mémoire "la simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

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CNA CEFAG SESSION DE JUILLET 2010 Bagnolet La simplicité peut-elle nous aider à « mieux » communiquer ? * Mémoire en Bachelor Européen Graphic Design Présenté par Elodie JAEGER

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Ce mémoire a été écrit lors de mon Bachelor Européen Graphisme en juillet 2010. Ce mémoire a pour but de s’interroger sur la simplicité comme moyen de communication. À la cohue générale, l’atout de la simplicité ne pourrait-il pas redonner aux images la parole? La simplicité peut-elle nous aider à « mieux » communiquer ?

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Page 1: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

CNA CEFAG SESSION DE JUILLET 2010

Bagnolet

La simplicité peut-elle nous aider à « mieux » communiquer ?

*

Mémoire en Bachelor Européen Graphic Design

Présenté par Elodie JAEGER

Page 2: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

Je tiens à remercier Gilles Juan pour ses conseils avisés, le temps qu’il m’a accordé, ainsi que ses références toutes plus intéressantes les unes que les autres.

Une pensée particulière est adressée aux personnes qui ont pris le temps de lire et re-lire ce mémoire et qui ont ainsi contribué aux multiples corrections apportées à ce dernier,

Arnaud Rubio, Charles Jaeger et Lucile Bonnaud.

2

Page 3: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

Table des matières

Introduction ................................................................................................................................ 5

I -  La simplicité .................................................................................................................... 9 

1  Un besoin ......................................................................................................................... 9 1.1  quelque chose de naturel .......................................................................................... 9 

1.2  un reflexe face au surplus ...................................................................................... 11 

2  Réduire, synthétiser pour « plus » ................................................................................. 12 2.1  une mise en valeur de l’essentiel ........................................................................... 12 

2.2  un gain de temps .................................................................................................... 13 

2.3  engager le spectateur .............................................................................................. 14 

3  Un esthétisme séduisant ................................................................................................ 16 3.1  un art bien maitrisé par les Japonais ...................................................................... 16 

3.2  une grande histoire d’architecture .......................................................................... 17 

3.3  le design suisse ....................................................................................................... 17

II -  Pas si simple ! ................................................................................................................ 19 

1  Les risques de simplifier ............................................................................................... 19 1.1  perdre des éléments essentiels ............................................................................... 19 

1.2  tomber dans le simplisme ....................................................................................... 20 

1.3  la simplicité reflet de « pauvreté » ......................................................................... 21 

1.4  perdre le contrôle ................................................................................................... 22 

2  Et la complexité dans tout ça ......................................................................................... 23 2.1  simplicité et complexité: les opposés s’attirent ..................................................... 23 

2.2  la complexité comme moyen d’expression ............................................................ 23 

3  « Complexe » et « chaos » ............................................................................................ 24 3.1  deux termes à ne pas confondre ............................................................................. 25 

3.2  organiser la complexité préserve l’information ..................................................... 25

3

Page 4: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

III -  L’éloge du sens .............................................................................................................. 27 

1  Un bon graphiste est un graphiste respectueux ............................................................. 27 1.1  produire par nécessité ............................................................................................ 27 

1.2  investir sans gêne ................................................................................................... 28 

1.3  ne pas sous-estimer son public ............................................................................... 29 

2  Un graphiste sait se servir de ces outils ......................................................................... 30 2.1  les images & les signes parlent .............................................................................. 30 

2.2  les couleurs aussi .................................................................................................... 31

Conclusion ................................................................................................................................ 32

Bibliographie ............................................................................................................................ 34

Annexes .................................................................................................................................... 35 

4

Page 5: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

Introduction

L'image a acquis un statut privilégié dans notre société. Les moyens de sa diffusion et

de sa consommation n'ont d’ailleurs jamais été aussi nombreux. C’est un fait, nous sommes

dans une « société de l’image » – terme d’ailleurs énormément utilisé à l’heure actuelle. Une

prolifération visuelle incontrôlable a complètement envahi notre quotidien, nos espaces

publics comme privés. « Il y trop d’images. » comme le dit si justement le cinéaste Bernard

Emond « Chaque jour, nous sommes submergés par une quantité monstrueuse d’images

grossières, menteuses, nuisibles publicités imbéciles – ou pire : intelligentes –, émissions de

télévisions stupides et racoleuses, « documentaires » voyeurs, photographies et journaux

d’une invraisemblable vulgarité. L’espace public et privé est envahi par des images qui

vendent et se vendent, l’un étant indissociable de l’autre. »1 Trop de variété. Trop de

reproduction. Trop de signe. Le trop–plein est palpable.

Plusieurs auteurs ont, depuis la fin des années 60, formulé une critique radicale du rôle de

l'image dans les sociétés contemporaines. Partant d'une critique de la consommation, le

sociologue Jean Baudrillard a progressivement radicalisé son constat sur l'image. Ce que l'on

remarque, c'est la mort du réel et l'ouverture d'une ère de simulation, qui signe la « mise à

mort de toute référence. »2 L'image a proliféré et s'est autonomisée, elle a fini par ne plus

renvoyer à un quelconque réel, ne signifiant plus rien. Plus on avance dans l'orgie de l'image,

moins on y croit. Lors du 15eme festival Visa pour l’image à Perpignan il déclara « C’est se

faire beaucoup d’illusions que de croire que les images peuvent témoigner de la réalité. […]

Elles sont devenues trop familières pour nous toucher. Nous sommes accoutumés. Il nous en

faut toujours plus. La prolifération des images est telle qu’on a franchi un seuil critique qui

interdit un décodage véritable. »3 Et pourtant, au XXe siècle jamais la crédibilité de l’image

n’aurait pu être mise en doute. Puisqu’en effet, ce siècle restera comme celui de l’information

et de l’image, la seconde donnant à la première la force et le crédit qui manquaient pour

toucher le plus grand nombre. Si on pouvait opposer d’autres mots aux mots, on ne pouvait

rien opposer à l’image. L’image restait dans les mentalités un témoin de la réalité qui n’était

pas négociable, une part de vérité qui faisait dire aux sociologues, qu’une information sans

image n’existait pas. Quoi de plus vrai que ce que l'on a vu de ses propres yeux ? Ce n’est que

dans la seconde moitié du siècle qu’on remarqua le côté falsificateur des images. D’abord, en

2 1 EMOND, Bern 06 

5

ard, « Lettre aux jeunes gens qui me demandent comment devenir réalisateur », 20BAUDRILLART Jean, « La société de consommation », Gallimard, 1996 

3 BAUDRILLART Jean, Interview à l’occasion du 15eme festival Visa pour l’image, Le Monde, 2008

Page 6: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

dénonçant les photomontages comme ceux des pays communistes qui sont restés célèbres.

Ensuite, Chris Marker dans son court métrage Lettre de Sibérie (1958) montra comment les

mêmes images pouvaient se prêter à des interprétations totalement contradictoires selon le

point de vue qu’on adoptait, le traitement qu’on faisait subir à ce matériau visuel brut, le

commentaire qui l’accompagnait ou encore le fond sonore sur lequel on le faisait défiler. Dans

le même état d’esprit, l’effet Koulechov – appelé aussi effet-K – désigne la propension d’une

image à influer sur le sens des images qui l’entourent. Pour mettre en évidence cela, le

théoricien Lev Koulechov réalisa une expérience. Il fit trois tirages d’une même photo : un

gros plan de l’acteur russe Mosjoukine inexpressif auquel il fit précéder trois images

différentes : une assiette à soupe, un cadavre dans un cercueil et une femme allongée dans un

canapé. Interrogés après le visionnage de chaque séquence, les spectateurs devaient

caractériser le sentiment exprimé par l'acteur. Dans le premier cas, les spectateurs croyaient

percevoir la faim, dans le second, la tristesse et dans le dernier le désir. L’effet Koulechov

démontre que les images prennent leur sens les unes par rapport aux autres. C’est ainsi que

l’image transita lentement de vérité universelle à interprétation possible donc subjective.

Rapidement, les graphistes et publicitaires prirent conscience du pouvoir manipulateur de

l’image. « Là où il y a de l'image, il y a du désir et de l'amour », affirmait Hugues de Saint-

Victor. La publicité fonctionne largement sur ce principe et permet de vérifier à quel point

l'image est un objet de désir : la pulsion acheteuse, aujourd'hui, s'accroche en grande partie

aux images. En 2002, Rick Poynor dévoile avec violence et ironie une vérité à la fois

ambigüe, dérangeante et inquiétante, dans « La loi du plus fort. La société de l’image ». À

travers ces 36 essais, il commente la place qu’a prit l’image dans notre société à travers le

graphisme la publicité en passant par la photographie et l’art. « L’image a tellement envahi

nos vies que nous ne reconnaissons même plus ces innombrables astuces pour nous séduire,

nous cajoler, nous déranger et nous exciter. C’est tout à fait naturel. Les choses sont ainsi. »4

On assiste à une « guerre de l’image » ouverte où celui qui parlera le plus fort gagnera. Et

cela, à travers divers moyens : le traitement graphique, la tactique utilisé pour toucher le

spectateur, ou encore l’envergure de la campagne – affiches placardées dix fois dans une seule

station de métro. C’est malheureux, mais les images ne nous parlent plus, elles sont bien trop

occupées à l’heure actuelle à se chamailler entre elles. D’après Guy Debord, la société est

désormais vouée au culte de la marchandise et de la consommation triomphante. Dans son

œuvre majeur « La société du spectacle », cette société se fonde sur « un rapport social entre

4 POYNOR Rick, « La société de l’image », Pyramyd, 2002

6

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des personnes, médiatisé par des images »5 qui éloignent de la vraie vie. En effet, il est vrai

que l’image ne peut être inévitablement qu’une représentation, une imitation, un fragment de

vérité tout au mieux du réel. « […] l’image est analogique : elle fonctionne par ressemblance

avec l’objet représenté. »6 L'urbaniste et philosophe Paul Virilio intègre, lui, l'image dans le

cadre d'une « dromologie » c'est-à-dire science de la vitesse. Il montre que nous vivons dans

une civilisation de l'optique, où l'image participe à une tyrannie du temps réel, de

l'immédiateté, de l'ubiquité. C’est certain, pour communiquer plus facilement et surtout plus

rapidement, l’image semble supérieure au texte. « […] on le voit tous les jours : les

magazines illustrés se vendent plus facilement que les magazines de texte. »6 Entre l'image et

l'écriture, une longue histoire de rivalité existe, qui aujourd'hui ne fait que grandir.

Cependant, il ne faut pas non plus trop blâmer l’image puisque c’est indéniable, elle a sa

place dans notre société tant elle nous apporte. Le philosophe Daniel Bougnoux exprime cette

« nécessité » de l’image dans un article au titre parlant « Il ne faut pas avoir peur des

images » : « […] tant de choses ne passent que dans l'image : si je veux reconnaître

quelqu'un, connaître un pays avant d'y aller, rien ne vaut une bonne photo plutôt qu'une

longue description. » 6 Plus vite et plus fort qu'un long discours, l'image parle. Il y a 50 ans à

peine, la bande dessinée était fortement critiquée, rejetée par de nombreux éducateurs et

parents. On lui reprochait de prendre la place de l’écrit et d’offrir des narrations plus pauvres.

Maintenant on s’aperçoit que la bande dessinée et, plus globalement l’image, est un très bon

outil pédagogique. D’ailleurs, Daniel Bougnoux soutiens l’importance de l’image et plus

précisément de la bande dessinée dans le domaine scolaire : « Non seulement elles nous ont

éduqué, mais elles suscitent autour d'elles une intense communication : Tintin a beaucoup fait

parler de lui dans les préaux d'école, et la « tintinologie » s'enseigne aujourd'hui à

l'université. […] Les programmes, les manuels, incitent à l’exploitation de l’image et les

élèves y sont sensibles. » La « force » de l’image tient aussi au fait qu’elle soit perçue

synthétiquement. Elle éveille nos affects, suscite nos émotions. D'ailleurs Plutarque y fait

allusion dans la « Vie de Brutus », quand il raconte le moment où Porcia son épouse, doit être

séparée de lui: « Elle s'efforçait de cacher l'extrême douleur qu'elle ressentait, mais en dépit

de tout son courage, un tableau l'amena à se trahir ; le sujet était tiré de la littérature

grecque ; Hector était reconduit par Andromaque qui recevait de ses mains leur petit enfant

et avait les yeux fixés sur son mari. La vue de cette peinture qui rappelait à Porcia son

malheur, la fit fondre en larmes, elle alla la regarder à plusieurs reprises dans la journée et

5 DEBORD Guy, « La société du spectacle », Gallimard, 1996 6 BOUGNOUX Daniel, Sciences Humaines Hors-Série N°43, Déc2003/Jan Fév2004

7

Page 8: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

chaque fois elle pleurait. »7 De plus, la photographie et les moyens modernes

d'enregistrement ont conféré à l'image un rôle non seulement de conservation mais aussi

d'investigation dans les sciences de la nature, permettant bien souvent de donner à voir

l'invisible, grâce aux capacités d'observations de certaines machines bien supérieures à celle

de l'œil humain. À la suite de cela, on remarque que ce qu’il faut blâmer ce n’est pas l’image

elle-même mais la répétition des mêmes signes sans signifiant, le matraquage publicitaire.

Intoxiqués de se faire « shampooiner » le cerveau à longueur de journée on a choisi de se

méfier de l’image. Peu à peu, on s’est fait à l’idée que, dans un monde envahi d’images

chargées, la simplicité pouvait être un gage d’authenticité. Et à l’inverse, que ce qui était trop

chargé était forcément suspect.

À la cohue générale, l’atout de la simplicité ne pourrait-il pas redonner aux images la

parole? La simplicité peut-elle nous aider à « mieux » communiquer ?

Dans un premier temps nous étudierons les différentes raisons qui témoignent que la

simplicité est un atout majeur dans notre société. Pourquoi avons-nous tant besoin de

simplicité à l’heure actuelle? Quelles sont les points forts de cette utilisation ? Par la suite,

nous verrons que paradoxalement ce n’est pas si simple de simplifier. Nous étudierons les

dérives qu’engendre son utilisation excessive ou sa mauvaise utilisation. Ensuite, en étudiant

le contraire de la simplicité : la complexité, nous en déduirons que la simplicité au delà d’être

un bon moyen de communication ne peut vivre sans la complexité et ainsi avoir le monopole

dans le domaine de la communication. Ce constat fera naître la dissociation entre

« complexité » et « chaos » qui mettra en évidence l’importance majeur d’une « bonne »

communication : l’organisation. À la suite de tout cela, il m’est apparut essentiel que la

simplicité possédait des « lignes de conduites » qui dans notre société peuvent nous être utile

pour « mieux » communiquer. En effet, la simplicité se démarque de nos jours fortement

puisqu’elle n’agresse pas, elle est respectueuse. D’après mes constats, j’ai donc décidé dans

ma troisième partie de soulever des sujets plus ciblées, tel que la production nécessaire, ou

encore la communication respectueuse envers le public et l’environnement.

7 PLUTARQUE, « La vie de Brutus, premier consul de Rome », 1730

8

Page 9: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

I - La simplicité

Avant même de parler de simplicité, il me semble important de rappeler quelques définitions

issues du dictionnaire – Larousse 2003 – pour qu’il n’y ait pas de confusion entre les

différents termes abordés dans ce mémoire.

« Simplicité : Qui suffit à soi seul, qui n’a besoin de rien d’autre pour produire l’effet

attendu. Qui est constitué d’un petit nombre d’éléments qui s’organisent de manière claire. »

La simplicité s’oppose à la complexité.

« Simpliste : D’une simplicité exagérée, qui ne considère qu’un aspect des choses. » Quelque

chose de simpliste est incomplet, il y a un manque, un oublie volontaire ou involontaire.

« Minimaliste : Recherche de solutions requérant le minimum de moyens. » Le minimalisme

est aussi un mouvement artistique où les formes sont simplifiées à l’extrême et les éléments

orchestrés dans la simplicité la plus radicale.

Après lecture de ces quelques définitions, nous pouvons déjà constater qu’il ne faut pas

confondre le terme « simple », qui exprime le dépouillement de tout superflu avec le terme

« simpliste », qui exprime le fait de donner une vision incomplète des choses.

Plus discret et moins tape à l’œil, nous avons confiance dans la simplicité. Mais pourquoi lui

accordons-nous plus d’attention et de crédibilité? Dans cette première partie nous analyserons

les différents points forts de la simplicité.

1 Un besoin

1.1 quelque chose de naturel

La réponse la plus « simple » serait que nous en avons naturellement besoin! John Maeda

auteur « De la simplicité » commence d’ailleurs son ouvrage par cette phrase « La simplicité

c’est sain. »8 Il y a dans le culte du « moins » quelque chose de rigoureux, de rationnel et de

serein. Econome de ses moyens, il serait ascétique. La Gestalt – psychologie de la forme – a

observé à travers la loi de Prägnanz que notre cerveau recherche toujours la simplicité.

Lorsque des choses se présentent à nous de façon ambigüe de sorte qu’elles peuvent être

interprétées de différentes manières, notre cerveau choisira toujours l’interprétation la plus 8 MAEDA John, « De la simplicité », Payot & Rivages, 2009

9

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simple. Ainsi, de façon naturel, un tout, un ensemble est perçu avant les parties le formant.

L’exemple le plus évocateur est celui du smileys ☺ ce n’est qu’une succession de caractères

spéciaux qui n’a aucun sens et ne fait référence à aucune règle. Pourtant naturellement nous le

regardons dans sa globalité pour l’identifier et ensuite seulement dans un second temps

remarquons de quoi il est constitué. John Maeda, à travers la Gestalt changeante de l’Ipod

Apple, montre à quel point de petits changements d’organisation peuvent créer de grandes

différences dans le design. Il confronte les trois designs des touches de commandes de l’Ipod :

« De gauche à droite, nous pouvons lire les étapes de l’évolution de l’Ipod ainsi : simple au

départ, puis plus complexe, et enfin aussi simple que possible. […] la troisième phase des

commandes de l’Ipod suscite le désir, parce qu’elle estompe toutes les commandes pour

arriver à une seule image simple. » Apple en créant un tout constitué d’un ensemble de

parties organise de façon à ce que notre cerveau soit le plus réceptif. En généralisant un

ensemble complexe, nous simplifions. Ce comportement peut aussi bien être expliqué par

notre cerveau reptilien qui gère notre « instinct de survie ». Nous avons besoin d’identifier le

plus rapidement possible ce qui nous entoure pour y distinguer un éventuel danger. Imaginez

le temps qu’il nous faudrait à identifier une pelouse si nous devions pour cela voir chaque brin

d’herbe individuellement. Cet exemple peut sembler un peu farouche mais pourtant nous

pensons ainsi. John Maeda résume –de façon peu être un peu brutal – que nous sommes des

« […] des animaux organisationnels. Nous ne pouvons nous empêcher de regrouper ce que

nous voyons. »

En fait, simplifier un design soulage l’effort cognitif de l’observateur, d’une certaine manière

on facilite le travail de réflexion. Car naturellement, le cerveau aime que d’une certaine façon

on lui mâche le travaille.

10

Page 11: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

1.2 un reflexe face au surplus

La simplicité c’est aussi une réponse face aux communications qui chargent actuellement

notre quotidien. Elle apparait comme un coup de balai dans les oripeaux d’une société qui

croule sous ses propres excès. Graphiste et plasticien, Malte Martin prend le parti pris de

s’opposer à la tendance actuelle de surenchère des images et des couleurs avec son procédé de

« basse tension ». Il entend proposer des signes qui « parlent moins fort » que les signes

commerciaux et le mobilier urbain. Il le dit lui-même lors d’une conférence donné à la

Sorbonne «La société du spectacle produit une course effrénée menant à une surenchère de

signes. Le clignotement permanent et généralisé des enseignes est le symbole de la

marchandisation du monde. Je n’ai pas les moyens de crier plus fort et je n’ai pas envie de

rajouter du bruit au bruit, de la couleur à la couleur. »9 La « basse tension » c’est en quelque

sorte parler moins fort que les autres personnes qui crient atour de vous afin d’attirer

l’attention. Dans son travail pour le théâtre Athénée, il propose des affiches au graphisme

calme et sans fioriture mêlant des jeux typographiques aux signes. « Les mots, le contraste

typographique, le noir et blanc, et souvent la matière du papier, sont les ingrédients de mes

tentatives de ralentissement du monde. Il s’agit paradoxalement de gagner en force en

susurrant, et d’envoyer de temps en temps des éclats de mots dans la ville « avec excès, près

de leur déchirure. » Même si le traitement graphique de Malte Martin est très épuré, sobre et

minimaliste, il n’en reste pas moins fort, et son impact visuel puissant. Puisque attention, il ne

faut pas croire que la simplicité doit être « discrète » ou « petite », la preuve le graphisme de

Malte Martin est affirmé, ces signes graphiques occupent toute la surface... Un jeune graphiste

français, Florent Guerlain a eu le projet ambitieux de concevoir une identité visuelle

modulable pour la France qu’il appellera « Logographie France », « Logo » comme logotype

et « Graphie » pour graphisme. Du bleu, du blanc, du rouge et des formes géométriques, à

peine plus ! L’objectif est de créer une identité visuelle globale pour la France d’une

modularité extrême. Une charte pour répondre une bonne fois pour toute au désastre

graphique causé par l’infinie alternance gauche /droite au sein des institutions qui remet

quasi-systématiquement en cause la marque graphique du prédécesseur pour mieux marquer

son territoire. Ce début de « charte graphique » –très réussie – tente de répondre à l’actuelle

création d’images multiples des différentes institutions publiques et ministères qui produisent

en continu un patchwork graphique des plus monstrueux et des plus coûteux.

9 MALTE Martin, conférence du 06 février 2007 à la Sorbonne

11

Page 12: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

La simplicité c’est en quelque sorte « une bouffée d’air frais » qui vient au milieu d’une cohue

graphique apporter un peu de tranquillité.

2 Réduire, synthétiser pour « plus »

2.1 une mise en valeur de l’essentiel

1.1.1 cibler sur l’information

La simplicité permet de mettre en valeur certains éléments. « Less is more » – trad : « Moins

est plus ». Le plus célèbre de tous les « éloges du moins » a été fait par un architecte. Et pas

des moindres : au milieu du XXe siècle, Mies van der Rohe symbolisait l’attrait des bâtisseurs

pour le minimalisme. Cette formule signifie que moins vous mettez d’éléments, plus ceux qui

restent sont mis en valeur. En effet, les éléments d’une composition rentrent en compétitions

les uns par rapport aux autres et cela génère ce qu’on appel du « bruit visuel ». Moins il y a

de « compétiteurs » en liste, plus ceux qui restent ont la chance de gagner l’attention du

spectateur. Le dessinateur de bande dessiné Scott McCloud exprime très bien cela dans son

livre « L’art de l’invisible » ou il affirme en parlant du dessin humoristique « Quand nous

faisons tendre une image vers l’abstraction, nous éliminons des détails mais par contre nous

en mettons d’autres en valeurs. En épurant une image pour n’en garder que sa signification

essentielle, le dessinateur amplifie cette signification… »10 Récemment, des créations

d’affiches ont prouvés qu’avec très peu d’élément ont pouvait résumer facilement un contenu.

« Poster Series of TV Shows » est un formidable travail graphique conçut par le directeur

artistique Albert Exergiant. Une série de posters minimaliste, représentant par des symboles

simples, les séries TV les plus populaires dans le monde. Avec cette collection de quarante

affiches, Albert Exergian propose de redécouvrir les séries sous un nouvel angle, avec des

symboles simples mais fort de sens. Le résultat est tellement convaincant qu'il est facile de

découvrir les séries qui se cachent derrière chaque affiche. En réduisant le nombre d’élément

on focalise le spectateur sur l’essentiel et ainsi l’information n’en ai que plus lisible.

1.1.2 délivrer de l’émotion

« Le peintre et l’empereur » est un conte Zen qui amène la simplicité de manière très

intéressante dans un contexte fantastique et sensible. Ce conte relate l’histoire d’un empereur

qui commanda à un peintre une fresque pour ses nouveaux appartements. Il demanda « qu’il y

soit représenté deux dragons, l’un bleu et l’autre jaune, symbole des deux énergies

10 McCLOUD Martin, « L’art de l’invisible », Delcourt, 2007s

12

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primordiales dont l’union engendre l’harmonie céleste. »11 Le temps passa, à tel point que

l’empereur en oublia sa commande passée. « Il découvrit alors avec stupéfaction deux espèces

de zigzags grossièrement esquissés, l'un bleu et l'autre jaune. Cela ressemblait vaguement à

deux calligraphies ! » Furieux du résultat, qui avait demandé tant d’argent et tant de temps il

jeta le peintre en prison. Il dût pourtant se résigner la première nuit à dormir devant cette

fresque qu’il avait malheureusement demandé à être devant son lit. « Au plus profond de la

nuit, des rugissements réveillèrent le maître de la Chine. Celui-ci se tourna vers la fresque et,

dans la pièce tout embrasée par un clair de lune, il crut voir deux éclairs, pareils à des

dragons, l'un bleu et l'autre jaune. Ils s'affrontaient, s'enlaçaient, se repoussaient,

échangeaient leurs places en une danse infinie. » Le lendemain, l’empereur alla demander des

explications au peintre. Ce dernier, l’emmena dans sa caverne là ou il effectuait ses

recherches pour lui donner des réponses. « Sur les parois, tout près de l'entrée, étaient peints

des dragons bleus et jaunes comme l'empereur les avait tant espérés, avec tous les détails les

plus réalistes, les écailles luisantes, les griffes acérées, les naseaux fumants... Mais à mesure

que la torche s'enfonçait dans les profondeurs, elle réveillait des images de plus en plus

épurées pour aboutir à de simples lignes de force. Il ne resta plus à la fin que l'essence

vibrante des dragons, les énergies primordiales figurées par les mêmes traits de couleurs que

ceux tracés sur la fresque. » Ce conte Zen met en évidence que pour délivrer une émotion il

n’est pas obligatoire d’être proche du réalisme. À l’inverse, c’est souvent le superflu, les petits

détails, qui cachent des choses beaucoup plus profondes.

Simplifier un design – par élimination – permet de mettre l’accent sur certains éléments

considérés comme essentiels. Si on ne voit que les éléments primordiaux par ce que les autres

éléments sont tout simplement absents, notre attention n’a d’autre choix que de se focaliser

sur ceux qui existent, c’est à dire l’essentiel. Synthétiser/réduire s’avère être un très bon

moyen de mettre en valeur de l’information mais aussi dans certain cas aussi de délivrer de

l’émotion.

2.2 un gain de temps

La simplicité nous fait gagner du temps. Et dans un monde où tout va plus vite, où le temps

disponible devient de plus en plus précieux, gagner du temps est primordial. Pourtant

inévitablement nous passons beaucoup de temps à attendre et pour beaucoup de choses :

attendre qu’une page internet charge, attendre que l’eau boue, attendre son repas au

restaurant, attendre un examen… John Maeda aborde cette notion, du temps que nous 11 YEIAZEL, « Le peintre et l’empereur »

13

Page 14: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

n’aimons pas laisser filer. Il affirme « Personne n’aime souffrir de la frustration liée à

l’attente. Les consommateurs et les entreprises essaient tous de trouver l’option la plus rapide

ou tout autre moyen de réduire cette frustration. » Et c’est ainsi que les Fast Food peuvent se

vanter de ne pas vous faire attendre votre repas, les Chronopost vous offre la possibilité

d’envoyer votre courrier plus rapidement, les avions vous proposent des vols direct pour

éviter de vous faire perdre du temps en passant par de pénible escales… Quoi de plus simple

que de fais un vol Paris – New York lorsque l’on veut aller à New York en partant de Paris ?

Et pourtant, « Un vol direct économise du temps par rapport à un trajet avec

correspondances mais il coûte sensiblement plus cher. » En effet, la simplicité est devenue un

formidable atout de vente. Et même plus impressionnant, la simplicité est devenue le sujet

principal d’une publicité. Prenons l’exemple de la publicité qui passe actuellement pour la

nouvelle Nissan Pixo : « Nouvelle Nisan Pixo, economique 103g de CO² par kilomètre, c’est

simple. Welcome to Simplicity. » Nissan joue sur le côté conviviale, la publicité pour une fois

ne cherche pas a en dire trop pour coller à son message. Revenons à notre gain de temps. John

Maeda nous parle dans son livre de l’Ipod Suffle lancé par Apple, qui diffère des autres Ipod

ayant la particularité de ne pas avoir d’écran. Son interface utilisateur est de ce fait largement

simplifiée. L’Ipod Suffle passe aléatoirement des musiques, la seule action possible est de

passer la chanson. « Renoncer à la possibilité de choisir et laisser une machine le faire pour

vous : voila une méthode radicale pour atténuer le temps passé à tripoter la molette. » Le

Shuffle part d’un bon principe même s’il faudrait qu’il sache selon notre humeur, notre envie

ce que l’on veut vraiment entendre. Amazon.com ou la Fnac.com ont très bien compris cela.

Sur ces sites, on vous recommande des livres que vous serez susceptible d’aimer d’après un

choix de livre. Ce gain de temps astucieux est établi en fonction des préférences d’autres

personnes dont le site juge que vous avez le même profil que vous. D’ailleurs Internet reste

l’exemple le plus éloquent, c’est un lieu d’abondance ou l’internaute doit trier et faire des

choix parmi une multitude d’informations pour trouver ce qu’il cherche. De même que plus

un site sera simple, plus il sera claire, et plus rapidement l’internaute trouvera ce qu’il

cherche. Ainsi, les choses simples, claires nous donneront la satisfaction de ne pas avoir perdu

notre temps. Mais pourquoi ne pourrait-on pas apprécier la lenteur ? Est-ce une réaction

inhérente de notre volonté ?

2.3 engager le spectateur

La simplicité est aussi un moyen d’engager le spectateur. Dans l’art Zen – on peut d’ailleurs

se remémorer le conte « Le peintre et l’empereur » –, les Japonais pensent que si tout est

14

Page 15: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

exprimé, l’intérêt de l’observateur disparaît. En décrivant les choses de manière la plus

dépouillée possible, on réduit leur description au strict minimum. Cela permet d’éveiller

l’intérêt et l’imagination de l’observateur en lui laissant une marge d’interprétations. Bien des

fois, l’image révèle trop de choses, ne permettant pas à l’observateur de se projeter. Dans

l’introduction nous avions déjà comparé les mots aux images. Les mots ont tendance à nous

laisser imaginer des représentations à défaut d’avoir une image. Prenons par exemple les

romans adaptés au cinéma – Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux… Combien de personne

vous ont dit après avoir vu un film adapté d’un livre : « Je préfère largement le livre.» « Les

acteurs sont mal choisi.» « Je n’imaginais pas du tout cette scène comme ça. » C’est évident,

à travers un livre, aussi bien détaillé soi-t-il, il y aura toujours notre propre interprétation

d’après les mots. Les mots nous laissent une part de liberté, tandis que l’image et surtout

l’audiovisuel figent, et nous donne immédiatement à voir une représentation de la réalité.

C’est d’ailleurs pour cela que les publicités qui utilisent la technique du teasing – ou de

l’aguichage – fonctionnent très bien. Le teasing ne peut dire d’où il provient. Pas de signature,

pas de moyen d’identification de la marque, seulement une énigme, une question, une petite

phrase amusante ou quelque chose de totalement incompréhensible. Peu importe, tant que le

consommateur n’ait qu’une seule envie : celle d’aller voir de l’autre côté de l’affiche, de la

page du journal, ou du spot télévisé pour découvrir de quoi il s’agit. La réponse arrive au

prochain épisode, dans un laps de temps plus ou moins court. On se souvient tous de la

publicité anti-tabac « Maintenant vous savez » qui fonctionne en deux temps. Le premier spot

visuel est un micro trottoir où l’on présente aux gens cette information : « On a décelé dans

un produit de grande consommation des traces d’ACIDE CYANHYDRIQUE, de MERCURE,

d’ACETONE et d’AMMONIAC. » En réponse à cela, les gens pensent à des détergents, du

poison, des produits ménagés… Un peu plus tard un deuxième spot publicitaire donnera la

réponse « Ce produit c’est la cigarette. » Le teasing fonctionne incroyablement bien parce

qu’à la première étape nous n’avons pas de suite, de réponse. Cela suscite la curiosité. Tout ne

nous est pas donné. L’inconvénient du teasing est qu’il coûte plus cher qu’une publicité

traditionnelle – deux affiches, deux spots télévisuels… Mais n’oublions pas que dans le

vacarme publicitaire constant, une seconde d’attention de la part du consommateur n’a pas de

prix. L’image suggérée est un bon moyen d’engager le spectateur et d’attirer son attention.

15

Page 16: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

3 Un esthétisme séduisant

3.1 un art bien maitrisé par les Japonais

La simplicité est aussi une forme d’esthétisme très prisée par certaines cultures. L’Art

Japonais en est le meilleur exemple. Il faut néanmoins souligner que malgré les apparences

leur art est caractérisé par des oppositions esthétiques. Prenons par exemple deux œuvres de la

même période : le Palais de Katsura est un exercice de simplicité mettant l’accent sur les

matériaux naturels et bruts alors que le Mausolée de Töshögu est une structure symétrique

rigide recouverte sur chacune de ses surfaces visibles de gravures en relief colorées avec éclat.

Mais l’art japonais reste néanmoins connu pour sa simplicité étant donné qu’il excelle dans ce

domaine. C’est après la seconde guerre mondiale que les développements du design graphique

de manière général, en matière d'emballages, d'affiches et de magazines, s'inspirent

visiblement du graphisme japonais. Par la suite, les Jeux olympiques de Tokyo en 1964 vont

fournir aux graphistes japonais l'occasion de démontrer leurs talents, et c'est à partir de cette

date que se développa au Japon le mouvement moderne de design graphique, inspiré du

constructivisme européen. Les affiches de Yasuku Kamekura (1969), et notamment celle des

Jeux olympique de Tokyo, sont à travers des formes géométriques simples, sobres et

dynamiques. L’art Japonais à cette philosophie d’apporter une attention toute particulière à la

finesse et la simplicité, aux choix de matériaux et au sens aigu du détail. Différents concepts

guident le design japonais actuel : kawaii – beau –, craft – l’artisanat –, kime – la finesse du

grain, la finition parfaite –, tezawari – sensations tactiles –, minimal – la beauté des formes

dépouillées. Prenons par exemple la célèbre marque : Muji, qui est loin d’être anodine. Muji

est une enseigne de magasins japonais, née à Tokyo en 1980, appartenant à l'entreprise

Ryohin Keikaku. Le mot « Muji » veut littéralement dire « pas de marque, bon produit » –

soit « de qualité sans marque ». D’ailleurs, Nick Currie affirme « Ici, en Occident, nous avons

enfin la chance de découvrir une marque qui repose sur l'absence de stratégie de

marque. »12 Le succès de Muji est tel que de nos jours il possède des magasins et des points

de ventes dans beaucoup de villes du monde entier et propose des articles allant des biens

ménagés aux jouets pour enfant, en passant par la papeterie et la vaisselle. Les produits tout

comme la communication visuelle de la « non marque », repose sur le concept du Shibui. Il

s’agit d’une esthétique reposant sur la simplicité et l’inintrusivité. En effet, ce qui unit

l’ensemble des produits de la marque tout comme son graphisme c’est l’absence de couleurs

et de détails inutiles.

12 CURRIE Nick, The Moment, le blog du Style Magazine du New York Times, 2008

16

Page 17: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

3.2 une grande histoire d’architecture

La simplicité occupe une place très importante dans le domaine de l’architecture. L’art

cistercien datant de 1098 est caractérisé par des bâtiments remarquables par la pureté de leurs

lignes, l’économie des matériaux et leurs simplicités. Toute moulure ou tout élément décoratif

était banni. Nous avons bien mentionné « art » cistercien mais cette expression repose sur un

malentendu. Les moines n’avaient aucune intention de faire de l’art, mais justement d’évacuer

l’art de leurs églises. En réalité, les moines de XIIe siècle souhaitaient revenir à la pureté de la

règle de Saint Benoît, fondée sur le renoncement, l’exigence, la pauvreté. Des constructeurs

ont ainsi bâti une série de chef-d’œuvres sans le savoir ; leur quête uniquement spirituelle,

n’était à aucun titre une recherche du beau. En 1134, lors d'une réunion du Chapitre général

de l'ordre, Bernard de Clairvaux qui est au sommet de son influence, recommande « La

simplicité dans toutes les expressions de l'art. »13 Dès lors, les cisterciens vont développer un

art dépouillé et souvent monochrome. Des architectes comme Le Corbusier, Mies van der

Rohe ou encore Loos ont en commun avec les cisterciens cette haine de l’ornement qui

distrait, cet idéal de pureté. Adolf Loos, architecte Viennois, fut un des précurseurs et

théoricien du « moins ». Son texte le plus célèbre mais aussi le plus incisif, « Ornement et

crime » fit scandale sûrement du fait que l’heure était à la surabondance de l’art nouveau, fort

de ses couleurs luxuriantes et de ses rondeurs voluptueuses. « D'un combat de trente années,

je suis sorti vainqueur. J'ai libéré l'humanité de l'ornement superflu. "Ornement", ce fut

autrefois le qualificatif pour dire "beau". C'est aujourd'hui, grâce au travail de toute ma vie,

un qualificatif pour dire "d'une valeur inférieure". »14 L’Art nouveau lui semble refléter

l’hypocrisie de la société de son temps. Il met ses idées en application, puisqu’il conçoit son

immeuble de la Michaelerplatz à Vienne, surnommé « La maison sans sourcils » du fait que

les fenêtres ne comportaient aucun ornement. Construite en 1910, on peut faire remarquer que

Loos est peu être quelqu’un d’encore incompris mais qu’il a au moins le mérite d’avoir

quarante ans d’avance sur son temps.

3.3 le design suisse

Le style typographique international (ou style international), également connu sous le nom de

style suisse, est un courant du design graphique développé en Suisse dans les années 1950

notamment par Armin Hofmann et Paul Rand. Il met l'accent sur le dépouillement, la lisibilité

et l'objectivité. Le design Suisse a sût imposer l’Helvetica et la grille de composition dans le

13 DE CLAIRVAUX Bernard, « L’essence du christianisme », Gallimard, 1992 14 LOOS Adolph, « Ornement & Crime », Rivages, 2003

17

Page 18: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

but premier de nous aider à soustraire méthodiquement de nos compositions tout élément

superflu. La police Helvetica est créée en 1957 par Max Miedinger, elle a pour objectif

d’atteindre l’harmonie optique la plus aboutie possible. Son tracé d’une grande neutralité lui

permet de se prêter à tous les usages, si bien qu’elle est une des polices les plus utilisées dans

le monde. Dans ce courant, la photographie est souvent en noir et blanc, elle est préférée aux

illustrations dessinées. Les affiches sont une synthèse entre une « manière allemande » –

monumentalité des représentations, sobriété des traits, contraste des couleurs – et une

« manière à la française » – couleurs et fluidité des traits. Le design suisse répond aux besoins

nouveaux de la société de consommation de masse de l'après-guerre et le monde entier va

l'adopter. Caractérisé par sa grande simplicité ont peut souligner que ce courant a encore

beaucoup d’influence de nos jours.

Nous avons vu que la simplicité améliore la clarté d’un message ou d’une mise en page et

facilite l’effort cognitif de l’observateur tout en l’impliquant. La simplicité a donc beaucoup

d’avantages et répond à un besoin naturel chez l’observateur. Mais, simplifier n’est pas un

acte aisé. Nous évoquerons dans cette seconde partie les dérives de la simplicité. Et dans un

second temps, nous pencherons sur son contraire la complexité. Puisque la simplicité se

montre un si bon atout de communication, pourquoi aurait-on encore besoin de complexité ?

18

Page 19: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

II - Pas si simple !

1 Les risques de simplifier La simplicité s’avère paradoxalement une opération délicate et ardue. Faire simple demande

d’investir du temps et de l’énergie. Etrangement, faire simple ce n’est pas simple ! Puisque

mal utilisée la simplicité peut faire des dégâts.

1.1 perdre des éléments essentiels

Andy Rutledge dans son texte « Complexe Order Simple Chaos » compare l’action de

simplifié à celle de faire de la chimie. « Il parait que simplifier est une action délicate. […]

Tout comme avec la chimie, la simplification peut entraîner la réduction, la distillation. […]

En outre, comme en chimie, si vous ne faîtes pas attention le résultat peut vous exploser au

visage. »15 Le novlangue – Newsweek en anglais – langue officielle d’Océania, inventée par

George Orwell pour son roman « 1984 » en est un bon exemple. Cette langue a pour but de

rendre impossible l’expression des idées et à éviter toute formulation de critique envers l’Etat

en appauvrissant le lexique et la syntaxe du vocabulaire. Le vocabulaire est réorganisé en trois

classes A, B et C : le A ne contient que les termes nécessaires au travail et à la vie, le B les

termes à des fins politiques et le C à des termes scientifiques et techniques. « Comparé au

notre, le vocabulaire novlangue était minuscule. On imaginait constamment de nouveaux

moyens de le réduire. »16 L’idée fondamentale du novlangue est de supprimer toutes les

nuances d’une langue. Par exemple, si la langue possède le mot « bon », il est inutile qu’elle

est aussi le mot « mauvais ». On crée le concept « mauvais » en ajoutant un préfixe marquant

la négation : cela donnera « inbon ». « On remarqua qu’en abrégeant ainsi un mot, on

restreignait et changeait subtilement sa signification car on lui enlevait les associations qui,

autrement, y étaient attachées. […] Chaque réduction était un gain puisque, moins le choix

est étendu, moindre est la tentation de réfléchir. » L’idée sous-jacente au novlangue est que

si une chose ne peut pas être dite, cette chose ne peut pas être pensée. La question soulevée

par cette supposition est de savoir si nous définissons toujours la langue ou sommes parfois

« formatés » par elle. Par exemple, peut-on ressentir l’idée de « liberté » si nous ignorons ce

mot ? Cette théorie est liée à l’hypothèse Sapir-Whorf et à la formule de Ludwig

Wittgenstein : « Les limites de ma langue sont les limites de mon monde ». Le novlangue, en

réduisant son vocabulaire, a soulevé un des risques important de la simplification par la

réduction : à enlever trop on supprime le sens. « La puissance de la simplification est telle 15 RUTLEGE Andy, « Complexe Order Simple Chaos », 2009 16 ORWELL George, « 1984 », Folio, 1972

19

Page 20: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

qu’elle peut faciliter une communication directe mais elle peut aussi détruire ou corrompre

des renseignements. »17

1.2 tomber dans le simplisme

L’autre risque de trop simplifier serait de tomber dans une conception trop simpliste, c'est-à-

dire où il manque des éléments essentiels. Et ainsi, faire trop simple risque d’être interprété

comme quelque chose de « léger ». D’ailleurs, la communication d’Apple commence vis-à-

vis de cela à être fortement critiquée de part et d’autre « (…) des campagnes publicitaire se

rapprochant plus du produit cosmétique. »18 Comme vous le savez, la pomme communique

depuis quelques années sur la simplicité. Tout le monde connait leurs produits à l’esthétique

pure et sans fioriture. Les publicités et spots télévisuels jouent sur cette intense simplicité :

des fonds immaculés de blanc, un produit placé souvent au centre, et une voix off qui vient

sobrement présenter les fonctionnalités du produit. Leur communication est justifiée

puisqu’elle suit parfaitement les produits Apple ; des outils simples, pratiques et beaux, et

d’ailleurs cela marchait très bien. Mais depuis peu la marque semble manquer cruellement de

créativité en matière de communication et se servir abusivement de leur atout de

communication, si bien que la simplicité caractérisant l’univers Apple tourne dangereusement

au simplisme. Prenons par exemple leur tout dernier produit « L’Ipad », leur plus grande faille

fût de lancer un slogan certes simple, mais sans fond ni message percutant « Qu’est ce que

l’iPad ? L’iPad est fin, l’iPad est beau. » Pourtant cela n’empêche aucunement le produit de

se vendre. Sûrement parce que la marque est déjà bien trop ancrée dans notre culture, l’image

est installée et Apple n’a plus besoin de s’imposer. Cependant, on comprend qu’entre

simplicité et simplisme, existe une frontière ténue difficile à percevoir mais facile à franchir.

« Le problème est qu’il faut choisir ce qui mérite de vivre en sacrifiant ce qui mérite de

périr. »19 Pour nous aider à faire cela, Jacob Nielsen, ergonome Américain, préconise avant

d’ajouter un élément de se poser deux questions fondamentales :

1. « Cet élément simplifie-t-il la tâche de l’utilisateur ? » 2. « Cet élément apporte-t-il une valeur ajoutée ? »

… si la réponse est « non » éliminez-le.

John Maeda se confronte à la même problématique « Où se trouve l’équilibre entre simplicité

et complexité ? Telle est la question. Jusqu’où les choses peuvent elles être simplifiées ? »

17 RUTLEGE Andy, « Complexe Order Simple Chaos », 2009 18 EKINOXE Julien, extrait d’un article de blog, 2010 19 MAEDA John, « De la simplicité », Payot & Rivages, 2009

20

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Naturellement, nous avons tendance à en garder toujours plus, nous n’aimons pas supprimer

les choses. Réduire n’est donc pas un acte aisé. Avant d’ajouter un élément graphique dans un

design il faut se demander si cet élément participe oui ou non à communiquer un message.

1.3 la simplicité reflet de « pauvreté »

Don Norman, un des vieux gourous de l’utilisabilité, a jeté un pavé dans la mare avec son

article « Simplicity is highly overrated » – « La simplicité est largement surestimé » –, où il

exprime son agacement face à cette nouvelle « tendance » qui incite les designers à

débarrasser nos écrans de toutes les fonctions qui pourraient nous être utiles. « Alors qu’est-ce

que les gens veulent dire quand ils parlent de la simplicité ? D’une seule touche, bien sûr,

mais avec l’ensemble de leur fonctionnalités préférées. »20 Don Norman dans son article

compare deux grille-pains : le traditionnel avec un bouton pour contrôler la cuisson du pain à

un grille-pain allemand à $ 250 constitué d’un moteur pour abaisser automatiquement le pain

non grillé, d’un écran LCD, avec de nombreuses icônes, des graphiques et des chiffres… « La

simplicité ? Pourquoi un tel grille-pain ? […] Parce qu’il ajoute des fonctionnalités que les

gens veulent avoir. » Très radicale dans ses propos, selon lui la simplicité « est un mythe »

qui ne se vend pas. Plus un objet possédera des caractéristiques qui par conséquent le rendront

plus complexe mieux il se vendra. Les acheteurs assimilent la simplicité au manque de

puissance et de capacité – même si par derrière il peut s’avérer que ce soit tout l’inverse –, et

inversement la complexité s’assimile à la puissance. « […] les gens ont tendance à aller vers

des produits puissants, ils jugent de cela par l’aspect complexe. » C’est assez étrange comme

raisonnement, puisque moi-même j’ai arrêté d’acheter des objets aux fonctions multiples à

partir du moment où je me suis rendu compte qu’en achetant ce genre d’objet, je n’utilisais à

peine les 1/3 du produit. L’objet le plus éloquent serait sans doute l’évolution du téléphone

portable, en plus de téléphoner, d’envoyer des textos, de jouer et de prendre des photos, des

vidéos, ont peut maintenant aller sur internet, regarder la télévision, téléphoner en visio... Une

chose complexe nous demande du temps pour la comprendre et nous avons pourtant

mentionné précédemment que ce qui nous demande du temps ne nous attire franchement

pas. « D’un côté vous voulez un produit ou un service facile à utiliser ; de l’autre, vous voulez

qu’il accomplisse tout ce qu’une personne pourrait rêver qu’il effectue.» L’Iphone a tout à

fait compris cela, le design très épuré et simple cache l’envergure de ce Smartphone. De la

même façon, prenons comme exemple Google. Une page blanche, avec un endroit où écrire,

nous permet en un clique d’accéder à l’immense réseau d’ordinateurs et de bases de données

20 NORMAN Don, « Simplicity is highly overrated », 2007

21

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Google. C’est pour cela que John Maeda expliquer que « Plus semble moins si on s’en tient

éloigné, très éloigné. » Don Norman a tendance à oublier cela, et à généraliser ou plutôt à

penser que les consommateurs généralisent et ainsi avance qu’une esthétique simple

s’assimile forcement à des fonctionnalités pauvres. « Et la vérité est que la simplicité ne se

vend pas. Pourquoi ? […] La réponse est celle-ci : les gens ne sont pas prêts à payer pour un

système qui semble plus simple, car il semble perdre en capacité. » La simplicité peut en effet

rendre sceptique les gens leur laisser penser qu’ils ne paient pas le prix fort pour un produit

dans lequel ils espéraient « plus ». John Maeda aborde ce souci dans son livre. Selon lui

lorsque l’on fait appel à la simplicité on est dans l’obligation de lui « insuffler » de la qualité.

« La perception de la qualité devient un facteur décisif quand il faut choisir moins à plus. »

D’ailleurs, l’industrie du luxe marche énormément avec cela. Si nous ne donnons pas à un

produit simple une valeur technique, prestigieuse ou autre ce dernier peut rapidement tomber

dans l’objet simpliste.

1.4 perdre le contrôle

L’action de simplifier – que ce soit pour un objet, une affiche ou encore une interface –

revient à ce que quelqu’un fasse le tri à notre place. Et par conséquent, à trop nous faciliter le

travail on perd la diversité qui nous permettait de faire des choix, prendre des décisions.

Comme nous l’avons vu l’Ipod Shuffle d’Apple impose la musique de manière aléatoire et de

ce fait il nous épargne la perte de notre temps à choisir des musiques mais en contre partie il

nous supprime la prise de décision. Est-ce vraiment un avantage ? Pourquoi sommes-nous

prêts à nous en remettre à la simplicité ? John Maeda donne une réponse à cela en affirmant

que « Dans la simplicité nous avons confiance. » La preuve, il n’y a pas longtemps une

machine à laver pas comme les autres est sortie sur le marché la « BEKO ONE ». L’utilisation

de cette machine par l’utilisateur se fait avec un unique bouton ! Les paramètres de lavage ou

autre sont déterminés automatiquement par la machine. Tout ce qu’il vous reste à faire est de

presser l’unique bouton présent sur la machine pour lancer le lavage, rien de plus simple ! La

simplicité ne serait-elle pas destinée aux fainéants ? De la même façon, une affiche qui ne

nous montre que l’essentiel ne va-t-elle pas manquer de « plus » de choses? Le surplus nous

apporte une valeur en plus qui n’est pas forcement nécessaire à la compréhension de l’affiche

mais appréciable. Il y a dans le « moins » quelque chose qui nous plait instinctivement

puisqu’en étant plus direct et plus simple il est beaucoup plus facile à comprendre que les

choses complexes, mais tout simplifier ne rendrait-il pas les choses trop ennuyeuses ?

22

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2 Et la complexité dans tout ça

2.1 simplicité et complexité: les opposés s’attirent

La simplicité sans la complexité aurait-elle encore une raison d’être ? C’est bien connu, les

opposés vivent de leur opposition. « La complexité et la simplicité sont deux qualités

symbiotiques. […] chacune a besoin de l’autre : sa définition dépend de l’existence de

l’autre. »21 C’est le propre de la pensée complexe, que de ne pas séparer les contradictions.

La simplicité et la complexité ont besoin l’un de l’autre. Et d’ailleurs on remarque que plus il

y a de complexité sur le marché plus la simplicité ressort. C’est de cette manière que le

journal Telegraph s’est fait remarquer à Londres avec sa nouvelle campagne publicitaire.

Avec la prolifération des quotidiens gratuits la baisse des ventes de la plupart des grands

journaux a été inévitable. On a pu ainsi voir dans le métro Londonien une campagne pour le

journal Telegraph, ou plutôt pour son site internet, sur lequel le journal semble avoir

beaucoup investi. Sur fond blanc, des phrases viennent ponctuer agréablement les montées et

descentes menant aux quais du métro, soigneusement composées dans une typographie qui

rompt avec les caractères à empattements propres au monde des journaux. Ces phrases

vantent avec une sobriété graphique très Suisse la qualité des informations que l'on peut

trouver sur le site du journal, qui en ont fait le site du journal anglais le plus visité.

L'économie de moyens employés est apaisante et vient curieusement faire mouche au milieu

d'une débauche de visuels criards et colorés, qui cherchent tous à attirer l'attention avec

beaucoup d'excès. En choisissant un graphisme sobre et sans fioriture le journal Telegraph a

su se faire remarquer face aux communications beaucoup plus chargées. Imaginons

maintenant qu’il n’y ait que des communications jouant de leur simplicité, la campagne du

journal Telegraph aurait-il eu autant d’impact ? S’il ne restait que la simplicité, comment

saurait-on ce qui est vraiment simple ? Aurait-on besoin des communications « complexes »

pour faire ressortir les autres ? A-t-on besoin du mal pour savoir ce qui est bien ? Oui, sans

aucun doute. La simplicité ne peut donc en aucun cas exister sans son opposé, la complexité.

Mais la complexité est-elle vraiment responsable des mauvaises communications ?

2.2 la complexité comme moyen d’expression

On observe globalement que l’art oscille constamment entre deux pôles, le purisme et la

surcharge. L’approche vers une phase de surcharge est progressive, alors que la phase de

dépouillement survient brutalement. Prenons par exemple, l’art baroque. L’art baroque est un

21 MAEDA John, « De la simplicité », Payot & Rivages, 2009

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style qui naît au XVIe siècle en Italie à Rome et se repend rapidement dans toute l’Europe. Il

touche tous les domaines artistiques – sculpture, peinture, littérature, architecture et musique –

et se caractérise par l’exagération du mouvement, la surcharge décorative, les effets

dramatiques, l’exubérance et la grandeur parfois pompeuse. Les œuvres baroques avec leurs

extravagances et l’excès d’ornements nous donnent une impression de grande générosité.

Pendant un certain temps, l’art baroque fut jugé décadent jusqu’à ce que la mode – par

définition versatile – rejoue en sa faveur. Ainsi, les œuvres d’un Gaudi à Barcelone, regardées

il y a cinquante ans comme des curiosités issues d’un cerveau malade, attirent aujourd’hui le

monde entier. Son œuvre principal, l’église de la « Sagrada familia » située à Barcelone et

toujours inachevée, joue énormément sur la surabondance d’ornements. Sur certaines parties

du bâtiment on peut remarquer des végétations exubérantes. L’art baroque définit par des

aspects étranges et torturés s’épanouie pourtant dans un art luxuriant. À l’époque, la simplicité

et tout ce qui était de l’ordre d’épurer n’était pas bien perçus car on y voyait dedans une sorte

d’abandon du passé. De nos jours, l’art de la surabondance est beaucoup mieux accepter. Le

collectif de graphiste « Peach Beach », composé de trois artistes et designers basé à Neuköllz

à Berlin – Falk Hoger, Attila Szamosi et Lars Wunderlich – joue dans leurs compositions de

la surcharge. Peach Beach réalise le design de divers événements, édite des tee-shirts, travaille

sur des pochettes d’album... mêlant un goût prononcé pour les comics, le streetart. Il réalise la

couverture de l’ « Ex Berliner » de janvier où ils se font remarquer pour leur graphisme

« joyeusement bordélique et naïf. »22 D’ailleurs, « So Me » se rapproche fortement de ce

graphisme. Cette artiste de son vrai nom Bertrand Sommie est un graphiste qui joue lui aussi

sur la surabondance graphique. Il réalise d’ailleurs en 2008 le clip de Justice « DVNO » dans

lequel il utilisera uniquement les logos détournés de marques américaines connues pour

critiquer la société de consommation. Toutes ces compositions démontrent que la complexité

est souvent inhérente et voir vitale pour le succès de certaines choses. Et comme le dit

simplement John Maeda « La complexité peut être belle. »

3 « Complexe » et « chaos » Les choses complexes sont à dissocier des choses chaotiques. Tout comme nous l’avons fait

remarquer précédemment les choses simples ne sont pas forcement simplistes.

22 LES LAPINS TECHNO, extrait d’un article en ligne sur http://www.leslapinstechno.com, 2010

24

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3.1 deux termes à ne pas confondre

« Complexité : Qui se compose d’éléments différents, combinés d’une manière qui n’est pas

immédiatement saisissable. »

« Chaos : Ensemble d’éléments désordonnés, confus. »

A la simplicité s’oppose la complexité mais qui n’a rien à voir avec le chaos. La complexité

exprime plus une notion de quantité alors que le chaos, lui, exprime le désordre et la

confusion. Dans le graphisme, la simplicité est souvent vue comme quelque chose de moins

polluant et de ce fait attire notre regard. A contrario, la complexité est quelque chose qui ne

nous attire pas de manière instinctive. Comme nous l’avons vu, l’esprit aime voir les choses

de manière générale – psychologie de la forme – et aller à l’essentiel. Pourtant, Blaise Pascal

disait : « je ne peux comprendre les parties que si je comprends le tout dans lequel sont les

parties et je ne peux comprendre le tout que si je comprends les parties. » Si l’on veut

comprendre une affiche dans sa globalité il faut forcement analyser et comprendre ce qui la

compose. La complexité n’est pas quelque chose que l’ont peut comprendre d’un premier

coup d’œil, alors que la simplicité a pour caractéristique d’être saisissable rapidement.

Comme le dit si justement Edgar Morin « La complexité, c’est le défi qui vous demande de

penser. » La complexité est quelque chose qui est à notre porté qui peut être décodé, alors que

le chaos qui est caractérisé par une absence d’ordre ne peut être compris.

3.2 organiser la complexité préserve l’information

« Ordre : Ensemble d’éléments organisés, rangés, classés, disposés de manière logique. »

Andy Rudlege dans son écrit « Chaos Ordre complexe, simple » met en évidence que

contrairement aux apparences la simplicité n’est pas la solution à la complexité. Pour définir

quelque chose qui ne fonctionne pas il emploie le terme « chaos » et non « complexité » dont

nous avons expliqué les différences précédemment. À travers l’exemple du site Amazon.com

« qui est un des sites au monde les plus mal conçu et complexe. [… ] » il met en évidence que

la faille du site internet n’est pas la complexité mais le manque d’organisation. La complexité

est efficace, dans le cas et l’unique cas ou elle est ordonnée. « Mais là où la complexité

semble être un problème, il est probable que l’ordre et non la simplicité devrait être

imposée. » Alors la solution serait donc dans l’organisation ? En effet, mettre de l’ordre à la

complexité préserve l’information. Henri Atlan affirmait « Tout se passe comme si notre

raison ne pouvait pas supporter l’absence d’ordre. » La pensée complexe est un concept

25

Page 26: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

philosophique introduit par Edgar Morin datant de 1982 qui exprime un peu cette idée de la

même manière. Le terme de complexité est pris au sens de son étymologie « complexus » qui

signifie « ce qui est tissé ensemble ». La complexité ne conduit pas à l’élimination de la

simplicité. La pensée complexe « refuse les conséquences mutilantes, réductrices,

unidimensionnalisantes et finalement aveuglantes d’une simplification […] » mais axe la

complexité dans un cadre d’organisation.

À travers ces deux parties, nous avons constaté que la simplicité est un très bon outil de

communication : pour faire simple, elle nous oblige à garder l’essentiel en éliminant les

éléments surplus. Cependant, mal utilisée elle peut tourner au simplisme, ou être mal

comprise. Puis, nous avons constaté que la simplicité ne peut exister sans son contraire, la

complexité. Et que la complexité ne fait pas forcement référence à une mauvaise

communication lorsque cette dernière est organisée. À la suite de ces constats, il m’a tout de

même semblée important de relever quelques points qu’à soulevé les réflexions sur la

simplicité. Si la simplicité fonctionne si bien c’est en partie parce qu’elle répond à de

nombreux besoin de la société, comme le respect de l’environnement et du public… C’est

pour cela que dans la suite de ce mémoire, nous évoquerons des sujets tels que la nécessité de

productions, le respect de son environnement et de son public ainsi que la bonne utilisation

des couleurs, des signes et des images.

26

Page 27: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

III - L’éloge du sens

1 Un bon graphiste est un graphiste respectueux

1.1 produire par nécessité

Roy Arden écrit lors d’une exposition sous forme de carte postale « Bien sûr qu’il y a trop

d’images inutiles dans le monde. Mais l’idée que la surabondance d’images signifiant qu’il

est en vain d’en créer d’autres me paraît le raisonnement de quelqu’un qui cherche une

solution de facilité. Je crois qu’il relève de la responsabilité de l’artiste de produire ce qui est

nécessaire. »23

« Nécessité : Caractère de ce qui est absolument obligatoire, indispensable, de ce dont on ne

peut se passer. »

On pourrait penser que de nos jours, la notion de « nécessité » est un peu oubliée dans la

réflexion des graphistes et des publicitaires. Pour un petit projet il arrive que la quantité

déployée pour en parler soit gigantesque. Pourquoi ? Ne serait-il pas plus juste au contraire

pour coller au sujet de respecter son envergure ? On a tendance à penser que des campagnes

« clignoterons » plus si elles sont plus voyantes. L’exemple le plus aberrant sont les spots

publicitaire qui passent six fois dans le même spot publicitaires d’affiler – ce qui est le

nombre légale autorisé ou la marque ou le produit doit être prononcé dans un spot – :

« Mercurochrome le pansement des héros. Mercurochrome le pansement des héros…» Je ne

classerai même pas ce genre de publicités dans de la communication tout simplement parce

que selon moi elles ne cherchent pas à communiquer en faisant du « forcing ». Ce matraquage

soit la répétition abrutissante d’un message est désagréable pour un grand nombre de

personne. La dernière campagne de Kinder Surprise a lui aussi mais plus subtilement joué sur

le matraquage. Sur un spot de 30 secondes le mot « surprise » est bombardé de manière plus

ou moins subtile. Au final, « surprise » est répété neuf fois et est visible neuf fois à l’écran. La

technique de « la répétition » aussi perfide soit-elle arrive malheureusement à ses fins

puisqu’elle permet un ancrage de la marque dans les esprits. Est-il nécessaire d’en arriver à un

matraquage publicitaire pour se faire entendre? Ne sommes-nous pas assez civilisés pour

parler comme il faut entre nous ? Dove a récemment conçu un petit film – de 79 secondes.

Interdit à la télévision et en salle il n’est visible que sur Internet ce qui ne l’empêche pourtant

pas de se propager comme un virus sur la toile. Ce spot publicitaire s’intitule « Matraquage ».

Conçu par l’agence Ogilvy & Mather à Toronto, il a été traduit en plusieurs langues et diffusé

23 ARDEN Roy, extrait d’un écrit lors d’une exposition sous forme de carte postale

27

Page 28: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

viralement « au niveau mondial ». Une succession d’affiche se suivent rapidement les unes

après les autres de manière à exprimer la quantité d’affiches indénombrables qui se succèdent

dans notre journée. Il met en avant la prolifération d’images qu’on nous impose. Mais

malheureusement de nos jours, l’objectif premier est de se faire entendre, parler de soi ou de

son produit et cela peu importe la technique pour y arriver. Le besoin de se faire connaitre

dans notre société a en conséquence fait augmenter la quantité de production graphique.

D’ailleurs dans une interview dédiée à la communication à l’entré des villes Michel Serres

affirme « Je ne dis pas que les publicités ne sont pas belles, ou qu’elles sont laides, mais c’est

leur multiplicité à un endroit donné qui produit un effet de guerre ou de chaos tel que la

laideur est l’expérience qu’on en tire le plus facilement. »24 Dans ce paragraphe concernant la

nécessité, la réduction dont on parlait dans la simplicité pourrait être un bon conseil à prendre

en compte pour éviter de polluer graphiquement notre environnement.

1.2 investir sans gêne

La communication s’est invitée un peu partout dans notre quotidien et elle en est devenue

gênante. Imposer une image dans un paysage urbain n’est pas une chose aisée. L’affiche est

pour cela quelque chose de très difficile ; elle s’impose ! La première à en souffrir c’est la

ville. « Quartiers sensibles ? Pour une fois une appellation politiquement correcte à fait

naître un sens nouveau : « quartiers sensibles ». Des endroits sensibles ? Mais il en faudrait

partout ! »25 Notre environnement est quelque chose de sensible et aujourd’hui heureusement

nous en avons pris plus conscience. « Quand Malte Martin créer une affiche pour un théâtre,

quand il réalise un programme publicitaire, l’objet qu’il affectionne n’est pas, dans son

essence, conçu comme un support simplement publicitaire, c'est-à-dire visant à accrocher le

passant, à lui faire désirer la représentation, il est pensé en lui même comme un instant de

théâtre descendu sur le quai du métro. »26 Communiquer c’est en effet bien plus que plaquer

une image sur un support, il faut donner un sens, créer une atmosphère, dialoguer avec ce qui

l’entour et ceux qui l’a regarde. Les communications à l’entrée des villes font

particulièrement parler d’elles en ce moment. Le Conseil national du paysage a créé un atelier

de réflexion, intitulé « Publicité et entrées de ville ». Il s’agit d’y discuter les bases d’une

réforme de la législation en matière d’affichage publicitaire. La loi de 1979 concernant les

publicités et les enseignes, est souvent transgressée. Michel Blain, président de l’association

Paysages de France, explique : « Il y a eu un consensus autour de la table [de l'atelier] pour

24 SERRE Michel, interview, « Les pubs polluent nos entrées de ville », 2008 25 MALTE Martin, conférence du 06 février 2007 à la Sorbonne 26 WAJCMAN Gérard, « Malte Martin », Pyramid, 2007

28

Page 29: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

dire que la loi était mal appliquée. » Le Conseil de Paris a lui aussi décidé de réagir et a

décidé de réduire cette pollution visuelle en interdisant totalement tout affichage publicitaire

dans un rayon de cinquante mètres autour des écoles, sur les bords de Seine, aux abords des

monuments historiques. Le projet est une expérimentation en cours, mais à long terme il vise

à réduire d'un tiers le nombre de panneaux publicitaires d'ici deux ans. Lors de l’interview

concernant la pollution des publicités à l’entrée des villes, Michel Serres affirme : « J’ai

l’impression que ceux qui ont fait les entrées de ville, ceux qui ont sculpté le paysage tel que

nous le voyons aujourd’hui n’ont plus le sens de la beauté et ça, ça me parait très

important. » Les publicités sont arrivées à un point où nous en somme réduit à les refuser, à

lutter contre. En effet, maintenant il est possible d’apposer sur sa boîte aux lettres un

autocollant mentionnant le refus de publicité : « le stop-pub ». Dire non à la publicité nous a

la fois permis de nous débarrasser de la paperasse inutile dans nos boîtes aux lettres mais

aussi a participé à une amélioration économique et environnementale. Sommes-nous rentrés

en guerre contre la publicité ? Pour certaines personnes il n’y pas de doute, oui ! Le groupe

« Ras la pub » vient de neutraliser, par des inscriptions à la peinture, – «RAS LA PUB»,

«NON MERCI» – les 4 écrans publicitaires LCD installé le 1er décembre par la régie

publicitaire Métrobus dans la station de métro Charles de Gaulle Etoile, à Paris. Ces panneaux

sont destinés à remplacer – à terme – les vieilles affiches désormais trop statiques pour nos

contemporains. Dans son communiqué, Ras la pub précise qu' « il est grand temps que les

dirigeants de la RATP comprennent que le métro a pour finalité de transporter des usagers

d'un point à un autre, et non de les transformer en chair à canon pour publicitaire. »27

1.3 ne pas sous-estimer son public

Les graphistes et les publicitaires donnent de plus en plus souvent l’impression qu’ils

surestiment leur public en se servant d’astuces, de techniques qui nous laissent maintenant de

glace. Nous ne sommes pas ou du moins plus dupes ! Les mannequins retouchés sur

Photoshop, les sandwiches trop parfaits de chez McDonald’s ou encore des régimes minceurs

qui nous présentent une anorexique c’est fini, on n’y croit plus ! D’ailleurs, je m’étonne

même des fois à lire les textes en petit caractère sur des produits ou même des affiches pour

me satisfaire d’avoir déjoué une possible tentative d’un graphiste ou d’un publicitaire de faire

passer une information importante sous mon nez. Pour redonner du sens aux images il faudrait

déjà comprendre ce qui a du sens pour le public. Mais encore une fois les publicitaires ne

savent pas s’y prendre de la bonne façon pour comprendre nos attentes. Par exemple,

27 RAS LA PUB, extrait d’un communiqué, 2008

29

Page 30: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

concernant l’installation du nouveau principe d’affiches via les ecrans LCD, il est prévu

l’installation d’un dispositif qui mesurerait l'efficacité du message publicitaire avec des

capteurs enregistrant les réactions des visages des passants afin de détecter quel élément de

l'image a retenu leur attention. Ces nouvelles installations font débats et c’est logique vu le

climat actuelle de la publicité au sein de notre société. En nous analysant comme des souris de

laboratoire la publicité tente encore d’aller plus loin dans ces objectifs de vente : « Quelle

image attirera le plus le consommateur ? La peur ? Utilisons la peur alors ! » Les

publicitaires sont-ils conscient d’aller à l’encontre des attentes de son public ? En ce

formatant dans la seule optique de vendre en plus grande quantité ils en viennent à nous

épuiser. Les stop-pub et les luttes anti publicité qui se multiplient ne font que conforter l’idée

que bientôt la publicité sera en guerre bien malgré elle contre nous.

2 Un graphiste sait se servir de ces outils De la même manière qu’un chirurgien doit bien savoir se servir de son scalpel et de son

bistouri un graphiste doit savoir manipuler les images, les signes, les typographies et les

couleurs.

2.1 les images & les signes parlent

L’image et les signes parlent. Les graphistes aujourd’hui ont oublié qu’une image véhicule

beaucoup de choses et que forcement elle a un impact sur son public. Le jeu du rebus est une

façon d’expliquer un peu le principe d’une communication qui fonctionne. Le rebus

souvenez-vous, c’est cette suite de dessins qui, une fois interprétés, donnent les syllabes

permettant de découvrir une phrase ou un mot. Une communication marche exactement

comme cela, c’est une suite de signes graphiques qui une fois interprétés vous permette

d’accéder à l’information. Une communication à un impact visuel, elle nous donne une

impression et cela va même plus loin elle nous donne une idée sur la vie en générale. Le spot

publicitaire de Dove « Matraquage », dénonce d’ailleurs le pouvoir visuel des images au sein

de notre société. Au début du spot, une jeune fille regarde la caméra et sourit dans une

atmosphère naturelle à la limite de la naïveté – qui caractérise bien évidemment l’enfance. A

cela, s’enchaine une vague déferlante d’images qui vantent particulièrement la beauté

féminine, les courbes parfaites, le rajeunissement par des crèmes, les régimes... « Parlez à

votre fille avant que quelqu’un d’autre ne le fasse. » Le message est clair les images nous

30

Page 31: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

influencent, et il faut s’en méfier puisqu’elles ne sont pas toutes jolies à voir et

particulièrement pour prendre exemple dessus!

2.2 les couleurs aussi

Si tous les graphistes avaient pour bible « Le petit livre des couleurs » de Michel Pastoureau

et Dominique Simmonet les couleurs retrouveraient sûrement l’usage qui leur est destiné. En

effet, les couleurs sont souvent mal utilisées, elles sont placées de manière gratuite, à tout va

et vient et ont de ce fait perdues de leur authenticité. C’est ainsi, que l’utilisation du noir et

blanc est devenu un échappatoire à la surenchère de couleur. Comme nous l’avons vu

précédemment, Malte Martin en divorçant des couleurs, et en utilisant le noir et blanc a

renforcé sa communication pour le théâtre Athénée. François Delclaux, directeur de l'agence

de style « Un nouvel air » affirme « Mis à part la parenthèse glamour des années 1990, le

noir et blanc est un classique dont l'impact visuel est fort. C'est une base neutre de

réassurance. »

On remarque, que toutes nos démarches lorsqu’il s’agit de « rattraper la donne » sont souvent

faite dans l’extrême. Je m’explique. On n’arrive plus à communiquer, alors on simplifie tout.

On ne sait plus se servir des couleurs alors on en vient à passer au noir et blanc. Peut-être

qu’avant de trouver une solution diamétralement opposé à ce qui ne va pas il faudrait d’abord

comprendre la cause de ce qui ne fonctionne pas. Le pourquoi

31

Page 32: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

Conclusion

Ce mémoire avait pour but de s’interroger sur la simplicité comme moyen de communication.

En me penchant sur « la simplicité », je me suis rendu compte tout d’abord a quel point ce

sujet était très passionnant à étudier mais aussi qu’il regorgeait d’une richesse que j’avais

largement sous-estimée. La simplicité est une notion qui s’est avérée tellement vaste qu’elle

me semble aujourd’hui difficilement résumable. Mais on pourrait retenir principalement que

la simplicité a cette force de réduire à l’essentiel les choses complexes de manière à mettre en

valeur ou/et engager le spectateur tout en nous simplifiant la réflexion elle nous fait gagner du

temps qui est de nos jours si précieux à nos yeux. Ensuite, nous avons vu que la simplicité

s’avérait paradoxalement un art difficile à maîtriser : synonyme de pauvreté, prise de pouvoir

à notre place, trop réduire, risquer de basculer dans le simplisme, changer le sens...

Je ne pensais pas que c’est en analysant le contraire de la simplicité « la complexité » que

j’allais faire perdre de la crédibilité à cette dernière. Bien au contraire, je pensais l’affirmer !

Il c’est révélé que la simplicité ne saurait exister sans son contraire. De plus, nous avons fait

remarquer que la complexité à autant sa place que la simplicité dans notre société, c’est un

outil certes diamétralement opposé à la simplicité mais qui regorge lui aussi de qualités. C’est

ainsi que c’est effondré l’utopie que la simplicité pouvait avoir le monopole de la

communication et ainsi être la solution à tous les problèmes. De ce constat fût abordée la

différence entre « complexité » et « chaos ». Les choses complexes sont certes chargés et pas

du premier coup d’œil compréhensible mais la complexité organisée fonctionne très bien. Le

chaos est défini par une surcharge d’éléments incontrôlés, qui ne sont pas organisé et qui ne

peuvent être compris même après réflexion. Il ne faut pas confondre complexité et chaotique.

La simplicité a fait naitre cependant des pistes riches qui selon moi étaient intéressantes à

explorées. Ce n’est pas pour rien si de nos jours, les communications « simples » ont une

ligne d’avance sur les autres. En effet, en m’intéressant à la simplicité il m’a paru évident que

certaines qualités de cette dernière pouvaient néanmoins répondre à certains soucis de

communication présent dans notre société. Simplifier c’est respecter les images en gardant ce

qui est nécessaire à la compréhension d’un produit ou d’un message. C’est aussi investir un

lieu avec ces images sans gêner l’environnement et le public visé. La simplicité s’adresse sans

fioriture, ni gadget pour séduire, vendre ou informer. Nous avons confiance en elle car elle a

cette façon innocente de se mettre à nu. De nos jours, il me semble que nous sommes

complètement réfractaire aux images tant elles nous ont usé de leurs stratagèmes, de leurs 32

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beautés artificielles et parfois mensongères. Les graphistes et – plus particulièrement – les

publicitaires devraient essayer de considérer plus leur public, se préoccuper un peu plus de

leur attente.

A force de communiquer « n’importe comment », nous en sommes venus à transformer le

paysage urbain, notamment en utilisant mal les couleurs, ou encore les signes et les images.

La mise en place d’un code de déontologie pour les graphistes et – surtout – les publicitaires

ne serai pas du luxe ! Serait-il possible de mettre en place ce genre de chose de manière à faire

promettre aux graphistes de ne pas « abimer » notre environnement et de ne pas matraquer le

public ? Est-on obligé d’en arriver là ?

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Page 34: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

Bibliographie

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demandent  comment  devenir  réalisateur,  2006,  [consulté  le  1er  juin  2010], 

disponible sur : http://www.horschamp.qc.ca

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- BOUGNOUX Daniel, Il ne faut pas avoir peur des images, Sciences Humaines,

Déc2003/Jan F 2004, Hors-Série N°43év .

- DEBORD Guy,  La société du spectacle, Gallimard, 1996, 208 p.

- PLUTARQUE, La vie de Brutus, premier consul de Rome, 1730, 38 p.

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- MALTE Martin, conférence du 06 février 2007 à la Sorbonne.

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- LOOS Adolph, Ornement & Crime, Rivages, 2003, 277 p.

- DE CLAIRVAUX Bernard, L’essence du christianisme, Gallimard, 1992, 527 p.

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2009, [consulté le 1er juin 2010], disponible sur : http://www.andyrutledge.com

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2007, [consulté le 1 juin 2010], disponible sur : http://www.jnd.org

- ARDEN Roy, extrait d’un écrit lors d’une exposition sous forme de carte postale

- WAJCMAN Gérard, Malte Martin, Pyramid, 2007, 120 p.

- SERRE Michel, interview, Les pubs polluent nos entrées de ville, 2008

- RAS LA PUB, extrait d’un communiqué, 2008

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Annexes

Affiches pour le théâtre Athénée saison 2009-2010, Malte Martin

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« Logographie France », Florent Guerlain, 2009

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Page 37: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

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Page 38: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

« Poster Series of TV Shows »,

Albert Exergiant, 2009

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Page 39: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

« Affiche jeux olympique Tokyo », Yasuku Kamekura , 1964

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Page 40: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

Le logotype « MUJI » et des produits types de la marque

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Page 41: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

De haut en bas : L’Ipad d’Apple et l’Ipod Suffle d’Apple

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Page 42: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

Affiches du journal Telegraph, 2007

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Page 43: Mémoire "La simplicité peut-elle nous aider a "mieux" communiquer?"

Peach Beach, 2007

Peach Beach, couverture de l’Ex Berliner de janvier 2009

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