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PREMIER LIVRE BLEU CONCERNANT LA RÉVISION DU DROIT MARITIME BELGE ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION (DROIT PRIVÉ) COMMENTAIRE GÉNÉRAL Rapporteur: Eric Van Hooydonk COMMISSION DE DROIT MARITIME Service public fédéral Mobilité et Transports

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Page 1: Livre bleu 1 - Commentaire général

PREMIER LIVRE BLEU CONCERNANT LA RÉVISION DU DROIT MARITIME BELGE ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION (DROIT PRIVÉ) COMMENTAIRE GÉNÉRAL

Rapporteur: Eric Van Hooydonk

COM

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ARIT

IME

Service public fédéralMobilité et Transports

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PREMIER LIVRE BLEU CONCERNANT LA RÉVISION DU DROIT MARITIME BELGE

Le présent Livre bleu énonce les propositions de la Commission de droit maritime pour la révision du droit maritime belge. Ces propositions constituent ensemble l’Ébauche du Code maritime belge et ont été soumises à partir de 2011 à une consultation publique. Bien que le présent texte puisse encore contenir quelques imperfections, nous avons préféré le publier sur www.droitmaritime.be tel qu’il a été présenté lors de la journée d’études s’y rapportant, sans corrections. Partant des observations reçues et de la concertation avec les intéressés, la Commission de droit maritime peaufinera ensuite l’Ébauche de Code belge de la navigation.

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COMMISSION DE DROIT MARITIME

ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION

(DROIT PRIVÉ)

COMMENTAIRE GÉNÉRAL

PREMIER LIVRE BLEU CONCERNANT LA RÉVISION DU DROIT MARITIME BELGE

Rapporteur : Eric Van Hooydonk

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Ego quidem mundi dominus, lex autem maris. (“Je suis le seigneur du monde, mais c’est la loi qui domine la mer” – Empereur Antoine, in Digeste, XIV.II.9) COLOPHON Eric Van Hooydonk Premier Livre bleu concernant la révision du Droit maritime belge Anvers Commission de droit maritime 2014 194 pag. - 29,7 x 21,0 cm Photos courtesy of Etienne Schouppe and Eric Van Hooydonk © 2014 Eric Van Hooydonk Tous droits réservés. Sous réserve des exceptions formellement prévues par la loi, aucun élément de la présente édition ne peut être reproduit, enregistré dans une base de données ou publié, d’une manière quelconque, sans l’autorisation préalable et explicite de l’auteur. Bien que la présente édition ait été réalisée avec la plus grande rigueur et le plus grand soin, ses auteurs ne peuvent garantir l'absence d'éventuelles erreurs (d'impression), lacunes ou imperfections et n’en acceptent aucune responsabilité. Eric Van Hooydonk, Président de la Commission de droit maritime Emiel Banningstraat 21/23, B-2000 Anvers Service public fédéral Mobilité et Transports, DG Transports maritimes Rue du Progrès, 56, B-1210 Bruxelles, local 7A03 [email protected], [email protected] www.droitmaritime.be, www.zeerecht.be

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INTRODUCTION Le secteur de la navigation et des ports belges appartient à l’élite internationale. Le port d’Anvers est le deuxième port d’Europe et, à beaucoup d’égards, notamment sur le plan de la superficie, il est le plus grand au monde. Zeebruges, Gand, Ostende, Bruxelles et Liège remplissent également, chacun pour les activités qui les concernent, un rôle de premier plan en Europe. En matière de tonnage, la marine marchande belge appartient déjà depuis des années au top vingt mondial, devançant la marine marchande de nations maritimes plus importantes en Europe. Le marché belge des assurances transport compte parmi les quinze plus importants au monde. La Belgique maritime dispose d’un savoir-faire reconnu sur la scène internationale, dans le domaine de la construction, nautique, économique et juridique. À cette époque de globalisation, le secteur maritime est plus que jamais le joyau de l’économie belge. La révision de la loi maritime belge apparaît comme une priorité pour poursuivre le développement du secteur de la navigation belge – ou ‘cluster’ de la navigation belge. La loi maritime actuelle – incluse dans le Code de commerce sous le Livre II – est totalement dépassée par la pratique actuelle de la navigation et du commerce maritime, ainsi que par les législations étrangères. Lors d’une journée d’étude menée à Anvers le 16 mai 2006, ayant attiré de nombreux participants, le Ministre de l’époque de la Mobilité et de la Mer du Nord Renaat Landuyt avait annoncé une révision de grande envergure de la loi maritime. Sous son impulsion, et avec le soutien de l’Union Royale des Armateurs Belges, une petite équipe d’experts de la loi maritime a entamé, fin 2006, les travaux de préparation de la nouvelle loi maritime belge. Cette équipe a publié un Livre vert, soumettant un certain nombre d’idées et de suggestions à une consultation publique couronnée de succès. La Commission de droit maritime, créée par l’arrêté royal du 27 avril 2007, est chargée de l’élaboration d’un nouveau Code belge de la navigation. Le Ministre de la Mobilité Yves Leterme, et ensuite le Secrétaire d’État Etienne Schouppe, ont apporté tout leur soutien à ce projet. La commission de révision agit de manière indépendante et tente de tenir compte de tous les intérêts publics et commerciaux en présence pour parvenir à un équilibre performant. L’objectif principal est le renforcement du rayonnement international et de l’attractivité de l’ensemble du secteur de la navigation belge. Après une préparation approfondie1 et des concertations avec de nombreux experts, la Commission de droit maritime est aujourd’hui en mesure d’exposer ses conclusions et ses propositions concrètes sur le droit privé de la navigation, présentées dans une série d’une douzaine de rapports, dénommés ‘Livres bleus’. Ces Livres bleus feront immédiatement l’objet d’une (deuxième) consultation publique.

1 Les sites internet ont été consultés la dernière fois le 20 décembre 2010.

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LIGNES DE FORCE DE L’ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION (DROIT PRIVÉ)

RÉSUMÉ DESTINÉ AUX DÉCIDEURS POLITIQUES

Sous l’impulsion du Secrétaire d’État Etienne Schouppe, la Commission de droit maritime a élaboré un nouveau Code belge de la navigation. Ce code prévoit un cadre juridique nouveau et complet pour les activités de navigation et des ports. Le secteur de la navigation et des ports belges appartenant à l’élite mondiale et constituant un pilier de l’économie belge, ainsi que la pratique juridique maritime sont demandeurs, à juste titre, d’une profonde modernisation de la législation de la navigation. Depuis le milieu de l’année 2007, la Commission Royale pour la Révision du Droit Maritime se penche sur la modernisation complète du droit de la navigation. L’Ébauche de Code belge de la navigation, présentée aujourd’hui, donne un contenu à la partie la plus importante du nouveau code, à savoir le volet de droit privé. Celui-ci reprend les dispositions de droit privé, c'est-à-dire les articles qui déterminent au fond la position juridique des acteurs issus du secteur privé de la navigation et des ports, comme les propriétaires de navires, les armateurs, les transporteurs, les affréteurs, les commandants et les équipages, les propriétaires de cargaison et les autres intéressés à la cargaison, de nombreux prestataires de services comme les bailleurs de fonds maritimes, les agents maritimes, les manutentionnaires, et les sauveteurs, ainsi que les cocontractants de ces parties et les tiers victimes d’un dommage. L’Ébauche du volet privé du Code belge de la navigation de 2010 est répartie sur une douzaine de rapports partiels, dénommés Livres bleus, qui seront présentés publiquement dans la première moitié de l’année 2011. Ces Livres bleus feront l’objet d’une consultation publique, laquelle se clôturera par une Conférence Nationale du Droit de la Navigation. Un certain nombre d’événements secondaires ont également été planifiés. Les parties à développer ultérieurement reprendront des dispositions générales, la codification du droit maritime public – les règles relatives à l’intervention des autorités dans le secteur de la navigation. Une ébauche de loi sur l’assurance transport est également en préparation en complément au volet de droit privé ici présenté. Le volet de droit privé entend remplacer complètement la loi maritime belge actuelle, laquelle date de 1879 et renvoie en grande partie aux Codes Napoléon de 1807 et de Louis XIV de 1681. La loi maritime ne règle rien de ce qui concerne le transport de conteneurs, les marchandises dangereuses, l’échange des données électroniques et le transport multimodal. La loi maritime ne contient pas non plus de statut adéquat pour la navigation de plaisance, les bateaux d’habitation, les navires des autorités et le patrimoine navigant. Plus de la moitié des dispositions de la loi maritime sont totalement dépassées par la réalité du secteur de la navigation et des ports, et elles sont complètement ignorées par la pratique commerciale. Le vieillissement de la loi maritime implique que les litiges maritimes sont de moins en moins traités devant les tribunaux belges. Le nouveau texte de loi proposé entend renforcer le rôle de la Belgique comme état autorisé dans le domaine de la navigation et des ports, et contribuer à son rayonnement sur le plan international. Il donnera également une nouvelle impulsion à l’instruction des litiges de navigation devant les tribunaux belges. L’Ébauche de Code belge de la navigation est structurée de la manière suivante :

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ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION LIVRE 1 – DISPOSITIONS GÉNÉRALES LIVRE 2 – DROIT PUBLIC DE LA NAVIGATION LIVRE 3 – DROIT PRIVÉ DE LA NAVIGATION TITRE 1 – DISPOSITIONS GÉNÉRALES Chapitre 1 – Définitions Chapitre 2 – Sources Chapitre 3 – Interprétation TITRE 2 – NAVIRES Chapitre 1 – Statut Chapitre 2 – Construction navale Chapitre 3 – Sûretés sur navire Chapitre 4 – Saisies sur navire Chapitre 5 – Publicité Chapitre 6 – Navires d’autorité TITRE 3 – ARMATEURS Chapitre 1 – Copropriété de navire Chapitre 2 – Agence maritime Chapitre 3 – Responsabilité TITRE 4 – ÉQUIPAGE Chapitre 1 – Engagement sur navire Chapitre 2 – Commandants Chapitre 3 – Responsabilité TITRE 5 – TRANSPORT Chapitre 1 – Affrètement Chapitre 2 – Transport Chapitre 3 – Remorquage et poussage Chapitre 4 – Manutention TITRE 6 – INCIDENTS MARITIMES Chapitre 1 – Abordage Chapitre 2 – Assistance Chapitre 3 – Avarie commune

Les Livres 1 et 2 seront présentés ultérieurement. L’Ébauche du Livre 3 et la nouvelle législation de droit privé qu’il comprend introduit les innovations suivantes :

- le Code contient un certain nombre de définitions de concepts argumentées et clarificatrices ;

- les conventions internationales ont été intégrées au maximum dans la législation belge ; - pour la première fois, un régime légal sera introduit relativement aux usages portuaires et

aux conditions générales des contrats ;

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- les navires non-marchands bénéficient d’un statut cohérent et sont, à quelques exceptions près pour les navires de souveraineté belges et étrangers, soumis au droit de la navigation ;

- les contrats de construction et de réparation de navires bénéficient pour la première fois d’un régime légal ;

- le régime des sûretés sur navire a été retravaillé pour répondre au mieux aux besoins spécifiques du secteur de la navigation belge, avec un renforcement de la position des intéressés à la cargaison et des armateurs ;

- le régime de la publicité des droits sur navire est clarifié ; - le régime légal de la copropriété de navire est davantage développé que par le passé ; - la responsabilité des propriétaires de navires et des armateurs est mieux décrite dans la loi,

sans renoncer à ses lignes de force ; - pour la première fois, un statut légal est instauré pour l’agence maritime ; - le statut de l’équipage du navire et des commandants est mieux défini, avec une approche

plus réaliste des tâches et de la responsabilité personnelle du capitaine et davantage d’attention à la position du commandant des embarcations non-marchandes ;

- un régime supplétif moderne au contrat d’affrètement a été introduit ; - les règles de La Haye sont provisoirement conservées en matière de contrat de transport,

avec un certain nombre de clarifications nationales, étant entendu que la possibilité de passer aux règles de Rotterdam est maintenue ouverte ;

- le statut et la responsabilité des manutentionnaires sont régis pour la première fois, tant en vue de la protection des intéressés à la cargaison que de la facilitation des activités portuaires;

- les dispositions relatives à la responsabilité en cas d’abordage, lesquelles restent attachées à la Convention sur l’abordage de 1910, ont été mises au point là où c’était nécessaire ;

- la Convention de Londres sur l’assistance de 1989 est intégrée à la législation belge ; - le régime légal supplétif et dépassé de l’avarie commune est remplacé par les règles de

York et d’Anvers et les règles du Rhin ; - le régime de la saisie conservatoire sur navire est maintenu dans sa substance, mais il a été

amélioré sur le plan légistique ; - le régime procédural de la saisie-exécution sur navire a été retravaillé en vue du

déroulement plus rapide et plus efficace de la procédure ; - en complément aux règles européennes, un régime légal de règles de rattachement de DIP

a été introduit spécifiquement en matière de navigation, - lorsque cela s’avère pertinent, notamment dans le cadre de l’application des conditions

générales des contrats et des procédures judiciaires, l’anglais est reconnu comme langue maritime ;

- l’assurance transport est soumise à une législation propre et actuelle. Il est possible de contacter la Commission de droit maritime via [email protected] et [email protected]. De plus amples informations sont disponibles sur www.zeerecht.be et sur www.droitmaritime.be.

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE D’ETIENNE SCHOUPPE, SECRÉTAIRE D’ÉTAT À LA MOBILITÉ ........................................... 8 INTRODUCTION D’ERIC VAN HOOYDONK, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE DROIT MARITIME ...................................................................................................................................................... 9 LIGNES DE FORCE DE L’ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION (DROIT PRIVÉ) .. 11 TABLE DES MATIÈRES ......................................................................................................... 14 ABRÉVIATIONS ET CITATIONS ABRÉGÉES ............................................................................ 22 ORGANISATEURS, PARTENAIRES ET SPONSORS ................................................................... 23

1. LE PROJET DE RÉVISION ...................................................................... 25 1.1. INTRODUCTION ...................................................................................................... 25 1.2. ORGANISATION DU PROJET DE RÉVISION ...................................................... 25 1.2.1. AVANT-PROPOS ...............................................................................................................................25

1.2.1.1. ÉTUDE SCHIP VAN STAAT MET SLAGZIJ ......................................................................25 1.2.1.2. ÉQUIPE D’EXPERTS DE LA LOI MARITIME ....................................................................26 1.2.1.3. LIVRE VERT SUR LA NOUVELLE LOI MARITIME ........................................................26

1.2.2. LA COMMISSION DE DROIT MARITIME .........................................................................................27 1.3. ACTIVITÉS DE LA COMMISSION DE DROIT MARITIME ................................ 28 1.3.1. PREMIÈRE CONSULTATION PUBLIQUE .........................................................................................28 1.3.2. TRAVAUX DE RECHERCHE ET DE RÉDACTION ............................................................................29 1.4. ÉTAPES SUIVANTES ................................................................................................ 32 1.4.1. DEUXIÈME CONSULTATION PUBLIQUE ........................................................................................32 1.4.2. ÉLABORATION DU VOLET DE DROIT PUBLIC ...............................................................................33 1.4.3. CONSULTATION PUBLIQUE SUR LE VOLET DE DROIT PUBLIC ...................................................33 1.4.4. RÉDACTION FINALE ........................................................................................................................33 1.4.5. PROCESSUS LÉGISLATIF ..................................................................................................................34 1.4.6. ARRÊTÉS D’EXÉCUTION .................................................................................................................34 1.4.7. ACTUALISATION CONTINUE ..........................................................................................................34

2. COMMENTAIRE GÉNÉRAL DE L’ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE

LA NAVIGATION (DROIT PRIVÉ) ............................................................ 35 2.1. CONTEXTE GÉNÉRAL ET OBJECTIFS ................................................................ 35 2.1.1. CONTEXTE JURIDIQUE ............................................................................................... 35

2.1.1.1. CARACTÉRISTIQUES FORMELLES DU DROIT PRIVÉ BELGE DE LA NAVIGATION ....35 2.1.1.2. RÉGLEMENTATION INTERNATIONALE ET EUROPÉENNE .........................................41 2.1.1.3. RÉPARTITION DE COMPÉTENCES AU SEIN DE LA STRUCTURE FÉDÉRALE DE L’ÉTAT ...........................................................................................................................................44 2.1.1.4. STRUCTURE DE LA LÉGISLATION BELGE DE LA NAVIGATION ..................................47 2.1.1.5. DÉFAUTS DE LA LÉGISLATION BELGE DE LA NAVIGATION ......................................48

2.1.2. CONTEXTE ÉCONOMIQUE ......................................................................................... 49 2.1.2.1. UN SECTEUR DE LA NAVIGATION D’IMPORTANCE MONDIALE ................................49 2.1.2.2. IMPORTANCE DES SOUS-SECTEURS ...............................................................................49

2.1.3. CONTEXTE POLITIQUE .............................................................................................. 57 2.1.3.1. DÉVELOPPEMENTS INTERNATIONAUX .......................................................................57 2.1.3.2. NOUVELLE DYNAMIQUE DE LA POLITIQUE BELGE EN MATIÈRE DE NAVIGATION ................................................................................................................................57

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2.1.3.3. ATTENTION POLITIQUE POUR LES SECTEURS NON-MARCHANDS ............................59 2.1.3.4. NÉCESSITÉ D’UN ÉQUILIBRE ADAPTÉ ENTRE LES INTÉRÊTS EN PRÉSENCE ...........59 2.1.3.5. SOUTIEN À LA RÉVISION ................................................................................................60 2.1.3.6. URGENCE DE LA RÉVISION ............................................................................................61

2.1.4. OBJECTIFS GÉNÉRAUX ............................................................................................... 61 2.1.4.1. IMPORTANCE ...................................................................................................................61 2.1.4.2. ACTUALISATION D’UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DE LA LÉGISLATION BELGE .............61 2.1.4.3. RENFORCEMENT DE LA POSITION CONCURRENTIELLE DU SECTEUR DE LA

NAVIGATION .................................................................................................................................62 2.1.4.4. ENCOURAGEMENT DES PRESTATIONS DE SERVICES JURIDIQUES ............................62 2.1.4.5. ÉLARGISSEMENT DU RAYONNEMENT DE LA BELGIQUE EN TANT QUE NATION

NAVIGATRICE ................................................................................................................................62 2.2. LIGNES DE FORCE GÉNÉRALES ......................................................................... 63 2.2.1. UNE CONCEPTION LARGE DU DROIT DE LA NAVIGATION .......................................... 63 2.2.2. LIGNES DE FORCE FORMELLES .................................................................................. 63

2.2.2.1. RECODIFICATION DU DROIT DE LA NAVIGATION .....................................................63 A. OPTION DE LA CODIFICATION ..............................................................................................63 B. EXTRACTION HORS DU CODE DE COMMERCE ....................................................................69 C. MISE EN ŒUVRE DES CONVENTIONS INTERNATIONALES .................................................75 D. DROIT COMPARÉ .................................................................................................................. 100 E. ACTUALISATION CONTINUE ............................................................................................... 104 2.2.2.2. CHAMP D’APPLICATION LARGE MAIS DÉLIMITÉ ...................................................... 104 A. INTÉGRATION DU DROIT DE LA NAVIGATION PRIVÉ ET PUBLIC ................................... 104 B. INTÉGRATION DU DROIT DE LA NAVIGATION MARITIME ET INTÉRIEURE .................. 107 C. DÉLIMITATION AU REGARD DES AUTRES DROITS DU TRANSPORT ................................ 110 D. DÉLIMITATION AU REGARD DU DROIT COMMUN ........................................................... 111 E. CODE BELGE DE LA NAVIGATION, LOI GÉNÉRALE SUR LE TRANSPORT ET LOI

D’INTRODUCTION...................................................................................................................... 114 2.2.2.3. ÉLABORATION APPROFONDIE VIA LES LIVRES BLEUS ............................................ 115 A. APERÇU .................................................................................................................................. 115 B. STRUCTURE INTERNE ........................................................................................................... 116

2.2.3. LIGNES DE FORCE MATÉRIELLES .............................................................................. 117 2.2.3.1. ÉQUILIBRE ENTRE ORIENTATION INTERNATIONALE ET SPÉCIFICITÉ NATIONALE ................................................................................................................................ 117 A. ADHÉSION AUX DÉVELOPPEMENTS INTERNATIONAUX ................................................. 117 B. MAINTIEN DE CARACTÉRISTIQUES NATIONALES ............................................................. 119 2.2.3.2. POSITIONNEMENT CLAIR DU DROIT DE LA NAVIGATION EN TANT QUE BRANCHE

DU DROIT .................................................................................................................................... 121 A. EXPLICITATION DE L’AUTONOMIE DU DROIT DE LA NAVIGATION .............................. 121 B. RECONNAISSANCE DE PRINCIPES GÉNÉRAUX DE DROIT MARITIME ............................. 131 C. ENCADREMENT DE L’AUTORÉGULATION ......................................................................... 134 D. DROIT SUPPLÉTIF COMME PRINCIPE ................................................................................. 135 E. RECONNAISSANCE DE L’ANGLAIS COMME LANGUE INTERNATIONALE DE LA

NAVIGATION .............................................................................................................................. 136 F. FONDEMENT STRUCTUREL DE LA POLITIQUE DE LA NAVIGATION ............................... 136 2.2.3.3. ÉLARGISSEMENT, CLARIFICATION ET INTÉGRATION DU DROIT DE LA NAVIGATION .............................................................................................................................. 138 A. INSERTION DES DÉFINITIONS DE CONCEPTS ................................................................... 138 B. APPLICATION À LA NAVIGATION NON MARCHANDE ...................................................... 139 C. ABANDON DES PRINCIPES SUPERFLUS ............................................................................... 139

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D. INSERTION D’UN NOUVEAU RÉGIME MATÉRIEL.............................................................. 141 E. LE TRANSFERT DU RÉGIME DES SAISIES SUR NAVIRES .................................................... 141 F. RATIONALISATION DES RÈGLES DE PRESCRIPTION ......................................................... 142 G. INSERTION DES DISPOSITIONS DE DIP ............................................................................ 143 H. MATIÈRES NON TRAITÉES................................................................................................... 151

2.3. INTITULÉ ET STRUCTURE DE L’ÉBAUCHE ................................................... 152 2.3.1. INTITULÉ ................................................................................................................. 152 2.3.2. STRUCTURE ............................................................................................................. 153

2.3.2.1. CRITIQUE DE LA STRUCTURE DE LA LOI MARITIME ................................................ 153 2.3.1.2. STRUCTURE DE L’ÉBAUCHE DU CODE BELGE DE LA NAVIGATION .................. 190

2.4. LIGNES DE FORCE PAR SECTION ...................................................................... 191 2.4.1. TITRE I – DISPOSITIONS GÉNÉRALES ........................................................................................ 191 2.4.2. TITRE 2 – NAVIRES ...................................................................................................................... 192 2.4.3. TITRE 3 – ARMATEURS ................................................................................................................. 193 2.4.4. TITRE 4 – ÉQUIPAGE ................................................................................................................... 193 2.4.5. TITRE 5 – TRANSPORT ................................................................................................................. 193 2.4.6. TITRE 6 – INCIDENTS DE LA NAVIGATION ............................................................................... 194 2.4.7. LOI SUR L’ASSURANCE TRANSPORT ............................................................................................ 194

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ABRÉVIATIONS ET CITATIONS ABRÉGÉES2

ABDM Association belge de Droit maritime

ARMB Académie royale de marine de Belgique

Arroyo Arroyo, I., Curso de derecho marítimo, Barcelone, J.M. Bosch, 2001

Beurier Beurier, J.-P. (dir.), Droits maritimes, Paris, Dalloz, 2008

Bonassies-Scapel Bonassies, P. en Scapel, C., Droit maritime, Paris, L.G.D.J., 2010

Boonk Boonk, H., Zeerecht en IPR, Deventer, Kluwer, 1998

Braën Braën, A., Le droit maritime au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur Itée, 1992

BZB Belgische Zeevaartbond

Carbone-Celle-Lopez de Gonzalo Carbone, S.M., Celle, P. et Lopez de Gonzalo, M., Il diritto marittimo, Turin, G. Giappichelli, 2006

CdA-A Cour d'appel d'Anvers, 4° Chambre

CDIP Code de droit international privé

Chauveau Chauveau, P., Traité de droit maritime, Paris, Librairies techniques, 1958

Chorley-Giles Gaskell, N.J.J., Debattista, C. et Swatton, R.J., Chorley & Giles’ Shipping Law, Londres, Financial Times, 1987

CLC Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, faite à Bruxelles le 29 novembre 1969, telle que modifiée par le Protocole établi à Londres le 27 novembre

Cleton Cleton, R., Hoofdlijnen van het vervoerrecht, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1994

Cleveringa Cleveringa, R.P., Zeerecht, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1961

CLNI Convention sur la limitation de la responsabilité en navigation intérieure, conclue à Strasbourg le 4 novembre 1988

CMI Comité Maritime International

CMNI Convention relative au contrat de transport international de marchandise par voie de navigation intérieure (CMNI) ou Convention de Budapest, signée le 22 juin 2001

CMR Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) Genève, 19 mai 1956.

2 Pour les abréviations non explicitées, voir: Interuniversitaire Commissie Juridische Verwijzingen en Afkortingen, Juridische verwijzingen en afkortingen, Mechelen, Kluwer, 2008, 170 p.

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Code disciplinaire et pénal marine marchande et pêche maritime

Loi du 5 juin 1926 portant révision du Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime

Convention abordage 1910 Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière d'abordage, faite à Bruxelles le 23 septembre 1910

Convention assistance 1910 Convention pour l'unification de certaines règles en matière d'assistance et de sauvetage maritimes faite à Bruxelles le 23 septembre 1910

Convention assistance 1989 Convention internationale de 1989 sur l'assistance, faite à Londres le 28 avril 1989.

Convention compétence civile abordage 1952 Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence civile en matière d'abordage et autres événements de navigation, signée à Bruxelles, le 10 mai 1952.

Convention compétence pénale abordage 1952 Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à la compétence pénale en matière d'abordage et autres événements de navigation, signée à Bruxelles, le 10 mai 1952

Convention connaissement 1924 Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924

Convention exploitants terminaux Convention des Nations unies sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international, établie à Vienne le 19 avril 1991

Convention limitation responsabilité 1957 Convention internationale sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer, faite à Bruxelles le 10 octobre 1957

Convention LLMC Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, établie à Londres le 19 novembre 1976 (LLMC 1976)

Convention navires d’État 1926 Convention internationale pour l'unification de certaines règles concernant les immunités des navires d'État, établie à Bruxelles le 10 avril 1926

Convention passagers 1974 Convention relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages, établie à Athènes le 13 décembre 1974

Convention privilèges maritimes 1926 Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes, établie à Bruxelles le 10 avril 1926

Convention privilèges maritimes 1967 Convention Internationale pour l'unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes, établie à Bruxelles le 27 mai 1967

Page 16: Livre bleu 1 - Commentaire général

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Convention privilèges maritimes 1993 Convention internationale sur les privilèges et hypothèques maritimes, établie à Genève le 6 mai 1993

Convention saisie navires 1999 Convention internationale sur la saisie conservatoire des navires, établie à Genève le 12 mars 1999

Convention saisie navires 1952 Convention internationale pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, signée à Bruxelles le 10 mai 1952

Cornejo Fuller Cornejo Fuller, E., Derecho Marítimo Chileno, Valparaíso, Eugenio Raul Cornejo Fuller, 2003

CRMB Collège royal maritime belge

Danjon I Danjon, D., Traité de droit maritime, I, Paris, Sirey, 1926

De Page II De Page, H., Traité élémentaire de droit civil belge, II, Bruxelles, Bruylant, 1964

De Smet I De Smet, R., Droit maritime et droit fluvial belges, I, Bruxelles, Larcier, 1971

Dekkers-Wylleman Dekkers, R. et Wylleman, A., Handboek burgerlijk recht, I, Anvers / Oxford, Intersentia, 2009

Delwaide SB Delwaide, L., Scheepsbeslag, Anvers, Kluwer, 1988

DG Environnement Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, Direction générale Environnement

DMF Le Droit Maritime Français

Falkanger-Bull-Brautaset Falkanger, Bull, H.J. et Brautaset, L., Introduction to Maritime Law, s.l., Tano Aschehoug, 1998

Fogarty Fogarty, A.R.M., Merchant Shipping Legislation, Londres / Singapour, LLP, 2004

Gilmore-Black Gilmore, G. et Black, Ch.L., The law of admiralty, Mineola, The Foundation Press, 1975

Grime Grime, R., Shipping law, Londres, Sweet & Maxwell, 1991

Herber Herber, R., Seehandelsrecht, Berlin / New York, Walter de Gruyter, 1999

IDM Il Diritto Marittimo

Jacobs I Jacobs V., Le droit maritime belge, I, Bruxelles, Polleunis, Ceuterick et De Smet, 1889

Jacobs II Jacobs, V., Le droit maritime belge, II, Bruxelles / Paris, Bruylant / A. Chevalier-Maresq, 1891

Japikse Japikse, R.E., Verkeersmiddelen en vervoer. Deel I. Algemene bepalingen en rederij, in Asser-Serie, Deventer, Kluwer, 2004

JMLC Journal of Maritime Law and Commerce

Korthals Altes-Wiarda Korthals Altes, A. et Wiarda, J.J., Vervoerrecht, Deventer, Kluwer, 1980

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LA Libert Liber amicorum Hubert Libert, Anvers / Apeldoorn, Maklu, 1999

Lefebvre d’Ovidio-Pescatore-Tullio Lefebvre d’Ovidio, A., Pescatore, G. et Tullio, L., Manuale di diritto della navigazione, Milan, Dott. A. Giuffrè, 2008

Li-Ingram Li, K.X. et Ingram, C.W.M., Maritime Law and Policy in China, Londres / Sydney, Cavendish, 2002

Livre vert Van Hooydonk, E. (ed.), Livre vert Nouvelle loi maritime belge, Anvers/Apeldoorn, Maklu, 2007

Loi enregistrement navires Loi du 21 décembre 1990 relative à l'enregistrement des navires

Loi jaugeage navires Loi du 12 juillet 1983 sur le jaugeage des navires

Loi maritime Code de Commerce, Livre II

Loi Navires d’État Loi du 28 novembre 1928 ayant pour objet l'introduction dans la législation belge des dispositions conformes à celles de la convention internationale pour l'unification de certaines règles concernant les immunités des navires d'État

Loi Sécurité Bâtiments Navigation Loi du 5 juin 1972 sur la sécurité des bâtiments de navigation

Manca I Manca, P., International maritime law, Anvers, European Transport Law, 1970

NJ Nederlandse Jurisprudentie

OMI Organisation maritime internationale

Oostwouder Oostwouder, W.J., Hoofdzaken Boek 8 BW , Deventer, Kluwer, 1994

PG Boek 8 NBW Claringbould, M.H., Parlementaire geschiedenis van het nieuwe Burgerlijk Wetboek. Boek 8. Verkeersmiddelen en vervoer, Deventer, Kluwer, 1992

Protocole connaissement 1968 Protocole établi à Bruxelles le 23 février 1968, modifiant la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924

Puttfarken Puttfarken, H.-J., Seehandelsrecht, Heidelberg, Verlag Recht und Wirtschaft, 1997

Querci Querci, F.A., Diritto della navigazione, Padua, Cedam, 1989

Rabe Rabe, D., Seehandelsrecht, Munich, C.H. Beck, 2000

Règles de Hambourg Convention des Nations unies sur le transport de marchandises par mer, établie à Hambourg le 31 mars 1978

Règles de La Haye Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, établie à Bruxelles le 25 août 1924

Page 18: Livre bleu 1 - Commentaire général

21

Règles de Rotterdam Convention des Nations unies sur les contrats de transport international de marchandises effectués totalement ou en partie par mer, établie à Rotterdam le 23 septembre 2009

Remond-Gouilloud Remond-Gouilloud, M., Droit maritime, Paris, Pedone, 1993

RIDC Revue internationale de droit comparé

Ripert I Ripert, G., Droit maritime, I, Paris, Rousseau, 1950

Rodière TGDM ILA Rodière, R., Traité général de droit maritime. Introduction. L’armement, Paris, Dalloz, 1976

Rodière-du Pontavice Rodière, R. et du Pontavice, E., Droit maritime, Paris, Dalloz, 1997

Rossi-Martorano Rossi, P. et Martorano, A., Istituzioni di diritto della navigazione, Turin, G. Giappichelli, 2002

RU-CIM Règles uniformes concernant le Contrat de transport international ferroviaire des marchandises (CIM), Appendice B à la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF), établi à Berne le 9 mai 1980 et modifié par le Protocole établi à Vilnius le 3 juin 1999

RU-CIV Règles uniformes concernant le Contrat de transport international ferroviaire des voyageurs et des bagages (CIV), Appendice B à la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF), établi à Berne le 9 mai 1980 et modifié par le Protocole établi à Vilnius le 3 juin 1999

Schoenbaum I Schoenbaum, T.J., Admiralty and maritime law, I, St. Paul, Thomson West, 2004

Schoenbaum II Schoenbaum, T.J., Admiralty and maritime law, II, St. Paul, Thomson West, 2004

Smeesters-Winkelmolen I Smeesters, C. et Winkelmolen, G., Droit Maritime et Droit Fluvial, I, Bruxelles, Larcier, 1929

Smeesters-Winkelmolen II Smeesters, C. et Winkelmolen, G., Droit Maritime et Droit Fluvial, II, Bruxelles, Larcier, 1933

Smeesters-Winkelmolen III Smeesters, C. et Winkelmolen, G., Droit Maritime et Droit Fluvial, III, Bruxelles, Larcier, 1938

SPF Service public fédéral

SWOT Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats

Tetley ICOL Tetley, W., International conflict of laws, Montreal, Blais, 1994

Tetley IMAAL Tetley, W., International Maritime and Admiralty Law, Cowansville, Yvon Blais, 2002

Tetley MCC I Tetley, W., Marine cargo claims, I, Cowansville, Thomson Carswell, 2008

Page 19: Livre bleu 1 - Commentaire général

22

Tetley MCC II Tetley, W., Marine cargo claims, II, Cowansville, Thomson Carswell, 2008

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TVR Tijdschrift Vervoer & Recht

URAB Union royale des Armateurs belges

Van der Velde Van der Velde, W., De positie van het zeeschip in het internationaal privaatrecht, thèse de doctorat, Groningen, Rijksuniversiteit Groningen, 2006

Van Hooydonk SVSMS Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, Anvers / Apeldoorn, Maklu, 2006

Van Ommeslaghe I Van Ommeslaghe, P., Droit des obligations, I, Bruxelles, Bruylant, 2010

Van Ommeslaghe II Van Ommeslaghe, P., Droit des obligations, II, Bruxelles, Bruylant, 2010

Van Ommeslaghe III Van Ommeslaghe, P., Droit des obligations, III, Bruxelles, Bruylant, 2010

Van Ryn-Heenen I Van Ryn, J. et Heenen, J., Principes de droit commercial, I, Bruxelles, Bruylant, 1976

Van Ryn-Heenen IV Van Ryn, J. et Heenen, J., Principes de droit commercial, IV, Bruxelles, Bruylant, 1988

VHV Vlaamse Havenvereniging

Vialard Vialard, A., Droit maritime, Paris, PUF, 1997

Völlmar Völlmar, H.F.A., Zee- en binnenvaartrecht, Haarlem, H.D. Tjeenk Willink, 1952

WPNR Weekblad voor Privaatrecht, Notariaat en Registratie

Wüstendörfer Wüstendörfer, Neuzeitliches Seehandelsrecht, Tübingen, Verlag J.C.B. Mohr, 1950

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ORGANISATEURS, PARTENAIRES ET SPONSORS

Ont collaboré à l'organisation de la consultation publique sur l'Ébauche de Code belge de la navigation (Droit privé) :

Organisateurs Service Public Federal Mobilité et Transports

Commission de Droit maritime

Partenaires principaux Gemeentelijk Havenbedrijf Antwerpen

Union Royale des Armateurs Belges

Sponsor principal Association Belge de Droit Maritime

Sponsors

Alfaport Antwerpen Algemene Beroepsvereniging voor het Antwerpse Stouwerij- en Havenbedrijf

Fédération Maritime d’Anvers Cobelfret

DAB Vloot Elegis Advocaten

Eric Van Hooydonk Advocaten Havenbedrijf Gent

Haven van Zeebrugge Association Belge des Assureurs Maritimes

Koninklijk Verbond der Beheerders van Goederenstromen Nateus

Commission nautique près le Tribunal de Commerce d'Anvers Ponet & De Vleeschauwer Port Autonome de Liège

Roosendaal Keyzer van Doosselaere Advocaten Verbeke Melis Advocaten

Vereniging voor Expeditie, Logistiek en Goederenbelangen van Antwerpen Watererfgoed Vlaanderen

Wijffels Advocaten

Co-organisateurs Université de Gand, Institut Maritime

Portius – International and EU Port Law Centre

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1. LE PROJET DE RÉVISION 1.1. INTRODUCTION 1.1. La présente section expose l’organisation et le déroulement du projet de révision du Code belge de la navigation. Pour une présentation plus détaillée des fondements de la révision et de ses premières étapes, l’on renvoie aux publications antérieures3. 1.2. ORGANISATION DU PROJET DE RÉVISION 1.2.1. AVANT-PROPOS 1.2.1.1. ÉTUDE SCHIP VAN STAAT MET SLAGZIJ 1.2. La première impulsion à la révision du droit maritime belge a été donnée par une étude des forces et des faiblesses du droit et de la politique maritime en Belgique, publiée en 20064. Cette étude examinait la position de l’ensemble du secteur juridico-maritime et de son (sous)secteur du droit maritime, dans le cadre du domaine maritime en Belgique. Ce dernier comprend tous les secteurs et activités en rapport avec la navigation et les ports. Le secteur du droit maritime y a été défini comme l’ensemble des instances publiques et privées ainsi que les prestataires de services dont les activités consistent principalement à former et à utiliser le droit maritime. Sont notamment compris dans cet ensemble les administrations publiques, la magistrature, le barreau, les assurances, les banques et les experts actifs dans la navigation et le commerce maritimes. Le secteur du droit maritime remplit des fonctions variées : réglementation, administration, police, prestation de services (notamment le règlement des litiges, le conseil, le financement et les assurances), formation et recherche. L’intégration de tous ces domaines dans un « cluster » entend démontrer que les organes se renforcent mutuellement grâce à leur proximité géographique, à leurs intérêts combinés et à leur interaction. En d’autres termes, la somme représente davantage que chacun des éléments et elle exerce un pouvoir d’attraction propre. Dans le cadre d’une analyse SWOT – également basée sur une comparaison avec d’autres pays –, l’étude en question a identifié les forces et les faiblesses du secteur du droit maritime belge, ainsi que les opportunités et les menaces auxquelles il est confronté. En particulier, de nombreux défauts ont été constatés dans la législation belge de la navigation5 et l’on a plaidé pour une révision complète de cette dernière. L’on a ainsi insisté sur le revirement récemment effectué sur le plan de la politique fédérale, grâce à laquelle une attention adéquate est à nouveau accordée à la navigation6. La révision en cours du droit maritime ne repose pas seulement sur l’évaluation juridico-technique des dispositions actuelles mais elle s’inspire d’un regard plus large porté sur la position

3 Van Hooydonk, E., « De herziening van het Belgisch zeerecht », NjW 2007, n° 174, 2-19 et TVR 2008, 4-23. 4 Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij. Sterkten en zwakten van maritiem recht en beleid in België, Anvers/Apeldoorn, Maklu, 2006, 243 p. 5 Cf. infra, n° 1.42-1.43. 6 Cf. infra,n° 1.54-1.55.

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compétitive internationale du secteur juridico-maritime belge, ainsi que sur son fonctionnement au sein du secteur maritime plus large ou, mieux, du secteur de la navigation7.

1.2.1.2. ÉQUIPE D’EXPERTS DE LA LOI MARITIME 1.3. De décembre 2006 à mai 2007, sur instruction du ministre Renaat Landuyt et avec l’appui de l’Union Royale des Armateurs Belges, une petite équipe d’experts a mené un certain nombre d’études exploratoires en vue de la préparation de la révision de la loi maritime8. Outre un certain nombre de notes d’arrière-plan, ces travaux ont abouti au Livre vert sur la Nouvelle Loi maritime belge, discuté ci-après9.

1.2.1.3. LIVRE VERT SUR LA NOUVELLE LOI MARITIME 1.4. Le Livre vert sur la Nouvelle Loi maritime (ci-après : Livre vert)10 et le site web www.zeerecht.be ont été présentés au cours d’une séance académique à Bruges le 29 mai 2007. Le Livre vert pose comme principe qu’il y a lieu d’entamer la révision du droit maritime belge par l’actualisation de la loi maritime. Selon le Livre vert, il convenait de remplacer cette législation par un nouveau code, lequel recevrait le nom de travail de ‘Nouvelle Loi maritime belge’. Le Livre vert contenait une note-cadre sur la révision ainsi qu’une proposition de schéma pour le nouveau code, accompagnées de l’aperçu provisoire des thèmes importants dressé par l’équipe d’experts de la loi maritime et de 161 questions y afférentes en vue d’une consultation publique. Grâce au Livre vert et au site internet y relatif, avec son forum, chacun des intéressés issu des secteurs maritime et juridico-maritime a pu faire valoir en néerlandais son point de vue sur la révision jusqu’au 31 octobre 2007. Le 23 octobre 2007, une traduction française de l’ABDM a été publiée11, laquelle est disponible sur le site francophone de consultation www.droitmaritime.be. Les réactions pouvaient être formulées sur ce site jusqu’au 31 janvier 2008. À notre connaissance, c’est la première fois qu’un Code belge est préparé à l’aide d’une consultation publique et d’un Livre vert12. Il convient d’insister sur le fait que le Livre vert était uniquement destiné à faciliter la consultation. Les suggestions formulées dans le Livre vert entendaient uniquement susciter un débat public et ces dernières n’ont donc pas nécessairement été traduites dans l’Ébauche du Code

7 Ce dernier terme a été retenu par les Livres bleus pour couvrir l’ensemble des secteurs liés à la navigation maritime, à la navigation intérieure et aux ports. En raison de l’importance considérable de la navigation intérieure, l’on a rejeté le terme cluster ‘maritime’, trop étroit. Le cluster de la navigation intègre également les secteurs liés aux ports et au commerce, et pas seulement les activités pures de navigation comme la marine marchande, la navigation intérieure, la pêche maritime et la navigation de plaisance. Toutes les activités du cluster de la navigation sont toutefois générées par les activités de navigation ou elles y sont liées directement ou indirectement. Sur le cluster de la navigation, cf. infra, n° 1.44 et s. 8 Les membres de l’équipe d’experts étaient le Prof. Dr. Eric Van Hooydonk (coordinateur), le Prof. Dr. Leo Delwaide, le Prof. Dr. Ralph De Wit, le Prof. Wim Fransen, le Prof. Benoît Goemans et le Prof. Dr. Marc Huybrechts. 9 Il convient de souligner que les activités étaient accomplies en totale indépendance scientifique par rapport à l’Union des Armateurs, laquelle n’a interféré en aucune manière dans ces recherches. 10 Van Hooydonk, E. (éd.) Livre vert sur la Nouvelle Loi Maritime, Anvers/Apeldoorn, Maklu, 2007, 110 p. 11 Van Hooydonk, E. (ed.), Livre vert sur la Nouvelle Loi maritime, Anvers, Association Belge de Droit Maritime / Institut Européen de Droit Maritime et des Transports, 2007, 115 p. 12 Cf. infra, n° 1.7-1.8.

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belge de la navigation. En outre, le Livre vert a été rédigé par une équipe d’experts de la loi maritime alors que le code a été élaboré par une Commission de droit maritime comprenant davantage de membres, qui s’est notamment inspirée des résultats de la consultation, des recherches scientifiques ultérieures et des concertations avec les intéressés. 1.2.2. LA COMMISSION DE DROIT MARITIME 1.5. Conformément aux antécédents dans d’autres domaines juridiques, une commission chargée de la révision du droit maritime public et privé a été instituée par arrêté royal du 27 avril 200713. Cette Commission de droit maritime, dénommée ainsi par l’arrêté royal, a pour mission « visant la constitution la constitution d'une politique maritime coordonnée… de formuler des propositions relatives à la révision du droit maritime privé et public » (article 3, premier alinéa). Elle est entre autres chargée de « l'identification des dispositions réglementaires et légales à réviser, de la rédaction de notes directrices concernant l'orientation des révisions, de l'analyse préparatoire des points litigieux spécifiques, de la rédaction de projets de textes, de la concertation avec les secteurs concernés, de l'accompagnement de la procédure législative jusqu'au vote final aux Chambres législatives ou l'adoption d'arrêtés royaux » (article 3, alinéa 2). La Commission est composée de douze membres au maximum, qui sont nommés par le Ministre sur la base de leur compétence, expérience et intérêt en droit maritime selon la répartition suivante : - le président de l'Association belge de Droit maritime ; - 8 juristes ayant une connaissance spécifique et une expérience dans le domaine du droit maritime et au moins du rang de professeur ou d'un rang similaire investi d'une mission d'enseignement académique ; - un représentant de l'association belge des propriétaires de navires ou fréteurs considérée comme la plus représentative ; - un représentant de la Ministre de la Justice ; - un représentant du Ministre auquel appartient la compétence des affaires maritimes et de la navigation (article 4, premier alinéa)14.

13 A.R. 27 avril 2007 créant une commission chargée de la révision du droit maritime privé et public (MB 29 mai 2007). 14 A.M. 29 mai 2007 portant nomination des membres de la commission chargée de la révision du droit maritime privé et public (MB 9 août 2007, modifié par A.M. 8 mai 2008, MB 3 juin 2008 ; A.M. 22 janvier 2010, MB 12 février 2010, Ed. 2 ; A.M. 15 avril 2010, MB 12 mai 2010, Ed. 1). Les membres actuels de la Commission de droit maritime sont : - Prof. Dr. Eric Van Hooydonk, professeur chargé de recherches à l’Université de Gand, et avocat, qui assure la présidence ; - Prof. Dr. Leo Delwaide, professeur émérite à l’Université d’Anvers et à l’Université libre de Bruxelles, avocat ; - Prof. Dr. Eric Dirix, professeur à la Katholieke Universiteit Leuven et Conseiller à la Cour de cassation ; - Prof. Wim Fransen, chargé de cours invité à l’Université Libre de Bruxelles et avocat ; - Prof. Dr. Marc A. Huybrechts, professeur émérite à l’Université d’Anvers et à la Katholieke Universiteit Leuven, avocat ; - Prof. Dr. Eduard Somers, professeur ordinaire à l’Université de Gand et chargé de cours principal à l’Université d’Anvers ; - Monsieur Marc Tysebaert, conseiller général à Service Public Fédéral Justice, représentant le Ministre de la Justice ; - Prof. Peter Van de Vijver, chargé de cours invité à la Hogere Zeevaartschool d’Anvers, avocat ; - Monsieur Guy van Doosselaere, en qualité de président de l’Association Belge de Droit Maritime ; - Monsieur Marc Nuytemans, ancien président de l’Union Royale des Armateurs Belges, représentant l’association belge jugée la plus représentative des propriétaires de navires et des armateurs ; - Monsieur Marc Tysebaert, représentant le Ministre de la Justice ; - Monsieur Frans Van Rompuy, directeur général de la Direction Générale Transport Maritime du SPF Mobilité et Transport, représentant le ministre à qui appartient la compétence des affaires maritimes et de la navigation (art. 1er).

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Peuvent être invités à participer aux réunions de la Commission : - des représentants de l'administration régionale respectivement flamande, wallonne ou bruxelloise compétente pour les affaires maritimes; - des représentants de groupements, de fédérations professionnelles et interprofessionnelles et de pouvoirs publics ou d'organismes qui sont actifs dans ou autour des affaires maritimes ou relatives aux ports (article 4, alinéa 2). 1.6. Cette structure indique – ce qui est l’évidence même - que la Commission de droit maritime doit travailler en toute indépendance et doit tenir compte de tous les intérêts concernés par la révision, afin que ses propositions soient équilibrées et puissent bénéficier d’un consensus maximal. Dans cet esprit, la Commission de droit maritime a pris en considération, dans le cadre de ses activités, l’intérêt global du secteur belge de la navigation et elle a, à plusieurs reprises, mené des concertations informelles avec les experts des différents secteurs concernés15. 1.3. ACTIVITÉS DE LA COMMISSION DE DROIT MARITIME 1.3.1. PREMIÈRE CONSULTATION PUBLIQUE 1.7. Dès avant son achèvement, l’on pouvait déjà qualifier la consultation sur la nouvelle loi maritime de grand succès. La contribution la plus marquante fut fournie par l’Association Belge de Droit Maritime (ABDM), association représentative des juristes maritimes. Sous la direction de son président Guy van Doosselaere, également membre de la Commission de droit maritime, six sous-commissions ont été instituées au sein de l’ABDM, chargées d’étudier en profondeur les différents thèmes abordés dans le Livre vert. Des observateurs de la Commission de droit maritime ont participé aux discussions. Des contributions importantes ont en outre été apportées notamment par les magistrats de la quatrième chambre de la Cour d’appel d’Anvers et du Tribunal de commerce d’Anvers, par l’Union Royale des Armateurs Belges, par l’Association Belge des Assureurs Maritimes, par la Confédération des Expéditeurs de Belgique, par la DG Environnement du SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, par l’Organisation paneuropéenne de la Navigation Intérieure IVR, par le Régie Portuaire Communale d’Anvers, par la DAB Vloot de l’autorité flamande, par le Collège Royal Maritime Belge, par l’Académie Royale de Marine de Belgique et par la Société Royale de la Ligue Maritime Belge (ces trois derniers conjointement)16. Un important soutien au projet a également été exprimé par l’Association Portuaire Flamande, par l’organisation de coordination du secteur portuaire privé d’Anvers, de Zeebruges, de Gand et d’Ostende ainsi que par le Koninklijk Verbond der Beheerders van Goederenstromen. D’autres instances, notamment l’organisation de transport routier FEBETRA, ont également manifesté leur disponibilité à collaborer. Les positions et commentaires exprimés se sont avérés être une excellente source d’inspiration pour la Commission de droit maritime. Non seulement les positions politiques ont été rassemblées, mais de nombreux problèmes juridiques sensibles ont été détectés et l’on a pu assister à une collecte de suggestions concrètes et de connaissances pratiques. Les rapports de la

15 La présence à la Commission de l’association belge jugée la plus représentative des propriétaires de navires et des armateurs s’explique par le soutien au projet de révision accordé dès le départ et de manière désintéressée par l’Union Royale des Armateurs Belges. Dans le cadre de la mise sur pied du projet de développement et des activités de la Commission, cette association s’est toujours posée en représentante de l’ensemble du secteur maritime privé. Elle a toujours tenu compte de l’intérêt global de la Belgique maritime au-delà des seuls intérêts de ses membres. 16 Les textes des contributions sont disponibles sur les sites de la consultation www.droitmaritime.be et www.zeerecht.be.

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Commission aborderont les différentes réactions des participants de manière plus approfondie, notamment sous le titre ‘Critique à la lumière des intérêts en présence’. 1.8. Il convient également de noter que la première consultation publique sur le Livre vert, initialement compliquée à défaut d’expérience comparable pour certains intéressés des secteurs juridique, portuaire et de la navigation, a pendant ce temps été très appréciée chez les spécialistes de la légistique. Dans sa récente thèse de doctorat sur le rôle des institutions dans le processus législatif, Verlinden constate qu’il est rare que dans notre pays, des consultations correctes sur le plan méthodologique soient organisées en dehors des organes consultatifs existants. La chercheuse a mentionné la première consultation sur la nouvelle loi maritime belge comme exemple fédéral unique de ce type de consultation17. Elle précise que le Livre vert témoigne d’une approche réfléchie, ouverte et transparente18. Elle qualifie également la première consultation de la manière suivante :

Het lijkt erop dat bij het opstellen van deze procesplanning, al dan niet bewust, terdege rekening werd gehouden met de aanbevelingen van de best practices inzake consultaties. Een brede consultatie, voldoende tijd, input van deskundigen, een gestructureerde manier van werken, feedback en zelfs een tweede consultatieronde: alle succesfactoren zijn aanwezig. Hopelijk neemt ook de politiek de verantwoordelijkheid op om ervoor te zorgen dat dit initiatief niet verloren gaat19.

L’auteur conclut en indiquant que la première consultation sur le Livre vert de la Nouvelle Loi maritime démontre qu’il n’est pas impossible d’organiser une consultation législative qui satisfait aux best practices en la matière et qui bénéficie ainsi d’une assise solide. A propos du succès des consultations publiques en matière législative, la chercheuse insiste sur la nécessité de stabilité politique, afin que la consultation puisse être suivie d’effets et conduire à une réelle action réglementaire20. En l’espèce, l’on a anticipé ce problème en confiant la préparation de la révision à une commission officielle de révision, instituée par Arrêté royal et ancrée administrativement dans le Service Public Fédéral Mobilité et Transports. Cette institutionnalisation avait précisément pur but d’apporter la stabilité à ce projet de révision ambitieux et, par définition, de longue haleine, à travers les différentes législatures. Enfin, la chercheuse précise que l’exemple rare de la consultation sur le Livre vert de la Nouvelle Loi maritime constitue une source d’espoir en vue du développement futur de la pratique de la consultation21. 1.3.2. TRAVAUX DE RECHERCHE ET DE RÉDACTION 1.9. La Commission de droit maritime a entamé ses travaux de recherche et de rédaction du nouveau Code belge de la navigation le 1er novembre 2007. Thème par thème, elle a examiné en profondeur les mérites et les défauts des dispositions de la loi maritime actuelle et des réglementations proches, à la lumière de la jurisprudence, de la doctrine, des règles internationales et européennes, des législations étrangères et des résultats des consultations publiques en néerlandais et en français.

17 Verlinden, V., De hoeders van de wet. De rol van instellingen in het wetgevingsproces, Bruges, La Charte, 2010, 416, n° 779. L’unique exemple flamand indiqué par l’auteur est le projet Dierlijke Productie in de 21ste eeuw (DP21), qui n’a toutefois jamais conduit à une réglementation concrète. 18 Verlinden, V., De hoeders van de wet, o.c., 416, n° 780. 19 Verlinden, V., De hoeders van de wet, o.c., 417, n° 781. 20 Verlinden, V., De hoeders van de wet, o.c., 418, n° 784 et également 418-419, n° 786. 21 Verlinden, V., De hoeders van de wet, o.c., 419, n° 786.

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A titre préparatoire, des dossiers de documentation ont été constitués. Ces derniers ont été utilisés au cours de sessions de brainstorming réunissant des groupes de travail spécialisés, composés de membres sélectionnés de la Commission et d’experts externes22. Après ce premier échange d’idées, le travail de recherche et de rédaction a été effectué par un certain nombre d’experts individuels. Les rapports partiels issus de ces activités ont ensuite été présentés aux groupes d’experts nommés23, et dans la plupart des cas, lors de réunions ad hoc rassemblant des experts juridiques des différents secteurs concernés24. Ces dernières discussions ne concernaient pas formellement la balance des intérêts mais entendaient exclusivement réaliser un fact-finding ainsi qu’un contrôle légistique. Après cet échange d’idées et, dans de nombreux cas, des recherches scientifiques supplémentaires, les chercheurs ont rédigé une nouvelle version des rapports partiels. Ceux-ci ont été présentés et discutés au sein de la Commission de droit maritime25. Une fois ces discussions plénières achevées, et après des recherches supplémentaires,

22 Les groupes de travail se sont réunis : - sur le statut du navire : les 10 et 11 janvier 2008 ; - sur la responsabilité du propriétaire de navire : le 29 février et le 1er mars 2008 ; - sur le statut des intermédiaires dans le transport maritime : le 11 juin 2008 ; - sur l’affrètement et le transport : les 2 et 3 juillet 2008 ; - sur les assurances transport : le 12 septembre, les 1er et 2 octobre 2008 ; - sur le droit procédural : le 28 novembre 2008. De chaleureux remerciements sont adressés à la société d’armateurs Transeuropa Ferries, et en particulier à M. D. Penel et au Cap. P. Deneire. 23 Les groupes de travail se sont réunis : - sur le statut des commandants et de l’équipage : le 14 octobre 2009 ; - sur le statut des manutentionnaires : le 20 octobre 2009 ; - sur le statut des agents maritimes : le 20 octobre 2009 ; - sur la définition et le statut du navire au regard du droit réel, en particulier le droit des sûretés sur navires : les 14 et 21 décembre 2009 et les 11 et 15 janvier 2010 ; - sur la définition et le statut du navire au regard du droit réel, en particulier la publicité des droits réels sur navires : le 26 janvier 2010 ; - sur les assurances transport : les 17 et 25 novembre 2009, le 11 décembre 2009, le 8 janvier 2010 et les 1er et 11 février 2010 ; - sur l’avarie commune : le 16 février 2010 ; - sur la responsabilité des propriétaires de navires : le 26 février 2010 ; - sur l’affrètement et le transport : les 19 et 29 avril 2010 ; - sur les navires des autorités : le 26 avril 2010 ; - sur l’abordage, l’assistance et l’avarie commune : le 30 avril, les 7 et 21 mai 2010 ; - sur la limitation de la responsabilité du propriétaire de navire : le 12 mai 2010 ; 24 Les commissions d’experts ad hoc se sont réunies : - sur le statut des privilèges et hypothèques maritimes : le 19 mai 2008 ; - sur les éventuelles lignes de force du nouveau régime juridique de la manutention : le 17 juin 2008 ; - sur le statut du patrimoine navigant : le 17 juin 2008 ; - sur les hypothèques sur navires : le 1er juillet 2008 ; - sur le statut des agents maritimes : le 20 octobre 2009 ; - sur l’avarie commune : le 7 décembre 2009 ; - sur le statut du navire : le 17 décembre 2009 ; - sur la responsabilité du propriétaire de navire : le 26 février 2010. 25 La commission s’est réunie en séance plénière : - sur l’approche de la révision (réunion de lancement) : le 3 septembre 2007 ; - sur le Livre vert, avec une commission spéciale de l’Union Royale des Armateurs Belges : le 10 octobre 2007 ; - sur les résultats entre-temps obtenus de la consultation et la méthode de travail en vue de la rédaction du code : le 17 décembre 2007 ; - sur les dispositions générales et les navires : le 19 avril 2010 ; - sur les commandants et l’équipage ainsi que la responsabilité du propriétaire de navire : le 22 avril 2010 ; - sur les agents maritimes et les manutentionnaires : le 29 avril 2010 ; - sur la deuxième consultation publique : le 2 décembre 2010 ; - sur le contexte et les lignes de force générales : le 24 décembre 2010.

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une Ébauche finale a été rédigée et discutée à nouveau, lorsque c’était nécessaire, au sein de la Commission. La dernière étape a consisté en la traduction française des textes, tous en néerlandais. Après une coordination finale, les textes ont été publiés sous la forme de livres. Le présent rapport partiel est le premier d’une série d’une douzaine de Livres bleus. Le projet de révision a été commenté et discuté lors de plusieurs réunions publiques tenues pendant le processus rédactionnel et de recherche26. Tout au long des activités, le Président de la Commission a évidemment entretenu des contacts étroits avec le Secrétaire d’État et son cabinet, avec le Secrétaire de la Commission et les collaborateurs du SPF Mobilité et Transports (DG Transport Maritime). Le projet de révision a également bénéficié de l’attention de la presse nationale et étrangère, en ce compris de la presse spécialisée. La Commission de droit maritime adresse ses sincères remerciements aux nombreuses institutions, organisations, experts et autres personnes concernées qui ont soutenu ses activités ou celles des différents groupes de travail. 1.10. Les rapports partiels de la Commission de droit maritime ou Livres bleus, reprenant les résultats des travaux de recherche et de rédaction, ne peuvent certainement pas être considérés comme un aperçu scientifique ou une étude exhaustive du droit de la navigation en tant que tel. Ces rapports contiennent uniquement une analyse et une critique d’ordre légistique et un

26 Le Président de la Commission de droit maritime a pris la parole et fourni des explications pendant notamment : - une discussion avec la représentation d’une commission spéciale de l’Union Royale des Armateurs Belges le 6 juillet 2007 ; - une discussion avec la représentation de l’Association Belge des Assureurs Maritimes le 7 août 2007 ; - le Conseil Général de l’Association Belge de Droit Maritime le 31 août 2007 ; - une étude au Studiekring Zeeverzekering d’Anvers le 25 octobre 2007 ; - une discussion avec une délégation de membres de la Chambre des représentants le 20 décembre 2007 ; - une conférence de presse spéciale avec le Vice-Premier Ministre et Ministre de la Mobilité et de la Mer du Nord à Beveren le 11 mars 2008 ; - une formation de droit maritime pour la magistrature belge, organisée par la Hogere Zeevaartschool d’Anvers le 7 mai 2008 ; - une discussion avec la Vereniging van Gentse Havengebonden Ondernemingen (VeGHO) le 2 juin 2008 ; - une discussion avec la Flanders Maritime Equipment Organisation (FLAMEA) le 17 juin 2008 ; - l’assemblée générale de l’Association Belge de Droit Maritime le 24 juin 2008 (convocation par Marc Huybrechts au nom du Président) ; - l’assemblée générale de l’Association Belge de Droit Maritime le 25 juin 2009 ; - le conseil d’administration de l’Union Royale des Armateurs Belges le 28 octobre 2009 ; - un collège d’invités sur la révision du droit maritime belge à la KU Leuven le 29 octobre 2009 ; - la conférence de droit du transport de la Deutsche Gesellschaft für Transportrecht à Leipzig, au cours de laquelle les projets de codification turc et allemand ont été discutés, le 5 novembre 2009 ; - une réunion de travail avec S.M. le Roi Albert II à Anvers à l’occasion du centenaire de l’Union Royale des Armateurs Belges le 26 novembre 2009 ; - l’assemblée générale du Collège Royal Maritime Belge le 2 mars 2010 ; - un lunch sur la révision du droit maritime pour l’assemblée générale de la Ligue Maritime Belge le 26 mars 2010 ; - le symposium « Knelpunten in het vervoer » de la revue néerlandaise de droit commercial à Amsterdam le 16 avril 2010 ; - une journée d’étude sur le droit du transport organisée par Jura Falconis à Louvain le 18 mai 2010 ; - l’assemblée générale de l’Association Belge de Droit Maritime le 24 juin 2010 ; - un lunch organisé à Anvers par l’Association Belge de Droit Maritime le 3 décembre 2010 ; - une conférence de presse au cabinet du Secrétaire d’État Etienne Schouppe le 8 décembre 2010 ; Le Président de la Commission de Droit maritime a en outre fait partie de la délégation officielle belge lors de la cérémonie de signature des Règles de Rotterdam.

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fondement aux propositions de nouvelle législation. C’est la raison pour laquelle les rapports n’abordent pas toutes les activités ou problèmes qui relèvent du droit de la navigation. 1.4. ÉTAPES SUIVANTES 1.4.1. DEUXIÈME CONSULTATION PUBLIQUE 1.11. Comme annoncé dès le départ, les propositions de texte de la Commission de droit maritime ont été soumises à une deuxième consultation publique. 1.12. À la question posée dans le Livre vert sur l’opportunité de soumettre l’ébauche du nouveau code à une consultation (question 11), la CdA-A, l’ABDM, l’Association Portuaire Flamande et le Collège Royal Maritime Belge - Académie Royale de Marine de Belgique - Société Royale de la Ligue Maritime Belge ont formellement répondu par l’affirmative. Aucune réponse négative n’a été donnée. 1.13. L’étude scientifique sur le processus législatif en Belgique, exposée ci-avant, démontre que la méthodologie consultative adoptée dans le cadre de la révision du droit belge de la navigation répond aux normes de qualité les plus exigeantes et peut même servir de modèle pour des projets analogues dans d’autres domaines du droit27. En particulier, l’on constate que la consultation des secteurs concernés est considérée comme un principe de bonne réglementation maritime internationale et nationale28 et que législateur belge en avait déjà fait usage pour des adaptations antérieures de la législation de la navigation, en particulier de la loi maritime, même si elles sont intervenues à moindre échelle et qu’elles n’ont pas connu la pleine publicité qui caractérise aujourd’hui les consultations en cours29. 1.14. Au vu de ce qui précède, l’on peut conclure que l’organisation d’une deuxième consultation sur l’ébauche du nouveau Code belge de la navigation répond à un besoin réel. 1.15. Comme déjà indiqué, le présent rapport, ou Livre bleu, est le premier d’une série d’une douzaine de rapports sur la révision du droit privé belge de la navigation. La consultation y relative commence en janvier 2011. L’ensemble des rapports partiels seront présentés entre janvier et juin 2011, au cours d’une série de onze journées d’étude dont la première sera une séance académique. La répartition en plusieurs journées d’étude permettra à la Commission de droit maritime d’envisager la rédaction finale de l’Ébauche chapitre par chapitre et surtout de présenter les différents chapitres au public avec la profondeur requise. Ce procédé permettra également aux participants d’étudier les diverses propositions et de développer leurs réactions étape par étape, permettant ainsi la répartition des efforts dans le temps et, éventuellement, entre différents collaborateurs ou groupes de travail. La deuxième consultation publique s’achèvera par une Conférence Nationale de Droit de la Navigation en décembre 2011. Au cours de cette conférence, les différentes organisations intéressées auront l’occasion d’éclairer leurs réactions sur l’Ébauche dans le cadre d’un forum public. Ceci augmentera la transparence

27 Cf. supra, n° 1.8. 28 Cf. e.a. Griggs, P.J.S, « Choose your instrument – Have we seen the last international convention ? », IDM 1999, (104), 106 ; von Ziegler, A., « Alternatives and methods of unification or harmonization of maritime law », IDM 1999, (232), 238 et enfin Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, 40 et 42. L’absence de consultation réalisée en temps utile mène parfois à ce que des États signent des conventions de droit maritime sans les ratifier par la suite (Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 136-137). 29 Cf. infra, n° 1.28.

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du processus de consultation : tous les intéressés pourront prendre connaissance des remarques de chacun. 1.4.2. ÉLABORATION DU VOLET DE DROIT PUBLIC 1.16. Comme précisé dans son arrêté royal de création, la Commission de droit maritime devra déployer des initiatives en vue de la révision du droit maritime public. À cet égard, l’étude exposée ci-avant sur les forces et les faiblesses du droit et de la politique maritime30 ont identifié plusieurs problèmes. Le législateur en a récemment résolu certains31. Une fois achevé l’ensemble des rapports partiels sur le volet de droit privé du Code belge de la navigation, la Commission de droit maritime se penchera sur le volet de droit public et sur les dispositions communes aux deux aspects. La révision du droit public maritime consistera principalement à actualiser, coordonner et codifier la réglementation belge en la matière, laquelle est aujourd’hui dépassée et, surtout, incohérente et confuse. En outre, une étude de droit comparé peut apporter l’inspiration utile pour améliorer la réglementation belge, par exemple en en détectant les lacunes. L’on reviendra ci-après sur l’opportunité d’intégrer la nouvelle réglementation de droit public belge du droit de la navigation dans un nouveau code global de la navigation32. 1.17. Le présent plan de travail pour la révision du droit public de la navigation comporte un certain nombre d’étapes. Tout d’abord, la réglementation et les sujets à codifier feront l’objet d’un inventaire. L’objectif est évidemment d’opérer une délimitation claire du terrain de recherche. Ensuite, les lignes de force souhaitables pour la révision seront élaborées. A cette occasion, la direction générale, les objectifs et les options de base seront exposés. Une ébauche de texte de loi sera ensuite élaborée, avec les commentaires y afférents. L’objectif est un compte rendu approfondi avec un examen constructif des textes de loi et de la motivation y afférente, comme pour les rapports rédigés sur la partie de droit privé. 1.4.3. CONSULTATION PUBLIQUE SUR LE VOLET DE DROIT PUBLIC 1.18. Une consultation publique sera également organisée sur le volet de droit public et les dispositions communes aux deux aspects, consultation au cours de laquelle les réactions des différents intéressés seront demandées. Dès lors que la codification du droit public présente moins d’aspects sensibles sur le plan politique et offre moins d’options (par exemple entre des régimes conventionnels alternatifs), il semble à ce jour qu’une répartition en deux tours de consultation ne soit pas nécessaire et qu’un seul tour de consultation sur l’Ébauche du nouveau régime légal suffira. Bien entendu, les suggestions pour la révision du droit public de la navigation peuvent déjà être adressées à la Commission de droit maritime. 1.4.4. RÉDACTION FINALE 1.19. La phase finale consistera en la rédaction finale du nouveau Code belge de la navigation. La Commission de droit maritime tiendra évidemment compte des résultats des tours de consultations. L’objectif de la rédaction finale est l’établissement d’un avant-projet de loi complet et intégré, avec les commentaires y afférents, lequel serait prêt à être soumis au processus législatif

30 Cf. supra, n° 1.2, note de bas de page. 31 Cf. infra, n° 1.55. 32 Cf. infra, n° 1.145-1.153.

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formel. En fonction des résultats de la consultation et du déroulement des activités traitant du droit public de la navigation et de l’intégration des volets privé et public, l’on peut attendre un avant-projet coordonné pour la fin de l’année 2012. 1.4.5. PROCESSUS LÉGISLATIF 1.20. Le processus législatif doit aboutir à la promulgation d’un nouveau code complet du droit de la navigation belge. Grâce à la préparation approfondie et aux consultations publiques, lesquelles ont permis la prise en compte de tous les intérêts et préoccupations en présence, l’on peut espérer un déroulement rapide du processus. Entre-temps, lors des consultations publiques, la Commission de droit maritime se concertera avec les branches du pouvoir législatif. La consultation et la concertation se sont révélées être d’une importance primordiale dans d’autres pays. Elles ont par exemple facilité l’examen parlementaire du Livre 8 du Code civil néerlandais33. 1.21. Le choix de la procédure législative à suivre ne pourra être opéré que plus tard, dès que, une fois la consultation publique achevée, le contenu définitif de l’avant-projet de code sera arrêté. L’application du bicaméralisme optionnel (article 78 de la Constitution) ou du bicaméralisme obligatoire (article 77 de la Constitution) dépendra notamment de l’éventuelle intégration dans l’avant-projet de dispositions relatives à l’assentiment aux traités et à l’organisation judiciaire. Le choix à opérer dans ce cadre déterminera également la rédaction de l’article de qualification requis. Il semble préférable d’intégrer cet article de qualification dans une loi d’introduction34. 1.4.6. ARRÊTÉS D’EXÉCUTION 22. Il est à prévoir qu’un certain nombre de questions devront faire l’objet d’arrêtés d’exécution. La Commission de droit maritime préparera également ces arrêtés et, si nécessaire, elle les soumettra à consultation publique. Il est souhaitable, dans la mesure du possible, de faire entrer en vigueur les arrêtés d’exécution en même temps que le nouveau Code belge de la navigation, pour introduire l’ensemble du nouveau régime juridique en un seul mouvement. 1.4.7. ACTUALISATION CONTINUE 23. Pour éviter que le droit de la navigation révisé ne soit à nouveau la proie d’un important vieillissement, une fois le Code de la navigation entré en vigueur, il est essentiel d’en assurer l’actualisation continue. L’on insistera encore sur l’importance de cet aspect dans les développements qui suivent35.

33 Cf. infra, n° 1.28. 34 Cf. infra, n° 1.172. 35 Cf. infra, n° 1.142-1.144.

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2. COMMENTAIRE GÉNÉRAL DE L’ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION (DROIT PRIVÉ) 2.1. CONTEXTE GÉNÉRAL ET OBJECTIFS 2.1.1. CONTEXTE JURIDIQUE

2.1.1.1. CARACTÉRISTIQUES FORMELLES DU DROIT PRIVÉ BELGE DE LA NAVIGATION 1.24. Le droit privé belge actuel de la navigation présente des caractéristiques remarquables qui le distinguent des régimes juridiques correspondants dans d’autres pays. Le régime juridique belge est nettement traditionnel, inspiré du droit international, éclectique et pragmatique. La caractérisation formelle et générale du droit belge de la navigation, exposée ci-après, permettra, dans les prochains Livres bleus, de placer des propositions concrètes de révision dans une perspective plus large36. 1.25. Premièrement, le droit belge de la navigation présente un caractère traditionnel. La législation – en particulier la loi maritime – a atteint un âge respectable et repose en grande partie sur l’ancienne législation française (le Code de commerce de 1807 et l’Ordonnance de la marine de 1681). Il n’est dès lors pas surprenant que la législation belge contienne des notions et des règles partiellement très anciennes, reposant sur une base historique solide et conforme, en un certain sens, aux nombreuses codifications de droit maritime du dix-neuvième siècle inspirées par le Code de commerce. Dans ce contexte, la loi maritime belge est vue comme classique, conservatrice et rigide37. En tant que tel, le caractère traditionnel du droit belge de la navigation ne doit pas être perçu négativement, car il contribue à la compréhension dans un cadre historique ainsi qu’à la sécurité juridique. En outre, la jurisprudence et la doctrine belges du droit de la navigation semblent témoigner d’une certaine stabilité sur certains principes de base propres au régime belge (c’est notamment le cas de la responsabilité dite objective du propriétaire de navire ou de la quasi-immunité du manutentionnaire). L’on peut également parler à cet égard d’une tendance traditionnelle, plutôt conservatrice. Enfin, il convient de noter que les règles de base du droit maritime sont historiquement enracinées profondément dans le monde entier38. Le droit maritime peut ainsi être qualifié partout de traditionnel. Il n’existe aucune raison de principe d’abandonner le caractère traditionnel du droit belge de la navigation. À l’évidence, le projet de révision ne tend pas per se à introduire une révolution. Au contraire, l’enracinement historique du droit maritime demeurera une référence interprétative essentielle après l’adoption du Code belge de la navigation39. D’autre part, l’on ne peut nier que le caractère traditionnel ou classique du droit belge de la navigation est extrêmement, et même de manière inacceptable, dépassé, négligé et en état

36 L’influence considérable des intérêts à la cargaison dans le droit maritime belge constitue une caractéristique de nature plutôt matérielle, dont il sera question ci-après (cf. infra, n° 1.183 et s.). 37 Comp. l’exposé dans Wüstendörfer, 19, 23 et 28-29 et cf. par exemple, sur le traditionalisme du droit maritime, Ripert I, 57-60, n° 60-62. 38 Cf. infra, n° 1.206. 39 Cf. infra, n° 1.206.

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d’abandon40. L’actualisation du droit belge de la navigation constitue l’un des objectifs essentiels du projet de révision41. 1.26. Deuxièmement, le droit belge de la navigation a une orientation très internationale. Les premiers congrès mondiaux pour l’unification du droit maritime se sont tenus à Anvers (1885)42 et à Bruxelles (1888)43. La présidence de la section de droit maritime était assurée par l’avocat anversois Victor Jacobs (1838-1891), qui a rédigé le premier manuel de droit maritime belge. Ce manuel contenait un commentaire de la loi maritime de 187944, à laquelle l’auteur avait collaboré intensément comme député. L’Association Belge de Droit Maritime fondée en 1896, première association nationale des juristes maritimes au monde, a jeté les bases de la création, en 1897, du Comité Maritime International (CMI), association mondiale des praticiens du droit maritime, dont le but principal est d’assurer l’unification internationale du droit maritime45. Au vingtième siècle, le CMI a préparé de nombreuses conventions, lesquelles ont été formalisées pendant une conférence diplomatique de droit maritime tenue à Bruxelles, organisée par le gouvernement belge. La Belgique a dirigé l’ensemble de ce mouvement d’unification internationale et elle est aujourd’hui encore dépositaire de nombreuses conventions CMI46. Principalement pendant la première décennie, différents juristes maritimes belges autorisés ont joué un rôle de premier plan au sein du CMI et ont veillé à l’adaptation de la loi maritime aux conventions internationales unificatrices. La figure de proue belge était Louis Franck (1868-1937), l’un des fondateurs du CMI, qui a collaboré comme député à la révision de la loi maritime de 1908. Dans la première moitié du vingtième siècle, le législateur belge a constamment pris l’initiative en matière de mise en œuvre des conventions du CMI. Une belle illustration de l’idéalisme et de l’enthousiasme sans borne de la Belgique47 pour l’unification internationale fut l’adaptation – tout à fait prématurée – de la loi maritime belge au projet de convention sur les privilèges et hypothèques maritimes de 1906. Cette loi maritime a dû faire l’objet d’une correction en 1926, lorsque le texte définitif de la convention fut enfin adopté. L’importante contribution de la Belgique à l’unification internationale du droit maritime a été fortement appréciée à l’étranger48.

40 Cf. infra, n° 1.42-1.43. 41 Cf. infra, n° 1.63. 42 Cf. Actes du congrès international de droit commercial d’Anvers (1885), Bruxelles/Paris, Ferdinand Larcier / G. Pedone-Lauriel, 1886, 440 p. 43 Cf. Actes du congrès international de droit commercial de Bruxelles (1888), Bruxelles/Paris, Ferdinand Larcier / G. Pedone-Lauriel, 1889, 562 p. 44 Jacobs V., Le droit maritime belge, I, Bruxelles, Polleunis, Ceuterick et De Smet, 1889, 565 p. et Jacobs, V., Le droit maritime belge, II, Bruxelles /Paris, Bruylant / A. Chevalier-Maresq, 1891, 684 p. 45 L’art. 1er de la Constitution du CMI dispose :

The name of this organization is the "Comité Maritime International." It is a non-governmental not-for-profit international organization established in Antwerp in 1897, the object of which is to contribute by all appropriate means and activities to the unification of maritime law in all its aspects. To this end it shall promote the establishment of national associations of maritime law and shall co-operate with other international organizations.

46 Cf. en particulier http://diplomatie.belgium.be/nl/Verdragen/Belgie_als_depositaris/index.jsp. 47 René Victor a ainsi indiqué :

Van de ene kant doen de practische noodzakelijkheden van het zakenleven in onze grote havenstad aanvoelen hoe onontbeerlijk het is de verscheidenheid der nationale wetgevingen en gebruiken op te heffen om de zeevaart, die over de hele wereld dezelfde materiële handelingen kent, ook aan één zelfde stel rechtsregelen te onderwerpen, dat niet verschillend zal zijn volgens streken en landen. Van de andere kant leeft in het midden der Antwerpse juristen deze geest van weldadig idealisme, die natuurlijkerwijze geneigd is tot het bevorderen van nauwer contact tussen de volkeren, van beter begrip en groter wederkerige hulpvaardigheid.

(Victor, R., « De eenmaking van het zeerecht », in Victor, R., Kronijken over recht, mensen en boeken¸ Bruges, La Charte, 1962, (703), 704). Cf. également la position de Beernaert reprise infra, n° 1.30. 48 Cf. p. ex. Bonnecase, J., Le Droit commercial maritime. Son particularisme, Paris, Sirey, 1931, 182, n° 96, note de bas de page 1 : « Les juristes belges ont toujours, et avec raison, considéré comme un grand honneur le fait que le Comité maritime international ait été fondé par des Belges ».

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Après la deuxième guerre mondiale et, en particulier, la présidence notable du CMI par Albert Lilar (1900-1976) ainsi que l’émergence de l’Organisation Maritime Internationale, le positionnement international du monde juridique maritime belge s’est amoindri, sans pour autant disparaître. Depuis une quarantaine d’années, des conventions sur le droit privé de la navigation sont sinon préparées du moins finalisées, et parfois développées, sous l’égide d’organisations intergouvernementales telles que l’OMI, déjà mentionnée, la United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD) et la United Nations Commission on International Trade Law (UNCITRAL). Un terme a été mis à la conférence diplomatique belge permanente sur le droit maritime. Aujourd’hui, le CMI, dont le secrétariat est toujours établi à Anvers, accomplit davantage un rôle de soutien et les contributions belges aux activités de l’association sont rares. En outre, ces dernières années, le législateur belge a mis en œuvre les conventions internationales de droit maritime avec de plus en plus de retard49. Malgré la déliquescence du rôle international de premier plan de la Belgique et les mises en œuvre tardives des nouvelles règles internationales, le droit maritime belge a su maintenir jusqu’à aujourd’hui son orientation internationale marquée. Actuellement, toutes les conventions essentielles portant sur le droit maritime ont été intégrées – d’une manière ou d’une autre – dans le droit belge. La loi maritime est également en grande partie adaptée aux conventions d’unification50. Même les dispositions purement ‘nationales’, qui ne se fondent pas sur les régimes conventionnels, ont été inspirées par les réglementations étrangères et des considérations de droit comparé51. Le droit de la navigation intérieure a été unifié sur le plan international par le biais des conventions développées notamment au sein de la Société des Nations, de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies et de la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin. En ce domaine, la Belgique a suivi la tendance internationale de manière relativement hésitante. Au vu de ce qui précède, il faut constater que la Belgique adopte classiquement une position d’adhésion étroite avec les règles internationales du droit maritime. Dans le cadre de la révision en cours du droit belge de la navigation, il n’y a nullement lieu de remettre en question ni d’abandonner cette orientation internationale. Au contraire, l’objectif a été posé dès le départ d’aligner au maximum le droit belge sur les différentes tendances internationales52. 1.27. Dans le prolongement du point précédent, la troisième caractéristique du droit belge de la navigation est l’éclectisme. Tout au long de l’histoire, les régimes nationaux de droit maritime ont été soumis à l’influence étrangère. Même les compilations de droit maritime du moyen âge, comme le Consulat de la Mer, ont été conçues dans un contexte d’unification régionale volontaire des usages commerciaux53. L’influence exercée par les autres pays sur les nouvelles législations maritimes nationales est un facteur constant à travers l’histoire, en témoigne l’analyse de droit comparé préalable à l’Ordonnance de la marine, législation déterminante54. La diffusion des usages commerciaux, les

49 Cf. Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 87-89, n° 65-66 et 151-165, n° 101-108. 50 Cf. infra, n° 1.94. 51 Cf. infra, n° 1.27 et 1.130. 52 Cf. e.a. Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 221, n° 170 ; Van Hooydonk, E. (éd.), Livre vert sur la Nouvelle Loi maritime, Anvers/Apeldoorn, Maklu, 2007, 18. 53 Comp. à ce sujet Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, 17-18. 54 Ainsi que, plus récemment, le Code maritime chinois de 1992, p. ex. (cf. infra, n° 1.141).

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analyses spontanées de droit comparé effectuées par les législateurs et les juristes nationaux – autrefois même par les juristes ‘insulaires’ d’Angleterre55 – l’intégration directe des modèles dominants de codification étrangers et l’application du droit maritime national en outre-mer, territoires devenus indépendants par la suite, ont été autant de facteurs d’harmonisation internationale du droit maritime, outre l’émergence des conventions d’unification du vingtième siècle, destinées à développer une sorte de droit maritime mondial56. L’on peut ainsi parler d’une osmose continue entre les règles nationales et les règles internationales de droit maritime57. L’unification internationale n’est toutefois pas parfaite. L’influence dominante de certains systèmes juridiques maritimes a conduit à l’émergence d’un certain nombre de familles de droit maritime. Dans le but de faciliter la compréhension, l’on considère généralement que la Belgique appartient à la famille française du droit maritime. Non seulement la loi maritime de 1879 demeurait fortement inspirée du Code de commerce et de l’Ordonnance de la marine – raison pour laquelle elle fut rapidement considérée comme dépassée58 – mais la révision du droit maritime accomplie cette année reposait en partie sur les travaux entrepris à partir de 1865 en France, visant à modifier le Code de 1807, qui n’aboutirent finalement pas59. Malgré cette parenté indéniable avec le droit maritime français, certains observateurs étrangers ont classé le droit maritime belge en dehors de la famille française du droit maritime. La raison en était l’éclectisme manifeste de la loi maritime belge. L’on entendait par là mettre en évidence le fait que la législation belge a été fortement influencée par d’autres législations étrangères. Un examen des travaux préparatoires de la loi maritime de 187960 et de sa révision en 190861 nous apprend en effet que le législateur a accordé beaucoup d’importance aux analyses de droit comparé, en particulier avec le droit maritime des pays voisins comme l’Allemagne, l’Angleterre, la France et les Pays-Bas, mais également avec d’autres pays. Wüstendörfer, auteur allemand autorisé, a qualifié le droit maritime belge de 1908 de « Mischrecht », qui relève partiellement de la famille française du droit maritime mais témoigne également d’une influence allemande, de sorte qu’il faut le considérer en fait comme un ensemble juridique franco-allemand62. Rodière et du Pontavice ont également noté une divergence considérable du droit maritime belge par rapport au droit français63. Desjardins a estimé que la loi maritime belge de 1879, notamment grâce à la méthode du droit comparé, était « très supérieure » au Livre II du Code de commerce64. La version de 1908 de la loi maritime belge a servi de modèle aux travaux de révision du droit maritime grec 191065. Lors des révisions ultérieures – certes limitées – le législateur belge, la plupart du temps, n’a plus effectué d’analyse de droit comparé.

55 Cf. p. ex. la justification formelle de la méthode de droit comparé et le respect pour l’Ordonnance de la marine exprimés par J.H. Abbott dans son Treatise of the Law relative to Merchant Ships and Seamen (Londres, Joseph Butterworth & Son, 1827, viii-x) ; à propos de la “civilian influence” sur la “admiralty law”, cf. Tetley, W., “The General Maritime Law – The Lex Maritima”, EVR 1996, (469), 478-479. 56 Wüstendörfer, 20. 57 Comp. Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 138. 58 Hennebicq, L., Principes de Droit Maritime Comparé, I, Bruxelles / Paris, Larcier / Pedone, 1904, XIII, n° 12. 59 Cf. e.a., plus précisément, Jacobs I, 4 ; cf. également Bonnecase, J., Traité de droit commercial maritime, Paris, Sirey, 1922, 184, n° 181 ; Rodière-du Pontavice 15, n° 16. 60 Cf. p. ex. Doc. parl., Chambre, 1869-70, n° 203, 15 e.s. (comparaison avec le Code néerlandais) et Ann. parl., Chambre, 6 février 1877, 359 (reprenant également l’étude de la législation allemande et italienne) ; Doc. parl., Chambre, 6 février 1877, 359 (intervention du ministre De Lantsheere). 61 Cf. p. ex. Doc. parl., Chambre, 1904-05, n° 174, 2 (influence du droit néerlandais de la navigation intérieure) et Doc. parl., Sénat, 1907-08, n° 38, 9-10 (comparaison avec la législation sur l’enregistrement dans onze pays). 62 Wüstendörfer 28. Puttfarken remarque que le droit maritime allemand a lui-même été influencé par le droit français (Puttfarken 412, n° 992 ; autrement Danjon I, 21, n° 8bis). 63 Rodière-du Pontavice 25, n° 22. 64 Desjardins, A., Introduction historique à l’étude du droit commercial maritime, Paris, Pedone-Lauriel, 1890, 374. 65 Karatzas, Th. B. et Ready, N.P., The Greek Code of Private Maritime Law, La Haye / Boston / Londres, Martinus Nijhoff Publishers, 1982, 2.

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Bien que l’influence française sur le noyau historique de la loi maritime belge semble encore aujourd’hui considérable, l’on ne peut ignorer le côté éclectique du droit maritime belge. À nouveau, cette caractéristique du droit belge de la navigation ne doit pas être envisagée négativement. Dans le cadre de la révision en cours, l’on a même sciemment opté pour une préparation intégrant des analyses de droit comparé, en vue de confronter les alternatives étrangères intéressantes et d’intégrer dans la loi belge les solutions performantes des droits étrangers66. 1.28. La quatrième caractéristique remarquable du droit maritime belge est son pragmatisme, car il s’attache davantage aux besoins réels du secteur qu’aux théories juridiques. Cet aspect pragmatique caractérise dans une large mesure tous les systèmes juridiques nationaux (et d’ailleurs tout le droit commercial67) et ne semble pas propre au droit belge. Le droit maritime n’est jamais que la réponse apportée aux besoins pratiques du secteur de la navigation68. La plupart des systèmes nationaux de droit maritime ont été fortement influencés d’un point de vue historique par les usages du commerce maritime et de la navigation – les lex mercatoria ou lex maritima. Dans nombre de systèmes juridiques – notamment en Belgique69 – l’intégration des conventions internationales d’unification a été inspirée par des besoins pratiques plutôt que par des concepts juridiques généraux70. La loi maritime belge actuelle, en son article 112, offre explicitement la possibilité d’appliquer les usages, mais ces derniers jouent un rôle important dans pratiquement tous les systèmes de droit maritime. Non seulement le droit maritime commercial, mais également le droit maritime au sens large, dont il n’est qu’une division, s’analysent jusqu’à aujourd’hui en une construction empreinte de pragmatisme et d’utilitarisme71. Ce qui distingue peut-être le droit belge de la navigation des autres régimes est que le législateur national a toujours adopté une approche purement pragmatique tout au long de l’histoire du pays. En fait, le législateur belge – depuis la naissance de la Belgique en 1830 – n’a jamais développé une vision globale du droit national de la navigation. Le gouvernement n’a auparavant jamais pris d’initiative tendant à une codification complète et propre à la Belgique du droit maritime. La grande révision de 1879 trouve son origine dans une question de la Chambre de Commerce d’Anvers et était uniquement destinée à moderniser le code français de 180772. La révision de 1908 entendait améliorer le statut des navires de mer et des bateaux de navigation intérieure au regard du droit réel. Elle était également inspirée par les avancées internationales. En d’autres termes, aucune des deux révisions ne tendait à la codification globale d’un droit belge de la navigation radicalement repensé. Une autre illustration de l’approche pragmatique du législateur belge est l’éclectisme de sa législation, déjà mentionné ci-dessus73. Après les grandes révisions de 1879 et de 1908, la démarche du législateur belge est devenue encore plus pragmatique, en ce sens qu’il agissait uniquement en fonction des besoins du moment – en particulier, la nécessité

66 Cf. infra, n° 1.130-1.141. 67 Cf. e.a. Houtcieff, D., Droit commercial, Paris, Sirey, 2008, 17, n° 36. 68 Cf. p. ex. la position de van Schoenbaum reprise infra, n° 1.195. 69 Cf. supra, n° 1.86 et s. 70 Ripert I, 73, n° 78bis ; cf. plus récemment, à propos des Règles de Rotterdam, Sturley, M.F., “Transport law for the twenty-first century: an introduction to the preparation, philosophy, and potential impact of the Rotterdam Rules”, in Thomas, D.R. (Ed.), A New Convention for the Carriage of Goods by Sea – The Rotterdam Rules, Witney, Lawtext, 2009, (1), 24-30. 71 Beurier, 15, n° 014.33. 72 Outre les documents parlementaires et la doctrine belge, cf. Desjardins, A., Introduction historique à l’étude du droit commercial maritime, Paris, Pedone-Lauriel, 1890, 373. Aux Pays-Bas, la Chambre de Commerce de Rotterdam a souvent joué un rôle directeur (cf. p. ex. Cleveringa, 14-15). 73 Cf. supra, n° 1.27.

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d’adapter la législation aux conventions internationales progressivement adoptées. Le pragmatisme constant des travaux législatifs a entraîné notamment le défaut de structure logique de la loi maritime74. En outre, le droit maritime belge, et en particulier la législation maritime, sont remarquables car il s’agit d’un droit de praticiens. Les versions successives de la loi maritime et des lois apparentées – comme la loi sur l’affrètement fluvial – sont le fruit du travail des praticiens qui ont mené des concertations intensives avec les organisations des secteurs concernés75. La bonne qualité d’ensemble du travail législatif antérieur est due au fait que, dans les décennies autour de 1900, les praticiens du droit autorisés de l’époque exerçaient un mandat dans les chambres législatives76. Les débats sur les projets de loi étaient souvent de très haute qualité juridique lors des assemblées plénières des chambres législatives. Hélas, cette influence positive des praticiens s’est amoindrie au fil des ans. La doctrine belge du droit de la navigation est aujourd’hui devenue l’œuvre pratiquement exclusive des avocats et magistrats spécialisés, impliqués dans la pratique quotidienne du droit maritime. Même si certains auteurs exercent – ou ont exercé – des activités académiques, le droit belge de la navigation n’est aucunement un ‘droit de professeurs’. En particulier, la législation n’a jamais été préparée par des professeurs autorisés, comme ce fut le cas par exemple aux Pays-Bas (Molengraaff et Schadee), en France (Rodière) et récemment en Allemagne (Herber)77. La raison en est que le droit de la navigation n’a jamais été une priorité pour les universités belges et que les investissements belges dans cette matière scientifique sont à qualifier de médiocres en comparaison avec l’étranger78. L’étude modeste de droit comparé, menée dans le cadre de la Commission de droit maritime, a révélé que la doctrine belge se situe à un niveau considérablement plus faible que celui d’autres pays, notamment l’Allemagne, l’Angleterre, la France et les Pays-Bas. Le manuel le plus élaboré de droit maritime belge est encore aujourd’hui celui des avocats anversois Smeesters et Winkelmolen de 1929-193879. L’on ne trouve en Belgique aucun manuel de droit maritime récent, théorique et disposant d’un large éventail de sources. D’excellentes monographies sont certes publiées – et ont été publiées – mais leur nombre est réduit en comparaison avec d’autres pays. Cette atrophie scientifique entraîne la dégénérescence de notre pragmatisme en un appauvrissement conceptuel. Il est par exemple regrettable que nous ne disposions pas d’une théorie sur l’autonomie du droit belge de la navigation. Comme on l’indiquera ci-après, il ne s’agit ici nullement d’une Spielerei académique mais bien d’une question d’importance fondamentale et immédiate pour le positionnement et la rédaction du nouveau Code belge du droit de la navigation80. Une autre différence notable avec nos pays voisins est notamment le défaut total de théorie belge sur la copropriété de navire, figure juridique fascinante et dont l’importance se fait toujours sentir dans la pratique du droit maritime,

74 Cf. infra, n° 1.248. 75 La première étape vers la révision du Code de commerce de 1807 fut la création, par A.R. du 13 août 1855, d’une commission de révision dont la deuxième section se pencherait sur le Livre II. Cette section était initialement composée d’un avocat (également ancien greffier au Tribunal de commerce d’Anvers), d’un député (également armateur à Ostende), du directeur général de la marine, du secrétaire de la Chambre de Commerce d’Anvers et de deux commerçants anversois. La loi préalable du 19 juin 1855, ayant modifié l’article 216 du Livre II du Code, se fondait notamment sur la concertation menée avec la Chambre de Commerce d’Anvers (cf. e.a. Doc. parl., Sénat, 1854-55, n° 79, 247). L’Association Belge de Droit Maritime a été consultée lors de la préparation de la révision de 1989 (Doc. parl., Chambre, 1988-89, n° 536/2, 8). 76 Cf. quelques indications supra, n° 1.26. 77 En plus de ses activités de professeur et de commissaire du gouvernement, H Schadee fut notamment dispatcheur à Rotterdam de 1936 à 1973. R. Herber est aujourd’hui avocat. 78 Voyez néanmoins une frustration équivalente exprimée dans la préface du manuel de Ripert: “L’Université n’a rien fait pour développer en France l’étude du droit maritime” (Ripert I, VIII). 79 Smeesters, C. et Winkelmolen, G., Droit Maritime et Droit Fluvial, Bruxelles, Larcier, 1929, 1933 et 1938, 664 + 676 + 559 p. L’étude récente du droit maritime belge, très utile grâce à sa division en trois partie, rédigée par le regretté I. De Weerdt, s’anayse plutôt en un travail de collection orienté vers la pratique. 80 Cf. infra, n° 1.189.

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se situant à la rencontre du droit réel et du droit des sociétés. Il n’est pas surprenant que la législation belge ne soit jamais allée plus loin en la matière que les modestes articles 55 à 57 de la loi maritime. Malgré toutes les apparences, la remarquable doctrine belge en vigueur sur la responsabilité objective des propriétaires de navires est également une construction pragmatique. Les prochains Livres bleus aborderont en détail ces deux dernières questions. Le pragmatisme du droit belge de la navigation a naturellement été renforcé par le développement d’une riche jurisprudence, laquelle devait actualiser et compléter la législation vieillie. Le projet de révision en cours ne doit certainement pas abandonner le principe du pragmatisme du droit belge de la navigation comme point de départ. En effet, le nouveau Code belge de la navigation doit en premier lieu rencontrer les besoins des secteurs concernés. C’est précisément la raison pour laquelle on a attaché autant d’importance à la consultation et aux concertations. L’on espère ainsi qu’elles contribueront à la fluidité du processus législatif81. La méthode du droit comparé, évoquée ci-dessus, est également pragmatique en ce sens qu’elle tend à emprunter les régimes performants aux autres législations et qu’elle attache moins d’importance au rattachement à telle ou telle tradition juridique nationale82. Le droit maritime anglais fournit la meilleure preuve que l’on ne doit pas abandonner en soi l’approche pragmatique. Le droit maritime anglais est centré autour de la jurisprudence. Il repose en grande partie sur la technique du précédent et dispose d’une législation dont la systématique interne est à qualifier de douteuse à maints égards83. Il est assez typique que nombre de manuels commencent par un exposé des questions de procédure (‘Admiralty jurisdiction’) et non par du droit matériel. Mais malgré son orientation pratique, et grâce aux clauses conventionnelles d’élection de for et de choix du droit applicable, le droit maritime anglais trouve application à travers le monde. Il relativise ainsi l’impact de tout exercice de codification.

2.1.1.2. RÉGLEMENTATION INTERNATIONALE ET EUROPÉENNE 1.29. La révision du droit belge de la navigation s’insère dans un canevas extrêmement développé de règles juridiques internationales et européennes. Ces règles préexistantes remplissent un double rôle dans le cadre de la recodification du droit belge : d’une part un rôle limitatif, en ce sens qu’elles réduisent le champ d’action politique du législateur belge, et d’autre part un rôle stimulant dans la mesure où elles exigent une mise en œuvre ou un complément via la législation interne. 1.30. Il est superflu, dans le cadre du présent rapport, de donner un aperçu des conventions internationales de droit privé traitant du droit de la navigation maritime et intérieure. La doctrine a d’ailleurs produit différentes synthèses des règles internationales84. Il convient toutefois de

81 Ce fut le cas au Pays-Bas (cf. supra, n° 1.20). Les membres de la Commission Permanente de la Justice ont même convenu avec le Ministre de la Justice de ne plus formuler aucune remarque quant au contenu. La deuxième chambre a approuvé «le travail de 17 ans en 17 secondes », ce qui a été qualifié de « knieval voor de praktijk ». Il ne faut pas l’envisager de manière péjorative : selon le Commissaire du Gouvernement Schadee, tous les intéressés ont été consultés et, en d’autres termes, ils sont même devenus « opstellers » (Schadee, H., « Waarom eigenlijk een nieuw transportrecht ? », in van Bakelen, F.A. (rééd.), Zeerecht in het licht van Boek 8 Nieuw Burgerlijk Wetboek, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1983, (34), 36 ; comp. Haak, K.F., « Beschouwingen naar aanleiding van de vaststellingswet boek 8 NBW eerste stuk en het Ontwerp boek 8 NBW tweede stuk », WPNR 1977, (513), 513 et la critique de Korthals Altes-Wiarda, 15, note de bas de page 28). 82 Cf. supra, n° 1.27 et également infra, n° 1.141. 83 Cf. infra, n° 1.252. 84 Cf. p. ex. Rimaboschi, M., Méthodes d‘unification du droit maritime, 3 vols., Trieste, E.U.T., 2005, 311 + 267 + 336 p. ; comp., plus ancien, Manca, P., International maritime law, 3 vols., Anvers, European Transport Law, 1970-1971, 325 + 461 + 525 p. ; cf., récemment, même s’il n’est pas spécialement concentré sur les régimes conventionnels, Tetley, W., International maritime and admiralty law, Cowansville (Québec), 2002, 959 p.

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mentionner certains aspects généraux, qui influencent la rédaction du nouveau Code de la navigation. Tout d’abord, il convient de constater que le mouvement de (ré)unification initié à la fin du dix-neuvième siècle en Belgique85 a fourni des résultats considérables mais qu’il n’a toutefois pas connu un succès total. Dans son discours inaugural prononcé le 22 novembre 1896 lors de la première assemblée de l’Association Belge de Droit Maritime, le Ministre d’État Auguste Beernaert, premier président de l’association, a exprimé le rêve de l’unification en ces termes :

Ne saute-t-il pas aux yeux que ce qui convient à ce vaste mélange d’intérêts, c’est une loi unique applicable sur toutes les mers et dans tous les pays, une loi qui ne serait ni anglaise, ni allemande, ni américaine, ni française, mais qui serait la loi, la loi de tous, une loi élaborée du consentement de tous les peuples, en une journée de paix et de bénédiction86.

En 1950, Wüstendörfer a dressé ce bilan provisoire décevant :

Die Erfahrungen mit den bisher in Kraft gesetzten Seerechtsübereinkommen sind nicht frei von Enttäuschungen: sie zeigen, daß solche Verträge in Wahrheit nur ein inhaltsähnliches, kein völlig inhaltsgleiches Recht zu schaffen vermöchten. Das Höchstziel der Rechtseinheit und damit der internationalen Rechtssicherheit wird nicht immer erreicht: Unterschiede der juristischen Weltanschauung, die auf den internationalen Tagungen nicht voll zur Ausgleichung kamen, freie Übersetzung des fremdsprachigen Textes und seiner national bedingten rechtstechnischen Ausdrücke (englische Rechtsspräche!), Anpassung der vereinbarten Rechtsregeln an die besondere Systematik des heimatlichen Rechts durch Einarbeitung in das geltende Gesetz, mit Umstellungen und kleinen Veränderungen des Wortlauts (Haager Regeln!), ausgiebiger Gebrauch von Vorbehalten zugunsten der Landesgesetzgebung (Haager Regeln!), Fehlen eines überstaatlichen Seegerichtshofes als Hüters wahrer Rechtseinheit, psychologische Gebundenheit des auslegenden Richters an den Geist der ihm vertrautem heimatlichen Rechtsordnung und Lückenausfüllung in diesem Geiste, Verkettung von Einzelfragen mit allgemeineren Rechtsgrundsätzen eben dieser Rechtsordnung, – das alles bewirkte sogleich wieder ein Auseinanderstreben der Landesrechte87.

Encore un demi-siècle plus tard, Herber se lamentait en ces termes :

Unfortunately, as we all know, unification of Maritime Law has not achieved the goal originally envisaged: Effective uniformity of Maritime Law in at least most of the maritime countries. To the contrary: Since many countries have adopted only some or even few of the conventions and have transformed them into national law in a different manner, the instruments of international unification have perhaps led to more diversification and complication of law as would have existed without them. Because the introduction of international conventions by itself has made the systems of national legislations incoherent by applying rules which have an origin and thereby use a method of codification different from those on which national legislation is based88.

85 Suivant un point de vue historique envisagé largement, le mouvement d’unification du 19ème siècle a en effet tenté de restaurer l’uniformité des très anciennes lex mercatoria ou de lex maritima, lesquelles étaient tombées en désuétude en raison des différentes codifications nationales (cf. l’aperçu dressé par von Ziegler, A., « Alternatives and methods of unification or harmonization of maritime law », IDM 1999, 232-239 également, e.a., infra, n° 1.206). 86 Bulletin de l’Association belge pour l’unification du droit maritime, 1er février 1897, n° 1, Anvers, J.-E. Buschmann, 1897, (12), 19. 87 Wüstendörfer, 33-34. 88 Herber, R., « German domestic and international law: lights and shadows », IDM 1999, (111), 111. Sur la mise en œuvre des conventions d’unification, cf. infra, n° 1.86 e.s.

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En même temps, Griggs a répertorié pas moins de treize facteurs qui empêchent l’unification internationale du droit maritime89 et a souligné le rôle des instruments de réglementation alternatifs90. Tetley trouvait le manque d’uniformité internationale “disheartening”, louait les avantages de l’uniformisation et s’interrogeait à son tour sur les causes du succès mitigé91. Un regard un peu plus optimiste a été porté par Arroyo :

The experience of these last 100 years has shown that as a result of enormous efforts made, an important regulatory system comprising of [sic] international maritime rules sanctioned by international Conventions. Although these can be improved, both technically and as far as the subject matter is concerned, by searching for a greater balance between countries with different economies, they constitute a positive step and it is better that they exist than disappear92.

Smeele, de son côté, note que l’uniformité du droit maritime n’est pas complète, mais que de beaux résultats ont été enregistrés et qu’il n’y a pas de motif de défaitisme93. En aucun cas, l’on ne peut aujourd’hui parler d’un droit maritime complètement harmonisé sur le plan mondial. Il s’agit davantage d’une mosaïque de conventions unificatrices portant sur différents thèmes, réalisées à différentes périodes (et donc dans des contextes économiques, technologiques, politiques et juridiques différents) au sein de différentes organisations, mises en œuvre par différents ensembles d’États parties, avec des champs d’application formels et matériels définis de manière divergente, tout comme la terminologie, la structure et les directives de transposition pour les législateurs nationaux, suivies par toute une production nationale intégrée via des techniques de transposition différentes dans le droit national, et surtout un succès politique irrégulier et des rythmes d’entrées en vigueur variables. En outre, cet appareil de conventions n’a été que partiellement actualisé, parfois très lentement par le biais de protocoles additionnels ou de conventions modificatives, avec les mêmes dissemblances que les conventions initiales, et avec comme résultat immédiatement et inévitablement, outre la modernisation, le morcellement du régime unifié initialement visé. En effet, tous les États parties ne participent pas toujours à l’actualisation. Nonobstant son rôle central, l’étendue et la complexité du régime international emportent un certain nombre de problèmes en vue de la (re)codification du droit national de la navigation. L’on abordera ci-après la méthode selon laquelle le nouveau Code belge de la navigation doit opérer avec les conventions unificatrices disponibles94. 1.31. L’émergence d’un droit privé européen de la navigation constitue un phénomène récent. Initialement, le législateur européen s’attachait à la réglementation du marché dans le secteur de la navigation maritime et intérieure ainsi qu’à l’introduction ou au renforcement des règles de

89 Griggs, P., « Obstacles to uniformity of maritime law », in Comité Maritime International, Yearbook 2002, Anvers, CMI, 2003, 158-173. 90 Griggs, P.J.S, « Choose your instrument – Have we seen the last international convention ? », IDM 1999, 104-110. 91 Tetley, W., “Uniformity of International Private Maritime Law - The Pros, Cons and Alternatives to International Conventions - How to Adopt an International Convention”, Tulane Maritime Law Journal, 2000, 775-856, www.mcgill.ca. 92 Arroyo, I., « Spanish domestic law and international conventions: lights and shadows », IDM 1999, (7), 36. 93 Voyez Smeele, F.G.M., “Eenvormig zeerecht: doelstellingen en verwezenlijking”, in De Ly, F., Haak, K.F. et van Boom, W.H. (Red.), Eenvormig bedrijfsrecht: realiteit of utopie ?, La Haye, Boom, 2006, (225), 249-250. 94 Cf. infra, n° 1.86 e.s.

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sécurité et de sauvegarde de l’environnement. Ces dernières années, un certain nombre d’instruments législatifs privés (ou semi-privés) européens ont vu le jour95. Le législateur européen a habilité les États membres à ratifier les conventions pertinentes96. Cette activité réglementaire croissante de l’Europe ne facilite pas les choses au niveau de la recodification nationale du droit de la navigation97.

2.1.1.3. RÉPARTITION DE COMPÉTENCES AU SEIN DE LA STRUCTURE FÉDÉRALE DE L’ÉTAT 1.32. Pour la bonne compréhension de la structure de la législation belge actuelle de la navigation, ainsi que du contour dans lequel s’encadre le nouveau Code belge de la navigation, l’on procède ici au rappel des principes de base de la répartition des compétences en matière de navigation au sein de la structure fédérale de l’État belge98. Le partage des compétences opéré par la Constitution belge repose sur un principe de compétences exclusives, non-concurrentes99. Cela signifie que chaque matière ressortit de la compétence d’une autorité (fédérale, communautaire ou régionale). Les Communautés et les Régions ne disposent en principe que de compétences attribuées, ce qui implique qu’elles ne peuvent en principe réglementer que les matières qui leur ont été expressément confiées par ou en vertu de la Constitution100. La compétence résiduelle – portant sur toutes les matières qui n’ont été expressément attribuées par ou en vertu de la Constitution à aucun pouvoir101 – appartient au pouvoir législatif fédéral. À travers l’exercice de compétences inhérentes102 et/ou implicites103, les Régions peuvent élargir leur champ de compétence et empiéter sur celui d’un autre législateur. Enfin, le système de l’exclusivité de compétence est tempéré par l’application de

95 Cf. et comp., p. ex., Règlement (CE) n° 392/2009 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident (J.O. 28 mai 2009, L 131/24) ; Directive 2009/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à l'assurance des propriétaires de navires pour les créances maritimes (J.O. 28 mai 2009, L131/128) ; comp. Règlement n° 11 concernant la suppression de discriminations en matière de prix et conditions de transport, pris en exécution de l'article 79, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté économique européenne (J.O. 16 août 1960, L 52/1121) ; Directive 96/75/CE du Conseil du 19 novembre 1996 concernant les modalités d'affrètement et de formation des prix dans le domaine des transports nationaux et internationaux de marchandises par voie navigable dans la Communauté (J.O. 27 novembre 1996, L 304/12). 96 Cf. p. ex. Décision 2002/762/CE du Conseil du 19 septembre 2002 autorisant les États membres à signer et à ratifier, dans l'intérêt de la Communauté européenne, la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (J.O., 25 septembre 2002, L 256/7). 97 Cf. infra, n° 1.111. 98 Cf. e.a., plus précisément, Theunis, J., Bevoegdheidsverdeling in het federale België. Openbare werken en verkeer, Bruges, La Charte, 1999, 123 p. ; Van Hooydonk, E., De bevoegdheidsverdeling tussen de Belgische en de gewestelijke overheden. Achtergrondnota ter voorbereiding van het Groenboek Nieuwe Belgische Zeewet, 25 mai 2007, www.zeerecht.be; Van Hooydonk, E., « 2. Goederenvervoer algemeen - 2.1.3. Beleidsinstellingen en regelgevers - 5. Gewestelijk », in Transportgids, Diegem, Kluwer Editorial, à feuillets mobiles, pp. 15-208 (décembre 1996). 99 Uyttendaele, M., Précis de droit constitutionnel belge, Bruxelles, Bruylant, 2001, n° 768, 782. 100 Ibid. Pour les Communautés, ce principe est exprimé dans l’article 38 de la Constitution et, pour les Régions, il est exprimé à l’article 39. 101 Rimanque, K., De Grondwet toegelicht, gewikt en gewogen, Anvers / Groningue, Intersentia, 1999, 90. 102 Il s’agit des compétences qui, bien qu’elles n’aient pas été attribuées explicitement aux Régions, sont inhérentes aux compétences qui reviennent expressément aux Régions. 103 L’article 10 de la loi spéciale de réformes institutionnelles reconnaît explicitement que les Régions disposent de compétences implicites. Cette disposition précise que « Les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les (Parlements) ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l'exercice de leur compétence ». Pour que les Régions puissent faire usage de cette disposition, le régime doit être considéré comme nécessaire à l’exécution des compétences attribuées à la Région, l’occasion doit se prêter à un régime différencié et l’impact du régime ne peut être que marginal sur la question ressortissant de la compétence de l’autorité fédérale (jurisprudence constante et récemment Cour constitutionnelle 29 juillet 2010, n° 91/2010, www.const-court.be, ov. B.3.3).

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nombreux mécanismes d’association, de concertation et de coopération instaurés par la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après ‘loi spéciale’)104,105. 1.33. En 1988, un certain nombre d’aspects de la politique du transport ont été régionalisés. L’article 6, § 1er, inséré cette année-là dans la loi spéciale, attribue les matières suivantes aux Régions :

X. En ce qui concerne les travaux publics et le transport : 1° les routes et leurs dépendances ; 2° les voies hydrauliques et leurs dépendances ; 2°bis (le régime juridique de la voirie terrestre et des voies hydrauliques, quel qu'en soit le gestionnaire, à l'exclusion des voies ferrées gérées par la Société nationale des chemins de fer belges.) 3° les ports et leurs dépendances ; 4° les défenses côtières ; 5° les digues ; 6° les services des bacs ; 7° l'équipement et l'exploitation des aéroports et des aérodromes publics, à l'exception de l'aéroport de Bruxelles-National ; 8° le transport en commun urbain et vicinal, en ce compris les services réguliers spécialisés (les services de taxis et les services de location de voitures avec chauffeurs) ; 9° les services de pilotage et de balisage de et vers les ports, ainsi que les services de sauvetage et de remorquage en mer. Les compétences visées aux 2°, 3°, 4° et 9°, comprennent le droit d'effectuer dans les eaux territoriales et sur le plateau continental les travaux et activités, en ce compris le dragage, nécessaires à l'exercice de ces compétences.

La compétence attribuée aux Régions en matière de travaux publics et de transport est « une compétence de gestion au sens large », qui cadre avec la philosophie consistant « à leur attribuer des blocs de compétences homogènes »106. Le transfert de blocs de compétences homogènes suppose l’attribution aux Régions de la plénitude de compétences dans les matières concernées, et implique que les exceptions prévues par la loi spéciale quant à ces compétences des Régions soient interprétées de manière restrictive. En cas de doute, il convient de considérer la Région comme compétente, et non l’État107. Notamment dans son arrêt sur le « décret pilotage » du 16 janvier 1997108, la Cour d’arbitrage a rappelé qu’il faut considérer que le constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils ne disposent pas autrement, ont attribué aux Communautés et aux Régions toute la compétence d’édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées. Sauf dispositions contraires,

104 Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (MB 15 août 1980), modifiée à plusieurs reprises, et plus précisément, en ce qui concerne le texte cité, l’art. 4, § 11, de la loi spéciale du 8 août 1988 modifiant la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (MB 13 août 1988) bis a été ajouté par l’article 2 de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'État (MB 20 juillet 1993). 105 (concertation), art. 6, § 3bis, 2° et 3° L.S. (concertation), et art. 92bis, § 2, a) à c) et § 3, a) L.S. (coopération). Pour un large aperçu de l’association, de la concertation et de la coopération en matière de transport, cf. Van Hooydonk, E., « 2. Goederenvervoer algemeen - 2.1.3. Beleidsinstellingen en regelgevers - 5. Gewestelijk », in Transportgids, Diegem, Kluwer Editorial, à feuil. mob., 2.1.3.5/7 e.s. (décembre 1996). 106 Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/1, 13; cf. également, e.a., Doc. parl., Chambre, S.E. 1991-92, n° 516/6, 146 ; Ann. parl., Chambre, 27 juillet 1988, 1226. 107 Gilliaux, P., « Aperçu de méthodes d'interprétation des règles répartitrices de compétences », in Présence du droit public et des droits de l'homme. Mélanges offerts à Jacques Vélu, II, Bruxelles, Bruylant, 1992, (1045), 1047-1048, n° 5-6 ; cf. e.a., très clairement, Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 405/2, 54. 108 Cour d’arbitrage n° 2/97, 16 janvier 1997 (MB 5 février 1997).

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le législateur spécial a transféré aux Communautés et aux Régions l’ensemble de la politique relative aux matières qu’il a attribuées. En appliquant ces principes généraux, la Cour d’arbitrage est arrivée à la conclusion, en matière de compétence relative au règlement du pilotage, que l’article 6, § 1er, X, 9° de la loi spéciale et, en matière de services de pilotage dans les ports, l’article 6, § 1er, X, 3° de la loi spéciale, ont transféré aux Régions l’ensemble de la matière des services de pilotage, aussi bien au sens organique que fonctionnel. Partant, la compétence de la Région englobe également l’élaboration de règles relatives à l’activité de pilotage en elle-même109. Les compétences régionales énumérées dans l’article précité, c’est-à-dire toutes les compétences relatives aux travaux publics et au transport, comprennent également la compétence d’en régler les éventuels droits et impôts, ainsi que le droit de les percevoir110. 1.34. L’article 6, § 1er, VI, alinéa 5 de la loi spéciale précise que l’autorité fédérale est « seule » compétente pour « le droit commercial ». Cette autorité est donc en principe exclusivement compétente pour le droit privé maritime et du transport. Ce droit revêt en effet un caractère commercial par excellence. Pratiquement toutes les activités de transport sont qualifiées par le législateur d’actes objectifs de commerce111 et les aspects de droit privé de la navigation maritime et intérieure sont réglés dans le Livre II du Code de commerce, par la loi dite loi maritime112. 1.35. L’article 6, § 4, 3 de la loi spéciale dispose que les gouvernements régionaux seront associés, entre autres, « à l'élaboration des règles de police générale et de la réglementation relatives aux communications et aux transports, ainsi qu'aux prescriptions techniques relatives aux moyens de communication et de transport ». Il ressort implicitement, mais certainement, de cette disposition que la promulgation de ces mêmes règles ressortissent à la compétence de l’autorité fédérale113. Elle concerne toutefois la réglementation publique de la navigation114, et non le droit privé maritime et de la navigation intérieure dont il est question ici. 1.36. Même si les Régions ne sont pas compétentes en tant que telles pour le droit privé de la navigation, en particulier le droit commercial de la navigation, on constatera dans les prochains Livres bleus que l’on ne peut ignorer, dans le cadre de la révision du droit commercial de la navigation, leurs compétences dans des matières telles que les voies hydrauliques et la perception des droits de pilotage, des taxes portuaires et des droits de navigation et similaires. Certaines suggestions concrètes seront formulées aux Régions à ce sujet. 1.37. Au moment de la rédaction du présent rapport, des discussions politiques en vue de la formation d’un gouvernement après les élections du 13 juin 2010 étaient en cours. Ces discussions portaient notamment sur la réforme de la structure fédérale de l’État ainsi que sur le remaniement du partage des compétences. L’une des propositions porterait sur le transfert de la compétence en matière de navigation intérieure (en ce compris la compétence de police). Cette

109 Dans le même ordre d’idées, le Conseil d’État a, dans son arrêt du 9 mars 2009, annulé un arrêté ministériel relatif à la composition d'une commission disposant d'une compétence consultative au sujet de la qualification professionnelle des pilotes privés de la mer du Nord et au sujet de l'octroi, du refus, de la suspension ou du retrait d'un certificat auxdits pilotes, parce qu'il réglait une matière relevant de la compétence des Régions (CE 9 mars 2009, n° 191.156, Région flamande / État belge, www.raadvst-consetat.be). 110 Doc. parl., Chambre, S.E., 1988, n° 516/1, 17. 111 Cf. infra, n° 1.85 et 1.166. 112 Van Hooydonk, E., « 2. Goederenvervoer algemeen - 2.1.3. Beleidsinstellingen en regelgevers - 5. Gewestelijk », o.c., 2.1.3.5/115 (décembre 1996). 113 Ibid., 2.1.3.5/10-11 (décembre 1996). 114 Sur la signification précise de la prescription, cf. e.a. Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/1, 21; Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 405/2, 117 ; Doc. parl., Sénat, 2007-08, n° 4-602/2, 9 ; Cons. d’État, 9 mars 2009, n° 191.155, Région flamande / État Belge, www.raadvst-consetat.be; Van Hooydonk, E., « 2. Goederenvervoer algemeen - 2.1.3. Beleidsinstellingen en regelgevers - 5. Gewestelijk », o.c., 2.1.3.5/123-125 (décembre 1996).

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proposition renvoie aux propositions de loi spéciale déjà introduites au Parlement en 2008115. L’on a également mis sur la table un transfert de compétences relatives à l’organisation judiciaire. Au moment de la mise sous presse du présent rapport, il n’apparaissait pas clairement si ces propositions seraient reprises dans un accord politique préfigurant l’éventuelle phase suivante de la réforme de l’État. Jusqu’à nouvel ordre, dans les rapports sur la révision du droit de la navigation, l’on tient compte des règles de répartition de compétence applicables actuellement, comme exposées brièvement ci-dessus. Vu le contexte politique, aucune proposition de changement des règles de partage des compétences n’est formulée dans les Livres bleus sur la révision du droit privé belge de la navigation116.

2.1.1.4. STRUCTURE DE LA LÉGISLATION BELGE DE LA NAVIGATION 1.38. En Belgique, l’instrument central du régime des relations commerciales dans le secteur de la navigation est la loi maritime. L’on renvoie par cette dénomination informelle au Livre II du Code de commerce. En réalité, ce Livre porte l’intitulé de « la navigation maritime et la navigation intérieure ». Comme déjà indiqué, le texte de la loi maritime date en grande partie de 1879117 et de 1908118 mais demeure essentiellement un dérivé du Code de commerce français de 1807119, reprenant lui-même l’Ordonnance de la marine de Louis XIV de 1681120. Certes, la loi maritime a connu quelques adaptations urgentes au fil des décennies – surtout en exécution ou complément des nouvelles conventions internationales, comme les différentes conventions du CMI et la Convention LLMC – mais la dernière modification de ce type date de 1989121, soit il y a plus de vingt ans. La version néerlandaise de la loi maritime a été établie par la loi du 21 octobre 1997122. 1.39. Outre la loi maritime, il convient également de tenir compte des réglementations éparses de droit privé, parmi lesquelles un grand nombre de conventions internationales. La loi maritime renvoie expressément en son article 47 à la Convention LLMC, à la Convention CLC et à la Convention passagers de 1974, mais aucune référence n’y est faite à la Convention sur l’assistance de 1989. Pour les contrats de transport, il faut théoriquement encore prendre en considération les dispositions du Code civil (articles 1782-1786) et la loi générale sur le transport du 25 octobre 1891, reprise dans le Code de commerce au Titre X du Livre I. Quant à la navigation intérieure, elle est réglée par la Convention CMNI et la loi sur l’affrètement fluvial du

115 Doc. parl., Sénat, 2007-08, n° 4-602/1 (en particulier l’art. 11 de la proposition de loi spéciale). 116 La perspective a toutefois été évoquée dans le Livre vert (Question 10). CdA-A et ABDM trouvaient de toute façon l’étude de la problématique utile, pour ne pas dire nécessaire. CRMB-ARMB-ABDM ont demandé une rationalisation du service public. 117 Loi du 21 août 1879 « contenant le livre II du code de commerce » (MB 4 septembre 1879). 118 Loi du 10 février 1908 sur la navigation maritime et intérieure (MB 25 septembre 1908). 119 Cf. e.a. les rapports de la Chambre de Van Humbeeck in Doc. parl., Chambre, 1869-1870, n° 200, 27 et 1875-1876, n° 237, 134, et le rapport du Sénat d'Anethan in Doc. parl., Sénat, 1878-1879, n° 66, 15. 120 Les « Motifs » au Livre II du Code de commerce de Bégouen, Maret et Corvetto renferment des passages indiquant que « cette confiance nous est inspirée par notre admiration même pour l'ordonnance sur laquelle nous nous appuyons » ; les rédacteurs se qualifient « d’Héritiers [...] d'un tel dépôt de lumières et de connaissances » et précisent : « c'est déjà justifier en grande partie le projet qui vous est présenté, que de dire que nous avons suivi presque toujours l'ordonnance de 1681 » (Code de commerce, Paris, Stéréotype d'Hernan, 1810, 27 e.s.). Pour un lyrisme doctrinal sur l’Ordonnance par deux contemporains, cf. p. ex. Mongalvy et Germain, Analyse raisonnée du code de commerce, II, Paris, Librairie du commerce, 1824, xi e.s. ; pour un aperçu général de la création du Livre II du code, cf. Bonnecase, J., Traité de droit commercial maritime, Paris, Sirey, 1922, 180 e.s., n° 179 e.s. 121 Loi du 11 avril 1989 portant approbation et exécution de divers Actes internationaux en matière de navigation maritime (MB 6 octobre 1989, err. MB 8 décembre 1990). 122 Loi du 21 octobre 1997 portant le texte néerlandais du Code de commerce, à l'exclusion du Livre Ier, titres VIII et IX, de la loi du 5 mai 1936 sur l'affrètement fluvial, des lois coordonnées du 25 septembre 1946 sur le concordat judiciaire et de la loi du 5 juin 1928 portant révision du Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime (MB 27 novembre 1997).

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5 mai 1936. Le statut des navires d’État est régi par une loi particulière du 28 novembre 1928. Les assurances transport sont réglées dans la loi sur l’assurance transport du 11 juin 1874, reprise dans le Code de commerce sous le Titre X du Livre I. La matière des saisies-exécutions et des saisies conservatoires sur navires est réglée dans le Code judiciaire. Les conventions de travail sur les navires sont actuellement régies par trois lois différentes (une pour la navigation intérieure, une pour la pêche maritime et une pour la marine marchande). Dans le cadre de l’analyse du droit privé de la navigation effectuée par les prochains Livres bleus, l’on indiquera et commentera la législation pertinente en vigueur section par section, avec mention des endroits où elle se trouve. 1.40. Il n’est pas nécessaire, dans le cadre du présent rapport général sur la révision du droit privé belge de la navigation, de donner un aperçu intégral de la législation privée belge de la navigation, ni des endroits où elle se trouve. Cette matière sera en effet abordée distinctement dans le rapport sur le droit public de la navigation123. Il suffit ici de rappeler que la législation publique belge de la navigation est dispersée dans un ensemble pratiquement innombrable de lois et d’arrêtés. Les lois les plus importantes sont la loi relative à l’enregistrement des navires du 21 décembre 1990, la loi sur le jaugeage des navires et la loi sur la sécurité des bâtiments de navigation du 5 juin 1972. Parce que le droit public et le droit privé se recoupent à différents égards, l’on abordera ces instruments de droit public lorsque cela s’avérera pertinent dans le cadre de l’analyse du droit privé de la navigation. 1.41. La Région flamande a édicté un certain nombre de décrets d’importance dans le cadre des activités de navigation. Il convient notamment de mentionner le décret pilotage du 19 avril 1995, le décret sur la politique et la gestion des ports maritimes du 2 mars 1999 et le décret sur les services de trafic maritime du 16 juin 2006. Certains décrets ont été promulgués en Région wallonne relativement à la gestion des voies navigables. À ce jour, la réglementation régionale de droit privé portant sur la navigation est rare, même s’il ne faut pas exclure de nouvelles initiatives en la matière, ces dernières étant même souhaitables pour compléter certaines dispositions du Code belge de la navigation.

2.1.1.5. DÉFAUTS DE LA LÉGISLATION BELGE DE LA NAVIGATION 1.42. Dans de précédentes publications, auxquelles l’on renvoie ici par facilité124, l’on a procédé à une analyse circonstanciée des défauts de la réglementation maritime belge. L’on y a conclu que la réglementation maritime belge est dépassée à maints égards ; qu’elle est en outre lacunaire, confuse, non coordonnée, désordonnée et juridiquement contestable. Sa qualité légistique est indéniablement plus faible que dans nombre de pays en développement. La loi maritime centrale est assurément dépassée par la pratique et les réglementations étrangères. L’on étayera encore davantage cette considération dans les prochains Livres bleus. La marine marchande, le secteur portuaire, la pratique du droit maritime, les assurances, de nombreux prestataires de services maritimes et, finalement, les autorités fédérales et régionales en ont subi les conséquences néfastes. En outre, le caractère désuet de notre appareil réglementaire donne l’impression aux regards extérieurs que non seulement le secteur du droit maritime mais également l’intégralité du secteur de la navigation ne revêtent pas d’importance sur le plan économique et politique, sont vieillots et manquent de dynamisme. Il y va donc d’un sérieux problème d’image pour tout le secteur.

123 Cf. supra, n° 1.16-1.18. 124 Cf. Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 75-125, n° 59-81 ; Van Hooydonk, E., « De herziening van het Belgisch zeerecht », o.c., NjW 2007, n° 174, 4-8, n° 7-14, TVR 2008, 5-10, n° 7-14.

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1.43. Dans les mêmes publications125, l’on a démontré que le législateur maritime belge a peu travaillé ces dernières années. Il a fonctionné à un niveau considérablement plus faible que ses homologues des pays voisins, également concurrents maritimes. Les symptômes en sont l’absence de la Belgique dans le cadre de la prise de décision internationale, la lenteur des mises en œuvre de réglementations internationales et européennes ainsi que des initiatives réglementaires nationales, l’inefficacité des législateurs et leur équipement défaillant. Les principales causes en sont la complexité et le manque de clarté des règles de répartition de compétences au sein de la structure fédérale de l’État et, dans le passé à tout le moins, l’intérêt minime dont témoignent les politiques pour les affaires maritimes. Ces différentes faiblesses ont sérieusement mis en péril la réputation internationale et l’impact de la Belgique en tant que nation maritime, ainsi que ceux des prestataires de services juridico-maritimes. 2.1.2. CONTEXTE ÉCONOMIQUE

2.1.2.1. UN SECTEUR DE LA NAVIGATION D’IMPORTANCE 1.44. Comme il a été exposé ci-dessus, la révision du droit belge de la navigation revêt un intérêt considérable pour le secteur belge de la navigation126. Ce secteur compte parmi les plus importants au monde et constitue un pilier irremplaçable de l’économie belge. Il convient dès lors d’y adjoindre un cadre légal adapté et attrayant. Pour étayer l’importance et le caractère prioritaire du projet de révision, l’on procédera au rappel de quelques données de base sur l’intérêt économique que revêt un certain nombre de sous-secteurs du cluster de la navigation belge. Ces indications seront en outre utiles pour la balance des intérêts proposée dans l’Ébauche du Code belge de la navigation127. L’on abordera ensuite brièvement la balance des intérêts telle que réalisée aujourd’hui par le droit maritime belge en vigueur128. Les prochains Livres bleus thématiques procéderont encore à l’évaluation des intérêts en présence, en vue du Code belge de la navigation.

2.1.2.2. IMPORTANCE DES SOUS-SECTEURS 1.45. Il convient tout d’abord de souligner le fait que la Belgique constitue l’une des nations maritimes les plus importantes au monde. Elle est un centre industriel important, un pays d’import-export et les ports belges remplissent une fonction de transit international dont on évoquera l’importance plus loin129. Selon la Review of Maritime Transport du UNCTAD130, publication autorisée dans le domaine maritime, la Belgique est la neuvème nation maritime au monde. Elle figure également à une place élevée dans le classement établi selon le « Maritime engagement of 25 major trading nations ».

125 Cf. Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 125-178, n° 82- 115 ; Van Hooydonk, E., « De herziening van het Belgisch zeerecht », o.c., NjW 2007, n° 174, 8-15, n° 15-22, TVR 2008, 10-17, n° 15-22. 126 Sur ce terme, cf. supra, n° 1.2. 127 Pour autant que de besoin : les chiffres présentés ne sont pas propres à identifier les intérêts relatifs des différentes sections du secteur de la navigation. 128 Cf. infra, n° 1.183. 129 Cf. infra, n° 1.46. 130 Disponible intégralement sur www.unctad.org.

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Tableau 1. Le Maritime engagement of 25 major trading nations (2007 data (trade) and beginning of 2008 data (fleet) (Secrétariat UNCTAD, Review of Maritime Transport 2009, New York / Genève, UNCTAD, 2009, www. unctad.org, p. 83)

Il n’est dès lors pas surprenant que les intérêts commerciaux dans la navigation et les ports belges jouent un rôle de premier plan. En particulier, les ports belges traitent un trafic considérable de conteneurs et de marchandises, avec les compagnies de navigation qui s’y attachent, et sont soutenus par un important secteur de l’expédition. 1.46. La Belgique est l’un des pays portuaires les plus importants au monde. Selon les chiffres récoltés par la Commission portuaire flamande131, les ports flamands ont traité en 2009 un trafic total de marchandises de pratiquement 229 millions de tonnes, réparti comme suit 132:

131 Merckx, J.-P. et Neyts, D., Jaaroverzicht Vlaamse havens 2009, Bruxelles, Conseil économique et social de Flandre, 2010, 100. 132 En 2010, le trafic a atteint environ 260 millions de tonnes (chiffres ou estimations provisoires au moment de la mise sous presse).

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Tableau 2. Circulation maritime totale dans les ports maritimes flamands, déchargements + chargements, par 1000 tonnes, 1980-2009 (Merckx, J.-P. et Neyts, D., Jaaroverzicht Vlaamse havens 2009, Bruxelles, Conseil économique et social de Flandre, 2010, www.serv.be, p. 100)

La part de marché des ports maritimes flamands s’élevait dans le groupe Le Havre-Hambourg en 2009 à 23,3 %133. Cela souligne le rôle éminent des ports maritimes flamands en tant que ports d’accès maritime au continent européen. En ce qui concerne le trafic maritime de conteneurs, Anvers était en 2009 le deuxième port européen, et Zeebruges le dixième134. Les ports maritimes flamands traitent également un trafic de navigation intérieure considérable. Pour les ports intérieurs, il convient de souligner que Liège est actuellement le deuxième port fluvial d’Europe, après Duisbourg. Bruxelles joue également un rôle considérable. Cela ressort du tableau suivant de la Banque Nationale de Belgique, qui indique ce qui suit :

133 Merckx, J.-P. et Neyts, D., Jaaroverzicht Vlaamse havens 2009, o.c., 98. 134 Cf., plus précisément, Merckx, J.-P. et Neyts, D., Containers. Intercontinentaal containertransport van en naar de Vlaamse havens, Bruxelles, Conseil socio-économique de Flandre, 2010, 150 p.

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Tableau 3. Trafic par voies d’eau dans les ports de Duisbourg, de Paris, de Liège et de Bruxelles (milliers de tonnes, sauf mention contraire) (Mathys, C., Importance économique des ports belges: Ports maritimes flamands, complexe portuaire liégeois et port de Bruxelles - Rapport 2008, Bruxelles, Banque Nationale de Belgique, 2010, http://www.bnb.be/, p. 10)

Un important trafic de navigation intérieure est également traité via les ports et les quais situés le long des voies navigables135. La Banque Nationale publie chaque année les chiffres sur l’importance économique des ports belges, selon la valeur ajoutée réalisée, l’emploi et les investissements. Le rapport de juillet 2010 met en évidence les indicateurs suivants :

Tableau 4. Valeur ajoutée dans les ports belges (millions d’euros – prix courants) (Mathys, C., Importance économique des ports belges : Ports maritimes flamands, complexe portuaire liégeois et port de Bruxelles - Rapport 2008, Bruxelles, Banque nationale de Belgique, 2010, www.bnb.be, p. 14)

135 L’on peut notamment renvoyer, pour les chiffres, aux observations du marché pour la navigation intérieure européenne, effectuées par la Commission centrale pour la Navigation du Rhin (www.ccr-zkr.org) ainsi qu’à celles pour la navigation intérieure belge, effectuée par l’Institut pour le Transport par Batellerie instituée au sein du SPF Mobilité et Transports (cf. www.binnenvaart.be).

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Tableau 5. Emploi dans les ports belges (ETP) (Mathys, C., Importance économique des ports belges : Ports maritimes flamands, complexe portuaire liégeois et port de Bruxelles - Rapport 2008, Bruxelles, Banque nationale de Belgique, 2010, www.bnb.be, p. 15)

Tableau 6. Investissement dans les ports belges (millions d’euros – prix courants) (Mathys, C., Importance économique des ports belges : Ports maritimes flamands, complexe portuaire liégeois et port de Bruxelles - Rapport 2008, Bruxelles, Banque nationale de Belgique, 2010,

www.bnb.be, p. 16) 1.47. La marine marchande belge compte parmi les plus importantes au monde. D’après la Review of Maritime Transport du UNCTAD136, la Belgique dispose au 1er janvier 2009 de la vingtième flotte mondiale, avec un tonnage contrôlé de 13.447.206 tpl. Plus de la moitié de ce tonnage bat pavillon belge. La flotte belge est généralement considérée comme étant de haute qualité.

136 Cf. supra, n° 1.45.

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Tableau 7. The 35 countries and territories with the largest controlled fleets (dwt), as of 1 January 2009 (Secrétariat UNCTAD, Review of Maritime Transport 2009, New York / Genève, UNCTAD, 2009, www. unctad.org, p. 53)

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La liste des principaux pays d’immatriculation se présente comme suit :

Tableau 8. The 35 flags of registration with the largest registered deadweight tonnage, as of 1 January 2009 (in UNCTA D Secretariat, Review of Maritime Transport 2009, New York / Genève, UNCTA D, 2009, www.unctad.org, p. 55)

Cette position est surtout le résultat du repavillonnage couronné de succès de la marine marchande, rendu possible grâce à l’instauration en 2002 d’un régime fiscal favorable et conforme aux directives européennes de la Commission européenne en matière d’aide d’État au transport maritime137. 1.48. La Belgique dispose de l’une des flottes intérieures les plus importantes en Europe occidentale. Elle est moins importante que la flotte néerlandaise ou allemande, mais est plus

137 Cf. art. 115 et suiv. de la loi programme du 2 août 2002 (MB 29 août 2002), telle que modifiée par l’A.R. du 7 mai 2003 (MB 9 mai 2003).

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importante que la flotte française. L’Organisation européenne de navigation intérieure IVR évoque les chiffres suivants :

Tableau 9. Total Western European Fleet (February 2010) (chiffres de IVR, disponibles sur www.ivr.nl)

1.49. Au début de l’année 2010, la flotte de pêche belge comptait 89 bateaux, d’une capacité globale de 51.590 kW en termes de puissance de moteur et de 16.048 GT en termes de tonnage. En 2009, l’approvisionnement total en produits de la pêche effectué par les embarcations belges dans les ports belges et étrangers s’élevait à 19.171 tonnes. 80% fournissent les ports belges. Le chiffre d’affaires total des embarcations belges s’élevait à 68,3 millions d’EUR. 87 % de la somme totale ont été réalisés dans les ports belges138. 1.50. Le secteur des assurances maritimes belges joue un rôle d’importance mondiale. Grâce à la police d’assurance marchandises d’Anvers de 2004, les assureurs et courtiers ont réussi à attirer des affaires non belges. Les chiffres de l’Association Belge des Assureurs Maritimes révèlent que l’encaissement de primes s’élevait en 2009 à 225 millions EUR139. L’encaissement des primes a été principalement réalisé dans les assurances transport et sur facultés et dans une moindre mesure dans les secteurs hull, liability et offshore/energy. L’on peut considérer que 80 à 85% de l’encaissement sont liés à la navigation maritime. Les chiffres de l’International Union of Marine Insurance140 montrent que la Belgique compte parmi les 10 à 15 pays les plus importants au monde. 1.51. Malgré le vieillissement de la législation sur la navigation, et en dépit de la réduction notable du contentieux maritime à la suite de la conteneurisation et à la protection des échanges maritimes, la Belgique demeure un important for pour le règlement des litiges maritimes et liés au transport. En novembre 2010, 227 avocats ont sélectionné le droit du transport comme orientation (142 à Anvers, 25 à Bruxelles, 18 à Gand et 11 à Bruges)141. Même si les statistiques témoignent d’une courbe décroissante, le Tribunal de commerce d’Anvers rend de nombreux jugements en matière de navigation142. La Commission nautique du Tribunal de commerce d’Anvers mène de nombreuses expertises dans le domaine de la navigation143.

138 Chiffres du Jaaroverzicht zeevisserijsector 2009, disponibles sur http://lv/vlaanderen.be. 139 Cf. Lloyd Special Transport Insurance, Winter 2010, 11-13. L’année 2009 se caractérisa par une récession économique mondiale, et donne donc une image qui s'écarte de la norme. 140 Cf. www.iumi.com. 141 Données de novembre 2010. 142 Pour quelques statistiques, cf. Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 184-185, n° 121. Avec la collaboration du Président N. De Muynck, les statistiques ont été rassemblées pour les années 2006-2010. Les

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1.52. Il est impossible, dans le cadre du présent rapport, de donner un aperçu de l’importance économique des autres sous-secteurs du cluster de la navigation. Ces secteurs font souvent partie des branches d’activités évoquées ci-avant, qu’ils leur soient complémentaires ou s’y attachent de quelqu’autre manière. Il convient de mentionner spécifiquement l’importance considérable du secteur de la navigation de plaisance en Belgique (en 2003 : 8000 anneaux en port de plaisance, 74.500 yachts, chiffre d’affaires du secteur de la navigation de plaisance : 102.500.000 EUR)144. La flotte de bateaux classiques ou de patrimoine navigant est également importante. Une partie de celle-ci génère de l’activité économique, certes le plus souvent sans but lucratif145. 2.1.3. CONTEXTE POLITIQUE

2.1.3.1. DÉVELOPPEMENTS INTERNATIONAUX 1.53. La révision du droit belge de la navigation s’inscrit dans un contexte de développements internationaux nouveaux et continus. Pour commencer, il convient de rappeler que la loi maritime n’est aujourd’hui plus en phase avec les contextes actuels de l’économie, de la technologie et du commerce. Ces derniers sont en développement constant et se caractérisent notamment par une augmentation d’échelle incessante dans le cadre de la construction navale, du transport de conteneurs et de l’échange de données électroniques. Elle est également marquée par les contrats désormais plus perfectionnés de transport, d’assistance et d’assurance. D’importants régimes conventionnels ont récemment émergé, lesquels n’ont pas été transposés en droit belge ou l’ont été de manière imparfaite. En particulier, la Belgique doit encore définir sa position politique au regard des Règles de Rotterdam. Enfin, le projet de révision belge se poursuit en parallèle avec d’autres projets intéressants de législation étrangère, notamment la recodification du droit maritime allemand146. Au vu de ces évolutions constantes, il conviendra d’adapter continuellement, à tout le moins périodiquement, le Code belge de la navigation147.

2.1.3.2. NOUVELLE DYNAMIQUE DE LA POLITIQUE BELGE EN MATIÈRE DE NAVIGATION 1.54. L’on constate depuis une dizaine d’années un dynamisme nouveau auprès des autorités maritimes belges. Le premier signe a été l’instauration d’un régime fiscal attrayant pour la marine

chiffres ne permettent pas une identification précise des matières maritimes, mais montrent une tendance décroissante depuis les cinq dernières années. 143 Cf. Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 186, n° 121. Avec la collaboration du Capitaine B. Desmet, Doyen de la Commission nautique, les chiffres suivants ont été collectés pour les années 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 (incomplet) : respectivement 70, 95, 76, 60 et 61. 144 Données issues d’une étude réalisée par la Vlerick Leuven Gent Management School, disponible sur www.belgianboatshow.be. 145 La flotte belge d’embarcations historiques est évaluée entre 150 et 200 unités (informations de Dirk Ramakers, Président de la Vlaamse Vereniging tot Behoud van Historische Vaartuigen vzw (cf. www.historisch-vaartuig.be et également www.watererfgoed.be). 146 Cf., plus précisément, infra, n° 1.134 et 1.251. 147 Cf. supra, n° 1.23 et infra, n° 1.142-144.

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marchande belge148, qui a mené à son repavillonnage couronné de succès. Dans le prolongement, les responsables politiques successifs – le Ministre de la Mobilité Renaat Landuyt, le Ministre Yves Leterme et le Secrétaire d’État Etienne Schouppe – et la Direction Générale Transport Maritime du Service Public Fédéral Mobilité et Transports, dirigé par Frans Van Rompuy, ont déployé de nombreuses initiatives d’actualisation. Les organisations du secteur privé ont joué un important rôle moteur, en particulier l’Union Royale des Armateurs Belges et son président Nicolas Saverys, ainsi que les directeurs successifs Marc Nuytemans et Peter Verstuyft. 1.55. Le nouvel enthousiasme pour les affaires maritimes a fourni des résultats impressionnants, en peu de temps. En 2005 et en 2009, la Belgique a ainsi été élue membre du Conseil de l’OMI, de sorte qu’elle a été impliquée de manière active dans le développement de la politique maritime mondiale. La Belgique a adhéré aux Protocoles à la Convention SOLAS et à la Convention sur la ligne de flottaison de 1988149, au Protocole modificatif LLMC de 1996150 et à la Convention sur les hydrocarbures de soute151. Le retard fédéral en matière de transposition des directives européennes dans le domaine maritime a été totalement résorbé. Une modification apportée à la loi du 18 février 1969 relative aux mesures d'exécution des traités et actes internationaux en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable a habilité le Roi à prendre toute mesure nécessaire pour assurer l'exécution des obligations résultant des traités internationaux et des actes internationaux pris en vertu de ceux-ci152. Ces mesures peuvent comprendre l'abrogation ou la modification de dispositions légales153. L’objectif est de pouvoir remplir les obligations maritimes internationales avec la promptitude voulue154. Différentes réglementations maritimes nationales ont également été actualisées. L’on renvoie notamment à : - la loi du 15 mai 2006 portant diverses dispositions en matière de transport155, par laquelle, à côté de la loi du 18 février 1969, le Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime a été, notamment, modernisé; - l’arrêté royal du 24 septembre 2006 portant fixation du règlement général de police pour la navigation sur les eaux intérieures du Royaume156, le remplacement partiel, tant attendu, du règlement général des voies navigables du Royaume de 1935 ; - la loi du 22 janvier 2007 modifiant la loi du 5 juin 1972 sur la sécurité des bâtiments de navigation et la loi du 30 juillet 1926 instituant un conseil d'enquête maritime157, ces deux dernières lois ayant été actualisées de manière importante ;

148 Cf. art. 115 e.s. de la loi programme du 2 août 2002 (MB 29 août 2002) telle que modifiée par les articles 321 e.s. de la loi programme du 27 décembre 2004 (MB 31 décembre 2004). L’entrée en vigueur a été régie par l’A.R. du 7 mai 2003 (MB 9 mai 2003). 149 Loi du 15 février 2007 relative à l'adhésion de la Belgique au Protocole de 1988 relatif à la Convention internationale de 1966 sur les lignes de charge, fait à Londres le 11 novembre 1988 (MB 8 juin 2007) ; loi du 15 février 2007 relative à l'adhésion de la Belgique au Protocole de 1988 relatif à la Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, fait à Londres le 11 novembre 1988 (MB 8 juin 2007). 150 Loi du 10 septembre 2009 portant assentiment au Protocole de 1996 modifiant la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, fait à Londres le 2 mai 1996 (MB 28 décembre 2009). 151 Loi du 12 juillet 2009 portant assentiment à la Convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute, et à l'Annexe, faites à Londres le 23 mars 2001 (MB 30 octobre 2009). 152 Cf. art. 2-3 loi du 15 mai 2006 portant diverses dispositions en matière de transport (MB 8 juin 2006). 153 Cf. Doc. parl., Chambre, 2005-2006, n° 2245/1. 154 Ibid., 5. 155 MB 8 juin 2006. 156 MB 3 octobre 2006. 157 MB 16 mars 2007 (Ed. 2).

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- l’arrêté royal du 9 mars 2007 portant les prescriptions d'équipage sur les voies navigables du Royaume158 ; - la loi du 9 avril 2007 relative à la découverte et à la protection d'épaves159, abrogeant l’édit des épaves de 1547 ; - le Titre VI de la loi du 3 juin 2007 portant des dispositions diverses relatives au travail160, lequel a instauré un nouveau régime pour le contrat d’engagement maritime pour service à bord d’un navire de la marine marchande ; - l’arrêté royal du 6 février 2009 relatif à la création et l'organisation du carrefour de l'information maritime161 ; - la loi du 30 décembre 2009 relative à la lutte contre la piraterie maritime162 ; - la loi du 30 décembre 2009 relative à la lutte contre la piraterie maritime et modifiant le Code judiciaire163. Un projet plus structurel et ambitieux fut la création de la Commission de droit maritime, déjà commentée, chargée de réviser l’ensemble du droit maritime privé et public belge164. Le présent Livre bleu est la première production de cette commission de révision.

2.1.3.3. ATTENTION POLITIQUE POUR LES SECTEURS NON MARCHANDS 56. Une évolution remarquable est l’attention grandissante portée par les autorités fédérales (et également régionales) à des aspects non marchands comme le statut des bateaux de plaisance165, des bateaux d’habitation166 et du patrimoine navigant167. Le rapport sur la révision du droit privé de la navigation consacrera l’attention requise à de telles matières. Les propositions de loi qui y figurent sont de nature à renforcer et à compléter les autres initiatives politiques qui se situent partiellement dans le domaine de compétence des Régions et des Communautés. Cet élargissement du champ d’action correspond à une tendance qui se manifeste depuis plus de vingt ans. Elle consiste à élargir le champ d’application de la législation de la navigation aux navires utilisés sans but lucratif168.

2.1.3.4. NÉCESSITÉ D’UN ÉQUILIBRE ADAPTÉ ENTRE LES INTÉRÊTS EN PRÉSENCE 1.57. L’on a déjà attiré l’attention sur l’importance économique considérable du cluster de la navigation belge169 et de ses sous-secteurs170. Il a donc fallu tenir compte, lors de la rédaction de

158 MB 16 mars 2007. 159 MB 21 juin 2007. 160 MB 23 juillet 2007. 161 MB 6 mars 2009. 162 MB 14 janvier 2010. 163 MB 14 janvier 2010. 164 Cf. supra, n° 1.5. 165 Cf. en particulier l’A.R. du 28 juin 2009 portant établissement d'une plateforme de concertation fédérale pour la navigation de plaisance (MB 23 juillet 2009). 166 Cf., en particulier, la motion motivée de Messieurs Marnic De Meulemeester, Carl Decaluwe, Joris Vandenbroucke, Bart Martens, Jan Peumans et Marc van den Abeelen – en vue de l’interpellation par Monsieur Marnic De Meulemeester, en commission le 19 juin 2007, de Kris Peeters, Ministre flamand des travaux publics, de l’énergie, de l’environnement et de la nature, à propos de la politique en matière d’autorisation de la Waterwegen en Zeekanaal SA à l’égard des bateaux d’habitation (texte repris par l’assemblée plénière), Doc. parl., Parl. flamand, 2006-07, n° 1255/2. 167 Cf., en particulier, le décret du Parlement flamand du 29 mars 2002 sur la protection du patrimoine navigant (MB 18 mai 2002) ; pour des éléments de droit comparé, voyez Rodigo de Larrucea, J., “La proteccion del patrimonio flotante: hacia un estatuto juridico del buque historico”, www.culturamaritima.org). 168 Cf. Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 81-82 et infra, n° 1.81. 169 Sur cette notion, cf. supra, n° 1.2. 170 Cf. supra, n° 1.145 e.s.

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l’Ébauche de nouveau Code belge de la navigation, d’intérêts considérables et au demeurant très variés. La nouvelle codification, qui entend tracer un nouveau cadre attractif et juridiquement sûr pour l’ensemble du secteur de la navigation, doit procurer des avantages pour tous les intéressés : armateurs, intéressés la cargaison, administrations portuaires, agents maritimes, expéditeurs, manutentionnaires, sociétés d’entreposage, prestataires de services technico-nautiques, notamment les pilotes, les sociétés de remorquage, les prestataires de services d’amarrage et de désamarrage, les réparateurs et les ravitailleurs de navires, les assistants, etc. En particulier, il faut trouver un bon équilibre dans les régimes légaux de responsabilité entre les intérêts du navire (propriétaires de navires et transporteurs) et de la cargaison (commerce et industrie, expéditeurs et destinataires des marchandises). Il convient évidemment de prendre aussi en considération les aspects bancaires et des assurances. Le nouveau code doit également encourager la prestation de services juridico-maritimes belges (barreau, magistrature et experts) et renforcer sa compétitivité internationale. Enfin, l’attention doit se porter sur des intérêts plus souples comme ceux de la navigation de plaisance, de la protection de l’environnement et de la gestion du patrimoine. Le Livre vert a déjà insisté sur la nécessité de trouver, dans la nouvelle législation, un équilibre adapté entre les intérêts en présence171. 1.58. Atteindre un bon équilibre entre les intérêts en présence – parfois conflictuels – est une tâche difficile. La publication du Livre vert et l’organisation de la première consultation publique entendaient précisément détecter les points sensibles dès l’origine et cherchaient à faciliter le développement de solutions équilibrées. Dans les Livres bleus, une évaluation des intérêts sera reprise pour chaque partie de l’Ébauche de Code belge de la navigation. L’on évoquera à cette occasion les réactions émanant des différentes organisations professionnelles et de la pratique du droit, recueillies au cours de la première consultation. 1.59. Dans le cadre de l’élaboration du Code judiciaire, le Conseil d’État et le Parlement ont mis l’accent sur le fait qu’une nouvelle codification aussi étendue et complexe engendrerait inévitablement des divergences d’opinion. Le législateur a finalement opté pour l’esprit d’innovation du projet de loi, plutôt que pour un immobilisme souvent condamné172. À l’évidence, l’Ébauche du Code belge de la navigation sera appréciée de manière divergente. Sur la balance des intérêts que l’Ébauche entend instaurer, il est primordial que chacun des intéressés comprenne qu’il existe également et surtout des intérêts communs et qu’une revitalisation du secteur de la navigation belge ne peut que bénéficier à l’ensemble des segments du secteur. L’on suggère ainsi que les participants à la deuxième consultation envisagent les propositions formulées selon une perspective plus large que celle de leur propre sous-secteur. L’approche adoptée dans le cadre de la révision tient compte de la réalité économique et considère que les sections du secteur de la navigation se renforcent mutuellement, l’ensemble étant plus fort que ses composantes173.

2.1.3.5. SOUTIEN À LA RÉVISION 1.60. Un élément extrêmement important du contexte politique général de la révision est que celle-ci bénéficie d’un large soutien. Un soutien unanime à la recodification du droit de la navigation a été exprimé lors de la consultation sur le Livre vert (questions 1-2). De nombreux participants, comme la Régie portuaire d’Anvers, l’Union Royale des Armateurs Belges et le Collège Royal Maritime Belge, l’Académie Royale de Marine de Belgique, la Société Royale de la Ligue Maritime Belge ont même approuvé et souligné la nécessité de la révision. Le Collège Royal

171 Van Hooydonk, E. (éd.), Livre vert sur la Nouvelle Loi maritime, Anvers/Apeldoorn, Maklu, 2007, 19-20. 172 Doc. parl., Sénat, 1963-64, n° 60, III et 777. 173 Cf. supra, n° 1.2.

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Maritime Belge a estimé que si la révision était sinon nécessaire, en tout cas utile. L’ABAM a accueilli favorablement la révision. Aucun des intéressés n’a jugé la révision inopportune.

2.1.3.6. URGENCE DE LA RÉVISION 1.61. La révision du droit de la navigation, en particulier de la loi maritime, n’est pas seulement nécessaire, mais elle est également urgente. Premièrement, l’état actuel de la loi maritime est d’une telle nature que l’on ne saurait tolérer aucun délai supplémentaire. La loi maritime devient toujours plus inutilisable et déphasée par rapport à l’évolution continue des techniques commerciales et des régimes juridiques internationaux. Une deuxième raison du caractère impérieux de la révision réside dans la globalisation du secteur maritime (cf. les fusions et reprises dans le secteur du transport et du traitement de conteneurs et l’interchangeabilité croissante des ports), entraînant l’accroissement de la concurrence. Une législation maritime nationale défaillante risque de devenir un sérieux handicap à la concurrence. Une troisième raison est le déclin constant, si pas alarmant, du secteur de la prestation de services juridico-maritimes, en particulier le règlement des litiges. Seul un rafraîchissement drastique du cadre légal peut stopper cette évolution négative. Quatrièmement, la Belgique ne peut demeurer en retrait lorsque d’autres pays déploient des initiatives de même nature en matière de révision, notamment dans les pays maritimes voisins et donc concurrents. En outre, de nombreux États prennent des initiatives en vue de la création d’organisations dans le secteur maritime ainsi que de centres d’arbitrage maritime. Au plus long sera le processus de révision, au plus la position concurrentielle de la Belgique sera gravement affaiblie. Il ne convient toutefois pas de travailler dans la précipitation. Le nouveau code doit être bien préparé, sur la base de recherches juridiques méticuleuses et de larges concertations. 2.1.4. OBJECTIFS GÉNÉRAUX

2.1.4.1. IMPORTANCE 1.62. Les quatre objectifs les plus importants de la révision du droit belge de la navigation ont déjà été décrits dans le Livre vert174 et sont demeurés inchangés pendant les activités de la Commission de droit maritime. Ils sont brièvement repris ci-après. L’on abordera ensuite les lignes de force générales de l’Ébauche de Code belge de la navigation175. Ces lignes de force montrent le chemin suivi pour tenter de réaliser les objectifs de base. Les prochains Livres bleus commenteront des objectifs et des lignes de force plus spécifiques.

2.1.4.2. ACTUALISATION D’UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DE LA LÉGISLATION BELGE 63. La nouvelle loi maritime belge modernise d’abord un élément essentiel du droit commercial belge. L’on a rappelé ci-dessus le caractère fortement dépassé de la loi maritime176. Lors des cérémonies récentes du bicentenaire du Code de commerce en 2007, le Professeur Huybrechts a partagé cette analyse critique et l’on est arrivé à la conclusion que l’entièreté du Code était aujourd’hui obsolète177. En d’autres termes, la révision entamée par le Livre vert correspond

174 Van Hooydonk, E. (éd.), Livre vert sur la Nouvelle Loi maritime, Anvers/Apeldoorn, Maklu, 2007, 15-20. 175 Cf. infra, n° 1.67 e.s. 176 Cf. supra, n° 1.25 et 1.42-43. 177 Cf. Buyle, J.-P., Derijcke, W., Embrechts, J. et Verougstraete, I. (Ed.), Bicentenaire du Code de commerce. Tweehonderd jaar Wetboek van Koophandel, Bruxelles, Larcier, 2007, 389 p., et en particulier les contributions de M. A. Huybrechts, P. Van Ommeslaghe et W. Van Gerven.

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parfaitement à la position générale de la doctrine, selon laquelle il convient de remplacer d’urgence le Code de commerce178. Indépendamment même des objectifs commentés ci-après, une politique législative convenable suppose une profonde révision de la loi maritime.

2.1.4.3. RENFORCEMENT DE LA POSITION CONCURRENTIELLE DU SECTEUR DE LA

NAVIGATION 1.64. Deuxièmement, le nouveau code doit renforcer la position concurrentielle du secteur de la navigation belge179. Ce secteur doit pouvoir fonctionner dans un cadre législatif attrayant, caractérisé par la sécurité juridique pour tous les prestataires de services et leurs donneurs d’ordre, par la clarté de la réglementation et par l’alignement sur les règles internationales, l’économie et les techniques contemporaines de la navigation et des ports.

2.1.4.4. ENCOURAGEMENT DES PRESTATIONS DE SERVICES JURIDIQUES 1.65. Troisièmement, le nouveau code doit encourager la prestation de services juridico-maritimes. Comme déjà indiqué, la Belgique constitue un for classique pour le règlement des litiges maritimes. Une bonne législation maritime doit positionner la Belgique, en particulier ses villes portuaires, sur la carte mondiale du business maritime. Il s’agit en d’autres termes d’un argument de vente. Le nouveau code doit en même temps contribuer à éviter les procédures judiciaires inutiles180. Pour faire en sorte que l’initiative d’un nouveau Code belge de la navigation atteigne ses objectifs, il est souhaitable de prendre des mesures d’accompagnement à d’autres niveaux. La création d’un centre d’arbitrage maritime performant et orienté internationalement est une mesure à prendre d’urgence181, tout comme l’augmentation substantielle des investissements dans l’enseignement et la recherche par les institutions académiques182.

2.1.4.5. ÉLARGISSEMENT DU RAYONNEMENT DE LA BELGIQUE EN TANT QUE NATION

NAVIGATRICE 1.66. Enfin, le nouveau Code belge de la navigation doit étendre le rayonnement international de la Belgique maritime. La Belgique doit positionner son secteur de droit maritime au même niveau que celui des autres segments du secteur de la navigation. La révision doit également marquer le signal de départ d’une campagne visant à jouer de nouveau un rôle directeur dans le développement du droit maritime sur le plan international. La Belgique doit renouer avec son passé glorieux d’instigateur du développement international du droit maritime183.

178 Cf. infra, n° 1.80. 179 Cf. supra, n° 1.2 et 1.44. 180 Éviter les procédures constituait même l’un des objectifs les plus importants du Livre 8 du Code civil néerlandais (Schadee, H., « Waarom eigenlijk een nieuw transportrecht ? », in van Bakelen, F.A. (réd.), Zeerecht in het licht van Boek 8 Nieuw Burgerlijk Wetboek, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1983, (34), 36). 181 À ce propos, une initiative est en cours au sein de l’Association Belge de Droit Maritime ; cf. auparavant Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 193-196, n° 126 et 206, n° 143. 182 Sur l’importance de ce dernier point, cf. infra, n° 1.90. 183 Cf. supra, n° 1.26.

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2.2. LIGNES DE FORCE GÉNÉRALES 2.2.1. UNE CONCEPTION LARGE DU DROIT DE LA NAVIGATION 1.67. Pour la bonne compréhension de l’Ébauche de Code belge de la navigation, l’on évoque ci-après certaines lignes de force. Il s’agit des points de départ, des options et des principes de base qui déterminent la trame générale de l’Ébauche de Code belge de la navigation. Ces lignes de force sont réparties entre lignes de forces formelles et lignes de force matérielles. Les premières concernent des questions légistiques et méthodologiques, les deuxièmes des questions de contenu. 1.68. Ce qui constitue la ligne de force la plus importante est que l’Ébauche de Code belge de la navigation a une vision large de l’essence et des sources du droit de la navigation. Lors de la rédaction de l’Ébauche, on n’a pas seulement tenu compte du besoin immédiat d’actualiser certains régimes (par exemple, la responsabilité en cas de transport en pontée), mais on a également pris en considération la position du droit de la navigation dans un système juridique plus large, ainsi que les sources spécifiques et la méthodologie du droit de la navigation. L’on abandonne dans cette mesure le pragmatisme pur de la législation belge de la navigation ; l’Ébauche ne s’analyse pas en une simple modernisation de la loi maritime, mais elle constitue une tentative de repositionner le droit de la navigation en tant que tel au sein du système juridique belge. Cette conception large domine les lignes de force formelles et matérielles, tous les chapitres et nombre de dispositions individuelles. Comme on l’exposera ci-dessous, l’Ébauche de Code belge de la navigation tend à souligner notamment le caractère autonome du droit de la navigation184. Pour ce faire, elle extrait la législation maritime du Code de commerce185, elle règle les relations avec les autres codes186, elle reconnaît et régit l’application d’autres sources de droit que le Code de la navigation lui-même, notamment les principes généraux de la navigation187, les conditions générales des contrats et les usages188, elle fait usage d’une méthodologie spécifique pour la mise en œuvre des conventions internationales d’unification189, elle introduit certaines règles d’interprétation190 et elle suppose un soutien structuré de la politique de la navigation191. 2.2.2. LIGNES DE FORCE FORMELLES

2.2.2.1. RECODIFICATION DU DROIT DE LA NAVIGATION

A. OPTION DE LA CODIFICATION 1.69. La révision proposée intervient par le biais d’une (re)codification complète de la matière, plus précisément par la création d’un code de la navigation totalement nouveau et global.

184 Cf. infra, n° 1.189 e.s. 185 Cf. infra, n° 1.78 e.s. 186 Cf. infra, n° 1.202. 187 Cf. infra, n° 1.206. 188 Cf. infra, n° 1.207. 189 Cf. infra, n° 1.86 e.s. 190 Cf. infra, n° 1.201. 191 Cf. infra, n° 1.210.

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La notion de codification s’entend ici de l’introduction d’un régime légal aussi complet que possible, intégralement renouvelé, et non d’un simple réarrangement, d’une simple concentration ou rationalisation des dispositions existantes192. 1.70. Les considérations qui suivent exposent les raisons de la nécessité d’une telle recodification et précisent en quoi certaines alternatives théoriquement envisageables n’offrent pas de bonne solution. La codification est nécessaire car (1) elle a été unanimement demandée lors de la première consultation, (2) elle est évidente du point de vue de l’histoire du droit, (3) elle répond au besoin urgent de redonner de la cohérence au droit de la navigation, (4) elle est couramment utilisée sur le plan international et (5) elle est clairement préférable aux alternatives de la simple coordination ou compilation de la législation existante. 1.71. Premièrement, la première consultation a donné lieu à un accord unanime sur le remplacement intégral de la loi maritime par une nouvelle codification. Dans leurs réactions sur le Livre vert (question 1 et, en particulier, 2), la Régie Portuaire d’Anvers, l’Association Belge de Droit Maritime, l’Union Royale des Armateurs Belges, le Collège Royal Maritime Belge - l’Académie Royale de Marine de Belgique - la Société Royale de la Ligue Maritime Belge et l’Association Portuaire Flamande se sont formellement prononcés en ce sens.

192 Sur la codification en général, cf. e.a. Beauthier, R. et Rorive, I., « Le paradis perdu de la codification... Un Eden à reconquérir ? », in Actualité de la codification. Droit belge et européen, Bruxelles, Bruylant, 2003, 11-51 ; Delnoy, P., « La codification, forme dépassée de législation ? », in Centre Interuniversitaire de Droit Comparée (Éd.), Rapports belges au XIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Anvers / Bruxelles, Kluwer / Bruylant, 1982, 119-130 ; Van Gerven, W. et Lierman, S., Algemeen Deel, in Beginselen van Belgisch privaatrecht, I, Malines, Kluwer, 2010, 189-194, n° 69. La notion de « codification » est ambiguë : elle peut porter sur la codification du droit existant ou créer un droit nouveau. Le Conseil d’État a expliqué cette considération de la manière suivante :

La notion de codification peut recouvrir des réalités juridiques fort différentes. L’une des distinctions fondamentales à cet égard est celle qui doit être faite entre une codification « créatrice », qui correspond à la volonté de créer des règles juridiques nouvelles et une codification « à droit constant », qui tend à rassembler et ordonner des normes existantes sans créer de règles nouvelles. Les codifications « créatrices » sont l’oeuvre de l’autorité qui a le pouvoir de prendre les règles nouvelles appelées à former le Code. Quant aux codifications « à droit constant », elles sont généralement l’œuvre du pouvoir exécutif. Deux techniques s’offrent à celui-ci pour élaborer une codification « à droit constant » de dispositions législatives: soit le législateur habilite expressément et de manière spécifique le pouvoir exécutif à opérer la codification envisagée, en précisant, le cas échéant, que celle-ci doit faire l’objet d’une confirmation ou ratification législative; soit le pouvoir exécutif fait usage de la faculté générale que lui reconnaît la loi d’arrêter cette codification après en avoir chargé le bureau de coordination du Conseil d’État. En cas de codification à droit constant, l’Exécutif n’a pas le pouvoir d’adopter des règles juridiques nouvelles. Selon les recommandations de légistique formelle établies par le bureau de coordination du Conseil d’État, « la codification ou la coordination doit rester aussi près que possible des textes originels et éviter d’apporter des corrections, même de caractère purement formel. Des différences entre les textes originels et les textes coordonnés et codifiés peuvent en effet, dans certains cas, conduire le juge à devoir comparer les deux versions et à invoquer l’exception d’illégalité de l’article 159 de la Constitution à l’égard de la version coordonnée ou codifiée. Une habilitation adéquate peut cependant permettre de remédier à certaines erreurs de terminologie et de grammaire ou d’améliorer au besoin la structure et la présentation des textes ». En outre, sauf si le législateur abroge les textes législatifs codifiés, la codification à droit constant ne se substitue pas aux textes originels, qui restent en vigueur dans l’ordre juridique – même si, comme l’a indiqué un auteur, en raison de la codification, « ils y vivent d’une manière particulière, végétative, si l’on peut dire ». Enfin, il importe d’observer que, généralement, à chacun des articles de la codification, correspond une note de bas de page indiquant le texte originel et les modifications qu’il a subies. En tout état de cause, les textes codifiés par un arrêté procédant à une codification à droit constant conservent, selon le cas, leur nature législative ou réglementaire

(C.E, Section de législation, avis L.36.642/4 et 36.645/4 du 20 février 2004, Doc. parl., C.R.W., 2003-04, n° 695/1, (43), 46). La codification se distingue de la coordination : « door haar omvang en door haar opzet: de codificatie put een vooraf omlijnde rechtsmaterie geheel uit; alle wetten die een zelfde voorwerp betreffen, worden in één wetboek samengebracht » (Coremans, H. et Van Damme, M., Beginselen van wetgevingstechniek en behoorlijke regelgeving, Bruges, La Charte, 2001, 85, n° 107; voyez également Van Damme, M., Conseil d’État. Section de législation, Bruges, La Charte, 1998, 237, n° 310; cf. infra Lambotte, C., Technique législative et codification. Notes et exemples, Bruxelles, E. Story- Scientia, 1988, 183 e.s.). Sur la coordination, cf. également infra, n° 1.75.

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1.72. En outre, l’histoire de la législation belge montre que l’occasion peut uniquement se prêter à l’élaboration d’un nouveau régime complet, sous la forme d’un code global. Comme tentative de codification du droit maritime privé (certes non strictement législative), ou à tout le moins de parties de celui-ci, l’on peut citer les Jugements de Damme au moyen âge193 et la rédaction des coutumes anversoises au seizième et au dix-septième siècles194. Le droit maritime privé a ensuite été régi par le Code de commerce français de 1807, lequel reposait sur la codification de l’Ordonnance de la marine de 1681. L’article 139 de la Constitution belge initiale a immédiatement imposé une révision rapide des codes195. La loi maritime de 1879, qui a retravaillé le Livre II du Code de commerce, y a donné suite196. Jusqu’à ce jour, l’essentiel du droit maritime privé est réglé dans le Livre II du Code de commerce. Il existe donc en Belgique une longue tradition de codification du droit de la navigation. La pratique juridique contemporaine travaille depuis longtemps à l’élaboration d’un code – plus ou moins complet – de la navigation. Ces éléments appuient le choix d’une recodification par le biais d’un nouveau code. 1.73. Plus importante que l’argument historique est la nécessité intrinsèque de régler le droit privé de la navigation par une codification. En général, une codification est jugée opportune lorsqu’un domaine du droit est tombé en désuétude à la suite de l’éparpillement des législations successives ou doit s’adapter à de nouvelles circonstances ou même être entièrement repensé197. Ces éléments sont présents en l’espèce198. Tout d’abord, une codification s’impose parce que la matière est étendue et complexe. Le droit privé de la navigation comprend divers sous-domaines. Il est nécessaire, pour assurer la clarté de la législation, de rassembler les règles pertinentes au sein d’un code global et logiquement structuré. La codification sert la transparence, la cognoscibilité et la facilité d’utilisation du code ainsi que la sécurité juridique199. Ceci est d’ailleurs reconnu mondialement en matière de législation maritime200.

193 Bien que le droit maritime de Damme renvoie aux Rôles d’Oléron, et tire ainsi son origine de la jurisprudence, ces textes sont souvent considérés comme un forme naissante de codification du droit maritime (cf. p. ex. Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, en particulier 12-16 ; Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 272). Sur le droit maritime de Damme, cf. en particulier Van den Auweele, D., « Het Brugse zeerecht, schakel in een supranationaal geheel », in Vermeersch, V., Brugge en de zee, Anvers, Mercatorfonds, 1982, 145-155. 194 Pour une perspective par rapport au contexte plus large de l’histoire du droit maritime, cf. e.a. Desjardins, A., Introduction historique à l’étude du droit commercial maritime, Paris, Pedone-Lauriel, 1890, 151-152. Sur le droit commercial anversois, cf., avec l’examen du droit des assurances maritimes, De ruysscher, D., ‘Naer het Romeinsch recht alsmede den stiel mercantiel’. Handel en recht in de Antwerpse rechtbank (16de-17de eeuw), Courtrai-Heule, UGA, 2009, 407 p. 195 La disposition indiquait :

Le congrès national déclare qu’il est nécessaire de pourvoir par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objects suivants: [...] 11° La révision des codes.

196 Cf. en particulier Doc. parl., Sénat, 1878-79, n° 66, 1. 197 Lambotte, C., Technique législative et codification. Notes et exemples, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1988, 205. 198 Cf. Supra, nos 42-43. 199 Delnoy l’exprime en ces termes :

grâce à la codification, le citoyen (ou le juriste qui l’informe) peut avoir rapidement et aisément connaissance de la somme des normes applicables à un comportement qu’il a adopté ou qu’il projette d’adopter et dont il veut connaître les conséquences en droit ou de celles qu’il doit respecter pour obtenir le résultat qu’il souhaite. En raison de ses caractères spécifiques, la codification facilite donc la connaissance du droit

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En l’espèce, cette codification s’avère d’autant plus utile que le législateur a, pendant les dernières décennies, introduit plusieurs règles de droit de la navigation en dehors des règles comprises dans la loi maritime. Une recodification restaurera la clarté et la cohérence. La codification est également un moyen d’apporter cette cohérence entre les nombreuses conventions d’unification, toujours relatives à un seul sous-domaine, et de les insérer dans un cadre législatif plus large201. Les différents sous-domaines du droit de la navigation témoignent indéniablement d’une cohérence intrinsèque. Un code global tend à optimaliser la structure logique et la consistance. La codification permettra également, lors de modifications législatives ultérieures, d’identifier plus facilement le lien qui existe avec d’autres règles. Elle contribuera également à la concordance de la mise en œuvre, de l’interprétation et de la jurisprudence. Dans une autre optique encore, la codification peut conduire à l’amélioration de la qualité de la réglementation. En particulier, l’on peut s’attendre à ce que la codification, à la suite des réflexions critiques exprimées sur la nouvelle rédaction et le regroupement des règles juridiques, apporte des précisions sur celle-ci et supprime les contradictions202. Les Livres bleus constituent déjà une tentative de repenser fondamentalement la législation belge de la navigation. 1.74. Quatrièmement, il apparaît que le droit privé de la navigation figure dans de nombreux pays dans des codes ou des lois s’apparentant à des codes203. Déjà au dix-huitième siècle, de nombreuses codifications législatives nationales ou locales ont vu le jour en Europe204. Aujourd’hui, le droit maritime est codifié notamment chez nos voisins allemand, luxembourgeois et néerlandais205. Même l’Angleterre, principalement orientée vers la jurisprudence du précédent, témoigne d’une tradition limitée de codification, avec l’introduction des versions successives du Merchant Shipping Act (même si ce code est structuré de manière surprenante)206. La France a été pendant un certain temps une exception. Après avoir posé un exemple édifiant avec l’adoption de l’Ordonnance de la marine en 1681, elle a opté lors des codifications napoléoniennes pour la réglementation du droit maritime privé dans le Code de commerce – lequel exerçait encore une influence internationale considérable. Elle n’a donné aucune suite à une proposition de révision en 1919207 et, dans les années soixante, elle a soudainement abandonné sa

(Delnoy, P., « La codification, forme dépassée de législation ? », in Centre Interuniversitaire de Droit Comparé (Éd.), Rapports belges au XIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Anvers / Bruxelles, Kluwer / Bruylant, 1982, (119), 121 et également 129. 200 Cf. p. ex. Economic and Social Commission for Asia and the Pacific, Guidelines for maritime legislation, Bangkok, United Nations, 1991, 4: « A Code has the practical advantage that all provisions are contained in a single text available for easy consultation ». Comme inconvénient lié à l’adoption de lois distinctes, l’on mentionne également la durée plus importante de la préparation. 201 Sur la relation entre le Code belge de droit de la navigation et les conventions, cf. infra, n° 1.86. 202 Delnoy, P., « La codification, forme dépassée de législation ? », o.c., 124 et 129. 203 Sur la méthodologie de droit comparé appliquée et les lois étrangères les plus significatives, cf. infra, n° 1.130-141. 204 Cf. quelques éléments dans Ripert I, 87-88, n° 92 ; Rodière TGDM ILA 39-40, n° 22. 205 Cf. infra, n° 1.134, 1.137 et 1.138. 206 Cf. infra, n° 1.135 et 1.252. 207 Sur ce dernier point, cf. e.a. Ripert I, 46-47, n° 46.

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forte tradition de codification des siècles précédents208. Sur la base des travaux préparatoires du Professeur Rodière, la France a introduit une série de lois et de décrets isolés relatifs à certains sous-domaines du droit maritime209. La doctrine a déploré le morcellement de la législation. Elle a certainement remis en question la distinction entre lois et décrets, certes basée sur des exigences constitutionnelles mais extrêmement artificielle – et qui s’analyse en « une véritable gymnastique intellectuelle et oculaire »210211. Il est en tout cas paradoxal que la France, symbole de la codification, dont les codifications de 1681 et 1807 ont connu un rayonnement considérable et mondial212, était jusqu’il y a peu un des rares pays à ne pas disposer de codification du droit maritime213. Dans la préface de son recueil de règles de droit maritime, le Professeur Cachard saluait la sagesse du législateur belge qui n’a pas procédé à « une décodification aussi brutale »214. Bonassies indiquait en 2009 que le travail de Rodière demeurait de qualité exceptionnelle mais qu’il nécessitait tout de même une actualisation215. Fin 2010 a été publiée en France l’Ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports, particulièrement étendue et qui rassemblait à nouveau toutes les lois publiques et privées sur la navigation216. Il n’existe en tout cas aucun motif de suivre le modèle français de décodification structurée, extrêmement isolé et depuis lors abandonné. Des exemples de codification existent également dans d’autres pays que nos voisins, dont plusieurs ont été fortement influencés par la législation française. L’on trouve ainsi, depuis longtemps, des exemples de codifications de droit maritime en Algérie, en Grèce, au Maroc, en Pologne, en Russie, en Espagne, en Tunisie et en Suisse217. L’Italie est un cas particulier, car elle a déjà procédé en 1942 à la codification conjointe du droit maritime et du droit aérien218, ce qui n’a pas été sans susciter des critiques219. La doctrine italienne parle aujourd’hui d’une tendance à la décodification, causée par l’introduction de nombreuses règles internationales et nationales particulières en dehors du code220. Indéniablement, l’idée de la codification décline dans d’autres pays, lesquels sont confrontés à un droit de la navigation dépassé et constamment complété par des règles isolées. D’autre part, un nombre remarquable de codifications ont été réalisées ces dernières décennies. En témoignent les législations de la Chine, de la Croatie, de Monaco, de la Norvège, de Panama, du Portugal, de la Russie, de la Slovénie et de l’Espagne. L’Allemagne est actuellement en train d’élaborer une recodification complète, et les Pays-Bas se préparent à actualiser le Livre 8 de leur Code civil221.

208 Ce n'est pas seulement le droit maritime qui a été codifié, mais l'ensemble du droit commercial (cf. e.a. Reinhard, Y. et Thomasset-Pierre, S., Droit commercial, Paris, Litec, 2008, 15, n° 23). 209 Cf. la liste infra, n° 1.136. 210 Bonassies-Scapel, 19, n° 23. 211 Cf. enfin Bonassies, P., « La loi maritime du doyen Rodière doit-elle être réformée ? », DMF 2009, (809), 810, n° 2 ; cf. également Bonassies-Scapel 18, n° 21 ; cf. l’explication de Rodière lui-même dans Rodière ILA 124, n° 72. Un auteur allemand comme Puttfarken a également jugé les règles françaises confuses, mais il y a quand même identifié une certaine cohérence s’apparentant à un code (Puttfarken 409, n° 986). 212 Cf. e.a. Puttfarken 410, n° 989 ; Tetley IMAAL, 14-15. 213 La France a bien adopté en 2000 un nouveau Code de commerce, mais ce dernier ne règle rien du droit maritime. Il s'agissait d'ailleurs d'une codification « à droit constant » (cf. Houtcieff, D., Droit commercial, Paris, Sirey, 2008, 7-8, n° 15). 214 Cachard, O., Code maritime. Droit international et droits européens, Bruxelles, Larcier, 2006, v. 215 Bonassies, P., « La loi maritime du doyen Rodière doit-elle être réformée ? », DMF 2009, 809-814. 216 Cf. à nouveau infra, infra, n° 1.136. 217 Cf. supra n°1.25 et également infra, n° 1.41. 218 Cf. infra, n° 1.139. 219 Cf. infra, n° 1.162. 220 Carbone-Celle-Lopez de Gonzalo, 6. 221 Cf. à nouveau infra, n° 1.134.

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1.75. Pour ce qui est de l’alternative consistant à réaliser une simple coordination du droit existant, il convient tout d’abord de noter qu’il existe déjà une base légale en la matière. Le Roi a été habilité par l’article 25 de la loi du 11 avril 1989 à coordonner les dispositions concernant la navigation maritime et la navigation intérieure222. Le Roi dispose également d’une compétence générale de coordination et de codification sur la base de l’article 1er de la loi du 13 juin 1964 relative à la coordination et à la codification des lois223. L’arrêté royal de coordination ou de codification doit contenir les références qui permettent de retrouver le texte initial de chaque disposition coordonnée ou codifiée (article 4 de la loi). Dans l’exposé des motifs du projet de loi, les principes de coordination et de codification posés par loi ont été commentés de la manière suivante :

La différence n’est pas grande entre la coordination et la codification des lois. La coordination consiste à réunir toutes les lois qui ont un même objet et à fondre les divers textes modificatifs dans le texte unique de la loi originaire. La codification, au contraire, consiste à grouper diverses lois dont les objets sont analogues ou voisins. Tel serait le cas, par exemple, pour les pensions224.

L’exposé précise que le droit belge, composé alors d’environ vingt mille textes législatifs et réglementaires, toujours en augmentation et qualifiés « d’obstacle pour le droit lui-même », serait regroupé au sein de quelques grands codes. Cette réforme emporterait une « simplification administrative »225. Les lois coordonnées sur le Conseil d’État permettent de charger le bureau de coordination, de coordonner, de codifier ou de simplifier une législation226. Considérant les nombreux défauts et, en particulier, le caractère dépassé de la loi maritime227, une coordination s’avérerait peu utile. La révision doit mener à un nouveau régime qui – sans porter

222 La disposition énonce :

Le Roi peut coordonner en tout ou en partie les dispositions législatives encore en vigueur concernant la navigation maritime et la navigation intérieure, ainsi que les dispositions qui les auraient expressément ou implicitement modifiées au moment où les coordinations seront établies. A cette fin, Il peut : 1° modifier l'ordre et le numérotage et, en général, la présentation des dispositions à coordonner; 2° modifier les références qui seraient contenues dans les dispositions à coordonner en vue de les mettre en concordance avec le numérotage nouveau; 3° modifier la rédaction des dispositions à coordonner en vue d'assurer leur concordance et d'en unifier la terminologie, sans qu'il puisse être porté atteinte aux principes inscrits dans ces dispositions; 4° établir le texte néerlandais des dispositions qui, reprises dans la coordination, sont antérieures à l'emploi de la langue flamande dans les publications officielles

223 MB 11 juillet 1961, tel que modifié. 224 Doc. parl., Sénat, 1958-59, n° 314, 1. 225 Doc. parl., Sénat, 1958-59, n° 314, 3. 226 L’art. 6bis des lois coordonnées sur le Conseil d’État précise :

Le Premier Ministre, les présidents des (assemblées législatives), (les présidents des gouvernements communautaires) ou régionaux et celui qui préside le Collège de la Commission communautaire française ainsi que celui qui préside le Collège réuni visés respectivement aux alinéas 2 et 4 de l'article 60 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, peuvent, chacun pour ce qui le concerne, demander au bureau de coordination, par l'intermédiaire du premier président, de coordonner, de codifier ou de simplifier la législation qu'ils désignent. Le bureau de coordination soumet son projet à la section de législation qui le transmet avec son avis motivé au Premier Ministre ou aux présidents intéressés.

Pour un commentaire, voyez e.a. Lambotte, C., Technique législative et codification. Notes et exemples, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1988, 225-234; Van Damme, M., Raad van State. Afdeling wetgeving, Bruges, La Charte, 1998, 237 e.s., nos 310 e.s. 227 Cf. supra, n° 1.25 et 1.42-1.43.

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atteinte aux caractéristiques essentielles du droit belge de la navigation228 – modifie radicalement le régime compris dans la loi maritime actuelle. Cela ne peut se produire que par l’introduction d’une nouvelle législation et non par le remaniement formel et le regroupement des dispositions existantes. 1.76. A fortiori, la publication, soit par les autorités soit par une maison d’édition privée, d’un recueil officieux ou privé des règles du droit de la navigation ne peut constituer une alternative valable. D’ailleurs, des compilations privées des règles du droit de la navigation existent déjà, et elles demeureront utiles après l’entrée en vigueur du Code belge de la navigation tout simplement parce que l’on ne peut inclure toutes les sources réglementaires dans ce code229. 1.77. Au vu de ce qui précède, il convient de conclure à la nécessité de réglementer à nouveau le droit privé de la navigation belge par le biais d’une codification globale dans un nouveau code, et non par le biais de législations thématiques, partielles et isolées, via la coordination des dispositions existantes ou une compilation officieuse ou particulière. Il convient en même temps de prendre conscience des limites d’une codification. En raison de l’émergence des réglementations internationales, européennes et, en Belgique, régionales, sur le droit de la navigation, il s’avère difficile de régir ce dernier de manière globale et cohérente par une loi fédérale belge. Nous avons déjà abordé les compétences régionales230. La relation entre l’Ébauche de Code belge de la navigation et le droit international et européen sera commentée ci-après231.

B. EXTRACTION HORS DU CODE DE COMMERCE 1.78. Maintenant que l’opportunité d’une révision par une codification a été établie, la question suivante est de savoir si cette codification doit se faire dans ou en dehors du Code de commerce. Pour diverses raisons, il est très indiqué de recodifier le droit de la navigation dans un code distinct et totalement nouveau de la navigation, et non via la modification ou le remplacement des dispositions de la loi maritime incluse dans le Livre II du Code de commerce. En d’autres termes, l’on opte pour l’extraction du droit de la navigation hors du Code de commerce. Ces raisons sont (1) que le droit maritime, du point de vue de l’histoire du droit, n’a pas nécessairement sa place dans un code de commerce global, (2) que le Code belge de commerce a déjà été démantelé dans une très large mesure, (3) que l’intégration de la loi maritime dans ce code emporte toutes sortes de problèmes légistiques, (4) que la délimitation du champ d’application du Code de commerce est généralement considérée comme déficiente, (5) qu’il existe de nombreux exemples de codifications distinctes à l’étranger et (6) qu’un code séparé conférera un rayonnement plus important. 1.79. La première raison est de nature historico-juridique mais est en même temps de principe. La conception du droit maritime en tant que partie d’un droit commercial global peut être fondamentalement remise en question. La première codification d’envergure du droit maritime, qui s’est faite en France avec l’Ordonnance de la marine de 1681, était indépendante du droit commercial terrestre. Conformément à ses antécédents, le droit maritime y a été abordé comme

228 Cf. infra, n° 1.182-1.188. 229 Cf. les suggestions de la CdA-A et de la DG Environnement citées infra, n° 1.87. 230 Cf. supra, n° 1.32-1.37. 231 Cf. infra, n° 1.86 e.s.

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un ensemble achevé et autonome. Ce n’est qu’avec le Code de commerce de 1807, jugé inférieur, que le droit maritime privé a été intégré dans le cadre plus large de la législation commerciale ou, mieux, que le droit commercial de la mer a été réuni au droit commercial terrestre. La nouvelle codification française de l’ensemble du droit commercial a exercé une grande influence internationale. Le droit maritime a ainsi été graduellement ‘commercialisé’ dans d’autres pays et intégré dans le droit commercial général232. D’autant plus que la jurisprudence en matière maritime a été confiée aux tribunaux de commerce et non à des tribunaux spécialisés dans la navigation, la pratique juridique s’est habituée à cette incorporation du droit maritime dans le droit commercial. Sur le plan légistique, ce n’était donc plus le caractère spécifique de l’activité – en l’espèce la navigation – qui déterminait le sujet de la codification, mais bien le but lucratif (ou d’autres critères semblables). La doctrine récente sur les techniques de codification remet en question le principe d’une telle méthode233. L’intégration du droit maritime dans un code de commerce exclusivement destiné à s’appliquer aux activités commerciales a d’ailleurs conduit à ce que, dans différents pays, des activités de navigation tombent en dehors de la législation régulière, effectivement reprise dans ce code. Ce problème a été souvent résolu – également en Belgique – par l’élargissement ad hoc du champ d’application des dispositions. Une autre conséquence engendrée par l’exemple de la codification française de 1807 a été que la réglementation de la navigation privée a été séparée de la navigation publique, opération que l’on peut qualifier d’artificielle234. Malgré la ‘commercialisation’ du droit maritime, de nombreux juristes sont demeurés attachés à l’unité du droit maritime et à leur conviction selon laquelle le droit maritime ne peut être compris qu’en relation avec son objet, indépendamment des catégories privée et publique235. En tout cas, l’intégration de la législation sur la navigation dans un code de commerce ne constitue pas une évidence d’ordre juridico-historique. Elle méconnaît l’autonomie du droit de la navigation à l’égard du droit civil commun et du droit commercial. Comme on l’énoncera ci-après, il est souhaitable de restaurer l’autonomie du droit de la navigation dans le Code belge de la navigation236. 1.80. La deuxième raison justifiant l’extraction est que le Code de commerce a déjà été démantelé dans une très large mesure. En fait, le Code de commerce n’a jamais montré une grande cohérence. Il est né avec l’adoption de lois particulières. Le Livre II a ainsi été inséré dans le code par une loi adoptée le 8 et promulguée le 25 septembre 1807237. Le code français, de plus en plus considéré comme un produit moyen en Belgique, a ensuite été retravaillé partie par partie – en ce compris le droit maritime – de sorte qu’il ne restait en Belgique rien d’autre du code originaire que son squelette238. L’on a ensuite retiré du régime initial et global du droit commercial les dispositions relatives à la procédure (Livre IV), à la faillite (Livre III) et aux sociétés (Titre IX du Livre I). Les

232 Comp. à ce sujet Arroyo, 22 et 38. 233 Cf. infra, n° 1.149 et aussi 1.235. 234 Cf. infra, n° 1.150. 235 Cf. e.a. Arroyo, I., « Spanish domestic law and international conventions: lights and shadows », IDM 1999, (7), 15 en 37-38 ; Mateesco, M., Le droit maritime soviétique face au droit occidental, Paris, Pedone, 1966, 139, n° 1 et également infra, n° 1.150. 236 Cf. infra, n° 1.189. 237 Cf. Doc. parl., Chambre, 1869-70, n° 200, 2, note de bas de page 2. 238 Van Ryn-Heenen I, 28, n° 14.

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Titres relatifs au contrat de transport (Titre VIIbis du Livre I) et aux assurances (Titres X et XI du Livre I) ont beaucoup perdu de leur intérêt depuis que le transport routier national et international est soumis à la CMR et qu’une loi sur le contrat d’assurance terrestre a été adoptée. Même si l’on a suggéré auparavant que le droit commercial pouvait faire l’objet d’une nouvelle codification239, il ne s’agit plus aujourd’hui d’une option réaliste vu l’érosion profonde du Code de commerce et, en particulier, la recodification de certaines matières dans des lois particulières. Lors du bicentenaire du Code de commerce, Van Ommeslaghe a conclu que le Code de commerce ne peut être modernisé, revu ou réanimé d’une autre manière240. Le Projet de Code de droit économique publié en 2009241 n’a consacré aucune attention au droit de la navigation et du transport et il convient par conséquent de ne pas le prendre en considération. Il reste uniquement dans le Livre I du Code de commerce quelques anciennes législations partielles, en particulier celles relatives au gage, à la commission, aux lettres de change, aux billets à ordre et aux assurances (leur régime n’est toutefois plus applicable au contrat d’assurance terrestre mais bien au contrat de transport). Sur le plan de la dimension, la loi maritime est en fait l’une des plus grandes parties restantes. Cette circonstance montre qu’une législation de la navigation révisée n’a absolument pas sa place dans un Code de commerce sur le déclin. Elle serait entourée par les ruines de textes inadaptés, dépassés et incohérents. Il est préférable sur le plan légistique et plus logique sur le plan politique de suivre les exemples de la loi sur la faillite et du Code des sociétés en réalisant un code distinct traitant de la matière importante et étendue du droit de la navigation. 1.81. Une troisième raison encore plus importante d’extraire la législation sur la navigation hors du Code de commerce est liée à son contenu. L’intégration de la législation sur la navigation dans le Code de commerce mène au rétrécissement artificiel de son champ d’application, à la seule navigation marchande, et emporte l’impossibilité d’une codification complète du droit de la navigation. Un commentateur belge comme Beltjens s’est déjà rallié à la constatation française selon laquelle le droit maritime ne relève certainement pas intégralement du droit commercial et qu’il est partiellement réglé en dehors du Code de commerce242. Parce que le Code de commerce ne règle actuellement que les activités commerciales, il n’est pas apte à recevoir la réglementation portant sur les activités de navigation non commerciale. Déjà lors de la préparation de la loi maritime de 1879, l’on a formulé des critiques au Parlement en ce sens que cette loi devrait également régir la navigation de plaisance. Cette question a été rejetée par le Ministre, car le Code de commerce est réservé à la réglementation des activités de navigation avec but lucratif, présentant ainsi un caractère commercial ; il a ensuite fait part d’une initiative ultérieure concernant la navigation de plaisance, laquelle n’a toutefois jamais vu le jour243. Également lors de la préparation de la loi maritime en 1908, l’on a noté que de

239 En ce sens, Delnoy, P., “La codification, forme dépassée de législation ?”, in Centre interuniversitaire de droit comparé (Ed.), Rapports belges au XIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Anvers / Bruxelles, Kluwer / Bruylant, 1982, (119), 130. 240 Van Ommeslaghe, P., « Le Bicentenaire du Code de commerce de 1807. Rapport introductif », in Buyle, J.-P., Derijcke, W., Embrechts, J. et Verougstraete, I., Bicentenaire du code de commerce. Tweehonderd jaar Wetboek van Koophandel, Bruxelles, Larcier, 2007¸ (1), 17, n° 11. 241 Cf. http://economie.fgov.be. 242 Beltjens, G., Encyclopédie du droit commercial belge, IV, Bruxelles / Paris, Bruylant / Librairie générale de droit, 1927, 14, n° 8. 243 Cf. en particulier Parl.Hand., Chambre, 12 décembre 1907, 248-250 ; cf. également Delwaide SB, 8-9, n° 7

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nombreuses embarcations non-commerciales tombaient totalement en dehors du texte légal244. En 1964, le Gouvernement a encore indiqué que le statut des bateaux de plaisance « demeure soumis à une étude d’ensemble et fera vraisemblablement l’objet d’une proposition de législation séparée, qui n’appartient toutefois pas au droit commercial »245. En 1988, Tricot a suggéré l’extraction de la loi maritime hors du Code de commerce ou, comme alternative, l’adoption d’une loi qui élargirait le champ d’application de certains titres aux embarcations autres que les navires de mer et les bateaux de navigation intérieure, au sens des articles 1er et 271 de la loi maritime246. Le législateur a décidé en 1989 que les dispositions légales sur la limitation de responsabilité des propriétaires de navires s’appliqueraient également aux navires des autorités et aux bateaux consacrés à la navigation de plaisance ou à la recherche scientifique247. Bien que le Conseil d’État se soit prononcé en ce sens, ce régime ne fut pas incorporé dans la loi maritime, car il ne s’agissait pas de navires au sens de l’article 1er de la loi maritime248. Et dès lors qu’il ne s’agissait pas de règles de droit commercial, le législateur a également choisi de ne pas intégrer le nouveau régime de l’enlèvement d’épaves dans la loi maritime ; le gouvernement a également ignoré l’avis du Conseil d’État sur ce point249. De manière quelque peu surprenante, le législateur a en même temps habilité le Roi à coordonner les nouvelles dispositions non-commerciales avec celles de la loi maritime250. En outre, un élargissement similaire portant sur les bateaux de navigation intérieure a bien été réalisé sur la base de la loi maritime251. En 1990, le législateur a déclaré que le Titre I de la loi maritime, à l’exception de l’article 1er, était applicable aux navires de mer qui ne sont, ou ne sont pas habituellement, employés pour des activités lucratives. Cette déclaration fut à nouveau traduite par une disposition qui ne fut pas intégrée dans la loi maritime, la rendant ainsi moins reconnaissable252. L’intégration de la législation de la navigation dans le Code de commerce complique l’application des règles issues de conventions internationales d’unification. La plupart de ces conventions ne tiennent pas compte de l’éventuel but lucratif attaché à un navire. Les définitions du navire de mer et du bateau de navigation intérieure, intégrées dans la loi maritime et centrées autour du critère du but de lucre, qui déterminent le champ d’application de la loi, ne sont pas pertinentes dans le contexte de ces conventions. L’élargissement national du champ d’application des conventions d’unification253, opéré par le législateur belge, s’en trouve ainsi perturbé.

244 Doc. parl., Chambre, 1904-05, n° 174, 7. 245 Doc. parl., Sénat, 1963-64, n° 336, 6. 246 Tricot, L., « Het zeerecht morgen », RW 1987-1988, (1417), 1417, n° 1. 247 Art. 10 de la loi du 11 avril 1989 portant approbation et exécution de divers Actes internationaux en matière de navigation maritime (MB 6 octobre 1989, err. MB 8 décembre 1990). 248 Cf. Doc. parl., Chambre, 1988-89, n° 536/1, 10 et 21-22. 249 Cf. Doc. parl., Chambre, 1988-89, n° 536/1, 11 et 21-22 ; cf. également Doc. parl., Chambre, 1988-89, n° 536/2, 12. 250 Cf. la disposition supra, n° 1.75, note de bas de page et également Doc. parl., Chambre, 1988-89, n° 536/1, 20. 251 Cf. :

- art. 273, § 1er de la loi maritime (tel que remplacé par l’article 9 de la loi du 11 avril 1989, MB, 6 octobre 1989, err. MB 8 décembre 1990) relatif à l’alignement des bâtiments de navigation intérieure et des bâtiments et engins flottants y assimilés en vue de l’application des règles de limitation de responsabilité ; - art. 1er, § 1er, 1° A.R. du 24 novembre 1989 relatif à l’exécution et à l’entrée en vigueur de la loi du 11 avril 1989 portant approbation et exécution de divers Actes internationaux en matière de navigation maritime (MB, 1er décembre 1989, err. MB 8 décembre 1990), lequel régit la limitation de responsabilité pour les bâtiments exploités par une autorité publique ou par un service public, qui en est également propriétaire, et pour les bâtiments consacrés à la navigation de plaisance ou à la recherche scientifique.

252 Cf. art. 1er, § 3 de la loi du 21 décembre 1990 relative à l’enregistrement des navires (MB 29 décembre 1990). 253 Cf. infra, n° 1.94.

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Dans le cadre de cette question, il convient également de tenir compte de la loi sur les navires d’État, fonctionnant entièrement en dehors de la loi maritime254. Comme exposé dans le Livre bleu 2, cette loi a aligné – de manière discutable – le statut des navires d’État belges sur le règlement de l’immunité de droit des gens de ces navires, contenu dans le traité navires d’État de 1966. La délimitation du Code de commerce a donc été à l’origine du caractère morcelé, incohérent et confus de la législation belge de la navigation. Cette considération d’ordre légistique suffit déjà à justifier l’abandon du Code de commerce comme siège de la législation sur la navigation. Cette solution est la seule possible et est encore appuyée par le besoin urgent de créer dans la nouvelle législation sur la navigation un cadre juridique et effectif pour les activités non-commerciales. Cette législation doit notamment régler le statut des navires d’autorité, des bateaux de plaisance, des bateaux d’habitation et du patrimoine navigant255. Ces dernières catégories d’embarcations n’étaient absolument pas abordées en 1879 et en 1908. Précisément parce que le Code de commerce est exclusivement destiné aux activités commerciales, l’intégration des nouvelles dispositions sur les embarcations non commerciales n’est pas justifiable sur le plan légistique et ne ferait qu’entraîner la confusion chez le justiciable. 1.82. Les considérations qui précèdent trouvent également un appui dans la doctrine qui critique la prise en considération de l’acte de commerce ou du but lucratif comme critère d’application du droit commercial. Ces critères sont généralement considérés comme déphasés et devraient laisser la place à la notion plus large d’entreprise256. Dans le droit des sociétés, ces critères sont effectivement supprimés257. La conception plus large du droit privé de la navigation, ne se limitant pas au régime de la navigation marchande, correspond parfaitement à ce point de vue. 1.83. Le choix de rassembler la législation dans un code distinct s’appuie également sur de nombreux exemples étrangers. Les pays où la législation sur la navigation est intégrée dans un code distinct sont, par exemple, la Chine, l’Italie, la Croatie, le Luxembourg, la Norvège, le Panama, le Portugal, la Russie, l’Espagne, la Slovénie, le Vietnam et la Suisse. La plupart de ces codes sont assez récents puisqu’il y a peu, la France ne disposait plus de code de la navigation mais bien de lois qui ont été extraites du Code de commerce. Un Code des transports y a été réalisé en 2010258. Certes, certains pays se sont contentés d’intégrer les dispositions dans un code plus général. Les Pays-Bas, qui ont abandonné la distinction entre droit civil et droit commercial, ont préféré insérer le droit du transport dans une partie spéciale de ce code. La conception française d’un droit commercial distinct n’a jamais vraiment eu cours aux Pays-Bas. Aucun tribunal de commerce n’a été fondé et en 1934, les notions de commerçant, d’acte de commerce et d’affaire

254 La loi du 20 novembre 1928 approuvant la convention internationale pour l'unification de certaines règles concernant les immunités des navires d'État, signée à Bruxelles, le 10 avril 1926 (MB 11 janvier 1929). 255 Cf. supra, n° 1.56 et infra, n° 1.217. 256 Cf. e.a. Fredericq, S., De eenmaking van het burgerlijk recht en het handelsrecht, Anvers, De Sikkel, 1957, 508-523, nos 422-435; Schrans, G., « Levend en herlevend recht rond het winstoogmerk », T.P.R., 1986, 669-701 ; Van Gerven, W., « Daden van koophandel. De onderneming », in Van Gerven, W., Cousy, H. et Stuyck, J., Ondernemingsrecht, A, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1989, 63-83, n° 49-64 ; Van Hooydonk, E., Schip van staat met slagzij, o.c., 82 ; Van Ryn, J. et Heenen, J., « Esprit de lucre et droit commercial », note sous Cass. 19 janvier 1973, R.C.J.B., 1974, 325-335 ; Van Ryn, J. et Heenen, J., Principes de droit commercial, I, Bruxelles, Bruylant, 1976, 16, n° 9. 257 Cf. art. 1er C. Soc., ainsi que les réponses également données à ce sujet par la CdA-A à propos du Livre vert (Question 15). 258 Sur ce dernier point, cf. supra, n° 1.74.

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commerciale ont été retirées de la loi. Meijers, chargé de préparer un nouveau Code civil en 1947, n’a identifié aucune raison justifiant le maintien des réglementations de droit commercial en dehors du nouveau code259. La circonstance qu’il ait choisi d’intégrer le droit de la navigation maritime et intérieure dans le Code civil ne signifie en rien qu’il ait contesté le caractère spécifique de ce droit260. Le nouveau projet de loi maritime allemand de 2009 persiste à intégrer les dispositions dans le Handelsgesetzbuch261. Sur le plan mondial, les récentes initiatives législatives des Pays-Bas et de l’Allemagne s’analysent plutôt comme des exceptions et l’on peut détecter une tendance à régir le secteur de la navigation en dehors des codifications générales de droit civil et de droit commercial. Il n’existe aucune raison pour que la Belgique ne se conforme pas à cette tendance. Les idées générales antérieures de recodification de l’ensemble du droit privé belge, préconisant l’abandon de la distinction entre droit civil et commercial, de sorte que, par exemple, les hypothèques maritimes soient réglées avec les autres sûretés262, ne semblent pas avoir abouti et ne fournissent aucun cadre de référence utile en vue de l’actualisation urgente du droit belge de la navigation. 1.84. Une dernière raison d’opter pour la recodification en dehors du Code de commerce n’est pas de nature légistique. Elle est liée à la politique de la navigation au sens large du terme. Étant donné que l’un des objectifs de la révision consiste à renforcer le pouvoir d’attraction du secteur de la navigation belge263, il est souhaitable de rendre la nouvelle législation aussi visible et accessible que possible. Cela se produira au mieux par l’adoption d’une codification autonome. 1.85. À l’évidence, l’extraction du droit maritime belge hors du Code de commerce n’implique pas que les règles et les principes de droit commercial ne trouveront désormais plus à s’appliquer en matière de navigation. Dans l’attente d’une éventuelle révision du droit commercial terrestre, les dispositions restantes du Livre I du Code de commerce peuvent continuer à s’appliquer. Les notions d’acte de commerce, de commerçant et de but de lucre gardent leur intérêt dans ce contexte. Les dispositions modificatives à intégrer dans une loi d’introduction proposeront une reformulation des articles 1er et 3 du Livre I du Code de commerce. La suggestion déjà formulée dans ce sens dans le Livre vert (Question 159) a été jugée évidente par l’ABDM. Les lacunes de la formulation actuelle sont attestées par la jurisprudence belge264 et confirmées par le commentaire accablant de la doctrine récente belge265 et surtout française266.

259 Meij, A., « Is er nog koophandel in Nederland ? », in Buyle, J.-P., Derijcke, W., Embrechts, J. et Verougstraete, I. (Eds.), Bicentenaire du Code de commerce. Tweehonderd jaar Wetboek van Koophandel, Bruxelles, Larcier, 2007, (75), 78-79. A ce sujet, il a également été indiqué que le droit commercial matériel néerlandais s’est uniquement détaché d’un « vieux cocon » et continuera à se développer dans une nouvelle parution (Haak, K.F., Zwitser, R. et Blom, A., Van haven en handel. Hoofdzaken van het handelsverkeersrecht, Deventer, Kluwer, 2006, 4). 260 Cf. infra, n° 1.194. 261 Cf. infra, n° 1.134 et 1.251. 262 En ce sens Herbots J.H., « Syntheserapport. De codificatie in het privaatrecht », in Erauw, J. e.a. (Eds.), Liber Memorialis François Laurent 1810-1887, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1989, (467), 471, n° 9. 263 Cf. supra, n° 1.2, 1.64 et 1.66. 264 Cf. e.a., sur le nécessaire accomplissement régulier et récurrent d’actes de transport, Bruxelles, 26 février 2008, RW 2010-11, 705. 265 Cf. Ballon, G.L., “Pikbroek en zoetwatermatroos, aak en karveel: over art. 3 W.Kh.”, LA Libert, 29-35. 266 Cf. Houtcieff, D., Droit commercial, Paris, Sirey, 2008, 78-85, nos 185-204.

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En outre, rien ne s’oppose à ce que des règles de droit commercial plus générales trouvent à s’appliquer sous l’empire du Code belge de la navigation, subsidiairement et lorsque cela s’avère utile. L’on pense par exemple aux Unidroit Principles on International Commercial Contracts 2004267, auxquels les Livres bleus renverront à l’occasion.

C. MISE EN ŒUVRE DES CONVENTIONS INTERNATIONALES 1.86. La question de la relation entre la législation nationale et les conventions internationales est éminemment importante dans le cadre de l’adoption du nouveau Code belge de la navigation. En effet, le droit de la navigation maritime et intérieure a été unifié dans une large mesure par les conventions internationales du CMI, de la IMO et d’autres organisations internationales268. La Belgique est partie à nombre de ces conventions. Le texte de certaines conventions a été repris dans la loi maritime, d’autres pas. Pour certaines conventions, la loi maritime ne fait qu’y renvoyer. La méthode de travail adoptée par le législateur belge dans le cadre de la mise en œuvre des conventions internationales maritimes est – ou semble à tout le moins – incohérente. Initialement, les conventions unifiant certains domaines du droit maritime ont été reprises dans la législation belge en retranscrivant aussi littéralement que possible (parfois avec des omissions ou des ajouts) les dispositions matérielles dans la loi maritime. Ce fut par exemple le cas de la Convention abordage de 1910, de la Convention connaissement de 1924 et de la Convention privilèges maritimes de 1926, lesquelles ont toutes été préparées par le CMI. Le Code judiciaire reprend un certain nombre de dispositions de la Convention saisie navires de 1952. Dans certains cas, il semble que l’on se soit écarté de cette méthode. Ni la Convention compétence en matière d’abordage (matière civile) ni la Convention compétence en matière d’abordage (matière pénale) n’ont été reprises dans la législation interne belge. Ceci vaut également pour le Protocole de 1967 modificatif de la Convention sur l’assistance de 1910. En ce qui concerne la Convention LLMC, la loi maritime ne fait qu’y renvoyer sans en retranscrire les dispositions. La loi maritime effectue un renvoi similaire à la CLC et à la Convention passagers de 1974. Lors de la ratification législative de la Convention assistance de 1989, l’on a omis de modifier les dispositions de la loi maritime basée sur la Convention assistance de 1910. À première vue, la pratique législative belge fait donc preuve de peu de cohérence. Dans le cadre de la préparation du Code belge de la navigation, il convient de se poser la question de l’opportunité d’une intégration des règles pertinentes des conventions dans le code et, si elle existe, dans quelle mesure269. 1.87. Cette problématique a été explicitement mise à l’ordre du jour du Livre vert (Question 8). L’équipe d’experts de la loi maritime s’est prononcée en faveur d’une méthode législative cohérente et a donné sa préférence à l’intégration dans la nouvelle loi maritime belge des régimes

267 www.unidroit.org. 268 Cf. supra, n° 1.26 et 1.39. 269 A l’occasion du bicentenaire du Code de commerce en 2007, Huybrechts a indiqué qu’à l’avenir, la loi maritime ne devrait plus être que le réceptacle des conventions de droit maritime (Huybrechts, M.A., « The ‘Bicentennial’ of the Code of Commerce of 1807 », in Buyle, J.-P., Derijcke, W., Embrechts, J. et Verougstraete, I. (Eds.), Bicentenaire du Code de commerce. Tweehonderd jaar Wetboek van Koophandel, Bruxelles, Larcier, 2007, (343), 357-358).

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conventionnels contraignants pour la Belgique, en ce compris leurs modifications. Le Livre vert a posé la question de savoir si cela était effectivement souhaitable. L’ABDM et le Collège Royal Maritime Belge, l’Académie Royale de Marine de Belgique, la Société Royale de la Ligue Maritime Belge ont répondu à l’unisson par l’affirmative. Plus encore, l’on a suggéré au sein de l’ABDM d’octroyer au Roi la compétence d’adapter la législation belge aux conventions internationales. L’ABDM a demandé à la Belgique de désormais éviter de mettre en œuvre les conventions internationales avec retard. Febelfin a également indiqué qu’il convient d’intégrer les régimes conventionnels contraignants dans la nouvelle loi maritime belge, dans la mesure du possible sur le plan juridique et pour autant que cela puisse se produire de manière claire. La Régie portuaire d’Anvers a également souscrit au principe de l’intégration des conventions, mais elle a attiré l’attention sur la forme juridique matérielle distincte de ces conventions. Certaines normes internationales et européennes sont « self-executing », d’autres pas ; certaines conventions émanent d’organisations internationales reconnues, d’autres pas. La DG Environnement a également estimé qu’il convient d’intégrer systématiquement dans l’ordre juridique interne les régimes conventionnels contraignants pour la Belgique, en ce compris les modifications. La DG adhère à la thèse selon laquelle une intégration rapide et logique bénéficierait certainement au nouveau code, comme indiqué dans le Livre vert. La DG Environnement a ensuite attiré l’attention sur le fait que le meilleur mode d’intégration dans l’ordre juridique interne varie selon les cas. La transposition d’une directive européenne ou d’un autre instrument européen ou international qui doit s’opérer dans la réglementation interne doit intervenir de préférence dans le cadre de la nouvelle loi maritime belge. Un instrument européen ou international qui ne nécessite pas davantage de développement dans l’ordre juridique interne ne doit pas en soi être intégré dans la nouvelle loi maritime belge. En effet, la transcription littérale de ces réglementations n’ajoute rien à leur force obligatoire (puisqu’elle résulte déjà de l’instrument lui-même) et est de nature à créer des problèmes en cas de modification ou d’abrogation. La DG Environnement a conclu en suggérant de réaliser une codification ou compilation non officielle, laquelle serait régulièrement actualisée. Une proposition semblable a été faite par la CdA-A (à propos, il est vrai, de la question 5) 270. 1.88. Pour la bonne compréhension de la problématique de la mise en œuvre des conventions dans le nouveau Code belge de la navigation, il est utile de commencer par rappeler les trois fonctions différentes des conventions d’unification de droit privé en matière de navigation maritime et intérieure. Premièrement, ces conventions introduisent un nouveau régime juridique international unifié, qui connaît son propre champ d’application et bénéficie en principe de l’application directe, et qui par conséquent n’appelle aucune transposition dans la législation interne belge. À ce sujet, la question se pose de savoir s’il est nécessaire, utile ou possible de transposer ou de transformer ces conventions dans le nouveau Code belge de la navigation. Deuxièmement, les conventions d’unification servent souvent de base à l’adaptation volontaire des régimes légaux nationaux situés en dehors du champ d’application du régime conventionnel. La question se pose de savoir si cet élargissement du champ d’application doit également s’appliquer au nouveau Code belge de la navigation. Troisièmement, il est théoriquement possible que les règles conventionnelles unifiées reflètent un usage international. Il convient à cet égard de décider si le Code belge de la navigation doit expliciter cette fonction annexe des régimes conventionnels.

270 Cf. également supra, n° 1.76.

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Chacune de ces questions est abordée dans les considérations qui suivent. 1.89. Il convient tout d’abord de s’attarder sur la fonction essentielle d’unification internationale des traités. Les traités dont il s’agit tendent à instaurer immédiatement entre les États parties un nouveau régime juridique matériel international unifié. En vue de l’unification du droit maritime, le CMI a préféré cette méthode à l’adoption de règles de rattachement de DIP communes ou à l’adoption de lois uniformes nationales271. Il convient en effet d’opérer une distinction marquée entre ces trois procédés272. Bien que ce fût l’objectif initial – en particulier pendant les premiers congrès mondiaux de droit maritime à Anvers (1885) et à Bruxelles (1888)273 –, le droit de la navigation a renoncé à l’élaboration de règles de rattachement de DIP unifiées (comme elles ont été réalisées entre-temps dans d’autres domaines). Le droit de la navigation n’a pas davantage opté pour l’adoption de « lois uniformes » ou d’autres règles unifiées qui devraient ensuite être transposées dans la législation nationale des États parties à la convention (il en existe également certains exemples dans d’autres branches du droit)274. L’on a donc procédé en droit de la navigation à l’instauration, sous la forme de conventions, de régimes juridiques matériels, internationaux et uniformes qui priment le droit national, coexistent avec ce dernier et qui se situent en fait au-dessus de lui. Les conventions d’unification s’appliquent dès que (1) elles sont entrées en vigueur internationalement et sont contraignantes pour l’État concerné et (2) la situation donnée, conformément à son champ d’application ou ses règles de délimitation, tombe ratione materiae, ratione temporis et ratione loci dans le champ d’application des règles matérielles y reprises. Dans la mesure où un droit matériel uniforme et international a été arrêté, l’application de règles de rattachement de DIP, qui indique le droit national applicable, s’avère en principe superflue. Dès lors que l’on peut considérer en règle que les conventions d’unification de droit privé sont d’application directe, elles rendent inutile, dans un système moniste de mise en œuvre des conventions, l’adaptation de la législation interne. 1.90. La Belgique est l’un des pays dont le système de mise en œuvre des conventions est moniste.

271 Cf. e.a. Sohr, F., Le droit maritime et son unification internationale, Bruxelles, Larcier, 1914, 48. 272 Cf. en particulier l’exposé sommaire mais clair dans Masquelin, J., Le droit des traités dans l’ordre juridique et dans la pratique diplomatique belges, Bruxelles, Bruylant, 1980, 111-116, n° 90-92 et dans Van Ryn-Heenen I, 30-31, n° 17 ; comp. également Arroyo, I., « Spanish domestic law and international conventions: lights and shadows », IDM 1999, (7), 24 ; Rigaux, F. et Fallon, M., Droit international privé, Bruxelles, Larcier, 2005, 156-160, n° 4-35-41 ; von Overbeck, A.E., « Le champ d’application des règles de conflit ou de droit matériel uniforme prévues par des traités », in Institut de Droit International, Annuaire, Vol. 58, I, Basel, S. Karger, 1979, (97), 100-102, cf. également e.a., Loussouarn, Y., Bourel, P. et de Vareilles-Sommières, P., Droit international privé, Paris, Dalloz, 2007, 67 e.s., nos 69 e.s. 273 Cf. infra, n° 1.229. 274 Les conventions fixant une législation uniforme énoncent généralement de manière expresse que les États parties sont tenus d’intégrer le régime uniforme dans leur législation nationale ou d’adapter leur législation nationale en conséquence, de sorte qu’il existe une obligation expresse de transposition du droit conventionnel (cf. à ce sujet Masquelin, J., Le droit des traités dans l’ordre juridique et dans la pratique diplomatique belges, Bruxelles, Bruylant, 1980, 401-401-404, n° 326 et également Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., « Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde: een overzicht van bronnen en instrumenten », in Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde, Anvers / Oxford, Intersentia, 2006, (3), 35, avec des exemples en notes de bas de page.).

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Un tel système procède de l’unité du droit. Il implique que les traités comme tels fassent partie de l’ordre juridique belge. En d’autres termes, elles ne doivent pas d’abord être transposées ou transformées dans une loi nationale pour faire partie du droit belge275. Dans le célèbre arrêt Le Ski, la Cour de cassation a décidé que le conflit entre la norme fixée par une convention internationale et la norme fixée par la loi ultérieure ne s’analyse pas en un conflit entre deux lois, et que lorsqu'un conflit existe entre une norme de droit international conventionnel, ayant des effets directs dans l'ordre juridique interne, et une norme de droit interne, la règle établie par le traité doit prévaloir276. Le justiciable peut donc invoquer directement une convention d’application directe ou « self-executing » devant les tribunaux nationaux, et cette convention prime sur le droit national contraire. Pour qu’une convention bénéficie de l’application directe, il faut qu’elle soit entrée en vigueur selon le droit des gens, qu’elle ait des effets en Belgique conformément aux règles constitutionnelles et qu’elle soit « self-sufficient », en d’autres termes, en ce qui concerne l’esprit, le contenu et le libellé, elle se suffit pour être appliquée sans autre développement, précision ou complément dans la réglementation interne277. Bien que la doctrine belge n’y consacre généralement pas d’étude approfondie, la plupart des conventions d’unification de droit privé de la navigation maritime et intérieure sont clairement considérées par le législateur et la jurisprudence belge comme étant d’application directe. Leur traitement par le législateur278, en particulier l’absence de quelque exemple que ce soit de véritable transformation en disposition légale nationale279 et l’application fréquente, même évidente, des règles conventionnelles par les cours et tribunaux280, laissent subsister peu de doute à ce sujet. L’attitude belge correspond du reste à la conception étrangère281. Elle est aussi totalement justifiée car la rédaction et l’esprit des conventions CMI, ainsi que des conventions ultérieures sur la navigation maritime et intérieure, autorisent sans problème leur application directe aux rapports juridiques privés.

275 Sur la relation entre le droit international et le droit national en général, cf. e.a. Bossuyt, M. et Wouters, J., Grondlijnen van internationaal recht, Anvers / Oxford, Intersentia, 2005, 143-173 ; spécifiquement pour la Belgique, cf. 153-173 et également, e.a., Vande Lanotte, J. et Goedertier, G., Handboek Belgisch Publiekrecht, Bruges, La Charte, 2010, 96-99, n° 172-175 ; Veny, L.M. e.a., Grondslagen van Publiekrecht, Bruges, Vandenbroele, 2009, 210-213, n° 403-412 ; cf. également, e.a., Verhoeven, J., « Belgique. Belgium », in Eisemann, P.M. (Éd.), L’intégration du droit international et communautaire dans l’ordre juridique national, La Haye / Londres / Boston, Kluwer Law International, 1996, (115), 130. 276 Cass. 27 mai 1971, Pas. 1971, I, 888, Arr.Cass. 1971, 959. 277 Comp. Cass. 21 avril 1983, RW 1983-84, 2315 :

[…] la notion d’application directe d’une convention à l’égard des ressortissants d’un État partie implique que l’obligation de cet État soit intégralement et précisément exprimée et que les États parties entendaient octroyer des droits subjectifs et imposer des obligations aux personnes soumises à la convention (Traduction libre).

Comp. également Bruxelles, 10 juin 1999, JT 1999, 699. 278 L’application directe des conventions n’est certes pas consacrée par la loi elle-même, bien qu’elle soit jugée possible par principe (Frowein, J.A. et Oellers-Frahm, K., « L’application des traités dans l’ordre juridique interne », in Eisemann, P.M. (Éd.), L’intégration du droit international et communautaire dans l’ordre juridique national, La Haye / Londres / Boston, Kluwer Law International, 1996, (11), 18 ; Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, II, Trieste, E.U.T., 2005, 135). 279 Cf. infra, n° 1.94. 280 La jurisprudence belge ne fait pas toujours la distinction stricte entre l’application des conventions directement applicables, d’une part, et les dispositions nationales de la loi maritime reposant sur les régimes conventionnels d’autre part. Pour une illustration, cf. l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 4 juin 2007, pourtant amplement motivé, lequel juge que les Conventions privilèges maritimes de 1926 sont applicables tout en renvoyant systématiquement à l’article 23 de la loi maritime, et où la Cour note systématiquement que les dispositions de cet article « sont conformes » à la disposition correspondante de la Convention (NjW 2007, 937, note ES, « Voorrecht op loodsgeld », TBH 2008, 634, note Stevens, F., « Een voorrecht voor loodsgelden ? »). 281 Cf. infra, n° 1.105 e.s.

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Il n’existe donc aucune raison de reprendre ces conventions sur la navigation maritime et intérieure dans la législation interne pour que celles-ci produisent des effets devant les cours et tribunaux nationaux. Une telle reprise n’est pas seulement inutile, elle est même en principe impossible. Les avis récents du Conseil d’État sont fixés en ce sens que l’autorité qui réglemente doit s’abstenir de reprendre ou de paraphraser une norme supérieure dans une norme inférieure. La reprise peut engendrer des malentendus sur la nature juridique et, en particulier, sur le caractère modifiable de la réglementation282. Lorsqu’une convention est reprise dans la législation interne, l’interprétation autonome des conventions est en outre mise en péril. L’interprétation autonome des conventions signifie que le texte de la convention n’est pas interprété à la lumière du droit national de l’un des États parties, mais bien selon les éléments propres à la convention, soit son objet, son but et son contexte, ainsi que sa préparation et son historique283. Cette nécessité est également reconnue dans d’autres pays (dont les pays voisins), sous des formulations différentes284. Il convient en la matière de tenir

282 Cf. e.a. Van Nieuwenhove, J., « Behoorlijke wetgeving in de adviespraktijk van de afdeling wetgeving van de Raad van State (2003) », Tijdschrift voor Wetgeving 2004, (147), 149, n° 5 et les renvois de ce texte ; cf. également Van Nieuwenhove, J., « Behoorlijke wetgeving in de adviespraktijk van de afdeling wetgeving van de Raad van State (2002) », Tijdschrift voor Wetgeving 2003, (204), 207, n° 7. Pour un avis amplement motivé sur la question, cf. Doc. parl., Chambre, 1996-97, n° 1061/1, 27-29. 283 L’arrêt Air India de la Cour de cassation du 27 janvier 1977 est déterminant en la matière. Il a estimé ce qui suit au sujet de la Convention de Varsovie sur le transport aérien :

« [...] que la responsabilité en matière de transport international aérien [...] est régie par la Convention internationale de Varsovie tendant à uniformiser cette matière ; que le droit interne ne peut être invoqué que dans la mesure où la convention y renvoie ou qu’elle autorise ce recours au droit national ; [...] que l’interprétation d’une Convention internationale tendant à unifier le droit ne peut se faire par le renvoi au droit national de l’un des États parties ; que lorsque le texte appelle une interprétation, celle-ci doit intervenir sur la base des éléments propres à la Convention, soit son objet, son but et son contexte, mais également sa préparation et l’historique de sa formulation ; qu’il serait inutile de développer une convention portant une législation internationale si les tribunaux de chacun des États interprétaient la convention selon leurs propres principes juridiques ; [...] que la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 a voulu établir certaines règles en vue d’unifier le droit international du transport aérien, en particulier en ce qui concerne la responsabilité du transporteur ; que les dispositions de cette convention, résultat d’un compromis entre les différents États parties, forment un système juridique autonome indépendant de la législation nationale, même si plusieurs de ces États ont étendu le champ d’application au transport aérien national » (Traduction libre)

(Cass. 27 janvier 1977, Arr. Cass. 1977, 595 ; cf. également conclusions du Procureur général Delange in Pas., 1977, I, 574, lesquelles renvoient aux règles d’interprétation reprises dans la Convention de Vienne sur le droit des traités). Les interprétations internes du législateur, du gouvernement ou des collèges juridiques nationaux ne sont pas opposables aux autres États parties (Bossuyt, M. et Wouters, J., Grondlijnen van internationaal recht, o.c., 77). 284 Comp. Berlingieri, G., « Uniformity in Maritime Law and Implementation of International Conventions », JLMC 1987, (317), 341-347 et, reprenant ce texte, Schultsz, J.C., « Interpretation of international conventions », in Economic and Social Commission for Asia and the Pacific, Essays on maritime legislation, II, Bangkok, United Nations, 1990, (235), 238-243 et les renvois inclus dans ce texte ; Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, et en particulier 60-66 ; De Meij, P., “Interpretatie van verdragen van uniform (vervoer)recht”, EVR 1998, (607), 617-634 (avec un aperçu de la jurisprudence sur l’interprétation de la convention aux Pays-Bas, en Allemagne, en Angleterre et en Belgique); du Pontavice, E., « Interprétation des conventions maritimes internationales en droit français », RIDC 1990, 725-728 ; Japikse, 2, n° 3; Haak, K.F., “Uniform vervoerrecht: verwezenlijking en beperking”, in De Ly, F., Haak, K.F. et van Boom, W.H. (Red.), Eenvormig bedrijfsrecht: realiteit of utopie ?, La Haye, Boom, 2006, (183), 201; Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., “Uniforme uitleg van internationale zeerechtelijke regelingen”, in Hendrikse, M.L. et Margetson, N.H., Capita zeerecht, Deventer, Kluwer, 2004, (39), 40-50; Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., “Uniform Construction and Application of The Hague (Visby) Rules”, in Hendrikse, M.L., Margetson, N.H. et Margetson, N.J. (Eds.), Aspects of Maritime Law. Claims under Bills of Lading, Austin, Wolters Kluwer, 2008, (35), 36-37; Oostwouder, 16; Smeele, F.G.M., “Eenvormig zeerecht: doelstellingen en verwezenlijking”, in De Ly, F., Haak, K.F. et van Boom, W.H. (Red.), Eenvormig bedrijfsrecht: realiteit of utopie ?, o.c., (225), 248; cf. p.e. également, par rapport à la Convention LLMC, Rabe, 83, n° 3.

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compte285, des règles d’interprétation contenues dans la Convention de Vienne (articles 31-33), laquelle lie la Belgique286. Plus spécifiquement, il est nécessaire d’interpréter les conventions de droit maritime en ce sens qu’elles contribuent au maximum à l’unification internationale du droit maritime287. Dans certaines conventions, une telle interprétation est même imposée de manière formelle288. Pour permettre cette interprétation uniforme, il convient de prendre en considération la jurisprudence étrangère pertinente, les travaux préparatoires289, le large cadre réglementaire du droit maritime sur le plan international290 et également, par le droit comparé des conventions, le texte des conventions connexes291. Les juges nationaux remplissent à cet égard une fonction internationale ; ils doivent effectuer une analyse de droit comparé et suivre la tendance majoritaire de la scène internationale292. La propagation et la diffusion de la jurisprudence étrangère est une mission de la science juridique, des banques de données, des périodiques spécialisés et des autorités293. Le CMI tente de construire via son site internet une banque de données accessible gratuitement, traitant de l’interprétation des conventions de droit maritime294.

285 Voir pour plus de détails De Meij, P., “Interpretatie van verdragen van uniform (vervoer)recht”, EVR 1998, 607-647, qui recommande de suivre les règles interprétatives de la Convention sur le droit des traités pour l’interprétation des conventions en matière de droit des transports. La Convention sur le droit des traités s’applique uniquement aux traités conclus par des États après son entrée en vigueur à l’égard de ces États (art. 4). Bien que les règles d’interprétation reflètent par essence un droit coutumier international, certains considèrent qu’elles ne sont pas tout à fait aptes à interpréter les conventions de droit privé uniformes, notamment parce que les travaux préparatoires ne peuvent jouer qu’un rôle subsidiaire en vertu de la Convention sur le droit des traités (cf. Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., « Uniforme uitleg van internationale zeerechtelijke regelingen », in Hendrikse, M.L. et Margetson, N.H., Capita zeerecht, Deventer, Kluwer, 2004, (39), 41 et les renvois inclus dans ce texte) ; cf. a contrario De Meij, P., “Interpretatie van verdragen van uniform (vervoer)recht”, EVR 1998, (607), 634 et 639-640). Cf. plus précisément infra, n° 1.206. 286 Loi du 10 juin 1992 portant approbation de la Convention de Vienne sur le droit des traités, et de l'Annexe, faites à Vienne le 23 mai 1969 (MB 25 décembre 1993). 287 Cf. notamment Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 131-133; Tetley MCC I, 144-146. 288 Cf. notamment l’art. 3 des Règles de Hambourg, l’art. 14 de la Convention exploitants terminaux, et l’art. 2 des Règles de Rotterdam; pour plus de détails à ce sujet, voyez le Livre bleu 2. 289 Cf. en particulier Berlingieri, G., « Uniformity in Maritime Law and Implementation of International Conventions », JLMC 1987, (317), 341-350 ; Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., « Uniforme uitleg van internationale zeerechtelijke regelingen », o.c., 45-46 ; comp. Tetley MCC I, 140-144 sur l’interprétation des Règles de La Haye et infra, n° 1.194 sur l’interprétation du Livre 8 du Code civil néerlandais ; regard critique sur les travaux préparatoires : Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, 64. Sur l’emploi de la jurisprudence étrangère dans le cadre de l’application du droit international, cf. e.a. Verhoeven, J., « Belgique. Belgium », in Eisemann, P.M. (Éd.), L’intégration du droit international et communautaire dans l’ordre juridique national, La Haye / Londres / Boston, Kluwer Law International, 1996, (115), 146. Sur les travaux préparatoires, voyez également infra, n° 1.206. 290 Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, 62-63; comp. plus précisément infra, n° 1.206. 291 Cf. Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, 63 et De Meij, P., “Interpretatie van verdragen van uniform (vervoer)recht”, o.c., 635. 292 Voyez e.a. De Meij, P., “Interpretatie van verdragen van uniform (vervoer)recht”, EVR 1998, (607), 612-613 et surout 636-639; Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., « Uniforme uitleg van internationale zeerechtelijke regelingen », o.c., 44-45; comp. Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., “Uniform Construction and Application of The Hague (Visby) Rules”, in Hendrikse, M.L., Margetson, N.H. et Margetson, N.J. (Eds.), Aspects of Maritime Law. Claims under Bills of Lading, Austin, Wolters, Kluwer, 2008, (35), 39-40; Jacquet, J.-M., Delebecque, Ph. et Corneloup, S., Droit du commerce international, Paris, Dalloz, 2010, 52, n° 83. 293 En ce sens, cf. e.a. Herber, 27 ; Herber, R., « Gesetzgebungsprobleme bei der internationalen Zivilrechtsvereinheitlichung », Zeitschrift für Gesetzgebung 1987, (17), 42 ; Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., « Uniforme uitleg van internationale zeerechtelijke regelingen », o.c., 49 ; Rodière TGDM ILA, 75, n° 40. 294 www.comitemaritime.org.

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1.91. Au vu de ce qui précède, l’on comprend mieux pourquoi le législateur belge n’a plus procédé, ces dernières décennies, à la reprise des règles conventionnelles sur le droit de la navigation maritime et intérieure dans la loi maritime ou dans d’autres lois nationales295. Un certain nombre de régimes conventionnels essentiels, portant notamment sur d’autres modes de transport, n’ont pas davantage été intégrés dans les dispositions légales nationales. L’on peut ainsi mentionner la CMR déjà évoquée296, les Conventions relatives au transport aérien de Varsovie et de Montréal, ainsi que la RU-CIV et la RU-CIM. À cet égard, l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi portant approbation de la CMR apporte des éclaircissements. L’on peut sans conteste étendre son enseignement au droit privé de la navigation297 :

Le projet soumis à l’avis du Conseil d’État a pour objet de procurer l’assentiment des Chambres à une convention relative au contrat de transport international de marchandises par route. Cette convention a pour but de parer aux inconvénients qui résultent des divergences des législations nationales sur la matière. Elle constitue donc une convention de droit international privé qui tend à régler des conflits de lois. Contrairement à d’autres instruments qui se bornent à fixer quelles lois nationales seront applicables dans tels cas déterminés, contrairement aussi aux conventions qui règlent de pareils conflits par la voie de « lois uniformes », la présente convention n’impose pas aux États contractants de modifier leur législation propre, mais elle établit des règles qui se superposent aux lois internes lorsqu’à l’occasion d’un contrat de transport de marchandises par route intervient un élément international qui intéresse deux ou plusieurs États contractants ou leurs ressortissants. Par sa nature même, pareille convention doit être considérée comme « self executing » et ne nécessite donc aucune adaptation de la législation interne des États membres298.

1.92. Le législateur ne peut évidemment pas modifier les régimes conventionnels. Le Conseil d’État devait ainsi préciser qu’il n’appartient pas au législateur belge de donner unilatéralement une interprétation restrictive aux dispositions d’une convention internationale, en l’espèce la Convention CLC299. 1.93. Tout aussi évidente est la possibilité du législateur de compléter les régimes conventionnels pour les matières que les conventions laissent aux États parties contractantes, ainsi que pour les questions liées à l’objet de la convention mais qui n’y sont pas traitées ; la convention et la loi nationale y afférente forment alors « un ensemble [...] de textes qui se complètent mutuellement »300. Le Conseil d’État a déclaré à ce sujet en 1980 :

Cette méthode législative, bien qu’elle ne soit pas de nature à faciliter la compréhension exacte et rapide de la règle de droit à appliquer, ne soulève aucune objection de principe. Elle oblige toutefois le législateur à s’en tenir scrupuleusement à la terminologie utilisée par les Conventions301.

295 Cf. supra, n° 1.86. 296 Cf. supra, n° 1.80. 297 Comp. également Masquelin, J., Le droit des traités dans l’ordre juridique et dans la pratique diplomatique belges, Bruxelles, Bruylant, 1980, 399, n° 324 et 401, n° 326 avec renvoi vers notamment 114-116, n° 91. 298 Doc. parl., Chambre, 1961-62, n° 328/1, 9. 299 Doc. parl., Chambre, 1974-75, n° 646/1, 11. 300 Doc. parl., Sénat, 1983-84, n° 593/1, 33 ; cf. également Masquelin, J., Le droit des traités dans l’ordre juridique et dans la pratique diplomatique belges, Bruxelles, Bruylant, 1980, 474, n° 364. 301 Doc. parl., Sénat, 1983-84, n° 593/1, 33 (et également 34 sur le caractère self-executing) ; cf. également l’exposé des motifs du projet de loi sur la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire : Doc. parl., Sénat, 1983-84, n° 593/1, 2 ; comp. l’avis du Conseil d’État Doc. parl., Sénat, 1965-66, n° 112, (24), 26-27.

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1.94. Comme déjà indiqué, le législateur national a souvent élargi spontanément le champ d’application des conventions internationales d’unification. En Belgique et dans d’autres pays302, il arrive souvent que le législateur aligne les dispositions purement nationales sur les règles internationales unifiées, afin de servir au mieux l’effort d’unification internationale et de favoriser la sécurité juridique. Il ne s’agit pas tant de transporter le régime international dans la législation interne, mais d’adapter à ce régime les règles internes visant les situations – en règles nationales –auxquelles le régime international ne s’applique pas en lui-même. Un auteur comme Ripert a même prétendu qu’un législateur ne dispose d’aucune excuse valable pour refuser d’appliquer à la loi nationale les régimes internationaux approuvés par lui303. Le champ d’application des conventions sur la navigation maritime et intérieure est, en règle, clairement défini et limité au texte de la convention elle-même. L’application est en principe limitée à des situations bien définies avec l’un ou l’autre caractère international (par exemple, le transport international), ainsi qu’aux États parties (ou leurs tribunaux et navires)304. Les situations qui ne rentrent pas dans le champ d’application demeurent régies par le droit national. Cette adaptation du droit national aux régimes conventionnels unifiés s’analyse donc essentiellement en un élargissement du champ d’application des règles internationales. La question de l’application du régime national ainsi adapté à une situation concrète dépend ensuite des règles de rattachement de DIP (en règles nationales), des règles nationales relatives au champ d’application ou à la priorité ainsi que des clauses de choix du droit applicable. Comme exemple d’élargissement volontaire aux régimes conventionnels internationaux, l’on peut notamment citer les actes qui ont adapté la loi maritime et d’autres lois belges à la Convention abordage de 1910, à la Convention sur l’assistance de 1910, à la Convention privilèges maritimes de 1926 et à la Convention saisie navires de 1952 (et, en un certain sens, aux Règles de La Haye). Déjà lors la mise en œuvre de la Convention abordage de 1910 et de la Convention sur l’assistance de 1910, la Belgique a très clairement formulé sa position :

Pour atteindre le but poursuivi, l’unification du droit maritime sur les matières au sujet desquelles un accord est intervenu, un pas reste à faire : il faut étendre l’application des règles conventionnelles à tous les litiges qui peuvent surgir, lors même que les ressortissants d’un État non contractant y sont parties et que tous les intéressés sont ressortissants du même État. Ce résultat ne peut être obtenu qu’en substituant aux dispositions des lois nationales les règles adoptées par la Conférence de Bruxelles305.

En 1954, la Section Législation du Conseil d’État a rendu un avis préconisant l’intégration des dispositions de la Convention saisie navires de 1952, de la Convention sur la compétence en cas d’abordage (matière pénale) et de la Convention sur la compétence en cas d’abordage (matière civile) en tant que dispositions internes dans la législation belge, selon la méthode déjà appliquée

302 Comp. Sohr, F., Le droit maritime et son unification internationale, Bruxelles, Larcier, 1914, IV. 303 Ripert I, 72, n° 78. 304 Il existe toutefois un certain nombre de conventions de droit maritime qui s’appliquent erga omnes (p. ex. la Convention LLMC). Comp. Berlingieri, F., « Le convenzioni internazionali di diritto marittimo e la loro attuazione nel diritto interno », IDM 1999, (54), 56-58 ; cf. également, e.a., Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 157-158. 305 Doc. parl., Chambre, 1910-11, n° 109, 1-2 ; comp. dans le même sens Doc. parl., Chambre, 1910-11, n° 192, 1 et Doc. parl., Sénat, 1910-11, n° 129, 1 ; comp. p. ex., toujours dans le même sens, à propos de la Convention sur la responsabilité de 1924, Doc. parl., Chambre, 1926-27, n° 333, 1.

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pour la Convention abordage de 1910, la Convention sur l’assistance de 1910, la Convention privilèges maritimes de 1926 et la Convention connaissement de 1924. Selon le Conseil d’État, l’avantage d’une telle intégration réside dans « l’unité complète » qui existe alors entre le droit belge et le régime conventionnel306. Finalement, seule la Convention saisie navires de 1952 a été intégrée dans la législation belge. L’on expliqua cette circonstance par le fait qu’aucune dualité ne se justifiait entre un régime international tombant dans la sphère de la Convention et un régime national contraire307 ; la méthode de travail suivie dans le cadre de la Convention connaissement de 1924 a été adoptée comme précédent308. Le Conseil d’État a rendu des avis ultérieurs dans le même sens, recommandant l’alignement de la législation interne de la Belgique sur la Convention sur la limitation de la responsabilité de 1957 et sur la Convention relative aux clandestins, lesquelles peuvent être invoquées, selon le Conseil d’État, par les particuliers devant les tribunaux belges309. La Cour de cassation – certes en dehors du contexte du droit de la navigation – a précisé que les dispositions légales nationales « directement inspirées » par les dispositions d’une convention doivent s’appliquer à la lumière du régime international310. 1.95. Troisièmement, il est théoriquement possible que les règles reprises dans les conventions d’unification soient considérées comme des « usages de droit maritime », lesquels peuvent s’appliquer au-delà des conventions en question311. Il convient de préciser qu’une telle conception a, jusqu’à ce jour, rarement trouvé application dans la jurisprudence belge, voire jamais. Il semble pourtant qu’il s’agisse d’une technique de découverte du droit raisonnable. 1.96. Un certain nombre de facteurs compliquent ce fonctionnement des conventions unificatrices. Ces facteurs seront abordés dans les considérations suivantes. 1.97. Il convient tout d’abord de s’attarder sur un certain nombre de points généraux. Il est clair que le degré d’unification atteint par une convention donnée dépend du nombre et du poids économique des États parties. Des différences considérables peuvent surgir en la matière, selon les conventions. Il existe en outre des différences quant au champ d’application. Alors que les conventions sur le droit maritime sont, en règle, uniquement applicables aux litiges ayant un caractère international bien défini, il convient de constater que la définition précise de cet élément international varie selon les conventions et qu’il est souvent malaisé d’en vérifier la présence312.

306 Le Conseil a indiqué littéralement : « Ce système présente l’avantage d’assurer une unité absolue entre les règles du droit international privé belge et la législation proprement nationale sur les matières ainsi traitées » (Doc. parl., Chambre, 1954-55, n° 259/1, 6). 307 Cf. e.a. Doc. parl., Sénat, 1960-61, n° 102, 2, 5-6 et 24; Doc. parl., Chambre, S.E. 1961, n° 109/2, 1-2; Doc. parl., Sénat, S.E. 1961, n° 68, 1. 308 Cf. encore Doc. parl., Sénat, 1960-61, n° 102, 5-6. 309 Cf. Doc. parl., Chambre, 1972-73, n° 442/1, 7. 310 Cass. 9 juin 2000, Bruxelles International Trade Mart Ltd & C° / Barlow et Amadeus, www.cass.be.; comp. dans le même sens, sur les dispositions du Code judiciaire traitant de la saisie sur navire, concl. Av.-Gén. Thijs devant Cass. 27 février 2009, RHA 2009, 28. 311 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 158. 312 Rodière-du Pontavice, 26, n° 24.

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Une autre difficulté est celle des « splitting ways », procédé par lequel le législateur national met en œuvre une convention avant que l’État ne soit lié par elle ou, au contraire, lorsque l’État est lié par une convention mais que l’État néglige d’adapter le droit national313. Enfin, de nombreuses conventions sont assorties de réserves – partiellement sur la base d’habilitations expresses314. Cela complique également l’unification internationale et incite à redoubler de prudence, tant dans le cadre de l’application directe des régimes conventionnels que lors de leur transposition en droit national. 1.98. Deuxièmement, il est possible qu’une convention invite elle-même de manière expresse à reprendre le régime international qu’elle introduit dans la législation nationale. Ainsi, le deuxième alinéa du Protocole de signature à la Convention connaissement de 1924 (les Hague Rules) précise :

Les Hautes Parties contractantes pourront donner effet à cette Convention soit en lui donnant force de loi, soit en introduisant dans leur législation nationale les règles adoptées par la Convention sous une forme appropriée à cette législation.

La même règle figure à l’article 16 du Protocole sur le connaissement de 1969 (Protocole de Visby). Un choix similaire a été laissé par la Convention sur la limitation de la responsabilité de 1957 (article 2 (c) du Protocole de signature) et par la Convention privilèges maritimes de 1967 (article 14.1). Ces dispositions autorisent le législateur national à adapter le libellé des règles de la convention, à condition que le contenu demeure inchangé. Une interprétation législative nationale comporte le risque d’immobilisme, car elle empêche la prise en compte des évolutions internationales dans l’interprétation des conventions concernées315. Les travaux préparatoires expliquent les raisons pour lesquelles ces règles spécifiques de mise en œuvre du Protocole de signature à la Convention connaissement de 1924 laissent autant d’espace au législateur national. Différents représentants ont ainsi exprimé leur doute sur la possibilité de reprendre littéralement dans la législation nationale des règles davantage construites comme des conditions générales des contrats, issues d’un remarquable mélange entre les notions anglaises et françaises, et ce alors que la Convention connaissement entend également régir les situations nationales. L’intervention suivante, exprimée lors de la Conférence Diplomatique d’octobre 1923, fait déjà la lumière sur cette question, et en particulier sur la différence avec les précédentes conventions du CMI :

313 Cf. en général Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 165. 314 Pour un aperçu, cf. Berlingieri, G., « Uniformity in Maritime Law and Implementation of International Conventions », JLMC 1987, (317), en particulier 320-326. 315 Berlingieri, G., « Uniformity in Maritime Law and Implementation of International Conventions », JLMC 1987, (317), 318. Sur les avantages et inconvénients de la transposition des conventions, cf. plus précisément infra, n° 1.113 e.s.

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M. Ripert signale que la Convention sur l’abordage et l’assistance a été rendue dès sa conclusion obligatoire pour les tribunaux, mais que si par la suite les lois internes ont été modifiées c’est de par la libre détermination du législateur. Par contre, il est certain que quand la convention sur les Règles de La Haye aura été signée et ratifiée par le Parlement français, elle deviendra obligatoire pour les tribunaux français même à l’égard de nationaux français. En effet, l’article 9 dit que la Convention s’appliquera à tout connaissement créé dans un des États contractants316.

Le Président a clairement indiqué :

On doit prendre les Règles comme base, chaque État signataire s’engage à introduire les règles dans sa législation nationale. Il doit appliquer la Convention intégralement, mais le « modus operandi », c’est-à-dire la manière d’atteindre ce résultat, est un point sur lequel on peut s’en remettre à la bonne foi de chaque État. Tout le monde comprend qu’il est préférable de prendre le texte de la Convention intégralement, car cela simplifie tout. Mais si certaines des dispositions législatives déjà existantes sont conformes à la Convention, il suffira de procéder par modification d’un certain nombre de dispositions de la loi nationale – rien ne s’y oppose317.

La discussion suivante s’est engagée autour de la formulation du Protocole de signature qui autorise l’intégration des dispositions de transposition dans la législation nationale « sous une forme appropriée à cette législation » :

M. le Président marque son accord sur cette proposition, mais il préférait ajouter au premier paragraphe « dans un sens conforme à leurs dispositions ». M. Ripert objecte que cette expression pourrait impliquer qu’on a l’obligation d’insérer les règles « in extenso ». M. le Président reconnaît que la formule proposée est plus précise. Elle comporte l’engagement d’introduire ces dispositions dans les législations nationales avec la liberté d’adopter la forme que l’on préférera tout en respectant leur sens. M. Beecher demande si aux États-Unis, on pourra laisser subsister le Harter Act là où il est conforme à la Convention en se contentant de la loi là où elle en diffère. M. le Président estime que oui. M. Ripert constate que la conférence est d’accord à ce sujet [...]318.

Enfin, il convient de citer la conclusion suivante du Président Franck :

[...] il a été précisé tout d’abord que les puissances contractantes auraient le droit, ou bien d’insérer le texte de la Convention tel quel dans leur loi nationale, ou bien de modifier leur législation nationale conformément à ce texte. Le but est de ne pas obliger les États à prendre des mesures législatives lorsque déjà leur droit commun est conforme à ces principes et aussi de permettre au point de vue de la forme, que les États adoptent ces dispositions conformément aux habitudes et aux méthodes de rédaction de leur législation nationale. Mais s’il est permis ainsi de rendre la forme plus appropriée, de l’adapter aux législations nationales, dans les deux cas ce sont les principes mêmes, consacrés par la Convention, qui doivent être maintenus. C’est là une question de bonne foi. Il ne peut y avoir de doute à cet égard319.

316 Comité Maritime International, The Travaux Préparatoires of the Hague Rules and of the Hague-Visby Rules, Anvers, CMI, 1997, 748 (caractères gras supprimés de l’original). 317 Comité Maritime International, The Travaux Préparatoires of the Hague Rules and of the Hague-Visby Rules, Anvers, CMI, 1997, 749-750. 318 Comité Maritime International, The Travaux Préparatoires of the Hague Rules and of the Hague-Visby Rules, Anvers, CMI, 1997, 752-753 (caractères gras supprimés de l’original). 319 Comité Maritime International, The Travaux Préparatoires of the Hague Rules and of the Hague-Visby Rules, Anvers, CMI, 1997, 757-758.

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Le remarquable Protocole de signature a engendré une série de législations « Règles de La Haye », en nombre aussi important que celui des États parties320. 1.99. Le législateur belge a repris les Règles de La Haye dans l’article 91 de la loi maritime. Il a également élargi le champ d’application des Règles de La Haye, en précisant qu’elles ne s’appliquent pas seulement au transport au départ de la Belgique mais également à destination de la Belgique. Cela illustre d’ailleurs la politique belge, à considérer comme classique, consistant à contribuer au maximum à l’unification du droit maritime321. L’introduction sans modification du texte de la Convention connaissement de 1924 dans l’article 91 de la loi maritime a été justifiée par le Gouvernement de la manière suivante :

Après un examen approfondi, il a paru opportun de respecter la phraséologie même de la convention, car il était à craindre que sous prétexte d’employer une forme plus appropriée et répondant peut-être mieux à nos conceptions juridiques, la théorie ne donnât pas satisfaction à la pratique et qu’elle ne s’écarte de la portée même de la convention, faisant naître ainsi une source nouvelle de conflits de loi. Les « Règles de La Haye » forment un tout homogène conçu dans les termes appropriés aux besoins commerciaux ; le projet de loi ci-joint a pour but de les reprendre comme telles dans la législation belge. Certes, la matière des connaissements est déjà réglementée par le Code de commerce. Mais les dispositions actuelles du Code subsisteront en ce qui concerne tous les contrats de transport qui ne tombent pas sous l’application de la convention ; certaines d’entre elles régiront du reste même les contrats auxquels s’appliquent les « Règles de La Haye » qu’elles compléteront à certains égards322.

1.100. Une troisième difficulté réside dans le fait que le législateur belge, lorsqu’il introduit dans l’ordre juridique belge des conventions internationales directement applicables sans les répéter dans des dispositions internes, opère parfois un renvoi aux régimes conventionnels dans la loi maritime, parfois pas. Ainsi, l’article 46 renvoie à la Convention LLMC, à la Convention CLC et à la Convention passagers de 1974. En revanche, la loi maritime, comme d’autres lois nationales, ne fait aucun renvoi à d’autres conventions comme la Convention CMNI. Cette situation ne cadre pas avec le principe consacré par le Conseil d’État selon lequel les renvois aux conventions pertinentes doivent être opérés de manière cohérente. S’il s’avère indiqué, pour plus de clarté, de rappeler une norme juridique de degré supérieur, le Conseil d’État recommande de travailler par renvoi. Mais il convient alors d’agir de manière logique, et en tout cas de renvoyer aux réglementations supérieures pertinentes en vue d’exclure les raisonnements a contrario323. 1.101. Un quatrième défaut légistique, associé aux précédents, est que la loi maritime ne fait nullement état de la relation qui existe entre ses dispositions internes, d’origine internationale, et le régime conventionnel dont elles s’inspirent. Les articles repris dans les Titres sur l’abordage et l’assistance ne laissent pas présumer qu’ils sont issus d’une convention, ne renvoient pas à la convention concernée et n’indiquent pas les règles de DIP qui pourraient mener à leur application. Cette approche trop laconique est source de confusion et d’insécurité juridique.

320 Haak, W.E., « Het Portalon-arrest », NJB 1970, (346), 349. 321 Cf. supra, n° 1.26 et également Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 165 et la note de bas de page 334 qui y figure. 322 Doc. parl., Chambre, 1926-27, n° 334, 1-2. 323 Van Nieuwenhove, J., « Behoorlijke wetgeving in de adviespraktijk van de afdeling wetgeving van de Raad van State (2003) », 149, n° 5 et les renvois inclus dans ce texte.

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1.102. Cinquièmement, l’élargissement national du champ d’application des conventions internationales sur le transport n’est pas cohérent en Belgique. Alors qu’un certain nombre de conventions CMI ont jadis été reprises textuellement dans la loi maritime, la Convention CMR a également été déclarée également applicable au transport national par simple renvoi324. 1.103. Sixièmement, la Belgique fait montre d’une incohérence frappante en matière d’assistance. La Convention sur l’assistance de 1989 a été introduite dans le droit belge, mais le législateur a négligé d’adapter le régime national de la loi maritime à cette convention. En conséquence, le régime légal national est toujours basé sur la Convention sur l’assistance de 1910. Cette négligence est incompatible avec la politique classique de la Belgique consistant à aligner au maximum son droit maritime sur le régime international unifié325. Lorsque, lors de la ratification d’un nouveau régime conventionnel, l’on ne remplace pas les dispositions légales internes fondées sur la convention précédente, il se crée une situation confuse qui met en péril l’unité, la clarté et la compréhension du droit maritime326. 1.104. Un septième problème réside dans le défaut d’uniformité internationale dans le cadre de la mise en œuvre des conventions unificatrices du droit de la navigation. Partout dans le monde, l’on est conscient du fait que les conventions unificatrices sont mises en œuvre de manière divergente, et que l’approche nationale dépend en premier lieu de la nature moniste ou dualiste du système juridique concerné327. La distinction (existant principalement dans les systèmes juridiques monistes) entre les régimes conventionnels unifiés d’application directe et les législations nationales parallèles, éventuellement adaptées au régime conventionnel, a été identifiée dans différents autres pays, notamment en France, aux Pays-Bas, mais également en Allemagne. Dans certains cas, l’application directe de la convention est sujette à discussion. À la question du caractère « self-executing » d’une convention, il doit, en principe, être répondu par la jurisprudence328. L’on semble généralement prendre comme principe l’application directe des conventions de droit maritime privé du CMI et de l’IMO329. Cependant, les législateurs nationaux créent parfois de la confusion. Même au sein d’un même système juridique, les incohérences dans les techniques de mise en œuvre ne sont pas rares330. Dans cette mesure, les manquements relevés du droit belge ne sont nullement exceptionnels. Le CMI mène actuellement une enquête sur la base d’un questionnaire adressé aux différentes associations nationales de droit maritime. Ceci atteste que les divergences dans les techniques de mise en œuvre des conventions de droit maritime utilisées par les États parties sont

324 Cf. art. 38 de la loi du 3 mai 1999 relative au transport de choses par route (MB 30 juin 1999). 325 Cf. supra, n° 1.26. 326 Cf. infra, n° 1.14 sur la problématique similaire en Italie. 327 Cf. p. ex. l’attention portée à cette question dans Slot, P.J., « Implementation and Interpretation of International Conventions », in Economic and Social Commission for Asia and the Pacific, Essays on maritime legislation, II, Bangkok, United Nations, 1990, (227), 232-233 ; Economic and Social Commission for Asia and the Pacific, Guidelines for maritime legislation, Bangkok, United Nations, 1991, 3 ; cf. également Berlingieri, F., « Le convenzioni internazionali di diritto marittimo e la loro attuazione nel diritto interno », IDM 1999, 54-85; Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, II, Trieste, E.U.T., 2005, 134-135 et 138-163. 328 Cf. e.a. Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 125-126 et Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 135. 329 Slot, P.J., « Implementation and Interpretation of International Conventions », in Economic and Social Commission for Asia and the Pacific, Essays on maritime legislation, II, Bangkok, United Nations, 1990, (227), 233; cf. également infra, n° 1.108 sur la position de Bonassies. 330 Ainsi également Berlingieri, F., Arrest of ships, Londres / New York / Hong Kong, LLP, 1996, 23.

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problématiques au regard de l’unification optimale du droit maritime331. Le résultat auquel aboutiront les travaux du CMI n’est pas encore clair. 1.105. Dans le cadre de cette problématique, il paraît peu judicieux de rechercher une inspiration d’ordre légistique dans le droit étranger. En effet, la méthode selon laquelle les autres pays ont mis en œuvre les conventions de droit de la navigation maritime et intérieure est en grande partie déterminée par leurs principes constitutionnels traitant de la relation entre les conventions et le droit interne, en particulier par le caractère moniste ou dualiste de leur ordre constitutionnel. Les variations sont pratiquement infinies et les techniques de mise en œuvre varient même souvent dans un même pays. Cela n’a guère de sens, dans cette matière, de rechercher une inspiration de principe de technique législative dans le droit étranger. Il n’en demeure pas moins intéressant de placer le régime belge dans un contexte plus large. 1.106. En Allemagne, l’on considère les conventions de droit maritime d’application directe comme faisant partie du droit allemand, sans les incorporer dans le Handelsgesetzbuch332. Une intégration dans le code est uniquement jugée souhaitable lorsqu’une législation existante paraît inconciliable avec la convention ou qu’il convient également de déclarer le régime conventionnel applicable à des situations essentiellement nationales, car autrement le droit allemand perdrait en unité et en intelligibilité. Le législateur allemand n’a pas fait le même choix pour toutes les conventions : ainsi la Convention saisie navires de 1952 n’a pas été intégrée dans la législation nationale, contrairement à la Belgique, alors que ce fut bien le cas de la Convention sur la compétence en cas d’abordage (matière civile). Il semble également que le choix à opérer en Allemagne soit l’objet d’une controverse333. Dans un article magistral sur les problèmes législatifs causés par l’unification internationale du droit privé, sur lequel on reviendra334, le professeur de droit maritime allemand Herber indique qu’il est impossible, et même superflu, de donner une réponse générale à la question de l’opportunité d’appliquer directement les conventions unificatrices ou bien de les incorporer dans la législation interne335. Il faut noter qu’il est en principe loisible au législateur allemand de choisir entre l’octroi automatique d’effets internes aux conventions (qu’on appelle « generelle Transformation ») ou leur intégration dans les dispositions législatives internes (« spezielle Transformation »)336 ; le choix s’opère uniquement sur la base de l’efficacité législative et non sur la base des exigences

331 Cf. la documentation dans Comité Maritime International, Yearbook 2007-08, Athens I, Anwerpen, CMI, 2008, 308-332 et Antapassis, A. et Berlingieri, F., « Mise en oeuvre et interprétation des conventions internationales », DMF 2007, 309-334. 332 Cf. également les articles 25 et 59 de la Grundgesetz. 333 Herber, 20-21 et, en particulier, 25-26 ; cf. également ibid., 29 sur les questions préalables de droit des gens que le juge allemand doit parfois résoudre, comme en matière de succession d’états. Comp. également, opposé farouchement à l’intégration dans la législation nationale et en faveur de la technique du simple renvoi, Puttfarken, 406-407, n° 982-984 ; cf. également Wüstendörfer, 31-32. 334 Cf. infra, n° 1.113. 335 Herber, R., « Gesetzgebungsprobleme bei der internationalen Zivilrechtsvereinheitlichung », Zeitschrift für Gesetzgebung 1987, (17), 20. 336 Sur la terminologie allemande, comp. la distinction entre, d’une part, « Transformation » et, d’autre part, « Inkorporation », « Adoption », « Absorption » ou « Rezeption », in Kunig, Ph., « Völkerrecht und staatliches Recht », in Vitzthum, W. Graf (Éd.), Völkerrecht, Berlin / New York, Walter de Gruyter, 1997, (101), 122, n° 38-39.

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constitutionnelles337. Herber constate que le législateur allemand n’a pas adopté une position rigide, mais a agi de manière pragmatique338. Enfin, il est également admis en Allemagne que l’intégration du droit matériel unifié dans le champ d’application de son droit conventionnel rend sans objet la question de DIP relative au droit applicable339. 1.107. L’Angleterre n’est pas un point de comparaison pertinent dans le cadre de la matière traitée, car son système dualiste exige de toute façon la transposition des conventions de droit maritime dans sa législation interne340. Ceci explique pourquoi un certain nombre de conventions, comme la Convention passagers de 1974, la Convention LLMC et la Convention sur l’assistance de 1989 ont été incorporées dans les Schedules du Merchant Shipping Act 1995. 1.108. En France, où l’on adhère presque systématiquement aux conventions de droit maritime341 et où la primauté des conventions sur la loi a été consacrée par la Constitution342, ni la jurisprudence ni la doctrine n’ont traité de l’application directe des conventions internationales de droit maritime. Dans une contribution récente, Bonassies a exprimé sa surprise à cet égard; ses propres recherches mènent à la conclusion que toutes les conventions de droit maritime privé sont directement applicables et que cette applicabilité directe peut être considérée comme une présomption et même un principe d’interprétation343. Quoiqu’il en soit, le droit maritime français fait coexister deux systèmes de normes : le droit conventionnel unifié d’une part et – le cas échéant sur la base des règles de rattachement de DIP – la législation nationale d’autre part. Dans plusieurs cas, le législateur a aligné le droit interne – parfois selon une formulation adaptée – sur les conventions internationales de droit maritime. La méthode récente du simple renvoi aux conventions est moins élégante mais l’application de règles identiques dans les relations internationales et nationales favorise la sécurité juridique344. Même si le législateur français part à peu près des mêmes principes que le législateur belge, la pratique de la mise en œuvre témoigne également de divergences entre les deux pays : ainsi, la Convention sur les navires d’État de 1926 et la Convention saisie navires de 1952 n’ont engendré aucune législation matérielle nationale. 1.109. Au Luxembourg, la loi du 9 novembre 1990 portant approbation de certaines conventions internationales en matière maritime a approuvé un grand nombre de conventions de droit maritime privé et public. Le Titre 6 particulièrement laconique de la loi du 9 novembre 1990 ayant pour objet la création d’un registre public maritime luxembourgeois, lequel est intitulé « du commerce maritime »,

337 Ainsi, Herber, R., « Gesetzgebungsprobleme bei der internationalen Zivilrechtsvereinheitlichung », Zeitschrift für Gesetzgebung 1987, (17), 31. 338 Herber, R., « Gesetzgebungsprobleme bei der internationalen Zivilrechtsvereinheitlichung », Zeitschrift für Gesetzgebung 1987, (17), 39. 339 Herber, 26-27. 340 Cf. brièvement Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, o.c., 162-163. 341 Cf. Bonassies, P., « L’unification du droit maritime et le droit français », IDM 1999, (86), 87-88. 342 L’art. 55 de la Constitution dispose :

Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.

343 Bonassies, P., « Les conventions de droit maritime privé et le problème de l’effet direct des traités », in Centre de droit maritime et océanique, Annuaire de droit maritime et océanique, XXVI – 2008, Nantes / Paris, Centre de droit maritime et océanique / Pédone, 2008, 473-484 ; comp. en ce qui concerne la France Berlingieri, F., « Le convenzioni internazionali di diritto marittimo e la loro attuazione nel diritto interno », IDM 1999, (54), 63. 344 Cf. et comp. Rodière TGDM ILA, 70-72, n° 38 et 136, n° 79 ; Rodière-du Pontavice, 26-27, n° 24 ; Vialard, 29-30, n° 15.

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renvoie à nouveau aux conventions de droit maritime privé et, en outre, il ne contient que quelques compléments et éclaircissements des régimes conventionnels. 1.110. Aux Pays-Bas, où la Constitution reconnaît expressément la primauté de toute règle conventionnelle contraignante345, les conventions de droit maritime ont été pour la plupart incorporées en grande partie dans le Livre 8 du Code civil. Beaucoup d’attention a été consacrée à la relation entre le Livre 8 et le droit conventionnel. L’exposé des motifs indique :

Op het gebied van het vervoersrecht heeft Nederland vele verdragen goedgekeurd. Op privaatrechtelijk gebied beogen deze een zo groot mogelijke eenvormigheid te bereiken en het is dan ook om tot deze uniformiteit bij te dragen, dat Nederland tot ratificatie is overgegaan. Uit deze doelstelling vloeit voort, dat ook in die rechtsverhoudingen, die niet door een verdrag worden beheerst, dit recht zoveel mogelijk gelijkvormig moet zijn aan de regelingen, die in deze verdragen worden gegeven. Het ontwerp heeft hierbij steeds de methode gevolgd van opneming van de bepalingen van de verdragen in de Nederlandse nationale wetgeving in een vorm passend bij die wetgeving. Deze methode, die ook rechtvaardiging vindt in het codificatiebeginsel neergelegd in artikel 164 van de Grondwet, werd door Nederland steeds gevolgd met betrekking tot de inhoud van verdragen tot unificatie van zee- en binnenvaartrecht, waarbij het Koninkrijk partij is. Bij deze aanpassing van het Nederlandse recht aan de in houd der internationale verdragen volgt het ontwerp de tot dusver steeds toegepaste methode van zoveel mogelijk letterlijke vertaling, inpassing van het verdrag op de daarvoor juist geachte plaats in de wet (ook al worden daardoor soms de verdragsartikelen niet in hun oorspronkelijke vorm gelaten) en open laten van ook door het verdrag niet opgeloste moeilijkheden. Zoals opgemerkt door de vaste Commissie voor Justitie [...] heeft dit laatste ten gevolge, dat de nationale rechter een open oog zal moeten hebben voor de internationale ontwikkeling waaraan de onderhavige materie zal zijn onderworpen. Slechts het vermijden van iedere wettelijke verdragsinterpretatie geeft hem hier de vrijheid zich te conformeren aan zich elders aftekenende koersrichtingen en de mogelijkheid zelf op deze koersrichting invloed uit te oefenen. Door het niet beantwoorden van vragen van verdragsinterpretatie beoogt het ontwerp derhalve de internationale rechtseenvormigheid te versterken. Woordelijke overneming van de goedgekeurde verdragen kan hiertoe bijdragen. Al is daarvan tot dusver in de praktijk niet veel gebleken, het valt niet te ontkennen dat aan de gevolgde methode bezwaren kleven [...]. Zo wordt het uniforme internationale recht moeilijk herkenbaar door de verspreiding ervan in dezelfde afdeling en over verschillende afdelingen, titels en zelfs wetboeken. Dit bezwaar moet niet worden overschat: de buitenlandse jurist, die kennis wil nemen van het Nederlandse recht zal, gezien de taalbarrière, toch bijna steeds een Nederlandse jurist in de arm moeten nemen en deze zal, zo nodig met behulp van de in deze memorie van toelichting opgenomen verwijzingstabellen, hem wegwijs kunnen maken. Bovendien moet simpele vermelding van de wet, waarbij Nederland een verdrag ratificeerde, afdoende zijn om hem gerust te stellen. Plaatsing van de verdragsbepalingen tussen Nederlands recht in kan tengevolge hebben, dat de rechter dit Nederlandse recht als interpretatiemateriaal bezigt bij zijn uitleg van het uniforme internationale recht, daardoor de uniformiteit daarvan verstorende. Dergelijke interpretatie aan de hand van Nederlands recht – afgezien van de vraag of zij wel zo verwerpelijk is – kan de Nederlandse rechter niet worden verboden en zal voor hem, ook los van de plaatsing van het uniforme recht, onvermijdelijk zijn, daar de verdragen veel door henzelf niet omschreven begrippen bevatten voor welker interpretatie Nederlands recht onmisbaar blijft. Te verwachten is, dat de rechter zich bij zijn interpretatie zal laten leiden door de boven weergegeven gedachte, dat Nederland tot ratificatie overging ter

345 L’art. 93 de la Constitution dispose :

Bepalingen van verdragen en van besluiten van volkenrechtelijke organisaties, die naar haar inhoud een ieder kunnen verbinden, hebben verbindende kracht nadat zij zijn bekendgemaakt.

L’art. 94 dispose : Binnen het Koninkrijk geldende wettelijke voorschriften vinden geen toepassing, indien deze toepassing niet verenigbaar is met een ieder verbindende bepalingen van verdragen en van besluiten van volkenrechtelijke organisaties.

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bevordering van de internationale eenvormigheid van recht en dus zuiver nationaalrechtelijk interpretatiemateriaal slechts aan de hand van dit richtsnoer zal gebruiken. Aan het bijeenhouden van de verdragsbepalingen zijn trouwens grote bezwaren verbonden. Zij regelen de door hen behandelde rechtsmaterie geenszins volledig: voor de noodzakelijke aanvullingen is het dan bijna onmogelijk een geschikte plaats te vinden. De verdragen regelen onderwerpen die in de door geen verdrag beïnvloede rechtsdelen, die in andere vervoerstakken dezelfde onderwerpen regelen, terecht gescheiden worden gehouden als b.v. bepalingen van procesrechtelijke aard, bepalingen van internationaal privaatrecht enz. Overneming van het uniforme internationale recht in de volgorde, waarin dit in de verdragen voorkomt, zou derhalve het Nederlandse recht schier onkenbaar maken. De volgorde der bepalingen zou per vervoerstak geheel verschillend worden, al naarmate verschillende verdragen moeten worden verwerkt, in het geheel geen verdrag bestaat of voor internationale verhoudingen een verdrag wordt gevolgd doch voor nationale niet (b.v. bij het wegvervoer). Daar komt nog bij, dat de volgorde der verdragsbepalingen herhaaldelijk volmaakt willekeurig is, doch het gevaar oproept, dat zij als interpretatiemateriaal wordt gebezigd bij de toepassing van ander, zuiver Nederlands, recht, dat een andere volgorde kent346.

Il est remarquable que le Livre 8, d’une part, reconnaisse expressément l’application directe des Règles de La Haye (article 371) mais que, d’autre part, contienne cependant encore une réglementation nationale, laquelle s’applique aux situations qui ne relèvent pas des Règles de La Haye347. Conformément à la position déjà adoptée par le législateur néerlandais, le Hoge Raad a conclu à l’application directe des Règles de La Haye dans le cadre de l’arrêt Portalon de 1968, portant sur le Protocole de signature de la Convention connaissement de 1924348349. Bien qu’elle soit d’application directe, la Convention LLMC a également été intégrée dans le Livre 8350. Ceci vaut également, par exemple, pour la Convention abordage de 1910 : les dispositions nationales basées sur cette Convention s’appliquent lorsque la convention est elle-même formellement et matériellement inapplicable, mais que la situation est régie par le droit néerlandais351. La Convention CLC est également d’application directe ; elle a toutefois été incorporée dans la législation nationale pour pouvoir appliquer ses règles avant l’entrée en vigueur du traité352. D’autres conventions sur le droit privé du transport – comme la CMR – sont d’ailleurs considérées comme directement applicables aux Pays-Bas353. La pratique de la mise en œuvre n’y est toutefois pas univoque. Bien que l’incorporation dans la législation néerlandaise ne soit pas nécessaire en raison de l’effet direct, la Convention de Montréal sur le transport aérien et la RU-CIM ont été intégrées, à côté de la Convention connaissement de 1924 ; ce ne fut pas le cas de la CMNI et de la RU-CIV. Différentes raisons sont à la base de ces décisions354. Les Règles de Rotterdam seront également réputées directement contraignantes pour les Pays-Bas ; Teunissen

346 PG Boek 8 NBW, 9-10 ; cf. également Japikse, 2, n° 3 ; Korthals Altes-Wiarda, 17. 347 Cf. PG Boek 8 NBW, 375 et e.a. Haak, K.F., « Beschouwingen naar aanleiding van de vaststellingswet boek 8 NBW eerste stuk en het Ontwerp boek 8 NBW tweede stuk », WPNR 1977, (513), 517-518 ; Haak, K.F., “Uniform vervoerrecht: verwezenlijking en beperking”, in De Ly, F., Haak, K.F. en van Boom, W.H. (Red.), Eenvormig bedrijfsrecht: realiteit of utopie ?, La Haye, Boom, 2006, (183), 193-194; Margetson, S.W. en Margetson, N.H., « De toepasselijkheid van de Hague-Visby Rules », in Hendrikse, M.L. et Margetson, N.H., Capita zeerecht, Deventer, Kluwer, 2004, (25), 25-26 et 28-29 ; Oostwouder, 11 ; Wery, P.L., « Cognossementsverdrag en ontwerp-Schadee », in Scheepsraad, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1973, 1-28. 348 Cf. supra, n° 1.98. 349 Hoge Raad, 8 novembre 1968, NJ 1969, 33, n° 10. 350 Cf. Cleton, R., De beperkte aansprakelijkheid van de scheepseigenaar, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1998, 40 et également Hoge Raad, 28 février 1992, NJ 1992, 2720, n° 652 (en particulier concl. Av.-Gén. Strikwerda) ; également Van der Velde, 346 et 337. 351 Cf. Van der Velde, 201. 352 Cf. Van der Velde, 228, note de bas de page 4. 353 Cf. e.a. Oostwouder, 12. 354 Teunissen, J.H.J., « Preadvies Rotterdam Rules », in van der Ziel, G.J. e.a., Rotterdam Rules en Boek 8 BW, Deventer, Kluwer, 2010, (171), en particulier 173-181.

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juge déjà inutile d’en intégrer le texte dans le Livre 8 du Code civil355. Le législateur est conscient de ce qu’à l’avenir, une législation nationale ne sera plus possible dans la mesure où un droit du transport uniforme est contenu dans différents règlements européens, qui ne peuvent être repris dans la législation nationale356. Bien qu’on semble parfois l’oublier dans la pratique, les Pays-Bas admettent également qu’il convient d’appliquer le DIP national uniquement dans la mesure où le litige ne rentre pas dans le champ d’application d’une convention directement applicable357. Dans la ligne de l’extrait des travaux préparatoires repris ci-dessus, l’on admet finalement que les dispositions conventionnelles intégrées dans la législation nationale, applicables aux situations qui ne relèvent pas de la convention, doivent être interprétées de manière autonome358. L’on peut conclure de ces différents éléments que la conception néerlandaise correspond assez bien à celle de la Belgique, mais que la méthode de mise en œuvre des conventions dans la législation interne n’est pas toujours identique. 1.111. La huitième et dernière complication liée à la mise en œuvre des normes internationales sur la navigation est l’émergence d’une réglementation européenne relative à la navigation359. Dès lors que cette réglementation figure dans des règles conventionnelles ou des règlements, une intégration dans la législation belge est en principe impossible. Non seulement la reproduction du droit de l’Union dans des prescriptions internes est inutile, mais il convient également de la considérer comme dommageable, celle-ci pouvant engendrer des malentendus tant sur la nature juridique des dispositions applicables que sur la période de leur entrée en vigueur360. Tout mode d’exécution qui entraverait l’application directe des règlements et qui mettrait ainsi en péril leur application simultanée et uniforme est contraire au traité sur l’Union Européenne361. La reproduction du contenu de certains éléments issus de la réglementation européenne est néanmoins tolérée lorsqu’elle s’avère nécessaire pour garantir la cohérence des dispositions ainsi que leur bonne compréhension par ceux à qui elles s’adressent362. 1.112. Il résulte de ce qui précède que là où, selon le droit belge, il n’est en principe ni usuel ni opportun d’incorporer dans la législation nationale les conventions sur le droit de la navigation qui sont directement applicables ; il ressort de ce qui précède que la pratique législative belge n’est

355 Teunissen, J.H.J., « Preadvies Rotterdam Rules », in van der Ziel, G.J. e.a., Rotterdam Rules en Boek 8 BW, Deventer, Kluwer, 2010, (171), 185; a contrario Van der Ziel, G.J., “De jongste ontwikkelingen in het zeevervoer”, in De Ly, F., Haak, K.F. et van Boom, W.H. (Red.), Eenvormig bedrijfsrecht: realiteit of utopie ?, La Haye, Boom, 2006, (203), 218-221. 356 Voyez à ce sujet Haak, K.F., “Uniform vervoerrecht: verwezenlijking en beperking”, in De Ly, F., Haak, K.F. et van Boom, W.H. (Red.), Eenvormig bedrijfsrecht: realiteit of utopie ?, La Haye, Boom, 2006, (183), 195-196 et les citations et renvois qui y figurent. 357 Cf. p. ex. Oostwouder, 14-15 et comp., sur la Convention abordage 1010, également d’application directe, Van der Velde, 195, note de bas de page 11, et les renvois à la jurisprudence inclus dans ce texte. 358 Cf. e.a. Oostwouder, 17 ; voyez déjà les renvois supra, n° 1.90, in vn. 359 Cf. supra, n° 1.31. 360 Cf. en particulier Concl. AV-Gén. Mayras devant la C.J., 10 octobre 1973, Variola, 34/73, Jur. 1973, (963), 997-998, indiqué également, e.a., dans l’avis du Conseil d’État du 24 mars 1997 (Doc. parl., Chambre, 1996-97, n° 1061/1, 28). 361 Cf. C.J., 7 février 1973, Commission / Italie, 39/72, Jur. 1973, 101, r.o. 17. 362 C.J. 28 mars 1985, Commission / Italie, 272/83, Jur. 1985; 1057, r.o. 27 ; cf. également, e.a., Coremans, H. et Van Damme, M., Beginselen van wetgevingstechniek en behoorlijke regelgeving, Bruges, La Charte, 2001, en particulier 128-129, nos 180-182; Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., « Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde: een overzicht van bronnen en instrumenten », in Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde, Anvers / Oxford, Intersentia, 2006, (3), 41, n° 36.

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pas claire en la matière, et que d’autres pays ne suivent pas non plus de ligne stricte dans ce domaine. Dans le cadre de la rédaction de l’Ébauche de Code belge de la navigation, il convient dès lors d’opérer un choix entre (1) l’application directe des conventions d’unification de droit privé en incluant uniquement dans le code des dispositions nationales complémentaires et/ou qui étendent le champ d’application et (2) la reprise ou la transposition intégrale du régime conventionnel dans le code, avec des dispositions complémentaires et/ou qui étendent le champ d’application. En vue d’assurer l’évaluation correcte des deux options, l’on aborde ici la position de certains auteurs autorisés belges et étrangers. 1.113. Dans sa contribution déjà évoquée sur les problèmes législatifs liés à la mise en œuvre des conventions d’unification, Herber donne un aperçu des avantages et des inconvénients des deux techniques de base363. Le premier avantage de l’application directe d’un texte conventionnel consiste, selon l’auteur, en ce qu’elle favorise l’interprétation uniforme et conforme de la convention, qui tient compte des interprétations étrangères. Un deuxième avantage, plutôt pratique, est que le régime conventionnel produit ses effets plus rapidement, car la transposition dans la législation interne constitue souvent un exercice de longue haleine. Troisièmement, l’on évite la difficulté engendrée par les modifications fréquentes des conventions par le biais de protocoles modificatifs. Une adaptation de la législation nationale à un protocole modificatif méconnaît la position des États qui n’ont pas ratifié le protocole modificatif. Un inconvénient de l’application directe des règles conventionnelles est que la cognoscibilité et l’application de ces règles sont souvent malaisées, la sécurité juridique s’en trouvant compromise. La distinction entre le régime conventionnel directement applicable et la législation parallèle, applicable aux situations nationales, emporte toujours des divergences, tandis qu’un régime uniforme s’avère souhaitable. L’application directe se heurte également au fait que le texte authentique des conventions n’a souvent pas été rédigé dans une langue officielle du pays. Ensuite, l’application de la plupart des conventions exige en tout état de cause l’adoption d’une législation nationale à titre de complément ou d’exécution. Lorsqu’une législation nationale parallèle a été adoptée en plus de l’application directe, et que ces deux régimes montrent des divergences, l’on n’identifie pas toujours clairement, du moins en Allemagne, le régime qui doit bénéficier de la priorité. Dans sa conclusion, Herber avance que les régimes conventionnels unifiés, traitant d’une matière qui n’a pas encore été réglée dans d’une codification interne, ou qui ne valent que pour des situations nationales strictement définies, peuvent trouver application directe. En revanche, lorsque le régime conventionnel traite d’une matière qui fait déjà l’objet d’une législation interne et doit également s’appliquer à des situations internes, l’intégration dans la législation interne est souhaitable. Les trois recommandations suivantes, émises par l’auteur, s’avèrent intéressantes en vue de la rédaction du Code belge de la navigation :

363 Herber, R., « Gesetzgebungsprobleme bei der internationalen Zivilrechtsvereinheitlichung », Zeitschrift für Gesetzgebung 1987, (17), 32-36.

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4. In allen Fällen der Einarbeitung des Einheitsrechts in die deutschen Gesetze sollte die unmittelbare Anwendung des Übereinkommens ausdrücklich ausgeschlossen werden. Die parallele Geltung des Übereinkommens selbtst und der innerstaatlichen Durchführungsgesetzgebung führt zu kaum lösbaren Konkurrenzproblemen und einer außerordentlichen Unsicherheit der Rechtstslage, weil – zumindest theoretisch – jeder Einzelfall parallel geprüft werden muß. 5. Sofern ein Übereinkommen als solches angewendet wird, kann sich aus Gründen der Übersichtlichkeit ein deklaratorischer Hinweis in einem deutschen Gesetz empfehlen. 6. Sofern Einheitsrecht als autonomes deutsches Recht erlassen wird, sollte ein Hinweis auf dessen Ursprung und die Notwendigkeit einer an der Auslegung in anderen Vertragsstaaten des Übereinkommens orientierten Rechtsanwendung in das deutsche Gesetz aufgenommen werden, wie er in neueren Übereinkommen den Vertragsstaaten häufig zur Pflicht gemacht wird. Dadurch kann die Einheitlichkeit der Auslegung soweit wie möglich gewährleistet werden, ohne andererseits die Einheit der innerstaatlichen gesetzlichen Regelung zu beeinträchtigen364.

1.114. Dans une note préparatoire du CMI rédigée en 2008, Antapassis et Berlingieri se sont penchés sur les avantages et les inconvénients des alternatives de l’application directe et de la transposition. Leur conception coïncide, dans sa substance, avec celle de Herber :

The method of implementation may have positive or negative consequences in the actual implementation of the provisions of a convention by contracting States and in their uniform interpretation. A. The method of promulgation or publication adopted in several civil law countries has the advantage of ensuring that the provisions of a convention are incorporated in the national legal system without any change in the text which, at least in some countries, becomes part of the national legal system in its original languages, thereby avoiding the danger of changing the meaning of its provisions as a consequence of a bad translation. Conversely, it has the disadvantage, unless the necessary adjustments are made to the existing national legal system, of a) overlaps or, b) difficulties in the enforcement of the uniform rules. a) Even though in most jurisdictions substantive uniform rules prevail over domestic rules and, therefore, to the extent they regulate the same matter they entail the tacit abrogation of the domestic rules or in any event must be applied in lieu of the domestic rules, doubts may occur whether and to which extent they actually overlap certain domestic rules. Reference may be made, as an example of this problem, to the enactment in Italy of the Salvage Convention 1989 by the so-called “order of execution”: a one article law that simply says that full execution is given to the Convention and thereby when the Convention became binding for Italy, automatically caused its provisions to become part of the Italian legal system. Of course there existed in Italy domestic rules on salvage. More precisely, there existed three separate sets of rules governing (a) assistance and salvage, (b) salvage of sunken ships and other property, and (c) finding of derelicts: clearly the provisions of the Convention prevail over those of Italian domestic law in respect of assistance and salvage (of course to the extent that they are in conflict with them); but the question whether they prevail over those mentioned under (b) and (c) may give rise to doubts. The problem would have been overcome if the implementing legislation had indicated whether and to which extent the uniform rules governed the operations mentioned under (b) and (c). b) The provisions of a Convention when becoming part of a national legal system may suffer something similar to what in transplantation is called a rejection: quite often the uniform rules, being the end result of a difficult compromise between delegations belonging to different legal systems, do not easily fit into anyone of such systems and require some changes in the existing laws or they may require collateral implementing legislation. B. The technique of the translation of the rules of a convention into terms of a national law, which is frequently used in Scandinavian countries, may avoid, wholly or partly, the difficulties mentioned above. It

364 Herber, R., « Gesetzgebungsprobleme bei der internationalen Zivilrechtsvereinheitlichung », Zeitschrift für Gesetzgebung 1987, (17), 41-42.

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could, however, entail a different problem. When in fact the provisions of a convention are translated into terms of national law the danger arises that they are interpreted on the basis of other (general or special) national rules rather than on the basis of the convention from which they originate, no account being taken anymore of the need for their uniform interpretation. This seems to be a real danger in some countries, where this type of implementation cuts away the link between the uniform rules and the convention from which they originate. The danger appears to be minor in common law countries, in which the principle seems to prevail whereby provisions of an international origin must be interpreted, when their formulation permits, so as to enable the State to fulfil its international obligations365.

1.115. Dans son avis préalable sur la relation entre les Règles de Rotterdam et le Livre 8 du Code civil néerlandais, Teunissen donne l’aperçu suivant des arguments favorables et non favorables:

Uitgangspunt van de wetgever is thans dat het in algemene zin geen aanbeveling verdient rechtstreeks werkende verdragsbepalingen in de nationale wet om te zetten en er goede redenen moeten zijn om dat wel te doen. Afgaande op de toelichting bij de diverse goedkeuringswetten kunnen die ‘goede redenen’ zijn:

i. Door opneming in het BW van de verdragsbepalingen met de nationale voorschriften in één samenhangende regeling worden de verdragsbepalingen eenvoudiger toegankelijk en toepasselijk gemaakt.

ii. De bestaande nationale wetgeving is (sterk) verouderd en is aan vervanging toe, en er is geen reden om nationaal een ander stelsel van aansprakelijkheidsregels te laten gelden dan wat internationaal gebruikelijk is; dat geldt met name wanneer het internationaal karakter van het desbetreffende vervoer overheerst.

iii. Aanvullende regels op het verdrag zijn nodig omdat het verdrag geen omvattende regeling van het desbetreffende vervoer bevat, en deze aanvullingen zijn zonder de algemene regels uit het verdrag moeilijk te begrijpen.

Tegen het opnemen van verdragen in boek 8 worden de volgende argumenten aangevoerd: i. Bij opneming van een verdrag in de nationale wet bestaat het gevaar dat de rechter zich niet

steeds bewust is van de herkomst van een bepaling en zich dan bij de uitleg ervan niet laat leiden door de internationale interpretatie van het verdrag.

ii. Het opnemen van verdragen in de wet strookt niet met de wijze van uitvoering van Eu-verordeningen, die ook rechtstreeks werken en niet in de nationale wetgeving mogen worden omgezet. Verschil in behandeling (verordeningen niet omzetten en verdragen wel) kan tot verwarring leiden.

iii. Er kan behoefte bestaan aan een van het desbetreffende verdrag dat betrekking heeft op internationaal vervoer, afwijkende nationale regeling zonder dat er een dwingende reden is om de verdragsbepalingen (in volle omvang) op het binnenlands vervoer (dwingend) van toepassing te verklaren.

iv. Het nationaal vervoer is zo overheersend ten opzichte van het desbetreffende internationale vervoer (zoals het personenvervoer per spoor), dat meer behoefte bestaat aan uniformiteit met nationaal personenvervoer over andere vervoermedia dan aan uniformiteit met het internationale personenvervoer.

Zowel bij de argumenten pro als contra incorporatie zijn te onderscheiden argumenten die een algemene strekking hebben en argumenten die alleen gelding hebben in specifieke situaties. Tot de eerste categorie zou ik willen rekenen de argumenten (i) en (iii) pro en de argumenten (i) en (ii) contra. Deze argumenten met algemene gelding, waarvan er naar mijn mening geen is die doorslaggevend kan zijn, blijven hier verder buiten beschouwing. De vraag die beantwoording behoeft, is welke van de ‘specifieke argumenten’ gelding hebben voor de Rotterdam Rules.

365 Antapassis, A. et Berlingieri, F., « Implementation and interpretation of international conventions », in Comité Maritime International, Yearbook 2007-2008, Anvers, CMI, 2008, (308), 308-309 (caractères gras supprimés de l’original) ; cf. également Antapassis, A. et Berlingieri, F., « Mise en oeuvre et interprétation des conventions internationales », DMF 2007, 309-334.

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Het specifieke argument pro implementatie is dat de bestaande nationale wetgeving verouderd is en er geen reden is om nationaal een ander stelsel van aansprakelijkheidsregels te laten gelden dan wat internationaal gebruikelijk is366.

Comme indiqué ci-dessus, l’auteur conclut que, pour faire valoir les Règles de Rotterdam en tant que droit national, il n’est pas nécessaire d’intégrer le texte de ces dispositions dans le Livre 8 du Code civil néerlandais367. 1.116. Selon l’auteur belge Masquelin, l’alignement de la législation nationale sur les conventions peut se révéler opportun pour diverses raisons : non seulement il accroît la sécurité juridique en cas de doute sur l’application directe ou d’opposition par rapport au droit interne existant, mais il permet également « de donner aux principes établis par un traité un caractère général et permanent », parce que le régime conventionnel n’a, par définition, qu’un champ d’application limité, et est quelque peu précaire en raison des possibilités de dénonciation. Pour illustrer son propos, l’auteur renvoie aux exemples, déjà évoqués, de l’intégration dans la loi maritime des conventions CMI de 1910, 1924 et 1926 et à l’avis précité du Conseil d’État sur l’adaptation de la législation nationale aux conventions CMI de 1952368. L’auteur reconnaît ainsi que l’intégration basée sur la deuxième raison indiquée se produit rarement369. La plupart des transpositions mentionnées ont été inspirées par le souhait d’unifier les régimes nationaux et internationaux, chacun dans leur champ d’application bien défini, et de faire correspondre la législation nationale, dans sa propre sphère d’application, au régime international. Dans le cas des Règles de La Haye, l’on a agi conformément au régime particulier contenu dans le Protocole de signature370. Il n’en demeure pas moins que la transposition favorise la sécurité juridique et offre davantage de résistance contre les instabilités liées à la sujétion des États parties individuels. 1.117. Wouters et Van Eeckhoutte indiquent également les avantages considérables liés à la transposition du droit international dans le droit national :

De omzetting in het interne recht bevordert de transparantie en rechtszekerheid doordat de particulier niet gedwongen wordt om zowel het Belgisch intern recht als het internationaal recht te onderzoeken teneinde zijn rechtspositie te bepalen. Door de omzetting kunnen eveneens de internationale verplichtingen worden vertaald naar Belgische juridische terminologie en kunnen deze beter worden ingelast in het Belgische juridische kader. Er mag immers niet uit het oog worden verloren dat de Belgische rechter en, a fortiori, particulieren minder vertrouwd zijn met het internationaal recht. De rechtsvinding zelf, m.n. het beantwoorden van de vraag of er een internationaalrechtelijke regel met een bepaalde inhoud bestaat en het terugvinden ervan, blijkt vaak heel wat problemen op te leveren371.

366 Teunissen, J.H.J., « Preadvies Rotterdam Rules », in van der Ziel, G.J. e.a., Rotterdam Rules en Boek 8 BW, Deventer, Kluwer, 2010, (171), 182-183. 367 Cf. supra, n° 1.110. 368 Cf. supra, n° 1.94. 369 Masquelin, J., Le droit des traités dans l’ordre juridique et dans la pratique diplomatique belges, Bruxelles, Bruylant, 1980, 474-477, n° 365. 370 Cf. supra, n° 1.98 et 1.99. 371 Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., « Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde: een overzicht van bronnen en instrumenten », in Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde, Anvers / Oxford, Intersentia, 2006, (3), 31, n° 27.

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En revanche, le simple renvoi au droit international ne favorise pas la transparence et la sécurité juridique372. Toujours selon ces auteurs, il convient d’user avec prudence de la technique du renvoi et il convient même de la déconseiller en principe dans certains cas373. 1.118. Au vu de ce qui précède, il convient de conclure en accordant la préférence à l’intégration maximale des conventions de droit maritime privé dans le Code belge de la navigation, tant pour leur propre champ d’application que pour leur champ d’application national étendu. Il convient de réaliser cette intégration par la reprise textuelle des dispositions conventionnelles et non par le biais de simples renvois. Un certain nombre de raisons impérieuses justifient cette solution à première vue moins évidente, qui se démarque de la pratique législative adoptée jusqu’à ce jour et de la position du Conseil d’État. L’on aborde ces raisons dans les considérations qui suivent. 1.119. Tout d’abord, l’intégration s’avère nécessaire pour atteindre les objectifs de la nécessaire et urgente (re)codification poursuivie du droit belge de la navigation. Une codification n’a en effet de sens que lorsqu’elle est globale. Delnoy l’exprime en ces termes :

En raison de ses caractères spécifiques, la codification facilite [...] la connaissance du droit. On objectera que cela n’est vrai que d’une codification bien faite et, au surplus, un idéal inaccessible. Un code, dans lequel les règles sont mal classées ou dans lequel ne figurent pas toutes celles qui ont trait à un même problème, offre l’inconvénient d’obliger celui qui le consulte à de longues recherches et lui donne, celles-ci terminées, l’illusion dangereuse de connaître toutes les dispositions applicables à son cas374.

À ce propos, il convient d’insister sur le fait que les conventions internationales d’unification sur le droit de la navigation maritime et intérieure sont particulièrement nombreuses et jouent un rôle central. Un code de droit de la navigation qui ne reprendrait pas le droit international unifié, ou qui ne ferait qu’y renvoyer, ne saurait faire office de codification complète en la matière. Si les conventions directement applicables devaient être maintenues en dehors du code, ce dernier ne contiendrait que des dispositions nationales complémentaires, à côté de la reprise des règles conventionnelles pour les situations internes – à chaque fois définies différemment. En substance, une telle codification ne serait rien d’autre qu’un complément composé relativement fortuitement d’un grand nombre de régimes conventionnels dispersés et incohérents. Un code ainsi conçu serait lacunaire, obscur, structuré de manière illogique, déséquilibré, peu attractif pour l’utilisateur et il ne mériterait pas la dénomination de code375. À ce sujet, il convient de souligner que la restauration de la clarté et de la cohérence de l’ensemble de la législation de la navigation est l’objectif principal du projet de révision376. Même si le nouveau code renvoyait systématiquement aux traités directement applicables de manière autonome – ce qui n’est d’ailleurs nullement le cas dans la loi maritime – il ne s’agirait plus d’un véritable code, mais plutôt

372 Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., « Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde: een overzicht van bronnen en instrumenten », in Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde, Anvers / Oxford, Intersentia, 2006, (3), 41, n° 38. 373 Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., « Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde: een overzicht van bronnen en instrumenten », in Wouters, J. et Van Eeckhoutte, D., Doorwerking van internationaal recht in de Belgische rechtsorde, Anvers / Oxford, Intersentia, 2006, (3), 42, n° 38. 374 Delnoy, P., « La codification, forme dépassée de législation ? », in Centre Interuniversitaire de Droit Comparé (Ed.), Rapports belges au XIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Anvers / Bruxelles, Kluwer / Bruylant, 1982, (119), 121. 375 Sur les conditions auxquelles il peut être fait usage de la dénomination de Code, cf. e.a. l’avis du Conseil d’État sur l’avant-projet de Code judiciaire : Doc. parl., Sénat, 1963-64, n° 60, 778. 376 Cf. supra, n° 1.63.

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d’un catalogue ou d’un guide d’autres sources de droit, qui doivent être lues en même temps que les dispositions législatives nationales complémentaires. Il n’y a certainement aucune autre branche du droit privé où les traités d’unification jouent un rôle aussi dominant. La technique de l’unification internationale par le biais de traités – d’application directe – qui établissent eux-mêmes un régime juridique matériel uniforme, se retrouve en effet surtout dans le droit maritime et dans le droit du transport. Dans d’autres branches du droit, on travaille plutôt avec des lois uniformes ou des règles de DIP uniformes377. Plus encore, les traités d’unification dont il s’agit forment le noyau central du droit de la navigation, noyau qui doit être rendu opérationnel et complété par la législation nationale. La structure particulière du droit de la navigation, la nécessité de faire concorder au maximum les systèmes internationaux d’application directe et le système national complémentaire378, et le besoin urgent d’une codification globale justifiant déjà en soi une approche législative particulière. 1.120. Cette perspective justifie donc une mise en œuvre alternative des conventions dans le secteur du droit de la navigation. Elle s’appuie également sur la possibilité de transposition nationale, selon une technique législative adaptée, offerte par différents régimes conventionnels de droit maritime379, sur la circonstance que de nombreux spécialistes autorisés du droit maritime voient des avantages considérables à la transposition380 et sur la pratique législative d’autres États, même monistes, qui ont également procédé occasionnellement à la transposition des conventions de droit maritime381. Du point de vue spécifique du droit maritime, orienté internationalement, la transposition est envisagée comme un procédé tout à fait acceptable. L’application d’une technique particulière de mise en œuvre dans le contexte du droit de la navigation correspond en outre à la conception de ce droit comme branche juridique autonome. L’Ébauche de Code belge de la navigation entend rétablir l’autonomie du droit de la navigation382. Une méthodologie propre à la mise en œuvre des conventions peut constituer un élément de cette autonomie. 1.121. S’y ajoute encore le fait que le volet public du Code belge de la navigation requerra aussi l’intégration de nombreux régimes conventionnels. Il s’agit principalement des conventions IMO, lesquelles ne sont pas considérées comme étant d’application directe. Une codification intégrée de droit public et privé gagne en efficacité et en facilité d’utilisation lorsqu’elle reprend les conventions pertinentes pour les deux aspects. 1.122. Le choix de principe de la reprise intégrale des conventions unificatrices dans l’Ébauche de Code belge de la navigation se justifie également par les garanties créées par cette technique, assurant l’exécution correcte des obligations conventionnelles de la Belgique. 1.123. Comme la doctrine internationale le recommande, il convient en principe d’intégrer sans les modifier les dispositions conventionnelles dans la législation interne383. Il faut en effet tenir compte de ce que chaque disposition, en ce compris sa formulation, a fait l’objet de discussions

377 Cf supra, n° 1.89. 378 Voyez à ce sujet supra, n° 1.94. 379 Cf. supra, n° 1.98. 380 Cf. supra, n° 1.113-1.115. 381 Cf. supra, n° 1.105 e.s. 382 Cf. supra, n° 1.68 et infra, n° 1.189 e.s. 383 Cf. supra, n° 1.90 et 1.92 et Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 165-166..

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approfondies et que tout changement peut donc en modifier le sens384. Il est toutefois loisible d’effectuer certaines adaptations textuelles lorsque les États parties ont eu recours à la possibilité, comme dans la Convention connaissement de 1924385. 1.124. Deuxièmement, l’on peut incorporer dans le Code belge de la navigation des dispositions explicites qui attirent l’attention sur l’origine conventionnelle des règles en question. Ce procédé est également recommandé sur la scène internationale386. Il contre ainsi l’argument classique invoqué à l’encontre de la transposition, selon lequel la nature juridique des dispositions transformées dans la législation interne n’est plus claire387. Pour chacun des éléments de l’Ébauche repris d’un régime conventionnel, l’on envisagera l’opportunité et la possibilité d’intégrer dans une disposition distincte la règle de champ d’application du régime conventionnel original, et d’ajouter ensuite une règle de rattachement ou d'application immédiate qui étendrait l’application du régime national, aligné sur la convention, aux situations sortant de sa sphère d’application. Via une telle disposition intégrée, la clarté au sujet de l’application des règles matérielles issues des conventions unificatrices est assurée. 1.125. L’on peut remédier au danger lié à l’intégration du régime international harmonisé, dénoncé par le Conseil d’État belge et la doctrine internationale388, consistant dans la mise en péril de l’interprétation autonome, grâce à l’intégration dans le Code belge de la navigation d’une règle qui impose expressément cette interprétation. Cela est également recommandé sur la scène internationale389. À l’évidence, l’interprétation qu’il convient d’imposer explicitement doit également être conforme à la convention et, en cas de divergences, elle doit accorder la priorité au régime conventionnel. Il convient notamment d’interpréter les conventions sur le droit de la navigation à la lumière des conventions y associées390. La réunion des conventions dans le Code belge de la navigation contribuera ainsi à une interprétation correcte et orientée internationalement. Le Code belge de la navigation peut encore contribuer davantage à l’unification du droit de la navigation en imposant l’interprétation autonome des dispositions nationales rendant applicable le régime conventionnel aux situations internes. Pareille interprétation est supposée par la Cour de cassation391 et a notamment cours aux Pays-Bas392. Une telle règle d’interprétation garantit que le juge, lorsqu’il interprétera le régime conventionnel unifié et les dispositions nationales qui étendent le champ d’application, tiendra compte de la jurisprudence étrangère, de son évolution et des autres sources pertinentes, comme les travaux préparatoires. 1.126. L’intégration des conventions d’unification dans le Code belge de la navigation ne peut être envisagée comme l’expression d’une certaine tendance à la ‘nationalisation’ d’une manière ou

384 Berlingieri, G., « Uniformity in Maritime Law and Implementation of International Conventions », JLMC 1987, (317), 349. 385 Cf. supra, n° 1.98. 386 Cf. supra, n° 1.113. 387 Cf. supra, n° 1.90. 388 Cf. supra, n° 1.113-1.115. 389 Cf. supra, n° 1.113. 390 Cf. supra, n° 1.90. 391 Cf. supra, n° 1.94. 392 Cf. supra, n° 1.110.

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d’une autre du droit. Comme on l’a déjà indiqué, la Belgique a toujours été un pays précurseur dans le domaine de l’unification internationale du droit maritime393. Il convient de maintenir et même de renforcer cette politique classique de la Belgique. L’Ébauche de Code belge de la navigation considère ainsi qu’il est souhaitable de déclarer les règles matérielles unifiées applicables à des relations qui ne sont pas régies par la convention elle-même. L’explication suggérée ci-dessus, l’élargissement de l’obligation d’interprétation conforme et autonome394 ainsi que l’importance du droit comparé dans le cadre de la préparation395 sont d’autres illustrations de cet esprit tendant à l’internationalisation. L’on y reviendra encore lors de la présentation des lignes de force de l’Ébauche de Code belge de la navigation396. 1.127. La préférence exprimée pour l’intégration des conventions d’unification de droit privé dans le Code belge de la navigation constitue un point de départ général et non une exigence absolue. Comme dans la plupart des autres pays, il convient de laisser une certaine place au pragmatisme. Les prochains Livres bleus expliqueront, convention par convention, la technique de mise en œuvre qui a été choisie. 1.128. Le rapport sur les dispositions communes aux volets public et privé du Code belge de la navigation évoquera les méthodes visant à accélérer en Belgique la mise en œuvre des modifications aux conventions. L’on procédera notamment à l’examen des dispositions en vigueur de la loi du 18 février 1969 relative aux mesures d'exécution des traités et actes internationaux en matière de transport par mer, par route, par chemin de fer ou par voie navigable 397, ainsi que de ses applications pratiques. 1.129. Enfin, en ce qui concerne les règlements européens, l’Ébauche de Code belge de la navigation a été élaborée en conformité avec les lignes tracées par la jurisprudence européenne398.

D. DROIT COMPARÉ 1.130. L’on a déjà insisté sur le caractère éclectique du droit de la navigation ayant actuellement cours en Belgique399. C’est une conséquence de la méthode de droit comparé qui a été suivie dans le passé par le législateur belge – et par beaucoup d’autres législateurs nationaux. Lors de la préparation de la loi maritime de 1879, le gouvernement a tenu compte des récentes évolutions législatives au sein de différents autres pays400. Pendant l’élaboration de la révision de la loi maritime en 1908, la Commission de la Justice du Sénat a même exprimé le souhait de faire précéder toute réforme législative future d’une étude de droit comparé401. 1.131. L’Ébauche de Code belge de la navigation est également le résultat d’une vaste approche de droit comparé. La première raison ayant motivé le choix d’une préparation à la lumière du droit comparé est que la Belgique doit à nouveau chercher à s’aligner sur les régimes actuellement en cours sur la scène internationale402.

393 Cf. supra, n° 1.26. 394 Cf. supra, n° 1.125. 395 Cf. infra, n° 1.130-141. 396 Cf. infra, n° 1.179-180 et 1.206. 397 MB 4 avril 1969, telle que modifiée. 398 Cf. supra, n° 1.111. 399 Cf. supra, n° 1.27. 400 Voyez supra, nos 1.27-1.28. 401 Doc. parl., Sénat, 1907-08, n° 38, 8. 402 Cf. supra, n° 1.26, 1.30 et 1.53 et infra, n° 1.179-1.181.

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Une analyse préalable de droit comparé contribue également à détecter les défauts et les lacunes de la législation actuelle, elle procure une inspiration intéressante pour les nouvelles réglementations et permet de prendre des actions ciblées en vue de renforcer la position compétitive de la Belgique à l’égard des autres pays. La méthodologie de droit comparé appliquée conduit à ce que l’Ébauche de Code belge de la navigation revête également un caractère éclectique. 1.132. Les analyses de droit comparé commentées dans les Livres bleus se concentrent sur l’état de la législation étrangère pertinente. Les Livres bleus ne formulent dès lors que des notes sommaires de droit comparé en vue de la critique légistique et de la rédaction de la nouvelle législation belge. Il ne s’agit en aucun cas d’un aperçu exhaustif du droit étranger de la navigation403. 1.133. Pour chacun des thèmes abordés dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, l’on donne une indication, dans la mesure du possible, de l’état de la législation dans les pays voisins. On vise l’Allemagne, l’Angleterre, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. Lorsque cela s’avère pertinent, l’on a également rédigé des notes sur la législation en vigueur dans d’autres pays. Il peut s’agir de pays faisant autorité dans le domaine maritime ou de pays dont la législation revêt un intérêt pour la Belgique d’un point de vue économique, mais également de pays disposant d’une législation intéressante (par exemple influente, originale ou récente) dans le domaine concerné. À titre d’orientation, les considérations qui suivent donnent un aperçu de l’état de la législation maritime dans les pays voisins et rendent compte de certaines codifications notables dans d’autres pays. 1.134. En Allemagne, le droit maritime est éparpillé dans de nombreuses réglementations404. Le droit maritime privé a été codifié dans le Cinquième Livre du Handelsgesetzbuch (HGB), généralement considéré comme lacunaire et dépassé et qui l’était déjà en fait lors de son adoption en 1897405. Ce régime a remplacé une législation de 1861 et a été adapté à maintes reprises, notamment par la première, la deuxième et la troisième Seerechtsänderungsgesetz de 1972, 1986 et 2001. En 2009, une commission de révision présidée par le professeur Herber a publié une ébauche de nouveau régime légal, qui remplacerait complètement le Livre 5 du HGB et se caractérise notamment par une réduction drastique du nombre de dispositions légales et une réforme du droit en matière de contrats d’affrètement et de transport406. Lors de la mise sous presse du présent Livre bleu, cette ébauche était toujours à l’étude au Ministère de la Justice. En ce qui concerne la navigation intérieure, il convient notamment de tenir compte du Gesetz betreffend die privatrechtlichen Verhältnisse der Binnenschiffahrt (Binnenschiffahrtsgesetz - BinSchG). 1.135. Bien que la jurisprudence joue également un rôle considérable en droit maritime anglais407, il ne faut pas y sous-estimer le rôle de la législation408. Ainsi, le système influent anglais de la limitation de la responsabilité du propriétaire de navire repose intégralement sur la loi. Il n’existe

403 Ceci est conforme à l’organisation générale des rapports : cf. infra, n° 1.10. 404 La législation allemande peut être consultée sur www.gesetze-im-internet.de. 405 Herber, 2, 12 et également 17-19 ; Rabe, 4-6, n° 35-39 ; Wüstendörfer 23. 406 Cf. en particulier la Abschlussbericht der Sachverständigengruppe zur Reform des Seehandelsrechts, disponible sur www.droitmaritime.be et www.zeerecht.be. 407 Pour plus de facilité, l’on fait l’impasse sur les régimes divergents de l’Irlande du Nord et de l’Ecosse. Bien qu’il s’agisse généralement de règles applicables dans l’ensemble du Royaume-Uni, les Livres bleus font toujours mention du droit ‘anglais’. 408 La législation anglaise peut être consultée sur legislation.gov.uk.

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cependant en Angleterre aucune codification complète du droit maritime. Ce qui s’y apparente le plus est le Merchant Shipping Act, qui règle en grande partie des questions de droit public et dont la version actuellement en vigueur date de 1995. La première version de cette loi date de 1894. La version de 1995 s’analyse en fait en une coordination des modifications législatives précédentes et ne formule pas de droit nouveau409. La loi contient notamment le régime de la limitation de responsabilité du propriétaire de navire et le régime de l’assistance. Le transport maritime est réglé dans des textes distincts, le Carriage of Goods by Sea Act 1971 et le Carriage of Goods by Sea Act 1992. L’assurance maritime est régie par le Marine Insurance Act 1906. Cette dernière loi codifie des principes fondamentaux du domaine du droit concerné et a exercé une grande influence internationale410. 1.136. En France, la législation maritime privée se retrouvait jusqu’il y a peu dans quatre lois de base préparées par Rodière pendant la période entre 1966 et 1969, chacune accompagnée des décrets y afférents411. Il s’agit de : - la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes; - le Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d'affrètement et de transports maritimes; - la Loi n°67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer; - le Décret n°67-967 du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer; - la Loi n°67-545 du 7 juillet 1967 relative aux événements de mer; - le Décret n°68-65 du 19 janvier 1968 relatif aux événements de mer; - la Loi n°69-8 du 3 janvier 1969 relative à l'armement et aux ventes maritimes; - le Décret n°69-679 du 19 juin 1969 relatif à l'armement et aux ventes maritimes. Il convient également de renvoyer au Titre VII du Code des assurances relatif au « contrat d'assurance maritime et d'assurance fluviale et lacustre ». L’Ordonnance particulièrement volumineuse n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports a récemment été publiée. Elle remplace les lois précitées et régit notamment le droit de la navigation intérieure. Ce code semble tout à fait unique en raison de son étendue et de son champ d’application particulièrement large. 1.137. Parallèlement à l’introduction de la loi belge sur l’enregistrement des navires, le Luxembourg a créé un registre de la marine marchande. À cette fin, le Luxembourg a adopté deux nouvelles lois maritimes : la loi du 9 novembre 1990 portant approbation de certaines conventions internationales en matière maritime et la loi du 9 novembre 1990 ayant pour objet la création d’un registre public maritime luxembourgeois412. Ces lois correspondent approximativement à la loi maritime belge et se démarquent par leur libellé laconique413. Le Code de commerce (Titre VI) contient des dispositions relatives au contrat de transport. 1.138. Aux Pays-Bas, le droit du transport – comprenant le droit maritime et le droit de la navigation intérieure – a été codifié dans le Livre 8 du Code civil, entré en vigueur en 1992414. Il est principalement le fruit du travail du Commissaire du gouvernement Schadee, désigné en 1961.

409 Fogarty, 1. 410 Tetley, W., “Uniformity of International Private Maritime Law - The Pros, Cons and Alternatives to International Conventions - How to Adopt an International Convention”, Tulane Maritime Law Journal, 2000, (775), www.mcgill.ca, point XI.5). 411 La législation française peut être consultée sur www.legifrance.fr. 412 La législation luxembourgeoise peut être consultée sur www.legilux.public.lu. 413 Le droit maritime a été extrait du Code de commerce. 414 La législation néerlandaise peut être consultée sur http://wetten.overheid.nl. Pour une édition sous forme de livre, cf. Haanappel, P.P.C. et Mackaay, E., New Netherlands Civil Code. Book 8 Means of Traffic and Transport, La Haye / Londres, Kluwer, 1995, 439 p.

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Les motifs de la révision étaient surtout d’ordre légistique (meilleure division et élimination du droit « mort ») ; d’après Schadee, le Livre 8 a apporté peu de changement dans le droit maritime par rapport au Code de commerce précédemment en vigueur415. Ce dernier, dont les versions de base datent de 1838 et de 1924, contient toujours des dispositions relatives au capitaine et au droit du travail en mer. Des lois néerlandaises distinctes régissent notamment le DIP maritime416 ainsi que la responsabilité en matière d’environnement dans la navigation maritime. Le Livre 8 s’est fortement inspiré du droit étranger. La nature internationale justifie un recours moins fréquent au droit étranger417. 1.139. En Italie, le Codice della Navigazione de 1942 est toujours en vigueur. Ce code rassemble le droit public et privé de la navigation maritime, intérieure et aérienne418. Il s’appuie sur une conception remarquable de l’unité du droit de la navigation maritime, intérieure et aérienne et s’est inspiré, sans surprise, de considérations plutôt nationalistes, ce qui n’a pourtant pas empêché la jurisprudence de suivre une inspiration internationale419. Quoiqu’il en soit, le Codice est et demeure un point de comparaison intéressant sur le plan de la légistique. 1.140. En Norvège s’applique un Code maritime adopté le 24 juin 1994420. La même année, le Danemark, la Finlande et la Suède ont également adopté de nouvelles lois maritimes. Les pays scandinaves témoignent d’ailleurs d’une importante tradition d’harmonisation régionale de leur législation maritime (un premier code unifié a été promulgué dans les années 1890)421. Les prochains Livres bleus ne renverront qu’à la traduction anglaise du Code maritime norvégien. 1.141. Certains codes intéressants méritent encore d’être mentionnés, notamment : - au Chili : Livre III du Codígo de Comercio; - en Chine : le Code maritime de la République Populaire de Chine (disponible en traduction anglaise sous l’intitulé Maritime Code of the People's Republic of China) du 7 novembre 1992422 ; - en Croatie : le Code maritime (Maritime Code) du 27 janvier 1994 ; - au Panama : la Ley 55 de 6 de agosto de 2008 del Comercio Marítimo ; - au Portugal : le projet de Ley da navegação comercial marítima de 2009; - en Russie : le Code de la marine marchande de la Fédération de Russie (The Merchant Shipping Code of the Russian Federation) du 30 avril 1999 ; - en Slovénie : le Code maritime (Maritime Code) du 23 mars 2001 ; - En Espagne : le projet de Ley General de navegación marítima de 2006 ; - au Vietnam : le Code maritime (Maritime Code) du 30 juin 1990 ; - en Suisse : la Loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse du 23 septembre 1953. Les droits maritimes américain et sud-africain constituent bien entendu également des points de comparaison intéressants.

415 Schadee, H., « Waarom eigenlijk een nieuw transportrecht ? », in van Bakelen, F.A. (red.), Zeerecht in het licht van Boek 8 Nieuw Burgerlijk Wetboek, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1983, (34), 34-36. 416 Cf. infra, n° 1.230. 417 Boonk, 8-9. 418 Le Codice peut être consulté sur www.iusmaris.com. 419 Cf. finalement Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, 22, note de bas de page 13. 420 Le Code peut être consulté sur http://folk.uio.no/erikro/WWW/NMC.pdf. 421 Cf. Falkanger-Bull-Brautaset, 26, n° 1.41. 422 Comme celui du Japon, le droit maritime chinois s’est inspiré de principes occidentaux. Plus encore, le législateur chinois a volontairement fait usage d’une méthode de droit comparé. Les chinois « went on a ‘window-shopping’ exercise with a view to selecting the best products that they saw from jurisdictions around the world for incorporation into their shopping basket » (Li-Ingram, 8).

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E. ACTUALISATION CONTINUE 1.142. L’inconvénient de toute codification est qu’elle peut mener à l’immobilisme et donc au vieillissement rapide de la législation423. Comme déjà indiqué424, il faut garantir que le Code belge de la navigation, une fois entré en vigueur, ne souffre pas d’un vieillissement insidieux comme ce fut le cas pour la loi maritime après 1908. 1.143. Pour garantir une actualisation continue, l’on suggère de charger expressément la Commission de droit maritime, après avoir quelque peu révisé ses statuts, de la préparation périodique d’une codification totalement actualisée en vue de l’adoption, tous les dix ans par exemple, d’une nouvelle version du Code belge de la navigation. À l’évidence, l’organisation d’une telle révision périodique n’empêche évidemment pas la promulgation de modifications législatives dans l’intervalle. 1.144. D’autres mesures qui peuvent contribuer à l’actualisation continue du droit de la navigation résident dans la reconnaissance, explicitée dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, de la valeur de l’autorégulation – en évolution constante – (conditions générales des contrats et usages). Comme indiqué, l’on peut envisager des mesures en vue d’accélérer la mise en œuvre des conventions425. L’on peut également régler plus efficacement certaines questions par le biais d’arrêtés d’exécution (plus rapidement adaptables).

2.2.2.2. CHAMP D’APPLICATION LARGE MAIS DÉLIMITÉ

A. INTÉGRATION DU DROIT DE LA NAVIGATION PRIVÉ ET PUBLIC 1.145. A l’occasion de la révision du droit belge de la navigation, il est préférable d’actualiser tant le droit privé de la navigation que le droit public426 de la navigation. Pour ce faire, l’établissement d’un seul code comprenant les deux matières s’impose à l’évidence. Ce choix de base repose lui aussi sur plusieurs motifs. 1.146. Tout d’abord, tant le droit privé de la navigation que le droit public de la navigation ont besoin d’une révision urgente. L’étude préparatoire a démontré que la législation présente des lacunes graves dans les deux domaines427. 1.147. En chargeant expressément la Commission Droit maritime de préparer tant du droit maritime public que du droit maritime privé428, le Gouvernement belge a en effet choisi, en 2007, d’entreprendre une action législative dans les deux domaines. 1.148. Le choix politique effectué a reçu un certain soutien pendant la première consultation. Le CRMB, l’ARMB et la LMB se sont prononcés pour la nouvelle codification429 tant du droit maritime privé que du droit maritime public qui a été prudemment suggérée dans le livre vert

423 Ainsi p. ex. Haak, K.F., Zwitser, R. et Blom, A., Van haven en handel. Hoofdzaken van het handelsverkeersrecht, Deventer, Kluwer, 2006, 3. 424 Cf. supra, n° 1.23. 425 Cf. supra, n° 1.28. 426 À propos de la distinction en général, voir e.a. Tetley IMAAL, 56-57. 427 Voir, de manière générale, supra, n°. 1.2 et 1.16 et les autres renvois y figurant. 428 Voir à propos de l’art. 2 A.R. du 27 avril 2007 créant une commission chargée de la révision du droit maritime privé et public (MB 29 mai 2007, Ed. 1).

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(Question 5). Ils renvoyèrent entre autres à la facilité d’utilisation et à la cohérence. Au sein de l’ADMB, des voix s’élevèrent pour éventuellement moderniser le droit maritime public dans une phase ultérieure, mais le principe d’une intégration n’a, semble-t-il, pas été remis en question. L’ URAB a estimé nécessaire de régler les fonctions de droit public du capitaine dans le nouveau code, mais n’a pas réagi à la question de principe. La CdA-A a estimé que la révision du droit maritime public était utile, mais n’a pas vu la nécessité de son intégration dans un code maritime. Une des réactions les plus détaillées a été celle de la DG Environnement. Elle a reconnu que l’intégration de certaines parties du droit maritime privé et public dans le but d’aboutir à une nouvelle loi maritime belge claire, cohérente et surtout efficace était « peut-être une piste de réflexion séduisante ». D’après la DG Environnement, une intégration totale de toute la réglementation fédérale concernant la mer est toutefois impossible et n’est en outre pas souhaitable. Elle est impossible en raison du nombre et de la diversité des règles concernées et elle n’est pas souhaitable en raison du caractère propre d’un certain nombre d’ensembles réglementaires. De manière plus concrète, la DG Environnement a rejeté l’intégration, dans le nouveau Code, des règles relatives à la protection du milieu marin. 1.149. En y regardant de plus près, la jonction de la législation maritime publique et privée semble tout à fait indispensable. L’intégration du droit maritime privé et public présente des avantages en matière de clarté, de cohésion et de facilité d’utilisation de la législation. Les questions fédérales qui devraient en principe faire l’objet d’une codification sont entre autres la gestion des domaines maritimes belges, l’enregistrement, la sécurité et le mesurage des navires, le pouvoir juridictionnel pénal à bord des navires étrangers, la sécurité des navires et des ports, le droit de l’environnement marin et le droit maritime économique. Les règles légales concernées sont pour l’instant fort dispersées et personne n’a nié ou ne nie encore que le droit maritime public considéré comme tel a besoin d’une actualisation. Lors du travail d’étude et de rédaction, il est en outre apparu qu’à beaucoup d’égards, les règles de droit public étaient, par leur contenu et sur le plan légistique, imbriquées dans le droit maritime privé. Diverses lois maritimes de droit public existantes font usage de concepts réglés par le droit privé430, renvoient à la loi maritime431 ou en sont indéniablement inspirées432. Inversement, la loi maritime actuelle comprend des concepts et des règles de droit public433. Certaines dispositions de la loi maritime sont même sanctionnées pénalement par une législation de droit public434. Cette imbrication réciproque de dispositions légales actuellement éparpillées implique que l’intégration en un seul code s’impose. Cette intégration est d’autant plus souhaitable que certaines matières ont, de manière intrinsèque, un caractère mixte de droit public et privé435. Si l’on optait pour une codification séparée du droit privé, cela occasionnerait des problèmes sérieux : soit les règles mixtes devraient être séparées de manière artificielle, soit elles devraient, de manière tout aussi

429 La question dans le Livre vert concernait le droit maritime seul. Une question distincte a été posée à propos du droit fluvial. 430 Voir p.ex. l’art. 8-10 de la Loi relative à l’enregistrement des navires concernant le registre des affrètements coque nue. 431 Voir p.ex. l’art. 76 du Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime qui renvoie à l’art. 61 de la Loi maritime. 432 Voir p.ex. l’art. 1, 3° de la Loi sur la sécurité des bâtiments de navigation, par une définition du navire inspirée de l’art. 1 de la Loi maritime. 433 Voir p.ex. art. 272bis de la Loi maritime à propos de l’immatriculation des bateaux de navigation. 434 Voir p.ex. art. 59 et 65 du Code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche. 435 P.ex. la réglementation reprise dans le traité-CLC.

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artificielle, être reprises soit parmi les règles de droit privé, soit parmi les règles de droit public où elles n’ont que partiellement leur place. Enfin, il est intéressant de noter que de manière générale, pour des codifications réussies, on recommande de ne pas décrire le thème de la codification à l’aide d’une branche du droit reconnue de manière académique (en l’espèce, respectivement le droit commercial relatif à la navigation et le droit public relatif à la navigation), mais bien sur la base de la réalité économique ou sociale concrète à régler (en l’espèce l’activité de navigation)436. Dans cette optique également, une séparation entre le droit maritime privé et public constituerait un choix moins heureux. Lors de la préparation de la réforme du droit maritime public, les rapports réciproques entre le Code de la navigation et le droit relatif à la protection du milieu marin feront l’objet d’une attention spécifique. 1.150. Ensuite, la codification groupée du droit maritime public et du droit maritime privé, bien qu’elle ne soit certainement pas courante d’un point de vue international, est appuyée par des exemples étrangers. L’Ordonnance de la marine de 1681, la première codification moderne – et influente sur le plan international - du droit maritime embrasse tant le droit maritime privé que le droit maritime public. L’isolement ultérieur du droit maritime privé a été regretté par divers commentateurs français. Ainsi, Chauveau a estimé que le point de vue selon lequel le droit maritime faisait partie du droit commercial reposait sur une erreur, erreur précisément causée par l’incorporation du droit maritime dans le Livre II du Code de commerce ; il a plaidé pour un retour à la codification commune du droit maritime privé et public, qui contribuerait à une meilleure vision du droit maritime et à une simplification des recherches ; Chauveau a d’ailleurs également préconisé l’incorporation dans le Code de commerce de dispositions ayant un impact de droit public 437. Un auteur comme Danjon a également insisté sur l’impossibilité de séparer de manière absolue le droit maritime public et le droit maritime privé438. Ripert a fait valoir que le droit maritime formait un tout en tant que tel et que d’un point de vue historique, les concepts de droit maritime public et de droit maritime privé étaient en fait vides de sens439. Cette vision de l’unité du droit maritime a trouvé et trouve appui dans de nombreux systèmes juridiques divergents, en particulier dans les systèmes socialistes440. Des lois et codes récents dans lesquels tant le droit maritime privé que le droit maritime public sont codifiés sont en vigueur entre autres en France, en Italie, en Croatie, au Luxembourg, à Monaco, en Norvège, en Russie, au Vietnam et jusqu’à un certain point en Angleterre. Dans des pays où le droit maritime privé et le droit maritime public ne sont pas unifiés par une loi, l’interdépendance des deux domaines est également reconnue par la doctrine441.

436 Dans ce sens, Delnoy, P., « La codification, forme dépassée de législation ? », o.c., in Centre Interuniversitaire de Droit comparé (Ed.), Rapports belges au XIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Anvers / Bruxelles, Kluwer / Bruylant, 1982, (119), 123. 437 Chauveau, 10-11, n°. 6. Il faut remarquer qu’en 1866, la France a procédé à une codification officieuse de la législation maritime de droit public (voir Bonnecase, J., Traité de droit commercial maritime, Paris, Sirey, 1922, 187-188, n° 184; Lyon-Caen, Ch. et Renault, L., Traité de droit commercial, V, Paris, L.G.D.J., 1911, 37, n° 42). 438 Danjon I, 39, n° 15bis. 439 Ripert I, 2, n° 1; voyez déjà supra, n° 1.79. 440 Voir p.ex. Mateesco, Le droit maritime soviétique face au droit occidental, Paris, Pedone, 1966, 139, n° 1. 441 Voir p.ex., pour l’Allemagne, Herber, 2; Rabe, 1, n° 2; Wüstendörfer, 17.

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1.151. Outre les aspects légistiques, la réunion du droit maritime public et du droit maritime privé dans un nouveau code est souhaitable du point de vue plus large d’une politique maritime performante. Elle ne peut que rendre le code plus attrayant. L’introduction d’un code englobant le tout indique aux utilisateurs nationaux et étrangers et aux intéressés que la Belgique a abordé de manière sérieuse la révision de sa législation maritime et que la totalité de la législation a été actualisée. 1.152. L’intégration du droit maritime public dans le nouveau Code belge de la navigation ne peut toutefois pas conduire à ce que le code soit surchargé de règles techniques de détail. Tout comme maintenant, le droit maritime public doit être en grande partie réglé par des règlements d’exécution (arrêtés royaux et ministériels) pour permettre une flexibilité réglementaire. 1.153. Comme indiqué ci-dessus442, la révision du droit maritime public sera préparée en parallèle avec la seconde consultation à propos de la partie de droit privé. On reviendra encore ci-dessous sur la structure du code443. Qu’il soit clair que le volet de droit public encore à préparer du Code belge de la navigation, une fois qu’il aura été achevé, devra être coordonné avec le volet de droit privé. Cela peut conduire à ce que l’Ébauche actuellement présentée du volet de droit privé doive être modifiée.

B. INTÉGRATION DU DROIT DE LA NAVIGATION MARITIME ET INTÉRIEURE 1.154. Une question importante consiste à déterminer si le nouveau Code de la navigation doit également régler la navigation intérieure. D’un point de vue historique, le droit fluvial est distinct du droit maritime qui a par ailleurs connu un développement réglementaire et conceptuel bien plus important. En ce qui concerne le contrat de transport, le transport fluvial a été soumis, dans les codes napoléoniens, aux mêmes règles que le transport terrestre. Dans le Code civil, le contrat de transport fluvial était – et est encore – réglé par la section “Des voituriers par terre et par eau” (art. 1782-1786). Le livre I du Code de commerce de 1804 comprenait une section “Du Voiturier” (art. 103-108 du Livre I), stipulant expressément que ses dispositions étaient communes “aux maîtres de bateaux, entrepreneurs de diligences et voitures publiques”. Le droit maritime était en revanche réglé distinctement par le Livre II du Code. Plus tard, le droit fluvial s’est fortement appuyé sur le droit maritime dans son évolution ultérieure. La loi maritime belge actuelle règle elle-même une grande partie du droit fluvial belge. Le Titre X de la loi maritime déclare en effet une partie importante des dispositions des premiers Titres, applicables, moyennant certaines modifications, aux bateaux intérieurs. Ce choix a été fait lors de la révision de 1908 ; une proposition d’introduire une législation totalement séparée pour la navigation intérieure a alors été rejetée444. Actuellement, le contrat de transport fluvial est régi par une réglementation distincte contenue dans la loi sur l’affrètement fluvial du 5 mai 1936 et la CMNI. La limitation de responsabilité dans le transport fluvial est en partie réglée par un arrêté royal du 24 novembre 1989. 1.155. Dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, le droit fluvial privé est intégré de manière maximale. Ce choix repose sur les considérations suivantes : (1) d’après la première consultation, cette intégration reçoit un large soutien, (2) l’intégration est nécessaire sinon inévitable du point

442 Voir supra, n°. 1.16. 443 Voir infra, n° 1.265. 444 Voir infra, n° 1.160.

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de vue de la légistique, (3) le droit fluvial lui-même est en voie d’actualisation, et (4) l’intégration de la législation maritime et fluviale trouve appui sur quelques exemples étrangers. 1.156. Étant donné qu’il est souhaitable de faire de la nouvelle loi maritime belge un ensemble clair et maniable et eu égard également à la nécessité de moderniser la loi fluviale précitée, dans le livre vert, le groupe d’experts en droit maritime a recommandé (Question 3) de régler le droit fluvial dans le nouveau code. Lors de la première consultation, cette dernière proposition a été explicitement soutenue par la CdA-A, l’ABDM, Febelfin et les CRMB-ARMB-LMB et aucune réaction de rejet n’a été formulée445. Les organisations qui se sont prononcées ont entre autres invoqué les arguments suivants pour justifier l’intégration du droit maritime et fluvial : la fusion de fait de la navigation maritime et fluviale lors de la navigation dans les estuaires et le « Short Sea Shipping », l’utilisation de contrats pour le transport multimodal, la fonction de transbordement des ports belges, le progrès de la navigation fluviale, sa promotion par l’autorité publique et la demande croissante de financement des bateaux de navigation intérieure. On peut donc conclure que lors de la première consultation, la nécessité d’intégrer le droit maritime et fluvial dans un seul code a fait l’unanimité446. 1.157. Outre les motifs cités, il est fortement indiqué, du point de vue légistique, d‘intégrer complètement le droit maritime et le droit fluvial. La structure actuelle de la législation, reprenant une partie des règles de navigation intérieure dans la loi maritime et une partie en dehors, n’est pas attrayante et est source de confusion. Vu l’imbrication, dans la législation actuelle, du droit maritime et fluvial dans le Titre X de la loi maritime, il faut par ailleurs constater qu’une révision du droit maritime est d’emblée impossible sans régler également le droit fluvial. 1.158. Ensuite, le droit fluvial en tant que tel est en voie d’actualisation. Comme indiqué, la loi sur l’affrètement fluvial est largement obsolète. La Belgique doit en outre ratifier la Convention-CLNI. On examinera davantage ces matières dans les Livres bleus ultérieurs. Une révision commune du droit maritime et du droit fluvial permet en tout cas de moderniser cette dernière branche du droit en profondeur. 1.159. Enfin, l’intégration du droit maritime et fluvial, bien qu’elle ne soit certainement pas appliquée dans tous les pays, trouve également appui dans des exemples étrangers, dont l’exemple néerlandais. Le droit fluvial néerlandais s’est développé de manière plus ou moins parallèle au droit fluvial belge : à l’origine, il était aussi traité comme parent pauvre par une réglementation générale dans le Code de commerce du contrat de transport terrestre et un renvoi aux règles du droit maritime, mais sans droit fluvial autonome447. Actuellement, le droit fluvial est réglé de manière intégrale et distincte par la Partie III du Livre 8 du Code civil néerlandais. D’autres exemples de codification du droit maritime et fluvial sont le Codice della navigazione448 italien et le nouveau Code des transports449 français.

445 Les réponses à la question distincte dans le Livre vert de savoir si la matière régie par la Loi sur l’affrètement fluvial doit être réglée dans le nouveau code (Question 4), seront traitées dans le Livre bleu sur le fret et le transport. 446 Il faut toutefois mentionner qu’aucune organisation belge de transport fluvial n’a répondu à cette question. 447 Voir Verhoeve, J., Het nieuwe Binnenvaartrecht, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1954, 5-6; Völlmar, 382, n° 428. 448 Voir supra n° 1.139 et infra, n° 1.162. 449 Voir supra n° 1.136.

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1.160. Le droit de la navigation intérieure peut être intégré de deux manières différentes dans le nouveau Code belge de la navigation. Il est tout d’abord possible, comme c’est actuellement le cas dans la loi maritime, de rendre applicable une série de dispositions tant aux navires de mer qu’aux bateaux d’intérieurs ou tant pour la navigation maritime que pour la navigation fluviale avec, d’une part, là où c’est nécessaire, des dérogations spécifiques respectivement pour les bateaux d’intérieur et la navigation intérieure, et d’autre part, en reprenant des règles particulières propres aux bateaux d’intérieurs ou à la navigation intérieure (par exemple les règles de la CLNI et de la CMNI). L’alternative consiste à régler la navigation maritime et la navigation intérieure dans deux parties distinctes réglant chacune intégralement chaque matière. Cette manière de procéder a été envisagée concrètement (mais n’a finalement pas été suivie) pendant la préparation de la loi maritime de 1908450. D’après les travaux parlementaires, cela aurait eu pour avantage de permettre une meilleure connaissance de la législation par les bateliers intérieurs souvent moins formés ; un code fluvial distinct aurait pu servir comme une sorte de vade-mecum du batelier intérieur451. Aujourd’hui, le Livre 8 du Code civil néerlandais est un exemple de cette manière de procéder. Le fait que l’on n’ait pas opté, aux Pays-Bas, pour le renvoi ou la fusion s’explique par des motifs "émotionnels" mais également parce que les praticiens du droit fluvial ne trouvent pas leur compte dans des références à un domaine du droit inconnu où valent d’autres lignes directrices générales452. Dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, on a toutefois opté pour la première méthode, à savoir une réglementation commune de la navigation maritime et fluviale avec, là où c’est nécessaire, quelques règles propres ou dérogations pour ce dernier secteur. Ce choix est fondé sur divers motifs. Compte tenu du but, qui est de réaliser une codification la plus complète possible453, l’alternative consistant en deux corps de règles complets pour la navigation maritime et pour la navigation intérieure aurait pour résultat de rendre le code excessivement volumineux. Deuxièmement, la possibilité d’avoir une connaissance globale la législation se trouve de toute manière améliorée par le réaménagement, le regroupement et l’intégration de l’ensemble de la législation sur la navigation. Troisièmement, les praticiens du droit qui exercent le droit maritime et le droit fluvial sont en grande partie les mêmes. Du point de vue de la pratique juridique non plus, des corps de règles intégralement distinctes ne sont pas nécessaires. Quatrièmement, du point de vue de l’histoire du droit, les concepts du droit fluvial sont issus du droit maritime. Dans cette perspective non plus, il n’y a pas la moindre nécessité, sur le plan du contenu, d’avoir deux corps de règles distincts.

450 Voir les propositions de texte concrètes dans D.P. Chambre, 1896-97, n° 92 et 1902-03, n° 224; voir aussi Smeesters-Winkelmolen I, XXV-XXVI. 451 D. P. Chambre, 1904-05, n° 174, 2-4. 452 PG Boek 8 NBW ; voir aussi Schadee, H., “A Method Of Drafting A “Code of Transport””, LMCLQ 1977, 37-38. 453 Voir supra n° 1.69 e.s.

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Cinquièmement, les bateliers intérieurs sont aujourd’hui bien mieux formés qu’il y a cent ans. L’ancien argument concernant la possibilité, pour le batelier intérieur, de connaître la législation doit donc être fortement relativisé. Il n’y a donc pas de motifs décisifs pour élaborer, à côté d’une codification du droit maritime, une codification intégrale séparée du droit fluvial454.

C. DÉLIMITATION AU REGARD DES AUTRES DROITS DU TRANSPORT 1.161. Le Livre vert n’a pas soulevé de question distincte concernant le rapport entre le nouveau code et le reste du droit du transport. Néanmoins, un certain nombre d’organisations ont abordé cette question. Ainsi, il a été question, au sein de l'ABDM, de la possibilité de l’instauration d’un Code global du transport. 1.162. Alors que la révision du droit maritime sans le droit fluvial est, du point de vue légistique et par rapport à la politique, irréaliste sinon impossible, une révision simultanée du reste du droit du transport s’impose moins. Ceci vaut certainement pour la législation spécifique relative aux autres modes. Il n’est pas nécessaire, dans le cadre de la préparation d’un nouveau code de la navigation, de modifier également la législation de droit privé relative au transport par route, par rail ou aérien. Bien qu’elle soit parfois difficile à trouver, cette législation est raisonnablement actualisée455. Quoique les diverses branches du droit du transport présentent des caractéristiques communes et ont, d’un point de vue historique, été influencées les unes par les autres – avec, indiscutablement, une inspiration si pas une influence dominante du droit maritime – il n’y a pas pour autant lieu de tenter coupler ces règles par la voie législative. Premièrement, les régimes juridiques concernant les divers modes de transport se sont développés à l’écart les uns des autres, avec une réglementation, une jurisprudence et une doctrine propres. Ainsi, le droit aérien s’est rapidement développé en un domaine juridique distinct, et de nombreux auteurs sont très tôt montés au créneau de l’autonomie du droit aérien456. L’expérience italienne de 1942, osée, mais qui possède néanmoins un soutien théorique, de réunir dans un seul code le droit maritime, fluvial et aérien, a dès lors suscité des critiques457. Deuxièmement, un alignement est actuellement irréaliste puisque pour chaque mode de transport, de plus en plus de règles distinctes sont élaborées d’un point de vue international et

454 Pour certaines choses, comme la définition du navire de mer et du bateau d’intérieur, et les règles de l’avarie commune, on fait primer le droit maritime sur le droit fluvial. 455 Il faut indiquer entre autres : - art. 38 L. 3 mai 1999 relative au transport de choses par route (MB 30 juin 1999), quant à l’application de la Convention CMR au transport routier national. - les Règles Uniformes relatives au contrat de transport international ferroviaire de passagers (CIV – Annexe A du Traité) (MB 30 août 2007); - les Règles Uniformes relatives au contrat de transport international ferroviaire de biens (CIV – Annexe B du Traité) (MB 30 août 2007); - L. 13 mai 2003 portant assentiment à la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, faite à Montréal le 28 mai 1999 (MB 18 mai 2004). 456 Voir p.ex.. de Juglart, M., Traité élémentaire de droit aérien, Paris, R. Pichon et R. Durand-Auzias, 1952, 11-18, n°s. 3-8. 457 Voir e.a. de Juglart, M., Traité élémentaire de droit aérien, o.c., 11, n° 3 et 13, n° 5.

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même européen. Par conséquent, il est d’emblée impossible, pour un législateur national, d’uniformiser le droit du transport458. 1.163. Il est toutefois souhaitable, en partie même inévitable, à l’occasion de l’introduction du Code belge de la navigation, de prendre quelques mesures spécifiques sur le plan du droit général du transport. Cela vaut en premier lieu pour le droit des assurances du transport. Actuellement, les assurances maritimes et fluviales sont réglées par la loi maritime. Si la loi maritime est révisée et que le Titre relatif aux assurances qui en fait partie est abrogé, une réglementation alternative adéquate doit être instaurée. Cette problématique ne peut être appréhendée d’une manière indépendante de la réglementation relative aux assurances transports en général. De ce point de vue, une nouvelle législation relative aux assurances transports sera proposée dans un Livre bleu distinct. Dans un même ordre d’idées, une proposition en vue d’une nouvelle réglementation du contrat de transport en général peut être élaborée. A l’occasion de la rédaction de nouvelles règles relatives au contrat de transport maritime et fluvial, une nouvelle réglementation est à envisager pour remplacer les dispositions désuètes et peu pertinentes du Code civil et du Code de commerce. L’introduction éventuelle d’un régime légal relatif au transport multimodal sera encore envisagée plus amplement, aussi à la lumière de l’option finale par rapport aux Règles de Rotterdam. Il faudra également encore examiner de plus près si une loi est nécessaire à propos du contrat d’expédition. Il va de soi qu’une éventuelle proposition à ce sujet ne peut demeurer limitée à l’expédition dans le cadre du transport maritime et fluvial.

D. DÉLIMITATION AU REGARD DU DROIT COMMUN 1.164. La relation entre le droit maritime privé et le droit commun, civil et commercial, mérite également une attention particulière. La question de savoir si le droit maritime constitue une branche du droit autonome n’est nullement d’un intérêt purement académique. Sur le plan légistique, se pose d’abord la question de savoir si, et dans l’affirmative, dans quelle mesure, l’on peut, dans la législation maritime s’appuyer subsidiairement sur le droit commun ou même y renvoyer explicitement. Ensuite vient la question de savoir si une nouvelle législation maritime, en cas d’imprécision, doit de préférence être interprétée à la lumière de la spécificité du droit maritime ou bien dans la ligne des principes juridiques de droit commun. 1.165. Dans le Livre vert, on s’est demandé s’il était souhaitable, là où c’était pertinent, de préciser le rapport entre la nouvelle loi maritime belge et les autres normes juridiques, parmi lesquelles le Code civil et le Code de commerce (Question 20). Cette question a reçu une réponse positive du CRMB-ARMB-LMB. La CdA-A a mentionné la nécessité de cadrer la nouvelle loi maritime belge au sein de l’ensemble plus large du droit commercial belge et du droit belge des obligations, et ce faisant, d’être également attentif aux questions transfrontalières avec d’autres grands systèmes juridiques comme le système juridique anglo-saxon, que ceux-ci soient ou non arrivés jusqu’à nous au travers des traités (par exemple le concept de due diligence) et également au système juridique européen. Il y a ensuite des dispositions spécifiques de droit maritime, comme la limitation de responsabilité, certaines règles techniques

458 Cfr. Schadee, H., “A Method Of Drafting A “Code of Transport””, LMCLQ 1977, 37-38.

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en matière de saisies, les règles en matière de faux fret et de demi-fret, certains motifs d’exonération de responsabilité et le droit de délaissement. 1.166. Le rapport entre la loi maritime, d’une part, et le droit civil ainsi que le droit commercial commun, d’autre part, n’est pas fixé dans la loi maritime. Le fait que le livre I du Code de commerce soit également applicable à la navigation maritime et intérieure peut être déduit de l’indication explicite comme acte de commerce459 de "toute entreprise de travaux publics ou privés, de transports par terre, par air ou par eau” par l’article 1, cinquième tiret du Titre I et des opérations et contrats suivants par l’article 3 du même Titre:

- Toute entreprise de construction et tout achat, vente ou revente volontaire de bâtiments pour la navigation intérieure et extérieure; - toute expédition maritime; - tout achat ou vente d’agrès, apparaux et avitaillements; - tout affrètement ou nolissement, emprunt ou prêt à la grosse; - toutes assurances et autres contrats concernant le commerce de mer; - tous accords ou conventions pour salaires et loyers d’équipage; - tout engagement de gens de mer, pour le service de bâtiments de commerce.

Ensuite, l’article 3 de la loi générale sur les assurances inséré dans le titre X du Livre I du Code de commerce énonce ce qui suit :

Les dispositions du présent titre, auxquelles il n’est point dérogé par des articles spéciaux, sont applicables aux assurances maritimes, ainsi qu’aux assurances sur le transport par terre, rivières et canaux. Elles ne sont pas applicables aux assurances soumises à la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre.

L’article 1107 du Code civil contient une disposition-pivot générale à propos des contrats :

Les contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d’eux; et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce.

Ce dernier renvoi peut bien entendu être considéré comme renvoyant également à la loi maritime. L’article 1786 du Code civil, qui est la dernière disposition de la section "Des voituriers par terre et par eau", dispose :

Les entrepreneurs et directeurs de voitures et roulages publics, les maîtres de barques et navires, sont en outre assujettis à des règlements particuliers, qui font la loi entre eux et les autres citoyens.

Cette dernière disposition ne comprend pas de renvoi au droit commercial maritime et fluvial. De manière spécifique à propos des assurances et prêts à la grosse aventure, l’article 1964 du Code civil dispose :

Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain.

459 Voyez déjà supra, n° 1.85.

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Tels sont, Le contrat d’assurance, Le prêt à grosse aventure, Le jeu et le pari, Le contrat de rente viagère. Les deux premiers sont régis par les lois maritimes.

Ce dernier texte donne, à tort, l’impression qu’il n’existe que des assurances maritimes. Cela s’explique historiquement par le fait que le contrat d’assurance s’est d’abord développé dans le commerce maritime. La seule législation relative au contrat d’assurance a longtemps été celle concernant l’assurance maritime, et effectivement, le droit maritime a longtemps été appliqué par analogie aux litiges concernant des assurances terrestres460 – une illustration frappante de l’autonomie historique du droit maritime vis-à-vis du droit civil461. Une disposition pivot intéressante est reprise dans l’article 11 de la loi hypothécaire (à l’origine article 2120 du Code civil462) ; elle énonce :

Il n’est rien innové par le présent code aux dispositions des lois maritimes concernant les navires et bâtiments de mer.

L’article 531 du Code civil, qui dispose que les bateaux et navires sont des biens meubles, ne fait pas de lien avec le droit maritime et fluvial463. 1.167. À défaut de plus amples indications dans la législation, il faut en revenir aux principes généraux relatifs à la relation entre le droit commercial et le droit civil. Traditionnellement, on estime que le droit commercial est un droit d’exception par rapport au droit civil, de sorte qu’il doit être interprété de manière restrictive et que le droit civil s’applique automatiquement lorsqu’il n’y a pas de règle spécifique de droit commercial. En 1874, la Cour de Cassation a jugé que le droit commercial “formant une exception au droit commun” n’est soumis aux règles du droit civil que dans les cas qui ne sont pas réglés par les lois et usages commerciaux464. La doctrine plaide pour la coordination du droit commercial et du droit civil, puisqu’ils reposent sur les règles communes du droit des obligations et du droit des contrats465. 1.168. Dans l’Ébauche de nouveau Code belge de la navigation, on opte tout d’abord pour un énoncé formel maximal de la relation entre le nouveau code et le reste, à savoir la législation de droit commun. Divers chapitres de l’Ébauche contiennent plus précisément un article distinct dans lequel la relation avec une autre réglementation est précisée de manière univoque, et dans lequel on précise, par exemple, si certains chapitres ou règles du Code civil, du Code de commerce ou d’autres lois s’appliquent également, en même temps ou de manière supplétive. Ces ajouts visent promouvoir la sécurité juridique. Des renvois croisés à d’autres lois apparentées sont

460 Voir e.a.. Alauzet, I., Traité général des assurances, II, Paris, Cosse / N. Delamotte, 1844, 296-297, n° 400; Laurent, F., Principes de droit civil, XXVII, Brussel / Paris, Bruylant-Christophe / A. Durand et Pedone Lauriel, 1877, 210, n° 193; Zachariae, K.-S., Le droit civil français, V, Paris, Auguste Durand, 1860, 19, § 744, renvoi 1. 461 À propos de l’autonomie du droit maritime, voir infra, n° 1.189 e.s. 462 Voyez l’actuel art. 2399 du Code civil français. 463 Voyez notamment à ce sujet Beltjens, G., Encyclopédie du droit civil belge. Code civil, I, Liège, Jacques Godenne, 1891, 398; Demolombe, C., Cours de droit civil, V, Bruxelles, J. Stienon, 1854, 94, nos 397-398; Fuzier-Herman, E., Code civil annoté, Paris, 639-640; Pailliet, J.-B.-J., Manuel de droit civil, Bruxelles, 1834, 178, renv. (a). 464 Cass. 21 mai 1874, Pas. 1874, I, 220. 465 Voyez p.ex.. Frédéricq, L., Handboek van Belgisch handelsrecht, I, Bruxelles, Bruylant, 1976, 11-12, n° 1; Van Ryn-Heenen I, 29-30, n° 16; cf. infra, n° 1189, dans le renvoi sur le droit français ; cf. plus précisément Fredericq, S., De eenmaking van het burgerlijk recht en het handelsrecht, Anvers, De Sikkel, 1957, 577 p.; comp. par ailleurs e.a. Namur, P., Le code de commerce belge, I, Bruxelles, Bruylant-Christophe, 1884, 3, n° 3.

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par ailleurs recommandés pour réaliser de bonnes codifications466. Les dispositions présentées dans l’Ébauche de Code belge de la navigation mettent l’accent sur et soulignent l’autonomie du droit maritime comme branche du droit467. A contrario, il est utile d’insérer dans les codes ‘de droit commun’ des renvois au Code belge de la navigation. 1.169. Dans les dispositions finales de la loi instaurant le Code belge de la navigation, quelques modifications des dispositions-charnières du Code civil et du Livre I du Code de commerce seront également proposées. 1.170. En ce qui concerne enfin l’interprétation du Code de la navigation, on a opté résolument pour l’insertion d’une disposition explicite imposant une interprétation du code se rattachant à la spécificité du droit maritime plutôt qu’aux règles du droit commun, qui sont souvent inadaptées à la réalité de la navigation et de l’activité portuaire et conduisent à des solutions très étranges. Ce faisant on souligne également l’autonomie du droit maritime. De manière complémentaire, comme expliqué plus loin, on retrouve comme point d’appui les règles internationales usuelles de droit maritime468.

E. CODE BELGE DE LA NAVIGATION, LOI GÉNÉRALE SUR LE TRANSPORT ET LA LOI

D’INTRODUCTION. 1.171. Compte tenu de ce qui précède, il semble utile de promulguer, outre le Code belge de la navigation, une nouvelle loi générale relative au transport. On peut reprendre dans cette dernière les nouvelles règles propres relatives à l’assurance transport, au contrat de transport en général, et, le cas échéant, au transport multimodal et au contrat d’expédition.469. 1.172. Par ailleurs, il est indiqué de faire une distinction entre le Code belge de la navigation en tant que tel et une loi d’introduction y afférente. Cette dernière peut régler la promulgation formelle et l’entrée en vigueur du code, en ce compris les dispositions finales (parmi lesquelles les dispositions modificatives, abrogatoires et transitoires). Le code en tant que tel demeure alors un ensemble achevé comprenant exclusivement le régime juridique matériel. Une méthode de travail similaire a été suivie lors de la promulgation du Code judiciaire470. Aux Pays-Bas et en Allemagne également, on utilise souvent des lois d’accompagnement lors de nouvelles codifications471. La loi d’introduction peut évidemment contenir la disposition obligatoire à propos de la procédure parlementaire472. 1.173. Il est préférable de ne faire entrer le nouveau Code belge de la navigation en vigueur que lorsqu’il sera entièrement achevé et lorsque les arrêtés d’application nécessaires pourront également entrer en vigueur. La méthode utilisée en son temps aux Pays-Bas pour faire entrer en

466 Voir Delnoy, P., « La codification, forme dépassée de législation ? », in Centre interuniversitaire de droit comparé (Ed.), Rapports belges au XIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Anvers / Bruxelles, Kluwer / Bruylant, 1982, (119), 123-124. 467 Voir plus précisément infra, n° 1.189. 468 Voir infra, n° 1.206. 469 Voir infra, n° 1.295. 470 Loi du 10 octobre 1967 portant le Code judiciaire (MB 31 octobre 1967). Cf., dans le domaine de la réglementation de droit public relative à la navigation, A.R. 24 septembre 2006 portant fixation du règlement général de police pour la navigation sur les eaux intérieures du Royaume (MB 3 octobre 2006) et arrêté Gouv. flam. 18 novembre 2005 confirmant le règlement des tarifs du canal Bruxelles-Escaut (MB 21 mars 2006). 471 Voir p.ex. les Lois d’exécution et les lois transitoires relatives au Code civil néerlandais et le Einführungsgesetz zum Handelsgesetzbuch (EGHGB). 472 Voir à ce sujet supra, n° 1.21.

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vigueur le Livre 8 du nouveau Code civil alors qu’il n’était pas terminé473 ne mérite pas d’être suivie, à moins que lors de la deuxième consultation, n’apparaisse une nécessité urgente de promulguer certaines règles plus tôt.

2.2.2.3. ÉLABORATION APPROFONDIE VIA DES LIVRES BLEUS

A. APERÇU 1.174. La division interne des Livres bleus suit grosso modo (mais pas exactement) la structure du volet de droit privé du Code belge de la navigation, structure qui sera plus amplement détaillée474. Concrètement, la première série de Livres bleus comporte les parties suivantes: - Livre bleu 1 (le présent rapport): Commentaire général - Livre bleu 2: Dispositions générales (sources et interprétation) et autorités - Livre bleu 3: Navires - Livre bleu 4: Armateurs - Livre bleu 5: Marins - Livre bleu 6: Affrètement et transport - Livre bleu 7: Agents maritimes et manutentionnaires - Livre bleu 8: Incidents maritimes - Livre bleu 9: Assurance transport - Livre bleu 10: Droit procédural de la navigation - Livre bleu 11: Ebauche coordonnée du Code belge de la navigation - Livre bleu 12 : Résultats de la deuxième consultation publique. 1.175. Dans cette structure, il faut souligner que les nombreuses définitions de notions qui, dans le texte final du Code belge de la navigation, seront reprises dans un titre avec les ‘Dispositions générales’475, sont, dans les Livres bleus susmentionnés, séparées de manière thématiques et présentées avec le Titre, le Chapitre ou la Section auquel elles se rapportent principalement. Ainsi, les définitions du navire, du navire de mer, du bateau de navigation intérieure, bien qu’elles soient également d’application aux autres chapitres, sont expliquées dans le Livre bleu sur le statut des navires afin de faciliter la consultation. Il en va mutatis mutandis de même pour des définitions comme celle de propriétaire de navire, commandant, manutentionnaire, avarie et autres concepts centraux. 1.176. Au sujet du Livre bleu 12, il faut préciser qu’on y réserve une place à la publication des réactions que les intéressés formuleront dans le cadre de la seconde consultation publique. Cette publication sous forme de livre renforce la transparence du processus de révision. 1.177. La publication de tous les Livres bleus sous forme de livre a également pour but de faciliter la solution de questions d’interprétation ultérieures. Les rapports du processus officiel de révision pourront par la suite servir comme partie des travaux préparatoires.

473 Voir à ce sujet e.a. Korthals Altes-Wiarda, 16; Oosterveen, W.J.G., « Vervoersrecht in Boek 8 BW », in Oosterveen, W.J.G. e.a., Vervoersrecht in Boek 8 BW, Deventer, W.E.J. Tjeenk Willink, 1997, 1-22. 474 Voir infra, n° 1.247 e.s. 475 Certains dans le Livre 1, d’autres dans les Livres 2 ou 3, selon le cas.

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B. STRUCTURE INTERNE 1.178. Pour faciliter la seconde consultation publique et l’utilisation ultérieure comme outil d’interprétation, la structure interne des divers Livres bleus est dans une large mesure standardisée. En principe, on suivra le schéma suivant pour chaque thème :

A. Réglementation actuelle A.1. Textes légaux pertinents A.2. Appréciation a) Critique générale b) Critique à la lumière des règles internationales et européennes c) Critique à la lumière de la législation étrangère - Allemagne - Angleterre - France - Luxembourg - Pays-Bas - Autres pays d) Critique à la lumière des intérêts concernés - Points de vue pendant la première consultation - Appréciation plus approfondie des intérêts concernés e) Conclusion B. Nouvelle réglementation proposée B.1. Article 1er. [Intitulé] a) Texte légal b) Commentaire B.2. Article 2. [Intitulé] a) Texte légal b) Commentaire Etc.

Grâce à cette division, une distinction claire est faite entre la présentation et la critique du droit en vigueur (A. Réglementation actuelle) et les propositions de nouvelle réglementation (B. Nouvelle réglementation proposée). Sous le point A.1. Textes légaux pertinents, pour faciliter l’étude, les textes légaux actuellement en vigueur sont à chaque fois cités (en ce qui concerne la loi maritime, en principe, in extenso). Sous le point A.2. Appréciation suit une critique du contenu de cette législation qui comprend à chaque fois les éléments suivants : a) Critique générale, c’est-à-dire une appréciation intrinsèque, d’un point de vue légistique, compte tenu de la jurisprudence et de la doctrine belges ; b) Critique à la lumière des règles internationales et européennes, c’est-à-dire un contrôle du droit belge en vigueur par rapport aux normes internationales (le cas échéant européennes) ; c) Critique à la lumière de la législation étrangère, c’est-à-dire une comparaison critique de la législation belge avec celle des pays limitrophes et éventuellement d’autres pays possédant une réglementation pertinente par rapport au thème en question ;

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d) Critique à la lumière des intérêts concernés, c’est-à-dire un aperçu des points de vue exprimés à propos du thème pendant la première consultation, et une propre appréciation plus approfondie des intérêts concernés, avec éventuellement une évaluation d’alternatives législatives ; e) Conclusion, c’est-à-dire résumé de l’analyse critique approfondie avec des conclusions relatives à la direction qui doit de préférence être prise par la nouvelle législation. Sous le point B. Nouvelle réglementation proposée, nous présentons les nouvelles dispositions légales (a) Texte légal), avec à chaque fois un commentaire par article (b) Commentaire). Les numéros de titres et d’articles sont précédés d’un chiffre qui indique le numéro du Livre bleu (par exemple : n° 1.1, n° 1.2 et article 1.1, 1.2, etc…) ceci afin d’augmenter la facilité d’utilisation des Livres bleus. 2.2.3. LIGNES DE FORCE MATÉRIELLES

2.2.3.1. ÉQUILIBRE ENTRE ORIENTATION INTERNATIONALE ET SPÉCIFICITÉ NATIONALE

A. ADHÉSION AUX DÉVELOPPEMENTS INTERNATIONAUX 1.179. Une des caractéristiques les plus frappantes du droit maritime est qu’il s’agit d’un droit cosmopolite par excellence476. La convergence internationale du droit maritime élaborée à travers les siècles constitue d’après certains auteurs la raison principale pour faire du droit maritime une branche du droit autonome477. Le fait que le droit maritime national doit avoir une inspiration internationale est presque un lieu commun et a été par exemple confirmé comme suit dans la décision The Lottowanna de la Cour suprême des États Unis de 1874 :

The maritime law is part of the law of nations, one of the great beauties of which is its universality. Uniformity has been declared to be its essence. The worst maritime code would be one which should be dictated by the separate interest and influenced by the peculiar manner of only one people 478

Comme indiqué ci-dessus, le droit maritime belge – déjà trop dépassé – doit, par l’introduction du nouveau Code belge de la navigation, se rattacher à nouveau aux tendances internationales479. Ceci peut non seulement renforcer le pouvoir d’attraction et la position concurrentielle du secteur maritime belge, mais aussi promouvoir l’efficience du système international de transport et de commerce. L’uniformité internationale entraîne une souplesse du régime juridique et une diminution des litiges et des coûts et contribue substantiellement à la facilitation des relations commerciales480. À ce propos, la Belgique doit reprendre sa politique traditionnelle consistant à contribuer elle-même de manière maximale à l’uniformisation internationale du droit maritime, et, par extension,

476 Cf. la première phrase de la première circulaire du Comité Maritime International du 2 juillet 1896 (Bulletin de l’Association belge pour l’unification du droit maritime, n° 1, 1er février 1897, Anvers, J.-E. Buschmann, 1897, 8); p. ex. également Danjon I, 22-23, n° 11. 477 Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, 23; voir déjà supra, n° 1.26 et 1.30. 478 The Lottawanna, 88 US 558, 565-566. Cf. déjà dans le même sens Pardessus, J.M., Collection de lois maritimes antérieures au XVIII e siècle, I, Paris, Imprimerie royale, 1828, 3:

Le plus mauvais code civil seroit celui qu’on destineroit à tous les peuples indistinctement; le plus mauvais code maritime, celui qui n’auroit été dicté que par l’intérêt spécial et l’influence particulière des moeurs d’un seul peuple.

479 Voir déjà supra, n° 1.26, 1.53 et 1.131. 480 Cf., plus récemment, Sturley, M.F., “Transport law for the twenty-first century: an introduction to the preparation, philosophy, and potential impact of the Rotterdam Rules”, in Thomas, D.R. (Ed.), A New Convention for the Carriage of Goods by Sea – The Rotterdam Rules, Witney, Lawtext, 2009, (1), 28-30.

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du droit de la navigation. Cette politique a trouvé son expression dans l’organisation des premiers congrès internationaux sur le droit maritime, dans la fondation du CMI, dans la prompte et systématique ratification des traités d’uniformisation et dans l’extension nationale presque systématique de leur champ d’application481. Les (re)codifications étrangères ont également eu pour point de départ de rattacher la législation nationale aux standards internationaux. Un exemple récent est le Code maritime chinois de 1992482. Lors de la préparation du Livre 8 du Code civil néerlandais, on a également veillé à ne pas trop faire s’écarter le droit maritime néerlandais des concepts courants sur le plan international483. 1.180. Dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, le rattachement plus étroit aux développements internationaux est réalisé au moyen de diverses techniques. On a tout d’abord veillé à ce que la Belgique intègre de manière maximale les traités d’uniformisation internationaux courants, en les transposant en droit belge et, là où c’est nécessaire, en élargissant leur champ d’application aux relations nationales484. Ensuite, là où c’est pertinent, on a tenu compte des règles internationales de soft law, comme les Procedural Rules Relating to Limitation of Liability in Maritime Law du CMI de 2008. Troisièmement, comme déjà exposé, on a porté beaucoup d’attention à une préparation de droit comparé485. Nous avons également déjà exposé que nous incluons dans l’Ébauche de Code belge de la navigation une interprétation des textes des conventions autonome ou conforme486. Plus encore, la disposition évoquée doit également imposer une interprétation qui favorise l’uniformisation internationale du droit maritime et tient compte des principes de droit maritime487 généralement reconnus du point de vue international. Eu égard à la position centrale de la Belgique et à l’avantage offert par son solide bagage linguistique488, l’on peut attendre de nos cours et tribunaux et de notre doctrine une orientation internationale se traduisant par un effort de droit comparé et une lecture uniformisante du droit de la navigation. 1.181. On ne peut exclure que les travaux relatifs au Code belge de la navigation contribueront dans une phase ultérieure à l’harmonisation du droit maritime. À cet égard, il est intéressant de noter la réaction au Livre vert formulée par le Procureur général près la Cour de Cassation Leclercq à l’occasion de la journée d’étude organisée par la Cour de justice Benelux le 9 octobre 2009 :

Je pose avec une certaine audace les questions suivantes. Et si on profitait de la préparation d'un nouveau Code belge de la navigation pour rédiger un seul Code maritime Benelux dont l'interprétation serait confiée à la Cour de Justice Benelux? Et si en plus d'un seul Code maritime Benelux, on examinait

481 Voir déjà supra, n° 1.26. 482 Li-Ingram, 6. 483 Voir ; p.ex., à propos des règles nationales en matière de responsabilité du propriétaire de navire, qui ont été annulées par le Commissaire du gouvernement, PG Boek 8 NBW, 344:

Geheel los van deze argumenten hecht de ondergetekende er waarde aan, dat het Nederlandse zeerecht op dit stuk niet een van de gangbare opvattingen geheel afwijkend standpunt zal innemen en naar reeds blijkt uit bovengenoemd Eindverslag stelt hij dan ook voor deze persoonlijke aansprakelijkheid van de reder uit de wet te verwijderen.

484 Voir à ce sujet déjà supra, n° 1.94. 485 Voir supra, n° 1.130-1.141. 486 Voir supra, n° 1.125. 487 A ce dernier sujet, voir aussi infra, n° 1.206. 488 C’est a fortiori important pour la Belgique; comp., pour ce qui concerne l’avantage de la connaissance de la langue anglaise aux Pays-Bas, Smeele, F.G.M., “Eenvormig zeerecht: doelstellingen en verwezenlijking”, in De Ly, F., Haak, K.F. et van Boom, W.H. (Red.), Eenvormig bedrijfsrecht: realiteit of utopie ?, La Haye, Boom, 2006, (225), 248.

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l'éventualité de créer à plus long terme des Tribunaux spécialisés en transport sur tout le territoire du Benelux, avec, en cas d'appel et en cas de pourvoi en cassation, la Cour de Justice serait compétente?489

Les participants à cette consultation publique et en particulier également les intéressés néerlandais et luxembourgeois sont invités à se prononcer sur ces suggestions intéressantes.

B. MAINTIEN DE CARACTÉRISTIQUES NATIONALES 1.182. Il a été exposé ci-dessus que d’un point de vue formel, le droit maritime belge a un caractère traditionnel, d’orientation internationale, éclectique et pragmatique. On a précisé que ces caractéristiques ne doivent en aucune manière être abandonnées, pour autant que certaines imperfections soient corrigées, à savoir le vieillissement de la législation et le manque de soutien théorique490. 1.183. Il ne faut pas davantage créer de bouleversement en ce qui concerne la balance des intérêts qui sert de fondement au droit maritime belge en vigueur. Comme démontré ci-dessus, le secteur maritime belge comprend divers sous-secteurs qui ont chacun un poids économique important491. L’Ébauche de Code belge de la navigation veille à renforcer la position de chacun des sous-secteurs sans que cela désavantage les autres. Ceci sera commenté en détail dans les Livres bleus ultérieurs. On peut se contenter ici de quelques indications sommaires et incomplètes sur base desquelles on ne peut en aucune manière tirer de conclusions à propos d’un résultat net en faveur ou en défaveur de tel ou tel secteur individuel. 1.184. Le poids important des intérêts de la cargaison a incontestablement laissé son empreinte sur le développement du droit maritime belge avec le soutien de la doctrine qui fait autorité492. En effet, on compte traditionnellement le droit maritime belge parmi les systèmes juridiques maritimes favorables à la cargaison. Le droit maritime des États-Unis d’Amérique appartient entre autres à cette catégorie. Le droit maritime de pays voisins comme l’Angleterre et les Pays-Bas est moins orienté vers la cargaison et la législation maritime luxembourgeoise, bien qu’elle soit influencée par le droit maritime belge, semble presque exclusivement inspirée des nécessités du registre des navires et des armateurs. Le caractère favorable à la cargaison du droit maritime belge s’exprime entre autres par la théorie dite de la responsabilité de droit réel du propriétaire du navire et l’application très généreuse en Belgique, à propos de la cargaison, de la Convention de 1926 sur les privilèges maritimes et de la Convention de 1952 sur la saisie de navires. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que certaines particularités spécifiques du droit maritime belge sont plutôt défavorables aux intérêts de la cargaison. Citons comme exemples la quasi-immunité du manutentionnaire à l’encontre des demandes des intéressés à la cargaison, le fait bien ancré dans les usages portuaires que les marchandises sur le quai y demeurent à leurs propres risques, et l’interprétation restrictive du champ d’application impératif des Règles de La Haye par la Cour de cassation. Cela indique qu’il s’agit d’un exercice difficile que de caractériser le droit maritime belge actuel à la lumière des intérêts protégés.

489 Leclercq, J.-F., “Le fonctionnement de la Cour de Justice Benelux et sa position dans un cadre international plus vaste ”, discours prononcé lors de la journée d’étude organisée par la Cour de justice Benelux le 9 octobre 2009, www.courbeneluxhof.be, 13, n° 8. 490 Voir supra, n° 1.24 e.s. 491 Voir supra, n° 1.44 e.s. 492 Voir p.ex. le renvoi explicite aux documents parlementaires où il est question de la Belgique, “pays producteur et vivant de ses exportations”, dans un litige de principe relatif au champ d’application des Hague Rules: Cass. 9 juin 1932, JPA 1932, 259.

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Lors d’une recodification complète du droit maritime, trouver un juste équilibre constitue un défi important. Cela ressort par ailleurs également de certaines réactions pendant la première consultation sur base du Livre vert. Le degré de difficulté de cet exercice d’équilibre est encore plus amplement illustré par le fait que les décideurs et les experts juridiques semblent souvent ne pas tomber d’accord à propos de l’interprétation d’un certain nombre de règles par rapport aux intérêts en jeu. Le perpétuel débat international quant à la justesse de l’équilibre des intérêts dans les Règles de Rotterdam en est une illustration récente. L’Ébauche de Code belge de la navigation n’abandonne par le caractère favorable aux intérêts de la cargaison du droit maritime belge. L’applicabilité de la Convention sur la saisie de navires de 1952 et du privilège maritime sur les créances de la cargaison est maintenue. À certains égards, le caractère favorable aux intérêts de la cargaison est même encore renforcé, par exemple en permettant des actions à l’encontre des manutentionnaires travaillant pour le compte du navire. L’un et l’autre n’empêchent pas que certaines positions doctrinales classiques, comme la responsabilité dite de droit réel du propriétaire du navire soient réévaluées. 1.185. À certains égards, le droit maritime belge peut être qualifié de ‘favorable au port’. L’illustration la plus claire en droit maritime privé est la quasi-immunité jurisprudentielle déjà mentionnée493 du manutentionnaire. D’autre part, il apparaît que, dans la législation maritime actuelle, on ne touche pas ou à peine à la position de prestataires de services portuaires privés (manutentionnaires, mais aussi agents maritimes et expéditeurs). La liberté contractuelle s’applique également ici, et on laisse de la place à l’application des usages portuaires et des conditions générales contractuelles des groupements professionnels. A propos de ces dernières, la jurisprudence se montre toutefois particulièrement sceptique, de sorte que sur ce point, le droit maritime belge ne peut être qualifié de trop favorable aux ports et aux entreprises portuaires. Dans L’Ébauche de Code belge de la navigation, les intérêts des entreprises portuaires (au sens large) sont entre autres rencontrés par l’incorporation de règles totalement nouvelles à propos de la manutention de marchandises, de l’agence maritime, et par une nouvelle réglementation relative au sauvetage qui est favorable aux entreprises de sauvetage. Les autorités portuaires publiques sont favorisées, dans le droit maritime en vigueur, par des règles relatives aux privilèges maritimes et à l’enlèvement des épaves. Dans le contexte de la révision du droit maritime, il faut relativiser l’intérêt de ces derniers régimes. Ils reposent en grande partie sur des règles internationales et qui sont très courantes sur le plan mondial494. Ensuite, la jurisprudence belge en matière de responsabilité des autorités portuaires et des voies navigables pour les défauts de la voie navigable est plutôt sévère pour ces autorités. Enfin, il faut aujourd’hui admettre que les règles – également de droit privé – relative à la position des autorités portuaires et des voies navigables ressortissent en grande partie de la compétence du législateur régional. Dans cette mesure, cette position juridique ne peut être influencée par le projet fédéral de révision dont il est ici question. 1.186. Malgré l’importance de la marine marchande belge, la tradition respectable de cette branche d’activité en Belgique et la présence dans le pays d’un important savoir-faire nautique, le droit maritime belge privé actuel n’est pas considéré comme particulièrement favorable aux armateurs, mais plutôt à la cargaison495. Par le passé, des mesures législatives ont néanmoins été

493 Voir supra, n° 1.184. 494 Voir à ce sujet en bref : Van Hooydonk, E., The law ends where the port area begins, Antwerpen/Apeldoorn, Maklu, 2010, 41-42, n° 45. 495 Voir déjà supra, n° 1.184.

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prises pour encourager l’activité d’armateur, comme l’introduction d’une hypothèque maritime. Les mesures fiscales d’encouragement de 2002496 ont dans l’intervalle été complétées par une actualisation limitée de la législation maritime belge publique et relative au droit du travail497. L’Ébauche de Code belge de la navigation a prévu en faveur de la marine marchande entre autres une modernisation profonde du statut du capitaine et de l’équipage rendant les professions maritimes plus attrayantes en encourageant le financement de navires et en modernisant le régime de la copropriété des navires par une réglementation actuelle de la responsabilité lors du transport en pontée. 1.187. Lors de l’évaluation des intérêts concernés par la révision du droit maritime belge, il faut tenir compte du fait que ces intérêts présentent en grande partie un caractère international. De nombreux intéressés à la cargaison, armateurs et manutentionnaires actifs en Belgique, ainsi que de nombreux autres prestataires de service appartenant au secteur maritime sont des sociétés étrangères ou des sociétés dont la structure de l’actionnariat est étrangère. Des armateurs belges opèrent également sous pavillon étranger. Certains prestataires de service belges sont partiellement sinon principalement actifs à l’étranger. Contrairement à ce qui était assurément courant par le passé, une appréciation ‘nationaliste’ des intérêts concernés par la politique législative, pour autant qu’elle soit justifiée d’un point de vue juridique, n’est de nos jours plus très réaliste. Elle serait également à rejeter dans son principe puisque le droit maritime uniformisé de manière internationale est fondamentalement orienté vers la promotion du commerce international d’outre-mer498. Ces considérations n’empêchent pas que l’Ébauche de Code belge de la navigation soit et demeure destinée à soutenir l’activité maritime et portuaire belge et à améliorer la compétitivité de l’économie belge. 188. Comme cela a déjà été justifié ci-dessus, on a sciemment opté, lors de l’élaboration de l’Ébauche de Code belge de la navigation, pour une vision large du secteur maritime prenant également en compte les intérêts des secteurs non commerciaux comme les autorités publiques, la navigation de plaisance, le patrimoine navigant, les résidents de bateaux d’habitation et la flotte du patrimoine navigant499. Le fait de soumettre ces secteurs au Code belge de la navigation permet de créer un cadre plus clair en matière de responsabilité et permet par exemple le financement à l’aide d’hypothèques maritimes.

2.2.3.2. POSITIONNEMENT CLAIR DU DROIT DE LA NAVIGATION EN TANT QUE BRANCHE

DU DROIT A. EXPLICATION DE L’AUTONOMIE DU DROIT DE LA NAVIGATION

1.189. C’est principalement en France que la question de l’autonomie du droit maritime a donné lieu à un débat juridique intense et qui perdure encore actuellement. L’enjeu de la discussion est de savoir si le droit maritime est une branche du droit autonome ou indépendante ou n’est qu’une branche du droit spécifique. Dans la première hypothèse, le droit maritime est indépendant du droit commun ou du droit ‘terrestre’, dans la seconde, il ne s’agit

496 Voir supra, n° 1.47. 497 Voir supra, n° 1.55. 498 Voir supra, n° 1.28, 1.30 et 1.179. 499 Voir supra, n° 1.56.

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que d’une dérogation à ce dernier, et il y est en fait subordonné. Dans cette dernière hypothèse, le droit maritime est une lex specialis de sorte que lorsqu’il ne règle pas un problème, il faut en revenir au droit commun. Ce débat soulève la question de savoir si toute branche du droit n’est pas dans une certaine mesure autonome ou au contraire spécifique, et quelle est alors la spécificité du droit maritime. De nombreux éminents auteurs de doctrine français se sont penchés sur cette question. Dans le cadre de ce rapport, il n’est ni possible ni utile de rappeler toutes les visions et nuances. L’apport le plus récent à la controverse est un article éclairant offrant une vue d’ensemble de Montas de 2008500. Cet auteur a fait l’inventaire des points de vue de la doctrine française et fait d’emblée une distinction entre les “autonomistes” comme Ripert (qui a passionnément proclamé l’originalité, le caractère incomparable et l’indépendance du droit maritime comme science principale501 et soutenu cela en citant non seulement le plus grand fondement historique, mais également les traités d’uniformisation reposant sur des besoins spécifiques et non sur des concepts juridiques502) et Rodière ainsi que du Pontavice (qui contestèrent également que le droit maritime soit une branche du droit civil ou du droit commercial503), les “particularistes” comme le très engagé Bonnecase (qui clôture sa réfutation enflammée par l’affirmation que la théorie de la spécificité du droit maritime repose sur une illusion d’optique causée par la terminologie et les figures juridiques particulières qui constituent une "façade" ou un "décor" d’origine désuète et en partie médiévale et de plus en plus souvent abandonnée504) et également Chauveau (qui d’une part, a pris note de l’originalité de bon nombre de règles de droit et institutions maritimes mais a d’autre part indiqué que demeuraient applicables un certain nombre de principes de droit général des obligations et que l’originalité s’estompait depuis les développements technologiques du dix-neuvième siècle505), et les “indécis” comme semble-t-il Tassel506. Vialard a adopté une position intermédiaire:

le droit maritime nous paraît à la fois autonome et particulariste. Autonome, il doit l’être à chaque fois que la notion ou la technique puise ses racines dans l’histoire spécifique du droit maritime (ainsi, par exemple, pour l’avarie commune) ou chaque fois que la nation ou la technique puise sa source dans une convention maritime internationale (abordage, transports maritimes, responsabilité des propriétaires ou exploitants de navires) ou dans la pratique internationale (ex. affrètement). Mais pour le surplus, on ne peut faire l’économie des techniques juridiques traditionnelles: le droit maritime cesse d’être autonome lorsqu’il fait appel aux grandes techniques classiques du droit civil (les règles de formation des contrats maritimes sont les mêmes que l’on applique aux contrats « terriens ») ou, à plus forte raison, lorsqu’il fait

500 Montas, A., « Le rapport du droit maritime au droit commun, entre simple particularisme et véritable autonomie », DMF 2008, 307-314. 501 Ripert fait état de le danger [...] grave de déformer et d’amoindrir le droit maritime, de voir dans les règles qui le dominent de simples applications du droit privé général ou des exceptions à ce droit, alors que le droit maritime doit être dressé dans toute son originalité, non comme une discipline accessoire ou dépendante, mais avec son vrai caractère: droit de tous les rapports juridiques dont la mer est le théâtre ou le commerce maritime l’objet (Ripert I, 1, n° 1). Ailleurs, il répète: Le droit maritime ne ressemble à aucune autre branche de nos disciplines juridiques. Il a un caractère original qu’il doit à un particularisme très accentué. Je l’ai dit déjà, on ne saurait, sans méprise grave, le considérer comme une application aux choses et aux gens de mer du droit commercial terrestre. C’est une science principale et non-subordonnée (Ripert I, 51, n° 52). 502 Ripert I, 73, n° 78bis. 503 Rodière-du Pontavice, 6, n° 4. 504 Bonnecase, J., Le Droit commercial maritime. Son particularisme, Paris, Sirey, 1931, 414 p., et part.. 390-391, n° 203 ; voir déjà Bonnecase, J., Traité de droit commercial maritime, Paris, Sirey, 1922, 188-220,n°s 185-215bis. 505 Chauveau, 11-22, en part. n°s 7-14. 506 Montas, A., « Le rapport du droit maritime au droit commun », o.c., 309, note 13.

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appel à des institutions de droit terrestre pour les adapter au monde maritime (pensons, par exemple, aux hypothèques maritimes, directement inspirées par le droit terrestre)507.

Des auteurs comme du Pontavice et Montas rappellent eux-mêmes que le droit maritime, à travers sa longue histoire, avec ses propres caractéristiques, s’est toujours situé à côté du droit civil et a, à bien des égards, servi de précurseur au droit civil. Le droit maritime est en tout cas “un droit original, car originel”508. Le fait d’aspirer à l’autonomie du droit maritime n’a par ailleurs pas de sens ; cela n’a de sens que dans la mesure où l’on peut effectivement la constater509. Bonassies et Scapel ont également, dans leur superbe tour d’horizon récent du droit maritime, affirmé la spécificité et le particularisme du droit maritime qui, d’après eux, s’exprime surtout à travers la limitation de responsabilité en faveur du propriétaire du navire. Comme bien d’autres avant eux, ces auteurs trouvent l’explication de la particularité du droit maritime dans le fait que la mer n’est pas le cadre de vie naturel de l’homme et qu’elle comporte des dangers particuliers qui sont compensés par des règles juridiques particulières (solidarité, obligation de prêter assistance, limitation de responsabilité citée). Les auteurs ont toutefois estimé qu’il était excessif de présenter le droit maritime comme une branche du droit autonome parce que la navigation demeure aussi soumise au droit général des obligations et des contrats. Mais même si le particularisme du droit maritime s’affaiblit ces derniers temps, il conserve sa raison d’être et ne disparaîtra pas510. Il est remarquable de constater que le débat français incessant n’est que rarement orienté vers la question concrète et importante pour la pratique du droit de savoir dans quelle mesure le droit civil commun ou le droit commercial peut s’appliquer dans des affaires de navigation. Des auteurs comme Lyon-Caen et Renault ont déjà affirmé que le droit maritime commercial, parce qu’il s’agit d’une partie du droit commercial, devait être complété par les usages, et à défaut d’usages, par les règles du droit civil511. Dans une contribution distincte relative à cette problématique, Rodière a indiqué que seule compte la question de droit positif de déterminer si, et dans quelle mesure, le droit commun peut trouver application dans les affaires de droit maritime ; il est lui-même arrivé à la conclusion que le droit civil ne pas être appliqué lorsque la question trouve sa solution dans une règle propre au droit maritime, mais également lorsque cela conduirait à une solution incompatible avec le droit maritime512,513. 1.190. En Italie, l’autonomie du droit maritime, ou, de manière encore plus large, du droit maritime, du droit de la navigation intérieure et du droit aérien – qui sont effectivement codifiés sur la base de la doctrine de Scialoja dans le Codice delle navigazione514 – est généralement reconnue. Ce code lui-même est perçu comme une confirmation de la particularité, de l’autonomie et de

507 Vialard, A., 24-25, n° 12. 508 Montas, A., « Le rapport du droit maritime au droit commun », o.c., 313 et les références y figurant. 509 Montas, A., « Le rapport du droit maritime au droit commun », o.c., 314. 510 Bonassies-Scapel, 3-10, n°. 3-9. 511 Lyon-Caen, Ch. et Renault, L., Traité de droit commercial, V, Paris, L.G.D.J., 1911, 39, n° 45. 512 Rodière, R., “Le particularisme du droit maritime”, DMF 1974, 195-206. 513 On ne peut, dans le cadre du Livre bleu, se pencher sur les débats français à propos du rapport entre le droit commercial et le droit civil. Cela fait longtemps que plusieurs thèses s'affrontent sur la question de savoir si le droit commercial est une branche de droit autonome ou seulement une lex specialis qui ne s'applique que par dérogation au droit civil. Pour une fervente défense de la première thèse, voyez Delamarre et Le Poitvin, Traité théorique et pratique de droit commercial, I, Paris, Charles Hingray, 1861, 37-52. Pour des visions plus modernes, généralement très sceptiques, voyez et comparez e.a. Houtcieff, D., Droit commercial, Paris, Sirey, 2008, 8-10, nos 17-18; Reinhard, Y. et Thomasset-Pierre, S., Droit commercial, Paris, Litec, 2008, 18-22, nos 28-30; Vogel, L., Du droit commercial au droit économique, Paris, L.G.D.J., 2010, 2, n° 3; voyez déjà également Fredericq, S., De eenmaking van het burgerlijk recht en het handelsrecht, Anvers, De Sikkel, 1957, 54-62, nos 42-47. 514 Voir supra, n° 1.139.

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l’unité du droit maritime au sens large515, et comme le plus grand triomphe de la thèse de l’autonomie. L’article 1er du Codice définit les sources du droit maritime comme suit :

In materia di navigazione marittima, interna ed aerea, si applicano il presente codice, le leggi, i regolamenti, le norme corporative e gli usi ad essa relativi. Ove manchino disposizioni del diritto della navigazione e non ve ne siano di applicabili per analogia, si applica il diritto civile.

Bien qu’ils ne soient pas mentionnés dans cette disposition, les traités internationaux ont évidemment aussi un rôle important516. Pour un auteur récent et faisant autorité comme Carbone l’autonomie du droit maritime repose surtout sur son caractère international517. Ensuite, on remarque que la disposition légale citée fait une place importante à l’interprétation analogique qui a la priorité sur l’application du “diritto civile”, ce par quoi on entend, de l’avis général, non seulement le droit civil, mais aussi l’ensemble du droit commun.518. La codification commune du droit maritime et aérien effectuée par le Codice a, dès l’origine, été sujette à critiques, tant en Italie qu’à l’étranger519. La jurisprudence et la doctrine italiennes récentes relativisent l’autonomie du droit maritime520. En 1986, la Corte di cassazione a décidé que le "principio di specialità" établi par l’article cité ne permettait d’écarter le droit commun que dans la mesure où le droit maritime comprenait une règle appropriée pour le problème en question521. Dans diverses dispositions, le Codice renvoie par ailleurs lui-même aux règles de droit commun. Ensuite, en-dehors du Codice, un grand nombre d’autres règles particulières internationales et nationales ont vu le jour, de sorte que le droit maritime est maintenant devenu un "polysystème" constitué de divers "microsystèmes"522. 1.191. En Espagne également, on considère le droit maritime comme autonome : par exemple Arroyo fait état d’une autonomie académique, législative et juridique523. 1.192. En Allemagne, la question de l’autonomie du droit maritime a suscité moins d’enthousiasme auprès des juristes. Wüstendörfer voyait le droit maritime comme “ein Teilgebiet des Handelsrechts von besonderer Eigenart”524. En 1950, il constatait que la législation maritime de nombreux pays, dont l’Allemagne, n’était pas adaptée aux changements technologiques et économiques du milieu du dix-neuvième siècle, en sorte que le droit maritime, avec ses principes provenant du temps de la navigation à la voile, commençait à avoir des traits plutôt conservateurs525. En 2000, Rabe

515 Carbone-Celle-Lopez de Gonzalo, 1-2; Querci, 3; cfr. Lefebvre d’Ovidio-Pescatore-Tullio, 5-7, n°s. 2-3 et 11, n° 5; Rossi-Martorano, 2-4. 516 Lefebvre d’Ovidio-Pescatore-Tullio, 31, n° 18. 517 Carbone, S.M., Conflits de lois en droit maritime, Leiden / Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, 23. 518 Lefebvre d’Ovidio-Pescatore-Tullio, 55, n° 27; Querci, 27; Rossi-Martorano, 9, en part. note. 24. 519 Voir supra, n° 1.162. 520 Voir e.a. Carbone-Celle-Lopez de Gonzalo, 2-6. 521 Corte di cassazione, 1 mars 1986, IDM 1987, 860, avec la note de Gavotti Pellerano, M., “Specialità ed autonomia del diritto della navigazione in due recenti sentenze”; voir à ce sujet également Carbone-Celle-Lopez de Gonzalo, 3. 522 Carbone-Celle-Lopez de Gonzalo, 6; ainsi que Carbone, S.M., “Il diritto marittimo uniforme nell’ordinamento italiano tra codificazione e decodificazione“, IDM 1999, (94), 98-99. 523 Arroyo, I., “Spanish domestic law and international conventions: lights and shadows”, IDM 1999, (7), 15-16. 524 Wüstendörfer 18. 525 Wüstendörfer 19; voir aussi supra, n° 1.25.

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affirmait que le droit maritime ne formait “kein abgeschlossenes Rechtssystem” et était incorporé au droit commun auquel il venait s’ajouter, mais qu’il comportait également de nombreuses règles dérogatoires qui écartaient l’application du droit commun526. 1.193. En droit maritime anglais, pragmatique, on émet encore moins de théories à propos de l’autonomie du droit maritime. La particularité du droit maritime y est toutefois également reconnue. Ainsi, le manuel de Grime insiste sur “The Peculiarities of Admiralty”. Bien que le droit maritime consiste en grande partie en “the specialised application of principles that are well-known elsewhere in the law”, il présente “some unique features”, à savoir d’une part, “particular rules, or conclusions to specific issues, which are peculiar to maritime and shipping matters” et, d’autre part, “a few concepts and institutions that are found only there” (parmi lesquelles l’avarie commune). Grime poursuit :“Such peculiar maritime institutions are jealously maintained and confined to their area. They are not allowed to creep ashore [...]”. En outre, Grime souligne la spécificité des “Admiralty Proceedings”527. 1.194. Les juristes néerlandais semblent également moins se soucier de l’autonomie du droit maritime que les français et les italiens. Oostwouder a qualifié le droit relatif aux moyens de déplacement et au transport d’un “geheel van bijzondere – dat wil zeggen van het commune recht afwijkende – regels”528. En renvoyant à Ripert, Cleton écrivait dans son manuel de droit des transports que parmi les juristes maritimes, on percevait “ un esprit de clan particulariste ”; il relativise le particularisme et affirme que le droit maritime est en principe basé sur les lignes directrices du droit privé529. La pratique législative procure d’autres points de rattachement. Tout d’abord, l’article 1er du Code de commerce néerlandais dispose :

Het Burgerlijk Wetboek is, voor zoo verre daarvan bij dit Wetboek niet bijzonderlijk is afgeweken, ook op de in dit Wetboek behandelde onderwerpen toepasselijk.

En d’autres termes, le droit commercial néerlandais a, dans le passé, été caractérisé comme une dérogation au droit civil530. Actuellement, le droit maritime néerlandais n’est plus réglé par le Code de commerce, sauf le statut du capitaine et le droit du travail maritime, mais par le Livre 8 du Code civil. Le seul fait que le droit du transport est maintenant incorporé au Code civil ne permet toutefois pas de conclure que ce droit n’est actuellement plus qu’une partie du droit commun néerlandais. Le Professeur Meijers, qui a été chargé de la préparation du nouveau Code civil, n’a pas vu la moindre raison de maintenir les règles de droit commercial hors du nouveau code, et a fait rapport en ce sens :

Slechts het zeerecht en het vervoer te water vormen een afgerond op zich zelf staand geheel, hetwelk echter zeer goed in een afzonderlijk boek van het Burgerlijk Wetboek kan worden ondergebracht531.

526 Rabe 1, n° 1. 527 Grime, 10-14. 528 Oostwouder, 1. Il est également remarquable que les règles de La Haye et la CMR sont, dans la doctrine néerlandaise, considérées en tant que telles comme des parties autonomes du droit privé (Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., “Uniforme uitleg van internationale zeerechtelijke regelingen”, o.c., 39-40). 529 Cleton, 2. 530 Haak, K.F., Zwitser, R. et Blom, A., Van haven en handel. Hoofdzaken van het handelsverkeersrecht, Deventer, Kluwer, 2006, 3.

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En effet, le Livre 8 a été préparé, a vu le jour et est entré en vigueur de manière tout à fait distincte, séparée et indépendamment de l’avancement des autres Livres, et cela sous la conduite du professeur Schadee, un expert en droit maritime désigné à cet effet. Dans cette mesure, il n’a pas été question d’une origine se retrouvant, sur le plan du contenu, dans les règles communes du droit civil. A l’occasion de l’introduction du Livre 8 du Code civil, le Ministre de la Justice a confirmé:

Het zee- en binnenvaartrecht is een zeer specialistisch terrein. Sommigen spreken in dit verband van een “particularisme” van het zee- en binnenvaartrecht. Dat zeer bijzondere terrein staat tamelijk los van de Boeken 3, 5 en 6. Voor de uitleg van het zee- en binnenvaartrecht is belangrijker hoe in andere landen de verdragen worden uitgelegd dan wat er in Nederland gebeurt op andere terreinen van het privaatrecht”532.

Japikse maintient également que le Livre 8 doit être considéré « als een op zichzelf staande regeling », « en slechts op het gemene recht kan worden teruggevallen wanneer die regeling naar letter of strekking geen antwoord biedt »533. 1.195. Les points de vue divergent également en Amérique du Nord. Dans l’édition de leur ouvrage monumental The Law of Admiralty de 1975, les professeurs Gilmore et Black, qui n’avaient en réalité pas de formation en droit maritime, ont laissé échapper ce qui suit534:

There is really nothing forbiddingly esoteric about maritime law. It is just law, in a special factual setting535.

Dans son manuel Admiralty and Maritime Law, plus récent et faisant également autorité, Schoenbaum prend la direction opposée:

From earliest times, maritime law was shaped by the practical needs of those engaged in maritime commerce. The unique character of the sea and its hazards created the need for legal solutions and doctrines that, in some cases, had no application on land. Many of these are still with us today, in the laws relating to jurisdiction, liens, casualty, general average, insurance, liability for lost or damaged cargo, salvage, and the rights of seamen and harbor workers. Another distinctive feature of maritime law is its international character. Although its rules are a part of the internal legal order of each country and, consequently, important national differences persist, the essential concept and institutions of maritime law are remarkably similar all over the world. Specialists in maritime maw tend to speak the same legal language, whether the underlying legal order is the civil law, the common law, socialist law, or islamic law. Without at least broad agreement among nations as to basic principles of maritime law, maritime commerce would be difficult or impossible536.

L’auteur canadien Braën, qui a décrit le droit maritime québécois, a conclu que l’originalité du droit maritime avait diminué, entre autres à la suite de son intégration dans les codifications de

531 Cité dans Meij, A., “Is er nog koophandel in Nederland ?”, in Buyle, J.-P., Derijcke, W., Embrechts, J. et Verougstraete, I. (Eds.), Bicentenaire du Code de commerce. Tweehonderd jaar Wetboek van Koophandel, Bruxelles, Larcier, 2007, (75), 79. 532 PG Boek 8 NBW, 1238-1239 et aussi 1217; voir aussi Japikse, 3, n° 4. 533 Japikse, 6, n° 8. 534 Voir Jarvis, R.M., “Gilmore & Black at 50”, JMLC 2007, 135-158, http://findarticles.com. 535 Gilmore-Black, 46. 536 Schoenbaum I, 2.

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droit commercial et dans l’ensemble plus large du droit privé, mais qu’elle n’avait certainement pas disparu537. Un amateur notoire de l’autonomie du droit maritime est le professeur vedette canadien Tetley qui voit dans le droit maritime un système juridique qui repose sur ses propres fondements:

There are also legal systems which cut across international borders. One of these is maritime law, which is a complete, as well as a mixed, system of law, both public and private, substantive and procedural, national and international, with its own courts and jurisdiction. Recorded maritime law goes back to at least Rhodian law of 800 B.C. and pre-dates both the common law by 2000 years and most civil law. Its more modern origins were civilian in nature, as first seen in the Rôles of Oléron of circa 1190 A.D., and it was subsequently greatly influenced and formed by the English Admiralty Court and then by the common law itself, becoming, in the end, a mixed legal system in its own right. The general maritime law evolved from various maritime codes including Rhodian law (circa 800 B.C.), Roman law, the Rôles of Oléron (circa 1190), the Ordonnance de la Marine (1681), all of which were relied on in Doctors’ Commons (the English Admiralty Court) and the maritime courts of Europe. This lex maritima, part of the lex mercatoria, or “Law Merchant” as it was usually called in England, was the general law applicable in all countries of Western Europe until the fifteenth century, when the gradual emergence of nation states caused national differences to begin creeping into what had been a virtually pan-European maritime law system. That maritime law is a complete legal system can be seen from its component parts. For centuries maritime law has had its own law of contract – of sale (of ships), of service (towage), of lease (chartering), of carriage (of goods by sea), of insurance (marine insurance being the precursor of insurance ashore), of agency (ship chandlers), of pledge (bottomry and respondentia), of hire (of masters and seamen), of compensation for sickness and personal injury (maintenance and cure) and risk distribution (general average). It is and has been a national and an international law (probably the first private international law). It also has had its own public law and public international law. Maritime law, like any legal system, is composed of many parts – national maritime statutes and international maritime conventions on the one hand, and the general maritime law (lex maritima) on the other. Today’s general maritime law consists of the common forms, terms, rules, standards and practices of the maritime shipping industry – standard form bills of lading, charterparties, marine insurance policies and sales contracts are good examples of common forms and the accepted meaning of the terms, as well as the York/Antwerp Rules on general average and the Uniform Customs and Practice for Documentary Credits. Much of this contemporary lex maritima is to be found in the maritime arbitral awards rendered by arbitral tribunals around the world by a host of institutional and ad hoc arbitral bodies. Admiralty law began with various Admiralty courts, throughout the world, particularly in England in the 12th Century. It was very procedural and common law-oriented, as opposed to maritime law, but the two branches of law have been merged over the centuries by the unification of the courts of each branch (particularly by the dissolution of Doctors’ Commons in England in 1858 and by the unification of English Courts in 1873). This unification in turn facilitated and encouraged the gradual injection of important elements of England’s common law heritage into the civilian core of English maritime law. These contributions, added to the underlying civilian substratum, slowly turned England’s maritime law into an authentically mixed legal system. Eventually some of these common law rules and principles became features of the maritime law of civilian countries, as well as of certain international maritime law conventions The “reception” of these common law concepts by civilian and international legislators no doubt reflected the influential

537 Braën, 3-4, n°s. 9-11.

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position occupied by Great Britain in international shipping and maritime commerce, particularly in the nineteenth and early twentieth centuries538.

1.196. La doctrine belge a également porté quelqu’attention à la question mais sans qu’elle prenne un caractère dogmatique, partisan ou polémique qu’elle a présenté dans d’autres pays. En 1927, Beltjens a souscrit à la thèse française du droit maritime comme branche indépendante du droit539. En 1971, De Smet a souligné le fait que le droit maritime et le droit civil étaient des branches du droit à distinguer l’une de l’autre et que le droit maritime était d’une originalité prononcée540. Van Ryn et Heenen ont admis l’originalité du droit maritime mais ont contesté son autonomie et le situent dans la sphère du droit commercial541. R. Roland a constaté que pendant la dernière décennie, le droit maritime a évolué de l’autonomie au particularisme; le droit maritime conserve certains traits propres, mais tend à s’intégrer aux structures juridiques générales, en particulier le droit commercial542. Lors de sa leçon d’adieu en 2007, Huybrechts a souligné que le droit maritime avait entre autres une histoire propre, des sources propres, des institutions propres, des concepts propres et des règles de procédure propres et qu’il présentait donc une autonomie relativement grande543. Dans les manuels de droit maritime récents rédigés par De Weerdt, la question n’est pas abordée. La pondération, le bon sens si pas l’indifférence de la doctrine belge en droit maritime se situe entièrement dans la ligne du caractère pragmatique du droit maritime du pays544. 1.197. La spécificité ou l’autonomie du droit fluvial est défendue avec encore moins d’intensité en Belgique. Van Bladel estimait toutefois que la loi sur l’affrètement fluvial du 5 mai 1936 donnait à la navigation fluviale le caractère d’un droit particulier et complet, de sorte qu’il ne devait plus dépendre de l’évolution du droit maritime545. Plus tard, De Smet a affirmé que le fait que le droit fluvial n’ait été doté d’une législation propre qu’en 1908 et que le transport par voie fluviale soit longtemps demeuré réglé par le Code civil (art. 1782-1786), et par la suite par la loi relative aux contrats de transport de 1891 ne plaide pas précisément en faveur de l’originalité de la matière546. Les articles 272 et 278 de la loi maritime indiquent en tout cas clairement quelles dispositions de cette loi s’appliquent - sans modifications ou en prévoyant des dérogations - aux bateaux de navigation intérieure. 1.198. Comme déjà indiqué547, la question de l’autonomie du droit maritime, et par extension du droit de la navigation, n’est pas une affaire de « passe-temps » académique, mais une question

538 Tetley, W., “Nationalism in a Mixed Jurisdiction and the Importance of Language”, http://www.mcgill.ca/files/maritimelaw/nationalism.pdf, point XII.3), point XII 3); texte également dans Tulane Law Review 2003, Vol. 78, 175-218 (hormis les notes en bas de page). 539 Beltjens, G., Encyclopédie du droit commercial belge, IV, Bruxelles / Paris, Bruylant / Librairie générale de droit, 1927, 2, n° 8 et 14, n° 9. 540 De Smet I, 2-3, n° 2. 541 Van Ryn-Heenen IV, 569, n° 707. 542 Roland, R., « Zeerecht in beweging », RHA 1992, (247), 249 et 268. 543 Huybrechts, M.A., “Language that would make a sailor blush !”, Bruxelles / Gand, Larcier, 2007, 23-46. 544 Voir à ce sujet supra, n° 1.28. 545 La loi du 5 mai 1936 entre dans une voie nouvelle: elle donne un droit propre, individuel et complet à la batellerie. L’évolution lente, patiente et progressive depuis 1908 est terminée: la navigation intérieure n’est plus considéré en sous-ordre, elle n’est plus traité comme une délaissée, à qui l’on abandonne, à l’occasion, des bribes de la législation de sa puissante aînée, la navigation maritime. Désormais, elle est réhabilitée dans la considération du législateur. Elle possède son droit spécifique, individuel. Un texte complet la met dans ses meubles. C’est la loi du 5 mai 1936, complétée par divers arrêtés royaux et du régent. (Van Bladel, G., Le contrat de transport par bateaux d’intérieur et l’affrètement en séjour, I, Antwerpen, Lloyd anversois, s.d., 16-17, n° 15). En France également, durant cette période, on a insisté sur un développement autonome du droit fluvial, indépendamment du droit maritime : voir à ce sujet le plaidoyer dans Bernardin, F. et Bérard, E., Traité de droit fluvial français, Paris, Sirey, 1934, 1-7. 546 De Smet I, 23-24, n° 13. 547 Voir supra, n° 1.28.

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essentielle pour positionner et rédiger correctement le nouveau Code belge de la navigation. Il s’agit d’une question théorique fondamentale qui ne peut être ignorée mais doit au contraire recevoir une solution pragmatique et ce, entièrement dans l’esprit du droit maritime belge548. Dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, on a choisi de mettre en évidence et d’expliciter l’autonomie du droit de la navigation, non par acte de foi, mais (1) parce que le droit de la navigation présente indiscutablement des caractéristiques d’autonomie, (2) parce qu’un certain nombre de mesures législatives spécifiques sont nécessaires, qui supposent inévitablement la reconnaissance persistante et l’amélioration de cette autonomie, (3) parce que le droit public, le droit civil et le droit commercial communs restent en défaut, sur divers points, de fournir une réglementation adéquate pour les activités de navigation et portuaires. On examinera ces aspects ci-dessous. 1.199. Le Code belge de la navigation sera inévitablement un ensemble complet, réglant un domaine du droit qui diffère du droit terrestre à de nombreux égards et de façon substantielle. Dans leur nouvelle formulation, les règles relatives au statut du navire et du capitaine, à la responsabilité du propriétaire de navire, à la limitation de cette responsabilité, à l’affrètement, au sauvetage, à l’abordage à l’avarie commune etc… restent originales et ne sont pas réductibles à des applications particulières du ou des dérogations aux règles de droit civil. 1.200. À côté de cela, il est apparu nécessaire, par exemple, de reprendre dans les « Dispositions générales » du Code belge de la navigation, une réglementation particulière concernant les sources du droit de la navigation. La nécessité d’une méthodologie propre pour la mise en œuvre de traités d’unification en matière de navigation a déjà été expliquée ci-dessus. L’approche proposée est aussi l’expression de l’autonomie du droit de la navigation549. Ensuite, les notions et les règles spécifiques du droit de la navigation s’appuient sur des antécédents séculaires et sur un certain nombre de principes généraux communs sur le plan international, largement portés et profondément enracinés, qui sont propres à ce droit. Ces principes doivent prendre leur place légitime comme une source complémentaire de droit et avoir la priorité sur le droit commun terrestre. Ci-dessous, on abordera brièvement l’intérêt de ces principes internationaux de droit de la navigation550 ainsi que la nécessité d’un régime propre, dégagé du droit général des obligations, d’autorégulation essentielle pour l’activité de navigation et portuaire551. Les propositions à ce sujet seront plus amplement commentées dans le Livre bleu n° 2. 1.201. Dans les « Dispositions générales » visées du Code, des règles d’interprétation propres seront aussi reprises. Ainsi, une interprétation du Code est explicitement imposée, dans l’esprit de l’autonomie du droit de la navigation, tenant compte de ses sources, de son origine et de sa portée propres. Ensuite, il faut garantir que le Code belge de la navigation soit interprété d’une manière conforme aux principes généraux du droit de la navigation généralement admis sur le plan international, qui soit autonome et conforme aux conventions et qui contribue à l’uniformisation future de droit de la navigation552. Des règles d’interprétation spécifiques sont

548 À propos du caractère pragmatique du droit maritime belge, voir encore supra, n° 1.28. 549 Cf. supra, n° 1.120. 550 Cf. supra, n° 1.206. 551 Cf. supra, n° 1.207. 552 Cf. supra, nos 1.90, 1.113 et 1.125.

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aussi nécessaires pour les contrats en matière de navigation. À ce propos, on se réfère aussi au Livre 2. 1.202. Ci-dessus, l’attention a déjà été attirée sur la nécessité d’une explication des relations réciproques entre le nouveau Code belge de la navigation et d’autres dispositions législatives , parmi lesquelles le Code civil, le Code de commerce et le Code judiciaire. La loi maritime actuelle contient peu ou pas de références aux autres législations, et laisse dès lors dans l’incertitude à propos des relations précises entre ses dispositions et les dispositions législatives de droit commun553. Les dispositions charnières à reprendre dans le Code belge de la navigation doivent de même être inspirées par l’autonomie du droit de la navigation et contribueront à préciser cette autonomie. In casu, il est entre autres intéressant d’expliquer dans quelle mesure les formes de contrat réglées dans le Code de la navigation sont ou non réglées de manière complémentaire par les dispositions du Code civil relatives aux contrats spéciaux. En général, il faut être extrêmement prudent dans le maniement d’une telle application complémentaire. Ainsi, il est en principe dangereux de qualifier des contrats de transport comme une forme de contrat d’entreprise ou des contrats d’affrètement comme une forme de contrat de location. En règle, cela n’a pas de sens d’appliquer des règles de pur droit national à de tels contrats, qui interviennent souvent dans un contexte international et sont partiellement soumis à des règlements ou conditions standard internationaux. Ramener des institutions de droit maritime à des modèles de droit commun est une forme typique de « Begriffsjurisprudenz », déphasée et contre laquelle un auteur qui fait autorité comme Puttfarken s’est opposé :

Lücken seerechtlicher Regelungen sind zu füllen mit dem Blick auf die – immer internationale – Praxis und auf die Regelungen anderer Länder zu derselben Frage, aber nicht mittels Begriffslogik aus innerstaatlichen anderen Sachbereichen554.

1.203. Une autre illustration de la nécessité d’une approche autonomisante est l’inadéquation de la jurisprudence de droit commun relative au manutentionnaire, étable par l’arrêt « Stuwadoor ». Dans le Livre bleu 7, on expliquera de manière circonstanciée pourquoi – précisément pour le manutentionnaire- une réglementation propre au droit de la navigation est nécessaire. L’introduction d’un tel règlement, laissant de côté le droit général des obligations, souligne une nouvelle fois la position autonome du droit de la navigation par rapport au droit terrestre. 1.204. Ensuite, la conception autonome est encore justifiée par la nécessité d’un appui juridique structurel et spécialisé de la politique de la navigation. On reviendra sur ce sujet par la suite555. 1.205. D’un autre côté, l’autonomie du droit de la navigation ne peut pas être rendue absolue. Ainsi, il est indéniable que les règles du droit de la navigation peuvent, là où c’est nécessaire, être complétées par celles du droit général des obligations. Les règles en matière de cause, de vices du consentement et de naissance des obligations peuvent en principe trouver leur application dans le contexte du droit de la navigation556. En outre, il est par exemple évident que la procédure générale reste régie par le Code judiciaire557. Là où c’est utile, le Code belge de la navigation peut

553 Cf. supra, n° 1.166. 554 Puttfarken 404-405, n° 978. 555 Cf. infra, n° 1.210. 556 Comp. Chauveau, 16, n° 11. Il convient d'émettre des réserves au sujet de l'autorégulation. 557 Voyez cependant infra, n° 1.221 en ce qui concerne la réglementation relative à la saisie sur navire.

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être compris comme une simple lex specialis, qui déroge au droit commun lorsque c’est nécessaire, mais laisse pour le surplus intacte la validité de ce droit. En d’autres termes, l’autonomie du droit de la navigation ne doit pas être poursuivie per se. Un deuxième facteur relativisant est le principe d’égalité à l’aune duquel toute législation peut être contrôlée558. Des différences entre les régimes légaux pour les matières de droit de la navigation et le droit commun doivent pouvoir résister à ce contrôle. Dans cette perspective notamment, on a choisi, dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, de supprimer certaines règles traditionnelles propres au droit de la navigation et d’aligner le droit maritime sur le droit commun. C’est par exemple le cas pour les règles concernant la responsabilité personnelle du commandant559

B RECONNAISSANCE DE PRINCIPES GÉNÉRAUX DE DROIT MARITIME 1.206. Dans le préambule de son Traité des assurances et des contrats à la grosse, Émérigon affirme:

Les anciennes lois maritimes sont les sources qui furent ouvertes aux rédacteurs de l’Ordonnance, et dans lesquelles doivent puiser ceux qui veulent remonter aux principes. Elles renferment des règles d’autant plus sûres, qu’elles dérivent de la nature des choses. Ces règles font partie du droit des nations; elles sont par conséquent de tout âge et de tout pays560.

Un auteur postérieur comme Bédarride écrivait:

Il faut donc, pour l’exacte appréciation de ces règles, interroger les coutumes des nations mêmes les plus anciennes, chez lesquelles la navigation fut en honneur; saisir le droit dans son principe, le suivre dans ses développements, et constater l’état où se trouvèrent les législateurs successivement appelés à le régir561.

Cleveringa a également affirmé que le contenu exact d’une règle de droit maritime peut être trouvé en recherchant sa portée dans son histoire562. Desjardins a suggéré que le juge a recours aux coutumes internationales de droit maritime563. Le Professeur Tetley, un grand défenseur actuel de la reconnaissance du droit maritime comme un régime auitonome, fondamentalement international, a écrit :

The general maritime law is a ius commune, is part of the lex mercatoria and is composed of the maritime customs, codes, conventions and practices from earliest times to the present, which have had no international boundaries and which exist in any particular jurisdiction unless limited or excluded by a particular statute564.

Aujourd’hui, l’on insiste en Suisse également sur l’intérêt à se raccrocher, là où c’est nécessaire, aux principes généraux de droit maritime sur le plan international. La loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse dispose :

558 Voyez e.a. art. 10-11 Const. et art. 1er loi spéc. 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle (MB 7 janvier 1989, tel que modifié). 559 Cf. infra, n° 1.285. 560 Boulay-Paty, P.S., Traité des assurances et des contrats à la grosse d’Émérigon, I, Rennes, Molliex, 1827, ii (même texte dans des éditions plus anciennes). 561 Bédarride, J., Du commerce maritime, I, Paris / Aix, Larose / Achille Makaire, 1925, 4, n° 1. 562 Cleveringa, 10. 563 Desjardins, A., Introduction historique à l’étude du droit commercial maritime, Paris, Pedone-Lauriel, 1890, 253; cfr. p.ex. Querci, 26. 564 Tetley, W., “The General Maritime Law – The Lex Maritima”, EVR 1996, (469), 472.

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Art. 7. Pouvoir d’interprétation et d’appréciation du juge 1 Si la législation fédérale, notamment la présente loi, ainsi que les règles juridiques internationales auxquelles il est fait renvoi, ne contiennent pas de dispositions applicables, le juge prononce selon les principes généraux du droit maritime. Si ces principes font défaut, il prononce selon les règles qu’il établirait s’il avait à faire acte de législateur, en tenant compte de la législation, de la coutume, de la doctrine et de la jurisprudence des États maritimes. [...]

En 1964, Werner écrivait, à propos de la législation maritime Suisse :

Pour la comprendre, il faut la considérer essentiellement comme une application par le droit positif suisse de principes beaucoup plus généraux et qui sont, dans leurs grandes lignes, communs à toutes les nations exerçant la navigation maritime565.

La disposition suivante du Code maritime chinois de 1992 accentue encore de façon marquée la fonction normative de la pratique maritime internationale :

Article 268 If any international treaty concluded or acceded to by the People’s Republic of China contains provisions differing from those contained in this Code, the provisions of the relevant international treaty shall apply, unless the provisions are those on which the People’s Republic of China has announced reservations. International practice may be applied to matters for which neither the relevant laws of the People’s Republic of China nor any international treaty concluded or acceded to by the People’s Republic of China contain any relevant provisions.

Puttfarken, spécialiste allemand de droit maritime, indique que l’application des principes internationaux de droit maritime en l’absence de règles conventionnelles ou de droit national ne suppose pas que l’on compare le droit maritime de tous les pays:

In jedem einzelnen Fall alle Seerechtsordnungen der Welt oder auch nur eine Größere Anzahl systematisch auswerten zu wollen, wäre utopisch. Es ist auch unnötig. Das Seehandelsrecht kristallisiert sich seit jeher in Institutionen: quellen- und länderübergreifenden Regelungskomplexen566.

Il est remarquable que Puttfarken clôture son ouvrage d’ensemble sur le Seehandelsrecht par une partie dans laquelle il caractérise le droit maritime comme un Institutionenrecht, partie dans laquelle il souligne l’intérêt de ces Institutionen pour l’interprétation du droit maritime:

Englische Entscheidungen und französische Gesetze sind an erster Stelle die ertragreichsten Fundgruben für die Institutionen des Seerechts; sie sind nicht die Institutionen. Die Institutionen des Seerecht sind international über das englische oder das französische oder irgendein nationales Recht hinaus. Sie sind international, weil ihre Geltung den – durchaus vorhandenen – nationalen Geltungsgründen vorgeht und diese in sich aufnimmt. Institutionen sind es, weil sich kein einzelner bestimmter Geltungsgrund wie in anderen Rechtsgebieten feststellen läßt, ein Gesetz oder ein Abkommen oder eine feste Entscheidungspraxis. Institutionen sind Regelungskomplexe. [...] „Einzigartige Mischung aus Völkerrecht und Landesrecht und zu Recht gewordenen Gebräuchen“ nennt ein Schweizer Autor die Komplexität der Geltungsgründe567. Allein die Schweiz, als kleines

565 Werner, A.-R., Traité de droit maritime général, Genève, Librairie Droz, 1964, 12, n° XI. 566 Puttfarken 408, n° 985.

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Seefahrtsland vor nationaler Anmaßung gefeit, hat auch eine Regelung, die recht genau die Institution und ihre Komponenen beschreibt: Nach Art. 7 des Schweizer Seeschiffahrtsgesetzes muß der Richter, soweit er der Bundesgesetzgebung, insbesondere dem Seeschiffahrtsgesetz und den anwendbaren Staatsvertragsbestimmungen keine Vorschrift entnehmen kann, nach den allgemein anerkannten Grundsätzen des Seerechts entscheiden; findet er auch dort nichts, so entscheidet er nach der Regel, die er als Gesetzgeber aufstellen würde, wobei er Gesetzgebung und Gewohnheit, Wissenschaft und Rechtsprechung der seefahrenden Staaten zu berücksichtigen hat. – Alle Faktoren des Seerechts prägen die Institutionen und entwickeln sie in jeder Rechtsanwendung weiter, Seehandelsbräuche und Seerechtspraxis, Konnossements-, Charter-, Akkreditiv- und Versicherungsbedingungen, Gerichtsentscheide und Schiedssprüche, nationale Gesetze aller Seefahrtsländer and die Einheitrechts-Abkommen internationaler Organisationen und Konferenzen, Lehre und Wissenschaft, letzlich die von der Technologie der Seebeförderung bestimmten Grundvorstellungen von richtig und falsch und von Recht und Unrecht568.

Le chercheur italien Rimaboschi a défendu une thèse similaire en 2005. En suivant Brunetti, il a affirmé que l’on pouvait déduire de la répétition de certains concepts dans les usages de droit maritime, certains “’principes généraux de droit maritime’ universellement reconnus”569. En effet:

Personne ne peut, en fait, se passer de reconnaître qu’il y a des principes communs et généraux du droit maritime dont les codifications, nationales et internationales, souples et rigides, ne constituent qu’un moyen d’assurer la connaissance, mais par rapport auxquels on ne doute pas qu’ils existent en dehors de la codification elle-même570.

Avec Querci, on fait également état de l’existence d’un « ordre juridique maritime général »571:

Le droit maritime, dans cette conception, n’est donc pas constitué seulement par un groupe de règles abstraites, mais il est l’expression d’un ordre juridique fondé tout d’abord sur les relations sociales d’une communauté institutionnelle, telles qu’organisées selon le paramètre de juridicité commandé par cet ordre juridique. Il s’agirait, en fait, d’un ordre juridique concernant une communauté sociale spécifique, les communautés maritimes et portuaires, qui est la base institutionnelle du système [...]572.

Toujours inspiré par Querci, Rimaboschi poursuit sa démonstration brillante comme suit:

[...] la source de toute juridicité en droit maritime est la Grundnorm, qui consiste dans le postulat de la nécessité de favoriser et de donner exécution au commerce international maritime mondial573.

Par la voie de l’interprétation scientifique, la théorie de «l’ordre juridique maritime général » contribue donc de manière significative à l’unification du droit maritime574. Enfin, la doctrine porte une responsabilité importante :

Les problèmes qui peuvent être observés par rapport aux traités diplomatiques pour l’unification, qui sont interprétés et appliqués de façon souvent différente dans les États membres, doivent être résolus par le biais

567 Puttfarken renvoie manifestement à Peter, H., « Internationales Seeprivatrecht », Schweizerische Juristen-Zeitung 1991, (37), 38. 568 Puttfarken 412-413, n°s 993 en 995. 569 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 161 et 167. 570 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 274. 571 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 275 572 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 277-278. 573 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 280. 574 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 281-282.

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de l’aide de la doctrine, qui doit suggérer l’interprétation uniforme et « unificatrice » sur la base des principes généraux du droit maritime575.

Dans ce plaidoyer, l’auteur renvoie à l’exemple de UNIDROIT Principles on International Commercial Contracts576. Il faut noter ici que l’intérêt des principes généraux du droit est également reconnu, tant en droit commercial577 qu’en droit belge des obligations578. Il n’y a donc pas de raison pour que les principes généraux internationaux de droit de la navigation ne jouent pas de rôle dans le droit maritime et de la navigation intérieure. Pour mettre en pratique l’application complémentaire suggérée des principes de droit de la navigation, une étude historique et de droit comparée est nécessaire, dans laquelle il faut utiliser plusieurs sources. Une grande importance revient entre autres à la jurisprudence étrangère et aux travaux préparatoires des conventions de droit maritime. Ces derniers sont souvent indispensables à l’interprétation des conventions de droit maritime579 et procurent par ailleurs aussi des informations utiles à propos du droit national et des idées des secteurs professionnels concernés580. Il est aussi fréquent, dans la rédaction de l’Ébauche de Code belge de la navigation, que l’on s’inspire de la jurisprudence internationale et aux travaux préparatoires. La reconnaissance, dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, de principes généraux de droit maritime ou de règles d’un ordre juridique maritime général sont des instruments utiles pour combler les défauts d’uniformisation à l’aide de traités internationaux581. Une étude juridique plus approfondie de la nature et du contenu de ces principes est cependant nécessaire582.

C. ENCADREMENT DE L’AUTORÉGULATION 1.207. On a déjà indiqué ci-dessus que lors de la préparation de l’Ébauche de Code belge de la navigation, on a souscrit à une vision large des sources du droit maritime583. Une des innovations de l’Ébauche est l’introduction d’un cadre juridique spécifique pour ce que l’on appelle l’autorégulation. Il s’agit d’usages, de conditions générales contractuelles et de lignes directrices professionnelles (soft law). Ces instruments sont élaborés à divers niveaux : international, national et local. Ils sont d’un intérêt essentiel pour le fonctionnement de la navigation et de l’activité portuaire584. Toutefois, la jurisprudence belge est en proie à un malaise à ce sujet. En raison d’une lutte croissante avec les exigences non univoques du droit général des obligations en matière de consentement, une insécurité juridique considérable et un contentieux trop important ont vu le

575 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 288 et aussi 306. 576 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, I, Trieste, E.U.T., 2005, 286-287. 577 Cf., plus récent, Jacquet, J.-M., Delebecque, Ph. et Corneloup, S., Droit du commerce international, Paris, Dalloz, 2010, 28 e.s., nos 42 e.s. 578 Cf. e.a. Kruithof, R., “Naar een ‘Gouvernement des juges’ in het Belgische verbintenissenrecht ?”, in Hulde aan Prof. Dr. R. Kruithof, Anvers / Apeldoorn / Bruxelles, Maklu / Bruylant, 1992, (27), 41-43, n° 9. 579 Cf. déjà supra, n° 1.90. 580 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 188. 581 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 172. 582 Ainsi, il faudrait spécifier davantage s’il s’agit de principes juridiques généraux nationaux ou de droit des gens, de droit coutumier international ou d’usages commerciaux internationaux. 583 Voir supra, n° 1.68. 584 Voir également la description du droit maritime comme système juridique autonome par Tetley, cité supra, n° 1.195.

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jour et on accorde trop peu d’importance à l’appréciation du caractère équitable des clauses contractuelles, et pour résumer le problème, l’autorégulation ne peut pas remplir son rôle important. À cet égard, l’Ébauche de Code belge de la navigation propose ses propres règles qui contiennent entre autres un mécanisme officiel de publication alternatif et qui offrent la possibilité au juge de soumettre les instruments d’autorégulation à une appréciation approfondie de leur contenu. Une règle d’interprétation spécifique est aussi prévue. Ce faisant, on vise à faire reconnaître par la loi la fonction véritable de l’autorégulation tout en veillant en même temps à une amélioration de la qualité intrinsèque des normes concernées.

D. LE DROIT SUPPLÉTIF COMME PRINCIPE 1.208. Les dispositions reprises dans l’Ébauche de Code belge de la navigation sont en principe de droit supplétif. Ceci est conforme à un principe général du droit privé belge. Le législateur reconnaît l’autonomie de la volonté et suppose en d’autres termes que les parties contractantes sont elles-mêmes les mieux placées pour régler leurs relations réciproques. Les règles supplétives qu’il a élaborées ne trouvent à s’appliquer que lorsque les parties n’ont pas prévu d’autre disposition585. La reconnaissance de la valeur de l’autorégulation qui vient d’être évoquée586 est dans la ligne de ce caractère en principe supplétif de l’Ébauche de Code belge de la navigation. De manière plus générale, l’Ébauche, et en fait également la loi maritime actuelle, reposent sur le principe de subsidiarité : le législateur doit laisser une latitude maximale aux secteurs concernés. Le principe selon lequel le législateur ne doit intervenir que de manière supplétive sert de base à un bon nombre d’autres législations, dont le Livre 8 du Code civil néerlandais587. La législation maritime française énonce le caractère supplétif d’un certain nombre de dispositions588. Les Principles of European Contract Law589 ainsi que les Unidroit Principles of International Commercial Contracts 2004590 reconnaissent également de manière expresse la liberté contractuelle.

585 Voir e.a. De Beus, P., Overzicht van het burgerlijk recht, Turnhout, Van Mierlo-Proost & Co, 1965, 36-37, n° 36; Dekkers-Wylleman I, 23, n° 29; De Page II, 436-438, n° 462; Van Ommeslaghe I, 155, n° 80 et 188-191, n° 108. 586 Cf. supra, n° 1.207. 587 PG Boek 8 NBW, 10; à propos de l’ancien droit maritime et fluvial néerlandais, cfr. Cleveringa, 43; Völlmar, 11, n° 10. L’art. 824 du Código de Comercio chilien, qui fait partie du Livre III relatif à la navigation maritime et au commerce dispose:

Salvo los casos en que la ley establezca una sanción diferente, se tendrán por no escritas las estipulaciones contrarias a una disposición imperativa de este Libro.

Cette disposition n’implique toutefois aucunement que toutes les dispositions du Livre sont impératives (Cornejo Fuller, 34). Il est frappant que la législation maritime de l’Union soviétique était supplétive alors que le droit civil et le reste du droit du transport y étaient impératifs (Mateesco, M., Le droit maritime soviétique face au droit occidental, Paris, Pedone, 1966, 24, n° 2). 588 Voir, p.ex. - art. L5423-1 du Code des transports à propos de l’affrètement:

Par le contrat d'affrètement, le fréteur s'engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d'un affréteur. Les dispositions du présent chapitre sont supplétives de la volonté des parties.

- art. L5424-1 du Code des transports à propos de la vente maritime: Les dispositions du présent chapitre sont supplétives de la volonté des parties.

589 Cf. e.a. la disposition suivante : Article 1:102: Freedom of Contract (1) Parties are free to enter into a contract and to determine its contents, subject to the requirements of good faith and fair dealing, and the mandatory rules established by these Principles. […]

590 La toute première disposition énonce: The parties are free to enter into a contract and to determine its content (art. 1.1).

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Le Code de la navigation contient évidemment aussi des dispositions impératives. Ceci découle d’abord de la force obligatoire des règles impératives faisant partie de traités d’uniformisation internationaux591. Pour quelques matières nationales également, l’introduction de droit impératif est toutefois inévitable.

E. RECONNAISSANCE DE L’ANGLAIS COMME LANGUE INTERNATIONALE DE LA

NAVIGATION 1.209. Dans la réalité quotidienne de la navigation maritime actuelle et du commerce maritime, l’anglais domine592. On fait usage de cette langue dans les communications, la correspondance, les négociations contractuelles et conditions contractuelles, les négociations de traités et les textes (authentiques) des traités, les rapports d’expertise, etc. Les clauses déterminant le droit et la juridiction applicables mènent souvent à des procédures en anglais, où le droit anglais trouve à s’appliquer. L’anglais est aussi fréquemment utilisé dans la pratique réglementaire et politique européenne. Pour l’activité maritime essentiellement orientée de manière internationale, l’anglais est devenu la lingua franca. À la suite de l’interconnexion des voies de navigation intérieures et de la composition changeante des équipages, l’anglais s’impose même d’une certaine façon dans la navigation intérieure. Dans le droit belge en vigueur, l’utilisation de l’anglais se heurte à des problèmes, entre autres en ce qui concerne la nécessité d’un consentement en matière de formation des contrats et en ce qui concerne la législation sur l’emploi des langues en matière judiciaire. De manière concrète, l’Ébauche de Code belge de la navigation reconnaît l’anglais comme langue des instruments d’autorégulation, l’accent est mis, en vue de l’interprétation des contrats de navigation, sur la langue des pourparlers et un régime plus souple est établi pour l’usage des langues en matière judiciaire en matière de navigation. Ces mesures ont pour but de rapprocher le droit maritime belge de la pratique de la navigation et de l’activité portuaire, et de faire de la Belgique un for plus attrayant.

F. FONDEMENT STRUCTUREL DE LA POLITIQUE DE LA NAVIGATION 1.210. L’introduction d’un nouveau Code belge de la navigation doit être l’impulsion de départ d’un soutien structurel de la politique belge et en particulier de la politique législative en matière maritime. Le législateur doit assurer que la législation maritime belge sera encore améliorée et sera toujours maintenue à jour, et cela avec l’apport structurel d’experts. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, l’histoire de la réglementation maritime belge démontre que le législateur fait presque systématiquement appel à des experts et/ou à des organes d’avis des secteurs

On dispose d’autre part:

Nothing in these Principles shall restrict the application of mandatory rules, whether of national, international or supranational origin, which are applicable in accordance with the relevant rules of private international law (art. 1.4).

591 Voyez à ce sujet Haak, K.F., “Uniform vervoerrecht: verwezenlijking en beperking”, in De Ly, F., Haak, K.F. et van Boom, W.H. (Red.), Eenvormig bedrijfsrecht: realiteit of utopie ?, La Haye, Boom, 2006, (183), 186-187. 592 Cfr. Tetley, W., “Nationalism in a Mixed Jurisdiction and the Importance of Language”, http://www.mcgill.ca/files/maritimelaw/nationalism.pdf, punt XII.3), punt XII 4); texte figurant également dans Tulane Law Review 2003, Vol. 78, 175-218.

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concernés593. La décision de créer une Commission droit maritime souligne que les propositions législatives de la commission devront soutenir "une politique maritime coordonnée"594. Le soutien de la politique par des experts et représentants des secteurs concernés est en fait une pratique courante qui doit être ancrée dans la loi à l’occasion de l’introduction du Code belge de la navigation. Deuxièmement, on ne peut nier que le droit maritime est une matière spécialisée. Plus encore, cette matière peut, comme il a été démontré ci-dessus, être considérée comme une branche autonome du droit, et cette autonomie doit être confirmée expressément dans le Code belge de la navigation595. Le caractère spécialisé du droit maritime exige que l’on fasse appel à des experts pour la préparation du travail législatif. Si tel n’est pas le cas, on risque de fournir un texte d’une qualité médiocre, comme l’a démontré l’exemple du Code de commerce français596. Il importe donc que le législateur belge soit assisté en permanence par des experts en droit maritime, en particulier en droit maritime privé. On ne peut par ailleurs s’attendre raisonnablement à ce que l’autorité dispose elle-même en interne de l’expertise nécessaire dans une matière qui se développe principalement dans la pratique juridique quotidienne et le contentieux commercial. Un soutien structurel de la part des professionnels du droit est donc nécessaire. Troisièmement, dans d’autres secteurs également, on fait appel à un soutien structurel de la politique réglementaire. Un exemple est la Commission des Clauses abusives, dont le statut et les missions sont fixés par la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.597. Quatrièmement, une fois le Code belge de la navigation adopté, il est nécessaire de lui donner exécution en promulguant un certain nombre d’arrêtés d’exécution598 et en établissant des normes plus précises à propos des conditions générales contractuelles. De telles règles de mise en œuvre spécialisées doivent, de préférence, être préparées par des experts extérieurs qui gardent le contact avec la pratique juridique du droit maritime. Cinquièmement, il est d’un intérêt fondamental que le droit maritime belge, après achèvement du projet de révision en cours, ne soit pas à nouveau la proie d’un vieillissement ou d’un désintérêt sur le plan politique. C’est pourquoi on a proposé ci-dessus d’actualiser le Code belge de la navigation, au moins de manière périodique599. Pour garantir que cela se fera, un appui structurel de l’autorité belge par l’apport d’experts extérieurs est nécessaire. Sixièmement, pour respecter l’exigence d’une interprétation autonome au traité et uniforme, il est indispensable de s’organiser pour rassembler le savoir en matière de jurisprudence internationale de droit maritime600. Septièmement, dans d’autres pays également, les autorités maritimes reçoivent un soutien structurel. Un bon exemple est la Norvège, important état de pavillon, où un Maritime Law

593 Voir supra, n° 1.28. 594 Art. 3, premier aliéna A.R.du 27 avril 2007 créant une commission chargée de la révision du droit maritime privé et public. (MB 29 mai 2007). 595 Voir supra, n° 1.189 e.s. 596 Rodière-du Pontavice 14, n° 14. 597 Voir art. 77-78 L.du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur. (MB 12 avril 2010); A.R. du 26 novembre 1993 portant création de la Commission des clauses abusives. (MB 8 janvier 1994). 598 Voir déjà supra, n° 1.22. 599 Voir supra, n° 1.23. 600 Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 137; zie reeds supra, nr.1.90.

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Committee permanent prépare les propositions de loi et organise ce faisant l’audition des organisations intéressées601. Pour ces raisons, il est souhaitable de fixer légalement le fonctionnement de la Commission de droit maritime qui existe actuellement et d’affiner la structure et les missions de cette Commission. Une composition équilibrée et l’implication de toutes les organisations représentatives sont d’une grande importance. Des propositions de loi concrètes seront formulées dans un Livre bleu ultérieur.

2.2.3.3. ÉLARGISSEMENT, CLARIFICATION ET INTÉGRATION DU DROIT DE LA NAVIGATION A. INSERTION DE DÉFINITIONS DE CONCEPTS

1.211. La loi maritime actuelle contient seulement des dispositions relatives aux notions de navire (art. 1er) et de bateau d’intérieur (art. 271). 1.212. Le Livre vert expose (Questions 12 et 13) que des notions importantes doivent être définies, étant entendu que des définitions particulières ou dérogatoires peuvent valoir pour certaines parties du Code. En ce qui concerne l’insertion de définitions générales, les réactions de la CdA-A, de l’ABDM et des CRMB-ARMB-LMB étaient unanimement favorables. En ce qui concerne l’insertion de définitions particulières ou dérogatoires, les avis des répondants des CRMB-ARMB-LMB étaient toutefois partagés. À cet égard, certains nous ont mis en garde contre le risque de créer la confusion. 1.213. L’insertion de définitions de notions trouve appui sur les principes actuels de légistique602. Elles peuvent en effet favoriser la clarté et la sécurité juridique. 1.214. De même, des codifications étrangères récentes commencent par des définitions de notions. Tel est par exemple le cas de Livre 8 du Code civil néerlandais, qui reprend entre autres les définitions des notions d’accessoires du navire (art. 1.4), de navire de mer (art. 2.1), de navire de pêche maritime (art. 2.3), de bateau d’intérieur (art. 3), de personne à bord (art. 5), de bagage (art. 8) et d’armateur (art. 10). Le projet de nouveau Code maritime allemand de 2009 commence par une définition de notions centrales telles que “Reeder”, “Ausrüster” et “Schiffsbesatzung” (§§ 476-478). Divers chapitres du Norwegian Maritime Code contiennent également des définitions. On pourrait citer de nombreux autres exemples. Des dispositions de traités récents comme les Règles de Rotterdam indiquent également une tendance internationale à établir et à clarifier des définitions toujours plus élaborées603.

601 Voir Falkanger-Bull-Brautaset, 26, n° 1.41. 602 Coremans, H. et Van Damme, M., Beginselen van wetgevingstechniek en behoorlijke regelgeving, Bruges, La Charte, 2001, 117-118, nos 160-163; voir aussi Conseil d’État, Principes de technique législative, Guide de rédaction des textes législatifs et réglementaires du Conseil d’État (version 2008), www.raadvst-consetat.be, 69-72, n°s 95-104. 603 Sur le plan international, l’élaboration de définitions de concepts est également considérée comme un moyen de favoriser une interprétation uniforme des règles conventionnelles. (Hendrikse, M.L. et Margetson, N.J., “Uniforme uitleg van internationale zeerechtelijke regelingen”, o.c., 49).

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1.215. On peut donc conclure qu’une insertion bien étudiée de définitions dans le Code belge de la navigation trouve appui dans le secteur maritime et portuaire, les principes généraux de légistique et les exemples étrangers et internationaux. Les définitions doivent toutefois être nécessaires, soit parce qu’elles sont imposées par des normes juridiques supérieures, soit parce que le sens exact de la notion en question est imprécis dans l’usage courant ou dans le contexte juridique, soit encore pour faciliter la rédaction de dispositions matérielles. L’Ébauche de Code belge de la navigation tente de faire un usage modéré des définitions de notions. Les définitions particulières et dérogatoires ne doivent bien entendu être utilisées que lorsque c’est inévitable. Il faut en particulier éviter de rendre applicables les définitions légales nationales aux dispositions des traités604. 1.216. On déterminera plus tard si des définitions distinctes relatives au champ d’application et aux finalités du Code belge de la navigation sont nécessaires, lors de la préparation du volet commun aux volets de droit public et de droit privé.

B. APPLICATION À LA NAVIGATION NON-MARCHANDE 1.217. On a déjà exposé ci-dessus que les secteurs maritimes non commerciaux bénéficiaient d’une attention croissante de la part des pouvoirs publics605, que la limitation du champ d’application de la loi maritime aux navires destinés à la navigation à but de lucre était, dans son principe, artificielle et même contestable dans son principe et que le législateur avait élargi ce champ d’application par toutes sortes de dispositions ad hoc non reprises dans la loi maritime606. L’Ébauche de Code belge de la navigation opte pour une approche inverse: le nouveau Code de la navigation doit en principe s’appliquer à toutes les sortes d’embarcations, mais on prévoit des exceptions dans le code ou dans un arrêté d’application là où c’est nécessaire. Ce renversement du point de départ confirme l’unité du droit maritime, rend la législation plus abordable et compréhensible et apporte des avantages directs aux propriétaires et gestionnaires d’embarcations non-commerciales, qui peuvent maintenant s’appuyer sur un statut légal clair et cohérent. Cela constitue aussi un avantage pour les cocontractants et les tiers lésés607.

C. ABANDON DES PRINCIPES SUPERFLUS 1.218. Tout d’abord, il va de soi qu’à l’occasion d’une (re)codification, les dispositions légales caduques doivent être supprimées608. 1.219. En droit maritime, cela vaut en particulier pour les dispositions de la loi maritime relative au contrat à la grosse, une figure contractuelle qui dans la réalité de l’activité maritime, a disparu depuis plus de cent ans609.

604 Cf. déjà supra, n° 1.81. 605 Voir supra, n° 1.56. 606 Voir supra, n° 1.81. 607 L’élargissement du champ d’application à la navigation non-commerciale n’empêche pas que le droit maritime et le droit fluvial demeure avant tout un droit destiné aux navires commerciaux. En particulier, le droit maritime s’est développé pour les besoins de la navigation commerciale et les règles concernées demeurent le noyau dur autour duquel un droit maritime plus large peut maintenant se développer (cfr. Remond-Gouilloud, 22). 608 Delnoy, P., « La codification, forme dépassée de législation ? », in Centre Interuniversitaire de Droit Comparé (Ed.), Rapports belges au XIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Anvers / Bruxelles, Kluwer / Bruylant, 1982, (119), 123.

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Plus précisément, le contrat à la grosse ou prêt maritime réglé par le titre V (art. 179-190) de la loi maritime est une des institutions maritimes les plus anciennes. Elle était déjà connue dans l’orient antique et réglementée en droit romain (nauticum foenus). Elle a contribué au financement d’expéditions maritimes et à la répartition des risques qui y étaient liés. Le prêt maritime était caractérisé par le fait que le capital prêté ne devait pas être remboursé en cas de naufrage, mais bien en cas d’arrivée sain et sauf, majoré alors d’un intérêt très important. À l’époque de l’élaboration de la loi maritime de 1879, le contrat à la grosse ne couvrait encore en pratique que le crédit de secours que le capitaine contractait pendant le voyage pour les besoins du navire (en particulier des réparations) ou du chargement610. Avec l’avènement du commerce maritime moderne avec des sociétés par actions, des assurances maritimes, des privilèges et hypothèques maritimes, les agences maritimes et des moyens de communication rapides, la forme contractuelle du contrat à la grosse a perdu son intérêt. Déjà pendant la première moitié du vingtième siècle, les manuels de droit maritimes concluaient que le prêt à la grosse n’était plus qu’une curiosité historique611. La loi maritime belge y consacre néanmoins encore un titre distinct composé de 11 articles. En outre, on se réfère au contrat à la grosse de manière explicite612 ou implicite 613 dans d’autres dispositions de la loi maritime et même dans le Code civil614. En 1927 déjà, les Pays-Bas abrogeaient les articles du Code de commerce relatifs au contrat à la grosse615. En France, le contrat à la grosse disparut définitivement de la législation en 1967616. En Allemagne, les dispositions du “Handelsgesetzbuch” relatives au contrat à la grosse ont été abrogées en 1972617. En Angleterre aussi, le contrat à la grosse figure depuis belle lurette parmi les antiquités618. Dans le Livre vert, on a posé – plutôt par souci d’exhaustivité – la question de savoir s’il était souhaitable d’encore reprendre des dispositions relatives au contrat à la grosse dans le nouveau code (Question 145). Cette question n’a évidemment reçu aucune réponse. Cela ne laisse aucun doute sur une réponse unanimement négative. A la lumière de ce qui précède, on ne peut raisonnablement contester que le contrat à la grosse ne trouve plus sa place dans le Code belge de la navigation. La référence au contrat à la grosse doit également être abrogé du Code civil.

609 Voir déjà Van Hooydonk SVSMS, 91-92. 610 Voir en part. Doc.Parl., Chambre, 1874-75, n° 238, 21-39. 611 Voir e.a. Danjon V, 470, n° 1951; Ripert II, 114-115, n°s. 1167-1179; Wahl, A., Droit maritime, Paris, Sirey, 1924, 277, n° 628. Un contrat à la grosse a néanmoins été repris dans un recueil de modèles belge de 1913 (voir Biémont, P., Le code de commerce, Bruxelles, Albert Dewit, 1914, 246-247). 612 Voir art. 191 de la Loi maritime à propos de l’assurance maritime. 613 Voir l’art. 70 à propos du pouvoir du capitaine de conclure des prêts; voir ensuite Smeesters-Winkelmolen I, 296-301, n°s 194-196. 614 Voir supra, n° 1.166. 615 Voir Völlmar, 43-44, n° 50 et 252-253, n° 309. 616 Voir Rodière-du Pontavice, 103-104, n° 116. Le contrat à la grosse est toutefois toujours mentionné dans l'article L. 110-2 du Code de commerce en tant qu’acte de commerce, où il est assimilé à “une scorie de l’histoire” (Houtcieff, D., Droit commercial, Pars, Sirey, 2008, 84, n° 201). 617 Rabe, 883. 618 Voir e.a. Chorley-Giles, 68.

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D. INSERTION D’UN NOUVEAU RÉGIME MATÉRIEL 1.220. Outre l’insertion d’une réglementation relative aux sources et à l’interprétation du droit de la navigation et une actualisation évidente des règles de droit existantes, principalement reprises dans la loi maritime, comme celles concernant les privilèges du navire ou les contrats d’affrètement ou de transport, l’Ébauche de Code belge de la navigation contient aussi un certain nombre de règles matérielles tout à fait nouvelles. On commentera davantage, dans les Livres bleus ultérieurs, les raisons pour lesquelles de nouvelles règles ont été prévues à propos, entre autres, de la construction maritime et des contrats de réparation de navires, des droits de rétention sur navire, de la manutention et de l’agence maritime619.

E. TRANSFERT DU RÉGIME DES SAISIES SUR NAVIRES 1.221. Une révision du droit relatif à la saisie conservatoire et exécutoire sur navires sera proposée dans le Livre bleu 10 distinct. Les règles légales à ce sujet sont reprises dans le Projet de Code belge de la navigation et sont donc transférées du Code judiciaire. Les motifs de ce transfert feront l’objet d’un plus ample commentaire dans le Livre bleu concerné. On peut déjà indiquer ici que le transfert est tout d’abord justifié par l’autonomie du droit maritime que l’Ébauche de Code de la navigation soutient et promeut volontairement620. Dans l’Ébauche, le droit maritime est conçu comme un ensemble complet et autonome, et le droit relatif aux saisies sur navires en est une partie essentielle. Deuxièmement, l’Ébauche de Code belge de la navigation tend à aboutir à une codification la plus complète possible. De ce point de vue, il serait malheureux d’abandonner à un autre code un chapitre important pour la pratique du droit. Troisièmement, il faut indiquer que du point de vue de l’histoire du droit, la saisie exécutoire sur navires était réglée par l’Ordonnance de la marine (Titre XIV du Livre I sous le titre “De la Saisie et vente des Vaisseaux, et de la distribution du prix”) et ensuite par le Code de commerce (Là, sous le Titre II du Livre II (art. 197-215) et sous le titre “De la saisie et vente des navires”)621. Ce n’est que lors de la loi maritime belge de 1879 (art. 237) qu’on a choisi d’intégrer ces règles dans le Code de procédure civile. La matière de la saisie sur navires a fait l’objet d’une réglementation entièrement nouvelle dans la Loi du 4 septembre 1908 relative "à la saisie et à la surenchère en cas d’aliénation volontaire de navires de mer et intérieurs, ainsi qu’à la compétence en matière de navigation maritime et intérieure”622. Il s’agissait d’une loi isolée qui n’était insérée ni dans le Code de commerce, ni dans le Code de procédure civile. En 1961, la convention saisie navires de 1952 a été reprise dans la législation belge en modifiant la loi du 4 septembre 1908 précitée. Cette situation n’a changé qu’en 1967, lors de l’intégration des règles de saisie conservatoire et

619 Voir également le bref exposé des lignes directices par chapitre infra, n°s 267 e.s. 620 Voir supra, n° 189 e.s. 621 Comp. toutefois également art. 620 du Code de procédure civile de 1806. 622 MB 25 september 1908.

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exécutoire sur navires dans le Code judiciaire623, sans aucune motivation spécifique semble-t-il624. Cette évolution démontre en tout cas que le législateur n’a pas considéré la saisie sur navires comme un chapitre indispensable d’une codification du droit de la procédure, et l’a longtemps considérée comme une question de droit maritime. Quatrièmement, la réglementation internationale de base, à savoir la convention saisie navires de 1952, est une réglementation typique du droit maritime, préparée et quotidiennement appliquée par des praticiens du droit maritime et pas par des experts en droit judiciaire. Cinquièmement, le droit relatif aux saisies sur navires fait appel à des notions spécifiques au droit maritime qui peuvent être mieux compris dans le contexte d’un code de droit maritime réglant par exemple aussi créances pouvant donner lieu à une saisie sur navires ainsi que les privilèges et hypothèques qui interviennent lors de la répartition après saisie exécutoire sur navires. Sixièmement, l’intégration des règles de la Convention saisie navires de 1952 est souhaitable dans la mesure où l’on vise, comme exposé en détail ci-dessus625, à codifier autant que possible tous les traités d’uniformisation pertinents. Septièmement, l’intégration dans le Code belge de la navigation améliore la clarté, la cognoscibilité et la facilité d’utilisation du nouveau code. Pour les avocats en particulier, il est plus facile de retrouver les règles de saisies spécifiques au droit maritime dans le même code que les règles apparentées et que les règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes. Huitièmement, on peut citer des exemples étrangers pour justifier l’intégration des règles de saisie sur navires au Code maritime belge. Ainsi, en Chine, en France, en Croatie, en Norvège, en Russie et en Slovénie, la réglementation relative à ce sujet a été reprise dans les codes ou lois relatives à la navigation ou au transport626. Dans les pays anglo-saxons, la saisie sur navires est généralement réglée dans une loi maritime spécifique. Bien qu’il y ait des pays où la saisie sur navires est réglée par une codification de droit procédural (p.ex. les Pays-Bas), il ne s’agit certainement pas d’une pratique généralement suivie. Naturellement, le transfert du Code judiciaire doit aller de pair avec des renvois croisés. Cela est dans la ligne du choix légistique déjà commenté ci-dessus627.

F. RATIONALISATION DES RÈGLES DE PRESCRIPTION 1.222. Une innovation générale importante consiste à rationaliser les règles de prescription. Le Titre IX de la loi maritime comporte une réglementation peu cohérente d’un point de vue légistique à propos des moyens d’irrecevabilité et de prescription (art. 266-270), dans laquelle on aperçoit surtout la diversité des courts délais de prescription. 1.223. Dans le Livre vert (Question 9), on affirme qu’il est souhaitable de rationaliser les délais de prescription par rapport aux éventuelles conditions conventionnelles périphériques et, pour

623 Pour un aperçu de l’évolution de la législation belge relative à la saisie conservatoire sur navires, voir en particulier Delwaide SB, 47 e.s., n°s. 33 e.s. 624 Le Commissaire royal Van Reepinghen s’est toutefois concerté avec des avocats anversois spécialisés en droit maritime (voir Parl.St., Sénat, 1963-64, n° 60, 328). 625 Voir supra, n° 86 e.s. 626 Voir toutefois supra, n° 1.108. 627 Voir supra, n° 1.168.

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plus de clarté et de lisibilité, de les inclure dans les chapitres du nouveau code auxquelles elles ont trait. L’ABDM a adhéré de manière unanime au souhait d’harmonisation et de simplification, ainsi qu’à l’intégration aux chapitres auxquels les diverses règles de prescription ont trait. On a également plaidé pour une harmonisation entre le droit maritime et le droit fluvial. L’URAB a contesté l’opportunité de répartir les règles de prescription entre les chapitres matériels et a préféré une centralisation. 1.224. L’Ebauche de nouveau Code belge de la navigation met en œuvre deux innovations. Tout d’abord, conformément au point de vue adopté par l’ABDM, les règles de prescription sont réparties parmi les diverses dispositions de droit matériel. La combinaison du droit matériel et des règles de prescription améliore la clarté et la cognoscibilité de la législation, et du même coup la sécurité juridique, car le risque de ne pas apercevoir les courts délais de prescription est réduit. Deuxièmement, dans un souci de sécurité juridique, on a opté pour la plus grande uniformisation possible des délais de prescription. La plupart des traités d’uniformisation internationaux contiennent un délai de prescription de deux ans. Les traités relatifs à la responsabilité en matière environnementale utilisent une prescription de trois ans, la CMNI une prescription d’un an. La loi maritime établit des délais de prescription d’un an, de deux ans et de trois ans, la loi relative à l’affrètement fluvial un délai de six mois et un autre d’un an. L’Ébauche de Code belge de la navigation opte en principe pour un délai de deux ans, le délai de deux ans étant une moyenne entre les délais actuellement en vigueur, le délai d’un an apparaissant souvent comme irréaliste et le délai de deux ans étant le délai le plus fréquent dans les traités de droit maritime. Par la modification proposée, le droit maritime belge s’aligne donc sur ce qui est courant sur le plan international, ce qui constitue une ligne directrice générale du code628. Naturellement, les délais de prescription dérogatoires fixés par traités sont maintenus.

G. INSERTION DES DISPOSITIONS DE DIP 1.225. Une autre innovation de nature générale consiste à adjoindre aux dispositions de droit matériel, là où c’est utile et possible, des dispositions de droit international privé spécifiques au droit maritime629. 1.226. La loi maritime ne contient pas ou peu de règles de droit international privé, même pas à propos du champ d’application de dispositions ‘nationales’ transposant des traités d’uniformisation et réglant des situations nationales non régies par le traité630. Il convient cependant de mentionner l’article 22 de la loi maritime concernant l’application de la loi du pavillon aux droits sur les navires, et la règle de priorité contenue dans l’article 91 et concernant le champ d’application des Règles de La Haye. 1.227. Dans le Livre vert (Question 160), on a exposé que le Code DIP du 16 juillet 2004 doit être examiné à la lumière des besoins des utilisateurs du droit maritime et du transport. On y suggère que l’article 89 du Code DIP relatif aux droits réels sur un aéronef, un navire, un bateau

628 Voir supra, n° 1.26 et 1.179-1.181. Les règles de prescription de l’ art. 10.2 des UNIDROIT Principles of International Commercial Contracts semblent moins pertinentes dans le contexte du droit maritime. 629 En remerciant Me C. Clijmans pour son commentaire du texte ci-dessous. 630 Voyez à cet égard e.a. supra, n° 1.94.

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ou tout autre moyen de transport pourrait être précisé en ce qui concerne le double enregistrement des navires et le statut des containers et que l’article 99 du Code DIP aurait pu comporter des dispositions relatives aux abordages en mer. Vu l’intérêt important des questions de DIP pour le secteur de la navigation maritime et du transport, on a suggéré que le nouveau code reprenne des règles claires de DIP indépendamment du Code DIP. A ce sujet, on s’est référé à la législation spécifique d’autres pays comme les Pays-Bas. L’ADMB est restée prudente à ce sujet et n’a pas vu de “nécessité immédiate”. Elle a indiqué que les traités internationaux auront toujours priorité sur le Code DIP belge. D’après elle, le droit maritime est une matière internationale qui est souvent réglée par des traités. Pour cette raison, il lui a semblé préférable de se concentrer sur les traités internationaux (et de participer à leur préparation) plutôt que d’aller "enfermer" certaines matières locales dans un Code DIP belge. Nous n’avons pas noté d’autres réponses à la question posée. La CdA-A a cependant suggéré, dans sa réponse relative à la structure du nouveau Code, de prévoir une partie distincte à propos du DIP (droit applicable et compétence)631. 1.228. Bien que le commerce maritime et la navigation maritime aient, par excellence, un caractère international, et que l’on puisse s’attendre à ce que le droit maritime soit au centre des préoccupations des praticiens, dans beaucoup de pays, le DIP n’est considéré que comme une matière marginale632. Il semble qu’il n’y ait que peu de pays disposant d’une législation DIP spécifique au droit maritime ou de la navigation633. Les ouvrages de synthèse relatifs au DIP maritime sont rares sur le plan international. Les études connues semblent émaner des praticiens du droit maritime et non des spécialistes du DIP634. Des informations relatives au DIP de droit maritime se retrouvent surtout dans la littérature relative au droit maritime. 1.229. Divers facteurs expliquent le peu d’attention porté au DIP maritime. Tout d’abord, non seulement le DIP est une matière juridique spécialisée, mais tel est également le cas du droit maritime lui-même ; ce dernier est même une branche autonome du droit635. Les praticiens du droit maritime et les experts en DIP travaillent pour la plupart dans des mondes distincts. Deuxièmement, déjà vers 1900, on a choisi, pour éviter les conflits de loi, la voie de l’uniformisation des règles matérielles de droit maritime au moyen de traités, et ce faisant, la tentative initiale d’établir (également) des règles communes de DIP a, semble-t-il, été abandonnée636. Lors des premiers congrès mondiaux qui ont été tenus en 1885 et 1888, respectivement à Anvers et à Bruxelles, on a effectivement été attentif tant à l’uniformisation des règles matérielles de droit maritime qu’à l’établissement de règles de conflits uniformes de DIP. Cela a eu pour résultat, entre autres une proposition de traité international relatif aux conflits de

631 Voir infra, n° 1.261. 632 Mankowski, P., Seerechtliche Vertragsverhältnisse im Internationalen Privatrecht, Tübingen, J.C.B.Mohr, 1995, 1. 633 Voir quelques indications infra, n° 1.230. 634 Voir en particulier Boonk, Zeerecht en IPR, Deventer, Kluwer, 1998, 316 p.; Mankowski, P., Seerechtliche Vertragsverhältnisse im Internationalen Privatrecht, Tübingen, J.C.B.Mohr, 1995, 691 p.; Tetley, International Conflict of Laws. Common, Civil and Maritime, Montreal, Blais, 1994, 1103 p.; Van der Velde, W., De positie van het zeeschip in het internationaal privaatrecht, Deventer, Kluwer, 2006, 556 p. 635 Voir supra, n° 1.189. 636 Voir déjà supra, n° 1.89.

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loi en droit maritime qui établissait une longue liste de questions qui devaient être réglées par la loi du pavillon637. Pendant la même période, l’Institut de droit international s’est essayé à des propositions en vue d’une uniformisation du DIP maritime638. Les règles conventionnelles initialement visées n’ont toutefois jamais vu le jour. Plus d’un siècle après les premiers congrès, des voies timides se sont élevées, dans le cadre du CMI, pour unifier le DIP maritime639, mais cela n’a pas davantage conduit à un résultat. Le travail d’uniformisation ne s’est donc jamais vraiment concentré sur les conflits de lois. Troisièmement, il faut rappeler que bien qu’une jurisprudence ou une doctrine divergentes apparaissent de temps à autre, la valeur du droit conventionnel unifié directement applicable – qui domine le droit maritime – rend superflu l’application des règles de conflits du DIP et met hors-jeu les règles nationales de DIP640. De nombreux praticiens du droit maritime estiment par ailleurs que le DIP contribue peu à l’uniformisation du droit maritime parce que les règles de renvoi ne servent finalement qu’à faire prévaloir un droit national déterminé641. Quatrièmement, en tout cas en Belgique, on n’a jamais reconnu la nécessité d’établir au moyen d’une loi un DIP spécifique au droit maritime. Les praticiens du droit maritime sont depuis longtemps habitués à appliquer les règles de renvoi de droit commun ou en tout cas jurisprudentielles. Par la suite, les contrats de droit maritime ont été soumis, quant au DIP, à la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles642. En 2004, le Code DIP a été introduit643 ; celui-ci visait à instaurer une réglementation générale efficace. Dans l’intervalle, le DIP en matière d’obligations contractuelles et extracontractuelles a été réglé par les règlements CE Rome I644 et Rome II645 qui tiennent quelque peu compte des particularités du transport. Outre le caractère obligatoire de ces régimes de DIP de droit commun, en grande partie établis à l’échelon européen, le manque d’intérêt pour l’instauration d’un DIP maritime belge s’explique peut-être par une non-observation des aspects de DIP que l’on remarque parfois dans la pratique juridique quotidienne. 1.230. Il ne peut y avoir de doute quant au fait que l’instauration d’un DIP maritime fixé dans la loi est utile, en tout cas pour un certain nombre d’aspects. Dans d’autres pays, on constate que l’application du DIP de droit commun dans le contexte du droit maritime est souvent problématique.

637 Voir Actes du congrès international de droit commercial d’Anvers (1885), Bruxelles / Paris, Ferdinand Larcier / G. Pedone-Lauriel, 1886, 103-151 et la résolution à la p. 411; Actes du congrès international de droit commercial de Bruxelles (1888), Bruxelles / Paris, Ferdinand Larcier / G. Pedone-Lauriel, 1889, 111-184 et la résolution à la p. 407-409. 638 Voyez le projet de règlement international des conflits de lois en matière de droit maritime (Bruxelles, 1885) et le projet de règlement international des conflits de lois en matière d’abordages maritimes (Lausanne, 1888); voyez par ailleurs e.a. Diena, G., “Principes du droit international privé maritime”, in Académie de droit international, Recueil des cours, 1935, I, Pars, Sirey, 1935, (409), 413. 639 Voir e.a. Alcántara, J.M., « Coordination between maritime conventions. A pathological survey », IDM 1999, (260), 262. 640 Voir supra n°s 1.89, 1.106 et 1.110 ainsi que Rimaboschi, M., Méthodes d’unification du droit maritime, III, Trieste, E.U.T., 2005, 176-177. 641 Voir p.ex. Manca I, 12. 642 L. 14 juillet 1987 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, du Protocole et de deux Déclarations communes, faits à Rome le 19 juin 1980 (MB 9 octobre 1987). 643 L. 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé (MB 27 juillet 2004, telle que modifiée). 644 Règlement (CE) N° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO. 4 juillet 2008, L 177/6). 645 Réglement (CE) N° 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ( Rome II ) (JO 31 juillet 2007, L 199/40).

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Dans sa thèse de doctorat remarquée à propos du statut du navire de mer en droit international privé de 2006, Van de Velde a, par exemple, conclu :

dat de gewone conflictregels bij toepassing op het zeeschip in de regel niet tot een doelmatig en rechtvaardig verwijzingsresultaat leiden omdat zij onvoldoende rekening houden met het bijzondere karakter van het zeeschip. Gebleken is dat de bijzondere eigenschappen van het zeeschip dwingen tot het opstellen van conflictregels die afwijken van de conflictregels die gelden voor vergelijkbare internationale rechtsverhoudingen aan land. Om te kunnen voldoen aan het primaire doel van het internationaal privaatrecht verdient het aanbeveling om aanknopingsfactoren te gebruiken die rekening houden met de gegevens dat er vele verschillende belangen bij het zeeschip betrokken zijn en dat een zeeschip commercieel, mobiel, en internationaal is, dat het een afzonderlijke leefgemeenschap vormt en dat het een registratie kent. Daartoe dient enerzijds de toepassing van enkele gewone conflictregels op het zeeschip te worden uitgesloten en anderzijds speciaal voor het zeeschip nieuwe conflictregels te creëren voor de goederenrechtelijke gevolgen van een eigendomsvoorbehoud, het retentierecht, voorrang en verhaal van vorderingen, onrechtmatige daden anders dan uit aanraking tussen schepen en global limitation646.

Dans certains pays, la législation de DIP de droit commun comporte une ou plusieurs règles particulières relatives à la matière de la navigation. À côté de la Belgique, on peut citer l’Allemagne comme exemple. La Einführungsgesetz zum Bürgerlichen Gesetzbuche (EGBGB) contient des dispositions spéciales à propos du statut en droit des biens des “Transportmittel”, en ce compris les embarcations (art. 45). Quelques autres pays disposent d’un régime de DIP maritime légal distinct plus ou moins complet. Bien que l’on affirme que l’établissement d’un tel DIP légal spécifique au droit maritime est un phénomène récent647, il faut constater, par exemple que des règles de DIP ont été reprises dans le remarquable Codice della navigazione italien (art. 4-13)648. Les dispositions de DIP du Codice sont réputées primer sur la législation de DIP italienne de droit commun649. Les diverses lois maritimes françaises des années 1960 reprenaient également un certain nombre de dispositions de DIP spécifiques et parfois originales650. Le Livre 8 du Code civil néerlandais ne comportait pas de dispositions de DIP, bien que le Commissaire du gouvernement Schadee estimait nécessaire d’instaurer des règles légales de DIP spécifiques651. Actuellement aux Pays-Bas, on applique la Wet van 18 maart 1993, houdende enige bepalingen van internationaal privaatrecht met betrekking tot het zeerecht, het binnenvaartrecht en het luchtrecht. Cette loi comporte entre autres des dispositions de DIP en ce qui concerne le statut de droit réel des navires, la répartition du produit de la vente d’un navire en cas de faillite ou la liquidation judiciaire, le « saut de cheval » à propos des contrats d’exploitation de navires, la légitimation du transport sous connaissement, le droit de rétention du transporteur et la responsabilité en cas d’abordage. La Wet van 11 april 2001, houdende regeling van het conflictenrecht met betrekking tot verbintenissen uit onrechtmatige daad assimile les navires au territoire d’un État. Lors de la mise sous

646 Van der Velde, 516. 647 Tetley ICOL, 32; voir aussi les notes dans Rodière TGDM ILA, 138-139, n° 81. 648 À propos de ce code, voir déjà supra, n° 1.139. 649 Voir e.a. Rossi-Martorano, 12. 650 À propos de ces lois, voir supra, n° 1.136. Voir p.ex. à propos de la manutention de marchandises, l’art. 57 de la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes:

En matière internationale, les opérations visées au présent titre sont soumises à la loi du port où opère l'entrepreneur. 651 Voir en particulier Haak, W.E., “Het internationaal privaatrecht en Boek 8”, in Scheepsraad, Zwolle, W.E.J. Tjeenk Willink, 1973, 29-53.

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presse, un projet de loi était pendant, tendant à intégrer ces dispositions, ainsi que d’autres lois relatives au DIP en un nouveau Livre 10 du Code civil652. Le Code maritime croate comporte une partie 11 entièrement consacrée au DIP et à la compétence internationale (art. 989-1009). Le Chapitre XXVI du Code de la marine marchande de la Fédération de Russie (art. 414-427) contient également des dispositions de DIP élaborées. Le Code maritime Chinois contient un chapitre 14 distinct relatif au DIP de droit maritime (art. 268-276). Le législateur suisse a choisi de maintenir le droit maritime en-dehors du champ d’application de la législation de DIP de droit commun653. L’article 107 de la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) du 18 décembre 1987 dispose expressément:

Sont réservées celles des dispositions d'autres lois qui sont relatives aux droits réels sur les navires, aéronefs ou autres moyens de transport.

Le projet de loi uniforme Benelux relatif au droit international privé du 11 mai 1951 dispose expressément que la loi ne s’applique pas "aux droits et obligations réglés par les lois relatives à la navigation maritime, fluviale ou aérienne" (art. 27)654. Ce choix a été commenté comme suit dans le rapport s’y rapportant :

Les droits et obligations relatifs à la navigation maritime, fluviale ou aérienne sont déjà pour une grande partie réglés par des traités collectifs, ou font l’objet de règlements en préparation. C’est pourquoi le traité n’a pas cru devoir s’occuper de cette matière.655.

Dans des manuels internationaux de législation maritime, on recommande également d’introduire des dispositions de DIP pour les cas où les règles générales de DIP sont inadaptées, par exemple à propos des contrats de transport ou de la responsabilité en cas d’abordage656. On peut conclure de ce qui précède que dans des pays qui connaissent un DIP maritime spécifique, celui-ci est souvent intégré à la législation maritime, qu’un tel DIP légal maritime spécifique se développe de plus en plus ces derniers temps et que le droit maritime est souvent maintenu explicitement hors du champ d’application des dispositions de DIP de droit commun. 1.231. La nécessité d’un DIP spécifique au droit maritime et en même temps la possibilité de le codifier par une législation nationale ont diminué dans la mesure où les matières de droit maritime sont réglées par Rome I et Rome II657.

652 Voir e.a. Stukken Tweede Kamer, 2009-2010, 32 137, N°s. 1, 2 et 3 et 2010-2011, 32 137, 1 (proposition de loi modifiée); pour le commentaire, voir déjà Eckoldt, J.P. et ten Bruggencate, C.P., “Titel 15 van Boek 10 BW: Het nieuwe ‘natte’ IPR (art. 10:160 à 10:165 BW)”, WPNR 2010, 597-602. 653 Voir Peter, H., « Internationales Seeprivatrecht », Schweizerische Juristen-Zeitung 1991, (37), 38. 654 Texte e.a. dans D.P., Sénat, 1953-54, n° 132, et dans Erauw, J., Bronnen van internationaal privaatrecht, Anvers, Kluwer, 1997, (9), 16. 655 D.P., Sénat, 1953-54, n° 132, (22), 62-63. 656 D’après Economic and Social Commission for Asia and the Pacific, Guidelines for maritime legislation, Bangkok, United Nations, 1991, 196. 657 Voir à ce sujet Boonk, H., « De betekenis van Rome II voor het zeerecht », NiPR 2008, 469-480; Boonk, H., “De betekenis van Rome I voor het zeevervoer”, TVR 2009, 95-102; et ensuite les diverses contributions dans Smeele, F.G.M. (Ed.), Conflictenrecht in ontwikkeling, Zutphen, Paris, 2009, 177 p.

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Ainsi, le DIP relatif aux contrats de transport est réglé par Rome I, et le DIP relatif aux abordages par Rome II. Il n’est évidemment pas question que le législateur belge intervienne dans de telles règles déjà fixées sur le plan européen. Il n’est en principe même pas possible de reprendre telles quelles les règles CE dans la loi nationale sans les modifier. Un renvoi peut toutefois être utile à la clarté et à la cohérence de la législation658. 1.232. Rome I et Rome II ne réglant pas tous les aspects des contrats de transports et des règles relatives à l’abordage, cela peut avoir du sens que le législateur national instaure des règles additionnelles. Ainsi, la législation néerlandaise contient une règle de DIP relative à la légitimation passive en matière de connaissement659, car Rome I ne contient pas de dispositions à ce sujet. 1.233. Ensuite, un certain nombre de questions de DIP maritime demeurent non réglées sur le plan européen et international. Comme exemple, on peut citer les privilèges maritimes et l’avarie commune. À propos de la première matière, la jurisprudence belge est divisée. Des règles légales sont également souhaitables pour de telles questions. 1.234. Les Livres bleus qui suivront commenteront la portée des règles de DIP à reprendre dans le Code belge de la navigation. Les règles de DIP seront élaborées et motivées au cas par cas. De manière générale, on peut toutefois mentionner que l’introduction d’un code ayant une forte inspiration internationale justifie qu’on donne une importance relativement moindre à l’application du droit étranger par les tribunaux belges. Une application plus large du Code belge de la navigation aux situations internationales peut favoriser le maniement du droit sans donner lieu à une réduction de la qualité de celui-ci. En se fondant sur une inspiration internationale, en particulier de droit comparé, du Livre 8 du Code civil néerlandais, Boonk660 a adopté un point de vue similaire aux Pays-Bas. Le caractère très éclectique du nouveau Code belge de la navigation661 justifie d’adopter un principe similaire. 1.235. Il ressort de ce qui précède qu’il est souhaitable de régler dans la loi une série de questions de droit maritime du DIP. Les diverses parties de l’Ébauche de Code belge de la navigation comprendront donc également des règles de DIP. Pour les motifs exposés, il ne s’agira pas d’une codification complète du DIP maritime. On tentera toutefois de compléter les règlements Rome I et Rome II en laissant en suspens les aspects de droit maritime du DIP des contrats et de l’acte illicite. Ensuite, on recherchera une codification orientée du droit maritime spécifique du DPI, demeurant en dehors de toute réglementation internationale ou européenne. 1.236. On a choisi volontairement de reprendre les règles de DIP maritime visées dans le Code belge de la navigation et non dans le Code DIP.

658 Voir à ce sujet, de manière générale, supra, n° 1.111. 659 Voir supra, n° 1.230. 660 Boonk, 8-9. 661 Voir supra, n° 1.27 et 1.131.

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Ce choix repose sur les motifs suivants (qui sont en partie les mêmes que pour le transfert vers le nouveau code des règles relatives aux saisies sur navire662). Tout d’abord, l’Ébauche de Code belge de la navigation considère le droit maritime comme une branche du droit autonome663. Des règles de DIP spécifiques trouvent en principe leur place au sein de ce droit maritime autonome. Deuxièmement, l’Ébauche de Code belge de la navigation vise à (re)codifier le droit maritime de la manière la plus complète possible664 Le fait de reprendre des règles de DIP maritime dans une autre loi ou un autre code serait inconciliable avec cet objectif légistique. Troisièmement, il faut constater que les rédacteurs du Code DIP, quels que soient les mérites et l’utilité de celui-ci665, ont presque totalement ignoré le droit maritime. Comme exposé dans le Livre bleu relatif au statut du navire, l’article 89 du Code DIP relatif au statut réel des embarcations – la seule règle relative au droit maritime qui figure dans le code – est imparfait et omet de se mettre en concordance avec la disposition correspondante de la loi maritime. Il faut en plus souligner qu’une plus ample intégration du DIP maritime dans le code DIP n’est pas vraiment possible sur le plan légistique. La première option consisterait à répartir les dispositions spécifiques au DIP maritime en divers endroits (par exemple en plaçant les règles du contrat de transport dans ou près de la disposition existant dans le Code DIP relative aux obligations (art.98), les règles relatives aux navires dans l’art. 89 à remplacer, les règles relatives à l’abordage parmi les dispositions de DIP relatives à l’acte illicite (art. 98 e.s.), etc). Un tel éparpillement rendrait le DIP maritime spécifique presqu’introuvable. En outre, pour certaines questions de droit maritime, il n’est pas évident du tout de déterminer à côté de quelle question de droit commun elle a sa place (par exemple l’avarie commune et l’assistance). L’alternative consistant à reprendre le DIP maritime dans un Chapitre distinct du Code DIP serait tout aussi peu satisfaisante. La structure actuelle du Code DIP n’est pas prévue pour cela et ce Titre serait de toute façon égaré dans le Code DIP. En fait, le Code de DIP, conçu comme un Code général et élémentaire de DIP, serait surchargé et perturbé par l’intégration d’un DIP maritime important et vraiment spécifique. Enfin, il convient de constater que des dispositions de DIP concernant d’autres matières spécifiques fonctionnent également en dehors du DIP666. Pour tous ces motifs, le Code DIP ne constitue pas un environnement adéquat pour le DIP maritime. Quatrièmement, il faut rappeler que la délimitation d’une mesure de codification se réalise mieux au travers des sujets réglementés ou du secteur économique ou social envisagé que sur la base d’une délimitation académique des branches du droit667. Pour cette raison également, le DIP maritime est à sa place dans le Code de la navigation et non dans le Code DIP. Cinquièmement, les règles de DIP maritime reposent sur des notions, des catégories, des termes et des règles spécifiques; ceux-ci fonctionnent dans le contexte d’une jurisprudence et d’une doctrine spécifique. Les règles légales de DIP pour le droit maritime doivent être placées dans

662 Voir supra, n° 1.221. 663 Voir en détail supra, n°s 1.189 e.s. 664 Cf. supra, n° 1.69 e.s. 665 Sur le contexte de la codification établie par le Code DIP, voir e.a. Erauw, J., “De nood aan codificatie van het Belgisch internationaal privaatrecht”, in Erauw, J. e.a. (Eds.), Liber Memorialis François Laurent 1810-1887, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1989, 745-763; Erauw, J., “De codificatie van het Belgisch internationaal privaatrecht met het ontwerp van Wetboek I.P.R.”, RW 2001-02, 1557-1566. 666 Voyez p.ex. l’art. 17 de la loi du 15 décembre 2004 relative aux sûretés financières et portant des dispositions fiscales diverses en matière de conventions constitutives de sûreté réelle et de prêts portant sur des instruments financiers (MB 1er février 2005). 667 Voir supra, n° 1.79 et 1.149.

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leur contexte naturel : le Code de la navigation. Dans ce contexte seulement, elles deviennent intelligibles et peuvent correctement s’appliquer. Sixièmement, il est hautement souhaitable de placer les dispositions de DIP parmi les mêmes dispositions que celles qui fixent les règles relatives au champ d’application des traités d’uniformisation. Comme expliqué ci-dessus, dans l’Ébauche de Code belge de la navigation, on a choisi de reprendre tant les règles des traités d’uniformisation que les règles nationales qui en découlent pour les ‘situations nationales’668. Le champ d’application des premières règles dépend des règles de délimitation reprises dans les traités et à reprendre dans le Code de la navigation, celui des secondes des règles de priorité ou systèmes de renvoi nationaux. Une bonne compréhension du champ d’application global de la réglementation concernée implique qu’on y intègre les règles de DIP pertinentes (ce qui peut éventuellement consister (aussi) en un renvoi vers Rome I ou Rome II). Cette approche, dans le contexte de la législation maritime et non dans le Code DIP trouve déjà un certain appui dans la loi maritime actuelle, qui comme indiqué contient déjà une règle de renvoi de DIP indirecte à propos des sûretés sur navires et une règle de priorité à propos du transport sous connaissement669. Septièmement, le DIP maritime est d’une grande importance pour l’exercice quotidien du droit maritime. Pour rendre la législation claire, accessible et utilisable et pour rendre le Code belge de la navigation plus facile d’usage, il est hautement souhaitable de reprendre également les règles de DIP dans ce dernier code. C’est d’autant plus le cas dans la mesure où les juristes actifs dans le domaine du droit maritime – en particulier les avocats – qui utiliseront les règles de DIP maritime, concentreront principalement leur attention quotidienne sur le Code belge de la navigation et considéreront celui-ci comme leur première source de droit et instrument de travail. Les praticiens du DIP, au contraire, montrent généralement peu d’intérêt au DIP maritime670 et les généralistes du barreau verront des règles de DIP maritime figurant dans le Code DIP comme une forme de corps étranger dérangeant. La conclusion en est que l’incorporation des règles de DIP dans le Code belge de la navigation est la meilleure solution pour la pratique juridique. Huitièmement et enfin, l’intégration du DIP maritime peut se justifier en renvoyant à des exemples étrangers. Dans les quelques pays disposant d’une législation de DIP maritime bien développée, les dispositions pertinentes sont intégrées à la législation maritime, et non dans la législation générale de DIP. Le fait attendu que le DIP maritime néerlandais soit repris dans le Livre 10 du Code civil néerlandais ne constitue pas une réelle contre-indication dans la mesure où le droit maritime fait également partie de ce code (à savoir le Livre 8). 1.236. Le choix d’intégrer le DIP maritime non pas dans le Code DIP, mais bien dans le Code belge de la navigation ne signifie pas que les dispositions générales du chapitre I du premier code cité (art. 2-31) ne soient pas d’application. Il n’y a pas de raison fondamentale pour rendre inapplicables ces règles générales qui concernent entre autres la compétence judiciaire internationale. Dans les Livres bleus ultérieurs, on examinera si des règles particulières peuvent être utiles pour les matières spécifiques. Ensuite, il paraît évident que le Code de DIP doit contenir une référence expresse au Code belge de la navigation.

668 Cf. e.a. supra, n° 1.119. 669 Voir supra, n° 1.226. 670 Voir supra, n° 1.228.

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H. MATIÈRES NON TRAITÉES 1.237. Bien que l’Ébauche de Code belge de la navigation ambitionne d’être une codification la plus large possible du droit maritime671, tous les aspects de droit privé des activités maritimes et portuaires ne nécessitent pas une législation spécifique. Dans ce qui suit, on attire l’attention sur certaines matières à propos desquelles l’Ébauche ne prévoit pas de dispositions. 1.238. L’Ébauche de Code belge de la navigation ne contient aucune disposition concernant la vente-achat de navires. Des dispositions à ce sujet étaient bien reprises dans le Code de commerce (articles 195-196). Pendant la première consultation, personne n’a demandé la réinsertion d’une réglementation spécifique. À l’étranger aussi, il y a peu de dispositions législatives spécifiques dans cette matière. On reviendra, dans le Livre bleu 3, sur cette matière essentiellement réglée, dans la pratique, par les conditions standard internationales. 1.239. Il n’a pas semblé justifié d’introduire une réglementation propre de la responsabilité des sociétés de classification dans le nouveau Code belge de la navigation. Tout d’abord, aucune partie intéressée n’a demandé une telle réglementation lors de la première consultation publique. Autrement dit, il n’y a pas, dans les secteurs concernés, de besoin d’un régime légal spécifique. Cela se confirme par le petit nombre de prononcés judiciaires connus dans cette matière. En d’autres termes, cette matière donne lieu à peu de contestations. Deuxièmement, la jurisprudence belge semble établie dans ce sens que la société de classification n’est pas un agent d’exécution du transporteur672. Il n’y a donc pas d’obstacle à ce que les cocontractants du transporteur intentent une action en indemnisation à l’encontre des sociétés de classification. Les préjudiciés bénéficient en d’autres termes d’un régime relativement favorable673. Troisièmement, la responsabilité des sociétés de classification fait l’objet, depuis longtemps, d’un débat international qui n’a pour l’instant pas conduit à l’harmonisation du régime de responsabilité674. Il n’est pas indiqué que la Belgique barre la route à la poursuite des développements internationaux par une initiative législative unilatérale. La question qui s’est récemment posée à propos des catastrophes maritimes de l’ Erika et du Prestige de savoir si les sociétés de classification peuvent invoquer l’immunité décrite à l’article III(4) de la Convention

671 Voir supra, n° 1.69 e.s. 672 Voir et cfr. Anvers, 10 mai 1994, RHA 1995, 301; Anvers, 14 février 1995, RHA 1995, 321; Antwerpen, 12 décembre 1995, Rép. 5782 - 1993/AR/1248, ms. Rojonada, inédit. 673 Tel n’est pas le cas en droit Anglais et Américain : voir et cfr. Davies, M., « Classification society liability in the United States”, in Thomas, D.R. (Ed.), Liability regimes in contemporary maritime law, Londen, Informa, 2007, 129-147; Tettenborn, A., “The liabilities of classification societies –more awkward than it looks ?”, in Thomas, D.R. (Ed.), Liability regimes in contemporary maritime law, o.c., 108-127; parmi l’abondante littérature, voir e.a. Basedow, J. en Wurmnest, W., Third-Party Liability of Classification Societies, Berlin / Heidelberg / New York, Springer, 2005, 124 p.; Ferrer, M., La responsabilité des sociétés de classification, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, 451 p.; Huybrechts, M.A., "Classificatiemaatschappijen of de schone schijn doorkruist ?", Liber amicorum Jacques Putzeys, Bruxelles, Bruylant, 1996, 439-474; Huybrechts, M.A. et Cornette, F., "De Classificatiemaatschappij en haar aansprakelijkheid", TVR, 1997, n° 6 (novembre), 1-5; Lagoni, N., The Liability of Classification Societies, Berlin / Heidelberg / New York, Springer, 2007, 377 p. 674 Voir en particulier le plaidoyer pour un traité international dans l’étude de Lagoni cité dans la note en bas de page précédente, ainsi que les travaux antérieurs du CMI à propos des sociétés de classification. En 1998, le CMI a fixé les Principles of Conduct for Classification Societies, et en 1999 le Model contractual clauses for use in agreements between classification societies and governments and classification societies and shipowners. Il n’empêche qu’une réglementation conventionnelle reste toujours bienvenue.

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CLC675 est une question d’interprétation de traités qui ne peut ni ne doit être tranchée par une loi nationale. Quatrièmement, lors d’une étude de droit comparé, on n’a rencontré aucun autre exemple de législation nationale, pas même dans les codifications récentes. Il semble donc que dans d’autres pays, il n’y ait eu non plus besoin d’initiative législative. 1.240. L’Ébauche de nouveau Code belge de la navigation ne prévoit pas non plus de règles de responsabilité à propos de l’octroi (ou du refus) d’accès aux refuges pour les navires en détresse. Une telle réglementation n’existe pas non plus dans d’autres pays ; en outre, en Belgique, la question est en partie une compétence régionale676. 1.241. Ensuite, on n’a pas prévu de règle à propos de la vente dite maritime. Cette matière est en pratique surtout réglée par les Incoterms. Il n’existe que peu d’exemples de législation nationale à ce sujet. Le Code des transports français prévoit des règles supplétives (art. L5424-1 - L5424-11). Lors de la première consultation, personne n’a insisté sur la nécessité d’instaurer une législation belge. 1.242. Bien que l’Ébauche de Code belge de la navigation consacre de l’attention au contrat d’engagement maritime et au statut de droit privé de la manutention, une réglementation spécifique de droit privé ou de droit du travail relative au travail portuaire n’a pas semblé nécessaire. Les problèmes juridiques à propos du système d’emploi sanctionné pénalement qui est prévu par la loi organisant le travail portuaire677 ne sont pas pris en considération dans les Livres bleus relatifs à la révision du droit maritime privé. 2.3. INTITULE ET STRUCTURE DE L'ÉBAUCHE 2.3.1. INTITULÉ 1.243. Comme déjà mentionné, le terme "loi maritime" couramment utilisé dans la pratique juridique et la doctrine vise le Livre II du Code de commerce qui porte le titre ‘navigation maritime et intérieure’678. 1.244. Il est fait état dans le Livre vert (Question 7) d’une ‘Nouvelle Loi maritime belge’ à rédiger. On y indique que pour l’intitulé du nouveau code, plusieurs alternatives entrent en considération et que le titre doit refléter le contenu, mais aussi avoir une résonance attrayante, tant dans les versions authentiques en néerlandais et en français que dans une traduction anglaise destinée à un public maritime international. Comme titres possibles, on a entre autres indiqué ‘Nouvelle Loi maritime’, ‘Code de la mer’, ‘Code maritime’, ‘Loi sur la navigation’ et ‘Code de la navigation’.

675 À cet égard, cf. et comp. e.a., en marge de la contribution de Davies mentionnée ci-dessus dans le renvoi, Boisson, Ph., « La société de classification bénéficie-t-elle de l’exclusion prévue par l’article III(4) de la Convention CLC ? », DMF 2008, 696-703; Bonassies, P., “Sociétés de classification et Convention de 1969/1992 sur la responsabilité pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures”, DMF 2008, 691-696; van den Dool, M.G. et van der Vlies, J.F., “Liability of classification societies before and after the Erika-verdict”, TVR 2008, 91-100. 676 Pour une étude du régime international et européen des lieux de refuse, voir Van Hooydonk, E., Places of refuge. International law and the CMI draft convention, Londres, Lloyd’s List, 2010, 465 p. 677 L. 8 juin 1972 organisant le travail portuaire (MB 10 août 1972). 678 Voir supra, n° 1.38.

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Lors de la première consultation, les réactions à ces suggestions furent divergentes. La CdA-A s’est déclarée favorable à ‘Maritiem Wetboek / Code Maritime’. L’ABDM a dit que le titre devait refléter la modernisation. La DG Environnement a estimé que le titre ‘Nouvelle Loi maritime belge’ portait à confusion car il fait supposer que toute la réglementation qui est d’application dans les domaines maritimes (belges) se retrouve dans cette codification. La DG environnement a estimé que le caractère sectoriel de la codification devait être exprimé, à savoir l’orientation vers le secteur de la navigation (P.ex. Loi sur la navigation, Code de la navigation …). 1.245. À l’étranger, on retrouve toute une série de variantes. En général, le titre rassemble des équivalents de ‘mer’, ‘maritime’ ou ‘navigation’679. 246. Finalement, le terme ‘Code de la navigation/ Scheepvaartwetboek/ Shipping Code’ semble avoir la préférence. Le terme ‘loi maritime’, pourtant bien intégré, mais plus restrictif, a été abandonné car il négligeait la navigation intérieure, qui doit également être réglée par le code680 et constitue un secteur important en Belgique681. Le titre trop étroit de loi maritime créerait surtout la confusion dans le chef du justiciable ou même du juriste professionnel. La doctrine a par ailleurs déjà suggéré d’utiliser le terme ‘Loi sur la navigation’ plutôt que le terme ‘Loi maritime’682. Vu le souci d’une codification la plus large possible683, le volume de la nouvelle réglementation, et son extraction du Code de commerce684, il est préférable de parler d’un "code" plutôt que d’une simple "loi". 2.3.2. STRUCTURE

2.3.2.1. CRITIQUE DE LA STRUCTURE DE LA LOI MARITIME 247. La loi maritime belge de 1879 était une tentative de corriger la structure pas tout à fait logique du Livre II du Code de commerce685, qui reposait lui-même sur une déformation de la structure des Livres II (“Des Gens et des Bâtiments de Mer”) et III (“Des Contrats Maritimes”) de l’Ordonnance de la marine. La structure de la Loi maritime de 1879 a été adaptée en 1908 et 1989. Le tableau ci-dessous donne un aperçu de l’évolution de la structure :

679 Voir supra, n° 1.134 et infra, n° 1.251 e.s. 680 Voir à ce sujet supra, n° 1.154. 681 Voir à ce sujet supra, n° 1.48. 682 Dans la “Kroniek van Zeerecht” publiée par Delwaide et Blockx dans la revue TBH entre 1989 et 1991, on a utilisé le titre ‘Scheepvaartwet’. 683 Voir à ce sujet supra, n° 1.69 e.s. 684 Voir à ce sujet supra, n° 1.78 e.s. 685 Pour une critique de la structure du Livre II du Code de commerce de 1807, voir p.ex. Desjardins, A., Introduction historique à l’étude du droit commercial maritime, Paris, Pedone-Lauriel, 1890, 250-251. Le législateur belge a choisi, au départ, de maintenir la structure du Code de 1807 (voir le commentaire dans D.P. Chambre, 1864-65, n° 29, 4-5). Vu le manque de logique de cette structure, on a opté plus tard pour un réaménagement (Voir D.P., Chambre, 1874-75, n° 137, 2-5).

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CODE DE COMMERCE

LIVRE DEUXIÈME – DU COMMERCE MARITIME Titre premier – Des navires et autres bâtiments de mer Titre II – De la saisie et vente de navires Titre III – Des propriétaires de navires Titre IV – Du capitaine Titre V – De l’engagement et des loyers des matelots et gens de l’équipage Titre VI – Des chartes-parties, affrètements ou nolissements Titre VII – Du connaissement Titre VIII – De fret ou nolis Titre IX – Des contrats a la grosse Titre X – Des assurances Section première – Du contrat d’assurance, de sa forme et de son objet Section II – Des obligations de l’assureur et de l’assuré Section III – Du délaissement Titre XI – Des avaries Titre XII – Du jet et de la contribution

LOI MARITIME 1879 LIVRE II – DU COMMERCE MARITIME Titre Ier – Des navires et autres bâtiments de mer Titre II – Des propriétaires de navires et des équipages Chapitre Ier – Des propriétaires de navires Chapitre II – Des équipages

Section I – Du capitaine §1er – Des droits et devoirs du capitaine §2 – Du connaissement Section II – Des matelots et gens de l’équipage Disposition commune aux deux sections précédentes

Titre III – De la charte partie ou du contrat de louage maritime Chapitre Ier – De la nature et de la forme de contrat Chapitre II – Des effets du contrat

Section I – Des obligations du fréteur Section II – Des obligations de l’affréteur §1 – Règles générales §2 – Du retard dans l’arrivée à

LOI MARITIME 1908686 LIVRE II – DU COMMERCE MARITIME Titre I – Des navires et autres bâtiments de mer Chapitre Ier – Des navires et de leur enregistrement Chapitre II – De la publicité des droits réels concédés sur les navires Chapitre III – Des privilèges et hypothèques maritimes

Première section – Des privilèges maritimes IIe section– De l’hypothèque maritime IIIe section – De l’extinction des privilèges et hypothèques

Chapitre IV – De la publicité des documents hypothécaires et de la responsabilité des conservateurs Titre II – Des propriétaires de navires et des équipages Chapitre Ier – Des propriétaires de navires Chapitre II – Des équipages

Section I – Du capitaine §1er – Des droits et devoirs du capitaine

LOI MARITIME

ACTUELLE LIVRE II – DE LA NAVIGATION MARITIME ET DE LA NAVIGATION INTÉRIEURE Titre I – Des navires et autres bâtiments de mer Chapitre 1er – Des navires Chapitre II – De la publicité des droits réels concédés sur les navires Chapitre III – Des privilèges et hypothèques maritimes

Section 1 – Des privilèges maritimes Section 2 – De l’hypothèque maritime Section 3 – De l’extinction des privilèges et hypothèques

Chapitre IV – De la publicité des documents hypothécaires et de la responsabilité des conservateurs Titre II – Des propriétaires de navires et des équipages Chapitre I – Des propriétaires de navires

Section 1 – De la responsabilité des propriétaires de navires

686 La Loi du 10 février 1908 sur la navigation maritime et la navigation intérieure (MB 25 septembre 1908) a remplacé les Titres I et V de la Loi maritime par un nouveau Titre I et un nouveau Titre IX a été inséré. Les nouveaux textes ont également été publiés en Néerlandais.

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Titre XIII – Des prescriptions Titre XIV – Fins de non-recevoir

destination §3 – Du cas ou le chargement n’arrive pas à destination

Chapitre III – Des avaries et de leur règlement Titre IV – Du transport des passagers par mer Titre V – De l’hypothèque maritime Titre VI – Du contrat à la grosse Titre VII – Des assurances maritimes Section I – Du contrat d’assurance, de sa forme et de son objet Section II – Des obligations de l’assureur et de l’assuré Section III – Du délaissement Titre VIII – De l’abordage Titre IX – Des fins de non-recevoir et prescriptions

§2 – Du connaissement Section II – Des matelots et gens de l’équipage Disposition commune aux deux sections précédentes

Titre III – De la charte partie ou du contrat de louage maritime Chapitre Ier – De la nature et de la forme de contrat Chapitre II – Des effets du contrat

Section I – Des obligations du fréteur Section II – Des obligations de l’affréteur §1 – Règles générales §2 – Du retard dans l’arrivée à destination §3 – Du cas ou le chargement n’arrive pas à destination

Chapitre III – Des avaries et de leur règlement Titre IV – Du transport des passagers par mer Titre V – De l’hypothèque maritime Titre VI – Du contrat à la grosse Titre VII – Des assurances maritimes Section I – Du contrat d’assurance, de sa forme et de son objet Section II – Des obligations de l’assureur et de l’assuré Section III – Du délaissement

Section 2 – De la limitation de la responsabilité Section 3 – De la constitution du fonds de limitation et de la compétence Section 4 – Procédure de liquidation et de répartition du fonds Section 5 – Conversion en monnaie nationale Section 6 – Dispositions générales

Chapitre II – Des équipages Section 1 – Du capitaine §1 – Des droits et devoirs du capitaine §2 – Du connaissement Section 2 – Des matelots et des gens de l’équipage Dispositions communes aux deux sections précédentes

Titre III – De la charte partie ou du contrat de louage maritime. Chapitre I – De la nature et de la forme du contrat Chapitre II – Des effets du contrat

Section 1 – Obligations du fréteur Section 2 – Obligations de l’affréteur §1 – Règles générales

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Titre VIII – De l’abordage Titre IX – Des fins de non-recevoir et prescriptions Titre IX – Des bateaux d’intérieur

§2 – Du retard dans l’arrivée à destination §3 – Du cas où le chargement n’arrive pas à destination

Chapitre III – Des avaries et de leur règlement Titre IV – Du transport des passagers par mer Titre V – Du contrat à la grosse Titre VI – Des assurances maritimes

Section 1 – Du contrat d’assurance, de sa forme et de son objet Section 2 – Des obligations de l’assureur et de l’assuré Section 3 – Du délaissement

Titre VII – De l’abordage Titre VIII – De l’assistance et du sauvetage maritime Titre IX – Des fins de non-recevoir et prescriptions Titre X – Des bateaux d’intérieur

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1.248. Bien que la subdivision principale de la loi maritime, tel qu’elle apparaîtra ci-après687, soit en fait parallèle à un bon nombre d’autres codes de la navigation – même récents – on ne peut douter du fait que la structure de la loi maritime est défectueuse. Personne de moins que Smeesters et Winkelmolen s’en sont indignés:

L’ordre suivi par le législateur n’est nullement logique; les articles sont classés pêle-mêle, sans règle et sans méthode688.

Par exemple, il est dérangeant que la réglementation centrale relative au transport sous connaissement ait abouti dans la section relative au capitaine qui fait partie d’un chapitre sur l’équipage faisant à son tour partie d’un Titre II ‘Des propriétaires de navires et des équipages’. Le transport sous connaissement et l’affrètement sont en rapport l’un avec l’autre, d’autant plus que dans la pratique, on considère souvent que le transport sous connaissement est une forme d’affrètement, on pourrait plutôt s’attendre à ce que la loi maritime règle un tel transport en même temps que l’affrètement (donc dans l’actuel Titre III). Autre raison pour laquelle la structure de la loi maritime a besoin d’une révision en profondeur : les dispositions de la section relative aux ‘matelots et gens d’équipage’ ont été entièrement abrogées et le titre ‘du contrat à la grosse’ n’a plus aucune utilité689. Les Livres bleus ultérieurs indiqueront de nombreux autres défauts dans la subdivision de la loi maritime. Ces défauts concernent non seulement le cadre externe de la subdivision, mais également la manière illogique selon laquelle diverses dispositions individuelles sont réparties dans cette structure. 1.249. Il n’est donc pas étonnant que les auteurs de doctrine français et belges aussi ont structuré la matière de manière sensiblement différente que le législateur. Une structure intéressante et bien étayée a été proposée par Lyon-Caen et Renault. Ils ont vu la structure suivante:

Chapitre Ier. Des navires et des moyens d’en acquérir la propriété. – Chapitre II. Des personnes intéressées dans les expéditions maritimes (propriétaires, copropriétaires de navires, armateurs, etc.). Des obligations des propriétaires de navires à raison des actes et des faits du capitaine (abandon du navire et du fret). – Chapitre III. Du personnel des navires (gens de l’équipage et capitaine). – Chapitre IV. De l’affrètement ou nolissement. – Chapitre V. Des abordages et de leur règlement. Des abordages. Du sauvetage et de l’assistance. – Chapitre VI. Des assurances maritimes. – Chapitre VII. Des droits des créanciers chirographaires sur les navires. Des privilèges sur les navires. Des moyens du crédit réel sur les navires: prêt à la grosse et hypothèque maritime. De la saisie et de la vente des navires690.

Dans cette subdivision, on remarque surtout que les matières connexes par leur contenu à la saisie sur navire et aux sûretés maritimes sont traitées dans le même chapitre, après les règles de droit matériel. Comme il apparaîtra ci-après, une telle connexité a également été reconnue par des législateurs étrangers.

687 Voir infra, n°s 1.250 e.s. 688 Smeesters-Winkelmolen I, III et aussi IV. 689 À ce propos, voir supra, n° 1.219. 690 Lyon-Caen, Ch. et Renault, L., Traité de droit commercial, V, Parijs, L.G.D.J., 1911, 50, n° 53 et la motivation ibid., 50-52.

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1.250. Il ressort d’un échantillon de droit comparé que chaque législateur national a suivi une logique et une systématique propre lors de l’élaboration d’une loi ou d’un code sur la navigation, mais que la structure de base de nombreux codes, comme le code belge, demeure fidèle au modèle ‘classique’ du Code de commerce français, avec d’abord le statut de droit réel du navire, ensuite la réglementation relative aux propriétaires de navires, aux armateurs et à l’équipage, ensuite les contrats de transport et d’affrètement, ensuite l’assurance maritime et enfin les incidents de navigation (abordage, sauvetage et avarie commune). A titre de comparaison, on reprendra ci-après la construction des principales lois ou codes des pays limitrophes, ainsi que certaines règles intéressantes d’autres pays. 1.251. La tableau ci-dessous reprend les subdivisions de l’actuel Livre V de l’ Handelsgesetzbuch allemand et de la nouvelle proposition691:

691 Voir à ce sujet supra, n° 1.134.

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HANDELSGESETZBUCH FÜNFTES BUCH: SEEHANDEL

ERSTER ABSCHNITT: ALLGEMEINE VORSCHRIFTEN ZWEITER ABSCHNITT: REEDER UND REEDEREI DRITTER ABSCHNITT: KAPITÄN VIERTER ABSCHNITT: FRACHTGESCHÄFT ZUR BEFÖRDERUNG VON GÜTERN FÜNFTER ABSCHNITT: BEFÖRDERUNG VON REISENDEN UND IHREM GEPÄCK SECHSTER ABSCHNITT: BODMEREI (Aufgehoben) SIEBENTER ABSCHNITT: HAVEREI Erster Titel: Große (gemeinschaftliche) Haverei und besondere Haverei Zweiter Titel: Schaden durch Zusammenstoß von Schiffen ACHTER ABSCHNITT: BERGUNG NEUNTER ABSCHNITT: SCHIFFSGLÄUBIGER ZEHNTER ABSCHNITT: VERSICHERUNG GEGEN DIE GEFAHREN DER SEESCHIFFAHRT (Weggefallen) ELFTER ABSCHNITT: VERJÄHRUNG

HANDELSGESETZBUCH FÜNFTES BUCH: SEEHANDEL

(TEXTVORSCHLÄGE 2009)

ERSTER ABSCHNITT: PERSONEN DER SCHIFFFAHRT ZWEITER ABSCHNITT: BEFÖRDERUNGSVERTRÄGE Erster Unterabschnitt: Güterbeförderungsverträge Erster Titel: Stückgutfrachtvertrag Erster Untertitel: Allgemeine Vorschriften Zweiter Untertitel: Dokumente Dritter Untertitel: Haftung für Güter- und Verspätungsschäden Zweiter Titel: Reisefrachtvertrag Zweiter Unterabschnitt: Personenbeförderungsverträge DRITTER ABSCHNITT: SCHIFFSÜBERLASSUNGSVERTRÄGE Erster Unterabschnitt: Schiffsmiete Zweiter Unterabschnitt: Zeitcharter VIERTER ABSCHNITT: SCHIFFSNOTLAGEN Erster Unterabschnitt: Schiffszusammenstoß Zweiter Unterabschnitt: Bergung Dritter Unterabschnitt: Große Haverei FÜNFTER ABSCHNITT: SCHIFFSGLÄUBIGER SECHSTER ABSCHNITT: VERJÄHRUNG SIEBENTER ABSCHNITT: ALLGEMEINE HAFTUNGSBESCHRÄNKUNG ACHTER ABSCHNITT: VERFAHRENSVORSCHRIFTEN

Il est remarquable, dans la nouvelle subdivision, que la limitation de responsabilité du propriétaire du navire est située à la fin. La commission de révision a estimé qu’il était plus logique de fixer d’abord les causes de responsabilité et ensuite les possibilités de limitation692.

692 Abschlussbericht der Sachverständigengruppe zur Reform des Seehandelsrechts, 67.

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1.252. La subdivision du Merchant Shipping Act 1995 anglais – qui ne constitue pas une codification intégrale du droit maritime anglais693 – est la suivante:

MERCHANT SHIPPING ACT 1995 PART I BRITISH SHIPS PART II REGISTRATION General Ships on bareboat charter Supplemental PART III MASTERS AND SEAMEN Application of Part Engagement and discharge of crews Wages etc. Safety, health and welfare Manning, qualifications, training and uniform Offences by seamen, etc Disciplinary offences Disqualification of seamen and inquiries Civil liability of seamen for offences Relief and repatriation and relief costs Documentation Merchant Navy Reserve Interpretation PART IV SAFETY Safety and Health on Ships Special provisions Assistance at sea Unsafe ships Temporary exclusion zones Power to require ships to be moved Control of, and returns as to, persons on ships PART V FISHING VESSELS Chapter I Skipper and Seamen Engagement and discharge of crews Wages Safety, health and welfare Manning and qualifications Offences by seamen Exemptions

693 Voir supra, n° 1.135.

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Chapter II Safety PART VI PREVENTION OF POLLUTION Chapter I Pollution Generally Chapter IA Waste reception facilities at harbours Chapter II Oil Pollution General provisions for preventing pollution Shipping casualties Enforcement Miscellaneous and supplementary Chapter III Liability for Oil Pollution Preliminary Liability Limitation of liability Compulsory insurance Supplementary Chapter IV International Oil PollutionCompensation Fund Preliminary Contributions to Fund Compensation for persons suffering pollution damage Supplemental Chapter V Carriage of hazardous and noxious substances PART VII LIABILITY OF SHIPOWNERS AND OTHERS Carriage of passengers and luggage by sea Limitation of liability of shipowners, etc and salvors for maritime claims Multiple fault; apportionment, liability and contribution Time limit for proceedings against owners or ship Limitation of liability of harbour, conservancy, dock and canal authorities Application to Crown and its ships Regulations requiring insurance or security PART VIII LIGHTHOUSES Lighthouse authorities Information to Secretary of State Functions of general lighthouse authorities Inspections by Secretary of State Powers of harbour authorities as local lighthouse authorities Transfers between general and local lighthouse authorities

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General light dues Local light dues Financial and administrative provisions Offences in connection with lighthouses, buoys, beacons, etc. Exemptions from taxes, duties, etc Supplemental PART IX SALVAGE AND WRECK Chapter 1 Salvage Chapter II Wreck Vessels in distress Dealing with wreck Unclaimed wreck Offences in respect of wreck Chapter III Supplemental Administration Coastguard services Release from customs and excise control Removal of wrecks Interpretation PART X ENFORCEMENT OFFICERS AND POWERS Enforcement Officers Inspection etc powers Improvement notices and prohibition notices PART XI ACCIDENT INVESTIGATIONS AND INQUIRIES Marine accident investigations Inquiries into and reports on deaths and injuries PART XII LEGAL PROCEEDINGS Prosecution of offences Jurisdiction Return of offenders Detention of ship and distress on ship Special evidential provisions Service of documents PART XIII SUPPLEMENTAL Administration Financial Provisions Subordinate Legislation

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Application of Act to certain descriptions of ships, etc. Special provisions for Scots law Final provisions SCHEDULES […] Eu égard au fait que le Merchant Shipping Act 1995 n’est qu’une codification partielle du droit maritime, et que les aspects de droit public et de droit privé semblent, selon les concepts continentaux, y être insérés arbitrairement, il ne semble pas indiqué de le prendre pour exemple pour la rédaction du Code belge de la navigation. 1.253. La structure du nouveau Code des transports694 français et en particulier les parties relatives à la navigation maritime et fluviale est la suivante:

CODE DES TRANSPORTS PREMIÈRE PARTIE: DISPOSITIONS COMMUNES DEUXIÈME PARTIE: TRANSPORT FERROVIAIRE OU GUIDE TROISIÈME PARTIE: TRANSPORT ROUTIER QUATRIÈME PARTIE: NAVIGATION INTÉRIEURE ET TRANSPORT FLUVIAL Livre Ier: Le bateau Titre Ier: Identification du bateau

Chapitre Ier: Immatriculation Chapitre II: Jaugeage Chapitre III: Marques d'identification

Titre II: Régime de propriété

Chapitre Ier: Droits réels Chapitre II: Hypothèques et privilèges

Section 1: Hypothèques Section 2: Privilèges Section 3: Dispositions particulières au bateau circulant habituellement sur le Rhin ou effectuant certains transports transfrontières sur la Moselle

Chapitre III: Mesures conservatoires et exécution forcée Chapitre IV: Dispositions diverses

Titre III: Régime de responsabilité

Chapitre Ier: L’abordage entre bateaux Chapitre II: L’abordage entre bateaux et navires

Titre IV: Sanctions pénales

Chapitre Ier: Constatation des infractions Chapitre II: Infractions relatives à l'identification du bateau

694 Voir supra, n° 1.136.

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Chapitre III: Infractions relatives aux hypothèques Livre II: Navigation intérieure Titre Ier: Dispositions générales

Chapitre Ier: Dispositions relatives au bateau Chapitre II: Dispositions relatives au conducteur et à l'équipage

Titre II: Titres de navigation Titre III: Certificats de capacité pour la conduite des bateaux Titre IV: Police de la navigation intérieure

Chapitre Ier: Règlements de police Chapitre II: Navigation des bateaux non motorisés Chapitre III: Navigation des bateaux motorisés

Titre V: Dispositions relatives a la navigation des bateaux en mer Titre VI: Dispositions spécifiques a la navigation du Rhin, de la Moselle et sur le Léman

Chapitre Ier: Navigation du Rhin Chapitre II: Navigation de la Moselle Chapitre III: Navigation sur le Léman

Titre VII: Sanctions administratives et sanctions pénales

Chapitre Ier: Sanctions administratives Chapitre II: Recherche et constatation des infractions Chapitre III: Contraventions de grande voirie Chapitre IV: Sanctions pénales

Section 1: Bateau et équipage Section 2: Circulation Section 3: Autres sanctions

Livre III: Voies navigables de France et ports fluviaux Titre Ier: Voies navigables de France

Chapitre Ier: Objet et missions Chapitre II: Organisation administrative

Section 1: Conseil d'administration Section 2: Directeur général Section 3: Dispositions diverses

Chapitre III: Gestion financière, comptable et domaniale Section 1: Gestion financière et comptable Section 2: Gestion domaniale

Chapitre IV: Domaine confié à Voies navigables de France Chapitre V: Patrimoine Chapitre VI: Ressources de Voies navigables de France

Section 1: Dispositions générales Section 2: Taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques

Sous-section 1: Dispositions générales Sous-section 2: Contrôles

Page 162: Livre bleu 1 - Commentaire général

165

Titre II: Les ports fluviaux

Chapitre Ier: Organisation Chapitre II: Port autonome de Paris

Section 1: Nature et attributions Section 2: Organisation administrative

Sous-section 1: Conseil d'administration Sous-section 2: Directeur général Sous-section 3: Personnel

Section 3: Gestion financière, comptable et domaniale Sous-section 1: Gestion financière et comptable Sous-section 2: Gestion domaniale

Section 4: Contrôle Section 5: Domaine Section 6: Ressources

Chapitre III: Droits de port Livre IV: Le transport fluvial Titre Ier: Dispositions générales

Chapitre Ier: Schéma de développement du transport fluvial Chapitre II: Péages fluviaux Chapitre III: Cabotage fluvial

Titre II: Entreprises de transport fluvial

Chapitre Ier: Entreprises de transport fluvial de marchandises Chapitre II: Entreprises de transport fluvial de personnes

Titre III: Batellerie artisanale

Chapitre Ier: Entreprises de la batellerie artisanale Chapitre II: Chambre nationale de la batellerie artisanale

Titre IV: Courtiers de fret fluvial

Chapitre unique Titre V: Contrats relatifs au transport de marchandises

Chapitre Ier: Le contrat de transport Chapitre II: Contrat de sous-traitance Chapitre III: Dispositions communes aux contrats de transport et de sous-traitance Chapitre IV: Contrat de location d'un bateau de marchandises Chapitre V: Contrat d'assurance de navigation intérieure

Titre VI: Contrôle et dispositions pénales

Chapitre Ier: Contrôle Chapitre II: Recherche, constatation et poursuite des infractions

Section 1: Dispositions relatives au contrat de transport Section 2: Dispositions relatives aux péages fluviaux Section 3: Dispositions relatives au cabotage fluvial

Chapitre III: Sanctions pénales Section 1: Contraventions de grande voirie Section 2: Sanctions pénales

Page 163: Livre bleu 1 - Commentaire général

166

Sous-section 1: Dispositions relatives au contrat de transport Sous-section 2: Dispositions relatives au cabotage fluvial

Titre VII: Dispositions spécifiques au transport sur le Rhin et la Moselle

Chapitre Ier: Dispositions générales Chapitre II: Sanctions pénales

Section 1: Recherche, constatation et poursuite des infractions Section 2: Saisie du bateau ou du navire Section 3: Sanctions pénales

Livre V: Personnels des entreprises de navigation intérieure Titre Ier: Régimes de travail

Chapitre Ier: Dispositions générales Chapitre II: Dispositions spécifiques aux bateliers rhénans Chapitre III: Dispositions particulières aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et

du Haut-Rhin Titre II: Sécuriée sociale et aide sociale

Chapitre Ier: Dispositions générales Chapitre II: Dispositions spécifiques aux bateliers rhénans

Livre VI: Dispositions relatives a l'outre mer [...] CINQUIÈME PARTIE: TRANSPORT ET NAVIGATION MARITIME Livre I: Le navire Titre I: Statut des navires

Chapitre Ier: Identification des navires Chapitre II: Francisation Chapitre III: Construction des navires

Section 1: Règles générales de construction Section 2: Contrat de construction

Chapitre IV: Régime de propriété des navires Section 1: Actes de propriété Section 2: Hypothèques maritimes Section 3: Privilèges Section 4: Saisie

Sous-section 1: Dispositions communes Sous-section 2: Saisie conservatoire Sous-section 3: Saisie exécution

Section 5: Copropriété Titre II: Régimes de responsabilité

Chapitre Ier: Régime général de responsabilité Section 1: Dispositions générales Section 2: Le droit a limitation de responsabilité Section 3: Mise en œuvre de la limitation de responsabilité

Chapitre II: Régimes spéciaux de responsabilité

Page 164: Livre bleu 1 - Commentaire général

167

Section 1: Responsabilité civile des exploitants de navires nucléaires Section 2: Responsabilité civile des propriétaires de navires pour les dommages résultant de pollution par les hydrocarbures

Titre III: Réparation des accidents de navigations

Chapitre Ier: Abordage Section 1: Dispositions générales Section 2: Responsabilité des dommages Section 3: Action en réparation

Chapitre II: Assistance Section 1: Dispositions générales Section 2: Rémunération de l’assistance aux navires et bateaux Section 3: Responsabilité de l’assistant

Chapitre III: Avaries Section 1: Dispositions générales Section 2: Classement en avaries communes Section 3: Contributions aux avaries communes Section 4: Règlement des avaries communes

Titre IV: Navires abandonnés et épaves

Chapitre Ier: Navires abandonnés Section 1: Dispositions générales Section 2: Déchéance du propriétaire Section 3: Dispositions relatives a la cargaison

Chapitre II: Épaves Section 1: Dispositions générales Section 2: Dispositions pénales

Livre II: La navigation maritime Titre I: Le droit de passage inoffensif dans les eaux territoriales Titre II: Documents de bord

Chapitre Ier: Dispositions générales Chapitre II: Constatation des infractions Chapitre III: Sanctions pénales

Titre III: Titres de navigation maritime

Chapitre Ier: Dispositions générales Chapitre II: Rôle d’équipage Chapitre III: Permis de circulation Chapitre IV: Carte de circulation Chapitre V: Dispositions diverses Chapitre VI: Constatation des infractions

Titre IV: Sécurité et prévention de la pollution

Chapitre Ier: Sécurités des navires et prévention de la pollution Section 1: Champ d’application Section 2: Entretien des navires Section 3: Titres de sécurité et certificats de prévention de la pollution Section 4: Mesures d’immobilisation

Page 165: Livre bleu 1 - Commentaire général

168

Section 5: Visites des navires Section 6: Mesures de prévention de la pollution Section 7: Sanctions pénales

Chapitre II: Sécurité de la navigation Section 1: Dispositions relatives a la circulation maritime

Sous-section 1: Infractions aux règles générales de conduite en mer Sous-section 2: Infractions liées a la nature polluante ou dangereuse des cargaisons Sous-section 3: Dispositions particulières aux navires nucléaires

Section 2: Dispositions relatives aux navires abandonnés et aux épaves Section 3: Protection des câbles sous-marins Section 4: Groupement d’intérêt public concourant a la sécurité maritime

Chapitre III: Constatation des infractions Section 1: Dispositions générales Section 2: Dispositions particulières aux épaves

Titre V: Sûreté des navires

Chapitre Ier: Dispositions générales et contrôles Chapitre II: Sanctions administratives Chapitre III: Sanctions pénales

Titre VI: Secours, assistance en mer et événements de mer

Chapitre Ier: Recherche et sauvetage en mer Chapitre II: Assistance

Section 1: Obligation d’assistance Section 2: Sanctions pénales

Chapitre III: Abordage, échouement et abandon Titre VII: Formation à la conduite des navires et bateaux de plaisance à moteur

Chapitre Ier: Titres de conduite en mer et en eaux intérieures Chapitre II: Établissements de formation à la conduite en mer et en eaux intérieures Chapitre III: Sanctions pénales

Livre III: Les ports maritimes Titre Ier: Organisation des ports maritimes

Chapitre Ier: Dispositions communes Chapitre II: Grands ports maritimes

Section 1: Création et missions Section 2: Organisation

Sous-section 1: Conseil de surveillance Sous-section 2: Directoire Sous-section 3: Conseil de développement Sous-section 4: Conseil de coordination interportuaire

Section 3: Exploitation Section 4: Dispositions diverses

Chapitre III: Ports autonomes Section 1: Création, modification et missions Section 2: Organisation et fonctionnement

Chapitre IV: Ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements

Page 166: Livre bleu 1 - Commentaire général

169

Titre II: Droits de port

Chapitre unique Titre III: Police des ports maritimes

Chapitre Ier: Dispositions générales Section 1: Champ d'application Section 2: Compétences

Sous-section 1: Compétences de l’État Sous-section 2: Compétences de l'autorité portuaire et de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire

Section 3: Agents chargés de la police Sous-section 1: Officiers de port et officiers de port adjoints Sous-section 2: Surveillants de port et auxiliaires de surveillance

Chapitre II: Sûreté portuaire Chapitre III: Règlement général de police Chapitre IV: Accueil des navires

Section 1: Police du plan d'eau Section 2: Suivi du trafic Section 3: Déchets d'exploitation des navires et résidus de cargaison Section 4: Chargement et déchargement des navires vraquiers

Chapitre V: Conservation du domaine public Chapitre VI: Sanctions administratives et dispositions pénales

Section 1: Sanctions administratives Section 2: Recherche, constatation et poursuite des infractions pénales Section 3: Sanctions pénales

Sous-section 1: Sûreté portuaire Sous-section 2: Déchets d'exploitation et résidus de cargaison Sous-section 3: Chargement et déchargement de navires vraquiers Sous-section 4: Signalisation maritime Sous-section 5: Marchandises dangereuses Chapitre VII: Police de la grande voirie Section 1: Constatation des contraventions de grande voirie

Section 2: Atteintes à la conservation du domaine public Section 3: Usage du plan d'eau

Chapitre VIII: Dispositions finales Titre IV: Les services portuaires

Chapitre Ier: Le pilotage Section 1: Service de pilotage et rémunération du pilote Section 2: Les stations de pilotage Section 3: Responsabilité du pilote

Chapitre II: Le remorquage Section 1: Le remorquage portuaire et le lamanage Section 2: Le remorquage en haute mer

Chapitre III: La manutention portuaire Section 1: Les ouvriers dockers Section 2: L'organisation de la main-d’œuvre intermittente

Sous-section 1: Le bureau central de la main-d’œuvre du port Sous-section 2: La Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers Sous-section 3: Les limites à l'emploi de dockers professionnels

Page 167: Livre bleu 1 - Commentaire général

170

intermittents Sous-section 4: L'indemnité de garantie Sous-section 5: Dispositions du droit du travail applicables aux dockers

Section 3: Mesure d'application Chapitre IV: Sanctions administratives et dispositions pénales

Section 1: Sanctions administratives Section 2: Dispositions pénales

Titre V: Voies ferrées portuaires

Chapitre Ier: Compétences Chapitre II: Utilisation et contrôle

Livre IV: Le transport maritime Titre Ier: L'entreprise d'armement maritime

Chapitre Ier: L'armateur Chapitre II: Les agents de l'armateur

Section 1: Dispositions générales Section 2: Le capitaine

Chapitre III: Les consignataires Section 1: Le consignataire du navire Section 2: Le consignataire de la cargaison Section 3: Dispositions communes

Titre II: Les contrats relatifs à l'exploitation du navire

Chapitre Ier: Le transport de personnes Section 1: Le contrat de passage Section 2: La responsabilité pour dommage aux passagers Section 3: La responsabilité pour dommage aux bagages

Chapitre II: Le transport de marchandises Section 1: Le contrat de transport Section 2: Le connaissement Section 3: L'exécution du contrat Section 4: La responsabilité du transporteur Section 5: Les entreprises de manutention Section 6: Dispositions pénales

Chapitre III: L'affrètement Section 1: Dispositions générales Section 2: L'affrètement coque nue Section 3: L'affrètement à temps Section 4: L'affrètement au voyage

Chapitre IV: Les ventes maritimes Section 1: Disposition générale Section 2: Vente au départ Section 3: Vente à l'arrivée Section 4: Vente "coût, assurance, fret"

Chapitre V: Les assurances maritimes Titre III: Dispositions particulières relatives a certains transports maritimes

Chapitre Ier: Desserte des îles Chapitre II: Transports réservés

Page 168: Livre bleu 1 - Commentaire général

171

Chapitre III: Transport du pétrole brut Chapitre IV: Dispositions applicables en temps de crise

Livre V: Les gens de mer Titre Ier: Définitions

Chapitre unique Titre II: L'équipage

Chapitre Ier: Conditions d'accès et d'exercice de la profession de marin Chapitre II: Effectifs et nationalité Chapitre III: Dispositions pénales

Section 1: Recherche et constatation des infractions Section 2: Sanctions pénales

Chapitre IV: Sanctions professionnelles Section unique: Dispositions communes

Titre III: La collectivité du bord

Chapitre Ier: Police intérieure et discipline à bord Section 1: Dispositions communes Section 2: Fautes disciplinaires Section 3: Sanctions pénales

Sous-section 1: Insubordination, complot et violences Sous-section 2: Abus d'autorité et outrages Sous-section 3: Manquements aux obligations professionnelles Sous-section 4: Présence irrégulière à bord Sous-section 5: Autres sanctions

Chapitre II: Dispositions particulières aux personnels militaires Titre IV: Le droit du travail

Chapitre Ier: Champ d'application Chapitre II: Les relations individuelles de travail

Section 1: Le contrat de travail Sous-section 1: Formation et contenu du contrat Sous-section 2: Le contrat à durée déterminée ou au voyage Sous-section 3: La période d'essai Sous-section 4: Exécution du contrat

Paragraphe 1: Obligations générales de l'employeur Paragraphe 2: Cas de blessure ou de maladie du marin Paragraphe 3: Rapatriement Paragraphe 4: Obligations du marin Paragraphe 5: Adaptation à la profession de marin de modalités particulières d'exécution du contrat de travail

Sous-section 5: Rupture du contrat Paragraphe 1: Dispositions communes à tous les contrats Paragraphe 2: Contrat de travail à durée indéterminée

1. Dispositions générales 2. Préavis et indemnité de licenciement

Paragraphe 3: Contrat à durée déterminée ou au voyage Paragraphe 4: Dispositions particulières au capitaine

Section 2: La résolution des litiges individuels

Page 169: Livre bleu 1 - Commentaire général

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Section 3: Sanctions pénales Chapitre III: Les relations collectives de travail

Section 1: Négociation collective. # Conventions et accords collectifs de travail Section 2: Les institutions représentatives du personnel Section 3: Les salariés protégés Section 4: Les conflits collectifs

Chapitre IV: Durée du travail, repos, congés et salaire Section 1: Durée du travail et organisation du travail

Sous-section 1: Travail effectif et astreintes Sous-section 2: Durée du travail

Paragraphe 1: Dispositions générales Paragraphe 2: Durée du travail à la pêche Paragraphe 3: Heures supplémentaires

Sous-section 3: Répartition et aménagement des horaires Sous-section 4: Travail à temps partiel et travail intermittent Sous-section 5: Organisation du travail à bord

Section 2: Repos et jours fériés Sous-section 1: Repos quotidien Sous-section 2: Repos hebdomadaire

Paragraphe 1: Dispositions générales Paragraphe 2: Entreprises de cultures marines

Sous-section 3: Jours fériés Section 3: Congés payés et autres congés Section 4: Dispositions particulières à certains marins

Sous-section 1: Jeunes travailleurs Sous-section 2: Le capitaine

Section 5: Salaire et avantages divers Sous-section 1: Détermination du salaire

Paragraphe 1: Dispositions générales Paragraphe 2: Modalités de calcul de la rémunération Paragraphe 3: Fixation des rémunérations Paragraphe 4: Participation à la rémunération d'assistance Paragraphe 5: Décès ou disparition du marin

Sous-section 2: Paiement du salaire Paragraphe 1: Avances et acomptes Paragraphe 2: Paiement du salaire

Sous-section 3: Protection du salaire Sous-section 4: Dispositions particulières au capitaine

Section 6: Sanctions pénales Chapitre V: Santé et sécurité au travail

Section 1: Dispositions générales Sous-section 1: Obligations de l'employeur et des gens de mer Sous-section 2: Droit d'alerte et de retrait Sous-section 3: Jeunes travailleurs

Section 2: Lieux de travail et conditions de vie à bord des navires Section 3: Équipements de travail et de protection individuelle Section 4: Dispositions applicables à certains risques d'exposition Section 5: Dispositions applicables à certaines activités ou opérations Section 6: Institutions et organismes de prévention Section 7: Contrôle et sanctions

Chapitre VI: L'emploi

Page 170: Livre bleu 1 - Commentaire général

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Section 1: Aides à l'insertion, à l'accès et au retour à l'emploi. # Contrats aidés Section 2: Service public de l'emploi et placement Section 3: Indemnisation des marins involontairement privés d'emploi

Chapitre VII: La formation professionnelle tout au long de la vie Section 1: L'apprentissage Section 2: La formation professionnelle continue

Chapitre VIII: Contrôle de l'application de la législation du travail Chapitre IX: Dispositions applicables aux gens de mer autres que les marins

Section 1: Obligations de l'armateur Section 2: Durée du travail et salaire Section 3: Santé et sécurité au travail

Titre V: La protection sociale des marins

Chapitre Ier: Dispositions générales Chapitre II: Pensions de retraite des marins

Section 1: Dispositions générales Section 2: Ouverture du droit à pension

Sous-section 1: Pension d'ancienneté Sous-section 2: Pension proportionnelle Sous-section 3: Pension spéciale

Section 3: Services pris en compte Section 4: Détermination du montant des pensions Section 5: Dispositions particulières aux salariés à temps partiel Section 6: Pensions d'ayants cause

Sous-section 1: Conjoint Sous-section 2: Orphelins Sous-section 3: Concours d'ayants cause

Section 7: Options et cumuls Section 8: Dispositions diverses

Chapitre III: Cotisations et contributions au titre du régime d'assurance vieillesse des marins

Section 1: Services taxables Section 2: Assiette des cotisations et contributions Section 3: Exonérations et réductions Section 4: Dispositions diverses

Chapitre IV: Prestations du régime de prévoyance des marins Chapitre V: Cotisations et contributions au titre du régime de prévoyance des marins Chapitre VI: Dispositions applicables au conjoint collaborateur du chef d'entreprise

relevant du régime de sécurité sociale des marins Section 1: Champ d'application Section 2: Pension

Sous-section 1: Pension en nom propre Sous-section 2: Pension partagée

Section 3: Allocation de remplacement Chapitre VII: Dispositions diverses

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Livre VI: Registre International Français Titre Ier: Champ d'application

Chapitre Ier: Navires Chapitre II: Personnel navigant

Titre II: Les relations du travail

Chapitre Ier: Les relations individuelles de travail Section 1: L'engagement du navigant

Sous-section 1: Engagement direct et mise à disposition Sous-section 2: Formation et contenu du contrat d'engagement

Section 2: Fin de la relation de travail Section 3: Conditions de rapatriement Section 4: Résolution des litiges individuels

Chapitre II: Les relations collectives de travail Chapitre III: Durée du travail et salaire

Section 1: Durée, repos et congés annuels Sous-section 1: Durée et organisation du travail Sous-section 2: Repos et jours fériés Sous-section 3: Congés payés

Section 2: Le salaire Titre III: Protection sociale Titre IV: Contrôle et sanctions

Chapitre Ier: Contrôle Chapitre II: Sanctions pénales

Livre VII: Dispositions relatives a l'outre-mer […] SIXIEME PARTIE: AVIATION CIVILE Cette structure rompt avec le schéma plus ou moins classique du Code de commerce. Il est entre autre remarquable que le droit fluvial soit placé avant le droit maritime, que les droits de la navigation publique et privée soient mélangés et que la saisie sur navires soit réglée en même temps que le statut réel du navire. 1.254. La Loi du 9 novembre 1990 ayant pour objet la création d’un registre public maritime Luxembourgeois695 est subdivisée comme suit:

LOI DU 9 NOVEMBRE 1990 AYANT POUR OBJET LA CRÉATION

D’UN REGISTRE PUBLIC MARITIME LUXEMBOURGEOIS TITRE INTRODUCTIF Chapitre 1er. — Principes généraux applicables au registre Chapitre 2. — Mission du Commissariat aux affaires maritimes

695 Voir supra, n° 1.137.

Page 172: Livre bleu 1 - Commentaire général

175

Chapitre 3. — Dispositions concernant l’administration du Commissariat aux affaires maritimes TITRE 1.— L’IMMATRICULATION DES NAVIRES ET LES HYPOTHÈQUES Chapitre 1er. — De l’immatriculation Chapitre 2. — Droits d’enregistrement et droits d’hypothèque — Organisation et fonctionnement du bureau de la conservation des hypothèques — Rétributions Chapitre 3. — De la publicité des droits réels concédés sur des navires Chapitre 4. — Des privilèges et hypothèques maritimes

Section I. — Des privilèges maritimes Section II. — De l’hypothèque maritime Section III. — De l’extinction des privilèges et hypothèques

TITRE 2.— LES CONDITIONS DE SÉCURITÉ TITRE 3.— DROIT DU TRAVAIL APPLICABLE AUX GENS DE MER Chapitre 1er. — Le contrat de travail maritime Chapitre 2. — Droits et obligations du marin Chapitre 3. — Les conditions de travail et de rémunération Chapitre 4. — Conventions collectives de travail Chapitre 5. — Rapatriement Chapitre 6. — Maladies et blessures des marins Chapitre 7. — Dispositions spéciales applicables au capitaine Chapitre 8. — Litiges entre l’armateur et le marin Chapitre 9. — Dispositions dérogatoires TITRE 4.— LA PROTECTION SOCIALE DES GENS DE MER TITRE 5.— DISPOSITIONS FISCALES ET FINANCIÈRES TITRE 6.— DU COMMERCE MARITIME Chapitre 1er. — De l’abordage Chapitre 2. — De l’assistance en mer Chapitre 3. — Du transport sous connaissement Chapitre 4. — Des avaries communes Chapitre 5. — Dispositions abrogatoires TITRE 7.—DISPOSITIONS PÉNALES ET DISCIPLINAIRES TITRE 8.—DISPOSITIONS BUDGÉTAIRES TITRE 9.—ENTRÉE EN VIGUEUR Dans cette structure mélangeant droit public et droit privé, on abandonne également la subdivision classique du Code de commerce.

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1.255. Le Livre 8 du Code civil néerlandais696 a la structure suivante:

BOEK 8: VERKEERSMIDDELEN EN VERVOER

I. ALGEMENE BEPALINGEN Titel 1 Algemene bepalingen Titel 2 Algemene bepalingen betreffende vervoer Afdeling 1 Overeenkomst van goederenvervoer Afdeling 2 Overeenkomst van gecombineerd goederenvervoer Afdeling 3 Overeenkomst tot het doen vervoeren van goederen Afdeling 4 Overeenkomst van personenvervoer Afdeling 5 Overeenkomst tot binnenlands openbaar personenvervoer Afdeling 6 Overeenkomst van gecombineerd vervoer van personen Afdeling 7 Gereserveerd II. ZEERECHT Titel 3 Het zeeschip en de zaken aan boord daarvan Afdeling 1 Rederij van het zeeschip Afdeling 2 Rechten op zeeschepen Afdeling 3 Voorrechten op zeeschepen Afdeling 4 Voorrechten op zaken aan boord van zeeschepen Afdeling 5 Slotbepalingen Titel 4 Bemanning van een zeeschip Afdeling 1 Algemene bepalingen Afdeling 2 Kapitein Afdeling 3 Gererserveerd Titel 5 Exploitatie Afdeling 1 Algemene bepalingen Afdeling 2 Overeenkomst van goederenvervoer over zee Afdeling 3 Overeenkomst van personenvervoer over zee Afdeling 4 Enige bijzondere overeenkomsten Titel 6 Ongevallen Afdeling 1 Aanvaring Afdeling 2 Hulpverlening Afdeling 3 Avarij-grosse Afdeling 4 Gevaarlijke stoffen aan boord van een zeeschip Titel 7 Beperking van aansprakelijkheid voor maritieme vorderingen III. BINNENVAARTRECHT Titel 8 Het binnenschip en de zaken aan boord daarvan Afdeling 1 Rederij van het binnenschp

696 Voir supra, n° 1.138.

Page 174: Livre bleu 1 - Commentaire général

177

Afdeling 2 Rechten op binnenschepen Afdeling 3 Huurkoop van teboekstaande binnenschepen Afdeling 4 Voorrechten op binnenschepen Afdeling 5 Voorrechten op zaken aan boord van binnenschepen Afdeling 6 Slotbepalingen Titel 9 Bemanning van een binnenschip Afdeling 1 Gereserveerd Afdeling 2 Schipper Afdeling 3 Gereserveerd Titel 10 Exploitatie Afdeling 1 Algemene bepalingen Afdeling 2 Overeenkomst van goederenvervoer over binnenwateren Afdeling 3 Overeenkomst van personenvervoer over binnenwateren Afdeling 4 Enige bijzondere overeenkomsten Titel 11 Ongevallen Afdeling 1 Aanvaring Afdeling 2 Hulpverlening Afdeling 3 Avarij-grosse Afdeling 4 Gevaarlijke stoffen aan boord van een binnenschip Titel 12 Beperking van aansprakelijkheid van eigenaren van binnenschepen La doctrine néerlandaise a qualifié la structure du Livre 8 de simple et rigide697. En substance, la réglementation du droit maritime et du droit fluvial – qui se suivent mutuellement698 – suit le schéma classique du Code de commerce. Comme dans le nouveau projet allemand, la limitation de responsabilité est renvoyée vers la fin. 1.256. Le Codice della navigazione italien699 utilise la structure suivante:

CODICE DELLA NAVIGAZIONE

Disposizioni preliminari PARTE PRIMA Della navigazione Marittima ed Interna LIBRO PRIMO Dell'ordinamento amministrativo della navigazione

TITOLO I - Degli organi amministrativi della navigazione TITOLO II - Dei beni pubblici destinati alla navigazione TITOLO III - Dell'attività amministrativa, della polizia e dei servizi nei porti. TITOLO IV - Del personale della navigazione TITOLO V - Del regime amministrativo delle navi TITOLO VI - Della polizia della navigazione TITOLO VII - Degli atti di stato civile in corso di navigazione marittima TITOLO VIII - Disposizioni speciali

LIBRO SECONDO

697 Oostwouder, 9. 698 Voir supra, n° 1.160. 699 Voir supra, n° 1.139.

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Della proprietà e dell'armamento della nave TITOLO I - Della costruzione della nave TITOLO II - Della proprietà della nave TITOLO III - Dell'impresa di navigazione TITOLO IV - Del contratto di arruolamento

LIBRO TERZO Delle obbligazioni relative all'esercizio della navigazione

TITOLO I - Dei contratti di utilizzazione della nave TITOLO II - Delle contribuzioni alle avarie comuni TITOLO III - Della responsabilità di urto di navi TITOLO IV - Dell'assistenza e salvataggio, del recupero e del ritrovamento dei relitti TITOLO V - Delle assicurazioni TITOLO VI - Dei privilegi e dell'ipoteca

LIBRO QUARTO Disposizioni processuali

TITOLO I - Dell'istruzione preventiva TITOLO II - Delle cause marittime TITOLO III - Della liquidazione delle avarie comuni TITOLO IV - Dell'attuazione della limitazione del debito di armatore TITOLO V - Dell'esecuzione forzata e delle misure cautelari

PARTE SECONDA Della navigazione Aerea PARTE TERZA Disposizioni Penali e Disciplinari PARTE QUARTA Disposizioni Transitorie e complementari La subdivision des règles de droit privé, comme l’ensemble du code, peut être qualifiée de très originale. 1.257. Le volumineux Code maritime norvégien700 est subdivisé comme suit:

THE NORWEGIAN MARITIME CODE PART I. SHIPS Chapter 1. General Provisions I. Nationality, etc. II. Name, Home Port, etc. Chapter 2. Registration of Ships I. The Ship Register, Registration Procedure, etc. II. Registration of Rights III. Deletion, Time-barring of Legal Protection IV. Ships under Construction V. Miscellaneous Provisions VI. Installations for the Exploitation of Offshore Resources Chapter 3. Mortgages on Ships, etc. I. Registered Mortgages, etc. II. Maritime Liens, etc., on Ships. III. Maritime Liens on Cargo.

700 Voir supra, n° 140.

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IV. General Provisions Chapter 4. Arrest of Ships PART II. SHIP MANAGEMENT Chapter 5. Shipping Partnerships Chapter 6. The Master Chapter 6 A. Alcohol Influence, Dutiful Temperance etc. PART III. LIABILITY Chapter 7. General Provisions on Liability Chapter 8. Collisions Chapter 9. Limitation of Liability Chapter 10. Liability for Damage from Oil Pollution I. Liability and compensation in accordance with the rules of the international convention of 2001 on compensation for fuel oil spill damage (International Convention on Civil Liability for Bunker Oil Pollution Damage (2001)) II. Liability and Damages According to the Rules of the 1992 Liability Convention and the 1992 Fund Convention etc. Chapter 11. (empty chapter, included for correct numbering) Chapter 12. Limitation Funds and Limitation Proceedings PART IV. CONTRACTS OF CARRIAGE Chapter 13. Carriage of General Cargo

Introductory Provisions Delivery of Goods The Carriage Delivery of the Goods The Carrier’s Liability for Damages The Liability of the Sender Bills of Lading and other Transport Documents Disputes

Chapter 14. Chartering of Ships I. General Provisions II. Voyage Chartering

Introductory Provisions Loading time Loading The Voyage Discharge and Delivery of the Goods, etc. Breach of Contract and Hindrances on the Part of the Voyage Carrier Breach of Contract and Hindrances on the Part of the Voyage Charterer Termination of Chartering Agreements

III. Quantity Contracts IV. Time Chartering

Delivery of the Ship Performance of the Voyages Redelivery of the Ship Time Charter Hire Termination, etc.

Chapter 15. Carriage of Passengers and their Luggage

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II. Introductory Provisions III. The Carriage IV. Liability of the Carrier1 for Passengers1 and their Luggage V. Miscellaneous Provisions PART V. MARINE ACCIDENTS Chapter 16. Salvage Chapter 17. General Average Chapter 18. Maritime inquiries of maritime accidents, maritime law assessment II. Maritime inquiries of maritime accidents III. Maritime Assessment IV. Regulations PART VI. OTHER PROVISIONS Chapter 19. Statutory Limitation Chapter 20. Miscellaneous Provisions Chapter 21. Mobile Platforms, etc. PART VII. CONCLUDING PROVISIONS Chapter 22. Concluding Provisions On reconnaît également la structure. Comme dans certains autres codes, la saisie sur navire est mise en relation avec les sûretés maritimes. 1.258. Le Code maritime Croate701 est intéressant par le fait qu’il traite de manière complète le droit de la navigation tant public que privé:

THE MARITIME CODE, 1994 PART ONE GENERAL PROVISIONS PART TWO MARITIME AND SUBMARINE SPACES OF THE REPUBLIC OF CROATIA Chapter I GENERAL PROVISION Chapter II INTERNAL WATERS Chapter III THE TERRITORIAL SEA Chapter IV THE ECONOMIC ZONE Chapter V THE CONTINENTAL SHELF Chapter VI THE RIGHT OF HOT PURSUIT PART THREE MARITIME DEMESNE Chapter I BASIC PROVISIONS

701 Voir supra, n° 1.141.

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Chapter II CONCESSIONS Chapter III LAW AND ORDER IN THE MARITIME DEMESNE PART FOUR SAFETY OF NAVIGATION Chapter I GENERAL PROVISIONS Chapter II NAVIGABLE WATERWAYS Chapter IV NAVIGATION AND PILOTAGE Chapter V THE SHIP Chapter VI FLOATING FACILITY 1. Establishing the Suitability for Use of the Floating Facility 2. Tonnage Measurement of the Floating Facility 3. Documents and Books of The Floating Facility Chapter VII THE BOAT 1. Establishing the Seaworthiness of the Boat 2. Tonnage Measurement of Boats Chapter VIII THE SHIP'S CREW 1. General Provisions 2. The Shipmaster Chapter IX INSPECTORAL SUPERVISION PART FIVE NATIONALITY, IDENTIFICATION, REGISTRATION AND DEREGISTRATION OF SHIPS Chapter I NATIONALITY AND IDENTIFICATION OF SHIPS Chapter II REGISTRATION AND DEREGISTRATION OF SHIPS Chapter III REGISTRATION AND DEREGISTRATION OF BOATS PART SIX PROPRIETARY RIGHTS Chapter I RIGHT OF OWNERSHIP Chapter II HYPOTHECS AND MARITIME LIENS ON SHIPS 1. Hypothec on Ships 2. Maritime Liens on Ships Chapter III PROCEDURE FOR REGISTRATION IN REGISTERS OF SHIPS 1. Common Provisions 2. Ranking 3. Applications and Proposals

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4. Effectuation of Registration (a) Common Provisions (b) Special Provisions 5. Legal Remedies PART SEVEN THE SHIP OPERATOR 1. Liability of the Ship Operator 2. Proceedings for the Limitation of the Ship Operator’s Liability PART EIGHT CONTRACTS Chapter I SHIPBUILDING CONTRACT Chapter II CONTRACTS FOR THE EMPLOYMENT OF SHIPS 1. General Provisions 2. Maritime Contracts (a) Carriage of Goods General Provisions on the Carriage of Goods The Vessel Loading the Cargo Time for Loading Shipping Documents The Voyage Delivery of the Cargo to the Consignee Liability of the Operator for Damages Caused to the Goods and for Delay Freight (b) Carriage of Passengers and Luggage (c) Towing and Pushing (d) Other Maritime Contracts 3. Charter by Demise 4. Period of Limitation Chapter III CONTRACTS OF MARITIME AGENCIES Chapter IV CONTRACT OF MARINE INSURANCE 1. General Provisions 2. Ship Insurance 3. Goods Insurance 4. Freight Insurance 5. Insurance against Liability 6. Various Insurance PART NINE MARITIME ACCIDENTS Chapter I COLLISION BETWEEN SHIPS Chapter II SALVAGE Chapter III RAISING OF SUNKEN OBJECTS Chapter IV GENERAL AVERAGE

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1. General Provisions 2. Contribution to General Average 3. Time Limit of General Average Chapter V NON-CONTRACTUAL LIABILITY OF THE SHIP’S OWNER AND SHIP OPERATOR 1. General Provisions 2. Liability for Loss of Life and Personal Injury 3. Liability for Damage Caused to Property and Environment 4. Liability for Pollution Damage caused by Ships carrying Oil as Cargo Chapter VI LIABILITY OF NUCLEAR SHIP OPERATOR PART TEN ENFORCEMENT AND SECURITY MEASURES ON SHIPS AND THEIR CARGO Chapter I GENERAL PROVISIONS Chapter II ENFORCEMENT FOR THE SETTLEMENT OF MONETARY CLAIMS ON SHIPS 1. Restrictions on Enforcement 2. Proposal for Sale 3. Rulings on Enforcement by Sale 4. Implementation of Enforcement 5. Determining the Value of the Ship, Drawing up the Inventory and Evaluation of the Ship's Appurtenances 6. Terms of Sale 7. Sale Hearing 8. Second Sale Hearing 9. Final Validity of the Ruling on Adjudication 10. New Sale 11. Discontinuation of the Proceedings 12. Distribution of the Purchase Money 13. Sale of Shares in the Ship Chapter III ENFORCEMENT FOR THE PURPOSE OF DELIVERY OF THE SHIP Chapter IV SECURITY 1. Establishment of a Judicial Hypothec 2. Pre-emption Entry of a Judicial Hypothec 3. Provisional Measures PART ELEVEN ON THE APPLICABLE LAW AND COURT JURISDICTION OF THE REPUBLIC OF CROATIA Chapter I GENERAL PROVISION Chapter II ON THE APPLICABLE LAW AND EXCLUSIVE JURISDICTION OF COURTS IN THE REPUBLIC OF CROATIA FOR RELATIONS OF INTERNATIONAL CHARACTER (ELEMENT) PART TWELVE MARITIME OFFENCES Chapter I COMMON PROVISIONS

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Chapter II OFFENCES PART THIRTEEN AUTHORIZATIONS; TRANSITIONAL AND FINAL PROVISIONS En fait, cette subdivision suit encore toujours le schéma classique en ce qui concerne le droit maritime privé. 1.259. La Loi sur le commerce maritime du Panama de 2008702 suit le schéma suivant:

LEY 55 DE 6 DE AGOSTO DE 2008 DEL COMERCIO MARÍTIMO Título I Las Naves

Capítulo I Disposiciones Generales Capítulo II Propietarios de la Nave Capítulo III Tripulación

Sección 1ª El Capitán Sección 2ª Otros Oficiales de la Nave

Título II Contratos

Capítulo I Contrato de Transporte de Mercancía por Vías Acuáticas

Sección 1ª Disposiciones Generales Sección 2ª Responsabilidad del Porteador Sección 3ª Responsabilidades del Cargador Sección 4ª Conocimiento de Embarque Sección 5ª Entrega de las Mercancías

Capítulo II Contrato de Fletamento

Sección 1ª Disposiciones Generales Sección 2ª Fletamento a Casco Desnudo Sección 3ª Fletamento por Tiempo Sección 4ª Fletamento por Viaje

Capítulo III

702 Voir supra, n° 1.141.

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Contrato de Transporte Multimodal Capítulo lV Contrato de Transporte de Pasajeros por Vías Acuáticas Capítulo V Contrato de Remolque Capítulo VI Contrato de Seguro Marítimo

Sección 1ª Principios Básicos Sección 2ª Celebración, Terminación y Cesión del Contrato Sección 3ª Obligaciones del Asegurado Sección 4ª Responsabilidad del Asegurador Sección 5ª Pérdida o Daño del Objeto Asegurado y Abandonado Sección 6ª Pago de la Indemnización

Capítulo VII Término de Prescripción

Título III Riesgos, Daños y Accidentes de Comercio Marítimo

Capítulo I Abordaje de Naves Capítulo II Salvamento Capítulo III Avería Gruesa

Título lV Crédito Marítimo y sus Respectivos Privilegios

Capítulo I Disposiciones Generales Capítulo II Créditos Privilegiados sobre la Nave Capítulo III Créditos Privilegiados sobre el Flete Capítulo IV Capítulo V Hipoteca Naval Capítulo VI Embargo y Venta de los Navíos

On retrouve également la subdivision classique dans ce code, à cette nuance près que les sûretés sur navire et la saisie sont placés à la fin.

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1.260. Le Code maritime chinois703, enfin, est construit comme suit:

MARITIME CODE OF THE PEOPLE’S REPULIC OF CHINA CHAPTER I GENERAL PROVISIONS CHAPTER II SHIPS SECTION 1 OWNERSHIP OF SHIPS SECTION 2 MORTGAGE OF SHIPS SECTION 3 MARITIME LIEN CHAPTER III CREW SECTION 1 BASIC PRINCIPLES SECTION 2 THE MASTER CHAPTER IV CONTRACT OF CARRIAGE OF GOODS BY SEA SECTION 1 BASIC PRINCIPLES SECTION 2 CARRIER'S RESPONSIBILITIES SECTION 3 SHIPPER'S RESPONSIBILITIES SECTION 4 TRANSPORT DOCUMENTS SECTION 5 DELIVERY OF GOODS SECTION 6 CANCELLATION OF CONTRACT SECTION 7 SPECIAL PROVISIONS REGARDING VOYAGE CHARTER PARTY SECTION 8 SPECIAL PROVISIONS REGARDING MULTIMODAL TRANSPORT CONTRACT CHAPTER V CONTRACT OF CARRIAGE OF PASSENGERS BY SEA CHAPTER VI CHARTER PARTIES SECTION 1 BASIC PRINCIPLES SECTION 2 TIME CHARTER PARTY SECTION 3 BAREBOAT CHARTER PARTY CHAPTER VII CONTRACT OF SEA TOWAGE CHAPTER VIII COLLISION OF SHIPS CHAPTER IX SALVAGE AT SEA CHAPTER X GENERAL AVERAGE CHAPTER XI LIMITATION OF LIABILITY FOR MARITIME CLAIMS CHAPTER XII CONTRACT OF MARINE INSURANCE SECTION 1 BASIC PRINCIPLES SECTION 2 CONCLUSION, TERMINATION AND ASSIGNMENT OF CONTRACT SECTION 3 OBLIGATIONS OF THE INSURED SECTION 4 LIABILITY OF THE INSURER SECTION 5 LOSS OF OR DAMAGE TO THE SUBJECT MATTER INSURED AND ABANDONMENT SECTION 6 PAYMENT OF INDEMNITY CHAPTER XIII LIMITATION OF TIME CHAPTER XIV APPLICATION OF LAW IN RELATION TO FOREIGN-RELATED MATTERS CHAPTER XV SUPPLEMENTARY PROVISIONS La subdivision classique est encore une fois suivie. 1.261. Le Livre vert (Question 6) reprenait le schéma de travail provisoire ci-après pour une nouvelle loi maritime belge. Lors de sa rédaction, on a tenu compte de la structure de la loi maritime actuelle et du souhait de donner une portée plus large au nouveau code. On a également

703 Voir supra, n° 1.141.

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été attentif au contenu et à la subdivision de codifications étrangères récentes. En substance, ce schéma correspondait également à la conception classique:

SCHÉMA DE TRAVAIL DE LA NOUVELLE LOI MARITIME BELGE (2007) PARTIE 1 – DISPOSITIONS GENERALES Chapitre I – Définitions Chapitre II – Champ d’application Chapitre III – Relation avec d’autres normes juridiques Chapitre IV – Compétences d’exécution PARTIE 2 - NAVIRES Chapitre I – Statut réel des navires Section 1 – Dispositions générales Section 2 – Propriété de navires Section 3 - Copropriété de navires Chapitre II – Privilèges et hypothèques sur navires Chapitre III – Publicité des droits sur navires PARTIE 3 – CAPITAINE ET ÉQUIPAGE PARTIE 4 – RESPONSABILITÉ DU PROPRIÉTAIRE DE NAVIRE Chapitre I – Règles générales Section 1 - Responsabilité Section 2 – Limitation de responsabilité Chapitre II – Règles spéciales en matière d’enlèvement des épaves Section 1 - Responsabilité Section 2 – Limitation de responsabilité Chapitre III – Règles particulières en matière de pollution par les pétroliers Section 1 - Responsabilité Section 2 - Limitation de responsabilité Chapitre IV - Règles particulières en matière de pollution par le mazout de soute Section 1 - Responsabilité Section 2 - Limitation de responsabilité Chapitre V - Règles particulières en matière de pollution par des produits dangereux et nocifs Section 1 - Responsabilité Section 2 - Limitation de responsabilité Chapitre VI - Règles particulières en matière de pollution par matières nucléaires Section 1 - Responsabilité Section 2 - Limitation de responsabilité PARTIE 5 – EXPLOITATION DES NAVIRES Chapitre I - Affrètement Chapitre II – Contrat de transport de marchandises Chapitre III – Contrat de transport de passagers Chapitre IV – Remorquage et poussage PARTIE 6 – INTERMÉDIAIRES ET AUXILIAIRES Chapitre I – Commissaire au transport Chapitre II- Agents maritimes Chapitre III - Expéditeurs

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Chapitre IV - Manutentionnaires

PARTIE 7 – INCIDENTS MARITIMES Chapitre I – Avarie et avarie commune Chapitre II - Abordage Chapitre III - Assistance PARTIE 8 - ASSURANCES Chapitre I – Dispositions générales Chapitre II – Assurances corps Chapitre III – Assurances sur facultés Chapitre IV - Clubs P & I PARTIE 9 – DISPOSITIONS FINALES Ce schéma de travail a fait l’objet de peu de commentaires pendant la première consultation. La CdA-A a estimé que ce schéma était adéquat et a même suggéré l’insertion d’une nouvelle Partie 9 à propos du DIP (en ce compris la compétence). D’après la CdA-A, la partie ‘Dispositions finales’ devrait en tout cas comporter des dispositions transitoires. L’ABDM a trouvé le schéma de travail parfait et estimé normal que des adaptations interviennent encore pendant la préparation. Il faudrait également tenir compte de la possibilité d’intégrer la législation de droit public et de l’éventuelle adoption ultérieure d’un code général des transports. L’URAB n’a demandé à modifier que ‘Clubs P & I’ et ‘Assurance en responsabilité’. 1.262. Outre une subdivision plus ou moins ‘classique’ dans la ligne du schéma de travail antérieur, qui ne s’écarte pas substantiellement de la loi maritime et de nombreuses autres codifications étrangères, on pourrait à première vue envisager également une subdivision adaptée au droit commun. Une telle structure ‘de droit commun’ se rattacherait aux grandes subdivisions du Code civil qui suit grosso modo l’ordre suivant : personnes, biens, contrats, acte illicite, contrats spéciaux, prescription et sûretés. Transposé au droit de la navigation, cela donnerait la subdivision brute suivante : 1. Commandants et gens d’équipage 2. Navires (le statut réel des navires, en ce compris la copropriété de navires) 3. Les contrats sur navires (c’est-à-dire tous les contrats nommés à régler dans le code, non seulement le transport et l’affrètement, mais aussi la construction maritime, le remorquage et le poussage, la manutention, l’agence maritime, etc.) 4. L’abordage (c’est-à-dire l’acte illicite typique en droit de la navigation) 5. Le sauvetage (c’est-à-dire dans un certain sens un quasi-contrat) 6. La prescription 7. Les sûretés sur navires A y regarder de plus près, cette subdivision doit être entièrement rejetée. Tout d’abord, elle est inconnue de la pratique juridique et de la doctrine du droit de la navigation. Elle exigerait de la part des praticiens du droit une adaptation difficile sans apporter de plus-value. La subdivision du Code civil peut par ailleurs elle-même être remise en question.

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Deuxièmement, la subdivision décrite n’offre pas de place adéquate à certaines matières. La responsabilité du propriétaire de navire pour des fautes extracontractuelles et les obligations contractuelles du capitaine, et la limitation de responsabilité du propriétaire de navire ne peuvent pas être insérées de manière harmonieuse. Le sauvetage peut aussi être effectué sur base contractuelle. L’avarie commune serait, elle aussi, difficile à intégrer. En ce qui concerne la prescription, on a choisi ci-dessus de répartir les règles y afférentes entre les diverses subdivisions matérielles704. 1.263. Une troisième alternative plutôt ‘fonctionnelle’ consisterait à retravailler et à simplifier la subdivision classique. Celle-ci se présenterait comme suit: 1. Navires et armateurs (statut réel du navire, copropriété de navire, construction navale, publicité des droits, capitaine et équipage, agence maritime) 2. Transport (transport, affrètement, remorquage et poussage, manutention) 3. Incidents maritimes (abordage, sauvetage, avarie commune) 4. Responsabilité maritime (responsabilités du propriétaire de navire et de l’équipage, limitation de responsabilité, saisies, privilèges et hypothèques) Une telle structure, avec la quatrième partie qui la caractérise, se retrouve dans des exemples étrangers, dans lesquels la limitation de responsabilité est placée à la fin du code, et la saisie sur navire avec les sûretés maritimes. Bien qu’elle soit plus intéressante que l’alternative précédente, cette structure n’a pas été mise en œuvre dans l’Ébauche de Code belge de la navigation. Tout d’abord, il s’agirait d’une modification importante qui nécessiterait également une adaptation importante. Ensuite, le fait que l’abordage ne figure pas dans la responsabilité maritime est gênant. Le sauvetage et l’avarie commune, c’est-à-dire les autres parties du chapitre classique relatif aux incidents maritimes, peuvent éventuellement être transférés vers la quatrième partie. Cette dernière partie formerait alors un ensemble hétérogène et la subdivision générale du code serait trop simple car il ne resterait que trois grandes parties. 1.264. On peut conclure de ce qui précède (1) que la structure de la Loi maritime actuelle est plutôt défectueuse (2) que la Loi maritime demeure, ainsi que de nombreuses législations étrangères relatives à la navigation, liée aux subdivisions classiques du Code de commerce plus ou moins connues de la pratique juridique mondiale, (3) que la structure proposée au début du projet de révision, se rattachant au canevas classique trouve appui sur la pratique du droit de la navigation, et (4) que les structures alternatives théoriquement envisageables n’apporteraient pas de plus-value. La conclusion est dès lors qu’il est préférable que la structure du Code belge de la navigation demeure celle de la subdivision classique. La nouvelle subdivision doit supprimer les défauts de celle de la loi maritime, et trouver une place adéquate pour un certain nombre de nouvelles dispositions.

704 A ce sujet, voir supra, n° 1.222-1.223.

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2.3.1.2. STRUCTURE DE L’ÉBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION 1.265. Comme on pouvait s’y attendre, il a semblé nécessaire, pendant le travail d’étude, d’adapter le schéma de travail provisoire proposé dans le livre vert. Le nouveau schéma de travail – néanmoins toujours provisoire705 – proposé est le suivant :

EBAUCHE DE CODE BELGE DE LA NAVIGATION (2011) LIVRE 1 – DISPOSITIONS GENERALES LIVRE 2 – DROIT PUBLIC DE LA NAVIGATION LIVRE 3 – DROIT PRIVE DE LA NAVIGATION TITRE 1 – DISPOSITIONS GENERALES Chapitre 1 – Définitions Chapitre 2 – Sources Chapitre 3 – Interprétation TITRE 2 – NAVIRES Chapitre 1 – Statut Chapitre 2 – Construction navale Chapitre 3 – Sûretés sur navires Chapitre 4 – Saisies sur navires Chapitre 5 – Publicité Chapitre 6 – Navires d’autorité TITRE 3 – ARMATEURS Chapitre 1 – Copropriété de navires Chapitre 2 – Agence maritime Chapitre 3 – Responsabilité TITRE 4 – GENS D’ÉQUIPAGE Chapitre 1 – Engagement sur navire Chapitre 2 – Commandants Chapitre 3 – Responsabilité TITRE 5 – TRANSPORT Chapitre 1 – Affrètement Chapitre 2 – Transport Chapitre 3 – Remorquage et poussage Chapitre 4 – Manutention TITRE 6 – INCIDENTS MARITIMES Chapitre 1 – Abordage Chapitre 2 – Assistance Chapitre 3 – Avarie commune

705 Le schéma pourra éventuellement être repensé à l’occasion de la préparation des Livres 1 et 2 et notamment du volet droit public.

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1.266. Cette subdivision repose d’abord sur le choix d’utiliser un schéma plutôt classique et reconnaissable, et ensuite sur le souhait d’utiliser une subdivision la plus simple et la plus maniable possible. Pour rendre la structure aussi claire que possible, les intitulés proposés pour les titres et les chapitres sont volontairement concis. Comme dans d’autres codes (par exemple le code norvégien) et en se rattachant au Code de commerce, la saisie sur navires est réglée en même temps que les sûretés sur navires et la publicité des droits, deux thèmes qui sont en rapport avec la matière. La saisie sur navires pourrait aussi être traitée à la fin du code Logiquement, les dispositions relatives à la saisie sur navires devraient alors également y être déplacées. Mais cela romprait le lien intrinsèque entre la construction navale et l’hypothèque sur navires et rendrait la subdivision moins reconnaissable. Bien qu’en Belgique, il s’agisse en substance d’une figure de droit réel, la copropriété des navires est insérée dans le statut de l’armateur dans le schéma proposé. En pratique, la copropriété des navires est principalement une question de gestion propre aux armateurs. Bien que ceci serait justifiable d’un point de vue théorique et à la lumière d’exemples étrangers, la limitation de la responsabilité n’est pas réglée à la fin du code, mais dans la partie relative à l’armateur et au propriétaire de navire. Ce choix est également inspiré par le souhait de rendre le nouveau code reconnaissable. L’agence maritime et la manutention sont jointes aux dispositions relatives, respectivement, aux armateurs et au transport, et ne font donc pas l’objet d’un titre distinct. Ceci est justifié par la nécessité d’avoir une subdivision simple, une relation interne avec les règles principales mentionnées et le fait qu‘une réglementation relative à l’expéditeur et au commissionnaire expéditeur n’est pas reprise dans le Code de la navigation, de sorte qu’un titre distinct relatif aux intermédiaires et auxiliaires n’est pas nécessaire. 2.4. LIGNES DE FORCE PAR SECTION 2.4.1. TITRE I – DISPOSITIONS GÉNÉRALES 1.267. Le Titre 1 de l’Ébauche de Code belge de la navigation comporte des dispositions générales importantes. 1.268. Contrairement à ce qui est le cas dans la législation actuelle, le Chapitre 1 donne des définitions légales claires d’une série de notions centrales706. Il faut ici indiquer que les notions de navire, de navire de mer, et de bateau d’intérieur sont définies de manière large, de sorte que non seulement les embarcations exploitées commercialement, mais également les navires d’autorités, les embarcations de plaisance, les bateaux d’habitation et le patrimoine navigant sont concernés par le code707. 1.269. Dans le chapitre 2, et pour la première fois en Belgique, les sources propres du droit de la navigation sont décrites À côté de la reconnaissance de principes généraux du droit de la navigation708, un cadre légal est créé pour l’autorégulation, en particulier les usages portuaires et les conditions générales des contrats, qui sont d’un intérêt capital pour le bon fonctionnement du

706 Voir déjà supra, n° 1.211 e.s. 707 Voir déjà supra, nos 1.56 et 1.217. 708 Voir supra, n° 1.206.

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secteur de la navigation et des ports, mais au sujet desquels il y a actuellement un manque total de sécurité juridique709. 1.270. Le chapitre 3 reprend une disposition qui impose une interprétation du Code dans l’esprit de l’autonomie et du caractère international du droit de la navigation. Le chapitre règle également l’interprétation des contrats de navigation710. 2.4.2. TITRE 2 – NAVIRES 1.271. Le Titre 2 de l’Ébauche de Code belge de la navigation règle le statut du navire et contient des chapitres relatifs au statut réel du navire, à la construction navale, aux sûretés sur navires, à la saisie sur navire, à la publicité des droits et aux navires d’autorités. 1.272. Le Chapitre 1 règle le statut réel du navire. Il contient un certain nombre de clarifications du droit maritime actuel, comme en ce qui concerne la preuve de la propriété des navires et le statut des parties et accessoires du navire. 1.273. Le Chapitre 2 contient une réglementation supplétive du contrat de construction navale et de quelques formes de contrats apparentés. Cette réglementation est entièrement neuve pour la Belgique et se rattache aux dispositions contractuelles usuelles sur le plan international. Elle offre un point de repère lorsque des parties non-professionnelles ont réglé leurs droits et obligations de manière incomplète. 1.274. Le Chapitre 3 comporte une nouvelle réglementation complète des sûretés maritimes. Celle-ci comporte des dispositions générales et des dispositions spécifiques relatives aux privilèges maritimes, au droit de rétention sur navires et aux hypothèques maritimes. La réglementation fondamentalement modifiée qui est proposée, qui a pour point de départ la dénonciation du traité sur les privilèges maritimes de 1926 et l’application de la lex fori, sert au maximum les intérêts financiers pour navires de longue durée, et donc ceux des armateurs belges, mais aussi des parties préjudiciées, en particulier les intéressés au chargement qui conservent le privilège sur le navire. Le droit de rétention des constructeurs et réparateurs de navires est ancré dans la loi, de sorte que leur position s’en trouve aussi améliorée. La législation relative aux hypothèques sur navires est actualisée et reprise de manière plus claire dans le nouveau code. 1.275. Le Chapitre 4 comporte des dispositions relatives aux saisies conservatoires et exécutoires sur navire. La saisie conservatoire demeure réglée par la convention saisie navires de 1952. Les dispositions nationales sont toutefois rendues plus claires. La procédure de saisie-exécution est rendue plus attractive. 1.276. Le Chapitre 5 comporte des règles relatives à la publicité des droits sur les navires. Celui-ci actualise, là où c’est nécessaire, les dispositions actuelles de la loi maritime. 1.277. Le Chapitre 6 règle principalement le statut des navires d’autorité belges et étrangers. Comme cela a déjà été indiqué ci-dessus, l’on a choisi, contrairement à ce qui est le cas dans le droit actuel de la navigation, de soumettre au maximum – mais pas intégralement – les navires d’autorité à la législation ordinaire sur la navigation711. Cela rejoint une tendance législative internationale et l’orientation de plus en plus économique des administrations publiques. Le chapitre reprend, dans une forme profondément modifiée, la loi sur les navires d’États.

709 Voir déjà supra, n° 1.207. 710 Voir déjà supra, nos 1.125 et 1.201. 711 Cf. supra, n° 1.217.

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2.4.3. TITRE 3 – ARMATEURS 1.278. Le Titre 3 comporte toutes les règles de droit relatives aux propriétaires de navires et aux armateurs : copropriété de navires, agence maritime et responsabilité. 1.279. Le Chapitre 1 règle la copropriété des navires. En se basant également sur une comparaison des législations des pays limitrophes, des règles manifestement plus complètes que celles de la loi maritime ont été élaborées. Les règles proposées répondent à un besoin permanent des armateurs, mais ont en principe un caractère supplétif. 1.280. Le Chapitre 2 réglemente pour la première fois le contrat d’agence maritime. On prévoit entre autres des dispositions relatives à la qualification de l’agence maritime, à l’obligation personnelle de l’agent maritime qui déclare n’intervenir que comme agent pour un navire déterminé et la compétence de l’agent maritime pour réceptionner des documents judiciaires. 1.281. Le Chapitre 3 fixe le fondement et la limitation de la responsabilité du propriétaire de navire et de l’armateur. La coresponsabilité du propriétaire de navire enregistré – également celui qui n’exploite pas lui-même le navire, mais le met à disposition d’un affréteur coque nue – pour les dommages et les obligations nés pendant l’exploitation, sans abandonner le principe de base repris à l’article 46 de la loi maritime, est également redéfinie. Les autres parties transposent en droit belge les traités les plus récents relatifs à la responsabilité, dont la CLNI pour la navigation intérieure. La procédure juridique pour la limitation de la responsabilité est réglée de manière plus claire et plus efficace. 2.4.4. TITRE 4 – ÉQUIPAGE 1.282. Le Titre 4 relatif à l’équipage comporte des dispositions relatives au travail de marin, aux commandants et à la responsabilité personnelle de l’équipage. 1.283. Sous réserve d’un certain nombre d’autres évolutions, le Chapitre 1 contient des références aux lois pertinentes actuellement dispersées, relatives aux diverses formes de contrat de travail de marin. Ces références peuvent servir d’incitants à la poursuite de l’adaptation ou malgré tout de la rationalisation de cette législation. 1.284. Le Chapitre 2 règle les tâches des capitaines et autres responsables de navires et remplace les dispositions largement vieillies de la loi maritime à ce sujet. On reprend entre autres une réglementation claire à propos du pouvoir de représentation du capitaine, de la signification d’actes de procédure au capitaine, de la tenue des registres de bord et des rapports de mer. 1.285. Le Chapitre 3 concerne la responsabilité personnelle des commandants et de l’équipage. La réglementation actuelle, partiellement dépassée et incohérente, qui risque de rendre une carrière maritime peu attrayante par sa grande sévérité, est remplacée par un règlement conforme aux principes du droit commun du travail. Cela correspond à la réalité quotidienne, où le capitaine est en fait un travailleur et n’intervient plus comme commerçant ou représentant commercial de l’armateur. 2.4.5. TITRE 5 – TRANSPORT 1.286. Le Titre central 5 règle les droits et obligations des parties dans un certain nombre de contrats typiques : affrètement, transport, remorquage et poussage, manutention.

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1.287. Le Chapitre 1 relatif à l’affrètement contient une réglementation supplétive élémentaire qui complète la pratique commerciale courante. 1.288. En ce qui concerne le transport, le Chapitre 2 opte provisoirement pour le maintien des Règles de La Haye Visby, qui sont complétées par quelques dispositions légales orientées vers le contexte national contemporain, notamment à propos du chargement en pontée. Dans l’optique d’une adhésion ultérieure aux Règles de Rotterdam une série d’indications et de contre-indications sont énumérées à ce stade. Pour la navigation intérieure, on reprend la CMNI, qui est déclarée également applicable au transport national et remplace donc la loi sur l’affrètement fluvial dépassée. 1.289. Le Chapitre 3 relatif au remorquage et au poussage comporte une réglementation élémentaire qui, en fait, codifie la jurisprudence existante. 1.290. Dans le Chapitre 4 relatif à la manutention, le contrat de manutention est conçu comme une nouvelle sorte de contrat nommé. La quasi-immunité du manutentionnaire, qui découle de l’arrêt « Stuwadoor », est remplacée par un régime de responsabilité basé sur les Règles de La Haye Visby. Ensuite, la loi attribue au manutentionnaire une série de moyens d’action dans une optique de bonne gestion des terminaux portuaires. 2.4.6. TITRE 6 – INCIDENTS MARITIMES 1.291. Le Titre 6 relatif aux incidents maritimes, par analogie avec les autres codifications du droit maritime, rassemble les règles classiques relatives à l’abordage, à l’assistance et à l’avarie commune. 1.292. Le Chapitre 1 règle la responsabilité en cas d’abordage. Le Traité international sur l’abordage de 1910 qui a toujours son succès est mieux intégré et de manière plus complète dans la législation. 1.293. Le Chapitre 2 règle l’assistance. Bien que la Belgique soit liée depuis longtemps par la Convention internationale sur l’assistance de 1989, ce n’est que maintenant que la législation belge y est adaptée. 1.294. Le Chapitre 3 réglemente l’avarie et l’avarie commune. Pour éviter de figer la nouvelle législation, on choisit, à la lumière de la tendance internationale, de se borner à un renvoi aux Règles d’York et d’Anvers applicables sur une base contractuelle et qui sont usuelles sur le plan international, et d’ajouter certaines dispositions légales essentielles, en particulier en matière de procédure. 2.4.7. LOI SUR L’ASSURANCE TRANSPORT 1.295. Dans l’optique d’une intégration à une loi générale sur les Transports712, une Ebauche de loi sur l’assurance transport est élaborée. Il n’a en effet pas semblé utile de maintenir une législation spécifique aux assurances maritimes et fluviales. Il existe toutefois un besoin clair d’une nouvelle réglementation supplétive embrassant tous les modes de transport et qui remplace les dispositions de la loi maritime sur les assurances maritimes et fluviales, ainsi que l’ancienne loi sur les assurances de 1874.

712 Voir supra, n° 1.171.

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La Commission de droit maritime prépare une refonte complète

du droit belge de la navigation. Ce premier Livre bleu contient

un exposé général de l’Ébauche de Code de la navigation belge,

qui représente la première codification intégrale nationale du

droit de la navigation maritime et intérieure belge. Le nouveau

code a pour objectif d’actualiser le droit de la navigation et de

le repositionner d’emblée en tant que branche du droit à part

entière. Ce livre est le premier d’une série de Livres bleus

mis à profit dans le cadre d’une consultation publique de

toutes les parties intéressées des secteurs maritime, fluvial,

portuaire et juridique. Il conservera une valeur constante pour

l’interprétation future du nouveau code.

www.droitmaritime.bewww.zeerecht.be

Service public fédéralMobilité et Transports