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Federal Office for Migration FOM
Migration en République démocratique du Congo :
Document thématique 2009La migration des enfants de la rue :
contexte, trajectoires de vie etimpact en RDC
17 route des Morillons, 1211 Genève 19 SuisseTél : + 41 22 717 91 11 • Télécopie : +41 22 798 61 50
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Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas les positions de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les appellations utilisées et la présentation des données dans le rapport n’impliquent pas l’expression d’opinion de la part de l’OIM concernant des faits tels que statut légal, pays, territoire, ville ou zone particulière, ou à propos de leurs autorités, ou de leurs frontières ou confins. Toute omission et erreur reste de la seule responsabilité de l’auteur.
Ce rapport est un document de travail et, par conséquent, il ne se conforme pas nécessairement aux directives de style adoptées par l’OIM.
L’OIM croit fermement que les migrations organisées, s’effectuant dans des conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société tout entière. En tant qu’organisme intergouvernemental, l’OIM collabore avec ses partenaires au sein de la communauté internationale afin de résoudre les problèmes pratiques de la migration, de mieux faire comprendre les questions de migration, d’encourager le développement économique et social grâce à la migration, et de promouvoir le respect effectif de la dignité humaine et le bien-être des migrants.
Ce document a été produit avec le soutien financier de l’Union européenne, l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et la Coopération belge au développement. Les opinions exprimées ci-après sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Union européenne, de l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et de la Coopération belge au développement.
Editeur : Organisation internationale pour les migrations 17 route des Morillons 1211 Genève 19 Suisse Tél : + 41 22 717 91 11 Télécopie : +41 22 798 61 50 Courrier électronique : [email protected] Internet : http://www.iom.int
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La migration des enfants de la rue : contexte, trajectoires de vie et impact en République Démocratique du Congo
Papier préparé par
Prof. G. Ngoie Tshibambe
Migration en République Démocratique du Congo : document thématique 2009 1
Avant-propos Grâce au soutien financier de l’Union européenne, l’Office fédéral des migrations suisse (ODM) et la Coopération belge au développement, l’OIM met en œuvre le projet « Migration en Afrique de l’Ouest et centrale : profils nationaux pour le développement de politiques stratégiques » dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale (Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, République démocratique du Congo et Sénégal), afin de promouvoir une approche politique de la migration cohérente et dynamique, en appui à la planification des politiques stratégiques au niveau national et régional. Les profils migratoires nationaux sont un résultat fondamental de cette recherche et de ce projet de renforcement des capacités. Ils constitueront un outil politique utile pour suivre les tendances migratoires et identifier les domaines nécessitant des développements politiques subséquents. Mais, en étant principalement un outil de suivi, les profils nationaux fournissent des lignes directrices limitées au type de politiques pouvant être développées dans un domaine particulier (i.e. méthodologies et approches politiques). La série de documents thématiques traite cet aspect particulier en aidant les responsables politiques et les praticiens à définir les priorités d’action et les options politiques dans les domaines particulièrement pertinents dans le contexte politique national. Sous la direction et avec l’appui des groupes de travail techniques nationaux et interministériels (GTTN) ainsi que des sous‐groupes de travail thématiques, établis dans chaque pays cible au cours du projet, trois documents thématiques ont été rédigés par des experts locaux pour chacun des pays concernés. Le but de ces documents est d’accroître les capacités de développement de politiques, par l’identification des bonnes pratiques et en évaluant les perspectives de développement politiques sur des éléments présentant un intérêt particulier pour le gouvernement. Abye Makonnen Frank Laczko Représentant régional Chef de la division recherche et publications Mission à fonctions régionales Siège de l’OIM Dakar, Sénégal Genève, Suisse
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Table des matières Liste des abréviations………………………………………………………………………………………………………………………….3 Introduction............................................................................................................................................. 4
1. La migration des enfants : contexte historique, continuités et discontinuités………………………………...9 2. Les déterminants et la perception de la migration des enfants........................................................ 11
3. Le profil et les systèmes de la migration des enfants ....................................................................... 15
4. La migration, les droits de l’enfant, et ses conséquences................................................................. 18
4.1 Les droits de l’enfant à l’épreuve de la migration ...................................................................... 18
4.2 Les conséquences de la migration sur les enfants ...................................................................... 19
5. Les politiques alternatives face à la migration des enfants .............................................................. 21
5.1 La politique du laisser‐faire et sa portée..................................................................................... 21
5.2 Le renforcement des structures d’encadrement des enfants en RDC........................................ 21
5.3 Le renforcement d’un cadre de coopération multilatérale ........................................................ 22
Conclusion et recommandations........................................................................................................... 24
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Liste des abréviations
CDE Convention relative aux droits de l’enfant
CDF Francs congolais (RDC)
CEEAC Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale
CNEN Conseil national de l’Enfant
CNPE Conseil national pour la protection, la promotion et le bien‐être de
l’enfance et de la jeunesse
DSCRP Document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté
GECAMINES Générale des carrières et des mines
LIZADEEL Ligue de la zone Afrique pour la défense des droits des enfants et des
élèves
OMD Objectifs du millénaire pour le développement
ONATRA Office national des transports
RDC République Démocratique du Congo
SNCC Société nationale des chemins de fer du Congo
UA Union africaine
USD Dollar américain (Etats‐Unis)
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Introduction Justification
La crise socio‐économique rampante qui secoue la République Démocratique du Congo (RDC)
entraîne des transformations sociales dont les effets ont des répercussions sur les structures familiales, les activités et les pratiques sociales. Les répercussions sur les structures familiales se manifestent par l’effritement du rôle de l’homme et de l’autorité patriarcale au sein de certaines familles, mettant au premier plan la femme/la mère qui joue un rôle important dans la vie et la survie de la famille (De Boeck, 2004, p. 187). L’homme, sans emploi ou travailleur mal rémunéré, est mis dans une posture de faiblesse économique ; sa contribution, qui se réduit, en apports d’argent pour la survie de la famille, entraîne le rééquilibrage des rapports de genre au bénéfice de la femme/mère. La distinction entre les « familles patrifocales » et les « familles matrifocales », ainsi que le dégage Dibwe dia Mwembo (2001), offre la lecture de cette réalité complexe : les familles patrifocales sont celles dans lesquelles le rôle de l’homme dans la contribution fonctionnelle et opérationnelle à la vie du ménage est prédominant. Ce modèle de famille, un héritage de la tradition et de la culture profonde du Congolais, est concurrencé par le modèle des familles matrifocales dans lesquelles la femme/mère, qu’elle soit mariée ou non, joue un rôle de plus en plus important dans l’entretien du ménage.
Dans certaines familles, la crise socio‐économique est telle que celles‐ci s’effondrent : la vie et la survie des enfants deviennent problématiques. Le toit familial n’est plus tellement le toit abritant des enfants. Beaucoup d’enfants se retrouvent en rupture de contacts avec leur famille, sinon ils désertent le foyer parental pour se retrouver dans la rue. Les enfants de la rue ou les enfants dans la rue, les « shegue », traduisent ce phénomène qui se généralise dans la plupart des centres urbains en RDC, comme partout ailleurs dans les sociétés postcoloniales. Ces enfants, à la fois fragiles et matures, se caractérisent par le fait qu’ils affrontent seuls les aléas de la vie dans la rue, c’est‐à‐dire en dehors du toit familial.
En ce qui concerne les répercussions des transformations induites de la crise sur les pratiques et les activités sociales, tout en reconnaissant les effets d’enchâssement des actions entre les différents niveaux et sites, les pratiques et les activités sociales se composent et se recomposent, mettant au premier plan le déclassement des normes sociales, le contournement des règles et des lois et la défaillance des institutions formelles aussi bien chez les agents publics que privés (Mbembe, 2004). Sur le plan politique, l’Etat fait profil bas et dans une sorte d’action par « la décharge » se désengage de ses responsabilités en n’étant pas capable de pourvoir en services nécessaires à la population. Sur le mode de fonctionnement des services publics, l’informel prévaut sur le formel. Sur le plan économique, la prédominance de l’informel est évidente également. La prééminence des activités de l’économie informelle est relevée par exemple dans la ville de Kinshasa. Ainsi, l’enquête 1‐2‐3 a permis de dénombrer, pour la ville de Kinshasa, 538 200 unités de production informelles dans les branches marchandes, avec une prédominance du commerce, ce secteur représentant 63,2 % des unités de production. Ces unités informelles comptaient pour 692 800 emplois, soit 71 % de l’emploi total de la ville ; 62 % de ces emplois sont occupés par des femmes (INS, Enquête 1‐263, 2004; Mukoko, 2009 : 653‐664). C’est dire que la plupart des ménages, dans la ville de Kinshasa, vivent grâce aux revenus provenant des activités qui s’exercent dans le secteur informel et les femmes jouent un rôle de premier plan sur le site économique. Dans la ville de Lubumbashi, au sud du pays, à la suite d’une enquête menée auprès des ménages, on arrive presqu’au même constat sur l’effondrement de l’emploi dans le secteur formel, la disparition du salaire dans la vie et la survie des ménages et l’importance des activités informelles sur le fond du rôle de plus en plus important joué par la femme. Nkuku et Rémon ont pu ainsi écrire : « L’emploi n’offre plus les mêmes avantages qu’auparavant : le salaire ne suffit plus pour couvrir les seules dépenses ordinaires d’un ménage moyen. A côté de l’effritement du niveau du salaire, un autre phénomène fait aujourd’hui surface, celui de la suspension de paiement ou de l’irrégularité des salaires. Interrogée à ce propos, la population de notre échantillon a donné les réponses suivantes : 22
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% reçoivent leurs salaires mais irrégulièrement ; 12,7 % ont un salaire régulier et 65,3 % vivent sans salaire, mais de leurs activités libérales » (2006 : 61). Que l’on ne se prête pas à la confusion : les activités libérales en RDC ne sont rien d’autre que l’expression des activités du secteur informel.
Pour revenir à la situation des enfants de rue en RDC, la plupart des villes du pays connaissent ce phénomène. A Kinshasa, la capitale, ce phénomène devient le marqueur caractéristique de cette ville. Si, comme le dit bien Hebdige, les jeunes entrent dans les récits discursifs de la modernité quand ils posent problème (Hebdige cité par Comaroffs, 2000 : 92), de même, les Shegue, dont la visibilité sociologique est plus qu’évidente, sont devenus l’objet de préoccupation sociale et d’inquiétude politique dans la capitale congolaise. A la fois acteurs et victimes, instrumentalisés/courtisés et représentations de tous les fantasmes pathologiques de la société congolaise, « makers and breakers », si on doit reprendre les termes utilisés par Honwana et de Boeck (2005), les Shegue de Kinshasa posent des problèmes de sécurité, de dépravation des mœurs et de reflet de l’échec sociétal collectif dont la honte que l’on éprouve à leur égard conduit les autorités politiques congolaises à cacher ce phénomène, surtout vis‐à‐vis des hôtes de marque étrangers en visite officielle en RDC (Geenen, 2009 : 351).
Au‐delà des considérations sur l’instrumentalisation dont les enfants de la rue sont l’objet et des cauchemars que ces derniers font vivre aux uns et aux autres, bref à la société, que cela prenne la forme de la criminalité et de l’insécurité, il y a lieu de noter que dans les interstices de tout ce que sont et font les enfants de la rue et à côté de la représentation que l’on s’en fait, ils déploient de l’ingéniosité à travers des « manières de faire », selon les termes de Michel de Certeau (1990). Ces manières de faire consistent dans le déploiement de l’activité (agency) pour conquérir l’espace, un site qu’ils savent investir pour vivre et survivre. S’ils n’ont plus de toit familial, ils en font un de nouveau : c’est la rue, cet espace appartenant à l’Etat. C’est dans cet espace qu’ils font leurs petites activités de commerce, de banditisme, mais aussi qu’ils produisent les normes qui régissent leur comportement.
Kinshasa est une ville à vocation administrative, industrielle et commerciale et elle a épuisé de produire des infrastructures publiques capables de s’occuper des enfants. Les enfants de la rue, à défaut de s’adonner à des travaux dans les carrières des mines comme au Katanga, se mettent à conquérir d’autres espaces, a l’étranger. A l’évidence, la RDC n’est pas ce modèle de « société capitaliste (qui) fut plus ou moins la seule à faire de l’enfance un site de reproduction culturelle consciente d’elle‐même, dispensant ces jeunes de l’obligation de travailler et leur permettant de pénétrer le monde raffiné de l’éducation » (Comaroffs, 2000 : 91). Les enfants de la rue déploient de l’ingéniosité dans la conquête du monde en migrant. Ils émigrent seuls et cette migration est d’abord interne. De plus en plus, elle devient internationale. Sur le plan interne, les enfants non accompagnés vivant dans les milieux ruraux quittent l’intérieur du pays pour rejoindre certains centres urbains du pays où ils espèrent bien se débrouiller. Ainsi, Kinshasa ou Lubumbashi reçoivent, à la suite d’une sorte d’exode rural, des enfants non accompagnés qui gonflent le nombre d’autres enfants qui se retrouvent déjà dans la rue. Sur le plan international, les Shegue de Kinshasa prennent le chemin vers le Congo‐Brazzaville, voire vers le Gabon. La direction vers l’Angola a fait l’objet de plusieurs analyses : ce pays était un lieu de destination privilégié pour la recherche du diamant que l’on pouvait y avoir ; des expressions comme les « Bana Lunda » (‘‘les enfants de Luunda’’) ont fait flores dans la littérature (Sabakinu, 2001 : 127‐170 ; de Boeck, 2001 : 171‐208). « Luunda » représente le nom d’une ethnie dont les membres se retrouvent aussi bien en RDC qu’en Angola ; ce terme est la métaphore qui représente géographiquement cet espace en Angola où les Congolais se rendent à la recherche du diamant (Sabakinu, 2001).
Que ce soit sur le plan interne ou international, des enfants de la rue sont en mouvement mus par une même logique : ils migrent pour chercher à se débrouiller et travailler dans les centres urbains en RDC ou dans certaines villes dans les pays limitrophes de destination ; ils migrent aussi à la recherche des marchandises qu’ils peuvent bien revendre en RDC. Des fois, ils accompagnent des personnes adultes handicapées qui traversent vers le Congo‐Brazzaville. Cette mobilité qui n’a pas encore fait l’objet d’attention des chercheurs et des pouvoirs publics participe de pratiques hybrides de migration irrégulière, car encore « mineurs », ces enfants ne font pas l’objet de contrôle de la part des services publics chargés de la migration aussi bien du côté de la RDC que de celui du Congo‐Brazzaville. Lorsque ces enfants se présentent aux postes frontaliers, ils ne sont pas l’objet d’attention des services des migrations qui les laissent passer. Bien sûr, dans le cadre de la gestion des relations transfrontalières, les
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habitants de Kinshasa bénéficient d’un régime migratoire spécial : ils peuvent se rendre à Brazzaville sans visa, mais en étant détenteurs d’un laisser‐passer que l’on achète à l’équivalent de 5 USD pour un séjour ne dépassant pas deux semaines. La réciprocité s’applique également au bénéfice des habitants de Brazzaville lorsqu’ils veulent venir à Kinshasa. Ainsi, les shegue franchissent allégrement la frontière et acquièrent l’habitude de ces va‐et‐vient, développant ainsi la capacité de savoir‐circuler qui les prédispose à ambitionner à l’avenir de migrer plus loin comme en Europe, en Amérique, voire au Japon.
L’appétit vient en mangeant, dit‐on. L’appétit migratoire qui se développe chez les enfants de la rue devient si glouton que certains jeunes se disent prêts à exploiter toute opportunité pour effectuer des voyages au‐delà du continent africain. Ce rêve ne peut être négligé et balayé d’un revers de main. Alors qu’en RDC, des campagnes ont été menées par des organisations non gouvernementales locales soutenues par certains gouvernements de l’Union Européenne (la Belgique et la France), opération dénommée « Vanda na Mboka », une expression en Lingala, une langue nationale dont la signification est « Restez et Vivez au pays » (Bindungwa, 2008), le laxisme, sinon l’indifférence dont font montre les services publics de la RDC en laissant les enfants de la rue de Kinshasa se mouvoir aisément entre Kinshasa, Brazzaville et Libreville ne porte‐t‐il les germes d’un développement de la culture migratoire chez cette catégorie des enfants de la rue qui font partie de la force d’avenir de la RDC ? Alors que « l’immigration irrégulière figure parmi les priorités des agendas politiques des pays européens et (est) de plus en plus présente dans ceux des pays du continent africain » (Meier et Van Lidth de Jeude, 2008 : 9), ne convient‐il pas de jeter un regard sur cette mobilité des enfants de la rue, une pratique qui deviendrait le terreau pour des comportements d’envergure susceptibles d’entretenir la dynamique de la migration irrégulière dont la RDC paraît être un pays pépinière ?
Au niveau interne en RDC, devant le drame des enfants exploités, un regain d’attention a été manifesté par les services publics soutenus par certaines organisations non gouvernementales de manière à avoir des politiques publiques dans le domaine de la gestion de la protection des droits de l’enfant congolais. C’est le cas de la lutte contre l’utilisation des enfants dans les carrières d’exploitation minière. Groupe One, une organisation non gouvernementale belge évoluant au Katanga a lancé une opération consistant dans l’identification et le retrait des enfants mineurs de toutes les carrières d’exploitation artisanale des minerais en mettant à la disposition des enfants ainsi désengagés de l’argent et des kits scolaires complets (Chroniques du Katanga, 2009). Dans la même province du Katanga, le gouvernement provincial a ouvert un centre d’encadrement et de réinsertion des enfants de la rue de manière à leur assurer un cadre de vie tout en leur donnant la possibilité d’apprendre certains métiers (www.katanganews.com). A Kinshasa, des opérations de coups de poing ont conduit les autorités à récupérer les enfants de la rue, soit pour les amener dans des centres de formation militaire, soit dans des centres agricoles à l’intérieur du pays (Geenen, 2009 : 352‐353). Ces mesures, pour ostentatoires qu’elles sont, sont des demies mesures et ne savent du moins ne peuvent pas résoudre le fond du problème des enfants de la rue dans le pays. Car, à l’évidence, il s’avère que les institutions publiques en RDC ne semblent pas prendre la mesure des responsabilités qu’elles doivent assumer face aux droits des enfants. Et pourtant la RDC a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant par l’ordonnance‐loi n° 90/48 du 22 août 1990.
Alors que la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) contient des dispositifs pertinents dont les idées clés sont entre autres ainsi libellées, « les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés… et à les garantir à tout enfant… ; les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé… ; dans toutes les décisions qui concernent les enfants, … l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale… » (art. 2 et 3 de la CDE), il convient de noter que l’enfant ‐ et surtout l’enfant de la rue ‐ en RDC ne fait pas l’objet des bénéfices de ses droits. L’œuvre de vulgarisation des droits de l’enfant et de la femme en RDC à laquelle s’adonne la Ligue de la zone Afrique pour la défense des droits des enfants et des élèves (LIZADEEL) ne rentre‐t‐elle pas dans l’ambition de couvrir le déficit criant des souffrances de divers droits dont les enfants sont objet ?
Il importe à ce niveau de donner une définition de l’enfant de la rue et de la migration de cet enfant. L’enfant de la rue est un mineur d’âge qui pour des multiples raisons se retrouve en rupture des relations avec sa famille et passe sa vie dans la rue. Il est sans toit parental où il pourrait s’abriter. Il y a
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des enfants nés sous un toit parental qui se retrouvent jetés dans la rue tout comme il y a des enfants nés dans la rue. Mondimo Abendje estime que le phénomène de l’enfance de la rue à Kinshasa comme dans d’autres villes de la RDC est la traduction de la délinquance juvénile. Et il écrit : « la plus grande fréquence d’apparition de la délinquance se situe dans la tranche de 10 à 21 ans. Cet intervalle d’âge comprend deux classes à savoir, de 10 à 17 ans qui correspond à la puberté et à l’adolescence et 18 à 21 ans qui correspond à la jeunesse » (Mondimo Abendje, 2000). A l’analyse, il y a des mineurs parmi les enfants de la rue et des jeunes majeurs, ceux ayant dépassé 18 ans.
En ce qui concerne la migration des enfants de la rue ou non mais sans être accompagné, nous allons définir cette notion à la suite de Castaldo et al. comme le déplacement de n’importe quelle personne appartenant à l’âge de la minorité dans la mesure où cette personne migre de manière autonome et à la suite d’une décision prise individuellement sans autorisation, ni être accompagné de ses parents ou tuteurs (2009 : 5). Il importe de noter qu’il est possible de trouver des occurrences de la migration des enfants mineurs qui se fait après une décision prise par les parents (Hashim, 2005 et 2006), mais ce n’est pas l’objet de notre étude. Il sied de noter qu’ici, nous allons nous intéresser essentiellement à la mobilité internationale tant que cela relève de l’initiative propre de l’enfant de la rue.
Comme il sera relevé dans le premier point, le mouvement international des enfants est le reflet et la continuité du mouvement interne auquel les enfants se sont donnés intensément en ce pays depuis longtemps. Devant l’ampleur de la mobilité de ces enfants, il est important de prendre acte de la mesure du phénomène de cette migration. Si on était sous d’autres cieux comme en Europe, on parlerait aisément de la migration des enfants non accompagnés (voir le débat intéressant ouvert par le rapport cité de Meier et Van Lidth de Jeude, 2008). Mais en RDC, c’est depuis longtemps que ces enfants sont seuls, non accompagnés, car abandonnés et/ou se retrouvant dans la rue. Alors des questions suivantes vont éclairer cette étude : qui sont‐ils et que font‐ils (garçons/filles) ? Pourquoi partent‐ils ? Comment procèdent‐ils pour partir ? Où vont‐ils ? Quels sont les défis que pose la migration des enfants de la rue ? S’agit‐il d’une migration régulière ou d’une migration irrégulière ? Quelles alternatives (économiques, politiques, sociales…) peut‐on envisager pour faire face à ces pratiques de mobilité internationale des enfants à partir de Kinshasa ou d’autres points de départ en RDC ?
Objectifs de l’étude
L’objectif général de cette étude est de décrire et d’analyser le phénomène de la migration des
enfants de la rue de Kinshasa afin de proposer des solutions alternatives. Alors que dans leur ville d’origine, les enfants de la rue sont déjà abandonnés par leur père aussi bien biologique qu’institutionnel (l’Etat et ses institutions), la décision qu’ils prennent de migrer devient une volonté d’explorer d’autres horizons pour voir si cela peut aller mieux ailleurs. Il serait trop simple de considérer cette décision comme un drame tant ces enfants vivent au quotidien des drames. Ce n’est pas non plus une expérience trop productive d’avantages pour les enfants. Une perspective de juste milieu serait appropriée devant ce phénomène.
De façon plus spécifique, l’étude vise à comprendre les raisons qui poussent les enfants de la rue à tenter l’aventure de la migration, à travers la description du phénomène et des pratiques diverses pour réussir dans le savoir‐circuler et l’analyse de ses déterminants et conséquences.
Nous introduirons une approche juridique, ce qui va nous conduire à voir comment au niveau de la sous‐région de l’Afrique centrale, il peut être envisagé la possibilité de produire des normes au niveau de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) pour renforcer le cadre sous‐régional de la protection des droits des enfants.
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Méthodologie
Cette étude a été menée essentiellement dans la ville de Kinshasa, un point de départ des enfants de la rue. Pendant deux mois (avril‐mai 2009), une petite équipe d’enquêteurs1 a travaillé dans la Commune de la Ngombe aux abords du Beach Ngobila pour s’entretenir avec des enfants de la rue qui se débrouillent et qui traversent de temps à autre vers Brazzaville. Cent enfants ont ainsi été interviewés. Sur ce nombre, 11 ont été des fillettes de la rue. Par ailleurs, nous nous sommes entretenus avec dix hommes adultes, dont neuf qui ont des enfants qui vivent dans la rue et un homme ayant un handicap physique. Ce dernier, en voyageant souvent entre Kinshasa et Brazzaville, utilise les enfants de la rue comme porteurs des bagages. La méthode de boule de neige a été appropriée pour nous orienter dans le ciblage des sujets à enquêter. Par ailleurs, nous avions effectué un bref séjour au Congo‐ Brazzaville de deux semaines (juillet 2009). Pendant ce temps, des entretiens semi‐structurés avec des collègues travaillant sur les questions de migrations à l’Université de Brazzaville et l’observation de terrain au port de Brazzaville ont permis de fixer des idées sur certains pans de ce phénomène. Cette approche qualitative du phénomène assise sur l’utilisation des méthodes de collecte des informations comme l’entretien, l’observation et les récits de vie a été complétée par l’analyse documentaire. Le phénomène de l’enfant de la rue à Kinshasa fait l’objet d’une attention scientifique considérable par le nombre d’ouvrages publiés sur ce sujet mais moins sur l’angle de la migration (De Boeck, 2004).
Cette étude ne s’est pas faite sans difficultés au premier rang desquelles il sied de citer les lacunes d’ordre quantitatif: obtenir des chiffres fiables, précis et exhaustifs sur la mobilité des enfants en mouvement de Kinshasa vers le Congo‐Brazzaville est une gageure. L’administration des services de la migration au Beach Ngobila à Kinshasa est prompte à vendre les jetons de traversée appelés les « laisser‐passer », mais ne s’empresse pas de prendre et garder des traces sur le mouvement des personnes.
Structure du rapport
Cette étude sera présentée en six points. Le premier point aborde le contexte historique dans lequel est apparu le phénomène de la migration des enfants de la rue ainsi que les continuités et discontinuités qui se profilent. Le deuxième point analyse les déterminants et la perception de cette migration. Dans un troisième moment, il sera question d’identifier les acteurs et les systèmes de la migration des enfants. Le quatrième point utilise l’approche juridique pour présenter les droits de l’enfant face aux enjeux de la migration de l’enfant. Dans le point suivant, il sera analysé les conséquences de la migration des enfants par rapport au pays de départ et au pays de destination. Enfin, avant la conclusion et les recommandations, nous présenterons les politiques alternatives face à la migration des enfants.
1 Cette équipe a été constituée de l’Assistant Charles Nkunda, de la Bibliothèque nationale du Congo, de Mademoiselle Kasa Tumba, bibliothécaire et de M. Vincent Ejiba, tous de Kinshasa.
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1. La migration des enfants : contexte historique, continuités et discontinuités
Avant la migration internationale des enfants de la rue en RDC, il a été observé d’intenses mouvements de ces enfants sur le plan interne. C’est à partir des années 1980, sous la deuxième République, que le pays, sous les fourches caudines des programmes d’ajustement structurel, entre dans une phase de déclin économique. Cette phase atteint le sommet des contradictions dans les années 1990 lorsque le régime politique a des difficultés pour bien gérer la demande populaire de démocratie. Le forum de dialogue national appelé conférence nationale souveraine ne sait pas sortir un cadre institutionnel nouveau pour introduire la nouvelle donne démocratique que réclame la population. Cette impasse politique a des répercussions drastiques sur les conditions de vie de la population. Des pillages de grande ampleur ont lieu sur l’ensemble du pays mettant à genou les activités économiques par ailleurs non performantes dans ce pays. Dans la fonction publique, les agents de l’Etat connaissent des longs mois de non paiement des salaires. Les grandes sociétés publiques comme l’Office national de Transports (Onatra dans le secteur de transport fluvial et lacustre), la Société nationale des chemins de fer du Congo (dans le secteur ferroviaire) et les grandes sociétés du secteur privé sont aux arrêts, jetant au chômage un grand nombre, sinon tous leurs travailleurs. Dans la province du Katanga, les conflits interethniques entretenus par les hommes du pouvoir de Mobutu finissent par désarticuler le fonctionnement de la grande entreprise minière, la Générale des carrières et des mines (Gécamines). Et pourtant cette société fonctionnait en innervant beaucoup d’autres petites et moyennes entreprises locales. Une rébellion économique et monétaire a lieu dans le pays : il y a deux monnaies qui circulent créant deux espaces monétaires dans un même pays (Kabuya et al., 1994 : 607‐616). La descente aux enfers économiques augmente la pauvreté des ménages congolais.
Dans ce contexte, certaines familles deviennent incapables de pourvoir aux besoins de leurs enfants. Ces « temps de malheur », pour reprendre l’expression d’Achille Mbembe (2001), se déroulent, en RDC/Zaïre, sur un fond de la violence. Comme l’écrit Sabakinu, « Dans les années 1985‐1996, les violences sociales se généralisent progressivement à la fois dans les villes et dans les milieux ruraux. Les pillages de 1991 et de 1993 manifestent le chômage et la pauvreté qui affectent la masse des gens, mais vont rendre encore plus précaires leurs conditions d’existence. De plus, l’escroquerie de la population kinoise organisée dans le cadre des opérations Bindo aggrave la pauvreté et la misère qui frappent indistinctement ceux qui ont étudié et les ouvriers. Même les solidarités familiales sont de plus en plus inefficaces. Nourrir sa famille devient un cauchemar, financer l’éducation des enfants est de plus en plus considéré comme un luxe. On comprend dès lors le processus d’émergence de stratégies de survie, qui ont l’allure de ‘sauve qui peut’ » (2001 : 133).
Les stratégies de survie dans un « sauve qui peut » généralisé affranchit les gens de leurs responsabilités sociales. L’Etat congolais s’est déjà décomposé ; les parents désistent lentement face à leurs devoirs de s’occuper des enfants ; les enfants s’affranchissent de la position de receveurs, de ceux dont on doit s’occuper. Dans les années 1990, une sorte d’exode rural des enfants a été ainsi observé : quelques villes du pays attiraient les enfants qui quittaient ainsi les milieux ruraux. Mbuji Mayi, le chef‐lieu de la province du Kasaï Oriental, riche en diamant, attirait les enfants qui se versaient dans des activités proliférant en étant liées au secteur diamantaire de cette ville ; Lubumbashi voyait les enfants quitter le Congo profond en prenant le train qui reliait les deux Kasaï au Katanga. Kinshasa était le déversoir recevant les enfants venant de l’intérieur. A bord des bateaux de l’Onatra, des enfants non accompagnés se débrouillant, étaient des passagers les plus visibles dans le tronçon reliant l’intérieur du pays à Kinshasa.
Les enfants de la rue qui deviennent une réalité marquant le paysage urbain à Kinshasa comme à Lubumbashi participent ainsi de conséquences de l’exacerbation de la crise socio‐économique interminable qui frappe le Congo. Nous n’entrons pas dans les analyses sur les conditions de la
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production des enfants de la rue (De Boeck, 2004) ; mais ce qu’il sied de noter est le fait que ces enfants de la rue apparaissent dans les rues de la ville de Kinshasa soit comme des rebuts (rejets) des familles urbaines kinoises fortement secouées par la crise, soit comme des rejetons des milieux ruraux se trouvant à Kinshasa à la suite de l’exode rural. La présence des enfants dans la rue est liée de fois à des considérations de sorcellerie dont les enfants sont accusés (De Boeck, 2004 : 183‐191). Au fur et à mesure que s’installe la crise, les enfants de la rue manifestent leur ingéniosité pour conquérir leur espace de vie et de survie en adoptant une stylistique de soi qui en fait des sujets moraux distincts sur le champ social congolais. Ils s’adonnent à la « coop », un mot raccourci de la débrouille et de différentes pratiques et transactions dont l’effet est d’obtenir de l’argent. Des musiciens congolais ont consacré quelques chansons à ces nouveaux sujets. C’est le cas de Papa Wemba avec une chanson sur les « Shegue ». L’orchestre Wenge Musica de J.B. Mpiana chante les « Bana Luunda ». Voici quelques strophes de la chanson « Bana Luunda », qui disent long sur le contexte de la crise au pays et le rôle de la mobilité comme portefeuille d’assurances pour faire face au «ça ne va pas au pays » :
« Kelasi tosala ba diplômes evanda ko na ndako ; Misala mizali te ba compagnies etonda ; A naga ne kende na ngai cantonnier na Luunda ; Bic ne ngai bêche na nga ; cahier na nga nde tamis ; de mon retour au pays ; na sepela lolenge esi esengi ; na somba ndako na ngai ya kitoko ; voiture na ngai ya talo ; Biloko ya ndako ; ainsi va la vie, mikili se bongo » [en français : Nous avons étudié, les diplômes chôment dans les maisons ; les emplois manquent, les compagnies : plus de place ; que je parte travailler comme cantonnier à Luunda ; Mon bic, c’est ma bêche ; mon cahier, c’est mon tamis ; de mon retour au pays ; que je m’amuse comme il se doit ; que j’achète une belle maison ; une voiture onéreuse ; un équipement de la maison ; ainsi va la vie, c’est comme ça le monde.] Quelles sont les continuités et les discontinuités qui se lisent dans la migration des enfants de la
rue en RDC ? Ces derniers ont envahi des villes congolaises en partie selon la dynamique de l’exode rural. Se mettant sur le pas des aînés sociaux (les adultes congolais donc), les enfants se sont mis à élargir leurs horizons en empruntant les chemins de la migration internationale. C’est le sens de la référence dans la chanson des « Bana Luunda » à Luanda, un espace en Angola qu’il faut conquérir et duquel on peut rapporter de l’argent pour paraître et être ici au pays. Si, selon la maxime latine, le théâtre corrige les mœurs en riant (castigat mores in rirendo), au Congo, la musique traduit l’imaginaire du Congolais et la réalité profonde du pays en faisant danser les gens : le rêve migratoire est devenu une réalité car les enfants de la rue se sont lancés dans la mobilité internationale. Du reste, dans la catégorie des « Bana Luunda », selon les informations tirées d’une enquête de 1995 et ayant porté sur 100 personnes, les données fournissent des indications selon lesquelles 86 % étaient âgés de 15 à 30 ans. Ainsi, beaucoup de ces enfants de Luanda étaient des enfants. Par la suite, les enfants de la rue ont cherché à conquérir Brazzaville, Libreville, voire même Bangui en République centrafricaine.
Actuellement, la migration interne continue. Mais la migration internationale des enfants de la rue s’impose de plus en plus comme un modèle qui permette de faire des affaires et de découvrir d’autres horizons pour élargir le cercle d’opportunités de la « coop ». Dans un entretien avec Zephira, un enfant de 15 ans, il exprime ce modèle d’élargissement de la fenêtre d’opportunités en utilisant une maxime de la culture africaine selon laquelle « la poule qui ne va pas trop loin de la cour ne saura pas gratter pour avoir quelques grains ». De même que pour la migration des adultes congolais, on reconnaît la complexité des statuts des migrants, la diversité des routes migratoires et la multiplication des pays de destination, on peut dire la même chose pour la migration internationale des enfants encore que ceci se vive en format réduit.
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2. Les déterminants et la perception de la migration des enfants
Qu’est‐ce qui explique la migration des enfants de la rue de Kinshasa ou d’autres villes congolaises vers d’autres pays étrangers ? La réponse qui vient instamment serait que la pauvreté rampante dans leur terroir pousse les enfants à chercher à « gratter » ailleurs la terre. Avant d’explorer les variables explicatives avancées par les sujets migrants eux‐mêmes, il sied de reconnaître qu’il est important à ce cet égard de prendre en compte les points de vue des parents dont les enfants, ayant fui la maison, sont dans la rue. Pour les parents, les enfants de la rue qui migrent le font ainsi parce qu’ils n’ont plus rien à perdre ici ou ailleurs, ayant tout perdu en désertant le toit familial ici. Un tel point de vue est accompagné des considérations liées à des effets induits du monde invisible. Selon ce point de vue, « les enfants de la rue sont des sorciers. En se mettant à migrer sur le plan international, ils fuient peut‐être les esprits des morts dont ils auraient déjà mangé la chair ici », selon Papa Kbaga (50 ans).
Des entretiens avec des enfants de la rue eux‐mêmes, il ressort qu’il existe plusieurs
déterminants qui justifient leur mobilité. Dans le tableau n°1, nous donnons les assertions avancées par les répondants ainsi que la fréquence des réponses avant de faire des commentaires. Ce tableau est reparti en fonction du sexe des sujets migrants. L’élément qui a reçu le plus de réponses est celui de la débrouillardise. Ce terme est bien choisi car dans les pays de destination, que cela soit le Congo‐Brazzaville (République du Congo) ou le Gabon, ce n’est pas le secteur formel d’emploi qu’entendent explorer les enfants migrants. Au contraire, ce sont les activités du secteur informel qui les intéressent. La « coop » qui les fait vivre ici au pays, c’est ce qu’ils cherchent à exploiter également là‐bas. Le deuxième élément qui a le plus de fréquence de réponse est celui de la fuite de la pauvreté. Il est bien évident que vivre dans la rue est plus que précaire. Cette précarité est rendue encore plus invivable en RDC par les tracasseries et les aléas dont les enfants de la rue sont victimes. A Kinshasa, les opérations « ville propre » sont menées en ayant en vue de nettoyer les espaces publics et de chasser les enfants de la rue, représentation de tous les maux de la société. Non seulement, les enfants de la rue sont auteurs de l’insécurité contre les citoyens, mais aussi et surtout, eux‐mêmes sont victimes de l’insécurité et des parents qui les ont chassés pour certains d’entre eux et des autorités qui les traquent souvent.
Tableau n°1 : Les déterminants de la mobilité des enfants
Sexe Raisons de la Mobilité
Sujets féminins
Sujets masculins
Total/N
Recherche du travail ‐ 11,2 % 10 Fuir la pauvreté au pays (RDC) ‐ 22,4 % 20 Se débrouiller 54,3 % 30,3 % 33
Papa Kalo, 60 ans, père de plusieurs enfants, mais dont dans la famille élargie il y a un enfant de la rue, a un point de vue sur la mobilité des enfants : « les enfants de la rue m’interpellent souvent. Cela fait trop mal en tant que père de voir un enfant déserter le toit parental. C’est la crise. C’est la sorcellerie. C’est tout cela. Pourquoi ces enfants voyagent‐ils maintenant ? Ca, c’est une question délicate. Ils sont comme des oiseaux volant avec leurs propres ailes. Peut‐on empêcher un oiseau de voler ? Maintenant qu’ils sont dans la rue, ils vont là où bon leur semble. »
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Chassé de la maison 18,6 % 11,2 % 12 Recruté par les Ouest‐africains 27,1 % 16,8 % 18 Explorer l’autre pays ‐ 7,8 % 7 N 11 89 100 La traite des enfants, même si elle ne fait pas partie des énoncés discursifs des officiels et des
organisations non gouvernementales en RDC, comme il en est le cas en Afrique de l’Ouest (Hashim, 2006) n’en est pas moins une réalité à laquelle on doit attirer une attention. Il sied de relever que la traite des personnes est une des violations les plus graves des droits humains : elle désigne « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation » (tel que définie par l’article 3 du Protocole de Palerme du 15 novembre 2000). L’encadré suivant nous introduit dans cet épisode de la traite des enfants congolais au Congo‐Brazzaville.
Les enfants de la rue ont été interrogés sur cette question de la traite. Pour eux, ils ne croient
pas que cette traite soit pertinente en ce qui concerne leur cas. Ils se disent avoir déjà beaucoup souffert lorsqu’ils vivent dans la rue à Kinshasa pour qu’ils se laissent encore exploiter. Ce qui est perçu comme une exploitation selon la CDE ne l’est pas tellement ainsi pour les enfants. Pas d’exploitation lorsqu’ils travaillent dans des conditions dures, l’essentiel est qu’ils aient une rémunération. A la question sur l’éventuelle exploitation par les Ouest‐africains qui les cherchent pour les travaux domestiques, les enfants de la rue disent qu’ils sont tellement mobiles qu’ils n’ont pas de contrat ferme et qu’ils ne sont pas enfermés mêmes lorsqu’ils travaillent dans des foyers de personnes originaires de l’Afrique de l’Ouest.
La perception de la mobilité des enfants de la rue se situe à trois paliers. Le premier palier représente le discours dominant, celui de l’Occident dont le socle de la pensée s’inspire du point de vue selon lequel l’enfant, un être fragile, doit être protégé et pris en charge. On ne peut pas penser un enfant mineur qui évolue en dehors d’un cadre familial ou un cadre institutionnel qui veille sur lui. Selon cette représentation, la mobilité des enfants est perçue négativement ; elle augmente la fragilité dans laquelle se retrouve déjà l’enfant qui, dans la rue, est abandonné. Selon De Boeck, « les visions classiques, européennes et nord‐américaines, du statut des enfants et des adolescents considèrent ceux‐ci comme dépendants, non encore prêts à agir de façon responsable. Leur espace social est confiné
La personne qui se prête à l’entretien est un handicapé physique. Il roule sur une chaise. Etant un commerçant, il fait des navettes entre Kinshasa et Brazzaville. Il utilise les enfants de la rue qui l’aident à transporter les marchandises d’un lieu à une autre dans on espace transnational. En substance, son récit est le suivant : « Les enfants qui traversent de Kinshasa à Brazzaville sont pour la plupart des cas des enfants qui aident les handicapés. La plupart des ces handicapés utilisent ces enfants sans l’accord de leurs parents directe ou indirecte. La majorité de ces enfants sont ceux que l’on retrouve ici au Beach (Ngobila) ; ils n’ont pas un niveau d’étude et passent la nuit à la belle étoile. Avoir un gros colis implique d’assumer beaucoup de dépenses à la douane. Pour ce faire, les handicapés utilisent ces enfants qui reçoivent 1000 FC pour faire passer les marchandises convoyées dans des petits colis. Les enfants qui vont à Brazzaville pour toujours sont soit appelés par les membres de leurs familles, soit encore ils constituent la main d’œuvre chez les Ndingari (les Ouest‐africains). Pour cette dernière catégorie d’enfants travaillant à Brazzaville chez les Ouest‐africains, ceux‐ci les recrutent en donnant des commissions à leurs frères ouest‐africains de Kinshasa pour leur trouver de la main d’œuvre enfantine. C’est vite fait souvent. »
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à celui de la famille et de l’école. Les enfants qui ne s’intègrent pas dans ces cadres sont immédiatement perçus comme des victimes éventuelles, ayant besoin de secours » (2004 : 182). Cette vision consumériste de l’enfant dévalorise ipso facto l’enfant africain marginalisé et conduit ainsi Cruise O’Brien à parler de « génération perdue » (1996). Cette vision consumériste couplée à l’hystérie sécuritaire dont s’inspirent les politiques des gouvernements européens ne peut que considérer comme dangereuse la mobilité des enfants de la rue.
Cette représentation occidentale de l’enfant et surtout de sa mobilité rejoint celle des parents des enfants de la rue, c’est le deuxième palier. Des parents vivent comme une déception le fait que certains de leurs enfants aient fui la maison pour vivre dans la rue.
Ce point de vue de M. Kantu n’est pas partagé par tous les parents, surtout ceux dont les
enfants ont été soupçonnés de sorcellerie qui les a jetés dans la rue. Que de tels enfants migrent, cela laisse les parents indifférents. Au contraire, ils se réjouissent que la source de leur malheur s’éloigne de plus en plus de leurs familles dont par ailleurs ils ont du mal à entretenir tous les enfants dans le contexte de la crise rampante de Kinshasa.
Le troisième palier au niveau duquel nous allons nous placer pour donner la perception de la migration des enfants de la rue est celui qui donne la parole aux acteurs eux‐mêmes. Etant dans la rue, loin des familles, ils se sentent indépendants et sont devenus un peu plus libres. Il importe à ce niveau de faire la généalogie de l’expression shegue : on comprendra que la mobilité fait partie de leur nouvelle identité, de leur nouvelle morale de la vie qui a pour socle la rue. L’analyse généalogique de ce mot devrait insister sur trois choses, selon Jens Bartelson (1995 : 7‐8) :
« D’abord, en tant que méthode historique, la généalogie se veut être une histoire effective. Elle n’est pas l’histoire du passé ; elle est plutôt l’histoire du présent en termes de son passé. Appliquée à l’analyse d’un mot, elle nous permet d’en comprendre le contexte d’émergence et les différentes configurations discursives dans la longue durée. Ensuite, la généalogie doit être épisodique : elle ne veut pas décrire ou expliquer les âges passés ou les idées dans leur totalité ; elle s’intéresse à des épisodes du passé qui sont cruciaux à la compréhension de ce qui est l’enjeu d’analyse au présent. Enfin, tout en étant épisodique, la généalogie se veut être exemplaire. Cet argument entend faire reposer la généalogie sur des exemples et selon Aristote, un exemple est ce qui est gouverné par la multiplicité et l’excès des sens. Au cœur de la généalogie, se trouve la déconstruction devenant ainsi une stratégie qui s’adresse elle‐même à questionner ce qui est pris pour certitude et soumettant la référence et la signification des concepts à une critique interne. » Quelle est alors l’origine du terme shegue ? Recourons à De Boeck qui écrit : « Selon certaines
sources, le mot shege ou chégué trouverait son origine dans l’arrivée à Kinshasa des enfants‐soldats de Kabila, ressemblant à de petits ‘rebelles’, de petits Che Guevara. Le mot, pourtant, est antérieur à la prise de la capitale. Une explication plus fréquente est que shege dérive de Schengen, la ville
M. Kantu (49 ans), un agent de l’administration judiciaire à Kinshasa, nous a raconté le calvaire qu’il a passé lorsque son enfant de 15 ans, ne revenant pas à la maison familiale, a été vu dans la rue à Kinshasa ; quelque temps, cet enfant a été vu à Brazzaville. Selon Kantu, « j’ai du me rendre moi‐même à Brazzaville ; j’ai localisé l’endroit où mon enfant se faisait voir en compagnie d’autres enfants de la rue kinois vivant à Brazzaville. On m’a même montré la maison d’un Ouest‐africain chez qui il travaillait souvent pour puiser de l’eau et faire les travaux domestiques. Il n’était pas facile de le retrouver mon enfant. Vers 7 heures, je me suis retrouvé sur le lieu et je me suis caché. J’ai vu l’enfant, mon enfant venir. J’ai pleuré en le voyant. Je suis sorti de ma cachette ; je l’ai appelé, le suppliant de ne pas fuir. Il est venu. On a causé et le même jour, il est rentré avec moi à Kinshasa. Actuellement, il étudie ; il va présenter les examens d’Etat ».
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luxembourgeoise où l’Union européenne a signé un traité abolissant ses frontières intérieures et instaurant un espace unique accessible par un seul visa. Pour les Bashege de Kinshasa,… la rue est le territoire de l’alternative, un autre espace Schengen » (2004 : 184). Cette déconstruction nous permet de dégager l’idée essentielle qui transpire dans les deux versions : c’est la capacité de bousculer l’ordre des choses. Che Guevara a cherché à bousculer l’ordre impérialiste tandis que la vision Schengen bouscule, du moins par rapport aux Etats de l’Union européenne les carcans d’un réalisme dépassé qui accorde trop d’importance à des frontières. Les enfants de la rue contestent la vision d’épanouissement de l’enfant dans le cadre familial. En conquérant l’espace, il bouscule des rigidités sociales. Il a déjà défié ses parents, il défie l’Etat dans la rue lorsqu’il participe, même dans sa position de marginalisation, devenant un acteur stratégique, à des enjeux du pouvoir dans le marquage de l’espace (Geenen, 2009).
La migration donne aux enfants de la rue de prendre conscience des perspectives de démultiplication des fenêtres d’opportunités pour vivre et survivre. Cela leur donne de croire que « tout est possible ». Les enfants de la rue en mobilité disent avoir trouvé des niches d’affaires de débrouillardise qu’ils peuvent faire soit à Brazzaville soit à Kinshasa. Parmi eux, certains gardent de la mobilité le goût d’aller encore plus loin ; il y a d’autres enfants qui reconnaissent qu’ils préfèrent vivre dans leur pays, pour aider leurs parents qui sont à Kinshasa. La migration est vue comme un marché qu’il faut visiter et sur le site duquel on peut faire des transactions. C’est dans ce sens que Abdou Ndao, à la suite d’une enquête auprès des enfants dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest (Togo, Bénin, Ghana et Nigeria), arrive à écrire ce qui suit : « Des centaines d’enfants et de jeunes interrogés avec des outils, dans des espaces géographiques divers et vivant des conditions de travail différents, il émane de notre point de vue cette idée : les enfants en mobilité semblent assumer leur sort très dignement avec peu de plainte même si on connaît les souffrances vécues. Cet état de désenchantement, de manque de perspective est une caractéristique de leur cadre de vie ; au moins, en mouvement, ils ont une perception d’eux‐mêmes plus valorisante. Les exemples ne manquent pas et semblent illustrer le fait que ces processus de mobilités sont inscrits dans leur imaginaire et les souffrances postulées ou réelles, effectives ou potentielles, procèdent plus de notre vision personnalisée de leurs conditions de travail » (Ndao, 2009).
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3. Le profil et les systèmes de la migration des enfants
Qui sont les enfants de la rue ? Nous voulons élaborer le profil de ces enfants. Sur la base de l’échantillon de cent enfants, la distribution par sexe et par tranche d’âge va être dégagée de la manière suivante que dégage le tableau n°2.
Tableau n°2 Profil des enfants de la rue migrants
Âge Sexe
10‐14
15‐17
Total
Masculin
24,7 %
75,2 %
89
Féminin
27,2 %
72,7 %
11
N= 100
Il y a une évidence à noter, c’est que ce sont les garçons que l’on trouve le plus dans les rues. Et
ils sont aussi nombreux à tenter l’aventure migratoire dans cet espace qu’ils cherchent à conquérir, sinon à coloniser. Si les plus jeunes sont moins nombreux à voyager, ceci se justifie par la fragilité dans la précarité dont ils sont l’objet, mais aussi par le manque de vision et d’ambition du fait de leur très jeune âge. Plus ils grandissent, plus ils cherchent à voir et à faire des grandes choses. Dans le tableau n°3, nous voulons présenter les données sur la trajectoire d’éducation/formation que les enfants de la rue ont vécu avant de se retrouver dans leur « monde nya nko » (un monde de la canaille, un monde sans lois).
Tableau n°3 : Trajectoire de formation/éducation des enfants de la rue Trajectoire Fréquence
Masculin Féminin ‐ Pas d’éducation ‐ Niveau primaire achevé ‐ Interruption au niveau du primaire ‐ Niveau de secondaire achevé ‐ Interruption au secondaire
47,1 % 54.5 % 11,2 % 18,1 % 28 % 27,2 % 3,3 % ‐ 10,1 % ‐
N= 89 11
Avant de faire des commentaires sur ce tableau, il convient de mentionner que le système
éducatif en RDC n’a pas des capacités pour permettre la scolarisation de tous les enfants. Le pays a adopté la ligne qui fait de l’éducation primaire obligatoire de manière à en favoriser l’accès à tous les enfants. Cette politique n’est qu’un vœu pieux car, à l’évidence, les résultats des progrès accomplis par rapport au deuxième Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) sont bien médiocres. Ce constat est fait lorsqu’on lit le Profil migratoire national de la RDC :
« La RDC n’a pas accompli de progrès tangibles en ce qui concerne le deuxième Objectif du Millénaire pour le développement. Au rythme actuel, bon nombre d’indicateurs liés à cet objectif ne seront pas satisfaits. D’après le diagnostic fait dans le DSCRP, le taux brut de scolarisation dans le primaire a connu une forte régression, soit 92 % en 1972 à 64 % en 2002. Dans le secondaire, elle est estimée à 29 % en 2001/2002 contre 26 % entre 1977‐1978 avec un coefficient d’efficacité interne qui est de 36 %.
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Ces résultats négatifs sont accompagnés par la détérioration du taux de survie scolaire (25 %) pendant que le taux d’achèvement n’est que de 29 % et par un faible niveau d’encadrement. Au niveau des inégalités des taux bruts de scolarisation selon le sexe, on les établit à 72 % pour les garçons et à 56 % pour les filles. En ce qui concerne le milieu de résidence, le taux d’admission est de 71,6 % en milieu urbain et de 43,6 % en milieu rural. Par ailleurs, le retard de scolarisation a atteint plus de 16 % de garçons contre 12 % de filles en 2001… Ces déficiences tirent leur origine de l’inadéquation du système éducatif à faire face aux besoins croissants de la population, mais aussi des difficultés par le manque des revenus dont souffrent les parents vivant dans les milieux urbains ou ruraux » (Ngoie et Lelu, 2009b). Ces données permettent de reconnaître la discrimination interne dont souffrent les enfants en
RDC en rapport avec l’éducation. Beaucoup d’enfants sont exclus de la scolarisation en raison de la faiblesse des revenus dont disposent leurs parents, soit en raison de la localisation spatiale de leur lieu de résidence. C’est le taux d’admission qui situe le différentiel d’accès au système scolaire et sur ce registre les milieux ruraux sont beaucoup plus défavorisés. Cette trajectoire sociologique aide à situer les conditions de la production de l’exclusion sociale des enfants de la scolarisation. Beaucoup d’enfants de la rue, pour autant qu’ils sont dans la rue, sont des déclassés du système scolaire. La discrimination entre garçons et filles se reproduit dans la rue. C’est parmi les filles que l’on retrouve le taux le plus élevé de non scolarisation. Jetées trop vite sur la rue, elles n’ont pas pu étudier en famille. Celles qui sont dans la rue n’ont pas non plus étudié. Alors que chez les garçons, ceux qui n’ont reçu aucune formation représentent 47,1 % de la population masculine, ce pourcentage est aussi élevé pour les filles (54,5 %). Ceux qui ont interrompu les études sans avoir achevé le niveau de l’enseignement primaire représentent également une portion importante, soit 28 % chez les garçons et seulement 18,1 % chez les filles.
Qu’en est‐il du système migratoire des enfants de la rue ? Quelques mots sur la notion de système migratoire sont importants pour en préciser la signification. Pour Mabogunje (cité par de Hein, 2008 : 148), le système migratoire déroule l’enchâssement des espaces liés par des flux et des reflux de peuples, des biens, des services et de l’information qui tendent à faciliter divers échanges, y compris les migrations. Ce système renvoie aux itinéraires et aux espaces qui déroulent les activités migratoires. Nous allons ainsi présenter les itinéraires qu’empruntent les enfants de la rue ainsi que les pays de destination vers lesquels se dirigent ces enfants. Entre la RDC et le Congo‐Brazzaville, la frontière est fluviale : ainsi des enfants de la rue prennent le bateau qui relie les deux capitales les plus proches du monde. Il y a également des enfants de la rue prennent des petites embarcations (pirogues). Ceux qui prennent des bateaux passent par des voies régulières tandis que ceux qui empruntent des pirogues utilisent des voies irrégulières de migration. C’est à partir du port de Kinshasa (Beach Ngobila) que se fait la traversée par la voie régulière car il faut détenir tous les papiers exigés de part et d’autre par les services de migration des deux pays. Ceux qui empruntent les petites embarcations (les pirogues) ne partent pas du port, mais leurs points de départ sont des multiples lieux logés le long du fleuve du côté de la RDC qu’ils quittent à tout instant. Comme il n’y a pas de garde‐côtes de part et d’autre, la traversée est facilitée.
Tableau n°4 : Itinéraires de traversée vers le Congo‐Brazzaville
Traversée par bateau
Traversée par pirogue
N
Masculin 70% 30% 89 Féminin 90% 10% 11
La distinction entre la traversée régulière et la traversée irrégulière est difficile à trancher. Mais
le premier critère est la détention de papiers officiels autorisant la traversée. Ceux qui ont des papiers
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utilisent le bateau. Ceux qui utilisent la pirogue sont censés traverser de manière irrégulière. Dès la traversée et l’arrivée au pays de destination, le caractère de la régularité et de l’irrégularité devient difficile à saisir car la durée du séjour, rarement respectée, fait que beaucoup d’enfants de la rue tombent dans l’irrégularité. S’ils empruntent le bateau pour partir vers Brazzaville, ils prennent la pirogue pour rentrer en RDC. Une autre voie empruntée est la voie routière. Celle‐ci est utilisée par des enfants de la rue lorsqu’à partir de Congo‐Brazzaville, ils veulent se diriger vers le Gabon.
Enfin, le premier pays de destination est le Congo‐Brazzaville. Ce choix est favorisé par la distance : moins grande est la distance à traverser, moins, il y a des complications/difficultés à affronter. Le deuxième pays est le Gabon : dans l’échantillon interrogé, le nombre des sujets qui se sont rendus au Gabon est infime (2 %). Il existe d’autres cas de jeunes migrants qui vont dans d’autres pays comme l’Angola mais cela dépasse le groupe étudié ici.
Par ailleurs, il importe de dégager le profil des activités que les enfants font lorsqu’ils sont en mobilité. Au Congo‐Brazzaville, les enfants kinois de la rue ont le choix entre plusieurs activités. C’est le cas notamment des travaux domestiques, du petit commerce, de cireur, de porteur ou d’aide accompagnant les personnes avec handicap. Il y a une répartition par genre de ces activités. Ainsi, les enfants de la rue du genre féminin s’adonnent facilement aux travaux domestiques et font aussi l’aide accompagnant les personnes avec handicap tandis que les enfants de la rue (les garçons) passent d’un type d’activités à un autre sur toute la chaîne des activités. Les garçons ont également un monopole sur le travail de cireur et de porteur. L’occupation presque masculine de la tâche de « porteur » pour les enfants en migration de la RDC présente un contraste avec la situation observée en Afrique de l’Ouest sur le même sujet. En Afrique de l’Ouest, les filles mineures en migration s’adonnent aussi bien aux travaux domestiques, au petit commerce qu’au travail de « porteur » (Hashim, 2006). Etant plus nombreux que les filles sur le front migratoire, les garçons ont une visibilité plus grande et sont présents en faisant plusieurs activités.
Tableau n° 5 : Activités des enfants migrants dans le pays de destination
Activités exercées Sujets masculins Sujets féminins Travaux domestiques 15 % 45 % Porteurs 25 % ‐ Accompagnateurs 20 % 55 % Cireurs 24 % ‐ Petit commerce 16 % ‐
N 89 11
Les enfants de la rue sont‐ils des sujets actifs ou passifs de la migration ? Sont‐ils forcés à migrer
par leurs parents ou prennent‐ils la décision de migrer de manière autonome ? Cette question préoccupe les chercheurs. La vision des enfants en tant que « social pawns in extended kin relationships » (Hashim, 2006 : 27) dans le champ migratoire est trop étroite pour être appliquée dans la situation de la RDC. Dans ce pays, la décision migratoire est prise de manière autonome par les enfants de la rue eux‐mêmes à la suite des informations qu’ils accumulent/obtiennent dans leur vie sur la rue. Ils épargnent un peu d’argent qui leur permet de bouger. Lorsqu’ils migrent, ils ont des idées vagues sur ce qu’ils vont faire. Comme il ne s’agit pas de la migration de travail formel/classique, ils se jettent à l’eau dans un contexte d’indétermination. Des récits d’expérience obtenus auprès des enfants qui se débrouillent au niveau du Beach Ngobila, il ressort que beaucoup (75 %) ont pris la décision de migrer après avoir obtenu des informations sur un secteur dans lequel ils pourraient travailler.
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4. La migration, les droits de l’enfant, et ses conséquences 4.1 Les droits de l’enfant à l’épreuve de la migration
Alors que « la protection et l’aide spéciales de l’enfant de la part de l’Etat » font partie des responsabilités que doivent assumer les Etats parties à la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) des Nations Unies, en RDC, l’enfant n’est pas l’objet de beaucoup d’attention de la part des services de l’Etat. A l’exemple, l’enfant de la rue est une situation « socio‐pathologique » que l’Etat congolais devrait relever tant qu’il se doit de remplir les responsabilités découlant de ses engagements internationaux.
L’article 20 de la CDE dispose que :
« 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat. 2. Les Etats parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale. 3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, dans la kafalah de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. »
Les autorités politico‐administratives de la RDC savent que la présence des enfants dans la rue
est une anomie et un défi aussi juridique : elle devient même un cauchemar politique et diplomatique. C’est pour cela qu’elles prennent le soin d’écarter les enfants de la rue loin de la visibilité et des yeux de certains hôtes de marque qui sont en visite officielle en RDC. La rue n’est pas un environnement qui puisse assurer l’épanouissement, « la survie et le développement de l’enfant » (article 6 de la CDE). Par ailleurs, et dans la suite de l’aide et protection spéciales dont doit bénéficier l’enfant, ce dernier ne peut pas se déplacer seul sans être accompagné ou pris en charge par un tuteur. Or, à l’évidence, la circulation de l’enfant en RDC se fait normalement sans que cela ne préoccupe les services de l’Etat.
Selon l’article 11 de la CDE, deux paragraphes rappellent cette disposition qui est au cœur de notre recherche :
« 1. Les Etats parties prennent des mesures pour lutter contre les déplacements et les non‐retours illicites d’enfants à l’étranger. 2. A cette fin, les Etats parties favorisent la conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux ou l’adhésion aux accords existants. »
Le laxisme avec lequel les agents des services de migrations s’occupent des enfants de la rue en les laissant traverser allégrement les frontières devrait être rappelé et faire l’objet d’interpellation de la part de la société civile et des organisations non gouvernementales. Car participant des « déplacements illicites » dont parle la CDE en son article 11, la migration des enfants de la rue devrait faire l’objet d’une particulière attention si on ne peut pas la contrôler ou la décourager purement et simplement. Par ailleurs, et en suivant les analyses de Meier et Van Lidth de Jeude (2008 : 28‐36) sur cette question, on ne peut pas faire défiler tous les dispositifs juridiques de la CDE dans la mesure où le constat de la faillite de l’Etat congolais (RDC) à les assurer est criant. Mais dans notre contexte, il convient de noter que les
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agents de services publics de l’Etat ignorent même l’existence des stipulations juridiques concernant les enfants. Cette indifférence publique ne fait qu’augmenter le délaissement et la marginalisation sociale dont les enfants sont victimes.
4.2 Les conséquences de la migration sur les enfants
Nous allons nous situer ici à deux niveaux. Le premier niveau est celui des pays de destination
tandis que le deuxième niveau est celui du pays de départ. Par apport aux pays de destination, les conséquences de la mobilité peuvent se lire sur les questions sécuritaires que la présence des enfants de la rue ne manque de provoquer. La délinquance juvénile est un mal partout où elle se manifeste. Elle entraîne les germes de la violence, du banditisme et de la criminalité. Habitués à de telles pratiques dans les rues de Kinshasa où ils vivent, les enfants de la rue peuvent les exporter là où ils vont. Non pas que ces pratiques n’existent pas comme telles dans les différentes villes africaines, mais la circulation par mobilité des enfants de la rue ne peut qu’en augmenter la fréquence. L’effet de contagion est un phénomène social important : la mode se transmet, la musique diffuse certaines valeurs ; la mobilité des enfants de la rue de la RDC peut aussi concourir à la contagion de cette « manière de faire » auprès des enfants de rue que l’on retrouve au Congo‐Brazzaville et au Gabon. Que ces derniers adoptent de telles manières, et voici la généralisation de la mobilité des enfants sur le continent africain.
La mobilité des enfants seuls/non accompagnés est le terreau de la migration irrégulière. Les conditions de la précarité sociale dans lesquelles vivent les enfants de rue en mouvement dans des pays de destination semblent conduire à la reproduction de l’image des villes africaines comme des espaces de misère et de marginalisation. Une telle image ne tend‐t‐elle pas à être plus reproduite à souhait par la vie et la survie des enfants à la marge de la société où ils essaient de rechercher des opportunités pour avoir des moyens de survie avant de songer à rentrer dans leur pays ?
Au niveau du pays de départ, les conséquences ne sont pas négligeables. D’abord, la rue ne se réduit pas à la seule dimension du pays. La rue acquiert une dimension globalisée. L’expression « le monde est un village planétaire » devient une certaine réalité qui se vit par le bas. Ce sont les enfants de la rue qui expérimentent à petits pas cette évidence. Cette rue est celle du pays ; mais elle est aussi celle des pays voisins que l’on peut conquérir aisément. La démultiplication de l’espace de vie et de survie
Madame G. Mut (30 ans), est agent de la Direction Générale des Migrations (DGM). Elle est affectée à la DGM au Beach Ngobila à Kinshasa. Elle donne son point de vue sur la question des enfants de la rue qui traversent de Kinshasa à Brazzaville. « Oh! C’est regrettable de voir les enfants de la rue se déplacer de manière permanente entre Kinshasa et Brazzaville. Ici, à Kinshasa, chacun cherche à survivre, et on n’a pas le temps de réfléchir sur certaines questions. Je suis attachée au guichet de vente et de contrôle des laisser‐passer. On n’a pas le temps de voir l’âge de celui qui veut traverser. On compte, on enregistre et surtout, on veut avoir beaucoup d’argent avant la clôture de la journée. Ici, à la DGM, on travaille en service commandé. On n’a pas encore reçu des directives concernant des mesures particulières vis‐à‐vis des enfants en déplacement. Ce phénomène a commencé lorsque l’on autorisait les enfants accompagnant les personnes avec handicap à traverser sans problèmes. Et de fois, ils passaient sans payer des taxes de traversée. Actuellement, ils payent ; ils doivent avoir les laisser‐passer. Il s’agit, pour notre service, des sources des revenus et des revenus qui entrent dans la caisse. Il semble qu’en RDC, les règles de droit sont aisément oubliées surtout s’il s’agit des questions non centrales comme celle des enfants de la rue. Le fait qu’ils sont dans la rue au loin d’avoir un toit familial et que l’Etat congolais n’y fait rien est déjà for regrettable. Ce n’est pas demain que l’on verra la DGM s’attaquer à cette question de la mobilité des enfants de la rue. »
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des enfants de la rue pourrait jouer un rôle de facteur « pull », attirant des enfants déçus, abandonnés et/ou rejetés par leurs familles. Les rues de Kinshasa pourraient devenir désertes car vides d’enfants, tous, sinon la plupart ayant décidé de migrer ; alors la quête de la mobilité deviendra une nouvelle valeur chez les enfants comme du reste chez les jeunes et les adultes de la RDC qui ne rêvent que de voyager et de migrer vers d’autres cieux.
Il y a des conséquences positives que l’on peut déceler tant que cela concerne les aptitudes des jeunes. En migrant eux‐mêmes, les enfants de la rue développent et maîtrisent la capacité dans le savoir circuler. Ils explorent également des nouvelles opportunités d’affaires dans le monde transnationalisé. Ce savoir‐circuler et ce savoir‐faire acquis par les enfants ne constituent un capital social qu’ils peuvent mettre à profit.
Mais la précarité existentielle est déjà le lot quotidien qui se présente à l’horizon des enfants de la rue en RDC et à l’étranger, cet ailleurs incertain qu’ils entendent explorer alors qu’ici tout est déjà fini. Dans les pays de destination, les conditions de vie des enfants de la rue sont bien précaires. La plupart rapportent qu’ils dormaient dans la rue, dans des vérandas des magasins à côté des sentinelles ou dans des hangars abandonnés des marchés. Ils se constituent en groupe, selon la même logique d’organisation de la vie à Kinshasa. Entre les membres des groupes, la solidarité est grande : ils mettent ensemble ce qu’ils gagnent et ils partagent ensemble la nourriture. Au demeurant, il faut noter que les enfants de Kinshasa qui se rendent à Brazzaville arrivent à retrouver des membres de leurs familles (élargies) dans la capitale d’en face ou des amis (des grands frères) du quartier chez qui ils peuvent trouver un endroit pour passer la nuit.
Leur capacité d’adaptation a été accumulée dans la mesure où ils ont vécu et survécu dans la
rue à Kinshasa. Certains enfants rapportent avoir été maltraités par les agents de services de l’ordre à Brazzaville. D’autres ont été maltraités par des familles qui les utilisaient pour des travaux de ménage. D’autres enfants rapportent avoir travaillé dans des conditions difficiles. C’est le cas selon le récit de cet enfant de 16 ans.
Cet enfant a 16 ans, il a terminé en 2ème cycle d’orientation. Il se rend souvent à Brazzaville. Son récit est le suivant : « Mon père travaillait au chantier naval. Un jour, il a été révoqué de ses fonctions. J’ai abandonné les études par manque des frais scolaires… J’ai commencé ce travail de cireur des souliers. J’ai fait ma petite économie pendant trois mois et en octobre 2008, j’ai traversé à Brazzaville. J’ai contacté un vieux, vivant avec handicap pour me faciliter la tâche. Celui‐ci m’a demandé 3000 FC et j’ai traversé avec lui comme son aide. A Brazzaville, je ne connaissais personne ; je suis allé avec les amis dans une maison aménagée comme un dortoir où je dormais moyennant 200 Francs CFA. J’ai continué avec mon activité de cirage… »
« Pendant mon séjour à Brazzaville, je travaillais durement. Toute la nuit, on devrait emballer le lait caillé en vue de le congeler jusqu’au petit matin. Et à 10 heures, voir même à 9 heures, la vente commence jusqu’au soir. J’avais très peu de temps de repos. J’avais beaucoup souffert… J’ai quitté Brazzaville et maintenant, je me débrouille ici au Beach Ngobila. Mais s’il y a un travail à Brazzaville, j’y vais pour rentrer après le travail là‐bas. »
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5. Les politiques alternatives face à la migration des enfants
Actuellement, la mobilité des enfants de la rue procède d’un contexte particulier en RDC, celui du laisser‐faire. Les institutions de l’Etat ne sont pas capables de pourvoir aux exigences mêmes minimales telles que le postule la Convention relative aux droits de l’enfant.
5.1 La politique du laisser-faire et sa portée
Nous entendons ce mot laisser‐faire comme cette manière de faire qui dénote l’indifférence de l’Etat congolais vis‐à‐vis de ses engagements internationaux et de ses responsabilités internes lorsqu’il s’agit de la gestion de la question de l’enfant. Le laisser‐faire s’accompagne de l’indifférence.
C’est cette indifférence qui explique le fait que l’Etat a déjà abandonné ses responsabilités vis‐à‐vis des enfants. Qu’ils prolifèrent sur la rue est la manifestation de la faiblesse de l’Etat. Que les enfants de la rue se mettent à migrer, à la recherche de nouveaux espaces à conquérir dans d’autres Etats limitrophes dans une sorte d’errance, cela est lié à l’abandon dont ces enfants sont l’objet dans leur propre pays. Que cette errance semble porteuse d’un capital social pour les enfants, cela est évident, mais ne peut être érigé en une politique publique pertinente pour un Etat qui soit responsable et efficace. La situation actuelle des enfants de la rue en mobilité est intenable sur le plan moral et sur le plan juridique. Les enfants et les jeunes dans une nation constituent le fer de lance de celle‐ci : les sacrifier relève de l’irresponsabilité. L’adhésion de la RDC à la CDE doit amener ce pays à retrouver le bon sens politique et abandonner l’indifférence qui sacrifie à coup sûr les enfants et les jeunes de ce pays. L’expression de « génération sacrifiée », dont parle Cruise O’Brien (1996), devrait être exclue de perspectives des enfants et des jeunes dans ce pays. Aussi, ce pays doit‐il redynamiser les institutions chargées de l’encadrement et de la promotion des enfants.
5.2 Le renforcement des structures d’encadrement des enfants en RDC
La RDC dispose d’institutions chargées de la gestion des enfants vulnérables. Cette gestion est prise en charge respectivement par le Ministère de la Justice, le Ministère des Affaires sociales et Solidarité nationale et le Ministère de la Jeunesse et Sports. Le Ministère de la Justice est le Garde des sceaux de l’Etat et à cet égard, il doit veiller à la mise en œuvre des politiques publiques tendant à garantir les différents droits de l’enfant ainsi que cela est prescrit dans la CDE. Le Ministère des Affaires sociales et de la Solidarité nationale devrait disposer de plus des moyens humains, matériels et financiers de manière à renforcer ses interventions pour la protection et l’aide spéciales à des enfants en détresse. Le Ministère de la Jeunesse et Sports ne peut pas se limiter au dernier aspect (les sports) de sa dénomination. La prise en charge de la jeunesse congolaise devrait être sa préoccupation constante.
Au niveau de la production des normes juridiques régissant la question des enfants en RDC, qu’il suffise de rappeler que ce pays est « expert » car il existe un arsenal des dispositions juridiques réglementant la gestion de la question de l’enfant dans ce pays. A titre d’exemple, l’arrêté ministériel ayant le numéro CAB/2100/018/MJS/71 du 9 juin 1971 portant réforme et réorganisation du Comité national pour la protection et le bien‐être de l’enfance et de la jeunesse en RDC dispose en son article premier ce qui suit : « Il est créé en RDC un Conseil national pour la protection, la promotion et le bien‐être de l’enfance et de la jeunesse, en abrégé « C.N.P.E. ». L’article 5 de cet arrêté présente le but de ce comité, entre autres, « assurer les conditions de développement harmonieux de l’enfance et de la jeunesse ; encourager toutes les initiatives et toutes les réalisations tant gouvernementales que privées afférentes à la protection, promotion et au bien‐être de l’enfance et de la jeunesse ; mener des enquêtes pouvant permettre la détermination de causes de la calamité de l’enfant ; construire des
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centres d’accueil (home de jeunes) pour y abriter les enfants abandonnés ou défavorisés afin de les adapter, les rééduquer ou les instruire, etc. » Un acte juridique important est l’arrêté n° Min.Aff.Soc/Cabmin/0004/2003 du 8 avril 2003 portant création, organisation et fonctionnement du Conseil national de l’Enfant (CNEN). L’article 2 de cet arrêté dispose ce qui suit : « Le Conseil National de l’Enfant a pour mission de : 1. Veiller à la mise en œuvre de la politique nationale en matière de protection, de survie, du développement et de la participation de l’enfant ; 2. Servir d’organe conseil au gouvernement ».
Cette architecture juridique ne fonctionne pas au quotidien de manière à répondre aux attentes et aux défis. Les différentes institutions prévues dans la gestion des questions de l’enfant en RDC fonctionnent à peine, sinon elles sont inexistantes. Comme l’écrivent à juste titre Meier et Van Lidth de Jeude, « le respect des droits de l’enfant dépend surtout des ressources et de la volonté des Etats qui doivent être à la hauteur des besoins (2008 : 124). En RDC, et les ressources publiques et la volonté politique font cruellement défaut dans ce domaine. C’est à ce niveau que le travail de la société civile, des ONG et d’autres acteurs pertinents dans l’espace public doit être mené pour créer une synergie d’actions et des pressions en faveur du gouvernement pour plus d’efficience dans le développement institutionnel des structures devant promouvoir la protection et l’aide spéciale à l’enfance en RDC.
Si au niveau national, les initiatives traînent, dans la province du Katanga, le gouvernement provincial a inauguré la politique de l’encadrement des enfants de la rue en aménageant un centre d’accueil, d’insertion et de formation de ces enfants : tâche gigantesque que celle de tenir comme dans un camp les enfants habitués à vivre dans la liberté absolue dans la rue. Après avoir inauguré ce centre, les enfants de la rue de Lubumbashi ont commencé à déserter le centre pour aller chercher à se débrouiller en ville. Un enfant de la rue interrogé sur cette question dit ce qui suit : « Si on nous enferme dans ce centre, alors, qu’on nous fasse vivre comme en Europe. Qu’il y ait beaucoup à manger, que l’on mange le beurre et l’omelette. Qu’on nous donne de l’argent et des femmes. Nous, on veut de l’argent ». Ce message a été entendu car quelques temps après, le gouvernement provincial a résolu d’utiliser les enfants de la rue internés pour qu’ils travaillent dans une brigade d’assainissement de la ville, un travail devant leur rapporter de l’argent. Entre‐temps, des enfants d’autres provinces se sont précipités pour venir gonfler le nombre d’enfants de la rue dans la ville de Lubumbashi.
5.3 Le renforcement d’un cadre de coopération multilatérale
La RDC est un Etat membre de l’Union africaine (UA) et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC). Au niveau continental, il existe la Charte africaine des Droits et du Bien‐être de l’Enfant : celle‐ci est entrée en vigueur le 29 novembre 1999. Cette charte a été adoptée au cours de la 26ème Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation de l’Unité africaine en juillet 1990 et ratifiée par la RDC (à l’époque le Zaïre) en novembre 1991. Tout en s’inspirant directement pour la majorité des dispositions de la CDE, la Charte africaine des Droits et du Bien‐être de l’Enfant est plus complète et interprète les droits de l’enfant dans le contexte africain. La Charte consacre la primauté de l’intérêt de l’enfant (art. 4) et affirme « le droit de l’enfant à une protection et une assistance spéciales » pour le cas de séparation avec les parents (art. 25‐1). Le principe de l’unité familiale (art. 18 et 19), celui de non‐discrimination (art. 3), les droits à l’éducation (art. 11), à la santé (art. 14) et la protection contre l’exploitation, les abus et les mauvais traitements (articles 15, 16, 27 et 29) y sont contenus et énoncés (Meier et al., 2008 : 40).
Au niveau de la CEEAC, le Traité de 1983 portant création de celle‐ci, n’aborde pas la question des enfants. Au contraire, ce Traité contient le chapitre V consacré à la libre circulation, résidence et droit d’établissement. Selon l’article 40, il est stipulé : « 1. Les citoyens des Etats membres sont considérés comme des ressortissants de la Communauté. En conséquence, les Etats membres conviennent, conformément aux dispositions du Protocole relatif à la libre circulation et au droit d'établissement des personnes joint au présent Traité en tant qu'Annexe VII, de faciliter progressivement les formalités relatives à leur circulation et à leur établissement à l'intérieur de la Communauté. » Il est ainsi utile de renforcer les dispositifs des Etats membres de la CEEAC, qui sont
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tous membres de l’Union africaine, de manière qu’ils insèrent dans la cadre de la coopération multilatérale sous‐régionale des instruments juridiques tendant à renforcer les attentes juridiques pertinentes de la Charte africaine des Droits et du Bien‐être de l’Enfant.
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Conclusion et recommandations
La migration des enfants à partir de la RDC est une réalité dont on n’a pas pris la mesure. Ces enfants, pour la plupart, sinon tous, sont de la rue. Abandonnés par leurs familles au pays, ils migrent dans le cadre de la recherche de l’élargissement des l’horizon de leur vie et de leur survie. Dans la perspective historique, cette migration des enfants s’est déroulée sous la forme de l’exode rural sur le plan interne. Cet exode rural a conduit les enfants à quitter les milieux ruraux, soit l’intérieur du pays, vers certains centres urbains ayant une forte attractivité urbaine. C’est le cas des villes de Kinshasa ou de Lubumbashi. Par la suite et de plus en plus, récemment, les enfants de la rue migrent sur le plan international. Ils sont présents en Angola (voir les Bana Luunda), au Congo‐Brazzaville, en République centrafricaine, voire au Gabon.
Les déterminants de la migration internationale des enfants de la rue sont complexes. A l’analyse, il ressort que le terme « débrouillardise » est le plus considéré par les sujets migrants eux‐mêmes comme justifiant leur mobilité. Ils migrent pour chercher à se débrouiller ailleurs parce que chez eux, la pauvreté et la précarité dans la rue entretiennent un calvaire pour eux. La « coop » qui les fait vivre ici au pays, c’est ce qu’ils cherchent à exploiter également là‐bas. Quel que soit le pays de destination qu’ils atteignent, ce n’est pas le secteur formel d’emploi qu’entendent explorer les enfants migrants, ils n’ont de toute manière des opportunités quasi inexistantes ici ; au contraire, ce sont sur les activités du secteur informel qu’ils se concentrent.
Dans la mobilité des enfants de la rue, il nous a paru intéressant de dégager le profil de ces enfants. Selon l’échantillon de notre recherche, entre les garçons et les filles mineurs, ce sont les garçons que l’on trouve le plus dans les rues. En ayant fait un découpage en âge de la minorité entre 10‐14 ans et 15‐17 ans, il s’est avéré que les plus jeunes (soit ceux ayant la tranche d’âge entre 10‐14 ans) sont moins nombreux à voyager, ceci se justifie par la fragilité dans la précarité dont ils sont l’objet, mais aussi par le manque de vision et d’ambition dans leur chef. Plus ils grandissent dans la rue (15‐17 ans), plus ils cherchent à voir et à faire des grandes choses. Dans ce profil, un intérêt a été porté à leur trajectoire d’éducation/formation : les enfants qui se retrouvent sur la rue présentent une forte proportion de ceux n’ayant eu aucune éducation/formation ; ceux ayant soit interrompu soit achevé le niveau primaire occupent la deuxième place. Le système migratoire de ces enfants met en mouvement le territoire migratoire constitué de quelques pays limitrophes que l’on peut atteindre aisément.
Les conséquences de la migration des enfants mettent en jeu les questions sécuritaires. La délinquance juvénile est un mal quel que soit l’endroit où elle se manifeste : elle contient les germes de la violence, du banditisme et de la criminalité. Habitués à de telles pratiques dans les rues de Kinshasa où ils vivent, les enfants de la rue peuvent les exporter là où ils vont. Non pas que ces pratiques n’existent pas comme telles dans les différentes villes africaines, mais la circulation par mobilité des enfants de la rue ne peut qu’en augmenter la fréquence. L’effet de contagion est un phénomène social important : la mode se transmet, la musique diffuse certaines valeurs ; la mobilité des enfants de la rue de la RDC peut aussi concourir à la contagion de cette « manière de faire » auprès des enfants de rue que l’on retrouve au Congo‐Brazzaville et au Gabon. Que ces derniers adoptent de telles manières, et voici la généralisation de la mobilité des enfants sur le continent africain. Ainsi, la mobilité des enfants seuls/non accompagnés est le terreau de la migration irrégulière. Les conditions de la précarité sociale dans lesquelles vivent les enfants de rue en mouvement dans des pays de destination semblent conduire à la reproduction de l’image des villes africaines comme des espaces de misère et de marginalisation des gens. En mouvement, des enfants augmentent le degré de leur abandon et ceci devrait davantage éveiller la conscience publique pour plus de mesures de protection et d’aide spéciale pour cette catégorie fragile d’enfants.
C’est à ce niveau que des recommandations spécifiques sont adressées à tous les acteurs
pertinents en RDC et dans la sous‐région. 1. Au gouvernement congolais, il est recommandé :
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- Qu’il assume toutes ses responsabilités vis‐à‐vis de ses engagements internationaux en matière de la protection et de l’aide spéciales à apporter à l’enfant congolais ;
- Qu’il rende effectif le fonctionnement de toutes les institutions et tous les organes techniques pertinents qu’il a créés en vue d’assurer la protection de l’enfant et de la jeunesse en RDC. Le fonctionnement effectif de ces organes est lié à la mise à leur disposition des moyens financiers, matériels et humains conséquents. Ces institutions et ces organes devraient fonctionner non seulement dans la capitale, mais aussi à l’intérieur du pays, dans toutes les provinces. 2. Aux organisations non gouvernementales et autres acteurs de la société civile en RDC
s’occupant des enfants : - Qu’elles s’intéressent davantage à cette question de manière à lever des options d’actions et
des initiatives pour plus de respect et de promotion des droits de l’enfant en RDC. - Que les ONG et les autres acteurs pertinents de la société civile de multiplier le jeu de lobbying
auprès des institutions publiques de manière à concourir à la mise en place des institutions et d’autres mécanismes prévus pour assurer la protection et l’aide spéciales à l’enfant. 3. Aux organismes humanitaires du système des Nations Unies, il est recommandé :
- D’appuyer la diffusion des résultats de cette étude. Le manque d’études sur cette question a été relevé comme un obstacle dans la compréhension des violations des droits des enfants en RDC comme il est écrit dans un document de vulgarisation sur les droits de l’enfant et de la femme de la LIZADEEL : « En RDC, il est difficile d’appréhender la question des violations des droits de l’enfant et de la femme faute d’étude globale y relative. Les études sectorielles portant sur les violences sexuelles commises sur les enfants de la rue, sur les enfants en conflit avec la loi, sur l’utilisation des enfants dans les conflits armés, … ne donnent qu’une vue partielle sur les millions d’enfants, des femmes et des filles victimes de la discrimination, de la marginalisation et de la pauvreté » (2007 : 11) ;
- De multiplier les contacts et les initiatives pour augmenter la conscience de l’opinion publique en RDC sur les questions des droits de l’enfant ;
- De soutenir les initiatives du gouvernement central de manière à rendre opérationnels les différents organes et mécanismes prévus et à prévoir pour assurer le respect et la promotion des droits de l’enfant en RDC.
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stratégie politique au Sénégal
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