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VIVRE ICI Patrimoine

TEXTE ET PHOTOS : AGNÈS DENOIX-MOLINA (SAUF MENTION CONTRAIRE)

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RadepontLe châtelet d’entrée.

Le château de Bonnemare se cache dans la forêt de Radepont, à l’écart des sentiers bat-tus, en bordure du Vexin normand. Après avoir emprunté quelques routes de traverse, une allée arborée vous accueille et le charme intervient…

DE BONNEMARE Un havre de paix

L a promenade débute au pied d’un châtelet d’entrée majestueux. Passé le porche sombre, une vieille porte s’ouvre sur une vaste étendue de pelouse, ornée

de quelques statues avec pour horizon, la façade de brique et de pierre de l’édifi ce principal. A gauche, une large cour entourée de bâtiments agricoles du XVIe siècle où, jadis, paysans et domestiques s’activaient.La cidrerie, fort bien conservée, recèle un véri-table trésor du patrimoine normand. Ses pressoirs, auxquels on accédait directement, sans passer par l’entrée principale, étaient à la disposition du hameau tout entier. Les familles possédaient leur propre fût et venaient soutirer le cidre au fur et à mesure de leurs besoins mais la cave du châte-lain se trouvait sous la cour. La première presse à pommes date de 1570. Un siècle plus tard, la cidrerie s’agrandit pour accueillir un pressoir plus imposant, qui existe toujours.Passée la ferme, dirigez-vous vers la chapelle ronde. Son origine remonterait au XIIIe siècle et elle connut une histoire assez mouvementée (lire encadré). La construction actuelle qui date du XVIe siècle abrite des décors du XVIIe, alors que les vitraux, très originaux, ont été réalisés par le propriétaire des lieux au siècle dernier.La balade se prolonge ensuite dans le parc avec son tilleul vieux de 450 ans, que les tempêtes n’ont pas

encore réussi à déraciner. Mais en hiver, la pluie, les bourrasques ou la neige poussent le curieux à s’intéresser rapidement au logis des maîtres des lieux… Alain et Sylvie Vandecandelaere ouvrent volontiers leur porte pour une visite passionnante avec moult détails historiques  : l’occasion de dé-couvrir l’investissement d’une famille, génération après génération, pour entretenir, rénover et valoriser ce patrimoine.

Une cuisine bien dotéeLe bâtiment a été construit pour remplacer le manoir médiéval du domaine par Nicolas Leconte, marquis de Draqueville, président au Parlement de Normandie, entre 1555 et 1577, puis amélioré par ses propriétaires successifs.Première étape, au rez-de-chaussée, avec le grand salon, mais surtout, la magnifi que cuisine voûtée (fi n XVIe) où une immense cheminée s’impose sur toute la largeur, soutenue par trois arcades. Au centre, le foyer dispose de trois modes de cuisson  : potence, crémaillère et pot pour la soupe. De part et d’autre, les fumoirs s’avèrent fort utiles pour conserver viande et charcuterie. Les propriétaires sans doute amateurs de bonne chère, n’avaient pas lésiné sur les moyens et dispo-saient même d’un tournebroche installé vers 1650 d’après une invention de Léonard de Vinci

Le château

1 - Le boudoir et ses fresques « grotesques » du XVIIe siècle.

2 - La chambre de parade et ses décors du XVIIe siècle.

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Le curé de Radepont devait en eff et célébrer quatre messes par semaine dans la chapelle. En échange, les seigneurs de Bonnemare s’engageaient à verser une dîme de 40 à 50 livres.Non seulement les accords n’étaient pas toujours respectés par les deux parties, mais encore, on n’hésitait pas à se titiller, histoire d’at-tiser la querelle. Ainsi par exemple, le Sieur de Cromelin de Vilett e, de 1729 à 1747, propriétaire des lieux mais de religion protestante, exigeait du curé de venir célébrer ses messes… y compris en plein hiver, l’obligeant ainsi à traverser une forêt infestée de loups. Au to-tal, cinq siècles de procès auxquels la Révolution mit enfi n un terme.

qui fonctionne encore aujourd’hui en utilisant la force motrice de l’air chaud qui s’élève au-dessus du foyer. Celle-ci actionne alors une hélice dont le mouvement anime un mécanisme destiné à entraîner la rotation du tournebroche, dont la vitesse était ré-glable… comble du luxe !

Des décors uniquesA partir du vestibule, un bel escalier à l’italienne en brique et pierre mène aux étages. Dans les magnifi ques chambres, on dé-couvre des décors en stuc du XVIIIe siècle, des fresques sur les murs et des lambris d’inspiration italienne en trompe-l’œil du XVIIe siècle, selon des dessins de Jacques Stella (un proche de Nicolas Poussin), les portraits du jeune Louis XIV, Marie-Th érèse d’Autriche et du Grand Dauphin, ou encore un magnifi que par-quet chevillé.Enfi n, un trésor se dissimule également dans les combles, inac-cessibles au visiteur. En eff et, les tourelles du château et la voûte du boudoir présentent des charpentes courbes du XVIe à la « Philibert Delorme » similaires à celles du château d’Anet (Eure-et-Loir). Cett e charpente très rare, dite « à petits bois », permett ait d’utiliser des éléments de petite dimension.Une prouesse pour l’époque, qui a su résister au temps.

Prat iqueCe château classé Monument Historique appartient toujours à une famille normande qui, de génération en génération, consacre la majorité de son temps à son entretien. Il est possible de le visiter lors des Journées du Patrimoine ou en groupe sur réservation.Possibilité de dormir au château ou dans les dépendances (chambres d’hôtes de prestige ou gîtes).Contact : Alain et Sylvie Vandecandelaere, 990 route de Bacqueville, 27380 Radepont. Tél. : 02.69.69.44.33, 06.03.96.36.53. www.bonnemare.com

Querelles de clocherLa chapelle du château dédiée à saint Christophe en 1231 fut l’objet de confl its parfois ubuesques et sur-tout de nombreux procès entre les propriétaires du château de Bonnemare et les curés de Radepont, la paroisse voisine.

1 - Portraits de Louis XIV, de Marie-Thérèse d’Autriche et du Grand Dauphin.

2 - Détail des lambris du boudoir avec dessins en trompe-l’œil du XVIIe siècle.

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