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■ Cinéma. Le long-métrage Mercenaire est filmé en partie en Calédonie
Tournage entre deux mondesLe tournage du film Mercenaire arrive à sa fin. Cette fiction raconte le parcours d’un joueur de rugby calédonien d’origine wallisienne partagé entre désird’émancipation et liens familiaux. Sacha Wolff, le réalisateur, a mené des recherches en immersion, comme pour un documentaire.
Sur le terrain de Rivière-Salée, le Rugby
club du Mont-Dore affronte l’Olympique
Nouméa. Les joueurs courent sous la
pluie. Soudain, ils s’arrêtent. On vient de crier
« Coupez ! ». Samedi après-midi, après avoir
disputé un vrai match devant une caméra, les
joueurs ont été les figurants d’une scène cru-
ciale du long-métrage Mercenaire.
Réalisé par Sacha Wolff, le film a été
tourné pendant six semaines en Métropole,
dans le Lot-et-Garonne, avant que l’équipe ne
se déplace pour deux semaines en Nouvelle-
Calédonie, où se déroulent le début et la fin
du récit. L’histoire ? Celle d’un rugbyman
calédonien d’origine wallisienne qui part ten-
ter sa chance en Métropole, contre l’avis de
son père, attaché à la tradition. Un récit ini-
tiatique qui brasse des questions liées à
l’identité : « t r o u v er s a p l a c e », « être
accepté », « se sentir étranger ». Des thèmes
qui intéressent depuis longtemps le réalisa-
teur et scénariste, qui a notamment travaillé
sur la communauté chinoise de Paris, ou
encore sur la maladie mentale.
Article. Alors, comment le réalisateurmétropolitain, qui vient du monde du docu-
mentaire, en est-il venu à réaliser son pre-
mier long-métrage de fiction sur un joueur de
rugby océanien ? Son intérêt a commencé
par un article publié dans Le Monde il y a plu-
sieurs années. « C’était une plongée dans les
clubs de Fédérale 3 en Métropole, qui s’inté-
ressait à la question des joueurs étrangers,
venus de Fidji, de Tonga, d’Afrique du Sud…
engagés pour faire monter ces clubs ama-
teurs dans des divisions supérieures. » Le
cinéaste s’est vite intéressé aux joueurs
d’Océanie, – « un continent qui n’a pas beau-
coup de représentation au cinéma » – qui
« décident de traverser la planète pour aller jouer en Europe ».
De fil en aiguille, Sacha Wolff se lance
dans un travail de recherche et rencontre
Laurent Pakihivatau, un pilier wallisien jouant
en région lyonnaise. Son histoire, « très
forte », l’inspire. Elle touche aux regards croi-
sés entre la France métropolitaine et ces
Français venus du bout du monde. Ensemble,
les deux hommes se rendent en Nouvelle-
Calédonie, en 2011. Sacha Wolff y passera
au total trois mois « juste pour passer du
temps avec les gens, collecter des histoires,
connaître les traditions, faire le tour des clubs
de rugby ». Le film s’est monté avec la com-
munauté wallisienne, où l’équipe de tournage
a été très bien accueillie.
Rapidement, le réalisateur a choisi de tra-
vailler avec des acteurs non-professionnels.
D’abord, parce qu’il trouvait « aberrant defaire jouer des comédiens dans le rôle de rug-
bymen, qui ont des corps très particuliers,
façonnés par le poste qu’ils occupent ».
Ensuite, pour le reste du casting, afin qu’il
n’y ait pas de déséquilibre entre comédiens.
Dans le rôle principal, Toki Pilioko, 20 ans,
qui joue à Aurillac, club de D2. Son mentor,
qui le fait partir en Métropole, est interprété
par Laurent Pakihivatau.
Genre. D’un point de vue cinématogra-phique, Sacha Wolff ne s’intéresse pas au
film de sport en tant que tel : « L es scènes
de rugby servent l’histoire et le sport aide le
personnage à grandir. » Pas plus. « Ce qui
m’intéressait dans la rencontre entre le
monde océanien et le rugby, c’est que les
jou eur s oc éan ie ns ont que lq ue ch ose de
mythologique, des physiques qui sortent de lanorme et qui dégagent un potentiel cinémato-
graphique », décrit le réalisateur. « En fait, j’ai
l’impression de faire un film de genre, un
mélange de film de samouraï et de western,
mais dont les héros sont les Indiens. » Autre-
ment dit, en utilisant le regard d’un rugbyman
calédonien, son intention est de « proposer
un miroir aux Métropolitains sur la société
dans laquelle ils vivent ». Le documentariste
n’est pas loin.
Julia Trinson
« Les joueurs océaniens ont quelque chose de mythologique,des physiques qui sortent de lanorme et qui dégagent un
potentiel cinématographique. »
Samedi, sur le terrain de rugby de Rivière-Salée, les joueurs du Mont-Dore et de l’Olympique Nouméa ont participé de bon cœur au tournage. P H O T O S
J . T
. E T
B U R E A U
D ’ A C C U E I L
D E S
T O U R N A G E S
Produit par Claire Bodechon (3B Productions), Mer-
cenaire sera distribué au cinéma en 2016.C’est
pour ce projet, cofinancé par la chaîne de télévision
Arte, que Sacha Wolff a été désigné lauréat 2014de la Fondation Gan pour le cinéma.Le dernier jour
du tournage aura lieu demain, mercredi.
En salle en 2016
P
Parmi les comédiens non-professionnels, le joueur Laurent Paki-hivatau (à gauche), qui a en partie inspiré le projet à Sacha Wolff (à droite)
Parmi l’équipe de tournage, des professionnels calédoniens del’audiovisuel. Le Bureau d’accueil des tournages de la provinceSud les met en relation avec la production.
Pour le réalisateur, le physique des joueurs de r ugby océaniens aquelque chose de « mythologique ». Ici, Toki Pilioko, qui joue lerôle principal.