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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013 95 Myélome multiple indolent *Service des maladies du sang, hôpital Huriez, CHRU de Lille. Myélome multiple indolent Indolent multiple myeloma G. Fouquet*, S. Guidez*, C. Herbaux*, H. Demarquette*, X. Leleu* L e concept de gammapathie monoclonale, par rapport aux gammapathies polyclonales, a été introduit pour la première fois en 1960 par J. Waldenström (1), qui distinguait ainsi, parmi les patients présentant une hypergammaglobulinémie, ceux chez lesquels on observait une bande étroite à l’électrophorèse des protéines (ou “protéine mono- clonale”). Les myélomes multiples indolents (Smoldering Multiple Myeloma [SMM]) sont, comme les gamma- pathies de signification indéterminée (Monoclonal Gammopathy of Undetermined Significance [MGUS]), définis par la présence d’une protéine monoclonale dans le sérum et/ou d’une prolifération plasmocy- taire médullaire excessive, en l’absence de critères cliniques et biologiques de myélome multiple symp- tomatique ou d’une autre hémopathie lymphoproli- férative. En 1980, R.A. Kyle et P.R. Greipp ont été les premiers à décrire cette entité comme une maladie qui remplit les critères diagnostiques du myélome multiple, mais qui n’en a pas l’évolution (2). Ils ont fondé cette observation sur les cas de 6 patients, qui avaient tous plus de 10 % de plasmocytes médullaires et plus de 30 g/l de protéine monoclonale, mais qui, pendant au moins 5 ans, n’ont pas présenté de pro- gression vers un myélome multiple. Depuis cette pre- mière description, la définition du SMM a beaucoup évolué. L’enjeu principal de la définition précise de cette entité est d’en évaluer le risque évolutif, afin de tenter de cibler les patients ayant un haut risque évolutif et qui pourraient bénéficier d’une stratégie thérapeutique précoce. RÉSUMÉ Summary » Le myélome multiple indolent est une prolifération plasmocytaire asymptomatique qui présente un risque d’évolution vers un myélome multiple supérieur à celui de la gammapathie monoclonale de signification indéterminée. Il faut donc différencier le myélome multiple indolent à la fois de la MGUS, qui présente un risque de progression bien plus faible, et du myélome multiple symptomatique, qui reste une pathologie incurable et nécessite un traitement spécifique. La question cruciale dans le cadre de la prise en charge des SMM est celle du bénéfice possible d’une intervention thérapeutique précoce, qui pourrait permettre de retarder la progression vers le myélome multiple, de limiter le risque de complications graves liées à cette progression, voire d’obtenir une guérison. Ce traitement précoce ne peut pas être proposé à l’ensemble des patients souffrant d’un SMM, par définition asymptomatiques, et chez qui le risque de toxicité pourrait rendre difficilement justifiable le potentiel bénéfice obtenu. La difficulté est donc d’arriver à cibler dès le diagnostic les patients ayant un SMM à haut risque évolutif de façon suffisamment fiable pour légitimer la sanction thérapeutique qui pourrait en découler. Rappelons cependant que, à l’heure actuelle, en dehors d’études randomisées, l’abstention thérapeutique reste la règle dans le myélome multiple indolent. Mots-clés : Myélome multiple indolent − Haut risque évolutif. Smoldering multiple myeloma is an asymptomatic plasma cell neoplasia, characterized by monoclonal plasma cell proliferation in the absence of end-organ damage. It has therefore to be distinguished from monoclonal gammopathy of undetermined significance, which has a much lower risk of progression, but also from multiple myeloma, which remains an incurable disease and requires specific treatment. The critical question in the management of SMM is whether an early therapeutic strategy could delay the progression towards multiple myeloma, in order to lower the risk of serious complications related to this progression, or even to cure the disease. This early treatment can not be proposed to all SMM patients, who are asymptomatic indeed, and to whom the risk of toxicity could make it difficult to justify the potential benefit obtained with the early therapeutic strategy. The challenge is to target earlier at diagnosis the SMM patients with a high risk of progression to warrant the therapeutic sanction which relies on this diagnosis. Today however, apart from randomized studies, recommendations are to maintain therapeutic abstention in SMM patients. Keywords: Indolent multiple myeloma – High risk of evolution.

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013 95

Myélome multiple indolent

*Service des maladies du sang, hôpital Huriez, CHRU de Lille.

Myélome multiple indolentIndolent multiple myelomaG. Fouquet*, S. Guidez*, C. Herbaux*, H. Demarquette*, X. Leleu*

L e concept de gammapathie monoclonale, par rapport aux gammapathies polyclonales, a été introduit pour la première fois en 1960 par

J. Waldenström (1), qui distinguait ainsi, parmi les patients présentant une hypergammaglobulinémie, ceux chez lesquels on observait une bande étroite à l’électrophorèse des protéines (ou “protéine mono-clonale”).Les myélomes multiples indolents (Smoldering Multiple Myeloma [SMM]) sont, comme les gamma-pathies de signification indéterminée (Monoclonal Gammopathy of Undetermined Significance [MGUS]), définis par la présence d’une protéine monoclonale dans le sérum et/ou d’une prolifération plasmocy-taire médullaire excessive, en l’absence de critères cliniques et biologiques de myélome multiple symp-

tomatique ou d’une autre hémopathie lymphoproli-férative. En 1980, R.A. Kyle et P.R. Greipp ont été les premiers à décrire cette entité comme une maladie qui remplit les critères diagnostiques du myélome multiple, mais qui n’en a pas l’évolution (2). Ils ont fondé cette observation sur les cas de 6 patients, qui avaient tous plus de 10 % de plasmocytes médullaires et plus de 30 g/l de protéine monoclonale, mais qui, pendant au moins 5 ans, n’ont pas présenté de pro-gression vers un myélome multiple. Depuis cette pre-mière description, la définition du SMM a beaucoup évolué. L’enjeu principal de la définition précise de cette entité est d’en évaluer le risque évolutif, afin de tenter de cibler les patients ayant un haut risque évolutif et qui pourraient bénéficier d’une stratégie thérapeutique précoce.

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» Le myélome multiple indolent est une prolifération plasmocytaire asymptomatique qui présente un risque d’évolution vers un myélome multiple supérieur à celui de la gammapathie monoclonale de signification indéterminée. Il faut donc différencier le myélome multiple indolent à la fois de la MGUS, qui présente un risque de progression bien plus faible, et du myélome multiple symptomatique, qui reste une pathologie incurable et nécessite un traitement spécifique. La question cruciale dans le cadre de la prise en charge des SMM est celle du bénéfice possible d’une intervention thérapeutique précoce, qui pourrait permettre de retarder la progression vers le myélome multiple, de limiter le risque de complications graves liées à cette progression, voire d’obtenir une guérison. Ce traitement précoce ne peut pas être proposé à l’ensemble des patients souffrant d’un SMM, par définition asymptomatiques, et chez qui le risque de toxicité pourrait rendre difficilement justifiable le potentiel bénéfice obtenu. La difficulté est donc d’arriver à cibler dès le diagnostic les patients ayant un SMM à haut risque évolutif de façon suffisamment fiable pour légitimer la sanction thérapeutique qui pourrait en découler. Rappelons cependant que, à l’heure actuelle, en dehors d’études randomisées, l’abstention thérapeutique reste la règle dans le myélome multiple indolent.

Mots-clés : Myélome multiple indolent − Haut risque évolutif.

Smoldering multiple myeloma is an asymptomatic plasma cell neoplasia, characterized by monoclonal plasma cell proliferation in the absence of end-organ damage. It has therefore to be distinguished from monoclonal gammopathy of undetermined significance, which has a much lower risk of progression, but also from multiple myeloma, which remains an incurable disease and requires specific treatment. The critical question in the management of SMM is whether an early therapeutic strategy could delay the progression towards multiple myeloma, in order to lower the risk of serious complications related to this progression, or even to cure the disease. This early treatment can not be proposed to all SMM patients, who are asymptomatic indeed, and to whom the risk of toxicity could make it difficult to justify the potential benefit obtained with the early therapeutic strategy. The challenge is to target earlier at diagnosis the SMM patients with a high risk of progression to warrant the therapeutic sanction which relies on this diagnosis. Today however, apart from randomized studies, recommendations are to maintain therapeutic abstention in SMM patients.

Keywords: Indolent multiple myeloma – High risk of evolution.

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Maladies incipiens

d o s s i e r t h é m a t i q u e

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 201396

Définition et épidémiologie

DéfinitionDe nombreux critères diagnostiques différents ont été utilisés depuis la première observation de R.A Kyle et P.R. Greipp ; ils sont résumés dans le tableau I. Selon les séries étaient pris en compte la taille du composant monoclonal seule, le pourcentage de plasmocytes médullaires seul, ou les 2 associés avec des seuils variables. Ces disparités de critères diagnostiques ont eu pour résultats d’importantes variabilités dans les études de pronostic des SMM. C’est pourquoi l’IMWG (International Myeloma Working Group) a proposé en

2003 une définition consensuelle fondée sur 2 critères (qui doivent être présents tous les 2) :

✓ présence d’une immunoglobuline monoclonale de taille supérieure ou égale à 30 g/l et/ou présence d’une infiltration plasmocytaire médullaire supérieure ou égale à 10 % ;

✓ absence de symptômes ou de complications liés à la présence de la prolifération plasmocytaire et de la gammapathie monoclonale, définis par l’absence de critères CRAB (hypercalcémie, insuffisance rénale, anémie ou atteinte osseuse).Par la suite, le groupe de la Mayo Clinic a complété ces critères, en précisant que la protéine monoclonale devait être d’isotype IgG ou IgA, et que les plasmocytes médullaires devaient avoir un caractère clonal (3). Ces ajouts ont été pris en compte dans la définition du SMM de l’IMWG en 2010 (4). Plusieurs termes ont également été utilisés pour décrire cette entité, mais les études s’accordent aujourd’hui pour n’utiliser que le terme de SMM ; il ne faut plus utiliser le terme de myélome mul-tiple asymptomatique qui est une traduction erronée de l’anglais Smoldering Multiple Myeloma.

Âge médian et incidenceEn raison des différents critères diagnostiques initiale-ment utilisés, les données épidémiologiques concer-nant le SMM sont peu uniformes, donc difficilement interprétables. Les études s’accordent cependant pour estimer l’âge médian au diagnostic entre 65 et 70 ans, et l’incidence du SMM entre 10 et 15 % des patients souffrant d’un myélome multiple (11, 13, 14).

Diagnostics différentiels

Il est surtout important de distinguer le SMM d’une MGUS, d’une part, et d’un myélome multiple ou d’une amylose AL, d’autre part, qui représentent les 2 compli-cations évolutives les plus fréquentes des gammapa-thies à IgG, à IgA ou à chaînes légères. Cette distinction est importante en raison des différences majeures de pronostic, de prise en charge et de suivi (15, 16). Les définitions de ces différentes entités ont été récemment actualisées, et les frontières entre les différentes formes évolutives sont à ce jour bien définies (tableaux II et III) [3, 4, 17]. Le SMM doit ainsi être différencié de la MGUS, avec laquelle il partage l’absence d’atteinte des organes cibles imputable à la prolifération plasmocytaire, mais dont il se distingue par la taille du composant monoclo-nal et/ou le pourcentage de plasmocytes médullaires. La MGUS est associée à un risque de progression bien moindre que le SMM, qui correspond en effet à un

Tableau I. Critères diagnostiques du myélome multiple indolent dans différentes séries (5).

Série Pic monoclonal (g/l)

Plasmocytes médullaires (%)

Kyle et al., 1980 (2) ≥ 30 ≥ 10

Alexanian et al., 1988 (6) > 20 –

Wisløff et al., 1991 (7) IgA > 15, IgG > 30 –

Facon et al., 1995 (8) – > 15

Weber et al., 1997 (9) > 25 –

Cesana et al., 2002 (10)(au moins 1 des critères)

IgA 21-49, IgG 36-69, protéinurie de Bence-Jones > 1 g/24 h > 10

Rosiñol et al., 2003 (11)[les 2 critères sont nécessaires] ≥ 30 ≥ 10

IMWG, 2003 (12)[au moins 1 des critères] ≥ 30 ≥ 10

Tableau II. Définition des MGUS, SMM et myélome multiple (3, 4).

Définition

MGUS Les 3 critères doivent être présents • Immunoglobuline monoclonale sérique < 30 g/l • Plasmocytes clonaux médullaires < 10 % • Absence d’atteinte des organes cibles imputable à la prolifération plasmocy-

taire, définie par l’absence de critères CRAB

SMM Les 2 critères doivent être présents • Immunoglobuline monoclonale sérique (IgG ou IgA) ≥ 30 g/l

et/ou plasmocytes clonaux médullaires ≥ 10 % • Absence d’atteinte des organes cibles imputable à la prolifération plasmocy-

taire, définie par l’absence de critères CRAB

Myélome multiple

Les trois critères doivent être présents (sauf cas spécifiés) • Plasmocytes clonaux médullaires ≥ 10 % • Présence d’une immunoglobuline monoclonale sérique ou

urinaire (sauf dans le cas d’un myélome multiple non sécrétant) • Présence d’une atteinte des organes cibles imputable à la prolifération plasmo-

cytaire, définie par la présence d’au moins un critère CRAB :– hypercalcémie ≥ 115 mg/l– insuffisance rénale : créatinine > 173 mmol/l– anémie normochrome, normocytaire, avec hémoglobine

< 10 g/dl ou à plus de 2 g /dl en dessous de la normale inférieure– lésions osseuses ostéolytiques, ostéopénie sévère ou fractures pathologiques

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Myélome multiple indolent

stade évolutif plus avancé et à une masse tumorale plus importante.Le diagnostic de myélome multiple nécessite, comme pour le SMM, la mise en évidence d’une plasmocytose médullaire supérieure ou égale à 10 % et d’une protéine monoclonale mesurable dans le sérum ou les urines, mais également d’une atteinte des organes cibles impu-table à la prolifération plasmocytaire, définie par la présence d’au moins 1 critère CRAB. Étant donné que la distinction entre SMM et myélome multiple repose sur ces critères d’atteinte d’organes cibles, ces derniers doivent être, à leur tour, bien définis, à l’aide notamment de seuils biologiques (tableau II). Il faut cependant garder à l’esprit que de nombreuses situations peuvent être responsables de signes cliniques et biologiques similaires à ceux retrouvés dans le myélome, notam-ment chez les patients âgés ou avec des comorbidités. La difficulté réside donc dans la mise en évidence du lien causal entre l’anomalie retrouvée et la proliféra-tion plasmocytaire, notamment en éliminant les autres causes potentielles d’hypercalcémie, d’insuffisance rénale, d’anémie ou de lésions osseuses.Le diagnostic d’amylose AL systémique doit être envisagé en présence de signes évocateurs associés à la gammapathie, tels que, par ordre de fréquence, des atteintes cardiaque, rénale, digestive ou neuro-logique. D’autres hémopathies dysglobulinémiques avec maladies de dépôts sont également décrites, pouvant notamment entrer dans le cadre de gamma-pathies monoclonales avec atteinte rénale (Monoclonal Gammopathy of Renal Significance [MGRS]) [18], incluant les LCDD (Light Chain Deposition Disease) ou maladie de Randall, les HCDD (Heavy Chain Deposition Disease), les HLCDD (combined Heavy and Light Chain Deposition Disease), et la cryoglobulinémie.On se souvient par ailleurs que pour les gamma-pathies à IgM, on distingue la MGUS à IgM, la maladie de Waldenström indolente (Smoldering Waldenström

Macroglobulinemia) et la maladie de Waldenström, et que pour les gammapathies à chaînes légères, on parle de MGUS à chaînes légères, de protéinurie de Bence-Jones idiopathique, et de myélome multiple à chaînes légères (tableau III) [17].

Évolution

On comprend ainsi que le SMM est une entité pré-maligne, de faible masse tumorale, mais pouvant dans certains cas présenter un haut risque évolutif.Selon les données rétrospectives de la Mayo Clinic, le risque de progression d’un SMM vers un myélome multiple ou une amylose AL est en effet de 10 % par an les 5 premières années, de 3 % par an les années suivantes, puis rejoint le risque de progression des MGUS de 1 % par an pour les 10 années suivantes (figure 1, p. 98) [13]. Contrairement aux patients souf-frant d’une MGUS, la majorité des sujets atteints de SMM va ainsi évoluer vers une maladie symptomatique, et aura besoin d’un traitement. Ainsi, la probabilité cumulée de progression à 15 ans est de 73 % (13). La durée médiane avant progression est évaluée selon les études entre 2 et 3 ans (6-10, 19). Il existe cependant une grande variabilité interindividuelle. L’enjeu principal de la prise en charge des patients souffrant de SMM est donc de distinguer les sujets avec un SMM à haut risque évolutif − qui pourraient ou devraient bénéficier d’un traitement précoce −, des sujets avec un SMM à faible risque − chez lesquels il ne serait pas nécessaire d’introduire un traitement potentiellement toxique.

Facteurs pronostiques

Dans cette optique, de nombreux facteurs prédic-tifs possibles de progression en myélome multiple

Tableau III. Rappel de la définition des gammapathies monoclonales à chaînes légères (17).

Atteinte prémaligne avec un faible risque de progression (1-2 % par an)

Atteinte prémaligne avec un haut risque de progression (10 % par an)

Hémopathie maligne

Chaînes légères

MGUS à chaînes légèresTous les critères doivent être présents

• Ratio de chaînes légères libres sériques κ/λ anormal (< 0,26 ou > 1,65)

• Taux élevé de la chaîne légère impliquée (κ si le ratio est > 1,65 et λ si le ratio est < 0,26)

• Absence de chaînes lourdes d’immunoglobuline détectées à l’électrophorèse des protéines sériques et à l’immunofixation

• Plasmocytes clonaux médullaires < 10 % • Absence d’atteinte des organes cibles imputable à la pro-

lifération plasmocytaire, définie par l’absence de critères CRAB

Protéinurie de Bence-Jones idiopathiqueLes 3 critères doivent être présents

• Protéinurie de Bence-Jones ≥ 500 mg/24 h et/ou plasmocytes clonaux médullaires ≥ 10 %

• Absence de chaînes lourdes d’immuno globuline détectées à l’électrophorèse des protéines sériques et à l’immunofixation

• Absence d’atteinte des organes cibles imputable à la prolifération plasmocytaire, définie par l’absence de critères CRAB

Myélome multiple à chaînes légères

• Mêmes critères que pour le myélome multiple, mais absence de chaînes lourdes d’immuno globuline détectées à l’electro phorèse des protéines sériques et à l’immunofixation

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ont été proposés depuis la première définition du SMM. Le volume tumoral, évalué par la plasmocytose médullaire et/ou la taille du composant monoclonal, a été un facteur de risque significatif dans la plupart des séries. Parmi les autres facteurs pronostiques initialement évoqués, on retrouve la présence d’une protéinurie de chaînes légères, l’isotype IgA, la sur-venue de lésions ostéolytiques asymptomatiques, et l’installation d’une anémie. La problématique prin-cipale de l’étude de ces facteurs est de permettre l’identification des SMM à haut risque précocement, à l’aide de tests effectuables en routine et reproduc-tibles. Ce sous-groupe de patients va en effet, dans

sa grande majorité (plus de 80 %), évoluer dans les 2 ans vers un myélome multiple. Une prise en charge spécifique pourrait permettre d’éviter une complica-tion grave survenant au moment de la progression, voire de changer l’évolution naturelle du myélome multiple dans ce sous-groupe.

Lésions ostéolytiquesL’impact pronostique de la présence de lésions ostéoly-tiques au diagnostic a déjà été établi dans le myélome multiple (20). Cette observation a pu être reproduite dans le SMM. Sur une série de 72 patients atteints d’un SMM, M. Wang et al. (21) ont ainsi montré que les sujets ayant des lésions osseuses du rachis et du bas-sin détectables à l’IRM voient leur maladie progresser plus rapidement vers un myélome multiple. La durée médiane avant progression était en effet de 1,5 an chez les patients ayant des lésions osseuses à l’IRM versus 5 ans chez ceux ayant une IRM normale. Dans une autre série de 149 patients ayant un myélome multiple indo-lent, J. Hillengass et al. (22) ont trouvé que la présence de lésions focales à l’IRM, et notamment la présence d’au moins 2 lésions focales, était un facteur pronos-tique péjoratif significatif pour la progression vers un myélome multiple. Le temps médian avant progres-sion n’était pas atteint chez les patients ne présentant aucune lésion ou 1 seule lésion osseuse focale, contre 13 mois chez ceux qui présentaient au moins 2 lésions (figure 2). Il est important de rappeler que la mise en évidence de lésions osseuses du squelette axial sur les radiographies du squelette osseux axial classifie la mala-die en myélome symptomatique et non en SMM. Des critères récents ont aussi intégré la mise en évidence de plus de 3 lésions osseuses microfocales ou 1 lésion osseuse macrofocale sur l’IRM du rachis et du bassin parmi les critères classant le myélome multiple comme symptomatique et non plus comme SMM.

Taille du composant monoclonal et plasmocytose médullaireOn comprend facilement que l’importance de la masse tumorale, représentée par la taille du composant mono-clonal et/ou par la plasmocytose médullaire, peut être un facteur pronostique important. R.A. Kyle et al. (13) ont pu démontrer que la combinaison de ces 2 facteurs permettait de distinguer plusieurs groupes de risque. Ainsi, le groupe 1 (haut risque) est défini par la présence d’une plasmocytose médullaire supérieure ou égale à 10 % et d’une protéine monoclonale supérieure ou égale à 30 g/l. Les autres groupes sont définis par la présence de 1 seul de ces 2 critères : le groupe 2, par une plasmocytose médullaire supérieure ou égale à 10 %

Figure 1. Risque de progression vers un myélome ou une amylose primitive chez des patients atteints d’un SMM ou d’une MGUS (13).

5 10

51

4 1016

21

6673

78

15 20 25

100

Années depuis le diagnostic

SMM

MGUSProb

abili

té d

e pr

ogre

ssio

n

00

%

80

60

40

20

Figure 2. Survie sans progression des patients souffrant de SMM selon le nombre de lésions focales à l’IRM (22).

p < 0,001

> 1 lésion≤ 1 lésion

1,0

0,8

Mois0 6 12 18 24 30 42 42 48 54 60

0,6

0,4

0,2

0

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Myélome multiple indolent

avec une protéine monoclonale inférieure à 30 g/l, et le groupe 3, par une protéine monoclonale supérieure ou égale à 30 g/l avec une plasmocytose médullaire inférieure à 10 %. La probabilité cumulée de progres-sion est de 87 %, 70 % et 39 % dans les groupes 1, 2 et 3 respectivement (p < 0,001).

Ratio de chaînes légères libres sériques (κ/λ)S.V. Rajkumar et al. (23) ont montré, dans la MGUS, que le risque de progression est significativement plus élevé chez les patients ayant un ratio de chaînes légères libres sériques κ/λ anormal au diagnostic. En analyse multi-variée, il s’agit d’un facteur de risque significatif, indé-pendant de l’isotype et de la taille du pic monoclonal. A. Dispenzieri et al. (24) ont confirmé cette observation dans le SMM. Sur une série de 273 patients souffrant d’un SMM, ils ont constaté que les patients présentant un ratio de chaînes légères libres sériques normal (0,26 à 1,65) ou proche de la normale (0,25 à 4) ont un taux de progression de 5 % par an, contre 8,1 % par an chez les patients ayant un ratio très anormal (< 0,0312 ou > 32). En analyse multivariée, le seuil le plus significatif pour un ratio anormal est inférieur à 0,125 ou supérieur à 8. Chez ces sujets, le risque relatif de progression vers un myélome multiple est de 2,3 (IC95 : 1,6-3,2 ; p < 0,001).

Modélisation pronostiqueÀ partir de ces observations, A. Dispenzieri et al. (24) ont proposé un modèle de stratification de risque fondé sur ces facteurs pronostiques. Les facteurs de risque sont donc les suivants :

✓ plasmocytose médullaire supérieure ou égale à 10 % ; ✓ protéine monoclonale supérieure ou égale à 30 g/l ; ✓ ratio anormal de chaînes légères libres sériques

inférieur à 0,125 ou supérieur à 8.Chacun de ces facteurs est corrélé, en analyse multivariée, à un risque de progression augmenté (tableau IV). La probabilité cumulée de progression à 10 ans est de 50 %, 65 % et 84 % selon que les patients présentent 1, 2 ou 3 facteurs de risque (p < 0,001). Le temps médian avant progression est de 10 ans, 5,1 ans et 1,9 an respectivement (figure 3).

Proportion de plasmocytes tumoraux définis par la cytométrie en fluxIl a été démontré que les plasmocytes présentant un phénotype aberrant correspondent à des plasmocytes pathologiques, clonaux, tandis que les plasmocytes de phénotype normal sont polyclonaux. La proportion de plasmocytes aberrants par rapport aux plasmocytes normaux a déjà été utilisée comme critère pour diffé-rencier une MGUS d’un myélome multiple (25). Partant

de cette observation, E. Pérez-Persona et al. (14) ont voulu démontrer que cette proportion pouvait avoir un impact sur le risque de progression d’une MGUS ou d’un SMM. Les plasmocytes normaux expriment CD138 et CD38 de façon intense. Le phénotype aberrant est défini en cytométrie en flux par l’absence de CD19 et/ou de CD45, une expression diminuée de CD38, et une surexpression de CD56. Les auteurs ont rapporté, sur une série de 407 patients avec une MGUS et 93 autres avec un SMM, un impact important de la prépondé-rance des plasmocytes avec un phénomène aberrant (tumoral) sur le risque de progression, à la fois chez les patients MGUS et chez ceux ayant un SMM. Le seuil le plus significatif est à 95 % : les patients ayant une pro-portion de plus de 95 % de plasmocytes avec un phéno-type aberrant (tumoral) ont, par rapport aux patients ayant un pourcentage inférieur à 95 %, un temps avant progression médian de 107 mois versus non atteint respectivement dans le cas des MGUS (p < 0,001), et de 34 mois versus non atteint dans le cas des SMM (p < 0,001). En se fondant sur ces observations, E. Pérez-Persona et al. ont donc établi un modèle de classification du risque (modèle espagnol du PETHEMA), utilisant la

Figure 3. Risque de progression d’un SMM vers un myélome multiple ou autre hémopathie maligne selon le nombre de facteurs de risque (24).

1

Nombre defacteurs de risque

n

51

2527

76

52

12

65

84

50

23

123

Risque relatif

p < 0,001

11,9 (1,2-2,9)4,0 (2,6-6,1)

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

Années

Pour

cent

age

5 10 15

Tableau IV. Analyse multivariée des facteurs pronostiques de progression d’un SMM vers un myélome multiple ou autre hémopathie maligne (24).

Facteurs pronostiques Risque relatif (IC95) p

Plasmocytose médullaire ≥ 10 % 3,1 (1,6-6,3) < 0,01

Ratio de chaînes légères libres sériques anormal (< 0,125 ou > 8)

1,9 (1,3-2,7) < 0,01

Taille de la protéine monoclonale ≥ 30g/l 1,9 (1,4-2,6) < 0,01

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cytométrie en flux. En dehors de la proportion de plas-mocytes anormaux, 2 autres critères sont des facteurs prédictifs indépendants de la progression : l’aneuploïdie pour les MGUS et l’hypogammaglobulinémie pour les SMM (tableau V). Le risque de progression à 5 ans est

donc de 2 %, 10 % et 46 % pour les patients avec MGUS ayant 0, 1 ou 2 facteurs, et de 4 %, 46 % et 72 % pour les patients avec SMM ayant 0, 1 ou 2 facteurs respec-tivement. Pour les sujets SMM, le temps médian avant progression est non atteint, 73 mois et 23 mois chez les patients présentant 0, 1 ou 2 facteurs respectivement (p < 0,001) [figure 4]. Ce modèle de stratification du risque présente l’inconvénient d’intégrer des examens qui ne sont pas disponibles en routine dans tous les centres, puisqu’il utilise une technique de cytométrie en flux ainsi qu’un caryotype médullaire.

Parole de sage, l’évolution dans le tempsL’évolution dans le temps de ces différents facteurs pronostiques pourrait être l’élément le plus important dans l’estimation du risque de progression des SMM selon R.A. Kyle. O. Landgren et al. (26) ont notamment retrouvé, dans une cohorte de 71 patients ayant déve-loppé un myélome multiple, une augmentation de la chaîne légère libre impliquée ainsi que de la taille du pic monoclonal dans les années précédant le diagnostic de myélome multiple.

Bilan et rythme de surveillance des SMM

Devant une suspicion de SMM, tous les patients doivent bénéficier d’un interrogatoire et d’un examen clinique complet à la recherche de symptômes pouvant évoquer une hémopathie maligne et notamment un myélome multiple ou une amylose AL. Un bilan biologique stan-dard doit également être mené à la recherche d’une atteinte d’organes cibles, comprenant numération for-mule sanguine, fonction rénale avec urée et créatininé-mie, calcémie, électrophorèse des protéines sériques (avec immunofixation si celle-ci n’a pas déjà été réa-lisée), ainsi qu’une protéinurie des 24 heures (surtout si le patient souffre d’une insuffisance rénale), avec recherche de protéinurie de Bence-Jones si la protéi-nurie est significative (> 300 mg/24 h).En complément de ce bilan, l’IMWG recommande la réalisation au diagnostic d’un bilan médullaire avec myélogramme et biopsie médullaire, d’un dosage des chaînes légères libres sériques, et d’un bilan osseux par radiographie standard du squelette complet (tableau VI). Une IRM du rachis et du bassin est éga-lement recommandée, afin de détecter des lésions osseuses occultes, qui font partie des facteurs de risque de progression (le TEP scan, l’IRM corps entier ou de diffusion ne sont en aucun cas recommandés dans le SMM). Il est recommandé que l’ensemble du bilan biologique soit répété une première fois à 2-3 mois

Tableau V. Modèle espagnol de stratification du risque de progression d’une MGUS et d’un SMM (14).

Facteurs de risque MGUS : score SMM : score

Pourcentage de plasmocytes avec un phénotype aberrant (tumoral)

– ≥ 95 %– < 95 %

10

10

Index chromosomique– Aneuploïdie– Diploïdie

10

––

Hypogammaglobulinémie– Hypogammaglobulinémie– Pas d’hypogammaglobulinémie

––

10

Tableau VI. Résumé des recommandations de l’IMWG quant au bilan et au suivi des patients atteints de MGUS et de SMM (4).

Facteurs de risque MGUS à faible risque

MGUS à haut risque

SMM

Composant monoclonal (g/l) < 15 ≥ 15-29 ≥ 30

Isotype IgG IgA, IgM

Ratio de chaînes légères libres sériques Normal Anormal

Myélogramme/biopsie ostéomédullaire Non Oui Oui

Bilan radiographique osseux standard Non Oui Oui

IRM Non Non Oui

Rythme de suivi : clinique, NFS, créatinine, calcémie, électrophorèse des protéines sériques

Tous les 2-3 ans Tous les ans Tous les 6 mois

à 1 an

Figure 4. Temps avant progression selon le modèle de stratification du risque espagnol pour les SMM (14).

1,0

0,8

0 24 48 72 96 120Mois

Score 2 (n = 39),médiane : 23 mois

p < 0,001

Score 1 (n = 39),médiane : 73 mois

Score 0 (n = 28),médiane : NR

0,6

0,4

0

0,2

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Myélome multiple indolent

du diagnostic, puis tous les 4 à 6 mois pendant 1 an, enfin tous les 6 à 12 mois si la situation est stable. Le bilan osseux peut être répété en cas d’évolution des paramètres biologiques, ou de point d’appel clinique (4). Ces recommandations devraient en fait surtout être appliquées aux SMM à haut risque évolutif puisque plus de 80 % des patients vont évoluer vers un myélome multiple qui va relever d’un traitement.

Prise en charge des SMM

On peut considérer le SMM comme une forme frontière entre la MGUS, à faible risque évolutif, et le myélome multiple symptomatique, qui reste encore à ce jour une pathologie incurable. La question cruciale dans le cadre de la prise en charge des SMM est de savoir si l’on aurait une chance, avec une intervention thérapeu tique précoce, d’obtenir une forme de myélome multiple moins agressive voire d’obtenir une guérison. Si tel n’était pas le cas, il ne serait pas justifié de traiter les patients souffrant d’un SMM, en raison du risque de toxicité mais également du risque de sélection d’un clone agressif. Si l’on considère qu’un pourcentage significatif de patients avec un myélome multiple est diagnostiqué avec des complications du myélome dès le diagnostic − dont certaines sont graves et susceptibles de grever le pronostic, telles que l’insuffisance rénale ou les compressions médullaires −, cette considération amène à poser une deuxième question concernant le bénéfice d’un traitement précoce dans le SMM à haut risque évolutif pour éviter le risque d’évolution vers une de ces formes compliquées d’emblée du myélome quand il progresse dans sa forme symptomatique. Sur cette question, il convient tout d’abord de déterminer les conditions d’un tel traitement. Le SMM ne doit pas être traité selon les recommandations internationales de l’IMWG et ce même pour les SMM à haut risque évolutif à l’heure actuelle (4, 5). Seule une surveillance renforcée dans le SMM à haut risque évolutif est recommandée par rapport aux autres SMM. Cependant, une réflexion importante est menée au sein de l’IMWG pour proposer un traitement à la population très ciblée des SMM à haut risque évolutif, selon les facteurs pronostiques que nous venons d’exposer. La question qui reste posée conceptuellement si un traitement devait être proposé, est de savoir si l’objectif est de repousser l’évolution vers un myélome symptomatique tout en prolongeant la survie globale (SG) ou s’il faut considérer le traitement comme devant être celui du myélome symptomatique. Concernant le traitement à utiliser dans le premier cas, il doit être bien toléré afin de ne pas déclencher d’effets

indésirables à court terme chez ces patients asymp-tomatiques, ni de complications à long terme chez ces patients qui peuvent malgré tout ne pas présenter de progression pour certains. Il doit permettre une réduction du risque de complications graves liées à la progression, mais également une augmentation de la SG. Concernant la date de début du traitement, il reste à déterminer si certains marqueurs peuvent aider à cibler le moment le plus approprié au cours de l’évolution. Plusieurs études se sont déjà intéressées au traitement des SMM. Notamment, 2 études ont cherché à savoir si l’instauration précoce d’un traitement conventionnel par melphalan et prednisone dans les SMM permettait d’obtenir un bénéfice par rapport à ce même traitement, mais différé au moment de l’évolution (27, 28). Il n’a pas été démontré de bénéfice en termes de taux de réponse, de SG, ni de survie sans progression (SSP). Le thalidomide a ensuite été un candidat proposé pour le traitement des SMM. Dans une série de 31 patients atteints d’un SMM, le thalidomide a ainsi été adminis-tré à la dose de 200 mg/j jusqu’à progression (29). On observait un taux de réponse au moins partielle chez seulement 34 % des patients présentant, par ailleurs, une toxicité importante, puisque 55 % des sujets ont eu un effet indésirable de grade 3 ou 4 non hémato-logique, avec notamment une incidence importante de neuropathies graves (14 %), rendant ce traitement ina-dapté à la situation. B. Barlogie et al. (30) ont également retrouvé une toxicité significative du thalidomide, avec de nombreuses interruptions de traitement, et l’absence de bénéfice en termes de SG. On pourrait également conseiller d’autres traitements que la chimiothérapie : ainsi, dans une série de 177 patients souffrant d’un SMM, l’utilisation des bisphosphonates permettait d’obtenir une incidence plus faible d’événements osseux, sans pour autant apporter de bénéfice en termes de taux de réponse, de SSP, ni de SG (31). Cependant, ces études concernaient l’ensemble des patients porteurs d’un SMM, et non uniquement les patients à haut risque, qui représentent un sous-groupe concerné de façon plus marquée par la question du traitement précoce. M. Mateos et al. (32), avec le groupe espagnol PETHEMA, ont récemment présenté les résultats préliminaires d’une étude rando misée s’intéressant au bénéfice d’un traitement par lénalidomide et dexaméthasone (Len/Dex) versus abstention thérapeutique, dans le cadre des SMM à haut potentiel évolutif. Ces derniers étaient définis par la présence d’une plasmocytose supérieure ou égale à 10 % associée à une protéine monoclonale supérieure ou égale à 30 g/l, ou par la présence d’un seul de ces 2 critères associé à un pourcentage de plasmocytes médullaires aberrants supérieur à 95 %

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Maladies incipiens

d o s s i e r t h é m a t i q u e

... et sur

N o u s f a i s o n s d e v o s s p é c i a l i t é s n o t r e s p é c i a l i t é

C o l l e c t i o n 2013

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013102

et une hypogammaglobulinémie (selon les critères du modèle espagnol du PETHEMA). Cent vingt-six patients ont été inclus. Dans le bras traitement, les patients ont reçu 9 cycles de lénalidomide (25 mg/j, 21 jours sur 28) associé à la dexaméthasone (20 mg de J1 à J4 puis de J12 à J15, tous les 28 jours), suivis d’un traitement d’entretien par lénalidomide à la dose de 10 mg/j, 21 jours sur 28. Avec un suivi médian de 22 mois, on retrouve un taux de réponse partielle de 60 %, dont 28 % de très bonne réponse partielle ou mieux. Le bras Len/Dex présente un avantage significatif en termes de SSP, avec une médiane de temps avant progression non atteinte versus 25 mois dans le bras abstention thérapeutique (p < 0,0001) [figure 5]. Six patients ont

Figure 5. SSP des patients atteints de SMM et traités par lénalidomide et dexaméthasone, versus abstention thérapeutique (32).

50 10 15 20 25 30 35 40 45

1,0

Temps à partir de l’inclusion (mois)

Lénalidomide + dexaméthasone

RR : 6,2 (IC95

: 2,6-15) ; p <0,0001

Abstention

0,8

0,6

0,4

0,2

0,0

progressé dans le bras Len/Dex (10 %), dont 2 après arrêt du traitement à leur demande, contre 28 (46 %) dans le bras abstention. Il semblerait exister également un bénéfice en termes de SG, qui était à 98 % à 3 ans dans le bras Len/Dex contre 82 % dans le bras abstention à partir de l’inclusion. Ces données ne sont cependant pas significatives à l’heure actuelle, et nécessitent une confirmation qui pourra être apportée par un suivi à plus long terme. Cette association semble donc être une option prometteuse, d’autant plus que son profil de toxicité est acceptable. Cette étude a confirmé qu’un traitement modérément toxique avec pour objectif de repousser l’évolution vers un myélome sympto-matique permettait de prolonger la SG des patients. Mais cette étude a aussi validé les critères espagnols comme des critères puissants pour identifier les SMM à haut risque évolutif puisque la grande majorité des sujets du groupe placebo a évolué dans les 2 ans vers un myélome symptomatique. Cependant, en dehors d’études randomisées, l’abstention thérapeutique avec surveillance reste la règle (4, 5).

Conclusion

Le SMM est une pathologie située à un carrefour évo-lutif dans le cadre de l’hémopathie maligne incurable qu’est le myélome multiple. Sa prise en charge reste controversée, l’espoir étant qu’un traitement précoce puisse permettre d’obtenir dans certains cas une gué-rison, et le risque étant de créer par ce fait des toxi-cités chez des patients asymptomatiques. L’abstention thérapeutique reste aujourd’hui la règle, même s’il existe des associations prometteuses étudiées dans le cadre d’essais thérapeutiques chez les patients à haut risque évolutif. ■

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R é f é r e n c e s

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