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Le Cid Corneille Livret pédagogique HACHETTE Éducation Établi par Niloufar SADIGHI, agrégée de Lettres modernes, ancienne élève de l’École Normale Supérieure, professeur en collège.

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Le Cid

Corneille

L i v r e t p é d a g o g i q u e

HACHETTEÉducation

Établi par Niloufar SADIGHI,agrégée de Lettres modernes,

ancienne élève de l’École Normale Supérieure,professeur en collège.

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122.-4 etL.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usageprivé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « lesanalyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute repré-sentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteurou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ».Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisa-tion de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue desGrands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par lesarticles 425 et suivants du Code pénal.

© Hachette Livre, 1999.43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15.ISBN : 2.01.167849.8

Conception graphique

Couverture et intérieur : Médiamax

Mise en page

Médiamax

Illustration

Harvey Stevenson

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R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S 5

A c t e I , s c è n e 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

A c t e I , s c è n e 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 0

A c t e I , s c è n e 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 4

A c t e I , s c è n e s 4 e t 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 7

A c t e I , s c è n e 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 1

A c t e I I , s c è n e 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 4

A c t e I I , s c è n e 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 7

A c t e I I I , s c è n e 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 0

A c t e I I I , s c è n e 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 3

A c t e I V, s c è n e 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 7

A c t e I V, s c è n e 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 9

A c t e V, s c è n e 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 3

A c t e V, s c è n e 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 5

R e t o u r s u r l ’ œ u v r e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 9

P R O P O S I T I O N D E S É Q U E N C E D I D A C T I Q U E 52

E X P L O I TAT I O N D U G R O U P E M E N T D E T E X T E S 59

P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N TA I R E S

E T S U J E T S D ’ E X P O S É S 60

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N TA I R E 61

S O M M A I R E

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

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Avertissement

Veiller à ce que les élèves répondent en s’appuyant toujours précisément surle texte, mais sans qu’ils se contentent de citations non commentées. Laplupart du temps, la réponse exige une formulation personnelle étayée parune citation pertinente de l’œuvre.Les questions d’expression personnelle et de jeu théâtral des rubriques « Àvos plumes ! », « Lire l’image » et « Mise en scène » ne seront passystématiquement corrigées, puisqu’il s’agit d’exercices « ouverts » auxquelsne correspondent pas de réponses types. Nous donnons toutefois, quand celaest nécessaire, des indications sur le travail attendu.Les indications de pages, accompagnant les numéros d’acte et de scènerenvoient aux questionnaires du livre de l’élève.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Le rideau se lève sur Chimène, fille de don Gomès, et sur Elvire, sagouvernante, qui est aussi sa confidente.

2. Les autres personnages nommés dans cette scène sont Rodrigue et donSanche, prétendants de Chimène. Le père de Chimène et le père deRodrigue (v. 33-36) sont évoqués, mais le spectateur ne connaît pas encoreleur nom. Elvire parle aussi du roi qui doit choisir un gouverneur pour sonfils (v. 43).

3. La scène se déroule à Séville, dans la maison de Chimène.

4. Cette scène ne contient aucune indication précise concernant l’époque del’action, mais le champ lexical de la chevalerie dans le discours du Comte (v. 25-38), la mention au conseil du roi et les noms des personnages précédésdu titre d’honneur propre à la noblesse espagnole (« don ») laissent devinerque la scène se déroule à l’époque féodale. Cependant, les mêmes propospourraient se tenir à la cour du roi à l’époque de Corneille. La suite de la pièce sera plus explicite sur l’époque de l’action avec lescombats contre les Maures (le Moyen Âge espagnol), mais Corneille reste

A C T E I , S C È N E 1 (p. 13)

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volontairement vague sur l’époque, afin de permettre aux spectateurs françaisdu XVIIe siècle de s’identifier plus facilement aux héros.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE

5. Nous apprenons que deux prétendants, Rodrigue et don Sanche, sedisputent la main de Chimène (« la secrète brigue » du v. 13) mais que la jeunefille et son père accordent leur préférence à Rodrigue (v. 4, 29-30). Le pèrede Chimène s’attend à être choisi comme gouverneur du prince (v. 43-48).De son côté, Rodrigue a demandé à son père de faire la demande en mariageà la sortie du conseil. Chimène ne peut s’empêcher d’être inquiète, bien quetout semble favoriser ses projets (v. 53-56).

6. Une double intrigue se met en place dans cette première scène : l’intrigueamoureuse concernant le mariage de Rodrigue et de Chimène ; une intriguepolitique est ébauchée avec le choix très important de gouverneur du prince(le gouverneur est en effet chargé de toute l’éducation du futur roi, il choisitses précepteurs, ses maîtres d’armes, fait son éducation politique ; en un mot,il exerce une grande influence sur lui). Le Comte est certain d’être choisi,mais les pressentiments de Chimène laissent augurer des complications.

7. Au théâtre, les premières scènes, et parfois tout le premier acte, ont unefonction d’exposition. Cette scène est nécessairement une scène d’exposition,puisqu’il s’agit de la première ; elle concentre en effet les informationsessentielles de l’action : les principaux personnages et l’ébauche de l’intrigue.Cependant, l’exposition ne sera vraiment complète qu’avec la scène suivantequi introduit le personnage de l’Infante et ses tourments amoureux.

8. Les inquiétudes de Chimène ne sont pas précises. Mais elle espèretellement le mariage avec Rodrigue qu’elle craint qu’un coup du sort nevienne perturber son bonheur. Attirer l’attention des élèves sur l’intérêt dramatique des vers 53-56 : il s’agitavant tout pour Corneille de nuancer le tableau idyllique qu’il vient debrosser et d’annoncer les complications inévitables de la tragi-comédie.

◆ ÉTUDIER LE GENRE DE L’ŒUVRE

9. La pièce s’ouvre sur deux questions de Chimène à sa gouvernante. La jeunefille demande des précisions sur l’entretien qu’Elvire a eu avec son père.

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10. Les premières répliques (deux interrogations suivies de la réponsed’Elvire) introduisent directement le spectateur au cœur de l’intrigue (inmedias res) car elles le renvoient à un passé récent que Corneille n’a pas jugéutile de montrer sur scène. Le mariage de Chimène et de Rodrigue est endiscussion au moment où le rideau se lève : nous apprenons que les deuxpartis sont sur le point de s’accorder. Noter que Corneille a éliminé de la version définitive une scène antérieureoù l’on voyait le Comte s’entretenir avec Elvire. En concentrant les deuxpremières scènes de l’édition de 1637 en une seule, Corneille améliorel’exposition qui gagne ainsi en efficacité et en intérêt.

11. Cette première scène, et notamment les 16 premiers vers, dénotent une certaine allégresse. On peut relever l’impatience de Chimène à se faire répéter « un si charmant discours », qui se traduit par de nombreusesinterrogations ; le champ lexical de l’amour (« flamme, feux, amants ») ; et le plaisir qui anime les deux personnages (« charmés, espoir, charmants, douceliberté »). Ajoutons à cela que le Comte lui-même est plein d’assurance quantà l’issue du conseil ; tous ces éléments concourent donc à créer dans cetteexposition une atmosphère de tragi-comédie.

◆ ÉTUDIER LES CARACTÈRES

12. Plusieurs éléments nous permettent de situer les personnages dans lemilieu de l’aristocratie féodale. Nous savons que le roi doit choisir ungouverneur pour son fils parmi les nobles guerriers de la cour. De plus, lepère de Chimène emploie le champ lexical de la noblesse et de la chevalerie : « sang noble, vaillant, fidèle ; braves aïeux, guerriers, lauriers », etc. Rappeler quedans le système féodal, le roi ou le seigneur s’entoure de guerriers qui sontses vassaux. Le Comte et don Diègue sont dans un rapport de vassalité vis-à-vis de don Fernand.

13. Dans le milieu précédemment défini, une jeune fille ne pouvait déciderseule de son sort, elle devait s’en remettre à sa famille, et notamment à sonpère, pour le choix d’un époux. Chimène ne déroge pas à cette règle (v. 20) ;c’est pourquoi elle est heureuse d’apprendre que le choix de son pèrecoïncide avec le sien.

14. Le Comte donne sa préférence à Rodrigue, car il voit en lui ledescendant d’une illustre famille de guerriers. Il lui prête des qualités de

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courage (« homme de cœur » : préciser tout de suite le double sens du mot cœurau XVIIe siècle, à la fois « siège des passions » et « courage ») et pense que savaleur égalera celle de son père (v. 33-37).

15. On voit que le Comte est un personnage orgueilleux car il est certaind’être choisi par le roi comme gouverneur de son fils. Il semble très sûr delui et pense que « ses hauts exploits le rendent sans égal » (v. 47).

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

16. C’est Elvire qui parle le plus longtemps dans cette scène.

17. La tirade d’Elvire (v. 17-52) est une narration car elle rapporte uneentrevue qu’elle vient d’avoir avec le père de Chimène. Les temps employésle montrent : passé composé (« j’ai peint, l’a ravi, il m’a dit »), imparfait (« ilallait, pressait, commençait ») ainsi que le terme même de « récit » (v. 23). Profiter de cette question pour introduire la différence entre discours et récit,d’autant plus intéressante dans un texte de théâtre puisque l’on pourramontrer que le texte théâtral ne se limite pas au discours, mais peut prendreen charge une narration. La tirade d’Elvire est assez complexe à cet égard etpossède plusieurs niveaux : c’est un discours de théâtre faisant le récit d’unentretien récent, à l’aide d’un discours direct rapporté entre guillemets quicontient lui-même une narration (v. 33-34).

18. Elvire rapporte les propos du père de Chimène dans les vers 25-38.

19. Ce passage au discours direct est marqué par la ponctuation : deux pointssuivis des guillemets, refermés au vers 38. L’emploi du présent est un indicesupplémentaire. Le discours direct présente l’intérêt de faire entendre leComte à travers Elvire et c’est aussi un habile moyen pour Corneilled’exploiter telle quelle une réplique prononcée par le Comte dans lapremière scène de l’édition de 1637.

20. Le niveau de langue est évidemment soutenu ou littéraire. Il s’accorde àla noblesse des personnages et au ton de la tragi-comédie.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

21. Rappeler que dans le contexte de la chevalerie féodale, la noblesse estsynonyme de valeur guerrière : les champs lexicaux de la guerre et de lanoblesse sont donc intimement liés. Le Comte commence par vanter lanoblesse des deux prétendants, Rodrigue et don Sanche, en évoquant leur

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« sang noble, vaillant, fidèle » et « l’éclatante vertu de leurs braves aïeux ». Puis ildistingue Rodrigue en qui il voit « la haute image » d’un « homme de cœur »(cf. question 14). Le motif de la filiation est à rattacher à la noblesse de sang :la « maison » désigne la famille dont est issu Rodrigue, famille de « guerriers »couronnés de « lauriers », de même, la « valeur de son père » témoigne de cettenoblesse.

22. Ces termes sont définis dans les notes. Cette question doit attirerl’attention des élèves sur le sens particulier de ces mots dans la languelittéraire. Préciser par la même occasion le sens de maîtresse, qui répond àamant et qui désigne la femme aimée.

23. Le passage peut paraître ambigu à première lecture. Le pronom « lui » etle possessif « sa » renvoient tous deux au Comte.

24. Le temps dominant de la scène est le présent. C’est le temps qui traduitle mieux l’actualité des événements : mariage, choix d’un gouverneur. Lafébrilité et l’impatience des personnages se traduisent aussi par quelquesfuturs (v. 51-52 ; 57).

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

25. Chaque vers est composé de douze syllabes.

26. Ce sont des alexandrins (cf. question n° 28).

◆ À VOS PLUMES !27. et 28.

➧ Objectifs didactiques de l’exercice 27

Cet exercice doit permettre de vérifier la compréhension du passage par les élèves.Il n’est pas obligatoire de conserver les alexandrins. Ils devront simplifier les tour-nures syntaxiques et trouver des synonymes pour les termes « juger » (penser,croire), « brigue » (démarche, demande), « amant » (amoureux, soupirant). Ilsdevront aussi respecter le ton de la réplique (curiosité, impatience), la modalitéinterrogative, et ne pas oublier que nous sommes au théâtre.

Remarque. Ces exercices peuvent être l’occasion, dans une classe qui suitbien, de sensibiliser les élèves à la spécificité du discours théâtral, marqué par ladouble énonciation. Au théâtre, tout discours a en effet un double destinataire : lespersonnages présents sur scène et le public. Tout en montrant une fiction quidonne l’illusion de surprendre des personnages en action, le théâtre n’a de sens

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que par rapport aux spectateurs. C’est pourquoi le discours théâtral s’énoncenécessairement dans une double direction : vers la scène et vers la salle.Tout travail d’écriture théâtrale devra donc tenir compte de cette exigence :informer le public, tout en s’adressant aux autres personnages de manièrevraisemblable.

◆ LIRE L’IMAGE (p. 12)

29. Chimène est probablement la jeune fille de gauche. Son costume, plusriche que celui de sa suivante, son air absorbé correspondent à ce que nousapprenons d’elle dans la première scène.

30. Chimène a un air grave et sérieux qui correspond aux dernièresrépliques de la scène. Agenouillée à ses pieds, Elvire la regarde avecbienveillance et esquisse un sourire. Les deux jeunes filles se donnent lesmains, ce qui montre leur complicité.

31. Elvire semble pleine d’espoir tandis que Chimène a l’air inquiet et paraîtéprouver le besoin d’être rassurée.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Les personnages présents sur scène sont l’Infante et sa gouvernanteLéonor. Faire remarquer que cette scène répond à la première : au duoChimène-Elvire succède le duo Infante-Léonor ; dans chaque cas, une jeunefille d’origine noble ou princière accompagnée de sa confidente.

2. Infant ou infante est un mot espagnol d’origine latine (infans) signifiant enfant.C’est le titre donné aux enfants cadets des rois d’Espagne et de Portugal.L’Infante, ici, est donc la fille cadette de don Fernand, roi de Castille.

3. La scène se déroule dans la partie du palais royal réservée à l’Infante.

◆ ÉTUDIER LA PLACE ET LA FONCTION DE L’EXTRAIT

DANS L’ŒUVRE

4. Cf. question n° 1. Noter que cette scène, sans avoir de lien véritable avecla précédente, hormis dans sa forme, poursuit l’exposition de l’intrigue encréant un effet de symétrie, puisque l’Infante aime aussi Rodrigue.

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5. L’Infante révèle qu’elle est secrètement amoureuse de Rodrigue.

6. Cette révélation est importante pour l’intrigue car nous apprenons quec’est l’Infante qui a favorisé l’amour de Rodrigue et de Chimène. Outrequ’elle est l’instigatrice de l’union des deux jeunes gens, l’Infante par sonamour pour Rodrigue, révèle la qualité exceptionnelle du héros éponyme,digne d’être aimé de la fille du roi.En fait, l’histoire de l’Infante est une sorte d’intrigue parallèle dont lesmetteurs en scène n’ont pas toujours vu la nécessité, au point que certainsd’entre eux ont purement et simplement supprimé le personnage.Néanmoins, le personnage de l’Infante est essentiel dans le schéma actantiel, carelle permet de créer, avec don Sanche, un quatuor amoureux et symétriqueautour des deux héros principaux :

L’infante don Sanche

Rodrigue Chimène

Dans ce schéma, Rodrigue et Chimène sont doublement objets d’une quête(l’un pour l’autre ; Rodrigue pour l’Infante et Chimène pour don Sanche).L’Infante, sujet amoureux, finit par assumer pleinement le rôle d’adjuvant dansl’amour qui unit Rodrigue à Chimène. Quant à don Sanche, lui aussi sujetamoureux malheureux dans sa quête, il devient un pâle opposant, au pouvoirlimité, qui n’a d’autre fonction que d’assurer la symétrie du « carré »amoureux.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : L’AMOUR IMPOSSIBLE

7. Malgré les qualités de Rodrigue, l’Infante ne peut l’aimer car il est d’unrang inférieur au sien. Étant fille de roi, elle ne peut épouser qu’un prince ouun roi. L’union avec Rodrigue, simple gentilhomme, constituerait donc unegrave mésalliance. Le « seul mérite » (v. 94) de Rodrigue ne peut doncautoriser publiquement sa passion car cela compromettrait sa dignité royale(v. 99-100). Rappeler que le thème de la princesse qui aime en dessous de son rang estun motif classique de la pastorale, genre très apprécié du public à l’époque deCorneille (voir dans L’Astrée, d’Honoré d’Urfé, l’amour de la nympheGalathée pour le berger Céladon). Avec le passage du thème dans la tragi-comédie et dans la tragédie, c’est la raison d’État qui fait obstacle à l’amour.

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A c t e I , s c è n e 2

8. En favorisant le mariage de Rodrigue et de Chimène, l’Infante espèreéteindre sa propre passion pour le jeune gentilhomme (v. 101-104).

9. L’Infante est héroïque dans son choix de renoncer à Rodrigue. La raisond’État la contraint à sacrifier son bonheur privé à la « gloire » de son rang : ellese plie à cette loi sans hésitation mais non sans souffrance. En agissant ainsi, ellese montre digne de son rang et parfaitement conforme à l’idéologie du héroscornélien pour qui l’honneur l’emporte toujours sur l’amour (v. 91-92).

10. La situation de l’Infante illustre parfaitement le dilemme tragique : elledoit choisir entre l’amour ou la gloire (chez Corneille, le mot recouvre à lafois l’estime de soi, la dignité, et la reconnaissance sociale). Tout comme cellede Rodrigue ou de Chimène, sa situation est tragique car elle n’offre quedeux issues antithétiques. L’expression de sa souffrance est le signe le plusvisible de ce déchirement tragique (v. 113) qui se traduit par un véritableclivage du sujet (« Je sens en deux partis mon esprit divisé », v. 119) : bien qu’elledonne elle-même Rodrigue en mariage à Chimène pour se libérer de sapassion, elle ne peut s’empêcher de souffrir de son propre don. L’Infante estune authentique héroïne cornélienne dans la mesure où elle vainc sa passionen faisant appel à sa dignité et à sa raison.

11. Cette question doit permettre de lire le groupement de textes surl’amour impossible et de faire des rapprochements thématiques en observantla structure ou le schéma actantiel des différentes pièces. L’amour impossiblede l’Infante pour Rodrigue est comparable à celui de Bérénice pour Titus ouà celui de Hernani pour doña Sol : dans tous ces cas, l’obstacle à l’amour estd’ordre politique ou social. C’est la raison d’État qui empêche Titusd’épouser Bérénice bien qu’il l’aime (le peuple romain n’accepterait pas uneimpératrice non romaine) et c’est aussi l’ordre social qui oblige Hernani etdoña Sol à s’aimer clandestinement (Hernani est un noble proscrit et réduitau banditisme, alors que doña Sol est une jeune fille de la cour promise auvieux don Ruy Gomez). Toutefois la comparaison s’arrête là, car dans cesdeux pièces, l’amour des héros est réciproque, alors que dans le cas del’Infante, la passion reste secrète, donc non partagée.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS (V. 91 à 124)

12. La tirade de l’Infante se compose de trois parties équilibrées : – v. 91-100 : l’Infante affirme que sa position de « fille de roi » l’empêche desonger à une mésalliance.

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– v. 101-112 : la solution imaginée par l’Infante pour se guérir de sa passionest de donner Rodrigue en mariage à Chimène.– v. 113-124 : les souffrances de l’Infante dans la lutte du cœur et de la raison.

13. Jusqu’au vers 107, la tirade de l’Infante tient compte de son destinatairesur scène, Léonor, dont la présence est rappelée par les pronoms « te » (v. 93), « t’ » (v. 105), « tu » (v. 107). Cette tirade est une réponse à la tripleinterrogation de Léonor dans la réplique précédente (v. 89-90).

14. Si, jusqu’au vers 107, la tirade conserve un aspect dialogique (la réponseà Léonor), à partir du vers 108, le discours présente les caractéristiques dumonologue de théâtre : disparition des marques du destinataire (pronoms,apostrophe), focalisation du discours sur le sujet énonciateur et introspectionpsychologique (qui se traduit par la prolifération des pronoms de la premièrepersonne). On pourra comparer ce passage avec les monologues de la pièce(don Diègue, I, 4 ; Rodrigue, I, 6) pour en montrer les différences et lespoints communs : il est intéressant de remarquer que le monologue de donDiègue, par exemple, porte toutes les marques du dialogue, alors que lepersonnage est seul en scène. Le point commun à ces passages est le travaild’introspection du personnage qui permet ainsi au public de pénétrer sessentiments les plus intimes.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

15. La maxime exprimant une vérité générale se trouve au vers 81 : « L’amourest un tyran qui n’épargne personne ». On peut profiter de cette question pour introduire les termes équivalentsd’adage, de sentence, d’aphorisme, de proverbe, étant donné que la pièce encontient un certain nombre.

16. L’antithèse est la figure principale du discours de l’Infante et l’un desprocédés les plus récurrents (avec la figure assimilée de l’oxymore) sous laplume de Corneille. On peut en relever plusieurs dans la tirade de l’Infante :v. 102 (« donner / prendre »), v. 104 (« allumer / éteindre »), v. 108 (« vivre / périr »),v. 112 (« morte / guéri »), v. 121 (« crains / souhaite »).

17. L’antithèse est la figure de la contradiction, de l’opposition, voire de lacoïncidence insupportable des contraires. La multiplication des antithèsesdans le discours de l’Infante traduit bien le dilemme ou le paradoxe auquel estconfronté le personnage : une princesse qui aime au-dessous de son rang.

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A c t e I , s c è n e 2

◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Dès la scène 1 de l’acte I (v. 39), nous avons appris, par l’entremise d’Elvire,que le conseil devait se réunir.

2. Le conseil a décidé de confier le poste de gouverneur du prince à don Diègue (v. 151-153), alors que nous savons depuis la scène première quele Comte briguait cet honneur avec beaucoup d’assurance.

3. Cette scène a lieu à la sortie du conseil, sur « une place publique devant lepalais royal ».

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?4. La scène 1, à travers l’idée qu’elle donnait du caractère orgueilleux duComte, laissait parfaitement présager sa réaction (v. 43-48). Le Comte estdépité, vexé et envieux.

5. On peut distinguer cinq parties dans cette scène : – v. 151-160 : le Comte interpelle don Diègue en contestant la décision du roi.– v. 161-169 : don Diègue se montre conciliant et demande la main deChimène pour son fils.– v. 170-214 : le Comte refuse et, ramenant la discussion sur le motif de laquerelle, oblige don Diègue à répliquer.– v. 215-226 : échange d’arguments vers à vers (stichomythie) au terme duquelle Comte gifle don Diègue.– v. 227-236 : don Diègue veut engager un duel pour réparer l’affront mais ilest trop faible et le Comte le quitte en dédaignant de s’emparer de son épée.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE

6. L’affront subi par don Diègue est un coup de théâtre pour plusieursraisons : le geste consistant à donner un soufflet est spectaculaire en soi etconstitue un affront irréparable, sauf par la mort du coupable ; en outre, etmême si Corneille a pris soin d’insister sur le caractère orgueilleux etirascible du Comte, ce soufflet reste un événement inattendu et fait l’effetd’une déflagration. Ce geste ne peut être que condamné par les spectateursqui se doutent, qu’après un tel outrage, le cours des événements sera modifié.

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7. Dès la scène 3, l’exposition est terminée. L’intrigue amoureuse et lesenjeux de pouvoir sont en place depuis la scène première. Avec la scène 3,nous assistons à l’engagement véritable de l’action lancée par le geste specta -culaire du soufflet. Du duel de mots dans la stichomythie des vers 215-225,on passe à un duel avorté à cause de l’inégalité des forces. Nous savons d’oreset déjà que Rodrigue devra prendre la relève.

8. La rupture entre les pères entraîne nécessairement la dissolution du projetde mariage de leurs enfants. Rodrigue et Chimène devront subir toutes lesconséquences de ce conflit en faisant passer leur honneur familial avant leurssentiments individuels. Le vieux thème de la haine des familles qui rendimpossible l’amour des jeunes gens est ici à l’œuvre (cf. Roméo et Juliette). Lesmauvais pressentiments de Chimène à la fin de la scène 1 (v. 56) étaient doncjustifiés.

◆ ÉTUDIER LES CARACTÈRES

9. Le Comte est ulcéré car il est convaincu d’être victime d’une décisioninjuste. Il attaque don Diègue et la décision du roi au nom des « servicesprésents » qu’il rend à l’État. Se considérant comme le rempart actuel de laCastille contre ses ennemis, il pense que le roi aurait dû le récompenser enlui donnant la charge de gouverner le prince (c’est-à-dire celle de veiller àson éducation politique et militaire).

10. D’après le code de l’honneur féodal, une seule solution s’offre à donDiègue après l’affront subi : il doit prendre la vie du Comte ou mourir lui-même. C’est pourquoi il tente d’engager un duel, mais il n’a pas la force demanier son épée et il la laisse tomber (v. 230).

11. Le Comte sort vainqueur de ce duel avorté sans coup férir : sonadversaire est trop faible. Il devrait, selon l’usage des duels, s’emparer de l’épéede don Diègue comme trophée attestant de sa victoire, mais, par uneméchanceté insultante, il méprise ce butin qu’il considère comme trop peuglorieux.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

12. Le conflit s’engage progressivement entre les deux hommes, malgrél’agressivité du Comte qui cherche à provoquer une altercation. Don Dièguegarde un ton mesuré jusqu’au vers 213 où l’agacement finit par l’emporter.

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C’est alors que s’engage le duel de répliques, vers à vers, et que la tensionmonte entre les deux hommes, jusqu’au soufflet final du vers 226.

13. Le conflit qui oppose le Comte à don Diègue est un conflit entrecourtisans au service du roi. L’argumentation de chacun des personnagesrepose sur la notion de services rendus au royaume. Mais si don Diègue estun héros du passé, ayant bien mérité de la patrie, le Comte se targue d’êtrele héros du présent et le seul digne de la faveur du roi. L’échange verbal estune véritable joute menée par le Comte qui avance une suite d’argumentsréfutés un à un par don Diègue :– argument du mérite revendiqué par chacun des deux adversaires (v. 215-216).– argument de la capacité à exercer la fonction (v. 217) réfuté par don Diègue(v. 218).– argument ad hominem : le Comte accuse don Diègue d’avoir intrigué (v. 219). Don Diègue réfute l’argument en vantant « l’éclat de ses hauts faits »(v. 220).– argument ad hominem : don Diègue aurait été favorisé par son grand âge (v. 221). Réfutation de don Diègue qui rappelle son courage (v. 222).– reprise de l’argument du mérite : le Comte revendique pour lui seul la faveurdue au courage (v. 223) ; don Diègue rétorque en s’appuyant sur les faits : si leComte n’a pu obtenir cette faveur, c’est qu’il ne la méritait pas (v. 224).

◆ LIRE L’IMAGE (p. 28)

15. Le décor de la gravure représente, au second plan, un palais de styleantique. On reconnaît des colonnes à chapiteaux de style ionique,caractéristiques de l’architecture classique. À l’arrière-plan, on voit un portailde pierre surmonté d’un blason et d’une couronne : ce détail montre quenous sommes dans l’enceinte du palais royal. Au fond, on distingue la tourd’un château fort dans une végétation de cyprès. Le graveur a choisi dereprésenter le décor classique du XVIIe siècle, mais le château fort visible dansle lointain est sans doute une référence aux sources féodales du Cid.

16. Les deux personnages sont vêtus rigoureusement à l’identique car ils sonttous deux des grands d’Espagne. Leur costume est adapté au décor de lagravure car ils sont vêtus à la mode des nobles du XVIIe siècle : chaussures àrubans, haut-de-chausses également ornés de rubans, pourpoints, capes,fraises, écharpes, chapeaux à plumes. Ils portent tous deux l’épée au côté et

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un lourd collier rappelant celui de l’ordre de la Toison d’or. Tous ces élémentssont les signes distinctifs de la haute aristocratie française ou espagnole duXVIIe siècle.

17. La gravure représente le moment précis où le Comte soufflette don Diègue. Le Comte a donc une attitude offensive tandis que don Diègue,surpris, les mains écartées, esquisse un mouvement de recul. Le chapeau dece dernier est tombé à terre. Le graveur a pris soin de souligner la différenced’âge des personnages ainsi que l’ardeur agressive du Comte.

◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Dans la scène 3, le Comte, après avoir interpellé don Diègue à la sortie duConseil, a fini par lui donner un soufflet. Le père de Rodrigue a alors tentéd’effacer l’affront par un duel mais, manquant de force, il a laissé tombé sonépée que le Comte n’a pas même daigné ramasser (v. 227-236).

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?2. Don Diègue est désespéré car il a perdu son honneur. Il n’a pas eu la forcede tirer vengeance du Comte sur-le-champ.

3. Dans la scène 5, don Diègue transmet son épée à Rodrigue et lui demandede venger leur honneur, en dépit de son amour pour Chimène.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE CET EXTRAIT DANS LA PIÈCE

4. Le monologue de don Diègue n’est pas nécessaire à l’action. Comme toutmonologue, il permet, en revanche, de faire le point sur les sentiments d’unpersonnage à un moment critique de la pièce. Passage fortement rhétorique,le monologue de don Diègue a pour fonction d’attirer l’attention sur lagravité de l’affront subi et de susciter la pitié des spectateurs pour lepersonnage, en même temps que l’adhésion à sa cause.

5. À ce point de la pièce, le spectateur n’a pas encore vu le héros principalmais il en a entendu parler en termes élogieux, dès la première scène. Ledrame est noué depuis la scène du soufflet et la situation semble bloquée dufait de l’impuissance de don Diègue. Il est donc nécessaire d’introduire le

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héros à ce point précis de la pièce. Le spectateur sait d’ores et déjà que seulRodrigue pourra dénouer la situation et faire avancer l’action de façonsignificative. Selon le schéma actantiel, don Diègue, destinateur, assigne ici auhéros-sujet Rodrigue l’objet de sa quête : venger l’honneur familial.

6. Rodrigue est un jeune noble d’ascendance guerrière mais il n’a encorejamais porté les armes. Il est dans la situation du novice qui doit se faireadouber pour acquérir ses armes et le titre de chevalier. En lui transmettantson épée, don Diègue accomplit un geste symbolique, lourd de sens dans latradition féodale, car il fait de Rodrigue un chevalier en même temps qu’illui assigne une mission. La scène 5 est donc le moment de l’adoubementsymbolique de Rodrigue.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS THÉÂTRAL

7. Les 13 premiers vers du monologue se composent de 4 phrasesinterrogatives de longueur croissante dont la première et la dernièrecontiennent des tournures exclamatives. Ces exclamations sont desapostrophes ou des invocations à des entités abstraites (« Ô rage ! ô désespoir !ô vieillesse ennemie ! » ; « Ô cruel souvenir… ») dont l’évocation aiguise ladouleur du vieux gentilhomme. La prédominance des phrases exclamativeset interrogatives traduit la souffrance de don Diègue devant son honneurbafoué et son sentiment d’impuissance. Ce n’est que dans la deuxième partiedu monologue que le ton se fera plus déterminé à travers des phrasesdéclaratives et injonctives : la solution qu’entrevoit don Diègue lui permetd’échapper au désespoir.

8. La scène 5 s’ouvre sur un hémistiche fameux : « Rodrigue, as-tu du cœur ? ».Cette apostrophe, outre qu’elle traduit l’urgence de la situation, permet àdon Diègue d’éprouver le courage de son fils par une demande insultantepour un homme d’honneur. Elle permet aussi de désigner le héros en lenommant explicitement : le public ne peut douter que le nouveaupersonnage soit bien le Rodrigue dont il est question depuis le début de lapièce. L’interpellation a donc une fonction dramaturgique.

9. Dans cette scène, Rodrigue ne parle presque pas (il prononce à peine deuxvers). C’est don Diègue qui monopolise logiquement le discours car il doitassigner sa mission à Rodrigue. Le héros garde le silence par respect (toutcomme le chevalier lors d’une cérémonie d’adoubement) mais aussi parcequ’il ne sait pas ce qui l’attend. À l’annonce de l’identité de l’offenseur

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(v. 282), il reste sans voix, car il est sous le choc de la nouvelle et que letragique de la situation ne lui laisse aucune possibilité de répliquer.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : L’HONNEUR FÉODAL

10. Don Diègue est un grand d’Espagne au service de son roi. Par le passé,il a été un chef de guerre redouté qui a sauvé le royaume à plusieurs reprises(v. 241-243). Ces lauriers militaires lui assurent une reconnaissance nationaleet le roi lui-même a rendu honneur à sa valeur et aux services rendus en lenommant gouverneur du prince.

11. Dans le code de l’honneur aristocratique et guerrier qui régit les rapportsentre les personnages, un soufflet est un affront intolérable, car il est unemarque de mépris qui annihile symboliquement la valeur nobiliaire etguerrière de l’individu qui le reçoit. Le Comte ne respecte pas don Diègue,car il représente la valeur passée, tandis que lui-même incarne le soutienactuel du trône de Castille. Synonyme de reconnaissance sociale, l’honneurest considéré comme plus important que la vie : c’est pourquoi don Dièguepréfère mourir plutôt que de vivre sans honneur et c’est aussi pourquoil’honneur ne peut être racheté que par la vie. Cette idéologie de l’honneurest un héritage féodal qui connaît une reviviscence dans la première moitiédu XVIIe siècle où les duels se multiplient pour des raisons aussi légères qu’unmot mal reçu, un geste déplacé. À l’époque du Cid, Richelieu tentait de fairerespecter les lois qui interdisaient le duel en France. La pièce reflète doncbien ce culte de l’honneur et les débats auquel il donnait lieu à la mêmeépoque.

12. Plusieurs termes renvoient au champ lexical du déshonneur, thèmecentral du monologue : « infamie » (v. 238), « honte » (v. 250), « affront »(v. 253), « indigne » (v. 254), « offense » (v. 257). Noter que cette liste contientdes couples de synonymes : « honte, infamie » ; « affront, offense ».

13. La réaction de Rodrigue à l’apostrophe de son père (« Rodrigue, as-tu ducœur ? ») montre qu’il partage entièrement sa conception de l’honneur. « Toutautre que mon père l’éprouverait sur l’heure » répond Rodrigue, en esquissant sansdoute le geste de porter la main à l’épée, ce qui signifie qu’il est prêt à donnerla preuve de sa bravoure sur-le-champ (rappeler à ce sujet le sens éty -mologique de éprouver : mettre à l’épreuve). Étant donné que le courage estdirectement lié à l’honneur, la réponse de Rodrigue revient à dire qu’il estprêt à se battre et éventuellement à donner sa vie pour son honneur.

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◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET L’ÉCRITURE

14. Il s’agit d’une anaphore.

15. Le terme « cœur » a aussi le sens de courage au XVIIe siècle. Don Dièguedemande à son fils s’il a du courage.

16. La scène 5 comporte six occurrences des termes « vengeance » ou « venger ».Mais les verbes « réparer » (v. 266), « punir » (v. 272), « laver » (v. 274) serattachent aussi, au sens premier ou au sens métaphorique (laver / réparer), auchamp lexical de la vengeance.

17. ➧ Objectif didactique de l’exercice proposéCette question peut être l’occasion de préciser la notion de polysémie d’un termeen fonction de son contexte.

Le mot « sang » est répété quatre fois mais il n’a pas toujours la mêmesignification. Ainsi, le mot « sang » a trois significations différentes dans cette scène. Au sens propre (v. 277), il désigne le sang qui coule sur le champ de bataille ; ausens métaphorique (v. 274), il est l’équivalent de mort ou de combat mortel ;enfin, au sens métonymique, il est synonyme de fils ou enfant (v. 264-266).Dans ce dernier cas, la métonymie est fondée sur la signification du sangcomme symbole de la filiation.

18. Avant de révéler l’identité de l’offenseur, don Diègue prend soind’insister sur la gravité de l’offense et la nécessité de la vengeance. Passé le premier moment de soulagement face à la réaction de Rodrigue (v. 262-267), il implique son fils dans l’affront (v. 268) et ne désigne le Comteque par des tournures anonymes ou périphrastiques : « l’insolent » (v. 269), « un arrogant » (v. 273), « un homme à redouter » (v. 276), « brave soldat, grand capitaine » (v. 281). Le portrait de l’adversaire comme brillant militaire(v. 276-281) retarde également la nomination du « père de Chimène »,appellation volontairement choisie (au lieu de Comte de Gormas) car donDiègue sait bien que c’est là le seul motif qui pourrait faire hésiter Rodrigue.

19. Cet hémistiche célèbre est composé de monosyllabes (si l’on tientcompte de la coupe épique sur « vol(e) » et de l’apocope du -e final). Lagradation dans les impératifs « va, cours, vole » et la brièveté des mots suggèrentla rapidité, la nécessité d’agir dans l’urgence.

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◆ À VOS PLUMES !20. ➧ Objectifs didactiques de l’exercice proposé

Cet exercice d’écriture a deux objectifs : – faire prendre conscience de la spécificité du dialogue théâtral, marqué par ladouble énonciation (voir question 28, acte I, scène 1).– apprendre à rédiger un dialogue argumentatif.

◆ LIRE L’IMAGE (p. 35)

21. Don Diègue tend son épée à Rodrigue en fixant son fils du regard. Cegeste a une valeur symbolique : il s’agit d’une passation de pouvoirs entre unhéros du passé et le héros de la nouvelle génération. Il rappelle aussi lacérémonie de l’adoubement (cf. question 6).

22. Les vers qui accompagnent cette image sont les suivants : « Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,

Je le remets au tien pour venger et punir. » (v. 271-272)

23. Rodrigue, interprété ici par Gérard Philipe, a une expression grave etsoucieuse qui traduit la tension tragique de la scène.

◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Rodrigue vient d’apprendre que l’homme qui a offensé son père n’estautre que le père de Chimène.

2. Son père lui a confié la mission de venger leur honneur par un combat enduel contre le Comte. Rodrigue doit « mourir ou tuer » (v. 275).

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?3. Au début de la scène, Rodrigue est atterré par ce qu’il vient d’apprendre.Le sentiment qui domine dans la première strophe est le désespoir, dont onpourra faire noter le champ lexical (v. 291-300).

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4. La première décision de Rodrigue est de mourir sans se venger (v. 321-330).

5. À la fin de la scène, la décision qui l’emporte est la vengeance (v. 346).Profiter de ces deux questions pour retracer le mouvement des stances : sixstrophes que l’on peut diviser en quatre parties : – v. 291-300 : l’accablement du héros.– v. 301-320 : exposition du dilemme.– v. 321-330 : première conclusion : mourir sans se venger.– v. 331-350 : décision finale et confirmation : autant se venger puisqueChimène est de toute façon perdue.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE LA SCÈNE DANS L’ŒUVRE

6. Le monologue de Rodrigue fait écho à celui de son père dans la scène 4.Les deux monologues sont ainsi symétriquement situés de part et d’autre dela scène 5 qui réunit les deux personnages.

7. Le monologue, même s’il ne fait pas avancer l’action, a une utilitédramatique. Il permet de mettre à nu l’intériorité d’un personnage quis’exprime comme s’il était seul et d’exposer ainsi ses sentiments intimes. Cemonologue nous permet donc de connaître le personnage principal de lapièce, présent uniquement jusqu’ici par le discours des autres personnages, etde juger sa valeur en tant que héros dans un moment hautement critique. Lespectateur s’aperçoit que Rodrigue n’est pas un héros désincarné mais unpersonnage humain qui va décider d’agir après avoir vaincu ses doutes. Enoutre, ces stances permettent d’introduire une parenthèse lyrique au momentoù l’action va prendre une nette coloration tragique.

8. Rodrigue n’agit pas par simple désir d’obéissance. Il met en balance sessentiments et son devoir et décide d’agir à la suite d’une délibérationpersonnelle.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA NAISSANCE DU HÉROS

9. Le dilemme auquel est confronté Rodrigue est le suivant : soit il vengeson honneur et il perd Chimène, soit il épargne le Comte mais il perd sonhonneur (strophes 2 et 3). Mais ce dilemme est déséquilibré dès la strophe 4avec cette conclusion partielle : de toute façon, il faut perdre Chimène (si jeme venge, elle me hait ; si je ne me venge pas, elle me méprise : v. 323-324).Ce qui aboutit logiquement au dépassement du dilemme dans la strophe 5 :

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puisque Chimène est désormais perdue, sauvons du moins l’honneur. Lastrophe 6 ne fait que confirmer la conclusion par le retournement duparadoxe initial (v. 349-350).

10. Montrer que l’expression « dilemme cornélien » s’est lexicalisée enréférence aux héros de Corneille, toujours partagés entre leur devoir et leurssentiments. L’expression s’emploie pour parler d’un paradoxe insoluble, d’unedécision impossible à prendre en raison d’issues contradictoires.

11. Malgré le dépassement du dilemme, la décision finale de Rodrigue esthéroïque car il s’agit d’un choix dicté par sa raison et par ses sentimentspropres et non par l’obéissance aveugle aux ordres de son père. La décisionpersonnelle de Rodrigue est une victoire sur lui-même et une abolition dela contradiction initiale : il court à la vengeance autant par amour que parsens de l’honneur, puisque ne pas se venger le rendrait indigne de Chimèneet indigne de vivre. L’amour et l’honneur sont donc intimement liés danscette conception héroïque du monde. C’est dans les stances que le spectateurassiste à la naissance du héros.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE POÉTIQUE

12. Les élèves devront chercher la définition de stances dans le dictionnaire.C’est le nom donné, depuis le XVIe siècle, à des poèmes lyriques d’inspirationgrave composés d’un nombre variable de strophes du même type. À l’origine,le mot stance signifiait strophe. L’époque du Cid correspond à l’âge d’or desstances (1630-1660), presque tous les auteurs en font figurer dans leurspièces.

13. Ces stances se composent de six strophes.

14. ➧ Objectif didactique de l’exercice proposéCette question sera l’occasion d’introduire quelques termes de versification.

Toutes les strophes sont organisées de la même manière : un quatrain à rimesembrassées, composé d’un octosyllabe et de trois alexandrins ; un distique àrimes plates, composé d’un alexandrin et d’un hexasyllabe ; un quatrain àrimes croisées, composé d’un décasyllabe, d’un hexasyllabe et de deuxdécasyllabes.

15. Les mots « peine » et « Chimène » reviennent en rime croisée à la fin dechaque strophe. Cela produit l’effet d’un refrain et accentue la musicalité deces stances lyriques.

16. « Aimable tyrannie » (v. 312) ; « Cher et cruel espoir » (v. 315).

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◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. À la fin de l’acte I, Rodrigue a décidé d’affronter le Comte en duel, aprèsune douloureuse délibération (scène 6). Il a choisi de venger son honneurpuisque, de toute manière, Chimène est perdue pour lui (s’il ne se venge paset perd son honneur, il ne sera plus digne d’elle).

2. Dans la scène précédente, le Comte a refusé l’accord amiable demandé parl’émissaire du roi, don Arias. Il ne veut pas s’abaisser à reconnaître ses torts.Le Comte est certain que le roi n’osera pas le punir, car il est le soutien actueldu royaume (v. 376-382).

3. La scène 1 de l’acte II a confirmé l’orgueil extrême du Comte, qui vajusqu’à braver une décision royale pour ne pas revenir sur son geste. C’estpour lui aussi une question d’honneur (v. 395-396).

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?4. Rodrigue interpelle le Comte par la formule de combat « À moi ». Iltutoie le Comte, que le respect l’obligerait pourtant à vouvoyer. Enfin, ilmultiplie les questions rhétoriques de provocation (v. 398-402) dans le seulbut d’engager le duel au nom de l’honneur : ces questions, en mettantl’accent sur la filiation entre don Diègue et Rodrigue, permettent delégitimer l’action de celui-ci au nom de l’honneur familial.

5. La première réaction du Comte est le mépris, car Rodrigue n’est qu’unnovice dans le métier des armes (v. 407-408).

6. Le mépris du Comte se transforme ensuite en admiration, face au courageet à la détermination de Rodrigue, en qui il avait su discerner un « homme decœur » digne d’épouser sa fille ; mais cette admiration est teintée de pitié pourla jeunesse du héros (v. 430). Certain de remporter une victoire facile, leComte veut dispenser Rodrigue du combat, non sans une certainecondescendance (v. 434).

7. Le Comte finit par comprendre que Rodrigue n’a pas d’autre choix quede venger son père et qu’il aurait sans doute agi de la même manière à saplace ; c’est pourquoi il accepte le duel (v. 441-442).

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◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

8. Le tutoiement constitue à lui seul une forme de provocation, carRodrigue devrait normalement vouvoyer le Comte, plus âgé que lui etpersonnage important de l’État. Noter que dans la scène 3 de l’acte I, donDiègue et le Comte passaient du vouvoiement au tutoiement au moment dusoufflet, moment critique de la scène.

9. Les répliques dans ces passages n’excèdent pas deux vers et nousretrouvons le procédé de la stichomythie (réplique vers à vers ou hémisticheà hémistiche) comme dans la scène du soufflet.

10. La stichomythie traduit souvent un moment de forte intensitédramatique. Comme Corneille ne peut pas montrer le duel sur scène enraison des règles de la bienséance, il le remplace par une scène d’affrontementverbal qui s’apparente à un duel.Il faudra montrer que le débat entre Rodrigue et le Comte porte en réalitésur la capacité de Rodrigue à accéder au statut de héros. En refusant de sebattre avec lui, le Comte cherche à nier l’essence héroïque du jeune homme.Jeune et inexpérimenté dans le métier des armes, Rodrigue n’est pas unadversaire suffisamment « glorieux » aux yeux du Comte. Le premier argument de Rodrigue est justement d’affirmer cette essencehéroïque, héritée d’une longue lignée aristocratique et guerrière (v. 405-406 ;v. 409-410). La « race » dont il est le descendant suffit à accréditer sa valeur. À la question du Comte qui cherche à l’intimider (« Sais-tu bien qui jesuis ? »), Rodrigue répond en montrant qu’il a pleinement conscience de latémérité de son acte, ce qui confirme encore son courage (v. 411-416), et quesa mission de vengeance familiale lui donnera la force nécessaire (v. 417).Enfin, Rodrigue rejette avec hauteur la pitié du Comte qui souhaiteraitépargner sa vie, en avançant un argument irréfutable dans le système devaleurs des deux hommes : l’honneur est bien plus important que la vie (v. 438 ; v. 441-442).

12. Cette scène contient plusieurs formules fameuses passées en proverbes :« aux âmes bien nées / La valeur n’attend point le nombre des années » (v. 405-406) ; « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » (v. 434). Les vers417 et 441-442 expriment aussi des vérités générales.

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◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

13. La préposition « aux » est équivalente ici de « dans » ou de « chez ».

14. Les élèves pourraient transposer ces deux vers à peu près ainsi : « Je suisjeune, c’est vrai ; mais quand on est de noble naissance, on a des qualités (dela valeur) dès la jeunesse ».

15. « Téméraire » (v. 415), « cœur » (v. 416, 419), « ardeur magnanime » (v. 425),« haute vertu » (v. 426), « courage » (v. 430).

16. « Qui » est un pronom relatif (antécédent : « fils »), sujet du verbe de lasubordonnée « survit ». La syntaxe du XVIIe siècle tolérait de placer le verbe dela principale avant la subordonnée relative. Cet ordre appartient aujourd’hui àla langue littéraire ou soutenue.

◆ MISE EN SCÈNE

17. Les exercices de jeu théâtral présentent un grand intérêt pédagogique carils permettent : – de mémoriser un extrait ;– de prendre conscience, par le jeu, de la notion de double énonciation ;– de mesurer la difficulté du jeu du comédien qui implique la maîtrisesimultanée de la voix, du corps et du geste.On tirera le meilleur parti de ces exercices en organisant une sortie au théâtrequi permettra aux élèves de confronter leur propre pratique à celle decomédiens professionnels. On peut aussi organiser une séance de travail avecl’intervention de comédiens en classe.Faire prendre conscience aux élèves que le jeu théâtral ne se limite pas à larécitation d’un texte mais qu’il implique aussi une disponibilité permanentedu corps par rapport au rôle interprété ; autrement dit, il faut continuer àjouer son rôle, même lorsque ce sont les autres personnages qui parlent.

◆ À VOS PLUMES !18. ➧ Objectifs didactiques de l’exercice

– Écrire un dialogue de théâtre en respectant sa typographie (noms des person-nages, répliques distinctes à la ligne, didascalies entre parenthèses).– Tenir compte de la notion de double énonciation : énoncer un discours cohérentà la fois en direction de la salle et de la scène.– Transcrire la tension d’une scène de conflit à l’aide des types de phrases appro-priés (exclamatives, interrogatives).

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◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Le roi avait demandé que l’on arrête le Comte (scène 6, v. 571-572).

2. Nous avons appris la mort du Comte dans la scène précédente (v. 632-633).

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?3. Chimène vient de voir son père mort, à la suite du duel avec Rodrigue (v. 659-660). On se souvient qu’elle avait quitté précipitamment l’Infante àla fin de la scène 4, sans doute pour empêcher les deux hommes de se battre.

4. Chimène vient réclamer justice au roi.

◆ ÉTUDIER LA PLACE DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE

5. Cette scène est la dernière du deuxième acte. Trois actes sont encore àvenir qui devront poursuivre l’action jusqu’au dénouement. Avec la mort du Comte, la situation tragique est devenue irréversible. Désormais, Chimènedevra agir malgré elle et poursuivre Rodrigue de sa vengeance. Noussommes ici au cœur de l’action car Chimène doit à son tour se conduire enhéroïne pour répondre à l’héroïsme de Rodrigue.

6. À la fin de cette scène, le roi décide de renvoyer l’affaire au lendemain oùelle sera jugée au cours du conseil. En attendant, il fait don Diègue prisonniersur parole et envoie des hommes à la recherche de Rodrigue (v. 733-737).

7. À la fin de cet acte II, le spectateur est dans l’indécision la plus totale ; laréquisition de Chimène est parfaitement équilibrée par le plaidoyer de donDiègue et nous ne savons quel sera le jugement du roi. L’habileté dramatiquede Corneille consiste à créer ici un effet d’attente pour le troisième acte qui devra nécessairement répondre à certaines questions : quels sont lessentiments de Rodrigue après son acte ? les deux amants vont-ils serencontrer ? Chimène va-t-elle persévérer dans son désir de vengeance ?

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

8. La scène se compose de quatre parties :– v. 647-658 : Chimène et don Diègue viennent se jeter aux pieds du roiaussitôt après la mort du Comte.– v. 659-696 : la plainte de Chimène.

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– v. 697-732 : la défense de don Diègue.– v. 733- 740 : le roi remet l’affaire au lendemain.9. Les premières répliques sont courtes car elles traduisent l’émotion et ledésarroi des personnages devant une situation dont ils viennent d’être lestémoins. Remarquer la symétrie créée par Corneille dans les répliques : àchaque mot de Chimène répond une réplique de don Diègue, jusqu’à ce que le roi mette de l’ordre dans leurs interventions. L’habileté de Corneilleconsiste ici à créer l’illusion de l’urgence et du désordre à travers un échangede répliques parfaitement orchestré.10. Chimène avance une argumentation très habile. En présentant l’actede Rodrigue comme un attentat contre l’autorité royale, elle cherche à rendresa punition nécessaire. Son premier argument consiste à présenter la mort de sonpère comme une perte irréparable pour le trône (v. 651 ; 661-662). La suite de l’argumentation s’appuie sur l’image baroque et fortementexpressive des vers 675-680 : c’est la « voix du sang » qui force Chimène àréclamer justice. Les vers 681-686 développent l’argument de la « licence »intolérable : le roi ne devrait pas accepter que l’on bafoue ses lois dans sa proprecour (allusion à la pratique interdite du duel : on mesure mieux l’artifice del’argument si l’on pense que c’est la même Chimène qui réclamera un dueljudiciaire contre Rodrigue dans la scène 5 de l’acte IV). Enfin, Chimèneprétend qu’en laissant ce crime impuni, le roi éteindra le zèle de ses serviteurs(v. 687-688). Enfin, les vers 689-696 sont une récapitulation où Chimènedemande vengeance par la loi du talion (v. 692), dans l’intérêt propre du roi.11. La défense de don Diègue consiste à détourner la culpabilité deRodrigue sur lui-même ; c’est pourquoi il est moins question de Rodrigueque de sa propre personne dans toute sa tirade. Il commence son plaidoyerpar une sorte de sentence désabusée sur le sort des héros vieillissants (v. 697-700). Il centre ensuite le discours sur son propre cas en rappelant sesexploits passés, ce qui rend l’affront du Comte d’autant plus choquant (v. 701-710). Il poursuit en présentant Rodrigue comme le simple exécutantde son projet de vengeance et demande à être puni à sa place (v. 711-732).12. Cette scène a toutes les caractéristiques d’un procès : les discours desdeux parties en présence appartiennent au genre rhétorique judiciairepuisqu’il s’agit pour Chimène d’accuser et pour don Diègue de défendre. Leroi est dans la position de juge et le champ lexical du procès est largementreprésenté : « justice » (v. 647 ; 649 ; 737), « défense » (v. 649), « plainte »(v. 658), « châtiment » (v. 720), « peine » (v. 730), etc.

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◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

13. Chimène emploie huit fois le mot « sang ». 14. La répétition des vers 661-663 est une anaphore.15. Il s’agit pour Chimène de communiquer son émotion au roi (et par-delà,au spectateur) afin de provoquer pitié et terreur, selon les règles de la tragédie.Par l’emploi répété du mot « sang », elle met sous les yeux du roi une imageexpressive chargée de plaider en sa faveur. L’emploi des hyperboles accentuecet effet expressionniste : le sang coulant « à gros bouillons », sang d’ailleurspersonnifié au vers 663. Plus loin, l’hyperbole confine au fantastique dansl’image baroque de la plaie parlante (v. 677-680).16. Don Diègue emploie essentiellement un type de métonymie qui portele nom de synecdoque (nommer la partie pour le tout) : « ces cheveux » (v. 711),« ce sang » (v. 712), « ce bras » (v. 713), « la tête » (v. 722), « ce chef » (v. 727)désignent don Diègue lui-même. En revanche, le « bras » des vers 722, 724et 728 représente Rodrigue en tant que valeureux combattant. Lesmétonymies des vers 711 (« le harnois » pour la guerre) et 717 (« sa main »pour sa force) sont fondées sur un rapport d’appartenance ou de contiguïté,mais on peut aussi y voir une dimension symbolique.

◆ À VOS PLUMES !17. Voir Remarque p. 9, questions 27 et 28.

◆ LIRE L’IMAGE

18. L’expression de Chimène est celle de la supplication et montre qu’elle estbouleversée par le spectacle auquel elle vient d’assister. En se jetant aux pieds duroi et en le regardant intensément, elle donne plus de force à son imploration.19. Dans cette mise en scène, Chimène tient dans ses mains une pièce devêtement vraisemblablement tachée de sang, qu’elle exhibe pour mieuxémouvoir le roi au récit de la mort de son père. En raison des contraintes liéesà la règle de la bienséance qui exclut toute représentation de la violence surscène, Corneille ne peut montrer le sang versé ; mais ici, un linge souillé entient lieu et prend ainsi la valeur symbolique du duel que le spectateur n’a pas vu. Ce sang vaut à la fois comme symbole de mort et de filiation etautorise le réquisitoire de Chimène, au nom de son père disparu.20. Les vers qui accompagnent vraisemblablement cette image peuvent êtreles vers 661-666 ou bien les vers 675-680, où il est question du sang versé.

◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Au début de l’acte III, Rodrigue se présente chez Chimène qui se trouvealors chez le roi. Elvire, en voyant revenir Chimène, l’oblige à se cacher.

2. Dans la scène 2, nous avons vu Chimène revenir du palais accompagnée dedon Sanche qui lui a proposé ses services pour la venger de Rodrigue. Dansla scène 3, une fois don Sanche parti, et se croyant seule avec Elvire, Chimènese livre à son désespoir en avouant qu’elle continue d’aimer Rodrigue, bienqu’elle doive le poursuivre. C’est alors que Rodrigue se montre.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?3. Rodrigue se présente devant Chimène dans l’intention de mourir de samain.

4. Chimène de son côté compte obtenir vengeance en poursuivantRodrigue officiellement (v. 940-944).

5. À la fin de la scène, la tonalité dominante est la plainte amoureuse etélégiaque. Les deux amants, après avoir échangé leurs arguments, selamentent sur le sort qui les oppose malgré eux. Rodrigue aspire à mourir etChimène lui promet de ne pas lui survivre.

◆ ÉTUDIER LA PLACE DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE

6. Cette scène est la scène centrale de la pièce dans tous les sens du terme :placée exactement au cœur de la tragédie, elle met en présence, pour lapremière fois, les deux héros principaux. Les spectateurs sont donc avidesd’observer les réactions des amants dans une telle confrontation. Corneillelui-même, lors des premières représentations, avait noté la curiosité et leredoublement d’attention du public au moment de cette scène dont il avaitvoulu faire un sommet pathétique.

7. Avec 152 vers, cette scène est la plus longue de la pièce, ce qui confirmesa valeur centrale et en fait une sorte de point d’orgue dramatique.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

8. La scène se déroule en quatre mouvements :– v. 849-868 : la surprise de la rencontre.

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– v. 869-932 : exposition des motivations de chacun des personnages à traversdeux longues tirades; Rodrigue devait venger son honneur pour être dignede Chimène, Chimène doit poursuivre Rodrigue pour être digne de lui.– v. 933-984 : échange d’arguments sous la forme de répliques plus courtes ;Rodrigue continue de réclamer de mourir par la main de Chimène, celle-cis’y oppose au nom de la logique de l’honneur.– v. 985-1000 : duo élégiaque. Les regrets des deux héros, face au tragique deleur destin.

9. La tirade de Rodrigue fait une large part à la narration des événementsqui l’ont conduit à tuer le Comte. Dans les vers 873-892, il retracel’historique de la vengeance et ses hésitations avant de passer à l’acte. Cepassage de narration est marqué par l’emploi des temps du passé (imparfait,plus-que-parfait, passé composé).

10. Dans le passage des vers 933-984, Rodrigue offre sa tête à Chimène aunom de l’honneur : celle-ci doit se venger sans délai (v. 933-939). Chimèneréplique qu’elle ne veut pas être son bourreau et qu’elle doit obtenir la mortde Rodrigue par un autre qu’elle (v. 940-944). Rodrigue insiste toujours aunom de l’honneur : si elle veut se montrer digne de lui, Chimène doit tirersa vengeance elle-même (v. 945-950). Chimène retourne l’argument contreRodrigue : elle ne veut pas lui devoir sa vengeance alors que Rodrigue a agisans aide (v. 951-956). Ayant épuisé les arguments logiques, Rodrigueinvoque la pitié (v. 960) puis la médisance (v. 964-968). Chimène répondqu’elle mettra sa gloire à poursuivre Rodrigue alors qu’elle l’aime (v. 969-972), avant de conclure sur un dilemme équivalent à celui deRodrigue dans la scène 6 de l’acte I : elle mettra toute son énergie dans savengeance, tout en espérant ne rien pouvoir (v. 981-984). Chimène à sontour accède au statut d’héroïne en se hissant à la hauteur de Rodrigue.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA GÉNÉROSITÉ

11. – L’adjectif « généreux » vient du latin generosus : « de bonne ou noblerace ». L’adjectif latin est lui-même dérivé de genus, generis : « naissance, race ».Au XVIIe siècle, il signifie « brave, chevaleresque », qualités attribuées àl’individu de noble naissance. Au sens figuré, il s’emploie à propos desentiments nobles, portant au dévouement. À la fin du XVIIe siècle, le termeprend son sens courant actuel et qualifie celui qui donne avec libéralité.– Le substantif « générosité » vient du dérivé latin generositas qui signifie« bonne race » puis « magnanimité ». Chez Corneille, il signifie « grandeur

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d’âme, qualité d’une âme bien née, sentiment de l’honneur », il est à peu prèssynonyme de « courage, vaillance ». Comme pour « généreux », c’est l’idée de libéralité qui devient courante àpartir de la seconde moitié du XVIIe siècle.

12. Dans cette scène, la générosité renvoie essentiellement aux notionsd’honneur et de gloire (v. 850, 897, 904, 909, 914, 916, 924, 933, etc.) elles-mêmes indissociables du courage (v. 875, 910, 953) .

13. En vengeant son honneur, Rodrigue a rétabli sa « gloire » et s’est montrédigne de l’amour de Chimène. À son tour, Chimène doit rétablir son proprehonneur, mis en péril selon le code aristocratique, en se vengeant deRodrigue. Le paradoxe veut qu’elle doive se venger de son propre amant,mais son action n’en est pas moins totalement justifiée. Ne pas se vengersignifierait pour Chimène une situation d’infériorité vis-à-vis de Rodrigue.On le voit, la logique implacable du code de l’honneur oblige Chimène à semontrer aussi « généreuse » que son héroïque amant.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : L’AMOUR IMPOSSIBLE

14. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Rodrigue et Chimène ne sontabsolument pas responsables de la situation ; c’est d’ailleurs ce qui en fait deshéros de tragédie, victimes d’un mécanisme impitoyable étranger à leurvolonté.

15. C’est la lamentation élégiaque de la fin de la scène qui illustre le mieuxle thème de l’amour impossible (v. 985-1000).

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

16. Le dialogue est construit de manière très musicale : on reconnaît leprincipe de la fugue avec des leitmotive repris par chacun des personnages. Onpeut parler ici de lyrisme élégiaque (rappeler à ce sujet le sens initial de « lyrisme » : poésie accompagnée de musique). Les vers 871-872, prononcéspar Rodrigue, sont repris et imités par Chimène aux vers 927-928. Puis, lesvers 929-930, prononcés par Chimène, sont repris par Rodrigue aux vers945-946. On peut relever d’autres effets d’écho et de répétition, notammentdans la longueur et la structure des répliques. Cette scène est construitecomme une partition musicale, un duo où les deux voix s’entremêlent et sefont écho.

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17. Cette litote célèbre est une déclaration d’amour à peine masquée etéquivaudrait à un « je t’aime encore ».

18. Cette métaphore filée de l’orage renvoie au mariage des deux héros, prévuau début de la pièce et remis en cause par le conflit tragique de leurs pères.

◆ LIRE L’IMAGE (p. 93)

19. Nous sommes sans doute à la fin de la scène, au moment où Chimènefait part de ses résolutions concernant sa vengeance (v. 981 sq.).

20. Chimène tourne le dos à Rodrique et regarde droit devant elle, avecl’expression déterminée de quelqu’un qui doit prendre une décisiontragique. Rodrigue a les yeux baissés vers elle. Le jeu des regards montre quetout le poids tragique repose désormais sur les épaules de Chimène.

21. Une atmosphère de grande tension tragique et pathétique se dégage decette photo.

◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Dans la scène 5, don Diègue était à la recherche de son fils.

2. Avant cette scène, Rodrigue était chez Chimène. Il rencontre son père ausortir de chez elle.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?3. Don Diègue est heureux et soulagé de revoir son fils.

4. Rodrigue ne partage pas l’enthousiasme de son père, car il a sacrifié sonbonheur personnel à l’honneur de sa famille. C’est pourquoi il réserve unaccueil assez froid à son père.

5. De son côté, don Diègue ne comprend pas la douleur de son fils ; pourlui, le bonheur d’avoir vengé son honneur devrait suffire à Rodrigue.

6. Don Diègue propose à Rodrigue d’aller combattre les Maures.

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◆ ÉTUDIER LA PLACE DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE

7. Tout comme dans la scène 5 de l’acte I où don Diègue était le destinateurde l’action proposée à Rodrigue (le duel avec le Comte), c’est encore lui quidans cette scène, la dernière de l’acte III, va relancer l’action par laproposition d’aller combattre les Maures. La scène 5 de l’acte I mettaitréellement fin à l’exposition en enclenchant l’action du héros ; cette scène, àun moment stratégique de la pièce, a pour fonction de relancer l’action avantle dénouement.

◆ ÉTUDIER LES THÈMES DE L’HONNEUR ET DE L’AMOUR

8. En tuant le Comte, Rodrigue a montré qu’il partageait la conception del’honneur de son père. Don Diègue met d’ailleurs l’accent sur cette ressem -blance et sur la fidélité de son fils aux valeurs de la « race » (v. 1028-1034).Rodrigue à son tour reconnaît qu’il a accompli son devoir sans regret (v. 1039-1042 ; 1047).

9. En revanche, le père et le fils n’ont pas du tout la même conception del’amour. Si pour don Diègue, « l’amour n’est qu’un plaisir », Rodrigue leconsidère comme un engagement indissoluble. Rodrigue se comporte ainsien héros courtois, dans la tradition de la littérature amoureuse médiévale (v. 1067-1068).

10. Don Diègue suggère implicitement à Rodrigue de changer de maîtresse,puisqu’il « en est tant d’autres ».

11. Rodrigue ne peut envisager d’aimer une autre femme que Chimène caril lui a juré fidélité. Ainsi, pour lui, l’amour est aussi une affaire d’honneur :les termes « fidélité, foi, liens » qui appartiennent au champ lexical de lapromesse ou de l’engagement, montrent que la rupture du lien amoureux estpour Rodrigue un acte de lâcheté (v. 1063-1064).

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

12. La tirade de don Diègue se compose des quatre parties traditionnelles dudiscours rhétorique :– v. 1071-1072 : introduction ou exorde. Le pays a besoin de Rodrigue.– v. 1073-1084 : narration. L’invasion des Maures et l’attroupement descombattants.

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– v. 1085-1096 : confirmation. Rodrigue doit se battre.– v. 1097-1100 : péroraison ou conclusion.

13. Le passage de narration est celui des vers 1073-1084, dont le tempsdominant est le présent, qui sert ici à mieux rendre l’urgence et l’actualité desévénements (on peut parler d’hypotypose). Montrer que la narration n’utilise pas nécessairement les temps du passé etque le présent dit de narration peut les remplacer.

14. Pour convaincre Rodrigue de se battre contre les Maures, don Diègueemploie l’argument de l’honneur militaire (v. 1085-1091) et fait miroiter laperspective d’une mort glorieuse sur le champ de bataille ou, mieux, celle dela victoire. Le second argument consiste à montrer qu’une victoire contre lesMaures serait le meilleur moyen d’obtenir le pardon du roi et de regagnerChimène (v. 1092-1096).

15. Le silence de Rodrigue à la fin de cette scène peut signifier qu’il estconvaincu par les arguments de don Diègue et que l’appel de la gloire est plusfort que son désir de mourir, d’autant plus que don Diègue a su habilementlui faire entrevoir l’espoir de reconquérir Chimène. D’un point de vuedramaturgique, il est important que le spectateur reste à la fin de cet acte surune note d’enthousiasme et d’espoir : cela montre que Le Cid était bel et bienconçu pour être une tragi-comédie.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

16. « revivre en toi », « race », « tu descends », « tu viens », « appui de ma vieillesse »sont les expressions soulignant le thème de la descendance.

17. Dans cette tirade, le champ lexical de l’honneur (« honneur, fidélité,généreux, foi ») s’oppose terme à terme à celui de la honte (« honte, infamie,perfide, parjure »).

18. Don Diègue utilise de nombreuses tournures impératives : « va marcher,va soutenir, trouve, prends-en, fais devoir, reviens-en, ne borne pas, porte-la, force,apprends, viens, suis-moi, va combattre ». Ces impératifs sont des injonctions àvaleur d’encouragement. Ils traduisent à la fois l’autorité de don Diègue,l’urgence de la situation et l’enthousiasme pour l’action qu’il prescrit à sonfils. On peut les mettre en rapport avec le fameux « va, cours, vole, et nous venge »de la scène 5 de l’acte I.

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19. Le verbe « recouvrer » est d’un emploi littéraire ou soutenu et signifie« rentrer en possession de quelque chose ». C’est le sens du mot chezCorneille. Dans la langue courante, il signifie « recevoir le paiement d’unesomme due ». Les élèves devront l’employer dans deux phrases mettant enévidence ces deux sens (recouvrer la santé, un bien ; recouvrer une créance).

◆ À VOS PLUMES !20. ➧ Objectif didactique de l’exercice proposé

Faire noter aux élèves que ces termes appartiennent au registre soutenu ou litté-raire et à un même champ lexical, celui de la trahison ou du déshonneur. Travaillersur l’histoire des mots et montrer leur évolution dans la langue.

– Le terme « infamie » (formé à partir du latin infamis : « infâme », de in- pré-fixe privatif, et fama : « renommée ») est synonyme dans son sens ancien de « déshonneur » ou de « honte », et désigne « une atteinte grave à la réputa-tion de quelqu’un ». Plus tard, le terme désigne le caractère de celui qui estinfâme, vil, et s’applique ensuite au comportement, aux propos.– Le terme « perfide » (du latin perfidus : « qui viole sa foi ») s’applique dansla langue littéraire à celui qui manque à sa parole, trahit celui qui lui faisaitconfiance. Il est synonyme en ce sens de « déloyal, infidèle », notamment dans le vocabulaire amoureux. En parlant des choses, le terme a le sens de « dangereux ; nuisible sans qu’il y paraisse » et serait synonyme de sournois,méchant, venimeux.– Le terme « parjure » (du latin perjurare : « se parjurer, jurer faussement, mentir ») signifie « faux serment ou violation de serment ». Dans un secondsens, issu du latin perjurus : parjure, il désigne la personne qui commet un par-jure (synonyme de traître).Veiller à ce que les élèves emploient ces termes dans un contexte suffisam-ment précis ; on peut poursuivre l’exercice en leur proposant d’imaginer decourts récits qui justifieraient l’emploi cohérent de ces mots.

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◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Nous avons appris que Rodrigue a vaincu l’armée des Maures après uncombat de trois heures et qu’il a fait prisonnier deux de leurs chefs.

2. L’accueil fait à Rodrigue par le roi n’a rien d’étonnant. Il le reçoit en hérosqui vient de sauver la ville et le royaume d’un péril d’invasion.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?3. ➧ Objectif didactique de l’énoncé

On peut introduire ici la notion de héros éponyme (celui qui donne son nom àl’œuvre).

Le roi rebaptise Rodrigue « le Cid » (qui signifie « seigneur »), car c’est lenom que lui ont donné les Maures à l’issue des combats. Le statut du hérosest définitivement confirmé ici, à la fois sur le plan de l’action dramaturgique(grâce à la victoire sur les Maures) et sur le plan métatextuel puisqu’il donneson nom à l’œuvre.

4. La première réaction de Rodrigue est emprunte de modestie. Il minimiseses exploits et prétend n’avoir accompli que le devoir d’un sujet.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

5. C’est Rodrigue qui parle le plus longtemps dans cette scène, car il prenden charge la longue narration du combat contre les Maures (72 vers).

6. Le roi interpelle Rodrigue à l’aide d’adjectifs et de substantifs mélioratifs(« généreux, illustre, gloire, valeur, mérite, exploits, beau titre d’honneur, grand nom »)qui donnent une tonalité très élogieuse à son discours. On peut même parlerici de dithyrambe car le roi, dans son enthousiasme, va jusqu’à renverser lerapport hiérarchique féodal entre Rodrigue et lui : c’est maintenant le roi quiest redevable à son vassal, au point qu’il ne sait comment le récompenser (v. 1213-1220).

7. Le tutoiement prend ici une valeur honorifique et affective, autorisée parl’âge du héros : don Fernand s’adresse à Rodrigue comme à un fils dont ilserait fier.

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8. La narration du combat contre les Maures n’est pas nécessaire à l’action,puisque nous savons déjà que Rodrigue est victorieux ; mais c’est unmorceau de bravoure narratif nécessaire à la dramaturgie, qui sert à mettre envaleur le héros et à justifier son nouveau titre de « Cid ». De plus, elle donnel’occasion à Corneille d’introduire dans la tragi-comédie un brillant récitépique, ce dont le public de 1637 était particulièrement friand.

9. Le récit du combat peut se décomposer en huit mouvements :– v. 1257-1262 : le départ de la troupe.– v. 1263-1272 : l’attente de l’ennemi.– v. 1273-1282 : le débarquement des Maures.– v. 1283-1292 : première phase du combat, avantage des Chrétiens.– v. 1293-1300 : seconde phase du combat, les Maures reprennent du courage.– v. 1301-1308 : pause lyrique et indécision de la victoire.– v. 1309-1321 : troisième phase du combat, les Maures fuient en laissantleurs rois derrière eux.– v. 1322-1328 : victoire de Rodrigue qui fait prisonniers les rois Maures.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

10. Le temps dominant dans le récit du combat est le présent de narration.

11. Le présent de narration sert à rendre la description de la bataille plusvivante et à la mettre littéralement sous les yeux des spectateurs (voir leprocédé de l’hypotypose). Le présent contribue aussi à rendre le mouvementet la rapidité de l’action (v. 1290, 1326), tout en conférant une dynamique aurécit.

12. Les termes épopée et épique sont formés sur le radical grec epos qui désigne« un récit en vers célébrant les exploits d’un héros ». L’épopée est un genreconnu depuis l’antiquité gréco-latine (L’Iliade, L’Énéide) qui s’est peu à peuspécialisé dans le récit des exploits guerriers. La tirade de Rodrigue présentetoutes les caractéristiques du récit épique : c’est un texte en vers narrant lescombats et les exploits guerriers d’un héros (en l’occurrence Rodrigue lui-même).

13. Le vers 1258, « Et porte sur le front une mâle assurance », en parlant de latroupe commandée par Rodrigue, signifie que les combattants vont à labataille en affichant une force virile et sûre d’elle-même. (introduirel’isotopie commune à mâle et à viril – du latin vir, viris : homme – quiimplique l’idée de force, d’énergie, de puissance).

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◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

14. « sortir de la vie » signifie « mourir ». C’est une périphrase classique.

15. C’est un oxymore.

16. Ce vers comporte une allitération en -m et en -r (« Mores, mer, montent »)ainsi qu’une assonance en -o (« Mores, port »).

17. Le vers est nettement coupé en deux hémistiches de six syllabes par unecésure forte (le point virgule). Les deux hémistiches se répondent terme àterme autour du point virgule asyndétique. Le rythme binaire est une forme-sens qui désigne le mouvement de la marée, et accessoirement, larapidité de la fuite des Maures.

◆ LIRE L’IMAGE (P. 110)

19. Remarque. Le metteur en scène a choisi d’habiller Rodrigue à lamauresque à son retour du combat, ce qui peut paraître invraisemblable dansla chronologie de la pièce (le combat n’a duré que trois heures), à moins desupposer que Rodrigue n’ait revêtu le costume d’un ennemi tombé aucombat et qu’il n’arbore ainsi une sorte de trophée de guerre.

◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Rodrigue a fait le récit de sa victoire dans la scène 3, soit très peu de tempsavant l’entrée en scène de Chimène.

2. Rodrigue vient tout juste de quitter la scène ; le roi a jugé préférable dene pas le mettre en présence de Chimène.

3. Chimène vient réclamer justice ; elle veut toujours se venger deRodrigue, en dépit de la victoire de ce dernier contre les Maures.

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◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?4. Le roi décide de faire croire à Chimène que Rodrigue est mort, afin demettre l’amour de la jeune fille à l’épreuve. Le comportement du roi avait étéreproché à Corneille au moment de la Querelle du Cid : on trouvait que cejeu de mise à l’épreuve n’était pas très conforme à la dignité royale. Dans cepassage, don Fernand se comporte en effet en roi de tragi-comédie, il crée unjeu d’illusion baroque, ou de théâtre dans le théâtre, destiné à révéler la véritéd’un personnage. Ce type d’extravagance ne sera plus toléré par la tragédie.

5. Chimène, qui a perdu connaissance à l’annonce de la nouvelle, tente desauver la face en prétendant qu’elle s’est évanouie de joie (v. 1350-1352).Lorsque le roi lui fait remarquer que sa douleur a semblé évidente, elle secontredit aussitôt en affirmant qu’elle s’est bien pâmée de douleur, mais àl’idée de ne pouvoir se venger personnellement de Rodrigue (v. 1355-1358).Le mensonge de Chimène n’est crédible ni pour le roi ni pour les spectateursqui ont la preuve qu’elle est toujours amoureuse de Rodrigue.

6. Chimène lance un appel à tous les chevaliers de la cour pour qu’ils sebattent en duel contre Rodrigue, et elle promet d’épouser le vainqueur.

7. Le roi modifie la règle du duel judiciaire au profit de Rodrigue. Il autoriseChimène à choisir un seul combattant pour un unique duel dont l’issue seradéterminante. Chimène devra épouser le vainqueur, quel qu’il soit, et cesserses poursuites.

◆ ÉTUDIER LA PLACE DE LA SCÈNE DANS LA PIÈCE

8. Tout comme dans la scène 8 de l’acte II, Chimène vient réclamer justiceau roi, en présence de don Diègue et d’autres chevaliers de la cour. Les deuxscènes s’apparentent à des scènes de procès où domine le discours judiciaire.À la fin de l’acte II, le roi promettait de rendre la justice ; il prononce ici leverdict en accordant le duel judiciaire à Chimène, mais sous certainesconditions, car la victoire de Rodrigue contre les Maures a considérablementmodifié les données du jugement (v. 1413-1414).

9. Nous sommes à la fin de l’acte IV.

10. À la fin de cette scène, qui termine l’acte, la principale interrogation portesur la réaction de Chimène. Le spectateur se doute que Rodrigue remporteraassez facilement le duel contre don Sanche, mais il se demande si Chimèneacceptera d’épouser le vainqueur, malgré l’ordre du roi qui termine cet acte.

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11. Les vers 1444 à 1449 mettent l’accent sur le problème du temps, et doncde la vraisemblance chronologique aux yeux du spectateur. En effet, noussavons que Rodrigue a combattu les Maures toute la nuit et qu’il se présentedevant le roi au matin. C’est pourquoi le roi ordonne que le duel ait lieu lelendemain. Devant l’insistance de don Diègue pour que son fils se batte surle champ, le roi finit par céder, mais il accorde un temps de repos d’une heureou deux à Rodrigue avant le duel.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LE DUEL

12. Le duel.

13. Le roi est opposé à la pratique du duel qui prive l’État de ses meilleurscombattants sans pour autant toujours rétablir la justice (v. 1406-1410). Cetteopinion est conforme à celle de Richelieu et du roi Louis XIII à l’époquede la pièce, où l’État tentait de faire respecter les lois interdisant le duel.

14. Don Diègue, en représentant du vieil ordre féodal, insiste pour queRodrigue se batte en duel car c’est une question d’honneur (v. 1415-1424).

15. Chimène a demandé la tête de Rodrigue à tous les chevaliers de la cour,ce qui signifie que Rodrigue devrait se battre sans doute plusieurs fois, jusqu’àce qu’il soit vaincu. Le roi modifie donc les règles du combat en ordonnantun duel unique contre un champion choisi par Chimène (v. 1425-1432).Le roi souhaite ainsi limiter les conséquences du duel, qu’il désapprouve, etsans doute aussi protéger Rodrigue qu’il considère désormais comme unrempart de l’État.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

16. L’indignation, la colère.

17. Le pronom « on » peut désigner la cour de justice réunie autour du roi,mais plus probablement le roi lui-même. C’est un moyen détourné – plusrespectueux – de faire des reproches au roi sans l’interpeller directement.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE

18. Le mot « franchise » vient de l’adjectif franc, franche, qui signifiait à l’origine« de condition libre ». Le sens ancien du terme est donc « liberté,indépendance ». Ce n’est qu’au XVe siècle que le terme a pris son sens actuel,« qualité de celui qui est franc, ouvert, sincère ». Les mots de la même famille,

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franc, franche connaissent la même évolution. L’adverbe franchement, formé surfranc, apparaît en 1130. (On pourra évoquer ici les termes composés surl’adjectif franc et qui contiennent tous le sens de « libre, libéré, exonéré » :franc-tireur, franc-bourgeois, franc-maçon, franc-parler, etc.).

19. Pompeux. Dans un sens vieilli et sorti d’usage, cet adjectif signifiait« magnifique, somptueux ». Puis il a pris au XVIe siècle, le sens de « solennel,emphatique » avant de devenir péjoratif et de s’appliquer à ce qui est tropcérémonieux, ampoulé, affecté.

20. Le verbe « obliger » vient du latin obligare, « engager des liens », formé surligare « lier ». D’où l’idée de lien, d’engagement, présent dans tous les sens :contraindre par une obligation d’ordre juridique ou moral ; mettre dans lanécessité de faire quelque chose (sens le plus courant) ; attacher quelqu’unpar une obligation, en rendant service, en faisant plaisir. C’est dans ce dernier sens que Chimène emploie le verbe au vers 1396.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

21. Cette métaphore signifie que Rodrigue a racheté le crime d’avoir tué leComte en remportant la victoire sur les Maures.

22. Dans le vers 1440, don Sanche répond à don Diègue en inversant l’ordredes mots « vaillant, téméraire ». Les deux vers sont donc construits sur la figuredu chiasme.

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R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. Rodrigue et Chimène se sont déjà rencontrés dans la scène 4 de l’acte III.

2. Nous avons appris dans l’acte IV que Rodrigue avait mis en déroutel’armée des Maures.

3. Dans la scène 5 de l’acte IV, le roi a accordé à Chimène un duel judiciairequi opposera Rodrigue à don Sanche ; Chimène devra épouser le vainqueur.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?4. Rodrigue vient voir Chimène pour lui « faire hommage de sa mort » car ila décidé de se laisser tuer par don Sanche (v. 1480-1482).

5. La réaction de Chimène, teintée d’une surprise incrédule, montre qu’elleaime toujours Rodrigue et qu’elle ne souhaite pas sa mort.

6. La dernière réplique (v. 1558-1564) met l’accent sur la joie exaltée deRodrigue après l’aveu sans ambiguïté que vient de lui faire Chimène.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

7. Rodrigue souhaite mourir pour satisfaire le désir de vengeance deChimène. Il ne défendra pas sa vie, puisque c’est le prix à payer pour restaurerl’honneur de Chimène.

8. Chimène réplique en évoquant l’honneur de Rodrigue, qui sera entamés’il se laisse tuer. L’habileté de l’argument consiste à parler d’honneur à unhéros mû par cette seule valeur depuis le début de la pièce. Chimène metainsi Rodrigue face à une contradiction : puisque son honneur lui a été pluscher que son amour pour elle, plus cher que la vie du Comte, il doitcontinuer à le défendre sous peine de devenir insultant envers elle et enversla mémoire du Comte (v. 1516-1520).

9. Rodrigue oppose une réponse imparable à Chimène : puisque sonhonneur n’a pas besoin d’exploits supplémentaires, sa mort sera uniquementla preuve de son amour pour Chimène. Il établit ainsi un ordre de valeurhiérarchisé contre lequel Chimène n’a plus rien à répondre : il a préféré sonhonneur à Chimène en tuant le Comte ; mais en se laissant tuer par don Sanche, il montrera qu’il préfère Chimène à sa propre vie.

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A c t e V , s c è n e 1

10. Chimène n’a pas d’autre choix que d’encourager Rodrigue à vaincre don Sanche. Si elle se propose comme prix de sa victoire, c’est parce quepersonne d’autre n’est digne d’elle que Rodrigue. La dernière réplique deChimène a été jugée immorale par l’Académie, mais il faut insister sur le faitque sa promesse à Rodrigue n’est que le résultat de la dialectique impitoyablede l’honneur et de l’amour, dont les héros sont prisonniers depuis le premieracte.

11. Chimène a sans doute bien compris l’intention de Rodrigue de courirau suicide, mais elle ironise en feignant de croire qu’il a peur de don Sanche.Elle ne pense pas un mot de ce qu’elle dit dans les vers 1476-1478, mais ellesouhaite faire réagir Rodrigue en piquant son amour propre de chevalier. Expliquer à cette occasion que le principe de l’ironie consiste à affirmer unechose qui en sous-entend une deuxième, plus proche de la vérité.

12. Rodrigue vouvoie Chimène car il est dans la position du chevalier servant,offrant sa vie en hommage à sa dame. Il lui doit un respect proche de la dévotionet qui se manifeste ici par le vouvoiement. Le tutoiement de Chimène, enrevanche, est la marque de l’ascendant qu’exerce la dame sur son chevalier.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE

13. Le mot « hommage » désignait au Moyen Âge l’acte par lequel un vassalse déclarait l’homme de son seigneur, en lui promettant fidélité etdévouement. Par analogie, dans la tradition courtoise, l’hommage était l’actede dévouement absolu du chevalier envers sa dame.

14. Distinguer dans cette question le vocabulaire guerrier, abondant et facileà relever, du vocabulaire chevaleresque courtois, qui fait référence à l’idéalamoureux du XIIe siècle, exalté par les troubadours des cours seigneuriales.Rodrigue dans cette scène adopte en tous points la posture du chevaliercourtois, et cela est justifié, puisque c’est en définitive lui-même, et non lepâle don Sanche, qui vengera l’honneur de Chimène, en se laissant tuer. Il estle véritable champion de Chimène et son vocabulaire le montre : « cetimmuable amour qui sous vos lois m’engage » (v. 1469) ; « hommage » (v. 1470) ; « fidèle ardeur » (v. 1481) ; « respect » (v. 1496) ; « adorant » (v. 1500).

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◆ QUE S’EST-IL PASSÉ ENTRE-TEMPS ?1. C’est Rodrigue qui a remporté le duel.

2. Dans la scène 5, don Sanche est venu présenter son épée à Chimène, dela part de Rodrigue, en signe de défaite. Mais en le voyant, Chimène a cruqu’il avait remporté le duel et que Rodrigue était mort. C’est pourquoi ellel’a chassé violemment sans lui laisser le temps de s’expliquer.

3. Dans la scène 6, qui a eu lieu chez le roi, le malentendu a été levé carChimène a appris que Rodrigue n’était pas mort.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?4. C’est l’Infante qui introduit Rodrigue dans cette scène, manière demontrer qu’elle a définitivement vaincu sa passion en « donnant » elle-mêmele jeune héros à Chimène.

5. Rodrigue propose toujours de mourir pour satisfaire Chimène, mais il luidemande de se venger par ses propres mains, étant donné que personned’autre n’est capable de le vaincre. Seule Chimène a le pouvoir de « vaincreun invincible ».

6. En relevant Rodrigue, Chimène signifie qu’elle abandonne ses poursuitescontre lui ; mais elle ne peut se résoudre à l’épouser même si elle avoue l’aimer,car cela reviendrait à se rendre complice du meurtre de son père (v. 1811-1812).

7. Le roi ordonne le mariage des deux jeunes gens, malgré les réticences deChimène, mais il lui accorde un an pour faire le deuil de son père, cependantque Rodrigue ira combattre les Maures.

◆ ÉTUDIER LA PLACE ET LA FONCTION DE LA SCÈNE

DANS LA PIÈCE

8. Tous les personnages sont réunis sur scène pour le finale, sauf évidemmentle Comte, car il était d’usage dans le théâtre du XVIIe siècle de rassembler leplus grand nombre possible de personnages au moment du dénouement.

9. La réplique finale revient au roi don Fernand, grand juge du conflit entreles héros et figure du roi de France Louis XIII qui assistait aux premièresreprésentations.

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10. Le dénouement de la pièce n’est pas tragique, loin de là. En laissantentrevoir le mariage de Rodrigue et de Chimène, même dans un délai d’unan, Corneille donne à sa pièce un dénouement heureux.

◆ ÉTUDIER LE GENRE DE L’ŒUVRE

11. Le dénouement de la pièce est relativement heureux, malgré la mort duComte, restée sans vengeance, et la tragédie personnelle de l’Infante qui doitrenoncer à Rodrigue (voir question 10). Ce dénouement est typique de latragi-comédie, alors que la tragédie n’autorise qu’une issue malheureuse,marquée par la mort des héros ou la séparation définitive des amants (penseraux tragédies de Racine, comme Phèdre, Bérénice, Britannicus).

12. En refusant d’épouser Rodrigue, Chimène a une attitude conforme à labienséance. Elle reste ainsi fidèle à la mémoire de son père.

13. Malgré les réticences de Chimène, le dénouement présente le mariagedes deux héros comme assuré. Le roi, à qui revient la tirade finale, ne laisseaucun doute sur l’accomplissement de la promesse (v. 1819-1820) et affirmeque le temps remédiera aux derniers scrupules de Chimène.

14. Au moment de la Querelle, les ennemis de Corneille et l’Académie ontcritiqué ce dénouement, jugé immoral à cause du mariage de Chimène avecl’assassin de son père. C’est pourquoi Corneille a modifié la dernière répliquede Chimène, afin de rendre la pièce plus conforme aux règles de labienséance : dans la version initiale de 1637, Chimène, se contentait deréclamer un délai sans remettre en cause la décision du roi :

« Sire, quelle apparence a ce triste Hyménée,Qu’un même jour commence et finisse mon deuil,Mette en mon lit Rodrigue, et mon père au cercueil ? »

Dans la version de 1660, Chimène semble résolue à refuser le mariage, maisc’est le roi qui a le dernier mot et il semble tout aussi déterminé à le fairecélébrer. Pour le spectateur, il ne fait pas de doute que le mariage aura lieu.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

15. Rodrigue s’adresse directement à Chimène à partir du vers 1777.

16. Les tournures impératives du discours de Rodrigue « Dites ; n’armez plus,vengez-vous ; prenez ; ne me bannissez point ; conservez », signifient que le héros

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remet son sort entre les mains de Chimène qui a désormais pouvoir de vieet de mort sur lui. C’est désormais à Chimène d’agir ou de prendre unedécision, car Rodrigue a déjà accompli tout ce qui était en son pouvoir pourla satisfaire.

17. Les « travaux » du vers 1784 évoquent le héros Hercule et ses douzetravaux. Ce qui est confirmé par la mention des « héros fabuleux » au vers1786 ( fabuleux signifie « de la fable », au sens de « mythologie »).

18. Rodrigue se projette dans l’avenir et fait prononcer ce vers à Chimène :il s’agit donc d’un passage de discours rapporté au style direct, introduit parle verbe « dites » du verbe précédent et les deux points.

19. Les tournures interrogatives du discours de Chimène sont une manièrede remettre en cause la décision du roi, tout en évitant l’opposition frontale.Les interrogatives permettent aussi de conserver une certaine ambiguïté,quant à l’accord de Chimène : l’absence de tournures négatives laissesupposer qu’elle pourrait se laisser convaincre dans l’avenir, même si pour lemoment, elle refuse l’idée du mariage.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

20. « conquête ; forcer un camp ; mettre en fuite ; achever ». Ce champ lexicalmontre que Rodrigue est désormais un héros accompli, ayant pleinementconscience de sa valeur.

21. Veiller à l’emploi de l’indicatif (et non du conditionnel) dans lasubordonnée hypothétique.

22. La conjonction « mais » est un connecteur qui introduit une oppositionou une restriction (« mais » adversatif). Après avoir reconnu son devoird’obéissance envers le roi (v. 1801-1804), Chimène nuance ses propos enprésentant l’inconvenance de son mariage avec Rodrigue.

23. La conjonction de subordination « quoique » pourrait être remplacée parla locution conjonctive « bien que » qui introduit elle aussi une subordonnéeconcessive.

24. Le mode impératif employé par le roi se justifie naturellement par lediscours d’autorité du souverain envers ses sujets, autorité réaffirmée danstout son éclat au moment où la pièce se termine. Mais l’impératif prendégalement une nuance de sollicitude bienveillante du roi pour le hérosprincipal.

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◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

25. Les vers 1783-1786 contiennent cinq hyperboles ou amplificationsexpressives : « combattre mille et mille rivaux ; aux deux bouts de la terre étendremes travaux ; forcer moi seul un camp ; mettre en fuite une armée ; des héros fabuleuxpasser la renommée ». L’hyperbole appartient de plein droit à la rhétorique amoureuse.

26. Le vers 1803 : « Rodrigue a des vertus que je ne puis haïr » rappelle le vers 963 où Chimène déclarait « Va, je ne te hais point ». Les deux vers sont fondés sur la figure de la litote.

27. « Tremper mes mains dans le sang paternel » est une périphrase imagée pourdire « Être complice de l’assassin de mon père », fondée sur une doublemétonymie (« mes mains ; le sang »).

28. Le vers final doit se prononcer sur un rythme ternaire, apprécié par larhétorique et l’éloquence du XVIIe siècle : « Laisse faire le temps,/ ta vaillance/et ton roi ».

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1. a) La pièce s’intitule Le Cid car c’est le nom donné à Rodrigue par lesMaures après sa victoire. Le mot Cid signifie « seigneur » dans la langue desMaures.b) L’action se déroule à Séville, dans le sud de l’Espagne.c) L’action se déroule en un peu plus de vingt-quatre heures.d) Le père de Chimène est don Gomès, comte de Gormas.e) Le père de Rodrigue est don Diègue.f) C’est le Comte qui provoque la querelle.g) Rodrigue doit se battre en duel pour venger son père, déshonoré par unsoufflet reçu du Comte.h) Le mariage n’est plus possible car Rodrigue tue le père de Chimène en duelet celle-ci doit à son tour venger son père en réclamant la mort de Rodrigue.i) L’issue de la pièce est heureuse.

2. a) faux ; b) vrai ; c) faux ; d) faux ; e) faux ; f) vrai ; g) vrai ; h) faux ; i) faux

3. – Le Cid est une tragi-comédie.– Le Cid est le nom donné à Rodrigue par les Maures.– Le mot Cid signifie « seigneur ».

4. d-h-f-c-a-e-b-i-g.

5. Les réponses apparaissent en italique.

ACTE I – Au lever du rideau, Elvire rassure Chimène : le Comte de Gormas, sonpère, doit donner son accord afin qu’elle épouse Rodrigue. Don Diègue, père deRodrigue, lui présentera sa demande à la sortie du conseil royal où le Comtes’attend à être nommé gouverneur du prince (sc. 1). Pendant ce temps, l’Infante,secrètement amoureuse de Rodrigue qu’elle ne peut épouser à cause de sonrang, espère que le mariage des deux jeunes gens, qu’elle a favorisé, mettra unterme à ses souffrances (sc. 2). À la sortie du conseil, don Diègue fait sa demande,mais le Comte, furieux et jaloux que le vieil homme lui ait été préféré commegouverneur du prince, lui donne un soufflet et le désarme (sc. 3). Don Dièguedésespéré (sc. 4) transmet son épée à Rodrigue pour venger leur honneur (sc. 5). Rodrigue est confronté à un dilemne tragique, puisqu’il doitchoisir entre son honneur et la vie du père de Chimène (sc. 6).

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ACTE II – Le Comte, après avoir refusé de calmer la querelle par un arran-gement amiable (sc. 1), rencontre Rodrigue qui lui lance son défi au duel (sc.2). De son côté, l’Infante rassure Chimène : elle retiendra Rodrigue pourl’empêcher de se battre (sc. 3). Le roi ordonne d’arrêter le Comte et de ren-forcer la défense du port car les Maures ont été repérés à l’embouchure dufleuve (sc. 6). Mais on apprend que le Comte a été tué (sc. 7). Chimène vientcrier vengeance, tandis que don Diègue plaide pour son fils ; le roi fait donDiègue prisonnier sur parole et envoie à la recherche de Rodrigue (sc. 8).

ACTE III – Rodrigue se présente chez Chimène où Elvire l’oblige à se cacher(sc. 1). Chimène rentre suivie de don Sanche qui lui propose de la venger (sc. 2), puis elle avoue à Elvire qu’elle se donnera la mort après avoir obtenula tête de Rodrigue (sc. 3). Ce dernier se montre alors et lui propose de se venger immédiatement, mais Chimène refuse car elle veut une vengeance officielle (sc. 4). Pendant ce temps, don Diègue cherche son fils partout dans laville (sc. 5) et finit par le voir, mais Rodrigue l’accueille avec tristesse. Devantsa détermination à mourir, don Diègue l’envoie combattre les Maures à latête d’une troupe de ses amis (sc. 6).

ACTE IV – Le lendemain matin, Chimène apprend la victoire de Rodrigue surles Maures (sc. 1), mais reste déterminée à se venger de lui, malgré les argu-ments de l’Infante qui lui demande d’abandonner les poursuites contre unhéros national (sc. 2). Pendant ce temps, au palais du roi, Rodrigue fait le récitde la nuit de combats contre les Maures (sc. 3). Mais Chimène vient uneseconde fois réclamer justice. Après avoir fait la preuve de son amour en luifaisant croire que Rodrigue est mort, le roi lui accorde seulement un dueljudiciaire qui opposera Rodrigue à don Sanche et dont le vainqueur devraépouser Chimène (sc. 5).

ACTE V – Rodrigue rend visite pour la seconde fois à Chimène et déclare qu’ilse laissera tuer par don Sanche, mais elle l’encourage à sortir « vainqueur d’uncombat dont Chimène est le prix » (sc. 1). L’Infante, toujours malheureuse, décidede s’effacer définitivement au profit de Chimène qui reste partagée entre sapassion pour Rodrigue et la nécessité de vengeance, en souvenir de son père(sc. 4). À ce moment arrive don Sanche portant l’épée de Rodrigue ; Chimènele croit vainqueur et le repousse avec violence (sc. 5). Chez le roi, Chimène

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avoue publiquement son amour et demande à se retirer dans un couvent, plu-tôt que d’épouser don Sanche, mais celui-ci explique le malentendu : vaincupar Rodrigue qui a épargné sa vie, il venait lui apporter sa propre épée de lapart du vainqueur. Le roi ordonne à Chimène d’épouser Rodrigue, mais luiaccorde un délai d’un an pour faire le deuil de son père, pendant queRodrigue ira combattre les Maures (sc. 6 et 7).

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R e t o u r s u r l ’ œ u v r e

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LECTURE LANGUE EXPRESSION CULTURE /ÉCRITE MISE EN SCÈNE

ACTE I, scène 1L’exposition. Le discours La versification : Les conditions Étude de la théâtral : les règles de représentationsituation initiale. la double de l’écriture en 1637 : Questions 1 à 8. énonciation, poétique. le théâtre

le dialogue, Questions 27 du Marais,la narration, à 28. le décor, la tirade. le public, Questions 17 les acteurs.à 19.

ACTE I,scène 2Suite de Les figures de Faire le portrait Le topos del’exposition. style : maxime, moral de l’amour La tragédie antithèse. l’Infante. impossible : de l’Infante. Questions 15 groupement deQuestions 1 à 6. à 17. textes p. 179.

SEMAINE 1 Acte I

On peut envisager de consacrer à l’étude de l’œuvre complète une séquencede cinq semaines, répartie entre travail en classe (quatre heures en moyenne)et travail à la maison. Le tableau suivant présente une séquence appuyée surles questionnaires et que l’enseignant pourra moduler en fonction de sespropres choix et de la rapidité de la classe.

En classe de quatrième, si le niveau des élèves le permet, on peut réserverl’étude de la pièce pour le dernier trimestre, où elle peut servir à introduirela question de l’argumentation. En classe de troisième, on l’étudiera depréférence au second trimestre, en préparation du travail d’approfon -dissement des méthodes argumentatives.

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LECTURE LANGUE EXPRESSION CULTURE /ÉCRITE MISE EN SCÈNE

ACTE I,scène 3Déclenchement Le mode Récit et L’expression de l’action. impératif. changement de dramatiqueQuestions 1 à 8. La stichomythie. point de vue. L’improvisation

Exercice 14. théâtrale.Exercices 18 et 19.

ACTE I, scènes 4 et 5Entrée en scène Le monologue. Le dialogue Le code du personnage Les types de argumentatif. chevaleresque principal. phrases. Exercice 20. de l’honneur.Questions 5 et 6. Les figures L’univers féodal.

de style.Questions 4,7 et 14 à 19.

ACTE I,scène 6Le dilemme Les stances L’argumentation. La déclamation du héros poétiques. La transposition lyrique : la cornélien. La strophe. en prose. diction au tempsUne pause Questions 12 Exercice 17. de Corneille. dramatique. à 16.Questions 6 à 11.

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LECTURE LANGUE EXPRESSION CULTURE /ÉCRITE MISE EN SCÈNE

ACTE II, scène 2Action La phrase Proverbes, Jouer une scène dramatique : le nominale. maximes, de conflit. défi de Rodrigue. La stichomythie. sentences. Exercice 18.L’entrée dans La subordonnée Question 12. La règle de le tragique. relative. Trouvez des la bienséance Questions 1 à 7. Questions 9,10 exemples ou interdit de

et 16. des récits qui montrer pourraient illustrer la violence les maximes de sur scènela scène. (au duel

véritable, Corneille substitue unduel de mots).

ACTE II, scène 8Au cœur de Les temps du Le dialogue de Jouer en classel’action : récit. théâtre. le début de une scène de Le discours Exercice 18. la scène procès. judiciaire. (v. 647-658).

Questions 6 et 8. Questions 11 à 13.Les figures de style : métonymie, anaphore.Questions 14 à 17.

SEMAINE 2 Acte II

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LECTURE LANGUE EXPRESSION CULTURE /ÉCRITE MISE EN SCÈNE

ACTE III, scène 4Rencontre Le vocabulaire Le dialogue La dialectique des deux héros. amoureux (feu, argumentatif : cornélienne deLe sommet flamme, amant). persuader, l’honneur et dede la pièce. La subordonnée dissuader, l’amour ; Une scène concessive. convaincre. le thème de d’amour. Les figures de Exercice : vous la générosité.Questions 7 et 8. style (litote, voulez dissuader Questions 12 à 14.

métaphore). un ami de fumer. Le topos de Questions 17 Écrivez un l’amour à 19. dialogue fondé impossible.

sur l’échange Groupement ded’arguments. textes p. 179.

Questions 15 et 16.

ACTE III,scène 6La relance de Les connecteurs Vocabulaire : le Le contexte del’action. logiques niveau de langue la guerre en 1636Le schéma (le « mais » soutenu. (dossier p. 168).actantiel (don adversatif). Questions 19 et L’Espagne Diègue- Les valeurs de 20. du XIe siècle : destinateur ; l’impératif. Chrétiens contreRodrigue-sujet). Question 18. Maures.Question 7.

SEMAINE 3 Acte III

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LECTURE LANGUE EXPRESSION CULTURE /ÉCRITE MISE EN SCÈNE

ACTE IV, scène 3La reconnaissance Le présent de Récit et Mémoriser et solennelle du narration. changement de déclamer unehéros. Questions 11 et 12. point de vue. tirade.Le récit du Figures de style Exercice 19. Improviser combat contre et jeux un récit d’après les Maures. de sonorité. un modèle.Questions 1 à 3. Questions 15 à 18. Exercices 20 et 21.

ACTE IV,scène 5La suite du Les emplois du Vocabulaire. La question duprocès de pronom indéfini Questions 20 à 22. duel à l’époqueRodrigue. « on ». Employer les de Corneille La sentence Question 19. termes dans un (dossier p. 168).du roi. La construction contexte différent.Questions 6 à 8. des verbes :

transitifs/intransitifs.La valeur des temps.

SEMAINE 4 Acte IV

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LECTURE LANGUE EXPRESSION CULTURE /ÉCRITE MISE EN SCÈNE

ACTE V, scène 1L’acte du La subordonnée • Le procédé de Le duo amoureuxdénouement. causale. l’ironie par au théâtre.Le deuxième La subordonnée antiphrase : Interpréter la finface-à-face consécutive. donnez quelques de la scène.des amants : exemples de Exercice 15.vers la résolution tournures du dilemme. ironiques.

Questions 1 à 6. • Rédigez un texte où vousemploierez le champ lexical dela chevalerie.

ACTE V, scène 7Un dénouement La subordonnée Donnez des Le dénouement de tragi- conditionnelle. exemples courants de la pièce et la comédie : La subordonnée d’hyperboles et Querelle du Cid :ultimes réticences concessive. de litotes. étude comparée de Chimène et Questions 22 Questions 26 et 27. des deux versionsarbitraire royal. et 24. de 1637 et deQuestions 4 à 15. 1660 : une

modification imperceptible.

SEMAINE 5, Acte V

E X P L O I T A T I O ND U G R O U P E M E N T D E T E X T E S

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◆ En corrélation avec la question du genre, on peut montrer pourquoi Le Cid n’est pas une véritable tragédie amoureuse, mais bien une tragi-comédie : si le dénouement du Cid rend probable l’union de Rodrigueet de Chimène, aucun des autres textes proposés n’a une issue heureuse ; lesamants y sont définitivement séparés. Ce travail pourra se faire en conclusionde l’étude du Cid.

◆ Le groupement de textes peut aussi servir à une étude plus précise des différents genres théâtraux : la tragédie classique (Bérénice), le drameromantique (Hernani), la comédie héroïque (Cyrano de Bergerac), la comédieréaliste (Marius), la tragédie moderne (Antigone). On s’attachera en particulierà mettre en valeur les différences de forme (vers, prose), de style (soutenu,courant), de tonalité (le lyrisme, la sobriété) qui caractérisent chacun de cesgenres. Cette comparaison peut se faire en introduction à l’étude de la pièceou de toute séquence sur le théâtre.

◆ En fin de séquence, une étude comparative des textes entre eux pourraêtre l’occasion de mettre au jour les mécanismes de la tragédie amoureuse.On pourra distinguer les obstacles d’ordre externe (obstacles sociaux,opposants directs, circonstances dramatiques) des obstacles internes, inhérentsà la « psychologie » des personnages (désirs contrariés, motivations obscures).

◆ Les élèves peuvent faire la lecture intégrale de l’une des œuvres proposéesen extrait et la présenter à la classe sous forme d’exposé, à la fin de la séquence.

AUTRES GROUPEMENTS DE TEXTES INTÉRESSANTS POUR

UNE LECTURE DU CID :◆ L’idéal chevaleresque (le roman médiéval : Chrétien de Troyes, le cycle duGraal et les figures de Lancelot, Gauvain, Galaad, Perceval).

◆ Théâtre et argumentation : le discours théâtral se prête particulièrementbien à l’argumentation. Le Cid contient de beaux passages de dialogueargumentatif, où l’on peut observer le combat de la passion et de la raison.On peut penser à d’autres pièces de Corneille (Horace, Cinna, Polyeucte), deMolière (Dom Juan, Les femmes savantes, Le misanthrope), ou encore aux scènesopposant Antigone à Créon dans la pièce d’Anouilh.

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PISTES DE RECHERCHES DOCUMENTAIRESET SUJETS D’EXPOSÉS

Certains de ces sujets pourront être traités conjointement aux autresdisciplines, notamment l’histoire (le XVIIe siècle et la monarchie absolue sontau programme de la classe de Quatrième) et l’espagnol. Ces exposés pourrontse préparer par petits groupes de 2 ou 3 élèves.– La tragi-comédie et l’art baroque : Rotrou, Scudéry, Corneille.– La Querelle du Cid (dossier p. 171 + recherches personnelles).– Une tragi-comédie de Corneille : Mélite ou Clitandre.– Une tragédie de Corneille : Horace ou Cinna.– Le théâtre sous Louis XIII et Richelieu : lieux, tendances, goûts.– Les règles du théâtre classique.– L’Espagne mythique et la France de Louis XIII dans Le Cid.– Le rôle des femmes et la condition féminine dans Le Cid.– Noblesse et royauté : la question politique dans Le Cid.– Las Mocedades del Cid, (Les enfances du Cid) de Guilhem de Castro, modèlede la pièce de Corneille.

Les élèves peuvent, avec l’aide du professeur d’espagnol, comparer les deuxpièces dans l’un des épisodes importants (la mort du Comte, le face-à-faceRodrigue-Chimène, le dénouement). Les élèves peuvent aussi choisir deprésenter un exposé sur l’intégralité de la pièce espagnole.– Imaginer une mise en scène du Cid, en utilisant tous les éléments de lapièce qui suggèrent le décor, les costumes, les attitudes.

B I B L I O G R A P H I EC O M P L É M E N T A I R E

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◆ ÉDITIONS DU THÉÂTRE DE CORNEILLE

– G. Couton, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1980, vol. I.(Texte de 1637).– A. Stegmann, Œuvres complètes, Paris, Seuil, coll. « L’Intégrale », 1963. (Donnela version du Cid de 1660, revue en 1682.)

◆ OUVRAGES GÉNÉRAUX SUR LE THÉÂTRE

ET LE LANGAGE THÉÂTRAL

– J.L. Austin, Quand dire, c’est faire, Paris, Seuil, 1991.– M. Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Paris, Bordas, 1991.– J. de Jomaron, Le Théâtre en France, Paris, Armand Colin, 1988.– C. Kerbrat-Orecchioni, L’Énonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris,Armand Colin, 1980.– P. Larthomas, Le langage dramatique, Paris, PUF, 1990.– A. Ubersfeld, Les Termes clés de l’analyse du théâtre, Paris, Seuil, coll. « Mémo », 1996.– A. Ubersfeld, Lire le théâtre, Paris, Éditions sociales, « Essentiel », 1982.

◆ OUVRAGES SUR LE CONTEXTE HISTORIQUE ET

LIT TÉRAIRE DU XVIIe SIÈCLE

– A. Adam, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, Paris, Domat, 1948-1956.– A. Adam, Le Théâtre classique, Paris, PUF, « Que sais-je », 1970.– P. Bénichou, Morales du Grand Siècle, Paris, Gallimard, « Idées », 1948.– J. Mesnard, Précis de littérature française du XVIIe siècle, Paris, PUF, 1990.– J. Morel, De Montaigne à Corneille, Paris, Arthaud, 1986.– J. Schérer, La dramaturgie classique en France, Paris, Nizet, 1962.– V. L. Tapié, La France de Louis XIII et de Richelieu, Paris, Flammarion, 1952.

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◆ OUVRAGES SUR CORNEILLE

– G. Couton, Corneille et la tragédie politique, Paris, PUF, « Que sais-je », 1984.

– B. Dort, Pierre Corneille dramaturge, Paris, L’Arche, 1957.– S. Doubrovsky, Corneille et la dialectique du héros, Paris, Gallimard, 1963.– M. Fumaroli, Héros et orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes, Genève,Droz, 1990.– L. Herland, Corneille par lui-même, Paris, Seuil, 1954.– O. Nadal, Le sentiment de l’amour dans l’œuvre de Pierre Corneille, Paris,Gallimard, 1948.– M. Prigent, Le Héros et l’État dans la tragédie de Pierre Corneille, Paris, PUF,1986.– A. Stegmann, L’Héroïsme cornélien. Genèse et signification, Paris, ArmandColin, 1982.– M.O. Sweetser, La Dramaturgie de Corneille, Genève, Droz, 1977.

◆ OUVRAGES SUR LE CID

– A. Couprie, Pierre Corneille, Le Cid, Paris, PUF, 1989.– M. de Epalza et S. Guellouz, Le Cid, personnage historique et littéraire, Paris,Maisonneuve et Larose, 1983.– R. Pintard, « De la tragi-comédie à la tragédie : l’exemple du ”Cid” », dansles Mélanges J.-A. Vier, Paris, Klincksieck, 1973.

◆ JEU THÉÂTRAL

– A. Héril, D. Mégrier, 60 exercices d’entraînement au théâtre, Éditions Retz,1990.– S. Lagrange, Mille ans de théâtre, Éditions Milan, 1993.