l'imaginaire de wilhelm reich
TRANSCRIPT
Wilhelm Reich (1897-1957),
un imaginaire de la pulsation.
Georges Bertin.
« Aucune idéologie fondée sur la culpabilité ou la
morale ne mettra jamais un terme à l’antagonisme
tragique qui domine la condition humaine ».
Wilhelm Reich. L’éther, Dieu et le diable, Paris, Payot, 1973,
p. 175.
1
« Donnez moi l’imaginaire et le mouvement, s’écrie
Lucifer, et je changerai la douleur primordiale en
plaisir ».
in Nelli René, Les grands arcanes de l’hermétisme occidental,
Monaco, éd du Rocher,1991, p. 143.
2
« C’est une histoire que je dirai, c’est une histoire qu’on
entendra ;
C’est une histoire que je dirai comme il convient qu’elle
soit dite,
Et de telle grâce sera-t-elle dite qu’il faudra bien qu’on
s’en réjouisse :
… Et telle et telle, en sa fraîcheur, au cœur de l’homme
sans mémoire,
Qu’elle nous soit faveur nouvelle et comme brise
d’estuaire en vue des lampes de terre » .
Saint John Perse, Amers, in Oeuvres complètes, La Pléiade, Gallimard, 1982, p.
260.
3
Au professeur Tony Anatrella qui, le premier, m’a incité à lire Wilhelm
Reich.
A mon ami Jean Marie Brohm, professeur reichien ,
4
Sommaire.
Livre 1 : De la résistance à
l’armure.
Chapitre 1 : Reich intellectuel engagé.
Chapitre 2 : La psychologie de masse du fascisme.
Chapitre 3 : Nazisme et racisme.
Chapitre 4 : La peste émotionnelle de l’humanité.
Chapitre 5 : La révolution sexuelle.
5
Livre 2 : de l’orgone au cosmos.
Chapitre 6 : La fonction d’orgone :
révéler l’énergie vitale,
abolir les cuirasses.
Chapitre 7 : L’énergie déliée, un imaginaire de la
pulsation, essai sur les fondements anthropologiques de
l’imaginaire reichien .
Chapitre 8 : Orgone et Nature : Reich écologiste ?
Chapitre 9 : Orgone et sacré : mystère et matière.
Chapitre 10 : La tribu reichienne : héritiers et
successeurs.
Conclusion.
Bibliographie.
Annexes.
Adresses utiles.
6
.
Je remercie ma bonne étoile qui m’a permis de vivre sans
souillure et sans cupidité, de voir mes enfants grandir,
d’assister à leurs premiers balbutiements, gestes,
promenades, jeux, questions, rires, amours ; je la remercie
d’avoir préservé ma sensibilité grâce à laquelle je jouis
encore du printemps et du zéphir, du murmure de la petite
rivière derrière ma maison, du chant des oiseaux dans le
bois… car j’ai sans cesse écouté la voix au fond de moi-
même qui me disait : « ce qui compte, c’est une vie bonne
et heureuse. Suis l’appel de ton cœur, même si tu dois
t’écarter de la route des âmes timides. Fuis la brutalité et
l’amertume, même si la vie te fait parfois souffrir ».
Et quand, dans le calme du soir, je m’installe après une
journée de travail sur le gazon devant ma demeure avec
ma femme et mon enfant, quand je sens le souffle de la
nature, j’entends la mélodie de l’avenir : « Soyez enlacés,
millions, j’embrasse le monde tout entier !. »
Wilhelm Reich, Ecoute petit homme, Paris, Payot, 2002, p. 163.
7
Introduction.
Dans un article du magazine suisse romand, Vie
privée paru le 27 Avril 1997, le journaliste Gérard
Delaloye rappelait que l’œuvre de Wilhelm Reich
revenait en force dans les librairies estimant que
l’auteur de «La fonction de l’orgasme » allait
connaître, au 21ème siècle, une troisième vie.
Et l’auteur de l’article de s’en expliquer : le
phénomène central de la sexualité, l’orgasme, se
trouve en effet au carrefour de des problèmes posés
par la psychologie, la sociologie, la physiologie et la
biologie.
Penseur souvent invoqué à la fin des années
soixante, l’œuvre de Wilhelm Reich a connu , en
Europe, depuis trente ans, une traversée du désert.
De fait, les expériences menées avec acharnement
depuis des lustres en zones arides par certains de
ses successeurs pour y restaurer la pluie au moyen
des « cloudbusters » inventés par Reich, n’ont été
que de peu profitables à sa notoriété et à la
reconnaissance que nous lui devons.
Aujourd’hui, pourtant, notre planète traverse un
grand nombre de crises de toutes natures largement
8
anticipées au début du siècle précédent par Reich,
véritable prophète en son temps.
Nous aurons l’occasion, au fil de ces pages, de
démontrer la pertinence et l’actualité des analyses
qu’il posait voici quelques soixante dix ans: des
immenses problèmes posés par l’exploitation
sexuelle des enfants accélérée par les nouveaux
réseaux de communication et la marchandisation
systématique de la personne humaine, à la remontée
des fascismes d’autant plus pernicieux qu’ils
avancent masqués , leurs discours étant quasi admis
et banalisés jusque dans les sociétés démocratiques
les plus avancées, des catastrophes climatiques qui
menacent la planète bleue à la décomposition
planétaire des corps sociaux. Face à ces questions,
trop souvent les puissants de ce monde singent, dans
la spectacularisation de l’espace politique, une prise
en compte des problèmes du quotidien alors que les
technocraties qu’ils continuent à mettre en place,
dans le même temps, accélèrent des modes de
gestion aux impératifs dictés par les lois les plus
inhumaines. Oui, Reich avait anticipé le mal
contemporain, mieux, il en avait exploré les racines
parce qu’au delà de ses tentatives expérimentales
d’explication, il était profondément entré en
9
résonance avec l’universelle pulsation du monde et
du cosmos, porté par un imaginaire véritablement
créateur .
Un de ses élèves, on le verra, le Dr Herskowitz, (et il
n’est pas le seul) le définit comme un des génies de
l’humanité. Il y a du génie, en effet, chez ce médecin
viennois qui connut les persécutions, l’exclusion,
l’exil, la mise à l’écart, le déni, la prison et finalement
la mort solitaire. Parcours qui aurait été en soi déjà
exceptionnel si Reich ne nous avait, en outre,
d’abord, appris -ou plutôt réappris- ce qui se trouve
aux racines de notre être : l’entraînement irrésistible
auquel, pourtant, nous passons, pour beaucoup
d’entre nous, notre vie à résister, à l’universel
mouvement de la pulsation, et ce, de l’intime de
chacune de nos vies jusqu’au social et au cosmique.
Il y a du génie effectivement, au sens étymologique
du terme, chez cet homme qui fut l’élève surdoué et
un temps préféré de Freud, parce que, véritablement,
Reich engendre un nouveau type de rapport non
seulement au savoir psychologique et médical, mais
encore à la connaissance et parce qu’il tente de le
traduire en action avec les moyens dont il dispose
alors. Il renoue, d’ailleurs, sans doute à son insu,
10
avec le monde de l’Imaginal de la Théosophie des
orientaux dont Henri Corbin nous a fait retrouver le
chemin si ce n’est avec la Théologie des druides. On
se souviendra également que, dans les contes
orientaux, le génie est, quelque part, un être
intermédiaire, sorte de demi-dieu, à mi-chemin entre
l’ordre du sensible et celui des pures intelligences.
Surgissant dans le banal de nos vies, il vient
interpeller les conduites sociales en même temps
qu’il produit appel à la transcendance et profère des
interdits. On reconnaîtra ici ce que fut le Docteur
Wilhelm Reich dans toute son existence et c’est ici la
dimension prophétique de son œuvre que nous
retiendrons tout en reconnaissant le travail de
terrain, nous dirions presque de « travailleur social »
qui le conduit, par exemple à créer en Autriche et en
Allemagne dans les années 30, les premiers espaces
de prévention destinés à la jeunesse prolétarienne,
organisés d’ailleurs sur ses propres deniers, et qu’il
nomme dispensaires d’hygiène sexuelle. Génie
encore de cet écrivain travaillant et publiant de façon
considérable (il sera un des auteurs de Sciences
Humaines les plus lus aux U.S.A. dans les années 40)
au milieu des persécutions et des exodes. Ces
voyages imposés par la nécessité le conduiront à
11
fuire sa patrie d’abord en Allemagne puis en Norvège
et enfin aux U.S.A. L’y poursuivront d’ailleurs
toujours les éternels inquisiteurs alliés aux notaires
du savoir de l’époque, ceux qui, coincés dans la
rigidité de leurs cuirasses caractérielles, passent leur
existence à faire payer aux autres cette incapacité à
la libération dont ils souffrent si cruellement.
Reich esprit libre, et qui devait l’assumer jusque
dans sa chair, n’a pas fini de nous interroger sur nos
propres capacités à instituer des espaces de liberté
au cœur de nos psychismes et au creux de nos
existences. Puisse ce modeste essai contribuer à
saisir une pensée qui restera, et encore pour bien des
générations, inconnaissable.
GB
12
Livre 1 : De la résistance à
l’armure.
« Dans la mesure où leur objet, l’homme, n’est pas
indifférent aux productions de savoir qui le
concernent et y réagira, par conséquent, il
interférera constamment avec les dispositifs
d’analyse et d’investigation qui lui seront appliqués,
en en perturbant le fonctionnement. »
Jacques Ardoino, préface à Imbert Maurice,
Pour une praxis pédagogique, éditions Matrice, 1985
13
Chapitre 1 : Wilhelm Reich, intellectuel
engagé.
Wilhelm Reich est né1 le 24 mars 1897 en Galicie, à
Dobryzcynica, dans l’empire austro hongrois (Sigmund
Freud a alors 41 ans et Carl Gustav Jung 22 ans). Son père
se prénommait Léon et sa mère Cécilie. Il est élevé dans la
langue allemande à la ferme de ses parents. En 1898, naît
une soeur qui ne survivra pas, puis un frère Robert en 1900.
Sa petite enfance est marquée par une certaine précocité
dans diverses expériences sexuelles. Ainsi, à l’âge de 4 ans,
il surprend la servante et le cocher en train de faire l’amour.
Il se souviendra toujours des sensations érotiques intenses
suscitées en lui par ce spectacle. A cette époque, il lui arrive
de coucher avec la nurse, laquelle lui permet, à plusieurs
reprises, de se livrer sur elle à des explorations génitales.
Ces jeux lui seront très vite interdits. Autre expérience
précoce dont il conservera la mémoire.
A l’âge de six ans, il débute les apprentissages scolaires,
avec l’aide de ses deux parents. Mais son père manifeste
beaucoup d’impatience et en vient même à le frapper. Sa
mère le protège et Wilhelm obtient de ne travailler qu’avec
1 Sources : Centre de recherche orgonomique, Orgone Institute, www.orgone.org, 2003, et Guasch Gérard, Quand le corps parle, éd Sully, http://1libertaire.free.fr, 2003
14
elle, il fait alors de rapides progrès, devenant du même coup
le fils préféré de celle ci .
En 1910, sa mère, Cécilie, de venue l’amante du
précepteur de son fils, meurt d’une seconde tentative de
suicide, événement qui ne cessera de l’habiter toute sa vie.
Il a treize ans. Il en conçoit d’autant plus de peine qu’il
aurait été la cause de la révélation à son père de cette
liaison. Pendant toute sa vie, il se sentira coupable de la
mort de sa mère. Ceci ne manquera pas d’influer son
imaginaire de a fonction paternelle autoritaire.
Son père décédera en 1914, d’une pneumonie, Reich se
trouve alors en charge de la ferme tout en continuant ses
études. La ferme étant détruite en 1915, du fait de la
guerre, Wilhelm entre dans l’armée autrichienne où il
deviendra lieutenant en 1916, il est envoyé sur le front
italien.
A la fin de la guerre, en 1918, il entre à l’Université de
Vienne pour étudier la médecine. Marié à Annie Pink, une
étudiante en médecine, il est autorisé, en tant que vétéran,
à effectuer son parcours complet en 4 années au lieu de 6. Il
obtiendra son doctorat avec la mention d’excellence en
Juillet 1922. Il est alors admis comme interne à l’hôpital de
Vienne en neuro psychiatrie dans le service du professeur
Wagner-Jauregg. Il débute, dans le même temps, une
activité de consultation privée.
15
C’est en 1920 qu’il rencontre Sigmund Freud, lequel
remarque aussitôt son intelligence très vive. Adhérant à la
société de psychanalyse de Vienne, il participe activement à
son séminaire de sexologie où il présente un article intitulé :
« les concepts de libido et de conduite, de Freud à Jung) qui
lui vaudra, dés 1922, le premier assistant clinicien de Freud
à la polyclinique psychanalytique de Vienne puis d’être élu
président du séminaire, en 1924. Il sera post gradué la
même année, ses travaux portent alors sur « l’hypnose », le
« caractère compulsif » et la « puissance orgastique ». Il
commence à y élaborer son ouvrage majeur en
psychologie : « Charakteranalyse » (l’analyse caractérielle).
Il fait paraître Der Triebhafte Charakter dans
l’Internationaler Psychoanalytischer Verlag en 1927. Die
Funktion des Orgasmus (la fonction de l’orgasme), paraîtra
également en 1927 (206 pages), chez le même éditeur. Il les
dédie à Freud et s’intéresse aux travaux de Marx et Engels.
En 1928, il est sous directeur de la polyclinique de Vienne.
On lui doit dés cette époque la fondation du mouvement
d’Hygiène mentale en Autriche.
C’est en 1928 qu’il adhère au parti communiste autrichien
et crée la « Société socialiste pour la recherche sexuelle ».
L’intitulé de cette organisation montre déjà ses
préoccupations visant à relier le psychique et le social, et à
mettre en place des structures permettant une interaction
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entre ces deux pôles de la vie humaine mais aussi à
améliorer la santé psychique et sexuelle de ses
contemporains, notamment des jeunes dont il décrit la
misère. Nous parlerions aujourd’hui, avec Gilbert Durand, de
trajet anthropologique entre les intimations du social et les
pulsions du biologique partout constatées.
Il s’affirme alors comme sociologue mais en faisant le
constat encore d’actualité en 2003 que « la sociologie
officielle procédant toujours à partir de statistiques mortes,
il serait souhaitable que le sociologue puisse acquérir ses
connaissances durant six ans de pratique comme travailleur
social 2».
Sa première tentative de synthèse entre psychanalyse et
marxisme date de 1929 : Dialektischer Materialismus und
Psychoanalysis, 1ère édition dans l’Unterdem Banner des
Marxismus, en allemand et russe. La seconde édition
paraîtra dans Sexpol Verlag en 1934, et sera traduite en
serbe.
Ceci va contribuer à le faire considérer comme suspect et
c’est en 1930, l’année de la publication du Procès de Franz
Kafka (synchronicité ?) qu’il est rejeté de la Société
Psychanalytique locale , laquelle lui reproche sa théorie de
l’orgasme dans laquelle il conteste l’hypothèse freudienne
du masochisme primaire et la théorie freudienne des
pulsions que Freud fait reposer sur le couple Eros / 2 Reich W. Les hommes..op cit.. p. 101.
17
Thanatos. A l’encontre de l’orthodoxie psychanalytique, il
attribue en effet la misère sexuelle à la répression
économique, donnant une importance particulière au
concepts de pulsation et de satisfaction orgiastique .
Il quitte alors Vienne pour Berlin. En 1930, il contre attaque
en fondant Sexpol, association pour une politique sexuelle
prolétarienne. Elle atteindra 20 000 membres recensés à
son premier congrès, en 1931, et doublera ensuite le
nombre de ses adhérents. Les publications que Reich
contribue à y éditer et qui sont destinées aux adolescents et
aux mères de famille sont éditées à ses frais , on y trouve
des titres tels : « Le triangle de la croyance » et « Quand ton
enfant te questionne ». Der sexuelle Kampf der Jugend (la
lutte sexuelle des jeunes), paraît en 1932 (292 pages), à
Berlin.
Son influence, alors énorme auprès des masses, sera vite
regardée d’un mauvais œil par les caciques du Parti
Communiste avec lesquels les conflits deviennent fréquents.
Il crée alors sa propre maison d’éditions : « Sexual Policy
Publications » appuyée sur le réseau de centres de
contraception qu’il contribue à développer. En 1932, ses
ouvrages sont interdits en Allemagne.
En 1933, Hitler arrive au pouvoir en Allemagne, et
commence à persécuter les juifs . Reich, qui vient de publier
à ses frais « Charakteranalyse » (l’analyse caractérielle, 288
18
pages), et Massenpsychologie des Faschismus (La
psychologie de masse du fascisme, 292 pages), aux éditions
Sexpol Verlag, est obligé de s’enfuir, d’abord à Vienne puis à
Copenhague. Paradoxalement, il est expulsé du Parti
Communiste pour la critique interne de son fonctionnement
et déclaré « contre révolutionnaire ».
De fait, s’il a reconnu l’ouverture d’esprit sans limites de
Karl Marx, la pertinence et l’utilité de ses analyses socio
économiques, reconnaissant sa théorie comme aussi
importante que celle de Freud pour la psychologie, il
dénonçait dans le même temps le manque d’ouverture
d’esprit des penseurs politiques qui l’utilisaient, et aimait à
rappeler que Marx avait lui-même déclaré : « je ne suis pas
marxiste ».
C’est l’époque où il se sépare d’Annie Reich (1934),
laquelle conserve la garde de ses deux filles, Eva et Lore.
Wilhelm Reich commence alors à vivre avec Elza Lindeberg,
une danseuse. Il doit quitter le Danemark. Ses premiers
écrits connaissent un succès international, sont traduits en
anglais. La « Psychologie de masse du fascisme » est, à
cette époque, l’ouvrage le plus demandé à la New York
Public Library.
En 1934, installé à Oslo, il expérimente sa théorie des
bions, preuves pour lui de la réalité énergétique de la libido
et qu’il définit ainsi : « les bions sont des véhicules d’énergie
19
représentant les stades de transition entre la matière non
vivante et la matière vivante. Ils se forment continuellement
dans la nature par la désintégration de la matière
inorganique et organique. Chargés d’énergie d’orgone, ou
énergie vitale, ils peuvent se transformer en protozoaires ou
en bactéries3 ». Ceci lui vaudra d’être exclu cette même
année, au congrès de Lucerne, de l’association
internationale psychanalytique, sans d’ailleurs que les
raisons en soient notifiées aux lecteurs du bulletin de
l’association. Il apprend que l’exclusion était prononcée
depuis un an sans que personne ne l’en aie informé !
Il fonde alors son propre courant thérapeutique, la
végétothérapie analytique (elle sera plus tard appelée bio
énergie par ses successeurs et notamment Alexander Lowen
). Ses recherches sont à cette époque centrées sur la
fonction électrique de la sexualité et de l’angoisse.
En 1936, il fait paraître divers travaux d’économie sexuelle
et de psychologie politique insistant sur le rôle de la
sexualité dans la culture. Les années suivantes, il poursuit
ses études sur la biophysique de l’orgone, qu’il publiera sous
le titre Die Bions en 1938, et donne des cours à l’Institut de
Psychologie de l’Université d’Oslo. Il procède alors à divers
expériences sur les cancers. En 1939, il se sépare d’Elza et
commence à vivre avec Lisa Ollender. Cette relation durera
jusqu’à sa mort.3 Reich Wilhlem, La psychologie de masse du fascisme, glossaire, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1972, p. 25
20
En 1940, il s’enfuit aux USA,pour vivre à New York où il
prend un poste de professeur associé en psychologie
médicale à la « New York School for Social Research » de
New York. Son laboratoire de recherche sur l’Energie est
transféré d’Oslo à Forest Hills où il construira un
accumulateur d’orgones et lancera une nouvelle science
appelée par lui l’orgonomie . Se multiplient alors les
expériences tandis qu’il développe ses théories
psychiatriques, éducatives et sociologiques.
L’Orgone Institute est fondé à New York et Reich achète un
terrain à Rangeley, dans le Maine, qu’il baptise «
Orgonon », nouveau pôle de la recherche en Orgonomie ou
science de l’énergie vitale. Il y lance plusieurs collections et
revues, rééditant ses premiers ouvrages en langue
anglaise :
Character Analysis , deuxième édition en 1945,
The Sexual Revolution, première édition anglaise, 1945,
The Mass Psychology of Fascism, troisième édition,
première en langue anglaise, 1946.
Il publie énormément, sans cesse à la tâche :
The discovery of the Orgone , vol 1 The Function of the
Orgasm, seconde édition, en 1948, 325 pages, où il reprend
un grand nombre des résultats de la recherche biophysique
et physique de l’orgone poursuivis depuis 1934 et publiés
21
dans L’international Journal of sex economy and orgone
reserach.
The discovery of the Orgone , vol 2 – The Cancer
Biopathy, 1948, 409 pages ,
Character Analysis, 3ème édition révisée en 1949,
Ether, God and Devil, 1949,
Tandis que les parutiosn du Bulletin de l’Orgone Energy se
succèdent à un rythme soutenu (un par trimestre de 1949, à
1953).
Cosmic superposition paraîtra en 1951, 130 pages.
Son renom et ses interventions multiples lui vaudront
d’être arrêté une première fois par le F.B.I. sous le motif
d’activités subversives.
En 1946, Reich est fait citoyen américain. Il se déplace à
New-York où le FBI a commencé une enquête sur
l’accumulateur d’orgone. La persécution ne connaîtra plus
de trêve tandis que Reich multiplie les expériences et
découvertes. Il est alors pris à partie par la Food and Drug
administration .
Ses disciples tentent de lui apporter leur aide en lançant
une fondation, et le plus connu d’entre eux, Alexander
Lowen, est reçu docteur en médecine en 1951.
22
En 1952, Reich lance l’expérience ORANUR, de recherche
de l’énergie orgonique, dans laquelle, il essaie de neutraliser
l’effet de l’énergie nucléaire. Il poursuit ses travaux en
clinique.
En 1953, Lowen et Pierrakos créent un partenariat tandis
que Reich Publie « Le Meurtre du Christ ».
En 1954, la Food and Drug Administration déclare
officiellement que l’énergie d’orgone n’existe pas. Cela ira,
en 1956, jusqu’à l’autodafé des écrits de Reich par
l’autorité, ainsi que la destruction des accumulateurs
d’orgone .
Lowen fonde alors l’Institut pour l’analyse bioénergétique
qu’il va diriger.
En 1957, Reich publie « Contact with space », il est
condamné à deux années de prison et interdit de
publications dans le pays de la Liberté.
Dans sa prison, où il va mourir, d’une attaque cardiaque, le
3 novembre de la même année, à Lewisburg, en
Pennsylvanie, Reich, jusque dans ses derniers instants,
n’aura cesse d’écrire, faisant parvenir ses travaux à l’Institut
pour l’analyse bioénergétique en demandant de surseoir 5
années à leur publication. Pour autant l’administration ne
restituera jamais à sa famille les derniers de ses écrits.
23
Une partie de ces écrits sera reprise, en 1958 dans un
ouvrage intitulé « Langages du corps ».
Destin fabuleux et attristant à la fois que ce sort réservé
avec constance par les pouvoirs institués de l’époque (de la
Société de Psychanalyse à l’Administration américaine via le
PC) à celui que beaucoup de psychologues, médecins,
sociologues et anthropologues considèrent à juste titre
comme un des phares du vingtième siècle.
Instituante la pensée de Reich l’est assurément, non
seulement de par ses engagements de terrain, mais encore
par sa capacité à transversaliser ses découvertes, à les
resituer dans une perspective anthropologique au sens où
Louis Vincent Thomas (autre rebelle) définissait
l’anthropologie : « l’anthropologie lie directement les
représentations, le vécu et les attitudes face à la mort aux
lieux et aux milieux ; et plus spécialement aux systèmes de
civilisation, aux modes et aux types de vie, aux religions…
elle définit des lois générales d’organisation, notamment
l’établissement des modèles susceptibles, à la limite, d’être
formalisés, avec justification des écarts par rapport aux
modèles maîtres et des lois générales d’évolution : mais elle
n’oublie pas pour autant de s’intéresser aux phénomènes
vécus… 4»
Ses travaux seront popularisé en France dans les années
60/70, coïncidant avec les mouvements de libération 4 Thomas Louis-Vincent, in Une galaxie anthropologique, Paris, Quel Corps, N° 38/39, Octobre 1989.
24
sexuelle qui se font jour à cette époque. Ceci occultera
d’ailleurs quelque peu le message de Reich dont la
démarche a toujours tenté d’allier rigueur scientifique et
prise en compte de la détresse sexuelle des masses
populaires.
Parlant de Reich, nous nous efforcerons de montrer dans
cet ouvrage qu’outre ses dimensions de clinique médicale,
incontestables quant au but poursuivi, nous nous trouvons
également en présence, et justement à cause du parti pris
de transversalité qui ressort de la lecture de son œuvre,
même si cette notion est étrangère aux buts de l’auteur,
d’une réflexion anthropologique majeure), subversive à bien
des égards et là dessus les pouvoirs ne s’y sont pas trompés
qui l’ont persécuté car ayant quelque chose à voir avec la «
puissance » sociétale, mue par l’imaginaire social à
l’œuvre.
Nous tenterons donc d’en explorer les notions et leurs
applications y reconnaissant un projet émancipateur pour
l’humanité. Singulièrement, en ce début du troisième
millénaire, l’œuvre de Reich prend une dimension
symbolique et instauratrice que Reich lui-même n’avait
probablement pas anticipée en raison même de l’univers
conceptuel, largement positiviste, où il était inscrit et aux
25
normes duquel il ne pouvait se soustraire de par ses propres
implications.
26
La psychologie de masse du fascisme.
Dans sa préface à l’édition américaine de la Psychologie de
masse du fascisme, ouvrage conçu en en Allemagne
pendant les années 1930-1933, Mary Boyd Higgings,
administratrice de la fondation Wilhelm Reich, écrit en
1970 : « Reich a appliqué ses connaissances cliniques de la
structure caractérielle de l’homme aux problèmes sociaux et
politiques. Il rejette énergiquement l’idée selon laquelle le
fascisme serait l’acte d’un individu isolé, d’une nation, d’un
groupement ethnique ou politique. Il réfute aussi l’exégèse
purement socio-économique préconisée par l’idéologie
marxiste. Reich considère le fascisme comme l’expression
de la structure caractérielle irrationnelle de l’homme…5».
On le voit bien, l’analyse reichienne, dans ses aspects
sociaux, s’institue à la conjonction de facteurs
psychologiques (la structure caractérielle de l’homme) et de
facteurs socio-politiques, même si chez Reich la
5 Boyd Higgins Mary, préface à Reich Wilhelm, La psychologie de masse du fascisme, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1972, p. 8
27
détermination est d’emblée posée psychologie > sociologie.
Science de la sociologie de l’économie sexuelle, elle repose
selon son auteur, à la fois sur les découvertes sociologiques
de Marx et sur les découvertes psychologiques de Freud.
Elle est donc à la fois « une psychologie de masse et une
sociologie sexuelle ».
Toutefois, l’examen approfondi de ses thèses sur la
fascisme permettent d’envisager une lecture reichienne
moins déterministe que celle que voulait son auteur, plus
trajective, sans toutefois ignorer que l’intention de l’auteur
était bien à visée curative d’abord individuelle : travailler
par l’éducation sociale, le travail social, l’hygiène mentale,
la prévention sanitaire et sociale, à améliorer l’humanité . La
science fondée sur l’économie sexuelle6 va plus loin que la
psychanalyse, « pour quel motif d’ordre social, se demande-
t-elle, écrit Reich, la sexualité est–elle réprimée par la
société et 7 refoulée par l’individu ?8 »
Il le précise lui-même dans la préface à la troisième
édition en définissant ses propres topiques ainsi présentées:
« pour juger des réactions humaines, nous devons tenir
6 ibidem p. 27 : « par économie sexuelle, écrit Reich dans son glossaire, on entend la manière dont l’individu emploie son énergie biologique, combien il en accumule et combien il en libère dans l’orgasme. Les facteurs présidant à cette régulation sont d’ordre sociologique, psychologique et biologique ».Après la découverte de l’orgone, il remplacera plus tard ce terme par « Science de l’Energie vitale ».7 c’est nous qui soulignons, la notion de trajet, implicite, est ici dans la conjonction de coordination.8 ibidem p. 49.
28
compte des trois couches différentes de la structure
biopsychologique :
- dans la couche superficielle, l’homme moyen est
réservé, courtois compatissant, conscient de son devoir,
consciencieux.
- la couche moyenne se compose exclusivement
d’impulsions cruelles, sadiques, lubriques, cupides,
envieuses, c’est l’inconscient ou le refoulé de Freud, la
somme des pulsions secondaires,
- la couche inférieure (ou noyau biologique,) dans ce
noyau, l’homme est, pour peu que les circonstances lui
soient favorables, un animal honnête, travailleur, coopératif,
aimant, qui, dans un contexte rationnel donné, sait aussi
haïr ».
Or, indique Reich, «la couche superficielle et la couche
profonde ne sont pas en contact et il n’est pas possible de
desserrer la structure caractérielle de l’homme ».
Cette structuration malencontreuse de l’ordre social a pour
conséquence que toute pulsion naturelle ou sociale qui,
quittant le noyau biologique, voudrait passer à l’action, doit
traverser la couche des pulsions perverses secondaires qui
la fait dévier.
29
Prenant l’exemple de la masturbation des petits et des
rapports sexuels entre adolescents et de leur répression, il
montre ainsi que celle-ci a débuté tardivement avec
l’apparition de l’ordre social du patriarcat autoritaire et la
naissance de classes, mettant au service d’une minorité les
intérêts sexuels de tous avec la complicité des masses elles-
mêmes. L’inhibition morale anti-sexuelle les empêche de
prendre conscience de leur situation sociale et le
refoulement sexuel renforce la réaction politique en rendant
passif et apolitique l’individu nivelé par la masse9. C’est ce
qu’il nomme : effet en retour de l’idéologie sur la base
économique : « l’inhibition sexuelle opère dans l’homme
économiquement opprimé des modifications structurelles
qui le poussent à agir, sentir, à penser à l’encontre de ses
intérêts matériels ».
C’est sur cette base psychosociologique que repose
l’analyse produite dans « La psychologie de masse du
fascisme ».
Dans le domaine social, la mutation des besoins
biologiques primitifs de l’homme en structure caractérielle
nous ont amenés à reproduire sous forme d’idéologie la
structure caractérielle de la société.
9 Ibidem p. 51.
30
Reich distingue ainsi trois phases d’évolution sociétale :
- la phase d’organisation démocratique primitive fondée
sur le travail, depuis son écroulement, l’homme n’a plus de
représentation collective et sublime dans les oeuvres d’art,
- la phase dite libérale, au sens propre, dont les idéaux
moraux et sociaux reposent sur la couche dite superficielle
fondée sur la maîtrise de soi et la tolérance,
- la phase révolutionnaire, laquelle, si elle est
authentique, a ses racines dans le noyau biologique de
l’homme.
-
Tout autre, est pour Reich le cas du fascisme10, opposé aux
deux autres, car unique représentant des pulsions
secondaires. Et Reich va proposer sa définition du fascisme :
- il est l’expression politiquement organisée de la
structure caractérielle de l’homme moyen nivelé par la
foule, il est la somme de toutes ses réactions irrationnelles,
telle la théorie de la haine raciale qui lui a donné naissance
et dont il est l’expression caractérielle.
- il est l’attitude émotionnelle fondamentale de l’homme
opprimé, amalgame d’émotions révolutionnaires (qui
servent à le déguiser) et de concepts sociaux réactionnaires, 10 ibidem p.11 sq.
31
expression caractérielle biopathique de l’homme frappé
d’impuissance orgastique,
- il est un phénomène international et ne saurait être
réduit à une petite clique de réactionnaires. Forme
exacerbée du mysticisme religieux, il est son expression
sociale spécifique car il soutient cette forme particulière de
religiosité qui a son origine dans la perversion sexuelle,
transformant le caractère masochiste de la religion de
souffrance en une religion sadique.
- il est accepté et préconisé par les masses, mentalité du
simple d’esprit opprimé avide d’autorité et en même temps
séditieux. Ainsi le fasciste est l’adjudant chef dans l’armée
gigantesque de notre civilisation industrielle et malade
tandis que le gros industriel et le militariste féodal tirent
avantage de ce fait social issu de l’oppression universelle de
la vie. La civilisation autoritaire et mécaniste ne récolte en
effet chez le citoyen asservi, sous forme de fascisme, que le
mysticisme, le militarisme, et l’automatisme qu’elle n’a
cessé de répandre parmi la foule des petites gens
opprimées11. Le fascisme est «le vampire sur le corps vivant
qui ne cesse de donner cours à ses impulsions
meurtrières ».
11 ibidem p. 13
32
Pour illustrer cette théorie, dont on voit bien ce en quoi elle
était instituante pour l’époque, et surtout à rebours des
théories philosophiques (comme l’hégélianisme) ou
sociologiques (le marxisme) existantes, se démarquant
également de la psychanalyse freudienne tout en lui
empruntant ses bases conceptuelles que Reich va revisiter,
Reich va développer plusieurs exemples empruntés à son
actualité :
l’idéologie de la famille autoritaire et l’inhibition
sexuelle venant de la frustration parentale, ce qui l’amène à
étudier la figure d’Hitler, et à proposer, dans la perspective
de l’économie sexuelle, une lecture de la famille autoritaire
dont il étudie la capacité à accumuler les sentiments de
culpabilité et de haine,
le symbolisme de la croix gammée,
le mysticisme et la lutte de l’économie sexuelle contre
celui-ci,
la question de l’Etat.
33
Hitler et la famille autoritaire.
L’ordre sexuel patriarcal et autoritaire, né des
bouleversements de la fin de l’époque matriarcale, advient
en spoliant les femmes, les enfants et les jeunes, de leur
liberté sexuelle, en transformant la sexualité en
marchandise, en mettant les intérêts sexuels au service de
l’asservissement économique, le fondement de l’idéologie
autoritaire. La sexualité ainsi pervertie prend ainsi une allure
diabolique, démoniaque à laquelle il faut s’opposer12.
Cette base caractérielle de l’économie sexuelle explique,
pour Reich, l’efficacité psychologique d’Hitler et ce pour
plusieurs raisons :
- d’abord, la propagande de l’appareil hitlérien se fonde
sur l’idéologie du chef elle-même en harmonie avec la
structure moyenne d’une large couche d’individus nivelés
par la masse, des millions de gens applaudissant à leur
propre asservissement.
-
12 ibidem p. 95.
34
L’ ANALYSE SOCIO ECONOMIQUE DE LA SOCIETE DES
CLASSES DE Reich est ainsi celle de son temps : l’économie
capitaliste est une économie de profit, elle produitdes
marchandises et non des denrées destinées à l’usage13.
L’économie vit de l’élimination du concurrent, la capital se
concentre aux mains d’un petit nombre et
l’appauvrissement des masses s’accrroît. Les trusts de la
chaussure ont ruiné le cordonnier, les machines agricoles
ruiné le paysan, le gros capitaliste détruit le petit après que
celui-ci aie écrasé l’artisan. La rationalisationde l’économie
au lieu de réduire la durée du travail a créé le chômage. Les
licenciements diminuent le pouvoir d’achat de la population,
la stagnation s’ensuit…(nous sommes en 1930 !)
- Ensuite, la genèse des liens familiaux de la propre
famille d’Adolf Hitler permet de comprendre les mécanismes
d’identification à l’œuvre.
Hitler, fils de fonctionnaire, en conflit avec son père se
révolta contre lui et, se faisant artiste peintre tomba dans la
misère sans toutefois, pour Wilhelm Reich, avoir jamais
dépassé ce conflit, et sans jamais avoir mis en doute ni
contesté l’autorité paternelle, d’où son ambiguïté face à
l’autorité, la révolte allant de pair, chez lui, avec son
acceptation respectueuse et soumise. Vis à vis de sa mère,
son attitude empreinte de sentimentalisme le conduit à une 13 Reich, Les hommes op. cit p . 75 sq ;
35
attitude négative à l’égard de la sexualité et à une
idéalisation névrotique de la maternité. Il sera ainsi obsédé
dans ses discours et écrits par la crainte de la syphilis, et
l’empoisonnement du corps de la nation, dont on voit bien à
qui il l’identifie.
Reich pointe là l’attitude des femmes de la petite
bourgeoisie allemande développant une résignation fondée
sur une révoltes sexuelle refoulée tandis que les fils se
signalent par une forte identification au père, les inhibitions
et l’affaiblissement de la sexualité, sur lesquels s’appuie
l’existence de la famille autoritaire, formant la base même
du caractère petit bourgeois. Découlent de cette lutte contre
les besoins sexuels les idées forces du régime : honneur
personnel, honneur de la famille, honneur de la race,
honneur du peuple, négligeant les dessous socio-
économiques de cette idéologie : capitalisme, patriarcat,
institution du mariage obligatoire, répression sexuelle, lutte
personnelle contre sa propre sexualité. La lutte de la société
autoritaire se manifeste contre la sexualité des enfants et
des adolescents dans le cadre de la famille autoritaire,
représentation en microcosme de ce que sera l’Etat fasciste
en macrocosme.
Les liens de l’enfant à la mère forment le noyau du lien
familial et « les représentations de patrie et nation sont,
36
dans leur noyau subjectif émotionnel, des représentations
de la mère et de la famille ».
Goebbels ne s’y trompera pas qui, en exergue à ses dix
commandements du Calendrier populaire national socialiste,
écrivait pour la Fête des Mères de 1933 : « ce qui symbolise
le mieux l’idée allemande, la mère allemande, qui porte à
elle seule l’idée de la nation allemande. »
De fait, «le sentiments national est le prolongement direct
du lien familial qui plonge ses racines dans le lien maternel
fixé »14.
L’angoisse sexuelle de l’homme réactionnaire est la racine
de l’antisémitisme national socialiste. Puisque, dans les
structures individuelles de la petite bourgeoisie les liens
nationaux et familiaux coïncident, et que le Führer incarne
aussi la nation, il réveillera, dans les individus nivelés par la
masse des liens affectifs et familiaux, le père autoritaire et
captera le besoin de confiance et de protection des foules,
confiance infantile en la toute puissance du père.
L’identification des individus, nivelés dans la masse, au
Führer est le fondement psychologique du narcissisme
national. Le petit bourgeois réactionnaire se découvre lui-
même dans le Fürher, dans l’Etat autoritaire, noyant sa
détresse sexuelle et matérielle dans l’idée exaltante de faire 14 ibidem. p. 71.
37
partie de la race des maîtres et d’être conduit par un
génie15.
Le nazisme, son expression politique totalitaire, est de fait
un phénomène international qui atteint tous les organismes
de la société humaine dans toutes les nations du monde.
Résultat d’une situation de détresse biologique des masses
humaines tombées sous la coupe d’une poignée de bandits
assoiffés de pouvoir16, cette idéologie autoritaire n’a rien à
voir avec une configuration économique de classes, elle
n’est en effet pas le reflet de sa situation sociale, et
l’excitabilité émotionnelle et mystique des masses
populaires qu’il provoque est, dans le processus social,
d’une importance égale si ce n’est supérieure aux intérêts
purement économique.
La coercition autoritaire imprègne toutes les couches de la
société car il n’y a pas de limites de classes pour les
structures caractérielles comme il y en a pour les situations
économiques et sociales. De fait, le nazisme enrôlera dans
ses rangs aussi bien ses travailleurs à structure autoritaire
que des parasites sociaux .
15 ibidem p.76.16 La Rév sexuelle p. 19 sq
38
Le symbolisme de la croix gammée.
La croix gammée ressort du symbolisme par lequel, selon
le mot de Reich, Hitler et ses comparses ont réussi à passer
les menottes réactionnaires aux structures libérales des
masses.
Le recrutement des fascistes étant hétérogène quant aux
intérêts sociaux (transfuges de la social-démocratie, des
partis libéraux du centre bourgeois, communistes
convertis…), et la propagande qui leur était adressée
contradictoire, il fallait leur adresser une logique cohérente
quant à leur sensibilité mystique.
Le drapeau habilement composé s’adressait ainsi à tous :
rouge (révolutionnaires), blanc (nationalistes), croix
gammée (aryens antisémites). Si le rouge et le noir
évoquaient la structure contradictoire de l’homme, la croix
gammée avait en charge de susciter des sentiments
mystiques. Symbole pour Hitler de l’antisémitisme, elle
prenait en charge ce que Reich nomme son contenu
irrationnel (nous parlerions aujourd’hui d’imaginaire). En
réalité, souligne Reich, elle n’a pris que tardivement ce sens.
39
Reste à expliquer le contenu irrationnel de l’antisémitisme.
Elle découle, pour l’auteur, d’une fausse conception de la
sexualité naturelle présentée comme quelque chose
d’immonde.
La France est ainsi présentée, dans Mein Kampf, comme
«ouverte à la négritude et à l’hégémonie mondiale juive et
représente une menace permanente pour l’existence de la
race blanche en Europe … susceptible d’infecter la race
blanche par une humanité de rebut…».
Passant en revue les occurrences symboliques de la croix
gammée dans l’architecture, l’iconographie (ciel d’orage,
losange, terre fertile, principe masculin)…Reich la ramène
au symbole sexuel. Elle a pris au cours du temps diverses
significations : travail, fécondité, figurant des humains
entrelacés dans l’acte sexuel. Elle symbolise donc une
fonction fondamentale de la matière vivante.
Ancrée profondément dans la vie affective inconsciente,
elle n’est pas la cause du succès de la propagande fasciste,
mais y a puissamment contribué. « Le fait qu’elle représente
deux personnages enlacés exerce un grand attrait sur les
couches profondes de l’organisme et d’autant plus si l’on a
affaire à des individus insatisfaits, sexuellement frustrés 17».17 ibidem, p. 106
40
Si l’on en fait, de plus, le symbole de la fidélité elle tiendra
compte des mouvements défense du Moi moralisateur et
sera d’autant plus acceptée.
Le racisme.
Wilhelm Reich, dans tout son œuvre, s’est appliqué à
mettre à nu les déterminants idéologiques du racisme tel
41
que le national socialisme d’Hitler et ses comparses ont
tendu à l’imposer. Travail de grande importance et qui,
hélas, n’a pas pris une ride tant est prompte à resurgir la
bête immonde.
Il précise d’ailleurs d’emblée en débutant cette étude dans
« La psychologie de masse du fascisme » que la théorie
raciale étant fondée sur des appréciations et non sur des
faits et qui, partant d’appréciations, aboutit à déformer les
faits, « il est impossible de convaincre un fasciste imbu de la
supériorité de la race germanique par des arguments et ceci
pour la bonne raison qu’il n’obéit pas à des arguments mais
à des sentiments irrationnels ».
Pour « battre en brèche la théorie raciale, il faut mettre à
nu ses fonctions irrationnelles18 », car la prédication morale
a trop eu tendance à remplacer la maîtrise des problèmes
aussi bien dans ce domaine que dans celui de l’éducation
sexuelle, l’un et l’autre étant d’ailleurs intimement liés.
Pour Reich, la théorie raciale a deux fonctions :
la première sert à donner une justification biologique
aux aspirations impérialistes. Rappelons la rapidement : elle
est fondée sur le principe de la sélection naturelle qui 18 Reich Wilhelm, La psychologie de masse du fascisme, Paris, Payot, 1972, p. 87.
42
élimine ipso facto les êtres inférieurs de moindre valeur
raciale, en les soumettent à des conditions de vie plus dures
qui en limitent le nombre. La race aryenne étant réputée
supérieure, le métissage de l’aryen avec des peuples
inférieurs aboutit toujours à la déchéance du représentant
de la culture. Pour Hitler l’humanité est formée de races
dont les unes créent les civilisations les autres les
représentent et d’autres encore les détruisent. Bien entendu
seul l’homme aryen peut être considéré comme un créateur
de civilisations puisque c’est de lui que proviennent les
fondements des créations humaines19. C’est l’Aryen
conquérant qui a subjugué les races inférieures. Le danger
qui doit être écarté est, pour Hitler, le métissage : « le
métissage et l’abaissement du niveau racial qu’il provoque
sont les seules causes de la mort d’antiques civilisations 20».
On le voit cette théorie, que Reich n’hésite pas à nommer
une « forme extrême de métaphysique biologique » puisque
fondée sur une Nature qui veut ordonne, est raisonnable,
sert de prétexte à la fonction impérialiste de l’idéologie
fasciste. Les Aryens étant le seul peuple créateur de
civilisations peuvent réclamer, pour eux, le droit divin, la
domination sur le monde. Ceci concilie donc l’idéologie
nationaliste allemande avec les objectifs impérialistes d’une
couche dominante affrontée à des difficultés économiques.
19 ibidem p. 8620 Mein Kampf, op cit par WR ibidem p. 86
43
la deuxième veut exprimer des pulsions affectives
inconscientes de la sensibilité nationaliste et camoufler
certaines tendances psychiques. Reich note qu’Hitler , pour
caractériser les rapports sexuels entre Aryens et non Aryens
se sert du mot « Blutschande » (la honte du sang), alors
que dans l’usage de la langue allemande, ce mot désigne
l’inceste. Ceci ouvre à Reich la porte de la compréhension
des fondements irrationnels et émotionnels de la théorie
raciale.
L’idéologie va avoir ici une autre fonction s’adressant
directement à la structure des hommes qui la produisent et
qui est, à son tour, déterminée par la structure économique
de la société, l’interaction étant grande entre les formations
idéologiques irrationnelles et les structures irrationnelles des
individus.
La structure du fasciste se signale ainsi par la pensée
métaphysique, le sentiment religieux, la soumission à des
idéaux abstraits et moraux, la croyance à la mission divine
du Fürher. La croyance à la «supériorité de la race des
maîtres » joue ici un rôle de ressort extrêmement puissant
en rattachant les masses nationales socialistes au Fürher et
dans l’acceptation volontaire du servage le plus abject.
44
Et Reich rappelle dans La fonction de l’orgasme21, (ouvrage
fondé sur des travaux qui datent des années 1942-245)
comment s’organise l’irrationnel fasciste.
Se référant à la deuxième couche de sa topique , il rappelle
que l’homme, malgré une culture niant artificiellement sa
sexualité , il la définit comme un vide intérieur béant, et s’il
réagit irrationnellement c’est parce que celle-ci ne se trouve
pas en harmonie avec son noyau biologique ni avec la
couche superficielle du self contrôle.
Fondamentalement, il est incapable de responsabilité de
liberté et les transfère sur quelque politicien avide.
Analysant le cours de l’histoire il montre que la bourgeoisie
européenne cultivée des 19ème et 20ème siècles ont repris de
la féodalité les formes morales et obsessionnelles de
comportement dont elle faisait les modèles du
comportement humain.
Dans l’âge du rationalisme, les hommes avaient commencé
à rechercher la vérité et à réclamer la liberté. Tant que les
institutions morales obsessionnelles furent solides, en
dehors de l’individu en tant que lois contraignantes et
opinion publique, il y eut une sorte de calme de surface,
avec des éruptions occasionnelles du sous-sol volcanique
des pulsions secondaires, à partir du moment où les
soulèvements sociaux commencèrent, se réveillèrent les 21 Reich Wilhelm, La fonction de l’orgasme, Paris, L’Arche, 1970, p. 185 sq.
45
désirs de liberté, d’indépendance, d’égalité et du droit de
disposer d’eux-mêmes, et les Europ2ens furent
naturellement portés vers la libération des forces vitales en
eux-mêmes. Les démocraties européennes tentèrent alors
de conduire l’humanité vers la liberté. Mais celles-ci ayant
négligé la névrose caractérielle, la victoire des dictatures
révéla la force du caractère irrationnel humain porté par les
multitudes elles-mêmes.
« Les forces qui avaient été longtemps tenues en échec par
le revêtement superficiel de la bonne éducation et d’une
maîtrise de soi artificielle portées par les multitudes mêmes
qui luttaient pour la liberté, se frayèrent un passage dans
l’action et ce fut les camps de concentration, la persécution
des juifs, la destruction de toute décence humaine, la
massacre des populations civiles par des monstres sadiques
que leur goût du sport portait à mitrailler des innocents et
qui n’éprouvent le sentiment de la vie que lorsqu’ils
paradent au pas de l’oie…en bref une manifestation de folie
collective qui risquera de se reproduire aussi longtemps que
les tenants de la connaissance et du travail ne réussiront
pas à extirper en eux-mêmes et hors d’eux-mêmes cette
névrose collective qui s’appelle la politique et qui prospère
sur la faiblesse caractérologique des êtres humains.22 »
22 ibidem, p. 186.
46
Un des exemples de cette subordination du secteur
scientifique à la névrose collective est donné par Reich dans
l’accueil réservé par la communauté scientifique au pseudo
concept de race.
La théorie de la race, à laquelle Hitler avait subordonné
toute science, s’affirmant comme un prolongement
commode aux théories e l’hérédité, de secteurs majeurs de
la science allemande s’y soumirent sans essayer de
comprendre au-delà le développement des fonctions vitales
ni l’origine sociale du comportement humain.
Aucun slogan, écrit Reich, n’enflamma plus les masses que
le slogan de « a pulsation du sang allemand » et de sa
« pureté », laquelle signifiait libération de la syphilis et de la
contamination juive. De fait, la peur des maladies
vénériennes, en tant que prolongement de l’angoisse
génitale infantile, est profondément enracinée chez
l’homme. Hitler leur promettant la pureté du sang, s’ancrait
sur une réalité psychique. Egalement, chaque être humain
ressentant en lui-même des sentiments cosmiques, ou
océaniques, Hitler s’adressa à ce désir alors que les
rationalistes séchés tentaient d’étouffer ces sentiments
vitaux avec d’obscures statistiques économiques23.
23 ibidem p. 191
47
L’accent mis par les fascistes sur la famille autoritaire
identifiée à l’Etat autoritaire, puisque, dans le même temps,
le nazisme plaidait pour la conservation de la famille et
incorporait les jeunes dans les groupes de jeunesse,
permettait à l’idéologie de la race de réussir pare que l’on
avait enchaîné et dérivé les désirs sexuels.
Le résultat est connu : l’Allemagne devait connaître un taux
inégalé de suicides et e misère sociale, et l’apothéose de
cette danse de sorciers en fut la mort collective dans la
guerre pour la gloire allemande.
Côte à côte avec le désir de pureté du sang se poursuivit la
persécution des juifs.
En dépit des dénégations scientifiques tant des juifs eux-
mêmes que des chrétiens disqualifiant les théories nazies,
celles-ci ne pouvaient être entendues car la persécution
était d’ordre irrationnel. Pour le nazi, juif signifie sale,
sensuel, brutalement lascif, castrateur égorgeur, remuant
les fonctions de défense anti-sexuelle les plus profondes
dans la masse allemande.
« Le désir inconscient de bonheur sexuel et de pureté
sexuelle, s’ajoutant à la peur simultanée de la sexualité
normale et à l’horreur de la sexualité perverse, ont pour
résultat l’antisémitisme sadique fasciste 24».24 ibidem . p. 193
48
Et Reich d’étendre la leçon à tout racisme : anti juif, anti
noir, anti rital, voire anti anglais ou anti fançais, tous ont en
communde signifier pour les autres « sexuellement
sensuel ».
Ainsi le psychopathe et pervers Julius Streicher put, dans
son journal Der Stürmer, diffusé pendant 7 années à des
millions d’exemplaires, à l’aide de quantité d’exemples
inventés et puisés dans sa propre pathologie, confirmer
l‘angoisse génitale de millions de jeunes et moins jeunes en
même temps qu’il stimulait les fantaisies perverses latentes
chez nombre d’entre eux.. On a pu de ce fait qualifier le
streicherisme de pornographie nazie.
Si le nazisme a utilisé à son profit avec succès, de manière
irrationnelle, les aspirations sexuelles des masses, les
perversions qui lui ont permis d’exploser demeurent et sont
loin d’avoir trouvé un traitement efficace au plan social.
Il serait intéressant, à ce sujet, d’explorer ce qu’il est
convenu d’appeler aujourd’hui les conduites sexuelles
alternatives dont un numéro réent du Nouvel Observateur
(Juillet 2003, nous apprend qu’elles seraient en train de
produire de nouvelles normes.
49
Si le fascisme a posé devant nous une réalité
incontournable, c’est que les fonctions vitales de l’homme
Existent et manifestent une volonté vitale chez les
masses
sont devenues complètement névrotiques.
50
La peste émotionnelle chez Wilhelm Reich.
Reich introduit dés 1933 la notion de peste émotionnelle
dans son ouvrage : « L’analyse caractérielle ». Il lui consacre
le dernier chapitre du livre.
Il la définit «sans nuance péjorative », écrit-il25, «comme
une biopathie chronique de l’organisme, conséquence
directe de la répression, sur une vaste échelle, de l’amour
génital ».
Et poursuit-il, «elle a pris un caractère épidémique et, au
cours des millénaires, aucun peuple n’en a été épargné ».
Elle a le pouvoir de contaminer des masses entières, de
corrompre des nations, de détruire des populations mais
reste incapable d’engendrer une seule mesure positive
quand il s’agit d’améliorer la misère économique.
On voit bien ici Reich passer d’une position concernant les
individus faisant l’expérience de la répression dans leur
sexualité, à l’échelle sociale (le caractère épidémique) et
anthropologique (le temps et les peuples). Nous sommes
donc en présence de ce que Louis-Vincent Thomas et Jean-
Marie Brohm nommeront plus tard une transversalité.25 Reich Wilhelm, L’analyse caractérielle, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1976, p. 431.
51
La peste émotionnelle, inculquée à l’enfant dés les
premiers jours de sa vie, trouve son origine chez les
individus dans la frustration génitale et se manifeste dans ce
qu’il nomme « les cuirasses caractérielles », ou dispositifs
inconscients mis en place par les sujets pour neutraliser les
difficultés qu’ils éprouvent à assumer, dans l’évolution des
conflits, leurs besoins libidinaux face à la peur de la
punition . Le Moi y prend sa forme définitive tandis que les
restrictions libidinales imposées par la société déterminent
des changements qui se manifestés dans des positions
personnelles et sociales rigides déterminant un monde de
réactions immuables et automatiques, comme si la
personnalité se revêtait d’une cuirasse, d’un blindage rigide
capable d’absorber les coups portés contre elle par le
monde extérieur et intérieur. L’étendue de la cuirasse
détermine ainsi la capacité de l’individu à équilibrer son
économie énergétique26. Et la vie cuirassée domine la vie
sociale et se manifeste en son cœur par divers traits décrits
par Reich27 :
La pléthore de mots et de concepts qui ne servent qu’à
détourner des principes de base de la vie,
Un enthousiasme démesuré quand la vie cuirassée
rencontre les lois existentielles et simples de la vie non
cuirassée,
26 Ibidem p. 408.27 Reich Wilhelm, Les hommes dans l’Etat, Paris, Payot, 1978.
52
Une incapacité totale des individus cuirassés
d’appliquer des lois simples à une pratique qui se solde par
une persécution pleine de haine à l’égard de tout ce qui
rapporte à une vie non cuirassée.
Ces processus individuels sont ainsi à la racine collective
de la peste émotionnelle. En effet, dés que l’on touche aux
causes de la peste émotionnelle, on provoque
inévitablement une réaction d’angoisse ou de colère. Et d’en
énoncer aussitôt les conséquences manifestées :
sur le plan individuel par les maladies du cœur, du
cancer ou de la schizophrénie. Les crises aigües sont
occasionnées, chez les sujets, par des troubles de la vie
amoureuse. Tandis que l’individu normal justifie son
comportement sexuel par son besoin d’amour, le pestiféré
ascétique va justifier sa débilité sexuelle par ses exigences
morales. Tandis que l’individu bien portant ne cherche pas à
imposer son mode de vie, le pestiféré adresse en priorité
ses maximes à son environnement et tend à imposer aux
autres son genre de vie par la force.
sur le plan social par une économie sexuelle primitive
déterminant les catégories sociales de la famille autoritaire,
de l’idéologie tribale et de la transformation patriarcale …
L’action et la raison données pour la justifier ne
s’harmonisent jamais. Le motif réel en est toujours caché et
remplacé par un motif apparent28.28 Reich Wilhelm, L’analyse caractérielle, op cit. p. 432.
53
L’Etat absolutiste utilise en effet l’idéologie « familialiste »
qui est la courroie de transmission la plus importante entre
les exigences de la dictature et les lieux de la formation de
la structure tel le fascisme bâti sur la fondation solide d’une
idéologie familiale rigide incompatible avec les
manifestations du sens de la vie (on se souvient de la
boutade d’un leader français de l’extrême droite : « j’aime
mieux mes enfants que mes frères, mes frères que mes
cousins etc.. ». Elle s’établit sur l’idée que la répression
sexuelle créée la base psychologique d’une certaine culture,
à savoir la culture patriarcale, sous ses diverses formes29.
Les idéologies cléricales, fascistes et réactionnaires sont
essentiellement des réactions de défense et produites par
les réglementations morales.
Hitler est ainsi celui qui a poussé à son apogée la
répression de la vie par le patriarcat et si jusqu’à lui, les
gens n’avaient fait que tolérer passivement la tyrannie,
après lui, en proie à la contagion de la peste émotionnelle
régissant leurs actes, ils se sont fait les supports de la
tyrannie à l’encontre de leurs propres intérêts.
C’est de cette période de la montée du fascisme en
Autriche et en Allemagne que Reich date sa propre
découverte jusque là ignorée de l’importance de l’irrationnel
(nous dirions aujourd’hui de l’imaginaire social) dans le
processus social. 29 Reich Wilhelm, La révolution sexuelle, Paris, Christian Bourgois, 1982, p. 50
54
Et de déplorer que Sigmund Freud, son maître en
psychanalyse, après les répressions policières de 1927 en
Autriche qui se soldèrent par l’impuissance des
organisations ouvrières comme du gouvernement
démocratiquement élu à faire face au fascisme, ne
comprenne absolument pas les enjeux de ces événements
considérant les manifestations populaires comme une
véritable catastrophe30. Les travailleurs eux-mêmes ne
manifestèrent aucune volonté de donner au mouvement une
signification sociale.
Et Reich de nous prévenir (écrit étrangement prophétique
quand nous le relisons en 2003 !) : « même après la victoire
militaire remportée sur le fascisme allemand, la structure
humaine fasciste continuera à exister en Allemagne, en
Russie, en Amérique et partout ailleurs. Elle continuera à
prospérer de façon souterraine, se cherchera de nouvelles
formes d’organisation politique et conduira inévitablement à
une nouvelle catastrophe car … le savoir et la technique ne
permettent pas encore d’entraîner un changement assez
rapide dans la structure émotionnelle de l’homme 31».
Car, la peste émotionnelle prend de temps à autre un
caractère pandémique et se manifeste par des flambées
gigantesques de sadisme et de criminalité et de citer :
30 ibidem, p. 5531 ibidem p. 58
55
l’inquisition, les fascismes bruns ou rouges comme lieux de
son expérience.
En temps ordinaire, il suffit, dit-il, d’en supprimer les
causes, les troubles de la vie amoureuse, pour que la
maladie disparaisse.
Sur le plan social, il ne sert à rien de mobiliser la Police, elle
ne fera qu’augmenter le mal. Mais, prévient-il, dés que l’on
touche à ses causes, on provoque des crises d’angoisse ou
de colère car elle est fortement rationalisée et entretenue
par des pulsions secondaires. Car le motif réel est toujours
caché par un motif apparent.
Reich nous propose alors une véritable sociothérapie
fondée sur la reconnaissance de cette maladie émotionnelle
à haut degré de contagiosité. Elle passe d’abord par une
identification précise du phénomène .
Le pestiféré ascétique justifie sa débilité sexuelle par des
exigences morales et l’individu pestiféré se distingue du
bien portant par le fait que ses maximes ne s’adressent pas
à lui-même mais, en premier lieu, et surtout à son
environnement.
56
Si le bien portant aime discuter de ses motifs, le pestiféré
se met en colère quand on les évoque32. Et, pour Reich, nul
individu ne peut être exempt des dispositions à la peste
émotionnelle . Il en décrit donc les domaines où elle sévit :
Le mysticisme « dans ce qu’il a de plus destructif »,
Les efforts passifs ou actifs vers l’autoritarisme,
Le moralisme,
les biopathies de l’autonomisme vitale, (nous sommes
en 33)
la politique partisane,
la maladie de la famille,
les systèmes d’éducation sadiques,
la délation et la diffamation,
la bureaucratie autoritaire,
l’idéologie belliciste et impérialiste,
le gangstérisme et les activités antisociales criminelles,
la pornographie,
l’usure,
la haine raciale.
Le parallèle est dés lors aisé entre la peste émotionnelle et
les maux sociaux contre lesquels les mouvements de
libération ont toujours lutté .
32 Ibidem, p. 434.
57
Il en cite quelques exemples sur lesquels notre 21ème siècle
débutant ne semble pas avoir de prises quand il évoque par
exemple tel individu parvenu à un haut degré de la
hiérarchie universitaire non en raison du mérite de ses
travaux scientifiques ou de ses diplômes mais du fait de ses
intrigues, de ses machinations. Nous pourrions nous même
en citer plusieurs exemples vécus dans plusieurs institutions
et non des moindres alors que d’authentiques savants sont
tenus dans la pénurie et l’indifférence généralisée. Nil novi
sub sole de ce point de vue et l’on renverrait également
volontiers par exemple du côté de cette catégorie et dans le
même temps à la lecture des événements récents le
mysticisme destructif des Fous d’Allah comme l’idéologie
belliciste et impérialiste de l’administration américaine ou
encore les activités antisociales et criminelles des réseaux
mafieux, parfois étatiques, en de nombreux points du globe.
Face aux défis jetés aux démocraties par la société en
réseaux, pour prendre un point de vue plus large, le
sociologue Manuel Castells décrit des Etats complètement
dépassés par les organisations tentaculaires de la Nouvelle
Economie . leur irresponsabilité nous prépare sans doute de
nouvelles formes de fascisme, quand la traduction des
principes sur lesquels nous fondons notre être ensemble
(démocratie, liberté, égalité fraternité, respect des droits de
l’homme et du citoyen) « et un vaste champ de ruines et
58
qu’un pourcentage de plus en plus élevé de nos concitoyens
s’attendent à ne plus les voir appliqués33 » et d’analyser,
avec force de détails et d’exemples, la mondialisation du
crime organisé : « ces vingt dernières années, les
organisations criminelles ont multiplié les opérations
transnationales en s’appuyant sur la mondialisation de
l’économie et sur les nouvelles technologies de la
communication et de l’information »34
On le voit c’est toute la société qui est manifestement
gangrenée, à l’échelle mondiale, par la peste émotionnelle.
Récemment, Cornélius Castoriadis se livrait à de
semblables analyses lorsque décrivant les sociétés de
capitalisme libéral, il montrait ce qu’elles présentent au
reste du monde : « une image repoussoir, celle de sociétés
où règne un vide total de significations. La seule valeur y est
l’argent, la notoriété médiatique ou le pouvoir, au sens le
plus vulgaire et le plus dérisoire du terme. Les
communautés y sont détruites, la solidarité est réduite à
des dispositions administratives35 ».
On le voit, du système fasciste que Reich voyait poindre à
son époque au système néo-libéral qui est le nôtre et se
généralise très rapidement, l’analyse décèle, quand elle
33 Castells Manuel, La Galaxie Internet, Paris, Fayard, 2001, p. 341.34 Castells Manuel, Fin de millénaire, Paris, Fayard, 1999, p.195.35 Castoriadis Cornélius, La montée de l’insignifiance, in Les carrefours du labyrinthe IV, Paris, Le Seuil, 1996, p. 61.
59
utilise cette catégorie de peste émotionnelle, plus une
différence de degré qu’une différence de nature.
Voici pour la description du phénomène et ses
conséquences observables.
En ce qui concerne ses manifestations, Reich se livre alors36
à une étude comparative de trois types psychosociologiques
envisagés dans les domaines de la pensée, de l’action et de
la sexualité. Il s’agit des types ou caractères « génital »,
« névrotique » et « pestiféré ». Leur comparaison permet de
mettre en évidence les processus de comportement du
« pestiféré ».
Le premier, le génital, présenté comme le plus sociable et
équilibré psychologiquement, juge en fonction de processus
mentaux guidés par la rationalité, il est accessible aux
arguments réels, connaît une harmonie profonde entre
motivation, but et action. Sa vie sexuelle est essentiellement
déterminée par les lois naturelles et fondamentales de
l’énergie biologique. Il considère le travail comme
aboutissement d’un processus créateur et ne songe pas à
interférer avec son déroulement normal. Reléguant ses
intérêts personnels au second plan dans les conflits
36 Reich Wilhelm, L’analyse caractérielle, op.cit. p. 436 sq.
60
interpersonnels, il est capable de dialogue et de remise en
question.
Le second, le névrotique, tente également d’orienter sa
pensée en fonction de données et de processus objectifs
mais comme sa pensée est également soumise aux
pressions de la stase sexuelle, elle se conforme aussi et
simultanément à la nécessité d’éviter le déplaisir en
pratiquant l’art de l’esquive. Il a généralement refoulé son
irrationalité et s’il a conscience de l’inhibition de ses
fonctions vitales, c’est sans jalouser les individus bien
portants. Il ne s’oppose pas au progrès. Il vit dans la
résignation sexuelle ou s’adonne en secret à quelque
pratique perverse, son impuissance orgastique
s’accompagnant d’une nostalgie continuelle du bonheur de
l’amour. Confronté aux problèmes sexuels, sa réaction est
plutôt dictée par l’angoisse que par la haine, sa cuirasse
visant sa propre sexualité que celle des autres. Il est plus ou
moins inhibé dans son aptitude au travail et n’y trouve
aucun plaisir, ignorant l’enthousiasme. Il est soumis d’abord
à l’opinion d’autrui.
Le troisième, le pestiféré, se distingue du névrotique par
une activité sociale plus ou moins destructive, sa pensée
étant déterminée essentiellement par des concepts
61
irrationnels. Il a toujours des conclusions toutes prêtes,
étant inaccessible à l’altération, et ne vise dans ses
jugements qu’à rationaliser des conclusions irrationnelles
préexistantes ou « préjugés ». L’immobilisme et
l’attachement à la tradition sont ses références constantes.
Intolérant, il ne supporte aucune idée capable de balayer
ses préjugés. Le vrai motif de son action n’est jamais celui
qu’il indique mais il croit sérieusement aux buts qu’il
s’assigne, agissant sous l’effet d’une compulsion
structurelle, sous la contrainte de son mal. Il déteste et
combat tout ce qui vient le contrarier. Sa sexualité est
toujours sadique et pornographique caractérisée par la
présence simultanée de lascivité sexuelle et de prétentions
morales sadiques. Il développe une haine farouche de tout
ce qui peut susciter des idées orgastiques. D’où son
intolérance à l’égard de tout ce qui est amour naturel et sa
grande capacité à mettre au point, avec satisfaction pour
lui, un système élaboré de délation et de diffamation. Il
déteste le travail et se tourne avec prédilection vers
l’idéologie mystique ou politicienne. N’achevant jamais rien,
il est incapable d’un travail organique et progressif. Victime
d’une éducation autoritaire et obsessionnelle, il s’insurge
contre elle, mais sa révolte n’a aucun objectif social
rationnel. Il méprise ses partenaires, le motif de ses
relations interpersonnelles étant le désir de les abattre en
62
utilisant de préférence la diffamation sexuelle, la calomnie
à des fins sadiques, attribuant sa propre lubricité à ses
victimes.
Pour Reich la peste émotionnelle cause de grands ravages.
Elle peut se manifester dans des entreprises pourtant
gérées par des gens honnête et sincères que des personnes
atteintes de la peste émotionnelle ont souvent réussi à
écraser. Elle est encore présente dans l’opinion publique où
leur irrationalisme trouve de larges échos. Ce qui permet de
comprendre, par exemple, que le fondamentalisme, la
dictature ou les amourettes de tel puissant de ce monde
aient des conséquences invraisemblables sur des millions
d’êtres humains. La peste émotionnelle est à la source de
l’énorme absurdité sociale qui nous gouverne, quand
l’amour, le travail, la connaissance sont ramenées à des
proportions minuscules, quand la vie publique est
« extérieurement asexuée et intérieurement
pornographique ».
La cause pour Reich en est évidente, le blocage du flux
d’énergie biologique, sexuelle chez la plupart des gens.
La lutte contre les atteintes sociales de la peste
émotionnelle passe pour Reich par :
63
la mise en œuvre de processus personnels, ainsi
l’orgonthérapie, méthode de restauration de l’orgone qui
vise à dissoudre les cuirasses caractérielles, permet à
chacun de retrouver le sens de son énergie et de la finaliser
positivement en rétablissant sa capacité à aimer ,
sociaux, l’économie sexuelle qui se doit de travailler à
divers plans :
celui de la famille autoritaire, coercitive, partie
intégrante de la société autoritaire, rempart de l’ordre social
répressif, à l’origine des sentiments de fidélité aveugle et
d’obéissance infantile. En effet, nous prévient Reich, la
fonction politique de la famille est double : elle se reproduit
elle-même en mutilant sexuellement les individus et, dans le
même temps, elle rend l’individu apeuré par la vie et craintif
devant l’autorité37.
celui de la culture, et Reich de fixer à celle-ci un
objectif, préparer une révolution culturelle fondée sur
l’autonomie des individus. Elle commence bien évidemment
pour lui par la libération sexuelle des jeunes, ca le
refoulement sexuel social est un facteur réactionnaire
extrêmement efficace qui soutient les institutions
réactionnaires grâce à l’angoisse sexuelle et au sentiment
de culpabilité sexuelle ancré profondément dans les masses
exploitées. Ce sentiment paralyse toute puissance
intellectuelle et critique, « ancrage idéologique du système 37 Reich Wilhelm, La révolution sexuelle, op. cit. p. 125.
64
dominant autoritaire dans les structures caractérielles des
individus nivelés dans la masse 38».
On aura compris que, pour Reich, le refoulement sexuel
consolide toute forme de domination autoritaire. Cependant,
il observe qu’il prépare aussi les caractéristiques de la
rebellion tandis que les puissances autoritaires renforcent
pendant les périodes de crise leur pression sur les masses et
leur sexualité. Etde citer, au même niveau, l’action brutale
de l’Etat tchécoslovaque en Mai 1931 contre les associations
d’éclaireurs auxquels on avait interdit de s’installer sous les
mêmes tentes sans certificat de mariage et l’encyclique du
pape sur le mariage chrétien en 1930. La répression
sexuelle sociale sape ses propres fondements et Reich de
citer comme expression directe de la crise sexuelle la
délinquance de la jeunesse. Il prédit alors pour le vingtième
siècle une phase importante de bouleversements sociaux
liés au désir des peuples à faire valoir leur droit à une vie
heureuse. La révolution sexuelle progresse estime-t-il,
aucune puissance du monde n’arrêtera sa course39.
Là encore, Reich qui analyse les situations sociales avec
les données de son époque, était loin d’imaginer, une guerre
mondiale plus tard, le mouvement social de libération de la
jeunesse, né sur les campus américains dans les années
38 Reich Wilhelm, L’irruption de la morale sexuelle, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1972, p. 19239 ibidem, p. 194
65
soixante et dont le sommet paroxystique furent, en France,
les événements de Mai 1968. Libération certaine mais dirons
nous de courte durée à l’échelle sociale.
La répression a pris aujourd’hui d’autres formes, plus
larvées, moins frontales amis tout aussi efficaces en noyant
les systèmes de répression dans le flot d’images saturantes
de la Société du Spectacle et dans la montée de
l’insignifiance sur fond de juridicisation de la société.
On sourit encore, de ce côté-ci de l’Atlantique, en
entendant les récits d’universitaires américains désormais
incapables de recevoir leurs propres étudiants de l’autre
sexe sans témoin de moralité, ou les hallucinants
engagements écrits, signés chaque week end par les jeunes
américains et touchant à la prédiction détaillée de leur
comportement sexuel lorsqu’ils veulent « sortir » avec leur
petite amie pour une soirée. Là encore les analyses de Reich
touchant à la peste émotionnelle sont toujours d’actualité
quand «des individus sont capables de vêtir l’humanité
toute entière d’une camisole du même modèle que la leur,
parce qu’ils sont incapables de tolérer la sexualité naturelle
chez les autres 40».
Certes, cette répression est aujourd’hui, au moins
extérieurement, moins étatique, moins le fait visible des 40 Reich Wilhelm, La révolution sexuelle, op. cit. p. 71
66
appareils centraux des pouvoirs institués, elle n’en
emprunte pas moins des voies tout aussi efficaces :
publicité, insignifiance administrée à hautes doses des
shows audio visuels, « machinerie sportive 41».
Le professeur Jean Marie Brohm dénonce avec raison, tout
au long de son œuvre, l’abrutissement médiatique du
spectacle sportif quand « la paix des stades succède, écrit-il,
à la paix des cimetières et que les clameurs vociférantes des
supporters couvrent fréquemment les cris des
suppliciés » … quand « la fête populaire est celle des
meutes sportives déchaînées dans l’extase chauvine, la
xénophobie, la haine de l’adversaire 42».
Ses positions s’inscrivent, on le voit , dans le droit fil de la
pensée reichienne et la peste émotionnelle sévit toujours au
cœur du social.
« Le sport, conclut-il est, en définitive, un opium du peuple,
un univers d’évasion onirique, un instrument de diversion
sociale, un exutoire politique qui renforce l’aliénation
culturelle et idéologique de la population. Il combine à la fois
la dépendance libidinale, la toxicomanie somatique et
l’addiction mentale qui ont partout et toujours le même
résultat réactionnaire : la chloroformisation des esprits, la
41 Brohm Jean-Marie, La machinerie sportive, Paris, Anthropos / Economica, 2002, et Les meutes sportives, critique de la domination, Paris, L’Harmattan, 1993.42 Brohm Jean-Marie, La machinerie sportive op.cit. p. 75.
67
narcotisation de la conscience critique, la dépendance à
l’égard de systèmes d’oppression43. »
La peste émotionnelle, nous la vivons dans nos sociétés
occidentales américanisées, telle qu’elle se donne encore
mieux à voir depuis les événements du 11 Septembre 2001
(mais ceux-ci ne sont qu’un révélateur, les forces agissantes
sont à l’œuvre depuis des lustres), soit: « des forces
pulsionnelles , psychiques, indépendantes de la volonté
humaine consciente et qui s’enracinent en dernière analyse
dans des sources biologiques d’énergie encore inconnues et
déterminant nos pensées et nos êtres ».
Et Reich rapprochait cet imaginaire radical de l’autre, le
social, : « conditions socio-économiques ou forces
productives marxiennes agissant au dehors de l’appareil bio-
psychique de l’homme , voire à mi-chemin et de citer en
exemple : le développement technique, les conditions de
travail, les conditions familiales, les idéologies, les
organisations, alors que les forces pulsionnelles psychiques
de Freud agissent au dehors des profondeurs de l’appareil
bio-psychique. Et Reich terminait ce parallèle en affirmant :
Elles échappent autant à la volonté consciente de l’homme
que les fores productives socio-économiques de Karl Marx44.
43 Ibidem, p. 45.44 Reich W. La psychologie… op. cit. p. 78
68
Cornélius Castoriadis repérant les structures de l’imaginaire
social distingue de même :
l’imaginaire radical, « origine des investissements
privilégiés et spécifiques du sujet , surgissant sur le plan
individuel comme phantasme fondamental, ce qui émerge
comme altérité et comme origine perpétuelle d'altérité ou ce
qui dans la psyché-soma est position, création, faire être ,
pour la psyché-soma »45.
L’imaginaire social, « ce qui, dans le social-historique, est
position, création, faire être ou société instituante , lequel
est dans et par la position-création de significations
imaginaires sociales et de l’institution comme
présentification de ces significations et de ces significations
comme instituées ».
Et d’insister, en dépassant le parallélisme porté par Reich
sur l’étayage mental des deux imaginaires, « l’imaginaire
social se trouve dans une relation de réception/altération
avec ce qui avait déjà être représenté par et pour la
psyché ».
Il y a donc, présente chez Reich, sans doute, du fait de sa
transdisciplinarité de fait (même s’il valorise plutôt le pôle
pulsionnel inconscient comme médecin psychiatre et
psychanalyste et ceci, bien qu’engagé dans le mouvement
social de son temps) , l’intuition du rôle moteur de
l’imaginaire lequel, pour reprendre l’expression de Gilbert 45 Castoriadis C. l’institution imaginaire de la société, Paris, le Seuil, 1975.. op. cit . p. 493
69
Durand46, n’est pas une discipline mais un travail comparatif
entre les disciplines et nous fait voir l’invisible à l’œuvre
dans les processus sociaux (ce sont les force inconscientes
bio-psychologiques et socio-économiques de Reich).
On doit également rappeler , pour citer encore Gilbert
Durand, l’attention qu’il porte au grand sémantisme de
l’Imaginal , matière originelle à parti de laquelle toute
pensée rationalisée et son cortège sémiologique se
déploient .
Il en tire , on le sait, la notion de trajet anthropologique :
synthèse instable entre les pulsions d’une libido en évolution
et les pressions refoulantes du microgroupe fondamental
étendue ensuite à la genèse réciproque du geste et de
l’environnement47.
Car « le symbole est toujours le produit des impératifs bio-
psychiques par les intimations du milieu » et « la pulsion
individuelle a toujours un lit social dans lequel elle se coule
facilement – et c’est bien en cette rencontre que se forment
les complexes de culture » 48.Ainsi le trajet anthropologique
peut indistinctement partir de la culture ou du naturel
psychologique, l’essentiel de la représentation et du
symbole étant contenus entre ces deux bornes réversibles.
En résumé, on peut de ce fait, établir un tableau des
théories de l’imaginaire qui éclaire les conditions de
46 Durand Gilbert, Champs de l’Imaginaire, Grenoble, Ellul, p.21547 ibidem. p 3148 Durand Les structures anthropologiques de l’Imaginaire, Paris, Dunod, 1979 p. 27 et 40
70
production de processus sociaux tel celui de la peste
émotionnelle décrite par WR. Et l’on voit bien que, dans
chaque cas, quel que soit l’endroit où l’accent sera mis, les
formations symboliques vécues se rencontrent toujours dans
les trajet individu / milieu social.
Auteurs niveau
x
Lois
invoquées
conditio
ns
REICH Peste
émotion
nelle
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psychiq
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culture
Intimatio
ns du
milieu
libido Trajet
anthropologiqu
e
Complex
es de
culture
Reich tentera de résoudre le conflit entre les deux
systèmes conceptuels dont il se réclame, et ce travail sur
une ligne de fracture le conduira à la découverte d’un
troisième facteur, qualifié d’ »à la fois identique et différent,
mais plus profond , nouvelle discipline fondée d’abord sur
les découvertes e la sociologie et de la psychologie des
profondeurs dont l’incompatibilité conduisit à la découverte
du troisième concept qui leur est commun 49».
Dans cette obsession de faire coïncider les opposés, de
coaguler le sens, paradoxalement, nous retrouvons les
fondements de la pensée hermétique, moins dialectique que
dialogique, ce qui aurait surpris Reich le premier, lequel se
trouvait pris dans une réflexion très positiviste.
Ceci l’amènera à critiquer et la position freudienne et la
position marxiste, son analyse de l’imaginaire social de la
49 La psychologie…op cit. p. 82
72
dernière période des années 30 l’amenant à constater le
défaut des cadres conceptuels et pratiques en cours pour
concevoir le réel et agir sur lui.
Un fait social dont il est l’observateur silencieux
déclenchera sa posture sociologique.
Le 30 Janvier 1927, à Schottendorf, petite ville de province
autrichienne, dont la mairie est aux 2/3 aux mains des
sociaux démocrates, la foule qui manifeste sur une question
sociale est prise à partie par des vétérans de l’armée fidèles
au Kaiser. Ces derniers tirent sur la population faisant
plusieurs morts. La foule pourtant ne réagit pas, la mairie
non plus, et l’affaire se termine le 24 juillet 1927 devant les
tribunaux par acquittement des meurtriers. Les juges n’ont
pas eu la moindre hésitation.
Une grève de protestation éclate le lendemain ,durement
réprimée par les sociaux démocrates, la police tire sur les
manifestants tandis que les organisateurs eux-mêmes et le
PC lui-même manifestent une grande passivité.
Reich y lit une première contradiction entre une approche
positive, la sienne, qui le conduit à cette conviction que les
institutions sociales devraient répondre aux besoins de la
population alors que les idéologues du PC ont conservé un
point de vue machiniste sur la question. Pour eux, toutes les
actions et pensées étant orientées en fonction des forces
productives (point de vue industrialo mécaniste).
73
La contradiction est flagrante pour WR entre les besoins du
peuple et une société fondée sur des machines et de se
demander : si le pouvoir en Russie et la quasi pauvreté en
Angleterre socialiste traduisaient clairement le mépris
complet des besoins humains dans l’organisation de la
société, pourquoi la masse du peuple maltraité est-elle aussi
impuissante ? pourquoi les fils réactionnaires d’ouvriers et
de paysans engagés dans la police tirent-ils sur des
ouvriers et des paysans ?
L’irrationalisme de la politique lui apparaît clairement car il
n’y avait aucun rapport entre ce que le socialistes
promettaient (paix, liberté, fraternité) et la structure
caractérielle des gens, profondément enracinée ou se
reproduisant quotidiennement dans leurs propres misères et
dont ils ignorent tout en en voulant rien en savoir.
Pendant 7 ans, (1927-1934), Reich va lutter au sein des
organisations populaires pour évaluer le rôle des masses
dans le processus social et constater que tous les partis
argumentent contre l’aspiration du peuple à la liberté,
socialistes et communistes compris et d’autant plus coupés
des masses qu’ils prétendaient les servir. Nous pourrions
rapprocher cela très exactement de la situation produite au
lendemain de 6 ans de pouvoir de la gauche plurielle en
France et qui ont conduit, le 21 avril 2002, un candidat
d’extrême droite à rester seul en liste au second tour de
74
l’élection présidentielle face au candidat de la droite
classique. Le pouvoir mitterandien avec son cortège de
prébendés, d’alliances contre nature , de mépris de la
populace ayant produit les effets constatés par Reich en
Autriche et en Allemagne 50 ans plus tôt. Heureusement
l’épilogue, du fait d’un sursaut populaire, n’a pas été
équivalent mais la coupure sociologique entre le peuple et
ses représentants, si elle persistait, conduirait
inévitablement à des scénarios plus graves dans une nation
qui se targue par ailleurs d’être celle des droits de l’homme.
Là encore, les intentions affichées ne sont plus accordées au
sentiment républicain qui réclame plus d’égalité, de liberté,
de fraternité. La structure caractérielle qui fournit sa base à
la peste émotionnelle est bien présente dans une population
que l’on croit chloroformer à coups de jeux télévisés,
football connections et de « reality shows ».
En Allemagne, en 1933, une situation semblable produisit
la victoire du fascisme. Reich faisait remarquer que, cette
année là, 35 000 000 d’allemands souhaitaient le
socialisme mais que ce fut Hitler qui fut porté au pouvoir. Et
de commenter : le mouvement ouvrier n’avait pas compris
le problème du rôle des êtres humains dans le processus de
développement technique d’une société. Technologie des
multimedias en plus, la question reste pendante.
75
« Je fus envahi, écrit Reich, par le sentiment de l’absurdité
de la politique. Je n’avais constaté aucun rapport entre la
politique et la vie réelle des êtres humains ».
De là naît la réflexion sociologique de Reich, Les hommes
ont entre eux des relations et des conditions inconscientes
qui maintenant les régissent comme machines, ce qui
produit l’absurdité de l’usage qu’en fait parfois le peuple.
L’Etat légal bien ordonné est un rêve, et non une réalité…
Etant donné que les gens n’ont qu’une connaissance
partielle de leurs relations mutuelles, ils sont incapables de
les gouverner ou de les changer, tant l’illusion du libre
arbitre est grande.
Il en va de même pour la religion, les chrétiens prêchent la
paix, la fraternité, la compassion, l’entraide. dans la
pratique, ils ont jeté aux orties le caractère révolutionnaire
du message chrétien primitif, ruinant systématiquement en
l’homme la capacité à s’emparer de l’objectif de la liberté .
Le catholicisme produit l’impuissance structurelle des
masses humaines qui, dans leur détresse, s’adressent plutôt
à Dieu qu’à leurs énergies propres car il rend les structures
humaines incapables jouissance en tuant en elles le goût du
plaisir.
La peste émotionnelle manifestée dans le nazisme, ne fait
que prolonger en sadisme la crainte et la culpabilité
inculquées en transformant le caractère masochiste de
76
l’ancienne religion de souffrance en religion sadique. Forme
exacerbée de mysticisme religieux, il soutient cette forme
particulière de religiosité qui a son origine dans la
perversion sexuelle50.
Lutter contre la peste émotionnelle de manière efficace,
c’est restaurer la couche psychique profonde de l’homme
car dans les profondeurs vivent et travaillent la sexualité
naturelle, la joie spontanée du travail, la capacité d’amour.
Cette couche est le noyau biologique de la structure
humaine, elle est inconsciente et redoutée car en désaccord
avec l’éducation autoritaire .
Sa reconnaissance et son actualisation sont pourtant pour
Reich, la seule manière de dominer la misère sociale.
Lutter contre la misère sexuelle, supprimer les inhibitions,
produire pour chacun une autorégulation conforme aux
exigences de l’économie sexuelle, c’est permettre la
restauration positive de la responsabilité de chacun face à la
vie.
Reich voit dans la suppression des maladies psychiques et
de la sexualité asociale le facteur qui favorisera la déprise
de la peste émotionnelle et la libération de l’énergie vitale
emprisonnée.
50 psycho p. 12
77
La révolution sexuelle.
Les thèses de l’économie sexuelle de Reich sont
fondées sur l’observation clinique de ses patients au
cours d’un traitement d’analyse caractérielle.
Ce traitement est ainsi défini par WR : il s’agit de mettre
au jour, dans la cure, « la somme intégrale des attitudes
caractérielles et musculaires (spasmes musculaires
chroniques) typiques qu’un individu construit afin de bloquer
ses excitations émotives et ses sensations organiques. C’est
la manière typique d’agir et de réagir d’un individu. Rev sex
p 11
Ces attitudes sont liées à la fois à la compréhension morale
-dont pour WR le message coercitif est une des
manifestations sociale- ou répression ou refoulement .
Il s’agit donc par l’analyse de parvenir à une autonomie
caractérielle de l’homme, seule propre à favoriser sa
libération. La révolution sexuelle s’inscrit dans ce procès.
Elle est, pour WR, la capacité de dépasser les forces
irrationnelles (peste émotionnelle) qui, autrement lui dictent
sa conduite.
78
Dans La Révolution sexuelle, ouvrage écrit en 1945, Reich
va combattre avec détermination la notion de « moralité
sexuelle » qui trente ans auparavant lui semblait un guide
sûr pour la vie humaine.
Nous sommes, écrit-il, alors que la société humaine dans la
première moitié du 20ème siècle, a souffert plus de malheurs
que durant plusieurs siècles précédents, en train de vivre
une réévaluation de tout ce qui concerne la sexualité des
êtres humains.
Ses consultations d’hygiène sexuelle l’amènent à prendre
position pour un développement naturel et sain de la
sexualité des jeunes (la lutte sexuelle des jeunes) contre
leurs ennemis jurés qu’il désigne :
calotins de tous bords,
socialistes,
communistes,
docteurs, psychanalystes .
Et de militer pour les droits des enfants et des adolescents
à l’amour naturel, par l’autonomie dans l’éducation des
enfants, tâche qu’il a entreprise dés les années 20 en
entreprenant les premières consultations d’hygiène
sexuelle, de planning familial, de prévention des MST.
79
Ceci le conduit à abandonner son cabinet florissant de
psychanalyste à Vienne pour se transporter à Berlin en
1930.
Le mouvement pour l’hygiène mentale devait en naître très
largement développé en Allemagne.
Pour Reich, il s’agit d’un combat pour la liberté à une
époque où l’adolescent n’avait que trois possibilités :
La continence,
La masturbation avec ou sans relations homosexuelles,
Les rapports sexuels alors réprimés par les conditions
socio-économiques.
1. A cette époque, la société autoritaire attachait un grand
intérêt à la répression de la sexualité juvénile car, pour WR,
la pérennité du mariage et de la famille autoritaire
exigeaient cette répression pensant que la société serait
menacée si la jeunesse libérait sa sexualité et d’invoquer
les relations de la continence avec les troubles sexuels.
2. La masturbation provoque également des questions
chez Reich du fait des sentiments de culpabilité auxquelles
elle est liée, comme à l’absence de partenaire sexuel. Si elle
peut aider des individus à traverser les orages de la puberté,
ses constations cliniques l’amènent à poser des diagnostics
de troubles neurasthéniques liés notamment à la rétention
de l’éjaculation, à l’insatisfaction qui s’ensuit ; elle entraîne
80
de plus l’activité imaginative dans des voies névrotiques et
infantiles, affaiblissant le contact avec la réalité (rev sex p.
&- sq)
3. Pour parvenir à des rapports sexuels, le jeune entrant
dans la phase de maturité sexuelle doit surmonter une foule
d’inhibitions intérieures du fait des tabous qui pèsent sur la
sexualité juvénile. Souvent l’éducation sexuelle centrée
uniquement sur le biologique ne fait qu’ajouter à la
confusion.
Et Reich à son époque de désigner les contradictions qui
pesaient sur l’épanouissement sexuel de la jeunesse, par
voie de conséquence des adultes et conduisaient à des
inhibitions majeures, bloquant les individus.
Pour lui, les inhibitions marquant le vie sexuelle de la
jeunesse ne sont qu’un des aspects de l’ordre social
autoritaire s’opposant à toute solution collective.
« Une économie sexuelle ordonnée , écrit-il, n’est possible
que par la réalisation du type de satisfaction sexuelle qui
convient à chaque âge. Aussi un adulte ne pourra
abandonner les désirs infantiles et pathogènes que s’il
expérimente la satisfaction génitale complète ».
Si une femme est insatisfaite dans son mariage, elle
réactive inconsciemment des besoins sexuels infantiles et
ne pourra y renoncer que lorsque sa sexualité aura trouvé
une issue satisfaisante.
81
De fait, pour Reich comme pour Freud, l’inconscient des
névrosés est plein d’impulsions infantiles, cruelles, et
asociales.
Ces impulsions antisociales qui résultent de la répression
de la sexualité doivent être refoulées parce que la société
en interdit l’exercice.
Il fonde ainsi sa sociologie de l’inconscient et de la
sexualité asociale sur l’étude du refoulement et des causes
de celui-ci. Et de dénoncer ainsi la proscription :
des relations sexuelles des jeunes avant le mariage,
des relations sexuelles extra-conjugales,
les relations sexuelles subies même dans la mariage
dont la libération, pour lui, ferait baisser le taux de crimes
passionnels. Il distingue à ce sujet deux sortes de moralité :
celle que tout le monde admet (ex ne pas tuer),
celle que nous refusons, car pathologique, qui « crée le
chaos qu’elle prétend contrôler ».
La Réforme sexuelle51 visera donc à l’élimination des
conditions de vie sexuelle qui, en dernière analyse,
s’enracinent dans des conditions socio-économiques et
s’expriment en maladies psychiques.
Dans la société autoritaire, le conflit est grand entre la
moralité imposée à l’ensemble de la société par une
minorité, dans l’intérêt de son maintien au pouvoir.
51 Ibidem p. 72
82
Après l’étude, notamment grâce aux travaux de Bronislaw
Malinowski sur le passage du matriarcat au patriarcat dans
les sociétés traditionnelles, sociétés où sont constatées par
les ethnologues simplicité de la sexualité et essor d’une
morale naturelle, l’avènement du patriarcat marquant
l’instauration de l’abstinence et de la monogamie, la théorie
de l’économie sexuelle de Reich établit une relation forte
entre psychisme humain et facteurs socio-économiques :
La société forme, modifie et réprime les besoins
humains. Au cours de ce processus, une structure
psychologique se constitue, dans la combat entretenu entre
besoins et société. Il n’ay a donc pas de structure
congénitale des pulsions, elle est acquise au cours des trois
premières années de la vie.
La société autoritaire crée la structure servile, faite
d’obéissance et de révolte simultanées, selon le schéma
suivant :
83
Besoins biologiques Nécessité d’une organisation sociale
Altération des besoins
Modes de production
L’ordre économique modifie la structure humaine et
favorise les répressions de la vie naturelle, de la sexualité
en contribuant à créer une terrain psychologique collectif
marqué de la peur de l’autorité, de servilité, d’humilité
assortie de brutalité sadique.
« La politique est sans fondement. Anti-scientifique,
irrationnelle, elle exprime la structure biopathique de
l’Homme et de ses pensées »52. Car l’écrasante majorité des
peuples se cantonne dans l’attente de combattre pour la
liberté du côté de ses ennemis. Reich n’en veut pour preuve
que la psychologie de masse du fascisme se serte des forces
pulsionnelles inconscientes entées sur la crise sexuelle des
individus ne pouvant assumer leur conflit entre les besoins
naturels et la répression sociale.
52 Les hommes dans l’Etat, p. 85
84
Nouveaux types de besoinsNouveau développement de la production
et des relations sociales
Conceptions de la vie
IDEOLOGIE SOCIALE
« Celui qui est sexuellement satisfait n’a pas d’impulsion à
violer et n’a pas besoin d’une moralité contrariant son
impulsion 53».
On aura compris que la répression sexuelle des jeunes, la
moralité autoritaire non fondée naturellement, l’absence de
puissance amoureuse, orgastique, justifient et conduisent
l’homme à des blocages de l’énergie individuelle et sociale.
C’est le fondement même de la force du fascisme, quand la
sexualité est brandie comme spectre terrifiant du chaos
social, quand Hitler :
remplace la liberté individuelle par l’illusion de la
liberté,
compense la misère sexuelle de la masse par l’apologie
de la race, et Reich de souligner que rassig signifie racé
mais encore fort, puissant, unique,
utilise la crainte hypocondriaque de la syphilis par la
promesse de défendre la pureté du sang, l’inconscient
assimilant basses classes sociales et crimes sexuels,
brandit l’image du juif qui circoncit ses enfants pour
étayer chez chacun l’angoisse de castration, et organise le
transfert de la haine sur lui,
tend à reproduite l’Etat patriarcal dans la famille,
l’idéologie familialiste en fournissant la courroie de
transmission.
53 La rév p. 33
85
De ces constats inquiétants et pessimistes naîtra chez
Reich la détermination de procéder à un déblocage de
l’énergie liée par la société autoritaire. La Révolution
sexuelle se traduit :
Sur le plan personnel, par la mise en place de processus
thérapeutiques (la végétothérapie), qui, travaillant sur les
cuirasses musculaires que l’individu s’est forgées, tend à le
libérer en lui permettant de retrouver son énergie vitale,
Sur le plan social, la découverte de l’énergie doit, si elle
est déliée contribuer à sauvegarder le potentiel de
l’humanité. Car, la race humaine est malade collectivement,
très malade et la Religion chrétienne exprime une
explication de cette maladie dans le concept de faute
originelle.
Si nous regardons le monde autour de nous, nous pouvons
voir qu’il pourrait facilement être un monde d’abondance.
les ressources et les techniques sont suffisantes pour
satisfaire chacun des besoins humains, pour que chaque
individu atteigne une vie utile, heureuse et productive.
Pourtant le monde est dominé par les guerres, des politiques
irrationnelles prônant la force des fascismes, intégrismes,
totalitarismes de toutes sortes.
Pourtant la cuirasse et la maladie mentale sont présentes,
ainsi un américain sur dix a affaire à une institution
86
psychiatrique et pourtant les américains ne représentent
guère la population qui en aurait le plus besoin. L’homme
est malade, collectivement et sa maladie est enracinée dans
sa structure devenue rigide. Cette rigidité peut être
constatée par une tension musculaire chronique, la cuirasse
caractérielle qui concerne beaucoup de gens sur tous les
continents.
L’effet de cette cuirasse est de bloquer ou de restreindre le
flux d’énergie orgonale dans le corps et de limiter l’émotion
et son expression. La cuirasse caractérielle limite la capacité
d’expérience , l’expression des sentiments profanes.
Elle détruit la capacité d’accéder à une sexualité naturelle,
à l’émotion et au plaisir profond. Elle façonne le caractère et
la mentalité, affectant les pensées des gens, y compris les
découvreurs scientifiques qui n’osent plus inventer. Elle est
la cause de la psychose, du crime, du fascisme et de
diverses forces irrationnelles. Elle est à la racine de la
contradiction entre mécanisme et mysticisme.
En effet, notre civilisation est enracinée dans la mystique
religieuse et dans la science mécanique. Toutes deux
comprennent les forces intellectuelles dans lesquelles
s’établit le monde où nous vivons.
Reich disait que l’humanité est gouvernée par un mélange
contradictoire de machines et de dieux :
87
Les forces de la religion, il écrit : « où l’adolescent
puisera-t-il la force de mater sa sensualité génitale ? Dans la
foi en Jésus ! En fait, le jeune homme trouve dans cette foi
un puissant moyen de combat contre sa sexualité. Par
l’action de quels mécanismes ? L’expérience mystique
transporte l’homme dans un état d’excitation végétative qui
n’aboutit jamais à la satisfaction orgastique naturelle. Ainsi
le jeune homme développe une tendance passive
homosexuelle… ainsi on prépare le jeune homme à la
servilité, au renoncement à tout sens critique, à la croyance
en l’autorité, à l’acceptation docile de l’institution patriarcale
du mariage imposé. Le mysticisme religieux oppose donc
une force pulsionnelle à une autre. Il se sert, pour aboutir à
ses fins, de mécanismes sexuels54. »
Il se proposera donc d’étudier, pour les mettre à distance et
changer les structures humaines, les problèmes suivant en
rapport avec le fait religieux :
La représentation de Dieu, l’idéologie du péché et de la
punition,
Le moment ou s’opère l’ancrage des représentations de
Dieu chez les hommes,
La nature de l’énergie grâce à laquelle ce processus
prend place55,
54 Reich W. La psychologie de masse … op.cit. p. 15355 ibidem
88
Les forces mécanistes de la science, dont Reich a bien vu ce
qu’elle cache sous le principe d’objectivité, nous coupent de
tout contact avec notre nature profonde, nous réduisant
dans notre autorisation à penser. Nous développons de ce
fait des concepts mécanistes de la nature et devenons
déterministes, attachés au principe de causalité.
De ce fait, nous rejetons compulsivement la liberté de
penser et avons peur de la liberté, de la spontanéité, de
l’imprévisible, de l’émotionnel.
La science mécaniste réagit ainsi contre l’énergie orgonale
et ses fonctions car elle correspond à la partie de la nature
que nous avons cuirassée. Elle nous conduit à une vision
mécanique de la création et de la vie.
La mystique, par contraste, n’est pas complètement
coupée de la nature, elle participe de l’énergie orgonale
mais en dévie toit contact avec elle à cause de la cuirasse
caractérielle, de notre armure.
Le mystique est capable de pensées fulgurantes car il est
en contact partiel avec sa nature profonde :cependant, son
contact avec son propre corps est tordu, parfois
profondément. Le mystique tend à l’amour universel à
partir du mental et devient souvent un ascète, anti sexuel .
C’est peut-être là que , pour Reich, réside la plus grande des
tragédies car elle contribue à reproduire la cuirasse des
jeunes.
89
Ainsi le mystique croit que la perception du corps et de
l’esprit doivent être clivées et que l’esprit peut exister dans
la nature en l’absence de son corps.
A la longue, le mystique tend à développer aussi une vision
magique de la causalité mettant en cause un esprit ou un
dieu hors de tout contact.
90
De l’orgone au cosmos.
diagramme d’un pulsar (étoile à neutrons) montrant son axe de
rotation, son axe magnétique, et son champ magnétique. (source
NASA).
91
« La grande ambition de l’esprit a toujours été d’opérer des
mutations brusques dans ses modes de pensée… Les
problèmes posés par la physique contemporaine depuis les
premiers mémoires d’Enstein et la découverte de Planck
jusqu’à la notion de complémentarité de Bohr sont tous
d’ordre épistémologique et réductibles au dilemme suivant :
qui doit l’emporter, de la systématisation ou des formes
d’intuition sensibles et intelligibles ? »
Caillois Roger. Approches de l’Imaginaire, Paris Gallimard,
1974, p. 32.
92
La fonction d’orgone chez Wilhelm Reich,
entre psychologie et sociologie.
« Quelle est la chose la plus difficile? », demandait Goethe,
ce à quoi il répondait: « celle qui te semble la plus facile: de
voir de tes yeux ce qui se trouve devant tes yeux ». C’est en
se référant expréssement à ce texte que Wilhelm Reich
décrit, en 1949, dans « L’Ether, Dieu et le Diable », sa
propre découverte de ce qu’il nommait la « fonction
naturelle fondamentale ou énergie orgiastique » et il
poursuivait : « je me rendis compte que j’avais transcendé
le code mental de la structure caractérielle de l’homme telle
qu’elle existe de nos jours et dépassé la civilisation de ces
cinq derniers millénaires ... sans le vouloir, poursuivait-il, je
me trouvais hors de ces limites. Je risquais donc de ne plus
être compris. »
Dans un autre ouvrage, « Superposition cosmique », paru
en 1951, il rappellait que « le besoin impérieux de la
recherche et de la croyance religieuse se touchent quelque
part dans l’immensité de l’espace ». Mais, disait-il, « le
raisonnement comme la foi déforment la clarté de
l’expérience dès qu’ils l’introduisent sur la scène humaine ».
93
Reich voyait notre monde profane accablé par le
développement de biopathies (maladies de la vie) liées à la
civilisation mécaniste. Il en rendait responsable notre
incapacité à relier le biologique et le social, le culturel et le
physique, le politique, dans des sociétés travaillant,
produisant, jouissant sous la fascination suprème de la
maladie et de la mort, en somme des ténèbres ambiantes.
Thématique reprise plus tard par Herbert Marcuse dans
« Eros et Civilisation » : « la conscience, l’agence morale la
plus chère à l’individu civilisé apparaît comme pénétrée par
l’instinct de mort », écrivait-il en 1955.
Si, Wilhelm Reich s’est intéressé à la question de
l’inconscient des individus, (chose courante chez la plupart
des psychanalystes !), il est aussi l’un des premiers d’entre
eux à avoir tenté une synthèse compréhensive entre
psychisme humain et facteurs socio-économiques ; entre
besoins biologiques et modes de production. Nous dirions
aujourd’hui, à la lumière des travaux de Gilbert Durand, que
Reich avait déterminé une approche de ce que ce dernier
nomme le trajet anthropologique : « produit des pulsions
subjectives par les intimations du milieu 56».
Ainsi la psychologie de Reich est inséparable de sa
sociologie, car écrit-il : « les hommes ont créé entre eux des 56 Durand Gilbert, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod 1979.
94
relations et des conditions inconscientes qui maintenant les
régissent 57». La notion d’imaginaire dans sa double
dimension du « radical » et du « social »58, est là présente en
filigrane d’une pensée qui paradoxalement semble se porter
à la recherche de causes rationnelles et de déterminismes
physiques alors que lui-même écrit que le pensées et les
actions de l’homme ne sont pas toujours déterminées de
façon rationnelle et de décrire les concepts clefs des deux
écoles scientifiques, la marxiste et la freudienne, qui à son
époque tentent d’en rendre compte. Le marxisme décrivait
les processus économiques responsables des relations entre
les personnes, et la psychanalyse les forces inconscientes
qui régissent leurs actions. Et Reich de préciser :
« cependant, les deux écoles avaient un terrain de
rencontre :toutes deux recherchaient et décrivaient le
processus objectif qui, à l’insu de la conscience 59 , est à
l’œuvre derrière les phénomènes superficiels de l’idéologie,
des jugements de valeur, des éthiques et des exigences
sociales…Toutes deux nous débarrassaient du
psychologisme et du moralisme d’une économie ainsi que
d’une psychologie qui s’attachaient à des phénomènes de
surface60 ».
Ce principe premier et vital, Reich pensait l’avoir identifié.
57 Reich W. Les hommes dans l’Etat, Paris, Payot, 1978, p. 75.58 Cf la distinction établie par Castoriadis in L’institution imaginaire de la société, Paris, Le Seul, 1975.59 C’est nous qui soulignons.60 Reich W. Les hommes…op.cit. p. 78.
95
L’énergie d’orgone.
Partant de la réflexion que la nature irrationnelle de la
politique, laquelle est sans fondement, anti scientifique,
exprimant la structure biopathique de l’homme et de ses
pensées, il en déduit le concept qu’il va élaborer et n’aura
de cesse de mettre à l’épreuvedes faits, parfois en se
lançant dans des aventures qui lui vaudront bien des
déboires, de l’énergie d’orgone, ou orgone, qu’il
rapproche d’emblée d’autres découvertes contemporaines :
Le magnétisme animal de Mesmer,
L’Elan Vital de Bergson,
L’Entéléchie de Hans Dresch, (déjà présente chez
Rabelais),
Le magnétisme vital de Charles Littelfields,
L’énergie cosmo électrique de Georges Starr White,
pour n’en citer que quelques uns…
Rappelant que, même chez Marx, c’est l’homme, avec son
organisation biologique qui est la condition préalable de
toute histoire, il nomme énergie d’orgone le « substrat
96
naturel qui a servi a à créer les formes naturelles », pour lui,
«origine de la vie, forme créatrice de la Nature ».
Prenant appui sur le concept psychanalytique de libido, en
réunissant à la fois son expression physique et ses contenus
psychologiques, entre émotion et attitudes corporelles, il
tente, ainsi écrit-il, de résoudre le problème de l’âme et du
corps.
Ses observations cliniques l’ont en effet amené à constater
la rigidité de la plupart des musculatures de ses
contemporains , laquelle bloque leur mouvement
énergétique et leurs expressions, et d’en déduire le
caractère pathologique de la nature humaine, lorsque
l’homme vit « séparé de ses émotions », fondant la théorie
de l’orgone sur la psychologie des profondeurs et en
déduisant des effets sociaux et politiques. De ce point de
vue, il reste encore proche d’un Freud écrivant que « la
modification répressive des instincts par le principe de
réalité est imposée et renforcée par la lutte primordiale
éternelle pour l’existence …persistant jusqu’à
aujourd’hui.61 » .
Reich écrit : « la structure caractérielle de l’homme
d’aujourd’hui (qui perpétue une civlisation patriarcale et
autoritaire vieille de quelque quatre à six millénaires) est
61 Freud S. Introduction à la psychanalyse , Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1962, p. 291.
97
marquée par une cuirase contre la nature en lui-même et
contre la misère sociale extérieure à lui-même.62 »
C’est à cette époque que Reich produit deux de ses
principaux ouvrages :
1927 :« La fonction de l’orgasme », devenu un
classique de la psychanalyse
1933 : « La psychologie de masse du fascisme »,
pour lui, jalons primordiaux dans ses découvertes .
Par la suite, il généralisera ses découvertes à la maladie et
à l’ensemble de l’univers dans les ouvrages :
1948 : « La biopathiedu cancer »,
1949 : « L’éther, Dieu et le diable »,
1951 : « Superposition cosmique » ,
Passant ainsi de la psychiatrie à la médecine somatique
puis à la biologie et à la physique, le concept d’orgone sert
de point commun, de matrice anthropologique, est chez
Reich, véritablement une clef de compréhension
universelle .
En effet, pour Reich, c’est la même énergie qui est
présente dans l’étreinte sexuelle comme dans la nature
vivante et inerte, c’est elle qui gouverne les fonctions
naturelles les plus significatives et les plus larges. Et d’en
établir le fonctionnement à trois niveaux :
62 Reich W. La fonction de l’orgasme, Paris, L’Arche, 1970, p. 15.
98
La conscience : sensations, émotions, perceptions,
pensées,
La vie : la motricité animale, la biogenèse, l’évolution,
la croissance,
L’atmosphère et le cosmos, nuages, orages, électricité
atmosphérique et création de la matière pareillement dus à
l’énergie universelle.
Reich s’attachera ainsi à parcourir ces trois réalités, en
correspondance les unes avec les autres, même s’il admet
parfaitement avoir surtout travaillé la réalité psychiatrique
et, dans une moindre mesure, le biologique.
Propriétés de l’orgone.
Définie par lui comme la force créatrice de la nature, elle
n’est pas présentée comme une force électromagnétique, ni
une matière mais comme se trouvant « au fondement des
deux ».
C’est pour lui «l’énergie vitale spécifique dont la vie est une
des manifestations». Il admet alors que notre connaissance
de cette énergie n’est toutefois que fragmentaire mais que
l’on peut en approcher les fonctions :
1. c’est une masse libre, sans inertie ni poids donc difficile
à mesurer et qui dépende étroitement des caractéristiques
99
du champ de la masse libre de l’énergie orgonale dont la
matière est entourée. On pourra donc l’identifier en
mesurant ce champ.
2. elle est présente partout, elle remplit l’espace à des
degrés de concentration divers (les charges), Elle est
présente dans le vide, comme dans l’espace extérieur,
comme dans l’atmosphère,
3. elle est le medium des phénomènes
électromagnétiques et gravitationnels. L’orgone constitue
ainsi la base des phénomènes naturels les plus
fondamentaux, et c’est par son entremise que les
mouvements de la lumière et gravitationnels exercent leur
force. L’orgonomie aura pour but d’intégrer notre
connaissance de l’énergie d’orgone dans les faits physiques
connus.
4. L’orgone est en mouvement constant, lequel
mouvement peut être observé selon des conditions
particulières et qui a deux caractéristiques :
pulsation ou expansion illimitée, (élongation,
dilatation),
contraction, (constriction),
On aura reconnu ici la description de la fonction biologique
fondamentale, l’orgasme, qu’il définit comme « paradigme
de cette énergie et de son fonctionnement, modèle de toute
puissance énergétique ». La puissance orgastique est ainsi
100
plus que la puissance d’érection et d’absorption, elle se
définit par deux critères essentiels :
les contractions involontaires de l’orgasme,
la complète décharge de l’excitation.
Expansion et contraction sont, ainsi, les mécanismes
premiers, radicaux, de l’énergie vitale63 et toutes les
impulsions et sensations biologiques, psychologiques et, par
extension, naturelles, peuvent être réduites à ces fonctions
fondamentales.
Au niveau biologique, Reich le vérifie dans l’articulation des
deux systèmes neurologiques :
le parasympathique opère partout où il y a
élongation, expansion, hyperémie, turgescence et plaisir,
le sympathique là où il ya contraction de l’organisme,
retrait du sang de la périphérie, là où se montre la pâleur,
l’angoisse.
Au niveau psychologique, le processus de vie a lieu dans
une alternance :
expansion : lorsque l’individu se projette en dehors de
soi, vers le monde, quand le cœur se dilate et que plaisir et
joie apparaissent,
63 La fonction de l’orgasme,op ;cit. p.225sq
101
contraction : quand nous nous faisons retour en nous-
mêmes, que nous fuyons le monde, dans les moments
d’angoisse.
De ce constat Reich corrèle dans de nombreuses
expériences potentiel orgastique et charges bio électriques
et en déduit une théorie de l’économie sexuelle qu’il résume
en quelques principes :
La santé psychique dépend de la puissance orgastique, de
la capacité de se donner lors de l’acmé de l’excitation
sexuelle, pendant l’acte sexuel naturel. Sa base est
l’attitude caractérielle de la capacité d’aimer. La maladie
mentale sera donc un désordre de cette capacité d’aimer,
l’impuissance orgastique déterminant l’inhibition de
l’énergie biologique est la source de la plupart de nos
comportements irrationnels.
A l’inverse et rétroactivement, les troubles psychologiques
sont l’effet de perturbations sexuelles qui découlent de la
structure de notre société.. Notre civilisation mécaniste et
autoritaire ôte aux individus leur confiance en eux-mêmes.
Les énergies vitales ont de fait une régulation spontanée
excluant les formes obsessionnelles du devoir et de la
moralité, lesquelles de ce point de vue, ne sont que des
tendances anti sociales qui ne doivent leur existence qu’à la
répression de la sexualité de l’enfant et de l’adolescent.
L’individu, élevé dans une atmosphère de mépris de la vie et
102
de son corps, de son sexe, acquiert un plaisir/angoisse sur le
terrain duquel se créent les idéologies qui, niant la vie,
forment la base des dictatures. Elles manifestent le
fondement de la peur de vivre d’une manière libre et
indépendante. D’où la structure caractérielle de l’homme
d’aujourd’hui , marquée par une cuirasse :
contre la nature en lui-même,
contre la misère sociale, extérieure à lui-même.
Car, « les êtres humains ont adopté une attitude hostile
contre ce qui , en eux, représente la vie et se sont éloignés
d’elle. Depuis lors, le devoir a remplacé le plaisir naturel de
travailler et d’agir64. ».
Thème repris par Reich dans son long poème pédagogique
« Ecoute petit homme » :
« Tu t’en remets au puissant pour qu’il exerce son autorité
sur le petit homme. Mais tu ne dis rien, .tu confies aux
puissants ou aux impuissants armés des pires intentions le
pouvoir de parler en ton nom ». 65
« Tu as le sentiment d’être misérable, petit, puant,
impuissant, rigide,vide, sans vie…Pendant toute ta vie , ton
impuissance t’a donné du fil à retordre. Elle imprégne toutes
tes pensées. Elle t’empêche de travailler 66»…
Ce sentiment, Reich nous explique qu’il est produit par les
cuirasses caractérielles. En effet les hommes cuirassés en
64 La fonction…ibidem p. 1565 Ecoute petit homme, Payot, 1969, p. 18.66 ibidem p. 55
103
permanence n’admettent qu’un bas niveau bio-énergétique
et de faibles émotions. L’individu cuirassé ne pouvant
absolument pas supporter la présence d’êtres non
cuirassés , gonflés de joie de vivre.
S’attaquer à la peste émotionnelle c’est donc aussi, par les
méthodes développées en orgonthérapie et économie
sexuelle, ouvroir la vie de chaque homme à
l’épanouissement, au rétablissement naturel de l’amour
chez adultes, adolescents, enfants67.
Les cuirasses trouvent en effet leur origine dans l’évolution
des conflits entre besoins libidinaux et peur de la punition, le
Moi y prenant sa forme définitive . Les restrictions libidinales
imposées par la société provoquent chez l’enfant et le jeune
rigidité, modes immuables et automatiques de réaction.
C’est comme si, explique Reich, la personnalité effective se
revêtait d’un blindage rigide capable d’absorber les coups
portés contre elle par le monde extérieur et intérieur.
L’étendue de la cuirasse détermine ainsi la capacité de
l’individu à équilibrer son économie énergétique. De fait,
l’élimination de la cuirasse par l’analyse caractérielle révèle
en général la présence d’énergie liée. Elle se traduit par la
libération de l’agressivité, elle même produite par
l’angoisse.
Ceci explique, pour Reich, le masochisme personnel et
social sur soi et sur les autres, la torture, le fait que de bons 67 l’nalyse.. . op.cit. p. 408
104
pères de famille puissent devenir des brutes fascisantes. Les
hommes cuirassés dominent la vie sociale et, placés en son
cœur, « se masquent derrière pléthore de mots et de
concepts qui ne servent qu’à détourner des principes de
base de la vie 68». Incapables d’appliquer des lois simples,
les individus cuirassés développent des persécutions pleines
de haine à l’égard de tout ce qui exprime une vie non
cuirassée. On mettra maints exemples sur ce constat, des
procès de l’Inquisition à l’Hitlérisme en passant par des
formes plus larvées de type bureaucratique, la dictature des
petits chefs dans les entreprises, le terrorisme des
compétiteurs dans le domaine des sports, etc…Le fascisme
est ainsi bâti sur la fondation solide d’une idéologie familiale
rigide incompatible avec les manifestations du sens de la
vie.
On voit dés lors que la recherche de la santé passera, pour
l’individu, à la capacité qu’il aura de mobiliser les forces
irationnelles liées aux bloquages de l’énergie provenant
d’une éducation autoritaire.
Une des voies entrevues par Reich pour remédier à la
misère sexuelle actuelle et prévenir maladies et névroses
est la destruction de la famille autoritaire dont il constate
d’ailleurs le processus en marche, laquelle ne sera efficiente
que « lorsqu’on aura reconnu le rôle sociologique de la
répression sexuelle, du refoulement sexuel affectant tous 68 Reich W. Les hommes dans … op. cit. p.264
105
les individus, lorsqu’on en aura fait une méthode
prophylactique et pédagogique, l’objectif final étant
d’empêcher la formation de la cuirasse humaine depuis la
naissance. Et d‘en appeler à une autorégulation de la vie
génitale conforme aux exigences de l’économie sexuelle
positive et entiérement tournée vers la joie de vivre 69».
69 Reich W. L’irruption de la morale sexuelle, Paris, Payot, 1981, p. 185.
106
L’énergie déliée :
Un imaginaire de la pulsation, fondements
anthropologiques de l’imaginaire reichien.
L’imaginaire, au sens de Castoriadis70, est « création
incessante, et essentiellement indéterminée, (social
historique et psychique), de figures/formes/images à partir
desquelles seulement il peut être question de quelque
chose. Ce que nous appelons réalité et rationalité en sont
des œuvres ». On ne saurait énoncer autrement la création
par Reich de la fonction d’orgone comme son
accomplissement par un auteur. Elle devait marquer sa vie
mais encore l’histoire de la pensée clinique et sociale.
Création incessante, elle le fut assurèment pour le
psychiatre viennois au travers de ses divers nomadismes,
homme véritablement tragique comme sa vie en témoigne
au sens où le définit Maurice Blanchot en l’opposant à
l’homme du monde : « L’homme tragique vit dans la tension
extrême entre les contraires.. il ne voit pas l’homme comme
un mélange passable de moyennes qualités et d’honnêtes
70 L’Institution… op.cit. p. 7
107
défauts, mais comme une insoutenable rencontre d’extêmes
grandeur et d’extrême misère71 ».
De la « Psychologie de masse du fascisme » à « Ecoute
Petit Homme », mise en scène de l’homme moyen, tel qu’il
le nomme dans la « Fonction de l’orgasme », c’est bien la
leçon que propose Reich. Il la nomme orgone. Elle le portera
jusqu’à sa disparition vers cette incessante création tentant
la synthèse jamais achevée entre psychisme et social et
qu’il aura à cœur de poursuivre jusque dans la prison qui
verra ses derniers jours.
On voit encore que la figure/forme/image, pour lui
première,de l’orgasme (elle l’est effectivement dans chaque
histoire) guide cette création à laquelle elle fournit et une
morphologie et une dynamique. C’est bien à partir d’elle
qu’ilest désormais « question de quelque chose », nous
proposant une autre lecture de la réalité et une autre
rationalité car nous prévient Reich « ce qui est vivant est en
soi raisonnable72 ».
On se souvient que le médecin Reich débute son activité en
travaillant sur les corps en souffrance. Etudiant au
microscope les pulsations du corps humain, il en tire le
système d’images qui fonde son anthropologie.
La pulsation orgastique est ainsi le modèle symbolique car
relié d’une part à l’imaginaire du jeune Reich qui a assisté,
71 Blanchot Maurice, L’entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 142.72 Reich W. La fonction.. op.cit. p. 23.
108
comme on s’en souvient, très jeune à l’acte sexuel de
jeunes adultes et en a été impressionné au sens propre et
de l’autre aux découvertes les plus drastiques des réalités
de la biologie.
Il décrit d’ailleurs la friction sexuelle comme « le processus
biologique fondamental » soit qui fonde la création. « Il en
résulte écrit-il, une excitation biologique, et aussi une
congestion, une expansion et une érection. Dans l’orgasme,
la charge électrique ou l’excitation sexuelle se décharge en
contractions musculaires, et suit une relaxation des organes
génitaux.
Soit un rythme à quatre temps qu’il nomme la formule de
l’orgasme : tension > charge > décharge >
relaxation73.
ou encore
tension
expansion
chargeOrgasme
déchargeContraction
Relaxation.
Il en déduit son modèle anthropologique : la fonction
biologique fondamentale de pulsation, c’est à dire
73 Reich W . La fonction de l’orgasme, op.cit . p. 216
109
d’expansion (plaisir) et de contraction (angoisse), peut être
démontrée dans les sphères tant psychiques que
somatiques. Cette identité qu’il nomme fonctionnelle lui
donnera la clef des lois de l’énergie universell : une certaine
structure psychique est, en même temps, une structure
biophysique.
Nous retrouvons un schème complémentaire des
fonctionnements humains et sociaux dans l’anthropologie de
l’Imaginaire de Gilbert Durand lequel associe les régimes
antagonistes de l’ image lumino-ascensionnels (lié à
l’érection, au redressement) et nocturne –intimiste (celui de
la chaude intimité de la substance caverneuse, de l’avalage)
qui se dépassent dans l’activation des énergies adverses en
régime synthétique des images lequel correspond
précisément à la copulation, au rythme universel, à la
musique.
Le point de vue fonctionnel de Reich actualise bien un
imaginaire ancré dans un substrat biologique. Il rend compte
de systèmes qui dépassent largement le cas de l’espèce dés
lors qu’il entreprend de le généraliser au cosmique : le désir
orgastique de l’homme peut, en un certain sens, se
rattacher à des fonctions cosmiques . Et de prendre
l’exemple de l’identité fonctionnelle entre la décharge
orgastique dans un organisme vivant et un tremblement de
terre. « Dans les deux cas, nous avons affaire à un système
110
orgonotique 74». Et de poursuivre : la convulsion d’un
organisme vivant ne menace pas l’intégrité du système,
mais augmente au contraire son bien-être et constitue en
tant qu’élément physiologique intégrant de l’ensemble une
fonction fondamentale du métabolisme énergétique. De là il
énonce la présence d’une fonction qui précède et induit la
décharge, la superposition, pulsion puissante qui pousse
les systèmes orgonotiques, mâle et femelle, à
l’accouplement, et ce, à l’insu de leur contrôle.
Ce problème de la superposition ayant été banni des
travaux scientifiques officiels, l’homme est passé à côté de
fonctions astrophysiques fondamentales. Et pourtant,
affirme Reich, la superposition de deux courants d’énergie
d’orgone dépasse de très loin , en tant que fonction, le
domaine de la biologie. Elle régit d’autres secteurs de la
nature comme elle régit les systèmes vivants.
Reich en aboutissant à ce postulat, fondé sur des années
d’observation minutieuse, a alors conscience de découvrir
« une racine essentielle par laquelle l’homme tient à la
nature75 ». Il relie ainsi microcosme et macrocosme et l’on
retrouve, ici, un des fondamentaux de la pensée
hermétique : « ce qui est en haut est comme ce qui est en
bas ».
74 Reich W . Superposition cosmique, Paris, Payot, 1974, p. 2875 ibidem, p. 36
111
L’homme s’est employé dans l’histoire de l’humanité à
exercer ses activités intellectuelles à l’encontre de l’énergie
cosmique (vision mécaniste de l’univers), et Reich pointe à
ce sujet le fait que la philosophie mystique aie été évincée
par une vison mécaniste di monde, l’orgonomie a renoué les
fils qui rattachent la parfaite identité fonctionnelle entre
l’énergie vitale et l’énergie d’orgone cosmique à la
perception la plus rudimentaire de la nature par l’homme
des premiers âges. Et de s’interroger : pourquoi l’homme
est-il la seule espèce animale à développer une
cuirasse autour de son noyau vivant?
Imaginaire véritablement instituant d’un nouveau monde
de significations imaginaires sociales d’où sortiront nombre
de réflexions cliniques et de thérapies alternatives autour de
la notion de corps orgastique faisant de l’amour sexuel la
clef de compréhension et la voie de la révélation d’une force
de vie souveraine, d’un retour à l’être lumineux et orignel de
l’homme,à l’opposé de l’image satanique, diabolique
(divisée) du corps mortifié véhiculé par nombre de voies
visant à l’emprise sur les sujets.
Il en fait encore le modèle symbolique du corps politique et
il n’est de ce fait pas étonnant que les thuriféraires des deux
grands systèmes se partageant à son époque le quasi
monopole de la pensée l’aient l’un et l’autre, dans leurs
positions biopathiques, pourchassé et exclu.
112
Car, comme le décrivait Reich, « pour la première fois dans
l’histoire de la médecine, la science médicale s’était
attaquée à la peste émotionnelle, qui découle et se nourrit
de la peur des sensations d’orgone ». Et il concluait : « Nous
devons mettre l’animal humain à même d’accepter la nature
qu’il porte en soi, de cesser de vouloir lui échapper et de
jouir de ce qu’aujourd’hui il craint par dessus tout ».
113
Orgone et Nature : Wilhelm Reich père de l'écologie
dynamique ?
On ne s'attend guère à trouver un spécialiste de la psyché, même s'il s'est
très vite intéressé à la question sociale, du côté des phénomènes
atmosphériques, de la question de la désertification, du problème, qui
devient aujourd'hui si pressant, de la pénurie d'eau sur notre planète.
Et pourtant, le parti pris implicite de transversalité, affirmé par Reich, le
conduit bien aux porte de l'Univers, non seulement à la compréhension
intime de ses lois, mais encore à la capacité que nous semblons avoir
perdue d'agir sur elles pour le bien de l'humanité et non sa destruction.
Roger Dadoun76 l'a bien perçu dans le très intéressant glossaire reichien
qu'il a produit et le commente ainsi :
" Après avoir distingué les fonctions, circuits et ratés de l'énergie
libidinale, Reich explore le champ social pour débusquer normes,
contraintes , répressions et mortifications, puis, dans un mouvement
d'amplification, il élargit sa conception énergétiste jusqu'à formuler
l'hypothèse dune énergie d'orgone universelle"1.
De là date, pour cet auteur, son intérêt pour la nature, les déserts, les
nuages, la pollution, et le dérèglement qu'il constate es lois naturelles du
fait du mécanisme des activités humaines.
Reich rappelle à ce propos que l’interdiction religieuse d’explorer le
domaine de la vie était souvent assortie d’une menace de mort (il en fera
lui-même l’expérience à son corps défendant), et ce, en raison d’un
76Dadoun Roger, Cent Fleurs pour Wilhelm Reich, Paris, Payot, 1999.
114
interdit qui portait sur Dieu et l’origine de la vie présentés comme
inconnaissables.
Ainsi, « manger de l’arbre de la connaissance, c’était se faire expulser du
paradis par le glaive flamboyant ». Reich avait repéré, mais il se défendait
d’être le premier à l’avoir fait, que l’énergie d’orgone est « la loi
fonctionnelle fondant en une unité la nature vivante et la nature
inanimée », proposition que ne démentiraient pas nos modernes
écologistes, également proposition holistique reprise par les New Agers
contemporains.
« Dans le New Age, écrit Marie-Jeanne Ferreux, l’individu est libre, c’est à
dire qu’il peut influencer le cours de son destin, par un changement, une
transformation personnelle car il dispose d’une énergie, d’un potentiel
qu’il peut utiliser à bon ou à mauvais escient. L’homme n’est pas jeté au
monde d’une façon absurde, il a une place privilégiée, un rôle à jouer dans
l’évolution cosmique ». Cette notion d’énergie est importante dans le
New–Age et l’auteur de rappeler l’un des ouvrages fondateurs du Nouvel
Age, celui du Dr Murphy intitulé : « l’énergie cosmique, cette puissance qui
est en vous 77». On aura très vite saisi ce que ce courant, dont il faudrait
les autres influences, doit à la pensée reichienne.
Et Reich de dénoncer les savoirs séparés dus à une pensée mécaniste et
positiviste : « L’étude de la nature qui a conduit à la découverte de
l’énergie cosmique s’oppose d’une manière nette , tranchante
inconciliable à cette autre manière d’étudier la nature à laquelle nous
devons la bombe atomique. Il y a la question de savoir si la nature est un
espace vide avec quelques taches largement dispersées ou si elle est un
espace remplis d’énergie cosmique primordiale, un continuum
fonctionnant d’une manière vivante et obéissant à une loi naturelle de
validité universelle ». Reich dénonçait la pensée mécaniste qui croit, tant
car son image du monde est solide et compacte, que tous les problèmes
77 Ferreux Marie-Jeanne, Le New Age, Ritualités et mythologies contemporaines, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 93.
115
sont résolus par la science physique tandis que le monde s’écroule sous
ses pieds. « Une telle vue de l’univers conçus par les techniciens liés à
l’idéologie mécaniste conclut Reich ne laisse aucune place à la matière
vivante 78». Et de qualifier cette idéologie : « mondiale, morte et
meurtrière », et d’en dénoncer les effets destructifs que tout le monde
connaît.
Or pour Reich, l’observation quotidienne de la nature nous apprend qu’elle
est tout sauf perfectionniste – ce souci des civilisations dominées par la
machine- en dépit des lois qui règlent ses fonctions car « le domaine du
variable est infiniment plus vaste que le domaine de l’uniforme79 ».
Et de rapporter le phénomène de pulsation (expansion / contraction) à la
nature inanimée elle-même où il se trouve déjà comme il comprend à
l’autre bout de la chaîne anthropologique les émotions.
De fait, précise-t-il, la conception primitive de la vie émotionnelle était
d’abord animiste, la nature y étant regardée comme une chose animée, et
cette animation « s’inspirait d’expériences sensorielles vécues ». Ainsi
« les esprits avaient une expression terrestre, le soleil et les astres
agissaient comme des humains vraiment vivants 80». L’a&ppreil sensoriel
est dés lors incontournable pourexplorer le monde quide ce fait écahppe
au tecnhicien au théoricien perdu dans ses équations, au physiceinde
l’école ancienne. Et d’en tirer des applicatiosn médicales, déniant au
cancérologue del’école nmécaniste la capacité de trouver les propriétés
réelels de la cellule cancéreuse par e que cramponné aux proprités
secondaires e tartificielels que la cellule a acquise au cours des recherches
car « l’intervention expérimentale altère l’objet de la recherche81 ».
78 Reich W. L’Ether, Dieu et le Diable, op, cit. p. 112.79 Ibidem p. 115.80 ibidem p. 121.81 ibidem p. 149.
116
La leçon que tire Reich de ses travaux de terrain est, au fond, assez
simple : « Toute étude de la nature relie l’émotion en tant que cause à la
sensation en tant que conséquence, ou vice versa82 » .
Orgone et sacré.
« A l’homme raisonnable qui réduit l’Univers aux
dimensions de son intelligence, la tradition occidentale
véritable, comme la tradition orientale, oppose l’homme
sage qui cesse toute réduction de l’Univers en opérant la
fusion et l’identification de son être au cosmos ».
Odier Daniel et de Smedt Marc, Essai sur les mystiques orientales, Paris, Albin
Michel, 1984, p. 179
Rudolph Otto (1860-1937) et Wilhelm Reich (1897-1957)
appartiennent au même univers linguistique culturel si ce
n’est conceptuel, l’un est théologien protestant et l’autre 82 Ibidem p. 141.
117
psychiatre. L’un a composé un travail sur la notion de Saint
Esprit et le second a travaillé le concept d’orgone, dans
lequel il reconnaît l’énergie universelle.
Pourtant, l’un comme l’autre font référence de façon
récurrente au concept d’irrationnel.
Pour Otto, le mythe précède la religion, il est une invention
qui suppose un inventeur et la source du mythe n’est pas
l’imagination car elle-ci est créatrice, elle ne fait qu’élaborer
ce qui lui est donné. Elle suppose une source à laquelle on
puise. Cette source est une disposition intime, un sentiment.
Et l’on en saurait expliquer la genèse des religions en se
bornant à explorer le domaine des représentations et en
négligeant le sentiment dont elles procèdent.
Pour Otto, la religion est d’ordre rationnel : « si nous
appelons rationnel un objet qui peut être clairement saisi
par la pensée conceptuelle, l’essence de la divinité est
rationnelle 83».
Toutefois, il précise que les prédicats rationnels ne
sauraient épuiser l’idée de la divinité car ils se rapportent
généralement à un élément qui n’est pas rationnel. Ils sont
essentiels mais synthétiques84.
Pour Reich, le désir de l’étreinte génitale trouve une
expression profonde dans la croyance à un esprit universel,
à Dieu et au créateur. Dans le domaine des sciences
naturelles, il apparaît dans la recherche d’une loi naturelle85.
Il observe que le complexe mental « Dieu » et le complexe
mental « Ether » se signalent par tant d’analogies qu’ils
83 Otto Rudolph, Le sacré, Paris, Payot, 1949, p. 1684 ibidem85 Reich W. La superposition.. op. cit. p. 30.
118
doivent avoir une origine commune ; et cela « en dépit du
fait que Dieu en tant que qualité esthétique et l’éther en
tant que qualité physique ne se sont jamais rencontrés et
n’ont jamais pou se rencontrer dans le cadre mental de
l’animal humain 86».
S’il constate qu’il n’y pas de lien dans la pensée de
l’homme entre Dieuet l’éther, il luis emble significatif que
dans la représentation humaine il ya iae nombre d’anlogies
entre Dieu et l’éther.
Reich met ici l’accent sur un point, pour nous, fondamental
qui l’amènera à la conclusion suivante : celui de l’existence,
dans nos représentations, d’une symbolique divine, fondés
sur des schèmes imaginaires lumineux et ascensionnels qui
converge en tant que bassin sémantique, comme
’imaginaire divin se trouvait dans un rapport d’attraction
réciproque et isotopique avec les images physiques de
l’éther.
Et lui-même ajoute, d’emblée, pour achever sa
démonstration : la réalité physique qui se trouve à la base
des concepts de Dieu et d’éther pourrait bien être l’énergie
cosmique originelle, universelle, c’est à dire l’énergie
d’orgone.
Nous nous trouvons ici face à une conception syncrétique
héritée , et c’est le génie de Reich de l’avoir osé, à la fois de
la théosophie de la Lumière des initiés soufis de la Perse
médiévale et des écossistes du Siècle des Lumières,
lesquels définissaient le Grand Architecte ou Grand
géomètre de l’Univers, essence de toutes choses comme
Force (énergie) Suprême, directement lié au symbolisme de
la Lumière dans les rituels maçonniques87.
On se souvient également que, pour Reich, l’eau attire et
se charge de l’orgone des êtres vivants ; nous retrouvons
86 Reich W. L’Ether… op. cit. p. 7287 Mainguy Irène, Symbolique des grades de perfection et des ordres de sagesse, Paris, Dervy, 2003, p173
119
semblable correspondance dans le même univers
symbolique88, où l’eau est dite permettre de retourner à
l’état originel d’innocence et de simplicité, car « semblable à
la pluie régénératrice comme la semence du ciel ».
Tout se passe donc comme si, d’un point de départ
purement matérialiste, Reich nous conduisait, dans se
derniers ouvrages, vrs une position hautement symboliste
après avoir débarrassé la religion des pesanteurs liées aux
usages qui en sont fait en termes d’asservissement.
Il l’écrit d’ailleurs lui-même : Dieu, symbole des forces
naturelles de la vie, de la bio énergie de l’humanité, le
diable symbole de la perversion des forces vives, voilà les
réalisations ultimes de l’analyse caractérielle appliquée à la
nature de l’homme.
Il existe pour lui une énergie universelle pénétrant toutes
choses laquelle comble certaines lacunes dans notre
compréhension de l’univers. De son point de vue toutefois,
cette énergie peut être observée et sa présence démontrée
du fait même de son omni présence.
C’est peut-être sur ce point que la difficulté rencontrée par
Reich se fait le plus jour, porteur d’un imaginaire très
rationnel, il ne peut alors admettre la présence d’une réalité
qui pour être plus réelle que le réel n’en est pas moins
impalpable, celle de l’imaginaire à l’œuvre dans nos
formations individuelles et sociales.
Mystère et matière.
Reich, sur les bases ouvertes par l’économie sexuelle, tente
en effet de réconcilier le point de vue mécanique et le point
de vue mystique. Dans un premier temps, il les oppose :
88 ibidem, p. 245, rituel du 9ème degré du riteécossais ancien et accepté.
120
Point de vue
mécanique
Point de vue
mystique
La matière réalité
première
L’Esprit est la réalité
première
vue mécanique de la
création
vue magique de la
création (légendes
religieuses)
La matière a toujours
existé
La matière est créée
par une intelligence
supérieure
ou
Elle apparaît de rien,
sans raison
Son processus de
création ne peut être
observé
Emotion, volonté,
sensation
Emotion, volonté,
sensation
sont les résultats de
processus matériels
sont inexplicables
Ou expliqués
magiquement
Pour le fonctionnalisme orgonomique :
121
Corps, Esprit, Matière sont différents aspects de la même
réalité,la création est un processus continuel et observable,
émotion, volonté, sensation sont les parties intégrantes du
processus créatif.
Nous retrouvons là la fonction symbolique, décrite par
Gilbert Durand et autres, qui fait la synthèse entre :
un imaginaire social ou psychologique et les réalités
observables, le signifiant renvoyant un signifié en arrière
plan,
la coïncidence des opposés des alchimistes,
le mouvement dialectique du dépassement perpétuel,
le mouvement spiralique décrit par Reich est également
présent dans le processus de connaissance étudié par Edgar
Morin 89.
MYSTERE MATIERE
89 Morin Edgar, La Méthode tomes 1 à 4 : La connaissance de la connaissance, Paris, Fayard.
122
imaginaire réalités
connaissance
Reconnaître la fonction orgonomique, c’est d’abord, pour
Reich, faire l’expérience réitérée de ce qui réconcilie les
opposés, développe ses capacités à une complète
conversion de l’organisme sans laquelle la décharge
complète ne peut avoir d‘effet et produit des effets
dévastateurs en bloquant la circulation d’énergie.
Ses applications en sont multiples :
Physiques,
Sociales,
Culturelles,
Pathologiques physiques et mentales.
Cette reconnaissance permet d’entrevoir une nouvelle.
vie centrée sur le bonheur.
Ayant constaté que le fascisme utilisait de la façon la plus
diabolique les mécanismes irrationnels pour
l’asservissement des masses (des jeunes en particulier ),
déviant l’énergie en un sens mystique et négateur de la vie,
constatant que ces tendances sont à l’œuvre dans toute
société qui renoue avec l’autoritarisme, WR, qui a compris
que le marxisme ne peut ni ne veut résoudre cette
question,
123
que la psychanalyse s’est enfermée, bureaucratisée et
refuse le Travail social organisé,
prône un travail avec les masses intégrant psychologie et
sociologie dans une même méthode d’intervention
travaillant sur les bases suivantes90 :
la formule de l’orgasme comme étant la formule de la
vie,
la nature orgonomique de la sexualité et de l’angoisse,
la compréhension des maladies organiques,
le fait d’opter pour une vue non cuirassée fondée sur
les principes de base simples de la vie,
l’enracinement de l’homme dans la nature,
Pour Reich, le désir orgastique peut se rattacher à des
fonctions cosmiques, le désir d’orgasme et ses
déguisements semblant s’orienter vers une fonction
fondamentale qui précède et induit la décharge orgastique :
la superposition, laquelle devient dans son système la fin
de toute pulsation.
De ce fait le désir génital trouve son expression profonde
dans la croyance à un esprit universel, à Dieu, au créateur,
dans la recherche d’une loi naturelle.
Superposition :
fusion bio-énergétique90 Superposition cosmique.
124
de deux systèmes
organiques.
Comme cette question : « qu’est-ce qui pousse deux
organismes mâle et femelle à la superposition ? » a été
bannie de la science, l’homme est empêtré dans une
antithèse rigide entre :
sexualité et morale,
nature et culture,
bien et mal,
Diable et Dieu.
Car il se défend de reconnaître le noyau profond de son
existence. La cuirasse bio-physique nous fournit l’explication
de cette fuite éperdue et du refus obstiné de l’homme à se
pencher sur les grands problèmes de sa vie :
Sa religion,
Sa philosophie de la nature,
Son désir d’explorer la nature.
125
La pulsation, fondement anthropologique de
l’imaginaire reichien.
Nous devons nous souvenir que Reich est d’abord un
médecin qui débuta ses travaux en étudiant le corps humain
et que sa théorie fut d’abord entièrement fondée sur son
observation clinique en situation personnelle et ou sociale.
C’est l’étude au microcospe des pulsations du coprs
humain qui le conduit à penser le concept d’énergie vitale
reconnue tant dans les situations personnelles que dasn
l’interaction sociale et aussi dans la nature, l’atmposphère
etc., nous l’avons vu. De ce fait naît chez lui un schéma
anthropologique fondamental qui est extrêmement
dynamique, surtout par rapport aux théories de son temps
et à des herméneutiques plus statiques.
Il est fondé sur la dualité de l’être. Dans un échange
récent91, le professeur Sipa Necrophilus nous rappelait qu’il
repose sur une réalité duale elle-même rapportée à l’action
conjointe des systèmes sympathiques et
parapsympathiques déterminant et l’activité et, non moins
parallèlement, l’inhibition des émotions pulsions, besoins
etc.
Ce système interactif et le responsable, par le jeu
différentiel de l’un avec l’autre, des des stimulations comme
des bloquages aboutissant au phénomène des cuirasses 91 Orgonomy mail list, 7 10 2003.
126
corporelles décrites par Reich. Ceci l’amène d’ailleurs à
critquer le concept de sublimation, l’art de vivre ne
consistant pas à diviser les tâches de l’activité mentale mais
à considérer leur intreaction, par exemple, l’activité sexuelle
est aussi une activité mentale.
Au terme de ce parcours tentant une exploration qui aurait
mérité bien des développements, mais les textes de Reich
sont disponibles et leur lecture est sans doute le meilleur
des parti pris pour qui souhaiterait en savoir plus, il nous
apparaît que l’imaginaire reichien est tributaire de deux
déterminants dont il vient recouper les chemins obligés :
Celui d’une lutte incessante contre toutes les formes
rigidifiées des savoirs unifiés, et Reich n’a jamais hésité, de
ce fait, à brûler ce qui l’avait séduit. C’est sa phase de
progression thérapeutique et humaniste qui le conduit à
certaines formes d’engagements au service de l’humanité
souffrante, tant il sent que le siècle qu’il vit est porteur
d’oppressions dont la plupart sont en quelque sorte auto
produites, le concept d’orgone et sa figure inversée la peste
émotionnelle , sont ici travaillés par Reich et donnent lieu à
des démarches de type thérapeutiques (l’orgonothérapie) et
sociales (Sexpol).
Celui d’une généralisation de ces concepts aux lois de
l’Univers, un peu à la façon, mais dans une proportion
127
encore plus ambitieuse, dont Freud avait universalisé le
concept d’Œdipe dans Totem et Tabou.
Là , Wilhelm Reich jette les bases d’une cosmo
anthropologie, laquelle retrouve très subtilement les
principes chers aux hermétistes.
Ilest intéresant à cet égar de relire un des textes fondaeurs
de l’Alchimie, écrit au Vièlme siècle après JC, e qui définit
ainsi la Nature :
La nature ou cause seconde est un esprit universel,
vivifiant et fécondant, la lumière créée dans le
commencement, et communiquée àtoutes les aprties du
amcrocsme.les anciens l’ont appelé un esprit igné un feu
invisibleet l’âme du monde.
La nature forme altèree t corrompt sans cesse…
Après avoir défini les trosi règnes naturels : minéral,
végétalet animal que nous connaissaons tous, le texte est iic
plus énigmatique et nous semble rejoindre les hypothèses
reichiennes :
« Outre es trois substanes, (menstrue, eau de puie, eau
mlercurielle), ilen existe une quatrièmequi peut se rapporter
à la première par sa sa ténuité et sa subtilité amis
quisemble en différer en ce qu’ilest impossible àl’Artde la
réduire en esprit loquorux, au lieu que l’aute se condense en
aeau, celtteamtière incndensable est nommé GaS.
128
… il n’y a qu’un soleil d’o sembel procéder la lumière, qu’il
communique à tout l’univers, .Il n’y a quun macrocosmeet
une âme de l’Univers.
Et le texte de
129
La Tribu Reichienne, la postérité.
Wilhelm Reich :
héritiers et successeurs.
Wilhelm Reich est aujourd'hui redécouvert et souvent là où
on ne l'attendait pas. Nous pouvons considérer sa postérité
dans deux directions :
Les héritiers, encore bien représentés aujourd'hui par
divers instituts entretenant la mémoire du maître et
prolongeant la diffusion de sa pensée.
Les successeurs, liés à son œuvre et qui, à un moment, ont
pu s'en écarter sans toutefois renier ses apports à leur
propre cheminement ; On peut même affirmer avec
certitude que l'ensemble du mouvement des
psychothérapies à implication corporelle lui est redevable de
la transgression qu'il a pu opérer du noli tangere des
psychanalystes orthodoxes.
Notre propre recherche, effectuée grâce aux nouvelles
facilités de communication offertes par les nouveaux
médias, en interrogation directe et en consultant, pendant
près d'un an, les listes de diffusion reichiennes ou néo
reichiennes (dont on trouvera le lien en annexe) et encore
celle de l'institut d'Esalen à Big Sur en Californie, nous ont
convaincu de l'actualité d'une pensée encore subversive
130
mais qui retrouve des échos dans nombre des interrogations
contemporaines liées à la post modernité.
Fonctionnalisme reichien.
Le successeur le plus lié aux travaux expérimentaux de
Reich est sans doute James De Meo, Ph D, il travaille,
depuis 1970, sur ses bases et a fondé, en 1978, le
Laboratoire biophysique de recherche sur l'orgone (Orgone
Biophysical Research Laboratory, OBRL) , institution à but
non lucratif , qui ccopère avec un réseau de professionnels
et d'instituts favorables aux théories reichiennes . L'OBRL
est devenu le premier centre de recherche appliquée au
monde sur les travaux et les programmes éducatifs fondés
sur l'Orgonomie telle que Reich l'a développée. De Meo a
publié nombre d'ouvrages et articles scientifiques.
De Meo a commencé en 1977 à travailler ces questions à
l'université du Kansas et entrepris de répliquer les travaux
de recherche biophysique de Reich en s'adonnant
notamment à une évaluation systématique du célèbre "
cloudbuster " de Reich dont il valide positivement les
résultats après divers procès expérimentaux rigoureux et
contrôlés et ce tant aux USA que dans d'autres pays du
monde, sur terre comme en mer. Ses applications visaient
en particulier à mettre en évidence la réduction de l'énergie
stagnante dans les régions à forte pollution. Il organise ainsi
de nombreuses expéditions dans les déserts du Sud Ouest
des USA comme les régions sèches de Namibie, de la corme
de l'Afrique et en Israël, produisant de spectaculaires
vérifications des premières découvertes de Reich sur la
capacité du " cloudbuster " à produire de la pluie dans des
conditions d'extrême sécheresse1.
131
Avec l'aide des gouvernements locaux, il tente, en 1990,
une expérience visant à reverdir le désert dans le Sahel Est
Africain . Ces projets aboutissent à de remarquables
résultats traduits par des chutes de pluies abondantes dans
des régions parfois désertifiées et asséchées depuis une
dizaine d'années.
Ces régions du Sahara et du sub Sahara avaient, en effet,
retenu son attention dés les années 1980, époque où il
s'était adonné à la constitution de cartographies des
institutions sociales de ces pays pour découvrir que les
données environnementales y croisaient les données
psychosociologiques et sociologiques, la région du Sahara
étant la région source, racine, de la civilisation autoritaire
patriarcale, au fondement de ce que Reich appelait les
origines de la cuirasse caractérielle et démontrant que
l'origine de la violence humaine est à rechercher du côté de
la répression traumatisante des institutions sociales
répressives. Ce travail constitue une validation culturelle
convaincante de l'hypothèse reichienne sur l'origine de la
névrose humaine et de l'irrationalisme et prouve la validité
de ce qu'il soutenait dans la psychologie de masse du
fascisme.
Il poursuit aujourd'hui ses travaux sur ce terrain en
confrontant les présupposés populaires sur les racines
génétique de la violence humaine aux facteurs d'
environnement.
De même, il continue ses travaux de laboratoire sur la
fonction de l'orgone dans la nature en vérifiant de
nombreuses hypothèses de Reich sur l'accumulateur
d'orgone, sur la vie de l'eau, sur la croissance des plantes en
lien avec les " charges d'orgone " inhérentes au vivant.
132
En 1995, l'OBRL ouvre un nouveau laboratoire en Orégon,
dans la région d'Ashland, le " Greenspring Center ", qui
propose de nombreux séminaires sur les Bions, la
Biogenèse, l'accumulateur d'orgone où professionnels et
étudiants venant du monde entier peuvent venir s'initier aux
théories reichiennes et surtout les expérimenter. On y
trouve encore un observatoire astrophysique, une
bibliothèque, etc...
Chaque secteur de son activité contribue ainsi à valider
l'idée reichienne d'une énergie vitale, l'orgone aussi bien
présente dans l'atmosphère que dans le cosmos comme en
chacun de nous, au niveau intracellulaire.
Psychothérapies.
Alexander Lowen.
Alexander Lowen, né en 1910 à New York, dans une famille
d'immigrants juifs, est sans doute le plus connu des héritiers
de Reich.
Après une adolescence solitaire , il fréquente le City College
de NY et y obtient le bachelor degree en Sciences et
commerce. Il obtient son doctorat à Brooklyn Law School
avec les honneurs et commence à enseigner le droit tout en
pratiquant l'athlétisme. De là datent ses premiers constats
sur les liens entre état physique et santé mentale. Il
découvre la relaxation et le Yoga.
C'est en 1940 qu'il fréquente un cours de Reich sur
l'analyse caractérielle dans lequel celui-ci explore les
connexions existantes entre la tension musculaire
133
chronique, qu'il nomme cuirasse corporelle, et la
personnalité névrotique. Lowen débute une thérapie avec
Reich en 1942, il la poursuivra pendant trois ans avant de
devenir, lui-même, thérapeute entraîné par Reich. Il
exercera deux ans et décide de suivre des études médicales
en Suisse. Il obtient son diplôme de l'université de Genève
en Juin 1951.
De retour d'Europe en 1953, il fonde avec John Pierrakos et
William Wallings , physiciens élèves de Reich, l'institut
d'Analyse Bioénergétique (Institute for Bioénergétic
Analysis) lequel en 2003 a affilié quelques 50 sociétés dans
le monde. Il s'éloigne de Reich quand celui-ci commence à
s'intéresser à l'énergie d'orgone. Il poursuit sa propre
thérapie avec Pierrakos et développe des exercices et
techniques en bioénergie.
Il fonde ainsi sa propre démarche, la bio énergie,
combinant le travail sur le corps et sur l'esprit pour aider
ses patients à résoudre leur problèmes émotionnels et à
réalise au mieux leur potentiel vital et définit ainsi la
bioénergie : une technique thérapeutique visant à aider une
personne à renouer avec son corps et à l'aider à restaurer sa
joie de vivre au degré le plus profond possible".
Les exercices proposés comprennent des procédures de
manipulations corporelles et autres qui visent à aider les
patients à constater leurs tensions corporelles et à obtenir
une détente durable. Il élargit ainsi le concept reichien de
potentiel orgasmique repérant, chez ses patients, à côté de
celui-ci, d'autres signes de santé : la vitalité de l'organisme,
la qualité de la vie, et travaillant à la libération de l'énergie
bloquée à la fois par des techniques respiratoires et
corporelles. Tout en reconnaissant le génie reichien, il
134
récuse ainsi le déterminisme fondé sur le réflexe
orgasmique , lequel ne suffit pas, de son point de vue, dans
sa résolution, à traiter l'ensemble des problèmes.
La méthode de Lowen peut être résumée en trois points ou
étapes :
1) prise de conscience de soi,
2) ressenti de ses émotions et sentiments,
3) leur " self expression ".
Ils s'appuient sur une profonde relaxation des processus de
défense que chacun a mis en place et fixés dans son
organisme et qui maintiennent la situation traumatique. Le
chemin vers le mieux être va ainsi des réactions archaïques
à l'action réelle
Lowen a publié douze ouvrages traduits en plusieurs
langues et de nombreux articles. Il connaît une influence
remarquable sur l'ensemble du mouvement dit du "
Potentiel humain ".
Gerda Boyesen.
Née en 1922 à Bergen , en Norvège, dans une région très
puritaine, où elle se marie et a trois enfants. Gerda Boyesen
s'intéresse à 25 ans au livre de H. Schelderup " Névrose et
caractère névrotique ". Ceci la motive à travailler elle-même
sur ses propres névroses et elle débute des études de
psychologie à l'université d'Oslo. Elle commence une
analyse caractérielle avec Odd Havrevold, lui même formé
par Wilhelm Reich.
135
Elle est initié à la végétothérapie par Ola Rtakness une des
figures marquantes de la végétothérapie en Norvège qui
avait égaleemnt formée pr Reich .
Après ses études universitaires, elle étudie la
physiothérapie au Bulow Hansen Institute qui expérimente
des méthodes de massages neuromusculaires auprès de
patients en psychiatrie en fin de cure.
De 1960à 1968, elle occupe plusieurs postes de
psychologue et de psychanalyste dans plusieurs hôpitaux
psychiatriques en Norvège tout en enseignant. Elle observe
les interactions corps/psychisme pendant les cures et
constate que les patients qui ont des réactions végétatives
de type viscérales connaissent une amélioration plus rapide
que les autres. Elle entreprend alors des techniques de
massage en identifiant les zones concernés à partir des
réactions viscérales constatées. Le résultat aboutit à une
réduction des tensions.
Elle reconsidère alors la théorie freudienne psychologique
de la libido et dans la mouvance reichienne considère qu'il
existe une énergie dans le corps qui prend la forme d'un
fluide lequel peut s'accumuler, entérinant la loi de l'énergie
cosmique de Reich.
Elle réinterprète ainsi la théorie de Freud de la répression
des affects et de leur conversion en symptômes en termes
de circulation de la libido dans le psychisme et dans le
corps. Sa gradne découverte et que les intestins ont deux
fonctions : la digestion de la nourriture et celle des tensions
nerveuses. Elle appelle ainsi cette deuxième fonction :
psycho-peristalsis ou neuro -digestion.
La découverte de cette fonction révolutionnaire pour la
psychologie moderne au terme d'un long parcours personnel
la conduit à proposer une méthode thérapeutique : nommée
136
Psychologie biodynamique destinée à actualiser les forces
vitales.
En 1968, Gerda Boyesen fonde, à Londres, dans Acton Park,
le " Centre de Bioénergie " rebaptisé plus tard " Centre
Gerda Boyesen pour la psychologie et la psychothérapie
biodynamique ". Des centaines de thérapeutes y sont venus
apprendre sa méthode.
Tous ceux qui l'ont approchée disent qu'il s'agit d'une
personne lumineuse au charisme extraordinaire.
Le centre a essaimé aux USA et il existe en Californie un
centre d'entraînement et de formation à la psychologie
biodynamique animé par Cornelia Gerken pratiquent les
massages biodynamiques, le drainage profond, et la
végétothérapie reichienne, ces technique visent à restaurer
l'énergie d'orgone chez les individus et une plus
harmonieuse distribution de celle-ci dans le corps et le
mental . Elles ont pour ambition à partir de travaux sur les
systèmes sympathiques et parasympathiques de mettre en
contact la psyché avec le niveau cellulaire. Elle visent ainsi à
reprendre contact avec la personnalité primaire ou première
de chacun en intégrant la manifestation de notre esprit dans
notre corps alors que chacun a développé une personnalité
secondaire fruits de l'adaptation entraîné par les conflits, les
souffrances encourues et la violence subie par
l'environnement social et culturel.
Fritz Perls (1893-1970).
Le père de la Gestalt, Friedrich Salomon Perls, dit Fritz
Perls, né, en 1893, dans le ghetto juif de Berlin, connaît très
jeune des difficultés relationnelles avec son père, ce qui
l’amènera à se rebeller contre toutes les images paternelles
dont d’ailleurs celle de Freud et à militer dans les
137
mouvements anarchistes puis le Living Theatre à New York.
Après la première guerre mondiale où il est blessé et gazé, il
obtient son diplôme de médecin à 27 ans, se spécialisant en
neuropsychiatrie. Il travaille avec Kurt Goldstein sur les
blessés du cerveau à partir des théories de la Gestalt
Psychology. Il entame à 33 ans sa première analyse avec
Karen Horney et poursuit son analyse avec Eugen Harnik. Il
se marie à 36 ans. Echappant à Hitler en 1933, il passe en
Afrique du Sud puis émigre à NY en 1950 où il fonde le
premier institut de Gestalt. Il y rencontrera Paul Goodman,
poète et homme d’un grand génie créateur qui l’influencera
également et contribuera à rédiger les textes fondateurs de
la théorie de la Gestalt Therapy.
C’est Wilhelm Reich qui prendra en charge sa quatrième
psychanalyse et l’initiera aux techniques de thérapie
corporelle en l’aidant à prendre conscience de ses tensions.
Perls conservera beaucoup d’estime pour lui et développera,
par la suite, dans la Gestalt des principes reichiens et ce
malgré des différents ultérieurs.
En avril 1964, il s’établit à Esalen, au sud de San Francisco
dans une propriété devenue célèbre depuis et considérée
comme la Mecque de la psychologie humaniste, il y organise
des sessions de gestalt et multiplie les démonstrations. Ses
idées rencontreront, après 1968, un succès immense
amorcé par le refus de la société de consommation et les
protestations des étudiants sur les campus américains. Ses
séminaires connaissent un grand succés et sont enregistrés
et diffusés très largement. De nombreux spécialistes se
déplacent pour le voir à l’œuvre : Gregory Bateson
(fondateur de l’écoled e Palo Alto) ; Alexander Lowen, Eric
Berne (l’Analyse transctionnelle ) …Il y développe un style
138
charismatique dit « de la Côte Ouest » en pratiquant sa
thérapie en ateliers de plus en plus fréquentés et nombreux.
Les successeurs : points de vues.
Nous avons interrogé par courriel quelques uns des leaders
des réseaux néo reichiens, en leur posant trois questions
1) définissez sa démarche : utopiste, fonctionnaliste, etc...
2): quelle est pour vous la découverte fondamental de
W.R. ?
3) qualifiez votre propre apport au courant reichien et à la
poursuite de son œuvre.
Les réponses obtenues et dont nous remercions les
personnalités qui ont bien voulu nous les fournir sont très
intéressantes à analyser.
Reich scientifique ?
Avant de passer aux opinions sur l’œuvre de Wilhelm Reich
par ses continuateurs contemporains, il est intéressant de
constater que la plupart insistent sur le fait que Reich était
d’abord un savant (Haufniensis), un scientifique préoccupé
de vérification expérimentale de ses hypothèses, un
fonctionnaliste (Higgins) et encore un rationaliste (Willis) .
Son réalisme postulé est mis en avant et Berman insiste sur
son sens inné de la réalité corporelle et de l’expérience
comportementale. Pourtant Willis, qui souligne sa volonté de
logique, ne craint pas d’affirmer que Reich n’hésitait pas à
écarter ce qui contrariait ses résultats et le définit à ce
niveau plus comme un zélote que comme un savant.
139
Haufniensis revient sur sa définition en évoquant le fait que
Reich n’était pas rationaliste, au sens aristotélicien, mais se
définissait lui-même comme penseur rationnel.
On peut estimer d’ailleurs que, en ces années où les
systèmes logiques restaient fortement imprégnés de
scientisme, il manquait, d’un point de vue épistémologique,
à Reich de connaître les travaux d’un Lupasco sur la pensée
paradoxale et encore les analyses sur la complexité et les
logiques à N dimensions de l’anthropologie de l’imaginaire. Il
y aurait trouvé des modèles que le scientisme de l’époque
ne pouvait lui fournir et l’on peut penser que le reproche
que lui fait Willis aurait été minoré du simple fait que sa
pensée systémique aurait emprunté des modèles par
exemple aux travaux de René Thom ou d’Alexis Weisenberg.
On imagine les tracas, l’angoisse de cet homme, de ce
savant, comparables à ceux d’un mécanicien auquel on
aurait demandé au 19ème siècle de comprendre pour le
réparer un ordinateur ! S’il avait fait à son niveau le
diagnostic de la situation, d’ailleurs toujours d’actualité, on
l’a vu sur plus d’un point, il est évident que majgré sa
grande ouverture d’esprit les modèles très prégnants
auxquels il se référait (Marxisme, psychanalyse,
évolutionnisme) ne lui étaient que peu d’utilité.
Dans ses travaux, Reich qui avait découvert les sources
physiques et émotionnelles des distorsions affectant
l’humanité, ne pouvait faire appel qu’à une logique linéaire
et causale alors qu’il avait besoin d’outils travaillant en
parallèle dans des dimensions différentes et prônant
l’interaction.
Sa découverte de l’énergie d’orgone, -et peut importe qu’il
s’agisse d’une donnée imaginaire ou empruntée au réel, car
140
l’imaginaire, nous le savons désormais, est une des faces du
réel qu’il vient rencontrer dans les conduites symboliques
personnelles, sociales et culturelles,- participe de la
construction du savoir dont elle a fait reculer les limites.
Reich, dans son entreprise, était en fait attelé, les titres de
ses derniers ouvrages le montrent92, à une entreprise qui ne
visait pas moins qu’à conjecturer le divin93. Acharné à
trouver la jonction abstraite qui reliait des points de départ
très divers et écartés, il se trouvait pris dans une sorte de
rationalité de l’entre-deux94, pressentie mais pas vraiment
assumée, et pourtant constitutive du phénomène humain,
« pensée logique certes, mais forte de ressources
analogiques et symboliques ». A le considérer, le logotype
qui est celui des instituts reichiens en rend mieux compte
que les expériences tentées dans tel désert ou auprès de tel
groupe de patients pour « prouver » l’énergie d’orgone.
Comme le faisait remarquer Edgar Morin95, les concepts
voyagent, la raison est évolutive et porte souvent en elle
son pire ennemi, la rationalisation ou délire logique. Les
persécutions dont Reich a été victime de la part des nazis,
de la société psychanalytique internationale, du Parti
Communiste et pour finir de la Food and Drug
92 L’Ether, Dieu et le Diable,… Superposition cosmique…93 Lerbet Georges, Dans le tragique du monde, Paris, EDIMAF, coll. Essentiels, 2003, p. 58.94 Lerbet G. ibidem…95 Morin Edgar, Introduction à la pensée complexe, Paris, ESF, 1974, p. 155
141
Administration, n’ont en commun qu’une parenté, celle
d’obéir à des logiques limitatives, violentes, bornées aux
impératifs de l’occupation d’un champ en voie de clôture
rapide. On ne saurait donc reprocher à Reich d’avoir, encore
une fois, dans le contexte intellectuel qui était le sien et
compte tenu des énormes pressions qu’il lui a fallu subir,
tenté d’administrer des preuves alors qu’il aurait fallu s’en
remettre au postulat bien daté de l’irrationalité par rapport
aux rationalités de son temps car « la vraie rationalité
reconnaît l’irrationalité et dialogue avec
l’irrationalisable (Morin)» .
Pour Morin la raison se définit par le type de dialogue
qu’elle entretient avec le monde extérieur qui lui résiste, on
reconnaîtra ici un trait du comportement de chercheur de
Reich.
Les continuateurs parlent du père fondateur.
Intéressons-nous maintenant aux dits de quelques uns de
ceux qui revendiquent aujourd’hui l’héritage Reichien.
Joachim Trettin : pour lui, la découverte la plus
importante de Reich est celle du réflexe orgastique (liée à
la génitalité) qui l'amène à penser le champ de l'oppression
dans l'histoire et de la self régulation dans le futur. Il
considère également comme très importante la découverte
de Reich de la production de protozoaires par les bions et
celle de l'énergie d'orgone, les unes étant reliées aux autres
conceptuellement, pratiquement et dans la pensée de
Reich… De même la self régulation concerne aussi bien les
142
masses que la psychologie individuelle, elle est identique à
l'expérience personnelle de sa propre cause et trouve,
évidemment, des applications sociales.
Le Dr Trettin anime l'Orgone Institut Wilhelm Reich pour
l'Allemagne96 et a construit des accumulateurs d'orgone en
Europe et dans d'autres régions du monde. Après dix années
de mesures et d’expériences, il a trouvé des résultats
nouveaux et alors inconnus. Il a réalisé plusieurs films
montrant la construction de protozoaires par les bions et
pratique la thérapie reichienne d'origine en Allemagne. Ses
travaux s’inscrivent donc dans une continuité scientifique et
expérimentale de la pensée Reichienne.
L’Institut for Enorgotische Medizin de Berlin est dirigé
par le docteur Heike Buhl et propose, dans le même esprit
une médecine basée sur l’orgonthérapie.
Mary Boyd Higgins, du Wilhelm Reich Museum, pense
que la découverte la plus importante de Reich était
« l'énergie d'orgone » .
Rappelons qu’il faut la considérer comme énergie première,
force de création fondamentale de la nature. Si elle était
bien connue des populations en contact direct avec la
nature, envisagée par les empiristes, utilisée par exemple
dans l’acupuncture, elle a été finalement objectivisée et
démontrée scientifiquement par Wilhelm Reich.
Le musée Wilhelm Reich est installé à Rangeley dans la
région des lacs du Maine (USA)...il présente et permet de
mieux comprendre la vie et l’œuvre du savant, ses
découvertes et cointribue à populariser ses idées. Il est géré
96Wilhelm Reich Orgon Institut Deustchland Nürnbrecht
143
par le Wilhelm Reich Infant Trust, organisme à but non
lucratif voulu par Reich.
Jack Willis, biochimiste, psychologue et chiropracteur, est
très critique, il pense que la meilleure idée de Reich
consistait à approcher la psychologie des individus par leur
corps. Il débuta ses travaux en insistant sur l'unité
esprit/corps mais à la fin s'écarta de cette idée au détriment
de la prise en compte de l'esprit. Son concept d'orgone est
de son point de vue quelque chose comme une farce
scientifique sans fondement analytique raisonné. Il n'a pas
approfondi les disciplines dont il se réclame (économie,
sociologie politique) et en fait n'a jamais quitté la théorie
marxiste et la dialectique hégélienne.
Sa sociologie est basée sur Rousseau amendée par
Malinowski, fondée sur la notion de bons sauvages, idée
discréditée par les théories contemporaines en
neurosciences et génétique qui montrent que l'idée d'une
espèce humaine étant de façon innée bonne et paisible est
discréditée. Cependant il faut savoir que Reich meurt en
1957 et que les travaux des neuro sciences cognitives ne
débutèrent pas avant 1970. Il ne peut être tenu responsable
de ne aps avoir eu des données qui n'existaient pas. Il en va
de même pour ses prétentions médicales. Il ignore
l'endicrinologie et tient ses connaissances génétique de
Lamarck.
Jack Willis travaille à théoriser sa pratique thérapeutique en
écrivant ses techniques : les exercices, proposé, leurs
résultats, les performances obtenues, les indicateurs
diagnostics e la contribution de l'hyper ventilation à la
144
thérapie, ceci l'inscrit donc cependant dans une perpsective
reichienne.
Marvin H Berman, Ph. D., président de la Fondation
Quietmind à La Fayette Hill, pense que contribution la plus
significative de Reich à la thérapie est d'avoir rapproché
corps e esprit , il a pour lui fait considérablement évoluer les
pratiques de ce fait et influencé des milliers de praticiens.
M. H. Berman a appliqué sa pensée à la clinique
neuropsychiatrique et utilise la notion de cuirasse dans le
traitement de désordres neuropsychiques et
neuropsychiatriques.
La fondation Quietmind est un centre holistique qui propose
des thérapies utilisant les techniques du biofeedback et de
l’analyse psychothérapique et bioénergétique. Marvin H.
Berman, psychologue, y travaille en particulier sur le
traitement de la maladie d’Alzheimer et sur les désordres de
l’hyperactivité chez les jeunes et les adultes. Il poursuit ses
recherches en tentant de développer des modèles de
compréhension des désordres neurologiques.
Pour Vigilius Haufniensis, la plus importante découvert
de Reich est le concept de self régulation, c'est à dire de
cette capacité qu'a l'homme de se réguler seul sans recours
à la moralité ni à la loi extérieure pour pouvoir exister en
tant qu'être social. Or le problème de la valeur (et celui de
l'évaluation) a empoisonné la vie de l'homme occidental
depuis des siècles. Ceci implique que l'existence vaut la
peine de d'être vécue pour elle-même plutôt que pour
quelque au delà dont nous ferions l'expérience après la
mort. Mais la possibilité de générer de l'énergie (sociale et
cosmique) peut également révolutionner le monde autant
145
que le concept de self régulation appliqué à la libération de
la personne.
Il insiste particulièrement sur le fait que les savants1 ont
découvert en 2003 qu'il y a une énergie cosmique dans
l'univers (l'énergie négative), point zéro de l'énergie (ou
neutrinos). C'est ce que Reich avait découvert voici 63 ans ,
et le concept d'énergie négative (dark energy) se trouve
aujourd'hui au coeur des recherches en physique quantique
et peut aider à renforcer l'énergie des nanosystèmes (W.
H.OML 2/10/03). Elle repose sur l'idée principale suivante : il
n'y a pas assez de matière dans l'Univers pour capter la
vitesse à laquelle l'univers est en expansion, de là, l'idée
qu'il y aurait dans l'univers une autre forme de matière
première (dark matter fria) que celle de l'énergie
gravitationnelle. Et de conclure : l'année 2003 est celle du
retour de l'orgone.
Morton Herskowitz2, D.O., docteur en psychiatrie, a
débuté sa thérapie personnelle avec Reich en 1949 et
pratique, depuis 1952, comme psychiatre à Philadephie. Il a
été un collaborateur direct de Reich qu’il a connu après
avoir lu la Révolution sexuelle, pour lui un choc et une
révélation tant ce livre répondait à nombre de questions
qu’il se posait alors, ce qui le détermina à le solliciter
comme analyste. Il le considère comme un des génies de
l’humanité, de ceux qui explorent des idées qui ne sont
jamais apparues à d’autres, et qu’ils savent pousser jusqu’à
leur limite extrême97. Il pensait dans des voies que personne
d’autre ne pouvait emprunter.
Pour lui, la découverte fondamentale de Reich est d'avoir
constaté que nombre d'être humains ont leur énergie liée
par des influences négatives, celles-ci sont renforcées par 97 Herskowitz Morton, Expériences in therapy, Institute for orgonomic science.
146
les restrictions culturelles lesquelles évoluent dans des
populations d'êtres humains émotionnellement bloqués,
éloignés de leurs émotions naturelles. Pour lui, les
orgonomistes ne se servent pas des concepts liés à la
structure de la personnalité mais d'une reconnaissance des
fonctions psychologiques organisées en trois étages :
essentielles, ou radicales, adaptatives ou secondaires, et
superficielles. On retrouve semblable distribution dans les
travaux du professeur Henri Laborit distinguant le cerveau
hypothalamique ou reptilien, le cerveau réflexe et le néo
cortex associatif, chacun d'entre eux produisant des
fonctions différentes : pulsion et comportement inné, pour le
premier, apprentissages et structures acquises pour le
second, anticipation et désir pour le troisième, celui de
l'imaginaire3.
La contribution personnelle de Morton Herskowitz à l'oeuvre
de Reich est, de son aveu, d'avoir pratiqué ce que celui-ci lui
avait appris. Il constate que cela a aidé nombre de ses
patients à mieux vivre en retrouvant l'enfant qu'ils avaient
été.
Le Dr Herskowitz a fondé l’institut pour la science
orgonomique (Institute for Orgonomic Science) qu’il préside
et dont le siège se trouve à Lansdale. Il s’agit d’une
organisation non lucrative dédiée à la science orgonomique
et à l’œuvre de Wilhelm Reich. On y organise régulièrement
des séminaire de praticiens de l’orgonomie, des sessions de
formations de thérapeutes et publie des Annales .
Argentine.
147
Daniel Gualda (Patagonie) : pour lui, en Argentine,
excepté dans une publication des années 80 nommée "
Mutantia ", Reich est pratiquement inconnu.
De son point de vue, l'apport principal de Reich a consisté à
définir la " mémoire musculaire " qui conserve en nos
structures physiques les rigidités dont nous avons à nous
libérer. Elle explique la violence sociale et politique, la
violence sexuelle dans la culture de masse.
Son apport consiste à tenter d'améliorer la santé mentale
chez lui et dans la communauté à laquelle il appartient. Il
participe à des travaux expérimentaux sur les " machines à
rêver " (Dreamachine4) qui visent à mettre les sujets dans
un état d'émission d'ondes alpha et ce dans le but
d'améliorer leur potentiel psychique ou même pour soigner :
ainsi des progrès ont été constatés dans le traitement des
malades souffrant de l'Alzheimer ou avec des enfants
handicapés mentaux (effets calmant sur l'anxiété). Il est
remarquable que ce chercheur du bout du monde se place
ainsi dans la lignée ouverte par Wilhelm Reich. Plus
étonnant encore, il rapporte volontiers ces effets aux
descriptions faites par Henri Corbin des visions des soufis
iraniens.
L’institut Los Orgones (centre de recherches bio
fonctionnelles pour le changement de la perception)
est basé, depuis 1990, dans la région de Traslasierra, dans
l’Etat de Cordoba, en Argentine, à 1100 m d’altitude.
Il a été fondé par Alberto Diaz Goldfarb et Liliana Elsa
Luque98, psychologues diplômés de l’Université Nationale de
Cordoba, psychanalystes, qui l’ont créé et l’animent en y
appliquant les thérapies reichiennes.
98 Diaz Goldfarb Alberto, La pulcacion de la Conciencia, Los Orgones, 1987. Et Diaz Goldfarb Alberto et Luque Elsa Liliana, La Forma Humana, Los Orgones, 2001.
148
Ils travaillent sur le potentiel orgastique, tel que le définit
Reich soit un état d’équilibre dans l’organisme entre matière
et énergie. Considérant qu’un organisme blindé est sujet à
un mouvement entropique et entraîné à la disparition et à la
fragmentation, ils cherchent à renforcer, chez chacun, les
lois de l’énergie en maintenant le potentiel orgastique et à
désamorcer les lois de l’entropie pour aboutir à un dé
cuirassement de l’individu.
A ce stade, le bio système fait l’expérience d’un orgasme
différent, sans convulsion, caractérisé par l’expérience
perçue de la conscience d’une pulsation. Dans l’orgasme,
cette perception est déplacée du corps (la perception
sensorielle ou seconde pulsation) au champ énergétique
(première pulsation).
Dans cette dynamique, le corps est le pôle de contraction
et le champ énergétique celui de l’expansion. Dans la
pulsation consciente, les deux pôles sont perçus
simultanément alors que, dans la vie courante, nous n’en
percevons qu’un seul. C’est à ce stade de définitions que
sont arrivées les recherches actuelles du centre Los
Orgones. Ils ont nommé ces traits de base Matrice
biologique et les thérapeutes du centre accèdent
aujourd’hui à des phénomènes biophysiques inconnus de
l’orgonomie classique, travaux fondateurs de l’analyse de la
forme et utilisés en thérapie.
1 Cf OBRL, http://www.orgonelab.org, 2003.
1 Voir Scientific American, septembre 03, i.e : les lois de
Newton changent de façon subtile au fur et à mesure que
nous nous écartons du Centre de l'Univers.
2 Lettre à l'auteur le 15/10/03.
149
3 Laborit Henri, Eloge de la fuite, Paris, Gallimard, 1987, p.
19-20.
4 http://www.inter-zone.org/dm.html
Bibliographie.
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152
Annexes : le fonctionnalisme ergonomique.
Annexe 1 : La fonction orgonale chez Reich, tableau.
On observera,dans les schèmas ci-dessous, la
correspondance formelle entre les conditions qui président à
la formation du symbole et les déterminants de l’orgone.
schéma symboliste
radical
réalités imaginaire
naturelles
social
milieu
symbolique
153
S
Le fonctionnalisme orgonomique (W Reich).
Point de vue mécanique point de vue mystique
La matière réalité
première
L’Esprit réalité
première
Une mécanique de la
création,
Vue magique de la
création
La matière a toujours
existé ou due au
hasard
Créée par
intelligence supérieure
Emotion, volonté,
sensation, résultats de
processus matériels
Emotion, volonté,
sensation sont
inexplicables
ou expliquées
magiquement
Corps, esprit, matière, pensée sont différents aspects de la
même réalité,
La création est un processus continu et observable,
Emotion, volonté, sensation sont les parties intégrantes du
processus créatif.
154
Schéma reichien99
Travail Sexualité
Forme sociale Forme sociale
Conditions de production conditions
d‘éducation
Lois de l’énergie biologique
de la matière vivante.
99 In Les Hommes et l’Etat.
155
Cloud Buster.
La photographie ci-dessous, publiée par l'Institut de recherches orgonomiques, montre un des instruments inventé par Reich pour agir sur l'atmosphère, pour, en quelque sorte en réguler les flux d'énergie.
156