musique et transe introduction

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    pourAurlie

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    Ne pas secontenter d'trece que l'on est, ilsemble quece soitunprivilgede notreespceet que, ds les temps les plus reculs,

    les reprsentants de celle-ci aient procd comme s'ils avaient

    t pousss par le besoin demodi fier tout le moins leur aspectextrieur et, ainsi, de maquiller en quelque sorte ce qu'ils ont

    reu de naissance. Quetrs tt ceuxqui nousont prcds aient

    pris, ft-ce seulement sur leplan de la construction mythique,

    des liberts avec l'apparence humaine considre comme sus-

    ceptible d'tre mtamorphose jusqu' en devenir presque

    mconnaissable, n'est-ce pas ce que nous montre l'art prhisto-

    rique avec, exemple notoire, l'nigmatique figure d'poque

    aurignaciennede lagrottearigeoise ditedesTrois-Frres, qu'ils'agisse (comme on l'a crulongtemps) d'un danseurdguis en

    bte au chefcouronn de bois ou (interprtation plus rcente)

    d'un dieu mi-humain mi-bestial ? Par ailleurs, un coup d'il

    panoramiquesur lesdonnesde l'ethnographien'amne-t-ilpas

    constater que nulle part, et mme l o l'on serait tent de

    regarder comme relativement primitifs les groupes qu'ilsforment, nos congnres ne se prsentent comme des animaux

    nus (bruts, tels quels, non altrspar rapport ce qui leur estoriginellementdonn) et, d'une maniregnrale, dpourvus

    tant au point de vue physique qu'au point de vue mental de

    sophistications qui (changements apports au corps de l'indi-

    vidu aussi bien masculin quefmininpar ajoutft-ce du plusminime accessoire oupar atteinte directe et, au niveau moins

    PRFACE

    Extrait de la publication

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    La musique et la transe

    lmentaire des rapports sociaux proprement dits, rglementa-

    tion du commerce sexuel, laboration de langages et de rituelscomplexes, etc.) loignent l'espce humaine telle que nous la

    connaissons de ce qu'on peut tenirpour l'tat de nature et la

    posent prcisment en cette espce trs singulire, distincte des

    autres nonseulement parl'ampleurde ses capacits d'interven-tion (notamment dans le domaine technique), mais en ce sens

    que tout semble se passer pour elle comme si elle avaitparadoxalement pour destin de refuser obissance au seul

    destin.

    Le pouvoir dparti l'homme de se concevoir autre qu'il

    n'est , c'est ainsi qu'en Occident, au dbut de notre sicle, un

    essayiste aujourd'hui quelque peu oubli, Jules de Gaultier,

    dfinissait ce que, se rfrant au contenu psychologique duclbre roman de murs de Gustave Flaubert, il nommait le

    bovarysme, tendancedans laquelle il voyait, traversl'illustra-

    tion exemplaireque lecomportementd'un personnagedefictionlui en fournissait, l'une des forces motrices de l'esprit humain,

    force particulire nous, qui sommes toujoursports nous

    illusionner sur nous-mmes et plongs, d'ailleurs, dans un

    monde que l'illusion rgit et qui n'est en dfinitive qu'unproduitde la pense. Quelques rserves qu'on puisse fairesur les

    vues philosophiques, assez confuses il faut le reconnatre, de

    celuiqui nes'inspira pas mmed'unmythemaisd'unecration

    littraire pour forger cette notion, il parat difficile de ne pasadmettrequ'aveccelle-ci ilavait,du moins,soulign juste titre

    l'importance d'un traitqui entouspayset toutes poquesfait

    de l'homme quelque chose, pourrait-on dire, de diffrent del'animalqu'ilest.

    Mus peut-tre par l'angoisse inhrente l'ide de la mort,angoisse qui leur serait propre selon l'opinion commune quiveut que l'espce humaine soit la seule dont les membres

    sachentqu'unjourils nevivront plus, les gens detoutes racesse

    sont dots d'institutionsetd'usagesqui, mmesi ce n'est pasl

    lebut expressment vis, leurfournissent des moyens de cesser,

    du moins pour un temps et de manire tout imaginaire, d'trel'homme ou la femme qu'on est dans l'existence quotidienne,pratiques fort diverses qui (sans prjudice de motivationsplus

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    Prface

    directement utilitaires) sont pour l'individu des occasions

    concrtes d'chapper dans unecertaine mesure sa condition,comme s'il lui fallait d'une faon ou d'une autre effacer des

    limitesqui sont pardfinition celles d'un treprissableet dou

    depouvoirsprcaires.Etre hors de soi (comme l'implique la transe, tatpsychique

    auquel en vrit l'animal curieusement dvoy qu'est l'homme

    n'est sans doute pas seul pouvoir accder, et comme les

    mystiques y parviennent dans leurs extases), se propulser dans

    un autremonde (ainsique faitle chaman), devenirun autrequesoi (ce quoi revient la possession, nullement rejete chez denombreux peuples et mme souvent intgre des cultesparfaitement licites), ces trois types de rupture non

    recherchs comme tels, maisplus radicaux queceux dontart et

    jeu offrent plus ou moins ouvertement des moyens- apparais-sent, quels que soient les buts consciemment poursuivis,

    commede ralisationpresquecourantedansdes socits moins

    industrialises que ne le sont les ntres, oprvalent officielle-

    ment des idologies rationalistes lies leur dveloppementtechnique trs pouss et o la vie, loisirs compris, s'avre

    beaucoup plus mcanise et minute, du moins en milieuurbain.

    Qu'proposde tels phnomneson parled' tats seconds ,

    cette tiquette qui demeure ngative n'apporte aucun

    claircissement, car elle n'indique pas ce que sont de pareilstats et moins encore parquelles voies ony parvient. Certes, lesobservations faites ce sujet ont fourni la matire d'une

    littrature abondante et d'autant plus diverse qu'elle varie en

    fonction non seulement des champs d'observation mais des

    disciplines respectives des auteurs. Toutefois, malgr l'indnia-

    ble qualit de nombre de ces tudes et aussi large que soit

    l'ventail des points de vue adopts, l'obscurit reste grande,

    l'image mme de ce que les tats en cause atteintes tout lemoins partielles,encore que temporaires, l'identitdeceluiqui

    les vit ont de troublepar dfinition. Or, ne serait-ce qu'auniveau du vocabulaire, cette confusion se trouve aujourd'hui

    beaucouprduite par l'ouvragequ'un spcialistedela recherche

    ethnomusicologique, GilbertRouget, a consacrau rle que la

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    La musique et la transe

    musique joue, ou ne joue pas, dans cet ensemble de phno-mnes.

    De touslesarts, la musiqueest probablementceluiquitouche

    le plus directement la sensibilit et parat, plus que tout autre,

    permettre l'individu de plonger dans un tat de ravissement

    que volontiers on qualifierait d'extase ou d'tre saisi par cetransport que la philosophie de la Grce antique a nomm

    enthousiasme et qui, affectant telle une possession latotalitde la personne,peuten certains cas (tmoin ces concertsde musique rockqui amenaient leurs jeunes auditeurs briser

    lesfauteuils) se traduire par desviolences presque aveugles. Quela musique se dveloppe dans le temps, comme il en est de la

    posie, qui n'est passeulement unjeu d'ides etd'imagesmaisa

    elleaussises valeurs rythmiquesetmlodiques, voilsans doute

    ce qui luidonne cette emprise ne dirait-onpas que de telstats

    sont des paroxysmes auxquels on ne saurait atteindre sans une

    sorte d'imprgnation qui exige une certaine dure pour se

    produire et peut tre regarde comme l'action plus ou moins

    insistante qu'exerce sur nous un droulement extrieur auquel

    nous nous trouvons intimement associs ? Pareil pouvoir,

    semble-t-il, ne peut tre le fait d'une uvre plastique, aussi

    fortementqu'ellemeuve, car la contemplationvisuelle-mmeprolongeet mme si, au lieu deprocderd'un coup, elle se fait

    en allant de dtail dtail n'estpas fondamentalement liela coule du temps, comme l'est l'apprhension de quelque

    chose qui, par voie d'audition ou de lecture, entrane l'espritdans une manire d'aventure en laquelle on serait tent de dire

    que c'est le temps lui-mme qui s'exprime, ce temps toujours

    ouvert que l'on vit comme si chacun de ses instants ne prenaitsens qu' la lumire del'instantsuivant. Riend'tonnant, donc,

    ce quela musique soit l'accompagnementd'un grand nombre

    de rituels, ces ensembles d'actions constituant quels qu'ensoient les butset les dessous une suitede moments enchans

    dans un ordre dtermin, suite non moins rgle qu'une

    reprsentation thtrale et qui, tranchant elle aussi sur la vie

    courante et revtant uneforme hautement traditionnelle, impli-

    que ce double titre unecertaine stylisation. Cettetendance se

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    dtacher du commun est, il va de soi, propice l'intervention

    d'lments proprementesthtiques etnotammentdela musique,qui apparat souvent lie l'activit elle-mme fortement

    stylise qu'est la danse et contribue distancier le rituel lesituer dans une autre sphre, en l'espce celle du sacr en

    mme temps que, chez les intresss qui d'instant en instant

    s'imprgnent de son dveloppement, elle suscite une troite

    participation motive au droulement de cette suiteprivilgie,

    le rituel dont elle est l'un des aspects. la limite, peut-trefaudrait-il admettre que la musique n'est pas seulement un

    lment important de beaucoup de rituels, mais que sa seulecoute, le seul fait de s'attacher sa perception en se laissant

    pntrer par elle et en sepliant mentalement ses cadences etinflexions,estdj une bauche dusemblant de riteque sont les

    auditions (d'opras ou d'autres uvres musicales) organises

    dans des salles ou d'autres lieuxaffects cegenre demanifes-tations.

    Apte galvaniser en quelque sorte la personne, la tirer de

    son ornire d'une faon ou d'une autre, la musique serait en

    somme l'un des moyens par excellence d'engager temporaire-

    mentdans une espcederveveill tantsoit peu comparablece qu'est le bovarysme au sens strict (les tats d'me d'une

    EmmaBovaryavidede s'leverau-dessus de la mdiocritde sa

    vie provinciale et, telle une possde incarnant l'un deses dieux

    en une sorte de thtrevcu, sefabriquant un personnage avectant de bonne foi qu'elle assumera ce rle jusqu' en mourir,s'tant mont la tte comme d'autres s'abandonnent un

    esprit qui, selon une reprsentation trs rpandue, leur monte

    sur la tte). Si la transe et la possession sont des voies parlesquelles on sort expressment de soi, l'une des premires

    questions qu'est amen se poser celui qui tudie cesphno-mnes porte sur la nature exacte des relations que chacun de

    leurs modes trs divers peut avoir avec la musique, moyen(comme je l'ai dit en d'autres termes) de substituer au moiordinaire un moisublimisetque l'observation montre associ

    trsfrquemment l'atteintede pareils tats. Connaissant pourl'avoir vcu ou par de multiples tmoignages quelles vives

    motions peut procurer la musique, ne sera-t-il pas port

    Extrait de la publication

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    La musique et la transe

    croire que les sonset les rythmes agissent pour ainsidired'eux-

    mmes et fonten l'occurrence fonctionde droguesquiengendre-raient quasiautomatiquementleurseffets ?L'importanced'trefix sur ce point ne saurait chapper ceux qui, sans avoir

    besoin pour celad'tredesethnologues,sed fient desinterprta-tionshtives fondes implicitement sur ce postulat laperma-

    bilit toute spciale qu'auraient aux excitations sensorielles

    immdiates desgens appartenant dessocits qui, technique-

    mentmoinsquipes, nous paraissent plus prochesdela nature

    que ne le sont lesntres. Or c'est une telle interrogation entreautres qu'une rponseestfournieen quelquemesure par le long

    et scrupuleux travail ici prsent.

    quelques conjonctures qu'elle rponde, la transe qui siconstamment, en raison des circonstances dans lesquelles elle

    survientetde la formequ'ellerevt, s'avrerelever du ritemalgr

    l'apparentabandon se prsente commeuntat plusou moins

    spectaculairementdistinct de l'tatordinaire. Comment s'oprepareil changement et comment se fera, ensuite, le retour lanorme ? Quelles sont les modalits spcifiques de cet tat,

    modalits qui varientselon les cultures et, au sein d'une mme

    culture, selon les fonctions remplies et selon les puissances

    supposes en jeu ? Telles sont les questions qui d'emble se

    trouvent souleves. Et, comme de telles conduites s'organisent

    en des scnarios parfois des plus complexes, il faut, dans

    chaque cas typique, traiter cesconduitescommelmentsd'unesquencedonton enregistre ledveloppement, desortequec'est

    un point de vue dynamiquepar dfinition qu'adopte celui quiveutmener biencette tude. Un tel point devue, Gilbert Rouget

    l'a fait sien expressment, quand il a recherch quels peuvent

    tre les rapportsentre ces phnomnes etla musique quien est

    l'accompagnementdans la plupart des cas mais non toujours

    (comme en tmoignent, par exemple, les accs de possessiondmoniaquequi en Europe donnrentlieuautre fois des procsen sorcellerie et, plusprs de nous, la crise hystrique). Est-il

    tmraire dedire que c'est parce que, musicien, iltait particu-lirement enclin observer les choses dans leur mouvance,

    comme on suit le droulement d'une mlodie, que Gilbert

    Rouget s'est attach avec tant de minutie non seulement

    Extrait de la publication

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    distinguer les divers moments d'une transe (suivietravers les

    attitudes et gestes qui la manifestent), mais noter les varia-tions qui dpendent des degrs d'exprience auxquels accde lepatient, depuis les transes sauvages dont souvent il est la

    proie tout d'abord jusqu' des transes nettement ritualises et,

    en quelque sorte, plus conformistes, quelle quepuisse tre leur

    violence? Quoi qu'il en soit, l'un de ses grands mrites sera

    d'avoir beaucoup affin l'analyse de ces phnomnes en les

    prenant dans leurs diversesphases et aux divers stades de leur

    volution, comme ds le principe l'y invitait d'ailleurs sonpropos dterminer la nature de la corrlation plus ou moins

    troite qu'il est loisible d'observer, assez gnralement, entre

    transe qu'exprimentdescomportements particulierset interven-

    tion musicale, choses qui l'une et l'autre talent leurs fluctua-tions sur une certaine dure.

    Certes, il est impossible de rsumer en quelques lignes les

    conclusions trs nuances que Gilbert Rouget pose, avec une

    prudence extrme, aprs analyse serre d'une masse de faits

    ethnographiques deprovenances fort diffrentes etexamen des

    vues sur l'influenceprofonde que, du moinspour un temps, lamusique et le chant sont susceptibles d'exercer sur leurs

    auditeurs, vues puises tant chez Platon et chez Aristote que

    chez les musicologues arabes et ceux de la Renaissance, ce

    quoi s'ajoutent aussi bien les thories avances par des cher-cheurs modernes que les ides misespar Jean-Jacques Rous-seau. De ces conclusions, que l'auteursegarde de donner pour

    dfinitives, ilest pourtant permis de retenirceci assurment, il

    sembleque la musique, qui intervient toutle moinslorsque latranse constitue un moment fort d'une squence crmonielle,

    soit un facteur de poids, encore que non indispensable, pour

    qu'un homme ou une femme entre en transe; toutefois, mis

    partdes cas telsque celuides Bochimand'Afriqueaustralechezqui la transe est le plus souvent provoque par l' chauffe-

    ment progressifddes dansesauxquellesincitentdes chantsqui ne sontgure que de puresmissions vocales et nesont pas

    rservs pareilles fins, cela dans un contexte tant soit peu

    dramatique puisque le but poursuiviestde se protger contre la

    Extrait de la publication

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    La musique et la transe

    maladie ou de gurirquelqu'un,jamais ce qu'il semble et

    pas mme quant la transe motionnelle , troitementdpendantede la sensibilit esthtique et dont la culture arabeoffredesexemples typiques- la musiqueen tant quecombinai-son sonore agissantpar son seul impactsur les nerfs, sans treaccompagne de paroles ou constituer par elle-mme unemanire de discours dou d'une signification, n'est en mesure

    d'engendrer la transe. Cette constatationparat donc rduirenant l'ide reue suivant laquelle ce serait un paroxysme

    musical (jeu virulentdes tambours,par exemple, ou de quelqueinstrument que ce soit) qui, par une sorte de contagion,dclencherait directement et lui seul cet autreparoxysme, la

    transe. Pour que la musique, si obsdante ou vhmente soit-elle, en vienne produire de tels effets, tout porte regardercomme ncessaire qu'elle mette en valeur un texte, ft-il

    objectivementdes plusminces, ouque, chargede sens, ellejoue

    un rleanalogue celui d'une devise qui interviendraitcommeun signal, ou qu' tout le moins elle entrane (comme c'est

    presque toujours le cas) l'agitation corporelle de danses dont

    elle rgleplus ou moins le rythme, tant entendu au demeurant

    que, miseauserviced'un rituel visant la protection dugroupeou de l'un de ses membres quand ce n'est un salut spirituel,

    elle prend de ce fait mme un sens quelque peu pathtique et

    n'est doncpas le simple appui d'une activit motrice. De sorte

    que, par-del sa vertu propre, ce serait comme lment d'unensemble qu'elle agiraiten l'occurrence, et celadesurcrot dans

    une ambiance, par ailleurs variable, de tension affective,autrement dit quand ceux qui entrerontdans le scnario certes

    changeant mais moins improvis que strotyp de la transe

    sont dj dans les dispositions vouluespourque leur conduite

    publique se dramatise (se thtralise) en quelque sorte, et non

    selon un processus infaillible, indpendant de la situation.

    Outre l'intrtque l'ouvrage ainsiorient(parson dveloppe-ment mme et sans qu'aucune ide prconue ait t le fil

    conducteur) prsente en tant que large recueil de documents et

    sagacemiseen ordrede notionsjusqu' prsent insuffisamment

    passes au crible, c'est uneprcieuse valeurde dmystification

    qu'il faut lui accorder. A la lumire des faits rassembls par

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    Prface

    GilbertRougetet deson argumentation, l'onest induit, eneffet,

    estimer non seulement que la musique associe la transe amoinspourfonction de la provoquer que de l'organiser, mais,

    d'un pointde vue beaucoup plus large, que partout et en presque

    toutes circonstances, jusque dans lesmilieux qui intellectuelle-

    mentfontfigure deparentspauvres aux yeux de laplupart desOccidentaux et lorsmmeque parat semani fester cetteabsencede contrle dont premire vue la transe offre un exemplefrappant, les comportements des tres humains sont plus

    souvent modelsqu'on nelecroit d'ordinaire par lesreprsenta-tionsqueleur espritsefabriqueet, d'une maniregnrale,plustroitement assujettis qu'on ne le pense communment aux

    artificesde cette culture qui, bien que non inne, maissociale-mentacquise, tend constituer en chacunune sortede secondenaturehorsde laquelle, mmehorsdesoi, ilne saurait se placer.

    En d'autres termes, il semble que nous n'ayons gure de

    conduites qui seraient celles d'tres d'une ingnuit totale;

    presque toujours, elles passent par ce que nos rapports avecnotre milieu nous ont appris ou par ce que celui-ci attend plus

    ou moins de nous, de sorte qu'on peut sans abus les regarder,sinon comme contre nature, du moins comme dnatures au

    sens tymologique de cette expression. Bte capable plus quetoute autre (c'est le moins qu'onpuisse dire) de se dguiser, de

    s'aliner, deseprojeterailleurs et dese dpasser pours'engager

    dans de multiples voies, l'homme, quelque poque et quelquelatitudequ'il appartienne,n'est-il pas parvocationunsupptde

    l'imaginaire, dans la mesure en tout cas o, qu'ilse trouve ounon trelejouetdequelquebovarysme institutionnel ou priv, ilest conditionn, au niveau collectifcomme au niveau indivi-

    duel, par lemondede pureconventionque la massede symboleset de signes qui foisonne dans son cerveau lui cre ?

    Michel Leiris.

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    Extrait de la publication

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    INTRODUCTION

    la premire dition

    PROBLMATIQUE ET CHAMPS

    Phnomne qui s'observe sous toutes les latitudes, la

    transe est dans la plupart des cas lie la musique.

    Pourquoi ? C'est cette interrogation que s'efforcera de

    rpondre ce livre.

    Pourquoi? dira-t-on sans doute, mais tout simplement

    parceque c'est la musiquequi metlesgensen transe Inutile

    de chercher plus loin. Et si les choses, justement, n'taient

    pasaussi simples ?Il suffit de lesregarder d'unpeuprspour

    s'en convaincre, la musique est avec la transe dans lesrapportslesplus mouvantset lespluscontradictoires.Ici ellela dclenche, l au contraire elle la calme. Tanttce sont des

    tambours tonitruants qui mettent le sujet en transe, tanttc'est le bruissement trs discret d'un hochet. Dans telle

    population, c'est l'instrument de musique qui est rput

    produire cet effet; dans telle autre, c'est la voix. Certainsentrenten transe en dansant,d'autres en restant couchs sur

    un lit. Dans ces conditions, on s'interroge. Comment agit la

    musique? Platon attribuait la transe des Corybantes auxeffets de l'aulos, Aristote ceux du mode phrygien. Depuis

    toujours, les faits ont donn lieu aux thories les plus

    opposes. Pourparlercomme Jean-Jacques Rousseau,s'agit-il d'uneffet physiqueou d'un effet moral ? Auxne sicle,chez

    Extrait de la publication

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    La musique et la transe

    les Arabes, Ghazzl tenait pour les deux et avanait pourpreuve de l'action physique de la musique le cas de ces

    chameaux que le chant de leur chamelier rend fous. laRenaissance, potes et musiciens de la Pliade pensaient que

    lamusiquen'taitcapabledesesplusgrandseffetsque par le

    jeu de son union avec la posie. Rousseau, que le problme

    intressait beaucoup, hsita longtemps avant de se pronon-

    cer catgoriquement contre la thorie du pouvoir physiquedes sons .

    Il y a quelques annes, un chercheur amricain, AndrewNeher, dmontrait, ou plutt croyait dmontrer, l'inverse,que le mystre des effets du tambour sur la transe netient

    rien d'autre qu' uneaction purement neurophysiologique

    des sons de cet instrument. Bon nombre d'ethnologues etd'ethnomusicologues tiennent actuellement cette thorie

    pouracquise. Vingt ans avant, Melville J. Herskovits enavaitpropos une autre, bien diffrente, expliquant leseffets de la

    musique par le jeu d'un rflexe conditionn. Roger Bastidedevait reprendre un peu plus tard sa thse, mais en lui

    ajoutant la notion de situation globale, sans laquelle lerflexe en question ne jouerait pas. Ct chamanisme, main-

    tenant, et non plus possession (puisque c'est d'elle qu'ils'agissait jusqu'ici),s'ilfallaitrsumerd'un motla thoriede

    Shirokogoroff nous dirions qu'elle est celle du pouvoirmotionnel de la musique. Pour sa part, un ethnomusicolo-

    gue derputationmondiale ,AlainDanilou,crivaitgrave-ment dans un numro rcent du Courrier de l'Unesco que, danstoutes lesrgions du monde , pourproduiredes tatsde transe, les rythmes utiliss sont toujours impairs 5, 7ou 11temps , ajoutant, sans crainte d'tre dmenti parmilleexemples Lesrythmescarrs quatreouhuittempsn'ont pas d'effet hypnotique.

    Lesexplications, commeon voit,ne manquentpas. Hormisla dernire cite, qui estpure fantaisie,etcelledeNeher,quiest fausse, chacune a quelque chose de vrai, mais aucune

    n'est pleinement satisfaisante. Lavrit est que les faits sontsi varis et si complexes qu'ilschappent touteexplication

    unique. D'une manire gnrale, tous ceux, ou presque, qui

    Extrait de la publication

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    Introduction la premire dition

    se sont occups de la transe sont convaincus, plus ou moins

    inconsciemment, que c'est le secret de la musique que de

    pouvoir la dclencher et que c'est par elle-mme, par le jeu

    de sa propre vertu, qu'elle y parvient. On invoque alors soit

    la puissance du rythme, ce qui est l'argument le plus

    frquent, soit l'effet magique du chant, comme le fait parexemple Jeanmaire, savant pourtant admirable,prtant la

    musique des qualits qui ne sont en l'occurrence nullement

    les siennes lorsqu'il parle du possd jet en transe par

    l'appel dmoniaque de la mlodie incantatoire . Idesreues qui ne rsistent pas l'examen. Dmystifier laconception qu'on se fait trop souvent du rle de la musiquedans la transe sera l'un des buts de ce livre. L'importance dela musique n'en sera pas minimise pour autant, bien au

    contraire. Celle-ci apparatra, en fin de compte, comme le

    principal moyen de manipuler la transe, mais en la sociali-sant beaucoup plus qu'en la dclenchant. Ce processus de

    socialisation varie ncessairement d'une socit l'autre ets'effectue de manire trs diffrente suivant les systmes de

    reprsentations ou, si l'on prfre, les idologies o se

    trouve prise la transe. Dans chaque cas, une logique diff-

    rente rgle ses rapports avec la musique. C'est cette logique

    que nous essaierons de dgager.Si, comme il vient d'tre dit, la transe est un phnomne

    quasiment universel, il n'enrestepas moinsqu'elle est d'une

    pratique beaucoup plus rpandue chez les peuples dontl'tude constitue l'objet de la recherche ethnologique que

    chez les autres. Ce livre est donc un livre d'ethnologie, ou

    plus exactement d'ethnomusicologie. Il n'y sera pratique-mentpas question de la transe telle qu'elle s'observe dans lemonde occidental contemporain, que ce soit chez les sectes

    chrtiennes d'Europe ou d'Amrique, chez les amateurs de

    musique pop ou chez les pratiquants de la bionergie. Nonqu'elle soit nos yeux moins intressante, mais il fallait selimiter et, pour ce qui est surtout des deux derniers cas, les

    informations sont particulirement rares.

    l'origine dece livre setrouve l'intrtque jeporte depuisde nombreuses annes la musique des cultes de possession

    Extrait de la publication

  • 7/21/2019 Musique Et Transe Introduction

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  • 7/21/2019 Musique Et Transe Introduction

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