. 81-91

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Analyse sĂ©mantique des e-corpusLe projet e-LV s’inscrit dans un ensemble de projets de valorisation actuellement entrepris autour du patrimoine culturel europĂ©en. Les rapports avec les autres opĂ©rateurs europĂ©ens dans le domaine des archives philosophiques ont Ă©tĂ© formalisĂ©s entre autres dans le cadre de deux grands projets europĂ©ens (FP7) : le projet e-Content « IN-TENTIO », dĂ©posĂ© Ă  Bruxelles avec M. Antonelli (UniversitĂ© de Milan) et les Archives Brentano, et le projet Infrastructures « pleiAdes » dĂ©-posĂ© avec A. Pichler (UniversitĂ© de Bergen) et les Archives Wittgens-tein de Bergen (le projet est arrivĂ© sur la short list). notre coopĂ©ra-tion avec les Archives Wittgenstein est particuliĂšrement soutenue. Ce centre dĂ©veloppe depuis plusieurs annĂ©es des outils informa-tiques pour la consultation interactive des archives philosophiques.

Depuis le dĂ©but de notre projet, nous avons pu observer une rapide Ă©volution du domaine. Les questions relatives Ă  l'interopĂ©rabilitĂ© des donnĂ©es d’archives, qui Ă©taient centrales Ă  l'Ă©poque des pre-miĂšres initiatives europĂ©ennes dans le domaine (cf. les projets MAL-VinE – Manuscripts and Letters via Networks in Europe, ou LEAF – Linking and Exploring Authority Files), ont trouvĂ© certaines solutions dans les grammaires XML. nous sommes convaincus que l'enco-dage sĂ©mantique XML/TEi offre de larges possibilitĂ©s d'analyses de corpus shs et de visualisation de leur contenu (schĂ©mas, cartes ou diagrammes). L'encodage sĂ©mantique donne aussi au chercheur la possibilitĂ© d'approcher le contenu des corpus dans des langues qu'il ne connaĂźt pas. Pour cela, nous dĂ©veloppons actuellement une grille d'analyse sĂ©mantique e-LV/TEi (polonais, français, anglais).

Plateforme d'Ă©change d'informations et site d'Ă©dition scientifique des manuscrits, e-LV constitue ainsi un vĂ©ritable laboratoire d'expĂ©rimen-tations oĂč une petite Ă©quipe, composĂ©e de scientifiques, d'archivistes et d'informaticiens, Ɠuvre au dĂ©veloppement du concept de docu-ment source dans le cadre du web et des bibliothĂšques virtuelles.

Wioletta Miskiewicz Responsable des Archives e-LV, ihPsT

En haut – L'Ă©dition diplomatique des manuscrits permet au chercheur de suivre l'Ă©vo-lution de la pensĂ©e de l'auteur. ici, un fragment de la traduction de "O czynnosciach i wytworach" de Twardowski, faite par lui-mĂȘme. Une polĂ©mique au sujet de la tra-duction de cet important essai est en cours : "/Fonctions/ et produits" ou "/Actions/ et produits". Dans l'Ă©dition diplomatique, comme dans le manuscrit, nous pouvons voir les hĂ©sitations de Twardowski.En bas – Les codes TEi du mĂȘme fragment.

contact&infou Wioletta Miskiewicz, ihPsT

[email protected] Pour en savoir plus

elv-akt.net

salle des doctorants de Twardowski à Lyov dans les années 20

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Pouvez-nous nous rappeler ce qu’est un ThATCamp ?u Pierre Mounier : Les ThATCamps sont des “non-confĂ©rences” (un-conference). Le principe d’organisation est contraire Ă  celui d’un colloque scientifique classique : pas de barriĂšre Ă  l’entrĂ©e, pas de programme Ă©tabli Ă  l’avance, pas d’opposition entre orateurs et au-diteurs. Un ThATCamp est ouvert Ă  tous sur la base du premier arrivĂ©-premier servi. il est auto-organisĂ© par les participants eux-mĂȘmes qui composent le programme par vote sur le moment, et il est constituĂ© de sessions oĂč tout le monde est invitĂ© Ă  partager ses compĂ©tences et son expĂ©rience sur un sujet donnĂ©.Les ThATCamps ont Ă©tĂ© inventĂ©s par des doctorants du Roy Rosen-zweig Center for History and New Media (ChnM, dirigĂ© par Dan Cohen, Ă  l’UniversitĂ© Georges Mason de Washington). Le principe est dĂ©rivĂ© des barcamps organisĂ© sur le mĂȘme principe depuis des annĂ©es par des dĂ©veloppeurs de logiciels aux États-Unis d’abord, puis partout dans le monde.

Le premier ThATCamp europĂ©en s’est tenu Ă  Parisen 2010 Ă  l’initiative du ClĂ©o. Comment s’inscrit cette Ă©dition 2012 par rapport aux autres ThAT-Camps organisĂ©s ces derniĂšres annĂ©es ?u P. M. : Le ThATCamp de Paris a Ă©tĂ© suivi de nombreux autres dans diffĂ©rentes villes d’Europe : Londres, Cologne, Florence, Lau-sanne, Madrid, Luxembourg. Le principe des ThATCamps est de s’adresser Ă  un public local, de proximitĂ©. Pourtant, dans toutes ces rencontres, plusieurs nationalitĂ©s Ă©taient reprĂ©sentĂ©es, ce qui est le signe qu’il existe au minimum un rĂ©seau d’acteurs europĂ©ens des humanitĂ©s numĂ©riques qui se connaissent, Ă©changent rĂ©guliĂšre-ment et travaillent quelquefois sur des projets communs. Ce sera le cas de ce deuxiĂšme ThATCamp Paris oĂč des acteurs venant de plusieurs pays d’Europe seront invitĂ©s. il s’agit de donner Ă  ce rĂ©seau europĂ©en, qui se dĂ©veloppe par ailleurs au sein d’organismes trĂšs structurĂ©s comme ALLC ou Dariah, la possibilitĂ© de se rencontrer et d’échanger de maniĂšre moins formelle et sur la base d’une ouver-ture Ă  une plus grande diversitĂ© d’acteurs.

Plusieurs sessions de formation (bootcamp) ainsi que des sessions de co-production “intensive“de logiciels

(codesprint) ou de livres (booksprint) sont envisagées. Quels en sont les objectifs ?

u P. M. : Par sa nature, un ThATCamp est assez peu structurĂ©, essentiellement basĂ© sur l’échange informel et le partage d’expĂ©-rience. La proposition est intĂ©ressante car on y trouve ce qui manque en gĂ©nĂ©ral aux colloques classiques, mais elle est incomplĂšte. C’est la raison pour laquelle un nombre croissant de ThATCamps sont prĂ©cĂ©dĂ©s de courtes sessions de formation. Celles-ci permettent, par ailleurs, dans un domaine en si forte Ă©volution comme les humani-tĂ©s numĂ©riques, de rĂ©duire la trĂšs grande hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des niveaux d’information et de compĂ©tences entre les participants.nous avons, par ailleurs, souhaitĂ© faire en sorte que ce second ThATCamp puisse dĂ©boucher sur des rĂ©alisations concrĂštes. nous avons donc proposĂ© qu’il soit suivi de deux jours consacrĂ©s au dĂ©ve-loppement collectif d’outils logiciels ou Ă  la rĂ©daction en groupe de manuels pour les humanitĂ©s numĂ©riques. Ces mĂ©thodes de rĂ©alisa-tion ouverte, intensive et collaborative sont de plus en plus mises en Ɠuvre, en particulier dans les milieux du logiciel libre. Elles prennent le nom de codesprint pour le dĂ©veloppement logiciel et de book-sprint pour la rĂ©daction de livres, des manuels essentiellement (les Floss manuals utilisent cette technique de rĂ©daction). il s’agit bien de “sprints”. il est donc inutile d’espĂ©rer voir sortir des suites logicielles complĂštes et des encyclopĂ©dies exhaustives de ces deux jours de travail ! De courts manuels sur un logiciel particulier, des plugins ou des scripts ajoutant une fonctionnalitĂ© utile Ă  un logiciel existant, en revanche, c’est tout Ă  fait possible. Certaines personnes ont dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  faire des propositions intĂ©ressantes.

De façon plus gĂ©nĂ©rale, quelle place ces manifes-tations tiennent-elles dans le paysage des Digital Humanities ? En quoi permettent-elles de fĂ©dĂ©rer, structurer la communautĂ© des Digital Humanities ?u P. M. : Elles sont complĂ©mentaires par rapport Ă  ce qui existe dĂ©jĂ . Leur fonction essentielle est de contribuer Ă  crĂ©er ou renfor-cer des liens de communautĂ© entre les personnes qui utilisent des technologies numĂ©riques dans la recherche en sciences humaines et sociales. C’est un univers relativement cloisonnĂ© par les spĂ©ciali-sations professionnelles des uns et des autres, les effets de concur-

Focus sur le THATCamp Paris 2012

LA TRIBUNE D’ADONIS

Le Centre pour l’édition Ă©lectronique ouverte (ClĂ©o) organise les 25 et 26 septembre pro-chain, son deuxiĂšme ThATCamp. DerriĂšre cet acronyme (The humanities and Technology Camp), une organisation originale pour partager, Ă©changer, dĂ©battre autour des expĂ©riences, des outils et des savoir-faire dans le domaine des humanitĂ©s numĂ©riques.

Rencontre avec Pierre MounierDirecteur adjoint du ClĂ©o, organisateur de l’évĂ©nement

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LA TRIBUNE D’ADONIS

rence entre Ă©tablissements et les sĂ©parations disciplinaires. Le carac-tĂšre non formel, auto-organisĂ© et collaboratif du ThATCamp, avec un petit aspect Ă©galitariste et horizontal, est censĂ© permettre des Ă©changes et des modes de partage qui ne seraient pas possibles au-trement. il ne faut pas concevoir ces rencontres comme alternatives aux grands Ă©vĂ©nements qui fĂ©dĂšrent eux aussi la communautĂ© des humanitĂ©s numĂ©riques, comme par exemple, la confĂ©rence Digital Humanities, organisĂ©e par l’ADhO, qui aura lieu cet Ă©tĂ© Ă  ham-bourg. Mais les confĂ©rences Digital Humanities ont lieu une fois par an et une fois sur deux en Europe. Comme je l’ai dit, les ThATCamps sont, au contraire, des rencontres de proximitĂ©.

Le mouvement des Digital Humanities s’est dĂ©ve-loppĂ© – pour le dire vite – autour de la numĂ©risation et de la mise Ă  disposition (souvent en libre accĂšs) des sources de la recherche (donnĂ©es/publications). Quels sont, selon vous, les domaines qui constituent actuellement un enjeu de dĂ©veloppement?u P. M. : Je pense que c’est du cĂŽtĂ© de l’exploitation, de la dif-fusion et de la visualisation de donnĂ©es que les enjeux sont au-jourd’hui les plus importants. On a beaucoup discutĂ© il y a deux ans, lors du premier ThATCamp, de numĂ©risation, de structuration, d’encodage, de conservation. Comment ces corpus peuvent-ils ĂȘtre exploitĂ©s, comment peut-on y accĂ©der, comment peut-on les ex-plorer ? Ce sont des questions qui sont loin d’ĂȘtre rĂ©solues pour le moment mais qui connaissent des dĂ©veloppements importants, en particulier du cĂŽtĂ© de la fouille de donnĂ©es et de textes. il existe une communautĂ© traditionnellement trĂšs active sur les questions de visualisation de donnĂ©es, plutĂŽt en sciences exactes et en sciences sociales. La connexion avec la communautĂ© des humanitĂ©s numĂ©-riques n’est pas encore totalement faite, il me semble, et c’est une convergence en cours qui sera trĂšs certainement fructueuse dans les annĂ©es Ă  venir.

Le ClĂ©o a Ă©tĂ© particuliĂšrement pionnier sur la ques-tion des nouveaux modes d’édition de la recherche.il le demeure en proposant aux chercheurs en shs un espace Ă©ditorial transnational qui correspond Ă  leurs modes de travail. MĂȘme si beaucoup de chemin reste sĂ»rement Ă  parcourir, dans quelle mesure un ThatCamp contribue-t-il Ă  affirmer ce mouvement ?u P. M. : On voit se dĂ©velopper de nouveaux modes de commu-nication scientifique, y compris en sciences humaines et sociales, sur la base des outils et usages du web 2.0. La plateforme hypo-thĂšses s’inscrit dans ce mouvement, Ă  cĂŽtĂ© des rĂ©seaux sociaux ou

des plateformes de signets partagĂ©s. Pour moi, les ThATCamps sont aux colloques traditionnels ce que les carnets de recherche sont aux revues Ă  comitĂ© de lecture : non pas des alternatives, pour l’instant du moins, mais des modes complĂ©mentaires de communication de la recherche, qui assument des fonctions que les publications clas-siques ne prennent pas en charge, ou trĂšs imparfaitement. J’espĂšre bien que le ThATCamp Paris nous permettra aussi d’évoquer cette question des nouvelles Ă©critures des sciences humaines et sociales, de leur rĂŽle et de leur (non)-reconnaissance.

Pour conclure, pouvez-vous nous dire, en quelques lignes, quels sont les grands dĂ©bats qui agitent en ce moment la communautĂ© des Digital Humanities ?u P. M. : Question difficile ! Car, la notion mĂȘme de “commu-nautĂ© des Digital Humanities” est dĂ©jĂ  problĂ©matique en soi, et les dĂ©bats qui traverseraient la dite communautĂ© ne me semblent pas trĂšs structurĂ©s. En tĂ©moigne le rĂ©cent ouvrage de Matthew Gold, Debates in the Digital Humanities, qui est Ă  la fois passionnant mais aussi impossible Ă  rĂ©sumer tant il est touffu de multiples contribu-tions pas nĂ©cessairement connectĂ©es entre elles. il y a pourtant un Ă©lĂ©ment de dĂ©bat que j’aimerais retenir, au-delĂ  de la sempiternelle question de la dĂ©finition et du pĂ©rimĂštre des Digital Humanities. C’est la question tout Ă  la fois de la formation et des cursus d’en-seignement qui est posĂ©e, mais aussi celle de la reconnaissance de l’investissement des personnels de recherche dans ce type d’activitĂ© en terme d’évolution de carriĂšre (et ce, depuis la thĂšse). Plusieurs initiatives sont en cours qui visent dĂ©jĂ  Ă  dresser un Ă©tat des lieux, ce qui permettra sans doute d’avancer des propositions ici en France ou en Europe, comme le fait dĂ©jĂ  la Modern Language Association aux États-Unis ou, sur un autre registre, le groupe #alt-ac. Lors de la confĂ©rence de hambourg, plusieurs sessions traiteront de ce sujet.

Le ThatCamp Paris 2012 est soutenu par l’École des hautes Ă©tudes en sciences sociales, La Fondation Maison des sciences de l’homme,la Fondation Campus Condorcet et le TrĂšs grand Ă©quipement Adonis.

Propos recueillis par Nadine Dardenne, TGE Adonis

contact&info

u Pierre Mounier, ClĂ©[email protected]

u Pour en savoir plusLe manifeste des Digital humanities :

tcp.hypotheses.org/318ThATCamp 2012

tcp.hypotheses.org

contact&info u nadine Dardenne

Chargée de la communicationet de la structuration des réseaux

[email protected] Pour en savoir plus

www.tge-adonis.fr

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u Directeur de la publication Patrice Bourdelaisu Directeur de la rĂ©daction François-Joseph Ruggiuu Responsable Ă©ditoriale sandrine ClĂ©risse [email protected] Conception graphique sandrine ClĂ©risse & Bruno Roulet, secteur de l’imprimĂ© PMAu Graphisme Bandeau ValĂ©rie Pierre, direction de la Communication CnRsu CrĂ©dits images Bandeau

© PhotothĂšque du CnRs / hervĂ© ThĂ©ry, Émilie Maj, Caroline Rose, Kaksonen

u Pour consulter la lettre en lignewww.cnrs.fr/inshs/Lettres-information-inshs/lettres-informationinshs.htm

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