medievales - num 26 - printemps 1994
TRANSCRIPT
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 1/164
rXTp
langue
VĚ
JL/
I 11
X
Ř
,
à
'"'"
histoire
«
VALES
JL/
X
Ř à
histoire
I
.ÇA
L/
X
Ř à
histoire
.ÇA
N° 26
-
PRINTEMPS
1994
A
SAVOIRS
^fk
^
D'ANCIENS
f
duCentre
evue
Nationalubliéedes
vec
Lettres
econcours
etduC.N.R.S.
^t/ )
I l/duCentre ationalesLettrestduC.N.R.S.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 2/164
MÉDIÉVALES
Langue TextesHistoireNUMÉROS PARUS
1 Mass-media
t
Moyen
Age.
1982).
Épuisé
2 Gautierde
Coinci
le
textedu Miracle.
1982).
Épuisé
3
Trajectoire
du sens.
1983)
4
Ordres
t
désordres. tudes
édiées
Jacques
e
Goff
1983).
Épuisé
5
Nourritures.
1983).
Épuisé^
6 Au paysd'Arthur.1984). Épuisé
7
Moyen
Age,
mode
d'emploi.
1984).
Épuisé
8
Le
souci
du
corps.
1985).
Épuisé
9
Langues.
1985).
Épuisé
10
Moyen Age
et histoire
politique.
Mots,
modes,
symboles,
truc-
tures.
Avant-propos
e
Georges
Duby.
1986).
Épuisé
11 A
l'école de
la lettre.
1986)
12
Tous les chemins
mènent à
Byzance.
Études dédiées à Michel
Mollat.
1987)
13
Apprendre
e
Moyen
Age aujourd'hui.
Épuisé
14 La
culture
ur le
marché.
1988)
15 Le premierMoyenAge. (1988)
16/17
Plantes,
mets t mots
dialogues
vec A.
G.
Haudricourt.
1989)
18
Espaces
du
Moyen
Age.
(1990)
19
Liens
de famille.Vivre et choisir a
parenté.
1990)
20
Sagas
et
chroniques
u Nord.
1991)
21 L'an mil
rythmes
t acteursd'une croissance.
1991)
22/23
Pour
l'image.
1992)
24 La
renommée.
1993)
25 La voix et l'écriture.
1993)
©
PUV, Saint-Denis,
1994
Couverture : dessin de Michel Pastoureau
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 3/164
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 4/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 5/164
SOMMAIRE
N°
26
PRINTEMPS 1994
SAVOIRS
D'ANCIENS
La
destinée médiévale des
textes
scientifiques
latins de
l'Antiquité
Vestiges
romains dans la
science médiévale
Danielle
JACQUART
5
Cuisiner à
l'Antique Apicius
au
Moyen
Âge
Bruno LAURIOUX 17
Virgile
e
magicien
et l'Énéide des Chartrains
Francine
MORA
39
Agronomie
antique
et élaboration médiévale
De Palladius aux
Préceptes
cisterciens
'économie rurale
Jean-Louis
GAULIN
59
ESSAIS
ET
RECHERCHES
« Che manza fichi,semina rogna» :
problèmes
d'identification 'une dermatose
u
Moyen
Âge
Marilyn
NICOUD
85
Du château-fort
la
forteresse
une
brève histoire
de l'architecture
militaire
talienne
du XIe
au
XVIe
iècle
Riccardo LUISI
103
La subversion nvisible la
disparition
de l'oblation irrévocabledes enfantsdans le droit canon
Nora
BEREND
123
Abstracts 137
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 6/164
4 SOMMAIRE
Notes
de lecture
141
Peter
Dinzelbacher,
Sachwörterbuch er Mediävistik
(G.
Bührer-Thierry)
;
Marie-
Anne Polo
de
Beau-
lieu
éd.,
La Scala
Coei de
Jean
Gobi
(C.
Caz
alé)
;
Alain
Boureau,
L'événement ans
fin
Récit et chris-
tianisme u
Moyen Âge
(M.
-A.
Polo de
Beaulieu)
;
Sophie
Cassagnes-Brouquet,
Les
couleurs
de
la
norme et de la déviance Les
fresques d'Ambrogio
Lorenzetti
u
Palazzo
Pubblico
de Sienne
O.
Redon)
;
Anne D. Hedeman, TheRoyal Image Illustrationsf
the
«
Grandes
Chroniques
de
France
»
(1274-1422)
(B. Buettner)
;
Anne
Terroine,
Un
bourgeoispari-
sien du
xme
siècle
:
Geoffroy
de
Saint-Laurent
(M. Bourin)
;
Pierre Lieut
aghi,
Jardin des
savoirs,
jardin
d'histoire
L. Moulinier).
Livres
reçus
150
Index
des
nos
0 à 25
-
1990
à 1993
153
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 7/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 8/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 9/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 10/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 11/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 12/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
5-16
Danielle
JACQUART
VESTIGES ROMAINS
DANS LA SCIENCE MÉDIÉVALE
Dans
le domaine des sciences
et
des
techniques,
es
«
redécou-
vertes
des
humanistes e
revêtirent
as
exactement
e
même
carac-
tère
que
dans
celui des belles-lettres.
l
faut
d emblée établirune
dis-
tinction
ntre
Antiquité recque
et
Antiquité
atine.
En
effet e
Moyen
Âge
se
nourrit
de science
grecque
-
d Aristote,
de
Ptolémée,
de
Galien, etc. -, mêmesi, dans certains as, il y accéda plutôtà tra-
vers des
versions
faites ur l arabe.
L apport
des humanistes onsista
donc,
en ces
domaines,
non
pas
à fairedécouvrir ensemble
un
héri-
tage,
mais
soit à
le
compléter d ailleurs modestement),
oit
à éditer
les textes
n leur
langue originelle,
oit,
plus
largement,
livrerdes
traductions
onsidérées omme
plus
fidèles
du
point
de vue de
la
phi-
lologie
et écrites
n un latin
plus
proche
de celui de
Cicéron
que
de
celui de
Thomas
d Aquin.
Le cas
des textes
qui
avaient été
composés
en latin
dans
l Anti-
quité pose
un
tout autre
type
de
problèmes malgré
eur
plus grande
accessibilité
pparente,puisqu ils
ne
nécessitaient
as
d être
traduits,
ils furent ortpeu utilisés u Moyen Âge, ou, du moins,de manière
inégale.
Leur fortunemédiévale
ne se différencie
uère
de
celle
des
ouvrages
littéraires1. ertains
d entre
eux,
comme les livres non
médicaux
de
l encyclopédie
e
Celse
ou la
majeure
partie
de l œuvre
de
Varron,
furent
erdus,
semble-t-il
jamais
;
d autres furent
ré-
servés
n si
petit
nombre
que
le zèle des
imprimeurs
e
la
Renaisance
leur fut fatal.
Ainsi,
les traitésde Caelius Aurelianus
Des maladies
1. Sur a survivance
t a
préservation
es
lassiques
atinsu
Moyen
ge,
oir
L.D. Reynolds
t
N.G.
Wilson,
Homère ÉrasmeLa transmissiones
lassiques
grecst atinsnouvelleditionevue taugmentée,raduitearC. Bertrandtmiseà
jourpar
P.
Petitmengin,
aris, 984 B. Münk lsen, La
popularité
es extes
classiques
atins
ntree
IXe
t e
xne
iècle
,
Revue histoirees
extes
t.
XIV-XV,
1984-1985,
p.
169-181
id.,
L étude
es
uteurs
lassiques
atins ux
xi<
t
xw
iè-
cles,
Catalogue
esmanuscrits
lassiques
atins
opiés
u Xe u xw
iècle3
tomes,
Paris,
982-1989.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 13/164
6 DANIELLE
JACQUART
aiguës
et Des maladies
chroniques
ont
désormais
pour
seul témoin
complet
édition
princeps
de
1533.
Si,
dans la
majorité
des
cas,
le
Moyen
Âge
joua
son
rôle
de
con-
servateur e la
prose
romaine,
l
n en tira
ui-même
u un profit
imité
ou
sélectif.
La
rareté
et
l isolementdes
manuscrits u sein de
quel-
que bibliothèquemonastique
ne
suffisent
as
à
expliquer
ette
désaf-
fection.Les lettrés e
la
période
médiévale
urent,
omme es huma-
nistesdes
XVe
t xvie
siècles,
partir
n
quête
de
manuscrits,
orsqu ils
en
éprouvaient
a nécessité.Dans la
seconde moitié du xiic
siècle,
la
double mise
en
latin de
Y
Almageste
de
Ptolémée
fut
aboutissement
d une tellequête : un traducteurnonyme que RichardLemay a
cru reconnaître
ous les traits e
l arabisant
Hermannde
Carinthie
trouva
l original
grec
en
Sicile et le
traduisit,
andis
que
Gérard de
Crémone se rendait
à
Tolède
pour y
chercher a
version arabe.
«
L amour de
Y
Almageste
que
lui
prêtèrent
es
disciples après
sa
mort
poussa
le
traducteur olédan à
consacrer
de
longues
années à
la
recherche e nouveaux
manuscrits rabes
pour
améliorer
a traduc-
tion2.
Ce
n est
qu un exemple
parmi beaucoup
d autres
les traducteurs
médiévauxfurent
es découvreurs e
manuscrits,
même
si leur
moti-
vation ne
coïncidait
pas
tout à fait
avec
celle
des
humanistes.Leur
curiosité tait essentiellement ordre scientifique, oireencyclopédi-
que (comme
dans le cas de Gérard
de
Crémone)
et ne
s alliait
guère
à une
ferveur
hilologique
ou à un
idéal de
retour
l antique.
Il
ne
s agissait
pas
vraiment e renouerun fil
cassé
depuis
longtemps
en
ce
sens,
le
Moyen
Âge
fut bien
une
rupture.
Les textes
découverts
étaient
destinés être mmédiatement
absorbés
»,
intégrés
ans un
système
e
pensée
et non
analysés
pour
eux-mêmes u
replacés
dans
une
perspective
istorique
dont nul
n avait
conscience.
Les
raisons d un oubli
Si la
quête
d œuvres oubliées ou
inconnues e
porta
intensément
vers les
bibliothèques
grecques
et
arabes,
on
négligea
d exhumer
es
textes
de
l Antiquité
omaine
qui, malgré
a
plus
grandeproximité
e
leur ieu
de
conservation,
e
circulaient
lus.
De
multiples
aisons
vien-
nent
à
l espritqui
tiennent abord aux
caractéristiques
e la
science
antique.
Même au
temps
de la
splendeur
e
l empire
romain,
e bilin-
2.
Surr
ttribution
discutable)
e la
version
réco-latine
e
Y
Almageste
Her-
mann
e
Carinthie,
oirR.
Lemay,
De la
scolastique
l histoire
ar
e truchement
de aphilologieItinéraireunmédiévistentreuropet slam,La diffusioneellescienzeslamicheelMedio voeuropeoRome, 987AccademiaazionaleeiLin-
cei),
p.
399-535.ur a
version
rabo-latine,oir,
ntre
utres
ublications
u
même
auteur,
.
Kunitzsch,
Gerard sranslations
f
astronomical
exts,
specially
he
Almagest
,
dans P.
Pizzamiglio
éd.),
Gerardo a
Cremona
Crémone,
992,
pp.
71-84.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 14/164
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 15/164
8
DANIELLE
JACQUART
l Ancien
accompagna
le
Moyen Âge,
en
particulier
ans les domai-
nes
de la
zoologie,
de
la
botanique
et de
la
minéralogie.
Toutefois
la
longueur
de
l œuvre aboutit
souvent à sa
fragmentation
ans
les
manuscrits
l Antiquité
tardive
avait d ailleurs montré a
voie :
par
exemple,
es
parties
médicales
de
Y
Histoire naturelle vaient été ras-
semblées,
ans
doute au
IVe
iècle,
au
sein d une sorte de
réceptaire,
la Medicina
Plinti,
qui
donna
à
son
tour lieu à
divers
remaniements
aux
ve-vie
iècles,
tous intitulés
hysica
Plinti
En
outre,
a constante
utilisation
e Pline
l Ancien
depuis
le Haut
Moyen Âge
fit
que
nom-
bre d auteurs
ne le
citèrent
ue
de seconde main.
Malgré
le caractère
partieldes transcriptionst le recours u témoignagendirect,YHis-
toire
naturellefit
partie
des œuvres vivantes
qui
n ont
cessé
d irri-
guer
le savoir médiéval5.
Il
en est
de
même,
bien
qu à
un
moindre
degré,
du De architec-
tura de Vitruve.
Lorsque
le
Pogge (Poggio Bracciolini),
ors
d un de
ses
«
raids
»6
à Saint-Gall
entre
1414
et
1416,
rapporte
un manus-
critde
Vitruve,
l
donne
sans aucun doute
l impulsion
une nouvelle
phase
dans
la
transmission
u
texte
et
inaugure
un
engouement ui
ne fut
pas
sans
conséquences
ur
art
et l architecture
enaissants,
mais
il
ne fait
pas
redécouvrir
n nom oublié.
Vitruve fut
connu,
de
manière
ontinue,
epuis
Sidoine
Apollinaire
u
Ve
iècle
usqu à
Boc-
cace au xive. En outre,on a pu déceler dans la conceptionde cer-
tains
bâtiments e la
période
carolingienne
application
de
mesures
vitruviennes
et l architecte
Goderamnus,
de Saint-Michel-de-
Hildesheim,
même
aissé
sa
signature
ans
un
manuscrit u De archi-
tectura L album de Villard
de
Honnecourt
n
reflète ncore
une
bonne
connaissance.
Le
catalogue
des manuscrits onservésfait
apparaître
que,
si la
quarantaine
d exemplaires
elevée
pour
le
XVe
iècle
repré-
sente une
proportion
crasante,
es siècles
précédents
nt
laissé des
transcriptions
n nombre
non
négligeable.
Le
cas
de Vitruve st assez
représentatif
e la manière ont furent
utilisées es
sources
atines,
qui
n accédèrent
amais
au
statutd auto-
ritésméritant être connues dans leurensemble t précisémentom-
mentées.
La
seule
œuvre
classique
à
avoir
reçu
des commentaires
or-
teurs
d informations
ordre
scientifique
st une œuvre
littéraire
YÉnéide de
Virgile...
La
diversité es
sujets
abordés dans
le De
archi-
tectura
de Vitruve
architecture, ydraulique, nomonique,
construc-
tion
de
machines)
urait
pu
lui
conférer
e
statutd une
encyclopédie
5. Orientations
énérales
our
étude
e
influence
e Pline C. G.
Nauert
Jr.,
«
C. Plinius
ecundus
,
dans
Catalogas
ranslationumt commentariorumvol.
V,
Washington
.C., 1980,
p.
297-422G.
Serbat,
Pline
Ancien,
tat
résent
es
étudesur a vie, onœuvre t son nfluence, dansH. TemporinitW.Haase,AufstiegndNiedergangerrömischeneltII, 32.4,Berlin,986, p.2069-2200.
Sur a Medicina
linii
t
a
Physica
linti,
oir K.D.
Fischer,
Quelques
éflexions
sur a structure
t deux ouveaux
émoinse a
Physica
linii
,
dansJ. Pigeaud t
J.
Oroz,
Pline
Ancien,
émoin
e son
tempsSalamanque-Nantes,
987,
p.
53-66.
6.
J emprunte
e
terme
L.D.
Reynolds,
Homère Erasme
..,
p.
93.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 16/164
VESTIGES
ROMAINS ANS
LA
SCIENCEMÉDIÉVALE
9
technique,
u elle
n eut
pas, peut-être
n raison du
caractère
mbigu,
déjà
signalé,
de ce
genre
de textes
qui
ne
détaillaient
as
suffisam-
ment es
opérations
nécessaires
la réalisation
des
procédés
décrits.
Les
hommes
de la Renaissance durent
faire
preuve
de bonne volonté
et
d ingéniosité
our appliquer
précisément
es
principes
itruviens.
u
Moyen Âge,
chaque
auteur
puisa
le
type
de
renseignementsui
lui
convenait.
Hildegarde
de
Bingen,pour
sa
part,
s en
inspira
-
direc-
tement
u
indirectement
pour
définir
harmonie des
proportions
du
corps
humain,
préfigurant
insi
l une
des utilisations
u
De archi-
tectura n
vogue
à la
Renaissance.
Quant
à Hermann e Contrefait
(mort n 1054),au monastère e Reichenau, e furentes parties on-
sacrées
aux instruments
stronomiques
u il
retint
dans ses
propres
traités ur
l astrolabe7.
Ce n est
pourtant
pas
pour
son utilisation
e
Vitruve
ue
les historiens es sciences
citent e nom de Hermann e
Contrefait
HermannusContractus),
mais
pour
celle,
plus
novatrice,
des
premières
escriptions
e
l astrolabe
qui
avaient été
introduites
à
partir
de l arabe
à la
fin du Xe
siècle.
Héritage
latin et science arabe
La premièrentroductione la science arabe alla parfoisde pair
avec
un recours
ux textes atins
antiques, qui
semblaient ffrir ne
aide ou
un
complément
information
our
accéder à la
compréhen-
sion
de
nouveautés,
ouvent
présentées
ous une forme
peu
claire.
En
même
temps
qu il
contribuait dans
une mesure
qui
reste à
déter-
miner
-
à la diffusiondes
premiers
lémentsrelatifs l astrolabe
et au maniement
des chiffres
rabes,
Gerbert
d Aurillac trouvait
Bobbio des textes
ntiques,
dont e
corpus
des
agrimenseurs
omains,
qui jouèrent
un rôle
important
ans son
évolution
scientifique8.
e
furent
bien souvent
es mêmes
lieux
qui préservèrent
es
classiques
latins
et
qui
s ouvrirent
ux nouveautés rabes. Le monastère e Rei-
chenau,où Hermann e Contrefait édigea es premiers uvragesocci-
dentaux
sur
l usage
de
l astrolabe,
fut
aussi
l un
des hauts
lieux de
la
préservation
es
classiques.
Le cas
du
monastèredu Mont-Cassin
est encore
plus
éclairant
si,
pour
les
philologues,
l
représente
vant
7.
Références
rincipales
ur a fortuneédiévaletrenaissantee VitruveL.A.
Ciapponi,
Vitruvius
,
dans
Catalogus
ranslationum
t
commentrio
um,
ol.
II,
Washington
.C., 1976,
p.
399-410H.
Koch,
Vom
achleben
es Vitruw
Baden-
Baden,
1951
Deutsche
eiträge
ur
Altertumswissenschaft
)
;
C.H.
Krinsky,
«
Seventy-eight
itruvius
anuscripts
,
Journal
f
the
Warburg
nd
Courtauldnsti-
tute
t.
30, 1967,
p.
36-70
C.
Heitz,
Vitruvet
architecture
u
Haut
Moyen
Âge ,
dans
a culturantica
ell occidenteatino
al
VII
all XI
secolo,
ettimane
di studio elCentrotaliano i Studi ullAltoMedioevoXXII.2, Spolète,975,
pp.
725-752
Vitruve,
e l architecturetexte
tabli,
raduitt
commenté
ar
Phi-
lippe
leury, aris,
990,
p.
-LIII.
8. Outre
.
Riche,
GerbertAurillac
Paris, 987,
oir
Gerberto,
cienza,
to-
ria
mito,
tti
el
Gerberti
ymposium
(Bobbio,
5-27
uglio 983),
obbio,
985.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 17/164
10
DANIELLE
JACQUART
tout
e
scriptorium
ui
assura la surviede
précieux
uvrages,
comme
le De
lingua
atina de
Varron,
pour
les
historiens e la
médecine,
est
essentiellement
endroit
où le traducteur Constantin
l Africain,
accueilli
par
l abbé
Didier
(1058-1087),
mit en latin
toute
une
série
de
traités
rabes
qui
assurèrent
e renouveaude la
médecineocciden-
tale.
Dans les
mêmes
années,
le futur
vêque
de
Salerne,
Alphano,
alors
moine au
Mont-Cassin,
raduisait u
grec
e traité
De
la nature
de l homme
de Némésius
d Émèse9.
En
cette
fin
du XIe
iècle,
la
redécouverte
e
l héritage
atin était
indissociabled une ouverture
d autres
apports.
Ce qu il est convenud appeler la renaissancedu XIIe iècle pré-
sente
des
caractéristiques
imilaires.
es
représentants
irent eu de tout
bois,
mêlant les
traditions
néo-platonicienne
u stoïcienne à celle
d Aristote
dont on
commençait
retraduirees
œuvres,
non
touchées
depuis
Boèce,
à
la
fois
à
partir
du
grec
et
à
partir
de l arabe10.
Alors
que d importantes
ources
strologiques
rabes
allaient tre
mises
en
latin,
es auteurs
iés au
milieu
chartrain elisaient a Mathesis de
Firmicus
Maternus,
e De astronomia
d Hygin
et, extensivement,
es
Noces
de Mercure
et
Philologie
de
Martianus
Capella,
le
plus
sou-
vent
ccompagnées
u commentaire
e Rémi
d Auxerre
vers
841
vers
908).
Adélard de
Bath,
qui
contribua ui-même
l adaptation
arabo-
latinede textes stronomico-astrologiquest mathématiques,vait fait
grand usage
des
Questions
naturellesde
Sénèque
dans son
ouvrage
du
même titre11. a
«
renaissance
du
XIIe
iècle n eut
pas que
des
points
communs
avec
celle
que
l on a
coutume d écrire avec
une
majuscule
aux
yeux
d un
spécialiste
modernede
l Antiquité
atine,
que
sa
lecture e
Virgile
ne laisse
pas
de
choquer,
elle fait
figure
un
insupportable
almigondis12.
our les auteurs
chartrains,
ar
exem-
ple,
le texte de
YÉnéide n était
guère
plus qu un prétexte
our pré-
senter
ne
philosophie
e
la nature t de
l homme
que
n avait
pu
envi-
sager
le
poète
latin. La
boulimie
intellectuelle
u
XIIe
iècle assura
donc
une
nouvelle
vie
à certains uteurs
atins
que
la
période
caro-
lingienne vait sauvés d un naufragesans retour.
Néanmoins,
ouverture
la science
grecque
et
arabe rendit adu-
9. Sur
apport
ulturel
u
Mont-Cassin,
oir étude
monumentalee
H.
Bloch,
Monte
assinontheMiddle
ges
Rome-Cambridge,
ass., 986,
ntrois olumes.
10. C.H.
Haskins,
enaissance
f
the
Twelfthentury
Cambridge
ass.,
e
d.
1927,
éimpr.
960
id.,
tudiesn
the
History
f
Medieval
cience
Cambridge,
ass.
1924,
éimpr.
ew
York,
960 R.L.
Benson
t G.
Constable,
enaissancend
Renewaln the
Twelfth
enturyCambridge,
ass.,
982
P. Dronke
éd.),
A
His-
tory
f
Twelfth-Century
estern
hilosophy
Cambridge,
988.
11.
Voir
C. Burnett
éd.),
Adelard
f
Bath
An
English
cientistndArabist
ofthe arly welfthenturyLondres,987.12. Pierre rimalepeut achera consternationans es« Conclusionsà :
Lectures édiévales
e
Virgile
Rome,
985
Collection
e
École
rançaise
e Rome
80),
pp.
411-416. oir
particulièrement
ans e volume
es articlese P.
Dronke,
«
Integumenta
irgili (pp.
313-329)
t de M.
Oldoni,
L ignoto
iber
Moronis
medievaleradotto
all antico
(pp.
357-393).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 18/164
VESTIGES
ROMAINS ANS
LA
SCIENCEMÉDIÉVALE
11
ques
bien des lectures
atines
qui
durent
ttendre e
pré-humanisme
ou
l humanisme
pour
retrouver
ne actualité.
Passé le
premier
emps
de
l initiation,
es
agrimenseurs
omains ne rendaient
lus
autant
de
services
si les connaissances
udimentaires
Hygin
en
matière e
cos-
mographie
pouvaient
encore
être
intégrées,
ans
la
première
moitié
du
XIIe
iècle,
par Thierry
e
Chartresdans son
Heptateuchon
Jean
de
Salisbury mort
en
1180)
en
relevait
déjà
les
erreurs t n en rete-
nait
plus que
les
fables
stellaires,
ui
séduisirent ncore Boccace13.
Dans
la recherche
u
degré
de survivancedes
textes atins
antiques
à
partir
u
XIIe
iècle,
une
distinction oit être
établieentre
es
domai-
nes qui bénéficièrent importants orpus traduits du grec ou de
l arabe,
et ceux
qui
n en
connurent
as
ou
seulement
ragmentaire-
ment.
Une forte
sélection
Dans
le
premier
as,
la
phase
d initiation
assée,
les textes atins
antiques
tombèrent
n
majorité
dans
l oubli. Parmi
les
exceptions,
part
Pline
l Ancien,
on
peut
citerFirmicus
Maternus
dont
la Mathe-
sis
continua à
être
transcrite u
XIIIe
iècle elle
complétait,
n
une
langue techniquequi pour l essentiel,dans le domaine de l astrolo-
gie,
n avait
pas changé,
les
données
présentées
ans le
Quadriparti-
tum
de Ptolémée et chez
les divers auteurs arabes14.
En
médecine,
la
rupture
vec
l héritage
atin
antique
fut
plus
radicale.
Par exem-
ple,
Quintus
Serenus
prisé
au Haut
Moyen
Âge
et
dont un
manus-
crit vait été transcrituivant es
instructionse
Charlemagne
ui-même
(sans
doute
parce que l ouvrage
était
versifié)
tomba
totalement
dans l oubli.
Il
est
vrai
que
le
Liber
medicinalisde
cet
auteur,
que
l on
situe
vaguement
ntre e
IIe
et le
IVe
iècles,
n était
qu un
simple
recueil de
recettes15. École de
Salerne,
au
XIIe
iècle,
donna en
quelque
sorte
e ton à la
médecine
qui
devait devenir
universitaire
elle opta pour le galénisme, el que l avait rendu accessibleConstan-
tin Africain
par
ses traductions e l arabe.
Lorsque
le traducteur
u
Mont-Cassin
avait
souhaité inscrire es
adaptations
fort
ibres dans
une
continuité,
elle-cine
pouvait
ui
êtrefournie
ar
les
auteurs atins
antiques qui
ne
donnaient
pas
l écho
du
galénisme.
l
se référa
ux
versions
gréco-latines,
atant
du Haut
Moyen
Âge,
de
commentaires
issus,
comme
es
ouvrages
rabes
traduits,
e la tradition
lexandrine
13. Voir
Hygin,
e astronomiatexte
dité,
raduitt
commenté
ar
André
e
Bœuffle, aris,
983.
14. Liste esmanuscritst
testimonia
ans éditione W.
Kroll,
F. Skutsch
etK. Ziegler, eipzig,897-1913,éimpr.vecdes ddendaStuttgart,968 voir
aussi édition
es ivres et
I
par
P.
Monat,
Paris,
992.
15.
Cf. G.
Sabbah,
.-P. Corsetti
t K.-D.
Fischer,
ibiographie
es
textes
médicaux
atins
Antiquité
t
haut
Moyen
ge
Saint-Étienne,987,
p.
142-144
tL.D.
Reynoldst N.G.
Wilson,
Homère
Érasme...,
.
66.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 19/164
12
DANIELLE
JACQUART
tardive16.
emblée,
les sources latines antérieures evenaient
obso-
lètes.
Le De medicinade Celse
(Aulus
Cornelius
Celsus,
Ier
iècle), qui,
pourtant,
onnait
de
longs
développements
ur
la
chirurgie
t la dié-
tétique,
ne fut
pas
transcrit
ntre e
XIe
et le
xve
siècles
(du
moins
ne
conservons-nous
ucune
copie
datant de
ces
siècles).
Isidore de
Sé
ville
ne
le mentionnait
éjà plus parmi
es
auteursmédecins
il
ne
le citait
que pour
la
partie
de son
encyclopédie
elative
l agricul-
ture.
Néanmoins,
e De medicina fut
transcrit u
IXe
au
XIe
iècle et
une note dans un manuscrit
onservé
emble
témoigner u il
fut
uti-
lisé par Gerbertd Aurillac.
Après
un hiatus de deux
siècles,
Celse
réapparaît,
ité
par
deux
Italiens
à
peu près contemporains
Simon de
Gênes
et
Pietro
d Abano.
On ne sait
si
ces deux
personnages
e
rencontrèrent ce
n est
pas impossible
-
,
mais ils ont des
points
communs
évidents,
si
ce
n est
que
le
second
s illustra
par
des
positions
astrologiques
t
philosophiques qui
lui valurentd être
poursuivi
à
plusieursreprises
par
les tribunaux
cclésiastiques,
lors
que
le
premier
ouit
des
faveurs
pontificales.
Tous deux
apprirent
e
grec
Pietro
d Abano traduisit
même
plusieurs
œuvres de
cette
angue
en
latin,
après
être
parti
en
quête
de manuscrits
Constantinople.
imon
de
Gênes
dit
dans la
préfaceà ses Synonymaou Clavis sanationis s être rendu en Crète
pour
herboriser
il
traduisit
galement
deux
ouvrages
arabes en col-
laboration
avec
le savant
juif
Abraham
ben
Shem
Tov.
Médecin et
chapelain
du
pape
Nicolas
IV,
Simon
de Gênes
appar-
tenait ce milieude la cour
pontificale
ù la
recherche e
livres tait
particulièrement
ctive. Terminé ous
le
pontificat
e Boniface
VIII,
avant
septembre
296
-
date
de
la mortde son
dédicataire,
e
savant
mathématicien t astronome
Campanus
de
Novare
-
,
le
lexique
de
termes e
la
botanique,
de
la
médecine t de
la
minéralogie ue
cons-
titue
a Clavis sanationis
appuie
sur un
vaste travail
préalable
d éru-
dition
qui
a
pris
une trentaine
années,
au
cours
desquelles
furent
rassembléesde multiples ources,énumérées ans la préface.Le De
medicinade Celse est au
nombre
de
ces
sources,
mais Simon de
Gênes
s en sert
essentiellement
our expliciter
es
mots
grecs,
déjà présents
dans
l ouvrage
du savant
romain.
À
part quelques
voyages
et un
séjour
à
Paris,
Pietro
d Abano
passa
la
plupart
de sa vie à Padoue où
il
mourut n
1315-1316.
Est-
ce
par
Simon de Gênes
qu il
fut mis sur la
piste
de
Celse ou faut-il
voir la
marque
du
premier
humanisme
ui
prenait
lors naissance à
Padoue autour de Lovato
Lovati
(1241-1309)
Quelle
qu ait
été
l ori-
gine
de
son
information,
l
est clair
que
son utilisation
u
De
medi-
cina est moins ponctuelleque celle de Simon de Gênes. Il cite, audébut de son Conciliatorles
passages
de la
préface
ans
laquelle
Celse
16. Cf.D.
Jacquart
t
F.
Micheau,
a
médecinerabe t
Occident
édiéval
Paris, 989,
p.
87-129.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 20/164
VESTIGESROMAINS
ANS
LA
SCIENCE
MÉDIÉVALE
13
présente
un
exposé
des
différents ourantsde la médecine
antique.
Cet
exposé
-
qui
est resté
une des sources fondamentales es his-
toriens
pour
Pétude
des
«
sectes
»
médicales
-
aida Pietro
d Abano
à
comprendre
e
que
disait
Galien dans
le De sectis
ouvrage
dont
il
acheva
la
traduction
ntreprise
u
XIIe
iècle
par Burgundio
e
Pise.
Il utilise ussi
le De
medicina
our
des
préceptes
iététiques,
mais c est
la lecture
de
la
préface
qui
semble
l avoir surtout
ntéressé.
Cette
même
préface
peut-être
oué
un rôle
négatif
ans la for-
tune
de Celse
au
Moyen Age,
non en raison
de
son
historique
des
sectes
médicales,
mais
par
ses
longs
développements
ur
a vivisection.
Tout en condamnant ui-même ssez clairement ettepratique,Celse
détaille
es
arguments
onnés
en sa faveur
par
les
dogmatiques.
l
est
possible
que
ces
passages
aient
gêné
des lecteurs
médiévaux
le
manus-
crit
peut-être
onsulté
par
Gerbert
ne
comporte pas
la
préface
Pietro d Abano
ne
fait
pas
allusion
au
problème
de
la
vivisection.
Au
contraire,
ans
la
première
moitié du
xvic
siècle,
e
chirurgien
t
anatomiste
erengario
a
Carpi
s y
attarda
onguement
ans son
com-
mentaire
Y
Anatomie
de Mundino
de Liuzzi et
fit même de
Celse,
de
façon
très
abusive,
un
partisan
de
la
vivisection.
À
part quelques
mentions
depuis
la
fin
du
xine
siècle,
Celse
ne fit
guère
autorité
jusqu à
ce
que
le
manuscrit
de la
fin
du
IXe
iècle
qu avait
utilisé
Simonde Gênesfût« découvert en 1427à Saint- mbroisede Milan
par
le
Bolonais
Giovanni Lamola
;
l encyclopédiste
u
Ier
iècle
peut
toutefois
tre
rattaché,
u moins
pour
sa seule
médecine,
ux auteurs
exhumés
du
temps
du
premier
humanisme talien des
xine-xive
iè-
cles17.
Les
autresmédecins
atins
ntiques
ités
par
Simon de Gênes sont
tardifs
Cassius
Felix
(Ve iècle), qui
appartenait
u courantdes
dog-
matiques,
e
plus
prisé
de
Galien,
avait
l avantage
de donner
de
nom-
breux
mots
grecs
glosés
de leurs
équivalents
latins
Théodore
Priscien
Ve siècle)
avait laissé
un recueil
de remèdes
qui
fournit
l auteur
de
la Clavis
sanationis
des noms
de médicaments.
Quintus
Serenus est oublié, de même que Caelius Aurelianus qui avait
17.
Sur
Simon e
Gênes t
la cour
pontificale,
oirA.
Paravicini agli
ni,
Medicina
scienze
ellanatura
lla corte
ei
papi
nelduecento
Spolète,
991.
Mises
au
point
es
plus
écentes
ur a
vie t
œuvre
e Pietro Abano
G. Federici es-
covini,
l
«
Lucidator
ubitabilium
stronomiae
di Pietro Abano
Padoue,
988
E.
Paschetto,
ietro
Abano
medico
filosofo
Florence,
984 M.T.
D Alverny,
«
Pietro
Abano
raducteur
e Galien
,
Medioevo
t.
11,1985,
p.
19-64.ur
e
pré-
humanisme
adouan,
oir
a
bibliographie
onnée ans
.G.
Reynolds
t N.G.
Wil-
son,
D Homère
Érasme
..,
p.
192.Manuscrits
u
De
medicinae
Celse,
t testimo-
nia
F.
Marx,
A.
Corneliielsi
uae
uper
unt,
eipzig,
915
Ph.
Mudry,
a Pré-
faceduDe medicinae CelseRome,
982
Bibliotheca
elvetica
omana)
G.
Bil-
lanovich, La trasmissioneei esti ell Italiaord-occidentaleMilano, onantola,
Brescia
,
dans
La cultura
ntica...
pp.
321-352. oir ussi
D.
Jacquart,
Du
Moyen ge
la
Renaissance
Pietro Abano t
Berengario
a
Carpi
ecteurse
la
Préfacee
Celse
,
dans
a Médecine
e
Celse
Mémoiresu
Centre ean
aler
e,
t.
XIV,
Saint-Étienne
sous
presse).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 21/164
14
DANIELLE
JACQUART
de se rattacher u courant des
méthodiques,
vivement
ritiqué par
Galien. Peu de
vestiges
omains demeurèrent
onc
dans
les
discipli-
nes médiévales
ui
avaient
reçu
à
partir
des
xie-xiie
iècles
un
apport
important ouvrages grecs
et arabes. La
faible
technicité
es
textes
écrits
en latin dans
l Antiquité
ou leur
non-conformité
vec la
doc-
trine dominante es
rendaient
nutilisables.
Le
cas des
disciplinespour lesquelles
il
n y
eut
pas
ou
peu
de
traductions
u
grec
ou de l arabe
pose
des
problèmes
ifférents, ais,
là
encore,
e recours ux
sourcesromaines
ut
fort
négal.
Nous
avons
déjà évoqué
le cas de Vitruve. e
domaine de
l agronomie
llustre
ne
caractéristiquessez courantede l usage médiévalde ces sources aux
longs
traitésde Varron ou de Columelle
on
préféra
e résumé
éla-
boré
par
Palladius18.C est à lui
que
se référa
Albert e Grand
dans
son De
vegetabilibus
lorsque, quittant
e cadre de la
description
es
végétauxpour
aborder
es
techniques
gricoles,
sa
source
principale,
le De
plantis pseudo-aristotélicien,
e
pouvait
plus
lui
rendre de
services19. hez Albert e Grand la source
latine vient
naturellement
combler a lacune
des informationsenuesdu
grec
ou
de l arabe.
Mais
le fait
que
l on ait
préféré,
u
Moyen
Âge,
la forme
condensée du
De
agricultura
e
Palladius
aux
ouvrages plus
détaillés de Varron et
de Columelle
suggère
une faible curiosité t
une confiance
médiocre
à l égard des auteurs atinsantiques,alors que les sourcesgrecques
et arabes étaient
onsultées
n de
longs
corpus.
De
même,
on
préféra
les
descriptions arfois
divagantes
des
Collactanea rerum
memorabi-
lium de
Solin
(fin
IIIe
siècle)
à la
géographie
de
Pomponius
Mêla
(Ier
iècle)
dont
elles
s inspiraient.
Une
quarantaine
de
manuscrits e
l œuvre de Solin est conservée
pour
le
seul
XIIe
iècle elle fit
objet
d une traduction
rançaise
n ce
même
siècle,
composée par
Simon
de Ghisnes à l intention e Baudouin de
Flandre,
et les
encyclopédis-
tes du
XIIIe
iècle
en firent
rand
usage.
Quant
au
De
chorographia
de
Pomponius
Mêla,
il
fit
partie
des
textes
redécouverts
par
Pétrar-
que20.
La
Biblionomia
de Richard
de
Fournival
l avantage
pour
nous
de refléter on
seulement a
passion
d un
bibliophile,
mais
les inté-
18.
Ces roisuteursont
eprésentés
ans e
Catalogus
ranslationumt
commen-
tariorum
Washington
.C. :
«
Columella
,
par
V.
Brown,
vol.
II,
1976,
pp.
173-194
«
Palladius
,
par
R.H.
Rodgers,
bid.,
p.
195-199
«
Varro
,
par
V.
Brown,
ol.
V, 1980,
p.
451-500.
19. Cf.
J.-L.
Gaulin,
Alberte Grand
gronome
dans
Comprendre
t
maîtriser
la natureu
Moyen
ge Mélanges
histoire
es ciences
fferts
Guy
Beaujouan
Genève,
ous
presse.
20. VoirM.E.Milham, Pomponiusela , dansCatalogusranslationumtcommentariorumvol.V,Washington.C.,1984, p.257-285Ead « AMs nven-
tory
f
Pomponius
ela
,
Scriptorium
t.
XXXV,
981,
p.
319-321
Ead.,
C. Julius
Soliņus
,
Catalogus...,
ol.
VI,
1986,
p.
73-85. œuvre
e Solin ait
artie
e la
vingtaine
e
classiques
atins
ui
nous
ont onservés
ans
lus
e
cinquante
anus-
crits ntérieursu
xme
iècle cf.
B.
Münk
lsen,
La
popularité...
,
p.
177.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 22/164
VESTIGESROMAINS ANS
LA
SCIENCE
MÉDIÉVALE
15
rêts
d un hommeversé utantdans
les belles-lettres
ue
dans
les scien-
ces et
techniques,
ers 1250. Muni
d une formation
médicale,
auteur
de la Vetula se
tourna
aussi vers
l astrologie.
Peu
d œuvres
impor-
tantes traduitesde l arabe
en
matière
d astronomie-astrologie
t de
médecine
chappèrent
la
quête
des
manuscrits
ui
devaientformer
sa
bibliothèque.
De
même,
il
mit
la
main sur de rares et
précieux
témoins des
lettres
lassiques
les
tragédies
de
Sénèque,
les
poésies
de Tibulle
et
Properce, par exemple.
Dans le domaine des
ouvrages
scientifiques
u
techniques
e
l Antiquité
atine,
a
quête
fut
plus
mai-
gre.
Des
Res rusticae
de
Columelle,
seule la
partie
relative
l arpen-
tage (V. 1-3) apparaît,reliée d autresœuvres,notamment e Boèce.
Sous la
rubrique
ibros
vagos
philosophorum
de
la huitième
reola
voisinent
Asclépius,
c est-à-dire ne
adaptationgréco-latine,
raisem-
blablement
u
IVe
iècle,
d un texte
hermétique
ont e
XIIe
iècle
avait
fait
grand usage,
le commentaire u
Songe
de
Scipion
et
les Saturna-
les de
Macrobe,
le
Liber
de
mirabilibus
mundi et de situ
terrarum
de
Solin,
le
Liber
historiarum
mundi
naturalium e
Pline,
suivi
des
Quaestiones
naturales e
Sénèque.
Des extraits eulement u De archi-
tectura
de Vitruve taientreliés
à
VEpithoma
nstitutorum
ei
milita-
ris de
Végèce
-
dont une traduction
française
vit
le
jour
dans
la
seconde
moitié
du
XIIIe
iècle.
Hygin
n était
plus représenté ue pour
sa mythologie. alladius figurait n bonne place, mais ni Varron,ni
Celse
n étaient
mentionnés
quant
à Caelius
Aurelianus,
l
ne
figu-
rait
que pour
son
adaptation
de la
gynécologie
e Soranos
d Éphèse,
également
possédée
dans la version
de Moschion
(VIe
siè-
cle)21.
Riche
en œuvres du
Haut
Moyen Âge,
qui
ne circulaient
lus
guère
au
xiiie
siècle,
remarquable par
certains témoins
classiques,
ouverte ux
apports
récents
de la science
arabe,
a.
Biblionomia n en
révèle
qu avec
plus
de
force es oublis
du
Moyen Âge
central.Alors
que
le
XIIIe
iècle
fut
davantage
absorbé
par
l élaborationde
ses
pro-
pres
outils
conceptuels
t
par l expression
une
penséeoriginale par-tir des lecturesdisponibles22, ombrede ces oublis sont imputables
aux
choix du
XIIe
iècle,
qui
opéra
un tri
parmi
ce
que
les
scriptoria
des siècles
précédents
vaient u conserver.
ontrairement ses
sœurs
carolingienne
t des
xve-xvie
iècles,
la
«
renaissance
du
XIIe
iècle
ne vit
pas
dominer
a
volonté d un
retourà
l antique
;
les savants
de
ce
siècle
furentmoins avides
de retrouver
es
textes
perdus que
d en découvrir
de
nouveaux,
non
disponibles
en latin
auparavant.
L héritage
omainn était
à
que pour
combler
es
lacunes
-
en
parant
21. On trouveraa citationestextesuenous vonsmentionnésans éditionde a BiblionomiaL. Delisle,Le CabinetesmanuscritsParis, 874, uméros4,
84-88,
1-97,
61.
22. Cf.G.
Beaujouan,
La
prise
e consciencee
aptitude
innover
le
tour-
nant u
milieu u
xme
iècle)
,
dans
Le
Moyen
ge
et la science
Paris,
991
(«
Sapience
), pp.
5-14.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 23/164
16
DANIELLE
JACQUART
au
plus pressé par
la
préférence
onnée aux résumésélaborés dans
PAntiquité
ardive et
pour
servir aide dans
l acquisition
de nou-
velles
connaissances. Le terme
de
«
renaissance
,
trop
connoté
his-
toriquement,
e convient
uère
cette
phase
d éveil ntellectuel
ntense
et de curiositédébridée
que
fut le
XIIe
iècle.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 24/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
17-38
Bruno
LAURIOUX
CUISINER
À
L'ANTIQUE
:
APICIUS AU MOYEN ÂGE
À
l'exception
d'un
papyrus
fragmentaire
onservé
Heidelberg1,
le traité
ttribué
u
Moyen Âge
à
Apicius
est
le
seul
livrede
cuisine
de
l'Antiquité
omaine
ui
nous soit
parvenu.
Et même
e
seul
de
toute
l'Antiquité
classique, puisque
les
nombreux Arts
culinaires
grecs
ne sont
plus
connus
que
par
des extraits
-
parfois
une
simple
phrase
-
contenus
dans le
Banquet
des
Sophistes
d'Athénée2. La
sélectionfutrapide et massive,et entre e Veet le Xesiècles, 'Occi-
dent oublia
jusqu'aux
noms
de Caius
Matius,
auteur
d'un Cuisinier
et de
l'agronome
égyptien
Paxamos4,
que
saint Jérôme
mettait
encore
au
même
rang pour
ses sauces
qu'
Apicius
lui-même5.
Témoin
unique,
e De re
coquinaria
-
pour reprendre
e titre
ue
lui
ont
attribué
es modernes diteurs6
a
suscité
depuis
le
XVe
iè-
cle
d'innombrables
t savantes études
philologiques7
t
les historiens
y
ont
trouvé
'essentielde
ce
que
nous
croyons
avoir
sur la cuisine
«
romaine
8. La
tentation st donc
grande
pour
les médiévistes
e ne
1. Édité arFriedrichilabel,OpsartytikandVerwandtesHeidelberg,920,
pp.
27-28
(Sitzungsberichte
er
Heidelberger
kademie
er
Wissenschaften.
Philosophisch-historische
lasse
1919,
ase.
3).
2.
Cf.
d
,
«
Kochbücher
dans
R.
Wissowa,
aulys ealencyclopädie
erClas-
sischen
ltertumswissenschaft
=
R.C.A.
,
.
XI/
,
col.
32-943
le même
uteur,
ans
la
publication
itée
ote
récédente,p.
10-25,
publié
t traduiteux
ragments
e
papyri recs
ulinaires
Pun
remonte
u
me
iècle,
'autre ux
ve-ve
iècles).
3. Cf.
R.C.A.,
.
XIV/2,
ol.
2206-2210.
4.
Cf. W.
Morel dansR.C.A. t.
XVIII/4,
ol.
2436-2437.
5.
Adversus
ovinianum
I,
40,
dans
L t.
23,
col.
268.
6. L'un
desmanuscritsu
Xe iècle
perdu
a
page
e titrele titre e
1
utre
est bscur
cf.
plus
as).
Quant
ux olutions
roposéesar
es
humanistes,
lles
nt
étédiverses.
7. Cf. a synthèseeMary llaMilham, Toward StemmandFortunafApicius, Italiamedioevaleumanisticat. 10, 1967, p.259-320,ur aquellee
m'appuie
argement
ans et rticle.
8. Outre
acques
ndré,
'alimentation
t a cuisine Romenouv.
dit., aris,
1981,
oires
récentsrticles
assemblésans uisine
ntique
hors-série
°
3,
LesDos-
siers
e
l'Archéologie.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 25/164
18
BRUNO AURIOUX
voir dans
le traité
d'Apicius qu'un
conservatoire e mots et de faits
«
classiques
»
pieusement
ransmis
e
génération
n
génération
'éru-
dits.
Mais
copier
un livrede
cuisine,
fût-il elui
des
Anciens,
ne
peut
êtreun exercice
ntièrement
nnocent la
poésie
n'est
guère
u rendez-
vous,
ni
même
ci la bonne
angue,
t ce
n'est
pas
chez
Apicius,paran-
gon
de tous les
gourmands,
ue
l'on trouveraun
grand exemple
de
vertus
morales.
Pourtant,
des moines
de
Fulda
et
d'autres à Tours
ont consacré
des semaines
ntières transcriree texte i
peu
chrétien.
L'histoire
du De re
coquinaria
appartient
donc bien au
Moyen
Âge,
et elle lui
appartient
leinement.
as seulement
ar
les manus-
crits,dont le plus ancien remonte u viiicsiècle il n'y a là au fond
rien
d'étonnant,
ant
sont
rares es très anciens
manuscrits
e
«
clas-
siques
»,
surtout i l'on veut bien
admettre
ue
les textesutilitaires
étaient
probablement
ranscrits ans
l'Antiquité
ur de
fragiles
apyri
Mais,
comme
on le
verra,
e
texte
ui-même,
el
qu'il
nous est
par-
venu,
ne s'est
pas
fixé avant
le
Ve
iècle
et a
probablement
ontinué
à
évoluer
durant e très haut
Moyen
Âge.
La
postérité
médiévale u traité
'Apicius
ressemble,
our
e
reste,
à celle de
beaucoup
d'œuvres
techniques
et
scientifiques
e l'Anti-
quité
encore transcrit
l'époque carolingienne,
l
est ensuiteoublié.
Jusqu'au
XVe
iècle
où
les
humanistes,
ans leur recherche
perdue
de
vieuxmanuscrits,e redécouvrentt le copientabondamment on
a
conservé
de cette
époque
16
manuscrits,
ontre
seulement
pour
le
Haut
Moyen
Âge.
Mais
ce sont es détailsde cette uccession tten-
due
-
survie/oubli/redécouverte
qui importent
t
nécessitent
uel-
ques
éclaircissements.
Texte
antique
ou
texte
médiéval
Le traité
d'Apicius
est
conservédans deux
manuscrits u
IXe
iè-
cle, que
nous
appellerons,
la suite de
toutes es éditions
critiques,respectivement (New York, Academyof Medicine1) et V (Biblio-
teca
Apostolica
Vaticana,
Urb.
lat.
1146).
Il
faut leur
ajouter
des
extraits
Excerpta),
tirés
d'Apicius
par
un
certainVinidarius t conte-
nus
dans
un célèbre odex du
VIIIe
iècle
Paris,
B.N.,
lat.
10318),
où
figure
par
ailleurs
YAnthologia
atina
Tel
qu'il
nous a été
transmis ans
E
et
V,
le
traité
ne
comporte
pas
de
titre
reconnaissable.
Le manuscrit e
New
York
a
perdu
en
effet on
premier
feuillet t
on lit
sur
celui
du Vatican la mention
Incipit Api
/cae,
interprétée
iversement
ar
les éditeurs9.
Le
texte
9. Apicius aelius oures humanistesuxve iècleApiciirtsmagiricaeouopsartyticaé)ibri pour riedrichollmer,tudienudem ömischenochbuche
von
Apicius
München,920,
.
19
Sitzungsberichte
er
Bayerischen
kademieer
Wissenschaften.hilosophisch-philologische
nd
istorischelasse
1920,
e
fascicule)
Apici
aena
ans
'éditione
Mary
lla
Milham,
picii
ecern
ibri
ui
dicuntur
e
re
coquinariaLeipzig,
969,
.
1.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 26/164
CUISINER
À
L'ANTIQUE
19
apparaît
clairement ommeune
compilation
'éléments
isparates.
En
se fondant ussi
bien
sur
le contenu
des recettes
ue
sur
certains
ri-
tères
formels notamment a
présence
d'instruments
ulinaires
pé-
cifiques
-
Brandt
a
proposé d'y
reconnaître,
côté du livre de cui-
sine
qui
en constitue e
noyau,
des recettes ssues d'un traitémédical
et d'autres
provenant
'un traité
gronomique10.
Mais,
en voulant
à
tout
prix
faire oïncider e
noyau
culinaire vec
le
traité
u'aurait
écrit
le
gastronome
romain
Apicius,
le même
érudit s'est
fourvoyé.
Il
faut en
effet
oigneusement
éparer
e
personnage
éel
que
fut
Apicius
et le traitéde cuisine
qui
lui a été
postérieurement
ttribué.
Marcus Gavius Apicius, qui vivait à l'époque de Tibère, provoqua
l'étonnement
e
ses
contemporains,
la
fois
pour
son
extravagante
prodigalité
t
pour
ses raffinementsulinaires.C'est exclusivement
ce titre
ue
le mentionne
énèque,
ainsi
que
tous les auteurs
usqu'au
IIIe
siècle11.
Aux
yeux
de
satiristes
omme
Martial ou
Juvénal,
Api-
cius
incarne le
gourmand
par
excellence,
et la
récurrence
e
cette
figure12
ans les œuvres ittéraires
e
l'Empire
a certainement on-
tribué,
utant
que
le Festin de
Trimalcion,
u
mythe
e la
décadence
romaine.
Certes,
Pline
l'Ancien
ndique
des
préparations
ecommandées
ar
Apicius,
que
ce soit
pour
faire
périr
e surmulet
u
garder
ux choux
leur verdeur mais les éditeurs e la collectionBudé, sans douteparce
qu'ils
ont
précisément
n
tête l'auteur
d'un livre de
cuisine,
sollici-
tentfortement
e texte
plinien
n traduisant
ci
par
«
recettes 13. De
même,
s'il
signale
bien et à
deux
reprises
des
gâteaux
«
apiciens
»,
Athénée
ne
dit
pas que
la recette n
vient
d'Apicius,
et encore
moins
d'un
livrede cuisine écrit
par
celui-ci
il
les a d'ailleurs trouvésdans
Y
Art du
Boulanger
de l'auteur
grec Chrysippe
de
Tyane14.
Il faut attendre
es
IVe
et
Ve
iècles
pour qu'Apicius
soit
présenté
comme
un auteur
culinaire.
Le
passage
de
1
Histoire
Auguste
décri-
vant les lectures
d'Aelius Verus
est malheureusement
rès
corrompu
dans les
deux
manuscrits
e
base
:
10.
Edward
randt,
Untersuchungen
um
ömischen
ochbuche.ersuchiner
Lösung
er
Apicius-Frage
Leipzig,
927
PhiloiogusSupplementenband
IX,
fase.
II).
11. Cf.
es testimoniaassembles
arJacques
ndré,
picius
L Art ulinaire
nouv.
dit.,
aris,
974,
p.
XXV-XXIX.
12.
Les travauxn cours
e
Florence
upont
evraientclairer
ette
uestion.
13. Cf.
Pline
9, 66,
où E.
de
Saint-Denis
Paris,
955,
p.
58-59) éveloppe
praecellens
n
«
excellenteecette
;
Jacques
ndré
Paris,
964,
.
78)
traduiturieu-
sement
line
19,
143
par
«
Le nitreonserve
ussi u chou a couleur erte
la
cuisson
de même
a
recette
'Apicius
pourApiciana
octura
, qui
faitmacérer
e
choudans
de Phuile t
du sel avant
e mettreu feu.
14.Athénée, 7 a, édit. t trad.A. M.Desrousseaux,thénéeeNaucratis,
Les
Deipnosophistes,
ivres
et
//, aris, 956,
.
14
Id.,
XIV,
647
,
édit. ttrad.
C. B.
Gulick,
thanaeus,
he
Deipnosophists
CambridgeMass.),
961-1970,
.
VI,
p.
497.
Chrysippe
e
Tyane
ivait
pparemment
u
Ier
iècle
J.
André,
'alimentation
et a cuisine
Rome,
p.
cit.,
p.
217).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 27/164
20 BRUNO
AURIOUX
atque
idem Ovidii ab aliis
relata,
idem
Apicii
libros amorum
(ou
idem
Apicii
relata idem
Ovidii
libros)
in
lec o
semper
habuisse,
dem
Martialem,
epigrammaticumoetam,
Vergiliům
suum dixisse 5.
La
conjecture
de
Saumaise,
reprisepar
l'éditeur
de la
collection
Teubner est
encore moins heureuse
Apicii
Caelii
relata,
idem Ovidii
libros amorum.
Le nom Caelius est en effet, omme l'a montréMaryElla Mil-
ham,
une
forgerie
des humanistes
du
XVe
iècle16
quant
aux
rap-
ports
relata)
d'Apicius,
on ne voit
pas
bien ce
qu'ils peuvent
igni-
fier.
En
tout
cas,
Apicius
est bel
et
bien
compté
au
IVe
iècle comme
un
auteur,
au même
titre
qu'Ovide,
Martial ou
Virgile.
C'est
ce
que
confirme la
fin
du
siècle saint
Jérôme.
Dans
VAdversusJovinianum
il
présente
Jovinien
e consacrant ux
«
sau-
ces
d'Apicius
et de
Paxamus
»17.
Paxamos,
on l'a
vu,
était
l'auteur
d'un livre
de
cuisine,
que
mentionne
galement
Columelle18
Apicius
et
Paxamos sont
d'ailleurs encore
associés
dans
une
lettre
du
même
saint Jérôme19.
r,
le texte attribué
Apicius
et
transmis
par
les
manuscrits et V, paraît remonterux environsde 400, comme l'a
montré
'analyse inguistique
e Brandt.La
coïncidence
st troublante.
Doit-on
penser,
comme
l'a
suggéré
Jacques
André20,
ue
l'ouvrage
dont
parlait
saint Jérômevenait
uste
d'être
«
publié
»
?
En
tout
cas,
il
n'y
a
pas
lieu
de
supposer
que
ce
recueil de
la
fin
du
IVe
iècle ait
quelque
chose
à
voir avec
un
hypothétique
ivre
composé par Apicius.
Certes,
e
recueilen
question
peut
comprendre
des recettes
d'âges
différents,
omme le
suggèrent
es
ingrédients
qu'elles
utilisent t les
personnages uxquels
elles sont
dédiées21.
i
certaines 'entre lles
rappellent
e
souvenir u
gastronome,
l
est
dou-
teux
cependantque
lui-même
it
écrit
tout un
livre de
préparationsculinaires.Brandt limité etapportà un livre ur les sauces22.Mais,
là
aussi,
les
sources sur
lesquelles
l
se fonde
sont
tardives t
fragiles.
15.Histoire
uguste
, 9,
édit.
Hermann
eter,
eipzig,
884,
.
,
p.
33. Cette
mention
ient-elleAelius
partianus,
auteur
es
cinq
remières
iographies
t
qui
vivait
l'époque
de
Dioclétien,
u bien
du
compilateur
contemporain
e
Constantin
qui
a rassembléHistoire
uguste
J'ai
prudemment
enché our
e
second.
16.
Milham,
Toward Stemma
,
loc.
cit.,
p.
261.
17.
«
cummonachum
sse e
actitet
et
post
ordidam
unicam
t
nudos
edes,
et
cibarium
anem,
t
aquae
potum,
d
candidas
estes,
t
nitidam
utem,
d mul-
su
m,
teia
oraas
arnes,
d
ura
Apicii
t
Paxami,
d
balneas
uoque
c
f
idiculas
etpopinase conférât(AdversusovinianumI, 40,dansPL t.23,col.268).18. ColumelleXII, 4, 2.
19. J.
André,
picius,p.
cit.,
p.
XXVIII,
n°
31.
20.
bid.,
p.
XIII.
21.
bid.,
pp.
XI-XII.
22. Cf.
notammente stemma
u'il
proposeBrandt,
p.
cit.,
p. 134).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 28/164
CUISINER
À
L'ANTIQUE
21
La scholie à Juvénal
IV,
23,
présentantApicius
comme un
«
auteur de
préceptes
ur
les
banquets, qui
écrivit
ur les sauces
»23
est classée
entre Histoire
Auguste
t saintJérôme
ar Jacques
André,
qui
la faitainsi
implicitement
ériver
u
Commentum
etustum
attri-
bué
par
Wessner
à la
fin
du
IVe
iècle.
Malheureusement,
e
témoin
le
plus
ancien,
es scholies
du
VIe
iècle sur
le
Juvénal
de
Bobbio,
ne
concernent
ue
les satires
XIV
et
XV. Cette mention
pourrait
donc
tout aussi
bien
remonter d'autres
commentaires,
u
VIe
iècle voire
de
Pépoque
carolingienne24.
uant
au
Mythographus
ecundus du
Vatican,
qui
déclare
qu'
Apicius
«
écrivit
beaucoup
sur les assaison-
nements 25, l est sans aucun doutepostérieur Isidore de Séville26.
Ainsi,
aucun
des témoinsd'un
livre sur
les sauces
composé
par
Apicius
ne
précède
la
«
publication
du
recueil transmis
par
les
manuscrits
arolingiens.
Leur valeur est donc douteuse.
Il
est d'ail-
leurs
curieux,
et
personne
ne semble s'en
être avisé
jusqu'à
présent,
que
Columelle
ne mentionne
as Apicius
parmi
«
les écrivains
e
[la]
nation
[latine, qui] après
la
fin
des
guerres,
ne
dédaignèrent as
d'accorder
une sorte
de contribution
la nourriture es hommes
27.
Certes,
e
gourmand
Apicius
ne
peut
être mis sur
le même
plan que
les savants
agronomes
célébrés
par
Columelle,
mais celui-ci
cite lon-
guement
Caius
Matius,
qui
s'était
«
proposé
de
fournir es tables
de
citadinset les festins 28. Si, à la rigueur,on peut admettre u'à
l'époque
de
Columelle,
le
livre d
Apicius
ait
été
encore
trop
récent
pour
figurer
côté
de ceux de Matius
et de
Paxamos,
comment
xpli-
quer
son
absence
totale dans les
Deipnosophistes
Le
seul
ouvrage
se
rapportant
cet auteur
que
mentionneAthénée
est celui du
gram-
mairien
Apion,
consacré...
au Luxe ď
Apicius19.
La vérité
st donc
que personne
ne
fait ď
Apicius
un auteur de
livre de cuisine
avant le
IVe
iècle
et
qu'aucun argument
ne
permet
de rattacher
oncrètement
une œuvre
du
célèbre
gastronome
de
l'époque
de Tibère
e recueil laboré
presque
quatre
siècles
plus
tard.
Dès lors,faireremonter,omme e veutBrandt, es Excerptaau
livre
prétendument
composé par
Apicius,
n'a
plus
de
sens30.
L'absence
dans ce bref
xtrait es
prescriptions
édicales
u des recet-
23. Auctor
raecipiendarum
enarum,
ui scripsit
e
iuseeI
s,
édit. aul
Wess-
ner,
cholia
n uvenalem
et s i
ra,
Leipzig,
931,
.
54.
24. Cf. e
stemma,bid.,
.
XLIII.
25.
II,
225 de condituris
ulta
cripsit
édit. éter
ulcsâr,
Mythographi
ati-
cani
et
I,
Turnhout,
987,
.
290.
26.
Puisque
e
prologue
eprend
n
passage
es
Etymologies
cf.K.O.
Elliott
&
J.-P.
lder,
A
Criticaldition
f the
Vatican
ythographers
,
Transactions
f
theAmericanhilologicalssociation,
.
78,1947, p.
189-207.
27. Columelle II, 4,2 trad. acquesndré, olumelle,e 'Agriculturelivre
XII
(De
l'intendante
,
Paris, 988,
p.
30-31.
28.
bid.,
XII, 46,
1
(trad.
André,
.
81).
29.
Athénée
II,
294
f
trad.
Gulick,
p.
cit.,
.
V,
p.
321.
30.
Brandt,
p.
cit.,
p.
124.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 29/164
22 BRUNO AURIOUX
tes
d'origine grecque
ne constitue
pas
une
preuve,
et l'on a affaire
en
l'espèce
à une sélection
tardive,
plutôt qu'à
un
témoin du texte
primitif.
a
langue
en
est en effet
ncontestablement
ostérieure
celle
du recueil
transmis
ar
E
et
V
et
permet
de dater les
Excerpta
du
Ve
ou
VIe
iècle. Les
traits
strogothiques epérés
par
Brandt ren-
voient
probablement
l'Italie du
nord31.
L'auteur des
Excerpta
est
d'ailleurs
appelé
Vinidarius.
Il
ne
peut
s'agir
du roi
Vinitharius,
l'arrière
grand-père
e Théodoric le
Grand32,
mais c'est
incontesta-
blementun
Ostrogoth
de
rang
aristocratique
il
est
qualifié
de
vir
inlustris.
Les
Ostrogoths
yant
dominé
l'Italie
essentiellement
ans
la premièremoitié du VIe iècle, les Excerpta ne sont peut-être as
postérieurs
550.
À
cette
époque,
le livre
dit
d'Apicius
est encore
un texte
vivant,
que
l'on
utilise
et
que
l'on transforme
n fonction
de
besoins con-
crets.Vinidarius ire es recettes e
plusieurs
ndroits u recueil
om-
pilé
au
IVe
iècle,
parfois
même on ne
les
y
trouve
pas33.
Ce
qui
a
fait dire à Brandt
qu'il
puisait
dans
une source
commune,
plutôt
que
dans
le
traité
d'Apicius.
En
réalité,
a cohérence
des
Excerpta
est
remarquable
c'est un
véritable
ecueil
en miniature
31 recettes) ue
l'auteur
s'est
confectionné,
n
rassemblant
uccessivement es recet-
tes de
caccabina
ďofellas,
de
poissons,
de
porcelet,
de
chevreau et
d'agneau, et enfinde volatiles. La cuisine est bien encore celle du
recueil
d'Apicius,
mais
j'ai
montré
illeurs
que commençaient
s'y
lire des
évolutions
ignificatives
ans
l'usage
des
épices,
que
ce
soit
pour
le
gingembre
u
pour
le
safran34.
Vinidarius donc
probable-
ment travaillé ur
un manuscrit
lus
tardif,
déjà
transformé t enri-
chi
par
rapport
au
recueil
élaboré
vers 380-400.
L'évolution
est
encore
plus
marquée
dans les
listes
d'ingrédients
(
breves
qui précèdent
es recettes ans le codex
de la
Bibliothèque
Nationale. Elles mentionnent
ar
exemple
des
épices
absentes du
recueil
d'Apicius
comme
des
Excerpta
C'est le cas du clou
de
giro-
fle,
que signale
aussi le
médecin
Anthimus,
u
début
du VIe
iècle,dans sa lettre u roi francThierryer. Excerpta et surtoutBreves
témoignent
onc des
transformations
u'a
subies la cuisine
romaine
aux
Ve
et
VIe
iècles.
Mais,
tandis
que
ces
transformations
'accélé-
reront ncore à
l'époque carolingienne,
e
traité
d'Apicius, quant
à
lui,
va
définitivemente
figer
sous la
plume
des
scribes monasti-
ques.
31.
bid.,p.
129.
32. Cf.R.C.A., . X/A, ,col. 121.
33. Cf.
es
comparaisons
éalisées
ar
Brandt,
p.
cit.,
pp.
103-127.
34. Bruno
aurioux,
De
l
usage
es
epices
ans
'alimentation
édiévale
,
Médiévalesn°
5, 1983,
p.
15-31t
Spices
n
the
medievaliet a new
Approach
,
Food and
Foodways
vol.
,
n°
1,
1985,
p.
43-76.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 30/164
CUISINER
À
L'ANTIQUE
23
Apicius
et les
moines
carolingiens
Si les
Excerpta
furent assemblés
par
Vinidarius u VIe
iècle,
le
seul
manuscrit ncien
qu'on
en
connaisse est
plus
tardif.
Les dates
proposées par
les divers
pécialistes 'étagent
ntre es
viie-vine
iècles
(pour
Jacques André)35
t
les
vnie-ixe
iècles
(pour
Ernest Wickers-
heimer)36.
l
est
vrai
que
l'ensemble
du
manuscrit été
réalisé
en
onciale,
écriture tilisée
durant out e Haut
Moyen
Âge.
Lowe,
dans
ses Codices
Latini
Antiquiores
cependant
itué celle
qui
nous
inté-
resse
dans la
deuxième
moitié
du
vnic
siècle et en Italie du
nord37,
restéefidèleà l'onciale plus longtemps ue d'autres régionsgagnées
à la minuscule38.
Passer
par
l'onciale
plutôt que par
une écriture
plus
cursive,
c'était sans
doute donner au texte
des
Excerpta
une
certaine olen-
nité,
fixer
e
qui
au
VIe
iècle était encore mouvant. La
composition
du recueil
dans
lequel
ces extraits nt été insérésmilite
dans
le même
sens
le manuscrit
atin 10318
comprend
n effet
our
l'essentiel
une
anthologie poétique,
dite de Saumaise
du nom de
l'érudit
qui pos-
séda
le codex et
publia
le
premier
es
poèmes.
Peut-être
ompilée
en
Afrique
du
Nord à
la fin
de
la
domination
vandale,
cette
anthologie
se
présente
u
fond,
elle
aussi,
comme
une
suite
d'extraits39. e
que
ne dément as le restedu codex,avec notammentn De remediisalu-
taribus
attribué
ci à
Apuleius
Platonicus,
mais
rassemblant
n fait
des
extraits,
médicaux
ou
non,
de Pline40.
Ainsi,
dans
la deuxième
moitié du
vine
siècle,
le texte
d'Apicius
avait cessé
de fonctionner
omme un
registre
e recettes ndéfiniment
transformées
t enrichies
our l'adapter
à l'évolution des
pratiques.
On le
considérait
ésormais
omme e
témoignage
'une culture
u'il
convenait
tout
prix
de
préserver.
'est
exactement
insi
que
le con-
çut
également
a
«
Renaissance
carolingienne
.
Les critères
paléographiquespermettent
'attribuer es témoins
conservésdu IXe iècle à deux des scriptoria carolingiens es plus
importants
Fulda
(E)
et Tours
(V)41.
L'intérêt de
l'époque pour
Apicius peut
s'expliquer,
même
si aucune
des
explications
ne
paraît
35.
J.
André,
piciusop.
cit.,
p.
XVI.
36. Ernest
Wickersheimer,
anuscrits
atins
e
médecine
u
haut
Moyen ge
dans es
bibliothèques
e
France
Paris, 966,
p.
99-100,
°
LXXV.
37. E.
A.
Lowe,
Codices atini
ntiquiores
V, Oxford,950,
.
22 n° 593.
38. Bernhard
ischoff,
aléographie
e
l'Antiquité
omainet du
Moyen
ge
occidentaltrad,
r.,
aris,
985,
.
81.
39.
Édit.A.
Riese,
nthologia
atina
t.
1/1,
eipzig,
894 cf.
a
description
u
contenuu volumep.XII-XIX.40.Wickersheimer,p. cit.,p. 100.
41. Lesdeuxmanuscrits
ont écrits
arBirger
ünk
lsen,
'étude es uteurs
classiques
atinsux
xi
et
xw
iècles,
.
,
Paris, 972,
.
4. Une
noticestde
plus
consacréeu
manuscrit
par
Elisabeth
ellegrin t
aliiy
es
manuscrits
lassiques
latins e la
Bibliothèque
aticane
Paris,
975,
.
I/2,
pp.
654-655.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 31/164
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 32/164
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 33/164
26 BRUNO AURIOUX
mais le réviseur e celui de Tours
transcrit leo au lieu
d'oleum
52
:
la faute
figurait-elle
ans le
modèle
ou bien a-t-elle
té
commise
par
un
copiste gnare
ou distrait
En
tout
cas,
le
manuscrit été colla-
tionné ur son
modèle,
ce
qui
confirme
ien l'intérêt
ue
l'on
portait
à
l'époque
au traité
d'Apicius.
Peut-on mettre n nom
derrière
et intérêt Celui
qui s'impose
a
priori
est
évidemment
oup
de
Ferrières.Ancien élève
de Raban
Maur à
Fulda,
bien en cour
auprès
de
Charles le Chauve
qu'il
fait
bénéficier
e
ses
conseils,
l'abbé de
Ferrières
st constamment la
recherche e
manuscrits,
otamment
'auteurs
lassiques, u'il
réclame
avec insistance ses correspondants. 'est le cas par exempled'un
commentaire e
Boèce
aux
Topiques
de
Cicéron
contenu
dans
Y
rma-
rium Sancii Martini et
qu'il
aimerait
bien se
procurerpar
l'intermé-
diaire de
l'archevêque
Osmar,
en
842-84653.
On
sait d'autre
part
qu'il
collationne es œuvres
qui
l'intéressentur
plusieurs
manuscrits,
reportant
n
marges
es variantes
ranscrites
ans
une
écriturenette-
ment
nfluencée
ar
la
minuscule
ourangelle54.
l
a
notamment
or-
rigé
un
exemplaire
de Tite-Live
copié
à
Saint-Martin-de-Tours55.
Mais aucun
des
opuscules
de
Loup,
d'ailleurs
exclusivement
agio-
graphiques
ou
théologiques,
n'utilise
Apicius
et on n'en
trouve
pas
davantage
de trace dans sa
correspondance.
Une autrepisteramènepourtant lui. On sait que les scholies
à Ju énal
présentent
picius
comme l'auteur d'un
livre
sur les sau-
ces. Mais certains
manuscrits,
ont
les
plus
anciens
datentdu
IXe
iè-
cle,
ont
remplacé
e
termehabituelde
iuscellis
utilisé
par
exemple
dans
le
fameux codex Pithoeanis
de
Montpellier
-
par
celui de
condituris
6.
Or,
la
même
formule
qui
de
condituris
multa
scripsit
se retrouve
ittéralementans le
Mythographus
ecundus du
Vatican.
On
peut
évidemment
enser que
l'un s'est
inspiré
de
l'autre.
Cepen-
dant,
le second
Mythographe
u
Vatican est
depuis
longtemps
denti-
fié avec Rémi
d'Auxerre,
bien
que
cette
hypothèse
n'ait
pas
reçu
de
démonstration éfinitive57.
l
se
trouve
que,
de
leur
côté,
les scho-
52. Ms.
V,
f.52r J.
André,
picius,p.
cit.,
p.
103n°
289.
53.
Epištol
,
16,
dit.
MGH,
Epist.
ar.AEvi
IV, 1,
Berlin,902,
.
24
trad.
Léon
Levillain,
oup
de Ferrières.
orrespondance
t.
1, Paris, 964,
p.
214-216.
54.
Robert .
Gariepy,
Lupus
f
Ferrières
Carolingian
cribe
ndText ri-
tic
,
Mediaeval
tudies
t.
XXX,1968, p.
90-105.
55.
Lesne,
p.
cit.,
p.
162n. 5.
56.
Edit.
Wessner,
p.
cit.
ci-dessus
.
23),
p.
54. Les
manuscrits
omportant
des
gloses
u des commentaires
la
Satire
de
Juvénal
ue 'ai
pu
consulterla
Bibliothèque
ationalee Paris
omportent
ous ette
eçon
mss at.
9345,
. 115v
(xie
.,
caractéristique
e la classe selon
Wessner,
.
XLII)
8070,
. 12r
xie
.,
classe
»)
16698,
.
21
(xme
.,
commentaire
it Ex
abrupto
dans
a classifica-
tion 'EvaM. Sanford, Juvenalis,ecimusunius, dans aulOskar risteller& F. Edwardranz,Catalogusranslationumtcommentariorum= C.T.C.] t. ,
p.
188)
enfin
904,
.232ra
fin
ne
.,
nspiré
u commentairee
Guillaumee Con-
ches,
elon
anford,
oc.
cit.,
.
192).
eul e lat. 16698
récise,
n
glose
Sat.
11,
3
qu'
Apicius
e
conditis
t
farciminis
ulta
cripsitf.
98r).
57.
Cf.
Elliott
&
Elder,
oc.
cit.,
p.
202.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 34/164
CUISINER
À
L'ANTIQUE
27
lies
carolingiennes
Ju énal ont été influencées
ar
un nouveaucom-
mentaire,
enu se combiner u Vetustus et
que
ce
commentaire
st
attribué
au même
Rémi d'Auxerre58.Celui-ci officiait
la
fin
du
IXe
iècle,
mais
il
semble
s'être,
en
l'occurrence,
argement
nspiré
des
leçons
de son
maître,
Héric
d'Auxerre,
mortvers 876 et
qui
fut
ui-
même
l'élève de
Loup
de
Ferrières.
Faute
de
posséder
le commen-
taire
auxerrois,
l
est
impossible
de
vérifier ette
hypothèse, ui
lais-
serait
penser
que
la flamme
llumée
au
début
du
IXe
iècle ne s'était
pas
encore
éteinte
la fin du
siècle.
L'oubli n'allait cependantpas tarder. Entre le Xe et le xivesiè-
cle,
on ne
copie
plus Apicius.
Pis,
aucune
œuvre nouvelle ne men-
tionne
plus
cet
auteur59,
vec
lequel
on
a
perdu
tout
contact,
et
si
les
scribes
continuent
retranscrire
es scholies
à Ju
énal,
ils
n'ont
probablement
ucune idée du livre sur les sauces
composé
ancienne-
ment
par
un
certain
Apicius60.
Certes,
'argument
silentio est tou-
jours dangereux61,
mais le bréviaire de la cuisine romaine semble
avoir
partagé
la destinée d'autres textes
scientifiques
atins62,
on-
damnés
d'ailleurs
par
une tradition ntellectuelle
ui
se tournedavan-
tage
vers
a
dialectique
t la
théologie
ue
vers e culte des
classiques.
Les manuscrits
arolingiens 'Apicius
sont
conservés,
mais comme
des témoinsfigés,dont personnene se sert. Les gloses postérieures
au
IXe
iècle
dans
l'Apicius
de Tours sont
l'œuvre d'un
humaniste63,
et l'on
ignore
d'ailleurs
ce
que
ce codex est
devenu durant e
Moyen
Age
central.
Quant
à
celui de
Fulda,
il
attendait,
ans le monastère
qui
l'avait
vu
naître,
que
quelqu'un
vînt
le
redécouvrir.
58. Cf.
Sanford,
oc.
cit.,
pp.
176-177.
59.Le passage u Didascalicon'Huguese Saint-ictormentionnantpicius
parmi
esauteurs
ui
ont critur es rts
mécaniques,
st n
fait n
décalque
'Isi-
dore
e Séville
ou
de Raban
Maur)
Apiciusrimus
omposuitpparatum
oquinae
(éd.
Charles
enry
uttimer,
ugonis
e
Sancto
Victoreidascalicone Studio
Legendi
Washington,
939,
.
51)
cf.
ci-dessus,
otes
3
et
47.
60. Certains
opistes
es
manuscrits
u
Mythographus
aticanus
I
réalisésu
Moyen ge
entral
'ontmême
as
reconnue
nom u célèbre
astronome
cf.
par
exemple
a
leçon
picius
ms.
Vaticano,
eg.
at.
1401,
iie
.)
au lieu
Apicius.
'est
seulement
u
xve
iècle
u'on
voit e
généraliser
a
bonne
eçon,
eut-être
ous 'effet
de la
redécouverte
u
personnage
t
de
ses écrits
cf.
Kulcsár,
p.
cit.,
p.
190.
61. Un
tait
igniticatii
ourrait
tre
ependant
abandon
ar
Vital e Blois e
l'invocation
Apicius igurant
ans e
Querolus
<
édant
pici
erculo
éd.
Gunnar
Ranstrand,
uerolus
iveAulularia
Göteborg,
951,
. 24)
et
qui
avait té
glosée
danse mêmeens ue a satire eJuvénalAndré, p.cit., .XXVIII,
°
34).
Mais
c'est ussi arceueVital entièrementacrifiéepersonnageeMandrogerontpar
conséquent
a
tirade
ui
citait
Apicius
cf. éd. M.
Girard
dansG.
Cohen,
La
«
comédie
latine
n France
u
xw
iècle,
.
, Paris, 981,
p.
74-104.
62. Cf.
Münk
lsen,
oc. cit.
63. Main
dite
V3
dans es éditions
ilham t André.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 35/164
28 BRUNO AURIOUX
Apicius
retrouvé
Le retourdu texte
d'Apicius
en
plein
our appartient
une
saga
bien connue la redécouverte
'un
grand
nombrede
classiques
latins
par
les humanistes
u
XVe
iècle.
En
voici à
peu près
la
vulgate64
retrouvé
n
1417,
lors
d'une
des
nombreuses
expéditions
dans les
bibliothèquesgermaniques
menées à
l'occasion du concile de
Cons-
tance
par Poggio
et ses
amis,
l'Apicius
de
Fulda fut
victorieusement
enlevé
par
Enoch
d'Ascoli,
qui
le
rapporta
en
Italie,
avec
d'autres
trophées,
n 1455.
L'intrigue
st
lumineuse,
es
protagonistes
e
man-
quent pas de classe,mais lorsque 'on regardede près es documents,
tout s'embrouille.
Les
historiens e
l'humanisme
lacent
généralement
a
découverte
de Fulda au début
de l'année 1417.
Or,
elle
n'est
mentionnée
ans
aucune
des nombreuses
lettres
qui,
scandant
les
expéditions
de
Poggio
et
de ses
compagnons,
eur
donnaient
n
grand
retentissement.
Le
21
janvier
1417,
alors
qu'il
se
trouve
Saint-Gali,
Bartolomeo
de
Montepulciano,
qui joue
dans cette
«
campagne
»
un
rôle
moteur,
explique
à
Traversari
ue
lui
et
Poggio
sont
intéressés
ar
l'ermitage
alpestre
d'Einsiedelnet
qu'ils s'apprêtent
se
rendre ers
trois autres
monastères,
dont
probablement
Reichenau et
Weingarten65.
ls ne
comptentdonc pas quitter es alentours du lac de Constance, bien
loin
de Fulda
qui
se situe à
plusieurs
entaines e
kilomètres u
nord.
Quelques
mois
plus
tard,
en
juillet
1417,
Francesco
Barbaro
félicite
Poggio
d'avoir
affronté es
rigueurs
e
l'hiver,
pour
rassembler
col
lega),
avec
Bartolomeo,
un
grand
nombre
de
manuscrits
parmi
ceux
qu'il
cite,
il
n'y
a
aucune trace ď
Apicius66.
La
première
mention ûre de la
découverte
figure
n
1431
dans
le fameux
Commentarium
e
Niccolo
Niccoli.
l
s'agit,
on
le
sait,
d'un
inventaire e
manuscrits rechercher
ressé
pour
les
cardinaux
Cesa-
rmi et
Albergati, qui s'apprêtent
à
partir pour
la
France et
l'Allemagne67.
es
informations
e
Niccoli
viennent
'une
liste éta-
blie par Poggio lui-même t qui sera reprise près sa mort dans un
mémorandum
tabli
par
son
fils,
Jacopo
Poggio68.
Voilà ce
que
dit
le
Commentarium
64.
Exposée
otamment
ar
L.D.
Reynolds
N.G.
Wilson,
D'Homère
Érasme,
a
transmissiones
lassiquesrecs
t
atins
Paris,
986,
p.
92-94,
partir
essentiellementes
nombreusesonnées
assemblées
ar
R.
Sabbadini,
e
scoperte
ei
codici
atini
greci
ei ecoli
XIV
e XV
Firenze,
vol.,
1905-1914.
65. Citée
ar
Sabbadini,
p.
cit.,
.
,
pp.
79-80.
66.
Epist.
,
édit.J.M.
Rizzardi,
rancisci
arbarit
aliorum
d
ipsum
pisto-
lae Brixiae,743, .2.67.Rodney. Robinson,The nventoryfNiccolo iccoli, Classicalhilo-
logy
t.
XVI,
1921,
p.
251-255.
68.
Nicolai
ubinstein,
An
Unknown
etter
y
Jacopo
i
Poggio
racciolini
on Discoveriesf
Classical exts
,
Italia
medioevale
umanisticat.
, 1958,
pp.
383-400.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 36/164
CUISINER
À
L'ANTIQUE
29
In monasterio uldulensi ontinentur
nfrascripti
ibri..
Repertus
Aepitii
de
compositis
ibri
octo,
opus
medicinaleet
optimum
9
.
Laissons
de
côté
la
grossière
aute sur
le
nom de l'auteur
-
le
mémorandum
de
Jacopo
donne
bien,
quant
à
lui,
Apicii10
-
et
attardons-nous
ur
deux erreurs
ui
font douter
que
Poggio
ait réel-
lement
vu le manuscrit le
livre
d'Apicius
ne contient
as
huit mais
dix livres
ce n'est
pas
un
ouvrage
de
médecine,
mais de
cuisine.
Cer-
tes,
il
est
possible
que
le manuscrit
e Fulda ait
déjà perdu,
à
cette
époque,
la
page
de titre
qui
l'identifiait
d'autre
part,
le recueil
s'ouvrepar une recette e « vinmerveilleuxux épices», d'une tona-
lité nettement
médicale. Mais un humaniste
de la
trempe
de
Poggio
ne
s'y
serait
pas
laissé
prendre,
'autant
qu'il
savait
parfaitement
e
qu'était
un
livrede
cuisine,
omme
e
prouve
une de
ses lettres
Nic-
colo
Niccoli
écrite en
1421
1.
La solution
a
été
proposée
il
y
a
plus
de trente ns
par
Nicolai
Rubinstein,
mais
on ne semble
pas
en avoir tiré
encore toutes les
conséquences72.
ans
le
Commentarium
t dans le mémorandum e
Jacopo,
les manuscrits
e Fulda font mmédiatementuite à ceux du
monastère
'Hersfeld.
Ludwig
Pralle a montré
ue
les
renseignements
de
Poggio
étaient
ci directementssus
d'une liste
transmise n
1425
ou 1427 par un moine d'Hersfeld,Heinrichvon Grebenstein, enu
alors
à
Rome
pour
défendre es
intérêts e sa communauté.Certains
des manuscrits
rétendument
étenus
par
Hersfeld vaient d'ailleurs
été dérobés
aux frères de
Fulda73.
Hâtif,
motivé
davantage par
l'appât
du
gain
que par
l'amour des
belles-lettres,
e recensement e
pouvait guère
constituer
n
modèle
du
genre.
Pour
expliquer
'erreur ur
le
nombre
de
livres,
es
érudits
ont
imaginé
'existence Fulda d'un second manuscrit
'Apicius,
arché-
type
-
évidemment,
-t-on envie d'écrire
-
de celui
qui
nous est
resté
et d'autant
plus
facile
à
créer
que
l'on ne
possède pas
de cata-
logues
anciens
de la
bibliothèque
e Fulda.
Point
n'est besoin
de
com-
pliquer inutilementes choses Poggio n'y a vu que du feu, parce
que
précisément
l n'a
jamais
vu le manuscrit
'Apicius.
Ni
jamais
mis
les
pieds
d'ailleurs
à
Fulda. Le
premier
umaniste taliende
quel-
que
importance
l'avoir fait semble
avoir
été
le
jeune
Nicolas de
Cues,
tandis
qu'il
accompagnait
n 1426 le cardinal
Orsini,
égat
en
Allemagne74.
Mais
il ne soufflemot
d'Apicius.
Quant
à
l'expédition
69.
Robinson,
oc
cit.,
p.
253,
11.
4
et 54-55.
70.
Rubinstein,
oc.
it.,
p.
399.
71.
Epist.
III,
édit. homas
e
Tonellis,
oggii
pistolae
t.
, Firenze,
832,
p.
61
Si velies iscere odům
quo
plurima
erculo
arentur
d
convivium,
el
rt
m
pulmentariam,ortasseeperireosses
ic uctoresatis onoset neo udo
erductos.72.Rubinstein,oc.cit.,p.383.
73.
Ludwig
ralle,
Die
Wiederentdeckung
es Tacitus.
in
Beitrag
ur
Geistes-
geschichte
uldas
nd
ur
Biographie
es
ungen
usa
us, ulda,
952
Quellen
nd
Abhandlungen
ur
Geschichte
erAbtei ndder
Diözese
ulda,
XVII).
74. bid.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 37/164
30
BRUNO AURIOUX
de
1431,
elle ne tiendra
pas
ses
promesses,
es cardinaux ur
lesquels
Niccoli
comptait
ayant
d'autres
chats à fouetter.
Le
véritable
re-découvreur
d'Apicius
est donc bien Enoch
d'Ascoli,
et au sens
plein
du
terme ar avant
lui les humanistes
gno-
raient otalement
uel
texte e
cachait derrière e nom.
Enoch
n'agit
pas
seul
:
il
reçoit
du
pape
Nicolas
V,
pour lequel
il
est
déjà
allé en
Orientchercher es
manuscrits
recs,
un ordre de
mission75
le
sou-
verain
pontife
y
enjoint
à
tous
les
évêques
de
l'autoriser
à
prendre
copie
de
tous
les
«
vieux
[livres]
et
d'antique
écriture .
En
fait,
l'humaniste
va
dépasser
de loin
la lettre e
sa mission et en
profiter
pour rapporter uelques-unsde ces manuscrits antiques», avec en
mains
le Commentarium
e Niccoli
pour
guide.
Ainsi,
en revenant
du
Danemark,
s'arrête-t-il
Fulda,
en
1453,
et
c'est
là
qu'il
retrouve
l'Apicius,
le
seul
manuscrit
u'il emporte
du monastère.
Quel
accueil
les humanistes taliens firent-ilsu
nouveau
texte,
lorsqu'Enoch
futrevenu n
Italie ? Cet accueil fut oin
d'être enthou-
siaste,
contrairement
ce
qui
se
passa pour
le Tacite et le Suétone
rapportés
Hersfeld t
que
Pier Candido Decembriodemanda mmé-
diatement voir. Tacite et
Suétone étaient
des
auteurs
classiques
et
attendus,
mais
qui
se souvenait
d'Apicius
? Il
est
remarquable que
Poggio,
qui
a cherché
récupérer ar
toute
une série de
moyens
es
manuscritsu'on lui avait signalés Hersfeld u à Fulda, n'ait mani-
festé ucun intérêt
our
celui
d'Apicius qu'avait-il
faired'un vieux
livre de médecine Les
seules sources
qui
auraient
pu
le mettre ur
la bonne voie
étaient
des
auteurs
tardifs,
eu goûtés
de cet amateur
de
bonne atinité.
a curiosité
our
le
traité
'Apicius
fut
imide,
imi-
tée à
quelques
lettrés elle allait véritablement
e
développer
une
décennie
plus
tard,
dans
le cadre de
l'Académie romaine.
Princes et humanistesdu
XVe
iècle l'accueil fait
à
Apicius
Le premier manifestere l'intérêt our Apiciusest l'humaniste
sicilien
Antonio
Beccadelli,
dit
II
Panormita. Dans une
lettre dres-
sée de
Naples
en 1455 à
Giovanni
Aurispa,
autre
Sicilien,
l
demande
à celui-ci de lui faire
parvenir
e
Coquinarium
d'Apicius,
dont Teo-
doro
Gaza,
récemment
nvoyé auprès
du roi
d'Aragon,
lui a
appris
l'existence. e
que
confirme
urispa
dans sa
réponse,
datée
de
décem-
bre
1455
et où
il
évoque
plaisamment
a
supériorité
ur
Apicius
de
sa
propre
cuisinière,
apable
de confectionner
e
savoureuses
prépa-
rations
pour
des convives édentés76. e recueil
d'Apicius
est donc
bien désormais considéré
pour
ce
qu'il
est,
un
livre de cuisine.
Aurispaétaitbienplacé pour
connaître t
apprécier
a
découverte
75. Édit.
Georg
oigt,
ie
Wiederbelebung
es
Klassischenlterthumsder as
erste ahrhundert
es
Humanismus
Berlin, 859,
.
361n. 2.
76.
Milham,
Toward Stemma
,
pp.
290-291,
oc. c-d.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 38/164
CUISINER
À
L'ANTIQUE
31
d'Enoch. Grand inventeurui-même e
manuscrits,
l l'avait
précédé
en
Orient,
insi
qu'en
Allemagne
t
s'intéressait
otamment ux tex-
tes
médicaux,
comme la
Physica
Plinti11.
Mais cet
intérêt
tait loin
d'être
partagé par
tous
:
s'il a bien
récupéré
es
manuscrits
'Enoch,
le
pape
a
laissé de côté
Apicius78.
n
réalité,
Enoch
semble avoir
eu
du
mal
à
négocier
es découvertes en
1456,
Carlo de' Medici
se
plaint
encore
des
exigences
xcessives e
«
maestro nocche
»,
pour
des livres
qui
sont
loin
d'en valoir tous la
peine.
L'année
suivante,
e
représen-
tant
des
Medici à Rome se résout à faire
copier
le
codex
d'Apicius
mais Enoch
disparaît précisément
n 1457
et Carlo
est contraint
d'écrire au gouverneur es Marches, où est mort 'humaniste,pour
qu'il
l'aide
à
récupérer,
inon es
manuscrits
riginaux,
u
moins des
copies79.
On ne
sait
pas
en
réalité e
que
devint
et
Apicius
dans
les
années
qui
suivirent
mmédiatement,
ais
il
entra
probablement
n
la
possession
du cardinal
Bessarion,
célèbre
humaniste
rec
et
protec-
teur
de Teodoro
Gaza80.
À
peine
arrivé n
Italie,
le manuscrit e
Fulda
disparaissait
onc
pratiquement
e la
circulation,
t
c'est
l'autre
exemplaire
carolin-
gien V)
qui
allait donner
pour
l'essentiel
naissance
à
la tradition u
xvc
siècle. Nous
ignorons
omment
l
est
entréen
Italie,
et
à
quelle
date
;
le seul
point
de
répère
est sa
présence
dans le
catalogue
de la
bibliothèqueducale d'Urbino rédigé à partir de 1482 et pourvu
d'ajouts
jusqu'en
1497
par
le
bibliothécaire
Agapito81.
On
sait
que
le
comte
puis
duc
Federigo
da Montefeltro
ntreprit partir
de 1467
de
se
constituer
ne collection
de livres
digne
de son nouveau
palais,
en
achetant
notamment es
manuscrits
u
grand
ibraire
lorentin es-
pasiano
da Bisticci82. ans
doute la
belle écriture
t la
somptueuse
décoration
du codex
tourangeau
tout à fait
nhabituelles
our
un
public
habitué
à de
méchants ecueils
de
recettes ulinaires83 ont-
elles
davantage
attiré 'attention
ue
le
manuscrit
igarré
et incom-
plet rapporté
par
Enoch. D'autant
que
la
diffusion u texte
d'Api-
cius allait être dans
un
premier emps
de nature
nettement
ristocra-
tique.
77.
Sabbadini,p.
cit.,
.
,
pp.
46-47 t 114-117.
78.
Milham,
Toward Stemma
,
p.
291,
document.
79.
bid.
pp.
291-292,
ocuments
-g.
80.
bid.,
p.
264.
81. Edit, e
1'«
ndice ecchio
par
Cosimus
tornajolo,
ibliothecae
posto-
licaeVaticanaeodicesManu
cripti
ecensiti.odices rbinatesatini
t.
,
Città
del
Vaticano,
902
p.
CXIV,
n°
442
Apitius
elius
e
Condimentis.odex etus-
tus n
Purpureo).
f.
Luigi
Michelini
occi,
Agapito,
ibliotecario
docto,
corto
e
diligente
ellaBibliotecarbinate
lle fine el
Quattrocento
,
dansCollectanea
Vaticana
n
honorem
nselmi
. Card.AlbaredaCittà el
Vaticano,. I, 1962,pp.245-280Studi Testi220).
82. Cf. Cecil
H.
Clough,
The
Library
f the
Dukes
f Urbino
,
Librarium
t.
X, 1966,
p.
101-105.
83. Cf. Bruno
aurioux,
es livres e
cuisinen Occident
la
fin
du
Moyen
Âge
thèse
actyl.,
niv. aris
, 1992,
.
II,
IIIe
partie,
h.
5
et 6.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 39/164
32
BRUNO
AURIOUX
Mary
Ella Milham
a bien
montré,
n
effet,
ue
le
premier
ôle
de diffusion e situait à
Florence
cf.
carte
ci-dessous).
Nous avions
quitté
Carlo de'
Medici
en
1458,
tandis
qu'il
tentait
désespérément
de
mettre
a main
sur le
manuscrit 'Enoch. En
1464
au
plus
tard,
et
peut-être
ès
1458,
es Medici de
Florenceont
eu
accès à une
copie
de
V,
qui
allait
également
onner
naissance à deux
autres
manuscrits
florentins,
ont un
appartenait
ux Strozzi.
Quant
à
l'exemplaire
des
Medici,
il
fut
probablement
ecopié
dans un
manuscrit
ossédé
par
les Sforza de Pesaro et
aujourd'hui
disparu.
C'est donc d'un
seul
apo-
La
diffusion
'Apicius
n
Italie au XVe
iècle
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 40/164
CUISINERÀ
L'ANTIQUE
33
graphe
de V
que
dérivent,
lus
ou moins
directement,
ous les autres
manuscrits
du
XVe
iècle connus en Italie du
nord-est,
d'Urbino à
Venise,
en
passant par
Cesena et
Bologne.
C'est
également
ette
tra-
dition
qui
servira l'édition
ncunableet aux
éditionsdu
commence-
ment
du
xvie
siècle.
Cette
diffusion,
ien délimitéedans
l'espace,
fut
aussi relative-
ment
rapide.
Le
manuscrit olonais date de 1464 et
celui des Medici
est
dédié
au
pape
Pie
II,
qui occupa
le
Saint-Siège
de 1458 à 1464.
On
peut
donc
parler
vers
1460
d'une véritable
mode
d'Apicius,
où
Mary
Ella Milham
a
suggéré
de voir le reflet d'une
volonté
politique84.À cetteépoque, Pie II cherchait n effet se réconcilier
avec ses adversaires
n Italie
centrale,
es
Sforza de
Pesaro,
les Mala-
testa de Cesena
ainsi
que
les ducs d'Urbino
;
pour
matérialiser ette
alliance,
il
leur aurait
notamment
ffert
n
exemplaire
e la
Germa-
nie de
Tacite,
dont Enoch d'Ascoli venait
de
rapporter
e manuscrit
d'Hersfeld85.
Or,
ce texte
se trouve
précisément
ssocié
à
Apicius
dans
le manuscrit es Medici
qui
aurait ainsi servi de base
logistique
à cette
opération
il
figurait
galement
dans le
codex
perdu
d'Api-
cius
qui
se trouvait Pesaro.
Quant
à l'absence de la
Germaniedans
les manuscrits 'Urbino et
de
Cesena,
elle
pourrait s'expliquer
par
la
disparition
e
témoins ntermédiaires. ais le
rejeton
e
plus
fécond,
le plus durableet le plus intéressant our nous, allait se développer
à
Rome,
où
les humanistes
prirent
a
relève des
princes.
Pomponio
Leto et la collation
d'Apicius
La
savante
analyse
de Mme Milham a
pour
la
première
ois mis
en évidence
un
groupe
de trois manuscrits
cinq
si l'on
ajoute
les
intermédiaires
erdus
qui
non seulement ont
étroitement
pparentés
mais renvoient
ous de
près
ou de loin à l'Académie
romaine fondée
autour de
Pomponio
Leto86. Les
indices
sont
multiples
t concor-
dants pour un manuscrit ujourd'hui conservéà Oxford (Bodleian
Library,
Add.
B
110)
et
qui
fut a
propriété
e Marco
Antonio
Altieri,
disciple
de
Pomponio.
Sur l'un des
feuillets e
garde,
on lit
trois
épi-
taphes d'Apicius87.
La seconde et la
troisième
ont l'œuvre
d'une
seule
main,
celle-làmême
qu'on
reconnaît ans un
Virgile
xécuté
our
l'Académie romaine.
Le
poème précédent omporte
notamment e
termede letus
qui pourrait
tre une
allusion
au maître.
Quant
à la
mention
ncomplète
Calimachi
n
»,
qui figure
n haut du
feuillet,
elle se réfère videmment l'une des
gloires
du
groupe,
Filippo
Buo-
84.Milham, Toward Stemma, loc.cit.,pp.267-268.
85. Le rôle 'Enoch 'Ascoli ans
'«
mportation
de
a Germaniee Tacite
éténié
par
Pralle,
op.
cit.
86.
Milham,
Toward Stemma
,
pp.
270-274.
87.
Cf.
bid.,
pl.
XVI.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 41/164
34
BRUNO
AURIOUX
naccorsi.
Celui-ci,
lorsque
Paul
II eut
jeté
les
Académiciens
en
pri-
son, fut,
on le
sait,
chargé
par
ses
camarades. Le
manuscrit st
donc
antérieur
1468,
date à
laquelle
la
«
conspiration
fut
châtiée. Cette
hypothèse
st d'autant
plus probable
que
l'on
sait avec
quel
soin
ont
été
grattés
es noms
compromettants
au
premier
chef
celui de
Callimachus
-
dans les manuscrits u
De
Honesta
v
lup
at
**.
Les deux autres manuscrits
ravitent
ien
dans le même cercle
l'écriture
u codex
B.
N.,
lat.
8
209
est
proche
de celle
que
pratiquait
Pomponio
lui-même
quant
au
Vaticano latino 6
803,
il
appartenait
à
Angelo
Colocci. Ils
dérivent
d'ailleurs tous deux
du
manuscrit
d'Oxford. L'élaboration d'un Apicius propreà l'Académie romaine
doit donc
être
placée
avant
1468,
c'est-à-dire vant
e tournant
majeur
que
constituera a
répression ontificale.
Car
il
y
a bien
un
Apicius
«
romain
». Le
modèle de cette
traditionn'est
pas
en
effet a
simple
copie
d'un
exemplaire
e la tradition
lorentine,
mais résulte
ussi de
la collation
des deux
manuscrits
arolingiens.
Le
meilleur andidat
pour
un
travail ussi
délicat
est évidemment
Pomponio
lui-même. Les
preuves
existent,
mais
celles
que
Mme
Milham
présente
nt le
désavantage
d'être
tardives.
Le
commentaire
que
Pomponio
consacra
au
traité
agronomique
de Varron
nous est
ainsi connu
par
un manuscrit e
1484,
même s'il
n'est
pas
exclu
que
le travail de préparation it commencé bien avant89.En tout cas,
Apicius y
est
cité,
visiblement e
première
main
et
Pomponio
Leto
peut
même
écrire
«
M.
Apicius
Caelius
qui
anéantit
uarante
mille
]
sester-
ces dans des
essais de
farcimina
saucisses
?]
et
de
plats
dont
les dix
volumes,
réduits en
compendium
(in
compendium
redacta
,
étaient entre nos
mains90.
Le traité
d'Apicius
est
également
tilisé
dans
le
commentaire e
Pomponio
au livre
X
du
traité
de
Columelle91,
ui
eut
les
honneurs
de l'impressiondès 1472. Mais ce commentaire été écrit en réalité
en 1467
au
plus
tard92.Là
aussi,
les
recettes
ont très
résumées,
ar
bien
évidemment
omponio
ne
retenait
ue
ce
qui
était utile
au com-
mentaire le
fait
qu'il
ait
peut-être
ravaillé
ur
un
recueil
d'extraits
significatifs,
oire de
notes sur
Apicius,
n'exclut
pas
de sa
part,
bien
88.
Mary
lla
Milham,
Platina
nd
Papal
Politics
,
dans
Du
manuscritla
table.
ssais
ur
a cuisineu
Moyen
ge
sous a dir.
e
C.
Lambert,
ontréal-Paris,
1992,
p.
81-84.
89.
Comme a
remarqué
osé
uysschaert,
ucun
émoignage
e
ubsistee 'acti-
vité
e
Pomponio
eto vant
467 t
sa
bibliothèque
étédétruiteors
e son rres-
tationn
mars
468
«
Les
manuels
e
grammaireatineomposésar omponioeto ,Scriptoriumt.VIII, 1954, . 101).
90.
Milham,
Toward Stemma
,
p.
293,
doc. .
91.
bid.,
doc.m.
92.
Virginia
rown,
Columella,
ucius unius
oderatus
,
dans .T.C.
t.
II,
Washington,
976,
.
175.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 42/164
CUISINER
À
L'ANTIQUE
35
au
contraire,
un examen direct et minutieux es manuscrits
rinci-
paux.
Mais,
en
tout état de
cause,
il
ne s'est
pas
intéressé irecte-
ment au traité
d'Apicius.
À
moins
que
la
répression
de
1468 n'ait
réfréné es ardeurs.
À cet
égard,
le
rapprochement hronologique
u'a déjà
suggéré
Mme Milham
prend
tout son sens.
Lorsque
la
répression
'abat sur
ses
compagnons,
Pomponio
se
trouve en effet n
voyage
à Venise.
Il
est
possible
qu'il
ait alors collaboré
vec
ceux
qui préparaient
editio
princeps
des
Scriptores
ei rusticae
Il
en a aussi
peut-être rofité
our
examiner
de
plus
près
le manuscrit
picien
de
Fulda,
à cette
époque
entre es mains du cardinalBessarion,qui possédaitd'ailleurs aussi
un manuscrit
e Columelle.
L'intérêt
ue
Pomponio
manifestait
la
fin
des
années
1460
pour
l'agronomie
t la cuisine tait lors
partagé
par
l'autre
phare
de l'Aca-
démie
romaine,
Platina. Lui aussi se
réclamaitde
Caton,
de
Varron,
de
Columelle
et
d'Apicius.
Mais
contrairement
Pomponio,
il
reven-
diquait
haut
et fort e dernier
atronage,
dans
un
recueil
qui
révélait
parfaitement,
rop parfaitement,
es
centresd'intérêt
de
son
groupe.
Apicius
et
le De Honesta
voluptate
Les
motivations
e la
première
Académie
romaine,
e
genre
de
vie et
de travail
qu'on y
menait,
ne
sont
guère
faciles
à reconsti-
tuer93.
'emprisonnement
t les
tortures nt laissé
bien des traces
et
les
rescapés
se sont
attachésà dresser
devant
eur
passé
un écran de
fumée,
idés
par
des
biographes
élés
comme Sabellico.
D'autant
qu'à
partir
de
1478
s'est constituée
ne
seconde
Académie,
sur des bases
dévotes
t
nettement
lus
orthodoxes.
Aussi,
orsque
Sabellico
se
laisse
aller à révéler
a
jeunesse
un
peu
tumultueuse
u
maître,
'est
pour
immédiatement
ouligner
a
frugalité
e
patriarche u'il pratiquait
ans
les
dernières
nnées
de
sa
vie.
Il
n'empêche, e
note avec
intérêt
qu'avant 1468, il « participait ouvent de somptueuxbanquets»94.
Les
adversaires
de
l'Académie
ne
sont
évidemment
uère
plus
objectifs.
Mais
l'accusation,
traditionnelle,
ui
fut faite à
Pomponio
et ses
compagnons
de
ne rechercher
ue
le
plaisir
en
mangeant
de
la viande
en
Carême95,
st
peut-être
ussi
le refletde certaines
pra-
tiques
alimentaires,
lus
soucieuses
de mimétisme romain
»
que
de
conformisme
hrétien.
n
affectait,
armi
es membres
e la
première
93. Voir
es
aperçus
'Arnaldo
ella
Torre,
aoloMarsi a Pescina. ontri-
buto lla Storia
ell'Accademia
omponiana
Rocca .
Casciano, 903,
Vladimiro
Zabughin,iulioomponio
eto 2
tomes, oma, 909-1912,
t
plus
écemment
ohn
F.d'AMico, enaissanceumanismnPapalRome.HumanistsndChurchmenn
the
ve
of
the
Reformation
Baltimore-London,
983,
p.
89-112.
94.
uvenis
umptuose
t
requenter
onvivatus
st
Opera omponii
aetiVaria
Mayence,
521,
.
LXXXVIII
°).
95. Accusation
apportéear
Zabughin,
p.
cit.,
pp.
45-46.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 43/164
36
BRUNO AURIOUX
Académie,
de vivre à
l'antique
»,
en
portant
a
toge
et en ne dédai-
gnant
pas
la
paideïa
voire les cultes
païens
:
pourquoi
n'aurait-on
pas
cuisiné
l'antique
?
Les
pages
du De
Honesta
voluptate
ont d'ail-
leurs
pleines
de
plats
préparéspour,
voire
par,
des amis de Platina96.
Dans
cette
œuvre,
es membres
ermanents
u
groupe
aussi bien
que
ses
hôtes de
passage
apparaissent
ous
leurs urnoms
ntiquisants,
vec
leurs
maladies,
leur
goûts
et
leurs recettes
référées.
'est donc à la
fois un miroir
t un mémorial
e
l'Académie,
et
l'on
comprend our-
quoi
Platina a cherché
toute force à
faire
retirer e la
circulation
les
exemplaires
compromettants
ù le nom
des boucs
émissaires,
Callimachusou Glaucus apparaissaiten toutes lettres.
Mais
Apicius
a-t-il té autre chose
qu'une
référence
our
l'auteur
du
De
Honesta
voluptate
Rappelons que
Platina a
d'abord
conçu
le
projet
d'un
Epitome
de
Pline,
qu'il
a
peu
à
peu
élargi
aux dimen-
sions
d'un traité
ur
l'alimentation t la
santé,
où la
volupté épicu-
rienne e
tempère
ux vertus
d'un
stoïcismebon teint. La
rencontre,
probablement
urant 'été
1464,
avec
Martino,
cuisinier
du
cardinal
Trevisan renommé
pour
le faste de ses
banquets,
a été ici
détermi-
nante. Elle ne dut
pas
être
éloignée
de la découverte t de la
lecture
ď
Apicius.
Malgré es protestationse filiation nregistréesans le prologue
du De
Honesta
voluptate
l'influence du traité
d'Apicius y
est
mince97.Plus
que d'emprunts
directs,
c'est
d'inspirationqu'il
faut
parler.
l
est vrai
que
Platina a
savammentmêlé dans
ses
notices
es
différentes
ources
qu'il
utilisait,
u
point
de
les rendreméconnaissa-
bles. La recette ù
il
démarque
son
illustre
rédécesseur
n assaison-
nant le
poulpe
de
poivre
et
de
laser,
ne
peut
être
qu'une
exception
le laser
Ferula
asa
fœtida L.)
n'est en
effet
lus
employé
ur es tables
occidentales
depuis
le Haut
Moyen
Âge.
À
moins d'écrire un
traité
de cuisine
théorique,
ou
historique,
l
faut bel et bien
s'adresser au
praticien
e son
temps,
c'est-à-dire
Martino,plutôt qu'au gourmandd'un passé révolu,fût-il omain.
Ce
qu'on pourrait ppeler
1'«
apicianisation
du
vocabulaireest
en
revanchemanifeste ans
le
De
Honesta
voluptate y
comprispour
les
recettes
irées
de
Martino.
C'est
ainsi
que
Platina
traduit
par us
l'italien
brodo
qui peut
effectivement
ésigner
ussi bien le
bouillon
que
le brouet.
Quant
aux minutai et aux
patina qu'on
retrouve
chaque page d'Apicius,
ls
répondent
ux non
moins nombreuxmines-
tre
de
Martino. Plus
la traduction
st
savante,
mieux elle
cadre avec
96. En
attendant
'édition
ritique
e
Mary
lla
Milham,
l
faut e contenteres
incunablesnombreuxduDeHonestaoluptate.'aipourmapart tilisée com-mode ac-similée 'éditione 1475 PlatynaeehonestaoluptateVeniseLorenzo
d'Aquila,
vec rad,
ngl.,
.l.,
1967,
Mallinckrodt
oll.
of
Food
Classics,
ol.V.
97.
Les
nalysesui
uivent
eprennent
argement
elles
ue 'ai déjàdéveloppées
dans
ma
hèse,
es ivrese cuisine
op.
cit.y
.
ll,
pp.
786-790.
'y
envoie
our
outes
les
références
récises.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 44/164
CUISINER
À
L'ANTIQUE
37
l'atmosphère
antique
dont l'auteur veut recouvrir on œuvre le
blanc-manger
evient ainsi
leucophagium
étrange
néo-hellénisme
peut-être
nspiré
de
leucozomus
qui,
chez
Apicius,
qualifie
une
sauce
blanche
-
et derrière es ova
tarycha
se cache la
boutargue.
Plutôt
que
de
transposer
n
«
latin de cuisine
»
les termes de
la
langue
vulgaire,
latina a donc
choisi,
en
bon
humaniste,
e
reve-
nir à la
supposée pureté
de la
langue antique.
Ce
qui
ne va
pas
sans hésitation
la minestra st ainsi
traduite antôt
par patina
tan-
tôt
par
minutai tantôt
enfin
par
cibarium
qui
sert aussi
à rendre
brodetto
ou civero.
Son
«
intégrismeinguistique
conduit
parfois
Platina à l'absurdité ainsi de la traductionde tous les noms de
pâtes,
déjà
très diversifiées
l'époque
(macaroni,
ravioli,
asagne)98
par
un seul
terme,
esicium
qui
désigne
chez
Apicius
des
prépara-
tions
hachées à
la manière
de
quenelles.
Le mot est si
obscur
que
le traducteur
e
l'édition talienne
u
xvic
siècle le
transposera
son
tour en exicio sans
reconnaître onc
ce
qu'il mangeait
ous les
jours.
Même
si le
traité
d'Apicius
a
pu
donner Platina l'idée
d'orga-
niser
son œuvre
en dix
livres,
e cadre
du De Honesta
voluptate
est resté
médiéval
l'ordre de succession des notices ressortit ans
un
premier
emps
au
genre
du
régime
de
santé,
puis
reproduit
elui
du
Libro
de arte
coquinaria
de Martino.
Le rôle
d'Apicius,
avec
d'autres auteurs latins, se limite à ornerles réalitésdu tempsdes
couleurs
et des
mots rares du
passé.
Ainsi,
Platina,
faute de
pou-
voir trouver
du
garum,
donne
à
liquamen
le
sens inédit
de
graisse
de
porc
: comment
pourrait-il
e
passer
d'un mot
qui reparaît
dans
chacune des
recettes
d'Apicius
?
Le
traité
d'Apicius
est donc resté
une affaire de
lettrés,
au
XVe
iècle
comme
au IXe.
Il le
demeurera.
Angelo
Poliziano,
en
pro-
cédant
à une collation
minutieuse es
plus
anciens
manuscrits ans
les années
1490,
fait entrer
e
texte
dans le
champ
de
la
philologie,
où
il
se cantonnera
ésormais.
Le contraste st
frappant
vec le suc-
cès immédiat,considérableet européendu De Honesta voluptate
on ne
compte
en effet
u'une
édition
ncunable
d'Apicius,
et encore
bien
tardive
1498),
puis
seulement
inq
autres
jusqu'en
1542 et
aucune
traduction
n
langue vulgaire.
Certes,
en
Allemagne,
e
nom
d'Apicius
sera
utilisé,
si l'on me
permet
'expression,
n
peu
à toutes es sauces. Mais
la
Schola
Api-
tiana n'est en
fait
qu'une
collection
de
«
banquets
»
antiques
ou
humanistes
t
les
livres de cuisine
qui
se
réclament
'Apicius
ne
lui
empruntent
ucune recette .
Il
n'y
a rien là de très étonnant la
98. Cf.OdileRedon Brunoaurioux, La constitution'une ouvelleaté-
gorie
ulinaire
Les
pâtes
ans es ivrese cuisinetaliens
e
a
fin u
Moyen
ge
,
Médiévales
n°
16-17, 989,
p.
51-60.
99.
Cf.
Mary
lla
Milham,
Apicius
n
the
Northern
enaissance,
518-1542
,
Bibliothèque
'Humanismet
de
Renaissancet.
32, 1970,
p.
433-443.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 45/164
38
BRUNO
AURIOUX
cuisine réelle
n'avait
que
faire de
recettes i
exotiques.
Apicius pou-
vait
permettre
ux humanistes 'exercer eur
talent
philologique,
mais
il ne fut
amais
leur livre de chevet.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 46/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
39-57
Francine
MORA
VIRGILE
LE
MAGICIEN
ET VÉNÉIDE DES CHARTRAINS
«
C'est du ciel
qu'est
descendu e
y
>û6l
eavTÓv
c'est-à-dire,
e
connais-toi
oi-même .
C'est sur ce vers de Juvénal
eproduit
t
glosé
par
Macrobe
que
se clôt le
prologue
du fameux
Commentaire ur les
six
premiers
ivres de
l'Énéide attribué
Bernard
Silvestre,
roduit
d'une réflexion
latonicienne
ur
l'épopée virgilienne
menée
par
les
maîtres
de l'école de Chartres1.Bernard
y
voit
en effet
dans Énée
une figurede l'âme humaine,tombée sur terredans la prisond'un
corps
mais
appelée
à
redécouvrir
eu
à
peu,
tout
au
long
d'un
par-
cours
rédempteur,
on
origine
divine,
grâce
à
l'acquisition
progres-
sive de
connaissances xactesdont es
gloses
de son
commentaire on-
nent
un
aperçu.
Ainsi,
e livre
V
de YÉnéide
-
les amours
d'Énée
et de Didon
-
donne
principalement
ieu
à un assez
long développement
ù
est
exposé,
sur
un mode
purement
médical
et
physiologique,
e
processus
d'apparition
de désirs
ensuels
visiblement
onsidérés omme
typiques
des débordements
uvéniles
«
voici
comment es excès de nourriture
et de boisson
mènent la saleté des désir sensuels dans la
digestion
interviennentuatre sortes d'humeurs un liquide, une fumée,une
écume,
une
lie.
[...]
Lorsque
l'excès
d'écume
est
trop grand,
ce
qui
arrive dans
les
orgies
et
les beuveries
rapuleuses,
l
est évacué
par
le
membre
viril,
qui
est très
proche
du ventre t
en dessous de
lui,
1 The
ommentary
n
the
irst
ix
books
f
the
Aeneid
f Vergilommonly
ttri-
buted oBernardus
ilvestrisy
d.
J.-W. ones t E. F.
Jones,
niversity
fNebraska
Press,
incoln-
ondres,
977,
.
3 :
«
De celo escenditothis
litos
id
est,
ognosce
te
(cf.
Macrobe,
ommentumn Somnium
cipionis
I, 9,
2).
Pour e
çlus
mples
détails
ur
e milieuhartrainu
xiie
iècle t a
lecture
latonicienne
e
YÉnéide
voir
notreivre 'Enéidemédiévale
t
a naissanceu romanà
paraître
ux P.U.F.
en
1994 ans a collectionPerspectivesittéraires. OnpensemaintenantuePauteurdu Commentaire'est asBernardilvestre,npoèteourangeaumi esChartrains,
maisBernarde Chartresn
personne,
e
plusprestigieux
es maîtrese
Chartres,
qui
forma uillaumee Conchest
indirectement)
ean e
Salisbury.
ignalons
ou-
tefois
ue
P. Dronke
Enciclopediairgiliana
t.
, Rome, 984,
ol.
59-65)
'en
ient
pour
a
part
l'attributionraditionnelle.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 47/164
40
FRANCINEMORA
sous formede
sperme,
c'est-à-direde semence virile 2. On
voit
comment a
passion
amoureuse
pathétiquement
ise en scène
par
Vir-
gile
n'est
plus envisagée
ci
que
sous
l'angle
d'une
phisica qui
fait du
corps
humain,
prison
de l'âme
incarnée,
on
principal bjet
d'étude,
sans doute
pour que
cette
me,
plus
consciente u
mécanisme es
dan-
gers qui
la
guettent,
uisse
mieux
travailler son
affranchissement.
Il
est du
reste très
significatif
ue,
si en cet
endroit Bernard
utilise
les Saturnales de
Macrobe,
ce soit le livre
VII,
consacré à
l'exposé
de
questions
médicales,
qui
l'intéresse3,
t non
pas
le
reste
du
recueil,
consacré à l'examen
ou à
l'éloge
de
Virgile.
l
s'écarte ici en
effet de l'exégèse traditionnelle es auteurs, où l'étude des voces
s'entremêle
oujours
à celle des
res
pour
se
rapprocher lutôt
d'une
encyclopédie
es
sciences
comme a
Philosophia
mundi
de Guillaume
de
Conches,
autre maître chartrain4.
Or
ce
passage
n'a rien
d'exceptionnel:
les
gloses
de
Bernard
reviennent
réquemment
ur des
questions
ntéressant oit
les sciences
de la nature
-
météorologie
u
cosmologie
-
soit
la
physiologie
humaine.Dans
ce
dernier
omaine,
l
s'attacheen
particulier
u
fonc-
tionnement u
cerveau5
sans doute
parce
que
c'est dans cette
par-
tie du
corps (la tête), que
sa
sphéricité arfaite
pparente
aux
sphè-
res
célestes6,
ue
se déroulent es
opérations
es
plus propres
déga-
ger progressivement'âme engluéedans la matière.Ainsi, si le gui
auquel Virgile ompare
e rameau
d'or,
symbole
de la
sagesse,
est
dit
«
entourer
es troncs
(
En
VI,
207 :
circumdare runcos
,
c'est selon
Bernard
parce que
«
la
sagesse
enclôt les
corps qui
ont
une
forme
ronde,
c'est-à-dire
es têtes
humaines,
orsqu'en
elles résident
es ins-
truments
es
cinq
sens
et
des autres
vertus de la
sagesse,
à
savoir
l'intelligence ou l'imagination
],
la
raison et la
mémoire 7. La
2. Éd.
Jones,
.
24,
1.
10-20
«
affluentiaumoris
iborumt
potuum
aliterd
libidinismmundiciamucit.
n
decoctioneumoris
uattuor
unt
liquor,
umus,
spuma,ex....) Cum utempumeimiast uperfluitas,uod ontingitncrapulo-
sis
omestionibust
brietatibus,
er
irilem
irgam
uia
ventri
róxima
st t
ubdita
in
sperma,
d est
emen
irile,
onversamittitur.
3.
Voir aturnales
VII, 5,
14
chapitre
raitantes
problèmes
e
'alimentation).
4. VoirGuillaume e
Conches,
hilosophia
undi
IV,
22
Patrologie
atine
t.
172,
ol.
4)
lesJones
op.
cit.,
.
1)
signalent
'ailleursa
parenté
es
deux
extes.
5.
Toujours
omme uillaumee
Conches
ans a
Philosophia
undi
IV,
24
«
de
cerebro
;
Patrologie
atinet.
172,
ol.
95ss).
6.
D'après
e Timée e Platon
45
A
:
«
à l'imitation
e a forme
e 'univers
ui
est
onde,
esdieux nchaînèrent
es
révolutions
ivines
...]
dans n
corps phérique,
que
nous
ppelons
aintenanta
tête,
aquelle
st a
partie
a
plus
ivine e nous t
commandeouteses utres
), relayé
ar
es aturnales
e Macrobe
VII,9,
17 «
pour
faire n
homme
ui
soit
n être
ivant,
l
faut ne
me,
ui
llumine
e
corps.
lle
l'illuminen demeurantn ui, tcette emeurestdans e cerveau. a natureuia donnéa formephériqueetcommellenous ient 'enhaut,lle 'estogée ans
la
partie
u
corps
umain aute t
sphérique
).
7. Éd.
Jones,
.
65,
1.12-15. a traduction
'ingenium
ait
ifficulté.'est 'ima-
gination
la faculté
ui
permet
e
percevoir
es
mages
n 'absencee a chose
ont
elles ont ssues
que
a
traditionédicale
lace
ans
a
première
ellule
u cer-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 48/164
VIRGILE E
MAGICIEN
41
triade insi constituée
ngenium
ratio
memoria)
essine
lors de
glose
en
glose
le
cheminement 'un
progrès
ntellectuel
base
physiologi-
que
où l'âme
utilise
au
mieux les
facultés
du
corps pour
revenir
son
premier
tat,
Y
ngenium
découvrant,
a ratio
(ou
discernement)
faisant
n tri
parmi
es
découvertes t la
memoria onservant
'acquis
:
tels sont les dieux
que
l'âme-Énée amène avec
elle en
Italie8.
«
Les
portes
sous
la
voûte
»
du
palais
de
Proserpine
ù
Énée doit
déposer
en
guise
d'offrande e
rameau d'or deviennent
ans la
logique
de
cette
lecture,
ous
la
rotondité e la
tête
=
la
voûte),
les
cellules du cer-
veau
«
par lesquelles,
crit
Bernard,
omme
nous l'avons dit
plus
haut,
en exerçantY ngenium, a raison et la mémoire,nous parvenonsà
la
contemplation
es
choses célestes 9.
Ainsi
peut
être
conjuré,
au
termed'une
ascension
rédemptrice
t
sublunaire
Proserpine
figurant
le
cercle de la
lune),
l'avilissement e la chute
nitiale
ymbolisé
par
l'agitation
de la
mer,
image
d'un
corps perturbateur
car
lorsque
l'âme
s'incarne,
omme
l
est dit dans
la
glose
du
livre
,
«
une
épaisse
fumée,
montant la
tête,
remplissant
es
cellules et
les
artèresnatu-
relles du
cerveau,
paralyse
Yingenium
la
raison,
la
mémoireet
les
vertus
nimales
c'est
pourquoi
Énée et
ses
compagnons,
'est-à-dire
l'esprit
t ses
facultés,
ont
tourmentés
ar
les
mouvements e la
mer,
c'est-à-dire
ar
les flux et les
refluxdu
corps
»10.
Ces flux et
reflux
sont causés par une trop fréquente bsorptionde nourriture t de
boisson11,
onséquence
névitablede la
faiblesse
humaine
mais
aussi
prélude,
nous venons de le
voir,
aux
débordements
u
désir
sensuel
on
voit
comment a
physiologie
bernardienne,
'inspiration
platoni-
cienne,
parvient
dessiner errière
Énéide
grâce
aux
métaphores
up-
posées
de
Yintegumentum12,
n
projet
métaphysique
ohérent
bases
scientifiques
n
s'appuyant
sur la
vulgate
des
connaissances
hartrai-
veau.
Toutefois,
uillaume
e
Conches éfinit
'
ngenium
omme vis
naturalis
d
aliquid
ito
ntelligendum
ou
«
vis
nimi
d
aliquid
ito
ercipiendum(
Glosae
uper
Platoneméd. E.
Jeauneau,aris, 965,
.
65
et
306),
lors
ue,
elon
ui,
Yimagi-
natio 'est ue« vis uapercipitomo iguramei bsentis. Onpourraitompren-
dre
Yingenium
e
Bernardu sens
'imagination
réatrice,
ne
magination
ui
ne se
réduit
as,
comme ans
a
tradition
édicale,
un
simple
onservatoire
'images.
8. Cf. éd.
Jones,
.
47,
1.
2-6,
ù est
xposée
e
façon
ystématique
oute ne
physiologie
u cerveau.
9.
Éd.
Jones,
.
114,
. 13-15
«
atque ornice
fornix
sthumanum
erebrum
testudineum.ortas
id
est ellulas.er
has nim t
upradiximus
xercendo
ngenium,
rationem,
emoriamelestia
ontemplationengredimur
;
cfEn
,
VI,
631-632.
10. Ed.
Jones,
.
11,
1.6-9
«
unde
pissus
umus
d
capud
scendens
atura-
les erebriellulast rterias
mplens
im
ngeniitque
ationist
memoriet
virtutes
animalesetardat.
taque
is
ommotionibus
aris,
d est
nfluxionibusteffluxioni-
bus
corporis,
neas t socii
jus,
d est
piritus
t
ejuspotentie,
exantur.
11. bid 1.3-5
«
in
hominenim
unc imius
iget
alor
naturaliter
uoniam
ad resistendumuenature
onsumptive
t se alendum
requentem
iborum
t
potuuminfluxionemt effluxionemeposcit.
12.
Sur
ette
echnique
ise u
point ar
'école e
Chartres,
ui
permet
ne
nter-
prétation
llégorique
es
textes
ntiques,
oir .
Jeauneau,
L'usage
e la
notion
Yintegumentum
traverses
gloses
e
Guillaumee
Conches
,
Archives
'histoire
doctrinalet ittéraireu
moyen-âge
t.
32,
1957,
p.
35-100.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 49/164
42
FRANCINE
MORA
nes. Dans cette
perspective,
irgile
devientun
physicus pour
repren-
dre le nom
que
s'attribueà
l'occasion
Guillaume de
Conches13.
Dans
la
hiérarchie u savoir
qu'il
instaureen
glosant
l'arrivée
d'Énée en
Italie,
pays
du
développement ntellectuel14,
ernard
met
d'ailleurs
au
premier lan,
devant
'éloquence
et la
poésie,
les scien-
ces dites
exactes. Les arces altus
d'En., VI, 9,
«
les
sommets ù
Apol-
lon
règne
dans les hauteurs
,
représentent
n effet
our
lui la
sapien
tia theorica
c'est-à-dire
a
theo
ogia,
la
mathematica
t la
phisica
«
que
in
scientia
ultra
ceteras artes
precellunt
et
pour
cette raison
sont
qualifiées
ď altus15.
Quant
à la
«
roche eubéenne
(En.,
VI,
42)
dans laquelle est creusél'antre de la Sibylle,elle lui inspire out un
développement
ur les artes
philosophice
qu'il
subdivise n deux
caté-
gories
la
philosophia
theorica
t la
philosophiapractica16.
a
«
phi-
losophie pratique
ne
joue
pas
un
rôle
négligeable
elle
représente
le
versant
thique
de toute
philosophie.
Mais l'autre
versant,
théo-
rique
»,
c'est-à-dire
hysique
t
métaphysique,
ntéresse ernard
bien
davantage
encore
c'est
à lui
qu'il
réserve 'essentielde
sa
glose
sur
la
grotte
de
la
Sibylle,précisant ue
cette
partie
de
la
philosophie
e
consacre à
l'étude des
incorporalia
t
se
subdivise en trois
sciences
hiérarchisées
la
première,
a
theologia
contemple
les
substances
invisibles
(le
Créateur
et
sa
sagesse,
l'âme du
monde,
les
anges),
la seconde, la mathematica travaille ur « les quantitésvisiblesdes
choses visibles
,
enfin
a
troisième,
a
phisica
étudie
«
les
causes
invi-
sibles des choses visibles
17. La
philosophia
theorica st donc la
plus
profonde
ou
la
plus
haute)
des
sciences,
e
que symbolise
Yalta
spe-
lunca de la
Sibylle18,
t les cent accès
qui
mènent
son antre
sont
les innombrables
hilosophies
ntiques19.
ette
façon
de
concevoir a
hiérarchie es sciences
nflue
forcément ur la
conception
de l'œuvre
d'art.
13. Voir
.
Jeauneau,
Note
ur
'école e
Chartres
,
Studi
Medievalli3e
érie,
5e
nnée,
ase.
,
déc.
1964,
p.
821-865
p.
851).
14.D'après Expositioirgilianaeontinentiaee Fulgenceve .), Tunde ses
grands
odèlesl'Italie st
glosée ar
ncrementum
«
développement
), parce ue
Fulgence
tablissait
etteérie
'équivalences
Italia
=
Ausonia ausenin
a.
&veiv)
(Éd.
Jones,
.
20, 1,
8-10 t
Fulgence,
pera
éd. R.
Helm,
eipzig,
eubner,
898,
p.
104,
1/3-6).
15.
Ēd.
Jones,
.
35-36
«
arces
theologia,
athematica,
hisica,
ue
n
scien-
tiaultra
eteras
rtes
recellunt.
ltusn
quantum
d
comparationemoesis,
mecha-
nice,
loquentie.
el ltadicitur
hilosophia
uia
per
heologiam
lta
omprehendit.
Presídete
d
est
apientia
heorice,
d
est
theologie
t
mathematicet
phisice
.
16. Ed.
Jones,
.
40,
1.22-23.
17.
Éd.
Jones,
p.
40-41
«
ilia
pars
hilosophie,
d est
heorica,
taest
xcisa,
id est se
separata.
ividiturnim
er heologiam
t
mathematicamt
phisicam.
heo-
rica
namque
a
contemplatur
n
quibus
ractica
equit
gere,
d est
ncorporalia.
t
quoniamncorporeorumria unt enera,res untpeciesheoriceontemplantispsa(...). Contemplaturamqueheologianvisibilesubstantias,athematicaisibilesisi-
bilium
uantitates,hisica
nvisibilesisibilium
ausas
.
18.Cettelta
pelunca
épond
ux
rces ltus
Apollon
si
r
djectif
st e
même,
les
métaphores
ont
ifférentes,
ien
ue
eurs
onnotationsoient
oisines.
19. Ed.
Jones,
.
41,
1.15-21.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 50/164
VIRGILE E MAGICIEN 43
L'objet
de cette tudeestdonc de se demander i le
Virgile hysi-
cus élaboré
par
les
Chartrains
'a
pas joué
un certain ôle
dans
l'appa-
rition,
vers
le milieu
ou
la
fin
du XIIe
iècle,
donc
dans
la
probable
période
de diffusion
u
commentaire
e
Bernard,
de ce
que
l'on est
convenu
d'appeler
la
«
légende
de
Virgile
.
Certes,
sur
le
Virgile
magicien
qu'a peu
à
peu
façonné,
du
XIIe au XVe
iècle,
'imaginaire
médiéval,
es études
critiques
ne
manquent
pas.
On
sait
que
D.
Com-
paretti
vait
déjà
consacré à l'examen de
cette
question
une bonne
moitié de son
ouvrage20,
et
après
lui J.-W.
Spargo
a
repris
de
manière
approfondie
'ensemble
du
dossier21.Nous ne
prétendons
donc pas nous livrer ci à un examen exhaustif e toute a tradition
nous
voulons
simplement,
n relisant es
quelques
textes atins
ui
sem-
blent avoir
été,
dans
la deuxième
moitié
du
XIIe
iècle,
les
premiers
propagateurs
d'une
réputation
de
magicien
attachée à
l'auteur de
YÉnéide
voir si
l'origine
et
le
contenu de ces textesne
peuvent
pas
laisser
soupçonner
'influence,
ur la naissance de cette
réputation,
d'une lecture
endant
fairede
l'épopée
virgilienne
ne
encyclopédie
à dominante
cientifique.
Des
croyances
napolitaines
ous le
regard
des clercs
Ce n'est
pas que
nous voulions
nier
l'existence
préalable
de
croyances
ocales
tendant fairede
Virgile,
omme 'a
suggéré
e
pre-
mier D.
Comparetti
t comme
s'y
sont accordés
après
lui
la
plupart
des
critiques,
une sorte de
protecteur
de la
cité
de
Naples22.
La
chose
serait
difficile,
uisque
sur les
quatre
témoignages
atins
que
nous
a laissés le
XIIe
iècle,
deux au moins se
présentent
omme
des
témoignages
culaires Conrad de
Querfurt,
vêque
de Hildesheim t
chancelier
de
l'empereur
Henri
VI,
affirme
n
effetdans
une
lettre
écrite
de Sicile en
1194,
où
il
s'applique
entre
utres choses
à
décrire
Yoperosumopus VirgiliiNeapolin
23
,
avoir
personnellement
enu en
mainsune maquettede la cité enfermée ans une bouteillede verre,
talisman
magique
destiné
garantir 'intégrité
e
Naples,
mais
qu'il
20. D.
Comparetti,
irgilio
elMedio
vo 2
vol.,Livourne,872,
.
I
(«
Vir-
gilio
nella
eggendaopolare
).
21.
J.W.
pargo,
Virgil
heNecromancer
Cambridge
Mass.),
Harvard niver-
sity
ress,
934.
22. D.
Comparetti,
irgilioop.
cit
,
t.
I,
ch. et 3. Voir ussiA.
Graf,
Roma
nella
memoria
nelle
mmaginazioni
elMedio vo
Turin, 883,
.
I,
pp.
196-258
(ch.
XVI
«
Virgilio
)
-
qui pense
outefois
ue
Comparetti
tablit ne
igne
e
démarcation
rop
ranchée
ntrea
légendeopulaire
t
a traditionittéraire
J.W.
Spargo,Virgil,p.cit., p.
100-116
ch.
II
:
«
Saint
irgilius»)
-
qui
établitn
parallèlevec eprotectorat'Aristoteur alerme et,plus écemment,.Céard,
«
Virgile,
n
grand
omme
oupçonné
e
magie
,
dans résencee
Virgile
Caesaro-
dunum lIIbis
éd. R.
Chevallier, aris,
es
Belles-Lettres,
978,
p.
265-278.
23.
«
L'œuvrefficace
e
Virgile Naples
;
la
partie
u
texteatin e Conrad
relative
Virgile
st
eproduite
hez
.
Comparetti,irgilioop.
cit.,
.
I,
pp.
185-186.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 51/164
44
FRANCINEMORA
se
flatte d'avoir
rendu
inopérant24
et
Gervais de
Tilbury
raconte
longuement
ans ses Otia
imperialia rédigés
en
1212
pour l'empe-
reur
Otton
V,
comment,
u
cours d'un
séjour qu'il
fit à
Naples
en
1190,
il
eut
personnellement
'occasion
de vérifier'efficacité e deux
têtes de
marbre
placées
par Virgile
à droite et à
gauche
d'une des
portes
de la
ville et destinées
procurer
tout
arrivant,
elon le côté
par
lequel
il
passait,
une
bonne ou une mauvaise fortune25. out au
plus
pourrait-on,
omme
l'a fait
adis
W.
Vietor26,
mettre n doute
la fiabilité
e ces
témoignages
D.
Comparetti
ui-même ait
de
Con-
rad
-
humaniste
assionné
persuadé
d'emblée
que
l'Italie est une terre
de prodiges, t prompt plaquer des souvenirs ittéraires ur la réa-
lité
perçue
de
visu
-
un
portrait
e nature à affaiblir a valeur de
ses
affirmations27. ais
le cas
de
Gervais,
comme nous le verrons
infra
est
différent et
l'existence
de
croyances
ocales
rattachées
Virgilepar
les
Napolitains
à cause
de la célébritédu
poète,
et aussi
d'une
tradition ien
attestée
ui plaçait
son tombeau à
Naples28,
n'a
en soi rien
d'invraisemblable.
D'une
part
en
effet,
Gervais
comme
Conrad
font tat
du
pouvoir
tutélaire xercé
par
les ossements
e
Vir-
gile,
conservés
elon
eux à
proximité
e la
cité29,
t d'autre
part
une
bonne
partie
de l'œuvre
bénéfique
attribuée u
poète
consiste en la
fabrication
e talismans
une
mouche de bronze
qui
chasse les autres
mouches,un cheval de bronze qui protègetous les autreschevaux,
un
homme de
bronze
qui
tient
n
respect
e
Vésuve30.
Or la
croyance
24. En démantelant
es
remparts
e la cité ur 'ordre e sonmaître enri
I,
lorsd'une
xpédition
ictorieuse
ontree
royaume
e Sicile.
25. Gervais
e
Tilbury,
tia
mperialia
III,
12
on
peut
onsulteres Otia
imperialia
ans
'édition
artielle
e F.
Liebrecht, anovre,
856.
e texte
ntégral
se trouveans es
Scriptores
erum
runsvicensiume G. W.
Leibniz, vol.,
Hano-
vre,
707-1711,
.
,
pp.
881-1006,
t 'on
peut
maintenant
isposer
e 'utile raduc-
tion
'A.
Duchesne,
e Livre es
Merveilles
Paris,
es Belles-Lettres
coll.
La Roue
à
Livres
),
1992
pp.
27-34).
26. W.
Vietor,
Der
Ursprung
er
Virgilsage
,
Zeitschriftür
omanischehi-
lologie,t. , 1877, p.165-178.
27. Voir
.
Comparetti,
irgilioop.
cit.,
.
I,
ch.
(début
u
chapitre)
Con-
radcroit etrouver
ans
peine
n
talie,
u
cours e son
voyage,'Olympe,
e Par-
nasse,
a source
ippocrène,
harybde
t
Scylla,
t e
labyrinthe
u Minotaure
en
fait,
e théâtree
Taormina).
28. Voirnotammenta
Vita
Vergilii
e Donat
éd.
C.
Hardie,
Oxford,
966,
p.
14)
t
e Carmen
X
de Sidoine
pollinaire
v.
217-220éd.
Loyen, elles-Lettres,
t.
,
p.
89)
tous extes
entionnés,
vec
'autres,
ar
D.
Comparetti,
irgilio,p.
cit. .
I,
ch.3.
29.
Conrad
ffirme
ue
es
ssements,
onservésans n
hâteau
ntourée toutes
parts ar
a
mer,
échaînent
a
tempête
ès
qu'on
es
expose
l'air
«
cela,
onclut-
il,
nous
'avons u
et vérifié
(« quod
nosvidimust
probavimus
;
D.
Comparetti,
Virgilio
op.
cit.,
.
I,
p.
186).
Gervais
apporteuant
lui
Otia
mperialia
III,
112)unehistoirelus onguetplus laboréeù il est uestion'un avantnglaisdutempsu roiRogereSicile, ésireux'emportervec ui esprécieuxssements
mais,
evant
'opposition
u
peuple
apolitain,
orcé
e se contenter
'un ivre
y
rs
notoria)ui
se trouvait
vec ux
cf.
D.
Comparetti,
irgilio
op.
cit.,
.
I,
ch.
3).
30. Conrad
mentionne
es rois
alismans,
ervaiseulemente
premier
t e
troi-
sième.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 52/164
VIRGILE E
MAGICIEN
45
en ce
type
de statues
protectrices
st bien
attestée ès
l'époque
méro-
vingienne
ar
Grégoire
de
Tours,
avec
l'anecdote du
serpent
t
du
loir d'airain
déposés
dans
l'égout
du
Pont-Neuf31.On
peut
donc
supposer
vec D.
Comparetti ue
la
présence
Naples
de
monuments
ou de statues
ntiques
dont
'origine
'était
perdue
a
donné
une
assise
matérielle
ux
croyances
u
peuple napolitain
omme aux
spéculations
des
clercs32.
Ce
qui
nous
importe
ci
toutefois,
lus que
l'impossible
repérage
de
l'origine
d'une tradition
rale,
c'est le
problème
de la
réception
par
ces
clercs ettrés
pas
même
italiens,
du
reste,
mais
anglais
et
allemands- de ce qui peut en effet pparaître omme un ensemble
de
croyances
ocales. Car la
question
e
pose
de savoir
pourquoi
cette
tradition
égendaire
dont
l'apparition peut
être
renvoyée
l'époque
mérovingienne,
oire aux
premiers
iècles
de notre
re,
ne
surgit
ans
les textes
atins des litterati
ue
dans la deuxième
moitié du
XIIe
iè-
cle.
La
réponse
a
plus
vraisemblable st
qu'une conjoncture articu-
lièrement avorable a facilité ette
opération
de
transfert,
u
cours
de
laquelle
la tradition
upposée
locale a d'ailleurs dû
subir un cer-
tain nombre
de
transformations.t si cette
onjoncture mprunte
ans
doute certains
e
ses éléments
la
situation
olitique
-
l'installation
d'une
dynastie
ormande ans le
royaume
de Sicile tendant
ar
exem-
ple à multiplieres contacts entre 'Angleterre, lle aussi gouvernée
par
des
souverains
normands,
t le
sud
de la
péninsule
talienne33
elle doit
aussi avoir été
tributaire
e certains
processus
culturels.
En
d'autres
termes,
'hypothétiques
royances
apolitaines
elatives
Vir-
gile
n'ont
pu
susciter 'intérêtdes clercs
qu'à partir
du
momentoù
a
pu
s'établir
-
éventuellement ondée sur un malentendu
une
apparente
coïncidence ntre e
que
semblaient
mpliquer
es
croyan-
ces et
l'image
que
se
forgeaient
es litterati e l'œuvre
virgilienne,
onc
de son auteur.
Car
au sein
du
monde
lettré,
franco-anglais
otam-
ment,
une attente
arcourue
e
rumeurs emble voir
préexisté
l'opé-
31.
Grégoire
e
Tours,
istoria
rancorum
VIII,
33
cesdeux alismans
taient
censés
rotéger
aris es
erpents,
es oirs tdes ncendiesvoir . Comparetti
Vir-
gilio
op.
cit. .
I,
début u ch.
3), qui
fait n
outre tat e réalisations
nalogues
attribuées
ar
es
Byzantins
u
philosophepollonius
e
Tyane.
f.
J.
W.
Spargo,
Virgil,
p.
cit.
p.
69ss
ch.
I :
«
the alismanicrt
).
32.
VoirD. Comparetti
Virgilio,p.
cit.,
.
I,
ch.
3),
qui
affirme'existence
du
portail
ux
deux
êtes,
u cheval e bronzet de a statue e l'archer
'après
e
témoignage
e
J.
Scoppa,
n
crivain
apolitain
u début u
xvie
iècle cf
A.
Graf,
ibid.,
.
I,
p.
229.On
sait,
ommee
rappelle
'ailleurs
.
Graf
Ibid.,
.
,
pp.
44-77
et
109-151),u'à
Rome es
vestiges
e statuest de monuments
ntiques
nt uscité
des
péculations
nalogues,
omme
'attestent,
partir
u
xiie
iècle,
es
guides our
pèlerins
ntitulés
irabiliarbis omae.
33.
Rappelonsar xempleue
Gervais
e
Tilbury
ntra omme
uriste
u ser-
vice e GuillaumeI leBon, ernieroinormandeSicile,ié u souverainlantage-
nêt
par
son
mariage
vec sa fille Jeanne
A.
Duchesne,
op.
cit.,
p. 3).
J.Céard
«
Virgile
,
art.
it.,
.
269)
mentionneussi
juste
itrea
présence
es
Impériaux
évidente
ans e cas de
Conrad)
t eur
mpute
a diffusion
e a
légende
en
Europe.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 53/164
46
FRANCINE
MORA
ration
de
vérification
menée sur
place par
Conrad et
Gervais,
qui
ne
constituerait
onc
que
la
deuxième
étape
de
réception
de la
légende.
Le
plus
ancien texteoù
P
on
voit
apparaître
'un des
éléments at-
tachés
ensuite la
légende
de
Virgile
la
fabrication,
Naples,
de
la mouche de bronze
-
est
en effet e
Policraticus
de
Jean
de Salis-
bury 1159),
et
bien
que
l'auteur
ait fait
à cette date
plusieurs
voya-
ges
en
Italie,
il
ne se réfère
nullement une
expérience
vécue ou à
une
croyance
recueillie
ur
place,
présentant
lutôt
'anecdote
comme
un
exemplum
moral transmis
ar
une tradition
ndéterminée
fertur)
il
s'agit
de
savoir s'il
faut
préférer
on
plaisir
privé (en fabriquant
un oiseau capable d'attraper ous les autresoiseaux) ou l'utilité ubli-
que (en fabriquant
ne
mouche
capable
de
chasser toutes es
autres
mouches)34.
D.
Comparetti
omme A. Graf
ont reconnu
«
il
carat-
tere
manifestamente
etterario de cette
anecdote
qui
fait
ntervenir,
aux côtés du
vates
Mantuanus
le
destinataire e
YÉnéide
Auguste,
et son neveu
Marcellus,
évoqué
par
Anchise dans un
passage
fameux
du
livre
VI35.
Dès son
apparition
dans
les
cercles
ettrés,
a
légende
d'un
Virgile
uteur de talismansne
paraît
donc
pas
en totale
rupture
avec une œuvre
poétique que
Jean
de
Salisbury,
nous le
savons,
con-
naît
par
ailleurs
fortbien et
interprète
olontiersdans une
optique
chartraine d'autre
part,
la brièveté llusive de
l'anecdote
peut
lais-
ser supposerl'existence ous-jacentede connaissancesdéjà commu-
nes
à
l'auteur
et à
ses
lecteurs,
de
même, d'ailleurs,
que
l'allusion
encore
plus
brève
de
YApocalypsis
Goliae
episcopi
datée de
1180 envi-
ron
et
jadis
attribuée Gautier
Map
:
«
formantem
video)
aereas
muscas
Virgilium
.
Dès avant la dernière écennie du
XIIe
iècle,
époque
des vérifi-
cations sur le
terrain,
emble donc se constituer t
se
répandre
dans
le monde savant des clercs
nglais
'image
d'un
Virgile xpert
n
talis-
mans, c'est-à-dire,
ans
l'esprit
du
temps,
en
réalisationsde carac-
tère
magico-technique.
ient
nous
le
confirmer,
ntre 1180 et
1190,
le traitéd'Alexandre
Neckám
sur
«
la
nature
des choses
»,
De
natu-
ris rerum Ce derniern'est sans doute jamais, de son propreaveu,
allé en Italie36 mais
il connaît a
compétence
de
Virgile
n matière
34. Policraticuséd. C.
Webb, vol.,Oxford,
larendon
ress,
909,, 4,
«
de
venatica,
...)
et
xercitioicitot llicito
)
:
«
fertur
atesMantuanus
nterrogasse
ar-
cellum,
uum epopulationi
vium ehementius
peram
aret,
n avem
malletnstrui
in
capturam
vium,
n
muscam
nformarin
exterminationem
uscarum.
uum
ero
quaestionem
d avunculumetulisset
ugustum,
onsilio
jus
praelegit
tfieret
usca,
quae
ab
Neapoli
muscas
bigeret,
t civitatem
peste
nsanabiliiberaret
;
«
ceci
prouve,
onclut
ean,
u'au plaisir rivé
l
faut
référer
utilité
énérale
.
35. D.
Comparetti,
irgilio
op.
cit.,
.
I,
début
u ch.
3
et A.
Graf,
Roma
op.cit, t. I, p.239.Cf.En, VI,882ss « Heu,miserandeuer,iquafata sperarumpas/Tu Marcellusris ; l'émotion'Octaviesœur 'Augustetmère u eune
homme)
l'auditione cesvers st
rapportéear
Donat Vita
Vergilii
éd. C. Har-
die,Oxford,
966,
.
13),
qui
attireinsi 'attentionur
e
passage.
36. Comme
e
reconnaît
.
Comparetti,
irgilio,
p.
cit
,
t.
I,
fin
u
ch.
2
;
cf. A.
Graf,
Roma,
p.
cit.y
.
I,
pp.
225-226.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 54/164
VIRGILE
E
MAGICIEN
47
de
talismans,
remplaçant
outefois
a
mouche et le
cheval
par
une
sangsue
en or
jetée
au fond d'un
puits
afin
d'éloigner
outes es
sang-
sues de
Naples
;
et
il
ajoute
à ce
premier
xploit
toute une
série
d'autres
prouesses
echniques
la construction 'un
marché
où,
grâce
à la vertu
de
certaines
plantes,
a viande se maintenait
raîche
plus
de
cinq
cents
ans,
l'édification d'une muraille d'air et d'un
pont
aérien,
enfin 'érectiond'un
palais
destiné assurernon
plus
la
pro-
tectionde
Naples,
mais
celle de
Rome,
grâce
à un
système
d'auto-
mates
capable
de déceler t de dénoncerdans
les
provinces onquises
toute tentative e rébellion37.
insi
se
vérifie,
dans
la
personne
de
ce clerc qui futfrèrede lait de Richard Cœur de Lion et abbé de
Cirencester,
mais aussi
professeur
Paris,
l'existence n
Angleterre
et
dans
l'Ouest de la
France,
donc dans
un
milieu
qu'on peut
suppo-
ser
exposé
à
l'influence
hartraine,
'existence
de toute une fermenta-
tion ntellectuellettachée
l'image
d'un
Virgile
echnicien. 'une fer-
mentation
ui
a
pu
tirer
parti
de tous
les
quiproquos
verbaux
J.
W.
Spargo
ne
suggère-t-ilas
que
l'idée d'un
marché
macellum)
apa-
ble
de rendre a viande
imputrescible
détail
qui
se retrouve hez
Conrad comme chez Gervais
-
a
pu
venir d'une mauvaise
lecture
du nom de
Marcellus
associé
par
Jean
de
Salisbury
celui
du
Vir-
gile
auteur de talismans38
Virgile
paradigme
de Yhomo technicus
Pour vérifier
e
qui
ne resteencore
qu'une hypothèse
l
est
tou-
tefois
nécessaire,
près
D.
Comparetti
t
plus
récemment .
Céard,
d'examiner
e vocabulaire
employépar
les
premiers apporteurs
e la
légende.
Après
avoir
évoqué,
à
propos
de la fondationde
Naples,
les
«
incantations es
philosophes
(cantusphilosophorum),
onrad
parle
assurément
e
magie
de
magica
arte à
propos
de la
maquette
tuté-
laire enfermée
ans une bouteille
de
verre,
t de
magicis
ncantatio-
nibusà proposdu cheval de bronze39.Mais comme 'avait déjà bien
37.
Alexandre
Neckám,
e naturiserum
ibri uo
L.
II,
ch.
174
éd.
Th.
Wright,
ondres,863,
p.308-311)
texte
eproduit
ar
D.
Comparetti,
irgilio
op.
cit.,
.
I,
pp.
192-193.
38.
J.W.
pargo,
Virgilop.
cit.,
.
81-82
«
the lose
imilarity
n
spelling
f
macellumndMarcellum
especially
n
the
blique
ases,
as ed o a
conjecture
hat
the deaof the
meat-markets dueto confusionetweenhe wowords
;
l'auteur
reconnaît
outefois
ue
cette
ypothèse
éduisante'est
tayée
ar
ucune
reuve
mais
il
recourt
u
même
ype
e
ogique
erbale
propos
e a mouchee
bronze,
n
rap-
pelantue
dans
es
biographies
irgile
st it avoir ait n
moustique
-
le
poème
Culex
fecit
t culicemibid.
pp.
74-75). omparetti
upposait
éjàque
'idée 'un
protectoratxercéarVirgileurNaplesqui pparaîthez'ItalienlexandreeTélèsedès1136) ouvaittre ue une onfusionerbale,énèqueans esQuaestionesatu-
rales
L. VI) ayant
crit
u'un
iolent
remblemente terre
avagea
a
Campanie
ous
le consulat
e
Régulus
t de
Virginius
mais
ue
Naples
ut
eu
ouchée
ar
e fléau
(D. Comparetti,
irgilio
op.
cit.,
.
I,
fin
u ch.
3).
39. Voir .
Comparetti,
irgilio
op.
cit.,
.
I,
p.
185
«
...muros
ivitatis
jus-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 55/164
48
FRANCINEMORA
vu D.
Comparetti,
t comme
e
souligne
son tour J.
Céard,
il
faut
ici
se
garder
de tout
anachronisme
«
ces
expressions
ne
suggèrent
aucunement l'idée
d'un
pouvoir d'origine
diabolique
;
il
s'agit
d'aspects opératoires
e
la
philosophie
naturelle ̂ .
Depuis
la monu-
mentaleétude
de L.
Thorndike41,
es
historiens es sciences
nsistent
en effetvolontiers ur
les
rapports
existant ux
XIIe
et
xiiie
siècles
entre
a
magie
et la science
expérimentale
u,
pour parler
comme P.
Thuillier,
a technoscience42.
Le
modèle du
genre
est
certes
un
peu postérieur l'époque qui
nous intéresse
uisqu'il
s'agit
de l'œuvre du franciscain
oger
Bacon,
composéevers e milieudu XIIIe iècle,dont L. Thorndike bien sou-
ligné
sur ce
point
'ambiguïté.
Passionné
par
la scientia
experimenta-
lis au
point
de
lui
consacrer
une section
éparée
de son
Opus majus
Roger
Bacon,
malgré
de nombreuses éserves
xpressément
ormulées
à rencontredes arts
magiques,
ne
peut s'empêcher
de revenir ons-
tamment
ur
eux,
comme
mû
par
une
sorte
de
fascination c'est sans
doute
qu'il
voit dans leurs
pratiques
fficaces si blâmables soient-
elles à certains
gards
-
un modèle dont son
experimentátor our-
rait éventuellementirer
parti
«
as William of
Auvergne
ssociated
experimentation
ith
magic
rather han with
cience,
o Bacon seems
to
regard
natural science
as
largely
speculative,
and
confirms
he
impression ...) thatmagicianswere the first o "experiment",and
that
"science",
originally
peculative,
has
gradually
taken
over the
experimental
method from
magic
»43. Mais
nous savons
que
dès
la
première
moitié
du XIIe
iècle,
comme e
rappelle
d'ailleurs P. Thuil-
lier,
avait
déjà
pris
naissance
parmi
es
maîtres hartrains l'idée
de
recourir
ystématiquement
l'expérience
t à la raison
...) (pour)
éla-
borer des
interprétations
ecundum
physicam
c'est-à-diredes inter-
dem,
uos
antus
undavitterexit
hilosophorum
imperialisussionis
andatoes-
truere
eberemus.on
profuit
ivibus
llis ivitatis
jusdemmago,
n
ampulla
itrea
magica
rte b
eodem
irgilio
nclusa
...)•
In
eadem
ivitatest
quus
ereus,
agi-
cis ncantationibusVirgilioiccompositus.
40. J.
Céard,
«
Virgile
,
loc.
cit.,
p.
271
cf. D. Comparetti
Virgilio
op.
cit
,
t.
I,
ch.
3), qui
voit ans
Y
rs
magica
ne onnaissance
es
secretse la
nature,
n se
fondant
ur
a définition
u'en
donne lbert
e
Grand,
t
dans e
Vir-
gile
de cette
remièreéception
e la
légende
e
paradigme
u savant
«
il
dotto
)
plutôt
ue
celui u
mage.
41.
L.
Thorndike,
History
fMagic
nd
Experimental
cience
8 vol.),
olum-
bia
University
ress,
923-1958
voir
otammente t.
I,
consacréux
xne
t
xiiie
iè-
cles).
42. P.
Thuillier,
Magie
t technosciencela
grande
mutationu
Moyen
Âge
,
La
Recherche
n°
223,
uillet-août
990,
p.
862-873
l'intéressanteémons-
tration
enée ans et rticle
qui 'inspireeaucoup
es ravauxe
Thorndike)
ous
a étéfort tile.
43. L. Thorndike,Historyf Magicop.cit., . I, pp.651-652voir ussi,plusargement,outea démonstrationespp.649-666.f. P. Thuillier, Magie,
art.
it.,
.
868
«
cet
tinéraireers
"'
expérimentationcientifique"
eut araître
ien
contourné.
ais e fait st
que
a
"magie"
'incarnaitansdes
opérations
isant
l'efficacité,
ans es
pratiques.
ux
yeux
e
Bacon,
'étaient
es
ctivités
echniques
fondées
ur
'expérience
(c'est
'auteur
ui souligne).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 56/164
VIRGILE E
MAGICIEN
49
prétations
ue
nous
appellerions
cientifiques
**.
L'intérêt
'un
Guil-
laume
de
Conches
et d'un
Bernard Silvestre
pour
l'astrologie
et
la
géomancie,
onsidérées on seulement omme
des sciences xactes
mais
aussi
comme un ensemblede
techniques
pératoires,
emble
déjà pré-
figurer
'intérêt e
Roger
Bacon
pour
la science
expérimentale45.
ue
la diffusion
armi
les clercs
ettrés,
ans
la
deuxième
moitié du
siè-
cle,
de
l'image
d'un
Virgile
uteur de
réalisations
magico-techniques
ait
pu
devoir
quelque
chose au climat intellectuel
réé et
entretenu
autour de
lui
par
les
Chartrains
n'a donc a
priori
rien
d'invraisem-
blable.
Le témoignage es Otia imperialiade Gervais de Tilburyparaît
d'ailleurs venir
étayer
cette
hypothèse
n'oublions
pas que
né vers
1155,
et
formé
la cour de Henri I
Plantagenêt,
ervais sans doute
été
éduqué
dans un milieu
soumis
aux
influences hartraines.
Or,
comme e notait
déjà
D.
Comparetti,
ui ne
parle
pas
de
magie,
mais
de
vis
mathesis
à
propos
de la
statue
de
bronze dressée contre e
Vésuve
-
ou
d
ars mathematica à
propos
de la mouche de
bronze,
du
portail
aux
deux
têtes,
t
aussi
d'un défilé
i astucieusementmé-
nagé
que
toute
embuscade
y
est
rendue
impossible.
Rappelons que
dans
le tableau
des sciences
établi
par
Bernard,
a
mathematica ait
partie,
avec la
theologia
et la
phisica
des
arces altus de la
sapientia
(ou philosophia)theoricaet que ces trois ciences ultraceteras rtes
precellunt
. Il
s'agit
sans
doute chez
Gervais,
en
partie
du moins
-
comme
le
suppose
J. Céard
-
d'astrologie,
«
une bonne
astrologie
puisqu'elle
utilise n vue
du
bien les
influx straux
qu'elle
sait
capter
et
diriger
46
l'explication 'impose pour
le
portail
aux
deux
têtes,
et
peut-être
ussi
pour
la mouche de bronze. Mais d'autres réalisa-
tions
décrites
par
Gervais
suggèrent
n
emploi
du
mot
très
proche
de son sens
moderne la statue de bronze
opposée
au Vésuve
n'est
pas
en
effetmunie d'une
flèche,
comme chez
Conrad,
mais d'une
trompette,
onçue
de telle manière
«
qu'au premier
heurt du vent
pénétrant
ans la
trompette,
e
Notus
porteur
es fumées
u
Vésuve),
44. P.
Thuillier,
Magie
,
art.
it.,
.
865 cf.E.
Gilson,
La
cosmogonie
de Bernardus
ilvestris
,
Archives* istoireoctrinalet ittéraire
u
Moyen-
ge,
t.
3, 1928,
p.
5-24
.
23,
n.
1) Thierry
e Chartres
qui
se
propose,
n e
sait,
u
début
u De sexdierum
peribus
de commenter
primam
eneseos
artem
ecun-
dum
hysicam
)
«
a
essayé...)
une
ustificationxpérimentale
e a Genèse
(c'est
moi
ui souligne).
45. Voir L.
Thorndike,
History
f Magic
op.
cit.,
t.
I,
pp.
50-65
t
pp.
99-123
l'intérête Guillaumet Bernard
our 'astrologie
mplique
n effet
a
croyance
nun
déterminisme
ue
Guillaume
estreint,
l
est
rai,
l'actionur a nature
et
es
corps
ibid., .
56
«
William
ccepts
o the ull he ontrolf the tars ver
nature
nd he uman
ody,
ut
tops
here
),
mais ur
'exacte
ortéeuquel
'inter-
rogee
Mathematicus
e Bernardd'autre
art,
e titre êmet e contenue
YExpe-rimentariuse Bernardsuggestshe xperimentalharacterf the rt fgeomancy
or the rts f
divination
n
general.
aterwe hall earAlbertus
agnus
n
the
pe-
culum
stronomiae
alltreatisesf
aerimancy,
yromancy,
nd
hydromancy,
s
well
as of
geomancy,
experimental
ooks"
(p.
118).
46. J.
Céard,
Virgile
,
art.
it.,
p.
271.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 57/164
50
FRANCINEMORA
repoussé par
une force
mathématique vi
mathesis
,
soit brisé
»47
quant
au défiléde
Pouzzoles,
«
Virgile,grâce
à
son talentde mathé-
maticien
arte
mathematica
, y
a
disposé
les choses de telle
manière
que
si dans
ce ténébreux
assage
un homme tend
une embuscade à
son
ennemi,
ucune
ruse,
aucun
stratagème
é de
sa méchanceténe
peut
l'aider
à
accomplir
son nuisible
projet
»48.
Il
s'agit
bien ici d'une
maîtrise
e
la
matièreobtenue au
moyen
de
calculs
mathématiques49
cela
s'accorde
parfaitement
vec
l'opi-
nion de J. Le
Goff,
qui
salue
en
notre auteur
un
espritdéjà
vérita-
blement
cientifique,
oucieux,
dès la
préface
du
livre
III
des Otia
imperiaia, de « rattacheresmirabilia u mondenaturel t donc scien-
tifique
:
«
nous
appelons
mirabilia
merveilles),
crit
Gervais,
es
phé-
nomènes
ui
échappent
notre
ompréhension
ien
qu'ils
soientnatu-
rels.
Ce
qui
les rend
surprenants,
'est
l'ignorance
de ce
qui
les
pro-
voque
»50. Dans ce
clerc
à
l'esprit
ouvert
dont la mentalité 'avère
très
proche
de celle
des
Chartrains51,
n
peut
donc voir
le meilleur
représentant
'une tendance
ans
doute
plus générale
transférerur
47.
Otia
mperialia
III,
13
éd.
Liebrecht,
p.
16-17
traduction
ersonnelle)
«
Fiante
rgo
Noto
ulvis
alidus
egetesmnesque
ructus
xurit,
icque
erra
era-
cissimadsterilitatemucitur(« quandeNotusouffle,ne oussièrerûlanteon-sumeesmoissonsttous esfruits,endantnfécondeaterrea plus ertile). « Ob
hoc anto
egionis
llius
amnoonsulens
irgilius
n
opposito
ontetatuam
...)
cum
tuba
rexit,
t
...)
in
psa
uba latusubintrantis
mpulsum
otus
epulsus
i
mathe-
sis
quassaretur.
48.
Otia
mperialia
III,
16
éd.
Liebrecht,
.
17
traduction
ersonnelle)
«
In
eodem onfinio
Pouzzoles)
stmonsmira
irtuted
modum
ryptae
oncavus,
ujus
tanta st
ongitudo,
uod
mediumenenti
ix
uo
apita omparent(«
dans
a même
région,
ne
montagne
reusée la manière'une
rotteouit
'un
pouvoir
tonnant
sa
longueur
st elle
ue orsqu'on
e
tientu
milieu,
esdeux
xtrémités
pparaissent
à
peine ).
«
Arte
mathematicaaec
peratus
st
Virgilius,uod
n
liomontis
paco
inimicusnimicoi
ponit
nsidias,
ullo olonulloveraudis
ngenio
uae
malitiae
n
nocendo are
otest
ffectum. Cf A.
Duchesne,
p.
cit.,
p.
33
et
p.
34,
qui
tra-
duit
ependant
athesist
mathematica
ar magie
,
ce
qui
nous
araît
our
e
moins
discutable.
49.
En
tenant
ompte
es facilitésffertes
ar
cette
ernière
une
grotte
u un
défilé
la
configuration
aturellement
emarquable),
tdans n
notableouci
u bien
publichostilité
ux
guerres
rivées,rotection
e la fertilité
'un
erroir).
50. J. Le
Goff,
'imaginaire
édiéval
Paris,
Gallimard,985,
.
27
«
Mira-
biliavero
icimus
uae
nostrae
ognitioni
on
ubjacent,
tiam um int
aturalia.
Sed tmirabiliaonstituit
gnorantia
eddendae
ationis,
uare
icfit.
Ce texteemar-
quable
vait
éjà
ttiré'attentione
D.
Comparetti
Virgilio
op.
cit.y
.
I,
ch.
2)
mais
l
ne suscitehez ui
qu'une
ronie
acile
ui
traduit
ne
regrettable
ncompré-
hension.
51. Cf.
ces
propos
e Guillaumee Conches
ur es
miracles,
ités
ar
e
même
J.
Le
Goff
Les
ntellectuelsu
Moyen-ge,
Paris, euil,
976,
. 57)
comme
ar-
faite
llustration
e ce
qu'il
ppelle
le naturalisme
hartrain:
«
ce
qui mporte,
e
n'est as queDieu itpufaireela,mais 'examinerela, e 'expliquerationnelle-ment,'enmontrere but t 'utilité.ansdoute ieupeut out aire, ais 'impor-
tant 'est
u'il
it fait
elle
u telle
hose. ansdoute
ieu
peut
'un ronc
'arbre
faire n
veau,
omme isent
es
rustauds,
ais
'a-t-il
amais
ait ». On
retrouve
la même olontée
passer
esmirabiliau crible
e
'expérience
t
de
a
raison,
our
en
dégager
es ois
naturelles
t
s'assurer
traverslles
ne
maîtrisee la
matière.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 58/164
'
VIRGILE E
MAGICIEN
51
Virgile,
e manière
xemplaire,
a connaissance
t
la
pratique
des
scien-
ces
que
la lecture ernar
ienne nvitait retrouver
ans
YÉnéide
sous
le voile de
Yintegumentum.
n
peut
noteren effet
ue
deux
des réa-
lisations
magico-techniques
entionnées
ar
Gervais
le défilé
mpro-
pre
aux embuscades t le
portail
ux deux
têtes ne se
trouvent
ue
chez
lui :
s'il
ne les a
pas
inventées,
n
peut
donc le
soupçonner
de
les avoir fortement
ménagées
d'autre
part
l
voit en
Virgile
non
seu-
lementun mathematicus mais
aussi
un
physicus
très versé dans la
connaissance
des vertus
des
plantes
et
capable
de
construire,
Pouz-
zoles,
«
des bains
édifiés avec un art
admirable,
destinés à traiter
n'importequelle maladie»52; Benjamin de Tudèle (morten 1173)
connaît lui aussi ces
bains,
célèbres au
Moyen Âge,
mais il ne fait
pas
mentionde
Virgile
leur
propos.
Tout se
passe
donc
comme si
Gervais,
plus
ou
moins
consciemment,
oulait fairede l'auteur d'une
Énéide
conçue
par
les
Chartrains
omme
un doublet
du
Timée un
modèle
emblématique our
tous ceux
qui
s'efforcent,
n cherchant
comprendre
es
lois
naturelles,
'avoir
sur
la matièreune action effi-
cace.
Roger
Bacon,
au
siècle
suivant,
offre
d'ailleurs
l'exemple
d'un
processus analogue,
où
des réalisations
ue
nous dirions de
science-
fiction irent
eur
force convaincanted'être
imaginairement
ejetées
dans
le
passé, par
une
attribution des Anciens
que
l'on
vénère53.
Il va sans direque dans ce contexte, omme e souligne vec rai-
son,
après
D.
Comparetti,
J.
Céard,
le
pouvoir prêté
à
Virgile
au
XIIe
iècle est
un
pouvoir bénéfique, qui
ne
vise
qu'à
améliorer es
conditionsde
vie de
ceux
au
profit esquels
il
s'exerce. Chez Gervais
comme chez
Conrad,
Virgile,
ui
débarrasse
Naples
des animaux
mal-
faisants,
ui soigne
les hommes
et
protège
es
chevaux,
qui préserve
les
moissons
du souffle
rûlantdu Vésuve
etc.),
n'a rien d'un
nécro-
mancien
aux accointances
démoniaques
il
est
l'adepte
d'une
magie
52. Otia
mperialia
III,
15
éd.
G. W.
Leibniz,
.
,
p.
965)
«
est tiamncivi-
tate
Neapolitana
ivitas
uteolana,
n
qua
Virgilius
d utilitatem
opulärem
t
admi-
rationemerpetuamalneaonstruxit,iro rtifícioedifícata,d cujusvisnterioris
ac exterioris
orbiurationem
rofutura
. Outre es
bains
médicinaux,
irgile
st
aussi e créateur'un
ardin
lanté
'herbesux
propriétés
uratives
«
erat
n
confi-
nio
jusdem
ivitatis
eapolitanae
elutx
opposito
ons
irginum,
n
cujus
eclivo,
inter
raerupta
axorumditu
ravi, irgilius
ortum
lantaverat
ultiserbarum
ene-
ribus onsitum
(
Otia
mperialia
III,
13 éd.
Liebrecht,
. 16).
53. VoirA. C.
Crombie,
istoire
es ciencese saint
ugustin
Galiléetrad.
J.
D'Hermies,
vol., aris, .U.F.,1959,
.
,
p.
44 «
on
peut
éaliser
our
a navi-
gation,
crit
oger
acon,
es
machines
ans ameurs
...)
;
on
peut galement
ons-
truireesvoitures
elles
ue
ans nimauxlles e
déplaceront
vec ne
apiditéncroya-
ble
...)
;
on
peut
ussi onstruire
esmachinesolantes
...),
également
ne
machine,
de
petites
imensions,
our
levert abaisseres
poids
normes
...)
;
on
peut
ussi
fabriquer
es
machines
our
marcherans
a
mer
t es
cours 'eau
...)
».
Automo-
biles,vions,rues,ous-marins,ous
esmécanismes
peinemaginables
u
xme
ièclesont résentésar 'auteuromme'héritageechniquetscientifiqueupassé en
effet,
onclut-il,
ces
machines
nt
té
onstruites
ans
'antiquité{Epistola
e
Secretis
Operibus
ch.
;
cf.L.
Thorndike,
History
fMagic
op.
cit.t
.
I,
pp.654-655).
Il
est iséde voir
ue plusieurs
nventionsttribuées
ar
Gervais
Virgile
essortis-
sent
u
même
tat
'esprit.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 59/164
52
FRANCINEMORA
naturellemise
au service
du bien.
Et
pourtant
n
peut percevoir
hez
Gervais es
signes
d'un certain
malaise l'anecdotedu
portail
ux deux
têtes,
pourtant oigneusement
lacée
sous la caution d'un clerc fort
estimable,
l'un des vénérables uditeurs
de l'auteur]
en droitcanon
à
Bologne,
Johannes
Pinatellus,
rchidiacre e
Naples,
célèbre
par
sa
science,
ses mœurs
et
sa
naissance
»54,
se clôt
sur
une
mise
au
point
qui
sonne
comme a réfutation
e
possiblescritiques
«
nous n'avons
pas
écrit cela
pour approuver
a
secte des
Sadducéens,
qui
disaient
que
tout réside dans Dieu
et dans le
marbre,
'est-à-dire
ans
le
des-
tin et les hasards de
la
fortune,
lors
que
tout
réside dans la
seule
volonté de Dieu »55. C'est que le monde de la magie et de l'astro-
logie, prélude
à la
science
expérimentale
u à la
technoscience,
st
un monde dominé
par
un
déterminisme ù les
chrétiens ourcilleux
peuvent
voir
une
coupable
remise en
question
de la
toute-puissance
divine56
dans leur volonté
de faire de
l'univers
un
cosmos,
c'est-à-
dire un
ensemble
rganisé
t
rationnel,
es
Chartrains e heurtent 'ail-
leurs aux
mêmes
difficultés57.
Aussi la
mathematica mathesis
n'a-t-elle
pas toujours
bonne
presse auprès
des
esprits
rthodoxes,
e
qu'illustreparfaitement
ien le
Policraticusde Jean
de
Salisbury
ui,
de
façon
très
significative,
evient
plusieurs
fois sur ce
sujet58.
Dans
le livre
,
consacré
une
première
pproche
des
nugae
curia-
Hum il s'intéressed'abord à la magie et aux diverstypesde magi-
ciens,
u nombre
desquels
l
range
es
mathematicien
les
plaçant
d'ail-
leurs
aux côtés
des
présages omina)
dont
font état
les
anciens,
et
notamment
Virgile59.
uis le livre
I
approfondit
a
réflexion
mor-
54.
Oda
imperiatici,
II,
12
éd.
Liebrecht,
p. 15-16)
«
Civitatem
dvenimus,
in
hospitio
enerabilisuditoris
ei n
ure
anonico
pud
Bononiam,
ohanisina-
telli,
eapolitani
rchidiaconi,
cientia,
oribust
sanguine
llustris
;
c'est et
hôte
distinguéui
révèle Gervaises
merveilleuses
ropriétés
u
portail
uxdeux
êtes,
dont
e
clerc
nglais
vait ans n
premier
emps,
ans n
voir
onscience,
eulement
éprouvé
es effets.
55.
bid.
«
non
amen aec
cripsimus,
uasi
adducaeorum
ectam
omprobe-
mus, uiomnia icebantnDeo etmármoreonsistere,oc st nfato tcasufortu-
nae cum mnia
n
sola
Dei volúntateint
osita
;
cf.
J.
Céard,
Virgile...
,
loc.
cit.,
p.
271.
56.
Cf.P.
Thuillier,
Magie...
,
toc.
it.,
.
866
«
le
monde
e a
grâce,
e
la
prière
t du miracle'invitait
uère penser
a nature
ommendomaine
oumis
à
des "lois"
rigoureuses,
omme n strict
nchaînement
e "causes" t ď
"effets"
(...).
(Mais)
ans
'universes
...) magiciens,
es
relations
e
causes
effetsont
eau-
coupplus
trictes
ue
dans
'univershrétienu
Moyen
geprofond.
n
langage
moderne,
n dirait
ue
'universe
'astrologie
tde a
magie
béit u
déterminisme
(c'est
'auteur
ui
souligne).
57. J.
Le
Goff,
es
ntellectuels,
p.
cit.,
p.
56-57
«
c'est e
problème
es
rap-
ports
ntrea Naturet
Dieu.
Pour es
Chartrains,ieu,
'il a
créé a
Nature,
es-
pecte
es lois
qu'il
lui a données. a
toute-puissance
'est
pas
contraireu
déterminisme.58. Voirlà-dessus . Thorndike, History f Magic,op. cit., t. II,
pp.
155-170
magiciens
t
strologues
emblent
voir u
même ans e
milieu
ù
vivait
Jean,
la cour e
Canterbury,
ne nfluence
on
négligeable.
59. Voir e
Policraticus,,
10
«
qui
sint
magi
),
11
«
de
speciebus
agicae
),
12
«
qui
sint
ncantatores,rioli,
rúspices...],
mathematici,
alissatores,
ortilegi,
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 60/164
VIRGILE E
MAGICIEN
53
cée en s'
nterrogeant
de fundamentomathematicae
,
et « de diffe-
rentia
mathematicae doctrinalis et mathesis
reprobatae
»60
il
s'emploie
urtout,
n
fait,
dénoncer
'«
errormathematicorum
,
qui
paraît
à
Jean d'autant
plus dangereusequ'elle
semble
se fonder
ur
la nature
et la
raison
«
verumtamen o
periculosius
rrant,
uo
in
soliditate
naturae et
vigore
rationis
suum fundare videntur
erro-
rem
»61.
Il
raille alors ceux
qui, partant
de
la
mathesis icite
avec
une
pénultième
brève),
«
qu'induit
la
nature,
prouve
la
raison
et
approuve l'expérience
de son utilité
,
se laissent
glisserpeu
à
peu,
de
la manière a
plus pernicieuse,
ers la mathesis llicite
avec
une
pénultièmeongue) ainsi, partisdu vrai, ils se laissentprogressive-
menttomber
dans les fosses et les filetsde
la
fausseté62. es derniers
paragraphes
du
livre I
n'ont donc
plus qu'à
énoncer
a
condamna-
tion attendue
«
quod
mathematiciemerariiunt
»,
et
«
quod
mathe-
sis via
dampnationis
st
»
;
car tout
dépend
de la volonté de
Dieu
:
«
voluntas Dei
prima
omnium causa »63. Et
pourtant
Jean de
Salis-
bury
a été formé
à Chartres mais
il
est
permis
de voir en lui un
Chartrain
littéraire
plus que
«
scientifique
qui
n'a
consacré,
de
son
propre
veu,
qu'un
minimum e
temps
l'étude du
quadrivium
on
peut
donc
le
soupçonner
d'avoir été moins
sensible
qu'un
Gervais
de
Tilbury
ux forcesnovatrices
mplicitement
ontenues ans
l'astro-
logie ou la magie, et d'avoir été de ce faitplus fidèle aux concep-
tions
traditionnelles
ui
englobent
dans une même défiancemathesis
et
croyances
véhiculées
par
les
auteurs
païens,
comme
en
témoigne
par exemple
e Contre
Symmaque
de Prudence64. ien
que
le Poli-
crat cus s'achève
sur
un
rappel
de la lecturechartraine e VÉnéide
augures
)
et
13
«
de variisminibus
-
unedizaine
'exemples
irés e
VÉnéide)
mathematici
ici sansnuldoute e
sens '«
astrologues
.
60.
bid.,
I,
18
et
19.
61. bid.
I,
18
éd.
Webb,
.
,
p.
101)
«
ils
'égarent
'autant
lus
angereu-
sement
u'ils
emblentondereur rreurur
a
soliditée a naturet a
vigueur
e
la raison. Cf.L. Thorndike, HistoryfMagic op. cit., . I, p. 164.
62.
Policraticus,I,
18
éd.
Webb,
p.
101-102)
«
a veris
rgo
umunt
nitium,
ut
per
era iutius
radientes
e et
sequipedas
uos
raecipitent
n
aqueum
t
foveam
falsitatis.
athesim
rgo
robabilemuaepenultima
revi
nuntiatur,
uam
tnatura
inducit,
atio
robat,
tutilitatis
xperientiapprobat,uasi uoddam
octrinaeuae
jaciunt
undamentum,
t xinde
pinionum
uarumubrico
uasi uadam
magine
atio-
nis
n mathesim
eprobam,
uae
profertur
xtensa
enultima,
erniciosissimerola-
bantur.
Cf. L.
Thorndike,
HistoryfMagic, p.
cit.,
.
I,
p.
158
«
Johnhus
takes s
practically
ynonymous
he hree
erms,
agica,
athematicand
maleficium.
He
presentlyxplains
hat
hewordmathesis
n
one ens enotes
earning
n
general,
but hatwhen
t has
long enultima,
t
signifies
he
igments
f
divination,
hich
belong
nder
magic,
hose arieties
re
many
nddiverse.
63. Policratcus
II,
24
et 26.
64.
Prudence,
ontre
ymmaque,I,
477-479
t surtout
92-894
«
(ledémon)égaresesvictimes)ar a langue esoiseaux,l les fait romperar esarúspices,
il
es xcite
ar
es
réponsesmbiguës
e a vieille
ibylle
n
délire,
l
les
pousse
ans
l'astrologie,
l
les
précipite
ans a
magie
(
nstigai
acchants anus
mbage
ibyl-
lae/involvit
athesi,
agicas
npellit
n artes
;
on voit omment
ibylle,
athesist
magie
ont
marquées
ci du même
igne
émoniaque.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 61/164
54
FRANCINEMORA
et
sur
un
éloge
du
rameau
d'or de la
science,
es mathematiciexclus
des
vestigia hilosophorum
sont
rejetés
du côté
des
nugae
curialium.
Cela ne
peut
bien sûr
que
rendreJean
réticent,
eaucoup plus que
Gervais,
à la
réception
'un
Virgile
magicien,
t
peut-être
aut-il
insi
expliquer
a
transformation,
hez
lui,
de
l'anecdote relative la
mou-
che
de
bronze
en un
exemplum
urement
moral.
En
d'autres
termes,
Virgile
st
pour
lui un ethicus
plus qu'un
physicus
-
ou un mathe-
maticus.
l
fait d'ailleurs
mention,
ans
ce
même ivre
I
du
Policra-
ticusoù
il
règle
e
sort des
mathematici
des ossements e
Virgile
on-
servés
Naples,
mais sur
un mode délibérément
ronique
un certain
Ludovicus, après un long et pénibleséjour dans les Pouilles, aurait
rapporté
ces ossements
n Gaule
;
que
n'a-t-il,
conclut
Jean,
plutôt
rapporté
'esprit
du
poète65
Pour
Gervais non
plus,
les os
de Vir-
gile
ne
sont
pas
l'essentiel
le clerc
anglais qui
les
avait
demandés
selon lui au roi
Roger
-
et dont
l
faitun savant
très
xpert
n
physi-
que
comme en astronomie se
résigne
les
laissersur
place pourvu
qu'on
lui
laisse
emporter
Vars notoria
c'est-à-dire e livreoù
Virgile
a
consigné
out son savoir. Mais ce savoir semblebien être
pour
Ger-
vais ce
que
n'est sans doute
pas, pour
Jean,
l'esprit
de
Virgile
un
ensemble de recettes
pératoires,puisque,
prétendant
voir
pu
con-
sulter
ce livre
grâce
au cardinal Jean de
Naples,
il
dit en avoir fait
l'épreuveet en avoir vérifié 'efficacité66.es tensions e manifestent
donc au
sein
même du monde
chart
ain,
porteuses
e
réticences
apa-
bles
d'expliquer,
au
moins
en
partie,
l'évolution
postérieure
de la
légende
dans
un
sens
démoniaque,
comme le
signale
à
juste
titre,
propos
de
Gervais,
M.
Oldoni
: même au XIIe
iècle,
«
la
magia
porta
spesso
il
belletto del
Diavolo,
e
il
negromante
iventa
'ubbidiente
sacerdote del
Maligno
»67.
Un autre
lément
eut
toutefois
xpliquer
e
discrédit ommetoute
rapide
où est tombée
'image qu'avaient
tenté
elon nous de
diffuser
les
Chartrains,
elle d'un
Virgile aradigme
e
Yhomo technicus.
'est
-
en
raison
précisément
u
caractère
pératoire
e la
magie
-
l'ambi-
guïtéqui maintient e paradigme n équilibre nstableentre a philo-
sophia
universellement
onorée,
et la
mechania
souvent
méprisée.
Conrad,
nous l'avons
vu,
en
parlant
des
cantus
philosophorum
met
implicitement irgile
au nombre de ces
derniers mais
certains
des
verbes
qu'il emploie
-
constituerai
our
la
fabrication e
la
mouche
65.
Policraticus
II,
23 cf. D.
Comparetti,
irgilioop.
cit.,
.
I,
ch.3.
66. Oda
imperialia
III,
112
éd.
Liebrecht,
p.
49-50)
cf.A.
Duchesne,
p.
cit.,
pp.
133-134.
67. M.
Oldoni,
L'ignoto
iber
Moronis edievale
radottoall'antico
,
dans
Lectures édiévaleseVirgileRometParis, eBoccard,985,p.357-374p.360)l'auteurappelleussi ous esrécitsarolingiens,éjàmentionnésarComparettila
Vita ancii donisla Vita
opponis
bbatis...),
ui
assimilaient
irgile
un
démon.
La mentalité
u xne
iècle
iffère
ssurémenturbien es
points
e celle u Haut
Moyen
ge
mais
l
est
ndéniable
ue
e
maintient,
lus
u moins
atent,
n
ourant
de méfiancet
d'hostiliténverses auteurs
aïens.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 62/164
VIRGILE E
MAGICIEN
55
de
bronze,
constructum
our
l'édification u marché
évoquent
plu-
tôt à
l'esprit
une activité
purement
mécanique68.
a même
dichoto-
mie
se
retrouve hez AlexandreNeckám ce
dernier
ntroduit a
des-
cription
des étonnantes éalisationsde
Virgile,
dans un
chapitre
du
De naturis
erum
ntitulé De locis
in
quibus
artes
floruerunt
ibera-
les
»,
par
un
hommage
renduà l'étude
(studium),
'est-à-dire
l'élo-
quence
et à la
philosophie
«
l'étude,
écrit-il,
fleuri
n
Italie
(...).
L'éloquence
de
Tullius
(Cicéron)
a illuminétout
l'univers. Ô bien-
heureux es
temps
anciens où
les
empereurs ui
dominaient
'univers
se soumettaient
ux-mêmes la
philosophie
La
noble
Cordoue
a
engendréSénèque et Lucain, Naples s'est mise au service du poète
de Mantoue
»69. Et
la
récurrence,
ans
son
texte,
du
mot vates
appliqué
à
Virgile
emble
mplicitement
onnoter
'antique
association
de
la science à
la
poésie,
d'autant mieux
que
le
poète
est finalement
nommé
philosophus
et
qu'Alexandre
célèbre
sa
prudentia10.
Mais
la
plupart
des verbes
mployés
envoient une
activité
mécanique,
ons-
truxit
our
le
pont
aérienet le
palais
romain,
munivit t
ambivit
pour
le
jardin
entouré
d'une
muraille d'air71.
Il n'est
pas
jusqu'à
Gervais
qui,
à
côté
de
ses
références Yars
mathematica
du
poète, n'emploie
le verbe
construxit
propos
des
bains
de
Pouzzoles,
miro
artificio edificata
2.
Virgile pparaît
alors
au moins autant comme le spécialisted'une activité ributaire e la
mechania
-
Y
rchitectoria
par exemple
-
que
comme un
philoso-
phus
versé dans
la
connaissance des arts
plus
nobles du
quadrivium
3
. On sait d'ailleurs
que
le Carnet de l'architecteVillard
68. Voir
.
Comparetti,
irgilio,p.
cit.,
.
I,
pp.
185-186
«
constitueraiir-
gilius
muscameream
...).
Est n
eadem ivitate
acellum,
ic a
Virgilio
onstruc-
tum,ut caro nimalis
...)
maneat
ecens
t
ncorrupta
.
69. De naturis
erum
II,
174
éd.
Th.
Wright, ondres,863,
. 309)
«
Flo-
ruit
n
talia
tudium
...).
Tulliana
loquentia
otum undumllustravit.edo
feli-
cia
antiquorumempora,
n
quibus
t
psi mperatores
undum
ubhastantes,
eipsos
philosophiaeubdideruntSenecamt Lucanum obilisenuitorduba, antuano
vati
ervivit
eapolis
;
cf. J.
Céard,
Virgile...
,
loc.
cit.,
p.
272.
70. Ce
mot,
n e
sait,
st n soi
ambigu
il
désigne
ouvente
savoir-faire,
a
sagesse ratique
mais
ris
ans ne
cceptionhilosophique
comme
quivalent
e
<f>Q0i>i]0Ls
,
il
peut eprésenter
e
discernement,
'intelligence
aisonnabledans
VAnti-
claudianus
'Alain e
Lille,
'estPrudentia
ui
effectue'ascensionéleste.
71. De
naturiserum
II,
174
éd.
Th.
Wright,
.
310)
«
quid
uod
dietus
ates
hortum
uum,
ere
mmobiliicemmuri
btinente,
univitt
ambivit
Quid
uod
pontem
eriumonstruxit
...)
? Romaetem onstruxitobile
alatium
. Sur
e
De
naturis
erum'Alexandreeckámt es
ffinités
vec
Roger
acon
qui
e cite vec
estime,
ien
u'il
nevoie
as
n uiune utorité
proprementarler),
oir
.
Thorn-
dike,
A
History
f
Magic op.
cit.,
.
I,
pp.
188-204
p.
196
notamment).
72. O ia
mperialia,
II,
15
éd.
G.W.
Leibniz,
.
,
p. 965)
«
Virgilius
d
utili-
tatem
opulärem
t admirationem
erpetuam
alnea onstruxit
miro
rtificioedifi-cata.
73. Le commentaire
e Bernardur
Y
néide ementionne
as
V
rchitectoria
=
artde Varchitectorde
l'architecte)armi
es subdivisionse la
mechania
glosée
par
ui n artes
mecaniceid est dulterine
éd.
Jones,
. 32)
mais
on
ommentaire
sur e De
nuptiis
emanie
es
ubdivisionsn
remplaçant
a theatrica
ar
Varchitecto-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 63/164
56
FRANCINE
MORA
de
Honnecourt,
dans
la
première
moitié du
XIIIe
iècle,
contient
des
projets
d'effigies
mécaniques un ange,
un
aigle articulés)
très
pro-
ches des automates
que
la
tradition
prête
à
Virgile,
et relevantdu
même courant
magico-technique74.
a
transformation u
poète
savant
en
adepte
des
arts couramment its
«
adultères et non
plus
libéraux,
c'est-à-dire
ignes
d'un homme
ibre,
a donc
pu apparaître
à
beaucoup
comme une
regrettable égradation,
usceptibled'expli-
quer
les réticences
de certainsclercs
et
la
dérive
postérieure
de la
légende.
Tout n'est donc pas faux,sans doute, dans l'hypothèse noncée
jadis
au
XVIIe
iècle
par
G.
Naudé,
et
reprise
ntre utres
par
W. Vie-
tor,
qui
suppose
que
dans
la
formation e la
légende
virgilienne
st
intervenuea
réputation
aite
u
poète
de
VÉnéide
par
les
glossateurs
antiques puis
médiévaux,
d'un savant
versé dans la
connaissancedes
arts du
quadrivium15
Cette
réputation
n'est
sans
doute
pas propre
au
XIIe
iècle
depuis
longtemps
es
clercs
pouvaient
ire chez
Donat
que Virgile
avait
acquis
une bonne
connaissance de la médecine et
des
mathématiques76,
hez Servius
que
l'ensemblede VÉnéide et
plus
spécialement
e livre
VI,
recélait oute a science
des
philosophes gyp-
tiens,
ou
chez Macrobe
que Virgile
tait un savant
universel
articu-
lièrementersédans la connaissance e l'astronomie.Mais il nous sem-
ble,
comme nous avons
essayé
de le
montrer,
ue
la
lecture
hartraine
de VÉnéide
fondée
sur
VExpositio
d'un
Fulgence
qui,
comme
l'écrit
à la
fin
du
XIe
iècle
Sigebert
e
Gembloux,
«
totum
opus Virgilii
d
physicam
ationem
efer(t)
77,
sur
le
Commentum n
Somnium Sci-
pionis
de Macrobe et sur
le
Timée de
Platon,
a dû
donner un nota-
ble
regain
de
vigueur
la
perception
de l'œuvre
virgilienne
omme
œuvre
véritablement
scientifique
. Si le lien
existant ntre
'image
d'un
Virgile
echnicien t une certaine
éception
médiévale
e
son
épo-
pée
a
pu
ensuite
tre
méconnu,
u
point
de
faire
upposer ue
le
magi-
ria
et a
magica
éd.
Jones,
.
133),
ansune ssociation
mpliciteui peut
onner
à
penser.
74.
P.
Thuillier,
Magie
»,
loc.
cit.,
p.
871
cf. J.
Gimpel,
a
révolution
industrielleu
Moyen-Âge
Paris, euil, 975,
p.
125-129.
75. G.
Naudé,
Apologie
our
es
grands
ommes
oupçonnez
e
Magie 1625),
ch.
1
«
la
première
e ses
perfectionsprès
a
Poësie,
toit
e
qu'il
avoitn 'Astro-
nomie,
t autres
arties
es
Mathématiques.
r,
ces sciences
ont)
oujours
té
plus
sujettes
être
oupçonnées
e
Magie
ue
touteses autres
ciences
(cité
ar
J.
Céard,
Virgile
,
loc.
cit.,
p.
266-267).
f. W.
Vietor,
ui
conclut
«
DerUrs-
prung
,
loc.
cit.,
. 176) ue
a
légende
irgilienne
estmoins
iée,
n
général,
ux
monuments
apolitainsue
fondéeur 'idée
ue
es ettrés
vaient
u
savoirurnatu-
reldeVirgile,pécialementnmathématiquest enmédecine.76. Voir onat,VitaVergiliiéd.C. Hardie, .9 : « intereteratudiamedi-
cinae
uoque
c maxime athematicae
peram
édit .
77.
Cité
ar
P.
Langlois,
Les œuvrese
Fulgence
e
Mythographe
t
e
pro-
blème
esdeux
ulgence
,
Jahrbuch
ür
Antikend
hristentumt.
7, 1964,
p.
4-105
(p. 101).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 64/164
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 65/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
59-84
Jean-Louis
GAULIN
AGRONOMIE
ANTIQUE
ET
ÉLABORATION MÉDIÉVALE :
DE PALLADIUS AUX
PRÉCEPTES
CISTERCIENS D'ÉCONOMIE RURALE
Les
historiens e l'ordre de Cîteaux
ont
aujourd'hui
une
appré-
ciation
mesurée
du rôle
joué
par
les
moines blancs
dans
l'évolution
de l'économie
rurale
en
Occident aux
XIIe
et
XIIIe
iècles. Ils n'accor-
dent
plus
de
crédit ux
images simplistes ui
faisaientdes Cisterciens
les défricheurs ar excellence et parfoismême des innovateurs n
matière
de
techniques
gricoles1.
Depuis
les recherches
ionnières
e
H.
Wiswe sur
la
Basse-Saxe,
R.A. Donkin sur
l'Angleterre
et
Ch.
Higounet
sur
la
plaine
de
France2,
a
présentation
e l'économie
cistercienne
nsiste
rincipalement
ur
la
capacité
des
disciples
de saint
Bernard
s'insérer ans
le mouvement
ui poussait
u
développement
les
campagnes
occidentales.
Au
gré
des donations
de
terres
ui
leur
furent
aites,
es Cisterciens
nt
su
s'adapter
-
et
adapter
eurs
prin-
cipes
-
à des
conditions ocales très
variées terroirs
gricoles
culti-
vés
depuis
des siècles
ou forêts t terres ncultes
propices
à
l'élevage
extensif,
ampagnes
densément
euplées
ou
«
désert
privilégié ar
1. Une
présentation
mple
t
équilibrée
e a
question
étéfaite
ar
Ch.Higou-
net,
Le
premier
iècle e 'économieuraleistercienne
,
dans
stituzioni
onasti-
che
istituzioni
anonicali
n
Occidente1123-1215
>
Atti ella ettimaettimana
nt.
di
studio,
a
Mendola,
8
août-3
eptembre
977,Milan, 980,
p.
345-368.
'appuyant
principalement
ur
'étude esmonastèrese a France
u
sud,
C. H. Bermanffirme
même
ue
«
les
Cisterciens
irent
eu
pour ugmenter
a
superficie
otale
es
terres
cultivées
n
Europe
: C.H.
Berman,
Les
Cistercienst e tournant
conomique
u
xne iècle
,
dans ernard
e
Clairvaux.istoire
mentalités,
piritualité
Colloque
e
Lyon-Cîteaux-Dijon,
aris,
992
Sources
hrétiennes,
80),
p.
156-177
citation
.
156).
Pour nevue
d'ensemble,
n
se
reportera
ésormaisu
chapitre
onsacré
«
L'éco-
nomie istercienne
par
M.
Pac
ut,
Les moines
lancs.Histoire
e
l'ordre
e
Cîteaux
Paris,
993.
2. H.Wiswe, Grangieniedersächsicheristerzienserklöster.ntstehungndBewirtschaftungpätmittelalterlich-frühneuzeitlicherandwirtschaftlicherroßbetriebe,
Braunschweigisches
ahrbuch
34
1953),
p.
5-134 R.A.
Donkin,
Some
Aspects
f
Cistercian
heep arming
n
England
ndWales
,
Cîteaux. ommentariiistercien-
ses 13
1962), p.
296-310Ch.
Higounet,
a
grange
e Vaulerent.tructuret
exploitation
'un erroir
isterciene la
plaine
e France
n<-xve
iècle, aris,
965.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 66/164
60
JEAN-LOUISAULIN
la
tradition
monastique.
Faisant
preuve
d'une
grande
souplesse
pour
tirer
e meilleur
parti
des biens
fonciers
u'ils acquéraient par
dons
mais
aussi
par
achats,
les Cisterciens e
distinguèrentrincipalement
par
la
qualité
de leur
gestion
et
«
l'organisation
du travail à l'inté-
rieur des communautés
3.
En
tout
ieu,
l'économie
cisterciennetait
réglée
elon le
principe
unique
de la
grange. Chaque
monastère
possédait
plusieurs
granges,
unités
d'exploitation
e
grandes
dimensions leur
superficie
moyenne
était de
plusieurs
dizaines
d'hectares,
mais les
granges
omptant
plu-
sieurs centainesd'hectares n'étaient
pas
rares. Par une
politique
de
remembrementt d'acquisition de parcellesvoisines, es Cisterciens
cherchaient constituer
e
vastes blocs d'un
seul
tenant,
même
s'il
existait ussi des
granges
faitesde
parcelles
dispersées.
La
fondation
d'une
grange
modifiait ensiblement
e
paysage
rural,
quelle
que
fût
la méthode
ppliquée
:
création
d'un
habitat
totalement
euf,
reprise
et transformation 'une
exploitation
ncienne
(villa,
curtis
,
voire
même,
dans certains
as,
dépopulation
volontairede
villages préexis-
tants
pour
mieux
asseoir
la domination
des nouveaux
maîtres4.
Ces
granges
taient
xploitées
n
faire
valoir direct t
devaient
permettre
aux
moines d'assurer eur ravitaillement
râce
à
leur
propre
travail.
On sait
qu'en
réalité
es
granges
devinrent
rès vite le
domaine
exclusif es convers, es laïcs convertis u monachismemais que tout,
extérieurement,
istinguait
es
moines
de
chœur.
Tandis
que
ceux-ci
pratiquaient
e
chant,
la lecture et
la
méditation,
eux-là devaient
accomplir
les travaux
agricoles
et
surveiller es
troupeaux5.
Cette
situation
onnaitaux Cisterciens n
avantage
évident
ur es
seigneurs
ordinaires les convers ravaillaient
xclusivement
our
le
monastère
et rien de
leur travailn'était distrait
ar
des
corvées ou des redevan-
ces dues à d'autres
maîtres
célibataires,
es
convers taient
ussi d'un
coût d'entretien
moins élevé
que
les
paysans
chargés
de
famille6.Si
l'on
ajoute que
les
possessions
cisterciennes taient
fréquemment
exemptes
de
redevances
t de
dîmes
-
saint
Bernard
nterdisait
ga-
3.
R.
Fossier,
L'économieistercienneans es
plaines
u
nord-ouest
e
l'Europe
,
dans 'économieistercienne.
éographie.
utationsu
Moyen
ge
ux
Temps
modernes
Auch,
983
Fiaran,
), pp.
53-74,
ésormais
galement
ans
d
,
Hommest
villages
'Occidentu
Moyen
ge
Paris, 992,
p.
401-425
cit.
.
67
de
la
première
d.).
4. R.
Fossier,
La
grange
e Clairvaux
t
a
règle
istercienne
,
Cîteauxn de
Nederlanden
VI, 1955,
p.
259-266,
éimp.
ans d
,
Hommes
t
villages
cit.,
pp.
379-387
Ch.
Higounet,
Essai
ur es
granges
isterciennes
,
dans
'économie
cistercienne
cit.
pp.
157-180L.
Chiappa-Mauri,
La
costruzioneel
paesaggiogra-
rio
padano
i
Cistercensila
grancia
i
Valera
,
Studi torici26
1985), p.
263-313.
5. J.Dubois, L'institutionesconversu xiieiècle,ormee viemonastiquepropreux aïcs , dans laicinella societashristianadei ecoliXI e XII,Atti
della erza
ettimana
i
studio,
a
Mendola,
1-27
oût
965,Milan, 968,
p.
183-261.
6. C.H.
Hoffman
erman,
edieval
griculture.
he
outhern
rench
ountry-
side
nd he
arly
istercians.
Study
fForty-three
onasteries
Philadelphie,
986
(Trans,
f theAmerican
hilosophical
ociety,
6,
5).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 67/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION
ÉDIÉVALE 61
lement
ses
disciples
'en
percevoir
on
comprendra
'aisance finan-
cière
des
moines blancs.
Grâce à cette
économie
originale
insi
qu'à
leur
goût
prononcé
pour
l'effort t
l'ascèse,
les Cisterciens
nt
pu
investir
vec
profit
dans les secteurs ucratifs
e l'industrie
minière
et
de l'immobilier
rbain,
construire
es solides
et
sobres
bâtiments
agricoles
ou conventuels
ui
nous
fascinent ncore
aujourd'hui7.
Faut-il
pour
autantabandonner
oute dée d'intérêt
e la
part
des
Cisterciens
pour
les
techniquesagraires
et
l'organisation
du travail
rural
?
Dans
ce
domaine,
le savoir-faire
ppartenait
ux frères on-
vers,
esquels
étaient ouvent
d'anciens
paysans.
Leurs
connaissances
sont-elles estées onfinées ans les grangesoù se déroulaientes tra-
vaux
agricoles
et les activités
d'élevage
?
Transmises
de bouche à
oreille,
nous
demeurent-elles
out
à fait naccessibles
Le
présent
os-
sier voudrait
attirer 'attention
ur
l'existenced'une véritable
ulture
agronomique
en milieu cistercien.
Dans cette
culture
-
dont
on a
retrouvé
n
témoignage
irect
coexistaient avoir
antique
et savoir-
faire des
hommes
du XIIe
iècle.
L'agronomie
antique
au
Moyen
Âge
: les Cisterciens
t Palladius
L'Opus agriculturae e Palladius
Des
manuscrits
ous
ont transmis
n traité
d'agriculture
n lan-
gue
latine,
YOpus
agriculturae
dont
l'auteur
s'appelait
Rutilius
Tau-
rus
i^Emilianus
alladius. Cet
ouvrage
se
compose
de
treize
ivres
ui
exposent
es
principales
echniques
e
l'agriculture
méditerranéenne
t
donnent
ussi
des conseils
relatifs
l'architecture
urale.
Un
quator-
zième
livre,
versifié
t transmis
e
façon
en
partie ndépendante
u
reste
de
l'ouvrage,
traite ommairement
e
l'art
vétérinaire
De
medi-
cina
veterinaria
.
Une
grande
obscurité
ntoure
cet
auteur,
au
sujet
duquel
on
sait seulement
'une
façon
certaine
u'il
connaissait 'Ita-
lie et possédaitdes terresdans le Latium et en Sardaigne. La date
précise
de
l'ouvrage
est
inconnue,
mais comme
les manuscrits
uali-
fient 'auteur
de
vir illustris titre
réé
par
Valentinien n
372
-
Palladius
écrivit
on
ouvrage
au
plus
tôt dans
le dernier
quart
du
IVe
iècle.
La
première
éférence
YOpus
agriculturae
e trouvedans
les
Institutiones
ivinarum
t saecularium
itterarum
e Cassiodore
(peu après
551).
Entreces dates
extrêmes,
iverses
hypothèses
dont
aucune
n'est définitive
autorisent
es deux derniers diteurs
de
ce
texte à
situer
a
période
d'activité
de Palladius
soit
«
à
la
fin
du
IVe
iècle
ou au
début du
Ve
.
»8,
soit
«
entre
460 et
480 »9.
7. G.Duby, aint ernard,'art istercienParis, 976.
8. R.H.
Rodgers,
Palladius utilius
aurusAEmilianus
,
dans
Catalogus
Translationum
t Commentariorum
3,
Washington
.C., 1976,
.
195.
9.
Palladius,
Traité
'agriculture
Livres et
2,
éd.
par
R.
Martin, aris, 976,
p.
XVI.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 68/164
62
JEAN-LOUIS
AULIN
Auteur
de
l'Antiquité
ardive,
alladius fut
ussi le dernier
epré-
sentant
'une abondante
ittérature
gronomique
atine
qu'il
s'employa
à résumer t
à
simplifier.
.
Svennung
montré
ue
son
apport per-
sonnel
était imité t
que
la
plupart
de ses
connaissances vaient
une
origine
ivresque.
a source
principale
ut
e
grand
traitéde Columelle
(Ier .),
dont
Palladius
retint e
qui
lui
était
nécessaire la
présenta-
tion des
céréales,
de la
vigne,
des
prés,
des
champs
et des animaux.
Mais Palladius utilisait ussi des
ouvrages
écrits
ux
IIIe et
ive
siècles.
Il
connaissait e traitéd'arboriculture
e
Gargilius
Martialis,
e traité
vétérinaire e
Végèce,
ainsi
que
la
version
abrégée
du De
architec-
tura de Vitruvedonnée par Faventinus. l pouvait citer et traduire
une
compilation
d'auteurs
grecs
rassemblés
par
Vindanios Anatolios
de
Beyrouth
mort
n
320 ou
321) qui
est
considérée omme e
noyau
ancien du recueil connu sous le nom de
Géoponiques10.
Peu
originale
dans son
contenu,
'œuvre de
Palladius
présente
cependant
deux
innovations
uant
à
sa forme t à
ses destinataires.
Rompant
avec la
présentation hématique
de
ses
devanciers es
plus
illustres
Columelle
et
Varron),
Palladius
opte
pour
un
plan qui
se
déroule
au
rythme
e
la vie rurale.
Passé le
premier
ivre
qui
pré-
sente a
villa,
es
bâtiments t la
basse-cour,
e
lecteur
onsulte nsuite
un calendrier
ui
détaille,
de
janvier
à
décembre,
a
liste des travaux
agricoles.
À
qui pouvait
être destinéecette
présentation
implifiée
t com-
mode des
techniques
e
l'agriculture
La
définition u lecteur echer-
ché
par
Palladius a
suscité
des
commentairesrès
contradictoires.
ra-
ditionnellement,
a littérature
gronomique
mane
de
propriétaires
on-
ciers
cultivés
ui
écrivent
our
leurs
égaux.
Or,
dans sa
préface,
Pal-
ladius s'élève contre eux
qui
«
en
faisantde la littérature
l'adresse
des
campagnards,
ont trouvé e
moyen
de rendre eur
enseignement
inintelligible
ux lettrés ux-mêmes .
Selon K.D.
White,
Palladius
«
écritcomme un
propriétaire
onnant
es
instructions et vise vrai-
ment
un
public
de
paysans11.
our R.
Martin,
en
revanche,
ne
telle
déclarationd'intentionn'est pas exemptede rhétorique t Palladius
s'adresserait,
n
réalité,
«
au même
titre
que
ses
devanciers,
un
public
de
propriétaires
12.
Entre
es deux
interprétations
iamétralement
pposées,
E.
Frézouls
estime
que
Palladius
a
«
juxtaposé
sans les
recoudre deux
parties
d'esprit
ssez différent : l'une
(le premier
ivre)présente
a
villa du
maître t
s'adresse
à lui
;
l'autre
(les
livres
uivants) gnore
ce
grand
propriétaire
t
s'adresse aux
paysans rustici)™.
herchant
son tour
10.
J.
Svennung,
De auctoribusalladii
,
Eranos
25
(1927),
p.
123-178t
230-248.11. K.D.White, oman armingLondres,970, .30.
12. R.
Martin,
p.
cit.,
p.
L-LIV
la
traductionesdeux
récédentes
itations
de
Palladius, 1,
1
est
empruntée
R. Martin.
13. E.
Frézouls,
La vieruraleu
Bas-Empire
'après
'œuvre e
Palladius
,
Ktema
5
(1980),
p.
192-210,
.
210.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 69/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION ÉDIÉVALE
63
à résoudre a contradiction
ue
semble
constituer a
coexistencede
deux
catégories
de
destinataires,
. Giardina a
insistésur
l'origina-
lité de la villa
qui
sert de cadre à l'œuvre
de Palladius. Au
Bas-
Empire,
a
grande propriété
st constituée
'une
nébuleusede
petites
exploitations, ravitant
utour de la
résidencedu maîtreet
cultivées
par
des
paysans
dont certains
ont
esclaves et
d'autres ibres.
l
n'est
alors
pas impossible
e
penser ue,
destiné ux
propriétaires,
e
savoir
divulgué ar
Palladius ait
pu
parvenir,
t
pas
nécessairementu
moyen
de la
lecture,
usqu'à
ces
paysans
travaillant n
liaison avec les
grands
propriétaires
onciers14.
el est
l'ouvrage
-
rapidement
résenté
qui a assuré a transmission es connaissances gronomiques ntiques
aux lettrésdu
Moyen
Âge.
Fortune médiévale de Palladius
Pour Albert
e
Grand,
savant
poly
raphe
et auteur
-
parmi
de
nombreux
uvrages
-
du
plus complet
des
herbiers
médiévaux,
Pal-
ladius
était
«
le meilleur
griculteur
15.
La diffusionde
son traité
en faisait
lors le
plus
populaire
des
agronomes ntiques,
oin devant
les
trois autres uteursencore connus
au
Moyen
Âge,
Caton,
Varron
et Columelle.
Palladius est le seul de ces quatre agronomes avoir été traduit
en
langues
vulgaires
vant la
fin du
Moyen
Âge.
On
connaît en effet
des
versions
talienne, atalane,
castillaneet
anglaise
de
Y
Opus agri-
culturaeréalisées
aux
XIVe
t
XVe
iècles
6.
À
cette
époque (et
dès le
XIIIe
iècle),
le texte de Palladius est
abondamment
ollicité
par
les
auteurs
qui
s'intéressent
l'agriculture17.
Le nombre de manuscrits ubsistants ournit ne autre
mesure
de cette
popularité.
On
conserve ctuellement u moins
127
manus-
crits
du texte atin
de
Palladius.
Encore ce chiffre
st-il tout
provi-
soire,
puisque
les manuscrits ardifs
n'ont
pas
fait
l'objet
d'une
enquête
systématique,
t
que
ce
traité,
elativement
ref
et
longtemps
considéré ommesecondaire, pu échapperà l'attention es auteurs
de
catalogues
anciens18.
À
titre
de
comparaison,
e traité de Colu-
14.
A.
Giardina,
Le due
talie
ella
orma
arda
ell'Impero
,
dans
A.
Giar-
dina
éd.),
Società omana
impero
ardoantico.
stituzioni
ceti economie
Rome-
Bari,
986,
p.
1-36 ux
p.
31-36
«
Palladio,
l
atifondotalico l'occultamentoella
società
urale
).
15.
Albert
e
Grand,
e
vegetabilibus
ibriVII éd. E.H.F. Meyer t
C.
Jes-
sen,Berlin,
867
réimp.
nast.
rancfort,
982),
II,41,
p.
606.
« optimus
gricultor
Palladius
).
16.
Liste ansR.H.
Rodgers,
Palladius
,
loc.cit.
pour
esversions
talienne
et
anglaise,
f.M.
Ambrosoli,
cienziati
contadini
proprietari.
otanica
agricol-
tura ell'Europaccidentale1350-1850Turin, 992, hap. .17. C'est e cas d'ALBERTe Grand ui-même,f. J.-L.Gaulin, Alberte
Grand
gronome.
otes ur e
Liber
VII
De
vegetabilibus
,
dans
Mélangesfferts
à G.
Beaujouan
sous
presse.
18. Ce
décompte
été
éalisén
comparant
es istestablies
ar
J.
Svennung,
Untersuchungen
u
Palladius
nd
ur
ateinischenach- nd
Volkssprache
Uppsala,
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 70/164
64
JEAN-LOUIS
AULIN
melle,
plus
aisément
repérable
t mieux
étudié,
comme tous
les tex-
tes
classiques,
ne
figure
que
dans
45
manuscritsmédiévaux.
Quant
aux textes
de Varron et de
Caton,
souvent
copiés
ensemble,
ls
figu-
rent
dans une trentaine
e manuscrits nviron.
l
faut
ajouter que
la
plupart
des
manuscrits
onnant e
texte des
ouvrages
de
Caton,
Varron
et
Columelle
datent du
XVe
iècle. Ces trois
auteurs
connu-
rent en
effet un
regain
de
popularité grâce
aux humanistes19. a
fortune médiévale
de
Palladius,
elle,
est
plus
ancienne.
C'est
au
XIIe
iècle,
dans le contexte
de l'essor de la
production
du livre
manuscrit,
ue
Y
Opus
agriculturae 'imposa
véritablement omme
ouvrage de référence.
À
cette
époque,
les traités
e
Columelle,
de Caton et de
Varron,
jadis
connus des lettrés
arolingiens,
emblent
ubliés. Ceux
de Caton
et Varron
ne furent
robablementamais beaucoup
diffusés.
Quant
à
l'ouvrage
de
Columelle,
il ne
résista
pas
à la
concurrence e
son
scrupuleux
bréviateur.
lus
court,
et donc
moins
cher,
richede con-
seils
pratiques,
mais
dépourvu
des
nombreuses onsidérations
cono-
miques
-
forcément atées
-
de
son
modèle,
Palladius s'est
imposé
comme
le
représentant
e
plus
commode de
l'agronomie antique.
29
manuscrits
émoignent, ujourd'hui
encore,
de
l'intérêt
orté par
les
copistes
du
XIIe
iècle
à cet
antique
traité
d'agriculture.
Parallèlement, e texte connut une plus large diffusiongéogra-
phique.
Il a
d'abord été
copié
en France du
nord et
en
Allemagne
du
sud,
d'où
proviennent
sauf une
exception
les neuf
manus-
crits
copiés
entre e
IXe
et la
fin
du
XIe
iècle. Le
témoignage
es
lis-
tes de livreset
catalogues
de
bibliothèques
st
concordant
avant le
XIIe
iècle,
'ouvrage
de Palladius est
mentionné
Metz, Toul,
Liège,
et
aussi
à Mâcon20. Au
XIIe
iècle,
l'aire
couverte
par
sa diffusion
1935
Arbetentgivna
edunderstödv Vilhelm
kmans
niversitetsfond,
4),
pp.
619-629
R.H.
Rodgers,
n
ntroductiono Palladius
Londres,
975
Institute
of Classicaltudies,upplement5) A.M.MoureCasas,Palladiusliber rimus
tradición
anuscritaedición
ritica
Madrid,
980
dactyl.),
p.
8-68 J.
Fohlen,
«
Études écentesur es manuscrits
lassiques
atins
,
Scriptorium
34
(1980/1),
pp.
96-106. n
peut
jouter
Oscott
ollege,
19
xve .),
décrit
ar
N.R.
Ker,
Medie-
val
Manuscripts
n British
ibraries
III, Oxford,
983,
.
569
Winchester
ollege,
40
(xne .),
N.R.
Ker
et A.J.
iper,
Medieval
anuscripts
n
British
ibraries
IV,
Oxford,992,
.
628.Trois utres ss u
xive
iècle e
emblent
as
avoir
té
igna-
lés
usqu'à résentLyon,
.M.,
038
Rome,
.
Casanatense,
02
Toulouse,
rchives
des
Pères ésuites
microfilm
éposé
ux
Archives
ationales,
97
MI/I).
Jedois a
connaissance
e ce dernier s.
M.
P. Portet.
19. Pour
Columelle,
e nombree mss
ecentioresst
de
43,
d'après
. P. Cor-
setti,
Un
nouveau anuscrite Columelle
,
Revue 'Histoirees
Textes
8
(1978),
pp.
289-293.
l
faut
jouter
eux
manuscrits
arolingiens
cf.
note
uivante).
our aton
etVarron,f.M.D.Reeve, Cato ndVarro, dans .D.Reynoldsed.),TextsndTransmission.SurveyfLatinClassicsOxford,983, p.146-147.
20.
Données
ynthétisées
ans
J.-L.
Gaulin,
Traditiont
pratiques
e la litté-
rature
gronomiqueendant
e haut
Moyen
ge
,
dans
'ambiente
egetale
ell'alto
medioevo
Spolète,
990
Sett,
i
studio
el
Centro
talianoi studiull'alto
edioevo,
XXXVII),
p.
103-135
Annexe).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 71/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION ÉDIÉVALE
65
s'élargit
t
englobe
désormais es îles
britanniques
ù sont
copiés plu-
sieurs
manuscrits
e cette
œuvre21.
Ainsi,
dans
le domaine
de
la
littérature
gronomique,
Palladius
a-t-il été le
grand
bénéficiaire u renouveau ntellectuel u
XIIe
iè-
cle.
Les
Cisterciens
nt
apporté
eur contribution ce
regain
d'inté-
rêt
pour
l'agronomie antique.
Palladius
dans
les
bibliothèques
isterciennes u
XIIe
iècle
Des
29 manuscrits ubsistants
opiés
au
cours du
XIIe
iècle,
six
proviennent
e
monastères isterciens.
armi
eux,
trois ont dû entrer
dans une bibliothèque istercienne ostérieurementu XIIe iècle ce
sont les
manuscrits
provenant
des monastères de
Byland (York-
shire)22, Saint-Sulpice-en-Bugeydioc.
de
Belley)23
et Aulne-sur-
Sambre
(dioc.
de
Tournai)24.
Trois
manuscrits,
n
revanche,
taient
déjà
en
milieu cistercien u
XIIe
iècle,
précisément
Clairvaux et à
La
Valroy.
On
peut
leur
adjoindre
deux
mentions
e
manuscrits
ele-
vées dans
des
catalogues
de
bibliothèques
cisterciennes
édigés
au
XIIe
iècle25
cf.
tableau
1,
page suivante).
Ces
cinq
manuscrits 'ont
pas
tous
été
copiés
dans des
scriptoria
cisterciens.
'exemplairequi provient
e La
Valroy
porte
un ex-libris
contemporain e la fondationde l'abbaye (1150)26.Le manuscrit e
Marienfeld st
cité
dans
un
catalogue
dressé 'année même de la fon-
21.
Par
xemple,ambridge,
mmanuel
ollege,
II. 3.
11,
crit
l'abbaye
éné-
dictinee
Saint-Albans,
f. R.H.
Rodgers,
n
introductiony
p.
cit
,
p.
164.
22.
Cambridge,
rinity
ollege,
. 3. 42
appartintl'abbaye
e
Byland,
ork-
shire,
f. M.R.
James,
he Western
anuscripts
n
the
ibraryf Trinity
ollege
3,
Cambridge,
902,
.
224
N.
Ker,
Medievalibraries
f
Great ritain
2e
d.,
Lon-
dres, 964,
.
22. En
dépit
e a date ardive
e
l'ex-libris
Liber . Marie
e
Bella
Landa
xive
.),
ce ms. ert 'illustration
Ch.-R.
heney,
Les
bibliothèques
is-
terciennesn
Angleterre
u
xne
iècle
,
dans
Mélanges
aint-Bernard
Dijon,
1954,
pp.
375-382
p.
380).
23. CitéduVatican,. Apost.Vaticana,eg.Lat. 1252 propriétée Saint-
Sulpice-en-Bugey
Ain),
onné Erasme
ar
'abbéPierre e Mornieuntre 526 t
1536,
f.
E.
Pellegrin,
Un ex-libris
utographe
'Érasme ans
un
manuscrite
l' Opus griculturae
e Palladius
Vat.
Reg.
at.
1252)
,
Scriptorium
29
1975/2),
pp.
162-166t
pl.
20,
réimp.
ans
d.,
Bibliothèques
etrouvées.anuscrits
biblio-
thèques
t
bibliophiles
u
Moyen
ge
tde a
Renaissance
Paris, 988,
p.
485-489
A.
Bondeelle-Souchier,
ibliothèques
isterciennes
ans
a
Francemédiévale.
éper-
toire
es
abbayes
'hommes
Paris, 991,
.
278.
24. San Marino
California),untington
ib.,
HM
627 écrit n
Angleterre
u
xiie
.,
appartint
nsuite
l'abbaye
'Aulne-sur-Sambre
dioc.
e
Tournai),
f.S.
De
Ricci,
Census
f
Medieval
nd
Renaissance
anuscripts
n theUnited tates
nd
Canada
1,
New-York,
935,
.
72.
25.
L'enquête
été réaliséeur a base des
dix-septatalogues
ecensés
ar
B.Munk^lsen, TheCisterciansndClassical ulture, Cahiers e l'InstitutuMoyen gegrec t atinCopenhague,7 1984), p.64-102Appendix, pp.83-87)
et des
restitutions
pérées
ar
F.
Dolbeau,
Trois
atalogues
e
bibliothèques
édié-
vales estituésdes
bbayes
isterciennes
Cheminon,
aute-Fontaine,
ortemer)
,
Revue
'Histoire
es Textes
18
1988), p.
81-108.
26. A.
Bondeelle-Souchier,
ibliothèques
isterciennes
op.
cit.,
.
169.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 72/164
66
JEAN-LOUIS
AULIN
Tableau1 : Manuscritse Palladius ttestés
dans
des
monastères
isterciensu
XIIe
.
Monastère
diocèse)
Référence
Clairvaux
Langres)
Montpellier,
.U.,
Médecine
81
Clairvaux
Troyes,
.M.,
1369
La
Valroy Reims)
Laon, B.M.,
403
Marienfeld
Münster)
«
XXXI
Exposicio
n cantica anticorumalladius
de
agricultura.
iber
de medicinan uno volumine
Pontigny
Auxerre)
«
Item
de
agricultura
alladii ibri
duo
»
dation
de cet
établissement
1185)27.
Dans ces
deux
cas,
les manuscrits
ont donc été
copiés
à l'extérieur
e Tordre istercien.
eut-être es livres
ont-ils
ccompagné
des
laïcs faisant
profession
e moines
?
L'origine
du manuscrit
ppartenant
l'abbaye
de
Pontigny
e
peut
pas
êtredéter-
minée.
Il
apparaît
dans une
liste de livres tablie à la
fin
du
xne
siè-
cle
(après
1174),
à une
date où le
monastère,
ondé dès
1114,
possède
une
bibliothèque
iche
d'environ
70
volumes.
Rien ne
permet
'affir-
mer
que
le volume
contenant
e
traité
e Palladius a
été
copié
sur
place
ou bien
acquis par
le
monastère28. es manuscrits
ujourd'hui
con-
servés Montpellier t à Troyes sigle T), sortent ien, quant à eux,
d'un
atelier
cistercien,
rès
probablement
elui de Clairvaux.
Ces
deux manuscrits
résentent
'évidentes
analogies
formelles
(petit
format,
nitiales,
criture)
t datent tous
les
deux de
la
fin
du
XIIe
iècle
ou du début
du
xme
siècle. Ils
figurent
'un et l'autre en
bonne
place
dans
le
catalogue
de la
bibliothèque
e
l'abbaye
de Clair-
vaux dressé
au début de
l'abbatiat de Pierre
de
Virey
en
1472
29
.
D'un
point
de
vue
philologique,
e texte
transmis
ar
ces manuscrits
n'est
pas
de très
grande
qualité,
et
ni
l'un
ni
l'autre
n'ont
été utilisés
par
les
éditeurs
modernes
e
YOpus agriculturae.
'ils
présententrop
de différencesextuelles
our
que
l'un dérive directement e
l'autre,
leurcopistea dû utiliser, ans les deux cas, un modèlepeu ancien30.
27. Source H.
Degering,
Der
Katalog
erBibliothekesKlosters arienfeld
vomJahre185
,
dans
eiträge
um
ibliotheks-
nd uchwesen
aul
Schwenke
um
20.
März
1913
ewidmet
Berlin,913,
p.
53-64
n°38).
28.
Source
Catalogue
énéral
esmanuscrits
es
bibliothèques
es
départements
(série
n
4o),
1, Paris,
849,
p.
697-717
p. 715)
B. Münk
lsen,
The
Cistercians
and Classical ulture
,
loc.
cit.,
p.
86.
29.
Montpellier,
.U.,
Médecine
81
Catalogue
énéralop.
cit.,
p.
469
R.H.
Rodgers,
n Introduction
op.
cit.,
p.
167
A.
Vernet,
a
bibliothèque
e
l'abbaye
e Clairvaux
u
xue
u
xvnr
iècle,
.
Catalogues
t
répertoires
Paris, 979,
p.
226
n°
1280)
A.M.
Moure
Casas,
Palladiusloc.
cit.,
p.
33.
Pour e
ms. on-
servéTroyes,f. nfra,nnexe. Je emercieonsieur.Vernet'avoirien oulume onfirmerpar ettre)ue e manuscritistercienonservéTroyesvait té pro-
bablement
crit Clairvaux
.
30. Cf. e stemma
roposé
ar
A.M.Moure
asas,Palladius,
p.
cit.,
l.
entre
p.
318 t319.Lesdeux
mss
résentent
es acunestdes
nterpolations
des ndroits
différents
u
texte.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 73/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION
ÉDIÉVALE
67
La
présence
de
l'œuvre
de Palladius
dans
des
bibliothèques
is-
terciennes
eut surprendre,
elles-ci
yant
d'abord
vocation
accueillir
les textes
bibliques
et
patristiques.
outefois,
dans la
deuxièmemoi-
tié du
XIIe
iècle,
certainesd'entre elles se
sont
ouvertes des
textes
profanes.
À
la
fin
du
xiie
siècle,
Clairvaux
possédait
environ 340
ouvrages,
parmi esquels
une dizaine traitaient e
droit,d'histoire,
e
médecineet
d'agriculture31.
ans ce
petit
groupe d'ouvrages profa-
nes,
il
est
remarquable ue figure
Y
Opus
agriculturae.
e
traité vait
ainsi
conquis
sa
place
dans
le
cercle
du
savoir cistercien
une
place
marginale
qui
révèle
cependant
'intérêtdes
Cisterciens
our
l'agri-
culture,et la popularitédu texte de Palladius.
Diffusion
cistercienne
e
Palladius en Italie au xiw
siècle
Les
Cisterciens e
se sont
pas
contentés
e recevoir
t
de
copier
ce
traité
ntique.
Ils ont
aussi contribué sa diffusion ans la
pénin-
sule italienne.
Alors
que
l'Italie
joua
un rôle de
premierplan
dans l'élabora-
tion de
l'agronomie
à la
fin
du
Moyen Âge,
les livres
d'agriculture
y
sont rares
usqu'au
xiiic
siècle. Le traitéde Palladius
est
absent
des
catalogues
des
grandesbibliothèquesmonastiques
u
Moyen
Âge
cen-
tral. La première ttestation st tardive en 1295 le liber Palladii de
agricultura
e
trouve,
à
Rome,
dans
la
bibliothèque
de Boniface
VIII32.
Les
manuscrits
ubsistants,
ont on
peut
dire avec certitude
qu'ils
ont été
copiés
en
Italie sont
également
ssez
rares.
Aucun
n'est
antérieur
u
xiiie
siècle.
Ces manuscrits
opiés
en Italie au
xiiie
siècle
-
ils
sont
au
nom-
bre de
cinq
-
sont
presque
tous à mettre n relation
vec le manus-
crit de Palladius
copié
à Clairvaux et
aujourd'hui
conservé
Troyes
(T).
Un
premier rgument,
e nature
philologique,
nous est fourni
par
l'étude
que
A.M. Moure
Casas a consacrée
un
groupe
de manus-
crits
de Palladius fortement ifférencié l'intérieur e la
tradition u
texte. Le manuscrit e Troyes T) appartient ce groupe,ainsi que
trois des
cinq
manuscrits taliens datant du
XIIIe
iècle. Selon cet
auteur,
'est
également
n
manuscrit e ce
groupe
-
non retrouvé
qu'aurait
utilisé
'humaniste
Ange
Politien
pour
annoter n
exemplaire
de l'édition
princeps
de
Y
Opus agriculturae parue
à
Venise
en
147233.
31.
A.
Wilmart,
L'ancienne
ibliothèque
e Clairvaux
,
Collectanea
.C.R.,
11
1949), p.
101-127
t
301-319
J.-F.
enest,
La
bibliothèque
e
Clairvauxe
saint ernard
T
humanisme
,
dansHistoiree ClairvauxActes
u
Colloque
e
Bar-
sur-Aube/Clairvaux,
2 et 23
uin
1990,
ar-sur-Aube,991,
p.
113-133J.-P. ou-
HOT, La bibliothèquee Clairvaux, dans Bernard e Clairvauxop. cit.,pp.141-153.
32. A.
Pelzer,
Addenda
t
emendando
d Franciscihrle
ist. ibi.
Rom. on-
ti/.
um
onifatianae
um
Avenionensis
1,
Citédu
Vatican,947,
.
16.
33.
A.M.
Moure
Casas,
«
Las
fuentese as ecturase
A.
Policiano
n a
edi-
tio
princeps
e
Paladio
,
Emérita46
1978),
p.
369-382.
omme
mss
u xme iè-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 74/164
68
JEAN-LOUISAULIN
Second
argument
deux de ces
manuscrits
ainsi
que
deux
autres
non étudiés
par l'auteur)
contiennent n texte
nonyme
t
sans
titre,
copié
à la suite du traité
de Palladius et donnantdes
règles
d'écono-
mie rurale. Ce
texte,
auquel
j'ai
donné le titrede
Préceptes
cister-
ciens d'économie rurale se trouve
pour
la
première
fois dans le
manuscrit onservé
Troyes
T).
Il
est
également
présent
dans trois
des manuscritstaliensde Palladius datant du
XIIIe
iècle
4,
insi
que
dans un
cinquième
manuscrit datant du
siècle
suivant
5
(cf.
tableau
2).
Tableau2 : Manuscrits es Préceptesisterciens
Cote des
manuscrits
Sigle
d'édition
Cité du
Vatican,
B.
Apostolica,
Archivio i San
PietroH 40 V
Florence,
.
Laurenziana,
anta Croce 24
sin
6
F
Florence,
.
Laurenziana,
anta Croce 25
sin
9
L
Milan,
B.
Ambrosiana,
91
sup.
A
Troyes,
.
M.,
1369
T
Au
total,
parmi
les
manuscrits taliens de
Palladius
copiés
au
XIIIe
iècle ou
au
début
du
xivc
siècle,
un
seul
échappe
à
cette filière
cistercienne6.
Le
rôle des
Cisterciens ans la
diffusion e
ce texte
emble donc
bien
établi le livre
d'agriculture
e
Palladius a
accompagné
es
dis-
ciples
de saint Bernard sur la
route de
l'Italie37.
L'importance
des
réseaux
monastiquespour
la
diffusion es
idées
et
de la culture u
Moyen
Âge
trouve ci une
illustration
upplémentaire.
l
faut vrai-
semblablement
réditeres
Cisterciens
'avoir
remis l'honneur 'anti-
que
traité
de Palladius dans l'Italie
du
xiiie
siècle.
Les
Préceptes
cisterciens 'économie
rurale
Les
Préceptes
cisterciens e
présentent
ous la
formede
quatre
cle
ppartenant
ce
groupe,
'auteur
ite
erlin,taatsbibliothek,
at.587
Florence,
Laurenziana,
anta
roce,
4
sin
(sigle
de mon
dition)
Milan,
mbrosiana,
91
sup.
sigleA).
34.
Ce sont es mss
désignésar
A
et
F
à la note
récédente,
uxquels
l
faut
ajouter
Cité
du
Vatican,
ibl.
Apostolica,
rchivioi San
Pietro
40
(sigle
V).
35.
Florence,
.
Medicea
aurenziana,
anta
roce 5 sin9
(sigle
).
Tous es
manuscritsont écritsansPAnnexe.36.Milan, ibl.Ambrosiana,212 nf.
37.
Sur es
spects
conomiques
e
'implantation
isterciennen talie
f. ndernier
lieu,
R.
Comba,
Dal
Piemontelle Marche
esperienze
conomicheistercensi
nell'età
i
Bernardo
i
Chiaravalle
,
dans . Zerbi
ed.),
an
Bernardol'Italia
Atti
del
Convegno
i
studi,Milano,
4-26mai
1990,Milan, 993,
p.
315-344.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 75/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION ÉDIÉVALE
69
chapitres
raitant
'économie rurale38. e
premier
tablit a
quantité
de
drap
de
laine ainsi
que
le nombrede
brebisnécessaires l'habille-
ment
d'une
communauté
monastique.
Le
second constitue
n
petit
rt
de
bergerie,
e
plus
ancien
que
nous
connaissionsen Occident. Des
conseils
d'horticulture
ppliqués
à
la
gourde
ou
calebasse
(cugurta),
puis, pour
finir,
'établissement
e la
ration d'avoine annuelle
qu'il
faut donner
au cheval
de traitconstituentes troisième
t
quatrième
Préceptes.
Avant
de les
commenter,
l
est nécessaire
de revenir vec
plus
de
précision
sur
leur traditionmanuscrite.
Le texte des Préceptes origineet transmission
Dans
le manuscrit
ujourd'hui
conservé
à
Troyes (T),
ces
Pré-
ceptes
figurent
près
e traité
ntique,
ans
solution
de continuité. ne
même
main a
retranscrit 'œuvre
de
Palladius,
puis
ces notes
anonymes.
Ce
manuscrit
e donne vraisemblablement
as
l'état
e
plus
ancien
des
Préceptes
Le
copiste
a en effet ommis
quelques
fautes
de lec-
ture
par rapport
à
son
modèle,
avant de
corriger
a
plupart
d'entre
elles.
On
remarque
ussi
que
la
mise
en
page
dissocie
e
premier
ré-
cepte
des
trois suivants.
Le
premier
uit
immédiatemente
texte nti-
que, tandisqu'une ligneblanchesépare a finde la première otedu
début des
trois
utres,
esquelles
ne
forment
u'un
seul ensemble.
Ceci
suggère
vec
quelque
vraisemblance ne
origine
distincte
our
la
pre-
mière
note et
pour
le restedu
texte.Le
copiste
a
pu
opérer
ui-même
le
rapprochement
es
deux
textes,
ou
se contenter e
recopier
cru-
puleusement
a
disposition
offerte
ar
son
modèle.
Le
plus
ancien manuscrit
e ces
Préceptes
'économie cistercienne
ne
permet
donc
pas
d'en établir avec
certitude
a
provenance
et
la
date.
Cependant,
e contenune laisse
guère
de
doute
sur
leur
origine
cistercienne
t
champenoise.
e
premier
es
Préceptes
numère es
dif-
férentes
ièces
du vêtement
monastique,
unique,
oule ou
chape,
sca-
pulaire et capuces (1, 4), tandis que le troisième voque la pitance
du moine
(pulmentum
3,
3).
Les
unités
de
mesures
mentionnées
étaient
communes
en
Champagne,
notamment
a
pierrée
ou
perrée
(petra
1,
2) qui
servait
peser
la laine39.
Quant
au momentoù ces
Préceptes
nt été mis
par
écrit,
l
me semble
qu'il
doit
être situé dans
la
seconde
moitié
du XIIe
iècle,
lorsque
le livre de
Palladius a com-
mencé
d'être
connu
des Cisterciens.
eflétant es
préoccupations
co-
nomiques
et
techniques
oncrètes,
es
Préceptes
ont dû
être
formulés
comme
un
complément
u traité
antique
reçu
et
copié
à
Clair aux.
38.L'éditiont a traduction,uxquellese renvoieésormais,etrouventansTAnnexeI. UnepremièreditioniguraitansmathèseonsacréePietroe Cres-
cenzi
t
'agronomie
n talie
xw-xiv
ièclesthèse e doctorat
e 'Universitée Paris
I
sous
a dir.
de M. P.
Toubert,990,
ol.
,
pp.
559-563
dactyl.).
39. M. .
Bourquelot,
tudes ur es Foires e
Champagne
Paris, 865,
I,
p.
94.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 76/164
70 JEAN-LOUISAULIN
Les
autresmanuscrits
ui
nous ont transmis e textede ces notes
sont tous italiens. Datés
du
XIIIe
iècle
pour
trois d'entre
eux,
et du
XIVe
iècle
pour
le
dernier,
ls sont inférieurs n
qualité
au
manuscrit
de
Troyes.
À
la différence
e
celui-ci,
es
manuscrits taliensdonnent
des titres
ux
trois
derniers
réceptes.
Le texte
est
par
ailleurs assez
stable seul
un
manuscrit
n donne une
copie
abrégée40 V).
Tous
ont été utilisés
pour
l'édition
qui figure
n annexe II.
L'existencede ces manuscrits taliensdes
Préceptes
explique
que
l'on
retrouve es bribes de
ce
texte écrit
à Clairvaux
dans le traité
d'agriculture édigépar
le
bolonais Pietro de'
Crescenzi u début du
xivesiècle. Trouvantces Préceptesanonymes la suite de l'ouvrage
de
Palladius,
l'agronome
talien es a
évidemment ttribués
l'auteur
antique41.
Les
deux
Préceptesqui
concernent
'horticulturet
l'élevage per-
mettent ne
comparaison
ntre avoir
antique
et
connaissancesmédié-
vales. Les deux autresnous ramènent rès
concrètement l'intérêt es
Cisterciens
our
la bonne
gestion.
Un art de
bergerie
Comme tous les
agronomes antiques,
Palladius
consacrait
plu-
sieursdéveloppements l'élevagedes ovins42. ls n'ont cependantpas
satisfait e rédacteur u
chapitre
Quo
tempore
debeant dimitti rie-
tes ad
oves
»
qui
a innové
en
rédigeant
n
petit
art de
bergerie lus
conforme
son
environnement.
Les différenceses
plus
sensibles ntre e
traité
ntique
et
les
Pré-
ceptes
relèvent 'une volonté
d'adapter
les
règles
de
l'élevage
ovin au
climat de la France du nord.
À
propos
de la
période
de
reproduc-
tion,
Palladius conseillaitde
procéder
l'accouplement
ntre vril et
juin
de
sorte
que
les brebis mettent
as en
automne
après
environ
150
ours
de
gestation.
Un tel
calendrier,
articulièrement
ien
adapté
au
climat
méditerranéen,
'avait rien
d'original
Varron,
grand spé-
cialiste de l'élevage parmi les agronomes atins, soulignait ui aussi
l'avantage
de
faire
naître es
agneaux
en
automne,
«
à une
époque
où la
température
st
assez douce et
où
l'herbe,
suscitée
par
les
pre-
mières
pluies,
commence à
sortir 43. Les
contraintes
du
climat
champenois
ont trèsdifférentes.
'accouplement
lieu
«
le
quinzième
jour après
la
fêtede saint Michel
»
(2,
1),
soit
à la
mi-octobre elon
notrecalendrier.
'agnelage
a
donc lieu à la
mi-mars
au
bout d'un
mois,
les
agneaux
sont sevrés une
époque
où
la
nourriture
es
prés
40. Le ms.
V
ne
donne
ue
e deuxième
récepte
la
copie 'interrompt
rutale-
ment
=
2,
9).
41.P. de'Crescenzi, rattatoella gricolturaMilan, 805, ol. , p. 123comparervecPréceptes2, 2.
42.
Passages rincipaux
Palladius,,
5
(reproduction)
6,
8-9
tonte,
abrica-
tion
u
fromage)
12,
13
agnelage,âture).
43.
Varron, , 2,
14
Economie
urale
livre
I,
texte
tabli,
raduit
tcommenté
par
Ch.
Guiraud, aris, 985,
.
28).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 77/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION ÉDIÉVALE
71
redevient
bondante44.
n
remarque
ussi
que
l'auteur
cistercien on-
naît
l'effet
néfastede
l'herbe
imprégnée
e
rosée
(2, 13)
: il
pouvait
lireexactemente
contraire ans
le
livre
de
Palladius
pour qui
la
rosée,
rare et bienvenue
dans
le domaine
italien,
attendrit
a
pâture
mati-
nale
des brebis45.
Les brebis
portières
t
les
agneaux
font
'objet
de
soins
atten-
tifs bien nourries
pendant
a
période
de
gestation
2, 6),
les
mères
reçoivent
ne double ration de sel
pendant
'agnelage,
de même
que
les
agneaux pendant
a
période
délicate
ui
suit e
sevrage 2, 3).
Tout
aussi concrets ont les
conseils relatifs
la
pâture
estivale. Le texte
insiste url'importance es bois (nemora), lors que Palladius ne par-
lait
que
des
prairies pascua)
:
destination
uotidienne
du
troupeau
qui
doit
y passer
les
heures es
plus
chaudes de la
journée,
ces
bois
sont
la
condition d'un
élevage
de
qualité (2, 4).
«
Si
pendant
'été
on n'a
pas
de bois ...
»,
il
faut modifier e
rythme
e
la
journée
afin
d'éviter
a
grosse
chaleur le
troupeau
est
conduit
dans les
prairies
le
matin
puis
de
nouveau le soir
il
faut
alors traire es
brebis
plus
tôt
le matin
(2,
12).
La
fabrication es
fromages
isterciens
anifeste,
ne fois
encore,
l'originalité
e ces
Préceptes
Les
fromages
uxquels
Palladius
faisait
allusion étaient aractérisés
ar
des
goûts prononcés
au thym,
u
poi-
vre).La méthode isterciennestsimple t naturelle ellene fait nter-
venir
ue
le lait et un
peu
de sel
(2, 5).
Il
n'est
pas
question
des autres
produits
de
l'élevage,
la viande et la laine.
La tonte
n'est
pas
évo-
quée,
car,
dans
la tradition
médiévale,
elle n'est
pas
du
ressortdes
bergers,
mais
de
spécialistes
alariés
extérieurs
l'exploitation.
On en
a confirmationn
consultant
e
Vrayregime
t
gouvernement
es
ber-
gers
et
bergeres ue
Jean de Brie
rédigea
en 1379
pour
le
roi Charles
V
:
«
de
la
façon
de
réaliser
a
tonte
...)
il
ne sera
peu
ou
pas
parlé
dans ce traité
-
nous
dit
l'auteur
-
,
parce
que
la
tonte ne
relève
pas
directement e
l'art du
métierde
bergerie
^.
Le traité
de
Jean de Brie n'est donc
pas
le
premier
du
genre.Dans le cadre des grangesde Clairvaux,riches en forêt,prairieset
bétail,
e savoir-faire
n matière
'élevage
avait
déjà
fait
'objet
d'une
formulation
oncise mais efficace47.
Au
jardin potager
Le troisième es
Préceptes
délivredes
conseils de
jardinage
rela-
44. La
remarque
À
la Nativité
u
Seigneur
n esrassemblevec
eursmères
correspond
onc des
gneaux
e neuf
mois,
n
passe
e devenir
es
«
an enais.
45.
«
aestivis ensibus
ascantur
ub
ucis
nitio,
um
raminis
eneri
uavitatem
rorismixturaommendai: Palladius2, 13,4.46. Jehan eBrie, e bonberger.e vrai èglementtgouvernementesber-
gers
t
bergères
texte
modernisé
ar
M.
Clévenot,aris, 979,
.
92. Sur
'auteur,
cf.DictionnaireesLettres
rançaises.
e
Moyen
ge,
nouv.
d.,
Paris, 992,
.
755.
47. SurClairvauxt son
économie,
.
Fossier,
La
puissance
conomique
e
l'abbaye
e Clairvaux
u xnie
iècle
,
dansHistoiree
Clairvaux
op.
cit.,
p.
73-83.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 78/164
72
JEAN-LOUIS
AULIN
tifs une seule
plante,
a
gourde
ou
calebasse,
dite encore
cougourde
(( ugurta
.
Ces termes
désignent
a cucurbitacéedont le
fruit,
éché
et
vidé,
servait raditionnellement
e
récipient
Lagenaria
sicceraria).
Il
ne
peut
en aucun
cas
s'agir
de la citrouille u du
potiron
Cucur-
bita
dont
il
existe
de nombreuses
spèces) qui
sont
d'origine
améri-
caine et
qui
n'ont été
connus en
Europe qu'au
XVIe
iècle48.
En
1600,
l'agronome
Olivier de Serres es
distingue
rès
précisément.
u
sujet
des
cougourdes,
l
écrit
«
leur race n'est
pas estrangere,
mais
originaire
e
certaines
rovinces
de ce
Royaume
...).
Des citrouilles
n'est
pas
de
mesme,
car elles nous sont venues des
Royaumes
de
Naples et d'Espagne, de différentesspeces,dontquelques unes sont
de
monstrueuse
rosseur
t
pesanteur
49.
C'est
cependant pour
son
intérêt limentaire
ue
la
gourde
est
mentionnée ans les
Préceptes
isterciens
Écrasée,
mélangée
du
pain
et
bouillie,
la
pulpe
de
la
gourde
devait
apporter
un
peu
de
variété
à une alimentation
monastique ui
recourait
abituellement
ux
fèves,
aux
pois
et
aux lentilles50. es
graines,
i elles étaient
broyées,pou-
vaient
apporter
un
supplément
e
lipides
et de
protéines.
Cette
plante figure
dans le
livre
de
Palladius,
sans
faire
toute-
fois
l'objet
d'une notice
développée51.
n
quelques lignes
très den-
ses,
l'anonyme
cistercien
onne tous
les conseils nécessaires la cul-
ture et à l'utilisation e la gourde sélectiondes graines elon la pra-
tique
ancienne de
l'immersion ans
l'eau
(les plus légères
ont écar-
tées),
profondeur
t
distance
de
plantation, uteurage, poque
de la
récolte,
préparation
culinaire.
On
remarque
en
particulier
e soin
apporté
à tuteurer a
plante
il
est conseillé de construire ne
sorte
de
treille,
hauteur
d'homme,
de
façon
à
ce
que
les feuilles es
plus
élevées
protègent
a
plante
et
ses fruits e l'ardeur du soleil estival.
Compter
et contrôler
Deux
des
Préceptes
1
et
4),
relèventmoins des activités
e
pro-
ductionque du souci de bonne gestion.La première ègleétablit e
48.
Cf.
a
notice Cucurbits
dansN.W. immonds
éd.),
Evolution
f Crop
Plants
Londres,
976,
p.
64-69
J.
André,
es
noms e
plantes
ans a Rome nti-
que
Paris, 985,
.
80
cucurbita).
ette istinctionst
ouventbsentees
ouvrages
de
vulgarisation.
'est
insi
u'une
raductionécenteu
troisièmees
Préceptes
is-
terciens
'intitulealencontreusement
Des
courges
,
sans
ommentairettirant
'atten-
tion u
ecteur,
f.
Sources 'histoire édiévaleX'-milieu
u
xiv*
ièclesous a dir.
de G. Bruneit
E.
Lalou, aris, 992,
.
224
chap, édigé ar
P.
Portet
t
G.
Bru-
nei).
Je emercie
. M. Chauvet
u
Bureau esRessources
énétiques
our
es nfor-
mations
otaniquesu'il
m'a fournies.
49.
Olivier
e
Serres,
e
Théâtre
'agriculture
t
mesnage
es
champsLyon,
1675,
.
486.
50.Sur 'alimentationClairvaux,f. H. d'ArboiseJubainville,tudes url'état ntérieures bbayesisterciennestprincipalementeClairvauxauxne tau
xiw
iècle, aris, 858,
p.
114-134
sur 'alimentation
onastique,
ombreuses
on-
nées t
nterprétations
ans
M.
Montanari,
limentazione
cultura elMedioevo
Rome-Bari,988,
hap.
.
51.
Palladius,
, 9,
16.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 79/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION
ÉDIÉVALE
73
nombre
de
bêtes
qu'il
faut
pour
vêtirdeux cents hommes
1, 1).
Le
texte
pporte
des
équivalences
ntéressantes
ntre a
toison d'un ani-
mal et
deux
unités,
de
poids (la
pierrée)
et
de
longueur
le drap
de
16
aunes).
2
100
toisons
équivalent
75
pièces
de
drap (1
200
aunes)
ou encore
à 300
pierrées.
En
attribuant n
peu
plus
de
5
aunes
de
drap
à
chaque personne,
e calcul démontre
u'il
faut
«
dix
toisons
et demie
»
pour
vêtir un
religieux52.
Ce
vêtement,
istribué
haque
année,
comprend
ne
tunique,
des
chausses
et des
guêtres.
Raisonnant sur
un nombre
mportant deux
cents
hommes),
'auteur de ce calcul
peut dégager
un
reliquat
essen-
tiellementtilisépourdes chapeset des coules (40 au total). La chape
est
une robe
de laine destinée ux conver
,
plus
courte
que
la coule
des
moines
de chœur53.Le texte
nous
fournitune
précision
à cet
égard
la
fabrication 'une coule demande 25 % de laine
supplémen-
taire
par rapport
à la
chape (1, 4).
Le nombre
de
religieux ris
comme
exemple
évoque
les
impor-
tantes communautés
monastiques
du
XIIe
iècle,
lorsqu'il y
avait
200
moines
de chœur
à
Clairvaux,
100
à
Pontigny,
140
à Rievaulx.
Mais la
mentiondes deux
vêtements,
oule
et
chape,
montre
ue
ce
calcul
prend
en
compte
aussi
bien
les
frères onvers
que
les
moines
de
chœur.
l
est difficile
e
savoir
si la
proportion ue
semble établir
l'auteur au traversde la distribution es habits (30 converspour
10
moines) correspond
la réalité. Les données relatives
u
nombre
de convers
sont
peu
nombreuses
t
d'interprétation
ifficile.
i l'on
a
pu
établir
une
«
moyennegénérale
de
15 à 20 °7o
de convers) par
maison
»,
il
semble
bien
que,
dans
les
grands
établissements,
e nom-
bre des convers
dépassait
de
beaucoup
celui
des
moines
ainsi
à Pon-
tigny
300
convers)
et
à Rievaulx
(500
convers)
4.
l
n'est donc
pas
impossible
de
penserque
ce
rapport
de trois
pour
un
avait
une
signi-
fication
normative,
ont
'auteur des
Préceptes
qui
écrivait
Clair-
vaux,
au
temps
de
l'apogée
de l'ordre
-
s'est
fait l'écho.
Le dernier
récepte
établit
a
quantité
d'avoine nécessaire
pournourrir n chevalpendantun an. On distinguee cheval de grostrait
(« equus
quadrigarius
de maioribus
,
4,
2)
du cheval de trait
éger
(«
equus
quadrigarius
de minoribus
,
4,
3).
Le
premier
onsomme
52.
La valeur e
'aune
ariait
videmment'un ieu l'autrel'aune e
Provins
valait
,813
m,
soitun
peuplus
de
4
m
pour
aunes
M.
F.
Bourquelot,
tudes
sur es
oires
op.
cit.,
I,
p. 96). Trop
e variablesnterfèrent
our
ue
'on
puisse
donner
es
équivalents
odernes
type 'élevage,
aces
vines,
ode
e
préparation
de la
laine...).
53. H.
D'Arbois
e
Jubainville,
tudesur 'état
op.
cit.,
.
135.
Dans
e sta-
tut es
onversisterciens
e a deuxième
oitiéu
xiie
iècle,
n it u
chapitre
VI,
De vestitu« Vestitusit appatunicecalige,edules... (J.A.Lefèvre, L'évo-lutionesUsus onversorumeCîteaux,Collectanea. C.R.,17 1955), p.65-97).
54. M.
Pacaut,
Les moines lancs
cit.,
.
271
t
pour ontigny)
.-J.
ekai,
Les moines
lancs
Paris,
957,
.
287.
Pour
Clairvaux,
n
dispose
'un
hiffre
lo-
bal
d'environ
00
personnes
la mort e saint
ernard,
ans
ouvoirréciser
avan-
tage
Sancii
ernardiita
rima,
L
t.
185,
ol.
363
B).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 80/164
74
JEAN-LOUIS
AULIN
six
setiers
'avoine
par jour,
le second
seulement
inq.
Un
calcul élé-
mentaire
ermet
e
conclure
que
«
neuf
muids
d'avoine,
un setier t
une
prébende
conviennent
our
nourrir e
cheval
de
grande
taille
(4,
4).
Peut-être
faut-il
faire e
rapprochement
vec cette
«
mesure
d'avoine établie au
chapitre
de Cîteaux
»
à
laquelle
font
allusion
les
Statuts
de
l'ordre dès
11 4
55
?
Statuts t
codifications
voquent
assez
fréquemment
es
chevaux
que
les
Cisterciens levaient n
grand
nom-
bre,
certains
pour
un
usage
agricole,
d'autres
pour
servirde
montu-
res
aux
abbés
qui
se
rendaient,
ne
fois
l'an,
au
chapitregénéral
à
Cîteaux.
Le
contrôlede la ration
d'avoine
semble
effectif un con-
vers est puni d'avoir remplacé 'avoine par de la paille, un autre
d'avoir refuséde nourrir es
chevaux
d'abbés
qui
faisaienthalte
au
monastère56.
our
assurer
une
meilleure
urveillance
es coûteux
che-
vaux,
les écuriesdevaient e trouver
l'intérieur e
l'enceinte
ui
pro-
tège
les
monastères57.
Cette
volonté
de contrôle
st sans
doute à
l'origine
des
Précep-
tes Sur
un mode
constamment
mpératif,
eux-ci
délivrent
es ins-
tructions
l'usage
des
exécutants.
On
peut
imaginer
u'un
cellérier
a
fixé ces
quelques
règles
en une
sorte
d'aide-mémoire.L'art de la
bergerie
st,
quant
à
lui,
explicitement
estiné
un maître
magister
surveillant e travail
des
bergers.
Lui
seul a le
droit de
parler
alors
que les bergers 'affairent traire es brebis 2, 14). Il surveille a
fabrication
es
fromages 2, 6)
;
c'est
un
meneur
d'hommes
qui
doit
savoir enir
ompte
des circonstances
il
raccourcira,
ar
exemple,
'iti-
nérairedu
troupeau
es
jours
de
canicule,
pour
éviter
ue
les
bergers,
fatigués
t
irritables,
e fassentmal
leur travail
t ne
nuisent u
trou-
peau
(2, 9).
On
peut
voir dans ce
magister uquel
s'adresse
l'auteur
des
Préceptes
la
figure
u maître
des
convers,
véritable
égisseur
es
granges mportantes,
ntermédiaire
ntre es
convers
agriculteurs
t
bergers),
t les
moines.
Il
y
avait donc
bien,
à
Clairvaux,
dans la
seconde
moitié du
XIIe iècle,une véritable ulture gronomique.Souvent nvoquéemais
rarement
émontrée,
elle-ci
ne doit
pas
être
réduite
à
des
progrès
techniques
dont
on
a
déjà
dit
qu'ils
n'avaient
été
le fait
des
Cister-
ciens. Cette culture
puisait
à deux
sources
le
traité
ntique
de Pal-
ladius,
qui
fournissait
lors
le seul
accès
à un
savoir
savant et
tradi-
55. J.M.
anivez,
tatuta
apitulorumeneralium
rdinis isterciensis
b anno
1116 d annum786
I, Louvain,
933
«
mensura
venen
Cisterciensi
apitulo
ons-
tituía
(année
134,
IV).
l
y
a
trop
'inconnues
our ue
'on
puisse
orrectement
évaluer
ette ation
valeur
u
muid
'avoine,
art
e 'avoine ans
'alimentation
u
cheval,
oids
e l'animalt travail
emandé).
otons
ue
le
muid tilisé
ontient
8setiers.lya donc ne rreurn4,2 onattendraitpourroisentsuitsixmuidsetdeux etiers(etnonpas« sixmuidst unsetier). Le calcul inal,onné our
le cheval e
gros
rait st
orrect
4,4).
56.
bid.,
nnée
205,
0; 1206,
9.
57. B.
Lucet,
es
Codifications
isterciennese
1237 t de
1257
Paris, 977,
,
15,
p.
212.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 81/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION
ÉDIÉVALE
75
tionnel un savoir-faire
ontemporain,
ssu de la
pratique, dapté
aux
activités urales
des
Cisterciens. 'un côté le
livre,
opié
par
des moi-
nes
cultivés,
de l'autre
l'expérience, pportée
par
des frères
onvers
d'origine paysanne.
L'imbricationde ces deux savoirs et leur
uxta-
position,
n soi
exceptionnelle,
ur
un même
parchemin,
ont un
indice
de l'élaboration
d'une
culture
agronomique propre
au
Moyen
Âge.
La
recherche,
a
copie,
la
diffusion u traitéde Palladius n'étaient
pas,
au
XIIe
iècle,
des actes
synonymes
'archaïsme.
La
volontéd'une
bonne
gestion
ouvait
au contraire
nciter,
ans
un même
mouvement,
à étudier
un
ouvrage antique
faisant utorité
t
à codifier es
usages
éprouvés par la pratique.
Les Cisterciens
ils ne furent
as
les
seuls
-
jouèrent
un rôle
important
ans
la
redécouverte
t la
diffusion
u
traitéde
Palladius,
c'est-à-dire,
travers
ui,
de
l'agronomieantique.
Il
faut,
plus parti-
culièrement,
eur reconnaître e mérited'avoir diffusé e texte
dans
l'Italie
du XIIIe
iècle58.
En
agronomie
comme en architecture
ils
apportèrent
l'Italie la
technique
de la voûte
gothique
-
les Cister-
ciens
furent
l'origine
d'une translado des
techniques
du nord vers
le sud.
Peut-être
aut-il,
n dernier
essort,
nterpréter
ette rénovation
de
l'agronomie
à la
lumière des
choix
éthiques
de
saint Bernard.
Observés- tant bien que mal - par ses disciplesdurant e XIIe iè-
cle,
ils
imposaient
de cultiver t faire cultiver
es
terres,
mais aussi
de refuser
a
perception
e revenus
eigneuriaux.
eurs
conséquences
économiques
usage,
un
temps
xclusif,
u
fairevaloir
direct,
néces-
sité
d'organiser
t de contrôler e travailde nombreux
onvers ont
pu
favoriser
a recherche e modèles et de
connaissances
gronomi-
ques
: un savoir
technique
à la fois
théorique
et
pratique,
docte et
empirique,
crit
t
oral,
un instrument
e
gestion
autant destiné ux
cellériers
t
aux maîtres
des
granges
qu'aux
frères onvers.
58. LesPréceptesisterciensremarquésarJ.Svennung« kleinereotizenusLandwirtschaft, loc.cit.)ne sont asrelevésarJ.Agrimi,ecnicascienzaop.
cit.,
ni
par
A.L.
Gabriel,
Cataloguef microfilmsop.
cit
,
qui
donne
ourtant
I'
xplicit
...
et unam
rebendam
.
Il
faut
orriger
a notice e L. Jordan
t
S.
Wool,
Inventoryf
Western
anuscriptsop.
cit.,
qui
invente
n
titre
«
de
pascu
)
et donne
n
ncipit
rroné
«
Aucentibus
ominibus...
).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 82/164
76
JEAN-LOUISAULIN
ANNEXE I
Manuscrits ontenant
es
Préceptes
cisterciens 'économie
rurale
1)
Cité du
Vatican,
iblioteca
postolica,
rchivio
i
San
Pietro,
H 40
(sigleV)
Description
Parch
II
+
148
+ II
ff.
179 x
118 mm
xiic-xnic
.
Contenu f.
3-146
Opus
agriculturae
e
Palladius.
f. 146r-147
Préceptes
isterciens'économie
urale
incomplets).
f.
146r
inc.
«
Post festivitatemanctiMichaelis...
f.
147r
expl.
«... fervor uerit/
(=
Préceptes
2,
9).
Origine Italie.Possesseurarmes urimposéesu cardinal iordano rsinif.3) ; sous
sa cote ncienne
CCLXXIIII,
fol.
3),
il
figure
ans e
testamentu cardinal
qui légua
es ivres u
chapitre
e Saint-Pierren 1434
cf.
éd. du testament
par
F.G.
Cancellieri,
De
secretariisasilicae
..,
2, Rome, 1786,
p.
910).
Bibliographie
C. Storna
olo,
Inventarium
odicum
manuscriptorum
latinorum
rchivi
asilicae
. Petri n
Vaticano
dactyl,
e
la salle Barbe-
rini,
°
411),
3,
p.
166
J.
Saxer,
«
Troismanuscrits
iturgiques
e l'Archi-
vio di San
Pietro,
ont
deux
datés,
ux
armes
u
cardinal ordan
rsini
,
Rivista i
storia ella hiesa
n talia
27
(1973), p.
501-505
Manuscritslas-
siques
atins e
la
Bibliothèque
aticane
1, Paris,
1975,
p.
55 R. H. Rod-
gers,
An
Introduction
op.
cit.,
p.
169
A. M.
Moure
Casas,
Palladius
op. cit., 61.
2)
Milano,
Biblioteca
mbrosiana,
91
sup.
(sigleA)
Description
Parch.
VII
+
246 + I
ff. 160 x
230
mm
2
col.
;
fin
xiiie-xive
iècle.
Recueil nciende textes
echniques
une
seule
main).
Contenu
f. 1-40
vb
Opus agriculturae
e
Palladius t
Préceptes
is-
terciens 'économie
urale58.
f.
38v
inc.
«
Ducentis ominibus
onvenit....
f. 39r
expl.
«...
unam
prebendam
.
f. 39v-40v
«
Incipiunt apitula
ibri
Palladii .
Origine
Italie
Possesseursex-librisxive .) enpartie ffacé « Iste iber stserNico-
lai
[....]
»
(f. 246v) acquis par
la B.
Ambrosiana
Venise n
1609.
Bibliographie
J.
Svennung,
Untersuchungenop.
cit.,
p.
621
R. H.
Rodgers,
An
Introduction,
p.
cit.,
p.
166
J.
Agrimi,
Tecnica
scienza
nellaculturamedievale.
nventarioei
manoscritti
elativilla
scienza
alla
tecnica
medievale
sec.
XI-XV)
Biblioteche i
Lombardia
Florence,
976,
p.
78
;
A. L.
Gabriel,
Catalogue f microfilms
f
one
thousand
cientific
manuscripts
n the
Ambrosiana,
otre-Dame
Indiana),
1968,
p.
200
A.
M.
Moure
Casas,
Palladius
op.
cit.,
p.
36
L. Jordan
t S.
Wool,
Inven-
tory f
Western
anuscripts
n
theBiblioteca
mbrosiana
part
ne
A-B
supe-
rior
Publications
n Medieval
tudies,
XII/
) University
otre
ame,
1984,
pp.
105-107.
3)
Firenze,
Biblioteca
Medicea
Laurenziana,
anta
Croce,
24
sin
6
(sigle )
Description
Parch.,
I + 62 ff.
139 x
206 mm 2
col.
;
xiiie
iècle.
Recueild'une seule
main,
ontenant
égèce
t
Palladius.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 83/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T ÉLABORATION
ÉDIÉVALE 77
Contenu f. 27ra-59ra Palladius.
f. 59ra-59vb
Préceptes
isterciens
'économie urale.
f. 59ra
inc.
«
[D]ucentis
ominibus
onvenit...
.
f. 59vb
expl.
«... unam
prebendam
.
f.
60ra-61rb
«
capitula
.
Origine
Italie
Possesseur
Couvent anta Croce
«
iste
iber st armadi
(f.
1
mg.
sup.).
Bibliographie
A.
M.
Bandini,
Catalogus
odicum
atinorumibliothe-
cae
Mediceae
Laurentianae
4,
Florence, 776,
col. 175 J.
Svennung,
Untersuchungen
op.
cit.,
p.
621 R. H.
Rodgers,
An Introduction
op.
cit.,
p. 165 J.Fohlen, « Études récentes ur les manuscrits, loc. cit.,
pp.
99-100
A. M. Moure
Casas, Palladius,
p.
cit.,
p.
21
;
S. Bernardi-
nello,
Scriptorium,
5
(1981),
p.
155
Bulletin
odic. n°
848).
4)
Firenze,
.
Laurenziana,
anta
Croce,
25 sin
9
(sigleL)
Description
Parch.
III +
122 + III
ff.
num.
ncienne
t
moderne)
168 X 235
mm
xive-xve.
Recueil
e textes
'origine
ariée onstituévant
a donation u couvent
Santa Croce
de Florence
1410).
La
copie
de
Palladius,
ur
deux
col.,
est
du
xive
iècle
les
Préceptes
isterciens
ont de la mêmemain.
Contenu
f. 113-120va
Opus
agriculturae
e Palladius
fragment),
f. 120ra-120va
Préceptes
isterciens'économie
urale.
f. 120ra inc. « Ducentis ominibus....
f.
120va
expl.
«... unam
prebendam
.
Origine
Italie.
Possesseurs
«
Iste
liberfuit d usum fratris
hebaldi e Casa
quem
assignavit
ivens rmario
onventusiorentininno
1410
die
XIV
decembris.
Bibliographie
A. M.
Bandini,
Catalogus,
p.
cit., 4,
col. 198-190
J.
Svennung,
Untersuchungen,
p.
cit.,
p.
621 R.
H.
Rodgers,
An Intro-
duction,
p.
cit.,
p.
165
J.
Fohlen,
«
Etudes écentesur es manuscrits.
loc.
cit.,
pp.
99-100 A. M.
Moure
Casas,
Palladius,
p.
cit.,
p.
64.
5)
Troyes,
ibliothèque
unicipale,
369
sigle
T)
Description
Parch.
251 +
II ff. 160
x 221
mm,
xiie-xnie.
Codexdouble les Distinctionesuper salterio 'Eudesde Châteauroux
(f.
1-171,
me
.),
sont uivies
u traité e
Palladius t des
Préceptes
ister-
ciens
une
seule main
finxne-début
me
.).
Contenu
f. 172-250r
Opus agriculturae
e Palladius.
f. 250r-251v
Préceptes
isterciens
'économie
urale.
f.
250v inc.
«
Ducentis ominibus
onvenit...
f.
25 v :
expl.
«...
unam
prebendam
.
Origine
France
manuscrit
istercien,
robablement
opié
à
Clairvaux.
Possesseur
«
Liber Sánete
Marie Clarevallis
(fol.
de
garde) figure
dans l'inventaire
e la
bibliothèque
e Clairvaux
ressé n
1472
cote
«
M
16
»).
Bibliographie
Catalogue
énéral
es manuscritses
bibliothèquesubli-
quesdeFrance, , Paris,1855,p. 569 J.Svennung,Untersuchungenop.
cit.,
p.
624
R.
H.
Rodgers,
An Introduction
op.
cit.,
p.
169
J.
Fohlen,
«
Études
écentes
ur es manuscrits
,
loc.
cit.,
pp.
99-100
A.
Vernet,
La
bibliothèque
e
l'abbaye
de Clairvaux u
xne
au
xvme
iècle,
.
Catalogues
et
répertoires,
aris, 1979,
p.
196.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 84/164
78
JEAN-LOUISAULIN
ANNEXE II
PRÉCEPTES CISTERCIENS D'ÉCONOMIE RURALE*
(1)
1
Ducentishominibus
onvenitMM. et
.C. bestias d vestiendum
unicuique
orum X. vellera t
dimidium.
uod
ita
probatur.
Septem
el-
lera faciunt
etram,eptingenta
ellera C.
petras,
mille
t .CCCC
.
vellera
faciuntCC.
petras,
uo
miliaet
.C.
vellera aciuntCCC.
petras.
Una
petra
facit 1111.
aratas
alnas,
centum
etre
CCCC.
alnas,
.CC.
petre
.DCCC.
alnas,
trecente
etre
M. et
.CC. alnas.
4
Modo demus
er
annum
unicuique
V.
alnas
n
tunica t
caligis
t
pedulibus,
t
eveniuntC. fratribus
quingente
ine,
ducentis eromille
ine.
Ducente ine
remanent,
ndedamus
.XXX. capas nanno unicuiqueape .1111. lnas quatuor rigintaaciunt
.CXX.
alnas,
emanentLXXX. aine.Modo
faciamusX.
cucullas
er
nnum
et cuculledemus V. alnas decies
quinqué
fiunt
uinquaginta,
emanent
.XXX. aine ad
scapularia
t
caputia
t
saga.
5
Unus
drapus
habet
XVI.
alnas,
duo .XXX.
duas,
quatuor
LXIIII.
;
duo
super
adiunctifaciunt
.XXXII.,
que
fiunt
imul
C. aine 1111.minus
et alii sex
totidem senarius
vero
quatuor
uctus acit
XXIIII.,
adde unum
drapum
XVI.
alnarum,
t
fiunt XXV.
drapi
qui
redduntCCCC. alnas
quinquagintarapi
DCCC.
alnas,
LXXV.
drapi
MCC. alnas.
*
Pour
es
sigles
esmanuscrits
'édition,
f.Annexe.
T,
le
plus
ncien
t e
meilleuresmanuscritse ces
Préceptes
isterciensa servi
e ms.de base.
Lorsqu'un
seul
émoin
'écarte e tous es
autres,
n a
allégé
'apparat
n ne
mentionnant
ue
le
sigle
u ms.
fautif
ed.
signale
ne
onjecture
e l'éditeur.
Pour a mise u
point
e cette
dition,
'ai
tiré
rofit
es
précieux
onseils
e
M. F. Dolbeau ue e remercierès ivement.(1) 1. .ut dd.Apost onvenithabentdd.Apost estiendumI 2. .CC.petras
... velleraaciuntom.
L
II
3. trecentetre-
II
4.
eveniunt
-nient
;
.C.
fratri-
bus
T
: fratribusC.
A
;
quingente
: ducenteFL
remanent
are-
;
et
dd.
AFL
post
nno
I
5. et dd.
T
ante
XXV.
rapi
.CCCC. lnas
uinquagintarapi
om.
A II
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 85/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION
ÉDIÉVALE
79
Traduction
(l)1
Pour
deux cents
hommes,
l
faut deux mille ent
bêtes
pour
es
vêtir,
oit
dix toisons t demie
pour
chacund'eux démonstration.
Sept
toisons ont
ne
pierrée,ept
ents
oisons
ent
pierrées,
ille
uatre
ents
toisons
ont eux
ents
ierrées,
euxmille ent oisons ont rois
ents
ier-
rées.
Une
pierrée
ait
uatre
unes
prêtes,
ent
ierrées,uatre
ents
unes,
deux
cents
pierrées,
uit ents
unes,
rois ents
pierrées,
milledeux cents
aunes.
4
Pourvu
ue
nous donnions
ar
an à chacun
inq
aunes n
tunique,
chausses
t
guêtres,
ela
fait
inq
cents unes
pour
centfrères
t
donc
mille
aunes
pour
deux
cents.
Restent eux ents
unes,
dont
nous
donnons rente
chapespar
an
à
quatre
unes
parchape,quatre
foistrente ont ent
vingtaunes restentuatre-vingtsunes.Pourvu uenous fassions ix coulespar
an
et
que
nous
donnions
inq
aunes
par
coule,
dix
fois
inq
font
inquante,
restent rente unes
pour
des
scapulaires,
es
capuces
et des couvertures.
5
Un
drap
contienteize
aunes,
deux
trente-deux,
uatre oixante-quatre
deux
joutés
n
plus
font
rente-deux,
ui
en tout ont ent unesmoins
ua-
tre et six autres
ont
utant
six unités
omptées
uatre
fois
font
vingt-
quatre, joute
un
drap
de seize
aunes,
t cela fait
vingt-cinqraps ui
ren-
dent
uatre
ents unes
cinquante raps,
uit ents unes
soixante-quinze,
milledeux cents
unes.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 86/164
80
JEAN-LOUIS
AULIN
(2)1
Quo
tempore
ebeant imittirietes d oves.
2
Post festivitatemancti
Michaelis XV. die arietesdimittunturd
oves
.XV. tricenariiantum
ustodianturvium imul um
sedecim rieti-
bus
trium
nnorum.
Tempore gnelationis
er
mensem
naquaque epti-
manadatur is sai ab
indeomni
empore
XV. die.
Quando
enim
eparan-
tur
matribus,
oxtunduntur
ropter
ediculos
t
quia
melius
rescunt,
t
unaquaque
bdomada atur
is sal
ñeque mplius
eque
minus
ndigent.
d
nativitatem
omini
unguntur
um matribus.
Per
totam statem ant
per
nemora
i fieri
otest ropter
ervorem,
ac habundantiusabentes t
melio-
res
nde sunt t lana.
5
Factum
aseum ta
dimittiturt sextodie sai
impo-
nitur
n
parte
nferioribluto
prius, iquefacto
ero
ale ex alia
parte
alitur,
et duo simul antum onunturt,cum sale ductifuerint,ollunturnde etin sicciori oco
ponuntur.
ltero ie
semper
idendi e
negligentia
ereant
et
semper
eteriores
ligantur
t
prius
istrahantur.rovideatur
erone ali-
cuius
negligentia
ale
componantur.Usque
ad
festivitatem
anctiMichae-
lis bis
n
die
mulgeantur
t
postea
emel,
onee ac
potest
lici,
ne nimis
in-
gues
um
rietibus ittanture
noportuno
empore
etus mittant.ed
post
coniunctionemrietum ota
hyeme
t
pingues
intbene custodiantur.
Per
totam statem
urgente
urora
estinanter
ulgeantur
e
solitum
astum
er-
dant t cumdies ncaluerit
ucanturbi calor olis
utventus rens on
possit
eis
nocere.
In
vespera
utem amdiu oris intut
recuperentastum uem
in
die
perd.iderunt,
t tunc
prospiciatur
e sint
alide um
n
ovilibus nclu-
duntur.
Si
autem
magnus
ervor
uerit,
ant
n
proximis
ascuis
ne,
si lon-
giusabierint,onpossint ompetenterd umbraculaccurrere,e pastores
irati
um
eas
propter
alorem
ucerenon
valuerintas
male tractent nec
sinant as
inoportune
ongregari
empore
aloris ed
semper
moderate is-
pergane
t cum
adducuntur
on
mulgeantur
alide.
10
Cum aurora
pparue-
rit,
mox
gniculi
ucantur
d
pastum
bi tamdiu
int onec
er
e
ipsos
uies-
cant,
et tuncducantur
n
frigidioribus
mbraculis
bi
sollicite ustodiantur
ne
insimul
male
aceant.
1
Post
occasum
utem aloris terum
ucanturd
pascua
et tamdiu ustodiantur
onec
eis sufficiat.
2
Si
autem
per
estatem
nemora on
habuerint,
nteauroram
mulgeantur
t ducanturd
pascua
ut
ante alorem ufficientereficiantur
t
post
occasum aloris terum
ucantur
ad
pascua
et sufficienteromedant.
3
Cum
viderint anetelas
aranearum
oneratas
qua
non
permittant
ascere
si
fervor
uerit
t
pluvia
eciderit,
on
sinanturacere ed ad excelsioraoca ducantur,bi a vento anganturem-
perque
moveantur.
4
Omnes ilencium
eneant
um
mulgent
ves
excepto
magistro
ui
tantum ecessaria
oquatur.
(2)
1. tit. om.
LT M
utvid. dd.
A
post
rietes
tres
III)
add.
F
post
ves
II
2.
festivitatem
om.
A
;
die
dies
V
custodiantur
LT
-diuntur
-diunt
annorum
TV
agnorum
L II
3.
unaquaque
unamquamque
ebdomadaedo-
mada
A
;
omni
om.
V
propter
T
prope
LV I
5.
Item dd.
V
ante
actum
dimittitur-tunt
;
liquefacto
-factio
;
vero om.
A
;
salitur
-atur
;
inde t
et
nde
A
;
pereant
..
negligentia
om.
A
;
distrahantur
-trantur
;
provideatur
-videant
II
6. festivitatem
TV
festum vesti- :
mulgeantur
-eatur
pos-
tea
post
V
donec
om.
L
;
elici dici
V
mittantur
-tuntur
tempore
-ori
F ; sint fiant ; bene om.L II 7. mulgeanturmulgant ventusventis II8. recuperentreciperent perdiderunt-rint ettunc et nunc in etiam
V II
9.
occurrere
:
curere
;
irati
om.
A
;
nec ne
L
;
mulgeantur
-gantur
II
10.
aurora
au[..]ra
A
;
insimulsimul
II
12. non ne
F
;
habuerint-runt
II
13.
aranearum
:
aragnium
F
aragneum
;
oneratas :
hone
ALF
excel-
siora excesiora
;
moveantur
T
ins.
n
mg.
I
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 87/164
AGRONOMIE
NTIQUE
T
ÉLABORATION
ÉDIÉVALE
81
(2)1
À
quelle époque
l faut
ccoupler
es béliers ux brebis.
2
Le
quinzièmeour
après
a fête e saint
Michel,
es béliers
ont ccou-
plés
ux
brebis
quinze
rentainese
brebis,
as
davantage, euvent
emeu-
rer nsemblevec
seize
béliers
e trois ns.
3
À
l'époque
de
l'agnelage,
n
leurdonnedu
sel une fois
par
semaine
endant
n mois
ensuite ne fois
par quinzaine.
uand
es
agneaux
ont
éparés
e leurs
mères,
n les tond
aussitôt cause
des
poux,
et
parce u'ils
croissent
ieux,
t on leur
donne
du sel une fois
par
semaine t ils n'ont
besoin
ni
de
plus
ni
de moins.À
la
Nativité
u
Seigneur
n
les
rassemble
vec leursmères.
Pendant out
l'été,
que
les
brebis illent e
par
les bois si c'est
possible,
cause de
la
chaleur,
lles auront
u lait
plus
abondant,
lles seront
meilleures,
t leur
laine aussi.5 Le fromageait st aissételquel,et le sixièmeour on met
du sel sur
a
partie
nférieure
près
'avoir avé une fois e sel
fondu,
n
sale de
l'autre ôté et on en metdeux
nsemble
et
lorsqu'ils
eront
mpré-
gnés
de sel on les ôte de là et on les metdans un
endroit
lus
sec. On
les
surveille
oujours
n
our
sur
deux,
our u'ils
ne soient
as perdus
ar négli-
gence,
t
on choisira
oujours
es
moinsbons et on les
prendra
vant es
autres.On veillera ussi à ce
qu'ils
ne soient
as
mal
fabriqués
cause de
la
négligence
e
quelqu'un. Jusqu'à
a
saintMichel
n
trait es brebis
eux
fois
par our
et ensuite
ne fois eulement
t
tant
ue
le
lait
peut
tre
iré,
afin
qu'elles
ne soient
as
conduites
ropgrasses
ux béliers
i
qu'elles
ne
mettentas à un
moment
nopportun.
ais
après
'accouplement
vec les
béliers,
endant
out
'hiver,
n les surveilleraien
pourqu'elles
oient
ras-
ses. 7 Durant out 'été,au pointdu jour, on les traira apidementour
qu'elles
ne
perdent as
leur
pâture
abituelle,
t
lorsque
a chaleur u
jour
augmentera,
n
les conduira à
où l'ardeur
u
soleilet le vent
brûlant e
peuvent
as
les atteindre. Le
soir,
u'elles
restent ehors ussi
ongtemps
qu'il
faut
pour
rattraper
a nourriture
u'elles
ont
perdue
endant
a
jour-
née,
aprèsquoi
on
prendra
arde
u'elles
ne soient
as
chaudes
uand
on
les enfermeraans
es
bergeries.
Si la
chaleur st très
rande,
u'elles
il-
lentdans es
pâturages
es
plus proches
e
peur ue,
si elles
s'en vont
rop
loin,
llesne
puissent agner
es
ombrages
u
moment oulu
t
que
les ber-
gers,
rrités
arce u'impuissants
les conduire cause de la
chaleur,
e les
traitent
al.
Que
ceux-ci e eur
ermettentas
de
s'attrouper
e
façon
ésor-
donnée u
moment e
la
chaleur,
mais
qu'ils
s'arrangentoujours our
es
dispersernpeu etquandon lesramène,u'ellesne soient astraiteshau-
des.
10
Quand
l'aurore
pparaîtra,
n conduira es
agnelets
la
pâture
ù
ils resteront
usqu'à
ce
qu'ils
se
couchent
'eux-mêmes,
t on les conduira
alorsdans de
plus
frais
mbrages
ù
on les surveilleravec soin
pour
qu'ils
ne
soient
as
étendus nsemble e mauvaise
açon.
11
Après
a tombée e
la
chaleur,
n
les conduira
e nouveau ux
pâturages
t on les
gardera
ant
qu'il
leur onvient.
2
i
pendant
'été on n'a
pas
de
bois,
on traira es bre-
bis avant
'aurore t
on les conduira ux
pâturages ourqu'elles
e
restau-
rent uffisammentvant a chaleur et
après
a tombée
e la chaleur n
les
conduira
de nouveau aux
pâturages
t elles
mangeront
suffisance.
13
Quand
on
verra e matin
es toiles
'araignée hargées
e
rosée,
n ne les
fera
pas
paître
s'il fait rès
haud t
qu'il pleuve,
n
ne
leur
permettraas
de se couchermaison les conduira ersdes lieuxplusélevés ù elles eront
exposées
u vent t
jamais
mmobiles.4
Que
tousfassent ilence
endant
qu'on
trait
es
brebis,
auf e maître
ui
ne dira
que
les
paroles
nécessaires.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 88/164
82
JEAN-LOUISAULIN
(3)1
De
cugurtis.
2
Intrantemaio et
per
totum
mensem lium
plant
ntur
ugurte
oc
modo. Bina
grana
nsimulmittentur
um
báculo circa III.
digitos
n
terra.
In nocte
ntequam
lantentur,
ittanturn
vase
aqua pleno
et
grana
evia
supervolantia
iciantur oras.Circa tres
pedes
erit
patium
nter
traque.
Ramus
igetur
ircaradices
ui surgat
d
superiora. oopertura
iet
esuper
ad modum inee d staturam
ominis,
amique
oliati
uper
ooperturamroi-
cientur
ropter
mbram.
uper
poma prohicietur
erba
propter
alorem.
3
Hoc modo
colliganturoma
et
coquantur
n
pulmentum.
um fuerint
poma
mediocriter
ura,
ta
ut
unguem ossisfigere,
ollige
a,
separa
orti-
cem
durum,
t sie
minutatim
inue a
;
et
postea
onterantur
istillo
n
vase
aliquo et coquanturmixtis aneconfracto el pomis.
(4)
1
De
pastu
equorum.
2
Sex noctibus
amus
quo
quadrigario
e
minoribusnum
extarium
avene,
XII.
noctibus
uo
sextarios,
iginti,
IUI.
noctibus imidium
odium,
.XLVIII.
noctibus num
modium,
entum
octibus
IUI. minus uos
modios,
ducentis octibusVIII. minus
uatuor
modios,
recentis
octibus
VI.
modios
et
unum
extarium.
Quinqué
noctibus
amus
quo
quadrigario
e
maiori-
bus unum extarium
vene,
ecern
octibusII.
sextarios,
XX.
noctibusIUI.
sextarios,
d est
dimidium
odium,
XL.
noctibus
num
modium,
ctoginta
noctibus II.
modios.
4
In
anno sunt CCCLXVI.
dies,
centenariusabet
quinquies iginti,
recenti
uindecies,
LX.
remanent
ue
fiunt er
viginti,
d
est simul XVIII.
viginti.
Modo demus uobus
viginti,
num
modium,ua-tuorviginti,uosmodios, ctoviginti,uatuormodios,XVI. viginti,Vili,
modios,
XVIII.
viginti,
ovemmodios.
uibus
noctibus
ue
remanent,
amus
unum
extariumt
unam
prebendam.
t
ita
per
annum
onvenit ni
equo
quadrigario
IX.
modios veneet
unum
extariumt
unam
prebendam.
(3)
1. tit.
om.
T II 2.
propter
..
prohicietur
om.
F
;
proiciantur...
oma
ins.
in
mg.
II
3.
colliganturlegantur
,
colligen-
;
in
om.
F
;
ita
T
: om.A
;
ea
earn
A
;
separa
d. et
para
AFLT
ea
(minue)
earn
A
;
minue mine
II
(4) 1. tit. om.T II 2. (dimidium)odium-diiA ; minus uos .. noctibusVIII om.A ; ducentis-tes ; trecentis-tes unumextariumFLT lege uo
sextarios
I
3.
avene
adve-
II
4. centenarius
abet
uinquies
T
ins.
n
mg.
AFL
ins.
UI
milia ucenti
ost uindecies
ducenti-ta
F
;
viginti,
num :
1
FL
om.
A
;
XVIII
dd.
F
post
iginti
duos)
XVI XVIIL
;
Quibus
quinqué
;
quadriga-
rio
quadra-
II
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 89/164
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 90/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
85-101
Marilyn
NICOUD
«
CHE
MANZA
FICHI,
SEMINA ROGNA
» :
PROBLÈMES D'IDENTIFICATION
D'UNE
DERMATOSE AU MOYEN
ÂGE
L'étude
des maladies
décrites dans les
ouvrages
médicaux du
Moyen
Âge
présente
e nombreuses
ifficultés,
arce que
la nosolo-
gie
est
aujourd'hui
différente,
ue
les
conceptions
de la santé ont
changé,
et
que
le
même mot ne recouvre
as toujours
une même réa-
lité cela laisse e champ ibre l'approximationu autorisedes inter-
prétations
rudentes,
notamment
n
l'absence
de
description récise
des
symptômes1.
Ce
problème
e
pose
de
façon
plus aiguë
dans le cadre des tex-
tes
diététiques
ont
a fonction 'est
ustement
as d'analyser
es mala-
dies,
mais
de
proposer
un ensemble de
règles
destinées conserver
une bonne
santé. Ces
régimes
voquent
es vertus t nocivités es
six
choses
non naturelles
air,
sommeil t
veille,
xercice t
repos, replé-
tion et
inanition,
aliments
et
boissons,
accidents de l'âme
-
qui
influencent
'équilibre
des
humeurs hez l'homme. Les maladies
y
sont
certes
mentionnées,
mais les
symptômes
t
l'étiologie
sont
évoqués
rapidementt ne permettentas toujoursde reconnaîtrees affections
citées.
Dans le
chapitre
ur les
figues
de son Libreto
de tutte e cosse
che se
magnano
Michel Savonarole
évoque,
en citantun
aphorisme,
une
maladie,
la
rogna
Les difficultés
'interprétation
e cette affec-
tion nous
amènent à nous
interroger
ur
la constitution u savoir
médical
u
Moyen Âge,
tributaire
la fois de la
transmission
es auc-
toritates t
des
observations,
ur les
apports propres
de l'auteur et
sur le statut
des sentences u sein
de
son
œuvre.
1. Pour e
qui
concernees
problèmes
'identificationes
ffections,
oir
'étude
que
Mirko . Grmekonsacre certaines'entre
lles
ans
Les
maladies l'aube
de la civilisationccidentale
Paris,
ayot,
983,
t notammenton
hapitre
'intro-
duction,
p.
11-34.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 91/164
86
MARILYN
ICOUD
Michel Savonarole et la littérature
iététique
Michel
Savonarole,
médecin
et auteur
de
nombreux
ouvrages
à
la fois
politiques
et
médicaux,
parmi esquels
une
Practica
maior est
aussi
l'auteur d'un texte
diététique,
e
Libreto
de tutte e
cosse che
se
magnano.
Ce
Padouan,
né
vers
1384,
docteur en
médecine dès
14122,
est
professeur
l'Université
e
Padoue
;
il
a été
appelé
à
la
cour
du
marquis
d'Esté,
Nicolas
III,
à
Ferrare,
en
septembre
1440,
en
remplacement
u célèbre
Ugo
Benzi3.
C'est à ce titrede
méde-
cin de
cour
qu'il
a
pu
faire de
Borso,
parvenu
au
pouvoir
en
1450,
le dédicatairede son Libreto .
La littérature
iététique
médiévale,
qui
tire son
origine
des trai-
tés
hippocratiques
t
galéniques5,
emble
bénéficier u
XVe
iècle de
l'intérêt
roissant
d'un
public
de
lettrés,
oucieux de
conserverune
bonne
santé,
comme 'atteste
e
grand
nombrede
régimes6 édigés
la fin
du
Moyen
Âge7,
souvent dédiés
à
de
grands
personnages
du
2. Si l'on e réfèreuxActa
raduum
cademicorum
ymnasii
atavinib anno
1406 d annum 450 urantibusC.
Zonta
et
I.
Brotto,Padova, 970, , 114,
n°
270, 115-116,
°
274. Sur a vie de Michel
avonarole
Padoue,
oirTiziana
Pesenti
Marangon,
MicheleavonarolaPadova
l'ambiente,
e
opere,
a
cultura
medica, Quadernier a Storia ell*niversitàiPadova9-10, 977, p.45-102tEad.y rofessoripromotoriimedicinaello tudio iPadova al 1405 l 1509
Padova, int,
984. our e
reste
e
la
biographie
oncernantichele
avonarole,
voir es
ndicationsonnées
ans 'édition
ue
JaneNystedt
faite
u
Libreto e
tuttee cosse he e
magnano
Stockholm,
lmquist
Wiksell
nternational,
988.
3.
Ugo
Benzi,
riginaire
e
Sienne,
enseigné
ans
e
nombreusesniversitésta-
liennes
il
fute
médecin
ersonnel
e Nicolas
II,
marquis
'Esté,
ui
ui onfia otam-
ment
ne haire
l'Université
e Ferrare.
l
est
mort
robablement
ers
439. l
est
l'auteure Consilia
on ui en
revancheaussementttribué
a
paternité
'un
égime
de
santé.Voir ce
sujet
a démonstratione Juliana ill
Cotton,
Benedetto
Reguardati,
uthorf
Ugo
Benzi's ractatoe a conservationee
a sanitade
,
Medical
History
vol.
XII,
n°
1,
anvier
968,
p.
76-82.
4.
En
voici a dédicace
Ad
llustrem
t
Excelsum
rincipem
Dominumorsum
Marchionem
stensem
ibellus ichaelisavonarolla
hisici
uide
rebus onnaturali-
bus ex ncipiteliciteréd.J.Nystedt,p.cit., . 57).La pratiquee la dédicace
était ouranteu
Moyen
ge
elle
ermet
l'auteure se
prévaloir
'un
ecteurllus-
tre. avonaroleédie insi u même orso ntraité
ur esbains
t
thermest son
frère,eonello,
récédent
arquis
'Esté,
n traité
ur es eaux rdentes.
5. Voir
arexemple,
e
corpus ippocratique
De l'Ancienne
édecineéd. J.
Jouanna,
aris,
es Belles
ettres,
990 De l'Aliment
Paris,
es Belles
ettres,
tome
,
1972
pseudo-Hippocrate,
u
régime
éd.
R.
Joly, aris,
967
Galien,
e
facúltate
limentorum
in
Opera
mniaéd. C.G.
Kühn,
0
vol.,
rééd.
Hildersheim,
1964-1965.
ippocrate
st e
premier
avoir nsisté
ur
'importance
e a
diététique
au sein e la médecinet a déclaré
son
ujet
«
en tout
as,
ce
qu'il
me
paraît
nécessaire
our
nmédecine savoirur a
nature,
t
de cherchere
toutes
esforces
à
savoir,
'il l'intentione
remplir
ant oit
eu
esdevoirs
c'est e
qu'est
'homme
par apport
ux
limentst ux
boissons,
e
qu'il
st
ar
apport
u reste e son
enre
devie, equiarriverachacun la suite echaquehose, De l'Ancienneéde-cinepp.146-147.
6.
Les
regimino
anitatis
onstituent'un
des
pans
e a
littérature
iététique
ces
ouvragesui évoquent
es six
choses
on
naturellesntervenantans e cadre
e la
santé ntun rôle ssentiellement
réventif.
7. Si l'on en croit
es réflexions'unBernard
e
Gordon,
égent
e la
faculté
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 92/164
PROBLÈMES
'IDENTIFICATION'UNE
DERMATOSE 87
temps.
Le Libreto
est-il,
omme e
pensaient egarizzi
et
Belloni8,
un
traité
iététique
e
plus,
à une
époque
où le
genre
st
en
vogue
? Une
analyse
de
l'ouvrage
de Michel
Savonarole montre n fait
les trans-
formations
u'il apporte
à ce
type
de
textes
et le
déplacement
de
champ
culturel.
A
une
époque
où le
latin,
véhicule
du
savoir,
est
encore a
lan-
gue
utilisée
ans
la
majeurepartie
de la littérature
édicale
à l'excep-
tion de
certainsConsilia
en
langue
vernaculaire),
e
Libreto
de tutte
le cosse che
se
magnano
est
rédigé
en
italien,
peut-être
n raison des
faiblesses
n
latin de Borso10.
La
langue
vernaculaire t la
dédicace
soulignent urtout e statutd'une œuvrequi n'est plus conçue pour
l'usage
des
seuls
médecins u
étudiants,
mais
qui
cherche u
contraire,
comme d'autres
textes
diététiques,
ne
plus large
diffusion
armi
un
public
de
non-spécialistes.
et
ouvrage
se
démarque
des autrestraités
par
son
objet.
Comme
son
titre
'indique
d'ailleurs,
l centre
on inté-
rêt
sur
les
aspects
alimentaires
t notamment ur
les
produits ue
l'on
trouve ommunément
n
Italie11,
eléguant
insi les autres
composan-
tes de la
diététique
n un
chapitre
la
fin
du livre.
Il
s'agit
d'une
transformation
mportante
u
genre, ui, déjà
annoncéedans des œu-
vres du
XIVe
iècle
comme celles de Barnabas Reatinis
ou
Maino
de
Maineri12,
e fait
que
s'accentuer u
XVe
iècle
ainsi Antonio Gazio
de
Montpellier,
uteur 'un
Liliummedicinae
commencé
ers
303),
ans
equel
l
fustigeait
es
contemporains
Ymmo
uod
st
magis
bhominabile
edici ostriem-
poris
on
urantcire
eg.
anit,
uia
videtur
uod
non it bi
ucrum,
ed
n
cura-
cione
morborum
t
potissimeebris
unt ene
ollicititattenti
cité
ar
Luke
emai-
tre,
Doctor
ernarde Gordon
Professor
ndPractitioner
Toronto,980,
. 69).
La fin u
Moyen
ge
marquerait
onc ussi n
changement
'attitude
l'égard
e
la
diététique,
e a
part
esmédecins.'intérêtanifeste
'un
ublicomposé
e
patri-
ciens t
d'ecclésiastiques,
ui
constituent
a clientèleumédecine
cour,
sans
oute
poussé
n
certain ombre
e
praticiens
rédiger
es
régimes
e
santé.
8. A.
Segarizzi,
ella
vita delle
pere
i
Michele
avonarola
medico
ado-
vano el ecolo
XV
Padova,
900 t L.
Belloni,
La dietetica
ella
medicinael
passato, Gazzettaanitariavol.XXXVI, °1-2,Milano, 965.
9. Ces
textescrits
ar
des
médecins
l'usage
e
patients
onstituentes ortes
de
prescriptions
édicales
vanta lettre.addeoAlderotti
1223-1303)
ut
e
premier
à en
rédiger
n
talien.
ares n revanche
ont es
régimes
critsn
angue
ulgaire
avant e
xve
iècle,
l'exception
e celui 'Aldebrandin
e
Sienne,
édecin
oscan,
rédigé
ers
256 tadressé
Béatricee Savoie. on uccès
ut el
u'il
fut e nom-
breusesois
opié
t traduit
n dialectelorentinès 1310
ar
Zucchero
encivenni.
10. C'est
'argument
u'avance
.
Nystedt
our xpliquer
'emploi
e
'italien,
à
où on attendait
e latin
op.
cit
,
p. 15).
11.
«
... scriverò
e tutte
e cosse
he e
magnano
ommunamente
più
de com-
muna de
quelle
he
e beveno
er
talia
(op.
cit.,
p.
57).
12. Ces
deuxmédecins
ont
uteurs
e
régimes
e santé. arnabas
eatinis,
ri-
ginaire
e
Reggio
'Émilie,
t dont 'œuvrest
nédite,
notammentransformé
e
genren étante premier,ans e cadre esregiminoanitatisà utilisernplanalphabétiqueans onCompendiume naturistproprietatibuslimentorum.aino
de Maineri
mort
ers
364),
médecin
es
Visconti,
rédigé our 'évêque
'Arras
un
régime
argement
onsacré
l'alimentation,
vec omme
ouveauté,
n
Opuscu-
lum
e
saporibus
traité
ur
es
sauces
,
qui
a
également
ait
'objet
e
copies
à
part.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 93/164
88
MARILYN ICOUD
(1469-1530)
3,
dans son traitéde
diététique,
ccorde
plus
de 70 % de
son
livre aux aliments
et boissons.
L'alimentation emble
devenue
'une des
composantes
essentiel-
les
de la médecine
préventive
e la
fin du
Moyen Âge.
Mais,
plus
encore,
Michel Savonarole
élargit
e
champ
culturel
du texte diététi-
que.
Comme ses
prédécesseurs,
l
faitconstammentéférence
ux auto-
rités
et son traité
'inspire argement
e ses
lectures,
mais
il
n'hésite
pas
à
y
adjoindre
des
informationsérivées e
l'expérience,
e
l'obser-
vation,
voire
d'un savoir aux
origines
mal
définies,
qui
s'incarne
notamment dans les
citations
de
sentences.
À
ces
divers
titres,
l'ouvragede Savonaroleoccupeune place spécifiquedans le genredu
régime.
Dans un
chapitre
ur les
figues,
'auteur
appuie
sa démonstra-
tion sur un
aphorisme.
Michel
Savonarole
déclareen effet
ue
«
man-
ger
trop
de
figues ngendre
es
poux
et la
gale
et on
dit
de fait
que
qui mange
des
figues
attrape
a
gale14
.
Cette
phrase
associe
une
propositiongénérale
et
ce
qui pourrait
releverd'un savoir
plus
«
populaire
»,
présenté
ous
forme de
sen-
tence à
portée
générale
t introduit
ar
l'impersonnel
on dit
que
»,
qui
est relativement
aractéristique
e ces
types inguistiques.
Cette
proposition ui ne reprend u'une partiedes implications ontenues
dans la consommation
e
figues
à savoir la
gale
-
pourrait
ele-
ver d'une
observation
personnelle
u mentionnée
ar
ailleurs,
mais
cela semble
peu probable
car
généralement
avonarole cite ses sour-
ces.
Ainsi,
dans ce même
chapitre,
l
fait
suivreune information
éné-
rale
d'un
exemple
attesté,
qui
vient
corroborer la
proposition
précédente
«
et aussi
[consommée]
n
surabondance,
la figue]
aitvenir
la fièvre t
il
est assuré
qu'un garçon
à
Padoue,
pour
avoir
mangé
des
figues,
dont
l
faisaitune
consommation
uotidienneen trop grande quantité,est devenu étique et il est mort15 .
En
fait,
l
semblerait
lutôt
que
la
correspondance
ntre onsom-
mation de
figues
t
apparition
de
poux, que
Savonarole
évoque
sans
faire
référence
une
quelconque
autorité,
elève
d'un
savoircommun
il
est
en effet
fréquent
e
lire
cette même
proposition
dans d'autres
13.Florida oronamedicinae
.., Venetiis,
er
J.
Forlivio
t G.
fratres,
491.
14.
«
L'usode
quello
molto
enera
pedochijogna
t
mperò
e dice
hemanza
fichi,
emina
ogna (op.
cit.,
.
85).
On trouve
ans
'édition
récédente
1982)
e
J.Nystedt....genera piodogi rogna... (p. 58).15.« Et anco lsuperchiouofa efebre,certonogarçonePadua erman-
zare e
superchio
e
quelli
he
gni
orno
manzava,
oventóthico moritte
(
éd.
1988,
bid.).
ur
'importance
e l'observation
ans
a
pratique,
t notammenthez
Michel
avonarole,
oir anielle
acquart,
Theory,veryday
ractice,
ndThree
Fifteenth-Centuryhysicians
,
Osiris
1990, ,
pp.
140-160.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 94/164
PROBLÈMES
'IDENTIFICATION
'UNE DERMATOSE 89
régimes
de santé16.
Ce
savoir,
par
ailleurs,
ne se cantonne
pas
au
seul
champ
médical
puisque
Pietro de'
Crescenzi
v. 1233-1320), gro-
nome
bolonais,
dans
un
chapitre
ur
le
figuier,
ormule
es mêmes
idées
:
«
Si
[la
figue]
rouvedans l'estomac
des humeurs n abon-
dance,
elle devient
dure à
digérer,
lle se
corrompt,
ait
enfler,
et
génère
des
flatulences,
n
très
mauvais
sang
et dans la
partie
supérieure
du
corps,
fait naître
des
poux17.
Trouvercette mêmeinformation ur les figueset les poux à la
fois
chez
médecins
t
agronomes
pose
le
problème,
u
travers
de ce
qui
n'est
qu'un
exemple,
de l'élaboration
d'un savoir
écrit,
ui appa-
raît ici
quasi
universel.
Ce savoir
repose
toutefois ur un ensemble
de textes
anoniques
ces auctoritates
qu'il
convient e
définir^
ons-
tituent e
fondement
e la connaissance médicale
du
Moyen Âge
et
sont
garants
de sa
stabilité18.
Les
origines
du
savoir
Dans le labyrinthees sourcesqui ontpu servir e référenceour
la constitution
e ce savoir ur
es vertus
t nocivités es
figues,Jacques
Despars 1380
7-1458)
nous donne
quelques
ndices.
l
écrit
ans le
cha-
pitre
du commentaire
u Canon d'Avicenne
qu'il
consacre
aux fruits
«
Galien
dit au
sujet
des
figues,
dans le
chapitre
huit de
son
second
livreDes
Aliments
u'elles remplissent
e ventre
t
le foie
de ventosités
t
qu'il
s'ensuit
une multitude e
poux19.
16. Par
exemple,
hez
Aldebrandine
Sienne,
édecin
u
xnie
iècle t auteur
du
Régime
u
corps
«
Et se c'est ose
ue
i
estomac
oit
plains
e
grosses
t de
malvaisesumeurs,ors e esfait asboin ser, or eque esventosité<s>tmal-
vaises umeurs
e
convertissent
al,
asoit
e
quepor
onguement
ser
ient ous
ors
grant
bundance
e
poux ngenrer
(éd.
Landouzyt
Pépin,
aris,
hampion,
911,
p. 144)
chez
Benoit
e Nursie
mort
n
1469) propter
oc
icus
enerai
edículos
dans son
Libellus
e conservatione
anitatis
s.l.,
1477
ou encore hez
Platine
(1421-1481),
ontemporain
e Savonarole
etqui
'est ans
oute
nspiré
e sonœuvre
pour
édiger
es
parties
iététiques
e son
De honesta
oluptate).
17.
«
La se tro
errà ello tomaco
bbondanza
i
troppi
mori,
iventaura
smaltire,
mutasi
corruzione,
genera
nfiamento,
ventusità,
pessimo
angue,
e nella
arte
i
sopra
el
corpo eneranoidocchi
(Pietro
e'
Crescenzi,
rattato
dell'Agricoltura
fac.
im.de l'édition
e
1784,
ologna,
987, vol.,
p.
312).
18. Ce
savoir
ommun
st a
garantie
e
son uthenticité
nihilutem
ptime
ei-
mus isi
uod
nobis
requenter
ictum
st et
quod
ommune
st t
quod
b omni-
busreceptůmst BernardeGordon,racticaVenetiis,498, .2ra., ité arJoleAgrimitChiara risciani,docere edicos, edicinacolasticaei ecoli III-XV,
Napoli,
uerini
Associati,
988,
.
181).
19.De
ficubus
uidem
icit alienus
apitulo
ctavo
ecundilimentorum
uod
implent
entositate
entrem
t
epar
t
psas ediculorum
ultitudo
equi
ur Canon
livre
,
fen
,
cap.
VII,
vol.
1,
Lugduni,er
J. Trechselt
J.
Clein,
498).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 95/164
90
MARILYN
ICOUD
Galien
pose
en
effet,
mais en d'autres
termes,
e
problème.
Il
n'établit
pas
de liens
entre es
poux
et les
ventositésmais
plutôt
avec
un
sang
de mauvaise
qualité20.
Michel
Savonarole,
comme
Jacques
Despars,
transforme ci
la version
galénique.
Le médecin
padouan
ajoute
en effet
que,
«
si dans
l'estomac se
trouvent es
humeurs
uperflues, la
figue]
ne se
digère pas
facilement,
t
se
corrompt, roduit
un
sang
mauvais,
lequel
se
corrompt
facilement
t se
transforme
en
gale
»21.
Donc à
l'origine
des
poux
chez
Jacques
Despars
et de la
gale
chez
Savonarole,
on trouve rois
mplications
une
importante
onsomma-
tion de
figues,
a
fabrication
'un
sang
de
mauvaise
qualité
et
un ven-
tre obstrué
par
une surabondance
d'humeurs.
Ce
dernier
paramètre
semble tirer
on
origine
de
l'ouvrage
d'un
médecinarabe
du
IXe
iè-
cle,
Isaac
le
Juif,
uteur
de deux
traités
diététiques
ui
furent ra-
duits
par
Constantin
'Africain
dès la
fin
du
XIe
iècle22,
t
qui
cons-
tituèrent 'une
des bases
de
l'enseignement
niversitaire23.
ans
le
chapitre
onsacréaux fruits ans
les
Diètes
particulières
Isaac
déclare
que
lors
de la
consommationde
figues,
«
si on
trouve des
humeurs
uperflues
ans
l'estomac,
les
figues
ont
dures
à
digérer
t
se
corrompent,
énérant
ne dila-
tation,
des ventosités
t un
trèsmauvais
sang
et,
sur la
superfi-
cie
externedu
corps,
des
poux
»24.
Isaac
reprend
a
propositiongalénique
-
le
sang
de
mauvaise
qualité
-
mais
y ajoute
le fait
que
la
figue
rencontre
ans l'estomac
d'importantes
uantités
d'humeurs.Pour
Pierre
d'Espagne,
commen-
tateur
des Diètes
d'Isaac,
ce
sont même
ces
humeurs
utrides
ui
sont
à
l'origine
de
l'apparition
de
poux
sur la
peau25.
20. Nam
uae icus rorsus
unt
maturae,
ihil
ropemodum
mnino
aedunt,
uo-
modo ec
aricae,
uaemultiplicemuidem
abent tilit
tem,
i
quis
arnen
argius
esitaveritb
eis
offendetur,uandoquidemanguinem
on
dmodum
robum
ignunt.
Quod
it,
t
x
psarum
su
ediculorum
ultitudo
roveniat
De
facultatibus
limen-
torum
lib.
I,
cap.
VI,
Lugduni,
pud
G.
Rouillium,
555).
21.
«
... Che e nel
tomacoeráhumori
operchij,
on i
padisse
acilmente
se se
corumpe,
acativo
angue,
quello
acilmente
e
corumpe
in
rognaço
e
con-
verte
(éd.
J.
Nystedt,
p.
cit.,
p.
85).
22. Voir .
Jacquart
t
F.
Micheau,
a
médecinerabe t
'Occident
édié-
val
Paris,
Maisonneuvet
Larose,
990,
p.
98
sqq.
23.
bid.,
p.
114, 72,
81.
24. Sisupérfluosumoresn tomachouveniat,ura it ddigerendumt ncor-ruptionemutaturt nflationemtventositatemtpessimumanguineménérâtt
in
externa
uperficieorporisedículosDe
diaetis
articularibus
Basilae,
x officina
S.
Henricpetri,
570,
. 379).
25. Et secum
efert
umorem
utridum
ui
est
ausa
generationis
ediculorum
[...].
Alitertiam
enerantur
ediculiuia
n
corpore
onmundo
ito
n
putredine
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 96/164
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 97/164
92
MARILYN
ICOUD
Le verbe
pedículo,
are renvoie une maladie
pediculaire
u
pédi-
culose.
Cette
affection e retrouve
hez
les
végétaux
qui
sont alors
couvertsd'insectes
très
petits,
t aussi chez l'homme elle relève de
trois
espèces
de
parasites poux,
punaises,
puces),
d'où le termede
pediculi
employépour désigner
es insectes.Cette
dermatose e carac-
térise
par l'apparition
de
prurit,
un
épaississement
e la
peau
chez
certains
ujets
et une
pigmentation
oncée28.
Les termesde scabies
(du
latin
scabere se
gratter)
t
sa traduc-
tion italienne n
rogna
désignent
ne
autre affection
utanée
connue
sous
le termede
gale.
Ce terme st
employé
dès
l'Antiquité
il
dési-
gne une dermatosehabituellement ue au sarcoptehumain (car les
gales d'origine
animale sont très
rares).
Les
symptômes
n
sont des
lésions
polymorphes
grattage, llergie
au
parasite
et
infection).
Mais
d'après
les
explications
que
donne Michel
Savonarole,
il
apparaît
difficile e
conclure
qu'il
évoque, par
les
termes e
pediculi
et
rogna
respectivement
a
pédiculose
et la
gale.
Pour éclaircirce
point,
il
est nécessairede revenir
ur
l'histoire
de la
gale.
Savonarole ne
peut
pas
désigner
a
première
ermatose iée aux
poux, punaises
ou autres
puces
car les textes
onttrès
lairs ce
sujet
l'affectiondécrite ne
provientpas
de
parasites
extérieurs u
corps
humain les poux sont au contraire a manifestation e la putréfac-
tion interne
'humeurs. Savonarole déclare
que
c'est le
sang qui
se
transforme
n
gale.
Et chez tous les
auteurs
que
nous avons
cités
et
qui évoquent
eux
aussi
cette
pparition
de
poux,
on
retrouve e
même
schéma
explicatif,
ette crimonia
anguinis
un
sang
devenu
acide.
À
l'origine
de cettemanifestation
e
poux
se
profile
ne
croyance
antique
et
répandue
elon
laquelle
il
existait
une affection
édiculaire
particulière,
ifférente e celle
que
nous
venons
de
décrire.
Pour les
médecinsde
l'Antiquité,
es
poux
vivent
l'intérieur
e
tumeurs
pé-
ciales du
corps
et arrivent
parfois
accidentellement
la
surface
cutanée29.Cette
maladie, qui
fut
appelée phtiriase,provenait
donc
d'une putréfactiones humeurs, ui permettait'éclosion de ces poux
sur le
corps.
Le terme
de
pediculus
s'il ne
renvoiedonc
pas
à la der-
matose décrite
plus
haut,
peut
alors
désigner
ette
pédiculose
mais
peut-être
ussi le
sarcopte
de la
gale30.
28. Cf. e Traitée Médecinesous
a
directione Jean
amburger,aris,
lam-
marion,
981,
.
185.
29. On avait
hoisi,
Porigine,
our
a
maladie,
e nom e
phtiriasis,
pdeiQiaòis
(phteiriasis),
u mot o
<pQeiQeiv
phteirein)
ui
ignifieorrompre,
arce u'on
dmettait
que
ces
nsectes
rovenaient
eshumeurs
orrompues
e
'organisme.
ar
conséquent
le
produit
e
'altérationut
ésignéar
y?0ei
(phteir),
e
pou,
t
pdeLptaÔLs
maladie
pédiculairevoir erdinandebra,Traité esmaladiesepeau Paris, 874, ol. ,p. 911).
30.
Il
pourrait
ussi,
n raison e
l'antique
onnotationttachée la
figue
comme
ymbole
u sexe éminin
,
désigner
nemaladie
énérienneontes
pediculi
seraientes
parasites.
ais n 'absencee
ocalisation
récise
e
'affection,
l
semble
aventureux
'attribuer
rogna
n ens
ue
cabies e
recouvre
as.
Cette
nterpréta-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 98/164
PROBLÈMES
'IDENTIFICATION'UNE DERMATOSE
93
En
effet,
e sens de
pediculus
apparaît fréquemment
mbigu31
t
dans une histoirede
la
gale
où les
premières
bservations ont dou-
teuses,
il a
pu parfois
être utilisé
pour désigner
e
sarcopte.
Ainsi,
dans son Histoire
des animaux
Aristoteutilise e
terme de
(pOeiQes
(phteires)
pour parler
des
«
poux
en
question
[qui]
habitent
dans
de
petites
vésicules
qui
ne
contiennent
as
de
pus
»32.
Il
ne
peut s'agir
des
poux
tels
que
nous les
connaissons
car on
ne les trouve
pas
dans
des
vésicules
t
en
outre,
ls ne
pénètrent
as
sous la
peau.
En
revan-
che,
il
est
possible
qu'Aristote
ait
voulu,
par
le mot
tpOetge
,
dési-
gner
non ces
parasites,
mais les acares de la
gale, qui
résident u des-
sous de l'épiderme t donnent énéralementaissance de petites ési-
cules,
auprès
desquelles
on les trouve.
En
ce
sens,
Aristote
urait été
le
premier
décrire
e
sarcopte
de la
gale.
Chez
Galien,
en
revanche,
l
n'y
a
pas
à
proprement arler
d'ambiguïté
la traduction atine en
pediculi désigne
cette
pédiculose
que
l'on a
qualifiée
ensuite
de
phtiriase33.
En
revanche,
l
est
possible,
sans
que
l'on
puisse
l'affirmer,
ue
certains uteurs arabes aient observé ce
sarcopte
ainsi, Avenzoar,
dans le Liber
Theisir
4
évoque
des insectes
ppelés
assoab
ou
soab
,
translittératione l'arabe35
ui
fut traduite n latin
par pedoscelli
ou
pediculiet interprétéeomme Pacare de la gale. Il déclareque « sous
la
peau,
il
sort
parfois
ur e
corps
de très
petits oux,
animaux
vivants
si
petits
qu'on peut
à
peine
les
voir,
qui
sortent
orsqu'on gratte
a
peau36
.
tion
mpliquerait
ussi 'attribuern ens
métaphorique
la sentence.n
trouve
ga-
lement,
hez es
uteurs
atins,
e terme
e
icus
et
plus
ouventncore
'adjectif
icosus)
utilisé
our
ésigner
es
condylomes,
errues ollest
petites.
Celse
es
désigne
ar
thymion
parce
u'elles appellent
a fleur e
thym
t
qu'elles
ont itra
magnitudi-
nem
abae gyptiae
unt
,
raro
majus,
nterdum
erexiguum,
e
Medicinalivre
,
28, 14,Paris,
ollectiones
auteurs
atins,
846)
ces
verrues
'origine
irale
eu-
vent e
développer
ur e
pourtour
e l'anus
voir
M.
D.
Grmek,
p.
cit.,
p. 223).
31. Sur esproblèmesetraductions,e vocabulairetd'étymologiesusujet e
la
peste,
oirD.
Jacquart,
oc.
cit.,
p.
143
qq.
32.
«
lovBol
iLXPOL
vx xovres
tvoi>
,
m
Histoirees
nimaux
éd. Pierre
ouis,
livre
,
chap.
1,
ome
I, Paris,
es Belles
ettres,
968. ans e même
hapitre,
l
dit outefois
ue
es
poux
naissenteschairs.
33.
Quamobrem
agna ars
orum,
ui
salem inc omedunt
lusquam
onser-
verontsudantes
utridam
ateriam
jiciunt,
tcum a
pedículos
tiam
ppellatos
uos-
dam
mittunt,
ui
est
utri
materiartumucentes
omen
ibi
pud
raecoscquisi-
vere
Galien,
e theriacad Piso
em,
n
Opera
mnia
Venetiis,
pud
haeredes.A.
Juntae,565,
ol.
V,
cap.
18,
de
salis heriaciirtutibus
p. 97).
34. Éd.
Venetiis,
umptibus
eredum
uondam
omini
ctaviani
coti,
530.
35.
D'après
es
dictionnaires
onsultés,
ssoab
ignifie
lente . oir
u
sujet
es
difficultés
e traductionanielle
acquart,
Remarquesréliminaires
une tude
comparéeestraductionsédicalese GérardeCrémone, inTraductionttra-ducteursuMoyen geActes uColloquenternationaluC.N.R.S., 6-28 ai1986,
Paris,
ditions
u
C.N.R.S.,
1989,
p.
109-118.
36. Trac.
VII
Cap.
XIX,
de
assoab.
ui
atine icitur
edoscelli[...]
Oriuntur
aliquando
n
corpore
ub
cuti
xterius
ediculiarvumculi
ui
cum
xcoriaturutis
exeuntmmalia iva am
arvumcula
uod
vix
ossunt
ideri.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 99/164
94
MARILYN ICOUD
Le texte
d'Avenzoarest bien
emblématique
e cette
mbiguïté
n
grande
partie imputable
à des difficultés e traduction
le terme
d'assoab
est en
effet antôt raduit
par pediculi
tantôt
par
pedocelli.
Il
est donc
difficile
'affirmer i Avenzoar décritTacare ou la der-
matose
provoquée par
la
trilogie
pou, puce, punaise.
Il
apparaît
en
revanche
plus précis
dans
un autre
passage,
lorsqu'il
parle
de vésicu-
les
pleines
d'eau
:
«
Les
Syrones,
Asoabat
et
Asoab sont de
petitspoux,
qui
rampent
ous
la
peau
des
mains
grossières
t
des
pieds,
faisant
sortir es pustules leinesd'eau. Ce sont de si petits tresvivants
qu'ils
sont
à
peine
discernables
l'œil37.
»
Cette
nterprétation
emble
plus explicite
on
y
trouve a
présence
sous-cutanée
es
parasites,
une
localisation ttestée e
préférence
ux
mains
et aux
pieds
et la mention es vésicules.La
référence
ux
poux
fonctionne elon le
mode de
l'analogie
ou
de la
comparaison
vec un
objet déjà
connu,
susceptible
de faciliter 'identification
es cirons.
Cela est d'autant
plus
vraisemblable
u'Avenzoar
distingue
lairement
ces
syrones
asoabat
et
asoab
des
poux
tels
que
nous les
entendons
il
précise
en effetdans le
chapitrequod
sunt
pediculi
«
Quant
aux
poux
ils tombent
ur la tête.
Et Galien
dit
que
leur
apparition
e
produit
entre a
peau
et la chair et d'autres
disent
qu'ils
sont
produits
par
la
sueur
visqueuse qu'on
trouve
sur la
peau.
Mais
quoi qu'il
en
soit,
il
est
vrai
qu'ils
sont
pro-
duits à
partir
d'une humeur
très
iquide
à
laquelle
est
ajoutée
de la
chaleur t
quelque
chose de
putride
t
e
ne
parle pas
d'une
pourriture omplète
mais
en train de
se faire38.
On
retrouve
ci^
outes es difficultésiées à la
polysémie
u voca-
bulaire
au
MoyenÂge
et aux
nécessités 'identification e nouveaux
objets grâce à des référentsonnus de tous. Du reste, i un parasite
nouveau a
été identifié
ar
Avenzoar
(et
encore
faudrait-il carter
l'hypothèse
que l'apparition
de
vésicules
puisse
être
provoquée par
l'irritation ausée
par
les
poux
sur
la
peau),
ce dernier
ne fournit
as
pour
autant de
description récise
de
la maladie
qui
en
résulte t
il
ne la mentionnemême
pas.
37.
Syrones,
nquit
benzoar,
soabatet
Asoab unt
edicelli
subter anuum
rurumt
pedum
utem
erpentes
et
pustulas
bidem
xcitantes
quaplenas
tam
arva
animalculat vixvisu erspicaciiscernialeantIbid.).38. Pediculiutemcciduntapiti.tGal.dicituod xitusorumst nterar-
nem tcutimt
ahi
dicunt
uod
rocreantur
x
udore iscosoxistente
uper
utim.
Sed
quocumque
odo
it,
hec stVeritas
uodgenerantur
x humore
iquido
alde
cui
liqua
aliditas
st
dmixta
um
liqui
x
peciebusutredinis
etnon ico
utre-
dinem
ompletam
ed
qui
est n
fieri
cap.
XI,
Quod
stde
pediculis).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 100/164
PROBLÈMES
'IDENTIFICATION'UNE
DERMATOSE 95
Le
parasite
de la
gale
était-il onnu au
Moyen Âge
? Il existe
des
mentions
ui pourraient
'attester.
n en trouve
une
première
éfé-
rence
dans la
Physica
de sainte
Hildegarde 1098-1179),
abbesse
du
couvent
de
Rupertsberg,
rès
de
Bingen.
Dans le
chapitre
consacré
à
la
jusquiame,
elle déclare
«
La
jusquiame
est
froide,
molle et sans force et si
quelqu'un
en
mangeait,
u
mangeait
'huile tiréede ses
grains,
elle
répandrait
n
lui un
poison
mortel.Mais
quand quelqu'un
a des
cirons
au
point que
sa chair se
couvre de
plaies, qu'il
frottecet endroit avec du suc de jusquiame, et les cirons
périront39.
Nous
n'avons
pas
cité
a traduction
rançaise
roposée
par
Pierre
Monat40,
car elle
ne
rend
pas
la
mentionde
ce
parasite.
Le terme
d'origine
allemande
que
la sainte
utilise,
Suren
y
est
en effet ausse-
ment
raduit
ar
abcès .
Süren
en vieil allemand
était encore utilisé
jusqu'au
xixe
siècle
pour désigner
ne maladie
de la
peau
ou
le
para-
site
responsable
de ces
démangeaisons
t
inflammations
utanées. Si
Hildegarde
dentifie n
type
de
parasite,
lle
ne l'associe toutefois
as
à une
dermatose
pécifique.
En
effet,
e terme
e
scabies
ou son
équi-
valentallemandGrintne fontpas référence une affection articu-
lière.
Ainsi,
on
trouve
dans
d'autres
passages
la
mention
d'ongles
rugueux
ou
galeux
( ungues
scabiosoš)
et
celle de
gale
à la tête41. e
même,
deux
siècles
plus
tard,
Guy
de
Chauliac
(mort
en
1368),
lorsqu'il
écrit
a
ChirurgiaMagna
mentionne
ussi,
sous
un vocable
voisin,
un
parasite
qui
ressemble
ux sur
n d
Hildegarde
il décrit
les
sillons
que
ce
parasite
creuse
sur
la
peau.
Cette
description
e
la
maladie
désigne
es
symptômes
e
la
gale
:
«
Les
syrones
ont
de
petits
animaux
qui
creusent
es chemins
inueux,
entre
a chair et la
peau,
et
surtout
ur
les mains des
oisifs42.
Chauliac
prend
n
outre a
peine,
dans
ce
chapitre
ntitulé
e
pedi-
culis etsy oni us, de souligner u'il ne s'agitpas du mêmeparasite43.
39.
Bilsa
rigida
st et
mollis
bque
iribus
et i
quis
arn,
ut
oleum x
granis
ejusfactum
comederet,
ortiferum
enenum
n
ilio
aceret.
ed
ubi
urm
sic)
n
homine
unt
ita
quod
carnem
jus
exulcerant,
odemoco earn
um ucco
ere,
t
surenmorientur
PL,
t.
197,
hysica,hap,
e Bilsa
1173).
40.
Trad.
r. ierre
onat,
renoble,
érôme
ilion,
ome
,
1989,
p.
127-128.
41.
PL
t.
197,
p.
cit.,
hap,
e
Fungís
1105
t
chap,
e Cletta1168
si
quis
grint
n
apite
abet...
e
emercieaurence
oulinier
e m'avoir
ndiqué
es
éférences.
42.
Syrones
unt mmalia
arva,
acientia
ias
inuosasorrendendo
nterarnem
etcutem
potius
nmanibus
tiosorum
Tract.
I,
doc.
,
Cap.
II
de Guy
e Chau-
liac,
Chirurgia
agna
avec e commentaire
e Laurent
oubert,
d.
Lugduni,pud
S. BéraudtS. Michaelem,585, . 264).On voit ueGuy
e Chauliac éutilise
e
termemployéarAvenzoarvoir ote 7).
43.
Quid
it
ediculus,
mnibus
stnotum.
iuntutemx
materia
raedictarum.
De modo
utem
enerationis
on
uro,
uia
physicum
st sed d
generationem
pso-
rum
diuvant
es,
uarum
roprietas
stmovere
ateriamd
cutim,
t unt
icus
t
coitus,
t nter
issio
mundi
icationis,
blutionis,
t tarda
annorum
utatio
Ibid.).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 101/164
96
MARILYN ICOUD
Auparavant,
'auteura
évoqué
les
symptômes
e la
gale (désignéepar
pruritus
u scabies
u)
sans
toutefois
y
associer les
syrones.
Seule la
proximité
es deux
chapitres
peut
nous
y
inviter.Mais
cette
proxi-
mité
oue
à double sens
elle
souligne
a
confusion
oujours possible
entre a
gale
et les
parasites
qui
lui sont
associés.
La définition
ue
donne
Chauliac de
cette affection
st en fait
ncomplète
t laisse en
suspens
e
problème
du
parasite.
La
Chirurgia
Magna
permet
oute-
fois de
distinguer
mieux a scabies
que
l'auteur décrit et dont l'ori-
gine provient
d'un
sang
qui
se transforme45 de la
phtiriasepro-
voquée par
une
putréfaction
nterne
des humeurs.
Les difficultés
'identification
e la
gale
sont non
seulement
mpu-
tables à la
polysémie
es termes
ediculi
et
syrones
et
autres varian-
tes),
mais aussi à
celle de
scabies
dont le
sens n'est
pas figé.
Ainsi,
dans
le
Pantechni
d'Haly
Abbas46,
ue
citaitd'ailleurs
Guy
de
Chau-
liac,
au
chapitre
de
scabie
et cutis
excoriatione l'auteur
mentionne
les facteurs
xplicatifs
e
cettemaladie définie
ar
ses
symptômespru-
rit et
excoratio)
il
s'agit
d'un
«
flegme
alé,
mêlé à un
sang
coléri-
que que
la nature
expulse
de l'intérieur ers la
peau
»47.
Haly
Abbas
opère
une association de
deux facteurs
xplicatifs,
le
sang
et l'humeur
flegmatique
comme
on le
retrouvera
hez
Michel
Savonarole) il a en outre e mérite e rapprocheres manifestations
cutanées
perçues
comme un
nettoyage
e
l'intérieur de facteurs
alimentaires
il
précise
n effet
ue
cette
ffection ouche
plus
parti-
culièrement
eux
qui
mangentbeaucoup
et notamment
es
nourritu-
res
grosses
ui produisent eaucoup
de
chyme.
Toutefois,
omme
pour
Guy
de
Chauliac,
on ne
peut
en
déduire
qu'il
s'agit
véritablement e
la
gale
;
tous les
symptômes
e la maladie
ne sont
pas
rassemblés.
Certes,
un
chapitre
voisin est consacré aux
poux
qui
sont
perçus
comme
produitspar
des
superfluités
orrompues.
Mais une
fois
de
plus,
il
n'y
a
pas
d'association
établie
entre cabies
-
qui
peut
alors
être
utilisé
comme
qualificatif
e toute
dermatose
provoquée par
un
44.
ste tiam
unt
nfectiones
utis
lcerosae,
ruriginosae,
um
quammis
t
rusti
[...].
Cum nim alemmateriamatura
b
interioribusd extrinsecamutem
ertule-
rit,
i sub ute
ermanserit,
t
uerit
enuis,
acit ruriginem[...]
Fit
utem
enibus,
propter
utis
ebilitatem,
t
quia
n eis
plurimum
eneratur
alsus
umor
et
pluri-
mum
nterdigitos,uoniam
unt
ebiliores.
...]
Significant
cabie
,
ecundum
ui-
dem
Halyabbatem,
ustulaearvae,ncipientesprudentes,
einde
lcerantes.
st
tiam
scabies e
aegritudinibus
ontagiosis...Ibid.,
p.
261-262/
45. Earum
materia
secundum
vicennam,
st
anguis
cui commiscetur
holera
conversa
n
melancholiam,
ut
phlegma
alsum
itrosum
Ibid.).
Chauliac
ite
ci
e
Canon livre
V,
fen
,
cap.
6.
46.
Médecin
rabe u
xe
iècle,
onnu
our
n
ouvrage
ncyclopédique,
omme
du savoirmédical,raduitarConstantin'AfricainuisparÉtiennee Pise.VoirD. Jacquart t F.Micheau, p. cit.,pp.69-74 tpp.86-107.
47.
[...]
phlegma
alsomixto
um
anguine
holenco
quam xpellit
aturab nte-
rioribusd
cutem
PantegniLugduni,ypis
.
Myt,
523,
e
scabie
t cutis
xcoria-
tione
f.
xxxiv
°).
On
retrouve
onc ci e même
chéma
xplicatifueplus
ard hez
Guy
e Chauliac.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 102/164
PROBLÈMES 'IDENTIFICATION
'UNE DERMATOSE
97
sang
colérique
ou un
flegme
alé - et des
parasites qui
lui
seraient
propres,pediculi
ou
syrones.
L'identification
e la
rogna
La recherche
menée
sur les connaissancesmédiévales
propos
de
la
gale
a
pour
seul but de nous conduire au
problème posé
par
la
distinction
es maladies et des
parasites
dans le
discours
de Michel
Savonarole.
En
l'absence de
description récise
des
symptômes,
l
est
difficile 'affirmerue le médecinpadouan a voulu, par le termede
rogna
désigner
a
gale
;
toutefois,
n
peut
d'ores et
déjà
exclure
a
possibilitéqu'il
évoque
la maladie
provoquée par
la
trilogie
poux,
punaises,
puces, que
le
terme
de
scabies
n'a
jamais
désignée.
Si une
comparaison
vec sa Practica maior nous donne
quelques
indices
nouveaux,
elle ne
permetpas
de trancher.Dans ce
traitéde
médecine
ratique,
un
genre
fort
pratiqué
t
destiné un
public
d'étu-
diants en médecine et de
praticiens48,
n
décèle
déjà
l'intérêt
que
l'auteur
porte
aux
aspects
alimentaires.
Rédigé
durant la
période
padouane
de
Savonarole,
il
a servi de référence u
Libreto
9
.
Dans
le
chapitre
ntitulé e
cibis
calidis in
primo
sive humidi ive sicci
fue
rint il évoque les vertuset défautsdes figueset déclare
«
Et toutes chassent de
la même
façon
les surabondances
vers
a
peau
et c'est
pourquoi
eur
usage provoque poux,
crasse,
sueurs,
gale
et autres choses semblables50.
On
note
la mentionde la saleté
-
certes
comme
indice de la
putréfaction
nterne t non comme cause de la maladie
-
qui
est,
on le
sait,
un facteurde
développement
e cette dermatose.Mais la
Practica
n'évoque pas
la
gale parmi
es maladies.
La
seule autre men-
tion de scabies
renvoie à une
scabies
palpebrarum
Le
vocable
latin
désigne ci une maladie des paupières dont parle aussi Avicenne)et
non
ses
symptômes.
e
sens
général
de
scabies
pourrait
tre
«
mala-
die
de
peau
»
qui
affecte es
paupières
et dont les
signes
ont
l'appa-
rition 'un
prurit
t
d'aspérités
ur une
peau
devenue
granuleuse,
insi
que
l'abondance
de larmes51.
48.
L'ouvrage
ut 'ailleursédicacé un de ses amis
t
collègues,igismond
Polcastro.
49. On
y
retrouve
ratiquement
ot
our
mot es mêmes
hrases
our
écrire
les ffets
e a
figue
Et
si
supérfluos
umoresn tomacho
nveniat
ura
it
d
dige-
rendum,
d
corruptionemque
utatur,
t
nflammationem
t ventositatem
enerai
et
Pessimumanguinem
et talis
anguisacile
or um
i ur,tgeneraicabies t huius-modi,uapropternte ibi lteriusssumptionemssumaturPractica aiortract.I,
cap.
II, Venetiis,
pud
Juntas,
559,
. 23).
50. Et omnes
psarum
odi
xpelluntuperßuitates
d cut
m,
ropter
uod
usus
earum
edículos
sordes,
ebres
sudores
scabies
t
huiusmodialia
acit ibid.).
51. M.
Savonarole,
ractica
aior,
p.
cit.,
p.
85.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 103/164
98
MARILYN
ICOUD
Si Michel Savonarole
connaissait
a
gale,
force
est
de
reconnaî-
tre
qu'il
ne
la
distinguait as
véritablement
e la
phtiriase.
Ces diffi-
cultés sont
imputables
à une confusion du
vocabulaire médical au
Moyen Âge,
qui
n'est
pas spécifique
la
gale,
et
elles
révèlent
ue
l'étiologie
de la maladie
n'était
pas
encore
clairement onnue. Il
sem-
blerait
plutôtque
les
deux
maladies soient
confondues
ans un
même
ensemble
de
symptômessang
mauvais et
putréfaction)
t
de
causes,
au
premier
rang
desquelles
on
trouve a
figue.
Or
ce fruit ut 'un des
plus appréciés
e
l'Antiquité
t,
pour
cette
raison sans
doute,
il eut du
succès
auprès
des
médecins
du
Moyen
Âge, en généralplutôtméfiants52 l'égard des fruits. on rôle dans
cette maladie
est
lié à
sa vertu
purgative qui
peut
aussi être
bénéfi-
que,
puisqu'elle
permet
e
chasser es
éléments
mpurs
t
putréfiés
u
corps).
Cettevertu ui
est conférée
ar
ses
qualités.
La
figue
st
chaude
et
humide,
car
elle est douce au
goût
or
les sens
sont
un
moyen
de connaissance
des
propriétés
es choses. Et
c'est
cette douceur
qui
lui
donne la faculté de
nettoyer
e
corps
des
impuretés53.
Par
ailleurs,
a corrélation
tablie entre es
figues
t les
poux
est
sans doute
aussi
imputable
aux
observationsfaites sur le
figuier54.
Par
analogie,
les médecins ont
pu
penser que
les insectes
que
l'on
observait sur le tronc
pouvaient
tout
aussi bien
pénétrer
dans
les
fruits55t se retrouver ar ingestiondans le corps humain. Cette
référence ux
parasites
du
figuier
st
d'ailleurs restée
ongtemps
n
vigueur,
comme le montrent
es
propos
d'Antonio
Vallisnieri,
au
xvine
siècle56.
52.
On uireconnaîtotamment
esvertus
utritives,
la
différence
es utres
fruits,
echerchés
énéralementour
eur
valeur
médicale.
avonarole
éclare
ue
«... benchéon utricaome
arne
grano,
ientedimeno
utrica
opra
gni
ructo
(op
cit.
p.
58).
53. Dulcís
apor it
x
temperata
aliditatet
humiditate
xistente
n
primo
radu.
[...]
Dulcia
mollificant
embralavant t
colant t
mundificant
Summa e
sapori-
bus,
Würzburg,
.
p.
méd.
.
2., xiiie,
.
82rb).
Je remercie
harles
urnette
mavoir ignalée texte t de m'en voir onfiéa transcription.
54.
Pline isait
éjà propos
u
figuier
auvage
Ficariosulices
aprificusénérât
cantharidasermiculi
icorum
t
piri
t
peuces
t
cynacanthae
t
rosae
Histoire
atu-
relle
Livre
I, XLI,
éd.
A. Ernout
t Dr
R.
Pépin,
aris,
es
Belles
ettres,
947).
55. C'est ne
royanceue
cite line
Caprificus
ocatursilvestri
enere
icus
nunquam
aturescens,
ed
quod psa
non
habet lii
tribuens,
uoniam
st
naturalis
causarum
ransitus
tque,
t
putrescentibus,
ignitur
liquid. rgo
ulices
arit
hi
fraudati
limenton
maire,
utri
ius
abe,
d
cognata
volant
orsuqueicorum
re-
bro hoc st
vidiore
astu aparientes
ra earum
ibid.,
ivre
V,
XXI).
Elle
per-
dura
usqu'au
vine
t on trouvencorehez
Jacob
chwiebe,
ui
en 1722
éitéra,
dans ne issertatioe
pruritu
xanthematum
b acariscette
upposition
elon
aquelle
Tacare
e
a
gale roviendrait
e fruits
ucrésels
ue
des
raisinstdes
figues,
rrive-
rait ur a
peau ar
e contact
xtérieur,
u
auraitté valé lors
u'il
e
trouvaitans
le fruitdans ecas, lest éaniméans'estomactrampeecet rganeers 'autrespartiesucorpscité arHebra, p. cit., ome, p.657).
56.
«
Di
questa
stessa aturaelle imiei
egli grumi
parimenteuell'altra
azza
d'insetti,
a'quali
antomalamente
engono
nfestatee
piante
e'fichi,
cha
da'con-
tadini
...]
pidocchi
e'fichion etti
,
in
Opera
medicantrois
olumes,733,
ol.
,
p.
460.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 104/164
PROBLÈMES
'IDENTIFICATION
'UNE
DERMATOSE
99
Le
statut de la sentence
Mais Michel Savonarole
ntroduit ne
nouveautédans le
discours
sur
les
figues.
l ne
s'agit
pas
d'une remise n
question
des
autorités
mais
simplement
'un
additamentum
ux
discours
précédents.
epen-
dant,
toute information
ouvelle doit
savoir
conjuguer
e
plan
uni-
versel
des
contemplationes
t celui
particulier
es
exercitaîiones51
Le
champ
de la
médecine
pratique
est ouvert
l'innovation,
qui
repose
sur les observations t
les
expériences
u
médecin.
Ces
dernières oi-
vent
toutefois
tre
égitimées
ar
les textes
anoniques qui
en
garan-
tissent 'authenticité.
De
fait,
Savonarole énonce
son
observation n
réutilisant
ans
le
Libreto
comme
précédemment
ans la
Practica une
structure
syntaxique
t
un
enchaînement
ogique
bien connus
-
ceux
qu'Isaac
avait
employés
-
sans remettre n
cause le
discours
des autorités.
Il
place
son
propos
directement
ous
le
patronage
du
médecin
arabe58.
Cette authentification
e
double,
dans
le
Libreto de la citation
d'une
sentence,
qui
vient
conforter e
propos
de
Savonarole.
Il
est
difficile e déterminera
nature de cette
expression
ui
se veut de
portéegénérale.
L'absence de
métaphore
u de
parabole,
une
origine
inconnue59,u'on ne sauraitqualifierde « populaire tant ce terme
est
ambigu,
nous
empêche
de
parler
de
proverbe60.
l
est en
outre
impossible
de connaître on
emploi
dans
l'Italie
de la
fin
du
Moyen
Âge.
Toutefois,
n
peut
s'interroger
ur son
statutdans le
cadre d'un
ouvrage
de
vulgarisation.
Cette
locution,
dont
le
fondement
epose
sur une
expérience, ui
n'est
certes
pas
individualisée,
orrobore e
discours
scientifique
ue
Michel Savonarole a
tenu à
propos
de la
figue.
Elle ne lui donne
pas
d'impulsion
nouvelle et ne
constitue
as
la
base d'une réflexion omme e
seraitune observation.
Elle
désigne
un état de faitet vient
lore,
commeune
pointe
ou un
proverbe,
'idée
précédemment éveloppée61.Si le poids d'un tel discours est somme toute faiblepar rapport
57. Cf. J.
Agrimi
t C.
Crisciani,
p.
cit.,
pp.
137-158.
58. Sur
es
rapports
ntre
ouveautét
tradition,
f.Chiara
risciani,
History,
Novelty,
nd
Progress
n
Scholasticedicine
,
Osiris2nd
eries,990, ,
pp.
118-139.
59. Cette entencee
semble
as
dériver'une ormeatine.
lleestdonc
ien
énoncéen
angue
ernaculaire,
ais 'est
as
attestéeans es
recueilse
proverbes
italienst
français
onsultés..
Nystedt
e
proposear
illeurs
ucun
claircissement
à ce
sujet.
60.
Selon
a
définition
ue
donne
rédériceiler dans
Deutsche
prichwörter-
kunde
Munich,
922),
e
proverbe
st une ocution
yant
ours ans e
angageopu-
laire, eferméeur lle-même,yant ne endanceu didactismet uneformeele-vée . Cité arAndré olles uienproposene nalyseritiqueans ormesim-
ples
tr.
fr.),
aris, euil, 972,
.
121.
61.
«
Le
proverbe
est
pas
...]
un
debut,
ais ne
onclusion,
'est e
paraphe
et e
sceau isible
pposés
une dée
t
qui
ui
mposent
e
caractère
e
'expérience
(A.
Jolles,
p.
cit.,
p.
127).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 105/164
100
MARILYN ICOUD
au statut
de
l'expérience
pratique
ou de l'observation ertifiée t
ne
garantit
donc
pas
la
véracitédes assertionsde
Savonarole,
il
peut
à
défaut
ouer
un
rôle
didactique
et
ludique. L'emploi
de locutionsde
ce
type
est
relativement
are dans
la
littérature es
régimes,
mais
l'ouvrage
de
Michel Savonarole
déroge
à
ces habitudes.
Fréquentes
y
sont
en
effet
es citations
ui
tantôtutilisent ne formulation
mper-
sonnelle
«
chi
leze la bucolica
danno de
penna
a' medici
>>62),
an-
tôt sont
versifiées
persica,
pira
poma
stomaco
sunt hec tria
dura63),
pour
ne
citer
que
deux
exemples.
Ce
type
de discours
peut ouer
des rôles différents
ans le
cadre
du propos médical. Le vers sur les pêches, poires et pommesvient
renforcer e
que
le
discours
scientifique déjà
affirmé,
puisque
l'auteur a
déclaré au
sujet
des
pommes que
«
mangées
avec la
peau,
elles sont difficiles
digérer
M. La sentence
eut
aussi
jouer
le rôle
de conseiller ainsi
après
avoir affirmé
ue
le
fromage produit
un
sang
mauvais,
a
pierre
dans
les
reins
et
cité
Razi
qui
déclare
qu'en
«
petite quantité après
le
plat,
il
donne
l'appétit
et conforte 'esto-
mac
»,
Savonarole
ajoute
ces vers
«
sain est le
fromage
donné
par
une
avare main
»65.
La sentence ur
la
rogna
n'intervient
as
dans
le texte comme
experimentůmc'est-à-dire ommeexpérience ersonnelle e l'auteur.
Mais sa
structure
inguistique mplique
un
savoir
ancien,
connu de
tous
et en un certain ens ainsi
légitimé
lui donnerforme crite
'est,
en
outre,
'investir
d'une certaine
utoritéet le faire entrerdans le
champ
du
savoir
pratique66.
Comme tel
il
renforce e
propos
de
Savonarole
et lui confère
un statut de
savoir
quasi
universel.
L'utilisation
de ce
genre
de
discours
change également
e niveau
de
langue
de
l'ouvrage, placé
entre
ittérature
cientifique
t œuvre
de
vulgarisation.
a sentence
y joue
de
fait un rôle
didactique
-
elle
illustre
e discours
scientifique
t le rend
peut-être lus
facilement
mémorisable.
C'était
en
effet
'un des buts
que
se
proposait
Savona-
role dans le prologue « et afin que de telleschoses te soientplus
62.
Éd. J.
Nystedt,
p.
cit.,
p.
96.
63.
bid.,
p.
89. Ce
proverbe
'est
as
dentifié
ar
J.
Nystedt,ui
ui
assigne
toutefoisne
origine
alernitaine.
n
fait,
n ne
trouve
u'un ncipit
imilaireans
le
chapitre
e cibis
melancholicis
itandis
u
Regimen
anitatisalernitanum
qui
joute
aux
persicapoma
pyra
d'autres
omposants,
omme
e
ait,
e
fromage,
tdifféren-
tesviandesonsidéréesomme ocives
our
es malades
voir
. de
Renzi,
ollectio
salernitanavol.
V,
Napoli,
859).
64.
«
...cum
e
scorçe
manzationno ifficilea
padire (
bid
,
p. 88).
65.
«
Fa cativo
angue,
a
generar
a
preda
elle ene
...]
in
pocaquantità
rio
pasto
move
'apetito
il
stomecoonforta.
...]
Caseus st anus
uem
at
avara
manus {Ibid., . 149).66.« The ther eaningof iscovery]eferredoa livelyynamism,othemul-
tiplicity
nd
diversity
f
formsf
acquisition
f data nd
knowledge
hat within
this
rameworkf established
nd
unmodifiable
octrine occured
ontinuously
t
the evel f
operative
rt nd
ntervention,
nthemodelf
hat
nique
istoricalvent
(C.
Crisciani,
oc.
cit.,
p.
128).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 106/164
PROBLÈMES
'IDENTIFICATION'UNE DERMATOSE
101
facilement
mémorisables,
e
les mettrai n
ordre, car,
comme le dit
le
Philosophe,
l'ordre fait la
mémoire 67.
Ludique
et
pédagogique,
c'est
aussi
ce
que
veut
être
le
régime
de Michel
Savonarole le
Libreto
llustre
a
place
que
tient e méde-
cin à la fois universitaire
t
homme de cour
du
XVe
iècle.
À
ce dou-
ble
titre,
l
se
doit de
satisfaire on
public par
un
ouvrage
à
la
fois
scientifique
t
vulgarisateur.
u-delà de
Borso
d'Esté,
qui
sert ci
de
recommandation,
avonarole vise la haute
société citadine. Mais la
vulgarisation
'implique pas que
l'auteur renonce au
statut cientifi-
que
des
régimes.
Les traitésde
diététique
ont
également
us
par
les
médecins ui s'en inspirent.Même s'ils sont e lieu d'une grandeper-
manence
d'idées,
ils
peuvent
aire
place
à
des
innovations,
ans remet-
tre toutefois
n
cause
le
discours ambiant68.
67.
«
Et,
zò
chedi tale osse e faza
più
memorioso,
e
ponerò
um
uoordine
ché,
ome ice
l
Phylosopho,
'ordinea ala memoria
(éd.
J.
Nystedt,
p.
cit.,
P.
57).
68.
Voir
C.
Crisciani,
oc.
cit.,
p.
127.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 107/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
103-121
Riccardo LUISI
DU CHÂTEAU-FORT
À LA
FORTERESSE
UNE BRÈVE HISTOIRE DE L'ARCHITECTURE MILITAIRE
ITALIENNE DU
XIe
AU
XVIe
SIÈCLE
Pour
comprendre
'histoirede l'architecturemilitaire
l
faut
con-
naître elle des
moyens
de défense
puisque
les deux
histoires e déve-
loppent
parallèlement. 'épée
suscite e
bouclier,
e canon la
cuirasse
l'évolutiondes armes
d'attaque,
en
créant
une
nouvelle
menace,
con-
duit donc à l'adaptation des systèmes e défense.Rien ou presque,dans les
châteaux-forts,
itadelles et
forteresses,
'était
conçu
au
hasard ou
dans un souci
d'esthétique.
Ce sont les
progrès
des techni-
ques
militaires
ui
sont à
l'origine
de
l'évolution
de
l'architecture
défensive t
il
est
important
e commencer otre tude
par
un
aperçu
des
armes,
de leurs
caractéristiques
t des
tactiques
de
siège
à
partir
de l'an
mil.
Les armes
et
le
matérielde
guerre
Les
armes de
jet
les
plus employéespendant
e
Bas
MoyenÂgeétaient 'arc, l'arbalète t l'onagre.L'arc et l'arbalète taient es armes
individuelles
l'utilisationde
l'arbalète,
considérée
omme
une arme
létale,
fut interdite
sans
aucun
effet)par
l'Église
en 1139
dans les
guerres
ntre chrétiens.
Bien
que plus précise
et
plus
puissante que
l'arc,
l'arbalète
était
peu adaptée
aux batailles
rangéesparce qu'elle
était
ongue
à
recharger.
lle
était en revanche ouramment
mployée
sur le cheminde ronde des
châteaux-forts
t à
partir
des
meurtrières
d'une
tour,
endroits
protégés
ù
il
était
possible
de
recharger
'arme
en
prenant
e
temps
nécessaire.
L'onagre,
assez
peu
connu de
qui
n'a
pas
eu
l'occasion de
s'inté-
resser à l'histoiremilitaire, tait une arme de jet de grandedimen-sion faisant
partie
de « l'artillerie ourde» médiévale
Fig. 1).
Il con-
sistait
en une
grosse poutre
tournant ur un
pivot
un
contrepoids
posé
à une
extrémité e la
poutre permettait
e
lancer le
projectile
posé
à
l'autre extrémité.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 108/164
104
RICCARDO
UISI
Les
performances
e ces armes
étaient,
n
termesde
balistique,
très
négales parce qu'elles
étaient iées à
des facteurs
ifférents,
els
que
la
longueur
de la
poutre,
a
position
du
pivot,
e
poids
des
pro-
jectiles
et
des
contrepoids.
l
semble
qu'un
onagre
dont l'élément
mineurmesurait eux
mètres t l'élément
majeur,
six
mètres,
n uti-
lisant un
contrepoids
e
3 000
kg
était
capable
de lancer un
projec-
tile de
100
kg
à
76
mètres e distance.Une indication ntéressante
ous
est
apportée
par
les
calculs et les
expériences
éalisésdans la deuxième
moitié
du
XIXe
iècle
par
Viollet
e
Duc
qui,
travaillant
ur
commande
de
Napoléon
III,
a démontré
ue
la
vitesse des
projectiles
tait de
60-66mètres/seconde.À titre de comparaison une bombarde du
XVIe
iècle
pouvait
ancer un
projectile
environ
40
mètres/seconde
le
célèbre
canon allemand de
88 mm
de la Seconde
Guerre
mondiale,
à
820
mètres/seconde
;
les
canons modernes
de
1
500
à
2 000
mètres/seconde.
joutons
que
le
tir avec
l'onagre
était d'autant
plus
difficile
réglerque
les
projectiles mployés
étaient
disparates
en
nature
et en
poids,
et
que
la
trajectoire
écrivait
ne courbe dont
la
parabole
était similaire
celle d'un
mortiermoderne
pour
ces
rai-
sons
l'onagre
était
une arme utile surtout
pour
«
bombarder au
hasard
l'intérieur es
places
fortifiées n
y lançant
n'importequoi
:
pierres,
meulesde
moulin,fumier,
harognes,
es derniers vec l'inten-
tion de propagerdes épidémiesdans les rangs des défenseurs.Par
exemple,pendant
e
siège
de Carolstein n
1422,
des cadavres de sol-
dats
et
plus
de
2
000 charrettes e fumier
urent
rojetés
dans la
ville.
Ce fut un
vrai désastre et
beaucoup
d'habitants
périrent
ans cette
guerrebactériologique
vant la lettre.On
peut
conclure
que
l'onagre
était une arme aux
performances
alistiques
rès
médiocres
pratique-
ment
nutilisable
n tir direct
pour
abattremurs t
tours)
néanmoins
nous le
voyons
encore utilisé
pendant
e
siège
de
Constantinople
n
1453,
flanqué
cette fois-ci
de
gigantesques
bombardes.
Béliers,
ours
d'assaut
(Fig. 1),
mantelets
petits
bris mobiles en
bois), chats,
vinee
cabanes
de
planches
mobiles
qui
servaient
pro-téger e travailde creusementu pied des murs) faisaientpartiedu
matérielde
guerre
utilisé
par
les
assiégeants.
Notons
que
leur
intro-
duction dans les batailles
fut
progressive
partir
du XIe
iècle et
que
seuls
les assauts
importants ustifiaient
un
grand
déploiement
de
moyens.
Les
problèmes
e
logistique
t de
compétence
echnique osés
par
la
construction
de
machines
qui
nous
paraissent
simples
aujourd'hui
n'étaient
cependant pas
faciles
à
résoudre. De
plus,
le
coût était rès
levé
par exemple, endant
e
siège
d'Antioche,
'armée
des
croisés
eut du mal à
payer
es
artisans ravaillant ux
machines.
Il fut
donc décidé
d'organiser
ne
collecte
générale ui permit
e con-
tinuer e siège Antioche tomba finalement,mais par trahison,en
1098,
après sept
mois de lutte. La
présence
de
spécialistes
n'avait
pas
notablement âté la
fin
du
siège, qui
s'avérait
toujours
une
opéra-
tion
ongue
et
complexe
t
qui,
sans la
complicité
'un traître u d'un
coup
du
sort,
pouvait
durerdes mois et même
des années
Saint-Jean-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 109/164
DU CHÂTEAU-FORT
LA
FORTERESSE
105
d'Acre résistad'octobre 1189 à
juillet 1191).
Un
siège
était donc un
engagement
érieux
t de
longue
haleine où la
patience
et surtout a
faim étaient es meilleures lliées de l'assaillant.
Le château-fort
Le château-fort
st un
complexe
rchitectural
ui
avait
pour
fonc-
tion essentielle
de
protéger
a demeure du
seigneur
t
de
servir
de
refuge,
n cas de
danger,
aux
habitants
du
pays.
La
période
qui
va
du XIeau XIIIe ièclepeut êtreconsidérée omme 'apogée de ce type
d'architecture
en effet es
structures nciennes
en
bois furent
ro-
gressivement
emplacéespar
des
structuresmixtes
n
bois et en
pier-
res,
ou
entièrement
n
pierres orsque
es finances
eigneuriales
e
per-
mettaient. ans les siècles
suivants,
e château-fort
erdit
une
grande
partie
de sa
fonction
olitico-militaire,
n
gardant
eulement on
carac-
tèrede demeure
eigneuriale.
'uniformité
es méthodes ffensives n
peu partout
suscité es mêmes
moyens
de
défense,
t ce non
seule-
ment
pour
les châteaux-forts
ais aussi
pour
les
bourgs
et
les villes.
L'aperçu que je
donnerai
vaut
donc
pour
tous les édifices
militaires
du XIe au
xve
siècle.
Comme nous l'avons vu, les armes et les techniquesde guerre
étaientd'une
simplicité
xtrême,
l'effet ouvent
plus
psychologique
que
pratique.
Avant l'inventionde l'artillerie
feu,
il
n'y
avait
pas
d'armes
de
jet
assez
puissantes our
ouvrirdes
brèchesdans
les
murs,
et
l'onagre,
seule
arme
capable
de
lancer des
gros
projectiles,
n'était
pas
très
redoutable,
si l'on
considère
a faible
épaisseur
des murs
d'enceinte.
La hauteurdes
enceintes,
n
revanche,
tait
considérable,
car
le
risque majeur
était 'escalade des murs
plutôt que
l'ouverture
des brèches.
La courtine
des enceintesdevait donc
être,
plus qu'à
l'épreuve
des
projectiles,
l'épreuve
des
hommes,
des échelleset
sur-
tout des
pioches.
Ces outils étaient ffectivementes
seuls
utilisables
pourfaire rouler es mursou ouvrirdes passages, opérationsgénéra-
lement
menées
par
des hommes brités ous les vinee et
travaillant
la
base
des murs
pour
déchausser es
pierres
ne
à une
ou
creuserdes
galeries
outerraines
mines)
sous les
murs.
L'opération
terminée,
n
mettait e
feu aux structures e bois
portant
a
galerie,
qui
s'écroulait
avec
le mur.
L'escarpe
à la base du mur
était destinée
rendre
plus
difficile es
opérations
de
minage,
en
renforçant
es fondations
t la
stabilité
de
plus
elle tenait distance es
échelles t les tours
d'assauts.
Le tracé de
l'enceinte
tait
étudié
pour exploiter
u
maximum a con-
figuration
u terrain.
Des
tours étaient
échelonnées
régulièrement
e
long
du
périmètre,
on
pas par
souci de
la
symétrie
mais
par pureexigencepratique.La distanceentredeux tours devait être nférieure
à celle
permettant
un archerou à un
arbalétrier
e
toucher a
cible.
Cette
disposition
ontribuait
u
système
e défense
mutuelle,
e tir
de
flanquement rotégeant
outes es
courtines
de
l'enceinte.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 110/164
106
RICCARDO UISI
Les tours étaient
donc
les
points
forts de tout le
système
de
défense elles
dominaient
n hauteur t
elles avaientde
multiples
onc-
tions. Construites
e
plus
souvent à
proximité
es
portes
d'accès
et
des endroits
vulnérables
de
l'enceinte,
elles servaient ussi d'abri le
long
du chemin
de
ronde,
qu'elles interrompaient.
n
traversait a
tour
grâce
à
de
petites ortes
ou à des
passerelles
n
bois
qu'on pou-
vait
facilement scamoter
en cas de
danger.
Il
était
ainsi
possible
d'abandonner
une courtine
prise
par
l'ennemi
sans
mettre n
péril
e
système
e
défense
out entier.
Quant
au
donjon,
c'était la tour
prin-
cipale,
la
plus
haute et la
plus
solide.
Dominant 'extérieur ussi bien
que l'intérieur u château, l était e dernier efuge,e dernier spoir
les
assiégés s'y
serraient
orsque
tout était
tombé aux
mains de
l'ennemi.
Mais,
même
s'ils
disposaient
d'une
citerne,
de
provisions
en suffisance
t
d'armes,
a
capitulation
tait névitable
t seule l'aide
venue de l'extérieur
ouvait
renverser a
situation.
Le
point
faible
de l'ensemble fortifié tait
la
porte
et les archi-
tectes
s'efforçaient
e la
protéger
n
multipliant
es
obstacles
et
les
dispositifs
e
défense.
Barbacanes,
fossés,
ponts-levis,
oubles
por-
tes, herses,
étaient autant d'obstacles dressés devant
l'ennemi,
mais
malgré
ces
précautions
l
n'était
pas
rare
que
les
assiégés préfèrent
carrémentmurer
a
porte.
Les
poternes,
petitesportes
dérobées
pla-
cées dans les endroits es moinsexposéspermettaientncorede sortir
ou
de
recevoirdes renforts
u
des
provisions.
Le
bois,
de
quoi
étaientfaites es
portes,
était
considéré
juste
raison comme un matériau
fragile,
mais comme
il
était
économique
et d'un entretien
acile,
l
était
couramment
tilisé
pour
des
construc-
tions
«
accessoires
dans les
parties
hautes
de
l'ensemble ortifié. al-
heureusement,
es constructions
bretèches,
uchettes,
mantelets,
on-
soles,
corbeaux)
ont été détruites
ar
le
temps,
es
intempéries
t les
hommes,
ou
remplacées
par
des
structures
n
maçonnerie.
Mais
il
en
reste encore des
témoignages
qui
ne s'est
pas
demandé à
quoi
ser-
vaient
ces ouvertures e
portesétrangement lacées
à des
hauteurs
différentesu sol - notamment ans les tours de surveillance ui
sont disséminées
ur toute
la
péninsule
talienne On
peut y
recon-
naîtredes
poternes ui,
pour
des raisons de
sécurité
videntes,
taient
desservies
par
des
échelles
en
bois facilement
movibles.
On
recon-
naît aussi des
ouvertures arrées
menagées
dans
les
murs
et
dans les-
quelles
étaient
ncastrées
es
pièces
de
bois
soutenant
e
petits
uvra-
ges
en
surplomb,
omme des bretèches u
des hourds
(Fig. 1).
Les
bretèches
taientdes
logettes
dont le
sol était
percé
de
trous
pour
le
tir
fichant
t
qui
étaient
posées
au-dessus des
points
sensibles,
porte
ou extérieur
'une tour
et en
général
à où
il
n'y
avait
pas
d'autres
surplombs.Bien que rien ne paraisse plus simple que de lancer des
projectiles
u de verser es
classiques
poix
et huilebouillantes u haut
d'un
mur
sur
les assaillants
qui
s'apprêtent
l'escalader,
ces
opéra-
tions
comportaient
es
risques
t
il
en va de
même
pour
le
tir
fichant.
En
effet,
our pouvoir eter
des
projectiles
u tirer
ur
l'ennemi,
es
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 111/164
Fig.
1
-
Le matériel
e
guerre
'un
grand
iège
onagres,
ours
d'assaut,
mantelets,hats,
tc.
(Viollet
e
Duc)
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 112/164
108
RICCARDO UISI
défenseurs taient
obligés
de se
pencher
hors
du
parapet,
s'exposant
ainsi au tir des
arbalètes. Pour
limiter e
danger,
es
meurtrièrest
les
créneaux taient
obturés
par
des
huchettes
sorte
de
volets en
bois
pivotant
ur un axe
horizontal)
t
des
ouverturestaient
ménagées
ans
les arcs de la
console du
mâchicoulis
parapet
en
surplomb,
embla-
ble au hour
mais construit n
pierres
ou en
briques
Fig. 2).
Par
ces
ouvertures,
n
soulevant
es
huchettes,
n
lançait
sur
les assail-
lants tout ce
qu'on pouvait.
Il
arrivait
même
que,
à
ces
échanges
de
Fig.
2
-
Élévation
rontale
e la
partie
upérieure
d'une
enceinte.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 113/164
DU
CHÂTEAU-FORT LA
FORTERESSE
109
courtoisie
ntre ssaillants et
assiégés, participent
es
gentilles
t fra-
giles
demoiselles
ui, inexpertes
ux
armes,
étaient
en
revanche out
à fait
capables
de fracasseres têtes n
jetant
des
pierres
ar
les ouver-
tures.
Ainsi
dans
les
moments es
plus critiques,
l
n'existait
plus
de
distinction
ntrecivils et
militaires,
t
tous unissaient
désespérément
leurs efforts ontre 'assaillant.
Ne
croyons
as
pourtant
ue
la
guerre
'assaut était
toujours
une
lutte
à
mort,
âpre
et cruelle. On se
préparait
évidemment u
pire,
mais
de la lecturedes
chroniques
de
l'époque
se
dégage parfois
un
tableau
plutôt pittoresque, ui évoque
la rencontre e
deux
bandes
aussi surprenantes ue celles immortalisées ar les filmsde Branca-
leone. Un
exemple
amusant et
significatif
st
l'attaque
du
village
de
Caviano le
31
mai
1287,
racontée
par
Frère
Salimbene
de
Parme.
L'église
paroissiale
de ce
village
était
un
petit
réduitfortifié
ntouré
d'un fossé
et le
campanile
servaitde tour de défense.
La
transfor-
mationdes
églises
n forteresses'était
pas
rare,
au
point
que
les con-
ciles
de 1123 et de 1209 durent nterdire a
fortificationbusive
des
églises.)
Lorsque
la
population
de Caviano
vit Guido
di Albareto
appro-
cheravec son
armée,
elle s'abrita à l'intérieur u
réduit
ortifié,
rmée
d'arbalètes,
de
pierres
et
de tout ce
qu'elle pouvait
réunir
pour
se
défendre.Guido di Albareto, à la tête des assaillants,compritvite
que
la
petite poignée
des
défenseurs
une
quarantaine
en
tout
-
était bien
décidée à vendrechèrement a vie.
Il
chercha à traiter n
promettant
ux
assiégés
a vie sauve
s'ils
acceptaient
e
se rendre. our
toute
réponse,
un
défenseur,
ndigné
de ces
propositions,
ança
une
pierre
de la
tour-campanile, ui percuta percussit)
a
tête du
cheval
de
Guido,
lequel
tomba
cum
circumvoluîione orribili.La réaction
et l'assaut étaient désormais
névitables,
mais l'issue de la
bataille
devait
surprendre
uelque
peu
Guido.
En
effet,
a
détermination es
défenseurs
uttelle
qu'une quinzaine
d'assaillantsfurent
lessés,
dont
trois
finirent
ar
mourir. On constate donc
qu'une petitepoignéed'hommesbien décidés pouvait teniren échec des guerriers rofes-
sionnels
t
que
la
prise
de
la
plus
rudimentaledes forteresses eman-
dait
du
temps
et
l'équipement déquat.
À
Guido
et
à ses
hommes,
il
ne restait
plus qu'à saccager
le
village,
razziant
les
chapons,
les
canards,
es
cochons,
etc. On
peut
en
conclure
qu'un
édifice
robuste
et construit
n
pierre,
comme l'était une
église
romane,
suffisait
offrir n solide
retranchement
il
est
donc
aisé
d'imaginer
'obstacle
que
constituait
n château-fort
ien
organisé pour
la défense.
Il
est
clair
que
les
techniques
ffensivestaient
ettementnférieures
aux
techniques
éfensives,
t ces dernières 'étaient ncore
perfection-
nées grâceà l'expérience es croisés. Les expéditions n TerreSainteétaient onfrontées deux problèmesmajeurs, a libération u Saint
Sépulcre
et,
tout
aussi
difficile,
a
conservation es
terres
onquises.
Ce
dernier
bjectif
conduisait
une
stratégie
éfensive,
mposée
par
la faiblesse
hronique
des
garnisons résentes
n Terre
Sainte,
et fon-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 114/164
110
RICCARDO UISI
dèe sur a
capacité
de résistance 'une chaîne de
forteresses.
es croisés
constructeurs,
timulés
par
les difficultés e
l'entreprise,
aisant de
nécessité
ertu,
irent
reuved'ingéniosité
t
d'initiative.
es
précieuses
expériences,
mportées
n
Europe,
contribuèrent
ensiblement
l'amé-
Fig.
3
-
Tirs
et
angles
morts.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 115/164
DU
CHÂTEAU-FORT
LA
FORTERESSE 111
lioration des
techniques
de défense.On leur
doit,
par
exemple,
le
hourd
pour
faciliter e tir fichant
t la tour
ronde,
qui remplaça
peu
à
peu
la tour carrée.
Les tours rondes en effet e
prêtaient
un tir
latéral
(de
défense mutuelle
ntre une tour et
l'autre),
qui
réduisait
la zone interdite
u tir des défenseurs
Fig.
3).
Le rôle
de
l'artillerie
Outre sa
plus grande
solidité,
a tour ronde
présentait
n autre
avantage,qui ne futpleinementppréciéque vers e milieudu XVe iè-
cle,
quand
on
commença
à utiliser 'une manière ourante
'artillerie
à feu.
À
cette
époque, après
en avoir fait
l'expérience
u cours de
nombreux
ièges,
on a constaté
qu'on pouvait
améliorer
a
résistance
des murs non seulement
n
augmentant
eur
épaisseur,
mais aussi en
leur
donnant une
forme courbe et
fuyante,
onde en
somme,
plus
favorable
d'un
point
de
vue
balistique
(Fig.
4).
L'invention
de la
poudre
transforma
adicalement 'architecture
militaire.
C'est dans un
textede
Roger
Bacon daté de
1249
que
nous
trouvons
mentionnés
our
a
première
ois es
ingrédients
'un
mélange
explosif
base de charbon
de
bois,
de soufre t de
salpêtre
recette
Fig.
4
-
Gravure e JostAmman
montrantes
points
ensibles
que
devaitviser
'artillerie
'assaut
sur une tour
ronde,
e diamètre sur une tour
carrée,
es
angles.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 116/164
112
RICCARDO
UISI
qui
est à
l'origine
de
l'artillerie
feu et
des
développements
e
l'archi-
tecturemilitaire.
Toutefois,
le
changement
ne fut
pas
brusque,
car
ces
«
boîtes
à
feu
»
(comme
es
contemporains
ppelaient
es
premiè-
res armes à
feu)
étaient
ellement
udimentaires
ue
le vieux
et le
neuf
(l'onagre
et le
canon)
cohabitèrent
ongtemps
ncore.
Pourtant
a dif-
fusion
des armes
nouvelles semble
avoir
été assez
rapide
puisque
Pétrarque
écrivait
vers e milieu
du
XIVe
iècle «...
ces
instruments
envoient
es
boules
de
métalavec un
fracas
pouvantable
t
des
éclairs
de feu...
il
y
a
quelques
années encore
ls étaient
areset on
les
regar-
dait avec
stupeur
t
admiration,
mais à
présent
ls sont
devenus
aussi
communs et familiers ue n'importe quel autre typed'arme. Pour
apprendre
es arts es
plus pernicieux,
'esprit
des
hommes se
montre
si
prompt
et
génial
»
(De
Remediis
livre
,
dialogue
99).
Fig.
5
-
L'artillerie 'assaut des
xvc
et
xvie
iècles.
A
: Bombarde erclée
début
du
xve
iècle)
avec chambre
'explosion
démontable.
B
:
Mortier e bronze
milieu
du xvc
iècle)
la sectionmontre es
dimensionslusréduites e la chambre 'explosion.
C : Bombarde e bronze
milieu
u
xvc
iècle) omportant
eux
parties
démontablesla
trompe
t la
queue.
D : Affût vec canon de bronze
xvie
iècle)
t une
équerre
e canon-
nier
pour
mesurera hauteur
S.
Pepper,
N.
Adams).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 117/164
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 118/164
114 RICCARDO UISI
maux
comme
Vipère, Éléphant,
Lion,
ou bien de noms
menaçants
comme
Grand
Diable,
Déluge,
Séisme,
Ruine seuls les
petits
cali-
bres,
fabriqués
n
plus grande
quantité,
taient
désignéspar
un nom
générique,
e
plus
souvent
ié au lieu de
fabrication
«
Trevisana
»,
«
Veneziana
»,
«
Bresciana
»,
etc. Parfois on
leur donnait un nom
ironique,
comme a célèbrecouleuvrine
Giulia,
qu'Alphonse
II
d'Esté
fit
fabriquer
n 1512
avec
le métalde la
statuedu
pape
Jules
I
(sculp-
tée
par
Michel-Ange )
qu'il
avait
prise
à
Bologne.
La
standardisa-
tion
des calibres se fit
attendre,
i on
pense que
dans
l'Empire
de
Charles-Quint
50
types
différents xistaient
encore
et
que
vers
1550 Henri II réduisitofficiellement six les calibres des armes
françaises.
Mais
quelle
était
l'efficacité éelle de
cette
première
rtillerie
feu dans les
sièges
?
Il
n'est
pas
facile de donnerune
réponse précise
car les
chroniques
ont
avares de
détails,
mais
l'impressiongénérale
reste
ue
-
sauf
usage
massif t obstiné
l'efficacité estait
sycho-
logique,
même si les armes
à
poudre
représentaient
n
progrès
nota-
ble
par rapport
aux anciennes armes de
jet
et de
sape.
Ce sont
probablement
es sources
iconographiques ui
donnent
les indications es
plus
intéressantesur les
prestations
es
premières
armes à
feu. Les
miniatures
t les
peintures
eprésentant
es
sièges
montrentue l'artillerie, cause de sa faibleportée,devait êtrepla-
cée
très
près
des murs abattre.Cela est confirmé
ar
B. Lorini
ingé-
nieur
militaire,
lorence 1540 ?-
Venise
1611
?), qui
conseillait,
dans
Le
fortificazioni1609),
de
rapprocher
e
plus
possible
l'artillerie
u
mur
dans
lequel
on voulait
ouvrirune
brèche,
c'est-à-dire e la
pla-
cer au bord du
fossé,
malgré
les
risques que
comportait
une
telle
opération.
Un
exemple
très
ntéressant,
la limitedu
paradoxe,
est la des-
cription
détaillée
(comportant
des
documents
photographiques),
de
l'artillerie talienne
'efforçant
e franchir a
brèche de la
Porta Pia
à Rome en
1870
800
coups
furent irés
pour
en
provoquer
'écrou-
lement.L'artillerie talienne ut s'approcher usqu'à 500mètres t, le
tir
par pièce
s avérant
inefficace,
ut
mettre n
place
une batterie.
Le
mur
s'écroula enfin à
la
huitième
décharge.
Si en
plein
XIXe
iè-
cle un mur
d'environ un
mètre t demi
d'épaisseur présentait
n tel
obstacle,
on
peut imaginer
es
difficultés
encontrées
ar
l'artillerie
des
XIVe
et
XVe
iècles,
dont
l'efficacité tait nettement
nférieure.
Considérons
à
présent
un
événement
mportant
our
notre
his-
toire
l'expédition
talienne e Charles VIII.
L'historiographie géné-
ralement
xpliqué
a facilité e la
conquête
et
son influence
ur l'évo-
lution de la
construction éfensive
ar
les
extraordinaires
erforman-
ces de l'artillerie rançaise.À mon avis on surestime'impactdes nou-velles
techniques pportées par
les
Français,
en oubliant
que
le suc-
cès
de
l'entreprise rocédait
aussi de l'extrême
détermination vec
laquelle
elle avait été conduite.
Le
caractère
grandiose
des
objectifs
qui poussèrent
harles
VIII
à envahir
'Italie
(sans parler
de la
reven-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 119/164
DU CHÂTEAU-FORT
LA
FORTERESSE
115
dication
de ses droits u trônede
Naples
et du rêve de la
reconquête
de Jérusalem
t de
l'Empire
ď
Orient)
était
complètement
tranger
la
conception politique
des États italiens
qui,
habitués à de
petites
guerres
t à des
changements
modestes,
étaient surtout
oucieux de
sauvegarder
équilibre
olitique
xistant. a
péninsule
utmoins bou-
leversée
par
les
moyens techniquesque par
les méthodes
politiques
du
souverain
français.
L'affrontementntreCharles
VIII
et
les États
italiensne fut
pas pour
l'essentiel
un conflit ntredeux
types
d'artil-
lerie
plus
ou moins efficacesmais
un conflit
entre deux mentalités
militaires t surtout ntre deux visions
politiques
différentes.
En réalité, e roi français nvestit a péninsule vec un nombre
de
pièces plutôt
restreint
36 pièces
lourdes,
une centainede
couleu-
vrines
t une bonne
quantité
de
pièces
d'artillerie
égère),qu'il
n'eut
même
pas
souvent 'occasion d'utiliser.
Après
la
prise
de Fivizzano
et la mise
à mortde toute a
garnison,
es
opérations
de
siège
furent
rares,
puisque
Florence,
après
la
perte
de
Fivizzano,
céda aux
Fran-
çais
sans
combattoutes es
places
fortes
ittorales. e succès de
Charles
VIII ne tint
pas
à l'extraordinaire fficacité e l'artillerie
rançaise
mais à
la terreur
ngendrée ar
l'impitoyabletyle
e combatdes Fran-
çais
auquel
les Italiensn'étaient
as
habitués.Guicciardini e confirme
dans son
commentaire ur
la
prise
de
Fivizzano :
«
... une
nouveauté
qui terrifia'Italie, depuislongtemps abituée voir des guerres lus
spectaculaires
ar
leur
style
et
leur luxe
que
dangereuses
t
sangui-
naires.
»
Jusque-là
a
capitulation
'une ville
pouvait
certes ntraîner
son
saccage
et le
paiement
pour
le rachat des
prisonniers,
mais
l'idée
d'une lutte
à mort n'était même
pas prise
en
considération
ar on
«
laissait
toujours
a vie sauve
aux hommes
ui
n'avaient
pas
été tués
dans
l'ardeur
du combat ».
En
réalité,
es transformations
e l'architecturemilitaire
n
Ita-
lie ne sont
pas
une
réponse
l'introduction
e
nouvelles rmes trans-
alpines,
car
elles avaient
commencé,
omme
nous
allons
le
voir,
bien
des années
avant l'invasion
française
t
elles étaient
a
conséquencede changementsurvenus vant cet épisode belliqueux.Les armes à
feu eurent n
effetune influence
écisive sur
la conduite des
opéra-
tions
de
siège
dès le milieu du
XVe
iècle,
et surtout
e
canon fut de
plus
en
plus
utilisé
dans les
sièges
et
commença
à
remplacer
es vieil-
les armes
de
jet.
Une architecture
e
transition
le fort ou rocca
L'emploi
des
bouches à feu amena
donc de notables
hangements
dans l'architecture
ilitaire
les
mursdurent
tre
onsolidés
t
les
lieux
fortifiésurentménagés pour permettrene utilisation éfensive e
l'artillerie.Ainsi les murs
devinrent
lus épais
et leur base fut ren-
forcée
d'une solide
escarpe pour
en
augmenter
a
résistance
t la
sta-
bilité,
et
pour
présenter
ne
face
fuyante
ux
projectilesprovenant
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 120/164
116
RICCARDO UISI
de
r
artillerie
'attaque.
Ce
plan
incliné e terminait
ar
une
moulure
appelée
cordon
d'escarpe qui
le
démarquait
du
mur,
ce dernier tant
désormais
oujours
couronné
du hourd
parapet,
merlons,
onsole et
mâchicoulis).
Les
plans
de
ce nouveau
type
de fortification
résen-
taient des bastillons
ronds de
grand
diamètre,
de même hauteur
que
les courtines t faisant
aillie sur l'enceinte.Une autre
caractéristique
du fort était sa
fonction trictement
ilitaire,
t non résidentielle
elle n'abritait
ue
la
garnison
t le châtelain
esponsable
e la
défense.
S'il
est
vrai
que
le terme
de
rocca
déjà
utilisé
par
les
contempo-
rains,
pouvait
prêter
confusion
t être
appliqué plutôt
u
site
qu'au
typed'architecture« rocca-roccia , en italien lieu élevé G. Busca,
L'architetturamilitare
Milan,
1619),
aujourd'hui
il
fait
partie
de
la
terminologie
istorique
de
l'architecture
militaire t
désigne
un édi-
fice fortifié
ossédant
les
caractéristiques ue
nous avons mention-
nées. Cette architecture
orrespond
une
période
historiqueprécise
-
la
seconde moitié
du
XVe
iècle. La Rocca
Pia à Tivoli
(1461)
est
probablement,
vec le
fortde
Brancaleone
à
Ravenne
1456-1467)
et
celui
d'Imola
(1473),
parmi
es
premiers
xemples
de
ce
type
d'archi-
tecture
ui présente
a
première
éritable
iposte
de l'architecture
ili-
taire aux
nouvelles
rmes
à
feu.
Il
s'agit
d'une
architecture e transi-
tion,
peu
novatrice t
qui s'appuyait argement
ur
des
principes
éfen-
sifsmédiévaux, out en les développant t en les portant leurplus
haut niveau de
perfection.
'utilisation
de
solutions traditionnelles
pour parer
au
danger
de l'artillerie
feu valut à cette
architecture
une
rapide
diffusion,
mais elle fut
urpassée
t
abandonnée tout
aussi
rapidement,
ans
l'espace
d'un
demi-siècle
Tivoli
en 1461 fut
l'un
des
premiers xemples
de rocca
;
Nettuno
en
1501 fut 'un
des
pre-
miers
exemples
de forteresse
astionnée).
L'artillerie ontinua
de se
développer
u
xvie
siècle et
désormais
toutes les villes
européennes
durent
faire face à cette
menace. Elles
étaient donc
contraintes e reconstruire
eurs
ouvrages
défensifs
u,
dans
la
majorité
des cas
et
pour
des raisons
d'économie,
de les re-
structurer. es vieilles oursde la périodecommunale,dont a hauteur
faisait la
force,
furent rasées au niveau
de l'enceinte
pour
éviter
qu'elles
ne
deviennent,
ans l'éventualité
malheureuse
'un
siège,
une
cible facile
pour
la
redoutable rtillerie.Ainsi
par exemple
Florence
en
1526,
à
Prato en
1528,
à Pise en
1511,
à
Monteriggioni
n
1526.
Très
vite,
on
s'aperçut
que
le hourd
était ui
aussi devenu
nutile
car
il
était
plus
facile
pour
les
assaillantsd'ouvrirdes
brèches l'aide
des canons
que
de tenter
a
dangereuse
scalade
des
murs. Les murs
en
maçonnerie,
rop rigides,
evaient onc êtrerenforcés
ar
des terre-
pleins,plus souples.
Les
ouvrages
défensifs n terre
ffraient
ne meil-
leure résistance la violence du canon ; l'épaisseur des terre-pleinsabsorbait es chocs
produits
par
des
projectiles
n
pierre
ou en
fer,
limitant insi
es
risques
d'écroulement.
n
même
temps
es
terre-pleins
offraient ux
défenseurs
'espace
nécessaire u maniement
es encom-
brantes
bouches à
feu.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 121/164
DU CHÂTEAU-FORT
LA FORTERESSE 117
Après
avoir résolu ces
problèmes
de stabilité t
de
résistance,
es
constructeurs
herchèrentes formes
géométriques
es
plus
adaptées
à
l'artillerie
e défense.
On ne
pouvait
évidemment
as
se fier à la
seule
défense
passive
s'il fallait
viter es
écroulements,
l
était aussi
important
e
tenir distance es assaillants
et de
prévenir
es
escala-
des.
Il
ne
suffisait
onc
pas
de se
protéger
u tir
ennemi,
l
fallait
en
plus
s'armer
soi-même
t mettre
es
nouvelles
echniques
u
profit
de la défense.
Les vieilles
tours,
par
leur forme
t
leurs
dimensions,
étaient
devenues
désormais
nadéquates
car on avait besoin
d'espaces
plus
vastes
pour
des
opérations
omme
e
chargement,
e
pointage
et
le tirdes enginsd'artillerie. e plus,commenous l'avons vu, les tours
rondes,
et
plus
encore es
carrées,
ne
permettaient
as
aux défenseurs
de contrôler
out
l'espace.
La
forteresse
t le
bastion
Un
nouvel élément
rchitectural,
e
bastion,
permit
de résoudre
ces
problèmes.
es
forteressese
Nettuno,
de
Sansepolcro
t
d'Arezzo
en furent
arnies
par
les frères
angallo
dès
le
début du
xvie
siècle.
Sans
reprendre
ci les
discussions ur
la
paternité
t les
origines
du
bastion,qui ontdéjà faitcoulerbeaucoup d'encre,arrêtons-nouseu-
lement sur
quelques
caractéristiques
aillantes.
Notons
en
premier
ieu
que
c'est
le
bastion
qui
définit
a forte-
resse.
l
remplaça
donc
l'ancienne
our,
peu adaptée,
nous l'avons
vu,
aux
nouveaux
types
d'armement.
Pour
protéger
es
murs contre
l'ouverture
es
brèches,
on avait
construit es
terre-pleins
la même
technique
fut
appliquée
aux
bastions,
qui
furent
ourvus
d'une che-
mise
en
maçonnerie le plus
souvent
n
briques)
dont
l'intérieur tait
rempli
de terre.
Ainsi les
projectiles
qui
l'atteignaient,
ui
étaient
encore de
simples
balles
de
pierre
ou de
fer
sans
charge
explosive,
s'enfonçaient
ans
provoquer
e
dégâts
dans
le
terre-plein,ui
en outre
offrait ne plate-formetablepour le maniement es affûts.Le bas-
tion avait
une
forme
n feuillede
lierre
onçue
pour
lui conférer n
excellent
rofil
balistique
il
se
présentait
omme a
proue
d'un navire
tournéedans
la direction
'où
étaitcensée venir
'attaque)
et en
même
tempspour
ouvrirun
champ plus
large
au tir
des
défenseurs.
omme
nous
pouvons
le
voir sur la
fig.
3,
les canons dits
«
traîtres
,
que
les assaillants
ne
voyaient
u'au
dernier
moment
uisqu'ils
étaient
pla-
cés
dans
les
flancs
du
bastion,
pouvaient
couvrir
par
leur tir
soit la
courtine,
oit
le bastion voisin.
Nous
retrouvons
ci,
modernisé t
adapté
aux nouveaux
systèmes
d'armement,e mêmeprincipede défenseréciproque t d'interdépen-dance
appliqué
auparavant
aux tours du château-fort. es distances
n'étaient
plus
calculées
en fonction e la
portée
de
la
flèche
d'un
arc
ou
du
vireton
'une
arbalète,
mais
en fonction
e la
portée
du tir de
la
couleuvrine,
e
respingale
u du canon
placé
dans le flancdu bastion.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 122/164
118
RICCARDO UISI
La forteresse
tait ainsi
adaptée
au
potentiel
de
l'artillerie,
ui-
vant
un module
-
bastion-courtine-bastion dont les dimensions
étaient
alculées
en fonction
e la
portée
du tir
des canons.
En
théo-
rie,
ce module
de forme
polygonale
pouvait
comporter
un nombre
variable
de
faces,
suivant
es dimensions ntérieures
u'on
voulait ui
donner.
Mais
il
est évident
ue
les
ingénieurs
militaires evaient ran-
siger
avec la réalité
préexistante.
u
contraire,
es
plans
de forteres-
ses
comportant
ingt
t un
bastions comme celui
proposé par Alghisi
(Alghisi
Galasso
da
Carpi,
Delle
Fortificazioni
Venise,
1570)
restaient
à l'état
de
projet
et
n'ont
jamais
été
réalisés.
Le coût élevé des travaux ncitait ien souvent transformeres
fortifications
éjà
existantes
our
les
adapter
aux
nouvelles
exigences
plutôtqu'à engager
des constructionsntièrementouvelles.Par
souci
d'économie,
on se contentait
arfoisd'ajouter
des
ouvrages
à l'exté-
rieur
de la vieille enceinte
médiévale
il
s'agissait
alors
d'une archi-
tecture
n
terre,
mprovisée
u momentdu
danger
selon les
principes
des
fortifications
ontemporaines
e
campagne.
De ce
type
de fortifi-
cation
il ne
reste
pratiquement
ucune trace.
De
grandes
illes omme Rome
et
Florencene furent
amais
pour-
vues
d'un
système
astionné
omplet.
À
Rome,
après
le traumatisme
du
sac,
on
projeta
de construire
ne enceinte ncerclant
a
ville
entière
et comprenant ix-huit astions. Mais l'idée futabandonnée en 1542
lorsqu'on
s'aperçut que
le
coût
d'un seul bastion s'élevait à
44 000
ducats
(G.
Parcker,
La
rivoluzione
militare
Bologne,
1990,
p.
26).
À
Florence,
après
le
grand siège
de
1530,
on eut
recours
à
un autre
principe
de défense
la
construction ux
points
sensibles
de
deux
places
fortes,
a
forteresse
e San
Giovanni,
appelée
communé-
ment
d'en bas
»
(Fortezza
da
Basso),
et le fortBelvédère.
Ces
deux
points tratégiques ermettaient
e contrôle t la surveillance es enne-
mis
venus de l'extérieur
omme des ennemisde l'intérieur. es nou-
velles forteresses
taient solidaires des anciens
murs de
l'enceinte
médiévale,
dont les tours
furent rasées.
À Lucques, en revanche, n miten chantier ès 1544 les gigan-
tesques
travaux de construction
des nouvelles
fortifications
10
bastions, ,2
kilomètres
e
mursd'une
hauteur e
12
mètres t ren-
forcés
de
terre-pleins
ui
ne furent erminés
ue
cent ans
plus
tard,
en 1650.
Ces
œuvres colossales s'avéraientutiles
puisqu'elles
condui-
saientà des
changements
adicauxdans la
stratégie
es
sièges.
L'équi-
pement
raditionnel
ui
au
Moyen Âge permettait
'approche
des
murs,
comme es toursd'assaut
et les abris
en
bois sur roues
yinee
t
chats)
étaitdevenu
désormais
nopérant,
ar
beaucoup trop fragile
our
résis-
ter
au
tir de l'artillerie
provenant
de la forteresse.
es
agresseurs
étaient présent ontraints 'avancer avec d'infiniesprécautions, ncreusantde
larges
tranchées n
zig-zag pour permettre
ux
troupes
et aux
engins
de
guerre
de
s'approcher
des murs aussi
près que pos-
sible,
afin d'effectuer
es tirs
rapprochés
et de donner l'assaut à
l'ouvertured'une brèche.
Ainsi,
paradoxalement,
a même artillerie
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 123/164
DU CHÂTEAU-FORT
LA
FORTERESSE
119
à
feu,
qui
au milieu du
XVe
iècle semblait avoir
triomphé
de
tous
les
systèmes
e
défense,
ontribuait
présent, ar
son installation
ur
tous les
glacis
des
forteresses,
rendre
es
opérations
de
siège
encore
plus longues
et
plus complexes qu'avant
l'invention
du canon.
Jusqu'ici
nous avons traitédes fortifications'un
point
de vue
strictementrchitectural t
militaire,
n laissant
de côté l'influence
qu'elles pouvaient
voir
sur
la
vie
quotidienne
de la ville.
Mais
il
est
évident
que
les
habitantsde la ville ne
pouvaient
pas
rester
ndiffé-
rents ux murs
qui
les
entouraient,
t
qu'ils
les
considéraient,
elon
les
circonstances,
omme un élément
positif
ou
au contraire omme
une contrainte t un poids ; par exemple,s'il est vrai que la cons-
truction e nouvellesfortificationstait
onéreuse,
l
est aussi vrai
que
dans les
périodes
de crise
économique
les
gouvernements
rouvaient
dans ces
grands
chantiers
ne
solution au désœuvrement
es masses
démunies
qui
affluaient
peu près
dans tous les
centres urbains.
D'autre
part
si
l'enceintedonnaitaux
habitants
n
sentiment e
sécu-
rité et
de
protection,
urtout a
nuit,
en même
temps
elle limitait
es
espaces
urbains,
faisantmonter es valeurs
mmobilières
t
défavori-
sant ainsi les
citadins es
plus
modestes,
ui
étaient ontraints e
vivre
dans des
espaces
domestiques xigus.
Souvent en
temps
de
paix,
les
terre-pleins
es
murs et
les fossés
quand
ils étaientà
sec)
servaient
de jardins potagers t de pâturages, t on y faisait ourammentécher
le
linge.
Pendant es
fêtes,
es fortifications
evenaient
même des lieux
de divertissement
on
y
allumait es
feux,
on tirait
es salves de
coups
de canon et
on
faisait
flotter es
étendards
t
des bannières.La vie
quotidienne
contribuait insi
à faire oublier
que
les bastions et
les
courtines taient
un
symbole
de
peur
et de
danger
et
qu'en
temps
de
guerre
es
hommes
y
laissaient
a
vie,
et
parfois
ussi les
femmes,
ar
un
siège
mettait n
péril
a
population
tout
entière ans distinction.
L'adoption
de la fortificationastionnéeet la
complexité
de sa
réalisation
conduisirent
changer
radicalement e
rôle de
«
l'ingé-
nieur militaire.
usqu'au
XVIe
iècle en effet
l
n'existait
as
de
véri-
table spécialiste n ce domaine le travail étaitgénéralementonfié
à des
personnes
ui
avaient
des
compétences
t
des
expériences
mul-
tiples
et
pouvaient
travailler
ndifféremment
une
église
ou
à une
muraille. Des
artistes ussi illustres
u'Arnolfo
di
Cambio,
Giotto,
Andrea
Pisano et
Orcagna
furent
ussi
chargés
de travaux d'archi-
tecture
militaire.Même
pendant
es
opérations
e
siège
on
faisait
ppel
à
des
peintres, culpteurs
t architectes
our
trouver es
solutions
ux
points
faibles
de la
défense
t
pour
organiser
echniquement
es
opé-
rations
d'attaque.
Brunelleschi e
vit
confier a construction 'ouvra-
ges
défensifs
Vicopisano
et à
Staggia
Senese et
en 1430 l
fut
ppelé
au siègede Lucques avec Donatello et Michelozzopour y trouver nesolution à l'inefficacité es assauts florentins. e
grand
artiste
ug-
géra,
semble-t-il,
e dévier e cours du Serchio afin
d'inonder a ville
pour
contraindrees habitants se rendre.Ces travaux
pharaoniques
furent ffectivement
ntrepris,
mais
le
résultatne
répondit
pas
aux
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 124/164
120
RICCARDO UISI
espérances,
ar l'effondrement
'une
digue
causa certesune inonda-
tion,
mais
pas
celle de
la ville. Ce fut e
camp
florentin
ui
se trouva
inondé et les Florentins
urent bandonner
'entreprise.
'ironie des
Florentins
n'épargna pas
le
grand
homme,
et dans les
rues
de Flo-
rence les enfants hantèrent es ritournelles
moqueuses
sur cet
épi-
sode malheureux.
La
liste des
grands
rtistes
ui
ont
travaillé
ans
le domaine mili-
taire
comprend
ous les
noms
éminents
e la
Renaissance talienne
Francesco
di
Giorgio
Martini,Bramante,
es
Sangallo,
Peruzzi,
Sam-
micheli,
Michel-Ange,
tc. On
ne
cessa de faire
appel
à ces
artistes
multiformesu'au momentoù la complexité oujourscroissantedes
nouvelles
echniques
éfensives
endit
nécessaireune
spécialisation
n
matière
d'architecture
militaire.
Dans ce domaine
aussi,
les
Italiens se révélèrent es
maîtres,
t
ils furent rèsdemandés
l'étranger
des
spécialistes
omme De Mar-
chi, Floriáni, Theti,
Lorini,
travaillèrent
n
peu partout
en
Europe,
de l'Écosse
jusqu'à
l'île de
Chypre.
En
même
temps
que
la
spéciali-
sation,
apparurent
es
traitésd'architecture
militaire.On
passa
donc
du
simple
carnet où l'on
notait ses
observations ur
n'importequoi
(tels
les recueilsde
Léonard)
à l'étude
approfondie
t
spécifique
de
l'art
des
fortifications,
ui
en
analysait
es
éléments vec
la
préten-
tion d'en faireune véritable cience. Le plus souventdans ces traités
on décrivait es formes t les dimensions u modèle idéal
-
bastion-
courtine-bastion.
Chaque
auteur en
proposait
invariablement
un
modèle
personnel
différent
e tous
les
autres,
ne fût-ce
ue par
un
infime étail. Aussi
tard
qu'en
1722,
J. D.
Durange
publiait
un traité
présentant
18
systèmes
e
fortification,
ous différentst
proposés
par plusieurs
uteurs,
es
critiquant
ous
plus
ou
moins,
et
proposant
à
son
tour
son
propre
modèle,
e
cent-dix-neuvième.'autres ouvra-
ges
traitaient es
sujets
tels
que
le choix et la
disposition
de l'artille-
rie
dans les
différents
oints
de la
forteresse,
a
position
des
portes,
la
largeur
du
fossé,
'endroit déal
pour
stocker
es réserves e
pou-dre et de munitions. 'autres encoredonnaient es conseilspourorga-
niser es différentes
quipes
de
maçons
et de
charpentiers,
alculer es
délais de
construction,
n
somme
pour
régler
out
ce
qui
pouvait
être
utile
à l'améliorationde la défense n cas de
siège.
Tous ces travaux
étaient
ecueillis n de véritablesmanuels
qui
eurent ouventun
grand
succès éditorial certains
furentmême
réimprimés plusieursrepri-
ses et traduits n
plusieurs angues.
Ainsi l'idée de la
fortification
astionnée onnut une
rapide
dif-
fusion
partout
dans
l'Europe guerrière
e ce
temps,
et les rois et les
princes, ui
étaient
es
premiers
ntéressés,
ivalisaient
'efforts
our
se procureres publications pécialisées t les servicesdes techniciens.Avec le
temps pourtant
es Italiens
perdirent
eur
suprématie
ans ce
domaine,
et le
XVIIe
iècle
vit naître
d'autres
écoles,
comme
celles des
Hollandais,
des
Allemands et des
Français.
Mais au fond
es différences
ntre
es écoles ne tenaient
u'à
des
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 125/164
DU
CHÂTEAU-FORT LA
FORTERESSE 121
détails elles suivaient
oujours
es
«
traces taliennes
,
et
plutôtque
d'inventer,
lles cherchaient
perfectionner
u à
adapter
les techni-
ques
existantes des
conditions
particulières
e
terrain.Les Hollan-
dais,
par exemple,
devaient enir
ompte
d'une
nappe phréatique
rès
haute,
et creuser des fossés
peu profonds
et
très
larges
d'où
ils
extrayaient
a
terre
pour
la construction es
terre-pleins.
e
perfec-
tionnement u
système
astionné
onsistait urtout
ajouter,
n
avant-
corps
des bastions
et des
courtines,
des
ouvrages
défensifs
estinés
à
multiplier
es obstacles
devant
'agresseur.
es circuits
éfensifs eve-
naient insi des lacis
compliqués
de
tranchées,
e
terre-pleins,
e
fos-
sés (comportant des ouvrages tels que bonnet-de-prêtre, ueue
d'aronde,
demi-lune, enaille, avalier,
etc.), qui
contribuaient élar-
gir
et
à renforceres défenses
xtérieures,
t à
présenter
n
barrage
protecteur
ux
éventuelles
anonnades
dirigées
vers l'intérieur e la
forteresse.
e cette
façon
le
système
astionné s'est
maintenu,
ans
changements
otables,
usqu'au
début
du
XIXe
iècle,
quand
le
per-
fectionnement
e l'artillerie e renditenfin
nopérant.
Traduit de l'italien
par
Lada
Hordynsky-Caillat
t
Odile Redon
BIBLIOGRAPHIE
I
castelli
ouvrage
collectif,
Novare,
1978.
Storia
dell'artiglieria
ouvrage
collectif,Milan,
1971.
A. Cassi
Ramelli,
Dalle
caverne
i
rifugi
lindati 30 secoli di
archi-
tettura
militare
Milan,
1964.
A.
Cassi
Ramelli,
«
Evoluzione dell'architettura ortificata
,
dans
Castelli
e
fortificazioni
Milan,
1974.
C.M.
Cipolla,
Vele
e Cannoni
Bologne,
1983.
A.
Fara,
Il
sistema
e la città
Gênes,
1989.
I.
Hogg,
Storia
delle
fortificazioni
Novare,
1982.
L.A. Maggiorotti, « Architetti taliani», dans Genio italiano
all'estero
Rome,
1933.
M.
Mallett,
Signori
e mercenari La
guerra
nell'Italia del Rinasci-
mento
Bologne,
1983.
L.
MontO,
Storia
dell'artiglieria
taliana
Rome,
1938.
S.
Pepper,
N.
Adams,
Firearms nd
FortificationsChicago,
1986.
C.
Perogalli,
Rocche et
forti
medicei
Milan,
1980.
E.
Rocchi,
Le
fonti
storiche
della architettura ilitare
Rome,
1908.
G.
Severini,
Architetture
ilitari i
Giuliano
da
Sangallo
Pise,
1970.
G.M.
Tabarelli,
Castelli rocche mura d'Italia Busto
Arsizio,
1983.
D. Taddei, L'opera di Giuliano da Sangallo nellafortezzadi Sanse-polcroe l'architettura ilitare elperiododi transitoCittàdi Cas-
tello,
1977.
E.
Viollet
le
Duc,
Histoire
d'une
forteresse
Paris,
réimpression
1978.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 126/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
123-136
Nora
BEREND
LA
SUBVERSION
INVISIBLE :
LA DISPARITION DE L'OBLATION IRRÉVOCABLE
DES ENFANTS DANS
LE
DROIT CANON
Plusieurs ivreset articlesont été consacrés au thème de l'obla-
tion
des
enfants u
Moyen
Âge1
mais
la
question
de la
disparition
de cette
pratique
reste
peu
étudiée. L'oblation
(du
mot latin
offero
signifiant
offrir
,
dont e
participe assé
est oblatus
«
offert
)
est
une institution ruciale du monachismedu Haut MoyenÂge. Dès leIVe
iècle,
les
parents
avaient le droit d'offrir eurs enfants
garçons
et
filles)
aux monastères
our qu'ils y
deviennent
moines
et
monia-
les.
Le recrutementes monastères
épendait
n
grande
partie
de ces
enfants
fferts,
es oblats. Dès le
VIIe
iècle,
e droit
canon et les com-
mentaires ur
la
Règle
de
saint
Benoît
stipulaient ue
l'enfant,
une
fois
offert
ar
ses
parents,
n'avait
pas
le
droit
de
quitter
e monas-
tère s'il le
quittait,
l
pouvait
y
être ramené de force2.
À
l'époque
1. Pour
a
bibliographie,
oir
.
Boswell,
heKindness
fStrangers
The
Aban-
donment
f
Children
n Western
uroperom
ate
Antiquity
o
theRenaissance
New
York, antheon,988 P. Quinn, etterhanhe ons f KingsBoys ndMonks
in the
arly
Middle
gesy
ew
York,
eter
ang,
989
M.
Lahaye-Geusen,
as
Opfer
er
KinderEin
Beitrag
ur
Liturgie-
nd
ozialgeschichte
es
Monchtumsm
Hohen
Mittelalter
Altenberge,
ros
Verlag,
991.
2.
II
existe
ne
ontroverse
armi
esmédiévistes
ur
'irrévocabilitée 'oblation
avante
vnc
iècle,
otammentans a
Règle
e saint
enoît.
oir
J.R.
Riepenhoff,
Zur
Frage
es
Ursprungs
es
Verbindlichkeit
es
Oblateninstituts
Münster,939,
t
A.
Lentini,
Note ull'oblazioneeifanciulliella
egola
i
S.
Benedetto
,
Studia
Anselmiana
18-19, 947,
p.
195-225.
n
général
es
étudesur
'oblationdmettent
F
rrévocabilitéès
aint
enoît,
u même
vant,
aise
premier
exte
anoniquexplicite
qui
ie 'enfant
ffertormellement
t
pour
a
vie
ntièrela vie
monastique
stun
canon u concile
e Tolède
V
633)
J.
Vives,
d.,
Concilios
isigóticos
Hispano-
RomanoSy
arcelonat
Madrid,963,
.
208,
.
49).
Sur
es
ommentairese a
Règle
de saint enoît,oiresœuvreseM. deJongKind nkloosternde Vroege id-deleeuwenAmsterdam,istorischeminariumande UniversiteitanAmsterdam,
1986
«
In Samuel's
mage
Child
blation
nd he
Rule f
St
Benedict
n
the
arly
Middle
ges
600-900)
,
Regulae
enedictitudia. nnuarium
nternationale,6, 987,
pp.
69-79
«
Growingp
n
CarolingianonasteryMagister
ildemarndhis
Obla-
tes
,
Journal
f
Medieval
istory
9/2,1983,
p.
99-128.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 127/164
124
NORA
BEREND
carolingienne,
ette rrévocabilité
e l'oblation fut
remise n
question.
Utilisantune tendance
égale opposée
aux
entrées
monastiques
for-
cées
et,
peut-être
aussi,
l'exigence,
instituée
en 817
par
Benoît
d'Aniane,
de la ratification
par
l'enfant
lui-même de
l'oblation
parentale3,
ertains
'élevèrent
ontre
'oblation irrévocable.Un cas
notable est celui de Gottschalk
devenu
célèbre
par
la
suite
pour
son
rôle dans la controverse
ur la
prédestination).
blat
à
l'abbaye
de
Fulda,
il
a tenté
de
revendiquer
a liberté. Son
abbé,
Raban
Maur,
fut
son
ennemi
farouche dans son
traité,
e Liber de
oblatione
(v.
829),
celui-ci
relia étroitement'existencede l'oblation
irrévocable
et l'existencemême du monachisme.Après une décision conciliaire
initiale
en
faveur de
Gottschalk,
Raban
Maur
emporta
a
victoire4.
Ces efforts n faveur
de la libertédes oblats ne
furent
as
durables.
Les conciles
carolingiens,
es
coutumiers
monastiques
t les
canonis-
tes des siècles suivants
ont confirmé e caractère
irrévocable de
l'offrande
parentale5.
Les oblats étaient
obligés
de rester u
monas-
tère
usqu'à
leur mort.
Afin de
suivre es
étapes
qui
marquèrent
a
disparition
e ce
rigo-
risme,
e
voudrais ci
analyser
e
témoignage
es textes e droitcanon
concernant a
disparition
de l'oblation
irrévocable du milieu du
XIIe
iècle au milieu du
XIIIe
iècle.
Les
sources utilisées eront
prin-
cipalement e Décret de Gratien v. 1140) et les commentaires u'en
firent es
canonistes.
Ces textes furent
omposés
à
une
époque
où l'oblation
n'était
déjà plus
florissante.
a
plupart
des érudits 'accordent
sur
la
chro-
nologie
du déclin de
l'oblation.
Certainsnouveaux ordresont formel-
lement refusé d'admettredes oblats dans
leurs
rangs,
comme
par
exemple
les
Cisterciens,
les Chartreux et les
Templiers
aux
xie-xiie
iècles6.
Et,
bien
que
l'offrande
des enfants la vie
monas-
3.
MGH,
Capitularia
I,
p.
346,
Capitulare
onasticumc. 36.
4. K.
Vielhaber,
ottschalk
er achse
Bonn,
956.
oswell,
e
Jong
t
Quinn
traitentous ucas de Gottschalkans eursravauxur oblationcf.note ).Édi-
tiondes
conciles
t des ettres
MGH,
Concilia
II,
pp.
601-605,
GH,
Epp.
V,
pp.
529-530t
MGH,
Concilia
III,
pp.
181-184.
e Liber e
Oblationeuerorumans
la
Patrologia
atina
PL),
Paris, 852,
.
107,
ol.419-440.
5.
Conciles
Worms
868)
.
22
et
23,
éd.
J. D.
Mansi,
acrorumonciliorum
nova
t
mplissima
ollectio
Paris,
902
lre
d.
1759-1798),
ol.
15,
ol.873 Tribur
(895)
.
16,Mansi,
p.
cit.,
ol.
18A,
ol. 164
Collections
anoniques
G.
Fransen
-
T.
Kölzer, d.,
BurchardonWorms
Decretorumibri
X
Aalen,
cientia er-
lag,
1992,
repr.
e
l'édition
e
1548) c. 1012),
.
1, 6, 97,
99, 100,
ol.
4v-l
5,
123V-124
Yvesde
Chartres,
ecretum
c. 1094),
.
15,26, 27, 30,
109,
17,
18,
PL
t.
161,
ol.
548,
51-553,69,
71
Coutumiers
onastiquespar
xemple
iber
TramitiseviOdilonis
b at
s,
éd.
P.
D
nter,
iegburg,
.
Schmitt,
980
Corpus
Consuetudinum
onasticarum
0), p.
227-228
Decreta
anf
anciMonachi antua-
riensibusransmissaéd. D. Knowles,iegburg,. Schmitt,967 CCM3), p.90.6. Cesordrese refusaientas 'oblationn tant u'institutionais lsétaient
opposés
la
présence
'enfants
l'intérieure eurs
monastères.
ls
rguaient
esdésor-
dres
ausés
ar
a
présence
'enfants,
u
de
'impossibilitéour
es nfantse
suivre
leur
orme
e vie
il
n'était ullement
uestionour
ux
de a libertée choix
our
les oblats.
.M.
Figueras,
e
Impedimentis
dmissionisn
Religionemsque
d
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 128/164
LA
SUBVERSIONNVISIBLE
125
tique
existât ncore
pendant
es
xiie-xme
iècles,
et
peut-être
ien au-
delà7,
le nombre
des oblats décrût
dès
le
milieu du
XIIe
iècle8. Il
serait ntéressant e chercher
détermineres
relationsde
causalité
entre es transformations
ociales
et
celles
du droit
canon
pour appré-
cier à
sa
juste
valeur
l'influencedu
droit sur la vie
des
oblats. Les
causes de la
disparition
e l'oblation
sont
multiples,
t
autant
écono-
miques que
sociales et
religieuses9.
ans des
études
régionalespréci-
ses
sur
les
fluctuations
u
nombredes
oblats,
l
est
impossible
'écrire
l'histoire
exacte de
la
fin
de
1'
blation. Je
me
contenterai
donc
d'observer,
comment
dans
le droit
canon
l'obligation
créée
par
l'offrande arentale 'est transforméen un librechoixpourles oblats
(parvenus
à
un
certain
ge)
entre a
vie
monastique
et
le
retourau
monde.
Dans la littératureur
l'oblation,
le rôle
décisif
dans
la
dispari-
tion
canonique
de l'oblation
irrévocable st
attribué oit à
Gratien
(v. 1140)
10
soit
à un
des deux
papes
:
Clément
III
(1187-1191)
ou
Célestin
III
(1191-1 98)
u.
Alors
qu'ils
se sont
attardés sur les fac-
Decretum
ratiani
Montserrat,957,
p.
84-85 J.
Lynch,
The
Cisterciansnd
Underage
ovices
,
Cîteaux,
ommentarliistercienses
24/3-4,
973,
p.
283-297.
7. Par
xemple
.
Berlière,
e
Recrutementans es
monastères
énédictins
ux
xme tXIV iècles, cadémieoyale eBelgique,lasse esLettrest desSciencesMoralestPolitiques.émoires,ol.18.6, ruxelles,924 J.H.Lynch,imoniacal
Entry
nto
eligiousife rom
000 o
1260,
olumbus,
hio tate
niversity
ress,
1976,
p.
42,
49 P.
L'Hermite-Leclercq,
e
monachisme
éminin
ans a
société
de son
emps
le
monastèree La
Celle,
aris, 989,
.
213. ur
'existence
ontinue
de l'oblation
surtoutour
es
filles)
usqu'au
ébut e
l'âge
moderneJ.N.
eidl,
Die Gott-
erlobung
on
Kindern
n
Mönchs-nd
Nonnen-Klösternder
e Pueris
bla-
tis,
assau, 871,
p.
89-99 M. .
Deroux,
Les
origines
e
'oblatureénédictine
,
Revue
Mabillon
pp.
108-111
Ph.
Schmitz,
istoiree l'ordre
e
saint-Benoît,
es
Éditionse
Maredsous,
948-1956,
.
7,
pp.
102-103,
49-250R.
Metz,
L'entrée
desmineurs
ans
a vie
religieuse
,
Studia
ratiana
20, 1976,
p.
187-200,
.
200
Boswell,
p.
cit.,
p.
319-321.
8. L.J.
Daly,
Benedictine
onasticism
Its
Formationnd
Developmenthrough
the 2th
entury
New
York,
heed nd
Ward, 965,
p.
210-211
Boswell,
p.
cit.,
pp.313-314Lynch,p. cit., p.36-50 (surtout.43,charteuireflètee déclin
numérique
ans
uelques onastères)
J.
Orlandis,
Notas obrea
oblatio
ue-
rorum n
os
iglos
i
y
xii
,
Anuario
e
Historiael
Derecho
spañol
31,
Madrid,
1961,
p.
163-173,
p.
163-164.
9. Faute 'étude
récise
ur
ette
uestion,
oir
oswell,
p.
cit.
Lynch,
imo-
niacal,
p.
cit. t
Monasticecruitementn
the th nd
12th enturies
Some
ocial
and
Economiconsiderations
,
Americanenedictineeview
26,
1975,
p.
425-447
Deroux,
p.
cit.
Orlandis,
p.
cit.,
tilise eschartes
'oblation
our
émontrer
qu'aux
XIe
t
xiie
iècles n
Espagne,
'oblation
evient
épendante
e la
volonté
e
l'enfantn même
emps u'elle
evientn
privilège.
our
d'autres
as des XIe
t
xiie
ièclesù la volontée
'oblat
éterminea validitée
'oblation,
oir
oswell,
op.
cit.,
p.
316-317,
ais
oir
ynch,
imoniacal
pp.
40-41
ur a
pression
xercée
sur
'oblat
our u'il
reste
u monastère.
10.Metz,op.cit.,p. 196.Cet uteurppose l'ancienigorisme(l'oblationirrévocable)t 'attitudelus ibéralee Gratien.
11.
Seidl,
op.
cit.,
pp.
84-88 de
Jong,Kind,
.
198
Orlandis,
p.
cit.,
p.
173
Boswell,
p.
cit.,
p.
313
Deroux,
p.
cit.,
p.
100
C.M.
Figueras,
p.
cit.,
p.
87 L.
Thomassinus,
êtus t
Nova
Ecclesiae
isciplina, ayence,787,
p.
438
Leccisotti,
p.
cit.,
pp.
19-20.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 129/164
126
NORA
BEREND
teurs sociaux
qui
ont entraîné ette
mutation,
es éruditsn'ont
pas
consacré
e même ntérêt
ux
changementségaux.
La
naissance,
dans
le droit
canon,
d'une
attitude
plus
libérale,
donnant e libre choix à
l'oblat,
est
perçue
comme
e résultat
'un
acte
précis,
entraînant ne
coupure
radicale avec
le
passé.
La
fin
de
1'
blation
rrévocable erait
liée à
une
seule
personne,
une seule
décision,
comme
s'il
s'agissait
de son abolition
pure
et
simple.
Je me
propose
de
montrer
ue
les
textes
e droit
anon traitant e
cette
uestionprésententlus
de com-
plexité
u'il n'y paraît.
L'étude
de
ces textes
égaux permettra
n outre
de réfléchir ur
une des
modalitésde transformation e la tradition
textuelle n droitcanon. Au lieu de voir ce changement ommeune
révolution
u une subversion
e
l'ordre
existant,
omme un acte ou
une décision
déterminante,
l est
possible
d'avancer a thèsed'un chan-
gement
ent
et
graduel,
ié
au caractère
même du
commentaire,
'est-
à-dire
aux
caractéristiques
e
l'interprétation
es
textes.
Ce
type
de
changement
émoigne galement
du
rapport que
l'homme
médiéval
entretenait
vec
l'autorité
écrite.
Le
Décret
et ses commentateurs
Le Décret (la Concordia DiscordantiumCanonum) de Gratien,
achevé vers
1140,
était
à la fois
utilisé
par
les
professeurs
e droit
comme
livre
d'école
et
par
les avocats
dans leur
pratique uridique.
Ce
livre était censé
contenir
a
synthèse
du droit canon
connu
au
milieu du
XIIe
iècle.
J'analyserai
ci la Causa 20
qui
contient
'opi-
nion de Gratien
sur
1'
blation.
La Causa
20
consiste en
4
questions
dont la
première q.
1)
traitede
l'oblation irrévocable.Gratien
pose
la
question
uivante
ceux
qui
ont été offerts ans leur
enfance
ont-ils
obligés
de tenir es
vœux
religieux
Le
premier
anon semble
répon-
dre
par
la
négative,
ar
il
y
est
déclaré
que
la
profession
e la
virgi-
nité
n'est ferme
u'à partir
de
l'âge
adulte12.
Mais
Gratien
expliquedans son dictumque ce textevise la profession aitepar l'enfant ui-
même,
sans le consentement
es
parents.
Et
il
dit
explicitement
qu'«
autrement
a
profession
fferte Dieu
par
les
parents
doit être
servie
sans
violation 13. Les
canons
suivants,
ans les
paleae (addi-
tions
postérieures),
montrent
ue
Gratien
réuni
es autorités
rigo-
ristes
,
c'est-à-dire
es textes
rêchant
xplicitement
'irrévocabilité
e
l'oblation14.
L'enfant,
une fois offert
l'autel
par
ses
parents,
est
lié
à la vie
monastique
pour
toujours.
S'il
quitte
e
monastère,
l
est
forcé
d'y
retourner.
Gratien
cite,
par exemple,
e texte
du canon 49
du
concile de Tolède
IV
qui
déclare
que
:
«
l'offrande
paternelle
u
12. C. 20. q. 1. c. 1, E. Friedbergd., CorpusJuris anoniciLeipzig,
1879-1881,
.
,
col.843.
13. C. 20.
q.
1. dictum
près
.
1,
Friedberg,
p.
cit.,
ol.
843.
14.
C. 20.
q.
1. c.
2, 3, 4,
6,
Friedberg,
p.
cit.,
ol.843-844.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 130/164
LA
SUBVERSIONNVISIBLE
127
la
profession
personnelle
ait le moine »15. Suivant
son
habitude de
citer
des textes
qui
reflètent
es
opinions
contraires,
Gratienen
pré-
sentedeux
qui
offrent,
ans
une certaine
mesure,
e
choix aux
enfants
(disant qu'ils
ne doivent
pas
rester au
monastère contre
leur
volonté)16.
Mais
Gratien,
dans ses
dicta concilie
ces deux
textes vec
les
positions rigoristes.
ls sont
interprétés
omme
s'appliquant
uni-
quement
ux
enfants
ntrés
u
monastère
lors
qu'ils
étaient
éjà aptes
au
mariage (l'exemple
utilisé
est
la
puella
nubilis
âgée
de
plus
de
12
ans).
Ainsi les
oblats offerts
vant
cet
âge
n'étaient
absolument
pas
concernés
par
cette ibertéde
choix17.La limitation
e
l'âge
au-
delà duquel les parentsn'ontplus le droitd'offrireursenfants, 'est
pas
le
fait de Gratien
on
la
trouve
déjà
dans le concile
de Tolède
X
en
656 18.
L'opinion
de Gratien
sur
la
question
est
que
l'oblation
est
irrévocable
«
la
profession
paternelle
blige
les
enfants ils ne
peuventpas
renier
'engagement
u'ils
ont
pris
dans leur
enfance,
par
suite de l'offrande
paternelle
paterna devotione)
19.
Si l'on considère
maintenant es
paleae
,
les
transformationsont
significatives.
ous les
textes
joutés
reflètent ne
attitude
plus
libé-
rale
que
celle
de
Gratien.Deux
paleae
ne
sont
que
des
mitigations
e
l'oblation dans certaines
onditions20.
a
troisième
alea
,
c.
10,
est la
plus
radicale. Ce texteen
effetdonne à
tous les oblats
ayant
atteint
15 ans le libre choix entre a vie monastique t le retour u monde21.
Le Décret
y compris
es
paleae
,
fut
e texte
reçu
par
les
cano-
nistes
postérieurs,
mais son
ambiguïté
emandaitdes
éclaircissements.
Parmi
les différents
ypes
de commentaires
glossae
summae,
distinc-
tiones
etc.)
qu'il
suscita,
'analyserai
ici
principalement
ne
série de
summae de
l'École
bolonaise et de l'École
française22.
l'aide
de
celles-ci,
l
est
possible
de
suivrede
près
-
parfois
'écart ne
dépasse
pas
quelques
années entre
es différents
ommentateurs le
change-
ment
d'interprétation
u même
texte.Bien sûr les
commentateurs
nt
15. C. 20.
q.
1. c.
3, Friedberg,
p.
cit.col.
844
16. C. 20.q. 1. c. 8 et9, Friedberg,p. cit., ol.845.
17. C.
20.
q.
1. dictum
près
.
8, Friedberg,
p.
cit.,
ol.845.
18. Canon
,
éd.
Vives,
p.
cit.,
.
313.L'idée
u'il
xiste n
ge
imiteu-delà
duquel
es
parents
e
peuventas
offrireur nfante
retrouve
ansdes
collections
canoniques
ntérieuresGratien.
19. C. 20.
q.
1.
dictum
près
.
7,
Friedberg,
p.
cit.,
ol.
844-845. ratien
affirmeette
pinion
ans e
dictum
près
. 3. de la
q.
2,
Friedberg,
p.
cit.,
col.
848.Boswell
op.
cit.,
p.
311-312)
rétendue
Gratien
'offreucune ésolu-
tion la suite es textes iscordants.
20. C.
20.
q.
1.
c.
5, Friedberg,
p.
cit.,
ol.844 C. 20.
q.
1. c.
7,
Friedberg,
op.
cit.,
ol.844.
21.
Friedberg,
p.
cit.,
ol.
845.
l
s'agit
'une dditionaite rès
ôt u
texte
de Gratien
le
premier
ommentateur,
aucepalea,
a connaît
éjà.
22. Sur escommentateurseGratien entionnésans et rticle,oireDic-tionnaireeDroit anoniquedir.R.Naz,Paris, 935-1965,unom echaqueano-
niste
excepté
oland)
S.
Kuttner,
epertorium
er
Kanonistik
1140-1234),
ati-
can,
1937 etsurtout.
Weigand,
Frühe anonistennd hre
arrieren
der
Kir-
che
,
Zeitschrift
er
avigny-Sti/tungür
Rechtsgeschichte,
an.
Abt.
XXVI,
990,
pp.
135-155.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 131/164
128 NORA
BEREND
pour
but
d'expliquer
e textede Gratien ur
Poblation.
Mais
leurs
opi-
nions
personnelles
insi
que
le
changement
e la
situation
ociale
ont
laissé leurs
marques
sur ces textes.
Le
premier
ommentateur,
aucepalea
(v.
1150),
a
suivi de
près
le
sens des dicta de Gratien.
En
faisantune
distinction
ntre
'entrée
au
monastèredes adultes
et des
enfants,
l
constate
que
ces
derniers,
si
«
leur
père
ou mère les a
placés
pendant
'enfance
sous la
disci-
pline
régulière,
e
peuvent
pas
renier
'engagement
eligieux
23.
Pau-
cepalea
donne une
explication riginale
de la
q.
1
c.
10,
qui
est tou-
tefois
dépourvue
de fondement
ar
rapport
u
texte
ui-même
selon
lui, ce canon ne concerneque les « mineurs ui ne sont pas offerts
par
leurs
parents
mais
par
leurs tuteurs u
curateurs t à
qui
le
libre
choix
de
rester
u de
partir
st
concédé à
l'âge
de
15
ans »24. Il
est
donc
évident
ue
l'irrévocabilitée l'oblation
faite
par
les
parents
n'est
pas
remise en cause
par Paucepalea.
Le
commentateur
ui
suit
Paucepalea,
maître Roland
(dans
les
années
1150)
choisitune nouvelle
approche
utilisant
ne
catégorisa-
tion
connue dans le droit
canon,
il
distingue
on
seulement
ntre es
pubères
t
les
impubères,
mais aussi
parmi
es
impubères,
ntre
es doli
capaces
(capables
d'action
délibérée,
'est-à-dire
oués de
raison,
'âge
de raison étant
habituellement
ans25)
et
les autres.
Que
des
adultes
(des pubères)puissent éciderde leursortétaitdéjà établidepuis ong-
temps.
Dans
le
cas des
impubères,
rencontre
e
«
l'ancien
rigorisme
qui
avait ié tout
enfant ffert
vant
'âge
de la
puberté
la vie
monas-
tique,
Roland
permettait
une
certaine
catégorie
d'oblats,
même si
celle-ci était strictement
élimitée,
de
quitter
e
monastère à
l'âge
adulte ceux
qui
étaient
apables
de
raison
ors
de
l'oblation et
avaient
protesté
ontre a
volonté de leurs
parents
ce moment
précis.
Mais
les
autres
-
capables
de raison
qui
n'avaient
pas
protesté
t ceux
qui
étaient ncore
ncapables
de raison
-
qu'ils
eussent té
offerts ontre
leur
volontéou
non,
étaient
iés
à la vie
monastique
usqu'à
leur
mort.
Roland,pour
concilier
on
interprétation
vec le texte e
Gratien,
imite
l'applicationde tous les textes igoristes, résentés ar Gratien omme
preuve
de
l'irrévocabilité
e
l'oblation,
aux
oblats
incapables
de rai-
son
ou
à ceux
qui
n'avaient
pas
contredit
eurs
parents.
Pour
justifier
son
opinion
sur l'existence
d'une
catégorie
d'oblats
pouvant
quitter
la vie
monastique,
Roland
utilisa
a
palea q.
1
c. 10
et le
cas de Lam-
23.
Paucapalea
Summa ber as Decretum
ratianiéd.
J.F. von
Schulte,
Aalen,
cientia
erlag,
965
lre
d.
Giessen,
890), .
94.
24.
Paucapaleaop.
cit.,
p.
94.
25. VoirR.
Metz,
L'enfantans e
droit
anonique
édiéval
,
La
femme
t
l'enfant
ans
e droit
anonique
édiéval
Londres,
ariorum
eprints,
985,
p.
9-96,
surtoutp.11-23 S. Kuttner, DerBegriffdoli noncapax , KanonistischeSchuldlehreonGratianis ufdieDekretalenregorsX,Vatican,ibliotecapos-
tolica
Vaticana,
935,
p.
125-129.armies
textestilisés
ci,
voir
ar
x.
H. Sin-
ger, éd.,
Rufinus
on
Bologna
Summa ecretorum
Aalen,
cientia
erlag,
963
(lre
d.
Paderborn,
902), .
381 Simone
Bisignano,
ritish
ibrary
s.
Royal
0
A
III,
f.66
Huguccio,
umma
Paris,
ibliothèqueationale,
s. at.
15397,
.
35.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 132/164
LA
SUBVERSIONNVISIBLE 129
bert
(q.
3 c.
4).
Selon
lui, Lambert,
orsqu'il
avait été
offert,
tait
déjà
capable
de raison et avait
protesté26.
Ce texte est
le
premier
de ma
série
qui
dénote un
changement
d'opinion
sur
Poblation,
t où la liberté e touteune
catégorie
'oblats
est
systématiquementarantie.
Des idées semblables
se rencontrent
parmi
es commentateurs
e l'École
française.
La
Summa Parisiensis
(composée
entre
1154 et
1170)
utilise
une solution
analogue
mais le
librechoix est limité
ux oblats offerts
ontre eur
volonté lors
qu'ils
approchaient
déjà l'âge
de la
puberté27.
Maître
Rufin
v.
1164)
a donné une solution
plus
radicale,
fon-
dée sur la notion du consentement,e plus en plus importante ans
le
droit canon.
Selon
Rufin,
aucun oblat
impubère
offert ontre sa
volonté
ne
peut
être contraint
e rester u monastère moins
qu'il
ne donne son
consentement ltérieurement.
ufin cite comme
preu-
ves
q.
3
c.
4
et
qģ
1
c.
10
-
textes
déjà
familiers28.
Tandis
que
Rufinne donne
e
choix
qu'aux
enfants evenus blats
contre eur
gré,
une autre tendance se fait
our,
déjà présente
dans
l'œuvre de Rufin.
Cette
opinion,
mentionnéemais non
acceptée
par
Rufin,
repose
sur une
nouvelle
nterprétation
e
q.
1
c.
10
: à
l'excep-
tion de
ceux
qui
étaient doli
capaces
lors
de Poblation et ont con-
senti
celle-ci,
out oblat est librede décider
de son avenir
près
avoir
atteint 'âge de la puberté29. utrement it, par rapportà l'opinion
de
Rufin,
e
champ
du libre
choix
s'est
élargi pour
inclure tous les
oblats
offerts
vant
l'âge
de raison
-
qu'ils
aient
été contraints u
non.
Dès les
années
1160,
et donc bien
avant les
décisions
pontificales
jugées
seules
significatives
ar
les
historiens,
n s'est
déjà beaucoup
éloigné
dans les
œuvres des canonistes
de Poblation
rigoureusement
irrévocable.
De son côté le
pape
Alexandre
III
(1159-1181) pensait
encore
que
Poblation était
rrévocable,
andis
qu'il
considérait
ue
la
profession
faite
par
l'enfant seul était
révocable30.
26. F.
Thaner, d.,
Summa
aģistri
olandi
mit
nhang
ncertiuctoris
ues-
tiones
Aalen,
cientia
erlag,
973
lre
d.
Innsbruck,
874), p.
70-72.
27.
T.P.
McLaughlin,d.,
The umma arisiensis
n theDecretumratiani
Toronto,
he
Pontificalnstitutef
Mediaeval
tudies,952,
p.
195-196.
28.
Rufinus,
p.
cit.
pp.
380-381.'éditione J. .
von
chulte
Giessen,
892,
pp.339-340)
e contient
as
de
différences
ignificatives.
29.
Rufinus,
p.
cit.,
p.
381.
L'Incertiuctoris
uestiones
onne
galement
e
libre hoix
tous es
oblats
xceptés
eux
ui
étaient
oli
capaces
t n'avaient
as
protesté
u
temps
e
Poblation
Thaner, p.
cit.,
p.
242).
30. Ph. Jaffé-G.
ttenbach,
egestaontificum
omanorum
Graz,
Akade-
mische ruck-
.
Verlagsanstalt,
956,
0604.
écrétâtes
X)
3. 31. 11.
Friedberg,
op.
cit.,
.
I,
col.572.Ce
textetait tilisé
ar
escanonistes
n faveure Poblation
irrévocablevoira Glossa rdinariaur eDécret, enise,584,
ol. 1616 t
Lyon,1606, ol.1217. ettepinionranchevec es dées 'AlexandreII sur emariage.
Voir
par exemple,
h.
Donahue,
The
Policy
f AlexanderheThird's onsent
Theory
f
Marriage
,
éd. S.
Kuttner,
roceedingsf
the ourthnternationalon-
gress f
Medieval anonLaw
Vatican,
iblioteca
postolica
aticana,
976,
pp.
251-281.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 133/164
130 NORABEREND
Dans les décennies
uivantes,
es commentateurs es
Écoles bolo-
naise
et
française
e contentèrente
répéter
es
mêmes
rguments.
ans
un
premier emps
on
reproduisit
e
plus
souvent a
même solution
que
Roland
-
une
solution
qui
ne donnait e
librechoix
qu'à
une
catégo-
rie
limitée
d'oblats.
Étienne de
Tournai,
dans les années
1160,
copia
la solutionde
Roland31.La Summa
Coloniensis
v. 1169),
à son
tour,
imitaÉtiennede Tournai
selon
Fauteur,
eux
qui
n'étaient
as
encore
doli
capaces
ou ceux
qui
l'étaient mais
avaient donné leur
consente-
ment
au
temps
de
1'
blation,
étaient
iés irrévocablement
la vie
monastique32.
Mais dès les années1170, 'autresolution, elle de Rufin, tmême
une
plus
radicale encore furent
doptées.
Jean
de Faenza
(1171)
imita
la
solution de
Rufin33,
mais
il
utilisa les
explications
d'autres com-
mentateurs
ur certains anons. Pour
concilier e canon 49
de
Tolède
(
monachum ut
paterna
devotio ut
propria
rofessio acit)
avec
l'inter-
prétation u'il
avait
suivie,
Jean
explique qu'un
enfant
doli
capax
ne
devient
as
moine
pour
la seule
raison
qu'il
y
a été
voué
par
son
père
mais
doit
également
aire
une
profession
ersonnelle
pour
les adul-
tes,
cette
dernière uffit34. 'autre
part,
Jean
substitue
oli
capax
à
pubère
dans
l'explication
onnée
pour
le
canon
8,
alors
que
le
dictum
de Gratien
parlait
seulementdes
pubères35.
our
Gratien,
seuls
les
enfantsnubiles,telles les fillesâgées de plus de 12 ans, ne peuvent
pas
être
forcés à la vie
monastique pour
Jean,
cette
interdiction
s'applique
aux
doli
capaces
Le
canon
10,
selon
Jean,
vise les
impu-
bères
qui
sont doli
capaces
et sont
offerts
ar
d'autres
que
leurs
parents
(des
frères,
tc.)36.
Ainsi
Jean ne
modifie
pas l'opinion
de Rufin
le
libre choix est
donné
aux
impubères
fferts ontre eur
volonté.
Simon
de
Bisignano
1177-1179) tipule
ue
seuls sont
obligés par
l'oblation les
doli
capaces
ayant
consenti u
temps
de
l'oblation,
et
il
accorde
«
l'oblation
du
pape
Martin
»
(le
libre choix
entre
'habit
monastique
et le retour au
monde à
l'âge
de 15
ans)
à
tous
les
autres37.
Ainsi
l'opinion qui, pour Rufin,
était
encore
inacceptable,avait pénétré 'École bolonaise.
31. J.F.von
chulte,
d.,
Stephan
on
oornickDie
Summa ber
as
Decre-
tum
Gratiani
Aalen,
cientia
erlag,
965
lrc
dition
iessen,
891) .
230.Sur a
Summa 'Étienne
e
Tournai,
oirH.
Kalb,
Studien
ur
umma
tephanis
on
Tour-
nai
Innsbruck,
agner,
983.
32. G.
Fransen,
.
Kuttner,d.,
Summa
Elegantius
n ure iuino
seuColo-
niensis
4
vol.,Vatican,
iblioteca
postolica
aticana,
969-1986,
.
3,
pp.
161-164.
33.
Londres,
ritish
ibrary,
s.
Addit.
8369,
. 111-112
Klosterneuburg,
Ms.
271,
f. 173-173Vt Ms.
655,
f.
114-115.
34. BL
Ms. Addit.
8369,
.
111
Klosterneuburg,
s.
271,
f. 173
t Ms.
655,
f.1 4v.35. bid.
36.
BL
Ms. Addit.
8369,
.
llv
;
Klosterneuburg,
s.
271,
f. 173
t Ms.
655,
f.
114v.
37.
BL
Ms.
Royal
0A
III,
f.65v-66BN
at.
934A,
.
85-85v.
Il
s'agit
e a
palea
attribuéeu
«
pape
Marcellus
.)
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 134/164
LA
SUBVERSIONNVISIBLE
131
Sicard de Crémone
v. 1180)
est
un
des
commentateurses
plus
intéressants,
on
pas
à
cause de sa
propre
opinion,
mais
pour
la
liste
qu'il
donne de toutes
les
opinions
sur
l'obligation
créée
par
l'obla-
tion. Pour sa
part,
il
pense que,
bien
que
les
parents
aient le droit
d'offrir
eurs enfants
même avant
l'âge
de
7
ans,
ces enfantsne
sont
liés
qu'après
l'âge
de
7
ans,
à condition
u'ils
donnent eur
consente-
ment.
S'ils
ne le donnent
pas,
il
faut
es
interroger l'âge
de 15
ans
et
les laisser
partir
'ils
le veulent.
Donc,
ceux
qui
offrent
es bébés
(qui
dant
puellas
in
cunabulis)
au
monastère,
ne
fontrien
»,
c'est-
à-dire
que
leur acte
n'oblige
l'enfant à rien38.
n
revanche,
dans la
liste que donne Sicard, on voit la coexistenced'opinions contraires
concernanta validité t l'irrévocabilitée
l'oblation,
depuis
'idée
que
l'oblation faite un
âge
mineur st valable et
irrévocable ans aucune
nécessité du consentement e l'oblat
jusqu'au
refus de
reconnaître
l'oblation faite à un
âge
mineur
dans
ce
cas,
la
q.
1.
c.
10
est
citée
comme
preuve)39.
Avec cette dernière
pinion
la
conception
canoni-
que
sur 'oblationest
complètement
enversée.
i
on
accepte
cette
posi-
tion,
il
n'existe
plus
en
effetd'oblation irrévocable avant
l'âge
de
la
majorité dans
ce
cas,
la
puberté,
12
ans
pour
les
filles,
14
pour
les
garçons),
es
vœux
n'obligentpas
les
enfants, t,
après
leur
majo-
rité,
es
parents
n'ont
pas
le droit de les offrir. t cela bien avant
le pontificat u pape Célestin III.
Néanmoins
une autre tendance
existait dans le droit canon.
L'important
anonistebolonais
Huguccio,
influent
même
après
1234
(année
de la
promulgation
es
Décrétâtesde
Grégoire X),
affirme
v.
1188) que
l'oblation
est
valable
si
l'oblat
donne son
consentement
l'âge
de raison
7
ans)40.
Bernardde
Pavie,
dans
ses commentairesur
le Décret
(1191-1198),
soutientune
opinion
similaire
les oblats non
encore
capables
de raison de même
que
ceux
qui
le sont
mais
qui
ne
donnent
pas
leur consentement e doivent
pas
rester
u
monastère41.
38.
BL
Ms.Addit.
8367,
.46v BN
at.
288,
.49v BN
at.
289,
.42
BN
lat.
14996,
.96v.Le textest
mprunté
Gratien,
. 30.
q.
2. c. 1.
Friedberg,
p.
cit.,
.
,
col.
1099-1100).
ratien'utilise
our
émontrer
ue
es
fiançailles
e sont
pas
valables
vant
'âge
de
7
ans.
l
est
mportant
e noterci
'emploi
es mêmes
argumentsour
e
mariage
t 'oblation.
39.
BL
Ms.Addit.
8367,
.46v
BN
at.
288,
.49
v
BN
at.
289,
.42. Mal-
heureusement,
l
n'existe
our
'instantucune tude ur a traditionanuscritees
écritse Sicard.
l
est onc ifficile
'affirmervec ertitude
ue
a liste es
pinions
estde sa
composition
t nonun
ajoutpostérieur.
40.
Paris,
ibliothèque
ationale,
s. at.
5397,
.
35-35v
Lons-le-Saunier,
rchi-
vesdépartementalesuJura, s.16,f.289-289v.urHuguccio,oirW.P.Müller,« Hugucciof Pisa Canonist,ishop,ndGrammarian», Viator22, 1991,
pp.
121-152.
41. E.A.T.
Laspeyres,d.,
Bernardi
apiensis
aventini
piscopi
umma ecre-
talium
Graz,
Akademische
ruck-.
Verlagsanstalt,
956
lre
d.
Regensburg,
860),
p.
110.
Malgré
e
titre,
l
s'agit
'un
commentaireur e Décret
e
Gratien.)
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 135/164
132
NORABEREND
Les Décrétâtes
Ainsi
l'opinion
du
pape
Clément
II
et celle du
pape
Célestin
II
concernant oblation furent mises à la suite
d'une série de
transfor-
mations de
la
pensée légale.
Dans la
décision
de Clément
II42,
on
retrouve
'idée
que
le
consentement onné
par
l'oblat
à
l'âge
de
discré-
tion
le
sommairedans
les Décrétâtes
ndique
que
cet
âge
est celui de
la
majorité,
oit
12
ans
pour
les
filles)
ie
irrévocablement
'oblat à la
vie
monastique
Le textede la décrétalene dit
pas
clairement i le
pape
a voulu donner e choix à tous les
oblats à
l'âge
de
discrétion u bien
s'il a visé une partieseulement es oblats (par exemple,ceux offerts
avant
l'âge
de raison ou ceux
ayant
protesté
ontre
'oblation).
Quoi
qu'il
en
soit,
sa décision se basait sur
des
idées
déjà
courantes.
Le
textede Célestin
II43
est
plus
explicite
il
concerneun
oblat
offert vant
l'âge
de
discrétion
avant
la
puberté)44 ui
a voulu
quit-
ter a vie
monastique.
l
formule
lairementa
nécessité u choix
pour
les
oblats
ayant
atteint
'âge
de
discrétion,
onnant e choix à
tous les
oblats,
qu'ils
aient
ou non
protesté
u
temps
même de
l'oblation.
Il
met insi
fin
l'oblation
rrévocable aite
par
les
parents
euls.
Il
n'est
donc
pas
étonnant
ue
le nom de
Célestin oit
associé à cette
position
dans la Glossa Ordinaria Comme on l'a
vu,
il
existait es
précédents
dans la pensée égalebien avant 'interventione Célestin.Avec Céles-
tin
II
(ou,
si l'on
préfère,
vec
Clément
II),
la notion
selon
laquelle
l'oblation
dépend
du
choix de
l'oblat
émerge
du
champ
des idées et
devient n
précédentégal
mais cette
écisionne
marquepas
une
nno-
vation
uridique.
Ces idées étaient
déjà
développées
il
ne
fallait
plus
que
les utiliser.On voit ici un
exemple
des
relations t des
influences
qui
existèrent ntre a
papauté
et les
écoles.
La
promulgation
es
Décrétâtes
ou
LiberExtra une collection
ffi-
cielle datée de
1234
avec
approbation
pontificale
e
Grégoire X)
est
d'une
importance
majeure
dans le
droitcanon.
Ce livre ontient
uel-
ques
textes
ntérieurs Gratienet
rassemble
ous forme
brégée
es
décisionspontificales ui furent rises ntre a rédactiondu Décret de
Gratien t 1234
certaines e
ces
dernières ifféraient
adicalement u
42.
Jaffé,
p.
cit.,
6637
Décrétâtes
X)
3. 31.
12,
Friedberg,
p.
cit.,
.
I,
col.572.Ce
texte ut
arfois
ttribué
Célestinvoir
.
Firth,
d.,
Robert
f
Flam-
borough
Liber
oenitentialis,oronto,
ontifical
nstitutefMediaeval
tudies,971,
p.
76,
n. 59.
43.
Jaffé,
p.
cit.,
7638
X
3. 31.
14,
Friedberg,
p.
cit.,
.
I,
col.573.
44. La
définitione
'âge
de discrétion
hez es
uteurs édiévaux
'est
as
évi-
dente.
Poures
anonistes
e
'époquelassique,
'âge
ediscrétion
ésignait
ne
ériode
différentee a vie
elon'acte
ui
tait n
eu
»
;
pour
e
mariage
t
esvœux
eligieux,
l'âge
dediscrétion
tait n
général
a
puberté
Metz,
L'enfant
,
pp.20-21).
e som-
maire e c. 12et de c. 14dans esDécrétâtesait orrespondre'âgede a discrétionà l'âgede a puberté12 nspouresfilles,4pouresgarçons)t à lamajoritéla
Glossa rdinaria
à la
puberté
eulement
Venise,
584,
ol.
1616,
yon,
606,
ol.
1218).
Il
est
vraisemblable
ue
Clémentt Célestinnt
tiliséette
xpression
ans e sens.
Innocent
II
(1198-1216)
arle xplicitement
u
ibre hoix
es blats
l'âge
de
15
ns
(Seidl,
op.
cit.,
. 88).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 136/164
LA
SUBVERSION
NVISIBLE
133
droit antérieur45.
es Décrétales offrent
e libre
choix à l'oblat.
À
l'exception
d'un seul
canon,
le textede la décision d'Alexandre
II46,
tous les
autres
évoquent
la
nécessité
du consentement e
l'oblat47.
Parmi es canons
cités,
on retrouve
es
textes
igoristes
emodelés
our
présenter
'attitude
nouvelle,
e libre
choix des oblats
:
ainsi,
le
sens
d'un canon du
concile de
Mayence
de 813
est radicalement ltéré
par
la
suppression
'une
grande
partie
du texte48. ne omission
ignifica-
tive
sépare également
e texte
originel
e la décision de Célestin II et
celui des
Décrétales Le
pape
avait
prisposition
ur 'oblation à la
suite
d'un débat
qui
avait eu lieu dans une cour
épiscopale
sur
un
cas
précis
de litige la majoritédes intervenantsvait pensé que laisser 'oblat
quitter
e monastère tait contraire
la
rigueur
es canons existants.
Or,
cette
partie
du texte
fut
omise des Décrétales
9.
Les
arguments ui
avaient été contraires
la
rigueur
es canons en faisaient
maintenant
partie ntégrante.
es idées
développées
utrefois
ar
les
commentateurs
de Gratien
urentinsi formellement
ncorporées
ans la collection ano-
nique
officielle
e
Grégoire
X
et
changèrent
a loi
sur l'oblation. Le
vœu
paternel
ne
suffisait
lus pour
faire un moine.
Après
les Décrétales
la
nécessité
du
consentement
e la
part
de
l'oblat
ne fut
plus
sérieusementemise n
question
dans le droit anon.
La seule source de controverse emeurait
'âge
à
partir uquel
le con-
sentementiait 'enfant. l est ntéressant'examiner ce sujet a Glossa
Ordinaria
qui
entreprend
e concilier e texte e Gratien vec les chan-
gements
anoniques postérieurs
u
Décret. Dans
la
deuxième édaction
de la Glossa
Ordinaria
composée
en 1240-1246
par
Bartholoméede
Brescia50,
eux
opinions
sont
encore
citées
celle de
Huguçcio,
selon
laquelle
le consentement onné
à
l'âge
de doli
capax (dès
7
ans) oblige
les
enfants
ne
plus
quitter
a vie
monastique,
t celle dite de
Célestin
III,
qui
donne
le libre choix à tous les oblats à
l'âge
de la
puberté51.
Vraisemblablement
ettedernière
pinion 'emporta
ans
le
droit anon.
En
effet,
n
1245,
Innocent
V
décida
qu'un
certain
Hugo, qui
avait
45.
Raymond
e
Peñafort,
'éditeures
écrétâtes,
utilisé
es
Cinq ompilations
(1191-1226)
ans
esquelles
taientecueilliesesdécisions
ontificalesostérieures
Gra-
tien.
E.
Friedberg,d.,
Quinqué
ompilationesntiquaeLeipzig,882)
voir .
Kutt-
ner,
Raymond
fPeñafort
s
editor
The
decretales
nd
constitutionesfGre-
gory
X
»,
Bulletin
f
Medieval anon
aw
12,
1982.
46.
X
3.
31.
11,Friedberg,
orpus
t.
I,
col.572.Ce texte éclare
ue
'obla-
tion st
rrévocable,
ais on
premier
ujet
orte
ur 'invaliditéesvœux
ris ar
des
mineurseuls
qui
n'étaient
as
es
oblats).
e sommaire
ans es
Décrétaleséaffirme
la
iberté
esmineurs
moins
e
14
ns)
e
quitter
e monastère'ils eratifient
as
eurs
vœux
l'âge
de
a
majorité.
47. X 3. 31.
1., 12.,
4.
Une
ériode
e
probation
st
ussi
xigée
3. 31.
16., 0.,
21.,22.,23.,
Friedberg,
orpus
t.
I,
col.
569, 72-575,
77-578.
48.X 3. 31.1., Friedberg,orpust. I, col.569.49.X 3. 31.14,Fbriedberg,orpust. I, col.573.
50. Bartholoméeente 'harmonisera
première
édactione a Glossa
rdinaria
par
Johannes
eutonicus
v. 1215-1217)
vec
esDécrétalese
Grégoire
X.
51. Glossa rdinaria
Lyon,
606
ol.
1218
t
Venise,
584 ol. 1616
voir ussi
Lyon,
ol.
1217-1220
t
Venise,
ol. 1615-1619.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 137/164
134
NORABEREND
été offert
ar
ses
parents
un
monastère
lunisien,
vait le
droit de
déciderde
quitter
e monastère
vant
la
puberté.
Ce droitétait
remis
en cause
par
certains,
'où
l'appel
au
pape
;
la
liberté es oblats
n'était
donc
pas
encore
universellement
econnue
ar
tous,
mais e droit anon
la
garantissait52.
La notion
elon
laquelle
la validitéde
l'oblation
dépend
du choix
de
l'oblat
futdonc
développée
d'abord
par
des canonistes
partir
de
la deuxièmemoitiédu
XIIe
iècle,
acceptée
ensuite
par
la
papauté,
puis
finalement iffusée
ar
les Décrétâtes e
Grégoire
X
en 1234. Faisant
maintenant
artie
du
droit
canon,
cette dée
devint
ccessible
à
tous.
L'oblationnedisparut as pourautant il yeut encoreplusieurs xem-
ples
de cette
pratique
avant le déclin final de
l'institution lle-même.
Plusieurshistoriense sontdemandé
pourquoi
l
existait eux défi-
nitions
divergentes
e l'oblat : celle de
l'enfantoffert
ar
ses
parents
et celle de l'adulte
qui
s'offre ui-même u servicedu
monastère
ans
y
devenirmoine. Cette dernière éfinition
st encore
utilisée de nos
jours.
L'insistancedes canonistes es
XIIe
t
xnie
siècles sur
e
consen-
tement
sans lequel
l'oblat ne devient
pas
moine)
aux
dépens
de
l'offrande,
t la
séparation
nette tablie entre
'oblat et le moine
pro-
fès
expliquentpeut-être
e sens nouveau du
mot
«
oblatus
».
Autorité t
changement
On
a
vu
la transformationentede
l'oblation,
de la
paterna
devo-
tio
l'offrande
arentale
iant 'enfant
pour
toujours)
à la
propria
pro-
fessio (le
consentement
e l'oblat
lui-même tant
nécessaire
our qu'il
devienneréellement
moine).
Ce
changement
'est
pas
survenu
implement
la suited'une
déci-
sion
pontificale
u d'une vision
personnelle lus
libérale,
mais
plutôt
suivant
ne
transformation
raduelle,
ne sériede
petites
modifications.
Ce
type
de
changement
st habituellement
onsidéré omme
caractéris-
tique des cultures rales53,mais l'exemplede l'oblation prouve qu'il
se manifeste ussi dans certaines ultures
appuyant
ur une tradition
écrite
priori
lus
mmuable.Mais
il
faut
distinguer
ntre
iverses ortes
de traditions crites.On a vu
que
dans
la
tradition
es
canonistes,
e
caractère
raduel
du
changement
st ié à la
naturemêmedu commen-
taire les
auteurs uccessifs
nt
nterprété
t
réinterprété
e même
exte,
sans
déclarer
ouloir n
changer
e
sens
ni
transformera loi sur 'obla-
tion. Ils ont seulement ommenté e
Décret de
Gratien,
mais ce
proces-
sus a entraîné ne
réinterprétation
ontinuelle u
texte,
dont
es décre-
tistes
nt
ainsi
complètement
odifié e
sens
premier.
a
différencentre
52. E. Berger, d.,LesRegistres'InnocentV 4vol., aris, 884-1911,ol.1,
p.
154,
as 945.Voir ussi
Boswell,
p.
cit.,
p.
314-315.
53. M. .
Clanchy,
rom
Memory
o Written
ecord:
England
066-1307
Oxford,lackwell,
993
2e d.),
pp.
295-299
B.
Stock,
he
mplicationsfLiteracy
Princeton,
rinceton
niversity
ress, 983,
p.
15-18.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 138/164
LA
SUBVERSIONNVISIBLE
135
deux
interprétations
uccessives
eut
être
nfime,
t le
changement
e
se fit
pas
en
ligne
droite.
Mais
entre
e sens
originel
l'oblation rré-
vocable des enfants et le
point
final
des
interprétations
le
libre
choix donné aux
oblats
-
la
perception
de
l'obligation
créée
par
Poblation s'est renversée.
a
législation
ntérieure st
bouleversée ans
qu'aucune
déclaration
explicite
n'ait été faite
en ce
sens.
Mais
pourquoi
les auteurs e sont-ils
fforcés
e
réinterpréter
es
textes nciensdu droit
anon,
au lieu de
«
corriger
les
opinions
nté-
rieures Ces textes
yant
e statut
d'autorité,
on ne
pouvait
es écar-
ter.
Mais les
opinions
anoniques
e
modifiaient,
oit à
cause des
trans-
formations ociales, soit à cause des changements urvenus u sein
de
l'Église,
tandis
que
le droit canon
s'accroissait u fur
et à
mesure
des décisions
des
conciles et des
papes.
Les
nouvelles
opinions
et
les
solutions offertes taient
parfois
en
contradiction
vec les
textes
anciens.
Il devenait
alors
nécessaired'harmoniser
es textes
vec les
exigences
ouvelles.Pour ce
faire,
une
réinterprétation
ontinuelle es
canons anciens était névitable fin
de conserver
'autoritéde
ces tex-
tes
intacte. Le
commentaire st fondé
sur l'autorité
écrite mais
il
change
le
sens de celle-ci en
l'interprétant.
a
méthode
par laquelle
des textesdiscordants
pouvaient
être
conciliés,
établie
dès la fin
du
XIe
iècle
par
des
auteurs comme
Yves
de
Chartres,
Gratienet
Abé-
lard, permettait '« expliquer le sens des textes t de les faire cor-
respondre
ux
idées
nouvelles ans
en
détruire
'autorité.La
concilia-
tion des autorités
t du
changement
tait
possible.
L'autorité
n'était
donc
pas
une
barrière u
changement.
Je crois avoir
montré
que
le droit
canon n'était
pas
seulement
caractérisé
ar
l'adhésion à
la
tradition,
mais
également
ar
l'élasti-
cité
et la
possibilité
e
modifications. omment
ituer
ans cette
pers-
pective
la
transformation e la
loi sur
l'oblation ?
Il
faut
noter
d'abord l'évolutiondans le
droitcanon lui-même.La
notion de
con-
sentement est devenuede
plus
en
plus importante.
e
mariage epré-sente un exemplebien étudié de ce phénomène54. vec la réforme
ecclésiastique
u
XIe
iècle,
e libreconsentement
es
partenaires
ons-
titue un des
points
mis en avant
par
les réformateurs.
ans le droit
canon,
la théorie
onsensuellen'était
pas
la seule
solution
présentée
par
les canonistes la
copulation
tait
considérée
ar plusieurs
'entre
eux comme
nécessaire
pour
rendre
ndissoluble
e
mariage.
C'est avec
Pierre Lombard
qu'est
née,
vers le milieu du
XIIe
iècle,
la
théorie
voulant
ue
le
consentement
eul suffît
our
faire
un
mariage.
Le
pape
Alexandre
II
adopta
et
développa
cette
théoriedu
mariage,
retirant
aux
parents
eur
autoritédans le choix
du
gendre
ou
de la
bru. Vers
1190,
la théorie onsensuelle
'emportacomplètement. insi, la nou-
54.
Sur e
mariage
ans
e droit
anon,
oirA.
Esmein,
e
mariage
n
droit
canonique
2
vol.,
Paris,
irey,
929-1935J.
Brundage, aw,
Sex and
Christian
Society
n
Medieval
urope
Chicago,
he
University
f
Chicago
ress,
987.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 139/164
136
NORA
BEREND
velie définition
cclésiastique
u
mariage,
nsistant ur
le consentement
des futurs
poux, s'impose
à la même
époque que
la nouvelle défini-
tion
de
I'
oblation.
Toutes deux
ont bénéficié 'un
changement
e men-
talité
fondamental
ans
l'Église.
Les canonistesdes
XIIe
et
xiiie
siè-
cles étaient
d'ailleurs
conscients
u lien unissant
mariage
et oblation.
Dans les commentaires
ur
cette
dernière,
n observe
que
la
compa-
raison
de l'oblation
avec
le
baptême,
utilisée
pendant
e
Haut
Moyen
Age55,
disparaît
progressivement
u
profit
de la
comparaison
vec le
mariage.
L'association
baptême-oblation
st finalement
xplicitement
rejetée
dans
la Glossa
Ordinaria
6. Et ceci n'est
pas
le fait du
hasard pendant e Haut MoyenÂge, les parents ouvaient ffrireurs
enfants omme
oblats,
de la même manière
qu'ils
pouvaient
es faire
baptiser
ans
leur consentement.
e
mariage,
vec
la condition u libre
consentement
es
parties,
devint
ependant
ne
comparaison
plus
adé-
quate
dès
la deuxième
moitié
du
XIIe
iècle.
Le libre
choix donné
aux oblats trouve
également
a
place
dans
les nouveaux
courants
de
pensée,
et les transformations
eligieuses
t
sociales
du
XIIe
iècle,
qui
accompagnèrent
a croissance
économique
(l'expansion
agraire
et l'élan
du commerce t des
villes).
L'insistance
sur les
intentions
une
attitude
ui souligne
a volonté derrière
'acte,
la contrition errière
a
pénitence),
'importance
roissante
'une reli-
giosité ntérieuret d'une vocationreligieuseune « conversion) pour
l'entrée
u monastère éterminèrent
e
changement
es attitudes nvers
l'oblation.
Les monastères
taient
passés
d'un mode de
recrutement
(l'oblation
rrévocable
es
enfants)
un
autre
l'entrée
la
suite
d'une
vocation
d'adulte).
Le libre
choix devint ainsi le
signe
de l'homme
créé
à
l'image
de Dieu.
55. Raban
Maur,
Liber
e
Oblatione,
L
t.
107,
ol.
428.
56. Glossa rdinaria
Lyon,
ol.
1219
t
Venise,
ol.1617. f.
Huguccio, aris,
BN Ms.
at.
15397,
.
35v,
Lons-le-Saunier,
s.
16,
f.289v.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 140/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
137-139
ABSTRACTS
Bruno
aurioux,
The
ancient
ay
of
cooking
Apicius
n
theMiddle
Ages
Assembled
n
the
atefourth
entury,
he ookbookwhich raditionas
attri-
buted oApicius ada predominantlyedieval estiny.ervings a practi-
cal and
living
ext ntil he ixth
entury,
t
becameknown rom
hat ime
onward
s a
purelyiterary
nd
dead work. hiswas
notably
he
ase
during
the
Carolingian
enaissance,
hen he
criptoria
f
Tours nd of
Fulda
pro-
duced
manuscripts
f the ookbook
nd
where,
t
seems,
oup
de
Ferrières,
as
well s all thosewhowere
nspired
y
t,
used
Apicius
ext. t was after-
wards
practically
orgotten,
ntil ts
rediscovery
n
the
fifteenth
entury y
the humanists. he credit orthis s
due not to
Poggio,
but to Enoch of
Ascoli,
who
brought
manuscript
ack to
Italy.
The
rediscovery,
owever,
had
only
limited
nfluence,
ith he
exception
f
theRoman
Academy
f
Pomponio
eto,
where
Apicius
was used
notably
y
Platina o
define is
humanist
astronomy.
Francine
Mora,
Virgil
he
Magician
nd
the
Aeneidof
the
Chartrains
The medieval
egend
f
Virgil,
which
magined
he
poet
as a
science iction
magician
ndowed
ith ncredible
echnical
owers,
ook
hape
n
the econd
half of the twelfth
entury.
robably
pringing
rom
Neapolitan
ore,
the
legend
was nevertheless
eriously
ecorded
n
learned extswrittenn
Latin
by
clercs f
English rigin.
he elaborationf
the
egend
may
well
havebeen
due
in a
large
measure o the
nterpretation
f the
Aeneid
proposed
y
the
masters f
the chool f
Chartres,
ho ikened he
poem
o a sort
f scien-
tific
ncyclopediahrough
hich he
oul
traveled,
triving
o
free tself
rom
theprison f thebody.At a timewhen easonwasbeginningo demarcate
itself
rom
aith,
irgilmay
wellhave been considereds
the
paradigm
f
the
homo
echnicus,
ossessor
f
a
wisdom
iving
he
power
o
prevail
pon
the world.
Jean-Louis
aulin,
Ancient
gronomy
nd
Medieval laboration
From
Palladius o the
Préceptes
isterciens
économie urale
The
paperpresented
ere
ontributeso a fuller
nowledge
f the
agrono-
mic and economic ulture f the Cistercian
rder
n
the
twelfthnd thir-
teenth
enturies.
t has been
noted hat
alladius*
pus
agriculturae
an
agro-
nomic reatise rittenear he ndofAntiquity,aspresentnthe ibrairies
of
several istercian onasteriesn
the twelfth
entury.
he
White
Monks
also
played
n
important
ole
n
the
diffusionf
the ext n
Italy
during
he
thirteenth
entury.
t
Clairvaux,
n
anonymous
uthorhad
completed
manuscript
f the
Opus agriculturae
Troyes,
. M.
1369)
by recording
our
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 141/164
138
ABSTRACTS
short
réceptes
isterciens
économie urale.
his text
edited
nd transla-
ted
in
the
annex)
stablishes
he
quantity
f wool
necessary
or monastic
habits,
ixes he ration f oats for
plough
horses,
ives
dviceon how to
cultivate
he
gourd
cugurta
,
and enumerateshe
lementary
ules or
heep
raising.
he
Préceptes
eveal
udicous
garden
nd
breedingechniques
ell
adapted
o northern
rance.
They
lso show oncern
or
he
fficient ana-
gement
f
ressources.
y way
of
hypothesis,
e
may
sk whetherhePré-
ceptes
which
onstitute
sort
of
memoranda
weredestined o
help
the
masters f the
grain
torehouses,nd,
through
hem,
he
aymen.
he
interestordomestic
conomy
hus ook
ontrasting
ut
complementary
our-
ses a
knowledge
f ancient
nd
partly
ntiquatedgronomy,
ut
neverthe-
less considereds indispensable,nd an elaborationf empiric isdom
of
which
we havefound
ew vidence
arising
rom he
ccumulated
xpe-
rience f the
Cistercian
monasteriesnd storerooms.
Marilyn
icoud,
Che
manza
ichi
semina
ogna
Problems f
Identifying
a
Dermatosis
n
the Middle
Ages
The evolutionf medical
oncepts
nd of
nosology
ften ender he
dentifi-
cation
f diseases ifficult
n
medicaliterature.his s
notably
he ase with
texts n
dietetics,
ore oncerned
ith
uggesting
ules or
good
health han
with
escribingymptoms.
hus hementionf a
specific
ffection,
he
rogna
inLibreto e tutte e cosseche se magnano yMichele avonarola, aises
doubts
s to the
dentification
f the disease. s it a
case of scabies
or of
some ther
ermatosisTo answer he
uestion,
ne
must ndeavoro define
the
meaning
f
rogna
nd of its
Latin
equivalent,
cabies.To this
effect,
a
list
of classical
nd medieval uthorswho have mentionedhis
particular
affection as been
constituted,
ince
n
the
Universities edical
knowledge
was founded
pon
he
reading
f,
and
commentating
n,
the uthorities.his
approach,
owever,
oes
not ead to a
definiteonclusions to the
meaning
implied y
theterm
ogna
the
tiology
f scabies
being bviously
arfrom
clear
n the fifteenth
entury.
Riccardo
uisi,
From
heFortified
astle o
theFortress. Short
History
of ItalianMilitary rchitecturerom heXlthto the XVIthCentury
The evolution
f
military
rchitecture
s
directly
elated
o that f arms
nd
militaryquipment.
he fortifiedastle
erving
s
stronghold,
esidence,
nd
shelter orthe
population
n times f
danger,
nderwent
radical
hange
when he nventionf
gunpowder
nd
subsequently
he
artillery
enderedt
ineffectual.
owever,
he
change
ormmedieval
weapons
o
fire rmswas
gradual,
nd for timeboth
wereused. The
progressivemprovements
f
the
efficacity
f the
artilleryinally
ed,
after
transitional
eriod
f
fifty
years,
o
the
adoption
f
the
garnisoned
ortress
nd
fortificationshose
essential
lement
as
thebastion. his
ystem
f
defense,
erfected
nd
adap-
tedto
the errain ut
with on fundamental
hanges,
tayed
n
use until he
nineteenthentury.his article lso stresseshe talian ontributionomili-
tary
rchitecture
nd
systems
f
defense,
nd ts
pread
nd
nfluence
hroug-
hout
Europe.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 142/164
ABSTRACTS
139
Nora
Berend,
An
Invisible
ubversion
The
Disappearance
f the rrevo-
cable Oblation
f
Children
n
Canon Law
Oblation,
he
offering
f childreno monasterieso becomemonks
r
nuns,
was an essential
nstitution
n
the
early
Middle
Ages,
but
by
the
thirteenth
century
ot
only
had thenumber f oblates iminished
ignificantly,
utthe
characterf oblation
ad also
changed.
While n the
arly
eriod
anon aw
maintained
hat
parental
ows bind the child o the
monastery
orever,
n
the ater
Middle
Ages
t
allowed hechild o decide
upon
reaching
he
age
of
majority
hethere wanted o
stay
n
the
monastery
r returno the
world.
Thisarticle
rgues
hat he ransformationf oblation
n
canon aw occured
graduallyn the ate welfthenturyhroughseries f commentariesn Gra-
dan,
instead f
being
imply
ecreed
y
the
pope.
The examinationf these
commentaries
lso ndicateshat
hrough
process
f
nterpretation
nd rein-
terpretai
on,
authoritative
exts ouldbe
invested
ith
adically
ew
meanings
by
their ommentators.
n
this
ase
a
distinctionetween
fluid,
asily
han-
ging
raltraditionnd
a
rigid
ext-basednd
authority-orientedociety
s
not
valid textual
uthority
as not a barrier o
change.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 143/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
141-149
NOTES
DE LECTURE
Sachwörterbucher MediävistikPeter Dinzelbacher (dir.), Stuttgart,
Alfred
Kröner
Verlag Kröners aschenausgabe
d.
477),
1992,
941
p.
Notre
fin
de siècle ime à réalisera
synthèse
es connaissances
cqui-
ses en sciences
umaines,
t voit
fleurires dictionnairese toutes
ortes
et de tous
volumes.
Après indispensable
exikon es
Mittelalters
n
cours
d édition
epuis
1977
hezArtemis-
erlag
Munich,
araît Stuttgart
ans
la collection e
poche
des
dictionnairesröner n
volume
oncernanthis-
toire
médiévale,
irigé
ar
PeterDinzelbacher. e
projet riginal
taitde
réaliser n
ouvrage our
es
spécialistes
e
littérature
édiévale,
e
qui expli-
que
la
fréquence
es termes e
stylistiqueu on
ne s attendrait
as
à trou-
ver dans
un tel
dictionnaire,
omme
ynecdoque,njambement,tc.,
dans
la mesure ù ils n ontriende spécifiquementédiéval. eterDinzelbacher,
qui
a
repris
e
projet
n
1986,
voulu étendre e
lexique
l ensemble
e
la société
t de la culture
médiévales,
t nous offre n volume
omprenant
3
000
entrées
ans un format éellement
de
poche
.
C est un
des
premiers
avantages
e ce
dictionnaireêtre rès
maniable,
out n
présentant
es noti-
ces
qui
ne soient
as
réduites
une
vague
définitiont
qui
sont
toujours
accompagnées
une
bibliographie
itant es titres
rincipaux
t les ouvra-
ges
les
plus
récemment
arus
en
langue
llemande,
mais
aussi
française,
anglaise
t italienne.
Du
premier
rojet
de dictionnairent été retenues n
grand
nombre
d entrées oncernant
a
littérature édiévale
e
l Europe
entière,
ant des
genres
ittéraires
ue
des œuvres
articulières.
cela
l
faut
jouter
immense
domaine e la religionmédiévale,ue PeterDinzelbacheronnaît articu-
lièrement
ien,
et
pour
lequel
l
a lui-même ourni
n
grand
nombre
e
notices.
n
y
trouveraraitésussibien
des
points
e
doctrine
ue
des ordres
religieux,
es
animaux
t
des
plantes ymboliques
ue
des
comportements
religieux.
e dictionnaire
étend
galement
ux domaines e l histoire
oli-
tique,
du droit
t de la
société,
e l art et
des sciences.
On
n y
trouvera
pas
en revanche
e notice
iographique
urdes
personnagesistoriques,
ais
certains
ersonnages
ibliques
ont
pris
en
considération,
insi
que
certai-
nes
grandes
amilles
obiliairest certaines
ynasties,
ermaniquesour
a
plupart.
Malgré inégale
ualité
des notices inévitable ans une telle ntre-
prise
ce dictionnaire
résente
n
réel
ntérêt,
out utant
our
es
spécia-
listes ui ytrouverontessynthèseslaires t unebibliographiejour, que
pour
es
débutants,
ar on ne
dispose as pour
instant
un
instrumente
travail emblable n
langue
française.
Geneviève
ührer-Thierry
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 144/164
142
NOTES
DE
LECTURE
La Scala coeli de JeanGobi, édité
par
Marie-Anneolo de
Beaulieu,
Paris,
Éditions u
CNRS,
1991.
C'est
dans
e cadredes recherches
ngagées
ar
e
Groupe
'anthropolo-
gie
historique
e
PÉcole des Hautes
Études n
Sciences ociales
ue
Marie-
AnnePolo de Beaulieu
entrepris
e
publier
e texte atinde la
Scala coeli
d'après
'éditionncunable
'Ulm
1480),
ontrôlée
râce
ux manuscrits
ari-
siens
de la
Bibliothèque
ationale
lat.
3506
et lat.
16517),
t au manuscrit
de Vienne
3538 avec en
complément
es
exempla
on
repris
ans 'édition
incunable t
provenant
our
a
plupart
u manuscrite
Liège
3448
101 C),
contrôlé
ar
celui de
Vienne,
es autres e divers
manuscrits.
L'intérêt e cette dition out fait emarquablest de comporterne
introduction
ui, après
voirdressé e texte
istorique
ans
equel
Jean
Gobi
Junior,
ominicain,
rieur
u couvent
'Alès,
puis
ecteur u célèbre
ou-
vent e
Saint-Maximin,
composé
ers
1323-1330,
on vaste ecueil
exem-
pla (environ
n
millier),
econstruitvec une
minutieuset
rigoureuse
rudi-
tion a carrièree l'auteur
vie
et
formation),
es
conditions,
'environnement,
les
méthodes
e travail
doptées particulièrementassionnant,
e
repérage
des sources rudites
antiques,
acrées,
médiévales),
t des
marques
'oralité
permet
e mesurer
'ampleur
t la variété u
travail e
divulgation
u com-
pilateur
du
plusgrand
ntérêt,
'étude es
progrès
u classement
lphabéti-
que jusqu'à
la Scala coeli ouvre
des
perspectives
ouvelles ur a connais-
sance des outils ntellectuelsont
disposaient
es auteurs u
MoyenÂge
et
sur 'horizon 'attente 'unpublic e prédicateurst de lecteurs. e recueil
est
organisé
n
122
rubriques
hématiques
lassées
elon 'ordre
lphabétique,
de Abstinentia Usura
«
Le fonctionnemente la
rubrique
ermet
Jean
Gobi de contrôler'immense ichesse arrative
u'il
insère ans sa
prédica-
tion
pourcapter
'attentiones fidèles. es
récits ontmis au service
e la
rubrique
ans
aquelle
ls s'insèrent. insi a
rubrique
st-elle ne notion
ui
ne
reste
as
à l'étatde
concept,
mais
une réalité e
plus
en
plus
concrète
au fur t
à
mesure
ue
les
leçons
uccessives onnent n
nouvel
clairage
sur un de
ses
aspects.
Un
inventaire
uméroté
t
systématique
e
tous es
aspects
e la notion st établi
jusqu'à
18
eçons). ...]
Jean
Gobi
place
ses
récits ans e double
egistre
u balancementntree Bien
t e
Mal,
du
pas-
sage
de l'intérieurers
'extérieur
ui permet
ne mise n
relation es actes
avec les dispositionsntérieures(p. 44). M.-A. Polo de Beaulieu bserve
avec
beaucoup
e soin
es distorsions
ar
rapport
u
système
les défaillan-
ces,
irrégularités,ontagions hématiques
évèlent
ue
Jean
Gobi
maîtrise
encoremal le
système
ationnel
e la
rubrique,
lle met
également
n évi-
dence e mécanismee
l'allégorisation
ui
apparente
e
recueil
d'autres
or-
mes ittéraires
Yexemplum
ubit,
n
effet,
une moralisation
ui
reprend
presque
mot à mot es détails u récit
our
eur
conférer
ne
signification
allégorique,
estinée établir n
lien
univoque
ntre
e
concept
e la rubri-
que
et
e
récit
ui
l'illustre
(p.
48).
L'analyse
u
phénomène
ermet
e sou-
ligner
es
problèmes
pécifiques osés par
Yexemplum
oralisé ans
equel
l'exégèse llégorique
eut
n'entretenir
ue
des liens
rtificielsvec
le
récit,
et se
juxtaposer
lui
«
de
façon
brupte
.
L'introductionrésentegalementneanalyseméthodiquee l'œuvre,
qui passe
par
une vérificatione la définition
ésormais
anonique
e Yexem-
plum
mise u
point
our
e
fascicule '«
Exemplum (
Typologie
es Sour-
ces du
MoyenAge
Occidental
fase.
0,
Turnhout,
repols, 982).
Or,
Yexem-
plum
de la Scala
coeli se coule
particulièrement
iendans ce
cadre,
out n
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 145/164
NOTES
DE
LECTURE
143
illustrante
large
ventail es variationsues ux sources t au canald'infor-
mation ce
qui permet
e dresser
ne ntéressante
ypologie
autour 'un
axe
immuable la finalisation
u récit l'économie u
salut,
n vertu e
quoi
chaque
division u
recueil
eprésente
n
degré
e l'échelle
onduisant
au ciel
«
JeanGobi
présente
es
exempla
ommeun
moyen
'accès
à
la
connaissance.
n
effet,
ans
on
prologue
l
explique
ue
pour
porter'esprit
humain
ers es choses
élestes,
l
a divisé
a matière n deux
parties 'après
les montants
t
es échelons e la
Scala coeli les montants
omprenant
la
connaissance
es
choses
upérieures
t
'amour e
celles-ci,
ar esquelles
ont
éloignés
es
péchés
t
sont ultivées
es vertus
...]
et es
échelons,
es divers
sujets ui
sont
angés
ans 'ordre
lphabétique
...]
autrementit es exem-
pla » (pp.57-58).
M.-A.
Polo de Beaulieu
le mérite
e
dégager
rèsnettementa structure
stéréotypée
e
Yexemplum
e
la Scala coeli facilement
émorisablee
par
sa brièveté
t
intégrablear
sa nature
métaphorique
ans une
eçon
héolo-
gique
ou
morale.
Dès
lors,
vec cette dition
ritique
munie
d'un
apparat
sur a
tradition
manuscritet les
variantes de
notes
omportant
n bref
résumé
n
français
t fournissant
our
chaque xemplum
ources t
référen-
ces
historiques
d'un tableau
es citations
ibliques
d'un
ndex es
auteurs
et des
œuvres,
es motifs arratifs
'après
e
Motif
ndex
f
Folk
Literature
de Stith
hompson
d'une
ablede concordances
t d'une
bibliographie
ssen-
tielle,
e lecteur
ispose
'un
nstrument
e rechercheout
fait
fficace,
ans
la bonne
radition
es
grands
ompilateurs
édiévaux,
ais bien
supérieur
pour a qualitédu travail cientifique.
Claude
Cazalé
Alain
Boureau,
L'événement
ans
fin.
Récit
t christianisme
u
Moyen
Âge
Paris,
Les Belles
Lettres,
istoire, 993,
302
p.
Alain
Boureau uvre
e recueil
'articles
ar
'hypothèse
ue
l'efficacité
du
christianisme
édiéval
qui
envahit
aysages
t
discours)
éside ans
un
usage
ntensif
t
original
u récit.
n effet
«
les
préceptes,
e
dogme,
es
ritesdoivent asserpar l' nterprétation'un récit, elui de l'Incarnation
(p.
10)
».
Tout
le travail e
l'Eglise
médiévale
onsista
onc à
élaborer e
nouveaux
écits
fin
de
développer,
xpliciter,
éactualiser
nfin
e
message
originel,
out
n conservant
a vie du
Christ omme
modèle. es diversestu-
des
(publiées
ntre
982 t
1989)
rassemblées
ourétayer
ette
hèse ébor-
dent e
Moyen
Âge
et
intègrent
e
travail
des Jésuites ur
la
narration
chrétienne.
Pour
les
troisderniers
iècles
du
MoyenÂge,
Alain Boureau
ouligne
à
plusieurs
eprises
e rôle
des ordres
mendiants
t notamment
es Domini-
cains dans cette
promotion
es nouveaux
écits
u dans la réactualisation
d'anciens omme
es Vitae
atrum. a fonction
édagogique
e
l'hagiogra-
phie
t son
nsertion
ans a vie
sociale
les
cités taliennes
ar exemple)
ont
évoquées u travers e troisvies de saints saintEustache, aintLouis
d'Anjou
et saint
Cyr
de Gênes.
Puis,
des
légendes
chelonnéesntre e
XIIe
et le
xve iècles
llustrente souci
constant e
l'Église
de
marquer
es fron-
tières u
christianisme,
otamment
ar rapport
u
judaïsme.
Le récitde
l'inceste e
Judas
montrea
prégnance
u
modèle
œdipien ui produisit
om-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 146/164
144
NOTES
DE
LECTURE
brede récits
arallèles
l inceste u
pape
Grégoire,
e saint
André,
e saint
Alban,
de saintBrice t saintMartin.Alain
Boureau
propose
e voirdans
la tension ociale
provoquée ar
a
prohibition
évère
e l inceste
ar
Église
à
partir
e la
fin
du
xie
iècle,
ne
des sources e
l antisémitisme
ui
se
déve-
loppa
au cours
du
xiie
iècle.
En
effet,
a
communauté
uive
échappait
ux
interdictions
rappant
es
mariages onsanguins
t
pratiqua
a
polygamie,
e
lévirat t e
mariage
ntre ousins
usqu au
xnie
iècle.
e soucide
se démar-
quer
religieusement
u
udaïsme
onduisit la
crémation
e
plus
de dix
mille
volumes u
Talmud Paris e
6
juin
1242,
ur
ordrede
saint
Louis,
à
la
suite une
ampagne
e
dénigrement
e ce
livre acré
evenu
bjet
maléfique.
Dans
le
champ
los du
christianisme,
es
récits ont
également
tilisés
pourmarqueres limites e l orthodoxie.aint Bernard laça ainsi sous le
signe
de la
trahison a
controverse
vec
Gilbert e la
Porrée.
Cet
épisode
complexe
e la
constitution
octrinalee
l Église
ne
produisit
as
à
propre-
ment
arler
es
récits,
mais des
échanges
arguments
ont e
vocabulaire
est
analysé
n
détail.
À
la
fin
du
Moyen
Âge,
c est e
miracle u
calicede
saint onat
qui
estutilisé
ors
du débat
ui
opposa
e
théologien
ussite aco-
bellusde Stribo
t son
adversaire
rthodoxe ndreas
e Brod
1414-1416)
sur a
communion
ous es deux
spèces.
auteurnous
offre n
travail
is-
torique
iche,
aisant
ppel
à de
multiples
isciplines
our
fonder ne
his-
toire
eligieuse
ncrée ans on contexte
ocial t
culturel.
a
conclusionatta-
che
à cerneres
causesde la
fin
du
récit
hrétien
l imitatione
Jésus-Christ
(après
aint
François
Assise)
t les
critiques
es
humanistes,
es
bollandis-
tes et des protestants.
Marie-Anne
olo
de
Beaulieu
SophieCassagnes-Brouquet,
Les
couleurs
e la
norme
t de
la
déviance.
Les
fresques
Ambrogio
orenzetti
u
Palazzo
Pubblicode
Sienne
Dijon,
Publicationse
l Universitée
Bourgogne
XXIV,
Série
du
Centre
Études
Historiques
,
Éditions
niversitairese
Dijon,
1993,
8
p.,
préface
e
Nicole
Gonthier.
Ce petitivre stunaimable arcoursommentéans a salledu Palais
Public
e Sienne
ite de
la
paix
ou
«
des
arbalètes
,
où
Ambrogio
oren-
zetti
peignit
ur
troismurs es
fresques
ui
illustrent
e
Bon et
le
Mauvais
Gouvernementt les effets e
l un et
de
l autre.
Mais il
y
a
quelque
mpru-
dence
«
jeter
un
regard
euf
(p.
18)
sur
ces
murs
ui
sont
parmi
es
plus
célèbres
u
monde t les
plus
soigneusement
crutés
ar
es
historienst
les
historiensart.
L auteur fait n
ivre
apide,
ui
pourra
nformern
ama-
teurde
moyenne
ulturemais e
chercheur
relève
rop
d approximations
et
d inexactitudes.ar
exemple
ur
a
topographie
édiévale
et
actuelle)
e
Sienne la salle de
la
paix
ne
donne
as
sur a
place
du
Campo
p.
17)
mais
à
l opposé.
Sur la
datation les Neuf
qui
ne
sont
pas
un
conseil)
ne
pou-
vaient
as
siéger
n
1287
dans a
salle d un
palais
qui
n était
as
construit
(p. 17contredisant. 10).Sur e rapportntrees mages t es nstitutions
la
plupart
es
chercheurs
accordent
penser
ue
les
vingt-quatre
igures
qui
défilent
e la
Concorde u Bon
Gouvernement,
eprésentent
e
collège
des
Vingt-quatre
ui gouverna
ienne
e 1236
1270
t
non
pas
un
conseil
dont
le Conseildes
Neuf st une émanation
(p. 45)
;
aux
pieds
du
Bon
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 147/164
NOTES
DE LECTURE 145
Gouvernement,
es« deux ristocrates...enus aire
llégeance
u Bien om-
mun
(p.
54)
sontdes
seigneurs
u contado
ui
ont
soumis eurforteresse
à Sienne
les
divisions e la ville n
«
terzi et
«
popoli
sont
des
circons-
criptions
dministratives
vantd être es lieuxde rivalité
p. 34)
le
podes-
tat
est e
premier
ais
certainement
as
le seul des
magistrats
ommunaux
choisis
parmi
es
étrangersp. 34),
etc.
Parlant
e norme t de déviance t
de
peinture
nfâmante,
l
est
surpre-
nant
ue
ne soit
pas
citée a
fresque
mise
u
jour
en
1980
u dos des Effets
du
Bon Gouvernement
ans
a salle
contiguë,
u-dessous e
«
Guidoriccio
,
puisqu elle
ut
ustementobjet
d une
punition icturale.
Quelques
ouvrages
uraient
pporté
es informationst des éléments
d interprétation,e citerai eulementhiaraFrugoni, na ontana ittàSen-
timenti
t
immagini
el Medioevo
Turin,1983,
du même
uteur ietro
Ambrogio
orenzetti,
lorence,
988,
Gherardo
rtalli,
a
pitturanfamante
nei ecoli
XII
X
VI, Rome,1979,
t CesareBrandi
d.,
Palazzo
pubblico
i
Siena
Vicende ostruttive
decorazione
Sienne,
1983.
Odile
Redon
AnneD.
Hedem
n,
The
Royal mage
Illustrations
f
the Grandes
hro-
niques
e
France
(
1274-1422
, Berkeley,
niversity
f Californiaress
Cali-
fornia tudiesn theHistoryf Art,vol.28), 1991,338pp., 123 ll. n/b,
8
planches
ouleur.
Entre es
études
conographiques
solant es miniaturesomme es
spéci-
mens
uniques,
étachés u
mansucrit
ui
les
contient,
t
l approche
tricte-
ment
monographique,
auteur choisi
ne rare
roisièmeoie les Grandes
Chroniques
ont
nvisagées
imultanément
omme
n
corpus
iachroniquede
la
première
opie
nluminée
e
Philippe
e
Bel à celles
roduites
ous
e
règne
de Charles
I)
et comme
es réalisations
chaque
fois
particulières,
nsérées
synchroniquement
ans leur
propre
ontexte
istorique,daptées chaque
étape
aux désirs
e différents
ublics.
Le
bénéfice
ajeur
e cette
pproche
st
que
l on
suit
pas
à
pas
les éton-
nantesmanipulationsextuellest iconographiquesuxquelleses Grandes
Chroniques
nt été soumises
u cours
de leur
histoire. ans les
quelque
130
opies
enluminées
ui
nous
sont
parvenues,
auteur
faitun
tri
udi-
cieux ui
permettant
e circonscrire
es
moments
orts
orrespondant
dif-
férents
roupes
e
commanditaires
ui
sont ntervenusur a substance
ême
de ce récit
ourtant
fficiel e
la
royauté
rançaise,
oit
pour augmenter
de continuations
ainsi
a
version
e
Jean
e
Bon,
avec
un
cycle
de
plus
de
400
miniatures,
ajoute
a vie
de saint
Louis),
soit,
plus
radicalement,
our
restructurer
a
version
riginale
crite
ar
e moine e Saint-Denis
rimat fin
d en éliminer
es
passages
evenus econdaires
oire
gênantsla
version
e
Charles
,
très ertainement
ompilée
sa
cour,
pporte
es
changements
es
plus ignificatifs,
els
a
suppression
u
chapitre
ur
usurpateurugues apet
ou, geste nédit, inclusion épisodesmarquantsu règne e son pèreet
du sien
propre).
Dans ce continuel
rocessus
e
révisions,
expurgations
t
d additions,
les miniatures
ouent
un
rôle
fondamental,
rillamment
isen
évidence
ar
l auteur.
Au niveau
e
plus
ittéral,
es
cycles
nluminés
ermettent
e clari-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 148/164
146 NOTESDE
LECTURE
fier a structureu manuscrit, en accentuer es
passages
aux
dépens
d autres
ainsi,
a
vie de
Charlemagne que
les
images
résentent
omme
un
«
roy
très hrétien
-
est souvent alorisée
râce
à une
plus grande
concentration
e
miniatures.ais à un niveau
lus
fondamentaln
voit om-
ment e
texte
es
Grandes
hroniques
été
réinterprété,
losépar
es minia-
tures,
omme
est
e
cas,
par exemple,
ans a
copie
de
Jean
e Bon où
les
images
es croisades
e
saintLouis
significativement
aré
d un
nimbe)
ont
saupoudrées
allusions
ontemporaines
e
manière
suggérer
n
parallèle
aussidiscret
u insistant
vec a
guerre
ontre
es
Anglais.
inclusione
signes
contemporainsermet
n effet actualisera
signification
e scènes u
passé
lointain,
omme e
frontispiceuadripartite
e la
copie
de
Charles
où
les
costumesesTroyens,ictorieuxe l empereuromain,ont arsemése fleur-
de-lys
ou,
de
manièrencore
lus ignificative,
ansun
manuscritu
début
du
xvc
iècle onservé Berlin ù un
«
commentaire
xtratextuel
-
un
col-
lier
jouté
Pâris
parti
nlever
élène,
ollier ort
emblable celui
e l Ordre
du
Porc-Épic
ondé
par
Louis d Orléans
transformea
première
inia-
ture n un subtilmanifeste
ro-bourguignon.
ais
les miniatures
ermettent
également
e
personnaliser
e texte
Jeanne
Amboise ommande
ne ver-
sion vers e milieu
u
xivc iècle
conservée
Castres)
ontenant
es minia-
tures
niques,
elle a Bataille e Courtrai
ui
opposa Philippe
V
aux Fla-
mands n
rébellion,
ataille
ans
aquelle
e
beau-père
e
Jeanne,
idèle u
roi,
oua
un rôle
majeur.
Grâce
à
cette
ttentionrèsfine ux
détails,
ux
variations
minimales
et souvent autementignificatives,esminiaturespparaissentous a plume
d Anne
Hedeman omme e véritables
nstances
erméneutiques,ouvant
lé-
chir onsidérablementa
signification
t a
réception
u
texte,
e
qu une
eule
analyse
e celui-ci e
laisserait
uère
ercevoir.
es
cycles nluminés,
asés
surdes
rappels,
es
correspondances
t des
contrastes
isuels,
onstituentes
trajectoires
artiellementndépendantes
ous
révélant ne
image oyale
en
perpétuelle
ouvance,
es
derniers
apétiens
t
premiers alois,
préoccupés
tour
tourde
souligner
e caractère
xemplaire
e
certains
ncêtres,
a con-
tinuité
office e la
lignée oyale,
u
la
supériorité
oralede
la France
(envers
es
Anglais
u
l Empire),
andis
ue
les
manuscrits
xécutés
our
a
noblesse
emblent
lus
ntéressés
célébrera
«
religionoyale
et
à
visuali-
ser
es
rapports
ntre e roi et ses
sujets.
La
tradition
omplexe
es
manus-
crits esGrandes hroniquesémoigne,n somme, e la maniabilitédéolo-
gique
d un texte
vant inventione
l imprimerie,
ais aussi et
surtout u
pouvoir
es
images
colorer e
qui
se veut
noir sur
blanc.
Brigitte
uettner
Anne
Terroine,
Un
bourgeois
arisien
u xme
iècle
Geoffroy
e
Saint-
Laurent
édité
par
Lucie
Fossier, Paris,
Ed. du
CNRS, 1992,
297
p.
Voiciun livre
ssentiel
our
a
connaissanceu xme
iècle on
comprend
que l Académie ienne e le primer. eoffroye Saint-Laurenttait n bour-
geois
ordinaire
qui
vivait Parisdans a
seconde
moitié u siècle t
pour-
tant,
on
cartulaire
articulier
st
conservé,
ocumentans
équivalent
ans
les
archives
rançaises.
est
précisémentarce
qu il
n était
pas
une œuvre
de
prestige our
un
grand
u un
parvenu
e
hautvol
qu il
a
attiré
atten-
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 149/164
NOTE DE
LECTURE 147
tiond'AnneTerroine. lle en
prépara
'édition t e commentaireuncom-
mentaire
ui
allie
une
clarté
arfaite
t
une érudition
tupéfiante,
eureuse-
ment
ejetée
ans d'innombrablesotes
quel dommage u'elles
ne soient
pas
infrapaginales
Elles seraient 'un maniement
lus
facileet elles le
méritent.
Ce
que
livre e
cartulaire,
ystérieusement
onservé
ans es
archives e
l'abbaye
aint-Magloire
e
Paris,
c'est
tout e mouvemente la fortune e
ce
personnage.
rès
de
200
pagespréparent
e lecteur la découverte
u
docu-
ment,
es
pages
i
denses
u'on
les
résume
contrecœur.
l
fallait 'immen-
ses
connaissances
our
reconstituer,
partir
es
élémentsénus u
cartulaire,
recoupés ar
une multitude
'autres
nformations,
ette
art
mal
connue e
la bourgeoisiearisienne.
D'abord a
vie du
«
héros de
l'histoire,
eoffroy
e Saint-Laurent.
l
estné
vers
1250,
anscette aste
paroisse
e Saint-Laurent
ui
ouxtait
aris
au
nord,
ntégrée
la vie
parisienne
ont
lleaccueillaitne
maladrerie,
ais
participant,
n sa
partie eptentrionale,
e l'économie urale.
a
paroisse
st
connue,
otamment
ar
es
rôlesde la
taille,
t
décrite
ans a variété
ociale
par
A. Terroine
p. 8).
Par une séried'indices
udicieusement
ntrecroisés,
A.
Terroineevine
a famille récemment
ixée
proximité
e
Paris,
modestes
paysans.
omment
eoffroy
evint-illerc
AnneTerroine onnaît e curé
de
Saint-Laurent,
ui
en a sans doute onvaincu
es
parents
t les écolesde
grammaire
e Paris et de la banlieue.
Où
s'est-il
ormé u
droit,
elui
qui prend
n 1275 e
titre
e maître
Sa culturest celled'un ugeou d'unavocat,pas d'un notaire. e voici n
tous cas
bourgeois
e
Paris
en
1274
il
vient
'acheter
ne maison
ui
lui
permet
e le
devenir
près
e
délai d'un
an et un
our.
Ascension
ue
con-
firme t facilite n
premiermariage,
n
1271,
vec une
fille
probablement
issue
de la
grande
ourgeoisie
arisiennear
sa mère.
Elle
ne vécut
guère.
Un second
mariage
une
mort,
ue
la médiocrité
es obituaires
es établis-
sementsvec
esquels
l
fut n relation e
permet as
de
dater,
ne
postérité
qui
ne réussit
as
à assurer
a
place
dans la
grande ourgeoisie.
La carrière
e
Geoffroy
e Saint-Laurentst
celle
d'un
uge
de ceux
qui, par
eur
habileté,
vitentux
parties
e
longsprocès
oûteux,
râce
u
recours
l'arbitrage.
. Terroine
retrouvé,
otamment
ans
es œuvres e
Tanon,
es affaires
uxquelles
eoffroy
e Saint-Laurent
participé
depuis
la premièreonnue, necontestationntre euxpaysansu sujetd'unevache,
à
traversoute
nesérie
e tribunaux
cclésiastiquespp.
27-32
t
39-44).
'est
l'occasion
'évoquer
e
milieu
e
ces
uges,
de dressere
portrait
e
quelques-
uns
d'entre
ux celui
de
Geoffroy
ui-même
u
travail,
'un des arbitreses
plus
n
vogue
e
la
capitale.
t de montrer
e momentù
s'épanouit,
omme
une
phase
du
développement
e
la
pratique
udiciaire,
e
recours la
procé-
dure arbitrale.
Pour
présenter
a fortune
e
Geoffroy
e
Saint-Laurent,
l a
fallu
minu-
tieusement
ocaliser
a centaine
'acquisitions
elles
ne
pénètrentuère
ans
Pariset
ne
s'éloignentas
de Saint-Laurent.
ne
gestion
e
père
de
famille,
qui
achète
ans
vendre,
mais
ui
sait irer
arti
e
l'expansion,
ors
es
murs,
de la construction
Geoffroy
e Saint-Laurent
st
de ceux
ui,
au milieu 'une
population odeste,ignerons,araîchers,rtisans, su,danscette remière
ceinture
e la
capitale,
uedes Gravilliers
u rueaux
Ours,
nstallert
con-
forteron
aisance.
Geoffroy
e Saint-Laurent
ient e son
père
une
petite
ortune urale
il
y ajoute,
coup
d'investissements,
ne
richessee
rentier,
ans vidité
mais
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 150/164
148
NOTES
DE
LECTURE
nonsans habileté
pp. 115-133).
l achète
lus
qu'il
barrente desterres er-
tiles
ans
es anciensmarais
e
Saint-Lazareu moins
iches Saint-Laurent
des mmeubles
u'il
dégrève
es rentes
ui
les
chargent
mais
l
est
ui-même
bailleur
e rentes onstituées
t
prête
e
l'argent.
a
clientèle st
modeste,
faited'hommes u
voisinage,
enanciers es
établissements
eligieux
ils
devaiente connaître
ar
son activitée
uge
d'abord,
aire
ppel
lui
comme
créancier
nsuite,
achant
ue
ses conditions
'étaient
as
draconiennes.
La vie
de
Geoffroy
e
Saint-Laurent
st
'ascension,
ans
endemain,
'un
praticien
u
droit,
mage
e
ces
«
carrières
ructueuses
ui
s'ouvraient ans
l'ombredes autorités
cclésiastiques
uxquelles
ne
grande artie
e
Paris
appartenait
et
que
l'on oublie
rop
ouvent,
bloui
par
es réussites
xcep-
tionnelles e quelquesmarchandsu le lustre es vieilles amilles.
Après
ne
présentation
'un tel
ntérêt,
'édition
u cartulaire
ous
forme
d'analyses
éçoit
n
peu.
Certes e
cartulaire
ses
défauts ceuxd'un
recueil
tronqué, uquel
l
manque
es
dernières
ages.
Les 167
ctes
qu'il
contient
sontd'une
grande
analité,
itres e
juridiction
racieuse,
assés
devant
es
autorités
cclésiastiques.
ais
il
est traduit.
our
qui
?
Surprenante
écou-
verte
ue
la
préférence
e
Geoffroy
e
Saint-Laurent
our
a
langue ulgaire.
L'historiene sent n
peu
frustrée n'avoir
as
le contact
irectvec e
docu-
ment.Le
linguiste
oit
'être
plus
encore.
Tel l'avait
vouluAnneTerroine
ui
ne
put
en assurer
'édition.
ucie
Fossier 'est
hargée
e
toute
a
mise u
point
inale elle
préparé
e
manus-
crit,
e
découpant
n
paragraphes,
ais
respectant
otalement
e texte
crit
parAnneTerroine constituantes ndex, t surtouteuxplans rès récieux
de
Saint-Laurent
t
du
quartier
es rues
aint-Denis
t
Saint-Martin,
ù elle
a
localisé es
biens
de
Geoffroy.
n doit a
remercier
e nous offrir
ette
exceptionnelle
ésurrectionu
«
monde
bscur
e
la
petite
t
moyenne
our-
geoisie arisienne
. Il
est rarede
pouvoir,
vec une
telle
précision,
énétrer
les menues ffaires
ui
ont
ssuré
'expansion
es villes t
comprendre
'inter-
pénétration
es activités urales
t urbaines.
Monique
Bourin
Pierre ieut ghi,Jardin es savoirsjardind'histoire.esAlpesde Lumière
110-111,
992,
148
p.
+ ill.
Noin oinde
Forcalquier,
ntre
rovencet
montagne,
alagón
vu
naître
en 1986
un
«
petitardin
des
simples
rassemblant
es
plus mportantes
es
180
plantes
médicinales
n
usage
dans
a
région,
ientôt
uivid'un
«
jardin
médiéval. Né du
désirde
suggérer
'esprit
'un
jardin
d'avant
a
décou-
verte
u
Nouveau
Monde,
e
ardin
de
Salagón ui
fait
'objet
du
beau ivre
de Pierre
ieutaghi
'est ainsi
ibrement
nspiré
es
documents
conographi-
ques
et
textuels
oncernantes
ardins
médiévaux
t
regroupe
e fait
plus
de
plantes
u'il
n'y
en avait en un seul
lieu au
Moyen
Âge.
Les
végétaux
ui
y
poussent
ont
pourtant
xclusivementeux
des listes
et des traitésmédicauxntérieursla Renaissance,t l'on peuty voirpar
exemple
outes
es
plantes
u
Capitulaire
e Villis
véritable
ademecum u
débutdu
IXe
ièclede la flore
onsidérée
omme
suelle
ans
'empire
aro-
lingien)u'il
a été
possible
'acclimater. ais
Salagón
ne
prétend
as
recons-
tituer idèlementa réalité es
herbularia
u
Moyen
Âge
-
certains,
omme
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 151/164
NOTES
DE LECTURE
149
celuidu
plan
du monastèree Saint-Gall
vers
820)
ne
comprenaient
ail-
leurs
pas plus
de
16
espèces
médicinales,
t Walafrid
trabus
t 848)
n en
recensait
uère
ue
23 dans son
«
Petit
ardin
,
Hortulus
ce
jardin
pro-
vençal
st
plutôt
n
«
essai d herbier
ivant et dans ce
but,
es
parterres
regroupant
es
végétaux
ar
thèmesentente suivrees
pharmacopées
avant
la Renaissance
le parterre
1
rassemble
insi es
«
herbes es fièvres
,
le
parterre
3,
es
«
plantes
es femmes
,
le
parterre
5,
es
vulnéraires,
tc.).
Le livre e
Pierre
ieutaghi
e voulait outd abord
guide l usage
du
promeneur
es
ardins
e
Salagón
mais a nécessité est vite
mposée
son
auteur,
thnobotaniste,
e conduire
galement
e lecteur ers
a
connaissance
des
relations
u entretenaient
os ancêtresvec es
plantes.
e
curieux,
e
pas-
sionné e phytothérapie,e botaniste ais ussi historienonfrontéuxpro-
blèmes
osés
par
a science
rélinéenne
u monde
égétal,
eront
onc eur
miel
des riches nnexes
t documents
ui
constituent
n
fait a
majeure ar-
tie de
l ouvrage
outre n
lexique
es
principaux
ermesmédicinauxt une
listedes
noms
français
es
espèces
ecensées
ar
le fameux
apitulaire
e
Vili
s,
ce
livre
ropose
lusieurs
ndex
noms otaniques,
oms
rançais,
lle-
mands,
nglais
t
taliens es
plantes)
t
surtout
n très
opieux lossaire ui
est bien
plus
qu un simple
ide-mémoire.
Plus de
trois ents
spèces égétales,
rbres
ompris,
voient
récisés
leur
origine,
eur
dentité,
eurrôle
dans la
pharmacopée
t dans l histoire
des
pratiques
es
temps
nciens,
n un
mot eur statut
thnobotanique
u
regard
es connaissancesont
nous
disposons
ctuellementdes
reproduc-
tionsde bois gravés es principauxuvrages es botanistes u xvic iècle
(Brunfels,
uchs,
Matthioli,
tc.)complètent
tilementt
agréablement
a
plu-
part
e ces
notices,
t
un
cahier
entral e
12
pages
de
photographies
n cou-
leurrend
lusprésente
etteNature ont es hommes
u
MoyenÂge
avaient
leur
propre
ision,
t aide
par exemple
e lecteur
comprendre
importance
de la
«
médecinees
signaturespendant
e nombreuxiècles ainsi es
tiges
de
l Arum
ragon
u
serpentaire,ui rappellent
a
peau
du
serpent,
n disent
plusqu un ong
discours ur es vertus
ongtemps
rêtées
cette
lante
on-
tre es
morsures e
reptiles.
Quelques
oquilles
âcheuses
isquent
ertes
embrouillere lecteur
uant
à
la
chronologie
t
de
lui
faire roire
ar exemple ue
le manuscrite Dios-
coride xécuté
our
AniciaJuliana u
début u
VIe
iècle it e
jour
en
1512
(p. 42), que sainteHildegarde1098-1179)écut u XIe iècle p. 64) ou que
le
Livredes
simples
médecinesdontdifférentesersions échelonnentu
xiiic
u
xve
iècle,
ut
omposé...
u
xxc
iècle
p. 73).
Ces détails enlèvent
toutefois
ien
la
valeur
e l ensembleà une
époque
ù la mode es
«
méde-
cinesdouces
conduit
plus
d une
exploitation
umeuse es
«
herbiers u
passé
,
on ne
peutque
saluer
n
ouvrage
ussi
complet
t aussi
peu tapa-
geur
ue
celuide
Pierre
ieutaghi.
râce
lui
a
visite
Salagón largit
on-
sidérablement
horizon
u lecteur.
LaurenceMoulinier
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 152/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
150-152
LIVRES
REÇUS
Danièle
Alexandre-Bidon et Cécile
Treffort
(sous
la
dir.
de),
À
réveilleres morts.La mort u quotidiendans l Occidentmédié-
val
:
Lyon,
Presses
Univ. de
Lyon,
1993.
Mario Ascheri
(éd.
par),
L ultimo statutodella
Repubblica
di Siena
(1545)
:
Sienne,
Accademia
degli
Intronati,
1993.
Jérôme
Baschet,
Les
justices
de
l au-delà Les
représentations
e
l enfer
n France et
en Italie
(xne-xve
iècle)
Rome,
École Fran-
çaise,
1993
(Bibl.
des Écoles
Françaises
d Athènes et de
Rome).
Lucia
Battaglia
Ricci,
Parole
e
immagini
nella
letteraturataliana
medievale Materiali
e
problemi
Pisa,
Gruppo
editoriale
nter-
nazionale,
1994.
Jacques Berchtold, Des rats et des ratières.Anamorphosesd un
champ métaphorique
e saint
Augustin
Jean Racine
:
Genève,
Droz,
1993.
Marie
Bertho,
Le Miroir des
âmes
simples
et
anéanties de
Margue-
rite Porète. Une
vie
blessée
d amour :
Paris,
Larousse et Sélec-
tion
du
Reader s
Digest,
1993
(coll.
Jeunes
Talents).
Wim
Blockmans et
Jean-Philippe
Genet
(éd.
par),
Visions sur le
développement
es États
européens.
Théories t
historiographies
de l Etat
moderne
Rome,
École
Française,
1993
(coll.
de
l E.F.R.,
171).
Dominique Boutet et Laurence Harf-Lancner (études rass. par),
Écriture et modes
de
pensée
au
Moyen
Âge
(vme-xve
iècles)
Paris,
Presses de
l E.N.S.,
1993.
Maria A.
Ceppari Ridolfi et
Patrizia
Turrini,
Il
mulino delle
vanità. Lusso
e
ceremonie
nella Siena
medievale,
con
l edizione
dello Statuto
del
Donnaio
(1343)
:
Sienne,
Il
Leccio,
1993.
La
chanson
de Girartde Roussillon
trad.,
prés,
et
notes
par
Miche-
line
DE
Combarieu
du Gres et
Gérard Gouiran :
Paris,
Livre
de
Poche,
1993
(coll.
Lettres
gothiques).
La chanson de Roland
prés.,
trad,
et
comm.
par
Jean Dufournet :
Paris, Flammarion,
1993
(coll. bilingue).Michel Colardelle et Éric Verdel
(sous
la dir.
de),
Les habitats
du
lac
de Paladru
(Isère)
dans leur
environnement.a
formation
d un terroir
au
XIe
iècle
:
Paris,
E.H.E.S.S.,
1993
(Doc.
d archéologie
française,
40).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 153/164
LIVRES
REÇUS
151
François
Delpech,
Histoire et
légende
Essai sur la
genèse
d un
thème
pique aragonais
(la
naissance merveilleuse
e
Jacques
er
le
Conquérant)
Paris,
Pubi, de
la Sorbonne
Nouvelle,
1993.
Christian
de
Merindol,
Les
fêtes
de chevalerie
la
cour du roi
René
Emblématique,
rt et
histoire
Paris, C.T.H.S.,
1993
coll.
Mémoires
et
doc. d histoire
médiévale
et de
philologie).
G.
de
Rosa,
T. Grégory et A.
Vauchez
(éd.
par),
Storia dell Ita-
lia
religiosa
t.
1,
L Antichità
il
Medioevo
:
Bari,
Laterza,
1993
(coli.
Storia
et
Società).
L
eau dans
la société
médiévale
fonctions,enjeux images
(Mélan-
ges de l École Française de Rome - Moyen Âge t. 104, n° 2,
1992;.
Margot
Fassler,
Gothic
Song.
Victorine
equences
and
Augustinián
Reforme
n
twelfth-century
aris :
Cambridge
U.P.,
1993.
Franco
Franceschi,
Oltre il Tumulto
I
lavoratori
fiorentini
dell Arte
della
Lana
fra
Tre e
Quattrocento
Florence,
Olschki,
1993.
Claudio
Galderisi,
Le
Lexique
de
Charles d Orléans
dans les
«
Ron-
deaux
»
:
Genève,
Droz,
1993
(Publications
romanes et
françaises).
EdwardA. Heinemann, L Art métrique e la chansonde geste.Essai
sur la
musicalité
u récit
Paris,
Droz,
1993
Publications
roma-
nes
et
françaises).
Italia 1350-1450
Tra
crisi,
trasformazione,
viluppo
(Actes
du
13e
colloque
du Centro
taliano di storia
e
d arte, Pistoia,
1991)
Pistoia,
1993.
Jean
Gobi,
Dialogue
avec un
fantôme
éd.
par
Marie-AnnePolo
de
Beaulieu
:
Paris,
Belles
Lettres,
1994
(coll.
La
Roue à
Livres).
Claude
Lecouteux,
Les monstres
dans la
pensée
médiévale euro-
péenne
Paris,
Presses
Univ. de
Paris-Sorbonne,
993
coll.
Cul-
tures
et
civilisations
médiévales,
X).
René Locatelli, Sur les cheminsde la perfection.Moines et cha-
noines
dans
le diocèse
de
Besançon
(vers
1060-1220)
Saint-
Étienne,
C.E.R.C.O.R.-Publ.
de
PUniv. de
St-Étienne,
1992.
Gherardo
Ortalli
(éd.
par),
Giuoco
et
giustizia
nell Italia
di
Comune
(Actes
du séminaire
e
Trévise,
mai
1991)
Rome-Trévise,
iella-
Fondazione
Benetton,
1993.
Pensée,
image
et communication
n
Europe
médiévale.
À
propos
des
stalles
de Saint-Claude
Besançon,
1993.
Armando
Petrucci,
Jeux de
Lettres.Formes
et
usages
de
l inscrip-
tion
en
Italie,
xie-xxe
iècles
Paris,
E.H.E.S.S.,
1993.
Antonio Ivan
Pini, Campagne bolognesi.
Le radici
agrarie
di
una
metropolimedievale Firenze,Le Lettere,1993 coli. Le vie della
storia).
Brigitte
Prévot et
Bernard
RibémONT,
Le
cheval en France au
Moyen
Âge
:
Orléans,
Paradigme,
1994.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 154/164
152 LIVRES
REÇUS
Jeux,
sports
et divertissementsu
Moyen
Age
et à
l âge classique
Actes
du
116e
Congrès
National des Sociétés
Savantes,
Chambéry,
1991
Paris,
C.T.H.S.,
1993.
Seigneurs
t
seigneuries
u
Moyen
Âge
Actes du 117e
Congrès
Natio-
nal des
Sociétés
Savantes,
Clermont-Ferrand,
992 :
Paris,
C.T.H.S.,
1993.
Société
des HistoriensMédiévistes e
l Enseignement
upérieur
ublic,
Les Princes et le
pouvoir
au
Moyen
Âge
:
Paris,
Publicationsde
la
Sorbonne,
1993.
Alessandro
Stella,
La
révoltedes
Ciompl.
Les
hommes,
es
lieux,
le travail Paris, E.H.E.S.S., 1993.
André Vauchez
(sous
la
dir.
de),
Histoiredu
christianismet.
4,
Évê-
ques,
moines
et
empereurs
610-1054)
Paris,
Desclée
de
Brou-
wer,
1993.
Monique
Zerner,
Le
cadastre,
le
pouvoir
et la terre
Le Comtat
Venaissin
ontifical
u début
du
XVe
iècle
:
Rome,
École Fran-
çaise,
1993
(coll.
de
TE.F.R.,
174).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 155/164
Médiévales
6,
printemps
994,
p.
153-158
INDEX DES
Nos 20 à
25
-
1991
à
1993
Articles
parus
Abraham-Thisse
Simonne,
Présentation
Sagas
et
chroniques
du
Nord),
1991,
n°
20,
pp.
5-15.
Arrignon
Jean-Pierre,
e Dit
d Eymundr
et le
martyre
u
prince
Boris
de
Russie
(1015),
1991,
n°
20,
pp.
53-60.
Banni
ARD
Michel,
La
voix
et l écriture
émergences
médiévales
1993,
n°
25,
pp.
5-16.
Banniard
Michel,
Les deux vies de saint
Riquier
du latin médiati-
que
au latin
hiératique
1993,
n°
25,
pp.
45-52.
Benaïm-Ouaknine,
Pouvoir
libérateur
du vin et ivresse du texte
1992, n° 22-23, pp. 163-172.
Berthon
Éric,
Le
sourire aux
anges enfance
et
spiritualité
u
Moyen Age
(xiie-xve iècle),
1993,
n°
25,
pp.
93-111.
Blue
Gregory,
Marco
Polo
et les
pâtes
1991,
n°
20,
pp.
91-98.
Bois
Guy,
Réponse
(L An
mil
rythmes
t acteursd une
croissance),
1991,
n°
21,
pp.
91-108.
Bonnassie
Pierre,
Mâconnais,
terre
éconde
1991,
n°
21,
pp.
39-46.
Boulnois
Lucette,
Démons
et
tambours
u désertde
Lop
: variations
Orient-Occident, 992,
n°
22-23,
pp.
91-115.
Bouloux
Nathalie,
Les
usages
de la
géographie
la cour des Plan-
tagenêts
dans la seconde moitié
du
XIIe
iècle, 1993,
n°
24,
pp. 131-148.
Bourin
Monique,
L an
mil continuitétournant u révolution
Dis-
cussions autour
d un livre
controversé, 991,
n°
21,
pp.
5-10.
Bratu
Anca,
L ici-bas
et l au-delà en
image
formes
de
représenta-
tion
de
l espace
et du
temps,
1991,
n°
20,
pp.
75-90.
Bureau
Pierre,
Les valeurs
métaphoriques
e la
peau
dans le Roman
de
Renart. Sens et
fonctions,
1992,
n°
22-23,
pp.
129-148.
Cerquiglini-Toulet
Jacqueline,
Fama et les
preux
nom et renom
à
la
fin
du
Moyen Âge,
1993,
n°
24,
pp.
35-44.
Chatelain
Jean-Marc,
espace politique
de la renommée Érasme
à JusteLipse (1530-1570), 1993, n° 24, pp. 117-129.Crépin
André,
Poétique
latine et
poétique
vieil-anglaise poèmes
mêlant
es deux
langues,
1993,
n°
25,
pp.
33-44.
Depreux
Philippe,
Nithard t
la
Res
Publica : un
regard ritique
ur
le
règne
de Louis
le
Pieux,
1992,
n°
22-23,
pp.
149-161.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 156/164
154
INDEX
Fontaine
Jacques, Sulpice
Sévèretémoinde la communication rale
en latinà la
fin
du
IVe
iècle
gallo-romain
1993,
n°
25,
pp.
17-32.
Fossier
Robert,
Réflexion
ur un
«
modèle
»,
1991,
n°
21,
pp.
77-79.
Franco Jr.
Hilario,
Le
pouvoir
de la
parole
: Adam et les
animaux
dans la
tapisserie
de Gérone
1993,
n°
25,
pp.
113-128.
Frugoni
Chiara,
L histoire
par l image
1992,
n°
22-23,
pp.
5-12.
Gauthier
Nancy, L Antiquité
se
poursuit-elle
usqu à
l an mil
?,
1991,
n°
21,
pp.
69-76.
Gauvard
Claude,
La
Fama,
une
parole
fondatrice
1993,
n°
24,
pp.
5-13.
Grondeux Anne, Le vocabulaire atin de la renommée u Moyen
Âge
1993,
n°
24,
pp.
15-26.
Gross
Angelika,
L idée
de la
folie
en
texteet en
image
Sebastian
Brandt et
/ insipiens,
993,
n°
25,
pp.
71-91.
Hillebrandt
Maria et
Neiske
Franz,
A
la
recherche e
personnes
perdues
.., 1991,
n°
21,
pp.
21-25.
Klapisch-Zuber
Christiane,
Honneur de
noble,
renomméede
puis-
sant la
définition
es
magnats
taliens
1280-1400),
1993,
n°
24,
pp.
81-100.
Lebecq
Stéphane,
Entre
tradition rale et littérature
éroïque
le cas
du
scop frison Bernlef
1991,
n°
20,
pp.
17-24.
Lepetit Bernard,C est arrivé à Lournand 1991, n° 21, pp. 81-89.
Maillefer
Jean-Marie,
Réflexions
sur
l aristocratie suédoise
au
Moyen Âge
:
l exemple
d un
lignage
noble entre 1250 et
1350
1991,
n°
21,
pp.
115-132.
Mironneau
Paul,
Gaston
Fébus et la Fortune
1993,
n°
24,
pp.
149-162.
Moeglin
Jean-Marie,
L anneau de
Guillaume de
Scherfenberg.
propos
d un récitde la
Chronique
rimée
styrienne,
991,
n°
20,
pp.
61-74.
Morimoto
Yoshiki,
Réflexions
un
historien
aponais
sur
le livrede
Guy
Bois
1991,
n°
21,
pp.
63-68.
Mornet Elisabeth,L image du bon évêque dans les chroniques pis-
copales
Scandinaves à
la
fin
du
Moyen Âge
1991,
n°
20,
pp.
25-40.
Moulinier
Laurence,
Les baleines
d Albert e Grand
1992,
n°
22-23,
pp.
117-128.
Moulinier
Laurence,
Elisabeth
Ursule et les
Onze
mille
Vierges
un
cas d inventionde
reliques
à
Cologne
au xue
siècle,
1992,
n°
22-23,
pp.
173-186.
Néraudau
Jean-Pierre,
a Fama
dans
la
Rome
antique
1993,
n°
24,
pp.
27-34.
Neri
Laura, Culture et politique à Sienne au début du xivesièclele Statut en langue vulgaire de 1309-1310 1992, n° 22-23,
pp.
207-221.
Pons
Nicole,
De la renommée
u
royaume
l honneurde la France
1993,
n°
24,
pp.
101-116.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 157/164
INDEX
155
Porteau-Bitker A. et Talazac-Laurent
A.,
La
renomméedans
le droit
pénal laïque
du
xme
au
xve
siècle,
1993,
n°
24,
pp.
67-80.
Postface
L An
mil
rythmes
t acteurs une
croissance
, 1991,
n°
21,
pp.
109-112.
Rabeyroux
Anne,
Images
de la
«
merveille : la
«
Chambre de
Beautés
», 1992,
n°
22-23,
pp.
31-45.
Raynaud
Christiane,
e
pape
le
duc et
l hôpital
du
Saint-Esprit
e
Dijon
, 1992,
n°
22-23,
pp.
71-90.
Raynaud
Christiane,
n
quête
de Renommée
1993,
n°
24,
pp.
57-66.
Rebillard
Éric,
La
naissance du
viatique
se
préparer
mourir n
Italie et en Gaule au Ve iècle, 1991, n° 20, pp. 99-108.
Richter
Michael,
Les
langages
en
pays celtiques
1993,
n°
25,
pp.
53-60.
Roch
Jean-Louis,
Le
roi,
le
peuple
et
l âge
d or : la
figure
de
Bon
Temps
entre e
théâtre,
a
fête
et la
politique (1450-1550),
1992,
n°
22-23,
pp.
187-206.
Roques
Gilles,
La
Réputation
dans
la
langue
française
glossaire
onomasiologique
du
Moyen
Français
1993,
n°
24,
pp.
45-56.
Rosenwein
Barbara,
Le
lit de
Procuste de
Guy
Bois, 1991,
n°
21,
pp.
11-16.
Sansy Danièle, Texte et image dans les incunablesfrançais, 1992,
n°
22-23,
pp.
47-70.
To Figueras
Lluis,
Un
regardpériphérique
ur
la mutationde
Tan
mil, 1991,
n°
21,
pp.
47-53.
Toinet
Isabelle,
La
parole
incarnée voir
a
parole
dans les
images
des
XIIe
et
xnie
siècles, 1992,
n°
22-23,
pp.
13-30.
Verhulst
Adriaan,
Europe
carolingienne
t
Europe
méridionale
Pro-
pos
recueillis
par Monique Bourin),
1991,
n°
21,
pp.
55-61.
Wickham
Chris,
Mutations
et
révolutions ux environs
de
Tan
mil,
1991,
n°
21,
pp.
27-38.
Wright
Roger,
Sociolinguistiquehispanique
(vme-xie
iècle),
1993,
n° 25, pp. 61-70.
Wyrozumski
Jerzy,
ortrait
d un
chroniqueur olonais
du XVe
iè-
cle :
Jan
Dïugosz
et son
œuvre, 1991,
n°
20,
pp.
41-52.
Zadora-Rio
Elisabeth,
Essor
démographique,
roissance
agraire
et
archéologie,
1991,
n°
21,
pp.
17-20.
Livres recensés
le
nom
du receveur
figure
ntre
parenthèses)
Albert
Jean-Pierre,
deurs de sainteté la
mythologie
hrétienne
es
aromates, Paris, EHESS,
1990
(Piroska Zombory-Nagy,1993,n° 24, pp. 181-184).
Aurell
Martin,
La vielleet
l épée
Troubadours
t
politique
en Pro-
vence
au XIIIe
iècle,
Paris, Aubier,
1989
(Vincent
erverat, 991,
n°
21,
pp. 133-134).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 158/164
156
INDEX
Bal ARDMichel
sous
la dir.
de),
État et colonisation u
Moyen
Âge
et
à
la Renaissance
Lyon,
Manufacture,
1989
(Bernard
Rosen-
berger,
1991,
n°
20,
pp. 116-119).
Benvenuti Papi Anna et Giannarelli
Elena,
Bambini santi
rap-
presentazioni ell infanzia
modelli
giografici
Turin,
Rosenberg
et
Sellier,
1991
(Didier
Lett,
1993,
n°
24,
pp. 174-177).
Bloch
R.
Howard,
Etymologie
t
généalogie
Une
anthropologie
it-
téraire du
Moyen
Âge
français
Paris,
Seuil,
1989
(Mireille
Demaules,
1991,
n°
20,
pp. 111-115).
Boyer
Jean-Paul,
Hommes
et
communautésdu haut
pays niçois
médiéval La Vésubie (xnie-xve iècles), Nice, Centre d Études
Médiévales,
1990
(Martin
Aureli,
1991,
n°
20,
pp.
109-111).
Brucker
Gene,
Giovanni et
Lusanna
Amour et
mariage
à Florence
pendant
la Renaissance
Aix-en-Provence,Alinéa,
1991
(Lada
Hordynsky-Caillat,
993,
n°
25,
pp. 148-149).
Camille
Michael,
The Gothic dol
Ideology
and
Image-making
n
Medieval Art
Cambridge
U.P.,
1989
(Brigitte
Buettner,
1991,
n°
20,
pp.
119-121).
Carron
Roland,
Enfant
et
parenté
dans
la France
médiévale,
xe-xme
iècles, Genève, Droz,
1989
(Didier
Lett,
1991,
n°
21,
pp. 135-137).
Delumeau Jean,La religionde ma mère Le rôle desfemmesdans
la
transmission
e la
foi
Paris,
Cerf,
1992
(Geneviève
Bührer-
Thierry,
1993,
n°
25,
pp. 146-148).
Duchet-Suchaux G.
(sous
la dir.
de),
Iconographie
médiévale
Image,
texte,
contexte
Paris,
C.N.R.S.,
1990
(Philippe
Faure,
1992,
n°
22-23,
pp. 235-238).
Fiero
Gloria
K.,
Pfeffer
Wendy,
Allain
Mathé,
Three
Medieval
Views
of
Women. La contenancedes
fames
Le
bien des
fames
Le
blasme
des
fames
New
Haven,
Yale
U.P.,
1989
(Lada
Hordynsky-Caillat,
991,
n°
21,
pp.
134-135).
Gauvard
Claude,
«
De
grace especial
».
Crime,
État et
Société en
France à la fin du Moyen Age Paris, Publications de la Sor-
bonne,
1991
(Didier
Lett, 1993,
n°
25,
pp.
150-153).
Greilsammer
Myriam,
envers du
tableau
Mariage
et
maternité n
Flandremédiévale
Paris, Colin,
1990
Didier
Lett,
1992,
n°
22-23,
pp.
227-231).
Guerreau-Jalabert
Anita,
Index des
motifs
narratifs
dans
les
romans
arthuriens
rançais
en vers
(xue-xnie
iècles),
Genève,
Droz,
1992
(Marie-
Anne Polo de
Beaulieu,
1993,
n°
25,
pp. 139-140).
Hamburger
Jeffrey
.,
The
Rotschild
Canticles Art
and
Mysticism
inFlanders nd the Rhineland irca1300,New Haven, Yale U.P.
(Brigitte
Buettner,1992, n° 22-23,
pp. 239-240).
Jacquart
Danielle et Micheau
Françoise,
La
médecine
arabe et
l occident
médiéval, Paris,
Maisonneuve et
Larose,
1990
(Bruno
Laurioux, 1992,
n°
22-23,
pp.
244-249).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 159/164
INDEX
157
JULLIENde Pommerol Marie-Henriette
t
Monfrin
Jacques,
La
bibliothèque
pontificale
à
Avignon
et à
Peñiscola
pendant
le
Grand schisme d Occident et
sa
dispersion
inventaires t con-
cordances
Rome,
École
Française,
1991
(Martin
Aureli,
1993,
n°
25,
pp. 137-138).
Klapisch-Zuber
Christiane
sous
la dir.
de),
Histoire
des
femmes
t.
II,
Le
Moyen Âge
Paris, Pion,
1991
Didier
Lett,
1993,
n°
24,
pp.
171-174).
Klapisch-Zuber
Christiane,
a
maison et le
nom,
stratégies
t rituels
dans l Italie de la
Renaissance
Paris, EHESS,
1990
Didier
Lett,
1992, n° 22-23, pp. 231-235).
Kleinberg Aviad
M.,
Prophets
n
theirown
Country
Living
Saints
and the
Making of
Sainthood n the Later
Middle
Ages Chicago
U.P.,
1992
(Alain
Boureau,
1993,
n°
25,
pp.
145-146).
L ah
arie
Muriel,
La
folie
au
Moyen
Âge
xie-xiiie
iècles
Paris,
Léo-
pard
d Or,
1991
Laurence
Moulinier, 1993,
n°
24,
pp. 184-185).
Martinez-Gros
Gabriel,
L idéologie omeyyade.
La
construction e
la
légitimité
u
Califat
de
Cordoue
(xe-xie
iècles),
Madrid,
Casa
de
Velazquez,
1992
(Martin
Aureli, 1993,
n°
24,
pp.
167-169).
Morrisson
Cécile,
La
numismatique
Paris, P.U.F.,
1992
(Monique
Bourin, 1992, n° 22-23, pp. 249-250).
OPSOMER
Cajmélia,
L art de
vivre en santé
Images
et
recettes
du
Moyen
Âge
: le
«
Tacuinum
Sanitatis
(manuscrit
1041)
de la
Bibliothèque
de
l Université e
Liège
s.l.,
édit.
du
Perron,
1991
(Bruno
Laurioux,
1993,
n°
25,
pp. 134-137).
Paden William
D.,
The Voice
of
the
Trobairitz.
erspectives
n
the
Women Troubadours
Philadelphie,
Univ. of
Pennsylvania
ress,
1989
(Martin
Aureli, 1992,
n°
22-23,
pp. 225-227).
Pastoureau Michel et
Schmitt
Jean-Claude,
Europe
Mémoire et
emblèmes
Paris,
Édit. de
l Épargne,
1990
(Geneviève
Bührer-
Thierry,1992, n° 22-23, pp. 238-239).
Pierre le
Vénérable,
Les
Merveillesde Dieu
(De
miraculis),prés,
par
Jean-Pierre orrell et
Denise
Bouthillier,
Fribourg-Paris,
Cerf,
1992
(Didier
Lett, 1993,
n°
25,
pp. 133-134).
Redon
Odile,
Sabban
Françoise
et Serventi
Silvano,
La
Gastrono-
mie au
Moyen
Âge
150 recettesde France et
d Italie
Paris,
Stock,
1991
(Henri
Bresc, 1992,
n°
22-23,
pp.
242-244).
Rousselle
Aline,
Croire et
guérir
La
foi
en Gaule
dans
l Antiquité
tardive
Paris,
Fayard,
1990
(Geneviève
Bührer-Thierry,
992,
n°
22-23,
pp. 223-225).
Rubin
Miri,
Corpus
Christi
the Eucharist n
Late
Medieval
Culture
CambridgeU.P., 1991 Éric Rebillard,1993,n° 24, pp. 179-181).
Schatz
Klaus,
La
primauté
du
Pape
Son histoire
des
origines
nos
jours
Paris,
Cerf,
1991
(Geneviève
Bührer-Thierry,
993,
n°
25,
pp.
143-145).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 160/164
158
INDEX
Schöttler
Peter,
Lucie
Varga,
les autorités nvisibles. Une histo-
rienne autrichienne ux
Annales dans les années
trente,Paris,
Cerf,
1991
(Martin
Aureli, 1993,
n°
24,
pp. 185-187).
Velay-Vallantin
Catherine,
L histoires des
contes, Paris,
Fayard,
1991
(Marie-Anne
Polo de
Beaulieu, 1993,
n°
25,
pp. 140-143).
Vincent
Bernard,
1492.
«
L année admirable
, Paris, Aubier,
1991
(Bernard Rosenberger,
993,
n°
24,
pp.
169-170).
Zarri
Gabriella,
Le Sante vive.
Profezie
di corte e
devozione
fem-
minile tra 400 e
500, Turin,
Rosenberg
t
Sellier,
1990
(Alain
Boureau, 1993,
n°
24,
pp. 177-179).
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 161/164
-
ČTTļ
SUR ROUTE
g
DES SAINTS
BYZANTINS
P
Elisabeth MALAMUT
S'exilerumondeloses illest es illages,uitterapatrieourlleru oineretrouver,nconnu
Uet
méditerranéen
étranger,
ur
du
une
IVe
u
route
XIIe
d'aventure,
siècle,
uivre
tel
leur
était
histoire
ledestin
et eur
des
pérégrination,
saints
yzantins.
c'estetracer
A
travers
leur
le
aventure
monde
méditerranéenu
Ve
u
XIIe
iècle,
uivre
euristoiret eur
érégrination,
'estetracereurventure
r
ä
humaine.avoirù
ls ont
és,
uelles
tudes
ls nt
uivies,
uelle
arrièrels
nt
mbrassée.avoir
'J
J
aussi
ù ls ontllés t
par
ù
ls
ont
assés
voies
errestres,
aritimes
u
fluviales,
emées
Çy.
d'obstacles.
onnaîtrenfineux
ui
ntroiséeurhemin
brigands,
ebelles,
éserteurs,
u
imples
j
pèlerins
,
eux
ue
eur
éputation
'anachorètesattirés
rès
'euxvisiteursn
uête
'intercession
.
auprès
u ielu idèles
ppelés
devenir
es
isciples.
insie
oyage
uraroutees aintsmiroir
Ude
de
la
ceux
réalité
dont
quotidienne
les estins
et
finirent
de 'aventure
par
e
de
rejoindre
chacun
dans
-
nous
ce
conduit
grand
à
mouvement
travers
'Empire
que
ut
byzantin
lemonachisme
aux
ôtés
de eux ontes estins
inirent
ar
e
rejoindre
anse
grand
ouvement
ue
ut
emonachisme
■■■■■■
kl
1 *
24
384
ages
àremettre:CNRSDITIONS0-22i« akt-Amsid/SOlSinis
nom
nmm
ADRESSE
„
CODEOSTAL
.VILLE
PAYS
.
ISBN
TITRE
[I
Oté
I
P.U
j]
Total
05001-4 Sur
a
routo
c» aint»
yxanHiu
§
*69 F
PortaruvrageFrance7FFEtranger2FF Frois ort
Ci-joim
on
èglement
e
FF
□
Chèque
ancaire
□
CCP.
à 'ordree
NRS
DITIONS
Date,
SIGNATURE;
TOTAL
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 162/164
À
NOS
LECTEURS
Si la
revue
Médiévales vous
paraît
digne
d'intérêt,
outenez-la en
vous
abonnant
ou en
renouvelant otre
abonnement.
Bulletin
d'abonnement à
retourner :
Université
aris VIII
PUV.
Publication
Médiévales
2,
rue de la
Liberté
93526 Saint-Denis Cedex 02
□
Je
souscris
un
abonnement
deux
numéros de
Médiévales
n°
26,
n° 27
-
1994
France :
130 F
+
port
30
F
160 F
Étranger
: 130 F +
port
36 F
166
F
□
Je
souscris un
abonnement
quatre
numéros de
Médiévales
n°
26,
n° 27
-
1994
n° 28, n° 29 - 1995
France
: 240 F
+
port
60 F
300 F
Étranger
: 240
F
+
port
72
F
312 F
□
Je souhaite recevoir
es
numéros suivants
Prix
au numéro
-
jusqu'au
n° 21
: 60 F
(+
port
15
F)
;
n°
16-17
110 F
(
+
port
18
F)
;
n°
22-23 130 F
(+ port
18
F)
-
à
partir
du n° 24 :
80
F
(
+
port
15
F)
Règlementpar chèque
uniquement
l'ordre
Régisseur
es Recettes UV
Paris 8/MED
(CCP
Paris 9 150 59
K)
Nom
Prénom
Adresse
Code
postal
Ville
Date : Signature
Achevé
'imprimerar
orlet,
mprimeur,
.A.
14110
ondé-sur-Noireau
France)
N°
d'Imprimeur
4012
Dépôt
égal juillet
994
Imprimé
nC.E.E.
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 163/164
/';-=09 )(8*
=-0/']
8/9/2019 Medievales - Num 26 - Printemps 1994
http://slidepdf.com/reader/full/medievales-num-26-printemps-1994 164/164
ISSN
0751-2708
SOMMAIRE
N°
26
PRINTEMPS 1994
SAVOIRS
D'ANCIENS
Vestiges
omains ans
a science
médiévale
Danielle
JACQU
ART
5
Cuisiner
l'Antique
Apicius
u
Moyen
Age
Bruno AURIOUX
17
Virgile
e
magicien
t
YÉnéide es
Chartrains
Francine
MORA
39
Agronomie
ntique
t
élaboration
médiévale
de
Palladius
ux
Préceptes
isterciens 'économie
urale
Jean-Louis
AULIN
59
ESSAIS
ET RECHERCHES