organisation du rapport de forces en...

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Ileps L3 08-09 A. Lemoine 1 Organisation du rapport de forces en football 1.- Introduction 1.1.- Définitions……………………………………….………………………………………………p. 1.2.- La dynamique des forces………………………………………………………………...p. 2.- Les différentes forces d’une équipe ………………………………………………………p. 2.1.- La force athlétique………………………………………………………………………….p. 2.2.- La force cognitive…………………….……………………………………………………..p. 2.3.- La force motivationnelle………………………………………………………………….p. 3.- Analyse tactique du rapport de forces …….………………………………..………….. p. 3.1.- De la stratégie à la tactique……………………………………………………………… p. 3.2.- L’attaque………………………………………………………………………………………….. p. 3.3.- La défense………………………………………………………………………………………… p. 3.4.- Synthèse……………………….………………………………………………………………….. p. 20 4.- Analyse stratégique du rapport de forces : Les systèmes de jeu ………… p. 4.1.- Définition………………………………….…………………………………………….. p. 4.2.- Fonction du système de jeu…………………………………….…………….. p.

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Ileps L3 08-09 A. Lemoine

1

Organisation du rapport de forces en football

1.- Introduction

1.1.- Définitions……………………………………….………………………………………………p.

1.2.- La dynamique des forces………………………………………………………………...p.

2.- Les différentes forces d’une équipe………………………………………………………p.

2.1.- La force athlétique………………………………………………………………………….p.

2.2.- La force cognitive…………………….……………………………………………………..p.

2.3.- La force motivationnelle………………………………………………………………….p.

3.- Analyse tactique du rapport de forces…….………………………………..………….. p.

3.1.- De la stratégie à la tactique……………………………………………………………… p.

3.2.- L’attaque………………………………………………………………………………………….. p.

3.3.- La défense………………………………………………………………………………………… p.

3.4.- Synthèse……………………….………………………………………………………………….. p.

20

4.- Analyse stratégique du rapport de forces : Les systèmes de jeu………… p.

4.1.- Définition………………………………….…………………………………………….. p.

4.2.- Fonction du système de jeu…………………………………….…………….. p.

Ileps L3 08-09 A. Lemoine

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1.- Introduction

1.1.- Définitions.

J.Teissie1 explique que « dans la lutte pour le ballon qui oppose les vingt-deux acteurs d'un

match de football, le champ de jeu apparaît comme un champ de forces associées ou

antagonistes qui gravitent sur le cheminement du ballon et convergent vers l'un ou l'autre but ».

La confrontation entre l’Attaque et la Défense, conséquence, de la logique du jeu basée sur une

dialectique d'opposition est à l'origine de la production d’une force collective2. Merleau-Ponty3

dans son approche phénoménologique précise que « les manœuvres entreprises par les

joueurs… tendent de nouvelles lignes de forces où l’action à son tour s’écoule ». On peut y voir

une forme de transcendance constitutive qui renvoie au fait pour les joueurs d'unir, d'organiser

et de fédérer leurs ressources physiques, cognitives et affectives pour réussir à dépasser

l’adversaire dans les limites spatiales et temporelles4 prévues par le règlement5.

C.Bayer6 quant à lui démontre que « l’étude du rapport de force… permet d’analyser l’évolution

constante et les interactions perpétuelles entre l’attaque et la défense seulement

compréhensibles l’une par rapport à l’autre ». La défense n’existe que par rapport à l’attaque et

inversement. E.Mombaerts7 précise d'ailleurs que « 70% des séquences de jeu d’un match de

haut niveau comportent plus de deux enchaînements offensif / défensif ». Cette réversibilité

permanente impose aux joueurs une disponibilité motrice et cognitive permettant un passage 20

rapide et efficace du statut d’attaquant à celui de défenseur ou l’inverse. L’équipe qui est capable

de le faire plus vite que l’autre et mieux que l’autre prend un avantage temporel qu’elle devra

conserver pour aller jusqu’à la position de tir.

1.2.- La dynamique des forces.

La force d’une équipe est l’association et non la somme des forces individuelles. Qu’il

s’agisse de la prise d’avantage sur l’adversaire, ou la recherche du maintien de l'équilibre ou

encore de la volonté de retrouver la stabilité défensive, les manœuvres tactiques ne peuvent

s’entendre que comme le fruit d’une réponse collective à un problème posé par l’adversaire.

L’équipe n’est pas la somme arithmétique des qualités individuelles de chaque équipier.

- l’ approche sociologique : elle nous renseigne sur le phénomène et Lewin8 montre que

« la constance historique crée un champ de forces additionnel qui tend à maintenir le niveau

11

J.TEISSIE, Le Football, 2ème

Ed, 1969, p.52. 2 J.TEISSlE, ibid. p.53. L’auteur parle lui de « système de forces dont la structure géométrique est changeante ». 3 M.MERLEAU-PONTY, La Structure du comportement, 1942, p.228-229. 4 Durée d’un match : 90mn.

5 M.BOUET, Signification du sport, 1968, p.204, « …la rectangularité territoriale…appelle une relation d’opposition qui articule mieux la

tension que ne le ferait le carré ». 6 C.BAYER, « Jeux sportifs collectifs, fondements d’une attitude prospective », in Revue EPS, N° 133, mai 1975, p.64. 7 E.MOMBAERTS, De l’analyse du jeu à la formation du joueur, 1991, p.51.

8 K.LEWIN, cité par J.FERIGNAC et al , « La technique dans les sports collectifs », in Compte rendu du colloque international Sports

Collectifs, 1965, p.52.

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présent en plus des forces quelconques qui maintiennent le processus social à ce niveau ». En

d’autres termes, le joueur dépasse ses propres normes pour adhérer aux valeurs de l’équipe.

Ainsi on peut dire que les stratégies choisies avant le match deviennent « une valence positive

correspondant à un champ de forces central, avec une force maintenant l’individu en accord avec

les normes du groupe9 ».

- l’approche systémique : l’équipe se distingue « d’une forme globale et implique

l’apparition de qualités émergentes. C'est l’agencement de relations entre composants ou

individus (joueurs) qui produit une nouvelle unité possédant des qualités que n'ont pas les

composants10 ». L'équipe est alors un tout dynamique, s'inscrivant dans une temporalité

limitée11, qui ne peut être réductible aux éléments que sont ses joueurs. L’ensemble de ces

réflexions nous permet dès lors d’avancer l’hypothèse suivante : quand les deux sous-systèmes

attaque et défense opposent leurs forces respectives ; deux variantes apparaissent qui

caractérisent cette confrontation :

- dans un premier temps : le système match tend vers l'équilibre ce qui peut aboutir à terme

et sans perturbation à un match nul.

- dans un second temps : le système match tend vers le déséquilibre, une équipe tente de

prendre l’avantage sur l’autre pour remporter le gain du match.

Pour conclure, nous dirons avec C.Bayer12 que :« Cette lutte sans cesse recommencée facilite le

dépassement de chacun des protagonistes, en favorisant l’intégration d’acquisitions nouvelles

aux possibilités déjà existantes ». 20

2.- Les différentes forces d’une équipe.

Nous venons de voir que la « force » d’une équipe n’est pas une quantité mesurable mais

qu’elle est un ensemble de phénomènes qui vont se combiner pour donner au final la possibilité

à un groupe de s’opposer à un autre groupe pour essayer de le dépasser. Concrètement au cours

du match, cette force apparaît comme la possibilité qu’a une équipe de mettre en place des

dispositifs tactiques destinés à s’opposer ou dépasser l’adversaire. Chaque équipe le fera avec

plus ou moins de fréquence, de constance, de réussite et de vitesse. Il semble alors opportun de

clarifier cette notion de forces que l’on peut aussi caractériser comme étant les ressources d’une

équipe. Nous verrons qu’en les identifiant, les joueurs et l’entraîneur sont alors à même

d’élaborer des stratégies d’avant match.

9 K.LEWIN, ibid, p.52.

10 D.DURAND, La Systémique,1990, p10. 11

On peut voir ici la difficulté que représente le maintien sur le long terme ( une saison ) des qualités manifestées par une équipe. En effet,

la force dégagée par une groupe de joueurs est un "produit instable" lié aux variations des ressources particulières de chacun des joueurs. 12

C.BAYER, op-cit, p.64.

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2.1.-: Les forces athlétiques.

Nous ne développerons pas cette partie et nous renvoyons aux nombreux auteurs qui ont

traité la question ( J.Mercier, 1981 ; J.Palfaï, 1989 ; R.Taelman, J.Simon, 1991 ; G.Cometti, 1993 ;

T.Reilly, J.Bangsbo, M.Hugues ; 1997 ; R.Verheijen, 1999). Pour résumer nous dirons que plus une

équipe est endurante ou forte énergétiquement, c’est à dire plus la puissance maximale

aérobie13 (Vo2) des joueurs est importante et plus elle a de chances de pouvoir répéter les

actions offensives et défensives lui permettant de prendre l’avantage sur l’autre. Plus ses joueurs

courent rapidement et plus l’équipe a des chances de faire des différences dans les appels de

balle offensifs ou les interventions défensives. Plus les joueurs sont forts musculairement et plus

ils peuvent lutter de la tête ou bien gagner des duels. Cette force athlétique est évidente et elle

est quantifiable à partir de nombreux tests. Ce qui est moins mesurable c’est le rendement

athlétique des joueurs au cours des rencontres.

Nous savons que le système équipe a besoin d’énergies pour fonctionner. Le potentiel physique

des joueurs est l’une d’entre elles et il sert de « substrat énergétique » au développement du jeu

de l’équipe. Les choix stratégiques préalables au match s’appuient sur une possibilité athlétique

de les réaliser. Quand un entraîneur décide par exemple de faire un pressing14 offensif durant le

premier quart d’heure d’une rencontre, il faut pour cela que les joueurs soient aptes à assurer

cette charge énergétique éprouvante sans hypothéquer les chances de réussite pour le reste du 20

match. Ils doivent aussi conserver leur potentiel d’analyse et de réflexion tactique durant un

effort aussi intense et contraignant que le pressing. Nous voyons que la stratégie repose sur la

prise en compte des différents facteurs de la performance, entendus ici comme l’énergie

nécessaire au fonctionnement du système équipe.

2.2.- La force « cognitive ».

Nous désignons sous ce terme, l’ensemble des ressources intellectuelles que le joueur

utilise pendant le match pour analyser les faits du jeu et répondre ensuite techniquement aux

problèmes posés par l’adversaire. Parmi les mécanismes impliqués nous pouvons citer très

rapidement15 : la mémoire, la vision du jeu associé au traitement de l’information et

13

R.TAELMEN, J.SIMON, Football performance, 1991. p.27. Nous parlerons en fait du de seuil anaérobie comme « le moment où

l’intensité de l’effort devient telle que la consommation d’oxygène et le métabolisme aérobie ne vont plus pouvoir augmenter beaucoup et

que pour répondre aux besoins énergétiques toujours croissants, la glycolyse anaérobie va fortement augmenter et par voie de conséquence

la production de CO2 dépasser la consommation d’oxygène ».

14 R.MICHELS, « Le pressing en football », in Football, entraînement à l’Européenne, 1981, p.89-111. L’auteur définit le pressing de la

façon suivante « quand nous perdons la balle, nous ne nous replions pas devant notre but pour le défendre ; nous nous efforçons de la

récupérer au niveau de chacune de nos lignes ; quand les défenseurs adverses ont la balle, nous nous efforçons de la leur subtiliser. », et il

précise que pour « pratiquer cette stratégie, il faut avant tout un groupe d’au moins quinze joueurs offrant un large éventail de qualités

techniques au plus haut niveau et doués d’une intelligence supérieur du jeu. Pour couronner le tout, ils doivent être en super condition ».

Les joueurs doivent monter rapidement sur le porteur de balle, coordonner leurs mouvements pour limiter au maximum les possib ilités de

passes adverses en se situant au marquage individuel où sur les trajectoires possibles de passes. 15

Nous reprendrons ces notions dans la deuxième partie de notre travail au cours de l’analyse du jeu en déviation.

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l’anticipation. R.Lerda16 définit ces ressources comme « les facteurs cognitifs qui sous-tendent le

comportement décisionnel dans les situations de football (les activités mentales et le traitement

de l’information) dont on sait qu’elles mobilisent également les dimensions technique et

physique de la performance ». En fait nous pouvons dire que ces processus cognitifs sont la base

intellectuelle de l’action de jeu que Mahlö17 dépeint comme « la combinaison significative, plus

ou moins compliquée de divers processus moteurs et psychiques, indispensables à la solution

d’un problème né de la situation de jeu ». Ces processus intellectuels sont à la base des actes

tactiques que les joueurs vont effectuer au cours du match. S’il semble difficile de « mesurer » la

valeur cognitive d’une équipe, il apparaît néanmoins important que les joueurs aient cette

réflexion au cours du match. Rioux & Chappuis18 ne disent pas autre chose quand ils écrivent

qu’« une action collective efficace dépend de la concordance des conceptions tactiques

particulières, et qu’il faut que chaque exécutant se sente vraiment responsable des décisions qui

l’engagent ». Plus les joueurs analysent le jeu et donnent des réponses justes et plus ils ont de

chances de prendre l’avantage sur l’adversaire. Nous pouvons ajouter que plus ils le font vite et

plus ils accroissent les probabilités de faire basculer le rapport de forces en leur faveur.

Mais notre analyse n’est pas complète si nous ne prenons pas la précaution de tenir compte de

l’imbrication permanente des différents mécanismes qui interviennent à divers moments et à

différents degrés dans le jeu. Ainsi, les réponses tactiques ne sont possibles que si le support

athlétique le permet ce qui fait dire à J.Palfaï19 que « le plus haut degré de connaissances dans le

jeu ne peut se déployer dans la pratique que si les qualités physiques et psychologiques sont 20

développées et maintenues au plus au niveau ». Réciproquement la qualité tactique d’une

équipe peut lui permettre de faire l’économie de certains efforts et donc de pouvoir être plus

efficiente.

2.3.- La force motivationnelle.

Il est fréquent d’entendre parler « de force morale », de solidarité d’une équipe. Plus

concrètement, il semble évident qu’une équipe dont les joueurs ont tous le même

investissement dans les tâches offensives et défensives possède un avantage par rapport à son

adversaire. Ceci est traduit par Roux & Chappuis20 quand ils disent que « la réalité d’une équipe

déborde largement le simple rendement opérationnel et s’exprime plus particulièrement dans

les relations psychosociales toujours très étroites ». En effet, une formation ainsi dynamisée voit

sa motivation augmenter et elle permet au joueur de faire des efforts intenses plus longtemps au

cours du match. C’est cette envie qui transcende souvent les équipes amateurs face aux

professionnelles dans des matchs de Coupe. La force de l’équipe peut ici s’apparenter à une

16

R.LERDA, Les déterminants cognitifs des conduites de décision : le cas du football, 1993, Thèse STAPS, p.4. 17

F.MAHLO, op-cit, p.28-29. 18

G.RIOUX,R.CHAPPUIS, L’équipe dans les sports collectifs, 1977, p.18. 19

J.PALFAI, Méthodes d’entraînements moderne en football, 1989, p.193. 20

G.RIOUX,R.CHAPPUIS, op-cit, 1977, p.11.

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volonté de dépassement21 de soi-même afin de porter ses limites physiques et techniques au

maximum de ses possibilités. L’équipe apparaît alors soudée et conquérante ce qui se traduit sur

le terrain par une facilité et une spontanéité dans les actions de soutien au porteur de balle, dans

les actions de reconquête du ballon ou dans la multiplication des appels de balle. L’équipe est

forte car elle se donne les moyens de mobiliser les ressources énergétiques au plus au niveau de

rendement. Mais cette force n’est pas forcément suffisante et il arrive aussi que « la force

technique » ne soit pas au diapason de la motivation, ce qui limite les chances de remporter le

match.

3.-: Analyse tactique du rapport de force.

3.1.- De la stratégie à la tactique.

Sans remonter au jeu originel qu’est la Soule22, le football est un affrontement entre deux

groupes, deux collectifs aux intérêts divergents. Les équipes sont opposées tout en ayant le

même but qui est le gain du match. Pour prendre l’avantage sur l’adversaire les joueurs et

l’entraîneur ont tout intérêt à s’organiser au préalable. Pour cela, ils vont répertorier l’ensemble

des points forts et des points faibles de l’équipe afin de mettre en œuvre des stratégies destinées

à conquérir et conserver la balle pour aller vers la cible et tirer. Issue du vocabulaire de la guerre,

mais utilisée dans d’autres domaines comme les mathématiques ou l’économie23, la notion de 20

stratégie s’applique aussi au football quand elle « consiste à faire concourir des moyens

hétérogènes et des actions dissemblables à la réalisation d’objectifs globaux. Cette action

implique la prise en considération, dans un même raisonnement de variables de nature diverse,

dont certaines, parmi les plus importantes, ne sont pas quantifiables24 ». Ce qui revient à dire

que si la « force globale » d’une équipe de football n’est pas une notion quantifiable, nous avons

néanmoins recensé différentes ressources individuelles qu’il semble indispensable à prendre en

compte dans l’élaboration d’une stratégie commune destinée à dépasser l’adversaire.

G.Boulogne25 parle d’organisation de jeu, mais nous assimilerons sa définition à celle de

stratégie. Il dit que « L’organisation de jeu assure une base rationnelle à l’équipe et permet une

meilleure répartition des efforts, donc un meilleur rendement. Elle donne des positions de base

aux joueurs, définit leurs fonctions principales, assure la cohésion de l’équipe, fixe les lignes de

21

M.DURAND, L’enfant et le sport, 2ème

Ed, 1989, p.42. « Il s’agit pour le joueur d’atteindre un objectif clairement défini (battre un

adversaire ou réaliser un certain standard de performance) tel que sa prestation puisse être évaluée en termes de succès ou d’échec. On peut

dire encore que le joueur cherche spontanément à améliorer l’efficacité de son comportement de façon à atteindre des niveaux d’efficacité

très élevé dans des situations qu’il valorise, par exemple : le match. 22

A.DUFAY, Chasseur de but, 1993, p.9-10. L’auteur cite J.LE FLOCH’MOAN. « Il existe une variante appelée courte soule où il

s’agissait, soit de pousser le ballon à l’extrême limite du camp défendu par l’adversaire, soit d’aller le déposer en un endroit précis, soit

encore de le faire passer entre eux piquets. Le jeu était accompagné de nombreux dangers, dont certain échoient aux joueurs. Pour preuve

de cela, quand le jeu se termine, vous les voyez rentrer chez eux, comme d’une bataille rangée, avec des têtes sanglantes, des os brisés et

déboîtés, et des coups de nature à raccourcie leurs jours ». 23

J.VON NEUMANN, O.MORGENSTEIN, Theory of games and economic behavior, 1944. 24

B de SAINT-SERNIN, « Stratégie et Tactique », in Encyclopédie Universalis, CD ROM, 1998, p.1-4. 25

G.BOULOGNE, « Organisation de jeu, tactique / plan de jeu », in Revue EPS N° 117, 1972, p52-55.

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développement pour les manœuvres tactiques… la tactique, elle, anime l’organisation de jeu et,

de logique, la rend vivante et humaine. Elle facilite l’utilisation judicieuse et opportune des

qualités physiques et techniques des joueurs ou des groupes de joueurs. Elle vise localement, à

mettre l’organisation de jeu adverse en défaut (attaque) ou à pallier les défaillances de sa propre

organisation de jeu (défense) ». Cette définition nous permet donc d'établir clairement un

distinguo entre les deux notions de stratégie et de tactique, distinction que nous allons affiner.

B.Grosgeorges26exprime cette différence entre stratégie et tactique en disant que si « la stratégie

fixe les priorités, elle doit garder une certaine souplesse et accompagner la tactique dans

l’action ». De manière quelque peu empirique nous dirons aussi comme Wrzos27 que « la

stratégie c’est l’ensemble des activités et des actions précédant le match tandis que la tactique,

c’est l’ensemble des activités et des actions appliquées pendant sa conduite ». Il n’y a finalement

que Teodoresco28 qui globalise les deux notions tout en les caractérisant dans le temps. Il décrit

d’une part la tactique d’avant match comme une organisation qui vise à « obliger l’équipe

adverse à entamer la lutte dans les conditions désavantageuses pour elle, et favorables pour sa

propre équipe » et d’autre part la tactique pendant le match comme « le moyen par lequel une

équipe essaye de valoriser les qualités propres des joueurs, en créant des conditions pour cette

mise en valeur ». Dans tous les cas la tactique est indissociable de la stratégie et de la technique

qui est la traduction motrice des desseins opératoires du joueur. A ce titre, nous ferons référence

à la notion de noocinèse que Menaut29 définit comme la traduction motrice du noos30 et qui

pour lui permet une immédiateté de l’action. En effet, « la saisie immédiate et soudaine d’un 20

sens à attribuer à un objet, une personne ou une situation » autorise le joueur dans la situation

tactique a avoir « une activité de l’esprit qui non seulement permet au sujet de pénétrer plus

profondément au cœur des situations mais encore de voir plus loin que ses yeux, bref il prévoit à

la fois dans le temps et l’espace ». Ces prévisions dans le temps et l’espace semblent être des

caractéristiques tout à fait intéressantes pour définir l’acte tactique, nous verrons qu’elles sont

omniprésentes dans le cadre du jeu en déviation.

Nous allons maintenant envisager l’analyse tactique du rapport de forces en abordant les notions

d’attaque et de défense, c’est à dire les moments où les deux équipes sont en confrontation

directe pour la possession du ballon, l’atteinte de la cible ou la protection de celle-ci.

26

B.GROSGEORGE, Observation et entraînement en sports collectifs, 1990, p.14. 27

J.WRZOS, La tactique de l’attaque, 1984, p.17. 28

L.TEODORESCO, op-cit.p.124. 29

A.MENAUT, op-cit, p.320. 30

Noos : terme pré philosophique grec qui est un concept focalisé sur l’action. Noos en tant que procès, signifie « intuiter une action ».

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8

3.2.- L'Attaque

L'analyse théorique de l'attaque faite par Teodoresco31 en 1965, bien qu'étant maintenant vielle

de trente cinq ans, est toujours un référent rigoureux, clair et explicite. Au même titre que

l’analyse systémique, nous prendrons appui tout au long de notre étude sur ces travaux afin

d’expliquer les mécanismes collectifs mis en jeu dans le football en général et le jeu en déviation

en particulier. Ici nous analyserons la notion de le rapport de forces à travers l’étude du rapport

attaque / défense.

De façon théorique nous pouvons dire que l’état d’équilibre n’existe qu’à l’engagement

avant que le ballon ne soit mis en jeu par l’une ou l’autre des deux équipes. Ensuite le

déroulement du jeu impose un passage incessant entre le statut d’attaquant et de défenseur.

L’équipe qui n’a plus la balle s’organise alors pour revenir à cet état d’équilibre qui n’est

qu’illusoire. Elle essaie de placer des joueurs entre l'adversaire, la balle et son but. Pour y arriver,

elle respecte des principes que Teodoresco nomme : « des phases » et qui organisent l'action

collective des arrières. Au moment de la perte de possession de balle, l'équipe tente dans un

premier temps d'arrêter la contre attaque. Ses avants sont chargés de freiner au maximum

l'action des arrières adverses. Dans le même moment, le reste de l'équipe effectue ce que

l’auteur appelle : « le repliement ou retraite » qui conduira les joueurs dans un troisième temps à

l'occupation du dispositif de défense. Ainsi organisés, les arrières tentent de limiter l'espace de

jeu de l'équipe adverse en se déplaçant et en imposant une densité importante de joueurs 20

devant la cible. Ils essaient de s'opposer aux avants en cherchant à les devancer dans le temps.

Enfin, ils tentent de reprendre l'initiative (être dominant) sur l'équipe qui est en possession du

ballon.

Après la reconquête de la balle, c'est l'équipe attaquante qui bénéficie de l'initiative puisqu’en

possession du ballon. Elle doit aller vers la cible (progression), sans perdre le ballon

(conservation) pour tirer et si possible marquer. Teodoresco définit l'attaque comme un

ensemble de «circulations et de combinaisons tactiques visant à une désorganisation de la

défense adverse », sa finalité ultime consiste « en une action individuelle de la plus grande

efficience : le tir ».

- Les forces de l’attaque.

1-Au moment de l’entrée en possession du ballon. En dehors des possibilités réglementaires que

sont la marque d’un point ou la sortie du ballon hors des limites du champ de jeu, c’est le

moment ou l’équipe change de statut et qu’elle devient attaquante. Sa force se manifeste alors

dans la forme adoptée pour récupérer le ballon rapidement : harcèlement ou pressing et l’espace

où a lieu cette récupération. Le plus près de la cible adverse semble le plus intéressant pour se

31

L.TEODORESCO, « Principes pour l’étude de la tactique commune aux jeux collectifs et leur corrélation avec la préparation des

équipes et des joueurs », in Actes du colloque de Vichy,1965, p.122-138.

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mettre rapidement en position de tir.

2- Le passage dans le terrain adverse ou progression vers la cible : il peut se faire selon trois

modes ou trois formes. La contre attaque, l’attaque rapide ou le passage lent. Nous ne les

détaillerons pas ici car le jeu en déviation est un de ceux-ci. Par contre, nous mettrons en

évidence le fait suivant. Si nous pouvons distinguer plusieurs formes possibles à l’attaque c’est

que : le rapport de forces induit, au moment de son déclenchement; la forme ultérieure de son

déroulement. Plus clairement nous dirons que c’est l’utilisation des ressources cognitives qui est

ici importante. Les joueurs estiment à partir du rapport de forces initial leurs chances potentielles

de réussite offensive. En fonction de cette prédiction ils décident alors de la forme de l’attaque.

Evidemment cette communication nécessaire n’est pas forcément orale et les partenaires

doivent analyser les mouvements et attitudes des partenaires et adversaires leur indiquant si

l’option choisie est viable. Si les appels de balle sont nombreux, immédiats et étalés sur la

longueur du terrain, le passage rapide semble possible. A l’inverse si les partenaires du

possesseur de balle sont étroitement surveillés le passage lent permettant la conservation du

ballon est préférable.

3.3.- La Défense.

Teodoresco32 parle de la défense comme « d’un dispositif organisé, une coordination et une

collaboration dans les actions qui s'efforce non seulement d'éviter les points, mais aussi la 20

reprise rapide du ballon à l'adversaire et le passage à la contre-attaque ».

- Les forces de la défense.

1-L’équilibre défensif, c’est la volonté qu’a une équipe d’anticiper sur la perte de balle et de se

préparer à dresser un rideau défensif devant sa cible. La répartition des forces de l’équipe dans la

phase offensive se fait de telle manière que la perte de possession du ballon n’entraîne pas un

danger immédiat pour l’équipe. Les onze joueurs de l’équipe de football n’occupent pas tous des

positions avancées sur le terrain en phase offensive et certains en fonction de la position du

ballon se positionnent déjà pour être des récupérateurs efficaces. Notre étude ne prendra pas

particulièrement cette phase de la défense en considération car le jeu à 4 contre 4 ne permet pas

aux joueurs une prise en charge de rôles aussi spécifiques.

2-Le placement dans la défense. Il se fait à la perte de balle et chaque joueur essaie alors d’être

le plus efficace possible en adoptant une position sur le terrain telle qu’il soit un obstacle

immédiat ou potentiel pour l’adversaire. Les défenseurs doivent alors respecter les principes

suivants :

- être entre le ballon et le but

- être entre l’adversaire et le but

32 L.TEODORESCO, ibid, p.135.

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10

- réduire au maximum les espaces qui existent entre les différents défenseurs.

Pour cela les arrières doivent prendre des informations sur leurs partenaires, les adversaires et la

balle et se déplacer pour ne pas laisser d’espaces favorables aux attaquants.

La force défensive d’une équipe peut se mesurer alors à la vitesse à laquelle ces manœuvres sont

exécutées et à la difficulté concrète que les attaquants ont devant eux pour dépasser un réseau

dense, mobile et des adversaires voulant reconquérir le ballon.

3-L’anticipation des actions offensives. L’équipe est forte en défense quand elle peut mobiliser

rapidement pour les tâches de récupération de balle un nombre important de joueurs dans une

zone proche du porteur de balle adverse. Mais ce n’est pas toujours possible et parfois des

équipes mobilisent davantage leurs ressources cognitives ; les joueurs anticipent sur les actions

adverses. En gagnant du temps dans la décision d’intervenir, le défenseur surprend l’attaquant et

annihile l’action adverse.

3.4.- Synthèse.

L’analyse tactique du rapport de forces nous a permis d’envisager très rapidement

quelques grands paramètres à prendre en compte pour analyser le jeu de football. On peut alors

dresser un inventaire des variables à considérer pour comprendre les phénomènes qui

apparaissent dans le jeu. Le cadre proposé (Figure.1, p.11) prend en compte quatre domaines

que sont la stratégie, la tactique, la technique et le règlement. 20

Ileps L3 08-09 A. Lemoine

11

Figure 1 : Analyse du rapport de force

Forces Attaquants

f = 1

Forces Défenseurs

Forces des Attaquants Forces des Défenseurs

au plan STRATEGIQUE

- Nombre d'attaquants

- Disposition générale (le système de jeu)

au plan STRATEGIQUE

- Nombre de défenseurs

- Disposition générale (le système de

jeu)

Au plan TACTIQUE

- la position des attaquants

- la position du porteur de balle

- Le nombre et le positionnement des

joueurs libres.

- La possibilité de création d'espaces

libres

- La possibilité de créer de l'incertitude.

au plan TACTIQUE

- position des défenseurs

- défense placée en barrage

- défense en reconstitution

- défense dépassée en poursuite

au plan TECHNIQUE

- Utilisation du jeu en déviation.

au plan TECHNIQUE

- tacles, interceptions

au plan REGLEMENTAIRE

- jouer à la limite du hors-jeu

au plan REGLEMENTAIRE

- Utilisation de la règle du hors-jeu.

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4.- Analyse stratégique du rapport de forces : Les systèmes de jeu

La notion du rapport de force replacée dans la relation dialectique instaurée par le match,

permet de mettre en évidence la nécessité d’organiser les joueurs constituant l’équipe. Parce

que cette mise en place est forcément antérieure au match et quelle doit prendre en compte les

caractéristiques des joueurs de l’équipe, nous dirons quelle relève de la stratégie telle que nous

l’avons définie auparavant.

Historiquement ce sont les systèmes de jeu qui définissent la répartition des joueurs sur le

terrain de manière à optimiser le rendement de l'équipe en créant des lignes de force destinées à

s'opposer ou à dépasser l'adversaire. Nous analyserons l’organisation actuelle des équipes et

envisagerons ensuite les différents aspects que revêt le jeu en déviation selon qu'il est pratiqué

devant le but défendu, dans la partie médiane du terrain ou à proximité du but attaqué.

4.1.- Définition.

L.Teodoresco a théorisé la notion en mettant en rapport le système de jeu et la tactique en

disant que « le système de jeu représente la structure fondamentale de la tactique collective. A

l’aide de ce système, on établit une différence entre les compartiments du jeu et les postes de

l’équipe. En football et en rugby, le système de jeu considère l’attaque et la défense en son

ensemble. Il définit alors le système de jeu comme33 : « la forme générale d’organisation des 20

actions offensives ou défensives des joueurs par l’établissement d’un dispositif précis, de

certaines tâches, ainsi que de certains principes de collaboration entre ceux-ci ». En fait cette

définition est souvent reprise (Dufour34, 1974 ; Gréhaigne35, 1993) et semble faire consensus

dans le domaine de la recherche appliquée au football.

Le système de jeu est donc bien une répartition théorique et préalable des joueurs sur le terrain

en vue d’organiser et de coordonner leurs actions tactiques les uns par rapport aux autres, ce

que J.Teissie36 organise en trois points. Il cite d’abord l’occupation du terrain et les figures

géométriques dans lesquelles vont s’inscrire les joueurs. Puis il définit l’organisation des

mouvements offensifs et défensifs impliquant un mode de relation entre les joueurs, celui-ci

ayant une influence sur le rythme de cheminement du ballon. Enfin il décrit la façon dont joue

l’équipe, ce que l’on pourrait appeler « son style ».

33

L.TEODORESCO, op-cit. 34

J.DUFOUR, op-cit. 35

JF.GREHAIGNE, op-cit. 36 J.TEISSIE, op-cit,.

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4.2.- Fonction du système de jeu.

Le système de jeu assure une cohésion au sein de l’équipe car il possède deux fonctions. Il

organise et il structure l’espace d’évolution des joueurs, créant des repères stables, qui

permettent aux joueurs de s'investir totalement dans leurs tâches individuelles autant en

attaque qu'en défense. Le terrain de football, est un espace organisé constitué de lignes et de

cibles fixes, qui délimitent un lieu de confrontation fermé, à l'intérieur duquel les deux équipes

vont chercher à prendre l'ascendant l'une sur l'autre. Dans cet espace « clos », les joueurs vont

se répartir de la façon la plus équilibrée possible afin de mettre en œuvre des actions offensives

quand l'équipe possède la balle et faire barrage à l'adversaire afin de protéger son propre but à la

perte de balle. J.Teissie37 y voit « une occupation plus ou moins structurée et orientée du champ

de jeu, des étages et des couloirs, dont la forme est définie à chaque instant par les placements

et déplacements relatifs de ses représentants ». Prenons l'exemple d'une équipe qui découpe le

terrain en trois lignes de force. Elle dispose quatre arrières sur une même ligne, puis quatre

milieux de terrains sur une ligne intermédiaire et enfin deux attaquants sur la ligne de force la

plus proche du gardien de but adverse. Ce découpage dans le sens de la longueur du terrain

correspond à ce que Teissié nomme les étages et il met en évidence réciproquement la création

de couloirs dans le sens de la largeur. Le terrain est découpé longitudinalement en quatre

couloirs qui sont occupés par les joueurs de chaque ligne. Le couloir droit est constitué de deux 20

joueurs que sont l'arrière droit et le milieu droit. Alors qu'un des couloirs central est lui occupé

par 3 joueurs : un arrière, un milieu et un attaquant. Cette répartition théorique permet la mise

en évidence de possibles relations entre les joueurs (Fig.2, p. 14). Si nous prenons le cas du côté

gauche du terrain, nous nous apercevons que des figures géométriques simples relient les

positions initiales des protagonistes.

37

J.TEISSIE, op-cit,

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14

Figure 2 : Constitution de 3 lignes de force.

Légende : ballon

Opposant

Equipe en possession de la balle

L'arrière gauche est situé à la pointe d’un triangle offensif et le milieu droit à la base d’un triangle

défensif. Cette disposition des joueurs leur permet de construire des repères spatiaux stables 20

entre eux. En effet, tenant compte des dimensions fixes et invariables du terrain le joueur peut

ainsi se construire une sorte de cartographie de son espace de jeu en sachant que la distance qui

le sépare de ses partenaires quand il évolue dans cette configuration de jeu (4-4-2) est d'environ

8 à 10 m pour ses partenaires les plus proches. En possession du ballon, l'arrière gauche sait qu'il

peut « théoriquement » contacter devant lui un milieu de terrain pour faire progresser la balle (

changement de ligne) ou bien conserver le ballon en transmettant à sa droite à un autre

défenseur (la balle reste sur la même ligne). Cette disposition prend toute sa valeur dans les

phases statiques du jeu : engagement, coups de pied arrêtés, touche. Mais elle favorise aussi les

déplacements et les replacements des joueurs suite à un engagement dans une action (l’arrière

se replace après avoir débordé et centré). Le joueur construit ses repères.

Conclusion.

De l’opposition naît la coopération, de l’adversité naît la cohésion, de la difficulté naît la

force. Confrontée à des situations de jeu sans cesse changeantes, l’équipe pour prendre le dessus

sur l’adversaire doit produire une force collective qui n’est pas uniquement liée au nombre de

joueurs impliqués dans l’action. Le rapport de force dépend aussi de la qualité et de l’intelligence

des actions initiées par ceux-ci. D’un déséquilibre numérique initial défavorable à l’attaque

(quatre défenseurs contre deux attaquants) peut naître un mouvement offensif qui est

dangereux pour la défense. La force offensive collective créée peut faire basculer le rapport de

force en faveur des attaquants. 40