luis+ansa+l'homme+memoire+de+l'unive

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« Viens, viens, Qui que tu sois, Viens. Que tu sois un infidèle, un idolâtre ou un païen, Viens. Notre couvent n'est pas un lieu de désespoir. Même si cent fois tu as violé un serment, Viens quand même ». (Rumi) luis ansa L'homme, mémoire de l'univers 5 Cette intention a été soutenue et guidée par la gratitude envers mon Maître Naqshband Omar Ali Shah. Avant-propos Balloté entre des systèmes religieux et philosophiques dont la formulation correspond à d'autres sociétés, et par conséquence, à un autre type de pensée dans l'homme, celui-ci erre actuellement à la dérive, poussé seulement par la présence dans son intériorité, d'une force évolutive . Cette force qui le fait chercher une réponse à son

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Luis+Ansa

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« Viens, viens, Qui que tu sois, Viens.Que tu sois un infidèle, un idolâtre ou un païen, Viens.Notre couvent n'est pas un lieu de désespoir. Même si cent fois tu as violé un serment, Viens quand même ».(Rumi)luis ansaL'homme,mémoire de l'univers5Cette intention a été soutenueet guidée par la gratitude enversmon Maître Naqshband Omar Ali Shah.

Avant-proposBalloté entre des systèmes religieux et philosophiquesdont la formulation correspond à d'autres sociétés,et par conséquence, à un autre type de pensée dansl'homme, celui-ci erre actuellement à la dérive, pousséseulement par la présence dans son intériorité, d'uneforce évolutive .Cette force qui le fait chercher une réponse à sonbesoin non seulement de savoir, mais aussi d'être,constitue en lui la lueur d'une autre dimension cachéeen lui .C'est à cette grandeur, même cachée, même ignorée,que ce livre s'adresse.Ce livre ne prétend pas détenir ni définir la naturede la Réalité et la signification du mot Vérité .Il n'est qu'une proposition, proposition résultantd'une expérience dans le vécu, ici et maintenant, dansle monde occidental, dans la vie quotidienne qui est lavôtre, avec ses joies et aussi ses inconvénients .Et c'est dans ce monde actuel, aussi aliéné qu'il9semble être, aussi inconfortable et dur qu'il se présente,que l'homme peut trouver la faille dans sa propreconfusion.

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Malgré les multiples manipulations subies pendantdes siècles, il existe encore un lieu dans l'homme,et nous disons bien : dans l'homme d'aujourd'hui, oùest gardée intacte la mémoire d'une évolution possiblevers la conscience .C'est ce possible qui constitue la grandeur dansl'homme, la connaissance de sa raison d'être .Ici et maintenant, dans le monde actuel, en Occident,avec les Maîtres du présent, cette évolution estpossible .

10Ce livre n'est pas fait pour être lu, mais pour êtremangé.

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1 1IntroductionNe cherche pas la forme dans le soufisme, plongedans son contenu .L'une des caractéristiques les plus intéressantes dela Tradition soufie réside indéniablement dans la libertéet la richesse de son expression, tant oralequ'écrite .Toute l'histoire des Maîtres soufis est traverséepar la force et l'originalité des moyens mis en oeuvrepour véhiculer leur enseignement .Les poésies alternent avec les contes, les légendesou les histoires humoristiques . Ces véhicules sont souventdes reflets des situations de la vie quotidienne, etrévèlent par là même une technique pédagogique peuutilisée en occident .Un exemple parmi d'autres : l'humour.L'humour est peu ou pas utilisé comme moyen1 3pédagogique .Dans les mains des Maîtres, il est une arme à doubletranchant car, en même temps qu'il nous fait rire,il nous signale la valeur toute relative de nos soi-disantconvictions sur le sens de la vie, ses principes, sesvaleurs dans le domaine de l'esprit et des découvertesque le chercheur effectue sur son chemin .C'est ainsi que l'humour se glisse dans des histoirescocasses qui décrivent avec acuité l'absence de simplebon sens quand l'homme se trouve confronté à dessituations qui contrarient le déroulement habituel deses opinions.De la même façon que l'humour remplit unefonction autre que celle de faire rire, le chant, la prière,la danse ou autres exercices sont utilisés par les Maîtresafin de transmettre l'Enseignement .Toutes ces techniques utilisées ne sont en fait quedes moyens.Nous disons bien : des moyens, et non pas des finsen soi .Les Maîtres les emploient à des moments précisappelés « OCCASIONS » .

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C'est une partie de leur science qui oblige l'hommequi s'engage sur le chemin, à aller chercher le « sacré», qui est une saveur bien au-delà des formes.14Cette science qui est la leur, est rigoureuse .. .Rituels, prières, liturgies et même mysticisme,bref, tout ce qui constitue le « Sacré » aux yeux del'homme et de la femme occidentaux ne sont, pour leMaître soufi, que des moyens vers la Connaissance,Nous disons bien : des moyens, et non pas des finsen soi.Cette science dans l'enseignement est aussi rigoureuseet précise pour ce qui concerne les subtilités spirituellesque pour ce qui concerne la structure de lamatière.Un secret qu'ils dévoilent peu à peu, à traversleurs contacts directs avec leurs disciples .Contacts vivants, et, comme tels, en mouvementévolutif.Le someil intellectuel, dû au poids des habitudesmentales est constamment secoué par les impactsd'une pensée créative et donc, non répétitive .Tels sont quelques uns des aspects fondamentauxde la vie à l'intérieur d'une École soufre .Cette pédagogie exige de l'homme un engagementtotal, dans lequel la confiance n'est pas un simple mot,ni la sincérité une attitude superficielle, mais plutôtl'expression d'un contact étroit entre le disciple et leMaître, à travers un langage simple et rattaché à la viequotidienne .1 5Nasreddin Hodja se reposait dans son jardin parune belle après-midi d'été . Il était sur le point de s'endormirlorsqu'il fût soudain tiré de sa torpeur par lesvoisins qui le hélaient par-dessus la haie mitoyenne- « Excuse-nous de te déranger, lui lançèrent enchoeur monsieur et madame, mais nous avons un petitproblème, mon cher Nasreddin, voudrais-tu avoir labonté de nous prêter ta corde à linge que nous voyons,pour l'heure, inoccupée ? »Nasreddin se redressa péniblement sur sa chaiselongue- « Attendez une seconde, leur répondit-il, je vais

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demander ça à mon épouse » .Et il rentra chez lui .Au bout d'un moment, il réapparut à l'entrée enexhibant une expression soigneusement consternée ets'excusa de ne pouvoir accéder à leur demande- « Je suis vraiment. navré, mais, figurez-vous queNasreddin Hodjaet la corde à linge1 7ma chère femme est justement en train de faire sécherde la farine dessus. ... - Sécher de la farine sur une corde ? s'exclamèrentvoisin et voisine à l'unisson, mais c'est impossible !- Oh, que si ! répondit Nasreddin avec un petit airfataliste . Quand on ne veut pas prêter sa corde à linge,on parvient même à faire sécher de la farine dessus,vous savez. . . »(Histoire recueillie de la Tradition orale moyenorientale).Ainsi décèle-t-on souvent chez les Maîtres soufisune absence de langage abstrait ou ésotérique, sourcede mystères inutiles et de perte de temps .Car, pour eux, le temps est une énergie précieusequi doit être employée correctement, tout comme larespiration, la pensée, l'attention, l'amitié, l'amour etbeaucoup d'autres facultés qui sont, elles aussi, desénergies.Mais leur fonction n'est pas seulement de perpétuerl'existence .La vie se charge d'extraire de la masse organiqueles énergies dont elle a besoin pour sa subsistance et samultiplication .1 8L'homme dort, installé dans sa méconnaissancecar personne ne lui a parlé de tout cela en termesclairs, dans un langage aimable, sans mystères .Un langage adapté à l'homme d'aujourd'hui, quine le mette plus en état d'accusation et donc de culpabilitéou de honte devant sa propre ignorance .Les gens tiennent très souvent des propos du genre: « Oui, j'ai lu. .. j'ai entendu dire . .. Oui, je sensque. . . ». Mais en fin de compte, ce qu'ils ne veulentpas s'avouer, c'est que dans leur vie intérieure, dans

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cette vie qui est leur bien propre et que personne d'autrene voit ni ne connaît, là, dans leur propre coeur, ilssont seuls et sans réponses.Car les réponses ne se trouvent pas seulementdans les livres.« Comme l'âne qui porterait des livres » (Coran.LXII, 5) (1).Et ils n'osent se l'avouer sans honte ni souffrance,ni repentir.Comme si l'ignorance était un péché, une faute .La seule faute est de se complaire dans l'ignoran-'ce.Sachant qu'il ne sait pas, l'homme s'octroie ledroit de nier l'existence d'un savoir autre que celuiconnu et enseigné par les éducateurs : un savoir qui1 9iouvre à l'homme les portes de l'entendement, en dévoilantla lumière de son Être Réel .Mais avec quels arguments peut-il le nier, sinonavec l'arrogance de la peur ?Peur que cela existe! Peur que tout cela soittuai !L'homme et la femme ont non seulement droitd'accès à cette Connaissance, à ce Savoir, mais biensplus encore, le devoir de connaître et d'être .20« Tout ce qui est bon se trouve dansune seule demeure qui a pour clef l'humilitéet la soumission ;ITout ce qui est mauvais se trouve dansune seule demeure qui a pour clef l'égoïsmeet la présomption ». (Djami) (2) .2 1l'Expérience23Al'ExpérienceAimer la peinture ne fait pas de vous un peintre .Connaître l'histoire de la peinture ne fait de vousqu'un théoricien .Connaître le nom des couleurs ne vous permet

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pas de faire un tableau.Ces trois éléments n'en demeurent pas moins nécessaires; mais ce qu'il 'faut par-dessus tout, c'est .savoir peindre .Pour cela, vous devez passer par la dure expérienced'une École .3Là, si vous ne savez pas peindre, toutes vos informationset votre amour de la peinture ne vous serventpas à grand'-chose .25En réalité, vous ne savez pas quel matériel utiliserni comment l'utiliser.Il vous manque l'information et la technique .Alors, sans fausse pudeur, sans honte et sanscachotteries, sans mensonge vis-à-vis de vous-même,vous cherchez à rencontrer un professionnel de latechnique de la peinture .Votre inquiétude, votre insatisfaction, votre « soifde spiritualité », tous ces états intérieurs sont des questions.Ces questions peuvent être vagues dans leur formulation,mais elles n'en sont pas moins réelles dansvotre vie.Elles se résument probablement à ces deux interrogations: la Vie a-t-elle un sens ? Quel est le sens demon existence ?Et elles exigent des réponses correctes .Si la vie de l'homme a un sens, il ne peut qu'êtreévolutif.26Connaissez-vous votre corps ?Connaissez-vous toutes 1 s fonctions du corps ?Avez-vous déjà pensé aux multiples fonctions dela respiration, en dehors de celle qui permet de maintenirl'existence ?Connaissez-vous la relation qui existe entre votrerespiration et votre forme de pensée ?Savez-vous vraiment ce qu'est l'attention ?

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Connaissez-vous la relation qui existe entre la respirationet l'attention ?Savez-vous ce qu'est la mémoire? Et tout cequ'elle implique ?Savez-vous ce qu'est la Prière ?27Connaissez-vous sa méthodologie ?Les canaux par lesquels- elle opère?L'énergie qu'elle utilise ?En relation avec quels organes ?Tous ces points tournent autour d'un même principeConnaissance de la technique .Si vous pouvez répondre à toutes ces questions, etsi vous êtes en accord avec vous-même, ce livre nevous sera d'aucune utilité .Sinon, continuons ce dialogue .28« Lis la Tradition : "J'étais un Trésorcaché"Afin de pouvoir comprendre ce mystèreLe non-être est le miroir, le monde lereflet et l'hommeEst comme l'oeil réfléchi de. la PersonneinvisibleTu es cet oeil reflété et Il est la lumièrede l'oeil.Dans cet oeil, c'est Son propre oeil queSon oeil voit » . (Shabestari) (3) .2 9

Les écolesLes Écoles sont fondées sur la connaissance del'homme et la connaissance de l'Univers .Dans ces Écoles, l'être humain est le champ, lelieu du Travail, le lieu d'étude et l'occasion d'une évolutionen profondeur .Dans un tel travail, la multiplicité des formes enaction ne situe plus l'homme dans les seuls domainesde l'intellect et de la théorie .Le soufisme utilise toute une gamme d'expressionspécifiques qui vont des exercices respiratoires à desmouvements de danse, et à toute une série d'activités

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dans lesquelles le corps, l'attention et la présence physiquesont fortement sollicités.Ce travail libère ainsi la fonction mentale de lapression exercée par l'accumulation désordonnée d'informationsvenant de la consommation sauvage de lit-33térature sur le thème de la spiritualité, des sciencesoccultes et de l'ésotérisme .Ces Écoles de Travail ont pour but le développementde la CONSCIENCE dans l'homme .Développement à partir de l'état de sommeil présentdans l'homme, pour évoluer vers des états supérieursde la CONSCIENCE, à travers un processus oùle mot ALCHIMIE rejoint sa réelle signification et savraie dimension .Cette dimension se situe dans le FAIRE et laPARTICIPATION, et non seulement dans le «savoir» que CELA existe ou a existé dans un passé mystérieuxet évanescent, dans la rêverie exotérique etmagique, soit en Orient, soit en Occident .L'art ALCHIMIQUE est le secret du Grand Travailque toute une chaîne ininterrompue de Maîtres etd'initiés réalisent dans le secret des Centres que sontles Écoles de la TRADITION, bien à l'écart de toutexhibitionnisme .Et quand, par amabilité, ces Maîtres permettentl'accès à ces formes de travail comme la danse des dervichestourneurs, le spectateur non initié, malgré sa34sympathie, ne peut voir ni même percevoir que lamanifestation extérieure du travail accompli par lesdisciples et les Maîtres.Ce travail est FAIT au moyen de la mise en fonctiond'énergies tellement fines que tout langage écritou oral s'avère incapable de toute description .35C'est de cette science qui vise le plus haut degréde CONSCIENCE possible de l'homme que les MAITRESSOUFIS s'occupent en priorité, et cela parceque la présence de la CONSCIENCE dans l'homme

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est aussi une priorité à certains moments de la vie de laplanète.Ces Écoles du développement de la CONSCIENCEdans l'homme sont présentes en France, commedans certains pays occidentaux, très près de chezvous. ..La différence fondamentale entre l'enseignementsoufi. (Tarikas) et les doctrines à caractère religieux ouphilosophie réside dans le fait que le soufisme ne peutêtre enfermé dans aucun domaine ni système .Le soufisme utilise toute une gamme d'expressions,comme la danse, l'humour, les relations humaines,les voyages, etc . . . quand il le faut, où il le faut,,selon la nécessité du moment .Mais, quel que soit le mode d'expression choisi, laconnaissance du Maître ne s'en trouve en rien augmentéeou diminuée, car il ne s'agit là que demoyens.C'est pourquoi, sans mystères ni confusion intellectuelle,le soufisme en général et les Maîtres soufis enparticulier, échappent à toute classification, de mêmeque la Vie échappe à tout concept qui voudrait la cernerou la définir .L'érudit peut parler des aspects de l'existence etcela exige déjà observations, études et réflexion,, maisil ne parle pas de la Vie, cette Vie qui préexistait à sanaissance et qui lui survivra.L'existence visible et constatable n'en est que l'undes aspects. Il en est d'autres, au niveau de l'hommecomme aux divers niveaux de l'Univers sensible .À l'oeil nu, l'homme ne peut concevoir certainesondes de couleur comme les infra-rouges et les ultraviolets. Cependant, elles existent et nous traversent .Derrière le visible, l'invisible .36L'unique postulat que l'on peut énoncer, c'est quelu Vie ne cesse pas, à travers l'existence, de signaler leslois de l'évolution, tout en restant toujours derrière ceslois.On peut supprimer une existence, on n'en supprime

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pas la Vie pour autant.3 7« Il existe, innée dans l'âme, une faculté,un organe, par lequel l'Homme apprend.Supposez que notre oeil corporel puisse setourner avec tout le corps des ténèbres à laclarté.Ainsi en est-il de l'âme. C'est avecl'âme entière qu'il faut se convertir, jusqu'àce qu'elle atteigne l'être et puisse supporterl'éclat de ce qui brille davantage en cetobjet ». (Rumi) (4).«J'étais un trésor caché ; J'ai vouluêtre connu et J'ai créé le monde ». (Rumi)(5).« Dieu n'a créé sur la terre ni dans lescieux sublimes rien de plus mystérieux quel'esprit de l'homme ». (Rumi) (6) .39

« L'homme est regard, le reste n'estque chair.voit l'Ami.Mais le regard véritable est celui quiFonds ton corps tout entier dans tonregard, va vers la vision, va vers la vision, vavers la vision » . (Rumi) (7).« Tout dépend de la mémoire.On ne commence pas par apprendre,mais par se souvenir.La distance entre l'existence infinie etles différences de la vie nous font oublier.Pour cette raison, Dieu ordonna : Souvienstoi! » (Hakki) (8).43L'hommeLes Maîtres qui ont jalonné la véritable histoirede l'humanité depuis les origines signalent tous lemême butL'HOMME.L'homme et le secret caché en lui .Caché, enfoui en lui-même .Voilé par lui-même.Cet homme a une origine et une destinée .45

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Il représente une fonction évolutive d'un vasteensemble soumis à cette même loi évolutive .Qu'il le sache ou non, il a été créé dans un plan etun dessein précis.Dieu est persévérant.L'affirmation contraire n'est que le fruit de l'ignorancequi sévit dans le monde, où l'intellect, à force dese vouloir original, devient de plus en plus confus etinfantile .Les Guides existent depuis l'aube de l'humanité .Ce dont ils s'occupent, c'est de ce phénomènecosmique et non social, de ce phénomène religieux enmouvement et non social, de ce phénomène métaphysiqueet non social, de ce phénomène naturel et passeulement social ou historiqueL'HOMME .46Pas d'un être déchu, accablé depuis sa naissancepar une faute originelle, véritable souillure, pourtanttotalement irréelle, qui l'oblige à vivre à genoux .L'HOMME N'EST QUE MÉMOIRE .L'homme est le lieu dans lequel cette mémoirepeut être révélée .Cette mémoire est Connaissance .Et la Connaissance choisit l'expression adéquate,selon la nécessité, le lieu, les gens et l'époque .Elle ne dépend nullement de racines fixées dans lepassé, mais émerge et s'exprime dans le présent, libredu temps, des modes et des formes .La Connaissance a son origine dans une dimensionautre que celle du temps humain .En conséquence, l'homme ne peut être façonnécomme une chose inerte qui ne serait soumise qu'à laloi de la répétition, liée au temps et aux habitudes .47Il appartient à une dimension plus vaste que cellede l'existence de son organisme .Il constitue un complexe évolutif dont l'approcheexige une formulation toujours renouvelée, en accordavec son temps, ses conditions, et ses nécessités .Les Maîtres de la Tradition soufre travaillent avecl'homme d'aujourd'hui, utilisant les techniques et lesmoyens d'aujourd'hui .Leur Connaissance trouve sa source en dehors du

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temps et constitue une base immuable, mais leur formulationchange, en accord avec le siècle .Ils font preuve d'une pensée créative, et non pasrépétitive, contrairement aux systèmes fossilisés, aussibien occidentaux qu'orientaux, tels que les religions,les psychologies, esthétismes, traditionnalismes folkloriques,etc .. . valables pour d'autres sociétés et pourd'autres époques .Si le soufisme avait une forme figée, l'hommel'aurait déjà transformé en système .Il contient néanmoins une place pour chaque typehumain, place à laquelle tout homme et toute femmepeut, sous la direction d'un Guide, trouver l'ouverture: sa propre raison d'être .Il peut la trouver, à l'écart de la souffrance inutileet humiliante, de la peur des châtiments, à l'écart de lacontrainte et des menaces, de tous les paradis imaginairesou de toute manipulation intellectuelle ou émotionnelle.Avec une énergie : l'AMOUR.Quand nous parlons de Tradition, nous nomnionsce courant invisible qui a inspiré les diverses formulationsreligieusesque sont leChristianisme, Bouddhisme, l'Hindouisme ou l'Islam .Ce courant représenté par les écoles d'enseignementpeut fournir des réponses à travers une situation(le relation fondée sur la patience, la confiance et lerespect entre disciple et Maître .Cette relation de soumission contrairement à ceque l'on peut croire, ne relève ni de la servilité ni del'aveuglement .4 9Quelle que soit la place qu'il occupe dans l'échellede la Création, l'être humain a le droit à une réponse,si sa question est juste.À question correcte, réponse correcte .. Et c'est le rôle du Guide d'évaluer le questionneuret la réalité de sa question .Au cours de son existence, l'homme peut et a ledroit de demander : Qui suis-je ? Où suis-je.? D'oùviens-je ? Et où vais-je ?

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Les réponses et le chemin qui mène à elles sont là,dans ces centres que sont les Ecoles de la Tradition del'homme.5061« Tout ce qui existe dans le monden'est pas en dehors de toi.Cherche en toi-même tout ce que tuveux être . .. » (Rumi) (13).5 1« Tout ce qui est dans le monde n'est pas endehors de toi : tout ce que tu désires, cherche-le en toimême,car c'est toi qui es le microcosme » .(Rumi) (14).La confiance est un état nécessaire, indispensableà la transmission des dons du Maître envers son disciple.Dans la voie soufie, elle constitue déjà un hautdegré de l'entendement .L'obéissance, issue de la confiance, est le résultatd'un travail effectué par le disciple dans le sens de lacompréhension de ses propres limitations et des dangersinutiles auxquels il peut être exposé .Au-delà de l'obéissance, le contact est une sourced'énergie que l'homme peut rechercher et utiliser .Au moyen de ces exigences, le Maître soufi guidesoigneusement le disciple, afin que ce dernier puisseacquérir sa propre connaissance, à travers ses efforts,ses expériences et son évolution propre .Il ne devient pas une marionnette confortablementassistée, mais un homme ou une femme, deboutet actif.Le soufisme et les Maîtres soufis s'écartent ici detoute approche intellectuelle, émotionnelle ou esthétique.Insituables par nature, ils invitent l'individu à unvoyage sans béquilles, qui ne présente qu'un seul risque: celui de devenir un homme.Tous les innombrables Maîtres de la Traditionsoufie comme Rumi, Saadi, Hafiz, Attar, OmarKhayyam, Jami, Junayd, Ibn el Arabi, El Ghazali,

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Bistami.. ., tous n'ont cessé d'affirmer cet aspect centraldu grand Travail qu'est le contact entre le Maîtreet le disciple .Contact dans l'action, dans l'inaction, dans lesrapports verbaux, dans les silences, dans les situationsde la vie quotidienne . ..C'est la plus haute relation à laquelle un hommepuisse accéder . Elle relègue la méditation, la contemplationet la réflexion à de brefs moments vacants, quin'en restent pas moins soumis à une technique précisesoumise à des révisions, et des corrections, en contacttrès étroit avec le Guide« Lorsque tu te trouveras un instant joyeux dansla vie à cause de l'Ami, c'est à ce moment-là que tutrouveras ta part.Prends garde de ne pas perdre cet instant, carrarement tu en trouveras un pareil » . (Rumi) (15).54Évocations, contacts, relations, action dans l'inaction,inaction dans l'action, sont autant de techniques(tue l'homme apprend à utiliser dans une École, autant(le moyens pour l'aider à affiner son sens de l'orientation.Il s'agit d'une initiation technique de l'esprit, travaildélicat généralement ignoré de l'homme occidental.Ceux qui ont eu la chance d'avoir un contact avecdes Maîtres ont oublié de signaler dans leurs écritsl'importance d'une École et d'un Maître vivants, indispensablepour apprendre .Ils n'ont utilisé cette ouverture temporaire dansleur vie qu'à seule fin de montrer leur érudition sur lesujet, augmentant ainsi le caractère hermétique del'enseignement et fermant la porte à la priorité évidente: la nécessité d'une initiation, non dans un Orientlointain, inacessible et romantique, mais ici, en Occident,où les gardiens de la Tradition ont prévu depuislongtemps cette nécessité de l'évolution humaine .Les Maîtres de la Tradition existent .55Leur fonction est d'enseigner, non de créer desmouvements humains débouchant sur l'idolâtrie et,

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plus grave encore, sur la manipulation de l'énergiehumaine à des fins personnelles, sectaires ou religieuses.Le Guide est un pont permettant à l'homme depasser de l'état d'ignorance à l'état de connaissance, dela possibilité à la potentialité réelle, de l'état d'inaccomplissementà l'accomplissement .5 6« Nous sommes le trésor caché del'UniversNous possédons le royaume éternelNous avons franchi les ténèbres del'eau et de la terreEt nous avons trouvé Elie et la Fontainede Jouvence : «c'était nous-même».(Rumi) (16).57Le soufisme et les Maîtres soufis ont toujours étéet continuent d'être les Gardiens de cette fonctionprendre l'homme tel qu'il est, pour l'amener avec tact,connaissance et Amour, au seuil de l'humain tel qu'ila été créé .Le soufisme n'est pas une affaire d'érudition oud'absences d'érudition.Le Travail avec un Maître dans une École se situeailleurs. Cet ailleurs, c'est en cheminant que l'on peutle connaître : à travers l'EXPÉRIENCE .Parmi les grands Maîtres de la Tradition, il en estun qui excelle dans l'art d'aiguillonner le chercheur, letirant de son sommeil par des impacts à travers l'humouret le rire : l'ami Nasreddin Hodja.La courte histoire suivante illustre bien les deuxpoints que nous venons d'évoquer : EXPÉRIENCE etERUDITION.59NASREDDIN HODJA ET L'HOMME DELETTRESSONT DANS UN BATEAULe vent se levait. Nasreddin, adossé à sa barque,vit s'approcher un quidam tiré à quatre épingles quilui demanda, avec force courbettes, s'il pouvait letransporter de l'autre côté du fleuve .Nasreddin Hodja lui répondit que oui msieu',

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l'affaire pouvait se faire moyennant finances . . .Bien que cette réponse fût on ne peut plus correcte, leton et la formulation quelque peu négligée irritèrentun brin le voyageur qui se trouvait être un homme delettres. Il accepta néanmoins le marché et s'embarqua.Alors que Nasreddin Hodja ramait en silence,l'homme de lettres qui s'ennuyait ferme, se mit à lequestionner- « Dites-moi mon cher, n'avez-vous donc jamaisété à l'école ? Ne vous a-t-on pas appris la beauté de lalangue et d'un dialogue ? Vous n'imaginez pas les plaisirsraffinés que cela vous aurait procuré. Quel gâchis!Vous vous privez tout bonnement du meilleur dela vie! . . . »Nasreddin Hodja, qui luttait tant bien que malcontre le courant, émit un grognement inaudible enguise de réponse, tout en se cramponnant à ses deuxrames.Et le voyage se poursuivit, tandis que la bise sifflaitde plus belle . Au bout d'un long moment, Nasreddinse tourna vers son passager et lui demanda brutalements'il savait nager.- « En quoi cela peut-il bien vous regarder ? réponditdistraitement l'homme de lettres en réprimantun baillement, et pourquoi diantre me demandez-vouscela ?Eh bien, parce que si vous ne savez pas nager,reprit Nasreddin Hodja, vous vous privez carrémentde toute votre vie : nous coulons ! ».(Histoire recueillie de la Tradition orale moyenorientale).61L'aphorisme en usage dans les Écoles sou fies ':« Sois dans le monde, mais pas du monde », trouvedans l'enseignement sa plus ample expression .C'est ainsi que les centres de Travail appelés en OrientTarikas sont, en réalité, des laboratoires spécialisésdans la Connaissance de l'homme .Et non des cercles intellectuels .Ce type d'activités, tellement en vogue dans lemonde occidental, connues sous forme de stages, séminaires

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minaires initiatiques, cycles de conférences, causeriesmétaphysiques, etc .. . est considéré par les Maîtres dela Tradition comme la partie la plus inutile de la véritablespiritualité .Ceux qui s'y livrent entretiennent la confusion et fontnaviguer l'auditeur, et eux-mêmes, dans ce qui n'estrien d'autre que des courants d'opinion, concepts etdogmes figés, asphyxiant l'individu par une implacableérudition .Le Travail pratiqué dans les Écoles se situe dansune dimension bien au-delà de l'érudition. Et danscertains cas, celle-ci peut même être un obstacle .Tout dépend de la façon dont elle est utilisée .62when you realize the différences betcontainerand the content, you willwledge » (Idries Shah) (17) .and vous aurez réalisé la différenlecontenant et le contenu, vousConnaissance ».63« When you realize the différences betwenthe container and the content, you willhave knowledge » (Idries Shah) (17).« Quand vous aurez réalisé la différenceentre le contenant et le contenu, vousaurez-la Connaissance ».63Les maîtres65

"Choisisundirecteurspirituel,carsans luice voyage sera plein de calamités,de craintes et dangers .».(Rumi) 10)."L'Ami est un miroir pour l'âme dansle chagrin;ne soufle pas, ô mon âme, sur la surfacedu miroir. . . ». (Rumi) (11).67

Les maîtresL'homme de science sait qu'il existe dans le mondede la matière, des lois que l'homme ne peut pastransgresser .

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Il sait que l'étude de ces lois s'effectue pas à pas,dans le respect des différences, des rythmes, des vitesses,des densités et des codes reliant les éléments .En observant patiemment la fréquence des cyclesrépétitifs, le scientifique en extrait les schémas qui leguident et l'informent sur le pourquoi et le commentdes phénomènes naturels .Parallèlement, dans le domaine spirituel, il existe deslois qui régissent le développement des facultés supérieures.Ces lois concernent différents aspects de la vieintérieure.69Parmi ces aspects, nous pouvons nommer-l'Attention Réelle ou Supérieure,- la Compréhension Objective,- la Mémoire Réelle,- le Discernement,- la Connaissance de la pluralité des temps,-l'approche de la plus haute énergie universelleL'AMOUR.Chacune de ces facultés peut faire l'objet d'unTravail dans le but du développement de l'homme .Qu'est-ce que l'Attention, quelle est la nature decette énergie ?Est-elle susceptible d'être étudiée, développée ?L'Attention est parmi, les facultés supérieures del'être humain, une de celles qui a été la moinsexplorée . Elle est, par conséquent, très superficiellementconnue, tant par l'homme de science que parceux qui se préoccupent de la recherche spirituelle .L'Attention est le pilier central et essentiel quisoutient la vie. Depuis les domaines minéral, végétal,animal et humain, elle parcourt la totalité de l'édifice70(les organismes psychique, énergétique, matériel ouphysique de ces royaumes.Cette énergie était déjà présente dans l'environnementqui allait accueillir les premiers signes de viemanifestés dans l'univers .La vie, depuis sa formation, n'est qu'un gigantesquechamp d'attention s'auto-générant .

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L'attention se manifeste à travers les organismesen régulant la complexité et la diversité de leurs existences,et ceci, depuis les échelles infiniment petitesdes micro-organismes, jusqu'aux échelles immensesdes masses planétaires . L'Attention marque, par saprésence, une réalité supérieure d'intelligence .Dans l'homme, cette énergie peut être étudiée et développée.Elle élargit ainsi le champ de perception enpermettant d'accéder à des informations d'une plusgrande finesse et de révéler des potentialités insoupçonnéesde la nature humaine .Le développement de cette faculté ouvre un accèsa la Conscience ; Ce travail passe par l'utilisation detechniques que seul un Maître peut diriger .7 1L'Attention réelle ou supérieure n'est pas un acquisde l'homme. Pour l'atteindre, celui-ci doit accomplirun travail alchimique fondé sur la Volonté etl'Effort.Personne ne peut le faire à sa place. .7 273La Mémoire est, parmi les facultés supérieuresprésentes dans l'organisme humain, celle qui est laplus difficile à cerner et la plus délicate à explorer.Par sa nature fluide, elle parcourt toutes les fonctionset constitue un des fils invisibles qui soutient,génère et régénère la structure de toute la substance del'Univers matériel et spirituel .C'est cette programmation-mémoire génétique dutype, de la race, de l'espèce, qui déterminera, tout aulong de son existence, la coloration centrale de l'homme.Elle se traduira par des comportements, des inclinations,ou des soi-disant tendances . Cet héritagecontenu dans l'univers cellulaire et auquel l'homme nepeut échapper représente le capital initial avec lequel ildevra affronter et assumer son existence planétaire .Les jeux sont faits avant la naissance et l'hommene peut échapper à son héritage biologique .Pour l'homme, le chemin de la connaissance ne

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consiste pas à « aller quelque part » mais, au contraire,à rentrer à l'intérieur de lui-même .En commençant par l'exploration de ses réellespossibilités, possibilités cachées à l'intérieur de l'héritagebiologique, dans ses propres cellules, l'hommepeut rechercher la réalité de sa propre personne . Cetterecherche nécessite d'habiter calmement son corps, enprenant peu à peu contact avec la première et fondamentalemémoire qui soutient toute chose : la mémoirecellulaire.L'Univers visible et invisible ne sont que MÉ-MOIRE.Elle est le support de la vie dans ses multiples formeset échelles de temps .L'homme est MÉMOIRE.Et la MÉMOIRE est AMOUR, parce quel'Amour contient la Mémoire, et la Mémoire, laConnaissance .Tout l'édifice biologique du corps humain rentredans l'existence, armé d'une infra-structure éveillée etconsciente dans la présence de laquelle un courantauto-fonctionnel oeuvre sans relâche, tout au long del'existence, indépendamment de toute volonté, de toutdésir et de toute intervention soi-disant intellectuelle .74Ce vaste organisme où règne la cellule est autonomeau regard du niveau de savoir et de consciencequ'a l'homme de lui-même et de l'Univers.À l'intérieur de ce micro-univers, nous trouvonsun ensemble de lois qui règlent la vie, dans une permanentefonctionnalité où la rigueur alterne avec la flexibilité.L'homme, en général, ignore que ces lois quisous-tendent le monde de l'esprit sont aussi réelles etinexorables que celles qui régissent le monde matériel.L'homme peut apprendre à les connaître, à lesreconnaître et à les respecter, correctement guidé parun Maître, afin d'accéder à une dimension supérieurede son propre •entendement et, de° sa propre conscience.Ces lois de l'esprit ne sont pas facilement négociablesdans le marché du paraître, où elles sont presqueinopérantes.

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Mais elles existent bien .Contraste flagrant et absurde dans notre sociétédite scientifique et technologique, qui accepte aisémentla rigueur nécessaire à une pensée scientifique,15mais qui la refuse quand il s'agit du plan spirituel .Les Maîtres suggèrent et offrent la somme de leurvaste connaissance afin que l'être humain puisse correctementtravailler .Ils le font avec tact, et prudence, pour éviter quel'individu ne fossilise leur enseignement, créant ainsiune prison intellectuelle plus rigide encore et, pire,qu'il le dégrade jusqu'à l'amener au plan fanatiquementreligieux, au plus bas degré de l'idolâtrie .Tout ce que les Maîtres du passé ont dit, écrit, etlaissé comme traces de leur présence sur la planète, ilsl'ont fait pour l'homme, pas pour eux-mêmes, ni' envue d'une quelconque renommée présente ou à venir.Au contact d'un Maître vivant, l'effort inutile, lasouffrance inutile et le mérite inutile demeurent sansintérêt.Le travail correct consiste à former un bon artisan,qui fait ce qu'il est et est ce qu'il fait . Hors duconflit engendré par le fait de vouloir être plus que ceque l'on peut faire ou de vouloir faire plus que cequ'on est .Ce travail professionnel est la fonction des Maîtres.7 6« Ô toi qui es un exemplaire du LivreDivin,Toi qui es le miroir de la souverainebeauté,Rien n'existe dans le monde hors detoi,Ne demande qu'à toi-même . . . Ce quetu veux, c'est toi » . (Rumi) (22) .« L'Ange est sauvé par sa connaissanceet l'animal par son ignorance ; entre lesdeux, l'homme reste en litige ». (Rumi)(23).« Connais-toi toi-même » (Socrate)(24).a Aime ton prochain comme toimême

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». (Jésus) .77fLe Prophète a dit : « Celui qui connaîtson âme (c'est-à-dire soi-même) connaîtson Seigneur » .Il dit encore : «J'ai connu mon Seigneurpar mon Seigneur» . (Ibn' Arabi)(26)« L'homme est un livre .En lui, toutes choses sont écrites, maisles obscurités ne lui permettent pas de lirecette science à l'intérieur de lui-même » .(Rumi) (27).« Tout ce qui existe dans le monden'est pas en dehors de toi ;Cherche en toi-même tout ce que tuveux être ». (Rumi) (28).79Quand Jésus exhortait ses disciples : « Veillez,veillez, ne dormez point ! », dans le langage de Maîtreà disciple, il signalait par là l'état d'éveil à la MÉMOIREOBJECTIVE, CONSCIENTE .Quand les Maîtres soufis exhortent leurs disciples: « Souvenez-vous, rappelez-vous . . . », ils signalentla même nécessité d'être en état d'éveil .C'est cette haute faculté de l'homme que les Écoleset les Maîtres de la Tradition nomment : MÉMOIRERÉELLE .C'est cette Mémoire qu'il faut extraire de l'état desommeil et d'oubli dans lequel naît, vit et meurtl'homme.Alors, vous vous posez peut-être la questionToute cette quête, à travers l'énorme édifice qu'est« l'ésotérisme », à travers l'hermétisme, l'art alchimique,l'initiation, la contemplation, etc . .. Tout cela serésumerait-il à l'homme ?8 1« L'homme est un livre .En lui, toutes choses sont écrites,toutes ses opacités ne lui permettent pasvoir ce qu'il sait». (Rumi) .(31).85

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?fLe Maître soufi Hazrat Ali dit« La médecine est à l'intérieur de toi, mais tu nela vois pas,La maladie vient de toi, mais tu ne t'en-rends pascompte » (32).Le travail commence quand l'homme sait que lamédecine est en lui, cette médecine qui peut le guérirdu sentiment profond d'inaccomplissement et éclaircircette intuition confuse qui lui suggère qu'il peut, dansla vie, aller mieux et plus loin .Qu'il peut cesser d'être quelque chose d'inerte,balloté au gré des forces, des tendances ou des modes.Qu'il est vivant, mais qu'en même temps, il estmanipulé par la peur.La peur d'assumer sa condition, celle d'un êtrehumain, libéré des béquilles, et adulte dans ses actes .8 7C'est le rôle des Maîtres et des Écoles de le sortirde son état et de sa confusion, sans employer la menaceni l'expiation inutiles.C'est leur rôle de le faire accéder à une dimensionde lui-même en lui épargnant accidents inutile et pertesde temps.Le Maître connaît bien cette prison où est enfermél'homme parce qu'en tant qu'homme lui-même, ilen connaît les composantes et les moyens de les dépasser.Il lui faut un minimum d'éducation et de Correctionde la part de celui ou de ceux qui s'engagent dansce travail. Ainsi qu'une stabilisation et clarification deleurs désirs .C'est avec ces éléments que fonctionne l'École(Tarika), dans un permanent état d'échanges - pas forcémentverbaux - de disciple à Maître et de Maître àdisciple .Une telle situation est une occasion constante decorrectifs, et non un endroit où l'on devient saint,supérieur, ou soumis à la compétition .L'effort se partage, de même que les bénéfices .8 8« S'épargner la charge d'une tâche, c'est aussi se

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priver d'en recueillir les bénéfices » .(Omar Ali Shah, Maître Naqshband).La notion de progrès, si convoitée, y est très viteremplacée par celle d'efficacité .Quant à l'enthousiasme, nécessaire à tout commencement,il cède rapidement la place à la persévérance,la patience vis-à-vis de soi-même et vis-à-visd'autrui .Dans le Travail, le Maître ne se confond pas avecl'expérience existentielle du disciple . Celle-ci appartientau disciple et à son vécu .Le Maître est un témoin attentif et disponible,une aide au service de celui qui s'engage dans le chemin.Cela n'autorise aucunement le disciple à croireque le Maître est un service public à sa disposition àtoute heure du jour et de la nuit .Le Maître n'en veille pas moins vingt-quatre heuressur vingt-quatre sur le disciple, afin de l'aiderquand il en a réellement besoin, et non chaque foisque ce dernier le désire, par paresse, par stupidité ou8 9Il est toujours là, dans le présent du disciple .C'est un ami vigilant, attentif au processus évolutifde l'homme : il n'est jamais décalé, ni dans ses relationsavec lui, ni par rapport à la situation que traversecelui-ci .Le Maître signale constamment le but, qui estl'éveil de la conscience .Sa présence est déjà une exigence.Ainsi se protège-t-il lui-même de devenir pour leou les disciples, un objet de culte, avec tout ce que celacomporte d'esclavage pour l'un comme pour l'autre .Tout cela n'empêche pas l'existence d'un sentimentde gratitude à l'égard du Maître .Ce n'est pas que le Maître ait besoin de gratitude.C'est le disciple qui a besoin de cultiver cette quaLa reconnaissance produit une augmentation*,l'ingratitude la fait sortir de la main » (Rumi) (33).C'est une des lois de la vie intérieure .Elle lui permet d'ouvrir et d'affiner son contact etde bénéficier davantage des dons du Maître .

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Les Maîtres constituent l'axe-pôle où convergentles facultés les plus sécrètes du disciple .Ce canal dans la relation qu'est la gratitude permetau Maître de déverser ses dons dans une intimitéhors du « regard », hors de l'intellect avide et assoifféde preuves, hors des états émotionnels dont sont sifriands tous les individus.* une augmentation du niveau de l'entendement et des potentialitésde l'homme (Note de l'auteur.)9 11Le respect entre l'un et l'autre est fondé sur laconnaissance totale et directe qu'a le Maître de sondisciple.Ainsi que sur la connaissance de plus en plus profondeque le disciple acquiert de lui-même, en relationavec le Maître.La présence d'un Maître Soufi et de personnespoussées par la nécessité répond à l'exigence de l'évolutionhumaine.Dans cette situation, la satisfaction du « désird'évoluer », de « vouloir progresser » disparaît peu àpeu, fondue dans la dilatation de l'accomplissement,qui fait partie du tout .Dans le travail soufi, « seul » n'existe pas !Un Maître est l'image la plus proche de ce quepeut être un total état d'engagement .C'est un Guide sur l'âpre chemin de l'expérience,conduisant l'humain au seuil de l'homme, et un compagnonvigilant sur la route qui va de l'homme àl'Univers .Ceux qui cherchent comprendront, pour cettesimple raison, qu'un Maître soufi est très différentd'un gourou, d'un saint ou d'un illuminé .92« Reste dans l'amour de celui qui te tient dans sonamour.Recherche celui qui te tient dans sa recherche »(Rumi) (34).Dans la Tradition soufie, les Maîtres sont lesPiliers de la Tarika (École) où se fait ce travail de

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déchiffrage à travers l'état habituel de conditionnement.Conditionnement ou dressage effectué par leséducateurs pendant l'enfance, par les dirigeants religieuxun peu plus tard, et par tous ceux qui se sont,sans aucun droit, approprié celieu qu'est l'home, letransformant en un produit totalement passif, statique,inutile pour lui-même et pour l'ensemble de l'organismeuniversel.Les Maîtres prennent l'homme tel qu'il est devenupour l'amener, par une technicité connue d'euxseuls, à la rencontre de sa véritable identité et de sadignité humaine, à travers l'évolution croissante deson intériorité .Sans mystères .Sans mensonges, sans complaisance, ni apitoiementdu disciple sur lui-même .9 3Le soufisme est un Travail pour et vers la conditiond'homme.Travail possible parce qu'il reste dans l'être humain,malgré les manipulations subies pendant dessiècles, la trace d'une mémoire, la trace d'un lieu danslequel et à partir duquel opèrent et travaillent les Maîtres.C'est la connaissance de ce lieu et de ces lois quidistingue un Maître.Une École avec un Maître vivant est un centre detravail dont le programme consiste à apprendre .Apprendre à travers la richesse de sa propre existencequotidienne .Apprendre au contact d'autrui . Établir un état derelation avec l'autre est aussi important que d'entreren relation avec soi-même .Grâce à leur très haute technologie les Maîtressoufis, mettent en fonction des énergies qui sont rarementemployées correctement en dehors des Écoles .i94Évolution vers la connaissance de soi-même afinque chaque être humain puisse découvrir sa place et safonction au sein de l'échelle infinie de la Création .

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Ce lieu d'évolution, nous pouvons l'appelerConscience morale .Lieu où règnent encore les traces du fonctionnementcorrect de certaines lois souvent ignorées desscientifiques, des philosophes et des érudits .Un Maître travaille dans le présent, avec l'hommeactuel, dans son contexte présent, en utilisant lesmoyens du siècle, le langage de la communauté et latechnique adaptée à l'exigence de la situation .Par exemple, devant un Maître parlant de religion,le spectateur non averti en concluera qu'il s'agitd'un religieux .Et si, au contraire, ce Maître signale l'inutilité dusentiment religieux dans le Travail, la conclusion seraqu'il est anti-religieux .Ces deux jugements sont vrais, et égalementfaux.95Quand l'action est en cours, toute explicationintellectuelle est inutile .Inutile et non pas fausse ou déplacée .Dans l'exemple précédent, il s'agit en fait de différentscorrectifs que le Maître applique, signalant par làle non fonctionnement d'un monde d'expression danstelle situation, et son parfait fonctionnement dans uneautre situation .Si vous donnez un verre d'eau à quelqu'un qui senoie,cela n'aura pas le même effet que si vous le donnezà un assoiffé dans le désert . C'est pourtant lemême verre d'eau .Le bon fonctionnement ne réside pas dans le verred'eau, mais dans la connaissance de son emploi adéquat.Et non l'inverse.C'est dans la situation humaine, terrain de sonopération et de son expression, que s'enracine le Maître.96« L'homme est l'astrolabe divin, maisil faut un astronome qui connaisse bien l'astrolabe». (Rumi) (35).« C'est pourquoi en apparence, tu es lemicroscome, c'est pourquoi en réalité, tu esle macrocosme.Du point de vue de l'apparence, la

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branche est l'origine du fruit ; mais en réalité,la branche est venue à l'existence en vuedu fruit.S'il n'y avait eu un désir et un espoirpour le fruit, comment le jardinier aurait-ilplanté la racine de l'arbre ?C'est pourquoi, en réalité, l'arbre est nédu fruit, même si en apparence, le fruit a étéengendré par l'arbre ». (Rumi) (36) .« L'homme est regard, le reste n'estque chair. Mais le regard véritable est celuiqui voit l'Ami .Fonds ton corps tout entier dans tonregard,Va vers la vision, va vers la vision, vavers la vision » (Rumi) (37).9 7

Le « possible »Le « possible »« O jour, lève-toi ! Des atomes dansent,Les âmes, éperdues d'extase, dansent,La voûte céleste, à cause de cet Être, danse,À l'oreille, je te dirai où l'entraîne sa danse » .(Rumi) (38)C'est du Possible de l'homme dont s'occupent lesMaîtres, suivant les lois de cette science qui est la leuret qui est bien éloignée de ce que l'homme appelleaujourd'hui « science » .Cette science, découverte et explorée dans le passépar des êtres humains, constitue le trésor conservéintact par les Gardiens de la Tradition, à l'abri de toutemanipulation orale ou écrite, et incarné par les différentsMaîtres, à travers les époques.Ils la déversent dans l'homme en recherche, com-101me ils l'ont toujours fait lorsque la nécessité l'exige, etnon au hasard .Cette nécessité est la raison pour laquelle certainsMaîtres soufis sont aujourd'hui présents parmi nousen Occident, créant cette situation de travail qui est,répétons-le, la plus haute situation à laquelle puisseaspirer tout homme et toute femme : la rencontre avecsa propre raison d'être .

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Le soufisme et les Maîtres soufis travaillent enconduisant l'homme dans la région de lui-même oùexiste encore la trace de ce possible vital essentiel.Ce n'est qu'à partir de ce lieu que l'être humainpeut commencer une réelle évolution, à l'intérieurd'une École, en effectuant un travail correct et queseul peut diriger un Maître vivant .Ce lieu en l'homme, ce possible vital essentielcomplètement ignoré ou oublié dans l'exposé « ésotérique» de l'érudit et de l'homme dit cultivé de nossociétés intellectuelles, est le secret à l'intérieur duquelopèrent les Maîtres.Les Écoles soufres ne sont ni des lieux où l'on cultiveles mystères, ni des lieux de culte.102103On y apprend à RESPIRER, à recevoir ou àémettre, par des chemins situés hors de la portée et del'emprise du mental et de l'émotivité habituelle tantcultivée.Le Maître Mawlana Djalâl-ud-din Rumi nous lesignale, depuis le XIIIe siècle, dans son testament spirituelquand il dit« Je ne suis contenu ni dans la terre, ni dans leciel, même dans le plus haut des cieux . Sache-le aveccertitude, c'est dans le coeur de l'homme que je suis .Si tu me cherches, c'est là que tu dois me cher-•cher ». (Rumi) (39) .La Tradition105

« Auparavant, je T'imaginais extérieurà moi-même ;je Te supposais au terme de mon voyage.Maintenant que je T'ai trouvé, je saisque c'est Toi que j'abandonnais dès monpremier pas » . (Djami) (40).« Lui, dont je ne connais ni le nom ni lesigne, m'a pris la main et m'entraîne à Sasuite.Il est, Lui, ma main et aussi monpied ;

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Où que j'aille, j'avance en dansant eten étendant les bras ». (Djami) (41).« Quiconque croit pouvoir parvenir àDieu par ses propres efforts peine inutilement; Et quiconque s'imagine pouvoir parvenirà Dieu sans effort ne parcourt que laroute de l'intention » . (Djami) (42) .107La traditionLe chemin soufi est représenté par les Maîtres.Ceux-ci forment une chaîne invulnérable, appeléedans la Tradition soufie « Selcela .», qui va des Maîtresactuels présents en Occident et en Orient, tels OmarAli Shah et Idries Shah, jusqu'aux grands Maîtres dupassé, tels Iqbal Ali Shah, Bahaudin Naqshband, FariduddinAttar, Najm-ud-din Kubra, Shabistari, Jami,Saadi, Djalâl-ud-din Rumi, Sanai, Junai, Jan'l Janan,Ibn el J'alali, Ramistami, Ibn et Arabi, et bien d'autresque le chercheur peut trouver dans sa quête .Tous sont des maillons de cette chaîne qu'est laTradition, ils en sont les Gardiens, véritables Géantsde la Pensée et de la Connaissance .Gardiens de cette Science qui n'est, ni plus nimoins, que la connaissance de la raison d'être del'homme.Spécialistes de cette Science et de ses lois spécifi-109iques, ils l'ont explorée et éprouvée depuis des millénaires.Dépositaire de cette Science, le Maître d'unecommunauté est la partie, disons visible, de cette chaîne.Voilà pourquoi le Travail ne peut être mené àbien par des imitateurs soi-disant orientalistes, ni pardes colporteurs de liturgies réduites à du folklore, simplesaspects de rites propres à d'autres lieux, d'autresgens et, dans la majorité des cas, ayant rempli leursfonctions à d'autres époques .Il ne reste, le plus souvent, de ces liturgies, que destraces fossilisées .Elles ne peuvent ni faire du bien, ni faire du mal à

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l'homme d'aujourd'hui, mais seulement lui faire perdreson temps dans l'inutile .L'inutile est inutile .Souvenez-vous : « Le péché originel n'existe pas,seule la complaisance .. . ». C'est un Maître contemporainqui disait cela, il n'y a pas si longtemps .110Les Maîtres soufis, tout en travaillant avec leursdisciples dans le cadre de la vie familière, peuvent lesaider à sortir de leur impuissance et à établir uncontact avec la Connaissance du Réel, en échappant àl'information fragmentaire, au conditionnement psychique,émotionnel et physique, et particulièrement àce véritable fléau de l'activité intellectuelle qu'est l'interprétation.Dans les conditions justes, le temps juste, le lieujuste, la compagnie juste .Sans souffrance inutile .Le disciple plongé dans cette harmonisation est lepoint de convergence et d'unification où se fait le Travail.Le Maître est le Gardien de ce Travail : ni commode,ni complaisant, ni forcément rigoureux .Permanente occasion de correctif, le Guide et lasoumission à ce qu'il représente sont, pour le disciple,d'une importance capitale .Aussi vrai que l'effet ne peut exister sans la causequi le précède, de même aucune situation de travaildans le domaine de l'esprit et du corps ne peut existersans la présence d'un Maître autorisé qui la canalise, larende vivante, dynamique et actuelle .Le Maître soufi refuse qu'on l'adore et que l'oncrée autour de lui des cultes et des liturgies artificielles.À la fois support et constante exigence, le soufismelaisse l'homme libre, il ne l'asservit pas .Un Maître suggère, il n'impose pas .Ces Lois sont le secret de la Tarika .Telle est la Tradition de l'homme .1 1 2« Les gens ne devraient pas tant réfléchirà ce qu'ils ont à faire ; ils devraient plutôt

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songer à ce qu'ils devraient être » . (MaîtreEckhart) (43).« Ne t'imagine pas mettre la saintetédans tes oeuvres ; il faut mettre la sainteté enton être. Car ce ne sont pas les oeuvres quinous sanctifient, c'est nous qui devons sanctifierles oeuvres » . (Maître Eckhart) (44).« On m'a posé cette question : Bien desgens aimeraient à se retirer complètementdu monde et à vivre dans la solitude pour ytrouver la paix ; ou encore être à l'église ;serait-ce ce qu'il y a de mieux à faire ?Je réponds : Non !Et prends note du pourquoi .Celui dont l'attitude est droite se trouvebien en tous lieux et avec tout le monde .Mais celui qui manque de rectitude, setrouve mal en tous lieux et avec tout lemonde». (Maître Eckhart) (45) .1 1 3

« En toutes choses, l'homme doit saisirDieu et habituer son esprit à toujours avoirDieu présent dans son for intérieur, dans sesintentions et dans son amour» . (MaîtreEckhart) (46).117Nécessité - désir« Au plus profond de la mer se trouvent desrichesses incalculables .Mais si vous recherchez votre sécurité, restez surle rivage » . (Saadi) (47).L'évolution est une nécessité .Cette nécessité ne relève pas seulement du désir .Pour y répondre, l'approche d'un Maître par lecandidat-disciple ne peut procéder de l'arrogance.Cette arrogance se caractérise par l'exigence derésultats immédiats, ou de la compréhension instantanéedes méthodes, des techniques, des rythmes et desformes que les Maîtres emploient dans une communautéou un groupe en situation de travail.1 1 9

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Comme si la compréhension était un cachet d'aspirine!Si l'être humain pouvait comprendre l'École, ceque le Maître représente dans l'évolution humaine,ainsi que sa propre situation, cela prouverait l'existence,chez un tel candidat, d'un organe de perceptionsupérieure en plein fonctionnement, recevant directementla connaissance depuis la source .Pour une telle personne, la question de comprendreou de ne pas comprendre ne se poserait pas .Un seul signe du Maître serait, pour cet être; lasynthèse de plusieurs années de travail et d'expérience.Par sa qualité et son développement, il fonctionneraitselon ses besoins et ses nécessités, toujours éveilléau Réel, hors de portée des désirs ou des modes cloisonnésdans les étroites limites de l'esthétique, de l'élégance,du connu et du bon ton .Dans une École, l'accord ou le désaccord de lapart du candidat sont, pour le Maître, d'une importancesecondaire .Ce n'est qu'en marchant que l'homme peut avan-1 20cer, si tels sont ses désirs et sa nécessité.Ce n'est qu'en marchant qu'il peut se libérer pas àpas de l'esclavage du : « j'aime -je n'aime pas », « jeveux - je ne veux pas », et rentrer enfin dans la sphèrede sa propre nécessité et de ses besoins véritables .Ce n'est qu'en marchant, à travers sa propre expérience,qu'il peut sentir, voir, connaître et valoriser sondéveloppement vers une vie consciente, et non en imaginantun progrès théorique .On peut à la rigueur mentir aux autres, mais plusdifficilement à soi-même .Le chemin soufi, comme tout chemin évolutif, est,une prodigieuse aventure humaine .Il exige engagement, obéissance, discipline et courage.1 21ComprendreComprendre« Ne pouvoir comprendre la compréhension, c'est

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déjà comprendre » (Abu Bakr) (52).L'obsession maladive de vouloir comprendre estl'une des caractéristiques les plus fréquentes des Occidentauxlorsqu'ils se trouvent en présence d'une École.Vouloir comprendre une situation de Travail, unetechnique en fonction, un exposé ou le comportementd'un Maître, relève de l'arrogance la plus stupide .Vouloir comprendre est le symptôme flagrantd'une autre maladie : la confusion .L'homme et la femme devraient d'abord se demanders'ils possèdent en eux les points de référencenécessaires et l'expérience leur permettant de com-125prendre, c'est-à-dire d'établir un pont entre ces mêmesréférences et la situation observée .Ce qui n'est pas le cas : ils n'ont, au mieux, quedes informations théoriques issues de lectures et deouï-dire.Il leur manque l'actualisation, l'expérience et legoût, qui vont beaucoup plus loin que la sacro-saintecompréhension intellectuelle exigée dans l'immédiat .Le désir avide de comprendre, qu'il soit intellectuelou émotionnel est, pour l'homme et la femme, leplus grand et le plus grave obstacle sur la Voie .La compréhension est un muscle.Et un muscle se développe grâce à l'action, lesmouvements et les exercices .Un muscle inerte représente seulement la possibilitéd'une fonction.Un muscle en action révèle la fonction.1 26Cela demande de la persévérance dans l'effort, del'observation et de la patience dans le chemin de l'expérience.Ce désir de comprendre ressenti par l'hommeordinaire ne démontre que l'aveuglement et la débilitéde son appareil rationnel, puisqu'il ne l'informe pas del'insuffisance de ses moyens : moyens rudimentaires,composés de désirs confus, de curiosité et d'arrogance.Il est évident que, muni de ces pauvres éléments,sa tentative de s'aventurer dans le domaine de laConnaissance ou de la compréhension est vouée àl'échec.

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L'homme ne fera, au pire, qu'accroître sa propreconfusion et la fragmentation de l'information, ainsique le souligne le Maître soufi Ali Ramitami« L'académicien, le scolastique, le théoricien nefont que fragmenter l'information .Le Maître enseigne dans l'Unité » . (53).Dans le Travail soufi, l'humilité n'est pas une vertude sainteté, mais un degré de Connaissance . Ellen'ajoute aucune valeur sanctifiante ou morale à celuiqui en fait preuve.127La compréhension est un état de constante évolution: le résultat de ce que l'on sait après être passé parl'épreuve de l'expérience . Celle-ci sert de correctif à lacompréhension initiale, la restructure, la reformule .Cela nous mène à la MÉMOIRE RÉELLE, oumémoire profonde, à l'opposé des jongleries artificiellesd'un intellect coupé de l'existence par cette MANIEDE PENSER, ce vice si ancré et adulé dans notresociété, et qui se substitue au RÉEL.Car la véritable pensée est action.Et la mémoire, réelle présence .Ce n'est pas parce que l'on pense que l'on est .C'EST PARCE QUE L'ON EST QU'ON N'APAS BESOIN DE LE PENSER.1 2 8Tel est le Travail effectué dans une École sous ladirection d'un Maître : initier le disciple à la connaissancedes organes, fonctions et facultés existant dansl'homme, mais qu'il faut RÉVÉLER à l'aide de techniquesprécises et de moyens corrects .Le Maître est la situation de Travail, en concordanceavec le moment terrestre, qui est lui-même enaccord avec la nécessité de l'Univers, le développementde l'homme ne constituant qu'une partie dutout.Les possibilités de l'être humain sont immenses,mais demeurent un rêve inassouvi et romantique entreles mains de somnambules intellectuels ou émotifs .L'évolution est un droit inscrit dans la biologie de

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tout homme et de toute femme, comme de tout organismevivant, chacun selon sa fonction . Elle est liée àleurs véritables nature et réalité, en harmonie avecl'évolution de l'Univers .A ce niveau, ce n'est plus seulement un droit,mais une exigence prioritaire .En accord avec cette nécessité, le soufisme et lesTarikas (Écoles de Travail) ne peuvent être figés, fossilisésdans le temps, ni cloîtrés dans des recoins inaccessiblesde la Planète .1 2 9Ces Centres existent, mais jamais coupés de lavie. Ils demeurent toujours contemporains aux nécessitésplanétaires et humaines.1 30« L'homme ne doit pas se contenterd'un Dieu, produit de sa pensée ; quand lapensée disparaît, Dieu disparaît également .Bien mieux ! Ce qu'il faut avoir, c'estun Dieu en substance, qui soit au-dessus dela pensée de l'homme et de toutes les créatures» . (Maître Eckhart) (48) .« . . . Avec cette Sagesse, l'âme seconnaît elle-même et elle connaît touteschoses » . (Maître Eckhart) (50) .« Je l'ai déjà dit : il est dans l'âme unepuissance qui n'est ni liée au temps, ni à lachair, qui émane de l'esprit, reste dans l'espritet est absolument spirituelle. Dans cettepuissance, Dieu se trouve totalement ; il yfleurit et verdoie dans toute la joie et toutl'honneur qu'il porte en lui-même .Cette joie est si profonde, d'unegrandeur si inconcevable, que nul ne sauraitl'exprimer pleinement avec des mots ».(Maître Eckhart) (51) .1 3 1

« J'ai demandé : Qui est le Guide pourme conduire vers l'Ami?»Il répondit : « C'est à toi de faire le premier,

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et c'est à nous de te conduire » .(Rumi) (54).135Le travailLes Maîtres possèdent le savoir et ladynamique permettant le développementconscient dans cette Voie .Ils savent choisir, sélectionner les impacts,les mettre en action dans le contextedu Travail avec un groupe humain, ou individuellementavec leurs disciples .Ils déterminent la fréquence, la duréede ces impacts au cours d'exercices individuelsou collectifs : ils indiquent le lieu correct,l'heure correcte et la forme des réunions,danses et mouvements en rapportavec le Travail .Tout, dans l'École, obéit à la relationavec un diagramme, un plan que seul leMaître connaît et fait fonctionner, d'où sanécessité .Il le transmet progressivement à traversla subtile relation qu'il a avec laconscience profonde du disciple, à mesureque celui-ci affine ses organes de perception,son obéissance, sa soumission et sadiscipline .Ceci requiert une haute technologiequi est contenue dans les exercices, mouvements,danses, auditions, etc . ..Le secret se protège lui-même de touterévélation prématurée, donc inutile .Les Maîtres considèrent le temps commeun véhicule, un champ d'occasionspour des opérations précises .La Voie et les Maîtres soufis ont laréputation, dans l'histoire de la Tradition,d'être inconfortables et rudes . Mais, répétons-le, il ne faut pas confondre un Maîtreavec un service public, soucieux de l'accueilet de l'approbation de ses auditeurs .La vie intérieure dans l'homme précèdela vie extérieure biologique .Comme l'intention précède l'acte .

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138Et la cause, l'effet.Quand le Créateur conçut l'arbre, ilavait déjà en vue le fruit, le premier n'étantque le moyen, et non l'inverse .Ainsi Dieu conçut-il d'abord l'hommeintérieur. Ce n'est qu'ensuite qu'il créa lephénomène à forme humaine, simple enveloppedu résultat prévu et désiré : la vie del'homme intérieur.L'HOMME NOUVEAU.Résultat d'un travail conscient, d'efforts,d'étude, d'expérience, de révélation,que l'homme ou la femme peut et doitaccomplir, dans l'ordre, le calme et la sérénité.Cela exige un Guide, un Maître quipuisse non seulement l'informer, mais aussil'aider, par sa connaissance, à opérer dansl'expérience, afin d'en retirer sa proprecompréhension, dans le respect des lois decette Science, et tout particulièrement de laloi fondamentale dans le chemin soufi : cet-1 39te loi de relation qui va du Maître au discipleet du disciple au Maître, du disciple àlui-même et de son propre coeur à Dieu.L'amour, la gratitude, la mémoire etl'évocation, toutes ces facultés se relient entreelles et comportent plusieurs degrés .C'est à l'homme de les découvrir et de lesexplorer, à travers la relation conscientequ'il entretient avec elles, dans sa vie intérieureet dans ce réceptacle qu'est sa vieorganique.La vie de l'esprit est régie par des loisaussi concrètes que celles qui régissent lasanté, la croissance et l'épanouissement ducorps.On est plus souvent malade de l'espritque du corps .La grande Nature, dans sa prévoyance,protège l'homme et veille sur sa santé, maisc'est à lui de veiller à connaître et à développerau maximum ses ' possibilités intérieures,qui ne sont que des possibilités.

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Tel est le travail de l'artisan, c'est unTravail dans le faire et l'expérience, et nondans la théorie !Comme dans tout artisanat, cela demandeune initiation, un apprentissage et,en premier lieu, quelqu'un pour enseigner àapprendre, à travers une relation claire etsimple où la gratitude, le respect, la disciplinene sont pas de vains mots, mais l'expressiond'une décision consciente, appuyéesur un vouloir qui va au-delà, bienau-delà des désirs.14 1. «Ils disaient aussi : cherche dans lajoie, car nous sommes les habitants du paysde la joie ». (Rumi) (56).« En vérité, nous sommes une seuleâme, moi et toi.Nous apparaissons et nous nous cachonstoi dans moi, moi dans toi,Voilà le sens profond de mon rapportavec toi.Car il n'existe entre toi et moi, ni toi nimoi.Nous sommes le miroir et le visage à lafois,Nous sommes ivres de la coupe éternelle,Nous sommes le baume et la guérison,Nous sommes l eau de Jouvence et celuiqui la verse » . (Rumi) (57).1 4 3

La relation« Nous avons dit ceci : Réfléchis sans cesse, maissi la réflexion est glacée, va et pratique le ZhikrLa réflexion met en branle le Zhikr ; fais decelui-ci le soleil qui revivifiera cet homme glacé»(Rumi) (58).LA VIE EST RELATION .C'est le principe à partir duquel s'organise touteexistence . Depuis les micro-organismes jusqu'aux immensesensembles de planètes et de galaxies, tout dansl'Univers n'est qu'un gigantesque champ de relationset d'échanges .

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La loi de relation constitue le dénominateur communà tous les échelons . C'est à travers cette loi subtile147que l'infiniment petit et l'infiniment grand ne sontqu'une seule Unité.La loi de relation .La loi de relation soutient l'édifice de l'existence,tant sur le plan du phénomène matériel que dans celuidu noumène .Loi fondamentale en l'absence de laquelle la vierentre dans un mouvement involutif.La vie de l'homme comme la vie de toute chosedépend de l'ensemble gigantesque de phénomènes enperpétuel état de changement, de circulation etd'échanges, tous soumis à cette loi de relation .Tout ce que nous éprouvons, sentons, recevonssur le plan physique, se répercute à l'intérieur de notrevie. Ce phénomène est soumis à cette loi de relationqui constitue la courroie invisible mais néanmoinsréelle, qui va du monde matériel au monde spirituel .Elle rend possible l'évolution vers la CONSCIENCE,et son développement .L'homme contient dans sa vie temporelle le« possible » parce que, sorti du néant de l'ignorance, ilpeut trouver en lui la relation avec lui-même, et à partirde là, sa propre croissance .Le code est toujours le même : relation sans laquellele possible se cache dans son éphémère temporalitéet demeure néant .Dans la vie phénoménologique, chaque chose sedifférencie par sa coloration et apporte cette nécessitéde relation qui peut être comprise comme la mémoired'une Unité apparemment fragmentée par la multiplicitéde ses aspects .On pourrait dire que la loi de relation contient enelle-même la mémoire de l'ici et maintenant .Elle abolit la séparation et le temps.La séparation n'existe que dans l'ignorance etl'oubli de cette loi .La relation est la racine de toute mémoire .La vie n'est que mémoire . L'oubli, la cessation dela vie .1 4 9

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L'apparente impression de séparation et d'altéritén'est due qu'à une erreur du regard, incapable de relierles dimensions extrêmes .La relation est la loi fondamentale en dehors delaquelle aucune vie n'est concevable, ni dans le domainede la matière, ni dans celui de l'esprit .En effet, c'est aussi en obéissant à cette loi de relationque vivent et se développent la vie intérieure etson organisme subtil .L'ignorance de cette loi est la cause essentielle deséchecs subis par le chercheur, malgré ses bonnes intentionset sa persévérance .La vie intérieure dépend d'un vaste ensemble dephénomènes en perpétuel état de transformation, dechangement et de circulation .Tout ce que nous émettons et percevons duchamp extérieur, aussi bien qu'intérieur, OBÉIT à cetteloi de relation .On sait que la vie des organismes vivants, qu'ilssoient animaux ou végétaux, est soumise à des cyclesbiologiques fragiles. C'est ainsi, par exemple, que la loides échanges respiratoires entre la plante, l'homme et1 50l'animal, est absolument capitale pour ces trois formesd'organismes . Ni les uns ni les autres ne peuventoublier cette relation qui est inscrite dans leur mémoirecellulaire.En cas de défaillance de cette mémoire, leur vies'arrêterait . Aussi, l'obéissance à cette loi de relationleur est obligatoire, car indispensable à leur survie .« Tu es pur néant, et ce qui est néant ne peut) êtremis en relation avec aucune chose »,écrit le Maître Awhad al-din Balyani dans son« Épître sur l'Unicité Absolue » (59), citant le ProphèteMahomet - que la Grâce et la Paix soient sur lui.Et, plus loinConnais-toi toi-même et tu connaîtras ton Seigneur».1 5 1Dans la première proposition, le Maître Awhadal-din Balyani nous signale que le possible contenudans l'être devient impossible par l'absence de relation

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qu'a la créature vis-à-vis de l'être .Dans la seconde proposition : « connais-toi toimêmeet tu connaîtras ton Seigneur », il indique clairementque l'impossible devient possible par la relationet l'obéissance que doit assumer la créature visà-vis de l'être .Car connaître implique relation dont l'obéissanceest la plus claire expression .« La vraie et parfaite obéissance est une vertusupérieure à toute les vertus ; nulle oeuvre si grandesoit-elle, ne peut se réaliser ni se faire sans cette vertu». (Maître Eckhart) (18) .Dans la voie soufie, l'obéissance et la soumissionne sont que le respect de cette même loi, fondamentaledans la situation de travail, et qui rend possible l'évolutionvers des états supérieurs de conscience .L'homme contient le Possible : sorti du néant,1 5 2guidé par les Maîtres, il peut trouver en lui cette relationavec lui-même et, à partir de là, être en relationavec toute chose, c'est-à-dire avec le réel .L'obéissance, loin d'être un état de servilité,constitue un haut degré de Connaissance, de compréhensionet d'être .La loi de relation, présente dans les mondes parallèles,est le contact indispensable à tout développementréel de l'individu .Mais dans la Voie, comme dans la vie, toute chosecomporte des degrés . C'est au disciple de les découvrir,de les explorer et de les développer.Pour cela, il faut passer du confort à l'effort oùtout acquis implique une nouvelle et plus grande exigencequi empêche tout arrêt et stagnation .LA COMPRÉHENSION DE CELA EST LEFRUIT DU RAPPORT ENTRE LE SAVOIR ETL'ÊTRE EN PERPÉTUELLE ÉVOLUTION.153L'AUGMENTATION DU SEUL SAVOIRN'AUGMENTE PAS LA COMPRÉHENSION .Parmi toutes les formulations présentes à l'intérieur

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de la loi de relation, il en est une qui les surpassetoutes : c'est la Prière .Véritable aboutissement de tout travail initiatique,elle contient la plus haute possibilité de relationde l'homme avec lui-même et, à partir de lui-même, lapossibilité du dépassement de sa dimension temporelle.La Prière, clef de l'Ouverture, a le pouvoir le plusvaste, le plus profond en même temps que le plus délicatà approcher, à travers ses différents stadesLa Prière de l'homme .La Prière dans l'homme.La Prière de l'intime.L'État de prière.154La Prière contenant le chemin, le pèlerin et lebut.C'est un chemin que l'être humain peut prendre,parcourir, connaître et reconnaître, en relation avec unMaître et guidé par lui .C'est cela « être en relation » .Qui est la dimension réelle de l'homme .L'esprit à la rencontre de l'âme, là où cessent touteséparation et toute dualité .La fin de la souffrance et le début de l'expressionvraie au sein de la vie de l'Unité .Ici, tout près, dans le coeur de l'homme !«Mon ciel et Ma terre ne peuvent Me contenir,mais le coeur de Mon serviteur croyant Me contient ».(Hadith de Mahomet) (60) .155telementde la nature de Dieu qu'elestune avecDieu et ne lui est pasimplementunie"(Maître Eckhart)(18)."L'oeil dans lequel je vois Dieu est lemême oeildans lequel Dieu me voit . Mon oeilet l'oeil deDieu sont un seul même oeil, une seuleet même vision, une seul et même connaissance, un seul et même amour"(Maître Eckhart) (19)"La prière la plus eficace, on pouraitdire la plus puisante pour acquérir touteschoses etqui est ausi l'oeuvre la plus dignede toutesest celle qui jaillit d'un coeur li- bre.

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Plus ce coeur est libre, plus la prièretl'oeuvre sontfortes, dignes, utiles, louables et parfaites .Le coeur libre peut tout ». (Maître Eck- hart)(21)1 5 7

La PrièreLa prière« Ton image est dans mon oeilTon Mémorial sur mes lèvresTa demeure en mon coeur,Mais où Te caches- Tu donc ? (Hallaj) (61)C'est en son coeur que l'être humain, guidé par leMaître, peut trouver le chemin l'amenant à la « porteétroite », toujours ouverte sur sa propre réalité, vers lagrandeur de son intériorité.Ce coeur devenu orphelin, par abandon et igno-Ce coeur où règnent conflits et souffrances inutiles,dans le choc des « sentiments » primitifs que sontl'égoïsme, l'amour-propre, la vanité, l'envie, la médisance...161Ce Centre, le Coeur, où l'Ego, tel un envahisseurbarbare, dicte ses lois étroites à l'homme et à la femme,qu'il maintient dans l'esclavage de la médiocritéet de l'inutile . Contradiction flagrante avec la plénitudeet la croissance manifestées dans la vie extérieureautant qu'intérieure de l'Univers .Ce coeur, palais de la prière, où le visible disparaîtpour réapparaître dans son immuable réalité première.Ce coeur, Demeure de l'intime, où l esprit leconduit aux portes du Soi, ce Soi signalé maintes foispar les Saints, les Prophètes et les Maîtres .Ce coeur, palais de l'intime, où l'esprit de la prièrerejoint sa bien-aimée, l'âme, en silence et hors duregard usurpateur, avide de preuves .La prière du coeur, lumière dans la substancehumaine, née dans le temps, et pourtant, l'ayant précédé.1 6 2« Désormais, il n'y a plus entre moi et Dieu d'explication

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intermédiaire, ni de démonstration, ni miraclespour me convaincre. Voici l'explicitation transfigurantdes feux divins flambant en moi, chatoyant commeune perle irrécusable.La preuve est à Lui, en Lui, de Lui, vers Lui, leTémoin même du Réel dans une révélation se formulant.La preuve est à Lui, de Lui, en Lui et pour Lui, en'vérité, c'est Lui que nous y avons trouvé, comme . unescience en sa démonstration. Qu'on ne déduise plus leCréateur de son ouvre créé . . . ». (Hallaj) (62)Hallaj, l'un des plus grands Maîtres de la mystiquesoufre nous signale, dans le coeur de l'homme, lepoint de départ de l'initié en même temps que le termede son voyage, la fin de son illusoire dualité, de lasouffrance et de sa quête, ainsi que la présence de laréponse cachée, enfouie dans la profondeur de cettequête : son être, sa réalité, subtilement fondus dansl'éphémère de la créature .163Tous les Maîtres du passé, en Orient comme enOccident, n'ont cessé, à travers leurs écrits et traditionsorales, d'indiquer le cour et les moyens de l'atteindrele Zhikr et la prière du cour.Véritable instrument de pénétration et d'approche,à l'intérieur du coeur, la technique du Zhikr meten fonction la respiration et l'évocation . Elle permet àl'homme d'harmoniser sa volonté et son désir avec sanécessité.Le Zhikr, chemin vers la prière du coeur, et cellecidans l'intimité de l'âme, loin, très loin, au-delà delaprière des lèvres .« En Toi, il y a une idée qui attire à Toi les âmes,et un argument qui Te prouve Toi-même . Moi, j'ai uncour, qui a des yeux grand ouverts sur Toi, et tout celaest dans Ta main » . (Hallaj) (63).1 6 4Dans le soufisme, l'expérience est la trame surlaquelle se forge l'homme nouveau.Et cet homme nouveau est le résultat d'un Travaildans lequel l'expérience du Zhikr est centrale .Tout l'héritage oral et écrit laissé par les Maîtresdu Christianisme ésotérique démontre aussi la présencede cette technique, dite méthode Hésychaste (oraison

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du secret ou oraison du repos) (64).On en retrouve des traces en Orient, dans le Raja-Yoga Brahmanique et dans les traités de BouddhismeZen. (65).Ces écrits laissent entrevoir la présence de techniquesderrière les exposés .Que ce soit dans les exercices individuels ou collectifs,l'invocation de celui qui prie s'incarne par larégulation de sa respiration .C'est ce que le soufisme appelle le Zhikr, piliercentral du Travail dans les Écoles . Le Maître en indiquela forme, la durée, l'intensité ainsi que le choix dela formule récitée, graduée selon l'expérience et le progrèsdu disciple .165L'imam Al Ghazzali dit« Le Zhikr, en sa réalité, c'est la progression del'emprise du Mentionné sur le coeur, tandis que leZhikr lui-même s'efface et disparaît » . (66)Le Zhikr est un élément de la science par laquellele Maître initie le disciple et l'accompagne dans laVoie profonde et délicate menant au palais, au châteausecret où règne la prière du coeur.La prière du coeur, sommet de l'art initiatique et .royaume de l'alchimie humaine véritable .Ici, dans le coeur de celui qui entre dans la sphèrede Dieu .« Ton coeur contient au-dedans des noms Tiens,que ni la lumière ni les ténèbres ne connaissent guère .La lumière de Ton visage reste un mystère quand onl'aperçoit ; là est la générosité, la miséricorde et lanoblesse. Ecoute donc mon récit, Bien-Aimé, puisqueni la Tablette ni le Calame ne le sauraient comprendre» . (Hallaj) (67) .166Je remercie Bruno, France Ansa, Melly, Odile, Josette,Annie , Bernard et Blanche, Patrice, Jean-Claude, Dany, Jean, Jacques, Alfredo O . et tousceux qui ont collaboré à cet ouvrage .1 68Bibliographie(1) El Sagrado Coran, Traduction de Rafael Castellanos

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et Ahmed Abbou, Éd . Arabigo, Argentine,1964.(2) Djami : « Le Béharistan », Traduction de H . Massé,Éd. Paul Geuthner, Paris, 1925, page 58 .(3) Eva de Vitray Meyerovitch : « Mystique et poésieen Islam », Desclée de Brouwer, 1972, page 277 .(4) Ibid. page 110.(5) Ibid. page 175 .(6) Ibid. page 244 .(7) Michel Random : « Mawlana Djalâl-ud-dînRûmî, le Soufisme et la danse », Sud Ed . 1983 .(8) Idries Shah : « El camino del Sufi », Éd . Paidos,Buenos Aires, 1974, page 29 .(9) Mevlana Djelâl-eddîn-i-roumi : « Roubâ'yât »,Traduction de Assaf Hâlat Tchelebi, Éd. Adrien-Maisonneuve, Paris, 1950, verset 37, page 29 .(10) « Les Saints des Derviches Tourneurs », Traductionde Cl . Huart, Éd. Ernest Leroux, Paris, 1948,page 89 .(11) Ibid. page 160 .169(12) Ibid . page 212 .(13) Ibid. page 67.(14) Ibid. page 315 .(15) Ibid . page 141 .(16) « Roubâ'yât », verset 35, page 29 .(17) Idries Shah : « The book of the books », OctogonPress, London, 1969, page 9 .(18) Maître Eckhart : « Traités et sermons », Éd . AubierMontaigne, Paris, 1942, page 178 .(19) Ibid . page 179 .(20) Ibid . page 27.(21) Ibid . page 28 .(22) « Roubâ'yât », verset 142, page 51 .(23) Rumi : « Le Livre du Dedans », Traduction deEva de Vitray-Meyerovitch, Éd . Sindbad, Paris,1975, page 111 .(24) P . Dupré : « Encyclopédie des Citations », Ed . deTrévise, Paris, page 279 .(26) Ibn' Arabî : « Le Traité de l'Unité », Traductiond'Abdul-Hâdi, Éd . de l'Échelle, Paris, 1977, page

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25 .(27) « Mystique et poésie en Islam », page 127 .(28) « Les Saints des Derviches Tourneurs », page 67 .(29) « Le Traité de l'Unité », page 28 .(30) Ibid . page 35 .(31) « Le Soufisme et la danse », page 46 .(32) « El camino del Sufi », page 267 .(33) « Les Saints des Derviches Tourneurs », page122.1 70(34) Ibid . page 250 .(35) « Mystique et poésie en Islam », page 249 .(36) Ibid . page 272 .(37) Ibid . page 288 .(38) « Roubâ'yât », verset 60, page 34 .(39) « Mystique et poésie en Islam », page 256 .(40) Djami : « Le Béharistan », Traduction de H . Massé,Ed. Paul Geuthner, Paris, 1925, page 51 .(41) Ibid . page 51 .(42) Ibid . page 55 .(43) « Traités et Sermons », page 30 .(44) Ibid . page 30-31 .(45) Ibid. 31-32 .(46) Ibid . page 32 .(47) Sheikh Muslihuddin Saadi Shirazi : « Le Jardindes Roses » (Gulistan), Traduction de Omar AliShah, Éd . A. Michel, Paris, 1966 .(48) « Traités et Sermons », page 33 .(50) Ibid. page 122 .(51) Ibid . page 125 .(52) « Mystique et poésie en islam », page 104 .(53) « El camino del Sufi », page 147 .(54) « Le Livre du Dedans », page 288 .(56) « Mystique et poésie en Islam », page 77 .(57) « Le soufisme et la danse », page 130 .(58) « Les Saints des Derviches Tourneurs », page212.(59) Awhad al-din Balyani : « Épître sur l'Unicité Absolue», Éd . Les deux Océans, Paris, 1982, page52 .1 7 1(60) « Mystique et poésie en Islam », page 256 .(61) Husayn Mansûr Hallâj : « Dîwân », Traduction

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de Louis Massignon, Ed. du Seuil, 1981, page133.(62) Ibid . page 50.(63) Ibid . page 101 .(64) Petite Philocalie de la prière du coeur, traductionde Jean Gouillard, Éd . du Seuil, 1979 .(65) Pr. D .T. Suzuki : «Essai sur le BouddhismeZen », Traduction de René Daumal, Éd . Adrien-Maisonneuve, Paris, 1944 .(66) G.C. Anawati et Louis Gardet : « Mystique musulmane», Éd . J. Vrin, Paris, 1961 .(67) « Dîwân », page 112 .à paraîtredans la même collection S .O .U.F.I .« LES ROUBAIYYAT »DE OMAR KHAYAAMSommaireINTRODUCTION PAGE 13L'EXPÉRIENCE PAGE 23LES ÉCOLES PAGE 31L'HOMME PAGE 41LES MAÎTRES PAGE 65LE « POSSIBLE » PAGE 99LA TRADITION PAGE 105NÉCESSITÉ - DÉSIR PAGE 115COMPRENDRE PAGE 123LE TRAVAIL PAGE 133LA RELATION PAGE 145LA PRIÈRE PAGE 159BIBLIOGRAPHIE PAGE 1691 7 3Imprimé en mars 1984.sur les presses de l'imprimerie Publiphotoffset75011 PARISISBN : 2-903-403-11-2Dépôt légal : le" trimestre 1984Copyright © 1984 Dervish International FranceLe Soufisme,Tel un parfum, telle unesaveur,se situe dans une intérioritési intime dans la sphère del'êtrequ'il passe très souvent

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inaperçupour le regard habitué à lapreuve.Ni Doctrine,ni Philosophie,ni Religion,MAIS CONNAISSANCE,EXPÉRIENCE ET VIE .Guidé par des principesévolutifs, l'Homme estentraîné dans une spiraleascendante où il peut trouverla réalité de sa propregrandeur.Boîte Postale 170 75 564PARIS - CEDEX 12Le Mal et le Bien se disputent la possession du CoeurLa Tristesse et la Joie sont le lot prédestine de l'HommeNe vis pas dans la terreur des Planètes,Les Planètes sont mille fois plus impuissantes que nous.