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Estelle PASQUIER 1 Résidente 4 ème semestre Faculté Lyon Nord Avril 2004 MEMOIRE DE MEDECINE GENERALE « Comment préparer et réaliser un entretien semi- dirigé dans un travail de recherche en Médecine Générale. » Préparation de la recherche qualitative des facteurs de résistance à l’appropriation des recommandations par les médecins généralistes, 2 exemples. Maîtres de stage : Dr VIOLET Patrick Dr DESCAMPS Philippe 1 12, rue Gigodot, 69004 LYON, Tel : 04 72 87 08 45

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Estelle PASQUIER1 Résidente 4ème semestre Faculté Lyon Nord Avril 2004

MEMOIRE DE MEDECINE GENERALE

« Comment préparer et réaliser un entretien semi-dirigé dans un travail de recherche en Médecine

Générale. »

Préparation de la recherche qualitative des facteurs de résistance à l’appropriation des recommandations par les

médecins généralistes, 2 exemples. Maîtres de stage : Dr VIOLET Patrick

Dr DESCAMPS Philippe

1 12, rue Gigodot, 69004 LYON, Tel : 04 72 87 08 45

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SOMMAIRE : I. INTRODUCTION....................................................................................................................... 3

A. Objectifs de la thèse .............................................................................................................. 3

B. Objectifs du mémoire............................................................................................................. 5 II. METHODOLOGIE – L’ENTRETIEN SEMI-DIRIGE : .......................................................... 5

A. Généralité ................................................................................................................................ 5

B. Pourquoi choisir l’entretien semi-dirigé............................................................................... 6

C. Les principes de l’entretien semi-dirigé .............................................................................. 7

1. Conditions de validité : ....................................................................................................... 7 2. Les paramètres de l’entretien : ......................................................................................... 8 3. Autres conseils techniques : ............................................................................................. 9

III. HYPOTHESES DE RESULTATS......................................................................................10

A. Facteurs liés aux patients ...................................................................................................10

B. Facteurs liés aux médecins ................................................................................................10

C. Facteurs liés à la relation médecin / patients ..................................................................11

D. Facteurs liés à l’environnement.........................................................................................11

1. Facteurs liés aux recommandations ..............................................................................11 2. Autres facteurs environnementaux ................................................................................12

IV. POPULATION ET ECHANTILLONAGE...........................................................................13

A. La taille de l’échantillon : .....................................................................................................13

B. Le mode d’échantillonnage : ..............................................................................................13

C. Le mode d’accès aux interviewés : ...................................................................................14 V. PROPOSITION D’UN GUIDE D’ENTRETIEN....................................................................15

A. Généralités ............................................................................................................................15

B. Exemple de guide d’entretien : « quels sont les facteurs de résistance à l’appropriation des recommandations par les médecins généralistes ? ».........................16

C. Stratégie d’intervention : ...........................................................Erreur ! Signet non défini. VI. DISCUSSION – BIAIS POSSIBLES DE CETTE METHODOLOGIE ...........................18 VII. CONCLUSION......................................................................................................................20

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I. INTRODUCTION Pourquoi l’application des conférences de consensus et des recommandations dans notre pratique de Médecine Générale est-elle si difficile ? Cela dépend-il seulement des connaissances des médecins, des contraintes réglementaires ou institutionnelles ? Ces hypothèses découlent directement d’un modèle théorique explicatif de la « science normale ou science appliquée ». Ce dernier considère la pratique médicale comme la simple mise en œuvre d’une science appliquée, elle-même appuyée sur des connaissances fondamentales dites « scientifiques ». « Il imagine qu’en matière de conduite professionnelle, on peut décrire parfaitement le comportement, en identifier les aberrations, dans une perspective de prescription rationnelle du comportement pertinent. » [7] N’existe-t’il pas des limites à ce modèle ? Comment les médecins généralistes élaborent-ils leurs propres stratégies de prise en charge ? N’y a-t-il pas d’autres facteurs qui déterminent la pratique médicale ? Plusieurs études quantitatives ont déjà permis d’émettre des hypothèses à propos de ces autres facteurs [7, 8, 9, 10 , 11, 13, 14, 15, 16] : par exemple, le type de formation universitaire initiale et continue, les pratiques de promotion de l’industrie biomédicale, mais aussi la représentation que les patients et les médecins ont de la maladie. La notion de représentation aborde le domaine de l’imaginaire, autrement dit l’image que ces derniers se font de la maladie ou de la pratique médicale en elle -même. De ce fait, le comportement des médecins viendrait d’un compromis entre la science médicale et la culture ambiante. Ainsi, étudier de façon qualitative ces facteurs de résistance à l’application des recommandations par les médecins généralistes permettrait de confirmer ou d’infirmer ces hypothèses. L’anthropologue F. LAPLANTINE souligne l’importance que les sciences sociales doivent redonner à l’étude de la subjectivité du malade mais aussi du médecin. Ces derniers ont leurs propres représentations de la maladie et du système qui l’entoure [6]. Il nous paraît donc intéressant d’avoir une approche anthropologique pour réaliser cette étude qualitative. Nous avons choisi de la réaliser par une méthode issue des sciences sociales : l’entretien semi-dirigé. Cependant, ce n’est pas une méthodologie habituelle de recherche en Médecine. Pourquoi l’avons-nous choisie ? Comment pouvons-nous la préparer et la réaliser dans le cadre d’une recherche en Médecine Générale ? L’objet de ce mémoire sera donc de décrire la méthodologie que nous utiliserons pour rechercher ensuite, dans le cadre d’une thèse de doctorat en Médecine Générale, les facteurs de résistance à l’application des recommandations en Médecine Générale. Précisons d’abord les objectifs de l’étude en elle-même puis ceux du mémoire :

A. Objectifs de la thèse Les études, essentiellement quantitatives, sur l'impact des recommandations montrent qu'elles ne sont pas assez appliquées et n'apportent pas les modifications de pratiques escomptées [7, 8, 9, 10]. En France, il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude

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qualitative permettant de comprendre les raisons pour lesquelles les médecins ne s’approprient pas suffisamment les recommandations. Des travaux internationaux ont montré que le développement de la médecine fondée sur les preuves ne pouvait reposer sur la seule information des praticiens mais devait intégrer des stratégies de facilitation. Il nous semble donc important pour améliorer l'application des recommandations de connaître les difficultés des praticiens de terrains. La question principale sera donc : quels sont les facteurs qui expliqueraient la résistance à l’application par les médecins généralistes des recommandations et conférences de consensus. Les objectifs de la thèse seront donc : - Identifier les types de rapports des médecins généralistes avec les référentiels

proposés, les difficultés et les éventuels facteurs de résistance et de compliance à l'appropriation et à l'application de ces recommandations de bonne pratique en Médecine Générale.

- Evaluer les difficultés de mise en pratique des recommandations. - Proposer ainsi des solutions pour une meilleure application des recommandations. Nous avons choisi de cibler le sujet sur 2 exemples particuliers : - La rhinopharyngite aiguë - Le diabète de type 2 Ceci pour plusieurs raisons : - Nous ne pouvions prendre pour exemple toutes les recommandations existantes

applicables à la Médecine Générale. - Plusieurs études quantitatives ont choisi ces 2 exemples [7, 8, 9] - Le diabète de type 2 et la rhinopharyngite aiguë sont deux des maladies les plus

couramment prises en charge en Médecine Générale. La rhinopharyngite est selon les études, le 2ème ou le 6ème motif de consultation en Soins Primaires, tandis que le diabète de type 2 est classé en 4ème ou 10ème position [24, 25, 26, 27].

- Enfin, pour ces 2 exemples, des recommandations ont été réalisées et diffusées [18, 19, 20, 21]. Nous avons choisi 2 pathologies différentes pour lesquelles les recommandations ne sont pas du même type. Pour la rhinopharyngite, elles sont peu nombreuses (3), basées sur des preuves de niveaux A ou B et peu controversées. À l’inverse, celles qui concernent le diabète de type 2 sont nombreuses et ne sont basées pour la plupart que sur des preuves de niveau C ou des accords professionnels. De plus, celles qui sont basées sur des preuves de niveau A sont parfois controversées (comme par exemple l’association metformine, sulfamide controversée suite à l’étude UKPDS). Ainsi, nous pourrons comparer les facteurs qui influencent la pratique des médecins dans ces différents cas de figure très différents les uns des autres.

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B. Objectifs du mémoire La question principale de ce mémoire est de savoir comment mettre en évidence ces facteurs de résistance? Pour cela, il faudra donc : - Choisir de façon argumentée la méthodologie : l’entretien semi-dirigé, - Décrire les principes de l’entretien semi-dirigé (leur analyse ne sera pas explicité

puisque ce n’est pas le sujet du mémoire) - Émettre des hypothèses de résultats de l’étude afin de définir l’échantillonnage et de

formuler les questions de l’entretien, - Définir l’échantillonnage, - Proposer un guide d’entretien - Discuter les biais possibles de cette méthodologie Ainsi, il nous paraît important de décrire d’abord la méthodologie de l’entretien semi-dirigé. Puis, nous présenterons les hypothèses de résultats qui nous permettront de définir l’échantillonnage puis de proposer un guide d’entretien. Enfin nous discuterons les biais possibles de cette méthodologie.

II. METHODOLOGIE – L’ENTRETIEN SEMI-DIRIGE :

A. Généralités Dès la fin du XIXème début du XXème siècle, on affirme déjà l’intérêt de l’entretien dans le domaine de la psychologie et dans celui de l’enquête sociale. Le Play écrit que : « Mieux vaut écouter qu’interroger. »2 et Piaget explique que : « L’art du clinicien consiste, non à répondre, mais à faire parler librement et à découvrir les tendances spontanées au lieu de les canaliser et de les endiguer. »3. Cette méthode est née de la nécessité d’établir un rapport suffisamment égalitaire entre l’enquêteur et l’enquêté pour que ce dernier se sente libre de donner des informations qui de ce fait sont plus explicatives et plus approfondies (à l’inverse de l’interrogatoire). On peut considérer Roethlisberger et Dickson comme les fondateurs de l’entretien en 1943. Ils menaient une « enquête » centrée au départ sur les conditions matérielles de la productivité dans l’Entreprise. Et, contre toute attente, elle a mis en évidence l’importance des relations interpersonne lles dans la motivation au travail. Ils se sont alors rendus compte de la non pertinence des questions de l’enquête pour expliquer ce phénomène et l’impossibilité d’interpréter les réponses sans contexte discursif. L’enquête s’enrichit alors d’une approche indirecte d’abord avec prise de notes, ensuite avec enregistrement intégral. On passe progressivement de la recherche des réponses aux questions de l’enquête à celle des questions élaborées par les enquêtés eux-mêmes.

2 Le Play F. (1862), « Instruction sur la méthode d’observation dites des monographies de famille », propre à l’ouvrage intitulé Les Ouvriers européens, Paris. 3 Piaget J., La représentation du monde chez l’enfant, 1926, rééd., Paris, PUF, 1976.

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Ensuite, le principe non directif de l’entretien a été emprunté en 1945 par Carl Rogers au vocabulaire de la psychosociologie. Ainsi, il a d’abord été appliqué à des entretiens cliniques, puis transposé par extension aux entretiens de recherche.[5]

B. Pourquoi choisir l’entretien semi-dirigé En sciences humaines, on dispose de 4 grands types de méthodes : la recherche documentaire, l’observation, le questionnaire et l’entretien [5]. Certes, l’observation des consultations serait aussi intéressante comme étude préalable, mais on comprend aisément que la faisabilité est difficile. Je me suis néanmoins servie en partie de cette méthode que j’ai pu appliquer durant 3 à 4 mois chez chacun de mes deux maîtres de stage pour élaborer certaines des hypothèses. Le questionnaire permet une étude plus quantitative que qualitative. Il établit un lien de causalité probable entre les caractéristiques descriptives et les comportements. Cette méthode a été utilisée dans plusieurs des études quantitatives qui nous ont permis d’émettre des hypothèses (cf. paragraphe suivant). Des interrogations persistent à la fin de ces enquêtes. Ainsi, nous souhaitons les compléter et replacer dans leur contexte les résultats obtenus préalablement par des questionnaires ou par des sources documentaires. Ce sera donc l’entretien qui permettra l’interprétation des données déjà produites en enrichissant la compréhension des irrégularités, contradictions, ou phénomènes inexpliqués mis en évidence par les recherches quantitatives.[5] Plus qu’une production verbale, l’entretien provoque le discours dans un contexte défini. Ce dernier est aussi important pour l’interprétation que le discours lui-même. Cette méthodologie « s’impose chaque fois que l’on ne veut pas décider à priori du système de cohérence interne des informations recherchées [5]». Ici, nous souhaitons découvrir les représentations que les médecins généralistes se font des recommandations et des maladies qui les concernent, ainsi que tous les facteurs qui peuvent les influencer. Il est donc important de ne pas décider à l’avance de la cohérence interne des informations recherchées. Ceci constituerait un biais qui influencerait les réponses dans le sens du chercheur. De plus, l’entretien révèle la logique d’une action (ici de telle ou telle pratique médicale) et son principe de fonctionnement. Concrètement, il permettra de comprendre ce qui pousse les médecins généralistes à agir de telle ou telle manière tandis que les questionnaires ont permis de savoir ce qui le prédispose à agir ainsi. [5] Ainsi, on peut distinguer plusieurs types d’entretiens : libre, semi-dirigé, en focus-group. L’entretien libre se pratique surtout lorsque nous ne disposons pas d’informations précises sur le domaine étudié et sur la façon dont il est perçu et caractérisé. Ici, nous disposons déjà de données, ce qui permet de réaliser un entretien semi-directif ou structuré plus facile à analyser ensuite. En effet, l’information libre est par la suite très difficile à traiter, à catégoriser et à interpréter [1] impliquant un risque important d’être hors sujet [2]. Enfin, nous avons écarté la technique du focus-group (entretien avec 5 à 8 médecins généralistes en même temps) étant donné qu’elle demanderait à chacun des médecins interrogés d’être confronté à ses pairs. Il y aurait alors probablement beaucoup de

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facteurs de résistance et de mécanismes de défense qui se mettraient en place pendant la rencontre. Cela mettrait en péril la validité de l’étude. L’entretien semi-dirigé paraît donc la méthode la plus appropriée pour notre recherche.

C. Les principes de l’entretien semi-dirigé L’entretien sert donc à l’étude des représentations ou de « l’image-croyance » qui ne se pense jamais comme telle d’après Laplantine [6]. Il est donc pertinent de l’utiliser dès lors que l’on veut analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques. Il s’agit d’une activité compréhensive. On s’intéresse au niveau intentionnel du discours et non au niveau informatif. Weber explique qu’il permet la mise en évidence de la rationalité des comportements et non de leur trame psychique comme le soutient Durkeim. Le comportement découlerait des contraintes de la situation et des interactions avec autrui. [5]

1. Conditions de validité : Pour que les données soient généralisables et valides, plusieurs conditions doivent être remplies : 1- L’outil doit être flexible puisque c’est une « démarche qui soumet le questionnement à

la rencontre au lieu de le fixer d’avance ». La rencontre est un parcours au cours duquel le chercheur dresse la carte au fur et à mesure afin de faire parler librement l’interviewé. [5] Le guide d’entretien est donc modulable en fonction du déroulement de la rencontre.

2- Pour cela une attitude intelligemment critique avec une écoute bienveillante et empathique de la part de l’enquêteur est nécessaire. [3, 5]

3- Il faut s’assurer que les enquêtés aient une opinion sur le sujet.[3] 4- Il est important de prendre en compte la dimension à la fois sociale et interpersonnelle

de l’entretien, par exemple, il faut que le lieu et le moment de l’entretien soient adéquates [5]. Dans notre cas, on évitera un lieu stressant pour le médecin généraliste, et on proposera plutôt un moment sans contrainte en excluant bien sur une entrevue entre 2 patients.

5- Il faut libérer au maximum l’interviewé pour qu’il se laisse aller à des associations d’idées [1] en l’aidant à soulager ses inquiétudes [5]. Pour cela, on utilisera des questions directives mais imprécises [2]. Par ailleurs, il sera important de leur expliquer que s’ils ne savent pas répondre, cela n’est pas un problème et que ça n’engage en rien leurs compétences [4].

6- Dans ces conditions, on postule que l’interviewé « exprime sa vérité ». [3] 7- Comparer l’étude à d’autres études identiques augmente la validité du travail. [3] 8- Comme nous l’avons déjà abordé, les informations issues des entretiens doivent être

validées par le contexte et n’ont pas besoin de l’être par la probabilité d’occurrence. Une seule information donnée par l’entretien peut avoir un poids équivalent à une information répétée plusieurs fois dans des questionnaires [5].

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2. Les paramètres de l’entretien :

a) Environnement de l’entretien La programmation temporelle doit être choisie pour maximiser la disponibilité de l’interviewé. Il faudra prendre en compte l’état d’esprit dans lequel l’enquêté peut être du fait des actions qu’il vient d’effectuer (en l’occurrence les consultations précédentes). Le lieu de la scène doit aussi suivre ce principe et être décrite le mieux possible par le chercheur. C’est à ce dernier de se déplacer vers le lieu du répondant pour diminuer les contraintes à l’interviewé. [5] La représentation que l’enquêté se fait de son rôle dans l’entretien est à prendre en compte : la promiscuité sociale facilite la mise en place du cadre contractuel de l’entretien.

b) Cadre contractuel de la communication [5] L’enquêteur répond à deux questions en arrivant : 1- Pourquoi cette recherche ? 2- Pourquoi cet interviewé ? Ces précisions sont données dans un souci de transparence mais aussi pour que l’enquêté se sente le plus à l’aise possible et déploie le moins possible de mécanismes de défense. Le premier contact est donc primordial. L’entretien sera enregistré par magnétophone si le sujet accepte. Il s’agit d’un outil qui permet une dimension d’exception grâce à une tierce personne cependant, il pourrait aussi être source de blocage. Il favorise l’attitude empathique puisque le chercheur est libéré de la prise de note donc libre pour écouter l ‘enquêté. [3] L’interviewer doit garder l’initiative du discours de l’interviewé. Pour cela, il ne doit pas exister de complicité ni de dépendance entre les intervenants.

c) Modes d’intervention [5] La stratégie d’écoute [5]: Un diagnostic d’entretien sur le discours de l’enquêté est indispensable. Il s’agit de se rendre compte du degré de profondeur auquel se situent les réponses de l’enquêté afin ensuite de pouvoir analyser ses propos [3]. On doit savoir différencier: 1- Ce qu’il dit des choses dont il parle (référentiel) 2- Ce qu’il dit de ce qu’il en pense (modal) 3- Ce qu’il cherche à accomplir comme acte à l’égard de l’enquêteur (dimension

illocutoire) Le discours sera alors guidé par les hypothèses préalables de l’interviewer qui imagine ses prochaines interventions. Ainsi, l’aide de l’enquêteur permet à l’enquêté de découvrir et d’amener de nouveaux matériaux [3]. Enfin, le chercheur pointera les points qui infirmeront ou confirmeront ses hypothèses de recherche.

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La stratégie d’intervention [5]: Elle permet à l’enquêté de produire un discours plus complet et plus cohérent. Il est conseillé de commencer par une question générale pour que l’interlocuteur se sente à l’aise, se libère et oublie le magnétophone [2, 4]. Puis l’utilisation d’annonces ou de tremplins est possible au début de l’entretien [3]. Il est déconseillé d’énoncer des contradictions car le chercheur donnerait son opinion et influencerait le discours. Par contre, il peut employer des consignes (actes initiatiques) pour réorienter les propos vers le sujet mais à faible dose pour laisser les associations d’idées se faire. Les relances (actes réactifs) favorisent une « expression confiante » et permettent d’expliciter la pensée

? Soit en reprenant en écho les propos mêmes de l’interlocuteur pour insister sur l’affirmatif afin d’être sûr de l’exhaustivité des propos.

? Soit en reformulant les propos pour permettre une attitude de compréhension (modal) [3]. On recherche une logique dans l’opinion ou les sentiments.

? Soit en orientant vers un autre thème en aiguillant le discours vers les points oubliés ou négligés.

Il faut donc éviter d’interpréter les propos ou de suggérer les réponses mais plutôt les reformuler objectivement pour prêter au sujet un meilleur moyen d’observation, des lunettes en quelque sorte, qui lui laisse sa propre vision, mais améliorée [2, 3, 4]. Les digressions peuvent être utiles pour se détendre ou si des signes de fatigue se font sentir [3]. Les questions délicates doivent être gardées autant que possible pour la fin [3]. En conclusion, la stratégie d’écoute et d’intervention doit être cohérentes.

3. Autres conseils techniques :

1- Le chercheur doit tester les questions sur lui-même afin de connaître ses propres opinions et réactions. Conscient de son mode d’entretien et de son style de conduite, il risque moins d’orienter les réponses de l’enquêté. [1]

2- Des petites notes peuvent être prises pendant l’entretien juste pour relancer sans interrompre l’interlocuteur et pour garantir à ce dernier l’intérêt que l’on porte à ses propos.

3- Il est important de terminer l’entretien en s’assurant qu’un deuxième rendez-vous sera possible pour 2 raisons [2] : ? On est amené à modifier le guide au fur et à mesure, on n’aura donc pas

abordé tous les thèmes avec les premiers interviewé. Il est important d’avoir interroger toutes les personnes sur les mêmes thèmes pour que leurs propos soient comparables [4].

? Il pourra être intéressant de recentrer sur 1 thème qui apparaît à posteriori important ou de refaire préciser certains points restés flous [2]

4- Il peut être intéressant de demander à l’enquêté à la fin de l’entretien ce qu’il en a pensé afin de modifier le guide en fonction de ses réflexions [2].

5- Immédiatement après, il est utile de noter les confidences, tous les éléments du décor, des relations, ainsi que les interprétations et les hypothèses qui sont venues au chercheur. Ils seront très utiles pour l’analyse puisque tout sera à replacer dans le contexte. [1]

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6- Les résultats de l’enquête qui se fait bien sûr de façon anonyme seront envoyé à tous les interviewés [3].

Maintenant, pour essayer d’appliquer ces principes à notre sujet, afin d’élaborer un guide d’entretien, nous devons émettre des hypothèses de résultats.

III. HYPOTHESES DE RESULTATS Un début de revue de la littérature à propos des variabilités de pratique des médecins généralistes et des facteurs qui influencent ces phénomènes a été réalisé. Il est loin d’être exhaustif. Néanmoins, il a permis d’émettre plusieurs hypothèses sur les facteurs de résistance ou de compliance à l’appropriation par les médecins généralistes des recommandations. Ces hypothèses ont été complétées par l’observation que j’ai pu effectuer pendant mon stage chez le praticien. Nous les avons classés en 5 catégories :

A. Facteurs liés aux patients Plusieurs études montrant une variabilité des pratiques intra médecin plus importante qu’inter médecin ont permis de supposer que les difficultés liées aux patients sont plus importantes que les autres [7, 9, 10]. Le patient peut avoir plusieurs pathologies intriquées : facteurs de risque ou autres pathologies intercurrentes nécessitant une médication interdite en association avec celle recommandée. Il existe ainsi un rapport bénéfice / risque à évaluer et qui influencerait la décision du praticien. [7, 9, 10] L’âge du patient semble modifier la pratique du médecin généraliste [9, 10]. Pourquoi ? Est-ce en raison des comorbidités fréquentes liées à l’âge ? Ou, le médecin se représenterait-il la rhinopharyngite aiguë de façon différente en fonction de l’âge de son patient ? Le malade peut par ailleurs avoir des problèmes financiers ne lui permettant pas de payer les médicaments ou les examens complémentaires en attendant le remboursement [10]. Une de ces études a montré qu’il existait une sur prescription d’antibiotiques pour les actifs ou les patients en âge de travailler. Est-ce lié à une pression de la part du patient ? à l’image véhiculée par l’antibiothérapie? Existe-t’il un rôle joué par le niveau d’éducation, l’environnement et les conditions de vie du patient ? De plus une recommandation qui entraîne une réaction négative de la part du patient diminuerait de 25% son application [15]. Cette réaction est-elle liée à la personnalité du patient, à la manière dont il se représente sa maladie ?

B. Facteurs liés aux médecins Tout d’abord, la formation et l’information du médecin généraliste pourraient influencer sa pratique : par sa formation initiale et éventuellement continue ou par sa difficulté à se mettre à jour des nouvelles références. Ses sources d’information (laboratoires, littérature) et ses capacités de jugement critique vis-à-vis de ces informations seraient des facteurs à prendre en compte. [10, 13]

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Ensuite, les changements que les recommandations induisent en termes d’investissement financier, humain et d’acquisition de nouvelles compétences ou connaissances semblent freiner leurs applications [15]. En outre, on peut émettre l’hypothèse que l’expérience personnelle du médecin influence sa pratique future plus que les nouvelles études randomisées. Il semble alors important de prendre en considération le côté affectif de chaque médecin. Ainsi, les représentations que le médecin a de la maladie, du traitement (et en particulier de l’antibiothérapie), de son rôle, de son patient, des recommandations, ainsi que sa capacité à tolérer l’incertitude (génératrice de stress) semblent influencer son appropriation des référentiels. Pour exemple, on peut citer qu’une rhinopharyngite chez un patient encore en activité semble être interprétée comme plus à risque de surinfection bactérienne que chez les patients inactifs [9].

C. Facteurs liés à la relation médecin / patients L’interaction et plus particulièrement la relation médecin / malade est un facteur influençant les pratiques des médecins. En effet, J. MOUQUES, T. RENAUD et O. SCEMAMA émettent l’hypothèse d’un rôle joué par la volonté du médecin à faire participer le patient à la « décision » médicale [9]. On peut d’ailleurs élargir ce concept à la volonté du patient et du médecin de prendre une décision commune. La consultation est en effet une confrontation de 2 théories : celle du malade et celle du praticien. Des interactions affectives entrent obligatoirement en jeu et l’on peut penser que cela induit parfois l’irrationnel comme le rationnel...

D. Facteurs liés à l’environnement

1. Facteurs liés aux recommandations Il existe des propriétés particulières des recommandations qui influenceraient leur utilisation en Médecine Générale [15]. Tout d’abord, le fait qu’elles soient controversées ou non compatibles avec la situation (par exemple étude réalisée sur une population non comparable à celle qui vit dans notre lieu de pratique [8]) entraînerait une diminution d’application de 48%. Il en est de même pour les recommandations non spécifiques ou énoncées vaguement. On peut facilement comprendre que la nécessité de changer la routine, en termes de pratique, de connaissance et d’investissement financier ou humain diminue leur application de 17 à 37%. Enfin, cette diminution serait de 20% si la recommandation n’est pas basée sur des preuves scientifiques. Ainsi, plusieurs méthodologies pour élaborer les recommandations ont été formulées devant l’intérêt croissant de l’utilisation de ces guides. Par exemple, l’American Medical Association, the Intitute of medicine ou the Canadian Medical Association ont proposé des principes standards de qualité des recommandations. Cependant, ils ne sont pas suffisamment suivis dans la réalisation de ces travaux. Par exemple, une étude a montré que plus de 25% ne citent pas de référence à leurs recommandations et que seules 21% prennent en compte le rôle des préférences des patients. [11] Enfin, les biais liés aux sources à partir desquelles les recommandations sont élaborées (biais de publication, linguistique, Medline, FUTON : full text on the net bias, « no abstract

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available ») peuvent entraîner des difficultés pour se faire une idée sur la validité même d’une recommandation [25]. On peut donc émettre l’hypothèse selon laquelle la qualité de la recommandation non seulement en termes de preuve scientifique mais aussi en terme de prise en compte de l’avis du patient améliore leur appropriation par les médecins généralistes.

2. Autres facteurs environnementaux Le facteur « temps » semble jouer un rôle primordial. En effet, le nombre croissant d’actes par jour est souvent corrélé à une résistance à l’application des référentiels [9, 13]. On pourrait l’expliquer par la plus grande facilité de terminer une consultation plus vite par une ordonnance d’antibiotique par exemple. Le médecin généraliste étant payé à l’acte, la rémunération sera différente si la recommandation demande ou non du temps pour l’appliquer. La pression marketing des laboratoires semble être un facteur environnemental non négligeable puisqu’elle augmenterait la prescription d’antibiotiques dans les rhinopharyngites [9]. Les recommandations changent aussi au gré des progrès de la médecine ce qui n’est pas forcément facile à suivre. Les sources d’information fiables ne sont pas toujours facilement accessibles. L’application des recommandations peut être freinée par une organisation inadéquate du dispositif de soin : système de réglementation et de contrôle de l’exercice médical, éthique médicale, mode de rémunération des médecins, disponibilité du plateau technique, densité des ressources de soins [14], niveau de remboursement des patients. Cette hypothèse est étayée par les résultats favorables d’actions entreprises dans le cadre de réseaux de soins ou d’échanges confraternels pour améliorer la collaboration entre professionnels. [7, 16] En conclusion, on constate que la majorité des facteurs hypothétiques de résistance à l’appropriation des recommandations par les médecins généralistes se rapproche du concept de « représentation » de la maladie et de la pratique médicale. D’autres semblent liés à l’environnement général dans lequel le patient et le médecin évoluent. On peut tenter de relier ces 2 familles de facteurs de la manière suivante : De façon générale, on peut dire qu’une personne ne peut s’approprier un concept (ou se le représenter de façon rationnelle) s’il ne vient pas d’un besoin de sa part et surtout s’il n’a pas été impliqué dans son élaboration, autrement dit, si l’environnement qui l’entoure ne le fait pas participer à son élaboration. Cette difficulté d’appropriation existe d’autant plus si les conséquences de ce concept ne sont pas visibles concrètement . L’hypothèse selon laquelle le fait que le médecin généraliste n’applique pas la recommandation parce qu’il n’a pas pris part à sa conception pourrait donc être un des fils conducteurs de l’étude. Dans ce cas, les représentations que le médecin a de la maladie et de sa prise en charge ne correspondraient pas aux recommandations.

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IV. POPULATION ET ECHANTILLONAGE La population de l’étude se composera de facto de médecins généralistes. Les principes de l’échantillonnage d’une étude qualitative anthropologique sont :

A. La taille de l’échantillon : Un petit nombre suffit s’il est bien exploité. En effet, l’hypothèse implicite réside dans le fait qu’ « un individu peut condenser une grande partie du sens d’un phénomène social.» Ainsi la méthode de l’entretien part du principe que « le tout social serait inclus en chaque individu » .[1] Ce n’est pas un échantillon représentatif quantitativement mais qualitativement qui est important. Les informations issues des entretiens sont validées par le contexte et n’ont pas besoin de l’être par leur probabilité d’occurrence. Ainsi une seule information donnée par l’entretien peut avoir un poids équivalent à une information répétée de nombreuses fois dans des questionnaires [5]. De plus, la population dans cette étude (médecin généraliste) étant déjà très réduite, 15 entretiens peuvent suffire à comprendre les mécanismes inexpliqués. Ce nombre a été choisi aussi en fonction de la faisabilité du projet de recherche.

B. Le mode d’échantillonnage : Pour les mêmes raisons, l’échantillon peut être caractéristique (et non représentatif) de la population [5]. Ainsi, l’échantillon favorise les contrastes de situation pour marquer la vocation comparative des milieux [1]. Il est préférable de diversifier et non de disperser l’échantillon. Les sous-populations sont déterminées par des hypothèses de résultats (ici des hypothèses de facteurs de résistance ou de compliance) [5]. Puisque notre population est une population de médecins généralistes, nous allons nous intéresser aux hypothèses principalement liées aux médecins. Plusieurs études ont montré des variabilités de pratique [ ] :

- Inter-médecins : - En fonction de l’âge du médecin, - De sa formation au sens large, - De sa région d’exercice, - Du nombre d’actes par jour

- Intra-médecins - Où le niveau d’éducation, l’environnement et les conditions de vie du patient

peuvent être des facteurs influençant la pratique

- Ainsi, on s’entretiendra avec au moins : - 1 médecin de la tranche d’age 25-40 ans, 1 de celle de 40-50 ans, 1 de plus de

50 ans, - 1 médecin formé à Lyon, 1 médecin formé dans une autre ville, - 1 médecin enseignant, 1 médecin non-enseignant,

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- 1 médecin faisant moins de 15 actes par jour (en moyenne 1 patient toutes les 30 minutes), 1 médecin faisant entre 15 et 25 actes par jour ( en moyenne 1 patient toutes les 20 minutes), 1 médecin faisant plus de 25 actes par jour,

- 1 médecin urbain, 1 médecin semi-urbain, 1 médecin rural, 1 médecin de zone dite « défavorisée ».

C. Le mode d’accès aux interviewés : On utilisera un mode d’accès direct par tirage au sort dans chaque catégorie ci-dessus. Ce dernier s’effectuera dans la liste des médecins généralistes de l’Ordre des médecins da la région Rhône-Alpes (dite caractéristique de la population française en général) puis dans la liste des généralistes enseignants de la région pour qui on connaît la variable du nombre moyen d’actes par jour. On pourra les contacter d’abord par lettre, puis par rappel téléphonique pendant lequel on conviendra d’un rendez-vous en fonction de leurs disponibilités. Ce RDV se prendra de préférence en dehors de leurs horaires de travail et se déroulera dans une pièce où ils se sentent à l’aise, il n’est pas souhaitable qu’il se passe au domicile ou sur le lieu de travail du chercheur. Si certains refusent, nous tirerons de nouveau au sort un autre médecin généraliste de la même « catégorie ».

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V. PROPOSITION D’UN GUIDE D’ENTRETIEN

A. Généralités Le guide d'entretien n'est pas un questionnaire. Il s'agit d'une liste des thèmes que le chercheur ou l’enquêteur abordent dans un ordre ou dans un autre. Les thèmes principaux et secondaires y sont répertoriés [2] Il participe à libérer le chercheur de l’angoisse de penser à tout [2]. En général, il est important de se documenter sur le sujet avant de l’élaborer afin de choisir et d’aborder les thèmes les plus pertinents [4]. Le guide se modifie et s’enrichit au fur et à mesure des entretiens. En effet, des questions peuvent être ajoutées si l’enquêteur pense à une nouvelle interrogation grâce au déroulement de l’interview et aux interactions qui s’y passent. Ou, certaines peuvent être ôtées si l’enquêté a spontanément abordé la réponse [1]. Ici encore, on remarque l’importance de pouvoir rencontrer à nouveau les premiers enquêtés afin de compléter l’entretien avec les nouvelles questions qui sont apparues par la suite de la recherche. Cependant, il faut le tenir pour définitif à un moment donné (au moment où il existe un sentiment de redondance)[2]. Enfin, des questions de substitution, des positions de repli, des consignes pour l’enquêteur peuvent être prévues pour éviter les malaises durant l’entretien sources de mécanismes de défense [2]. Un exemple de guide d’entretien semi-directif permettant une recherche des facteurs de résistance à l’appropriation des recommandations par les médecins généralistes est présenté ci-dessous. Il a été élaboré à partir des références listées en bibliographie[ ]. Il s’agit pour la plupart d’études quantitatives sur la variabilité des pratiques des médecins généralistes principalement pour les exemples choisis (rhinopharyngite et diabète de type 2). Plusieurs hypothèses ont été émises sur les causes de cette variabilité quantitative des pratiques dans la prise en charge de ces 2 maladies, il s’agit maintenant de rechercher si qualitativement ces hypothèses se confirment ou si d’autres facteurs peuvent expliquer cette variabilité.

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B. Exemple de guide d’entretien : « quels sont les facteurs de résistance à l’appropriation des recommandations par les médecins généralistes ? »

Les commentaires en italique sont des indications pour l’enquêteur. Ces questions pourront être posées dans un ordre ou dans un autre et elles ne seront pas forcément toutes posées ni posées de cette manière là. Présentation à l’enquêté : Thème général: Dans le cadre d’une thèse en Anthropologie médicale, étude à propos des « représentations que les médecins ont de leurs pratiques ». Objectif : améliorer la pratique par une meilleure compréhension des médecins eux-mêmes. Pourquoi cet interviewé : parce qu’il a été tiré au hasard dans la liste de l’ordre des médecins. Durée : entre 1 et 2 heures Volontairement, on ne prononce pas initialement le terme « recommandation » pour établir plus facilement un climat de confiance sans induire des mécanismes de défense de la part de l’enquêté . Enquêteur(s) : Résidente (étudiante en dernier cycle des études médicales). Eventuellement, associée à un(e) anthropologue du Service Commun de Sciences humaines et sociales de la faculté de médecine de Lyon pour un entretien. « L’entretien sera enregistré si vous acceptez bien sûr, mais il reste parfaitement confidentiel. Vos coordonnées ne seront pas enregistrées. Il restera complètement anonyme. Je ne vous appellerai pas par votre nom tout au long de notre interview. » Thèmes qui vont être abordés : (les questions présentées ici ne seront pas forcément posées de cette manière mais le sens global pourra être abordé d’une manière ou d’une autre selon la relation enquêteur - enquêté qui s’établira) : 1- La représentation de son métier de médecin (thème permettant de mettre à l’aise

l’enquêté et de recueillir des informations concernant la personne interrogée): Nous vous proposons d’aborder d’abord une question d’ordre générale qui me permettra de mieux vous connaître :

a) Seriez-vous d’accord pour m’expliquer ce qui vous a poussé à devenir médecin ?

b) En particulier médecin généraliste ? c) Que recherchez-vous dans ce métier ? d) Qu’est ce qui vous plait ? e) Qu’est-ce qui vous a déçu ?

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2- Les 2 exemples : Nous allons désormais prendre 2 exemples pour comprendre quelles sont les représentations que vous avez de la pratique des médecins en général : Exemple n°1 : La rhinopharyngite aiguë (RA):

a) Je vous propose une manière un peu ludique d’aborder la question : Pouvez-vous me donner des noms de médicaments que vous prescrivez dans

la RA ? Maintenant voulez-vous associer chacun d’entre eux avec un nom d’animal ? Pourquoi avez-vous associé tel médicament avec tel animal ? S’il n’a pas cité d’ATB, à quel animal associez-vous l’amoxycilline ou l’azithromycine ? Qu’est ce que l’antibiothérapie représente pour vous ?

b) On choisit 1 ou plusieurs questions ci-dessous : 1- Comment se passe une consultation avec un patient qui insiste pour avoir des

ATB devant une RA ? Pourquoi ? Etes vous d’accord de m’expliquer ce que vous pensez au moment de la prescription ?

2- Idem devant un patient qui revient pour la 3ème fois en 10 jours pour une RA ? 3- Idem face à un patient qui a une RA associée à une otite séreuse ? 4- Idem face à un patient qui ne peut pas s’arrêter de travailler ? 5- Idem dans un contexte d’épidémie ?

c) Pensez-vous que ces situations influencent votre prescription ? Si oui, de quelle manière et pourquoi?

d) (Quels sont les critères cliniques diagnostics d’un RA d’origine virale ou bactérienne, à votre avis ?)

e) A votre avis, pour quelles raisons 38 à 46% des RA sont traitées par antibiotique (selon les études) [9]?Ou plutôt qu’est ce que ce constat représente pour vous ?

Exemple n°2 : le Diabète de type II (D2) a) J’aimerais que vous me parliez du suivi de vos diabétiques de type 2, comment ça

se passe? (prenez par exemple les 5 derniers patients que vous avez vu en consultation) objectif : recueillir le suivi qu’il a fait avec des relances.

b) Quels sont les difficultés que vous y rencontrez et pourquoi ? c) Comment faites-vous lorsqu’un patient D2 vient pour renouvellement de son

traitement, diarrhée chronique associée et douleurs lombaires aiguës ? d) Choisir parmi toutes ces questions :

1- D’après vous, comment expliquez-vous que selon les études , 52 à 93% des patients D2 ne bénéficient pas d’au moins 1 dosage par an de la microalbuminurie [7, 8] ?

2- Idem pour 70% n’ont pas au moins 3 dosages de l’HbA1c par an [7, 8] ? 3- Idem pour 70,2% ne bénéficie pas d’un ECG/an [7, 8] ? 4- Idem pour 90% ne vont pas voir la diététicienne [7, 8]? Ou plutôt qu’est ce que ce constat représente pour vous ?

e) A votre avis pourquoi selon les études il y a plus de variabilité de la pratique chez un même médecin qu’entre les médecins face au diabète de type 2 ou à la dyslipidémie [7, 8, 10]?

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3- Les modes d’information et de formation

a) Quelles sont vos sources d’information médicale ou de FMC ? b) Sur quels critères sélectionnez-vous l’information ? c) Pensez-vous que ces informations influencent votre pratique quotidienne auprès de

vos patients ? Si oui, de quelle manière ?

4- Les représentations à propos des « recommandations » en général a) Que veut dire pour vous « recommandations » ? b) Idem pour « recommandations de bonne pratique » ? c) Idem pour « conférences de consensus » ? d) Quelles sont les qualités importantes à vos yeux que ces références doivent avoir[

]? e) Quelles sont les difficultés que les médecins généralistes rencontrent pour leur

application ? Vous pouvez donner des exemples

5- Les représentations de l’évolution de leur pratique au cours du temps a) Comment vous représentez vous l’évolution de la pratique des médecins généralistes au cours du temps ( en vieillissant et en gagnant de l’expérience) [7, 9, 10]?

C. Stratégie d’intervention On pourra réaliser des relances lorsque certains mots clefs seront énoncés par les médecins : - Avis du patient - Relation médecin/malade - Incertitude - Rationnel - Recommandations, référentiels, conférences de consensus - Laboratoire, industrie pharmaceutique - Formation, source d’information - Expérience personnelle, pronoms d’appropriation (mon, ma, nos, etc.) - Preuves - Financiers, rémunération - Implication du médecin généraliste

VI. DISCUSSION – BIAIS POSSIBLES DE CETTE METHODOLOGIE Le sujet de ce mémoire étant principalement de décrire la méthodologie pour préparer le travail de thèse, nous proposons de réfléchir sur les biais que l’entretien semi-dirigé peut induire : Tout d’abord, les refus de répondre peuvent induire un biais puisqu’ils seront difficiles à interpréter. Dans ce cas, ils peuvent être principalement lié au thème de la recherche qui peut paraître délicat comme chaque fois que l’on aborde un sujet lié à la qualité des soins.

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Des refus liés à la position sociale risquent peu de se produire puisque le chercheur est du même milieu social. (interne en médecine). Il peut aussi y avoir des refus liés au sexe et à l’âge qui seront difficiles à interpréter. Nous avons déjà expliqué les avantages de l’utilisation du magnétophone, il faut être cependant conscient qu’il peut être source de blocage de la part de l’interviewé qui, de ce fait, ne se libèrerait pas comme cette méthodologie le demande pour être valide. Des biais peuvent venir de l’enquêté puisque la qualité de l’information dépendra : - Du capital scolaire (qui ici ne devrait pas poser de problème), - De la capacité d’extraversion du médecin interrogé (associations d’idées, capacité de

pensées, etc.), - De la capacité à rester dans le sujet de la recherche (hors sujets) qui peut être limité

par le caractère semi-dirigé de la méthode, - De la valeur de généralisation de l’enquêté, - De la participation psychologique des propos (qui peut aussi être un atout) si on se

place dans la position de Durkeim plutôt que celle de Weber, [2] - Des mécanismes de défenses que l’interrogé déploient (fuite, rationalisation,

projection, introjection, identification, refoulement, renversement, oubli, etc.) Ils peuvent être diminués par toutes les techniques citées ci dessus. [3]

De même, le style de conduite, le mode d’entretien, les mécanisme de défense, les propres opinions du chercheur peuvent influencer beaucoup la recherche. Une interprétation pendant l’interview empêcherait le sujet de relâcher ses défenses, d’exprimer ses problèmes et retarderait ou empêcherait le but même de l’entretien : le diagnostic du sujet par lui même, sa propre acceptation. Ce biais peut être limité si l’enquêteur est conscient de ses limites d’où l’intérêt de tester le questionnaire sur l’enquêteur avant de réaliser la recherche. [2-3] Enfin, les principaux biais peuvent être liés à la relation interviewer – interviewé : - Le fait que le chercheur soit lui-même du même milieu social que l’enquêté est plutôt

un argument en faveur d’une meilleure validité puisqu’il permettrait de lever les barrières et les mécanismes de défense de l’enquêté [3]. De plus, il se sentira et sera peut-être mieux compris. Cependant, il peut y avoir un biais lié au fait que le médecin interrogé peut se sentir jugé par son pair, le chercheur. Il faudra donc éviter tout jugement bien sûr et se positionner de façon naïve peut-être en insistant sur le statut étudiant de l’enquêteur.

- L’idée que l’enquêteur se fait de l’enquêté et vice-versa est à prendre en compte. Le degré d’engagement de l’un et l’autre dans l’entretien peut être un biais. Si le souci de l’impression produite sur l’enquêteur est mis en avant par l’enquêté plus que le souci des réponses, alors la validité de l’information sera compromise. Ceci sera bien sûr influencé par l’attitude, la manière de poser les questions, la manière de transcrire ou de compléter les réponses de la part du chercheur.

Ainsi, globalement, on se rend compte que les biais dépendent principalement des capacités d’entretien que le chercheur a. Il est donc important que ce dernier soit conscient de sa propre personnalité pour les diminuer.

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VII. CONCLUSION Cette étude a donc été la préparation du travail de thèse de doctorat en Médecine Générale à propos d’une recherche qualitative sur les facteurs de résistance de l’appropriation des recommandations par les médecins généralistes. L’entretien semi-dirigé semble être le moyen le plus approprié pour la réaliser. Nous avons pu découvrir grâce à ce travail une méthodologie encore peu utilisée en recherche clinique en Médecine. Elle semble réellement intéressante et utile pour compléter les études quantitatives. L’approche anthropologique permettra certainement de mieux appréhender les représentations que les médecins ont de leur pratique. Autrement dit, quelle est la part de leur pratique qui est dictée par leur imaginaire, leur relation à l’Autre, leur « humanisme » et leur propre histoire, et quelle est la part qui est liée à tous les autres facteurs environnementaux ? Nous espérons que cette approche viendra compléter les hypothèses déjà émises sur ce sujet, et que par la suite, des propositions concrètes pourront être proposées pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients.

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