l i g n e s e t c o u l e u r s d u M a ro c

livret Jeunes

exposition

Carte postale Manguin avec croquis. Archives J.-P. Manguin (recto-verso)

en couverture :

Projet pour La Piscine 1952gouaches dcoupes, 230,1 x 847,8 cm et 230,1 x 796,1 cmNew York, The Museum of Modern Art.

1er mars 1912

Je suis Tanger depuis un mois. Aprs avoir vu pleuvoir15 jours et 15 nuits... le beau temps est venu... Ce que j'ai vu du Maroc m'a fait penser la Normandiecomme ardeur de vgtation, mais combien plus vari,plus dcoratif...

... comme c'est neuf aussi et comme c'est difficile faireavec du bleu, du rouge, du jaune et du vert...

Vue sur la baie de TangerTanger, printemps 1912. 46 x 56 cm. Grenoble, muse de Grenoble.

Henri Matisse et Amlie dans leur chambrede l'Htel Villa de France Tanger.Photographie, archives Camoin.

Matisse au Maroc

Le 27 janvier 1912, Matisse s'embarque Marseille en direc-tion de Tanger. Il va y rester deux mois et demi. cettepoque, il est dj un des personnages majeurs de l'art d'avant-garde en Europe. Pourtant, il ne cesse de douter de lui-mmeet a besoin de se mettre l'cart, loin de Paris. Il part auMaroc, o il espre trouver une lumire nouvelle et des tmoi-gnages de la culture islamique, qu'il admire. son arrive, le mauvais temps le contraint peindre de sachambre d'htel, d'o il a une vue sur Tanger. Lorsqu'il peutenfin travailler dehors, il peint un ensemble de paysages dansle jardin luxuriant de la villa Brooks. En mme temps, il sesent comme paralys par l'motion qu'il y ressent : il traversealors une crise majeure, dont il va ressortir plus fort, en parvenant mieux matriser ses motions pour les utiliserdans sa peinture. Quand il revient Paris, Matisse n'a qu'une ide : aller de nou-veau au Maroc pour y poursuivre son travail. Il repart doncaprs l't, le 8 octobre 1912, et reste Tanger jusqu'au moisde fvrier 1913. Ce second sjour est un moment de plein pa-nouissement : il se sent en harmonie avec lui-mme et avec lepays ; il ralise une srie de grandes toiles ambitieuses, notam-ment des portraits, o toute la puissance intrieure de sa pein-ture se concentre, sans cder au pittoresque que cultivaient l'poque la plupart des peintres orientalistes.

Carte postale de Tanger. Les Deux Portes.Paris, Archives Henri Matisse.

Fentre ouverte sur TangerTanger, automne 1912. 136,5 x 94,9 cm

collection particulire.

Le beau temps est venu, quelle lumire fondue...

Les voyages au Maroc... me permirent de retrouverun contact plus troit avec la nature.

Henri Matisse par lui-mme, 1912. 19,3 x 25,3 cm collection particulire.

Une cration spontane, comme une flamme dans un lan.

Mon esprit tait exalt par les arbres trs hautdans le ciel, la masse verte et somptueuse des acanthes et par l'espace lumineux qui runissait ces deux forces.

La PalmeTanger, parc de la villa Brooks, mars-avril 1912. 116 x 81 cm

Washington D.C., National Gallery of Art.

Extrait dune lettre de Henri Matisse Amlie avec dessins du caf marocain. 25 octobre 1912.Paris, Archives Henri Matisse.

Les figures marocaines

Au Maroc, Matisse a commenc par peindre des natures morteset des paysages. Ce n'est qu' la fin de son premier sjour qu'ila rencontr Zorah, une jeune Marocaine qui a accept de luiservir de modle. Il a ralis plusieurs grands portraits o lajeune fille est transforme en une figure la fois simple etmajestueuse, qui rappelle parfois les saintes des icnes russes,que Matisse admirait profondment. Zorah apparat presque enlvitation sur un tapis bleu, le visage entour d'une lgre aurade blanc, au centre du "triptyque marocain".Une autre figure importante de ce second sjour est celle d'unhabitant des montagnes du Rif, peut-tre rencontr dans un deces petits cafs de Tanger qu'il aimait par-dessus tout cause de leur atmosphre sereine et de leur harmonie simple. Il a d'a-bord fait du Rifain un grand nombre de portraits dessins,comme s'il voulait apprendre le connatre par les yeux et parla main. Puis il a peint deux grandes toiles o il a cherch rendre avec la couleur la sensation de calme et d'autorit quilui semblait maner de cet homme.

Soldat marocain et Amido, 1913. 25,6 x 19,1 cmPhiladelphie, Frances and Michael Baylson Collection.

... un petit caf arabe o je vais quelquefois la fin de la journe, vers cinq heures, prendre le caf. C'est un caf srieux o vont les gens graves.

... des Arabes buvant et jouant aux cartes vers la fin du jour... Les autres causent doucement ou mme ne disent rien, ils rvent...

Lettre de Henri Matisse Ivan Morosov avec croquis du Triptyque marocain. Tanger, 19 avril 1913Moscou, muse Pouchkine.

Le Rifain deboutTanger, fin 1912. 145 x 96,5 cm

Saint-Ptersbourg, muse de l'Ermitage.

... Zorah, dans une robe de soie bleue orne delarges croisillons d'or, sa droite un aquarium en boule o nagent quelques poissons rouges et sa gauche des sandales jaunes citrons dessin bleu. Le tout dans l'ombre lumineuse exaltant les couleurs. Seuls le ciel et un coin de mur de la terrasse sont touchs par le soleil.

Marocain du Rif, magnifique homme avec des yeux un peu sauvages... fait penser un flin.

de gauche droite :

Paysage vu de la fentre1912-1913. 115 x 80 cmMoscou, muse Pouchkine.

Sur la terrasse1912-1913. 115 x 100 cmMoscou, muse Pouchkine.

La Porte de la Casbah1912-1913. 116 x 80 cmMoscou, muse Pouchkine.

Matisse et lOrient

Lorsque Matisse est parti au Maroc, en 1912, il tait dj pro-fondment attir par l'art islamique. Il l'avait d'abord dcouvert Paris, dans les muses et chez les collectionneurs. Puis il taitall en Allemagne, Munich, en octobre 1910, pour voir uneexceptionnelle exposition consacre aux civilisations de l'Islam.Cette visite a constitu pour lui un choc dont il s'est souvenutoute sa vie : les tapis et les cramiques, en particulier, lui sontapparus comme des chefs-d'uvre l'gal des plus grandespeintures europennes ; et, en mme temps, il voyait qu'il s'a-gissait d'objets dcoratifs, permettant d'unir troitement l'art la vie courante. C'est cela que Matisse a cherch et admir dans "l'Orient",comme on disait l'poque pour dsigner aussi bien l'art isla-mique que les arts byzantin, chinois, japonais, etc. Grce cette"rvlation", il a eu la certitude que la peinture n'avait pas pourbut de copier le monde extrieur, mais qu'elle devait utiliser tousles moyens possibles pour illuminer l'espace autour d'elle,comme le fait un tapis ou un mur de cramique.Entre 1920 et 1930, Matisse a toutefois opr un retour enarrire ; il est revenu une forme de peinture plus traditionnelle. cette poque, ses "Odalisques", entoures d'accessoires de l'artoriental, le ramnent la peinture orientaliste, marque par uncertain got pour la rverie exotique.

Autoportrait, 1916.21 x 13,5 cm

collection particulire.

Matisse dans son atelier dessinant une odalisque, 1928Photographie. Le Cateau-Cambrsis, muse Matisse.

Odalisque debout au brasero1929. 90 x 63 cm

collection particulire.

Brasro venant de latelier de Matisse

Atelier de Matisse au Moucharabieh. Photographie de Hlne Adant.

Odalisque au fauteuil turc1927-1928. 60 x 73 cm

Paris, muse national d'Art moderne.

... quant aux odalisques, je les ai vues au Maroc et je fus ainsi en situationde les mettre dans mes toiles sans faux-semblant mon retour en France.

Les gouaches dcoupes

partir de la fin des annes 1940, Matisse abandonnepresque compltement la peinture. Son principal mode d'expression est alors constitu par la techniquedes gouaches dcoupes : il prend de grandes feuilles de papier pralablement recouvertes d'une couche degouache et, avec sa paire de ciseaux, il taille directementdans la couleur ; il dcoupe ainsi des formes qu'il accro-che au mur pour construire avec elles des compositionsdcoratives. Il emploie cette technique pour concevoir les vitraux dela chapelle de Vence, prs de Nice. Entre 1948 et 1951,il ralise toute la dcoration de cette "petite chapelle decampagne" dont il voulait faire un "bijou", disait-il. Et il ajoutait, propos des vitraux : "les formes vertes ontautant d'importance, portent autant que les bleues : a,c'est l'art oriental, ce n'est pas les objets avec un fond". Par leurs formes simples et leurs couleurs clatantes, lesgouaches dcoupes rappellent notamment les grandsmurs de cramiques dcoratives islamiques. Comme eux,elles diffusent autour d'elles un intense effet lumineux ;elles organisent l'espace en lui donnant un rythme, unenergie intrieure.

La Chevelure, 1952 gouache dcoupe, 108 x 80 cmcollection particulire.

Vitrail bleu ple1949. Gouaches dcoupes, 509,8 x 252,3 cm

Paris, muse national d'Art moderne.Don Mme Jean Matisse et Mr Gerard Matisse. 1952.

Dans la chapelle de Vence... j'ai tent de raliser cet quilibrede force, les bleus, les verts, les jaunes des vitraux composent l'intrieur une lumire... cette couleur-lumire.

Carte postale d'Henri Matisse avec croquis des "voiles" dans la baie de Tanger, 31 janvier 1912. 9,2 x 14 cmParis, Archives Henri Matisse.

Les couleurs, les lignes sont des forces,et dans le jeu de ces forces, dans leurquilibre, rside le secret de la cration.

Les Voiles1947. Gouache dcoupe, 72 x 60 cm

collection particulire.

"Formes" dans Jazz (planche IX). Gouache dcoupe, 44,3 x 67,1 cmParis, muse national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou.

La Vague, 1952. Gouache dcoupe, 51,5 x 160 cm. Nice, muse Matisse.

Conception Anita Dolfus

Maquette Tatiana Zvereva

Impression Iro-La Rochelle

Remerciements Wanda de Gubriant,Rmi Labrusse et Eric Delpont

Les textes extraits de la correspondance de Matissesont rfrencs dans le catalogue Le Maroc deMatisse, codition : IMA-Gallimard, octobre 1999,avec l'autorisation des Archives Matisse, Paris.

Collection dirige par Ouardia Oussedik 1999, Institut du monde arabe. Paris Succession Henri Matisse

Crdits photographiques

Succession Henri MatisseArchives Henri Matisse, Paris, D.R. : Photo Matisse et Amlie, carte postale Les deux Portes, Henri Matisse par lui-mme, extrait d'une lettre de Henri Matisse Amlie, Le Rifain debout, Autoportrait, La Chevelure, Carte posta-le de H. Matisse avec croquis des "voiles", Les Voiles, Atelier de Matisse au Moucharabieh (photo Hlne Adant).

La Piscine : 1999 The Museum of Modern Art, New York. Vue sur la baie de Tanger : Muse de Grenoble. Fentreouverte sur Tanger : D.R. La Palme : Board of Trustees, National Gallery of Act, Washington. Soldat marocain etAmido : Courtesy of Sotheby's, New York. Lettre d'Henri Matisse Ivan Morosov : muse Pouchkine, Moscou.Triptyque marocain : muse Pouchkine, Moscou. Photo de Matisse dans son atelier : Photothque du museMatisse, Le Cateau-Cambrsis. Photo du brasro : Ville de Nice, Service photographique. Odalisque debout aubrasero : Christopher Burke, New York. Odalisque au fauteuil turc : Photothque des Muses de la Ville de Paris,photo P. Pierrain. Photo de Matisse dcoupant : D.R. Vitrail bleu ple et Formes : Clich Photothque des collec-tions du Centre Georges Pompidou/Muse national d'Art moderne de la Ville, Paris.

Dpt lgal : octobre 1999 - ISBN.2-84306-059-1

Ce livret est publi en liaison avec lexposition Le Maroc de Matisse prsente lIMA du 19 octobre 1999 au 30 janvier 2000 pour Le Temps du Maroc. Exploit galement dans le cadre de latelier propos au jeune public, il contient des pages vierges invitant des activits autour des croquis et des gouaches dcoupes.

Actions ducatives 1, rue des Fosss Saint Bernard - 75236 Paris Cdex 05

Prix : 30 F