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MÉMORIAL des vingt-quatre élèves juives du lycée Jules-Ferry déportées pendant la Seconde Guerre mondiale 1942-1944 _____ Biographies établies par Les élèves de Troisième 3 du collège Jules-Ferry Sous la direction de Monique Epelbaum, professeur d’Histoire-Géographie Introduction de Christian Ingrao, Chargé de recherches au CNRS Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP) CNRS UPR 301 Association historique du lycée Jules-Ferry (Paris) 2015

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 3

MÉMORIAL des vingt-quatre élèves juives du

lycée Jules-Ferry déportées pendant

la Seconde Guerre mondiale

1942-1944

_____

Biographies établies par

Les élèves de Troisième 3

du collège Jules-Ferry

Sous la direction de

Monique Epelbaum,

professeur d’Histoire-Géographie

Introduction de

Christian Ingrao,

Chargé de recherches au CNRS

Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP)

CNRS UPR 301

Association historique du lycée Jules-Ferry (Paris)

2015

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4 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Photographie de couverture : Foyers de soldats allemands dans le café Wepler, place de

Clichy, 18e arrondissement, 1944. © Roger Berson / Roger-Viollet

Mise en page : Pierre Porcher

Ouvrage publié avec le concours du lycée Jules-Ferry.

© Association historique du lycée Jules-Ferry (Paris 9e), 2015.

ISBN en cours

Dépôt légal : février 2015.

Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n'autorisant, aux termes des alinéas 2

et 3 de l'article L.122-5, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement

réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et,

d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et

d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le

consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er

de l'article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce

soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du

Code pénal.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 5

ONT PARTICIPÉ

_____

MÉMORIAL des vingt-quatre élèves juives du lycée Jules-Ferry déportées

pendant la Seconde Guerre mondiale

1942-1944

Les élèves volontaires de la classe de Troisième 3, lecteurs et chercheurs de

documentation au Mémorial de la Shoah et dans les archives du lycée :

Constant Benfradj

Anna Finot

Anaïs Hetzel

Lou Jezequel

Tristan Jullien

Metissa Kouassi

Emmanuelle Mbongue

Noah Poisson

Rosa Pradinas

Lucas Preux

Arianna Restrepo-Jimenez

Sabianka Bencsik

Raphaelle Benzimra

Tifène Caroff-Vogin

Flore Joucaviel

Lili Jullian

Ahmed Metawie

Thibault Pailler

Luca Panzani

Lina Wang

Sous la direction de

Monique Epelbaum, professeur d’Histoire-Géographie Lycée Jules-Ferry, Paris

En collaboration avec

Patrick Jehan, professeur d’Histoire-Géographie Lycée Jules-Ferry, Paris

Pierre Porcher, professeur d’Histoire-Géographie Lycée Léonard-de-Vinci, Levallois-Perret

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6 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

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INTRODUCTION

Il y a un mystère de l’occupation de la France en 1940… À l’entrée en

guerre, le pays a l’une des plus puissantes armées au monde. Les travaux

récents des historiens ont montré que la Wehrmacht est loin de pouvoir

tenir la comparaison en septembre 1939, et ce d’autant qu’une grande

partie de ses contingents est engagée en Pologne, et pourtant… En nombre

comme en qualité, les chars et les avions français et alliés sont supérieurs à

ce que peut aligner l’Allemagne en septembre 1939.

Et pourtant le 10 mai 1940 commence une offensive allemande qui

paralyse l’armée française, rend rapidement désespéré tout repli et toute

reconstitution de lignes sur la Somme, l’Aisne, la Loire… Et pourtant la

dynamique d’invasion est alors immensément plus foudroyante qu’en 1914

alors même que la bataille des frontières avait été elle aussi un lourd échec

pour le commandement français. L’armée mécanisée a annihilé l’avantage

de la profondeur stratégique qui avait permis à la France d’arrêter les

invasions depuis si longtemps. Avançant à pratiquement 50 kilomètres par

jour, une armée mécanisée et blindée envahit la France en une campagne

incroyablement rapide. Qu’on en juge : Après la percée à Sedan et en

Belgique, la Somme est franchie le 5 juin, la Marne le 12, la Seine le 15 et la

Loire le 17…

Le 14 juin, Paris, ville ouverte, est atteinte par les colonnes

allemandes. Huit jours plus tard, ceux que De Gaulle appelle des

« gouvernants de rencontre » ont demandé l’armistice. La France est

occupée, Paris sera la capitale des institutions d’occupation allemande et

non celle de cet État français que créent le Maréchal Pétain et ses partisans.

Pour les Allemands, la France est une prise de choix, et sa conquête

représente très vraisemblablement l’un des points culminants de l’euphorie

nationale allemande : enfin la défaite de 1918 est-elle effacée, enfin le

monde d’ennemis est-il conjuré ! Les autorités allemandes qui s’installent en

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8 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

zone occupée le font donc à Paris, ville qui suscite l’admiration et l’envie

chez les occupants.

Se met alors en place un Haut commandement militaire qui prend

en charge l’administration de la France occupée, c’est-à-dire la moitié nord

de la France, augmentée de la totalité du littoral atlantique. Cette

administration allemande est dirigée par une série de généraux qui ont pour

objectif de mettre en place une administration aussi légère que possible,

pour le meilleur « rendement » possible. C’est que la France occupée se voit

attribuer une « place » dans l’Europe nazie en devenir ! Elle est censée

devenir un atout maître dans l’organisation économique de l’Empire,

notamment en terme de livraisons agricoles et industrielles. Persuadés qu’ils

pourront s’appuyer sur une armature administrative solide et efficace, les

Allemands mettent en place une administration très légère : Le territoire

occupé est ainsi administré par 1000 officiers et employés, et 200 à Paris,

épaulés cependant par une trentaine de divisions (à tout le moins 45 000

hommes).

Les chiffres sont bien difficiles à donner de façon précise, et les

historiens ne s’accordent pas toujours dessus, mais ce sont sans doute

cependant une bonne dizaine de milliers de soldats allemands en uniforme

qui élisent quartier dans Paris à partir de juillet 1940, changeant

singulièrement la physionomie de la plus grande ville de France. Le Paris

affecté par ces changements est bien entendu essentiellement le Beau Paris

des quartiers de gouvernement : de Rivoli à l’École Militaire en passant par

le Quartier Saint Germain et les grands hôtels du 6e ou du 7e

arrondissement et ce 8e arrondissement qui se niche derrière les Champs

Élysées et la rue du Faubourg Saint-Honoré à l’ouest du Palais Royal. Le

Paris populaire, lui, est moins touché par l’inscription dans le paysage de

l’occupation allemande. Cette affirmation, tout en étant vraie en général, est

localement discutable : qu’on en juge, dans le présent ouvrage, cette photo

de la Soldatenheim de la Place de Clichy.

La Place de Clichy est à cette époque une zone populaire et

populeuse : ce n’est qu’après les Ternes que commence le chic des quartiers

autour de l’Étoile et ce n’est qu’au bas des pentes à la Chaussée d’Antin et à

l’Opéra que commence le 9e et le 8e huppés. La Place de Clichy, c’est la

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porte du Paris célinien, des immeubles de rapport, de la foule ouvrière,

employée et artisane, de l’embauche et de la « débauche », des tramways de

banlieue et de la circulation. Et au nord de la place, faisant précisément face

à la Soldatenheim, se trouve le lycée Jules-Ferry : c’est à lui et aux gens qui

l’ont peuplé que le présent travail s’intéresse.

Mais avant de laisser ces documents parler pour eux mêmes, il est

important de tenter d’esquisser le cadre contextuel dans lequel s’insèrent

ces traces de vies d’alors. Et les vies d’alors sont discrètement mais

fermement encadrées par l’occupation, et les objectifs que l’occupant

assigne à la France assujettie.

L’administration qui se met en place est conditionnée par des

objectifs rationnels d’exploitation d’un pays qui se distingue en Europe par

sa puissance démographique — malgré le malthusianisme de son

comportement— et par la richesse et le développement de son agriculture

et de son industrie. La France, aux yeux des administrations allemandes, doit

prendre une place-clé dans le système d’échanges économiques très

largement prédateur que doit être leur « nouvelle Europe ».

La dynamique à l’œuvre à partir de juillet 1940 résulte de facteurs

complexes, liés pour les uns au contexte français et pour les autres à la

conjoncture européenne telle qu’elle est analysée par le pouvoir nazi à

Berlin. C’est la tension entre ces deux logiques qui conditionne en grande

partie l’évolution du régime d’occupation en France. À Paris, une

administration militaire plutôt marquée par des objectifs prédateurs et

cyniques, racistes mais pragmatiques, est confrontée à des impulsions

radicalisantes venues de Berlin, des administrations militaires centrales ou

de la SS, voire d’Hitler lui-même. Non qu’il s’agisse de dire que

l’administration militaire en France était, comme on a longtemps voulu le

croire, un nid d’opposants à Hitler, mais les considérations fonctionnelles y

étaient plus présentes que dans des administrations centrales berlinoises

usant de tout leur poids à partir de l’été 1941 pour rendre la répression de

plus en plus brutale.

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C’est selon ce schéma général que s’agence initialement le passage

de la France « à l’heure allemande », pour reprendre ici l’expression de

l’historien Philippe Burrin. Une France abasourdie par la soudaineté et

l’amplitude de la défaite voit par ailleurs son territoire immédiatement

atomisé : le Nord-Pas de Calais passe sous la coupe du Commandement

militaire de Bruxelles, l’Artois devient zone interdite, une diagonale

Lorraine — Franche-Comté devient zone réservée ; l’Alsace-Moselle est tout

simplement réincorporée au Reich, le secteur alpin devient zone

d’occupation italienne, le reste du territoire, de Nantua à Perpignan, de

Valence aux Pyrénées et d’Aix à Châteauroux devient la « Zone libre ».

Dans ce mille-feuilles d’une grande complexité, le cas de Paris est

paradoxalement relativement simple : c’est le centre du pouvoir allemand, le

lieu où se reproduisent tout à la fois les pratiques de concurrence entre

administrations berlinoises et où l’interaction entre l’Allemagne et le régime

de Vichy est la plus faible. Le régime n’a en effet à Paris qu’une

représentation et aucun pouvoir ; il est par ailleurs assez régulièrement

critiqué et dénigré par les activistes collaborationnistes partisans d’une

collaboration poussée jusqu’à l’idéologique avec l’occupant allemand. Paris,

donc, c’est au fond le lieu de l’occupation la plus nettement allemande, la

moins influencée par les dynamiques de complexification générées par la

présence d’un État français, mais aussi le lieu où les évolutions qui se

généralisent au territoire français connaissent leur première apparition. C’est

à Paris qu’à l’hiver 1940 ont lieu les premières arrestations pour troubles1,

avec la manifestation des lycéens et étudiants le 11 novembre, la première

fusillade (l’ingénieur Jacques Bonsergent), puis, à l’été 1941, les premiers

attentats contre l’occupant, les premières condamnations à mort par

Sections spéciales, les rafles. La ville est ainsi tragiquement en avance sur

l’expérience du territoire français.

Si cette occupation, se déroule de manière relativement « classique »

par certains de ses aspects, il ne faut jamais perdre de vue que l’Allemagne

n’est pas, en 1940, un occupant comme les autres. C’est une nation qui,

ayant formulé un projet totalitaire de refondation socio-biologique de sa

1 Je fais ici abstraction des violences d’invasion pour ne prendre en compte que les violences

d’occupation, c’est-à-dire après la signature de l’Armistice…

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population se lance à partir de 1941 dans une guerre raciale, laquelle

devient exterminatrice à partir de l’hiver 1941. L’orientation clairement

antisémite de la politique d’occupation allemande, la réaction antisémite

anticipatrice du pouvoir vichyste et des séides collaborationniste avait certes

déjà assombri l’horizon des Juifs en France, qu’ils soient de nationalité

française ou fraichement réfugiés dans le pays. Il n’en reste pas moins que

l’enjeu d’une arrestation n’était plus le même après décembre 1941, la

décision de principe d’Hitler d’exterminer la judaïté européenne

condamnant de facto à mort toute personne identifiée comme juive qui

tomberait entre les mains du pouvoir nazi. Il y a donc une césure très forte,

au plan européen, dans le destin des communautés juives. En France, cette

césure s’opère au printemps 1942. À partir de cette date et particulièrement

avec la rafle du Vel d’Hiv (16-17 juillet 1942) le danger est absolument

mortel pour les Juifs présents en France et particulièrement à Paris, lieu du

danger maximal, ne serait-ce que par la présence des unités spécialisées

dans la chasse aux Juifs.

Et pour rester encore un peu plus fidèle à la complexité de ce

mystère de l’occupation, rappelons malgré tout une chose elle aussi

fondamentale : il est parfaitement exact que les rouages étatiques nazis et

français conjugués portèrent de terribles coups aux multiples cibles de

l’occupants, Juifs en tête ; il est tout aussi exact que ces funestes politiques

ne purent atteindre une telle efficacité sans le concours plus ou moins

important de larges franges de la population française. La dénonciation et le

contrôle social furent, de concert avec le fichier d’identification l’arme

principale de la traque aux Juifs. Et pourtant… Et pourtant les chiffres disent

aussi que la communauté juive française resta l’une des plus nombreuses

quand se fut tue la violence nazie. Les recherches des historiens disent la

présence de millions de gestes d’assistance qui posés bout à bout aidèrent à

la cache, à la survie. Ces « millions de micro-vouloirs » — pour détourner

une très belle expression de l’historien Pierre Chaunu — témoignent aussi

du fait qu’une grande partie de la population française désapprouva la

logique de persécution et tenta à l’échelle la plus petite, d’y faire pièce.

Il y a donc bien un mystère de l’occupation de la France, un mystère

qui dépasse de très loin celui de l’effondrement du pays, et qui conduit les

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historiens à s’interroger longuement sur la très grande complexité des

attitudes et des expériences que firent les individus et les groupes sociaux

durant ces quatre années tourmentées.

Les documents que vous allez contempler dans le présent ouvrage

reflètent tout cela, confusément, de manière assourdie, un peu comme le

tronc de l’arbre retentit du bruit sourd de la cognée qui l’attaque. C’est ainsi

qu’on peut les observer et les lire. Et l’on peut rendre hommage au travail

accompli par l’équipe de jeunes lycéens réunis par Madame Epelbaum qui

ont accompli un remarquable travail en enquêtant, en rassemblant la

documentation redonnant une matérialité à ces voix et ces visages pour la

plupart engloutis, ré-arrimant au présent du lycée et des enfants du 21ème

siècle ces adolescents des années sombres, accomplissant ainsi ce travail

mémoriel de mise en récit qui est le présent de l’historien.

Christian Ingrao, Chargé de recherches au CNRS

Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP)

CNRS UPR 301

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 15

INTRODUCTION AU MÉMORIAL

Le 18 octobre 1940, le Journal officiel publie deux lois datées du 3 et du

4 octobre. La première, signée par Pétain, Laval et tout le gouvernement définit

le statut des Juifs, français et étrangers. La loi du 4 octobre sur les ressortissants

étrangers de race juive prévoit leur internement. Celle du 7 octobre abroge le

décret Crémieux de 1870 et retire la nationalité française aux Juifs d’Algérie. Le

29 mars 1941, le gouvernement de Vichy crée un Commissariat général aux

questions juives (CGQJ) confié à Xavier Vallat puis Louis Darquier de Pellepoix à

partir de mai 1942. Cette série de lois conduit les Juifs de France à vivre en

marge de la communauté puisque la plupart des métiers qu’ils exerçaient leurs

sont interdits et que leurs biens doivent être « aryanisés ». Les entreprises

passent sous le contrôle d’un non-juif comme ce fut le cas pour Monsieur Orloff,

le père d’Ethel2. Beaucoup de familles sont réduites à la misère et survivent

grâce aux secours qu’ils reçoivent d’organisations juives. C’est sans doute le sort

de deux enseignantes du lycée, Mme Marguerite Schwab et Mme Adrienne

Ullmann, révoquées à la fin de l’année 1940 parce que juives3.

En promulguant une législation d’exclusion, en privant les Juifs des

droits fondamentaux des citoyens, de leurs emplois et de leurs biens, en

internant les Juifs étrangers, l’État français facilite le travail des nazis. A partir de

1942, les services administratifs et forces de l’ordre français servent de supplétifs

aux autorités d’occupation et opèrent seules également. Ils assurent la garde et

la gestion des camps d’internement comme Drancy ou Pithiviers, d’où partent la

plupart des élèves déportées. Jusqu’en 1943, le gouvernement de Vichy a

conduit sa politique sans qu’il y ait pression des occupants allemands. La

pression d’une partie du clergé et les réactions défavorables dans l’opinion

publique conduisent l’État français à tenter de ralentir les déportations.

Lors des rafles de l’été et de l’automne 1942, 42 500 Juifs de France sont

arrêtés. Parmi eux un peu plus de 1 000 enfants de moins de six ans, 2 557 âgés

2 Voir le descriptif réalisé par l’Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les

communes de France (AJPN). En ligne, consulté en octobre 2014.

[URL=http://www.ajpn.org/personne-Claire-Orloff-799.html] 3 Pierre Porcher, Histoire du lycée Jules-Ferry. Des arts domestiques à l’informatique (1913-2013),

Paris, AHLHF, 2013, pp. 130-131.

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de six à douze ans, et 2 464 âgés de treize à dix-sept ans4. Or, les Allemands

n’ont pas fait mention des enfants à l’été 1942. Le 15 juin 1942, le responsable

SS des affaires juives en France, Theodor Dannecker, les exclut même

provisoirement de la déportation : « La condition essentielle est que les Juifs

soient âgés de seize à quarante ans »5. L’État français propose que les enfants

juifs soient inclus dans la déportation comme l’indique une note du 6 juillet

1942, du même Dannecker : « Le président Laval a proposé, lors de la

déportation des familles juives de la zone non occupée, d’y comprendre

également les enfants âgés de moins de seize ans. La question des enfants juifs

restant en zone occupée ne l’intéresse pas »6.

Ainsi, quelques 6 000 enfants âgés de deux à douze ans sont internés à

Drancy en 1942. Durant le mois de juillet, ce sont les adolescents qui partent

puis, à partir d’août et septembre, les convois quittant Drancy « pour une

destination inconnue » emportent les plus jeunes. Douze des élèves juives de

l’établissement sont déportées par ces convois. Le voyage s’effectue dans des

wagons de marchandises plombés, transportant chacun entre 40 et 60 enfants

accompagnés de quelques adultes. Entre 1942 et 1944, près de 2 000 enfants de

moins de six ans, et 6 000 de moins de treize ans ont été déportés à Auschwitz.

Aucun n’a survécu.

Monique Epelbaum,

Professeur d’Histoire-Géographie

Lycée Jules-Ferry, Paris

4 André KASPI, « Vichy a-t-il sauvé les Juifs ? », in Auschwitz, la Solution finale, présenté par Annette

Wieviorka, Paris, Tallandier 2005. 5 Ibid.

6 Ibid.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 17

Arrivée des enfants.

à la gare du Bourget-Drancy. Estampe de Georges Horan, interné à Drancy, 1942.

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18 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 19

MÉMORIAL DES VINGT-QUATRE

Silhouette annonçant la commémoration,

Lycée Jules-Ferry, janvier 2014.

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20 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Micheline KLEINER Micheline Kleiner

1927-1942

Micheline Kleiner naît le 3 mai 1927 à Paris. Elle habite au 31 de la rue des Batignolles, dans le 17e arrondissement, avec son père fourreur et son frère, élève au lycée Carnot. Entrée au lycée Jules-Ferry en 1939, elle était en Quatrième A pendant l’année scolaire 1941-1942. Internée au camp de Pithiviers, elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°20, au départ de Drancy le 17 août 1942. Âgée de 15 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 21

Micheline Kleiner

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22 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Estelle MOUFFLARGE Estelle Moufflarge

1927-1942

Estelle Moufflarge naît le 31 octobre 1927 à Saint-Ouen. Elle habite dans le 18e arrondissement, au 89 de la rue Caulaincourt, avec son oncle, boucher. En 1940, elle est admise en Sixième au lycée Jules-Ferry. Pendant l’année scolaire 1941-1942, elle est en Cinquième A3. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°61, au départ de Drancy le 28 octobre 1943. Son matricule d’internement est le 6731. Âgée de 16 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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Estelle Moufflarge

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24 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Rose-Claire WAISSMAN Rose-Claire Waissman

1925-1943

Rose-Claire Waissman naît le 11 Août 1925 à Paris. Elle habite au 36 de la rue Baudin, dans le 9e arrondissement avec son père, instituteur. En 1938, elle est admise au lycée Jules-Ferry, en classe de Cinquième. Au cours de l’année scolaire 1942-1943, elle est en classe de Philosophie. Sa fiche scolaire signale son départ en 1942 en tant qu’Israélite internée. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°58, au départ de Drancy le 31 juillet 1943. Son matricule d’internement est le 2160. Âgée de 18 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 25

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26 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Mira ADLER Mira Alder

1927-1942

Mira Adler naît le 06 janvier 1927 à Balta Alba, en Roumanie. De nationalité Roumaine, elle habite au 71 de l’avenue de Clichy, dans le 17e arrondissement. David et Haia Adler, ses parents, exercent la profession de fourreurs. Elle entre en Quatrième B2 au lycée Jules-Ferry en 1941-1942. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°38, au départ de Drancy le 28 septembre 1942. Âgée de 15 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 27

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28 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Nicole ALEXANDRE Nicole Alexandre

1928-1943

Nicole Alexandre naît le 25 février 1928. Elle réside 2 square Tocqueville, dans le 17e arrondissement. Ses parents, Henri Alexandre et Hélène Jacob, sont négociants. Nicole Alexandre est admise en Septième au lycée Jules-Ferry en 1938. Pendant l’année scolaire 1942-1943, elle est en Troisième A. Le 19 janvier 1943, la 3e section la libère du dépôt où elle est retenue, pour faux et usage de faux en matière de carte d’identité. Le 20 janvier, elle est mise à la disposition de la 5e section en vue de son internement au camp de Drancy pour une durée indéterminée. Son matricule d’internement est le

76 puis le 18890. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°62, au départ de Drancy le 20 novembre 1943. L’administration du lycée signale son départ en province au cours de l’année scolaire. Âgé de 15 ans en 1943, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 29

Nicole Alexandre

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30 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Fortunee CHOEL Fortunée Choel

1924-1942 Fortunée Choel naît le 25 novembre 1924 à Salonique, en Grèce. Avant la guerre, elle habite à Salonique puis arrive en France où elle réside au 36 de la rue Lacroix, dans le 17e arrondissement. Elle est la fille de Riquetta Magrizo et Solomon Abraham Choel, commerçants. Arrêtée à Paris le 5 novembre 1942, alors qu’elle est en Seconde B1 au lycée Jules-Ferry, elle est internée à Drancy, où son matricule est le 44. Le 9 novembre 1942, elle est déportée à Auschwitz. Âgée de 18 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 31

Fortunée Choel

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32 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Rosette HAYEM Rosette Hayem

1926-1944

Rosette Hayem naît le 7 mars 1926 à Paris. Elle vit avec son père bijoutier dans le 9e arrondissement, au 32 rue La Bruyère. Arrivée au lycée Jules-Ferry en 1931, dans une classe enfantine, elle est en Dixième lorsqu’elle quitte l’établissement. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°67, au départ de Drancy le 3 février 1944. Âgée de 17 ans en 1944, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 33

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34 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Huguette NAVARRO Huguette Navarro

1929-1943

Huguette naît le 7 septembre 1929 à Paris. Son père est dentiste. Son frère est élève au lycée Condorcet et sa sœur Colette au lycée Jules-Ferry. Ils habitent au 45 rue de Pétrograd, dans le 8e arrondissement. En 1935, elle est admise au lycée Jules-Ferry en Onzième. En 1941-1942, elle est en Sixième A. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°59, au départ de Drancy le 2 septembre 1943. Son matricule d’internement est le 4062. Âgée de 14 ans en 1943, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 35

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36 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Colette NAVARRO Colette Navarro

1927-1943

Colette Navarro naît le 1er août 1927 à Paris. Elle entre au lycée Jules-Ferry en classe de Onzième. En 1941-1942, elle est en Septième. Elle est déportée par le convoi n°59, au départ de Drancy le 2 septembre 1943, avec sa sœur Huguette. Âgée de 19 ans en 1943, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 37

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38 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Renee COHEN Renée Cohen

1932-1942

Renée Cohen naît le 27 avril 1932 à Paris. Elle habite au 9 rue d’Aligre et parle le turc. Elle est déportée par le convoi n°44, au départ de Drancy le 9 novembre 1942. Sa fiche de déportation indique qu’elle est alors élève au lycée Jules-Ferry. Âgée de 10 ans en 1942, elle n’est pas revenue

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 39

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40 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Janine LUBETZKI Janine Lubetzki

1932-1944

Janine Lubetzki naît le 25 juillet 1932 à Paris. Sa famille et elle habitent au 7 de la rue Jean Menans. Son père, Albert Lubetzki, est médecin et son frère élève au lycée Rollin. En 1940, elle entre au lycée Jules-Ferry en classe de Huitième. En 1941-1942, elle est en Septième. Arrêtée à Billy (Allier) avec son père, sa mère et son frère, elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°77, au départ de Drancy le 31 juillet 1944. Âgée de 12 ans en 1944, elle n’est pas revenue

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 41

Jeannine Lubetzki

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42 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Alexandra CHEYKHODE Alexandra Cheykhode

1928-1942

Alexandra Cheykhode naît le 28 septembre 1928 à Hambourg, en Allemagne. Elle est de nationalité russe. Elle vit au 49 de la rue Eugène-Carrière, dans le 18e arrondissement. Son père est comptable. En 1937, elle est admise au lycée Jules-Ferry en classe de Neuvième. En 1941-1942, elle est en Cinquième A1. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°14, au départ du camp de Pithiviers le 3 août 1942. Sa fiche de déportation indique qu'elle est couturière de formation. Âgée de 14 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 43

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44 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Jacqueline BERSCHTEIN Jacqueline Berschtein

1932-1943

Jacqueline Berschtein naît le 18 avril 1932 à Paris. Elle habite avec son père, voyageur de commerce, au 45 de la rue Damrémont, dans le 18e arrondissement. En 1942-1943, elle est en Sixième A1 au lycée Jules-Ferry. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°62, au départ de Drancy le 20 novembre 1943. Son matricule d’internement est le 3371. Âgée de 11 ans en 1943, elle n’est pas revenue

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 45

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46 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Therese GRADSZTAJN Thérèse Gradsztajn

1935-1942

Thérèse Gradztajn naît le 28 avril 1935 à Paris. Elle habite au 15 bis de la rue Cauchois, dans le 18e arrondissement avec son frère Hirz, dit Henri, et son père, Szlama, qui est chapelier. En 1941-1942, elle est en Onzième au lycée Jules-Ferry. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°33, au départ de Drancy le 16 septembre 1942. Sa fiche de scolarité indique qu’elle est sortie en juillet 1942. Âgée de 7 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 47

Thérèse et Henri Gradsztajn

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48 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Ethel ORLOFF Ethel Orloff

1926-1943

Ethel Orloff naît le 11 mars 1926 à Neuilly-sur-Seine. Elle devient française par naturalisation. Elle habite avec son père, commerçant, au 20 square de la Motte-Piquet, dans le 15e arrondissement. Admise en Sixième B au lycée Jules-Ferry en 1936, elle est en Première B3 au cours de l’année scolaire 1941-1942. Sa sœur, Claire Orloff, est en Quatrième. Elle est déportée par le convoi n°58, au départ de Drancy le 31 juillet 1943. Son matricule d’internement est le n°1619. Il y a deux numéros de convoi sur sa fiche de déportation car elle n’a pu prendre le premier. Âgée de 17 ans en 1943, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 49

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50 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Gilberte RABINOWITZ Gilberte Rabinowitz

1926-1944

Gilberte Rabinowitz naît le 15 septembre 1926 à Paris. Son père Nathan est originaire de Safed (Palestine) et sa mère Georgette de Nacy (France). Elle habite avec eux au 14 de la rue Notre-Dame-de-Lorette, dans le 9ème arrondissement. En 1936, elle entre au lycée Jules-Ferry en classe de Septième. En 1941-1942, elle est en Seconde A. Elle est arrêtée à son domicile avec ses parents le 7 février 1944. Ils sont déportés à Auschwitz un mois plus tard par le convoi n°69 au départ de Drancy le 7 mars 1944. Son matricule d’internement est le n°14 944. Sur les 1501 déportés du convoi n°69, seuls 20 ont survécu. Âgée de 17 ans en 1944, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 51

Gilberte Rabinowitz

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52 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Jacqueline ROZENBAUM Jacqueline Rozenbaum

1927-1942

Jacqueline Rozenbaum naît le 28 août 1927 à Paris. Elle vit au 22 du boulevard Beaumarchais, dans le 11e arrondissement, avec ses parents, Jankel et Szajndla Rozenbaum, et son frère Victor, élève au lycée Chaptal. Elle est admise au lycée Jules-Ferry en classe de Sixième A2 en 1940-1941. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°16 au départ de Pithiviers le 7 août 1942. Elle décède le 11 août. Âgée de 14 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 53

Jacqueline Rozenbaum

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54 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Rose ROSENKRANTZ Rose Rosenkrantz

1929-1942

Rose Rosenkrantz naît le 20 juin 1929 à Paris. Elle vit seule avec sa mère, Liba Rosenkrantz, couturière ; son père est décédé. Originaires de Pologne, ils habitent au 14 bis de la rue Lemoine, dans le 17e arrondissement. Admise au lycée Jules-Ferry en Sixième A3 en 1941, elle venait d’être admise en Cinquième. Arrêtée avec sa mère lors de la rafle du Vel’ d’Hiv’ (16 et 17 juillet 1942), elle est internée à Beaune-la-Rolande le 22 juillet 1942. Transférée à Drancy, elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°16 du 17 juillet 1942. Âgée de 13 ans en 1942, elle n'est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 55

Liba et Rose Rosenkrantz

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56 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Paulette COHEN Paulette Cohen

1925-1943

Paulette naît le 29 novembre 1925 à Paris.

Elle est déportée par le convoi n°61 au départ de Drancy le 28 octobre 1943. son matricule d’internement est le 5666.

Selon sa fiche de déportation, elle est étudiante au moment de son arrestation. Elle vient de passer son baccalauréat de Philosophie-Sciences au collège de Cannes lorsqu’elle est arrêtée.

Âgée de 18 ans en 1943, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 57

Paulette Cohen (encadré)

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58 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Paulette GOLDBLATT Paulette Goldblatt

1926-1942

Paulette Goldblatt naît le 30 juin 1926. Son père était tailleur-modéliste. Elle habite avec lui au 72 du boulevard Ornano, dans le 18e arrondissement. Admise au lycée Jules-Ferry en 1938, elle obtient son certificat d’études en 1939. En 1941-1942, elle est élève en Cinquième B1. Elle est déportée par le convoi n°32 au départ de Drancy le 14 septembre 1942. Âgée de 16 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 59

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60 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Francoise ROTH François Roth

1927-1944

Françoise naît le 27 août 1927 à Lyon. Elle habite avec son père métallurgiste au 7 de la rue Chaptal, dans le 9e arrondissement. Admise en Cinquième au lycée Jules-Ferry en 1940, elle est en Quatrième A2 pendant l’année scolaire 1941-1942. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°76, au départ de Drancy le 30 juin 1944. Âgée de 17 ans en 1944, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 61

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62 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Jacqueline ROTSZYLD Jacqueline Rotszyld

1928-1942

Jacqueline Rotszyld naît le 3 novembre 1928 à Paris. Elle habite au 37 de la rue Davy, dans le 17e arrondissement. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°22, au départ de Drancy. le 21 août 1942 Âgée de 14 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 63

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64 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Marguerite Margot SCAPA Marguerite Margot Scapa

1924-1942

Margot Scapa naît le 29 août 1924 à Salonique en Grèce. Son père est commerçant. Ses deux frères fréquentent le lycée Condorcet. Elle habite avec eux au 66 de la rue Championnet, dans le 18e arrondissement. Admise en Sixième au lycée Jules-Ferry en 1936, elle était élève en Seconde D2 pendant l’année scolaire 1942-1943. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°44 au départ de Drancy le 9 novembre 1942. Âgée de 18 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 65

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66 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Olga ZIMMERMANN Olga Zimmerman

1923-1942

Olga Zimmermann naît le 17 juillet 1923 à Paris. Avec son père, tailleur, elle habite au 6 de la rue Greffhule, dans le 8e arrondissement. En 1939-1940, Olga est élève de Philosophie au lycée Jules-Ferry. Elle est déportée à Auschwitz par le convoi n°34 au départ de Drancy le 18 septembre 1942 Âgée de 19 ans en 1942, elle n’est pas revenue.

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68 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 69

INTRODUCTION AUX ANNEXES

Les documents placés en annexes sont directement ou indirectement

liés à la vie de nos vingt-quatre jeunes filles. Ils permettent de mieux cerner ce

que fut la vie des Juifs à Paris et plus subrepticement au cœur du lycée Jules

Ferry durant la guerre.

Il s’agit de témoignages d’anciennes élèves, vivantes ou disparues,

retraçant pour les unes une tranquille continuité dans la vie quotidienne et la

poursuite de leurs études tandis que d’autres entraient en résistance au sein

même du lycée.

Avec les rafles de l’année 1942, des protestations s’élèvent dans

l’opinion publique et la hiérarchie des Églises. Des personnalités religieuses

chrétiennes comme Mgr Saliège à Toulouse, Mgr Gerlier à Lyon, le pasteur

Boegner de l’Église réformée, et d’autres protestent publiquement contre

l’arrestation des Juifs livrés à l’occupant.

C’est aussi l’année où des acteurs plus modestes, professeurs et élèves

s’organisent afin de sauver les enfants. Ainsi au lycée Jules-Ferry, dès l’été 1942,

deux élèves et deux professeurs sont à pied d’œuvre pour cacher et protéger les

plus jeunes. Les deux élèves, Etty Menahem et Gilberte Nissim, sont alors en

Première et Terminale et membres de la « Sixième » des Éclaireurs Israélites de

France. Mme Annette Maignan et Mme Andrée Pauly-Santoni (née Coutier) sont

professeurs de lettres classiques. Pour ces dernières, le sort de leurs collègues

juives révoquées en 1940 les a peut-être mobilisées. Nous ne saurons sans

doute jamais comment elles se sont rencontrées pour et dans ce combat,

toujours est-il que les plus âgées s’engagent en cachant chez elles les plus

jeunes. Mme Maignan héberge durant plusieurs semaines le frère d’Etty, Freddy

Menahem, élève au lycée Rollin et dirigeant de la « Sixième ». Mme Pauly-

Santoni fait de même pour Gilberte Nissim qu’elle protège toute la guerre.

Bien plus modestement, une certaine réticence à la politique antisémite

menée conjointement par les nazis et l’État français semble s’exprimer au sein

des directions de certains lycées dont Jules Ferry. Ainsi, lorsqu’en 1943, le

Commissariat général aux questions juives mène une enquête à la demande de

la SS afin de vérifier que les élèves aryennes et les élèves juives des lycées Jules-

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70 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

Ferry et Racine ne participent pas aux mêmes cours de gymnastique, les

directions des deux établissements refusent la vérification demandée7. Ce refus

est motivé par un argument administratif puisque, selon elles, cette question

relève du Commissariat général aux sports. Même modeste, ce geste pourrait

témoigner d’une certaine bienveillance à l’égard des élèves discriminés.

Le travail conduit depuis 1999 a permis d’approfondir et d’élargir notre

regard pour faire surgir d’autres figures, d’autres situations, d’autres destins, en

particulier celui de résistantes et de résistants au sein et autour du lycée Jules-

Ferry. Autant de pistes nouvelles dont cet ouvrage pose les jalons, autant

d’invitations à poursuivre les recherches engagées.

Monique Epelbaum

7 Rapport d’enquête de M. Lazard au cabinet de Louis Darquier de Pellepoix, le 20 avril 1943. CDJC,

CCXXXVI-102. Cité dans Pierre Porcher, Ibid., p. 131.

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ANNEXES ET DOCUMENTS

1. Liste chronologique des convois de déportation

des Juifs de France

N° convoi

Dates Camp de départ Nbre de

déportés dont enfants

1 27/03/1942 Compiègne-Drancy 1112 1

2 6/06/1942 Compiègne 1000

3 22/06/1942 Drancy 1000 1

4 25/06/1942 Pithiviers 999

5 28/06/1942 Beaune-la-Rolande 1038 16

6 17/07/1942 Pithiviers 928 24

7 19/07/1942 Drancy 999 58

8 20/07/1942 Angers 827 118

9 22/07/1942 Drancy 998 42

10 24/07/1942 Drancy 1000 80

11 27/07/1942 Drancy 1000 40

12 29/07/1942 Drancy 1001 25

13 31/07/1942 Pithiviers 1049 146

14 3/08/1942 Pithiviers 1034 107

dont Alexandra Cheykhode

15 5/08/1942 Beaune-la-Rolande 1014 219

16 7/08/1942 Pithiviers 1069 298

dont Jacqueline Rozenbaum

17 10/08/1942 Drancy 1006 3

18 12/08/1942 Drancy 1007 2

19 14/08/1942 Drancy 991 117

20 17/08/1942 Drancy 1000 581 dont Micheline Kleiner

21 19/08/1942 Drancy 1000 452

22 21/08/1942 Drancy 1000 606 dont Jacqueline Rotszyld

23 24/08/1942 Drancy 1000 580

24 26/08/1942 Drancy 1002 400

25 28/08/1942 Drancy 1000 285

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72 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

26 31/08/1942 Drancy 1000 244

27 2/09/1942 Drancy 1000 144

28 4/09/1942 Drancy 1013 142

29 7/09/1942 Drancy 1000 154

30 9/09/1942 Drancy 1000 132

31 11/09/1942 Drancy 1000 189

32 14/09/1942 Drancy 1000 108 dont Paulette Goldblatt

33 16/09/1942 Drancy 1003 101 dont Thérèse Gradztajn

34 18/09/1942 Drancy 1000 173 dont Rose Rosenkrantz

et Olga Zimmerman

35 21/09/1942 Pithiviers 1000 169

36 23/09/1942 Drancy 1006 213

37 25/09/1942 Drancy 1004 130

38 28/09/1942 Drancy 904 101 dont Mira Adler

39 30/09/1942 Drancy 210 8

40 4/11/1942 Drancy 1000 141

42 6/11/1942 Drancy 1000 217

44 9/11/1942 Drancy 1000 163 dont Fortunée Choel,

Renée Cohen et Margot

Scapa

45 11/11/1942 Drancy 745 109

46 9/02/1943 Drancy 1000 122

47 11/02/1943 Drancy 998 182

48 13/02/1943 Drancy 1000 151

49 2/03/1943 Drancy 1000 33

50 4/03/1943 Drancy 1003 7

51 6/03/1943 Drancy 998 3

52 23/03/1943 Drancy 994 66

53 25/03/1943 Drancy 1008 118

55 23/06/1943 Drancy 1018 123

57 18/07/1943 Drancy 1000 137

58 31/07/1943 Drancy 1000 98 dont Ethel Orloff et Rose-

Claire Waisman

59 2/09/1943 Drancy 1000 138 dont Colette et

Huguette Navarro

60 7/10/1943 Drancy 1000 101

61 28/10/1943 Drancy 1000 138 dont Paulette Cohen et

Estelle Moufflarge

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 73

62 20/11/1943 Drancy 1200 150 dont Nicole Alexandre et

Jacqueline Berstein

64 7/12/1943 Drancy 1000 155

63 17/12/1943 Drancy 950 101

66 20/01/1944 Drancy 1155 203

67 3/02/1944 Drancy 1214 188 dont Rosette Hayem

68 10/02/1944 Drancy 1500 295

69 7/03/1944 Drancy 1501 178 dont Gilberte Rabinowitz

70 27/03/1944 Drancy 1000 104

71 13/04/1944 Drancy 1500 289

72 29/04/1944 Drancy 1004 179

73 15/05/1944 Drancy 878 38

74 20/05/1944 Drancy 1200 188

75 30/05/1944 Drancy 1000 112

76 30/06/1944 Drancy 1100 161 dont Françoise Roth

77 31/07/1944 Drancy 1300 325 dont Janine Lubetzki

78 11/08/1944 Lyon 430 26

79 18/08/1944 Drancy 51 1

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74 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

- Les convois n°50 à 53 ont été dirigés vers Sodibor. Le convoi n°73 a été dirigé

vers Kaunas (Lituanie) et vers Reval (Estonie). Tous les autres convois ont été

dirigés vers Auschwitz.

- Les juifs du Nord et du Pas-de-Calais, environ 1000 personnes dont 202 enfants,

ont été déportés par la Belgique.

Des listes ont également été établies concernant :

- les familles de prisonniers de guerre, 257 personnes dont 77 enfants (liste n°80) ;

- les Juifs de Toulouse et des environs déportés le 30/07/1944, 350 personnes

dont 27 enfants (liste n°81) ;

- les Juifs de Clermont-Ferrand déportés le 17/08/1944, 68 personnes dont 3

enfants (liste n°82).

Les convois 41-42-43-54-56 n’existent pas en raison d’erreurs de dénomination

commises à l’époque.

Le convoi 64 est parti avant le 63.

Source : Serge KARSFELD, Mémorial de la Déportation des Juifs de France, FFDJF (Fils et

filles de déportés juifs de France), 2012.

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2. Correspondance de Fortunée Choel (1942)

Ces quatre lettres furent envoyées entre mai et novembre 1942 par

Fortunée Choel à ses sœurs alors réfugiées à Pau.

1) Lettre du 22 mai 1942, à Mathilde Choel.

2) Lettre du 6 août 1942, à Mathilde Choel

3) Lettre du 21 septembre 1942, à Mathilde Choel

4) Lettre du 8 novembre 1942, à Dora Choel.

Source :

Collection de Jean-Claude et Gérard TROKINER, ses neveux.

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76 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

VENDREDI 22 MAI 1942. Fortunée Choel à Mathilde

Choel (sa sœur), Georges (le mari de sa sœur) et leur Jean-Claude (leur jeune enfant).

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 77

« Chère Mathilde, chère Georgette et cher Jean-Claude, Nous vous écrivons pour vous remercier du colis que nous avons reçu. Excusez-moi si je ne vous écris pas souvent, mais mes examens approchent et j'ai beaucoup de travail. Je vous remercie pour l'argent que vous nous avez envoyé pour aller au cinéma, je vois que vous ne nous oubliez pas et ceci m'a fait plaisir. Nous sommes inquiets car nous n'avons pas de vos nouvelles. J'espère que vous allez tous bien ainsi que le petit Jean-Claude. Avez-vous déjà reçu la lettre de notre ami ? Il vous donnait des nouvelles de papa. À Paris le temps est orageux, mais nous aurons j'espère du beau temps pour la Pentecôte. Écrivez-nous vite et recevez des baisers de toute la famille. Passez bien le bonjour à Hélène, Robert, Jacqueline et les gosses. Nous espérons que Jean-Claude est aussi en bonne santé. Bon baisers.

Signé : Fortunée »

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78 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

JEUDI 6 AOÛT 1942. Fortunée Choel à Mathilde Choel (sa sœur), Georges (le mari de sa sœur) et Jean-Claude

(leur jeune enfant).

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 79

« Chère Mathilde, cher Georges et cher petit Jean-Claude, Nous avons reçu votre carte du 28 juillet et nous sommes contents que vous soyez en bonne santé. Nous sommes étonnés que vous n’ayez pas reçu de nos nouvelles, pourtant nous écrivons fréquemment. Avez-vous reçu la couverture et le sucre ? Et de plus nous avons payé le loyer à la date exacte. Maman ne comprend pas que vous ne donniez pas réponse à toutes ces choses. Pourtant je vous ai déjà écrit de nous prévenir dès réception du colis, sinon il faudra réclamer à la Poste. Pour le moment nous nous portons tous bien, mais ma [?] petite amie est gravement malade. Espérons qu’elle guérira bientôt. Maman pleure souvent en pensant à vous, elle a hâte de voir son petit-fils, elle a pleuré de joie en apprenant qu’il suce son petit pied. Quand le verrons-nous ce chérubin ? Dora est toujours à la campagne avec son mari ; elle vous passe bien le bonjour. A part ça rien de nouveau, la vie est monotone et les plaisirs rares. Je suis en vacances et je m’ennuie beaucoup. Quand serons-nous enfin heureux ? Tout le monde vous embrasse très fort et attend impatiemment de vos nouvelles.

Signé : Fortunée »

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80 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

LUNDI 21 SEPTEMBRE 1942. Fortunée Choel à Mathilde Choel (sa sœur), Georges (le mari de sa sœur)

et Jean-Claude (leur jeune enfant).

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 81

« Ma chère petite Mathilde, mon cher Georges et mon cher petit Jean-Claude, Nous sommes très inquiets de n'avoir pas reçu de vos nouvelles. Maman se demande ce qu'il a pu vous arriver. Papa dit que je vous ai annoncé trop brusquement la mauvaise nouvelle mais ça n'aurait rien changé et puis vous deviez vous y attendre. Nous espérons que vous vous portez tous bien et que le petit Jean-Claude a meilleure mine de jour en jour. Surtout ayez confiance en l'avenir, ne vous laissez pas aller au découragement. Aujourd'hui c'est Yom Kippour, le jour du Grand Pardon et nous avions bien prié pour vous tous ; nous avons également jeûné. La synagogue était pleine malgré les circonstances. Jean a dit qu'il vous a écrit une lettre et nous pensons les revoir bientôt avec Dora. Surtout écrivez-nous souvent, ne nous laissez pas longtemps sans nouvelles, car surtout en ce moment on se fait un mauvais sang fou. Enfin je vous quitte en vous souhaitant encore une bonne année et en vous envoyant les baisers de toute la famille et les miens.

Signé : Fortunée ».

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82 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

DRANCY, le DIMANCHE 8 NOVEMBRE 1942. Fortunée

Choel à Dora Choel (une de ses sœurs).

Cette lettre a été écrite depuis le camp d’internement de Drancy, la veille de la déportation de

Fortunée Choel vers Auschwitz.

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« Ma chère petite Dora, Tu as dû apprendre par la concierge que nous étions tous arrêtés. Ne te fais pas de mauvais sang. Nous allons assez bien. Maman pleure beaucoup mais nous la consolons tant que nous pouvons. J'espère que nous ne serons pas séparés. Nous devons être déportés cette après-midi vers une destination inconnue. Mais courage, bientôt nous serons réunis. J'espère qu'à toi il ne t’est rien arrivé, chère grande sœur. Donc au revoir et reçois les baisers de toute la famille. Nous essaierons de vous donner des nouvelles le plus souvent possible.

Signé : Fortunée »

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84 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

3. Etty Menahem, élève

Etty Menahem naît le 6 avril 1926 à Salonique, en Grèce. Elle n'a pas été déportée mais fut résistante. Elle vit au 5 de la rue de Clignancourt, dans le 18e arrondissement, avec sa famille. Son père est chef comptable. Admise en Troisième au lycée Jules-Ferry en 1940-1941, elle est en classe de Philosophie-Sciences en 1943-1944 et passe son baccalauréat. Alors qu’elle est élève au lycée, elle s’engage dans la « Sixième » des Éclaireurs Israélites de France. Elle effectue des missions de transport et de surveillance à Paris, de mars 1943 à août 1944. Elle accompagne des enfants et des adultes dans des caches, les visite et verse leur pension. Elle agit sous les ordres de son frère, Freddy Menahem, un des dirigeants de la Résistance juive à Paris.

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4. Gilberte Nissim, élève

Gilberte Nissim, dite Claire Marchand dans la Résistance, naît le 17 mars 1924 à Salonique, en Grèce. Son père est médecin. Ils habitent au 3 de la rue Mathis, dans le 9e arrondissement.

En 1932, elle entre au lycée Jules-Ferry en Neuvième et y reste jusqu’à la fin de sa scolarité, en 1942, lorsqu’elle passe son baccalauréat de Philosophie.

Gilberte Nissim, sous les ordres de Freddy Menahem, dirigeant de la « Sixième » des Éclaireurs Israélites de France, effectue des missions de liaison et d’accompagnement d’enfants et d’adultes vers des planques, plus spécialement dans les départements de l’Orne et de la Mayenne.

En 2008, l'association Mémoire et Patrimoine de Fougerolles du Plessis entreprend des recherches à propos des enfants cachés dans cette petite commune de la Mayenne. Grâce aux travaux du mémoire de maîtrise d’histoire de Valérie Balluais, des listes d’enfants cachés à Fougerolles sont retrouvées à l'UGIF (Union Générale des Israélites de France) et dans les carnets de Gilberte Nissim. Ces listes nous permettent d'établir que trente-trois enfants ont été accueillis dans dix-neuf familles.

Cette entreprise de sauvetage des enfants est réalisée par les Organisations juives. Ainsi l'OSE, Organisation de Secours aux Enfants, regroupe des enfants à Paris, trouve les placements, informe les enfants de leur nouvelle vie et trouve une convoyeuse pour les accompagner. Le plus souvent les voyages sont effectués sous la conduite de Mme Mounier. Une fois les enfants cachés dans les familles, Gilberte Nissim membre des EIF joue le rôle d’assistante sociale. Elle parcourt les routes de ces secteurs à bicyclette pour garder le contact avec les Juifs cachés, assurer le versement de leur pension, transmettre leur courrier, éviter qu’ils ne se sentent abandonnés.

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86 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

5. Andrée Pauly-Santoni, professeur, Juste parmi

les Nations

Descriptif réalisé par le Comité de Yad Vashem.

Madame Andrée Santoni née Coutier

Date de naissance :

13 avril 1913

Date de décès :

21 décembre 1967

Profession :

Professeur de Latin au lycée Jules-Ferry

(Paris 9e)

« Andrée Pauly était professeur de latin et résidait à Paris. Elle entretenait des relations très chaleureuses avec deux de ses anciennes élèves du lycée Jules-Ferry : Hedy, 22 ans, et sa sœur Gilberte Nissim, 19 ans. Les Nissim, dont le père de famille était médecin, ne furent pas inquiétés jusqu’en 1943, grâce à leur nationalité grecque. Les deux jeunes filles actives aux Eclaireurs Israélites de France, intégrèrent «La Sixième», branche clandestine du service de sauvetage d’enfants de ce mouvement. Elles possédaient ainsi « une carte de légitimation » leur permettant de circuler librement. Cette carte leur fut confisquée en février 1943. La famille y vit un mauvais signe et décida de se cacher. Les parents furent hébergés chez des amis et ensuite à Saint-Calais (Sarthe). Andrée Pauly accueillit les deux jeunes filles chez elle, les logea et les nourrit comme ses propres filles. Munies de faux

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papiers, elles décidèrent de rejoindre un oncle à Juan-les-Pins. A la gare, Hedy présenta ses faux papiers au contrôle policier. Elle fut interpellée, arrêtée et plus tard déportée à Sobibor où elle fut gazée dès son arrivée. Gilberte la suivait dans la file et eut le temps de s’enfuir pour se réfugier chez Andrée qui la cacha chez une de ses collègues de lycée. Gilberte s’investit dans l’activité clandestine de la « Sixième » et fut chargée de cacher et de convoyer des enfants juifs en Normandie. Chaque fois qu’elle rentrait à Paris, elle logeait chez Andrée qui hébergeait souvent à son domicile des enfants jusqu’à leur convoiement vers une famille d’accueil en Normandie. Après la guerre, Gilberte a maintenu des liens durables avec Andrée ».

Le 2 juin 2005, Yad Vashem

a décerné à Andrée Pauly-Santoni le titre de

Juste parmi les Nations

Source :

EN FRANÇAIS [En ligne, consulté en octobre 2014]

URL=http://www.yadvashem-france.org/les-justes-parmi-les-nations/les-justes-de-france/dossier-

10556/

EN ANGLAIS [En ligne, consulté en octobre 2014]

URL=http://db.yadvashem.org/righteous/family.html?language=en&itemId=5344732

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88 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

6. Annette Maignan, professeur

Annette Maignan, professeur de Lettres au lycée Jules-Ferry,

est née le 21 août 1911. Ancienne élève de l’École normale

supérieure, titulaire de l’agrégation masculine des Lettres, elle est

nommée au lycée Jules-Ferry au 1er octobre 1937 8 . Militante

chrétienne, elle est membre du Comité de résistance de

l’établissement. Au cours des persécutions qui visent les Juifs

pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fournit des informations

qui contribuent à les protéger avec d’autres fonctionnaires, comme

Micheline Bellair, assistante sociale à la préfecture de Paris.

Nommée professeur en classes préparatoires, elle se fait

connaître par ses traduction de L’Évangile selon Luc commenté

par les Pères ou encore Le Traité du Saint Esprit, publiés chez

Desclée de Brouwer.

8 Archives de la ville de Paris, registre matricule du personnel, 2972W 29 et 30.

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 89

7. Le destin des parents d’Ethel Orloff Descriptif réalisé par l’Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie

dans les communes de France (AJPN).

« Monsieur et Madame Orloff, originaires de Russie, étaient arrivés en France en 1925, Ethel nait le 11 mars 1926, sa soeur Claire Orloff, le 25 juillet 1928. Monsieur Orloff tient un commerce rue de Provence à Paris 9e. A partir du 18 octobre 1940, il est obligé d'engager un administrateur aryen, jusqu’à la vente forcée de ses biens, à partir du 26 avril 1941. Ethel Orloff avait 16 ans, Claire n’avait pas encore 14 ans lorsqu'elles ont été arrêtées avec leur famille lors de la rafle du Vel d’Hiv. Claire Orloff a pu être libérée le 9 février 1943, sous la responsabilité de l'UGIF ; elle a alors le statut d "enfant bloquée" donc déportable à tout moment. Claire est passée par quatre maisons de l’UGIF dont "Guy Patin", "Vauquelin" et "Montevidéo" ; mais elle s'enfuit du foyer de la rue Montevideo, et se réfugie auprès de Lucie Brauman, une pharmacienne qu’elle a rencontrée à Drancy. Lucie Brauman, sortie de Drancy, est cachée chez son amie Andrée Nicol. Monsieur et Madame Orloff sont déportés de Pithiviers par les convois n° 13 du 27 juillet 1942 et n° 14 du 3 août 1942. Sa sœur Ethel, âgée de 17 ans, est partie de Drancy par le convoi n° 58 du 31 juillet 1943. Aucun d’eux n’a survécu. Claire Orloff écrit (témoignage du 11 mars 2005) : "Vers le 15 février 1944, j’ai trouvé les scellés sur la porte de l’appartement de mes oncle et tante, on était venu les arrêter. Ce jour-là revenue à mon foyer rue de Montevideo dans le 16e, j’ai demandé ma carte d’alimentation sous le prétexte d’achat de chaussures, et le

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lendemain je me suis réfugiée chez Andrée Nicol qui a bien voulu m’accueillir auprès de Lucie Brauman (qu’elle gardait cachée). Le jour suivant un émissaire du foyer est venu l’interroger pour savoir si je ne m’étais pas installée chez elle, et, alors que j’étais dans une autre pièce, Andrée Nicol a nié très énergiquement m’avoir vue ou hébergée… Elle ne pouvait pas me garder et après 3 ou 4 jours passés chez elle, à la pharmacie, je suis entrée comme interne à l’Institut Barral dépendant des Oblates de l’Assomption qui m’ont cachée (avec deux autres juifs) jusqu’à la fin de la guerre. Je voyais tous les dimanches Lucie Brauman qui habitait chez Andrée Nicol…" »

Source :

[En ligne, consulté en octobre 2014]

URL=http://www.ajpn.org/personne-Claire-Orloff-799.html

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TÉMOIGNAGES

1. Claude Mossé

Claude Mossé naît en 1924 à Paris. Avec ses sœurs Éliane et Arlette, elle grandit

dans le 16e arrondissement. Élève au lycée Jules-Ferry pendant la Seconde

Guerre mondiale où elle se passionne pour la Grèce ancienne, elle obtient son

baccalauréat en 1942. Après des études d’histoire à la Sorbonne, elle est reçue à

l’agrégation d’Histoire en 1947. Historienne spécialiste de la Grèce Classique,

elle est notamment professeur des Universités à l’université Paris VIII.

_____

Question : Comment expliquez-vous l’absence de persécutions à

l’endroit de votre famille entre 1940 et 1944 ?

« Avant toute chose il faut rappeler que l’occupation allemande fut différente de celle d’autres pays européens du fait de la collaboration du gouvernement français ; ainsi il n’y eu pas de ghettos enfermant les Juifs comme c’était le cas en Pologne et cela a eu une importance considérable pour eux. Pourtant, dès 1940, les Juifs récemment naturalisés (après 1927) perdent leur nationalité française ; ce ne fut pas le cas pour ceux dont la présence en France est ancienne. Or, notre famille se trouve appartenir à cette catégorie, puisque nous sommes originaire du Comtat Venaissin par la branche paternelle. Nous sommes des « Juifs du pape », venant d’Orange et de Carpentras. Notre nom lui-même « Mossé » est la forme occitane de Moïse. Le fait d’avoir pu conserver notre nationalité et l’atypisme de notre famille, explique que nous soyons restés à Paris tout le temps, ou presque, que dura la guerre. Nos grands-parents maternels étaient arrivés à Paris, venant de Russie vers 1880 ; ils s’y étaient réfugiés au moment des grands pogroms de la fin du XIXe siècle. D’ailleurs, notre grand-mère parlait encore le yiddish. Notre grand-père se sentait

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"très Français", aimait la culture française. Des cinq enfants nés de ce couple, seule notre mère épouse un Juif et se marie à la synagogue. Les autres membres de la fratrie concluent des mariages civils avec des non Juifs. De fait, à la maison, la religion n’apparait que de façon "anecdotique". Lors de Kippour nos parents jeûnent mais pour la Pâque juive (Pessah) nous mangeons la matza le premier soir puis repassons au pain le lendemain. Voilà aussi ce qui explique que nous soyons restés à Paris, car, finalement, les membres de la famille parisienne sont majoritairement en couples mixtes. Nous n’appartenons pas à une communauté religieuse ».

Q. : Votre famille avait-elle une inclination politique ?

« Notre père était très intéressé par la vie politique, il lisait tous les journaux. De tendance radicale socialiste, il avait voté Front populaire en 1936 contre le fascisme. Je me souviens bien lorsqu’ avant les élections de 36, il s’était présenté à moi faisant le salut nazi avec la main droite et levant le poing avec la gauche ; il m’expliqua qu’il avait le choix entre l’un ou l’autre. Je lui ai dit de choisir le poing, ce qu’il fit ».

Q. : Quels souvenirs avez-vous des débuts de la guerre et de

l’occupation allemande à Paris ?

« Lorsque la guerre commence nous sommes élèves, Éliane ma jeune sœur, Arlette et moi-même au lycée Jules-Ferry. En septembre 1939, par crainte des bombardements, la directrice du lycée organise un départ des lycéennes, qui le souhaitent, vers Angers. Un transport est mis en place avec des élèves du lycée de garçons Rollin (devenu Decour après-guerre). Nous partons donc pour Angers, accompagnés par des professeurs des deux lycées et nous reprenons les cours au lycée de jeunes filles de Nantes. Nos parents viennent nous rejoindre à Nantes où la famille s’installe jusqu’à la signature de l’armistice. A la rentrée 1940 nous sommes de retour à Paris.

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Le 5 septembre 1940 c’est l’anniversaire d’Eliane, elle a alors 10 ans, j’en ai 15 et demi ; notre mère nous emmène aux Galeries Lafayette pour acheter un cadeau puis nous allons diner au restaurant très tranquillement. Pourtant nous étions inquiets et incertains de ce que pourrait être notre avenir. Ce sentiment est accentué par le premier statut des Juifs d’octobre impliquant une première série de discriminations. Je fis néanmoins ma rentrée de 1940 au lycée Jules Ferry. Je suis alors en 1ère lettres classiques car je suis passionnée de grec. En juin 1941, j’obtiens d’ailleurs le prix d’excellence. En 1941-1942, je suis en terminale philo, le grec reste ma passion alors que la philosophie m’intéresse peu ».

Q. : comment avez-vous vécu l’année 42 lorsque commencent les

rafles massives ?

« Juin 1942. Ce sont les derniers jours de cours, mais je me rappelle ma mère cousant l’étoile jaune sur nos vêtements. Je me souviens la portant sur le retour à la maison alors que deux amies m’accompagnent me tenant chacune par un bras. Notre statut de Juifs français nous a permis de continuer à vivre à Paris sans être arrêtées systématiquement alors que nous traversions la ville quotidiennement. En fait, nous avons eu beaucoup de chance. Ainsi le 16 juillet 1942, c’est le jour de l’oral du baccalauréat pour notre sœur Arlette. Celui-ci se passait à l’époque à la Sorbonne. Toute la famille l’a accompagnée, nous portions l’étoile jaune sur nos vêtements, nous avons pris le métro sans que rien ne nous arrive. Pourtant, ce jour-là dans Paris, des milliers de Juifs se faisaient arrêter, c’était la rafle du Vel’d’Hiv. La semaine suivante, c’est à mon tour de passer le bac et nous retournons à la Sorbonne en famille ».

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Q. : Avez-vous néanmoins subi les effets de la politique de

discrimination conduite par le gouvernement français ?

« Je ne me rappelle pas avoir subi de vexation ou d’agression, exceptée celle de la directrice du lycée Victor Duruy. Je souhaitais m’inscrire en hypokhâgne, après avoir réussi mon bac, afin d’intégrer Normale sup. La directrice a refusé car l’Ecole Normale Supérieure ne pouvait recevoir de Juifs puisqu’ils ne pouvaient être fonctionnaires depuis le Statut des Juifs d’octobre 1940. Alors que je lui demandais l’autorisation de suivre les cours en auditrice libre, elle refusa, car, d’après elle, j’aurais pris la place d’une autre. J’ai néanmoins pu m’inscrire à la Sorbonne, en histoire, car la loi établissait un numerus clausus pour les Juifs. Leurs inscriptions ne pouvaient excéder 2% des non-juifs inscrits, et cela à condition qu'ils aient une généalogie française établie sur cinq générations. C’était largement notre cas mais il fallut faire des recherches généalogiques pour le prouver. Je suis à La Sorbonne en 1942-1943 et là encore je n’ai pas le souvenir de remarques ou humiliations. En revanche, je me rappelle parfaitement ma première leçon devant mes camarades d’études, dans un amphi de la Sorbonne ; je suis debout face à eux avec mon étoile jaune bien en vue. Personne ne me fait la moindre remarque. Notre père était représentant en vin. Lorsque les interdits professionnels pour les commerçants sont promulgués en 1941, c’est un oncle catholique qui lui permet de travailler encore quelques temps. Je sais que tous les biens de la famille ont été vendus, montres, bagues, livres de valeur car notre père n’a que très peu de revenus. Il sortait arborant son étoile jaune à côté ses médailles militaires. Ancien combattant, gazé en 1916, il était très fier d’avoir servi son pays Cela ne nous empêchait pas d’écouter Radio Londres, tant que cela a été possible. C’est d’ailleurs à propos du poste de radio que nous avons eu la plus grosse frayeur. Un jour, mon père reçoit une convocation du commissariat. Nous pensons immédiatement à une arrestation. Pourtant le commissaire qui le reçoit lui explique

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qu’il a reçu une lettre anonyme l’accusant d’avoir conservé le poste de radio interdit aux Juifs. Le policier lui dit avoir déchiré la lettre et laisse repartir notre père. Je n’ai pas gardé de souvenir très marqué de la vie quotidienne. Ma mère parvenait à nous nourrir, en partie grâce à l’épicier italien en bas de chez nous. Les filles de ce monsieur avaient des relations intimes avec des Allemands, mais c’est pourtant lui qui mettait de côté des vivres que notre mère venait prendre aux heures autorisées pour les Juifs. Je me rappelle également avoir plusieurs fois pris le métro en catastrophe et être montée dans un wagon interdit. C’était risqué puisqu’en effet seul le dernier wagon était autorisé pour les Juifs. Il était courant que nous le partagions avec des voyageurs non Juifs. C’est ce qui fait une des originalités de Vichy et de l’occupation allemande puisqu’il y avait bien discriminations pour les Juifs français mais pas d’enfermement dans des ghettos. De même lorsque j’allais à l’Institut d’Arts de l’autre côté du jardin du Luxembourg m’arrivait-il, lorsque j’étais en retard, de le traverser en cachant mon étoile car la loi interdisait les jardins publics aux Juifs. C’était, par ce geste, prendre le risque d’une possible arrestation ».

Q. : Durant l’occupation, aviez-vous des informations sur ce que

devenaient les Juifs déportés ?

« Nous savions que des Juifs étaient arrêtés mais nous pensions qu’ils étaient envoyés en Allemagne pour travailler. Nous avions surtout peur que notre père ne rentre pas le soir lorsqu’il sortait. L’un de ses frères qui était marié à une Juive marseillaise avait été arrêté avec ses enfants. Nous l’avons su car ils ont pu nous envoyer une carte du camp de Drancy ; mais encore une fois, nous pensions qu’ils iraient travailler en Allemagne. Ils ne sont jamais revenus. L’autre frère de notre père, qui était rabbin, a été sauvé grâce la protection de Mgr Saliège de Toulouse qui l’a fait cacher lorsque les nazis ont occupé la zone libre. Lors d’une rafle à Paris,

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un frère de ma mère est arrêté. Il n’a pas été déporté en Pologne car il était marié à une catholique, une « aryenne » et était protégé par ce statut. Il est envoyé sur une île anglo-normande pour travailler au Mur de l’Atlantique. Lors du débarquement allié, donc en 1944, il est malgré tout déporté par les nazis mais son train est heureusement arrêté par des résistants belges. Je me rappelle le voir rentrer comme un clochard à la maison, et surtout la joie de ma mère de retrouver son frère. Après la guerre en 1947, j’ai passé mon agrégation d’histoire et ai poursuivi une carrière de professeur ».

Propos recueillis par Monique Epelbaum d’une rencontre au domicile parisien de Claude

Mossé, le 30 septembre 2014.

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2. Éliane Mossé

Question : Parmi les vingt-quatre jeunes filles déportées, laquelle

vous laisse un souvenir personnel particulier ?

Photo de classe de la Sixième A3 – Année scolaire 1941-1942 Prêt de Ginette Paulet-Das (1

er rang, première élève en partant de la gauche) Éliane Mossé (3

e rang, première

élève en partant de la droite) Rose Rosenkrantz (3e rang, première élève en partant de la gauche)

« Sur la photo de classe de l’année scolaire 1941-1942, on voit Édith, la plus jolie et la mieux habillée au centre du premier rang, et au dernier rang, moi maigre comme un clou tout à fait à droite, et Rose Rosenkrantz, l’air triste, tout à fait à gauche. C’est dans la classe de 6e du lycée Jules Ferry, durant l’année scolaire 1941-1942, que j’ai fait sa connaissance. C’était une élève timide, assez petite, avec un visage sérieux. Ce qui l’avait tout de suite distinguée des autres élèves, c’était son intelligence,

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exceptionnelle : très vite, elle était devenue la première de la classe, dans pratiquement toutes les matières : elle répondait sans hésitation, en donnant les bonnes réponses aux professeurs qui nous interrogeaient. Et nous, les autres élèves, nous ne la jalousions pas, même si les professeurs nous la donnaient souvent en exemple, car elle était serviable, toujours prête à nous aider, à nous expliquer quelque chose que nous n’avions pas compris, avec sa gentillesse et son sérieux. Nous l’admirions et l’aimions, sans réserve : je me souviens que le jour de son anniversaire, en juin 1942, trois mois avant sa mort, nous nous étions cotisées pour lui acheter un bouquet de fleurs… Une fille de la classe m’a dit un jour, sans méchanceté : "tu sais que Rose est juive ?" je lui ai dit : "et alors ? Moi aussi" et j’ai été parler à Rose à la récréation. Je lui ai demandé si elle avait peur mais elle m’a dit que non, il ne pouvait rien lui arriver : sa mère, qui avait fui la montée du nazisme, avait été naturalisée et elle-même, née en France, était également française. Et pourtant la loi du 4 octobre 1940 annulait les naturalisations des juifs étrangers intervenues sous la troisième République, de même que le « droit du sol» qui faisait de Rose une Française à part entière. Comment ont-elles pu l’ignorer ? Mais il est vrai que si elles l’avaient su, comment auraient elles pu s’échapper, sans connaissances susceptibles de les aider en France ? Rose vivait avec sa mère, Liba, dans un appartement proche du lycée, rue des Moines. Il y avait entre elles une relation fusionnelle : Liba était tout pour Rose et Rose, tout pour Liba. Elle l’adorait et nous en parlait souvent : elle avait fait un grand dessin, grandeur nature, de son visage, qu’elle nous avait fait voir : c’était magnifique. Le premier jour de l’étoile, j’ai été heureuse et fière de l’avoir à mes côtés, pour une fois semblables toutes les deux, moi, l’élève médiocre, elle, la surdouée… Liba et Rose ont été arrêtées lors de la rafle du Vel d’Hiv, le 16 juillet 1942. Quelques jours après, elles ont été séparées : Liba a pris un convoi pour Beaune la Rolande et Rose pour Drancy. Liba sera déportée à Auschwitz par le convoi 15, le 5 aout, avec mille personnes, dont 107 enfants ; elle sera gazée à son arrivée avec 700 personnes, dont les 107 enfants. Rose sera déportée à

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Auschwitz par le convoi 34, le 18 septembre, avec mille personnes, dont 163 enfants ; elle sera gazée à son arrivée avec 860 personnes, dont les 163 enfants (Source : Mémorial de la déportation des Juifs de France, Serge Karsfeld, 2012) ».

Q. : Quels souvenirs de Jules-Ferry sous l’occupation avez-vous en

mémoire ?

« Pour moi, les classes de Septième et de Sixième ont été plutôt agréables : j’avais pour la première fois une amie, Édith, qui avait des cheveux très roux ; nous échangions poupées, livres et petits cadeaux. Je me souviens qu’un jour de l’hiver 1940, elle m’avait emmenée chez elle après le lycée : elle habitait un très grand appartement place de Clichy. Il y avait de la neige sur le balcon de sa chambre, elle a été chercher un pot de confitures à la cuisine et, en grattant la partie la plus fraiche de la neige, elle a fabriqué des sorbets à la cerise : quel régal, d’autant plus que nous ne mangions jamais de glace à la maison, notre mère disant que ça faisait mal au ventre ! Mais après l’étoile, ses parents ont préféré qu’elle ne me voit plus en dehors du lycée. J’en ai été très triste. Au sujet d’une autre fille de ma classe : le cauchemar est arrivé avec elle à la rentrée, en octobre 1942. Quelques jours après cette rentrée, nous avons vu arriver au vestiaire où nous revêtions nos blouses beiges, une petite fille, jolie et très bien habillée, avec un béret. La directrice la tenait par la main et nous a dit : voilà votre nouvelle camarade, mademoiselle C. (je me souviens très bien de son nom mais peut être ces lignes pourraient un jour être lues par l’un de ses petits enfants qui n’y est pour rien, encore que je crois que les gènes des hyper collabos se transmettent). Elle nous a dit bonjour très gentiment, serrant la main de chacune et nous faisant piocher dans un gros sac de bonbons (la directrice a dit en riant : non, non, arrêtez, c’est juste pour aujourd’hui !). Il y a eu la classe, puis la récré, puis classe de nouveau et la sortie. Quand elle a vu que je mettais mon manteau avec l’étoile, elle m’a dit : "ah tu es juive, toi ! Et je t’ai dit bonjour ! Eh bien, je te dis pas-bonjour" et elle m’a donné un coup de pied dans la jambe. Quelques jours après, comme ma mère m’attendait à la sortie du

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lycée, une dame l’a abordée et lui a dit : "dites à votre fille qu’elle fasse attention, car la nouvelle élève qui l’embête est la fille du chef des collaborateurs de la région parisienne". Ce titre, dont nous ne connaissions pas la signification exacte, nous a évidemment effrayées. Les brimades n’ont plus cessé : injures (sale youpine, asperge, girafe juive…), boulettes de papier et cailloux envoyés à la figure pendant les récréations, coups de pied etc. J’avais peur et honte, je ne pouvais rien faire, je subissais, et le pire est qu’une bonne dizaine de filles, à qui elle distribuait chocolats et biscuits, la suivaient dans ses injures. Les autres ne disaient rien. Mais je me souviens d’une fille, qui s’appelait Annick Hervé, qui me serrait silencieusement la main au début et à la fin de la journée en me regardant droit dans les yeux : sur la photo de classe, je pense que c’est elle que l’on voit au milieu du dernier rang, dominant de sa taille les autres élèves. (Annick, où que tu sois, je t’embrasse). Quelques semaines après la libération, ma mère, qui était en train de lire le journal, m’a dit : "on a arrêté le père de la fille qui t’embêtait au lycée, c’était l’un des chefs de la milice, il a voulu s’enfuir et le journal (c’était Combat) dit qu’il a été abattu comme un chien". J’avoue, sans honte, que cette nouvelle m’a remplie d’une joie intense ».

Q. : Ces brimades entre élèves juives et non juives existaient aussi

avec les adultes ?

« Les professeurs de Jules-Ferry n’étaient pas en reste, pour certaines d’entre elles, du moins : je me souviens de deux professeurs, que j’ai eu en cinquième et quatrième, l’une de français et l’autre de latin, puis de latin-grec. Celle de français, mademoiselle L. était le modèle de la vieille fille aigrie, rêvant d’aller à Vichy pour rencontrer le maréchal. Elle avait été surnommée par quelques élèves contestataires : "L…, dite Lavache", et "deux Laval, une L…". En dépit de mes "origines", elle mettait des bonnes notes à mes rédactions et en lisait parfois des passages à toute la classe. Je me souviens d’une rédaction dont le thème était : "décrivez ce que vous voyez de la fenêtre de votre chambre". J’avais décrit, non la vue de ma chambre, que nous

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partagions à trois avec mes soeurs, et qui donnait sur un immeuble sans caractère, mais ce que je voyais de la fenêtre de la salle à manger où je faisais mes devoirs, qui profitait d’une vue plus dégagée, l’immeuble d’en face (où logeaient les officiers de la caserne des pompiers du 18e) étant plus bas que le nôtre. Dans ma conclusion, j’avais écrit : "Et quand, après l’averse, il (le ciel) se reflète, tout bleu, sur le toit encore luisant où se poursuivent incessamment les pigeons et les tourterelles, je crois que le ciel de l’univers entier est de cette couleur". Elle a lu ce passage et elle a dit : "quel souffle !" (en fait, c’était un peu ampoulé, pour ne pas dire… pompier !). A la sortie, la fille du collabo m’a dit : "alors, tu es fière la youpine, où tu l’as piquée cette phrase ?". Je me souviens qu’à la fin de l’année scolaire, mademoiselle L. n’a pas attribué le prix de français, alors que j’aurais dû l’avoir. J’ai été très malheureuse. Ma mère lui a demandé, à la sortie de la distribution des prix (où je n’avais rien obtenu) pourquoi je n’avais pas le prix de français alors que j’étais presque toujours première. Elle a répondu, avec un petit sourire : "les parents français n’auraient pas admis que le prix soit attribué à une petite juive". Celle de latin/grec, mademoiselle P. était une vraie perverse : elle écrivait en petites lettres des phrases en grec et en latin et me faisait venir sur l’estrade pour les traduire. J’étais myope comme une taupe, avec une myopie non corrigée (sur laquelle je reviendrai), et je me haussais sur la pointe des pieds pour déchiffrer la phrase, ce qui la faisait rire, elle disait : "plus haut, plus haut !" et je n’y arrivais pas. Alors elle se moquait de moi et prenait toute la classe à témoin : "Cette mademoiselle Mossé est-elle bien de chez nous ? Que fait-elle dans cette classe ? Qu’en pensez-vous ? Ne sait-elle pas que le grec et le latin sont à l’origine de notre langue ? Mais ce n’est pas sa langue !". Et même une fois elle a dit à mi-voix : "Mademoiselle Mossé devrait bien aller apprendre notre langue ailleurs : il parait qu’il y a de très bonnes écoles dans les camps de travail" (je cite de mémoire mais je jure que c’était le sens exact de ses remarques). J’avais droit, au moins une fois par semaine, à une séance d’humiliation de ce type ; la plupart du temps, les élèves riaient (et la fille du collabo applaudissait) parfois, elles étaient un peu gênées ; un jour, après l’une de ces séances, je pleurais

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pendant la récréation, réfugiée sous le préau, une fille est venue me dire : "ne pleure pas, c’est une salope !". Ce terme, qu’il était inimaginable que nous prononcions à la maison, m’a tellement effarée que je ne l’ai même pas remerciée. (Merci à toi, qui que tu sois et où que tu sois…) ».

Q. : Avez-vous parlé à vos parents des propos antisémites tenus par

cette enseignante ?

« J’ai demandé à ma mère d’aller la voir, pour comprendre pourquoi elle me tourmentait à ce point. Mademoiselle P. lui a donné un rendez-vous, qui a eu lieu juste après que ma sœur Claude ait obtenu à la Sorbonne une mention « très bien » pour son premier certificat de licence, en histoire moderne et contemporaine, je crois. Elle était revenue très heureuse et nous avait dit qu’en dessous de son nom il y avait une ligne ondulée, qui soulignait l’importance de ce résultat ! Décidemment, la Sorbonne était bien loin du lycée Jules-Ferry… Ma mère était aux anges. Et quand elle a vu mon horrible prof (j’étais là), elle ne lui a pratiquement parlé que de ma sœur, pour bien lui prouver que les membres de notre famille aussi avaient de très bons résultats et étaient de vrais Français. Elle avait raison, bien sûr, mais le lendemain, j’ai eu droit à une séance particulièrement pénible : Mademoiselle P. m’a fait monter sur l’estrade et a dit : "Madame Mossé est venue me voir hier et j’ai bien compris qu’elle ignorait complètement l’existence de mademoiselle Éliane Mossé et elle a bien raison, car cette mademoiselle Mossé là est nulle alors que sa sœur est parait-il très brillante, il en faut bien un tout petit peu chez ces gens-là. Madame Mossé ne devait pas se rappeler pourquoi elle voulait me voir, elle n’a pas plus de mémoire que sa fille etc…" (Là encore, je jure que je rapporte l’essentiel de ses propos). A la sortie, une fille m’a dit : "Ca nous amuse quand elle se moque de toi, mais ce n’est pas bien qu’elle se moque de ta mère". Oh mon Dieu comme je voudrais effacer ces souvenirs ! Et comme je voudrais que cette horrible femme brûle en enfer pour l’éternité ! J’ajoute qu’une fois, elle a peut-être fait preuve d’une dixième de seconde d’humanité : elle m’avait fait venir sur l’estrade et il y a eu une sorte de soupir général, comme une onde de satisfaction qui a couru parmi les élèves : on allait bien

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s’amuser ; alors, elle m’a dit de retourner à ma place, sans m’interroger ; mais malgré ce minuscule fragment de pitié, je la haïrai jusqu’à la fin de mes jours. Elle avait demandé au moment des notations finales, en juin 44, que je redouble ma quatrième, mais à la rentrée d’octobre, après la Libération, mes parents ont obtenu de la directrice que je passe en troisième ; celle-ci a accepté à condition que je change de section, j’ai donc été inscrite en « B » (ce qui était évidemment moins bien que la section littéraire A). J’ai du très vite me mettre à niveau en espagnol, malgré un an de retard, mais quel bonheur ! J’ai revu une fois mademoiselle P., après la rentrée ; elle a eu le toupet de m’aborder dans le préau et elle m’a dit qu’elle était contente que j’aie pu passer en 3e ! J’étais pétrifiée, j’aurais voulu la frapper, l’insulter, je n’ai pas pu mais je l’ai regardée avec une telle haine qu’elle a tourné le dos et a filé. J’ai appris quelques semaines plus tard qu’elle n’était plus à Jules-Ferry, mais personne ne savait où elle était passée ».

Q. : En dehors du lycée Jules-Ferry, comment avez-vous vécu, vous

ou votre famille, les effets des lois de discrimination du

gouvernement français ?

« Nous les vivions constamment, avec la peur au ventre. J’en donnerai un exemple avec la Rafle du Vel’d’Hiv. Peu de temps après l’instauration de l’étoile, le premier juin 1942, le lycée Jules Ferry a fermé ses portes pour les vacances d’été. Ma sœur Arlette avait été reçue à l’écrit du bac de première et préparait l’oral. Elle était convoquée le jeudi 16 juillet à la Sorbonne. Je ne suis pas prête d’oublier ce jour là : tôt le matin, nous avons entendu des cris. Ma mère a voulu descendre pour savoir ce qui se passait et je l’ai suivie : rue Damrémont, il y avait deux autobus où montaient des hommes, des femmes et des enfants, tous porteurs de l’étoile, poussés sans ménagement par des gendarmes français. Nous sommes retournées à l’appartement, persuadées que la police allait venir nous chercher. Que faire ? Où se cacher ? Mon père a dit qu’il fallait descendre à la cave, mais Arlette voulait absolument passer son oral. Alors, mes parents ont décidé que

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nous partirions tous ensemble, pour ne pas être séparés si l’on devait nous arrêter. Nous avons pris tous les cinq le métro à la station Lamarck-Caulaincourt, dans la dernière voiture, seule autorisée pour les juifs, avec nos étoiles. Les autres voyageurs nous regardaient avec étonnement, car le fait qu’il se passait quelque chose concernant les juifs devait, d’une façon ou d’une autre, être connu, mais je n’ai pas entendu de remarques hostiles, ni d’ailleurs de paroles de soutien. C’était le silence. Nous avons passé toute la journée assis sur un banc dans la cour de la Sorbonne. Ma sœur Arlette tremblait tellement et elle avait une veine tellement gonflée qui battait sur le front que j’ai pensé qu’elle allait mourir. A la fin des épreuves, elle est venue s’assoir avec nous pour attendre les résultats. Elle nous a dit qu’en chimie, comme elle ne réussissait pas à prononcer un seul mot, l’examinateur lui avait dit tout bas : remuez les lèvres, dites n’importe quoi pour que je puisse vous donner une note. Elle pensait qu’elle allait être collée, mais elle a quand même été reçue grâce à un 19 en chimie (où qu’il soit, que ce professeur de chimie soit béni : c’était un Juste.) Nous sommes repartis ; nous avions faim et soif mais, au "Dupont Latin", café proche de la Sorbonne, il y avait une grande pancarte avec "Interdit aux juifs et aux chiens". Nous sommes rentrés à la maison. Mes parents ont demandé à la concierge si la police était venue nous chercher. Elle a dit : "non, mais s’ils étaient venus, j’étais obligée de leur dire où vous étiez". (En effet, cette rafle là, celle du Vel’ d’Hiv’, n’était pas pour nous : elle ne concernait "que" les étrangers, pour reprendre l’expression de François Mitterrand). A la rentrée, ma sœur Claude a pu s’inscrire à la Sorbonne, comme ma sœur Arlette deux ans plus tard à la fac de médecine, dans le cadre des mesures dérogatoires prévues par les diverses lois relatives au statut des juifs, en particulier la "loi du 21 juin 1941, instituant un numerus clausus et réglant les conditions d’admission des étudiants juifs dans les établissements d’enseignement supérieur" ; j’en cite quelques extraits : "Article 1 : Le nombre des étudiants juifs admis pour chaque année d’études à s’inscrire dans une faculté, école ou institut

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supérieur ne peut excéder 3% des étudiants non juifs inscrits pour cette même année… Article 2 : Dans chaque faculté, institut ou école la commission de professeurs instituée par l’article 3… arrête la liste des étudiants juifs en admettant par priorité et dans l’ordre suivant : - 1°Les orphelins de militaires morts pour la France. […] - 5°Les fils ou filles d’un décoré de la légion d’honneur ou de la médaille militaire pour faits de guerre - 6°Les postulants appartenant à des familles nombreuse ou présentant des titres scolaires particulièrement méritants. En outre, par arrêté motivé pris par le commissaire général aux questions juives, peuvent s’inscrire en dérogation à l’article 1 les postulants dont la famille est établie en France depuis au moins cinq générations Article 3 : Dans chaque faculté, école ou institut, une commission de cinq professeurs désigné par le doyen de la faculté ou le directeur de l’école ou institut, procède à l’examen des demandes…La liste des étudiants juifs admis à s’inscrire est affichée au secrétariat de la faculté ou de l’école". Claude et Arlette appartenaient aux rubriques 5 et 6 de l’article 2 ainsi qu’à la dérogation liée aux cinq générations, mais j’ai le souvenir de la multiplication des démarches à renouveler chaque année pour trouver toutes les pièces justificatives, dans un monde dépourvu de téléphone (pour nous), de photocopieuses et de fax…Et l’angoisse de mes sœurs quand la réponse n’arrivait pas. Il est étonnant que cette mesure n’ait pas été abrogée ultérieurement. L’une des raisons que l’on peut invoquer est la disparition naturelle des candidats, soient parce qu’ils étaient prisonniers ou déportés, soit parce qu’ils avaient trouvé refuge dans la clandestinité grâce à de faux papiers, où avaient pu partir à l’étranger : ma sœur Claude m’a dit que lors des cours donnés dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, elle ne voyait pas d’autre étoile jaune que la sienne…. Les candidats potentiels pouvaient aussi craindre que le "fichage" public des listes d’étudiants juifs s’avère dangereux, et donne des idées de délation à certains… Et puis, des membres du corps enseignant, résistants ou du moins souhaitant limiter l’impact des mesures

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discriminatoires contre les juifs, ont peut être permis le maintien du numerus clausus. Mes deux sœurs ont donc pu poursuivre leurs études dans un environnement neutre en médecine, généralement sympathique à la Sorbonne : Claude nous a dit à plusieurs reprises que des professeurs lui avaient fait parvenir discrètement des petits mots lui demandant de s’absenter le lendemain, une descente de police étant possible. Par contre, il lui a été interdit de s’inscrire au concours d’entrée à Normale Sup au printemps 1944, qui débouchait sur des postes de professeur dans l’enseignement, interdit aux juifs. (Si sa carrière universitaire a été brillante, le fait de ne pas avoir été normalienne lui a cependant été reproché à certaines occasions, par exemple quand elle a fait acte de candidature pour être professeur à la Sorbonne) ».

Q. : Pouvez-vous donner des exemples de ce « vécu » antisémite ?

« Je garde quelques souvenirs de retours à la maison, sortant du lycée, accompagnée par ma mère. Pour rentrer nous devions emprunter le pont Caulaincourt. Je me rappelle qu’un jour croisant un milicien, celui-ci a arraché mon écharpe en me traitant de « sale petite youpine » car il avait entrevu mon étoile et avait dû penser que je cherchais à la cacher ; en réalité c’était le vent qui en était responsable. Heureusement celui qui l’accompagnait devait avoir des choses plus sérieuses à faire car il n’y a pas eu de suite. Une autre fois, dans ce même quartier, je croise deux femmes sortant d’un hôtel situé à l’angle de la rue Joseph de Maistre qui était alors l’un des sièges de la Gestapo ; l’une me regardant dit à l’autre, assez fort pour que j’entende, "t’as vu la petite juive une vraie guenon". Il y a eu d’autres exemples mais aussi quelques gestes de gentillesse. Ainsi, une vieille dame que je ne connaissais pas, m’abordant et me prenant dans ses bras, m’a dit, ignorant l’étoile : "Vous avez un joli petit chien". Elle ne faisait que

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regarder la broche offerte par ma camarade Édith que ses parents interdisaient de me fréquenter ».

Q. : Ce vécu durant la guerre a-t-il eu des effets sur vous après

1944 ?

« Mes mauvais souvenirs de Jules Ferry étaient si obsédants que j’ai présenté en seconde la première partie du bac (je m’étais inscrite en candidate libre, sans en parler à personne, sauf à ma sœur Claude, qui m’a fait réviser le programme de première, grâce aux livres de classe qu’elle avait conservés). J’ai été reçue, mais la directrice a dit à mes parents quand ils ont voulu m’inscrire en philo qu’il était scandaleux que je n’ai pas prévenu la direction du lycée de ma décision de passer le bac en sautant une classe ; donc, soit je faisais la première à Jules-Ferry, soit je quittais le lycée. Claude a réussi à me faire admettre en philo à Lamartine, où j’ai plus milité à l’UJRF (nom des jeunesses communistes) que travaillé ; j’ai quand même été reçue à la seconde partie du bac, puis à l’examen d’entrée à Sciences Po, où je suis entrée à tout juste dix-sept ans ; mais c’est une autre histoire… »

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3. Mireille Warshawski

En 1940, Mireille Warschawski habite Strasbourg. Sa famille se réfugie à Paris

et habite dans le 18e arrondissement. Elle appartient à une famille très

religieuse.

_____

« […] Le lycée Lamartine était tout près de chez nous et, en plus, était dirigé par une ancienne surveillante générale du lycée de Strasbourg qui nous connaissait. Maman était sûre que tous nos problèmes, y compris ceux du Shabath, étaient de ce fait résolus. Quelle ne fut pas sa surprise quand Mademoiselle Klein refusa de nous accepter ! C'était la seule manifestation d'antisémitisme que nous avions eu à subir… (Je regrette un peu de ne pas avoir porté plainte contre elle après la guerre…). Ma mère nous a alors inscrites au lycée Jules-Ferry qui avait eu des élèves juives religieuses. Éliane [Éliane Warshawski, la sœur de Mireille] entrait en quatrième et moi en première et tout se passa bien avec les professeurs, l'administration et les copines. Le seul problème que nous avions du mal à résoudre était celui de porter des affaires le jour du Shabath, compte tenu qu'il nous était interdit de laisser quoi que ce soit au lycée. Nous quittions les dernières le vestiaire et nous cachions un petit sac sous le tablier écru obligatoire, en espérant que personne ne le trouverait.

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Le jour de la rentrée, je me suis trouvée à côté d'une autre nouvelle qui m'a avoué être également juive. Elle s'appelait Marie-Claire Bernard et nous sommes rapidement devenues amies. Les lois anti-juives n'étaient pas encore promulguées, et un jour elle m'invita à l'accompagner à la Comédie-Française, voir Le Misanthrope. Elle avait reçu des billets par son grand-père. Je n'ai su que bien plus tard que son grand-père était Tristan Bernard… Tristan Bernard fut arrêté, mais ne quitta pas Drancy, grâce à l'intervention de Sacha Guitry, qui était, lui, bien vu par les occupants. Je passai mes deux bacs préparés au lycée Jules-Ferry en section A (littérature, latin et grec). En 1942, lors du premier bac, l'oral se déroulait un Shabath et j'avais refusé de m'y présenter, espérant avoir plus de chance en septembre. Lorsque je m'aperçus que les oraux étaient prévus pour un Shabath et les deux jours de Soukoth, j'ai souhaité ardemment être convoquée le Shabath. Cela me semblait plus facile quant aux explications que je serais amenée à donner aux examinateurs qui me demanderaient d'écrire. Mon vœu fut exaucé. J'étais partie à pied pour la Sorbonne, accompagnée par Éliane et tante Marthe. Pendant ce temps, Pierrot, le fils de la concierge, s'y rendait, en métro, avec mon livret scolaire. Je craignais une interrogation en physique. Tout ce que je souhaitais était de ne pas recevoir un zéro éliminatoire. J'avais très bien préparé les autres matières, en particulier l'histoire… Tout se passa sans histoire pour les différentes matières. Le professeur de physique, à qui j'expliquais mon problème du Shabath, s'est donné le mal de me chercher une question qui ne nécessitait pas d'écrire. Ce ne fut pas sa faute si mes réponses ne furent pas brillantes mais je parvins, malgré tout, à obtenir une mention. Je m'inscrivis alors en classe de Philosophie. Je crois que Marie-Claire Bernard a été placée dans une autre section Philo que la mienne et partit en zone libre, après le bac. Éliane et moi allions donc au lycée avec notre étoile et papa se rendait à son bureau, muni de la sienne. Jamais nous n'avions eu d'aussi agréables camarades de classe et papa nous disait la même chose de ses collègues.

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Après le bac de philo, je décidai de faire une année de préparation en hypokhâgne au lycée Fénelon, dans le quartier Latin. Une seule de mes camarades du lycée Jules-Ferry se retrouvait avec moi, Pierrette Perret. Elle deviendra pour moi une amie particulièrement dévouée. Je pense que la plupart de mes camarades ne savaient pas exactement ce qu'était un Juif et ignoraient totalement en quoi consistait la pratique du judaïsme. Je suppose que, pour la première fois de leur vie, elles étaient en classe avec quelqu'un qui n'écrivait pas le Shabath. Elles découvrirent encore bien d'autres comportements étonnants. Pour résoudre le problème de porter le Shabath, je demandais à Pierrette de m'aider. Elle accepta immédiatement, sans demander d'explication devant ce comportement pour le moins bizarre… et difficile à expliquer ! Le vendredi, je lui confiais mes affaires pour le Shabath, elle les apportait chez elle et me les rapportait en classe le samedi matin. Elle les rapportait chez elle après la fin de la classe et je les récupérais le dimanche ou le lundi. Après la fin de la guerre, nous avons été mis en face de l'horrible réalité. Nous savions qu'il existait des camps pour les Juifs, mais personne n'aurait pu imaginer, même en pensant au pire, ce qui s'était réellement passé. Les déportés qui revinrent ne parlaient pas, pour de multiples raisons. Nous apprîmes les noms de toutes nos connaissances et amis qui ne reviendraient plus, sans pour autant pouvoir nous imaginer quelle a été leur horrible fin ». Source :

[En ligne, consulté en novembre 2014]

URL= http://judaisme.sdv.fr/histoire/rabbins/warshaw/mireille.htm

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4. Témoignages complémentaires9

Témoignage de Geneviève DESMADRYL, née ALANDENISE,

Élève entrée en octobre 1935 :

« Mai 1942 : Obligation aux Juifs de porter l’étoile jaune. Grande émotion au vestiaire car, à Jules Ferry, les élèves juives sont nombreuses. L’une d’elles porte en dessous de l’étoile une pochette où est marqué : "Honni soit qui mal y pense". Petit à petit, nos camarades disparaissent pour notre plus grande angoisse ».

Témoignage de Georgette SERS-GAL,

Professeur (1939 à 1966) et résistante :

« Les moments les plus cruels furent lorsqu’une absence prolongée, silencieuse, nous amenait à faire une petite enquête dans le quartier à l’adresse de l’absente. Apprendre que mari, femme et enfants avaient été arrêtés pour cause raciale ! Inoubliable visage baigné de larmes d’une collègue 10 , chassée de sa chaire en novembre 40 : "Si seulement on m’avait laissé le temps de finir mon cours du 1er trimestre à mes Math Elem", nous disait-elle au moment de l’adieu ».

Témoignage de Simone GROS,

Élève (1940-1945), puis Professeur (1961-1991) :

« 17 juillet 1942 : je suis en 3e et le lycée fonctionne jusqu’au 31 juillet. Ce matin-là, à la récréation, je vais comme d’habitude rapporter le cahier d’appel chez Mademoiselle Dorat, la surveillante générale. Dès qu’elle m’aperçoit, elle me demande d’un ton inquiet : "il y a des absentes ce matin ?" Nous les connaissons toutes, car elles portent depuis des mois l’étoile jaune sur tous leurs vêtements, même les plus petites de la 11e à la 7e. Nous apprenons plus tard que nos malheureuses camarades sont au Vel’d’Hiv., en instance de "déportation". Mais personne ne sait à ce moment-là la terrible réalité qui se cache derrière ce mot ».

9 Témoignages complémentaires extraits de la plaquette : La mémoire du lycée Jules Ferry, 1913-

2000. 10

Il s’agit vraisemblablement d’Adrienne Ullmann, professeur de Mathématiques révoquée à la fin

de l’année 1940.

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GENÈSE DU PROJET

Lorsque je suis entrée au lycée Jules-Ferry, à Paris, comme

professeur d’histoire, en septembre 1997, rien ne laissait supposer qu’il ait

été le théâtre de tragédies humaines. Nulle trace des violences antisémites

de la Seconde guerre mondiale n’apparaissait dans ces bâtiments construits

entre 1913 et 1934 pour accueillir les jeunes filles du 9e arrondissement et

d’ailleurs.

En 1999, à la suite d’une conversation avec une collègue, j’ai voulu

connaître les élèves juives de notre établissement victimes des lois

ignominieuses de l’occupation nazie et de Vichy. Celles qui furent

pourchassées, arrêtées, bien trop souvent par la police française, déportées

pour mourir gazées dans les centres de mise à mort en Pologne.

Dans des boites d’archives entreposées dans les bureaux de

l’administration du lycée, j’ai pu retrouver et étudier les fiches de scolarité

cartonnées et heureusement conservées des jeunes filles inscrites dans

l’établissement depuis sa création. J’ai ainsi relevé le nom de toutes les

élèves ayant quitté l’établissement entre 1940 et 1944, alors que Paris était

sous la botte nazie.

Sur l’ensemble des jeunes filles signalées comme sortantes durant

cette période, vingt-quatre étaient malheureusement inscrites dans le

Mémorial des 11 400 enfants juifs déportés de France (FFDJF éd., juin 2008)

de Beate et Serge Klarsfeld, rappelant les lieux d’arrestation, camps

d’internement, date des convois et lieux de déportation. Elles étaient vingt-

quatre dont la plus jeune était encore en classe enfantine tandis que les plus

âgées venaient d’obtenir leur baccalauréat. Heureusement, certaines élèves,

bien que signalées sortantes, eurent la chance, alors qu’elles étaient juives,

d’être cachées par des Justes de France et d’échapper à la déportation.

Cette démarche personnelle s’inscrivait dans un mouvement plus

général à Paris. En 1997, des habitants du XXème arrondissement avaient

créé avec d’anciens déportés, le « comité Tlemcen » afin de sauvegarder la

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mémoire des enfants juifs de cette école de garçons de la rue de Tlemcen,

morts en déportation. Le 27 avril 1997, dans cette école, est posée la

première plaque commémorative de la ville de Paris à la mémoire des

enfants juifs assassinés.

Depuis, d’autres comités, les AMEJD, Association pour la Mémoire

des Enfants Juifs Déportés, ont été créés avec pour objectif de recenser par

école, collège, lycée le nom des élèves martyrisés. Aussi, lorsque l’AMEJD du

9e, présidée par Monsieur Sabi Soulam, entreprit de poser une plaque

commémorative au lycée Jules Ferry, me suis-je rapprochée d’eux afin de

participer à l’inscription de chacune des élèves de notre établissement. C’est

grâce au travail minutieux et acharné de l’AMEJD quel leurs noms sortirent

de l’ombre et de l’oubli.

Le 5 juin 2009, lors d’une exceptionnelle cérémonie qui associait

l’ensemble de la communauté de l’établissement, les personnalités

représentant les associations de déportés, de résistants et des personnalités

officielles, une plaque au nom de nos vingt-quatre élèves fut posée, en leur

mémoire, dans le hall d’entrée.

Lorsqu’en 2012, les cérémonies pour le Centenaire du lycée Jules

Ferry prirent forme, je proposai de prolonger ce travail de remémoration en

impliquant une classe de collégiens de quatrième car je savais que les

recherches complémentaires devraient se faire sur deux années scolaires.

Une quinzaine d’élèves se sont engagés dans cette tâche. Ils

travaillèrent au Mémorial de la Shoah afin de retrouver les fiches de

déportation de nos vingt-quatre jeunes filles. Certaines fiches étaient

accompagnées de photos déposées par les familles ou leurs amis.

Mes élèves furent très émus de pouvoir associer un visage à des

filles connues uniquement par leur nom inscrit sur la plaque qu’ils voyaient

quotidiennement en entrant dans le lycée. A partir des divers documents

rassemblés, ils montèrent, pour le Centenaire en janvier 2014, une

exposition destinée à être visitée par l’ensemble des élèves de

l’établissement car elle fut placée dans le grand hall, lieu d’intense

circulation.

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Par l’intermédiaire du Mémorial de la Shoah nous prîmes contact

avec les familles ayant déposé ces archives, de sorte qu’elles soient

informées de l’exposition prévue pour janvier 2014. Certaines nous firent

parvenir de nouveaux documents comme les cartes postales de Fortunée

Choel écrites de son camp d’internement de Drancy, dont l’une la veille de

sa déportation le 9 novembre 1942.

Alors que nous étions en cours de recherches pour l’exposition,

Monsieur Jean Charles Rousseau, professeur de théâtre nous proposa de

préparer, pour le Centenaire, une lecture commémorative autour du texte

de Françoise Verny, élève de l’établissement durant la guerre, devenue

éditrice à Paris. Dans ses souvenirs, Serons-nous vivantes le 2 janvier 1950 ?

(Grasset, 2005), Françoise Verny fait revivre son amie et condisciple sur les

bancs de Jules Ferry, Nicole Alexandre qui fut déportée le 20 novembre

1943. C’est ainsi qu’en parallèle de l’exposition, une cérémonie

commémorative fut organisée sous la coupole du lycée.

Deux anciennes élèves, Irène Cavallaro et Diane Jacquier, lurent le

texte central de souvenirs de Françoise Verny à propos de Nicole Alexandre

tandis que Nathan Sarfati, à la clarinette, accompagnait la lecture de thèmes

musicaux particulièrement émouvants et évocateurs. A cette cérémonie, mes

élèves, désormais en troisième, s’associèrent par une lecture nominative ;

celle-ci évoquant la trop courte biographie de nos élèves déportées, qu’ils

avaient les uns et les autres choisies de représenter.

Après cette bouleversante lecture, nous pûmes écouter le

témoignage de Madame Eliane Mossé accompagnée de son ancienne

camarade de classe Ginette Paulet et de sa sœur Claude Mossé, également

élève de Jules Ferry durant la guerre. Madame Eliane Mossé avait souhaité

rappeler dans un texte très personnel, le souvenir de son amie de classe de

sixième, Rose Rosenkrantz et de sa mère, toutes deux arrêtées lors de la

rafle du Vel’ d’hiv les 16 et 17 juillet 1942 puis déportées le 18 septembre

1942 et assassinées à Auschwitz.

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Nombreux furent ceux qui aidèrent au montage de l’exposition ainsi

qu’à la cérémonie. Ils souhaitèrent participer à l’évocation de ce que fut la

Shoah et ses conséquences sur notre lycée.

Le père d’une élève de troisième, Monsieur Loïc Maiche, directeur de

l’imprimerie ADM, a gracieusement accepté de mettre ses compétences

ainsi que celles de ses collègues, au service de la reproduction et de la mise

en page des panneaux d’exposition, veillant à ce qu’ils fassent honneur à

nos élèves disparues.

L’exposition « L’enfant cachée » gracieusement prêtée par l’AJPN,

Anonymes, Justes et Persécutés durant la période nazie a enrichi notre

démarche en lui conférant une dimension plus pédagogique.

Madame Fourno, Proviseur du lycée, Monsieur Terrana Principal-

adjoint, Colette Roc, notre secrétaire de direction, Régis Brion, Franck Duclos

et Fred Frigere, agents de l’équipe technique, ainsi que l’ensemble du

personnel, ont répondu activement lorsqu’il s’est agi de monter, organiser,

installer l’exposition et de préparer la cérémonie.

Je tiens à remercier chaleureusement le Comité pour le Centenaire

du lycée Jules-Ferry, tout particulièrement Patrick Jehan, professeur

d’histoire, ainsi que Pierre Porcher, ancien élève et jeune professeur

d’histoire, pour leurs encouragements patients.

Monique Epelbaum

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 117

BIBLIOGRAPHIE

HISTOIRE DE LA DÉPORTATION DES JUIFS DE FRANCE

- Serge KARSFELD, Mémorial de la Déportation des Juifs de France, FFDJF

(Fils et filles de déportés juifs de France), 2012. [Nouvelle édition, mise à

jour, avec une liste alphabétique des noms].

- André KASPI, « Vichy a-t-il sauvé les Juifs ? », in Auschwitz, la Solution

finale, présenté par Annette Wieviorka, Paris, Tallandier 2005.

- Georges LOINGER avec le concours de Sabine ZEITOUN, Les résistances

juives pendant l'occupation, Préfaces de Simone Veil, Jean Louis Crémieux-

Brilhac, André Kaspi et Serge Klarsfeld, Paris, Albin Michel, 2010.

- Michael R. MARRUS, « Pierre Laval et les enfants juifs », in Auschwitz, la

Solution finale, présenté par Annette Wieviorka, Paris, Tallandier, 2005.

- Annette WIEVIORKA, « La gloire des Justes », in Auschwitz, la Solution

finale, présenté par Annette Wieviorka, Paris, Tallandier, 2005.

- Les 11 400 enfants Juifs déportés de France, juin 1942-août 1944, préface

de Serge KLARSFELD, Paris, mars 2007. [Plaquette réalisée par Les Fils et

Filles des Déportés Juifs de France et la Mairie de Paris]

- Organisation Juive de Combat : Résistance/Sauvetage France 1940-1945,

livre mémorial composé et édité par l'Association des Résistants Juifs de

France, Paris, Autrement, Collection Mémoire n°85.

HISTOIRE DU LYCÉE JULES-FERRY

- La mémoire du lycée Jules Ferry. 1913-2000, Paris, lycée Jules-Ferry, 2000.

- Pierre PORCHER, Histoire du lycée Jules-Ferry. Des arts domestiques à

l’informatique (1913-2013), Paris, AHLJF, 2013, 157 p.

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118 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

TABLE DES MATIÈRES

ONT PARTICIPÉ ....................................................................................................... 5

INTRODUCTION ...................................................................................................... 7

INTRODUCTION AU MÉMORIAL ........................................................................ 15

MÉMORIAL DES VINGT-QUATRE ....................................................................... 19

Micheline Kleiner ...................................................................................................................... 20

Estelle Moufflarge ..................................................................................................................... 22

Rose-Claire Waissman ........................................................................................................... 24

Mira Alder ................................................................................................................................... 26

Nicole Alexandre ...................................................................................................................... 28

Fortunée Choel .......................................................................................................................... 30

Rosette Hayem .......................................................................................................................... 32

Huguette Navarro .................................................................................................................... 34

Colette Navarro ........................................................................................................................ 36

Renée Cohen .............................................................................................................................. 38

Janine Lubetzki .......................................................................................................................... 40

Alexandra Cheykhode ............................................................................................................. 42

Jacqueline Berschtein .............................................................................................................. 44

Thérèse Gradsztajn .................................................................................................................. 46

Ethel Orloff .................................................................................................................................. 48

Gilberte Rabinowitz ................................................................................................................. 50

Jacqueline Rozenbaum ........................................................................................................... 52

Rose Rosenkrantz ..................................................................................................................... 54

Paulette Cohen .......................................................................................................................... 56

Paulette Goldblatt .................................................................................................................... 58

François Roth ............................................................................................................................. 60

Jacqueline Rotszyld .................................................................................................................. 62

Marguerite Margot Scapa ...................................................................................................... 64

Olga Zimmerman ..................................................................................................................... 66

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LYCÉE JULES-FERRY (PARIS) 119

INTRODUCTION AUX ANNEXES ......................................................................... 69

ANNEXES ET DOCUMENTS ................................................................................. 71

1. Liste chronologique des convois de déportation des Juifs de France ........... 71

2. Correspondance de Fortunée Choel (1942) .......................................................... 75

3. Etty Menahem, élève ..................................................................................................... 84

4. Gilberte Nissim, élève ................................................................................................... 85

5. Andrée Pauly-Santoni, professeur, Juste parmi les Nations ........................... 86

6. Annette Maignan, professeur ..................................................................................... 88

7. Le destin des parents d’Ethel Orloff ......................................................................... 89

TÉMOIGNAGES ...................................................................................................... 91

1. Claude Mossé ................................................................................................................... 91

2. Éliane Mossé ..................................................................................................................... 97

3. Mireille Warshawski .................................................................................................... 108

4. Témoignages complémentaires .............................................................................. 111

GENÈSE DU PROJET ............................................................................................ 113

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. 117

TABLE DES MATIÈRES ........................................................................................ 118

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120 MÉMORIAL DES ÉLÈVES DÉPORTÉES (1942-1944)

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