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Personnaliser la formation professionnelle continue - Une proposition de réforme Raphaël Wintrebert, décembre 2008 p. 1

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Proposition de réforme du système de formation professionnelle français

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Page 1: Personnaliser la formation professionnelle continue. Une proposition de réforme

Personnaliser la formation professionnelle continue-

Une proposition de réforme

Raphaël Wintrebert, décembre 2008

p. 1

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I. Pour une nouvelle architecture des droits, des o bjectifs et des dispositifs dela formation professionnelle (p.4)

1/ Anticiper l’évolution du travail (p.4)2/ Développer une approche en terme de « capabilités » plutôt qu’en terme de« capitaux » (p.8)3/ Redéfinir les objectifs de la formation et les droits correspondants (p.12)

II. Pour une nouvelle structure politique de la FPC fondée sur laterritorialisation (p.17)

1/ Quel domaine de compétence pour l’Etat en matière de FPC ? (p.21)2/ Quelle place pour les partenaires sociaux et les Branches professionnelles ?(p.28)3/ Assumer la logique territoriale : les Conseils régionaux et les partenaires sociauxau cœur du système de FPC (p.33)

III. 3 parcours de formation : vers, dans et par-de là l’entreprise (p.44)

1/ La formation vers l’entreprise : clarifier le rôle d’« intermédiaire deProfessionnalisation » (et particulièrement les OPCA) (p.44)2/ La formation dans l’entreprise : promouvoir les moments et les lieux de co-décision (p.55)3/ La formation par-delà l’entreprise : modalités et usages du compte formation(p.62)

IV. Fonder les investissements financiers sur les b esoins de formation desindividus et des entreprises (p.71)

1/ Evaluer les besoins de formation des individus « tout au long de la vie » (p.71)2/ L’investissement de l’individu : se former pendant ou hors du travail ? (p.78)3/ Investissement financier de l’Etat : les formations diplômantes (p.80)4/ Investissement financier des Conseils régionaux (p.84)

Conclusion (p.94)

Synthèse analytique (p.98)

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Annexes (p.108)

Dépenses de formation professionnelle dans l’Union européenne ............................. 107 Taux d’accès à la formation professionnelle ............................................................... 108 Investissement actuel de l’Etat dans la formation professionnelle ............................. 109 Les contributions financières des entreprises depuis l’ANI de 2003 .......................... 110 La négociation de branche en matière de formation professionnelle .......................... 111 Répertoire des sigles utilisés ....................................................................................... 112

Encadrés

Encadré 1- Stabilité dans l’emploi, stabilité de l’emploi............................................................7Encadré 2 - La décentralisation de la FPC et de l'apprentissage...............................................18Encadré 3 - L'exemple de la "Maison de l'Emploi, de l'Insertion et de la FormationProfessionnelle" de Rennes.......................................................................................................25Encadré 4 - Des exemples de passerelles entre différents métiers............................................29Encadré 5 - Taux de participation financière selon la taille des entreprises.............................46Encadré 6 - Montant des collectes de différents OPCA............................................................51Encadré 7 - Négociations collectives dans les entreprises sur la formation professionnelle....58Encadré 8 - L'exemple de la politique de formation à Air France............................................59Encadré 9 - Les dépenses de formation de l'Unédic.................................................................73Encadré 10 - Les projets de compte épargne formation à la CDC dans les années 1990.........75Encadré 11 - Le droit à la qualification professionnelle dans le code du travail......................81Encadré 12 - Les priorités de l'Etat en matière de formation....................................................83Encadré 13 - Les dépenses régionales de formation.................................................................84Encadré 14 - Répartition des dépenses régionales de formation...............................................85Encadré 15 - Taux de participation financière et taux d'accès à la formation..........................87Encadré 16 - L'obligation légale, pour les entreprises, d'adapter les salariés à leur poste detravail........................................................................................................................................89Encadré 17 - Les avantages d'une suppression de l'obligation légale au titre du Plan..............90

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« Nous avons observé que l’instruction ne devait pas abandonner lesindividus au sortir de l’école, qu’elle devait embrasser tous les âges,qu’il n’y en ait aucun où il ne fut possible et utile d’apprendre »(Condorcet, 1792, p.452)

« La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte àl’instruction, à la formation professionnelle et à la culture.L’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous lesdegrés est un devoir de l’Etat » (Préambule de la Constitution de laVe République)

I. Pour une nouvelle architecture des droits, des o bjectifs et des dispositifs dela formation professionnelle.

1/ Anticiper l’évolution du travail

Pour penser le système « emploi-formation-travail » de demain il faut prendre lamesure des bouleversements des systèmes productif et redistributif au 20e siècle1.La France a développé un modèle de protection sociale fondé sur une logiquebismarkienne, c’est-à-dire sur la centralité du statut professionnel dans l’acquisitiondes droits sociaux. La Sécurité Sociale est encore principalement financée par lacotisation sociale assise sur le salaire. Outre le statut professionnel, le statut familialconstitue un second pilier de l’Etat social : les droits du travailleur sont étendus auxmembres de sa famille par la reconnaissance des ‘‘ayant-droits’’, et un grand nombrede prestations sont familialisées. Or si ce modèle semblait globalement efficace dansle cadre d’un développement économique industriel, d’un noyau familial relativementstable et d’un Etat national fort, il paraît moins adapté aujourd’hui en raison d’unnouveau mode d’organisation caractérisé par des entreprises de services, dessituations familiales diversifiées (et davantage précaires) et un Etat national inscritdans un processus de mondialisation qui le dépasse et qui, à bien des égards, lecontraint.

Ne faut-il pas dès lors transformer nos représentations, nos normes, de ce qu’est letravail classique (conception du modèle fordiste) : un travail subordonné unissant unemployeur avec un travailleur, père de famille et engagé à durée indéterminée pourune prestation définie par le poste de travail ? Pour Alain Supiot, les termesfondateurs du statut salarial – subordination contre sécurité – sont bouleverséspuisque les entreprises exigent aujourd’hui plus d’autonomie mais garantissentmoins la sécurité, alors même que le compromis fordiste reposait sur lasubordination en échange d’une relative stabilité d’emploi. Le modèle fordiste dustatut professionnel serait en voie de décomposition dans la mesure où :

1 Cette recherche, réalisée en très grande partie dans le cadre de mes activités à la Fondation pourl'innovation politique, n’aurait pu être menée sans les remarques et conseils avisés et précieux dePhilippe Brongniart. Je tiens à également à remercier Lou-Salomé Cohen pour son aide et sadisponibilité dans la dernière phase de rédaction du texte.

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« - la continuité du statut était typiquement assimilée à la continuité d'un emploi toutela vie durant. Or cette continuité de l'emploi est mise en question par la flexibilisationinterne (transformations du travail au service d'un même employeur) ou externe(précarisation des contrats), de même que par l'existence du chômage.

- le statut professionnel fordiste était défini par la profession. On constate cependantune relativisation du critère professionnel au profit d'autres définitions, notammentcelle fondée sur le poste de travail évalué en termes monétaires (voir par exempleles règles du chômage)

- la pluralisation des statuts met en berne l'idéal d'unicité fordiste

- l'unicité de l'employeur est mise en échec, tant en synchronie (groupes ou réseauxd'entreprises) qu'en diachronie (succession d'employeurs) » (Supiot, 1999, p.297).

L’effritement du modèle fordiste correspond également à une diversification destrajectoires individuelles. Celles-ci ne sont plus définies dans le cadre d’un cycle devie professionnel standardisé (entrée rapide dans la vie active, transitions limitéessur le marché du travail, chômage de courte durée, inactivité avec l’arrivée d’enfantspour les femmes)2. Même si la dimension collective des destins est loin d’avoirdisparu, la conscience de la structure de classe, elle, s’est désagrégée. Les identitéscollectives (famille, classe, nation) sont de moins en moins des références centrales.Pierre Rosanvallon (1995) parle ainsi d’un processus « d’individualisation du social »nécessitant de se focaliser désormais sur les parcours individuels. « Il semble quel’on assiste, en quelque sorte, à ce que l’on pourrait nommer une crise des ‘‘statuts’’– le statut (pris ici au sens large) renvoyant à une identité collective, catégorie dereprésentation (pour décrire la réalité sociale) mais aussi d’action (au sens où ellesert de repère et d’appui pour l’action publique et collective), et pouvant, danscertains cas faire l’objet d’une construction juridique, au niveau de sa délimitation etdes droits qui lui sont attachés » (Gautié, 2003, p.18).

En réalité, les changements sont moins nets qu’il n’y parait. Nos sociétésdéveloppées ne sont pas passées d’un modèle fordiste à un modèle post-fordistecomme on appuie sur un interrupteur. Robert Castel rappelle très utilement que lasociété salariale ne se réduit pas au modèle fordiste. Très tôt est apparu un salariat« haut de gamme » : « il a gardé les protections du droit du travail et de la législationsociale. Mais sa subordination est bien moindre, ou en tous cas revêt des formestrès différentes de celles de la relation ‘‘fordiste’’ de travail. Ses tâches sont aussiplus individualisées et diversifiées. En fait il se conduit largement comme un individu,à la fois dans le travail et dans le hors-travail, même si ses libertés dépendent du faitqu’il est inscrit dans des systèmes de régulations collectives » (Castel, 1999, p.441).Mieux, l’individualisme moderne s’est développé « sur le terreau du salariat protégé.Le statut de salarié a procuré à la majorité des membres de la société salariale lessupports nécessaires pour stabiliser le présent, maîtriser l’avenir, et leur permettreainsi de développer des stratégies personnelles sur la base de leur communeappartenance à des systèmes de régulations juridiques garantis par l’Etat social »(ibid.). Individualisme et salariat ne sont pas antinomiques ; il ne faut donc pasthéoriser la « fin » du salariat mais plutôt la déstabilisation d’une certaine forme de

2 Anne-Marie Guillemard (2003) parle de « désintitutionnalisation des âges de la vie ».

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salariat. Christophe Ramaux ajoute que les traits caractéristiques de la sociétésalariale sont toujours bien présents aujourd’hui. Il n’existe pas une instabilitégénéralisée de l’emploi pour une majorité de travailleurs, loin de là. Plusieurs étudesmontrent qu’« on ne constate aucune tendance généralisée et manifeste àl’aggravation de l’instabilité dans les principaux pays industrialisés » (Auer et Cases,2000, p.429). Plutôt que de considérer schématiquement d’un côté un besoind’instabilité des entreprises, de l’autre un besoin de stabilité des employés, il vautdonc mieux penser dialectiquement leur articulation pour les deux parties.L’entreprise a simultanément besoin de flexibilité de sa main-d’œuvre et de stabilitéde ses effectifs (l’apprentissage collectif, la coopération, la confiance supposent unecertaine durabilité d’emploi) pour être efficace ; les individus veulent une sécuritéfinancière et sociale mais également une mobilité (géographique et/ouprofessionnelle) et une gestion différenciée des temps de vie (personnels,professionnelle, formation, activité d’intérêt public, etc.).

Encadré 1- Stabilité dans l’emploi, stabilité de l’emploi

Selon les chiffres Eurostat, l’ancienneté moyenne dans le même emploi reste élevée etprogresse même en France : de 10 ans et demi en 1992 à plus de 11 ans en 2000. Encomparaison, elle est d’environ 6 ans aux États-Unis, 8 au Danemark et au Royaume-Uni,10 en Allemagne mais 12 ans dans l’Europe du sud et au Japon. De même, le ‘‘taux derétention’’, c’est-à-dire la probabilité d’être toujours dans la même entreprise au bout d’unnombre donnée d’années, est stable et élevé en France. Deux salariés français sur troisrestent dans le même poste plus de 15 ans.

Mais, dans le même temps la stabilité de l’emploi est toujours plus difficile. « Les formesparticulières d’emplois, qui représentaient moins de 6% de l’emploi total au début desannées 1980, atteignent aujourd’hui plus de 13%. Le CDD devient la forme normaled’embauche, avec près des trois quarts des embauches réalisées sous cette forme, et lesfins de CDD représentent plus de 50% des sorties d’emploi (contre 20% de démissions,6% de fins de périodes d’essai, 2% de licenciements économiques, 6% d’autreslicenciements). Pourtant, le contrat à durée indéterminée (CDI) reste de très loin la forme laplus courante de contrat de travail (près de 9 salariés sur 10) : son importance déclinelentement mais régulièrement (- 0,4 point par an en moyenne depuis le début des années1980). Le recours à l’emploi temporaire est cyclique : en haut de cycle, le recours àl’emploi temporaire décroît, en bas de cycle il s’accroît » (COE, 2007 ; voir égalementGoux, 2000).

Il faut donc prendre en compte la complexité des recompositions à l’œuvre. Jean-Louis Beffa, Robert Boyer et Jean-Philippe Touffut (1999) analysent bien «l’éclatement des relations de travail » en fonction de trois modèles. Le modèle de « lastabilité polyvalente », dans lequel se retrouvent 40 % des salariés du secteurindustriel, de la banque et de l’assurance. Ces secteurs ont besoin d’un personnelstable mais qui doit s’adapter vite aux évolutions technologiques et faire preuved’une forte polyvalence. Le deuxième modèle est celui de la « profession ». Il

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s’applique aussi bien aux opérateurs des marchés financiers qu’aux créatifs, auxconsultants, aux professions artistiques et sportives. Ces emplois correspondent à15 % des salariés. La valeur des firmes qui les emploient repose entièrement sur lesavoir faire de leurs collaborateurs. Pour ces auteurs, le contrat de travail traditionnelest peu adapté à la nature des relations de travail qui lient ces salariés à leurentreprise. Enfin, le troisième modèle est celui de la « flexibilité de marché », quicorrespond notamment aux caissières de supermarché, aux serveurs de larestauration rapide, à la plupart des métiers de la restauration et de l’hôtellerie. Dansces secteurs une formation longue n’est pas essentielle et on n’y observe pas deréelle augmentation de compétences. Si le premier modèle est en voie derégression, les deux autres ont plutôt tendance à s’étendre, d’où la nécessité deconcilier la flexibilité recherchée par les entreprises et la sécurité nécessaire auxsalariés par le biais d’une « réinstitutionnalisation des relations sociales ». Oncomprend pourquoi le concept de « flexicurité » fait florès depuis plusieurs annéesen France et en Europe. Importé des pays scandinaves, souvent sans nuance etsans voir qu’il a pris des formes très diverses dans les différents contextesnationaux, il permet, théoriquement du moins, de combiner l’économique et le socialau sein d’un modèle de société cohérent.

Il existe toutefois deux grandes interprétations possibles des changements en cours.On peut considérer que la nature du travail n’a pas fondamentalement changé dansla société postindustrielle. C’est essentiellement le rapport de forces qui s’esttransformé au profit du capital : autonomie du capital financier par rapport au capitalindustriel ; mondialisation du capital ; mouvement de délocalisations/relocalisations ;capital de plus en plus mobile qui contraint les organisations et la gestion desressources humaines. Selon cette perspective, le patronat cherche avant tout àadapter le travailleur aux nouvelles conditions de valorisation du capital(dérégulation) et tente de réduire les protections attachées au rapport salarial. Lessyndicats vont, eux, tenter de défendre le statut salarial « classique » qui leur sembletoujours pertinent, et vont chercher à aménager le statut non salarial en assurant unminimum de protection. Le risque d’une telle option est d’accentuer la dualisation dela société entre les salariés bien protégés par leur statut et une proportion croissanted’« hors-statut » n’arrivant pas, ou peu, à s’intégrer sur le marché du travail« normal ». Une autre interprétation est possible : avec la tertiarisation del’économie, le développement des nouvelles technologies et des services, le travailen tant que tel a changé, et avec lui l’ensemble de ses règles d’organisation et decoordination. C’est alors le statut salarial « classique » qui parait dépassé, d’où lanécessité d’une « adaptation active », c’est-à-dire la réinstitutionnalisation du rapportau travail. « Réinstitutionnaliser veut dire ici : fixer des règles ; déterminer desespaces de négociation des règles ; permettre à des acteurs collectifs d’intervenir defaçon efficace » (Supiot, 1999, p.85). Je m’inscris clairement dans cette secondeperspective. Non que je ne crois plus en la pertinence du salariat mais plutôt que lesalariat tel qu’il s’est développé au 20e siècle et tel qu’il s’est inscrit dans nosconsciences comme norme de l’emploi ne me parait plus adapté. Du fait del’éclatement des collectifs, de la diversification des types d’activités, del’hétérogénéité des temps de travail, la sécurité des travailleurs ne peut plus reposersur une hypothétique stabilité de l’emploi salarial classique. Mais alors, quelle« réinstitutionnalisation » privilégier ?

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2/ Développer une approche en terme de « capabilités » plutôt qu’en terme de« capitaux »

Jérôme Gautié identifie deux propositions sensiblement différentes. Si toutes deuxs’éloignent d’un individualisme « atomistique », d’avant les régulations collectives,l’Etat-Providence et les syndicats, elles appréhendent néanmoins très différemmentl’individu. La première, appelé « Etat Social Patrimonial3 » (Asset Based Welfare)accorde une place centrale à l’individu mais à travers un « individualismeinstitutionnalisé » pour reprendre l’expression d’Ulrich Beck : l’individu est doté (ouaidé à se doter) de « capitaux » (assets) qui vont lui permettre d’agir en véritableacteur de son parcours ; il est donc appréhendé à travers les capitaux qu’il possèdeou qu’il pourrait posséder. « Selon cette conception l’individu se constitue dans et parla société. L’Etat peut et doit donc jouer un rôle fondamentale par le biais d’uneaction en amont du marché et par une redistribution « réparatrice », mais sousconditions » (Gautié, 2003, p.24). Inspirée de la Théorie de la justice de John Rawls(1997, p.13), « l’idée n’est pas simplement d’assister ceux qui sont perdants enraison d’accidents ou de malchance (bien qu’il faille le faire) mais plutôt de mettretous les citoyens en position de gérer leurs propres affaires et de participer à lacoopération sociale sur un pied de respect mutuel dans les conditions d’égalité ». Ils’agit également d’une modification majeure de la relation salariale, laquelle n’estplus fondée sur la subordination (relation asymétrique) mais sur l’échangecontractuel. Le travailleur est ainsi considéré comme un « professionnel », libre,mobile, vendant ses compétences au plus offrant4. Dans cette perspective, laformation (éducation et formation professionnelle) est évidemment cruciale. L’Etatdoit promouvoir le « capital humain » des individus afin que ceux-ci soient toujoursemployables. Or l’employabilité est directement reliée aux compétences lesquelles« renvoie[nt] à des qualités intrinsèques à l’individu, incorporées dans l’individu,propriétés de l’individu, qu’il se doit de gérer et de faire fructifier sur l’ensemble deson cycle de vie » (Gautié, 2003, p.24).

Mais suffit-il de doter un individu de ressources pour le rendre autonome ? Il s’agitd’une condition certes nécessaire, mais est-elle suffisante ? Je ne le pense pas. Il nesuffit pas d’octroyer des capitaux financiers, humains ou sociaux (ce qui, du reste,n’est guère facile à faire) aux personnes qui en sont dépourvus pour mettre tous lesindividus sur un pied d’égalité, et ainsi pouvoir les laisser seul maîtres, etresponsables, de leur trajectoire selon le principe méritocratique. Pierre Bourdieu, quia fait des « capitaux » dont disposent les agents le fondement de sa théorie, a bienmis en évidence l’importance du capital « culturel » qui permet de donner tout lepotentiel d’action aux autres capitaux (Bourdieu, 1979). Or ce type très particulier decapital ne saurait être délivré par les pouvoirs publics ou par les entreprises, il est lefruit d’un long processus d’apprentissage et de socialisation, en premier lieu dans lasphère familiale. Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à cette approche des« dotations en capital » mais plutôt qu’il faut la compléter. La possession de capitaux

3 André Orléan (2000) parle lui d’« individualisme patrimonial ».4 On retrouve là l’idéal des « Sublimes », ces ouvriers qui au 19e siècle avaient su éviter l'enfermementdans les usines grâce à une qualification leur permettant d'être extrêmement mobiles sur le marché dutravail (cf. Bernard Gazier, 2003).

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ne suffit pas à « sécuriser des trajectoires », il faut également des régulationscollectives plus larges, sous la forme de services sociaux personnalisés mais ausside droits permettant d’encadrer les transitions de plus en plus fréquentes (entre deuxemplois, entre emploi et inactivité, entre emploi et formation, etc.)

La conception du système de formation, et plus globalement du système deprotection sociale, est alors fort différente : il ne suffit pas de doter de façon équitableles individus de « capitaux » mais aussi se soucier des possibilités réelles qu’on lesindividus de les mobiliser pour mener à bien leurs projets de vie. Tous les individusn’ont pas les mêmes « capacités » - « capabilités » pour reprendre les termesd’Armartya Sen (1999) - à utiliser leurs capitaux, à élaborer des projets (personnelset/ou professionnels). Au-delà de la liberté formelle donnée à tous les citoyens, il fautse préoccuper de leur liberté réelle, laquelle est fonction de leurs capabilités fortvariables suivant les individus. L’enjeu n’est donc pas simplement d’« individualiser »la formation, c’est-à-dire de donner à un individu abstrait des ressources une foispour toute, mais plutôt de « personnaliser » la formation : prendre en compte ladiversité des caractéristiques socio-biographiques et économiques des individus etmettre en place des institutions qui les accompagnent dans l’élaboration de leursparcours.

Cette seconde optique, que Jérôme Gautié qualifie d’« Etat social post-beveridgien », a été esquissée à travers plusieurs rapports publics depuis unequinzaine d’années (rapports Boissonnat (1995), Supiot (1999), Bélorgey (2000),Charvet (2001), Lindeperg (2002), etc.). Malgré des objets et des approchesdifférents, leurs auteurs partagent un souci commun : reconstruire un droit généraldu travail qui assure la continuité de l'état professionnel des personnes par-delà ladiversité des situations de travail et de non-travail. D’où le besoin de nouveauxinstruments juridiques afin d’abandonner le modèle de la carrière professionnellelinéaire. Il s’agit finalement de substituer, à une sécurité fondée sur la permanencede la situation d'emploi, une sécurité rattachée à la personne du travailleur, lesinterruptions de carrière et les réorientations d'activité étant considérées comme desconditions normales de cet état professionnel. Comme le dit Robert Castel, « l’unedes questions centrales posées est celle du statut de l’individu mobile » (Castel etHaroche, 2005, p.205).

Le rapport Supiot, commanditée par la Commission européenne, reste certainementà ce jour la tentative la plus précise définissant ce que pourrait être ce nouvel « étatprofessionnel » qui accompagnerait, au même titre que l’« état civil », chaquepersonne tout au long de sa vie. Cette réflexion se fonde sur trois hypothèses-postulats essentiels :

- le statut professionnel doit être redéfini de façon à garantir la continuité d'unetrajectoire plutôt que la stabilité des emplois. D’où la nécessité de protéger toutparticulièrement le travailleur dans les phases de transition entre des emplois (droitsde reclassement en cas de licenciement, changements de statut, de salarié àindépendant par exemple ; couplage entre formation et emploi, entre chômage etformation, entre école et entreprise ; à l'accès au premier emploi ; etc.)

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- le statut professionnel doit être déterminé non plus à partir de la notion restrictived'emploi, mais de la notion élargie de travail. Le droit social ne peut plus mettre decôté les formes non marchandes du travail

- La notion de « risque » elle-même évolue au point qu’un nombre croissant de droitsne sont pas déclenchés par la survenance d’un risque plus ou moins probabilisable(la maladie, la vieillesse, le chômage, la famille ; il est d’ailleurs étonnant pour ne pasdire inapproprié de parler de risques « retraite » ou « famille » !), mais par la librevolonté de l’individu d’en user (droit à congé syndical ou pour mandat politique,congé individuel de formation). Il s’agit donc de passer d’une logique de « protectionpassive contre l’aléa » à une logique de « sécurité active face à l’aléa ». Laprotection sociale doit ainsi s’inscrire dans une logique préventive et non plussimplement réparatrice (Supiot, 1999, p.304-305).

Tout comme l’« état civil » définit des droits, il s’agit donc de définir quelspourraient/devraient être ces droits associés à l’« état professionnel ». Alain Supiotprésente ces différents droits sociaux (droit du travail et droit de la Sécurité sociale)sous forme de quatre cercles concentriques, du plus général au plus spécifique :

- Les droits sociaux « universaux », c’est-à-dire garantis à tout individuindépendamment de tout travail (éducation, soins de santé, aide socialeminimale, etc.) ;

- Les droits fondés sur le travail non professionnel : charge de la personned’autrui, travail bénévole ;

- Le droit commun de l’activité professionnelle : liberté syndicale, protectionsociale de type « travailleur indépendant », hygiène et sécurité ;

- Le droit propre au travail salarié qui ne devrait contenir que les dispositionsdirectement liées à la subordination dans l’emploi.

Les trois derniers types de droit seraient ainsi liés à l’« état professionnel » desindividus tandis que le premier – les droits sociaux « universaux » - relèvedirectement de la solidarité nationale et sont déconnectés de toute notion de« travail ».

Ces différents types de droits entraînent, selon Supiot, des « droits de tiragesociaux ». Par là, il entend des droits « déliés de l’emploi au sens strict (…) mêmes'ils sont liés à une forme de travail constituant une créance ; ils s'exercent de façonoptionnelle, et non pas en fonction de la survenance de risques. Ces droits d'options'ajoutent aux droits sociaux traditionnels tout en permettant une gestion individuellede la flexibilité » (Supiot, 1999, p.298-299). Il s’agit d’un droit-créance, c’est-à-dire undroit correspondant à « des pouvoirs d’exiger » de la société la fourniture deprestations plus ou moins identifiables et déterminées, et ce, dans l’esprit de Supiot,en fonction d’objectifs sociaux identifiés. « Droits de tirage, car leur réalisationdépend d’une double condition : la constitution d’une ‘‘provision’’ suffisante, et ladécision de leur titulaire d’user de cette provision. Droits de tirage sociaux, puisqu’ils

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sont sociaux aussi bien dans leur mode de constitution (abondement diversifié de laprovision) que dans leurs objectifs (utilité sociale) » (Ibid., p.90-91). Pour l’auteur, detels droits existent déjà (crédit d’heures pour les salariés titulaires d’un mandatd’intérêt collectif ; congés spéciaux et droits d’absence ; crédit formation ; comptesépargne-temps ; chèques formations congés parentaux, etc.) et indiquent qu’onassiste d’ores et déjà à l’émergence d’une figure juridique nouvelle. Pas de besoin,donc, de créer un type de droits nouveau mais plutôt de les développer et de lessystématiser : des droits sociaux référés au travail en général, des droits d’option enplus des droits sociaux traditionnels, qui permettent de dépasser la segmentation desstatuts (entre salarié / indépendant / demandeur d’emploi / inactif / etc.).

Ce schéma général est extrêmement heuristique pour qui veut redéfinir un modèled’emploi et de protection sociale. Il l’est également lorsque l’on se penche plusspécifiquement sur le système de formation professionnelle. Il permet en effet depréciser les responsabilités et les engagements (notamment financiers) desdifférents acteurs. Il s’agit en effet ni plus ni moins de penser un droit de la formationcontinue (entendu comme une branche éventuellement autonome du droit) donnantréalité à un droit à la formation pour tous les individus (Maggi-Germain et Caillaud5,2007, p.577). Ce droit serait un droit individuel (liberté de faire usage de ses droitsacquis), transférable (d’une entreprise à l’autre) et garanti collectivement (le systèmede gestion de ce droit reposant sur une mutualisation des fonds), comme lepréconisait notamment le rapport Péry (1999).

Des juristes ont noté que des formes embryonnaires d’un tel droit existaient déjàégalement dans le domaine de la formation. Le CIF-CDD est par exemple undispositif de formation (de longue durée) où le bénéficiaire (en l’occurrence desdemandeurs d’emploi) a quitté le statut juridique qui lui a permis d’acquérir cesdroits6. Ce droit ne se réalise donc qu’après la fin de la relation contractuelle ; lecongé de formation se déroule en dehors de la période d’exécution du contrat detravail à durée déterminée (Maggi-Germain et Caillaud, 2007, p.586). Voilà undispositif, malheureusement très peu utilisé dans les faits, pour dépasser lecloisonnement des dispositifs liés à l’absence de transférabilité des droits. Lespartenaires sociaux ont, à travers l’ANI du 11 janvier 2008 lequel est validé par la loidu 25 juin 2008, fait un pas supplémentaire dans cette direction puisque le solde du« droit individuel à la formation » pourra désormais être utilisé après la rupture ducontrat, que le salarié soit chômeur ou ait retrouvé un emploi (article 14)7. Mais si l’onveut « mettre l’individu au cœur de son projet et de sa trajectoire professionnelle »comme il est souvent répété, il faut aller beaucoup plus loin et permettre unevéritable personnalisation du système de formation. L’enjeu consiste donc à mettreen place un statut juridique (l’état professionnel) qui permette de dépasser lecloisonnement des multiples statuts (salarié, demandeur d’emploi, « jeune »). Mais la5 Ces auteurs rappellent que la loi du 3 décembre 1966 puis celle du 16 juillet 1971 ne consacre pas àun droit à la formation mais un droit d’accès à des dispositifs de formation professionnelle.6 Il faut avoir travaillé comme salarié en CDD 24 mois au cours des 5 dernières années, dont 4 moisau cours des 12 derniers mois.7 Dans le même esprit, la couverture complémentaire santé est maintenue pendant une certainepériode après le licenciement ou la rupture conventionnelle. Mieux, le salarié qui accepte une ruptureconventionnelle peut obtenir des allocations de chômage (alors qu’il n’est pas « licencié »). Dans cecas, l’assurance chômage est mobilisée au service d’un projet au lieu de se borner à couvrir un risque(cf. Gaudu, 2008, p.51-52).

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mise en place d’un nouveau cadre juridique ne suffira à transformer le système, ilfaut partir des besoins de formation des individus et des objectifs assignés à laformation pour en déduire des « parcours de formation », des institutionsd’accompagnement, une structure politique, et, in fine, les engagements financiersdes différents acteurs.

3/ Redéfinir les objectifs de la formation et les droits correspondants

De l’avis de tous, le principal défaut de ce système n’est pas tant son coût – car laformation sera toujours un investissement sur le moyen-long terme – mais plutôt soncloisonnement et son illisibilité. Même le Medef, par la voix de Michel de Virville, lereconnaît : « le gros problème de la formation professionnelle ne sont pas lesressources financières qui y sont affectées mais la question de la productivité dusystème et son centrage » (AEF, Dépêche n° 92175, 2 2 février 2008). Il faut rendrele système lisible et efficient afin que les entreprises, à qui l’on demande beaucoup,aient le sentiment d’un « retour sur investissement ». C’est pourquoi je propose nonplus de fonder ce système sur le statut des bénéficiaires mais sur la nature et lesobjectifs de la FPC.

Jean-Marie Luttringer nous rappelle utilement que la formation est tout à la fois unbien public, un bien privé collectif et un bien privé personnel : « La formation est unbien public, financé par des ressources publiques au nom du principe de solidarité,un bien privé collectif financé par des ressources en provenance des entreprises etdes travailleurs salariés et indépendants, un bien privé personnel concernant chaqueindividu quel que soit son statut » (Luttringer, 2008, P.92). L’enjeu consiste donc àdéterminer quel est le poids relatif de ces différents « biens » pour déterminer lesrôles et investissements nécessaires des divers acteurs. La formation implique desresponsabilités et des engagements multiples : de la part des pouvoirs publics, desentreprises et des individus. A partir des différents cercles concentriques proposéspar Alain Supiot, on peut dès lors clarifier aussi bien les objectifs de la formationprofessionnelle et les référents organisationnels et financiers, que les dispositifs àmettre en place.

Tableau des droits, des objectifs et des parcours de FP

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Le tableau ci-dessus permet de clarifier plusieurs points essentiels :

Tout d’abord, la formation professionnelle relève de l’état professionnel, c’est-à-diredu « travail » et non de l’« activité » telle qu’elle a été définie dans le rapportBoissonnat. « Le travail se distingue de l’activité en ce qu’il répond à une obligation,que cette dernière soit volontairement souscrite ou légalement imposée. Cetteobligation peut être de nature contractuelle (salarié, travailleur indépendant) oustatutaire (fonctionnaire, moine) ; elle peut être souscrite à titre onéreux (emploi) ou àtitre gratuit (bénévolat, stage) ; mais le travail s’inscrit toujours dans un lien de droit »(Supiot, 1999, p.88). La formation professionnelle n’a ainsi pas vocation à divertir ouà contribuer à l’épanouissement hors du travail8, elle est donc distincte des « droitsfondamentaux »9.

Ensuite, le système de formation doit être repensé en fonction des grands objectifsde la formation. Avant de mettre en place des dispositifs juridiques et institutionnels ilfaut être au clair quant à la philosophie et aux objectifs du système de FP. Je suisconvaincu que tous les acteurs sont prêts à financer la formation professionnellepour peu qu’ils sachent pour quoi, dans quel cadre et avec qui. Considérons ainsi lesobjectifs de la FPC comme autant de « moments » d’un parcours professionnel :

- l’insertion professionnelle (que ce soit pour des jeunes entrants sur le marchédu travail ou pour des demandeurs d’emploi) ;

- la qualification professionnelle (diplôme, titre ou Certificat de QualificationProfessionnelle, CQP dans le cadre d’une formation en alternance) ;

- l’adaptation à son poste / métiers ;

- la mobilité professionnelle interne à une entreprise ;

8 Le contenu des formations devant être financées doit néanmoins être étudié au cas par caspuisqu’une formation en anglais peut être tantôt considérée comme du registre professionnel (pour,par exemple, des commerciaux qui ont vocation à se déplacer à l’étranger) ou comme un loisir.9 Notons cependant que rien n’empêche les pouvoirs publics de vouloir mettre l’accent sur la formationcomme ouverture culturelle, au sens large, en délivrant par exemple des chèques-formation ad hoc.

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- la mobilité professionnelle externe :

o par perfectionnement (lorsque l’individu change - ou souhaite changer -d’entreprise tout en restant dans le même profil de poste/métier)

o par reclassement (lorsque l’activité économique d’une entreprise oud’un secteur contraint les individus à changer de poste, de métier et/oude branche) ;

o par reconversion (lorsque les individus souhaitent changer de métier).

- la diplômation (obtention d’un diplôme ou titre délivré par les pouvoirs publicsen dehors d’une formation en alternance) ;

Ces objectifs correspondent tantôt à des droits inscrits dans l’emploi (adaptation,mobilité interne), tantôt à des droits communs professionnels (insertion,reclassement, reconversion, perfectionnement, qualification professionnelle), tantôt àdes droits communs non professionnels (diplômation). Il n’y a donc pas lieud’opposer, comme le fait Alain Supiot, le « contrat » (tel qu’il était proposé par lerapport Boissonnat, 1995) au « statut ». L’objectif est en réalité de combiner uneorganisation stabilisée de la relation d’emploi et une organisation dynamique destransitions entre différentes situations de travail. Les droits créances dont pourraient,selon ce schéma, disposer les individus sont finalement issus d’une doublelégitimité : légitimité liée à l’état professionnel (droits communs professionnels) etlégitimité liée au contrat de travail (droits inscrits dans l’emploi).

Enfin, aux différents types de droits identifiés correspondent des modes definancement distincts. Assez logiquement, ce qui relève du « droit commun » doitfaire l’objet d’une obligation légale de financement ; ce n’est pas le cas de ce quirelève des droits inscrits dans l’emploi, étant entendu que les entreprises sont libres,si elles le souhaitent, de convenir au niveau des branches professionnelles d’uneobligation conventionnelle. Il en résulte trois conséquences majeures :

- Les droits inscrits dans l’emploi ne donnent lieu à aucune « créance » chezles salariés, ils sont inscrits dans le cadre du Plan de formation qui relève dela seule responsabilité des entreprises. Si celles-ci ne sont donc pas soumisesà une obligation légale (de moyens), elles ont en revanche une obligation derésultat : le maintien dans l’emploi de leurs salariés.

- Les droits communs (professionnels et non professionnels) se traduisent,eux, par un droit de tirage dans un compte formation ad hoc. Ce compte, dontl’unité serait l’heure de formation (et non de l’argent), serait alimenté parl’ensemble des acteurs (entreprises, Régions, Etat, individu) qui sont co-responsables des missions de formation10. La constitution de la créanceproviendrait ainsi de droits distincts : une part vient du capital initial de

10 Deux options pourront être retenues : 1/ la fongibilité totale des heures comptabilisées dans cescomptes individuels, c’est-à-dire mélanger les heures prévues pour la « diplômation », les heures pourl’ « insertion » et les heures pour la « reconversion-reclassement » ; 2/ distinguer les différentessources et maintenir des comptes séparés.

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formation délivré par l’Etat ; une autre vient des entreprises au titre du travailnon-professionnel ; une encore vient des Régions ; une dernière peutégalement venir des individus eux-mêmes (RTT, épargne temps).

- Entre le Plan de formation et le compte formation demeure une catégorieintermédiaire : la professionnalisation. Correspondant à un objectifd’« insertion » dans l’emploi, il s’agit de toutes les actions où l’individu est encontact avec une entreprise afin d’intégrer (ou de retourner sur) le marché dutravail. Les formations en alternance (contrats/périodes deprofessionnalisation ou contrat d’apprentissage) y sont bien entendu centralespuisque les bénéficiaires sont à la fois dans l’entreprise et extérieurs à elle(obtention de diplômes, de titres ou de CQP). Ce mécanisme existe tel quelaujourd’hui et semble faire ses preuves ; je suggère donc de le conserver enl’état.

On peut désormais clarifier l’implication des différents acteurs :

a) L’Etat est garant et responsable du droit commun non professionnel, etuniquement de celui-ci. Il n’intervient donc financièrement qu’à ce titre. Il reste enrevanche pleinement en charge du service pour l’emploi et de la politique éducative(formation initiale non professionnelle)

b) Les entreprises sont les uniques responsables de l’adaptation de leurs employés àleur poste de travail et sont co-responsables de l’ensemble de leur trajectoireprofessionnelle. Elles doivent donc à la fois financer les formations de leurs salariésdans le cadre du Plan de formation, se soumettre à une obligation légale au titre dela professionnalisation (versement obligatoire à un OPCA) et des comptes individuels(versement obligatoire à la CDC).

c) Les régions ont un rôle décisif puisqu’elles garantissent les droits communsprofessionnels. D’un point de vue financier, elles doivent alimenter les comptesformation et continuer de financer les infrastructures d’apprentissage ou encore toutce qui concerne les Permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO).

d) Afin de limiter le nombre de prescripteur, le nouvel opérateur « Pôle emploi »devra, en matière de FPC, se contenter d’indemniser les bénéficiaires des formationslorsque ceux-ci utilisent leur compte formation (objectif de diplômation et de mobilitéexterne).

e) Les individus, enfin, sont bien entendu au cœur du système. S’il ne paraît pasraisonnable d’exiger d’eux une participation financière (laquelle ne ferait querenforcer les inégalités déjà existantes), on peut en revanche mettre en place unsystème d’abondement de leur compte individuel par leurs jours de RTT, de congés,ou d’épargne-temps. Il est également indispensable de réfléchir à l’investissementpossible en dehors du temps de travail en fonction des objectifs des formationssuivies et de leur durée.

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La suite de cette étude sera ainsi consacrée à préciser la nouvelle structurationpolitique de la FPC, puis les trois principaux parcours (et mécanismes) de formation(formation vers, dans et par-delà l’entreprise), et enfin les implications financièrespour les différents acteurs.

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II. Pour une nouvelle structure politique de la FPC fondée sur laterritorialisation

Conséquence du siècle des Lumières et de la tradition jacobine, l’éducation relèveen France directement de l’Etat national. C’est à lui que revient la mission (et lacharge financière) de former les individus afin qu’ils deviennent aussi bien descitoyens participant à la vie de la Cité que des travailleurs oeuvrant pour ledéveloppement économique du pays. Les différents corps de métier se sontcependant rapidement organisés – notamment sous la forme des chambresconsulaires – pour former, et socialiser, directement la main d’œuvre dont ils avaientbesoin. La « professionnalisation » s’est donc rapidement développée sous la doubletutelle des corporations et de l’Etat. La loi de 1971 sur la formation permanenteentérine finalement cette dualité : exclure la formation professionnelle continue duchamp de l’Education nationale pour l’inscrire dans le champ du travail et desrelations professionnelles (c’est-à-dire sous la direction des partenaires sociaux). Cechoix fut lourd de conséquences : coupure nette entre la formation initiale (scolaire)et la formation continue (professionnelle), laquelle n’est toujours pas remise encause malgré les efforts mis sur l’alternance ; pilotage stratégique du système confiéaux partenaires sociaux (essentiellement à travers les branches professionnelles),sous le contrôle de l’Etat (en témoigne l’articulation Accord NationalInterprofessionnel (ANI) – loi qui a prévalu lors de toutes les grandes réformes de laFCP depuis les années 1970).

Cet équilibre est toutefois progressivement remis en cause – ou du moins questionné– depuis le début des années 1980 et le processus de décentralisation. D’où unsystème baroque : en inscrivant le principe d’une compétence de droit commun dansla loi du 7 janvier 1983, le législateur n’a pas posé un principe d’exclusivité del’intervention des régions sur les domaines d’intervention transférés, mais un principed’autonomie politique, administrative et financière. D’ailleurs le Code du travailindique bien que la formation professionnelle est une obligation nationale à laquellechacun doit contribuer. Il n’y a donc pas compétence exclusive mais compétencepartagée : « La formation professionnelle tout au long de la vie constitue uneobligation nationale. Elle comporte une formation initiale et des formations ultérieuresdestinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'yengagent. Ces formations ultérieures constituent la formation professionnellecontinue (...). L'État, les collectivités locales, les établissements publics, lesétablissements d'enseignement publics et privés, les associations, les organisationsprofessionnelles, syndicales et familiales, ainsi que les entreprises, concourent àl'assurer » (article L.900-1). A défaut de clarifier la notion de droit commun onpeut/doit du moins délimiter plus précisément ce qui relève des Régions, de l’Etat etdes partenaires sociaux. La Région joue par exemple un rôle de plus en plus centraldans la gestion du système de FPC : l’Etat lui confie davantage de missions maissans pour autant clarifier son périmètre et ses moyens. D’où d’innombrablesproblèmes de coordination entre acteurs qui nuisent fortement à l’efficacité desdispositifs.

Il faut, selon moi, assumer la logique territoriale de la formation : les pilotes doiventdésormais être les Conseil Régionaux et les partenaires sociaux situés au niveau

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régional. Or si l’on en croit la Cour des comptes, c’est encore loin d’être le cas : « ilsemble que les régions ne se soient pas encore complètement approprié unecompétence qu’elles découvrent et dans laquelle leur niveau d’expertise est encoretrès faible. Il est donc très difficile de parler, à ce stade, d’une politique régionale enmatière de formation professionnelle continue » (Cour des comptes, 2008, p.92). Leretrait de l’Etat ne doit donc pas impliquer un retrait global des pouvoirs publics. Bienau contraire à « l’Etat en creux », dont parle Philippe Méhaut (2006, p.17) doit donccorrespond des « Régions en plein », car on ne saurait laisser aux seules entrepriseset/ou branches professionnelles le soin de construire une continuité de droits dansune perspective de mobilité professionnelle.

Encadré 2 - La décentralisation de la FPC et de l'apprentissage

La formation professionnelle continue et l’apprentissage font partie historiquement despremières compétences décentralisées aux Régions (PLF, 2006, p.12) :* 1983-1993 : La loi du 7 janvier 1983 confère aux Régions une compétence de droitcommun pour la mise en place des actions d’apprentissage et de la formationprofessionnelle continue. Elles acquièrent la liberté d’élaborer leur politique de formation etd’apprentissage et de choisir leurs actions en lien avec leur mission de développementéconomique local.*1993-2002 : En 1993, la loi quinquennale du 20 décembre relative au travail, à l’emploi età la formation professionnelle confie aux Régions la formation continue en faveur desjeunes de moins de 26 ans. Le transfert des programmes jeunes se fait en deux temps :- le transfert total des actions qualifiantes concernant les jeunes de 16 à 25 ans (effectuéen juin 1994)- le transfert progressif (5 ans, jusqu’en décembre 1998) des actions de pré-qualification etd’insertion ainsi que des compétences du réseau d’accueil, d’information, d’orientation etde suivi des jeunes en matière de formation professionnelle.La même loi quinquennale institue aussi un plan régional de développement desformations professionnelles des jeunes (PRDF).* 2002-2004 : La loi de modernisation sociale et la loi relative à la démocratie de proximitéétendent le Plan régional de formation à la formation des adultes. Des instances nouvellesde concertation entre les différents acteurs du champ sont créées : les CCREFP (Comitéde Coordination régionaux de l’emploi et de la Formation Professionnelle). Les Régions sevoient transférer également la responsabilité des primes aux employeurs d’apprentis. La loirelative aux libertés et responsabilités locales de 2004 confie aux Régions les formationssanitaires, sociales. Elle confie également aux collectivités régionales les crédits de l’Etatdédiés aux actions de formation et aux actions associées à la formation mises en oeuvrepar l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). La loipermet en outre d’anticiper le transfert, effectif au 1er janvier 2009, par la conclusion deconventions tripartites entre le préfet de région, le président du Conseil régional et leprésident de l’AFPA.

Qu’est-ce qui doit alors être confié aux Régions et qu’est-ce qui doit rester dudomaine de l’Etat ? Quelle doit être la place des Branches professionnelles et despartenaires sociaux ? Faut-il une coupure nette entre les différents domainesd’intervention ? Toute l’activité d’orientation doit-elle par exemple être confiée auxRégions comme l’avait prévu Luc Ferry dans le projet de loi 2004 (projet avorté

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devant les protestations des CIO et des missions locales) ? Comment articuler lapolitique de l’emploi (qui reste la prérogative de l’Etat) et la politique de formation (quiserait celle des Régions) ? Quel lien entre la formation initiale non professionnelle(du ressort de l’Education nationale), la formation initiale professionnelle (du ressortdes Régions), la formation en alternance, et la formation professionnelle continue ?Comme le dit Alain Lambert qui a tenté de clarifier les responsabilités de l’Etat et descollectivités locales, « il est en pratique très difficile de tracer des contours strictsautour de chaque compétence (quelle étanchéité entre insertion et formationprofessionnelle, comment séparer formation professionnelle, emploi etdéveloppement économique ?) » (Lambert, 2007, p.5). Si l’enjeu déborde largementle champ spécifique de la FPC, les problèmes sont communs et bien connus : pertesde temps considérables (avant la décision comme dans la mise en œuvre) quiralentissent l’action publique ; inflation de la dépense publique liée autant auxdoublons de structures qu’à la contractualisation qui n’est pas, contrairement à uneidée répandue, un régulateur de la dépense ; confusion des responsabilités etchevauchement des compétences qui handicape la relation du citoyen contribuableusager du service public avec ses élus, locaux et nationaux. Il n’existe certes aucuneréponse évidente, mais on peut du moins tenter de proposer un nouveau pilotagestratégique de la FP.

Schéma - Architecture de la FPC

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Légende- Traits pointillés de couleur : les parcours concret de demande de formation

o rouge = dans le cadre du Compte formationo bleu = dans le cadre de la Professionnalisationo vert = dans le cadre du Plan de formation

- Traits de couleur pleins : la gestion politique de ces mêmes parcours- Traits noirs : la structuration politique du système de FPC dans son ensemble

* La révision générale des politiques publiques (RGPP) prévoit de faire évoluer les DRTEFP enDirections régionales des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l’emploi(Direccte)Signification des acronymes, cf. Annexe

Le schéma ci-dessus permet de synthétiser une suggestion d’organisationopérationnelle et politique du système de FPC, c’est-à-dire :

(1) la structuration de la politique de FPC aux échelons national, régional et local(traits en noir)

(2) les 3 parcours de formation possibles (traits de couleurs en pointillé) à partirde l’individu : démarche d’utilisation du compte formation ; démarche deprofessionnalisation ; démarche dans le cadre du Plan de formation del’entreprise

(3) les instances politiques qui prennent respectivement en charge ces parcours(traits de couleurs pleins)

Du bas vers le haut, on voit ainsi apparaître des processus de formation qui vont del’individu (avec sa demande de formation plus ou moins bien formalisée) auxinstances décisionnelles qui valident les projets individuels et, à un niveau plusgénéral, définissent les politiques de FPC. Avant de détailler ces différents parcours– et tout particulièrement celui correspondant au Compte formation qui est le plusnouveau et sans doute le plus complexe à mettre en œuvre – il est nécessaire declarifier le mode global de gouvernance, c’est-à-dire « la coordination sociale desactions collectives par des systèmes de normes et d’organisation » (Mayntz, 1993,p.11).

Qui en France est véritablement en charge de définir la politique de formationprofessionnelle ? A travers ce schéma, on perçoit que ce que je pourrais appeler le« parallélépipède de la FPC », cœur du pilotage politique, se situe au niveau régionalà travers :

- deux types d’acteurs (les Conseils régionaux et les partenaires sociaux),

- deux instances d’orientation (l’Agence Régionale pour l’Orientation, laProfessionnalisation et l’Apprentissage [AROPA] et l’Agence pour laFormation Professionnelle [AFP]),

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- et une instance de coordination : le Comité de Coordination Régional del’Emploi et de la Formation Professionnel (CCREFP)

Avant de préciser le fonctionnement de ces structures, il est nécessaire d’expliciterce qui les encadre, c’est-à-dire aussi bien le rôle de l’Etat que celui des branchesprofessionnelles.

1/ Quel domaine de compétence pour l’Etat en matière de FPC ?

En principe, l'État ne conserve plus aujourd’hui que des compétences limitées, denature régalienne, en matière de formation professionnelle : la compétencenormative, le contrôle de la formation continue, le financement et l'organisation desactions de portée générale intéressant l'apprentissage et la formation professionnellecontinue. Dans les faits, les interférences avec les régions sont fréquentes dans lamesure où l’Etat conserve deux prérogatives majeures : la politique d’éducation et lapolitique de l’emploi11. D’où la nécessité non seulement d’expliciter les nouvellesmissions de l’Etat mais aussi de clarifier les relations entre d’un côté l’enseignementprofessionnel initial et continue, et de l’autre entre le SPE et les instancesprescriptives de formation.

Consolider les fonctions régulatrices de l’Etat

D’une manière générale j’estime que l’Etat doit intervenir dans le champ de la FP entant que « superviseur », avec un rôle d’orientation générale, d’expertise et decontrôle. Il doit cesser de reprendre la main (et l’argent !) dans le champ decompétences qu’il a lui-même transférées. Le dégager au maximum de lagouvernance territoriale éviterait notamment l’inévitable compétition entre Régions etEtat (Cour des comptes, 2008, p.86-87), compétition démultipliée lorsque les deuxniveaux sont détenus par des sensibilités politiques différentes… Pour autant il estclair que, outre ce qui concerne l’acquisition des savoirs fondamentaux, l’Etat doitrester présent afin de garantir la cohérence d’une action multi-partenaires et l’équiténationale (accès à la formation et à l'emploi, appareil de formation et financement). Ildoit notamment être vigilant à ce que la régionalisation ne débouche pas sur defortes inégalités territoriales. Concrètement cela signifie qu’il doit :

1/ Proposer des orientations générales au regard de l’évolution des changementssocio-économiques et techniques, définir un cadre institutionnel et financier dusystème de FPC, ou encore fixer un cadre de délibération entre les différentesparties prenantes. C’est à l’État de déterminer les règles législatives etréglementaires organisant l’action des différents acteurs. Ces règles pourraient êtreinscrites dans un accord quadriennal avec les Régions et les partenaires sociaux.Pour cela, la FP doit être mieux positionnée et mieux structurée au sein de l’appareilde l’Etat (cf. schéma ci-dessus). La DGEFP, qui est aujourd’hui sous l’autorité du11 L’Etat a en outre conservé des compétences pour des catégories spécifiques : les détenus, lesréfugiés, les résidents de l'outre-mer, les militaires en reconversion, les Français établis hors deFrance, les illettrés, les personnes handicapées...

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ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, devrait, pour affirmer le rôlestratégique et transversal de la FP, dépendre directement du Premier Ministre. Elleserait ainsi mieux à même de proposer les orientations de la politique pour l’emploi etla formation professionnelle continue. Pour en construire le cadre juridique, elledevra par ailleurs se concerter avec les départements ministériels, les partenairessociaux et les régions. La définition des objectifs nationaux ne peut pas, en effet, êtrel’apanage d’un acteur isolé. D’où la nécessité d’une étroite coordination de la DGEFPavec le Conseil National de la Formation Tout au Long de la Vie (CNFTLV), lequelréunit l’ensemble des acteurs intéressés et fait le lien avec les Comités deCoordination Régionaux pour l’Emploi et la Formation Professionnelle (CCREFP, cf.ci-dessous). Le CNFTLV a pour objectif de favoriser, au plan national, la concertationentre les acteurs pour la conception des politiques de formation professionnelle et lesuivi de leur mise en œuvre. Comme le rappelle le rapport Seillier-Carle, il doit à lafois donner son avis sur la législation et la réglementation applicables en matière deformation professionnelle et d’apprentissage tout au long de la vie, évaluer lespolitiques régionales d’apprentissage et de FPC, et enfin transmettre tous les ans auParlement un rapport annuel sur l’utilisation et le contrôle des ressources financièresaffectées à la formation professionnelle tout au long de la vie. Une fois la stratégiedéfinie, la DGEFP coordonne la mise en œuvre des dispositifs et en évalue lesrésultats. Ses décisions sont relayées par les directions régionales du travail, del'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP).

2/ Définir, en lien avec les nombreuses initiatives européennes en la matière, unmodèle de certification qui permette à tous les acteurs économiques de connaître lasignification et la valeurs des diplômes, titres et CQP. L’Etat doit être le garant de laqualité des formations sur l’ensemble du territoire national. Il doit donc consolider leréférentiel national des certifications lequel est pour l’heure « porteur d’un certainnombre d’ambiguïtés dans son principe même, [et] ne peut pas permettre à lui seulde réguler un ensemble constitué de plus de 17 000 certifications différentes » (LeDouaron, 2006, p.11)12. L’Etat doit simultanément mettre en place un dispositifnational de validation des acquis de l’expérience (VAE). La VAE est encoreaujourd’hui méconnue et peu exploitée notamment en raison des innombrablesinstances (et procédures) de certification et du manque d’accompagnement descandidats (Besson, 2008).

3/ Evaluer et contrôler de la FP. Les rapports successifs dénoncent la faiblesse del’évaluation en matière de FPC : « éparpillée entre plusieurs structures, affaiblie parl’accessibilité difficile des informations statistiques, compliquée par l’hétérogénéitédes objectifs fixés par les différents acteurs, elle ne peut aboutir à des indicationsfiables permettant de juger avec toute la précision et la rigueur souhaitables duretour sur l’investissement considérable consenti par la nation en matière deformation professionnelle » (Cour des comptes, 2008, p.84). L’Etat doit pouvoirdisposer d’une connaissance globale mais précise du système deformation (agencements institutionnels, bénéficiaires des formations, résultats des

12 Le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) a été ouvert au public sur le portailde la CNCP en mai 2004. Depuis sa création, il est en alimenté en continu par des fiches descriptivesdes certifications : conformément aux dispositions législatives et réglementaires, les diplômes et lestitres sont classés par domaine d'activité et par niveau, les certifications de branche (CQP) pardomaine d'activité.

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formation en terme de bénéfices pour l’individu et pour l’entreprise) et engager desréflexions aussi bien théoriques (qu’est-ce que l’« efficacité » d’une formation ? Quesignifie exactement la notion d’« appétence » pour la formation ? ; cf. Actualité de laformation permanente, 2007) que prospectives (évolution de la structure des emploisau regard des transformations techniques et socioéconomiques, besoins deformation correspondants). Au-delà des seuls investissements financiers, il fautpouvoir disposer d’enquêtes sur les manières de construire son parcours deformation et sur les relations entre emploi et formation. C’est seulement à partir d’undiagnostic rigoureux et partagé que pourront se décider des politiques adaptées13…et que pourront s’effectuer les contrôles nécessaires. L’Etat doit là aussi renforcerses effectifs pour assurer ses missions : veiller à la transparence (notammentfinancière) des OPCA et des organismes de formation (aussi bien publics queprivés) ; il doit tout particulièrement veiller à la bonne utilisation des fonds affectés aufinancement du système. L’intervention de l’Etat, selon ce schéma, n’est donc plusfinancière14 mais plutôt de régulation et de contrôle. Reste cependant entier les deuxenjeux majeurs évoqués plus haut : l’articulation FP initiale et FP continue ;l’articulation politique de l’emploi et politique de formation.

En ce qui concerne le premier point, de nombreux rapports (IGEN, 2006 ; Cour descomptes, 2008) ont souligné le dysfonctionnement de l’enseignement professionnelet de l’apprentissage. Les causes principales tiennent au manque de coordinationentre les multiples acteurs impliqués et à la difficulté d’ajuster l’offre de formation auxbesoins, changeants et imprécis, des secteurs économiques. D’où ma proposition decréer une institution – l’AROPA (cf. ci-dessous) - qui intègre toutes les partiesprenantes (Recteur, président(s) d’université, DDTEFP, Conseil régional, partenairessociaux) et qui détermine une stratégie régionale appropriée. L’autre enjeu est plusdélicat encore : comment articuler la politique de l’emploi et la politique de FPC, et,plus précisément, le SPE et les acteurs de la FPC ?

Développer des « Maisons de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi » (MOFE)

On peut considérer qu’il existe deux grandes réponses à cette question : la premièreconsiste finalement à intégrer la formation professionnelle dans le service pourl’emploi. C’est la proposition du groupe de travail du Conseil d’Orientation pourl’Emploi (COE) sur la formation professionnelle en avril dernier15. Cela entraîneraitdes bouleversements majeurs du SPE qui s’adresserait désormais à tous lesindividus (et non plus seulement les demandeurs d’emploi). Ce projet est notammentsoutenu par la CGT : « Décider de transformer le service public de l’emploi en

13 Il est d’ailleurs hautement significatif que les participants au groupe multipartite devant préparer lesnégociations sur la FPC se soient divisés non pas sur les objectifs et perspectives d’avenir dusystème mais bien plutôt sur le bilan de la réforme de 2003-2004 !14 Dans mon esprit, il n’aurait même plus à sa charge les publics « spécifiques » : détenus, réfugiés,illettrés, etc. Il conserverait néanmoins toujours des moyens humains et financiers à travers le servicepublic d’éducation et de formation professionnelle (Éducation nationale, Universités, CNAM,Agriculture, AFPA, etc.). En outre, une intervention indirecte subsistera nécessairement à travers lapolitique fiscale (exonérations de charges sociales) pour développer les contrats d’apprentissage oude professionnalisation…15 http://www.centre-inffo.fr/le-quotidien-de-la-formation/IMG/pdf/avis_COE_8_avril_2008.pdf.

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service public de l’emploi, de la formation et de l’orientation est un bouleversementmajeur. Cela veut dire que le service public de l’emploi n’est plus réservé à ceux quin’en ont pas. Ce n’est plus seulement un bureau de placement et de contrôle, mais ilest là aussi pour les salariés qui veulent changer de voie et se former » (Le Paon,2008).

L’idée est séduisante mais risque de se heurter à des difficultés majeures : ne va-t-on pas créer ainsi un gigantesque ensemble « fourre-tout » où l’on accueille tout lemonde pour toutes les questions qui traitent du parcours professionnel ? Cela nerisque-t-il pas de rendre plus illisible encore le domaine propre de la FP en le noyantdans des enjeux connexes ? Il me semble par ailleurs que le monde de la FP est unmonde en soi qui demande des connaissances (et une formation) spécifiques, doncdes conseillers uniquement consacrés à cela. En outre, je considère essentiel quechaque personne puisse rapidement identifier le périmètre de la FP et disposer d’uninterlocuteur dédié. C’est pourquoi je propose, tout à l’inverse de la suggestion duCOE, de scinder clairement, dans les modes de prescription du moins, ce qui relèvede la formation de ce qui relève de la recherche d’emploi. D’où l’idée d’une AFP quisoit autonome du « Pôle Emploi » qui est en train de voir le jour. On peut illustrer cebesoin d’autonomie avec l’exemple de la (faible) collaboration entre l’Unédic et lesFongecif (qui pourraient préfigurer de ce que seraient les AFP). S’il existe danscertaines régions des conventions de partenariat pour faciliter le reclassement (par laformation) des demandeurs d'emploi sortant d'un CDD, ces démarches conjointesrestent rares et plusieurs Fongecif regrettent le manque de coopération du ServicePublic de l’Emploi (SPE). En France Comté par exemple, ce dernier ne redirige lesdemandeurs d’emploi qu’après plusieurs mois, alors même que les Fongecifdisposent d’enveloppes budgétaires spécifiques (CIF-CDD) non dépensées... LeSPE a, et aura, toujours tendance à préserver jalousement ses platebandes. C’estpourquoi pour limiter les zones d’interférence, je suggère de confier les missionsd’accompagnement vers la formation à un seul opérateur : l’AFP.

Ce faisant il existe à l’inverse un risque de rupture entre l’emploi et la formation. Or sil’on raisonne désormais en terme de « parcours » et de « projet » professionnel(dans lequel s’inscrivent des moments de formation), il faut impérativement articulerl’AFP et le Pôle Emploi. D’où ma suggestion à la fois de distinguer clairement, auniveau politique, le champ de la FPC du SPE et en même temps d’inscrire, au niveauopérationnel, la FPC dans des Maisons de l’emploi élargies :

- au niveau politique : la FPC relèverait des Régions et des partenaires sociaux,le SPE avant tout de l’Etat et des partenaires sociaux

- au niveau opérationnel : intégrer l’AFP, qui serait seule responsable desparcours de FPC, au sein des « Maisons de l’Orientation, de la Formation etde l’Emploi » (MOFE)

Il me parait indispensable de regrouper les opérateurs locaux pour facilitées lacoopération et la coordination de l’accompagnement professionnel des individus.Pourquoi ne pas renforcer les Maisons De l’emploi (MDE) encore en balbutiement

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pour en faire de véritables « Maisons de l’Orientation, de la Formation et del’Emploi » (MOFE), nouveau cœur opérationnel de la prise en charge des parcours ?

Créées par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005(article L. 311-10), les MDE sont le plus souvent des associations (parfois desgroupements d’intérêt public) constitués à l’initiative des communes ou degroupements de communes, par convention entre les acteurs du marché de l’emploilocal, et dont la gouvernance dépend largement de l’influence respective desdifférents protagonistes en présence (COE, 2007). 227 Maisons de l’emploi étaientlabellisées au 1er juin 2008, avec des organisations très diverses : 50% ont un sitecentral d'accueil + une mise en réseau d'antennes ; 25% une coordination sansaccueil mais avec une mise en réseau de partenaires ; 20% un site unique d'accueil.Les territoires couverts par les maisons de l’emploi sont eux-mêmes de taille variable(89 communes en moyenne) et très hétérogènes ; ils ne se rattachent pas tous à unedéfinition partagée de la notion de « bassin d’emploi »16. Les MDE sont aujourd’huiprésentées comme des « lieux ‘‘accueillants et conviviaux’’ regroupant sous la formed’un guichet unique tous les services pouvant être offerts aux chômeurs et enparticulier à ceux qui sont le plus en difficulté. Ce sont des lieux de conjonction desefforts pour analyser les besoins, anticiper les mutations économiques et améliorerles services d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement vers laformation et l’emploi de toutes les personnes y compris les demandeurs d’emploi nonindemnisés et non inscrits à l’ANPE. Les maisons de l’emploi s’adressent aussi auxentreprises, TPE/PME/PMI qui sont à la fois les plus créatrices d’emploi et les moinsstructurées pour recruter puisqu'elles ne disposent que très rarement decompétences en la matière » (Anciaux, 2008, p.6). Bref, on observe une fortedispersion dans les arbitrages réalisés au sein de chaque maison de l’emploi et unetrès grande variété de missions et objectifs.

Encadré 3 - L'exemple de la "Maison de l'Emploi, de l'Insertion et de la Formation Professionnelle" deRennes

Créé fin 2005, il ne s’agit pas un lieu d’accueil supplémentaire mais un projet decollaboration renforcée de tous les acteurs de l'emploi et de la formation (l’Etat à travers laDDTEPF, l’ANPE, l’Assedic, l’AFPA Rennes métropole, le Conseil régional, le Conseilgénéral, les chambres consulaires, les missions locales présentes, Points d’Accueil Publicsdu secteur emploi formation, EREF (Espace Rural Emploi Formation), BIJ-PIJ (Bureau etPoint Information Jeunesse), CIO, etc.)17.

C’est une véritable réforme du SPE que j’appelle finalement de mes vœux (en larebaptisant volontiers « Service Public de l’Orientation, de la Formation et de lal’Emploi »). La fusion ANPE/Unédic - réunification des réseaux d’accompagnement

16 Entre la zone d’emploi INSEE, le bassin ANPE, la zone Assedic, le département, le territoireintercommunal, la zone urbaine, le pays, etc.…le territoire des maisons de l’emploi recouvre desréalités bien différentes.17 http://www.rennes-metropole.fr/la-maison-de-l-emploi-de-l-insertion-et-de-la-formation-professionnelle,121352,fr.html

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des chômeurs - en un « Pôle Emploi » est une étape certes cruciale mais limitée.Elle ne concerne finalement que deux institutions du premier cercle des trois quistructurent le SPE depuis la loi Borloo de 2005.18 Elle ne répond donc pasvéritablement à la difficulté de fédérer l’intervention d’intermédiaires encore trèsnombreux et elle ne clarifie pas leurs fonctions et objectifs respectifs. Un récentrapport du Conseil économique, social et environnemental se demande par exemplecomment les Missions Locales vont pouvoir s’articuler au nouvel opérateur « Pôleemploi » : « Dans ‘le Grenelle de l’insertion’, la mention d’un référent unique chargétant de l’insertion professionnelle que de l’accompagnement social des jeunes laisseen suspens la question des modalités de partenariat de cet opérateur avec le réseauexistant des structures de l’insertion » (Dumont, 2008, p.25). Mais surtout la loi de2005 stipule que les Maisons de l’emploi sont fondées sur l’adhésion volontaire dechacun des acteurs concernés. Cette souplesse risque de provoquer d’importantesdifférences (inégalités ?) territoriales et risque d’aboutir à un engagement trèsvariable très variable des différents protagonistes. C’est pourquoi il me paraîtindispensable d’imposer qu’au moins les principaux acteurs de l’emploi et de laformation (Pôle Emploi, AFP locale, DDTEPF, collectivités locales, éventuellementun deuxième cercle composé des chambres consulaires locales et de l’AFPA locale,définis comme « membres obligatoires19 ») se réunissent en un même lieu accessibleà tous les publics. Ils pourront ainsi se coordonner de manière souple, sous formed’association ou de GIP, pour élaborer de véritables parcours professionnels et pourmettre en correspondant besoins des entreprises et besoins des individus. Lesmodalités concrètes de structuration devront bien entendu être décidées par lesacteurs concernés ; dès lors que l’idée d’un partage des mêmes locaux est actée,plusieurs options semblent possibles :

- approche «partage des locaux pour tout public ou guichet unique » : les organismespartagent les mêmes locaux mais conservent leurs personnels, leur direction et leurfinancement propre. D’une façon générale, ces partenaires se regroupent par le biaisd’un accord cadre ou d’une association dont le champ de compétences plus oumoins large peut aller de la gestion des espaces et personnels communs, à laconstruction d’un projet collectif

- approche «réseau » : des organismes partagent des informations sous lacoordination d’une instance «pilote » qui peut être la région

18 1er cercle : services de l’Etat, l’ANPE, l’AFPA et l’Unedic ; 2e cercle : collectivités territoriales quiconcourent au SPE ; 3e cercle : institutions qui peuvent participer au SPE (organismes publics ouprivés, entreprises et associations d’insertion, entreprises de travail temporaires et agences deplacement privé). Cf. Tuchszirer, 2008.19 Les MDE actuelles prévoient plusieurs statuts : les membres constitutifs (membres obligatoires,membres de droit, membres associés) et les partenaires associés définis ainsi : « Tout autre acteurlocal de l’emploi, de la formation, de l’insertion et du développement économique peut être membre del’assemblée générale de la maison de l’emploi en qualité de partenaire associé selon les règles envigueur dans les statuts type annexés au présent cahier des charges. Certains partenaires etnotamment les missions locales, les plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE), les comités debassin d’emploi (CBE) et les maisons de l’information sur la formation et l’emploi (MIFE) peuvent,sans préjudice de leur mission, intégrer la structure juridique qui porte la maison de l’emploi »(Anciaux, 2008, p.27).

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- approche « intégration complète » : tous les services dépendent d’un seulorganisme à direction unique (Régis Regnault et Marie Vernedoub, 2004)

La contrainte initiale – se regrouper localement en un même lieu – n’empêchenullement, on le voit, que les acteurs restent maîtres de leur engagement et du moded’organisation/coordination qu’ils estiment nécessaire. Le système gagnerait mesemble-t-il en lisibilité pour l’usager et autoriserait un réel « processus continud’orientation », défini au niveau européen comme « un ensemble de services visantà aider tous les citoyens, quel que soit leur âge, à prendre des décisions conscientesen matière d’éducation, de formation et de profession et de gérer leur carrière àtoutes les étapes de leur vie » (Centre européen pour le développement de laformation professionnelle, Cedéfop). L’objectif est véritablement de développer lacapacité à s’orienter, la facilité d’accès à l’orientation, le développement de la qualitéd’orientation, la coordination et la coopération (Le Quotidien de la formation, 23septembre 2008). On peut ainsi espérer que le suivi des trajectoires sera à la foisplus aisé pour l’individu et plus efficace pour les professionnels eux-mêmes20. Pource faire, une certaine contrainte est vraisemblablement nécessaire – en faire unecondition de labellisation ? - car ces structures sont pour l’heureorganisées/développées très différemment sur les territoires. Les acteurs nationaux(État, ANPE, Unedic, AFPA, APEC) n’ont choisi ni le même découpagegéographique, ni le même niveau de responsabilité pour leurs services sur le terrain.Le problème est démultiplié lorsque l’on veut en sus les articuler avec les opérateurslocaux. Si la création du Pôle Emploi va harmoniser l’organisation des équipes del’ANPE et celles de l’Unédic, il reste à faire de même avec les autres structuresd’accompagnement : AFP locale mais aussi antennes AFPA, Missions locales, PAIO,chambres consulaires, etc.

Dernier point essentiel qui n’est pas abordé par la réforme actuelle du SPE : le statutet le rôle de l’Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes(AFPA). Jusqu’à récemment l’AFPA n’était pas considérée comme une entreprise. Etde fait ses interventions revêtaient pour l’essentiel le caractère d’un service universelsans sélection des bénéficiaires. Le rapport d’activité 2005 note ainsi : « Au coeur duService Public de l’Emploi et des politiques régionales de formation, l’AFPA assumele rôle d’Organisme d’Intérêt Général, avec pour ambition de favoriser l’accès detous les citoyens au droit fondamental de la formation professionnelle. Elle accueilletous les publics adressés par l’ANPE quels que soient leur niveau, leur culture, leurstatut, leur domicile ou leur revenu. Tout au long du parcours professionnel dessalariés et demandeurs d’emploi, et de la vie des entreprises, l’AFPA proposeégalement des solutions sur-mesure afin d’améliorer l’adéquation entre offre etdemande d’emploi. Ses prestations concernent les entreprises de toutes tailles et dela quasi-totalité des secteurs d’activité. Par leur caractère qualifiant, elles visent àune insertion durable dans l’emploi et contribuent ainsi à l’équilibre de notre société »20 Outre le rassemblement physique en un même espace, un moyen d’y tendre serait de mettre encommun les outils de suivi, comme par exemple le « Dossier Unique du Demandeur d’Emploi »(DUDE). Cet instrument pourrait être modifié pour intégrer un volet formation y compris pour lespersonnes en emploi. L’objectif est bien d’assurer une meilleure coopération entre les acteurs autourd'un projet de territoire construit à partir d'un diagnostic, d'un plan d'action et d'une programmation. Cf.« Convention de partenariat relative au dossier unique du demandeur d’emploi » entre l’Etat, l’ANPE,l’Unédic et le Conseil National des Missions Locales, 30 mars 2007, http://www.arml-idf.org/IMG/pdf/Convention_DUDE_annexes.pdf.

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(rapport d’activité de l’AFPA 2005). L’AFPA couvre ainsi une large palette desecteurs professionnels dans le cadre d’une mission globale d’insertion et dequalification professionnelle de chômeurs en difficulté. Les autorités publiquesexercent quant à elles un contrôle sur l’ensemble des recettes et dépenses au-delàde certains seuils, empêchant toute capitalisation de valeur au profit de l’association.C’est pourquoi les activités de l’AFPA sont encore largement subventionnées en2008. Ce n’est que depuis l’avis du 18 juin 2008 du Conseil de la Concurrence qu’il aété clairement acté que l’AFPA devenait un opérateur économique intervenant sur unmarché. Parallèlement, la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales aprévu le transfert progressif aux régions des crédits de l'État consacrés aux stagesAFPA. Pierre Boissier, directeur général de l'AFPA, considère d’ailleurs que l’AFPAest de fait dans une situation décentralisée.

Outre son statut, l’AFPA a un rôle très particulier car elle ne se contente pas d’êtreun organisme (public) de formation comme peuvent l’être le CNAM ou le CNED ; ellefournit des conseils d’orientation (pour les particuliers), d’ingénierie de formation(pour les entreprises) ou d’appui au Service Public de l’Emploi (DDTEFP, Régions),elle a en outre un rôle de certification (« accès au titre professionnel pour uneinsertion durable dans l’emploi ou attribution de certificats de compétencesprofessionnels [CCP] pour une employabilité rapide permettant de s’inscrire dans laperspective d’accéder à un titre », rapport d’activité de l’AFPA 2005). Cette force –une approche globale permettant de « sécuriser, pour les stagiaires, l’environnementde leur formation en complétant son offre de services par des prestationsassociées » (Rapport d’activité 2005) – est également une faiblesse : voulant toutfaire, on ne sait plus exactement quel est son cœur de métier (et sa plus value) parrapport aux autres intervenants plus ciblés. Concrètement les activités de l’AFPAsont aujourd’hui multiples et confuses : accueillir les demandeurs d’emploi, maisaussi former des salariés21 ; recommander une formation à l’AFPA mais égalementen dehors de l’AFPA ; réorienter le demandeur d’emploi vers l’ANPE, etc. Bienqu’elle tente de développer des partenariats avec l’ANPE ou les Assedic22, certainesmissions semblent faire doublon : qui doit finalement assurer la fonction d’orientationprofessionnelle ? L’AFPA dispose en 2008 de 210 sites consacrés à l’accueil etl’orientation (contre 207 en 2005) et 188 sites consacrés à la formation (contre 265en 2005). Ne faut-il pas dès lors fusionner également les structuresd’accompagnement de l’AFPA avec celles du nouvel opérateur « Pôle Emploi », etconserver à part l’activité de formation stricto sensu ? Ou, si cette activitéd’orientation est toute entière tournée vers la formation, ne faudrait-il pas l’inscriredans l’Agence de Formation Professionnelle que j’appelle de mes vœux ? Je netrancherai pas ici ; tout au plus indiquerai-je la nécessité, si l’AFPA, devait rester enl’état, qu’elle s’intègre au niveau local aux Maisons de l’emploi et de la formation, etqu’elle devienne au niveau régionale un appui pour le CCREFP.

21 En 2006, les deux tiers des 159 000 personnes formées à l’AFPA étaient demandeurs d’emploi mais1/3 étaient salariés.22 En 2005, 204 104 demandeurs d’emploi ont bénéficié d’un service d’appui à la définition d’un projetde formation, à la demande de l’ANPE dans le cadre du Projet d’Action Personnalisé (PAP). Parailleurs, dans le cadre des actions de formation spécifiques adaptées à la situation de l’emploi local(partenariat avec l’ANPE, les branches professionnelles et les entreprises), l’AFPA a développé endirection des allocataires de l’assurance chômage des actions courtes de qualification visant lacertification des compétences par la formation ou la Validation des Acquis de l’Expérience.

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2/ Quelle place pour les partenaires sociaux et les Branches professionnelles ?

S’il est bien un champ dans lequel les partenaires sociaux (organisations patronaleset syndicats de salariés) sont au cœur de tout projet de réforme, c’est celui de laformation professionnelle. A tel point qu’il fait figure d’exemple pour l’ensemble desnégociations et plus généralement pour le mode de « démocratie sociale » à lafrançaise. C’est par exemple l’un des rares domaines où l’on a vu la CGT signer desaccords collectivement établis (notamment l’ANI de 2003 sur la formation tout aulong de la vie). Prôner une nouvelle réforme de la FPC nécessité donc évidemmentd’indiquer quel rôle ils pourraient jouer.

D’une manière générale, rappelons-le que les partenaires sociaux s’impliquent àdifférents niveaux de négociation collective (interprofessionnel ; branchesprofessionnelles ; entreprises) et dans la gestion collective de plusieurs instancesdécisionnelles (que ce soit seuls, par exemple dans la prise en charge del’assurance-chômage [Unédic] ou dans les OPCA, ou avec d’autres comme dans lenouveau « Pôle Emploi » ou encore dans l’AFPA). Les branches ont aujourd’huiindéniablement un rôle crucial dans l’organisation du système de formation continue(Cf. annexe). La négociation de branche consiste en effet, pour les organisations quisont liées par la convention correspondante, à se réunir tous les trois ans pournégocier sur les priorités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelledes salariés (article L. 933-2 du code du travail)23.

Une branche doit tout d’abord décrire et analyser les métiers qu’elle recouvre :description des parcours d’acquisition des compétences (repérage des situationsprofessionnelles permettant leur acquisition et des apports de formationnécessaires), description des situations et des critères d’évaluation du savoir-faire etdes connaissances, et enfin mise en place d’un dispositif de validation et dereconnaissance à travers les certificats de qualification professionnelle (CQP). Ladescription des métiers doit permettre, d’une part, d’identifier des compétencescommunes et spécifiques à ces différents métiers, et d’autre part, de développer,d’évaluer et de reconnaître les compétences des personnes, par exemple à l’aide decertificats de qualification professionnelle. Ceux-ci autorisent des passerelles avecdes diplômes ou des certifications d’autres branches.

Encadré 4 - Des exemples de passerelles entre différents métiers

« Une démarche particulière de certification a été initiée par le Forthac, l’Organismeparitaire collecteur agréé (OPCA) du textile, pour encourager et aider les entreprises dansla formation de leurs salariés afin de favoriser la montée en qualification des opérateurs.Une convention de partenariat a été établie avec le ministère de l’Éducation nationale.C’est une démarche qualifiante et diplômante car elle débouche sur un diplôme de

23 Les négociations ont lieu, en pratique, au niveau national et l'accord conclu constitue un avenant (ouune annexe) de la convention ou de l'accord professionnel.

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l’Éducation nationale : le CAP CIPP (Conducteur des installations de production parprocédé) ou le CAP EII (Exploitation d’installations industrielles).Le choix a été fait de définir ainsi des passerelles entre les métiers du textile et ceuxd’autres branches comme la chimie ou le papier-carton après avoir identifié un ensemblede qualifications communes aux industries de process, pour la conduite des machinesautomatisées.L’enjeu central est celui de la transférabilité des compétences acquises dans d’autresconfigurations de travail. Après avoir recensé les compétences des opérateurs et repéréles lacunes, un dispositif individualisé de formation est arrêté. L’intérêt de la démarche estdouble ; elle repose sur une pédagogie individualisée adaptée à la formation des adultes etpermet d’optimiser les moyens de formation (formation concentrée sur neuf mois).La mise en place du Certificat de qualification professionnelle interindustries (CQPI) permetde favoriser la mobilité et l’employabilité des salariés en validant leurs acquis par unecertification commune à plusieurs branches.Le CQPI est le fruit d’un travail effectué par sept branches industrielles, à partir de 2002,ayant considéré qu’une telle proposition était de nature à répondre aux besoins communsen qualifications professionnelles compte tenu de la proximité des métiers, ainsi qu’auxobjectifs d’employabilité et de mobilité des salariés par une valorisation de leurs acquisvalidés par une certification commune » (Catherine Afriat, Catherine Gay et Florence Loisil,2006, p.66).

A partir de leur description, il sera ensuite possible d’étudier les transformations deces métiers (et, corollairement, les nouvelles compétences dont les entreprisesauront besoin) : celles liées au nécessaire renouvellement des effectifs du fait desdéparts à la retraite ou du manque d’attractivité ; celles nécessitant des acquisitionsde nouvelles compétences (métiers en transformation ou nouveaux métiers) ; cellesinduisant la recomposition des métiers (Afriat, Gay et Loisil, 2006).

Les partenaires sociaux sont d’ailleurs bien conscients de ces enjeux puisque dansun document récent sur la GPEC, ils invitent les branches à « mettre à la dispositiondes entreprises, des salariés et de leurs représentants des informations sur lesévolutions démographiques, technologiques, l’évolution des politiques industrielles,la détermination des besoins en qualifications et compétences24 ». Et ce grâce à :

• des modules adaptés d'information et de sensibilisation s'adressant enpremier lieu au chef d'entreprise pour le convaincre de l'intérêt de s'inscriredans la démarche de Gestion Anticipative des Métiers, des Compétenceset des Qualifications,

• des outils simples, pratiques, adaptés aux caractéristiques et à la taille desentreprises tels que des modes d'emploi et des guides d'action (définitiondes enjeux, établissement d'un diagnostic, modalités de passage àl'action…),

• une information aux PME et aux TPE sur les outils et dispositifs definancement existants,

24 « Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences », Document préparatoire à la réuniondes partenaires sociaux du 10 octobre 2008, http://www.centre-inffo.fr/le-quotidien-de-la-formation/IMG/doc/GPEC_10-10-08-2.doc.

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• la mise en réseau des informations existant au niveau nationalinterprofessionnel ou dans la branche, en matière de prospective desmétiers et des qualifications.

Si, notamment grâce à ces outils, la branche offre certaines garanties de proximitéavec les besoins des entreprises, elle montre simultanément ses limites dans lamesure où les parcours professionnels, et les besoins de formation correspondants,débordent de plus en plus leurs limites quelque peu étroites. Je considère doncindispensable que les partenaires sociaux conservent un rôle central dans le pilotageet l’organisation du système de FPC… et tout aussi indispensable que ceux-cirepensent leur engagement selon une logique territoriale et non plus seulementselon une logique de Branche professionnelle.

Précisons tout d’abord que la Branche professionnelle n'est pas assimilable à labranche d'activités économiques, ni au secteur tels que définis par l’Insee : « c'estune construction sociale, sans définition juridique, dont les contours sont le résultatdu jeu des acteurs et épousent souvent ceux des organisations patronales. Elleapparaît ainsi essentiellement comme ‘‘un cadre institutionnel d’action’’ (Jobert,2000) où se négocient des conventions collectives, c’est-à-dire les normes deconditions de travail et d’emploi » (Tallard, 2005, p.20). Les conventions (ou accords)collectives conclues entre différentes entreprises sont donc le résultat de compromissociaux et non le reflet de l’organisation du travail. La nécessaire restructuration desOPCA (de branche) que tout le monde appelle de ses vœux doit dès lorsnécessairement impliquer une clarification de la notion, et surtout du nombre, debranche professionnelle. Il est assez stupéfiant que personne ne paraît en mesurede dire précisément combien de branches existent aujourd’hui (entre 250 et 700…).Pour David Garcia, de la CFE-CGC, il s’agit même de la priorité numéro un : « Aulieu de focaliser sur le nombre d’Opca, pourquoi ne pas regrouper les branchesprofessionnelles ? J’ai une fédération qui gère 250 conventions collectives, c’estabsurde ! On ferait bien de mettre à plat ces conventions collectives avant de penserà réduire les Opca. Certaines branches emploient 500 salariés, c’est irréaliste ! »(Garcia, 2008). De fait, cet éclatement des branches rend difficile la prise en comptedes mobilités des salariés25. Or mon hypothèse est que les entreprises vont êtreconfrontées aussi bien à un déficit de main-d’oeuvre qualifiée (qui va s’amplifier avecle vieillissement de la population active) qu’à un besoin d’innovation (pour restercompétitif), et qu’elles pourraient y répondre en recherchant une transférabilité descompétences en leur sein, dans leur branche, mais aussi d’une branche à l’autre.Une des fonctions des branches devrait donc être de penser la mobilité aussi bieninterne (évolution au sein de l’entreprise en bénéficiant de possibilités dequalification) qu’externe (découverte de différents domaines d’activité et constructionau sein d’un même secteur d’activité ; mobilité vers un autre secteur).25 On pourrait par exemple reprendre la liste des 21 domaines professionnels présentée par Chiracheet Sauvageot (2006) qui totalisaient en 2002 près de 24 millions de personnes :agriculture/marine/pêche/sylviculture ; Bâtiment, travaux publics ; Electricité, électronique ;Mécanique, travail des métaux ; Industries de process ; Industries légères (bois, ind. Graphiques) ;Maintenance ; Ingénieurs et cadres de l’industrie ; Tourisme et transports ; Artisanat ; Gestion,administration ; Informatique ; Etudes et recherche ; Fonction publique et professions juridiques ;Banques et assurances ; Commerce ; Hôtellerie, restauration, alimentation ; Services aux particuliers ;Communication, information, spectacles ; Santé, action sociale, culturelle et sportive ; Enseignement,formation.

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Deuxième exigence (et défi) majeure : inscrire les partenaires sociaux au cœur desterritoires. Les Commissions Paritaires Territoriales de l’Emploi (CPTE), combinéesaux Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales pour l’Emploi(COPIRE), devraient désormais avoir un rôle central de pilotage politique.Historiquement, le syndicalisme français s'est développé à partir des syndicats demétiers et des bourses du travail qui regroupaient les salariés sur une baseinterprofessionnelle locale (au niveau des communes). Ces bourses du travail ontensuite donné naissance à des unions locales, départementales ou régionales, selonles spécificités de ces secteurs. Mais ces instances décentralisées n'ont pas acquisle même pouvoir de décision que les organisations de branche. Or la logique debranche a ses limites. « Le niveau ‘‘centralisé’’ de traitement des problèmes qui estcelui de beaucoup de branches, se concilie mal avec la gestion des besoinsquantitatifs et en qualifications qui s'opère, de plus en plus, dans la proximité localedes PME et des TPE, créatrices d'emplois » (Lindeperg, 1999). D’où la nécessitéd’un pôle paritaire décisionnel en matière de FPC au niveau de chaque région. Tellepourrait être le nouveau rôle des CPTE. C’est d’autant plus nécessaire qu’en matièrede politiques de formation professionnelle les partenaires sociaux sont bien moinsengagés au niveau régional qu’au niveau national interprofessionnel ou à celui desbranches.

Ces derniers semblent finalement frileux sur cette question : d’un côté ils préconisentaux branches de « renforcer leur présence au niveau territorial soit dans le cadre decommissions paritaires territoriales de l’emploi (CPTE), soit dans le cadre d’unedélégation formelle donnée aux partenaires sociaux présents au niveau territorial »(ANI 2003), mais de l’autre ils n’attribuent finalement aux CPTE (comme auxCOPIRE) qu’un rôle d’étude et de propositions (mais pas de décision). C’est parexemple ce qui ressort du document préparatoire à la négociation sur la GPEC :« Les branches et les organisations territoriales doivent en outre s’efforcer dedévelopper, en liaison entre elles et avec les différents bassins d'emplois, unelogique d'étude sur l'évolution des métiers qui éclaire les différents acteurs (…) Dansce cadre, il appartiendra aux COPIRE et aux Commissions Paritaires de BrancheTerritoriales Régionales, lorsqu'elles existent, de faire, tous les ans, une analyse deces évolutions, dans le ressort de leur champ territorial et de faire connaître lesexpériences en cours26 ».

Pour véritablement assumer le choix d’une politique territoriale de la FPC, jerecommande donc que les CPTE, qui devraient peut-être fusionner avec lesCOPIRE27 pour mieux articuler enjeux de branche et enjeux interprofessionnels,devraient ainsi devenir les véritables (co)pilotes de la FPC. Elles détermineraient eneffet les priorités définies par les partenaires sociaux qui seraient débattues aussibien dans l’AROPA (définition de la politique de « Professionnalisation » ; parcoursbleu dans le schéma p.20) que dans l’AFP (gestion des comptes formation ; parcours26 « Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences », Document préparatoire à la réuniondes partenaires sociaux du 10 octobre 2008, http://www.centre-inffo.fr/le-quotidien-de-la-formation/IMG/doc/GPEC_10-10-08-2.doc.27 Les COPIRE n’ont aujourd’hui aucun normatif. Ils se contentent de : participer à l’étude des moyensde formation, de perfectionnement et de réadaptation professionnels, publics et privés ; promouvoir lapolitique de formation dans les régions de leur ressort ; examiner, en fonction des travaux des CPNEet avec tous les acteurs et organismes concernés, les problèmes spécifiques que peuvent rencontrer,en matière de formation professionnelle, les entreprises ayant un faible effectif. Cf. ANI 2003, p.37.

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rouge). Elles pourraient également nommer les personnes qui siégeront dans cesinstances (cf. ci-dessous).

Dans ce contexte, les Commissions Paritaires Nationales de l’Emploi (CPNE)continueraient de contribuer, dans chaque branche ou au niveau interprofessionnel,à la définition des politiques de formation (définition des orientations et despriorités) : définition des forfaits de prise en charge, priorités des actions à mettre enoeuvre, fonctionnement des observatoires prospectifs des métiers et desqualifications, bilan tous les trois ans de l’évolution quantitative et qualitative desemplois et des qualifications, suivi de l'application des accords conclus à l'issue de lanégociation triennale de branche sur les objectifs, les priorités et les moyens de laformation professionnelle... Bien que n’ayant toujours qu’un caractère informel - ellesn’ont pas la personnalité morale et ne peuvent donc engager leur responsabilitéfinancière (Le Douaron, 2006, p.12) - les CPNE pourraient avoir un rôle renforcé :

- par rapport aux OPCA. Elles pourraient avoir un rôle complémentaire de lienavec l’OPCA de branche correspondant afin de partager un diagnosticcommun et de diffuser les priorités de formation, que ce soit dans le cadre duPlan de formation ou de la Professionnalisation.

- par rapport aux CPTE : elles seraient les garants d’une coordination et d’unecohérence des politiques sur l’ensemble du territoire national.

Quant au Comité Paritaire National de la Formation Professionnelle (CPNFP), créépar l’accord du 3 juillet 1991, assure un suivi régulier de l’accord nationalinterprofessionnel relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vieprofessionnelle. Sans doute le CPNFP devrait-il être davantage en mesure d’évaluerles résultats qualitatifs (et non plus simplement quantitatifs) des négociations debranche (orientations prioritaires des formations, égalité d'accès, qualification etmodalités de reconnaissance des acquis) et de faire plus de place aux procéduresd'évaluation.

3/ Assumer la logique territoriale : les Conseils régionaux et les partenaires sociauxau cœur du système de FPC

Si l’Etat et les branches professionnelles doivent toujours fournir un cadre politiqueglobal, je suis convaincu que la véritable élaboration stratégique doit s’opérer auniveau régional. Dire cela implique un renversement de perspective par rapport à cequi a prévalu lors de l’ANI 2003 et de la loi 2004 : ce ne sont plus les branchesprofessionnelles qui doivent être au cœur de la gestion de la formationprofessionnelle des salariés28 mais les territoires. Ces derniers ne sont pas des

28 La loi de 2004 renvoie à la négociation de branche : la définition des modalités de mise en œuvre del'obligation légale de financement ; la répartition des financements collectés au titre de l'obligationlégale entre les contrats et les périodes de professionnalisation ; la part du 0,9 % (plan de formation)devant financer le DIF, ainsi que la part dédiée au congé de formation, au bilan de compétences et àla VAE ; la définition des objectifs et des priorités de la formation continue des salariés (rôle prospectifà travers la mise en place d'observatoires des métiers et des qualifications, et à travers le rôle descommissions paritaires nationales de l'emploi).

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entités statiques ni ne correspondent nécessairement aux juridictionsadministratives ; ils changent au gré des évolutions de leurs caractéristiquesdémographiques et socio-économiques. De la même manière, un territoire ne doitpas être perçu « comme un vase clos mais comme le lieu de rencontre de logiquesissues d’aires géographiques plus larges et différenciées. Il est en interaction avecun ‘‘extérieur’’ et des facteurs extérieurs viennent jouer sur sa dynamique » (Bel,2007, p.3). Mais c’est à cette échelle que les trajectoires des personnes quihabitent/vont/viennent pourront être les mieux anticipées et accompagnées29 ; c’estdonc à cette échelle qu’une gouvernance de la formation professionnelle continuedoit être mise en place. Parler de « territorialisation » c’est dès lors comprendrecomment l’on peut instituer un jeu d’acteurs sur un espace aux frontières parfoismouvantes en vue d’impulser une logique de projet (en l’occurrence la FPC).

Dans la mesure où le territoire n’est jamais stabilisé une fois pour toute, il faut à lafois un pilotage stratégique clair et un système suffisamment souple d’actionscontractualisées pour prendre en compte des enjeux et logiques mouvants. Il fautdonc (1) mettre en place un véritable gouvernement régional de la formation quidéfinisse un cadre de responsabilités des différents acteurs. Comme le dit très bienEric Verdier (2006, p.3), « c’est cette intention d’intégration des dispositifs et desacteurs sous l’égide de la Région qui conduit à parler de ‘‘gouvernement’’ et àdistinguer cette configuration du cours antérieur où la posture d’animateur renvoyaitplutôt à la coordination souple d’acteurs fragmentés et donc à la recherche, d’ailleursdéçue, d’une gouvernance régionale ». Je suis en effet convaincu qu’il ne faut pas,en effet, démultiplier les instances de concertation/coordination : « La multiplicité deslieux de concertation pose le problème de la représentation des partenaires sociauxdans ces instances. Elle soulève aussi la question de l'articulation nécessaire deslieux de concertation ayant des enjeux voisins » (AEF, Dépêche n°94003, 1 er avril2008).

Mais, (2), il est simultanément nécessaire de promouvoir le dialogue social territorial.Au sein des Régions se développe en effet une multitude d’animations locales(issues en particulier des communautés d’agglomération). On observe la montée enpuissance des inter-communalités et le dépassement des logiques d’actionsectorielles classiques. S’il faut un pilote régional, il est aussi essentiel d’intégrer etde coordonner les dynamiques territoriales qui ne recoupent pas nécessairement lesfrontières administratives. Il s’agit donc d’articuler des référents généraux auxobjectifs et situations spécifiques aux acteurs locaux. Eric Verdier (2006, p.1) parled’« hybridations institutionnelles inédites » (déploiement de plusieurs médiationsinstitutionnelles : la délégation de compétences, la contractualisation multi-niveaux,la décentralisation-déconcentration et la mutualisation des ressources). Ce nouveaudialogue social territorial est caractérisé par des « engagements volontaires etréversibles, qui ne débouchent pas sur une production conjointe de règles maisplutôt sur la mise à disposition pragmatique de services aux individus et auxentreprises, encadrés par de normes locales consignées dans des chartes ou deséchanges d’engagements – plutôt que des contrats – et appuyées sur des dispositifsd’action plus ou moins formalisés » (Verdier, 2006, p.6-7).

29 Le CNFPTLV a évalué 160 Contrats d’Objectifs Territoriaux (entre les régions et les branchesprofessionnelles) et a ainsi montré les limites des branches professionnelles dans la gestion desmobilités.

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Pour répondre à ces deux exigences, qui peuvent sembler à première vuecontradictoires, il faut un gouvernement régional souple fondé, ai-je dit, sur :

• 2 entités politiques : le Conseil régional30 et les partenaires sociaux régionauxréunis dans le CPTE (associé au COPIRE). L’enjeu majeur consiste ainsi àmieux articuler leurs actions. Pour la Cour des comptes, « l’échelon régionalest caractérisé par un enchevêtrement d’instances de coordination éparses,aux compétences mal définies, rarement décisionnelles et dont l’efficacitésemble faible » (Op. Cit., p.95)

• 2 instances d’orientation : l’AROPA pour l’orientation et l’articulation FP initiale– FPC ; l’AFP pour la FPC exclusivement

• 1 instance de coordination : le CCREFP

• Des Maisons de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi (MOFE) quimettent en relation les différents acteurs et qui permettent des accordscontractuels.

J’ai précisé plus haut le rôle que je dévouai aux MOFE, je vais donc me concentrersur les autres instances.

Schéma « Structuration politique »

30 Les Conseils régionaux doivent également réfléchir à leur organisation interne. On observe en effetun problème de cloisonnement des services entre la direction générale en charge de l’enseignementet de la formation professionnelle et les directions générales dédiées au développement économique.

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L’Agence Régionale de l’Orientation, de la Professionnalisation et de l’Apprentissage(AROPA)

On peut définir la « Professionnalisation » comme l’association des enseignementsgénéraux, professionnels et technologiques à l’acquisition d’un savoir faire parl’exercice, dans une entreprise, d’une ou plusieurs activités professionnelles enrelation avec les qualifications recherchées. Le système de Professionnalisation telqu’il existe aujourd’hui en France semble assez bien fonctionner, il n’est donc pasnécessaire d’en chambouler tout l’édifice. Un problème important subsiste pourtant :l’articulation entre la FP initiale et la FP continue.

Il me semble pour être véritablement efficace cette articulation doit tout d’abord êtreintégrée à la problématique plus globale de l’orientation. C’est en effet tout leprocessus d’orientation qui conditionne la pertinence d’un parcours professionnel,c’est-à-dire d’adéquation entre les projets des personnes et les besoins des secteursproductifs. Or on sait que l’orientation est l’un des principal défaut du systèmefrançais : orientation durant le parcours scolaire (avec la prédominance de la filièregénérale sur les filières techniques ou professionnelles qui sont toujours considéréescomme des voies secondaires ou, pire, de relégation), orientation des élèves quisortent du système scolaire sans qualification et qui, livrés à eux-mêmes, n’ont plusaucun référent31, orientation des étudiants (en particulier à l’université) qui pour unebonne part n’ont aucune idée des métiers et activités qui peuvent s’offrir à eux,orientation des personnes en activité qui ont souvent le sentiment que les choix(scolaires et professionnels) qu’ils ont fait (ou ont été contraints à faire) les bloquentdans une voie dans laquelle ils ne s’épanouissent pas nécessairement. Faitsignificatif : proposer aujourd’hui une « orientation » à un quelqu’un c’estconcrètement lui signifier qu’il est inadapté à filière scolaire « normale », alors mêmeque l’orientation devrait faire l’objet d’un enseignement pour tous les élèves (ou d’unmoment de dialogue pour tous les travailleurs). D’où ma suggestion d’une instancequi, dans le souci d’articuler enseignement (scolaire, universitaire, professionnel) etentreprises, intégrerait l’orientation, la professionnalisation et l’apprentissage. Cepourrait le rôle d’Agences Régionales de l’Orientation, de la Professionnalisation etde l’Apprentissage (AROPA) qui regrouperaient, à deux niveaux distincts, les acteursqui promeuvent la Professionnalisation.

A un premier niveau, les acteurs politiques : l’Etat qui gère l’enseignementprofessionnel, les régions qui ont en charge l’apprentissage, les branchesprofessionnelles qui disposent d’une vision à plus long terme des besoins de leursecteur. Il existe actuellement un problème de concurrence entre les deux filières dela formation professionnelle initiale : l’enseignement professionnel initial sous statutscolaire (dispensé dans les lycées professionnels) et l’apprentissage, dispensé sous

31 On recense chaque année environ 150 000 élèves quittant le collège ou le lycée sans diplôme ouqualification reconnue (environ 10% des bacheliers généraux, 30% des bacheliers technologiques et60 % des bacheliers professionnels quittent l’enseignement supérieur sans aucun diplôme). Parailleurs, plus de 80 000 jeunes sont en échec à l’université.

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contrat de travail en alternance dans les centres de formation des apprentis (CFA) etdans les entreprises. Contrairement à certaines propositions, je pense que ces voiesdistinctes de formation doivent être maintenues, non seulement parce que lescontrats proposés par les entreprises sont insuffisants pour répondre à la demandeglobale, mais surtout parce que ces types de formation ne se recoupent pastotalement (l’apprentissage et la professionnalisation concernent davantage lesmétiers proches de l’artisanat). Plus qu’un problème de concurrence demeure doncsurtout un problème de complémentarité du en partie en raison d’une architectureinstitutionnelle très différente, mais aussi parce que le dialogue entre ces acteurs estinsuffisant. Le récent rapport de la Cour des comptes a en effet noté aussi bien unmanque de coopération entre les services académiques (chargés de déterminer lacarte des lycées professionnels) et les régions chargées de piloter l’offred’apprentissage, que la faiblesse des liens entre les régions et les branches, dont lesactions se développent, le plus souvent, de façon indépendante32. C’est pourquoi uneinstance spécifiquement dédiée à ces problématiques est nécessaire pour définir etmettre en œuvre la politique régionale d’orientation et de Professionnalisation. Lagouvernance devrait ainsi refléter le caractère nécessairement pluriel de cettestructure : si on imagine un Conseil d’orientation de 30 membres, l’Etat pourrait ainsien disposer de 6 (Recteur d’académie, Président d’université, représentants de laDRTEFP), le Conseil régional de 8, et chacun des partenaires sociaux de 8également.

L’AROPA pourrait ainsi être le lieu où se contractualise tout ce qui a trait à la« Professionnalisation » (au niveau les politiques de développement descompétences avec les branches professionnelles, au niveau des relations Etat –Régions). La question centrale sera en effet : comment mieux articuler la carte desformations aux besoins du secteur productif ? Le problème est délicat car si d’uncôté il faut bien entendu tenter d’ajuster les formations professionnelles aux besoinsen emploi (puisque l’objectif est bien de permettre une insertion réussie sur lemarché du travail), il ne faut pas pour autant croire à, ni même espérer, uneadéquation complète entre l’offre de formation et les besoins des territoires et del’économie. D’abord parce que la formation initiale, même professionnelle, a pour butde former des citoyens et pas seulement des travailleurs ; ensuite parce que lesmutations de l’économie sont tels qu’une adéquation totale est impossible et inutile :une grande partie des compétences nécessaires aujourd’hui seront sinon obsolètesdu moins insuffisantes demain. Pour autant, la question devrait être au cœur desréflexions de l’AROPA.

A un deuxième niveau, plus opérationnel, l’AROPA devrait constituer un espace derencontres entre les professionnels de l’orientation, de l’éducation et de la formation :missions locales et PAIO qui tentent d’insérer les jeunes dans la vie active,chambres consulaires, nouveau « Pôle Emploi », et bien évidemment entreprises. Il32 Fin juin 2008, 406 000 jeunes étaient en apprentissage (35 000 de plus qu’en 2006) et 165 000étaient en contrat de professionnalisation (contre 157 000 en juin 2007). Ces progressions indiquentun réel intérêt des entreprises et des jeunes. Au regard de la très forte demande pour ce type decontrat, deux aspects doivent être sensiblement améliorés : des propositions de contrats formuléespar les entreprises (notamment celles de plus de 250 salariés qui ne représentent que 11 % desnouveaux contrats conclus en 2006) ; une augmentation significative de l’offre de formation etnotamment le nombre de sections de formation par la voie de l’apprentissage dans les lycéesprofessionnels et les universités.

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s’agit en particulier de mieux coordonner les trois voies de professionnalisation, desusciter davantage de demandes chez les entreprises, et enfin de transmettre cesorientations aux Maisons de l’emploi qui mettrons concrètement en relation lesindividus et les employeurs.

Pour répondre à ces deux missions – définition des politiques et coordination desacteurs – et être en phase avec le choix d’une politique territoriale de FP, l’AROPAdevrait nécessairement être régionale. Mieux, elle s’inscrirait ainsi dans la créationd’un véritable service public régional de l’orientation et de la formationprofessionnelle. Au niveau local, elle se déclinerait et s’intègrerait à la MOFE. Lesmaisons de l’emploi ont la particularité d’être largement ouvertes aux entreprises etaux partenaires sociaux : «En lien avec les entreprises, les partenaires sociaux, leschambres consulaires et les branches professionnelles, les maisons de l’emploicontribuent au développement de la gestion territorialisée des ressourceshumaines » (Art. L5313-1). L’AROPA constituerait ainsi, au sein de chacune d’elles,un pôle spécialisé de l’orientation et de la professionnalisation (Vermès, 2005, p.55-56) ; elle ne s’adresserait pas spécifiquement aux « jeunes » mais à toute personnesouhaitant intégrer une entreprise.

L’Agence de Formation Professionnelle (AFP)

L’« Agence de Formation Professionnelle » est au cœur de mon projet de systèmede FPC ; elle serait en effet, pour tout ce qui touche les comptes formation desindividus, la seule instance prescriptive de formation, aussi bien pour les salariés quepour les demandeurs d’emploi. Le pilotage d’une telle institution doit être double -local et régional - et articulé. La dimension locale est essentielle car il faut instituerune structure visible, connue, ouverte à tous et accessible (cf. ci-après, « parcoursde formation »). Il ne s’agit certes pas de croire que l’on peut tout décloisonner etconsidérer que le statut des individus importe peu ; les besoins sont toujoursspécifiques et différents, nécessitant une prise en charge adaptée. On peut ainsis’inspirer des Cités des métiers qui sont ouvertes à tous mais avec des guichetsdifférents en fonction des questions que se posent les gens. Pour crucial qu’il soit, ceniveau local ne peut être décisionnel : l’acceptation d’une formation doit s’inscriredans un projet professionnel qui dépend aussi bien des intérêts/vœux des individusque des besoins/opportunités des secteurs professionnels sur un territoire donné (cf.schéma ci-dessous).

Les actuels Fongecif sont un bon exemple de structure double : locale pour tout cequi concerne l’information des personnes, l’élaboration concrète des projets deformation et la mise en relation avec d’autres acteurs pouvant contribuer auxparcours professionnels (missions locales, CCI, ANPE, PLIE, etc.) ; régionale pourl’analyse des besoins d’emploi et de formation, pour une réflexion prospective sur ledéveloppement du territoire, pour la définition d’une politique de formation sur 3-5ans et, corollairement, pour l’examen des projets de formation. Il est en effetessentiel de pouvoir adapter le suivi et les conseils aux configurationssocioéconomiques territoriales. Chaque territoire possède ses particularités. EnBretagne par exemple, il y a peu de sièges sociaux d’entreprise, donc peu de cadres,

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donc des salaires plus bas, donc une collecte moins importante : le secteuragroalimentaire est très développé, donc beaucoup de métiers pénibles et doncbeaucoup de demandes de reconversion ; on y observe un déséquilibre très fortentre le niveau de scolarisation (ou de diplôme) et le type d’emploi occupé. Exempletype : une femme qui a obtenu un bac, s’est rapidement marié, a eu trois enfants, adonc du travailler rapidement pour faire vivre la famille, puis s’interroge – lorsque lesenfants ont grandi – sur son métier, son avenir, et souhaitent changer d’orientationprofessionnelle. La situation est bien entendu toute autre dans le Nord, en Ile-de-France, ou encore en PACA. L’échelon de pilotage politique pertinent est donc larégion et non le niveau national (risque d’une politique nationale trop contraignante etrigide).

La structure régionale que je préconise est finalement assez proche du « fondsrégional de sécurisation des parcours » imaginé par la DGEFP et qui doit faire l’objetde négociations entre partenaires sociaux… à ceci près que j’exclue délibérémentl’Etat de son pilotage et que les « fonds » proprement dits seraient confiés à laCDC33. Les Régions et les partenaires sociaux seraient ainsi les responsablespolitiques (mais pas nécessairement toujours financiers) de la formation. Aujourd’hui,les différents protagonistes de la FPC ne sont pas contre la régionalisation despolitiques de formation… pour peu que chacun puisse conserver son autonomie definancement. Disons-le clairement : s’il faut bien entendu développer les lieux deconcertation, de simples « conférences des financeurs » ne suffiront pas à fonderune nouvelle dynamique de la FPC. C’est pourquoi je propose de désolidariser aumaximum le financement du système de formation de son orientation politique. Ongarantit à chaque personne un accès possible à la formation (via son compte) et onconfère aux Régions et aux partenaires sociaux le soin de gérer les prioritéspolitiques et l’accompagnement des parcours. On renverse donc la logiquefinancière : plutôt que de décider d’une enveloppe budgétaire allouée à« l’illettrisme » et de dire quelles personnes peuvent y accéder, on attribue à chaqueindividu un capital d’heures de formation (et son corollaire financier) que celui-cipourra mobiliser, sous réserve d’un accord de l’instance tripartite, pour apprendre àlire et écrire34.

Selon cette architecture, les AFP régionales ont un rôle crucial puisqu’ellesdeviennent un des deux prescripteurs (l’autre étant l’entreprise) de la formationprofessionnelle. Elles doivent dès lors être l’expression d’un consensus/compromisentre les enjeux-intérêts des territoires, ceux des entreprises et ceux des salariés.

33 Puisque la collecte serait gérée par la Caisse des dépôts, les AFP se consacreraient uniquementaux missions d’accompagnement (ce qui inclut les bilans de compétence et VAE). Il n’y aurait doncpas, a priori, besoin d’un organisme de péréquation financière comme le fait aujourd’hui le FUP. Il esten revanche nécessaire de prévoir un réseau de coordination des AFP au niveau national. Ce réseauopérationnel n’aurait aucun pouvoir de contrôle ou de sanction mais aurait un rôle essentield’animation : échange de « bonnes pratiques » ; faciliter la mobilité des conseillers ; réunion entreadministrateurs et entre les équipes opérationnelles ; réflexion générale sur les politiquesd’accréditation des centres de bilan ou encore sur les différentes méthodes de travail ; effectuer descampagnes de communication sur la FPC.34 Notons que cela n’empêche pas, bien sûr, des financements complémentaires pour desprogrammes/populations spécifiques mais cela place véritablement l’individu (et ses besoins) au cœurdu système et cela permet de mettre quelque peu de côté les enjeux financiers qui, souvent,annihilent les bonnes volontés.

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D’où la nécessité d’une gestion politique tripartite (Conseil régional, partenairessociaux) pour que les projets de formation des individus s’inscrivent dans unparcours professionnel cohérent lequel doit lui-même s’inscrire dans une gestionprévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). En prônant unegouvernance tripartite pour les AFP, je renforce donc à la fois le rôle des partenairessociaux territoriaux et celui des Conseils Régionaux. Du côté des acteurssocioprofessionnels cela implique, je l’ai dit, qu’ils aient, dans tous les secteursprofessionnels, la capacité de s’organiser, afin de négocier, au niveau régional, cequi est encore loin d’être le cas (Le Douaron, 2006, p.14). Du côté des Régions, celasignifie qu’elles acceptent/assument d’être, au même titre que les partenairessociaux, les référents stratégiques et organisationnels des parcours de formation.

Le rôle des AFP régionales serait finalement double : (1) définir, à travers undocument d’orientation annuel, les priorités politiques en matière de qualification,reclassement, reconversion et plus globalement tout ce qui concerne la mobilitéprofessionnelle. Il peut s'agir de priorités sectorielles ou territoriales, ou bien encored'un ciblage sur une entreprise en danger, l'objectif étant de favoriser une adéquationraisonnable entre les formations financées par le compte formation et les besoins enemplois constatés au plan territorial ; (2) examiner (c’est-à-dire étudier etrefuser/accepter) les demandes de formation au titre du Compte formation aprèsqu’elles aient été « instruites » par les AFP locales. Les orientations stratégiques etles décisions opérationnelles seraient ainsi le fait d’une même instance et devraientpermettre une réelle cohérence du système.

Le Conseil Régional

Malgré les lois successives (7 janvier 1983, 20 décembre 1993, 17 janvier 2002, 13août 2004) qui ont prétendu clarifier les compétences régionales et de l’Etat, il resteencore beaucoup à faire35. Comme l’observait le Conseil régional d’Ile de France,« la responsabilité des régions en matière de formation professionnelle etd’apprentissage reste assortie d’exceptions, qui conduisent en fait à une compétencepartagée, source d’opacité et d’incohérences. De plus, il s’avère difficile d’élaborer àl’échelon régional une stratégie commune tant les positions des différents acteurs, ycompris au sein de l’Etat entre administrations, peuvent être parfois divergentes »(Cité par Karoutchi, 2005, p.10). C’est pourquoi, au coeur des discussionsmultipartites de 2008 dans le cadre du COE, les régions rechignaient toujours àdevenir, sans garantie réelle d’autonomie et de moyens financiers de la part de l’Etat,les pilotes exclusifs de la FP. Le présent texte se veut ainsi non seulement entérinerl’inscription régionale de la formation à travers les partenaires sociaux et les Conseilsrégionaux (CR), mais aussi élaborer un cadre commun (via l’AROPA, l’AFP et leCCREFP évoqués plus haut) pour coordonner les multiples partenaires.

35 Exemple de compétences partagées : les Stages d’Insertion et de Formation à l’Emploi (SIFE) et lesStages d’Accès à l’Emploi (SAE) sont censés relevés de la politique de l’emploi (donc de l’Etat), tandisque le disposition Insertion, Réinsertion, Lutte contre l’illétrisme (IRILL), les formations ouvertes et àdistance et ressources éducatives (FORE) et les Ateliers de Pédagogie Personnalisée (APP) sont dela compétence des Régions.

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Les CR doivent aussi, de leur côté, revoir en profondeur leur organisation, leursoutils et leurs approches de la FP. En premier lieu, il s’agit de mieux coordonner lesdépartements éducation - formation – emploi au sein même des CR, en créant parexemple un référent FP (et une équipe ad hoc) directement auprès du Président duConseil régional. Il faut ensuite que les CR s’impliquent fortement dans les instancesdécisionnelles (AROPA et AFP) et de coordination (CCREFP, CESR) ; ils ont lalégitimité pour cela, il leur faut encore montrer leur compétence d’expertise et deprospective. Enfin, les Régions se doivent de renforcer leurs outils de pilotage et decontractualisation jusque là dispersés : Programme régional de formationprofessionnelle et d'apprentissage (PRAFP), Fonds régional de l'apprentissage et dela formation professionnelle (FRAFP), conférences des financeurs, contrats deprojets Etat-Région (CPER), contrats d’objectifs et de moyens (COM) et contratsd’objectifs territoriaux (COT) signés entre l’Etat et les Régions mais également avecles représentants des branches en région, etc. Mais surtout les CR doivents’approprier un outil insuffisamment utilisé pour l’heure, le Plan Régional deDéveloppement des Formations (PRDF).

La loi quinquennale du 20 décembre 1993 a créé ce Plan pour les jeunes (extensionaux formations délivrées aux adultes par la loi du 27 février 2002). Il est censé fairel’objet de consultations préalables auprès des multiples parties prenantes de la FPCpuis être décidé en concertation avec l'État, les collectivités territoriales et lesorganisations syndicales (d’employeurs et d’employés) représentatives. « Il affirme larégion dans son rôle d’animation et de mise en cohérence, au niveau territorial, desdispositifs de formation professionnelle initiale et continue des jeunes » (Karoutchi,2005, p.6).

Le PRDF doit ainsi permettre une coordination de l’ensemble des actions deformation professionnelle initiale et continue au niveau de la région. Problème : lesPRDF ne permettent pas la mise en place de politiques communes du fait de leurcaractère non contraignant. Fruit d’une réflexion réellement collective, je proposedonc que le PRDF soit élargi aux fonctions d’accueil, d’information, d’orientation, deProfessionnalisation comme à la formation professionnelle continue des adultes. Ilpourrait alors être prescriptif, c’est-à-dire contraignant, pour tous les acteursconcernés. « Prescriptif pour l’ensemble des acteurs publics, ce programme serait uncadre de référence dans lequel s’engageraient contractuellement les autres acteurs,dés lors qu’ils seraient pleinement et obligatoirement associés à la définition despriorités et des objectifs » (Cour des comptes, 2008, p.120). Ce n’est qu’à cettecondition qu’il deviendra l’instrument d’une stratégie globale de formationprofessionnelle.

Le Comité de Coordination Régional de l’Emploi et de la Formation Professionnelle(CCREFP)

Le CCREFP a remplacé, à partir de la loi de modernisation sociale du 17 janvier2002, le Comité régional de la formation professionnelle, de la promotion sociale etde l'emploi (COREF) apparu en 1966. Son objectif est de favoriser la concertationentre les différents acteurs de la FP afin d'assurer une meilleure coordination des

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politiques de formation professionnelle et d'emploi sur le territoire régional. Ils sontdes instances régionales quadripartites réunissant tous les acteurs concernés sur lechamp de la formation professionnelle (Etat, Conseils régionaux, partenairessociaux). Instance régionale quadripartite36, il est coprésidé par le préfet et leprésident du Conseil régional. Structure de « coordination », c’est-à-dire nondécisionnelle, le (bon) fonctionnement du CCREFP dépend fortement de l’impulsiondes pouvoirs publics et de l’implication des différents acteurs. Les résultats sont donctrès variables selon les régions.

Pour inciter les parties prenantes à s’y investir davantage, on pourrait lui attribuerune triple rôle, crucial, d’expertise (centres de ressources pour l’ensemble desacteurs), de coordination (point névralgique où se rencontrent tous les acteurs) et devalidation des stratégies politiques.

La première mission est fondamentale : la formation relevant par nature du capitalhumain, le système de FP doit être régulièrement ausculté et examiné afin decomprendre les apports et les inconvénients de tel type de formation, de tel dispositif,de telle réforme, d’évaluer les effets des formations suivies, etc. Il s’agit de parvenir àun diagnostic partagé aussi bien des besoins que des potentiels des territoires et desentreprises, puis d’entamer une réflexion prospective pour en déduire des politiquesde FP et d'emploi adéquates (en lien avec le Schéma Régional de DéveloppementEconomique, SRDE37).

Au sein des CCREFP pourrait ainsi être développé une sorte de « comité deprospective » composé des instances d’évaluation déjà existantes mais pour lemoment très dispersées : OREF, CARIF38, CESR39, d’éventuels laboratoires derecherche universitaires). Le problème n'est donc pas tant la rareté ou la pénurie desoutils d’expertise, mais plutôt leur foisonnement (Hillau et Simon Zarca, 2008 ;Céreq, 2008). Un tel comité pourrait dès lors rassembler et organiser les enquêtes,études, évaluations existantes, ou encore commanditer lui-même des enquêtes.Pour ce faire, il devrait se fixer des objectifs précis assortis d’outils et deméthodologie d’évaluation. Le CCREFP constituerait ainsi une banque de donnéesd’informations sur l’emploi et la formation, qui serait utilisable par les réseaux deprofessionnels, les personnes en libre accès par réseau télématique ou Internet, lespouvoirs publics, et surtout les deux instances AROPA et AFP.

36 Le CCREFP est composé de représentants des services régionaux de l'Etat désignés par le Préfetde région, d’élus régionaux désignés par le président du Conseil Régional, des représentants dessalariés et des employeurs et du président du CESR. Les représentants d'autres organisationsimpliqués dans la FP (ANPE, AFPA, Assédic, etc.) peuvent être associés aux travaux de sescommissions.37 Le schéma régional de développement économique expérimental définit les orientationsstratégiques de la région en matière économique. Il vise à promouvoir un développement économiqueéquilibré de la région, à développer l'attractivité de son territoire et à prévenir les risques d'atteinte àl'équilibre économique de tout ou partie de la région38 Il existe déjà, dans certaines régions, des Carif-Oref fusionnés.39 Le Conseil économique et social régional (CESR) est une « assemblée consultation » auprès duconseil régional (code général des collectivités territoriales). Il ne peut émettre que des avis mais sonchamp de compétences couvre des domaines très vastes : économiques, éducatifs, culturels etsociaux. Les CESR se veulent plutôt des laboratoires de réflexion au service des régions ou des« porte parole » de la société civile face aux élus régionaux.

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Deuxième mission : constituer un lieu d'échange pour traiter conjointement desquestions d'emploi et de formation professionnelle et ainsi favoriser une forme dedémocratie locale quadripartite. Il est en effet nécessaire d’offrir aux acteurs de laformation un véritable lieu de concertation et de coordination pour optimiser leuraction. Ce rôle de coordination doit s’opérer aussi bien horizontalement (entre lesacteurs évoqués plus haut) que verticalement :

- au niveau supra avec le CNFTLV qui est chargé de favoriser au plan nationalla concertation entre les acteurs pour la conception des politiques deformation professionnelle et le suivi de leur mise en œuvre

- au niveau infra avec les divers comités locaux qui peuvent être présents surles territoires : Comités de bassin d’emploi (CBE), Comités locaux emploi-formation (CLEF), Commissions locales d’insertion (CLI), Comités d’animationlocaux (CAL), etc.

Dernière mission essentielle : rendre des avis par rapport aux plans régionaux deFP. Il s’agit d’un rôle consultatif sur les stratégies et décisions arrêtées aussi bien enmatière d’orientation, d’apprentissage, de professionnalisation ou de FP continue.Comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui, le CCREFP devrait ainsi fournir chaqueannée un avis :

- sur l’élaboration et la mise en place du Plan régional de développement desformations (PRDF)

- sur les programmes régionaux de l’orientation, de l'apprentissage et de laprofessionnalisation dans le cadre de l’AROPA

- sur les programmes régionaux de FPC dans le cadre de l’AFP

- sur la mise en place du schéma régional de l'AFPA

Ces avis seront retournés aux diverses instances concernées, et également transmisau CNFTLV qui en suivra l’évolution au cours des années. Sans qu’ils soientprescriptifs, ces avis devraient avoir un poids important dans les négociationsmultipartites. S’ils s’avéraient systématiquement négatifs (par rapport à la politiqued’apprentissage par exemple), cela témoignerait d’un dysfonctionnement important etpourrait nécessiter une mise au point générale (via une commission ad hocsupervisée par le CNFTLV) entre les différentes parties.

Les instances politiques étant désormais définies, il est possible de décrire plusprécisément les trois parcours de formation évoqués plus haut (traits en pointillé surle schéma p.20).

p. 43

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III. 3 parcours de formation : vers, dans et par-delà l’entreprise

Il ne suffit pas de définir des droits, de fournir aux individus des capitaux, ni mêmed’élaborer une architecture politique cohérente ; il faut également mettre en œuvreun système d’accompagnement pour élaborer des projets de formation et gérer leurmobilité. Individualiser la formation, notamment à travers la mise en place d’un« compte formation », est nécessaire mais nullement suffisamment. Tous lesindividus n’ont en effet pas la capacité et les ressources pour développer et de gérerun tel compte. Des études ont ainsi montré que le marché de l’épargne de formationne concerne guère que les catégories aisées de cadres moyens et supérieurs(Luttringer, 2007). Selon la manière dont ces comptes serait mis en œuvre (alimentésur la base d'une épargne personnelle, structure d’accompagnement peu efficace,désinvestissement progressif des pouvoirs publics), l’individualisation de la formationne ferait que renforcer les inégalités en excluant les personnes qui en auraientpourtant le plus besoin. D’où l’importance de l’accompagnement (Correia et Pottier,2001, p.72). « Individualiser » ne doit surtout pas signifier « rendre l’individu seulresponsable de ». Comme le dit Jean-Marie Luttringer (2008, p.92), « la volonté deplacer ‘‘la personne au centre’’ de son parcours de formation ne veut pas dire que laformation se résume désormais à un bien privé personnel et que la charge de trouverles ressources adéquates incombe à la seule personne qui pourra acheter ‘‘sur lemarché’’ les prestations dont elle a besoin ». Pour tendre vers une liberté réelle etnon pas simplement formelle, il faudrait non seulement parler d’« individualisation »(traiter de la même manière des individus pris isolément) mais plus encore de« personnalisation », c’est-à-dire d’adaptation aux besoins spécifiques de lapersonne en fonction de ses capacités (Maggi-Germain, 2004).

Personnaliser le système de FPC implique dès lors de partir des parcours deformation possibles d’un individu et d’en déduire un système institutionneld’accompagnement. Ma conviction est que le parcours de formation ne doit pasdépendre du statut du bénéficiaire mais des objectifs poursuivis. C’est pourquoi j’aidistingué trois types de « parcours » auxquels correspondent les trois mécanismesde formation précédemment évoqués (cf. I.3, tableau des droits, des objectifs et desparcours de FP) :

- la formation vers l’entreprise, grâce à la Professionnalisation

- la formation dans l’entreprise, grâce au Plan de formation

- la formation par delà l’entreprise, grâce au Compte formation

1/ La formation vers l’entreprise : clarifier le rôle d’« intermédiaire deProfessionnalisation » (et particulièrement les OPCA)

Si la décision d’entrer dans une démarche de « Professionnalisation » relève bienentendu des individus, la décision finale revient aux entreprises. Ce sont elles quichoisissent, in fine, de recruter des apprentis, de nouer un contrat deprofessionnalisation, ou de valider une période de professionnalisation.

p. 44

Page 45: Personnaliser la formation professionnelle continue. Une proposition de réforme

Entre ces deux bouts de la chaîne, peuvent figurer un grand nombred’intermédiaires : les individus peuvent être épaulés par les multiples organisationsqui sont impliquées dans l’apprentissage, la professionnalisation, l’alternance ; quantaux entreprises, elles peuvent elles aussi recevoir l’appui de plusieurs acteurs(OPCA, chambres consulaires notamment). Ces instances intermédiaires ont un rôlecrucial puisqu’elles opèrent le lien entre des univers qui se connaissent peu et mal :les individus jeunes (ou les personnes éloignées de l’emploi) et les entreprises ; lemonde scolaire (via par exemple les CIO) et les entreprises.

Schéma – Parcours Professionnalisation

Légende- En pointillés bleu : les parcours concret de demande de formation dans le cadre du Plan de

formation- En bleu plein : la gestion politique de ces mêmes parcours

D’où la nécessité d’une articulation à différents niveaux : au niveau local au sein desMaisons de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi (MOFE), au niveau régionalau sein de l’AROPA. C’est ce que j’ai présenté plus haut. Une personne, quel que

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soit son statut, doit pouvoir s’adresser à la MOFE dont elle dépend et ainsi nonseulement obtenir les informations qu’elle souhaite par rapport à une éventuelleformation « professionnalisante », mais également pouvoir être guider vers lessecteurs/entreprises qui ont des besoins en la matière. De manière symétrique, lesorganisations présentes dans une MOFE doivent pouvoir proposer aux publicspotentiellement en besoin (demandeurs d’emploi indemnisés ou non, jeunes sortiesdu système scolaire sans aucune qualification, intérimaires, inactifs, etc.) desformations professionnalisates puis les faire rencontrer les entreprisescorrespondantes.

D’où, aussi, la nécessité de reconnaître explicitement ce rôle d’« intermédiaire deProfessionnalisation » aussi bien pour les missions locales, l’AFPA, les CCI ouencore les OPCA. Cette fonction pourrait expliquer et justifier le statut si particulierde ce type d’organismes qui rendent des missions de service public (et bénéficient àce titre de subventions publiques ou du produit de taxes parafiscales) tout en étantinscrit dans un marché concurrentiel (que ce soit au regard des missionsd’orientation, de conseil ou même de formation en tant que telle). Je vais m’attarderici plus spécifiquement sur les OPCA car ceux-ci sont au cœur des réflexions (et descritiques) actuelles sur la FPC.

Le rôle d’intermédiation auprès des entreprises en matière de formation est décisifpour une raison simple : la formation n’est toujours pas une priorité (ni même unepréoccupation) pour nombre de dirigeants d’entreprises. Et ce pour une raisonsimple : leur capacité d’anticipation de ce que sera (leur) l’avenir est actuellementtrès faible. Plus d’une entreprise sur deux déclare ne pas prévoir leur activité sur plusd’un an et 20 % sur moins de 6 mois ; 45 % des entreprises interrogées déclarentadapter les compétences de leurs collaborateurs au fur et à mesure de l’émergencede nouveaux besoins. A peine plus de 30% ont une démarche d’anticipation ; si 20 %des entreprises disent avoir un plan de gestion des compétences pluriannuel, ellesne sont que 5 % à planifier leurs formations sur plusieurs années. Enfin, la moitié desentreprises interrogées (49 %) avouent ne jamais faire appel à des conseilsextérieurs pour analyser ses besoins en formation.

Parler « des » entreprises peut en réalité sembler impropre tant elles sont diversesselon leur secteur d’activité, leur objet, leur taille ou leur composition sociologique.D’où de très fortes différences en termes de stratégie de formation. : seules 29 %des TPE de moins de 10 salariés sont dotées d’un plan de formation, contre 58 %des PME de plus de 10 salariés, 84 % des plus de 50, et 97% des plus de 200(Agefos-PME et IPSOS, 2007) Même écarts au niveau de l’investissement financier :les entreprises de plus de 10 salariés consacrent 2.94 % de leur masse salariale(contre 2.89 % en 2005 et 3,01 % en 2004), mais ces chiffres cachent de très fortesdisparités. Le poids des grandes entreprises (plus de 2000 salariés) dans le volumeglobal des dépenses déductibles est très élevé : près de 37,5 % contre 2 % pour lesentreprises de 10 à 19 salariés alors même que les premières n’emploient qu’un peuplus du quart des salariés40.

40 On ne dispose malheureusement pas, carence éminemment significative, de données statistiquesprécises sur l’investissement financier des entreprises de moins de 10 salariés (évalué globalement à0,36 milliard d’euros par le PLF 2008). En 2003, 23,1 % des salariés travaillaient dans des entreprisesde moins de 10 salariés, si l’on ajoute les personnes qui ne sont pas salariés (7,4 % des travailleurs),

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Encadré 5 - Taux de participation financière selon la taille des entreprises

Cité dans Patrick Pommier et Philippe Zamora, « La formation continue : un objet de négociation auconfluent des stratégies des entreprises et des besoins des salariés », Dares, Premières synthèses,n° 14.2, avril 2008,

Bref, la formation n’est toujours pas réellement intégrée à la réflexion stratégique desentreprises, elle procède le plus souvent d’une démarche adaptative, en réaction auxchangements qui l’affectent (Descamps, 2004). Dans les TPE, des processusd’apprentissage existent bien sûr, mais ils sont ajustés en fonction des besoinsimmédiats et ne permettent pas aux individus d’élaborer un véritable projet et unparcours professionnel.

C’est pourquoi, outre les branches professionnelles et les chambres consulaires, lesOPCA ont un rôle essentiel à jouer. Ils sont en effet les mieux placés pour s’adresseraux entreprises et en particulier aux plus petites d’entre elles. Mais il faut dès lorsredéfinir leur rôle et même leur philosophie. Car une TPE n’est pas une grandeentreprise en petit ! D’où la nécessité de s’adapter à leurs contraintes et exigencesparticulières : être réactif par rapport à une demande immédiate, aider à la gestiondes ressources humaines de façon plus explicite, moins formelle, plus tournée versl’avenir, ne pas renvoyer l’entreprise seule face à ses problèmes, valoriser lespotentialités de la formation ; informer sur les dispositifs existants ; conseiller lesentreprises pour l’élaboration de leur Plan de formation ; participer à l’évaluation dela qualité des formations ; analyser l’impact des formations financées ; palier auxproblèmes que causerait le départ d’une personne en formation ; etc. (De Saintignon,Vilchien, Dole & Guedj, 2008, p.43). « L’accent doit être mis sur une logique d’actionplus que sur une logique d’étude, moins sur les ‘‘investissements de formes’’ que surle projet de l’entreprise » (Rouilleault, 2007, p.110). La « personnalisation » que jerevendique en matière de formation vaut donc aussi bien pour les personnesphysiques que pour les personnes morales.

on obtient plus de 30 % d’« invisibles », c’est-à-dire de personnes dont on ne peut évaluer les modes(et les besoins) de formation !

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1/ La principale mission des OPCA : le service de proximité.

Un OPCA a pour fonction première de pourvoir les besoins de formation d’uneentreprise, que ce soit pour des objectifs de « professionnalisation » ou de gestioninterne dans le cadre du Plan de formation (adaptation au poste de travail oumobilité). D’où deux conséquences majeures :

- Un OPCA n’a pas vocation à s’adresser aux salariés, lesquels doivent avoir deleur côté un interlocuteur clairement identifié (AFP)41 ;

- La mission de gestion financière doit être seconde par rapport à celle deconseil et d’accompagnement des projets de formation.

On peut considérer qu’aujourd’hui les OPCA exercent trois types de métiers : lagestion administrative et comptable, l’information et le conseil, le montage de projets(avec le concours de fonds publics régionaux, nationaux ou européens). L’équilibreentre ces trois métiers est variable selon les OPCA en fonction de leur secteurd’intervention. Toujours est-il que la mission d’information et de conseil est encorepeu développée : « les textes actuels, affirme l’Igas, posent en tant que missionprincipale des OPCA leur fonction financière définie de façon précise, alors que leursautres activités, notamment de conseil, d’information et de services de proximité,n’apparaissent que dans la mesure où elles donnent lieu à des dépenses imputablessur les frais de gestion plafonnés par arrêté ministériel » (De Saintignon, Vilchien,Dole & Guedj, 2008, p.42). Il faut donc opérer un profond changement de mentalitéafin de passer d’une logique de gestion à une logique de service, en développanttout particulièrement les services de proximité pour les petites entreprises.

2/ Exiger une présence territoriale des OPCA

Cette réorientation des priorités des OPCA n’est possible que si ceux-ci sont prochesdes entreprises qu’ils suivent. D’où la nécessité d’un maillage étroit au niveauterritorial. Pour qu’un réel service de proximité puisse être proposé aux entreprises, ilfaut absolument que l’OPCA mette en place une présence territoriale, soitdirectement soit par délégation à un opérateur commun (Opcalia est par exempledélégataire de 8 branches, Agefos de 38 branches). Or cette présence territoriale estaujourd’hui très inégale. Par exemple, l’OPCA « FAF alimentation » n’a qu’un salariéau siège et aucune représentation locale tandis que l’AGEFOS PME a plus de 1 000salariés répartis entre le siège national, 24 délégations régionales, des antennesdépartementales et des bureaux infra départementaux. Autant je suis convaincu dela nécessité de conserver des OPCA de branche, tant les secteurs économiquesdiffèrent et impliquent des besoins de formations spécifiques, autant il me paraîtindispensable que chaque OPCA soit, au minimum, en mesure d’assurer uneprésence territoriale et de prendre en compte des besoins de formations

41 Cela ne veut pas dire, bien sûr, que les OPCA ne sont pas en lien avec les salariés ou lesdemandeurs d’emploi. Gérant les fonds liés à la professionnalisation, ils sont au contraire directementconcernés par les problématiques d’insertion des demandeurs d’emploi par exemple (ex : les contratsde professionnalisation ou les contrats de transition professionnelle)

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transverses42. La Cour des comptes le reconnaît à demi-mot sans oser aller jusqu’àimposer quoique ce soit : « il serait souhaitable d‘introduire dans le processusd’agrément des OPCA un critère tenant à la participation aux instances deconcertation régionale et au financement de ces programmes régionaux » (Cour descomptes, 2008, p.43).

Il est donc nécessaire non seulement de mettre en œuvre un réseau des OPCA debranche au niveau territorial (et chapeauté par le CPTE-Copire) mais également derestructurer profondément le paysage des OPCA qui est aujourd’hui pour le moinsdisparate : 40 organismes nationaux professionnels, deux organismes nationauxinterprofessionnels, 31 organismes uniquement gestionnaires du congé individuel deformation. On peut légitimement s’interroger sur la nécessité d’avoir deuxorganismes nationaux interprofessionnels (Agefos PME et Opcalia) s’ils s’adressentaux mêmes types d’entreprise sur les mêmes territoires. De la même façon, on nevoit pas pourquoi des OPCA bénéficient de l’agrément leur permettant de collecter leCIF (qui concerne directement les salariés indépendamment des besoins del’entreprise), ou, pire, pourquoi survivent des « Agecif » dédiés spécifiquement auxsalariés de la Banque de France, du Comptoir des Entrepreneurs, du Crédit Foncier,des industries électrique et gazière, des organismes de mutualité agricole et duCrédit agricole, de la RATP ou encore de la SNCF…

La proposition de réforme présentée dans cette étude conduirait à des changementsstructurels importants :

- le circuit de financement lié CIF n’existerait plus en tant que tel mais seraitinclus dans le compte formation ; les actuels Fongecif devenant quant à eux lemodèle des futures « Agence de Formation Professionnelle » (cf. ci-après)

- ne resteraient ainsi plus que les OPCA de branche et les deux OPCAinterprofessionnels. Pour ces derniers j’estime qu’ils doivent faire la preuve deleur complémentarité et de leur égale utilité (par exemple en se spécialisantsuivant les régions et/ou les types d’entreprise). On peut imaginer quel’Agefos se concentre sur les entreprises de moins de 50 salariés moyennantune compensation financière (subvention publique et/ou % de la massesalariale des grandes entreprises versés à un « Fond mutualisé pour lesTPE ») liée à la perte de ses grandes comptes… A défaut, la fusion del’Agefos et du réseau Opcalia est souhaitable.

- Quant aux OPCA de branche, ils devront également se transformer afin depouvoir mener à bien leur mission d’accompagnement. Là encore il fautfavoriser la complémentarité et étudier dans quelle mesure les regroupementspermettent croiser les politiques territoriales et de branche. Le but est defavoriser les mobilités dans des grands champs professionnels. Pour cela ilfaut partir de l’existant : étudier quels sont aujourd’hui (et quels pourraient êtredemain) les parcours professionnels d’une branche à l’autre, et ainsi proposerdes regroupements en fonction de ces nouveaux « secteurs de mobilité ». « Ilfaut, m’a confié Françoise Lamat (secrétaire générale du CNPFTV), regarder

42 Les OPCA de branche ont toujours tendance à favoriser les formations reconnues par la branche etnotamment celles débouchant sur des CQP, ce qui ne facilite pas les mobilités professionnelles.

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quelles sont les proximités, les transversalités des secteurs, pour faire desregroupements d’Opca qui aient un sens ». Comme la CFDT je plaideraispour de grands Opca professionnels par familles professionnelles. Il estcertain que l’on doit tenir compte des proximités des différentes activités.Comme il dit Pierre Martin, « le bâtiment restera dans le bâtiment, l’alimentairea des perspectives avec le commerce, et dans le secteur des services, touteune partie des métiers comme le mien (la coiffure, NDLR) sur les soins à lapersonne pourraient aller vers l’OPCA des professions libérales (OPCAPL),d’autres vers la métallurgie » (Pierre Martin cité dans « Réforme de laformation : pas d’OPCA de l’artisanat mais des rapprochements en cours »,Le Quotidien de la formation, 14 octobre 2008)

3/ Supprimer l’obligation légale au titre du Plan et créer un « fond de mutualisationpour la formation dans les TPE »

Un changement fondamental de supprimer, comme je le propose plus en détail plusloin, l’obligation légale au titre du Plan de formation. Si en outre on oriente lefinancement du CIF vers le compte formation, je suis bien conscient du manque àgagner que cela représente pour les OPCA. En imaginant que les entreprises secontentent de leur verser l’obligation légale au titre de la Professionnalisation, lesOPCA recevront, sur la base des données de 2006, 1,84 milliards d’euros (contre5,45 milliards aujourd’hui). La question est donc : les entreprises, et surtout les pluspetites d’entre elles, en souffriront-elles ?

Rappelons tout d’abord que les entreprises de plus de 10 salariés peuvent jusqu’àprésent soit verser le 0,9 % à un OPCA (au titre du Plan), soit le dépenserdirectement. Sur les quelque 2,375 milliards ainsi versés aux OPCA on peut doncimaginer qu’une bonne partie continuera d’être versée même s’il n’y a plusd’obligation légale (et ce d’autant plus sûrement s’il était fixé une obligationconventionnelle).

Précisons par ailleurs qu’actuellement la mutualisation ne fonctionne que lorsque lesdifférentes collectes sont fongibles. C’est le cas pour la Professionnalisation : en2005 les entreprises de moins de 10 salariés ont bénéficié de 35 % des dépensesdes Opca au titre de la professionnalisation alors qu’elles n’ont contribué qu’àhauteur de 7 % des cotisations collectées. Pour le Plan de formation en revanche, iln’y a pas fongibilité totale des versements mais deux systèmes distincts de collecte :l’un pour les entreprises de plus de 10 salariés (qui paient 0,9 % au titre du plan) ;l’autre pour les entreprises de moins de 10 salariés (qui paient 0,55 % au titre duplan). Il n’existe donc pas, pour le Plan, de mutualisation entre les « grandes »entreprises et les TPE. La mutualisation ne peut se faire qu’au sein de ces deuxgroupes. En outre, même pour les entreprises de plus de 10 salariés, lamutualisation telle qu’elle existe actuellement est davantage perçue par lesdirigeants d’entreprise comme une constitution de réserves (auxquelles on peut

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Page 51: Personnaliser la formation professionnelle continue. Une proposition de réforme

recourir en cas de besoin) plutôt que comme une correction d’inégalités de moyensentre régions ou entre entreprises.

On voit avec le tableau ci-dessous que les montants collectés de entreprises demoins de 10 salariés sont très faibles (excepté pour l’Uniformation) : entre 0,3 et 7,12%. On comprend donc pourquoi les petites entreprises ne sont guère une priorité desOPCA !

Encadré 6 - Montant des collectes de différents OPCA

(en millions d’euros)

(en %)

UNIFAF FAFSEA FAF TT AFDAS Uniformation Opcalia Agefos TousOpca

Plan de formation > 10 141.56

64.4 %

80.59

59.7 %

35.7

23.4 %

37.02

28.7 %

76.75

47 %

247.9

65.9 %

462.8

62.2 %

2 375

43.6 %

Plan de formation < 10 0.68

0.3 %

8.43

6.2 %

1.09

0.7 %

9.2

7.1 %

17.95

11 %

11.6

3.1 %

65.7

8.8 %

377

6.9 %

professionnalisation 49.86

22.7 %

20.48

15.1 %

72.22

47.3 %

33.52

26 %

41.68

25.5 %

116.5

31 %

215.6

29 %

1 840

33.8 %

CIF 27.48

12.51 %

25.67

19 %

43.8

28.6 %

27.42

21.2 %

27.07

16.5 %

0 0 858

15.7 %

Total 219.6 135.17 152.81 129.13 43 163.45 376 744.1 5450

Source : rapports d’activité des OPCA pour 2005 (sauf FAF TT où les données valent pour 2006 etOpcalia et Agefos 2007)

Quant au FUP, qui a été créé par la loi du 4 mai 2004 pour renforcer la mutualisationentre collecteurs44, il n’a rien amélioré : seulement 78,9 millions d’euros sur 361millions collectés ont été redistribués par le FUP en 2006 (contre 211,8 millions en2003, dernière année de fonctionnement stabilisé du dispositif antérieur). Pire, la loidu 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a ouvert au FUP la possibilité d’affecter

43 Dont 21,96 millions d’euros au titre des intermittents du spectacle (statut spécifique)44 « Ce fonds est habilité à gérer d’une part les excédents financiers exposés par les OPCAgestionnaires du congé individuel de formation et des contrats et périodes de professionnalisation etdu droit individuel de formation, et, d’autre part, la provision constituée par les OPCA pour assurer lefinancement des contrats de professionnalisation des jeunes de moins de 26 ans » (PLF 2006,Annexe Formation, p.33). Le FUP n’a pas de rôle d’orientation politique, c’est un outiltechnique dépendant du CPNFP. Concrètement le FUP a du gérer des activités éloignées de sesmissions. Par exemple la convention entre l’Etat et le CPNFP pour développer des dispositifs deformation dans les entreprises en matière d’illettrisme, de Seniors ou des jeunes.

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« une partie de ses ressources au financement d’actions en faveur de l’emploi et dela formation professionnelle dans les conditions fixées par un accord conclu entre lefonds et l’Etat, après concertation avec les organisations syndicales ». Résultat :l’Etat a prélevé, avec l’accord du Comité paritaire national pour la formationprofessionnelle (CPNFP), plus de 300 millions pour des actions trèsdiverses (développement de la VAE, amélioration de l’emploi des seniors,renforcement de l’information, etc.), 175 millions au profit de l’AFPA par la loi definances pour 2007, puis 200 millions supplémentaires par la loi de finances initialepour 2008 au bénéfice du Fonds de solidarité. En transférant le CIF dans le fond ducompte formation et en créant des AFP sur le modèle des Fongecif, le FUP devraittransformer ses missions : être déchargé de toute gestion financière et devenirl’organisme de coordination/régulation des différentes Agences de FormationProfessionnelle régionales (comme il est censé le faire aujourd’hui avec lesFongecifs).

On comprend que la suppression de l’obligation légale au titre du Plan ne changeraitrien (ou presque) pour les TPE puisque celles-ci ne recevaient déjà pas grand-chose… Pour améliorer réellement le sort des petites entreprises, je propose que lesOPCA changent de matrice culturelle : ne plus attendre des financements imposéspar la loi mais montrer qu’ils sont une réelle plus value pour les entreprises. Pour lesy aider, on pourrait créer un « fond de mutualisation pour la formation dans lesTPE ». Ces sommes, qui seraient récolté de la même manière que les actuels fondsau titre de la Professionnalisation, seraient versées par les entreprises (et abondé lecas échéant par les Régions). Rappelons qu’en 2006, la masse salariale desentreprises de plus de 20 salariés était de 417 milliards d’euros (contre 94,25milliards d’euros pour les entreprises de moins de 10 salariés). Il suffirait de prélever0,1 % de la masse salariale des plus grandes entreprises (plus de 20 salariés) pourrecevoir 417 millions d’euros, soit plus (377 millions en 2006) que les fondsactuellement mutualisés au titre du Plan pour les entreprises de moins de 10salariés. Si on mettait toutes les entreprises à contribution (et non plus seulement lesplus de 10 salariés), on obtiendrait un fond qui dépasserait chaque année les 700millions. On peut également imaginer un système d’exonération fiscale (de la part del’Etat) ou encore un système de subvention pour inciter les entreprises à investirdans un tel fond mutualisé.

On peut prévoir également d’autres mesures pour que les OPCA disposent demoyens financiers et humains suffisants pour accomplir leur mission :

* relever le seuil minimum de collecte (aujourd’hui fixé à 15 millions d’euros par an,seuil qui n’est déjà pas respecté par certains OPCA…) : « Pour beaucoup d’OPCA,cette taille critique n’est pas atteinte soit parce qu’ils ont fait l’objet de dérogation auseuil minimum lors de l’agrément soit de manière plus générale parce que le seuilminimum n’a jamais fait l’objet d’une réévaluation pour prendre en compte l’érosionmonétaire » (Le Douaron, 2006, p.12). Cette idée est désormais partagée parl’ensemble des parties prenantes. Le seuil minimal de collecte pourrait être fixé à 80millions d’euros ce qui aboutirait au maintien d’une vingtaine d’OPCA. Celles-ci

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seraient alors suffisamment dotées pour développer des antennes locales, conditionindispensable au suivi des petites entreprises.

* imposer aux établissements de s’acquitter de leur obligation légale (au titre de la« Professionnalisation ») uniquement auprès d’un OPCA (et non pas un chèquelibératoire au Trésor Public).

* distinguer les frais de conseil des frais de gestion45. Pour un suivi réel desentreprises, des conseillers formations qualifiés doivent, comme le préconise lerapport de l’Igas, pouvoir visiter au maximum 250 à 300 entreprises par an et ainsi sefixer comme objectif que 20 % du nombre total d’entreprises adhérents soient visitéechaque année. Pour renforcer les équipes de conseillers, il faut reconsidérer leplafonnement des frais de gestion qui ne prend en compte jusqu’ici ni la taille del’entreprise, ni la typologie de la branche, ni la réalité du service de proximité, ni laqualité du conseil. Plus exactement, il faudrait déconnecter les frais liés aux missionsde conseil des frais de gestion stricto sensu. Les partenaires sociaux, qui sontdirectement impliqués dans les OPCA, me paraissent les mieux à même de déciderquel est le niveau de plafonnement le plus pertinent.

4/ « Conseil », « (pré)-diagnostic » : le travail des OPCA et le droit de la concurrence

Mais cette souplesse budgétaire doit nécessairement s’accompagner d’unetransparence et d’un contrôle des procédures. La Cour des comptes (2008) a eneffet régulièrement condamné des pratiques douteuses : « Dans ce contexted’aisance financière, ou tout au moins de pression modérée sur les coûts de gestionadministrative, il n’est pas étonnant de constater certaines dérives : « dépenses depersonnel trop généreuses », rémunérations et indemnités « confortables », coûtsinformatiques mal maîtrisés ».

L’essentiel est que les procédures soient transparentes et contrôlables. Il fautd’ailleurs, d’une manière générale, sensiblement améliorer la lisibilité des actions etinvestissements des OPCA : leur imposer par exemple de diffuser annuellementleurs comptes financiers) ; contrôler qu’ils ne privilégient pas des organismes deformation qui leur sont proches ; qu’ils soient obligés, chaque année, de définir, enfonction des configurations spécifiques à leur branche et/ou à leur territoire, des« priorités » en matière de formation. Ils pourraient même déterminer quellesenveloppes budgétaires ils allouent aux entreprises de moins de 10 salariés, à cellesde 10 à 19, à celles de 20 à 250 et enfin à celles de plus de 250 salariés. Lesinstances paritaires doivent affichent leurs évaluations : « la transparence doit êtretotale et passe notamment par une procédure d’accréditation s’appuyant sur ladiffusion de listes sélectives validées en instances paritaires » (De Saintignon,

45 Les OPCA voient leurs frais de gestion plafonnés par la réglementation. Un arrêté du ministrechargé de l’emploi daté du 4 janvier 1996 limite à 9,9% du montant de la collecte le montant de cesfrais de gestion. Ce taux se ventile en deux masses : 4,9% pour la gestion administrative et financièreet 5% pour les frais de collecte et d’information.

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Vilchien, Dole & Guedj, 2008, p.38). L’Etat doit être le garant de la bonne utilisationdes fonds prélevés par des taxes parapubliques.

La transparence doit également porter sur le travail réalisé par les OPCA. Il existe eneffet une ambiguïté liée à la notion de « conseil » : les OPCA sont fondées à« conseiller » les entreprises dans l’identification de leurs besoins et dansl’élaboration de leur Plan ou Professionnalisation, mais ils ne peuvent pas les« conseiller » dans le choix de tel ou tel organisme de formation. Or il est bienévident que la plupart des entreprises n’ont ni le temps ni les moyens de connaître etcomparer les différentes offres sur le marché. Quant aux OPCA, s’il arrive qu’ilscherchent à proposer plusieurs prestataires à l’entreprise, et l’aident à choisir, sansdécider pour elle, ce n’est pas toujours le cas. La plupart des OPCA, même lesmieux organisés et les plus professionnels, ne peuvent consulter l’ensemble desorganismes de formation ; ils travaillent avec un nombre limité d’entre eux souventfaute de moyens et de connaissance de l’offre de formation sur le marché. Beaucoupd’OPCA mettent ainsi des catalogues de stages à la disposition des entreprises,mais n’est-ce pas avantage concurrentiel injustifié pour ceux qui y sontrecensés (même s’il est précisé que les informations sont données à titre indicatif) ?Les OPCA ne font-ils pas dès lors, peu ou prou, concurrence aux organismes deformation et aux consultants ?

Leur situation au regard du droit de la concurrence doit donc être clarifiée et ladistinction actuellement proposée entre « pré-diagnostic » et « diagnostic » me paraîtencore trop floue : « La mission retient sur cet aspect la notion de conseil généraliste(sous forme d’un pré-diagnostic par exemple) dont la durée de référence peut êtreestimée en fonction des pratiques observées comme ne devant pas dépasser lajournée. Ces prestations ne sont pas facturées. Ce conseil tend à embrasser dansune approche globale les divers champs de la gestion des ressources humaines :besoins de recrutements, anticipation des départs en retraite, développement descompétences, formations en alternance, nouveaux droits liées à l’ANI » (DeSaintignon, Vilchien, Dole & Guedj, 2008, p.38-39).

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2/ La formation dans l’entreprise : promouvoir les moments et les lieux de co-décision

Je considère ici les formations pour les besoins propres de l’entreprise (ce quin’exclue pas une congruence avec les besoins du salarié), c’est-à-dire ce qui relèvedes « droits inscrits dans l’emploi ». N’étant pas des droits « commun », j’aipréconisé une suppression de l’obligation légale de financement au titre du Plan ;mais cela ne signifie aucunement que le dit « Plan de formation » n’a plus aucunevaleur. Il est bien au contraire essentiel pour développer le dialogue social etl’anticipation des besoins au sein des entreprises : entre les partenaires sociaux(pour les grands établissements) mais également directement entre salariés etemployeurs.

Schéma – Parcours Plan de formation

Légende- En pointillés vert : les parcours concret de demande de formation dans le cadre du Plan de

formation- En vert plein : la gestion politique de ces mêmes parcours

Le Plan de formation rassemble aujourd’hui l’ensemble des actions de formationsdéfinies dans le cadre de la politique de gestion du personnel de l’entreprise. Cesdernières sont en réalité classées en trois catégories : les actions d’adaptation au

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poste ; les actions liées à l’évolution des emplois ou participant au maintien dansl’emploi ; les actions de développement des compétences. Si la première catégorieconcerne clairement les besoins liés au poste spécifique occupé par le salarié dansl’entreprise, les deux suivantes semblent se recouper et rendent difficilement lisible lePlan de formation. On perçoit mal en effet la différence entre « veiller au maintien dela capacité de ses salariés à anticiper ou suivre l’évolution des emplois ou desmétiers », « faire évoluer les salariés au sein d’un même emploi ou vers un autre »(catégorie 2) et « acquérir des connaissances, savoir-faire ou aptitudes dépassantceux nécessaires à la tenue de leur emploi actuel, pour évoluer vers un emploi deniveau supérieur ou accompagner leur évolution » (catégorie 3). Dans tous les cas ils’agit finalement de favoriser la mobilité des salariés au sein de l’entreprise. C’estpourquoi je propose de conserver le Plan de formation dans sa philosophie mais dele restructurer autour de deux objectifs clairs : l’adaptation du salarié à son poste ; lamobilité du salarié vers un autre poste ou emploi au sein de l’entreprise (mobilité« interne »).

L’adaptation au poste de travail est une obligation légale de résultat (et non pas demoyen). La loi impose aux entreprises de maintenir l’employabilité de leurs salariés,et elles peuvent être – certaines l’ont effectivement été – condamnées si elles n’yparviennent pas. Le cas le plus problématique est donc les formations de« mobilité ». Quel type d’obligation pèse en la matière sur l’employeur s’il n’existe niobligation de résultat ni - comme c’est le cas aujourd’hui - obligation definancement ? C’est bien là que doit se situer tout le champ de la négociation entreemployé et employeur avec, quand elle existe, la médiation de représentantssyndicaux ou délégués du personnel. Qu’est-ce qui relève de la « mobilité interne »(devant être prise en charge par l’entreprise dans le cadre du Plan) et de la« mobilité externe » (relevant d’une coresponsabilité entreprises, régions, dans lecadre du Compte formation) ? Imaginons par exemple un sociologue qui travaillecomme chargé de recherches dans une Fondation. Il aimerait suivre une formationpour maîtriser un logiciel statistique permettant d’effectuer des enquêtesquantitatives. Dans un premier temps il va discuter avec son employeur pour voir sicette formation peut être prise en charge dans le Plan de formation. Ce dernier peutaccepter car il estime que la Fondation pourra avoir besoin à l’avenir d’un salariécapable de réaliser ce type de travail (même si ce n’était pas, ou peu, le cas jusqu’àprésent) ; il peut aussi refuser, arguant que l’essentiel des enquêtes réalisées nenécessitent pas ces compétences statistiques. Dans ce dernier cas, le salarié pourraentamer une deuxième négociation pour obtenir une autorisation d’absence afin qu’ilfasse tout de même cette formation (qui améliorerait sensiblement son employabilité)dans le cadre de son Compte formation.

Il est donc essentiel de développer le dialogue et la co-décision en matière deformation des salariés. La chose peut d’ailleurs à bien des égards paraître évidente :quel serait l’intérêt d’un employeur d’envoyer de force un de ses salariés enformation ? Quel bénéfice l’entreprise pourrait-elle en tirer ? Inversement, les salariéss’engagent en formation s’ils peuvent en retirer des résultats concrets (en terme deconnaissance, de maîtrise du travail, de promotion professionnelle, de salaire, etc.)pour leur trajectoire professionnelle. Toutes les enquêtes d’opinion indiquent quel’intérêt de la formation continue est lié à sa dimension professionnelle, c’est-à-direaux perspectives d’amélioration de sa situation dans le travail. Or la condition d’une

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telle réussite est bien entendue l’acceptation et le soutien de la démarche deformation par l’entreprise elle-même. D’où la nécessité d’un réel dialogue, le pluséquilibré possible dans le cadre d’une relation qui est, rappelons-le, toujourshiérarchique, autour des besoins et des possibilités de formation dans l’entreprise,afin que celle-ci profite aux deux parties.

Ma proposition de compte formation permettant de prendre en charge les intérêtsdes individus par delà ceux des entreprises n’entérine nullement une coupure entred’un côté l’entreprise et de l’autre l’individu. Il s’agit simplement de prendre acte queles trajectoires professionnelles et les besoins des individus débordent le strict cadre(et les possibilités d’action) des entreprises qui les emploient. La création d’uncompte formation n’est donc pas antinomique avec le renforcement de la co-décisionau sein même de l’entreprise. Comme la DGEFP, je suis convaincu qu’il faut« dépasser l’opposition entre une voie d’accès à la formation visant l’adaptation auposte de travail, dans une optique utilitariste et pilotée par l’employeur et une voied’accès permettant à chacun, dans une perspective individuelle, de réaliser uneformation de reconversion, de promotion ou d’accès à la culture. Pour cela, laréforme crée une troisième voie d’accès à la formation fondée sur la constructiond’un parcours de professionnalisation étayé sur un dialogue et une négociation entrele salarié et son employeur autour du projet professionnel et de son évolution » (LeDouaron, 2006, p.4-5). La négociation autour de l’utilisation par le salarié de soncompte formation doit ainsi être du même type que celle existant actuellement pourle DIF : comment l’individu peut-il exercer son droit à la formation sans léser sonemployeur ? « Le DIF constitue pour le salarié un droit à exprimer sa demande deformation sur la base d’une capitalisation d’heures de formation. L’employeur seprononce alors sur l’intérêt qu’il accorde au projet. Il peut le refuser, mais il peutaussi faire des contre-propositions que le salarié à son tour sera libre d’accepter oude refuser. L’exercice du DIF est lié à la procédure selon laquelle peuvent s’exprimeret se confronter ces positions du salarié et de l’employeur, procédure souventprécisée dans l’accord collectif » (ibid.). Il faudra simplement prévoir des procéduresde recours et de médiation par un tiers au cas où un employé ne pourrait jamaisaccéder aux formations qu’ils sollicitent.

A partir de ce cadre plus clair délimitant le Plan (et sa possible articulation avec la« Professionnalisation » et le « Compte formation »), on peut espérer que lanégociation interne à l’entreprise se développe réellement, ce qui n’est pour l’heurepas le cas. Si la loi du 4 mai 2004 a incontestablement stimulé la négociation auniveau de la branche46, les résultats sont beaucoup plus mitigés lorsque l’on observela négociation au sein de l’entreprise. Au sein des accords d’entreprise enregistrés47,la formation professionnelle est en effet restée un thème très minoritaire : 339 des 16000 accords conclus et déposés dans les DDTEFP en 2005, soit 1,8 % de46 245 accords de branche ont été signés en 2005, contre 217 en 2004 et 89 en 2003 (375 accordsdepuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004). Les accords sur la formation professionnellereprésentent, en 2005, 21 % des accords de branche. C’est le deuxième thème de négociation,derrière les salaires (qui représentent à eux seuls près de la moitié des textes conventionnels debranche). Cf. Pommier et Zamora, 2008, p.5-6.47 En réalité, le dynamisme de la négociation d’entreprise, tel qu’il transparaît dans l’enquêteREPONSE, contraste avec les données administratives concernant les accords déposés dans lesdirections départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) qui nefont état que de quelques centaines d’accords d’entreprise déposés annuellement

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l’ensemble. Entre 2002 et 2004, le poids de la formation dans les thèmes denégociation était encore plus faible : moins de 1 %, même si des modifications dansla méthode de traitement et de comptage rendent les comparaisons fragiles48.

Encadré 7 - Négociations collectives dans les entreprises sur la formation professionnelle

Comment dès lors favoriser le dialogue entre salariés et employeur en matière deformation professionnelle ? Il faut d’abord que le Plan (annuel) de formation soitmieux inscrit dans le plan triennal de formation qui est lui-même la conséquence dela négociation triennale obligatoire (pour les entreprises de plus de 300 salariés)instaurée par la loi de cohésion sociale dite loi Borloo du 18 janvier 2005 sur laGPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences). Il s’agit, comme lepréconise le rapport Rouilleault, de mieux lier la GPEC et le plan annuel deformation : « Il est recommandé que la présentation annuelle du plan de formationsoit l’occasion de faire le point entre direction et représentants du personnel sur lelien entre les prévisions annuelles ou pluriannuelles des besoins en emplois et encompétences, et les trois volets des obligations de formation de l’employeur [3catégories de formation actuelles, ndlr], ainsi que sur leur déclinaison individuelle »(Rouilleault, 2007, p.193). Le Comité d’Entreprise est de ce point de vue un lieucentral de coordination et de suivi ; d’où la nécessité de mieux articuler leurcommission formation et les commissions emplois existant par ailleurs. Pour lesentreprises de moins de 300 salariés, il est également indispensable d’inscrire lePlan de formation dans un cadre plus large de GPEC. Les OPCA doivent servir desoutien pour élaborer une telle réflexion. Les partenaires sociaux devraient ainsipréciser comment mettre concrètement en œuvre ce qu’ils appelaient, dès l’ANI48 Il faut ici préciser qu’alors que la source administrative ne recense que les accords conclus,l’enquête REPONSE interroge les directions sur l’existence d’une discussion ou d’une négociation,définition plus extensive que celle qui prévaut lors de comptages administratifs. Une discussionformalisée qui aboutit à un document écrit peut valoir le statut d’accord collectif aux yeux desemployeurs. En particulier, l’établissement d’un plan annuel de formation suit une procédure qui peutêtre lue en termes de négociation et de conclusion d’accord.

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2003, de leurs voeux : « élaborer et actualiser chaque année un programme pluri-annuel de formation qui tienne compte de ces objectifs et priorités ainsi que desperspectives économiques et de l'évolution des investissements, des technologies etdes modes d'organisation du travail prenant en compte l'aménagement du temps detravail dans l'entreprise » (article 2.3)

Ensuite il faut promouvoir les outils d’évaluation et de discussion évoqués par l’ANIde 2003 : l’entretien professionnel annuel ; le bilan professionnel ; le passeportformation. Bien qu’il concerne une (très) grande entreprise, l’initiative récente d’AirFrance fournit sur ce point d’intéressantes pistes de réflexion49. Parmi les outils misen place, on trouve d’abord l’entretien professionnel annuel. Rendez-vous régulier(au minimum tous les deux ans pour un salarié ayant au moins deux ansd’ancienneté), l’entretien professionnel annuel s’organise comme un dialogue entreun manager et le salarié pour discuter du projet professionnel de ce dernier. A cetteoccasion, le manager informe le salarié des dispositifs de formation existants et luifait des propositions en matière d’actions de formation professionnelle en fonction deson projet personnel. Par ailleurs, pour maximiser l’utilité de l’entretien annuel pour lesalarié, l’entreprise fait participer ses managers à des modules d’information pourmettre à jour leur connaissance des dispositifs existants et elle fait faire ensuite unbilan de l’impact des entretiens qui sera partagé en commission emploi formation desCE (Comité d’établissement) et CCE (Comité Central d’Etablissement qui tient lieude Comité d’entreprise pour les grands établissement à plusieurs filiales). Enfin,managers et salariés décident ensemble du meilleur moment pour effectuer cetentretien (lequel peut également être proposé à des salariés de retour en posteaprès une longue absence)50.

Autre outil pertinent : des bilans professionnels entrepris à l’initiative d’Air France.Ceux-ci impliquent en priorité les salariés « concernés par un projet de changementayant un impact sur l’évolution des emplois, ou […] fragilisés dans leur orientationprofessionnelle ». Effectués par des experts externes sur le modèle du bilan decompétences, le bilan professionnel Air France est ensuite exploité par lesresponsables RH et les équipes de formation pour éventuellement aboutir à unesolution comme, par exemple, la proposition faite au salarié d’effectuer une périodede professionnalisation. Cet outil est donc approprié par l’entreprise elle-même pouren faire un outil de gestion interne. Ce peut être d’une grande utilité pour le salariéfragilisé dans son emploi puisqu’il peut permettre de le requalifier tout en lemaintenant dans l’entreprise ‘politique de maintien dans l’emploi »).

49 Air France, « Accord collectif d’entreprise relatif à la Formation professionnelle des personnels ausol », juillet 2008, http://www.centre-inffo.fr/le-quotidien-de-la-formation/IMG/pdf/Accord_formation_professionnelle_PS_2008_-_signe.pdf50 On peut, parmi d’autres exemples, évoquer également la démarche de l’UIMM qui a toujours étépionnière en matière de FP. Cette branche professionnelle a par exemple développé un outil – les« Ilots de formation technique individualisée (IFTI) - permettant à l’individu de prendre la mesure deses diverses compétences et, par un accompagnement individualisé, de reprendre confiance en lui.

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Encadré 8 - L'exemple de la politique de formation à Air France

En amont de la création des outils présentés ici – entretien annuel, bilan professionnel etpasseport formation -, Air France a défini une liste d’objectifs à atteindre en matière deformation professionnelle pour ses salariés. A chaque objectif est rattaché une séried’actions à mettre en œuvre pour parvenir à leur réalisation :

Objectif « favoriser l’accès aux dispositifs de formation »– informer les salariés sur les dispositifs de formation– former les personnels RH, CE et CCE sur ces dispositifs– analyser le dispositif d’ensemble en vue de son amélioration

Objectif « renforcer l’accompagnement des salariés »– édition d’un « guide d’accompagnement formation » informant des interlocuteurs àsolliciter selon la demande– publication d’un recueil des questions les plus fréquemment posées avec leur réponse

Objectif « mieux apprécier la mise en forme de la politique formation, l’efficacité desactions et des investissements engagés »– Mise en place d’un tableau de bord de l’appréciation de la politique de formation– Etablissement d’indicateurs de suivi de la satisfaction des stagiaires et retour sur lesrésultats au regard des objectifs de formation fixés en amont

Objectif « Application et suivi de l’accord »– création d’un comité paritaire de suivi qui mesure la qualité de l’application desdispositions prévues par l’accord

Dernier outil promu par Air France : le passeport formation, outil facultatif destiné àaider le salarié « dans son usage des dispositifs de formation ». Le salarié estpropriétaire de son passeport formation et le remplit lui-même. Conçu comme une« base de réflexion pour le salarié dans la préparation de son entretienprofessionnel », le passeport formation se présente comme une sorte de CV détailléet exhaustif concernant les acquis et actions de professionnalisation du salariédepuis sa formation initiale. L’entreprise est quant à elle au service du salarié pourl’aider à remplir son passeport à la fois dans le contenu et dans la mise en forme decelui-ci. Outil complémentaire de l’entretien annuel, le passeport formation permet àce dernier d’avoir en main les informations et le suivi de sa progressionprofessionnelle lui permettant de faire valoir ses acquis au sein de l’entreprise maisaussi de proposer un projet d’évolution professionnelle cohérent. Voici un exempleconcret d’utilisation de cet outil introduit dans l’ANI de 2003 : « Afin de favoriser samobilité interne ou externe, chaque salarié doit être en mesure d'identifier et de fairecertifier ses connaissances, ses compétences et ses aptitudes professionnelles,acquises soit par la formation initiale ou continue, soit du fait de ses expériencesprofessionnelles » (article 1.2). Les partenaires sociaux avaient même édictée uneliste non exhaustive de ce que pourrait contenir le passeport formation :

- les diplômes et les titres obtenus au cours du cursus de formation initiale,

- les expériences professionnelles acquises lors des périodes de stage ou deformation en entreprise,

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- les certifications à finalité professionnelle délivrées sous forme de diplôme, de titreou de certificat de qualification, obtenus dans le cadre de la formation continue ou dela validation des acquis de l'expérience,

- la nature et la durée des actions de formation suivies au titre de la formationprofessionnelle continue,

- le ou les emplois tenus dans une même entreprise dans le cadre d’un contrat detravail et les connaissances, les compétences et les aptitudes professionnelles misesen oeuvre dans le cadre de ces emplois,

- dans une annexe et avec l'accord du salarié, les décisions en matière de formationqui seraient prises lors d'entretiens professionnels et de bilans de compétences dontil a bénéficié51

La démarche volontariste entreprise par Air France est bien entendu difficilementduplicable pour toutes les entreprises, en particulier pour les petites et moyennesentreprises. Or c’est pourtant ces dernières qui sont le plus éloignées dans laformation. Comment inciter les TPE à (s’)investir dans la FP ? Outre les possiblesallègements fiscaux et les nécessaires soutiens des OPCA (cf. ci-avant), on peutsuggérer le développement de groupements d’employeurs qui prendraient en chargeles démarches de formation de leurs membres. Il s’agit « de réinternaliser, dans desunités pertinentes de concertation et de négociation, les bénéfices et les coûtssociaux de l’emploi. Ces unités élargies ne peuvent plus être l’entreprise classique,dont les potentialités de stabilisation et de mutualisation des risques apparaissenttrop étroites. Les bases élargies de stabilisation et de circulation des travailleursseront vraisemblablement soit des réseaux professionnels, qui pourront être aussibien locaux que nationaux voire internationaux, soit des regroupements régionaux, etil s’agit d’accompagner cette évolution » (Gazier, 1999, p.9).

Institués en 1981, les réseaux d’employeurs sont des associations loi de 1901conçues pour répondre aux besoins en temps partiel des entreprises. Plusspécifiquement, un groupement d’employeur est «un collectif constitué par desutilisateurs se partageant des salariés dont ils assument ensemble et en interne laresponsabilité de l’emploi » (Mouriaux, 2006). Encore mal connus des entreprises,les réseaux d’employeurs permettent notamment aux entreprisesutilisatrices d’externaliser la gestion de l’emploi, de trouver une aide à l’embauche,d’accéder à des compétences spécifiques, ou encore de fidéliser une main-d’œuvreintermittente ou saisonnière. Les entreprises qui adhèrent à un réseau d’employeurslaissent donc à celui-ci le soin de gérer la relation d’emploi qui inclut par exemple lesquestions de salaires, de congés ou encore, ce qui nous intéresse ici, de formation.Mais surtout le réseau d’employeurs dispose d’un capital technique et de savoir-fairetrès utile pour les petites unités, en particulier dans l’apprentissage de la gestion dupersonnel. Il permet aux salariés « l’élaboration de véritables trajectoiresprofessionnelles avec des programmes de formation et une véritable gestion decarrière » (Ibid.).

51 Complété en 2005, l’ANI détaille les conditions d’élaboration du passeport formation sur la base d’unmodèle élaboré par le CPNFP [(Comité Paritaire National pour la Formation Professionnelle)] etprenant en compte le curriculum vitae européen.

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Outre une forte communication sur ces dispositifs encore peu connus, on peutimaginer des incitations fiscales pour développer de telles structures dans tous lessecteurs professionnelles (elles existent pour l’heure essentiellement dans letourisme ou l’agriculture). Des cas particulièrement réussis sont observés aux Etats-Unis avec par exemple le San Francisco Hotels Partnership où onze hôtels se sontassociés par le biais d’un contrat multi-employeurs intégrant un accord avec lesyndicat le plus important de la branche. Ce contrat a permis aux différents hôtelsd’optimiser l’usage de leurs ressources humaines en contrepartie d’uninvestissement en formation, de rémunérations décentes et de perspectives decarrière (Bernhardt, Dresser et Hatton, 2003). Enfin, les OPCA auraient là encore unrôle décisif pour conseiller, accompagner et trouver des solutions précises auxbesoins des entreprises les plus éloignées de la formation.

3/ La formation par-delà l’entreprise : modalités et usages du compte formation

Si les parcours évoqués plus haut (Plan de formation et Professionnalisation)existent déjà aujourd’hui et demandent simplement à être clarifiés, ce troisième typede parcours est profondément nouveau puisqu’il correspond à un véritable droitindividuel à la formation. Droit de tous les citoyens français qu’ils soient inactif, à larecherche d’un emploi ou déjà en emploi, salarié du secteur public ou privé. Il s’agitdonc de la possibilité pour un individu de bénéficier d’une formation pour améliorerson employabilité, pour se reclasser, pour se reconvertir, etc. D’où ma suggestion decréer une structure double – des Agences de la Formation Professionnelle (AFP) –au niveau local et régional qui s’occuperait de la gestion opérationnelle du parcoursde formation.

Pour expliciter le déroulement de ce nouveau parcours de formation, il faut denouveau partir des besoins des individus pour en déduire une logiqueorganisationnelle.

- Chaque personne qui souhaiterait se former ou simplement avoir desrenseignements quant au système de formation devrait pouvoir appeler un numérovert national (ou visiter un site Internet). Ce numéro et cette adresse web devraientêtre indiqués sur chaque fiche paie. Le standard téléphonique (comme le site web)devrait ensuite rediriger vers l’« Agence de Formation Professionnelle » (AFP) localedont la personne dépendra (identifiée par son code postal).

- Chaque AFP locale devrait être en mesure d’accueillir - par téléphone, Internetet/ou par rendez-vous - tous les publics, quel que soit leur statut (« jeune »,demandeur d’emploi, inactif ou salarié).

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Schéma – Parcours Compte formation

Légende- En pointillés rouge : les parcours concret de demande de formation dans le cadre du Compte

formation- En rouge plein : la gestion politique de ces mêmes parcours

- L’AFP locale serait ainsi une unité opérationnelle qui permettrait à chaque individud’élaborer son projet professionnel (à travers un bilan de compétences, une VAE,des entretiens personnalisés), d’informer sur d’éventuelles structuresd’accompagnement plus spécialisées (CCI, Branches professionnelles, réseau desmissions locales et des permanences d’accueil, d’information et d’orientation[ML/PAIO], etc.), de monter un dossier de demande de formation qui sera, le caséchéant, validé par l’AFP régionale.

- L’AFP locale serait elle-même intégrée, géographiquement et opérationnellement, àla « Maison de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi » (MOFE), lieu fédérantles diverses instances qui participent de la trajectoire professionnelle des individus.

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Cela signifie concrètement qu’une personne se posant des questions par rapport àson avenir professionnel pourrait s’adresser à la MOFE dont il dépend et pourraitêtre adressé/redirigé vers une des structures parties prenantes (Pôle Emploi, AFPA,missions locales, etc.) en fonction du degré d’avancement de sa réflexion et desbesoins exprimés/perçus. Mais dès lors qu’un projet de formation sera envisagé,cette personne serait nécessaire prise en charge par un conseiller de l’AFP quimontera, le cas échéant, un dossier de formation. C’est pourquoi il est essentiel queces diverses structures collaborent au quotidien au sein d’une même entitégéographique (la MOFE).

- Chaque AFP locale dépendrait, sur un territoire donné, d’une AFP régionale, entitépolitique décisionnelle. Décider d’entamer (et de financer) une formation relèverait, jel’ai dit plus haut, de l’AFP régionale et uniquement de celle-ci (et non pas de l’ANPE-Unedic par exemple).

- En cas d’acceptation du projet de formation (sur la base de la pertinence du projet,de la cohérence avec les besoins économiques du territoire et d’une réserve decréances suffisantes), l’AFP locale donne au bénéficiaire la possibilité de faire sonchoix (critères de réactivité, de proximité d’avec la personne et de coût) parmi lesoffres proposées par les organismes de formation.

- La formation validée, l’organisme de formation facture directement auprès de laCaisse des dépôts (CDC) qui mutualise les fonds et qui dégrèvera le compteformation de la personne du nombre d’heures effectuées. La CDC, qui agit commesimple intermédiaire financier, ne pourra s’opposer au financement52. J’ajoute que lesfonds collectés CDC devraient aussi servir à financer les AFP locales en tant que tel(locaux, personnels, frais d’investissement, etc.). On peut imaginer qu’unpourcentage de la collecte, fixé par les partenaires sociaux et l’Etat, soit dédié à cebesoin.

- Dégagé de tout activité financière, l’AFP locale se consacrerait uniquement auxmissions d’accompagnement. Il n’y aurait donc pas, a priori, besoin d’un organismede péréquation financière comme est censé l’être aujourd’hui le FUP. Il est enrevanche nécessaire de prévoir un réseau de coordination des AFP au niveaunational. Ce réseau opérationnel n’aurait aucun pouvoir de contrôle ou de sanctionmais aurait un rôle essentiel d’animation : échange de « bonnes pratiques » ; faciliterla mobilité des conseillers ; réunion entre administrateurs et entre les équipesopérationnelles ; réflexion générale sur les politiques d’accréditation des centres de

52 Sauf, évidemment, s’il n’y a plus de fonds disponible… Il faudra alors de toute évidence parvenir àune nouvelle négociation sur le mode de financement de la FPC.

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bilan ou encore sur les différentes méthodes de travail ; effectuer des campagnes decommunication sur la FPC.

- Le Compte formation ainsi pensé se distingue du « fonds régional pour la formationtout au long de la vie » imaginé par la Cour des comptes ou par le rapport Sellier-Carle dans la mesure où l’argent serait géré au niveau national par la CDC. Jepropose donc non pas un fonds limité à certains publics et dépendant de conventionsentre acteurs mais au contraire une obligation de financement pour tous les citoyens.La structure régionale se consacrerait ainsi uniquement à la définition (politique) despriorités de formation au regard des besoins du territoire et à l’articulation entre lesprojets des individus et les dites priorités.

Ces propositions permettent de clarifier, pour ce qui concerne le Compte formation,les rôles des différents acteurs en distinguant le prescripteur, qui prescrit ou validel'entrée dans un parcours, le payeur qui finance la formation, et enfin les opérateurs,c'est à dire les prestataires de service qui réalisent la formation :

- la prescription doit relever de la seule Agence de la Formation professionnelle(et non, par exemple, du Pôle Emploi ou de l’AFPA)

- le paiement provient de la Caisse des dépôts et consignation pour ce quiconcerne les actions de formation stricto sensu, et du Pôle Emploi pour, le caséchéant, la rémunération des personnes formées (cf. partie suivante sur lefinancement)

- la mise en œuvre concrète des actions de formation est le fait des organismesde formation, qu’ils soient publics (AFPA, chambres consulaires, CNAM,CNED, etc.) ou privés.

Schéma – Processus d’acceptation d’une demande de formation dans le cadre duCF

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J’ai déjà évoqué plus haut le cas des Fongecifs qui sont déjà aujourd’hui organisésau niveau local et régional. Ces structures sont également particulièrementintéressante car elles sont parvenues à évoluer d’une stricte mission de gestion(financière et administrative) à une mission d’accompagnement des projetsprofessionnels. Or c’est précisément l’objectif que devraient avoir les AFP locales telque je les conçois.

Les Fongecif sont des organismes collecteurs paritaires agréés pour recevoir lesfonds collectés au titre du CIF. Ils existent depuis la loi de 1983 concernant lesOPCA. Pendant plusieurs décennies, ils étaient marqués par une très forte cultureadministrative. Leur rôle consistait essentiellement à gérer et financer des dossiersde formation (un peu comme une banque). A partir des années 1990, certainsFongecif (Franche Comte, Picardie ou Bretagne) ont pris conscience qu’il ne fallaitpas seulement financer mais aussi se préoccuper de l’avant CIF. « Or pour quel’après-CIF soit positif, il faut se focaliser sur l’avant-CIF » (entretien avec le directeurdu Fongecif Bretagne, 18 septembre 2007). C’est ainsi qu’ont été développés denombreux services aux salariés : accueil, information, écoute, conseil, élaboration duprojet.

En témoigne une certaine évolution sémantique : après avoir employé le terme« dossier », puis « projet » (conseil offert aux demandeurs), les Fongecif parlentdésormais de « parcours professionnel » (véritable accompagnement). Des efforts semultiplient pour développer un réel suivi des demandeurs. La structuration et la

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composition du Fongecif Bretagne en est l’illustration : recrutement de « conseillersen transition professionnelle » ayant le rôle d’accompagnateur. « Il s’agit de faire ensorte que la personne s’approprie son projet. Le conseiller doit pouvoir gérer unegrande frustration car il ne s’agit pas de faire à la place des gens, il faut leurpermettre de développer eux-mêmes leur projet » (ibid.). Le Fongecif compte ainsi 8conseillers avec des profils et expériences très variés. Ils ont par ailleurs mis enplace d’une ligne de téléphone Azur où ils répondent directement (et non desadministratifs qui se contenteraient d’établir si la personne est éligible ou non). Ils’agit de ne pas renvoyer la discussion à un rendez-vous qui aura lieu plusieursjours/semaines plus tard53. Enfin ils disposent d’un lieu d’accueil et de conseil, unespace clair, chaleureux et fonctionnel. L’essentiel des discussions se passent dansun espace ouvert mais il est aussi possible de s’isoler si le demandeur souhaite unéchange confidentiel. Autre cas de figure : le Fongecif Nord-Pas-de-Calais proposedepuis janvier 2006 une nouvelle prestation : les « ateliers changement », un tempscollectif de réflexion destiné à aider les salariés à faire le point et à définir leur projetpersonnel et professionnel. « Les personnes que nous accueillons peuventdésormais choisir entre un accompagnement individuel ou collectif (…) L'objectif estque chacun reparte avec un plan d'action individualisé » (AEF, dépêche n° 62088, 03mars 2006). Les structures d’accompagnement opèrent, pour être plus accessibles,à un niveau davantage localisé. La plupart des Fongecifs ont ainsi développéplusieurs sites d’accueil sur la Région. Il en existe par exemple trois enBretagne (Rennes, Brest et Lorient) mais également des permanences locales (dansdes locaux de partenaires). « Il faut aller là où vivent les gens, ne pas attendre qu’ilsviennent vers nous » (directeur du Fongecif Bretagne, 18 septembre 2007).

Vouloir « mettre l’individu au cœur du dispositif de formation » n’a aucun sens s’iln’existe pas un cadre permettant d’informer, de guider et de conseiller lesdemandeurs potentiels. Cela nécessite d’importants moyens humains et financiers.Au Fongecif de Bretagne, 70 % de la masse salariale (et 60 % en terme d’effectif) estconsacré aux conseillers (fonction d’accompagnement) et seulement 30 % (40 % deseffectifs) à la gestion des dossiers de financement54. Les Fongecif, comme tous lesOPCA, sont cependant légalement contraints. A l’heure actuelle le coût lié auxmissions de conseil est imputé dans les frais de fonctionnement des Fongecif. Or cesfrais sont soumis à plafond. Cela les empêche d’investir vraiment la fonction« conseil ». Il faudrait reconnaître que ces structures offrent des prestations ennature (et pas seulement en espère, c’est-à-dire le paiement des prestataires), etinscrire celles-ci dans les bilans financiers. Ces nouvelles dépenses peuventéventuellement être soumises à un plafond mais elles doivent être, comme pour lesautres OPCA, distinguées des frais de gestion. Il est indispensable d’acter, du pointde vue financier, de la mission de conseil de ce type de structure. Précisons que lesFongecif ne se contentent donc pas, loin de là, de gérer le CIF. Dès les années 1980sont apparus d’autres dispositifs (bilan de compétence, VAE) et une politiquevolontariste favorisant la mobilité interprofessionnelle. Ils se distinguent ainsifondamentalement des autres OPCA puisqu’ils s’adressent aux salariés et non aux

53 90 % des premiers contacts se font par téléphone. Entre 20-25 appels dans une matinée, à raisonde 10 mn en moyenne par appel54 La collecte, c’est-à-dire le traitement et la mise en banque de près de 22 000 bordereaux etchèques, est désormais sous-traitée. Cela a occasionné un gain de temps et d’argent : 24 heures aulieu de 3 mois.

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entreprises. « Les OPCA n’ont même pas de locaux pour recevoir les demandeurs !Comment les accompagner dans leur projet ? » (entretien avec le directeurDéveloppement et Communication du Fongecif Ile-de-France, 12 octobre 2007).L’objet premier des Fongecif est donc de fournir un interlocuteur aux salariés qui,s’ils ne sont pas dans une grosse entreprise, n’en ont que rarement55. Il est doncessentiel de conserver une structure de ce type, non pas fusionner, comme lepréconise le rapport Sellier-Carle (qui espère des économies d’échelle) les Fongecifet les OPCA mais au contraire bien les distinguer en dédiant une structure typeFongecif à la mise en œuvre du Compte formation.

Usages du compte formation : initiative et validation d’un projet professionnel

Comment le « compte formation » pourrait-il concrètement fonctionner ? Rappelonstout d’abord que tout ce qui relève des besoins et intérêts de l’entreprise relève duPlan de formation et des négociations au sein des Branches professionnelles et ausein des entreprises. De même, les actions de « Professionnalisation » - formationen alternance, période de professionnalisation… – sont gérées par les entreprises etles OPCA, en lien avec les Régions, les chambres consulaires ou encore lesMissions locales. Le compte formation concerne donc spécifiquement les actions dediplômation, de reclassement, de reconversion et de mobilité externe. L’usage ducompte sera ainsi différent selon que le titulaire est salarié d’une entreprise ou horsde l’entreprise (demandeur d’emploi, inactif).

Dans le premier cas, une discussion-négociation sera nécessaire avec l’employeurafin que celui-ci accepte de laisser le salarié partir en formation. Il s’agit doncnécessairement d’une co-décision comme dans le cas du DIF ou du CIF CDIaujourd’hui. Un refus de l’employeur devra être justifié et ne pourra être quetemporaire sur le modèle de ce qui existe actuellement avec le CIF : « lorsquel’employeur estime que le départ du salarié en congé de formation est préjudiciable àla production et à la bonne marche de l’entreprise, il peut reporter la date de départen congé de formation qui lui a été présentée ». La durée maximale pendant laquellele congé peut être différé pour ce motif est aujourd’hui de 9 mois.

En cas de différend durable entre l’employeur et l’intéressé, l’inspecteur du travaildont relève l’entreprise pourrait, comme c’est aussi le cas pour le CIF, être saisi parl’une des parties et pris pour arbitre. Si l’on parle de « droit », ce droit doit pouvoirêtre exécuté dès lors que les conditions d’éligibilité sont réunies (créancessuffisantes, acceptation du dossier de formation par l’AFP). Un droit n’a de sens, deportée réelle, que s’il est « opposable », c’est-à-dire s’il existe une instance auprèsde laquelle un individu peut faire valoir et faire appliquer son droit. Il est doncnécessaire, sous peine d’élaborer un système qui serait une coquille vide, d’instituerune « clause d'opposabilité et de déclenchement d'une offre de formation », pourreprendre les termes de la CFDT, lorsqu’une personne n’a reçu, pendant 5 ans,aucune formation ou lorsqu’elle s’est vue systématiquement refusée ses demandes

55 Et même dans une entreprise, il s’agit d’une relation toujours quelque peu faussée puisquehiérarchique.

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de formation par son employeur. Un recours devant un tribunal compétent devraitdès lors être possible.

En réalité le risque n’est peut-être pas tant que les entreprises refusent à leurssalariés la possibilité d’utiliser leur CF, mais au contraire qu’elles lesencouragent/poussent à le faire… pour ainsi ne pas avoir à les former elles même !Dès lors que l’on parle de « mobilité interne » d’un côté et de « mobilité externe » del’autre, les frontières ne sont bien entendu jamais totalement étanches entre ce quidoit relever du Plan de formation et ce qui doit relever du compte formation. Il nepeut y avoir de réponse et de solution uniques et a priori à ce problème. C’est doncau niveau des branches professionnelles et au niveau des entreprises qu’unenégociation doit avoir lieu pour définir qui relève de quoi. Des études devront êtreréalisées afin d’observer les pratiques concrètes et, le cas échéant, conduire à uneréglementation plus précise si trop d’abus de la part des dirigeants d’entrepriseétaient constatés.

Le deuxième cas de figure - la demande d’usage du compte provient d’une personnehors de l’entreprise - est plus simple puisque la décision revient uniquement à l’AFPrégionale qui valide ou non le projet de formation. Dans mon esprit, l’individu ne peut,seul, décider de la manière dont il va user de son compte formation. Il ne s’agit pasd’un compte bancaire sur lequel il peut tirer à sa guise, mais d’un droit de tirage sousconditions, lesquelles sont 1/ que le compte soit suffisamment provisionné, 2/ que lademande de formation soit cohérente avec la trajectoire professionnelle passée etenvisagée, et 3/ qu’elle corresponde aux objectifs et priorités définis par l’AFP auregard des besoins économiques du territoire.

D’où une question majeure et complexe : que se passe-t-il si les conditions 1/ et 2/sont respectées mais pas la 3/ ? Autrement dit, les AFP doivent-ils mettre en œuvreune politique « adéquationniste » ? La question se pose aussi bien pour lesconseillers des AFP locales (doivent-ils orienter en priorité les parcours de formationvers les métiers et les secteurs dit « en tension56 » ?), que pour les AFP régionales(doivent-elles valider uniquement, ou même essentiellement, les demandes deformation qui correspondent à des « besoins » préalablement identifiés sur leterritoire ?). Il n’y a pas de réponse toute faite et il faut prendre garde aux évidencesapparentes : lorsque les Assedic identifie 14 « secteurs sous tension » et poussentles demandeurs d’emploi à aller vers ces secteurs en demande, les responsables deFongecif constatent par exemple que c’est autant de travail pour eux dans 2-3 anscar les demandes de reconversion seront nombreuses. Ils ont en effet observéqu’une très grande majorité des projets de reconversion provenaient précisément deces secteurs sous tension. Une récente enquête d’Ipsos corrobore cette tendance :si les jeunes identifient bien les secteurs porteurs d’emploi (BTP, urbanisme,services à la personne, environnement…), il n’ont pas pour autant envie de s’yorienter. Il existe donc toujours, même en période de crise financière et économique,

56 Les travaux du Centre d’analyse stratégique et de la DARES (2007) ont projeté que cinq secteurséconomiques devraient être fortement créateurs d’emploi d’ici 2015 : les services aux particuliers, lasanté et l’action sociale, les transports et la logistique, les métiers de l’administration des entreprises(droit, finances), et le commerce et la vente. Ils ont ainsi cherché à mettre en perspective les politiquesde l’emploi, de la formation et de l’orientation, dans ce contexte démographique en transformation.

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une forte aspiration à « faire le métier qui me plaît »57. C’est également ce queressort l’enquête que j’ai co-dirigée avec Anna Stellinger (2008) : la recherche d’untravail qui ait un sens.

La démarche de personnalisation de la formation doit se fonder surl’accompagnement – micro économique – des projets individuels plutôt que sur unelogique macro-économique des besoins d’un secteur. Ce qui compte c’est de savoirsi la personne a la capacité d’occuper l’emploi qu’il vise et la capacité de s’adapter,demain, à un emploi qu’il n’existe peut-être même pas encore. C’est pourquoi ce quifait in fine la différence c’est la motivation des personnes et le développement decompétences générales et transversales qui leur permettent, le cas échéant, de faireface à des opportunités/contraintes nouvelles.

Il ne faut toutefois pas trop exagérer le risque de décalage entre ces deux logiques.Tout d’abord parce qu’une partie du travail des conseillers consiste précisément àfaire prendre conscience aux demandeurs de formation de la nécessité deconsidérer les besoins/possibilités d’emploi dans les années à venir. Ensuite parcequ’il existe jamais une déconnexion totale entre les préoccupations des entreprisesen besoin de main d’œuvre et les politiques de formation. L’objectif des AFPrégionales est précisément d’impliquer les partenaires sociaux territoriaux et lesbranches professionnelles dans la gouvernance des Comptes formation. Il est de cepoint de vue impératif qu’une très grande partie des administrateurs des éventuellesAFP soient directement impliqués dans les entreprises.

Tout l’enjeu consiste donc à faire correspondre des désirs de parcours professionnelaux besoins d’emploi constatés sur le marché du travail. Si l’on se focalise sur unseul des deux termes, la formation risque fort d’être inefficace pour le bénéficiairecomme pour la société : mettre trop l’accent sur les désirs de la personne c’estprendre le risque de former pour former, sans aucun débouché professionnel, etavec finalement une démobilisation profonde de la personne elle-même ; à l’inverse,se contenter de déplacer, via la formation, des volumes de chômeurs vers desvolumes d’emplois vacants, c’est formuler une réponse à court terme qui ne règleraen rien les problèmes de recrutement du secteur (le turn over sera très important) etdémobilisera de la même manière les individus. C’est en prenant le temps deréfléchir en amont à la trajectoire professionnelle de chaque demandeur, enindiquant tous les choix d’orientation possibles et tous les développements decarrière possibles que l’on peut espérer trouver des articulations pertinentes. LeCompte formation ne pourra évidemment pas, en tant que dispositif institutionnalisé,répondre seul à cet enjeu, mais du moins permettrait-il de changer nosreprésentations de ce que peut offrir la formation (un besoin personnel etprofessionnel d’évolution tout au long de sa vie) et donc d’envisager plussereinement les mobilités.

57 « Les jeunes boudent les métiers porteurs (Etude Ipsos/ AJE) », Le Quotidien de la formation, 28octobre 2008.

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IV. Fonder les investissements financiers sur les b esoins de formation desindividus et des entreprises

Après avoir analysé, du plus global au plus particulier, la philosophie du système deformation, sa structuration politique et les parcours de formation possibles, il reste,ultime étape, à présenter les circuits de financement. De nouveau, ma préoccupationpremière est de partir des besoins de formation pour en déduire les chargesfinancières pour chaque type d’acteurs.

1/ Evaluer les besoins de formation des individus « tout au long de la vie »

Prenons au sérieux l’idée de « formation tout au long de la vie » : cela signifie qu’unepersonne aura régulièrement besoin de se former, à travers des formations tantôtcourtes (développement personnel, perfectionnement d’une langue étrangère, coursde bureautique par exemple), tantôt de durée moyenne (perfectionnement à un postede travail, complément de qualification), tantôt de longue durée (diplômation,reconversion).

Concrètement un individu doit donc pouvoir, quelle que soit sa situation d’activité, seformer soit dans le cadre de son entreprise soit en faisant valoir ses droits créancesdans son Compte formation. Ces droits doivent donc être attachés à la personne etnon dépendre du secteur ou de l’entreprise dans laquelle celle-ci (a) travaill(é)e.Telle était l’idée fondatrice du Droit Individuel de Formation (DIF) créé par l’ANI 2003.Si ce dispositif parvient en partie à limiter les inégalités (Marion-Vernoux et Théry,2008), il nous paraît malgré tout encore trop limité (en volume horaire), et surtout lesconditions concrètes de sa transférabilité/portabilité58 n’ont jamais été clairementspécifiées (laissées à la discrétion des partenaires sociaux et des accords debranche). L’Accord National Interprofessionnel de janvier 2008 avance un peu plusloin dans la voie de la portabilité (Luttringer et Willems, 2008), mais cela resteinsuffisant.

C’est pourquoi j’ai proposé de fonder le système de FPC à partir du Compteformation qui crée des droits et des créances pour l’individu. Cela signifie que lesbesoins de formation doivent être évalués sans tenir compte des formations qu’unepersonne est susceptible de recevoir par/dans l’entreprise dans laquelle il travaille(Plan de formation ou Professionnalisation). Les estimations ci-dessous - quidevraient en toute logique faire l’objet d’une négociation entre partenaires sociaux etavec les pouvoirs publics – constituent ainsi la base minimale de formation pour unindividu qui n’en recevrait aucune dans son entreprise. Je considère que toutepersonne a besoin (et donc droit) à :

- une action de formation longue (en moyenne 800 h, cf. calcul ci-après) danssa vie

58 Ma proposition ne consiste pas à transférer des sommes d’argent (consacrées à la formation) dèsqu’une personne change d’entreprise ; l’argent doit être directement versé à la Caisse des dépôts quicentralise la gestion financière. Il s’agit donc bien plutôt de garantir la portabilité des droits.

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- une action de formation de durée « moyenne » (160 h environ, soit 20 jours àtemps plein) tous les 10 ans

- une action de formation courte (en moyenne 32 h, soit quatre jours pleins)tous les 5 ans

A raison de 40 années de travail, on obtient ainsi :

(Estimations moyennes) Nombre d’heures parformation

Nombre d’actionsdans la vie

Total

Formation longue 800 h 1 800 h

Formation moyenne 160 h 4 640 h

Formation courte 32 h 8 256 h

Total 1 696 h

Selon cette simulation, chaque personne devrait ainsi, en moyenne, pouvoir disposersur l’ensemble de sa vie d’un capital de près de 1 800 h, soit une moyenne de 42,5 hpar an (en dehors, répétons-le, des actions de formation qui entre dans le cadre duPlan de formation ou de la professionnalisation).

La charge de cet investissement revient aussi bien aux entreprises qu’à lacollectivité. Comme nous l’avons dit précédemment, l’Etat doit prendre à son compteles formations longues de diplômation (auxquelles on pourrait ajouter les actionslongues de reconversion), soit 800 h (en réalité j’ai fait une évaluation à 780 heurespar an, cf. ci-après). Il reste ainsi presque 900 h devant être financées par lesentreprises et par les Régions. Si on applique une clé de répartition de 50 % - 50 %,cela revient à ce que ces deux acteurs financent 450 h chaque année pour chaquepersonne entrant sur le marché du travail (soit environ 725 000 personnesactuellement). D’où les résultats suivants pour les frais de formation (coûtspédagogiques, de transports, etc.): 725 000 x 450 h x 12 euros/h = 3.915 milliardsd’euros à la charge aussi bien des entreprises que des régions.

Etat Entreprises Régions

Nombre de sorties du système initial par an 725 000 725 000 725 000

Nombre d’heures prises en charge par an 800 450 450

Coût horaire de la formation (en euros) 12 12 12

Total (en milliards d’euros par an) 6,88 3.9 3.9

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Note : cette évaluation est tout à fait approximative et vise à donner un ordre de grandeur. Tous lesparamètres (nombre de sorties du système de formation initiale, coût horaire d’une formation, nombred’heures pour chaque personne) peuvent varier assez largement…

Les calculs présentés se fondent sur plusieurs paramètres dont ce que j’ai nommé le« coût horaire de formation ». Or ceci ne correspond en réalité qu’à une des troistypes de dépenses en matière de FPC, les dépenses de fonctionnement ou frais deformation au sens strict. Il s’agit des dépenses de rémunération des formateurs (enface à face pédagogique et des frais qui accompagnent ces formations (fraisd'administration générale : suivi des dossiers, gestion des rémunérations ;, fraisd'information, de conseil ou d'ingénierie en formation). Mais il existe deux autrestypes de dépenses : les frais d'investissement (achats d'équipement et de biensdurables directement liés aux actions de formation) et surtout la rémunération desstagiaires au sens large. Cette dernière correspond aux rémunérations perçues parles salariés durant leur temps de formation, des allocations versées aux stagiairesdemandeurs d'emploi (allocations Unédic et versements de l'État ou des Régions) etdes exonérations de charges sociales compensées par l'État pour les jeunesemployés en alternance ou en apprentissage (PLF 2008, p.145-146).

Je propose précisément de distinguer clairement d’un côté les frais pédagogiques,les frais généraux de gestion et les frais d’investissement (assumés par l’Etat, lesRégions et les entreprises) et de l’autre la rémunération des personnes formées quiserait assumée uniquement par les Assedic. L’évaluation précise du coût pour cedernier est délicat car certaines personnes puiseront dans leur compte alors qu’ellesseront demandeurs d’emploi indemnisés, d’autres pourront être demandeursd’emploi non indemnisés, d’autres enfin seront salariés. Les premiers pourraientbénéficier, comme c’est le cas actuellement, de l’« ARE-formation » de la part desAssedic. Les deuxièmes toucheraient une indemnisation au titre du « Régime Publicdes Stagiaires » mais celle-ci devrait alors être à la charge des Assedic et non del’Etat ou des Régions comme c’est le cas actuellement. Quant aux derniers (lessalariés), une négociation au sein des branches comme des entreprises devraitdéfinir le mode de prise en charge : rémunération de l’Unédic si les heures deformation ont lieu sur le temps de travail, éventuelle rémunération de l’entreprise(comme c’est le cas aujourd’hui) si elles ont lieu hors temps de travail, etc. Difficiledonc de faire une évaluation précise. On peut toutefois penser que cette somme nedevrait pas dépassée sensiblement les 1,3 milliards d’euros dépensés par l’Unedicen 2006. Si l’on considère que les 750 000 personnes vont utiliser leur compte (pourune durée moyenne de formation de 45 h/an) cela donne : 750 000 x 45 h x 20euros/h (toutes charges comprises) = 675 millions d’euros par an, soit la moitié desdépenses actuelles.

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Encadré 9 - Les dépenses de formation de l'Unédic

Depuis 2000, l’Unédic a triplé sa dépensepour la formation des demandeurs d’emploi.Elle verse notamment l’Aide au Retour àl’Emploi Formation (AREF) aux stagiaires dela formation professionnelle indemnisés parl’Assurance chômage, ainsi que des aidesattribuées dans le cadre du Programmed’Aide au Retour à l’Emploi : formationsconventionnées et homologuées, aide à laformation préalable à l'embauche. En 2006, ladépense de l’Unédic était de 1,3 milliardsd’euros (contre 1,2 milliards en 2005).

Source : Dares et PLF 2008, p.143

Qui gérerait l’argent des Comptes Formation ?

Ma proposition de compte n’est à vrai dire pas nouvelle puisqu’elle a été formuléedans de nombreux rapports publics. Le plus récent, le rapport de la missionsénatoriale Sellier-Carle (2007), promeut un droit individuel - à travers un compteépargne formation - qui accompagnerait l'individu tout au long de son parcours. Untel compte :

- « servira à l'occasion des transitions professionnelles - entrecoupées ou nonpar des périodes de chômage - justifiant l'acquisition par le salarié d'uneformation qualifiante plus ambitieuse que celles financées par la seuleentreprise dans le cadre des actions d'adaptation au poste de travail » (2e

partie, II.A.2)

- permettra aux primo entrants de combler leur éventuel déficit de formation oud'organiser de façon rationnelle les allers-retours

- pourrait être étendu aux actifs non salariés relevant actuellement de collecteset d'institutions spécifiques

- pourrait être maintenu sur un compte d’épargne au moment de la retraite aucas où les crédits financiers n’auraient pas été dépensés.

Une telle idée a même été mise en œuvre, quoique de façon limitée et sous desformes différentes, dans plusieurs pays. Pour le cabinet d’études Circé Consultantsqui a analysé ces différentes expériences, il faut en réalité distinguer les budgetsindividuels de formation des véritables comptes épargne. « La première catégorie,plus importante, regroupe ainsi l’ensemble des dispositifs mettant à disposition desindividus une somme, soit réelle, soit sous forme de bons, pour une duréegénéralement assez limitée, et sans véritable possibilité de capitalisation. Laseconde catégorie comprend en revanche les expériences, assez rares, de mise en

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place de véritables comptes épargne, alimentés par la personne, l’entreprise et/ou lacollectivité. Ces dispositifs sont généralement de plus longue durée » (Luttringer,2008, p.18). Je propose ici un véritable compte individuel de formation. Dans lamesure où celui-ci contiendrait des créances de chaque citoyen, il s’agirait d’un fondpublic gérant des ressources ayant la qualification de fonds publics, et ce même siles financeurs peuvent être des acteurs privés (comme les entreprises). Il ne s’agitpas pour autant d’une épargne car l’individu ne peut en disposer comme il le feraitavec son épargne bancaire. Le droit de tirage est, je l’ai dit, encadré par l’AFP,l’instance d’accompagnement qui valide un projet professionnel. Il me paraît ainsiessentiel de distinguer la gestion des fonds d’un côté et la structure décisionnelled’accompagnement des personnes de l’autre. Par commodité, la gestion financièrepourrait se faire au niveau national par une institution comme la Caisse des Dépôtset Consignations (CDC). En revanche la décision d’user ou non de la créancedisponible dans ce fond national doit revenir à l’AFP régionale, structure politiquetripartite régionale, détaillée plus haut.

Encadré 10 - Les projets de compte épargne formation à la CDC dans les années 1990

« Dans les années 90, le regretté André Ramoff, l’un de nos plus éminents délégués à laformation, avait lancé une réflexion associant notamment les experts de la Caisse desDépôts et Consignation (Caisse Nationale de Prévoyance CNP, Réseau des Caissesd’Epargne) en vue d’explorer les voies du « co-investissement formation » associant lespersonnes au financement de leur formation tout au long de la vie. Deux systèmesdifférents pouvaient à l’époque être proposés, à l’usage des particuliers. D’une part desformules d’épargne classique, avec versements à une compagnie d’assurances, formulesqui diffèrent selon que les versements sont libres ou s’effectuent selon un plan préétabli.D’autre part, des formules d’épargne formation sans constitution d’une épargne préalable,visant à couvrir un prêt préalablement octroyé, l’épargne constituée en fin de parcourspermettant de rembourser le capital. Quant aux formules dites « de groupes », ellesintroduisent une relation triangulaire entre l’organisme financier, le bénéficiaire etl’entreprise qui l’emploie. Ici encore deux propositions pouvaient être envisagées. D’unepart des systèmes de fonds collectifs d’entreprise spécifiquement destinés à la formation.Ces systèmes, basés sur les obligations contractuelles des entreprises vis-à-vis de leurssalariés qui découlent des conventions collectives, ou des accords particuliers dont lesaccords d’entreprise sont conçus pour offrir des avantages fiscaux. Dans ce cas, lefinancement est à la charge exclusive de l’entreprise et ne donne aucun droit acquis auxsalariés. D’autre part, des régimes collectifs supplémentaires de retraite et d’épargneformation, ouverts sur une base obligatoire au bénéficie de certaines catégories depersonnel. L’entreprise prend ici à sa charge soit une partie, soit la totalité des cotisationsqui donnent droit à des « unités de compte », ces droits acquis pouvant être restitués auxsalariés concernés selon les dispositions contractuelles établies » (Luttringer, 2008).

Concrètement cela signifie que les entreprises mais aussi les régions et l’Etatversent chaque année une somme d’argent, variable en fonction de leurs obligationsréciproques, à la Caisse des dépôts.

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Schéma - Circuit de financement (au titre du compte formation et de laProfessionnalisation)

Ces sommes serviront à financer des formations aux individus au titre de leurs droits-créances (évaluées en heures de formation). Chaque fois que l’AFP validera le choixd’une formation (inscrite dans un projet professionnel), elle s’adressera à la Caisse

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des dépôts pour que soit payé l’organisme de formation. En contrepartie duversement, la CDC débitera la personne formée du nombre d’heures correspondantà la formation suivie. Cette institution aura ainsi un double rôle de gestion financièreglobalisée et de mise à jour des créances (en heures de formation) individualiséepour chaque citoyen.

Avec le schéma ci-dessus, on voit que la CDC pourrait recevoir plus de 14 milliardsd’euros chaque année. Cette somme (augmentée des intérêts le cas échéant) doiten premier lieu servir à financer les formations des individus. Mais on peut imaginerce fond finance également des frais de structure : de sa propre structure bien sûr(tâches de gestion administrative59) mais également des autres structures comme lesAROPA et les AFP régionales et locales. Les % de prélèvement devraient alors êtreprélevés sur cette collecte pour être évalué puis fixer par l’Etat.

Dernier point essentiel : les calculs présentés jusqu’ici se fondaient sur les besoinsd’une seule « génération » entrée sur le marché du travail (soit 725 000 personnes).Or la formation professionnelle continue doit bien entendu s’adresser à tous lescitoyens. En toute logique il faudrait donc considérer non pas seulement 725 000personnes (le flux d’arrivée chaque année) mais tous les gens en âge de travailler (lestock de personnes déjà sur le marché du travail). Cela est évidemment impossibletant le coût serait important. Se pose donc le problème de la transition du systèmeactuel vers le système que je préconise. Seule solution possible : que le système serégule progressivement. Il faudra des années avant que la réforme ne soit connue etassimilée par tous. Pendant plusieurs années, on peut donc imaginer que le nombrede personnes utilisant leur Compte formation soit inférieur à 725 000. La CDCpourrait ainsi constituer des provisions financières. Si tel n’était pas le cas, il faudraitque les pouvoirs publics assument leur rôle de garant de la solidarité nationale enfinançant, par des dépenses exceptionnelles, la phase de transition.

Les besoins de formation étant désormais établis, il est possible de détailler lesinvestissements de chacun des acteurs. Le tableau ci-après synthétise les résultatsen fonction des parcours et objectifs de formation.

59 La CDC devra disposer d’une base de données recensant toutes les personnes en âge de travailler(identifiées, par exemple, par leur numéro de sécurité sociale) et le montant exact de leurs droitscréances (en fonction, notamment, de leur diplôme initial).

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Tableau de engagements des différents acteurs suivant les objectifs de la FPC

2/ L’investissement de l’individu : se former pendant ou hors du travail ?

Première modalité d’engagement, la participation financière. Selon moi, les principesde liberté et de capabilité doivent là encore prévaloir : (1) les personnes doiventpouvoir abonder leur compte formation si elles le souhaitent et le peuvent. Les

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comptes formations pourront donc être crédités directement par les individus (achatd’heures de formation à un taux horaire moyen donné). Mais, (2), les pouvoirspublics (et les entreprises) ne sauraient élaborer leur politique de formation enimaginant (espérant) que les investissements financiers des particuliers seront autantd’efforts qu’ils n’auront, eux, pas à faire. Toutes les études montrent en effet queceux qui accèdent le moins à la formation sont ceux qui en auraient le plus besoin,que ceux-ci sont les moins convaincus de l’intérêt de suivre une formation, et qu’ilssont donc les moins prêts à les financer de leur propre poche (certains n’en ayant, enoutre, aucunement les moyens, même s’ils le souhaitaient). Si l’on ambitionne unepolitique volontariste vers ces populations, il ne faut donc pas compter sur leurparticipation financière.

Une autre modalité de participation est possible : l’engagement en formation endehors du temps de travail. Se pose de façon sous-jacente la question de laresponsabilité de la formation des individus. Pour certains ce sont les entreprises quidoivent être les seuls responsables, les salariés n’ayant dès lors aucune raison deprendre sur leur temps propre. Pour d’autres, c’est désormais l’individu qui estresponsable de son « employabilité » et doit témoigner de sa bonne volonté en yconsacrant son temps libre.

Difficile d’opter pour une réponse tranchée. D’un côté, un salarié doit pouvoir - dansle même esprit que le compte-épargne-temps mis en place par la loi du 25 juillet1994 sur l’intéressement des salariés - convertir ses primes (d’intéressement ouconventionnelles) ou une partie de ses congés (congés payés, repos compensateurspour les heures supplémentaires, repos dégagé grâce aux RTT) en crédits deformation (abondement du compte formation). Mais de l’autre, il faut êtreprécautionneux car de fortes inégalités demeurent entre un homme « cadresupérieur » disposant de nombreux jours de « RTT » et une femme enchaînant descontrats à temps partiel et devant élevée seule ses enfants. Autant le premier n’auraguère mal à donner de son temps « libre » pour se former davantage, autant on peutdouter qu’il reste à la seconde quelque chose qui ressemblerait à du temps« libre »… Illusoire donc de croire qu’elle s’engagera dans une formation le soiraprès le travail ou le week-end. Il faut donc être vigilant quant à l’utilisation possiblede la créance. Comme le dit Nicole Maggi-Germain, « le risque existe d’assister à untransfert de la charge de formation sur le salarié. Une entreprise pourra-t-elle‘‘solliciter’’ ses salariés afin qu’ils se forment sur les congés acquis grâce à leurcompte-épargne-temps ? » (Maggi-Germain, 1999, p.697). Pour se prémunir d’un telrisque, il faut établir clairement quelques principes et quelques règles (nonexhaustives) :

- Les formations qui ont but de permettre au salarié d’effectuer le travail pourlequel il a été recruté (maîtrise des nouveaux outils, des nouvellesprocédures, ou celles portant sur la connaissance des nouveaux produits etservices) ne pourront être organisée en dehors du temps de travail. Tout cequi concerne l’adaptation au poste de travail dans le cadre du Plan deformation doit s’effectuer sur temps de travail60.

60 Le cas de la Professionnalisation est très différent puisque l’articulation temps de formation hors etdans l’entreprise est le fondement même des formations en alternance. La question peut malgré toutse poser pour les actuelles « Périodes de professionnalisation ».

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- En revanche les formations qui s’inscrivent dans une démarche d’évolutionindividuelle de carrière, d’acquisition de connaissances ou de compétencesgénérales, ou d’acquisition de connaissances ou de compétencespériphériques au poste occupé, pourront être effectuées tout ou en partie horsdu temps de travail. Ceci est valable aussi bien pour des actions inscritesdans le Plan de formation (objectif de mobilité interne) que dans le compteformation.

- La plupart des arbitrages s’effectueront au cas par cas, d’abord dans le cadred’un entretien entre le salarié (éventuellement soutenu par un représentant dupersonnel) et le dirigeant d’entreprise à l’occasion d’un entretien annuel pourla formation, ensuite, le cas échéant, dans le cadre d’une négociation entrel’entreprise et le conseiller de l’Agence de Formation Professionnelle61. Onpeut néanmoins considérer que les formations courtes doivent se faire surtemps de travail, tandis que les formations plus longues (supérieures à 100h ?) pourront faire l’objet d’un temps partagé.

- Afin d’inciter les salariés à choisir cette modalité, une formation réalisée horstemps de travail doit faire l’objet d’une compensation financière de la part del’employeur. C’est déjà le cas aujourd’hui avec par exemple les périodes deprofessionnalisation : l’employeur s’engage à verser une indemnitécorrespondant à 50 % du dernier salaire horaire.

Notons enfin que ce débat, particulièrement conflictuel entre les partenaires sociaux,pose fondamentalement la question des frontières entre vie professionnelle et viepersonnelle. Celles-ci sont moins nettes et surtout plus flexibles qu’autrefois. D’uncôté le salarié est de plus en plus sollicité sur son temps personnel, de l’autre ilaspire lui-même à davantage de souplesse dans l’organisation de son travail et dansla gestion de son temps (surtout chez les jeunes). D’où la nécessité d’une réflexionde fond sur l’articulation entre l’emploi et d’autres formes d’activités, et plusgénéralement sur les nouveaux agencements des temps sociaux (Sue, 1994).

3/ Investissement financier de l’Etat : les formations diplômantes

La qualification relève en France de l’Etat. J’estime que ce dernier doit avoir commeobjectif d’augmenter d’au moins un échelon le degré de qualification de ses citoyens(en particulier les moins qualifiés). Ce but, régulièrement affiché, peut se concrétiseren garantissant à chacun la possibilité, après la sortie du cursus de formation initiale,de se former pour acquérir une nouvelle qualification. Je préconise ainsi, après biend’autres, le droit à une éducation différée qui contribuerait à cette « éducationcontinuée » dont parlait Gaston Bachelard. Le rapport Charvet, par exemple,proposait que chaque individu dispose à sa naissance d’un capital de formation61 En cas de conflit entre le salarié et son supérieur, l’Agence de Formation Professionnelle doit eneffet pouvoir agir comme instance de recours et comme nouvel interlocuteur auprès de l’entreprise, et,le cas échéant, enclenché une procédure de contrôle et d’évaluation (travail des juges ?) pour que lesemployeurs n’imposent pas des formations à leurs salariés.

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garanti par l’État, défini en nombre d’années de formation (Charvet, 2001, p.199).Dans un souci d’équité et d’efficacité économique, ce capital devrait être inversementproportionnel au niveau de diplôme initial atteint62.

Une telle proposition n’est d’ailleurs pas étrangère aux partenaires sociauxpuisqu’elle figuraient dans l’ANI de 2003 : « l’accès des salariés à la formation toutau long de la vie professionnelle » : « dans un souci d’équité, les salariés qui ontarrêté leur formation initiale avant ou au terme du premier cycle de l’enseignementsupérieur et, en priorité, ceux qui n’ont pas obtenu de qualification professionnellereconnue (…) devraient avoir accès à une ou des formation(s) qualifiante(s) oudiplômante(s) d’une durée total d’un an ». Mais les partenaires renvoyèrent auxpouvoirs publics le privilège de mettre en œuvre ce droit… ce qui ne fut jamais fait.

Encadré 11 - Le droit à la qualification professionnelle dans le code du travail

L'article L. 900-3 du code du travail, qui résulte de la loi du 4 mai 2004, n'a jamais reçu dedispositif d'application :« Tout travailleur engagé dans la vie active ou toute personne qui s'y engage a droit à laqualification professionnelle et doit pouvoir suivre, à son initiative, une formation luipermettant, quel que soit son statut, d'acquérir une qualification correspondant aux besoinsde l'économie prévisibles à court ou moyen terme :- soit enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles prévu àl'article L. 335-6 du code de l'éducation ;- soit reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche ;- soit figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'unebranche professionnelle ;L'État et la région contribuent à l'exercice du droit à la qualification, notamment pour lespersonnes n'ayant pas acquis de qualification reconnue dans le cadre de la formationinitiale ».

Un tel investissement de l’Etat permettrait de rendre moins étanches les frontièresentre formation initiale et formation continue et participe d’un droit à l’éducation toutau long de la vie63. Rappelons qu’aujourd’hui très peu d’adultes reprennent desétudes ou acquièrent un diplôme alors même qu’existant, pour un nombre croissantd’entreprises, des besoins de qualification64. en 2003, la France était en queue depeloton avec seulement 1% des salariés, âgés de 24 à 64 ans, à avoir suivi un62 Pierre Cahuc et André Zylberberg ont bien montré que, pour les chômeurs et pour les moinsqualifiés, les formations courtes ont des effets faibles. Il faut donc qu’ils puissent disposer d’un capitalimportant autorisant des actions longues. Cf.http://www.droitdelaformation.com/actualites/actu0704017.htm63 Comme le notent Nicole Maggi-Germain et Mario Correia (2001, p. 839), plusieurs textesinternationaux et communautaires consacrent ce droit à l’éducation : article 26, § 1 de la Déclarationuniverselle des droits de l’Homme, article 13, § 1 du Pacte international relatif aux droits économiques,sociaux et culturel, article 14 de la Charte européenne des droits fondamentaux. Les droitsfondamentaux de la personne échappe « à l’emprise des mécanismes économiques » (Goubeaux,1989, p.256) et possèdent les attributs des droits extra-patrimoniaux : incessible et insaisissable,intransmissible, imprescriptible.

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enseignement en vue d’obtenir un diplôme (module ad hoc de l’enquêtecommunautaire « Forces de travail » de 2003), contre 13% pour la Suède et 9% pourla Finlande et le Royaume-Uni (Marion, Möbus et Théry, 2006).

Le constat régulier d’une forte inégalité d’accès à la formation professionnelle et ladifficulté à appréhender l’ensemble d’une trajectoire professionnelle nécessitent,selon certains, de sortir d’un droit fondé sur des procédures d’accès à la formationpour mettre en place un droit attaché à la personne. Si l'article L. 900-3 du code dutravail - qui résulte de la loi du 4 mai 2004 - n'a jamais reçu de dispositif d'application,il énonce malgré tout clairement cet objectif : « Tout travailleur engagé dans la vieactive ou toute personne qui s'y engage a droit à la qualification professionnelle etdoit pouvoir suivre, à son initiative, une formation lui permettant, quel que soit sonstatut, d'acquérir une qualification correspondant aux besoins de l'économieprévisibles à court ou moyen terme. (…) . L'État et la région contribuent à l'exercicedu droit à la qualification, notamment pour les personnes n'ayant pas acquis dequalification reconnue dans le cadre de la formation initiale ».

Quelles seraient les conséquences concrètes d’une telle proposition ? Entre 2002 et2004, 725 000 personnes, en moyenne, sont sortis de leur formation initiale65 :

- 121 000 sans diplôme (à part le brevet) ; 127 000 avec un CAP, BEP ouéquivalent (catégorie 1);

- 173 000 avec un baccalauréat (catégorie 2) ;

- 123 000 avec un diplôme d’études techniques et professionnelles courtes(BTS, DUT, paramédicales et social) ; 86 000 avec un diplôme du supérieurinférieur ou égal à la maîtrise (catégorie 3) ;

- 95 000 avec un diplôme supérieur ou égal au DEA-DESS et d’écolessupérieures (catégorie 4)

Je propose ainsi que l’Etat accorde 1 200 heures de formation aux personnes decatégorie 1, 1 000 heures pour la catégorie 2, 400 heures pour la catégorie 3, et 200heures pour la catégorie 4.

Nombre de bénéficiaires(en milliers)

Nombre d’heures deformation octroyées

Volume d’heures

64 Pénurie de qualification dans des métiers très concentrés ; secteurs économiques en régressiondont les métiers sont captifs et où les salariés vont devoir se reconvertir (cf. Entreprises etcompétences, 2006, p.3).65 Il s’agit des personnes qui, en France métropolitaine, ont arrêté leurs études pour la première foisau cours de l'année précédente. Source : Insee, enquêtes Emploi (en moyenne annuelle),http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATnon07241&reg_id=0

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(en million)

Catégorie 1 248 1 200 297,6

Catégorie 2 173 1 000 173

Catégorie 3 209 400 83,6

Catégorie 4 95 200 19

Total 725 573,2

(environ 790,62 h / personne /an)

Si l’on considère qu’une heure de formation coûte, en moyenne, 12 euros de l’heure(hors rémunération du bénéficiaire), le coût global d’un tel dispositif serait d’environ6,88 milliards d’euros par an.

Encadré 12 - Les priorités de l'Etat en matière de formation

Le projet de budget de la formation professionnelle se répartit pour 2007 sur deux des cinqprogrammes de la mission Travail et Emploi (PLF 2007, p.12) :Le programme 103 : « Accompagnement des mutations économiques, sociales etdémographiques »:• action 2 : « amélioration de l’accès des actifs à la qualification », pour un montant de3878,19 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3866,19 millions d’euros encrédits de paiement.Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » :• action 1 : « Indemnisation des chômeurs et rapprochement de l’offre et de la demanded’emploi », • action 2 : « mise en situation d’emploi des publics fragiles », sous action« accompagnement des publics les plus en difficultés », pour un montant de 389,68millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.L’ensemble des crédits consacrés aux actions de formation professionnelle représente untotal de 4 267,87 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 4 255,87 millionsd’euros en crédits de paiement) dans le PLF 2007.

A cette première ligne de dépenses budgétaires il faut ajouter la dotation générale dedécentralisation (874,54 millions d’euros en 2006) ainsi que les subventions à l’AFPA(414,79 millions en 2006). Tous les autres investissements financiers de l’Etat66

seraient en revanche supprimés.

66 La participation au développement de l’apprentissage et aux contrats de professionnalisation, larémunération des stagiaires, ou l’« accompagnement renforcé des jeunes » ou encore la « formation àMayotte »… (cf. PLF 2008, p.12).

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On obtiendrait au final un budget global de près de 8,16 milliards d’euros par an.Rappelons à titre indicatif qu’en 2006, la France a consacré 121,4 milliards d’euros àson système éducatif (soit 6,8 % de son PIB) et 4,4 milliards à la formationprofessionnelle (cf. encadré ci-dessus). Une scolarité menant sans redoublement dela maternelle à un baccalauréat général et technologique peut être estimée à 102080 euros67. 8,16 milliards correspond donc à un investissement important, mais pasdisproportionné, de l’Etat au regard de sa mission de service public68. Il s’agirait ainsidu seul investissement financier de l’Etat en matière de formation, les autresengagements des pouvoirs publics devant relever uniquement des Régions et, pourl’indemnisation, du nouvel opérateur « Pôle Emploi ».

4/ Investissement financier des Conseils régionaux

La décentralisation vers les régions de l’apprentissage et de la formationprofessionnelle s’est étalée sur plus de 20 ans occasionnant par la même occasiondes transferts financiers :

- transfert de l’apprentissage et de la formation professionnelle continue (loi du7 janvier 1983),

- celui de la formation professionnelle continue des jeunes (loi du 20 décembre1993, étendue en 1999),

- celui du versement de l’indemnité compensatrice forfaitaire (dite « primed’apprentissage ») aux employeurs d’apprentis (loi du 27 février 2002)

- celui de la subvention allouée à l’AFPA (Association nationale pour laformation professionnelle des adultes), au titre des actions de formation (loi du13 août 2004).

La loi de 2004, relative aux libertés et responsabilités locales élargit le champd’action des régions au financement de la formation des travailleurs sociaux, aufinancement des écoles et instituts de formation aux professions paramédicales et desage-femme, à la formation qualifiante des demandeurs d’emploi adultes(organisation et financement des stages de formation de l’AFPA), et à l’organisationdu réseau des centres d’information sur la validation des acquis de l’expérience(Dexia, 2006).

67 Une année scolaire de lycéen ou d’étudiant coûte approximativement 10 000 euros, avec desvariations importantes : 13 940 euros pour un étudiant de classes préparatoires aux grandes écolescontre 7 840 euros pour son homologue universitaire, hors IUT (cf. Ministère de l'éducation nationale,2007, http://media.education.gouv.fr/file/97/1/20971.pdf)68 Cette somme devrait inclure les programmes de lutte contre l’illettrisme qui relèvent, eux aussi, du« bien commun » assuré par l’Etat. Les personnes ayant besoin de ce type de remise à niveaupourront donc puiser dans leur créance « qualification », cf. ci-après.

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Encadré 13 - Les dépenses régionales de formation

Source : Dexia, « Investissement local : baisse pour le secteur communal, hausse pour lesdépartements et les régions », Note de conjoncture, septembre 2006,http://www.clf.fr/docs/fichiers/1596634Note_conjoncture_sept_2008.pdf

En 2006, les conseils régionaux ont ainsi affecté 4,2 milliards d’euros (soit 21 % deleurs dépenses totales hors remboursement de dette) à la FP, à l’apprentissage etaux actions d’accueil, d’information et d’orientation (contre 3,6 milliards d’euros en2005). Ce montant global est au 2/3 constitué de charges de fonctionnement (etsurtout aux transferts versés aux centres de formation) et 1/3 à la rémunération desstagiaires.

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Encadré 14 - Répartition des dépenses régionales de formation

Source : PLF 2008, p.25

Comme pour les autres acteurs, je suggère une clarification des types de formationfinancés par les Régions. Si l’on reprend les objectifs de formation pris en charge parles régions (tableau ci-dessus), on observe une grande diversité-disparité. Pour yremédier je propose que les régions n’aient plus à financer la « promotion sociale etprofessionnelle », ni le CIF et le DIF (désormais intégrés au Compte Formation), niles « savoirs fondamentaux » (pris en charge par l’Etat dans le cadre du CF), ni afortiori le « Plan de formation » qui ne relèvent que des entreprises. Il resterait dèslors à leur charge les « stages certifiants, professionnalisants ou de préparation à laqualification » et les « stages d’aides à la définition de projet de remobilisation ». Sije reprends le découpage par parcours de formation, les CR devraient ainsiparticiper :

- au parcours Compte formation. Le coût total de l’abondement ces comptes a étéestimé plus haut 3,65 milliards. Les régions françaises étant de taille et dedéveloppement économique sensiblement différents, elles ne peuvent bien entendupas toutes verser les mêmes montants. Chaque année, une région pourrait participerde façon proportionnelle aux nombres de personnes en âge de travailler sur leurterritoire.

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- au parcours Professionnalisation. Comme ils le font actuellement, les Conseilsrégionaux prendraient en charge, en plus de tout ce qui concerne l’apprentissagedans les lycées professionnels, les dépenses de fonctionnement liées aussi bien auxstages de Professionnalisation que les stages d’aide à la définition de projet, stagede remobilisation. Ces dépenses peuvent être estimées à environ 1,5 milliardsd’euros69.

Soit une dépense pour la FCP évaluée à 5,15 milliards d’euros par an. A cettesomme pourrait s’ajouter le financement des structures publiques d’orientation et deconseil (notamment l’AFPA).

5/ Investissement financier obligatoire des entreprises : la professionnalisation et lecompte formation

On observe une baisse sensible de l’effort consacré par les entreprises à laformation professionnelle entre 1992 et 2003, et une stagnation depuis lors. Et si letaux d’accès à la formation a crû nettement, c’est au détriment de la durée desstages qui se situe aujourd’hui autour de 30 heures par stagiaire (PLF 2008, p.31).Or on sait que les personnes les plus éloignées de la formation ont besoin deformations longues.

Encadré 15 - Taux de participation financière et taux d'accès à la formation

69 Elles sont aujourd’hui de 2,8 milliards mais intègrent de nombreux éléments dont les Régionsn’auraient pas à s’occuper à l’avenir. Rappelons en effet que les stages menant à un titre ou à undiplôme doivent, selon notre schéma, être pris en charge par l’Etat, et que les stages visant unequalification professionnelle doivent être assumés par les entreprises et les branchesprofessionnelles.

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Pour autant les entreprises sont toujours le principal financeur de la formationprofessionnelle en France (10,5 milliards en 2006, soit 40,5 % des dépenses deformation professionnelle70) et elles sont, par rapport à leurs homologues en Europe,« très impliquées » dans la FPC (Checcaglini et Marion-Vernoux, 2008). Ellesdoivent le rester. Si l’on ne veut pas creuser toujours plus l’écart entre formation etemploi il faut consolider, mais aussi clarifier, la place des entreprises dans lesystème. Je l’ai dit, il ne faut certainement pas accentuer le clivage entre les intérêtsdes entreprises (manifestés par le Plan de formation) et ceux des individus (expriméspar l’utilisation d’un éventuel compte formation). Bien au contraire, il s’agit de lesinscrire dans une dynamique plus large de gestion des ressources et des mobilités,au sein d’un réseau d’acteurs élargi intégrant non seulement l’entreprise et l’individumais également la Région, l’AFP, l’AROPA, le Pôle Emploi, les branchesprofessionnelles, etc.

Rappelons succinctement l’importance de la formation pour les employeurs. Celle-cipermet, entre autre, de :

- motiver et valoriser l’implication des salariés, développer des modes departicipation ou promouvoir la « responsabilité sociale » des entreprises (Personnazet Isabelle Vernoux-Marion, 2005)

- fidéliser des salariés lorsqu’ils sont confrontés à des taux de rotation importants ouà des difficultés de recrutement ;

- préparer des évolutions de fonction lorsque la pyramide des âges le réclame ;

- organiser des possibilités de mobilité géographique ou professionnelle au sein dugroupe en cas de besoin ou préparer les salariés à des mobilités auxquelles ilspourraient être contraints ;

- augmenter les compétences professionnelles, source d’innovation (Le Douaron,2006, p.25).

Former ses salariés ne doit donc pas être considéré comme une concession faite parl’employeur mais bien comme un investissement qui bénéficie à toutes les parties71.Cela implique deux exigences qu’il faut concilier.

Les entreprises sont libres de leur stratégie de développement économique maisaussi humain. A ce titre, elles peuvent choisir de former les salariés qu’ellessouhaitent si cela correspond à leurs besoins. Elles doivent donc impérativementrester maîtresses de leur Plan de formation (ou de leurs choix deProfessionnalisation), et mettre en place, via les OPCA, des structuresd’accompagnement pour celles qui n’auraient pas les capacités (en temps, encompétence ou en argent) pour le faire elles-mêmes.

70 Parmi ces 10,5 milliards : 81.9 % (soit 8,6 milliards) sont consacrés aux salariés ; 9.5 % aux jeunesen insertion professionnelle ; 8.6 % aux apprentis.71 De ce point de vue, il est nécessaire, comme le préconise le Conseil économique et social, d’élargirà certaines dépenses immatérielles comme celles de la formation professionnelle le concept deformation brute de capital fixe, actuellement limité aux investissements immobiliers et en équipement(cf. Mansouri-Guilani, 2008).

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Simultanément, les entreprises sont (co)responsables de l’employabilité de leurssalariés, que ce soit directement par rapport à leur situation dans l’emploi (maintiendans l’emploi72 et mobilité interne), qu’indirectement par rapport à l’ensemble de leurtrajectoire professionnelle (mobilité externe). L’entreprise ne peut donc pas sedéfausser de sa responsabilité et renvoyer tout l’effort de formation vers l’utilisationdu compte individuelle de formation, et encore moins considérer que le salarié (oules pouvoirs publics) est désormais le seul gestionnaire de son parcoursprofessionnel. Il ne faut donc surtout pas, pour reprendre les termes de NicoleMaggi-Germain, de glisser « d’un droit individuel à la formation professionnelle prisen charge collectivement, à un droit individuel administré individuellement » (Maggi-Germain, 1999, p.692).

Par conséquent, l’entreprise doit se plier à deux types d’obligation :

* ce qui relève du droit inscrit dans l’emploi correspond au Plan de formation. Jesuggère de passer d’une obligation de moyen (obligation légale de financement) àune obligation de résultat : accroître les qualifications-compétences des salariés afinque ceux-ci puissent conserver leur emploi. Libre aux entreprises et aux branches dedéfinir des conventions collectives ou des accords de branche instituant uneobligation conventionnelle de financement (afin, notamment, de permettre unemutualisation des Fonds et ainsi soutenir les petites entreprises qui n’ont pas lesmoyens d’investir dans la formation). Il nous paraît pour le moins étonnant, etquelque peu coquasse, de voir les syndicats d’employeurs tels que la CGPME oumême le Medef défendre actuellement ce qui est ni plus ni moins qu’une taxe sur lesentreprises !... Défendre la liberté d’entreprendre et la responsabilité des acteurs,n’est-ce pas aussi laisser à chaque entreprise le soin de décider ce qu’elle souhaiteinvestir dans la formation pour son propre développement ?

Cette obligation de résultat est d’ores et déjà inscrite dans le droit du travail. Il s’agitdonc de la consolider en amont en exigeant des dispositifs d’évaluation et denégociation internes à l’entreprise. Par exemple : prévoir des entretiens annuelsindividuels autour des besoins du secteur et/ou de l’entreprise, et des conséquencesen matière d’évolution des compétences individuelles et de formation ; permettre auxreprésentants (ou délégués) du personnel de discuter, avant la définition du Plan deformation, des perspectives d’emploi et des besoins de formation correspondants. Ilfaut également la consolider en aval dans le traitement judiciaire des éventuelslitiges. La Cour de cassation rappelle très justement que l’employeur a le devoird’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi. Si l’entreprise nerespecte pas cette obligation de formation, il y a « manquement (…) dans l’exécutiondu contrat de travail » ouvrant droit à des dommages et intérêts (distincts de ceuxpouvant résulter d’un éventuel licenciement abusif). La Cour de cassation a ainsicondamné récemment l’Union des opticiens qui, en 2001, avait licencié pour motiféconomique deux salariés ayant 12 et 24 années d’ancienneté et qui n’avait suiviqu’un stage de 3 jours en 1999.

72 La Cour de Cassation l’a encore rappelé il y a peu lorsqu’elle a condamnée une entreprise dont undes salarié qui n’avait bénéficié que de 2 jours de formation en vingt-trois ans de présence

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Encadré 16 - L'obligation légale, pour les entreprises, d'adapter les salariés à leur poste de travail

Article L. 930-1 (introduit dans le code de travail en 2004) : « l’employeur a l’obligationd’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leurcapacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, destechnologies et des organisations ».Article L 321-1 (introduit en 2002) : « le licenciement pour motif économique d’un salarié nepeut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés ».

* Ce qui relève en revanche du droit commun professionnel dépasse largement lesintérêts des seules entreprises et participe du bon fonctionnement de la collectivité. Ilest donc logique qu’une obligation légale leur soit dès lors exigée. Le postulatfondamental est qu’une entreprise X pourra bénéficier, indirectement, de la formationqu’elle aura offerte à son salarié (a) même si ce dernier quitte X après sa formation,et ce parce que, dans le même temps, X pourra bénéficier de la formation du salarié(b) formé par l’entreprise Y. Dans un monde économique de plus en plusinterdépendant où les mobilités seront toujours plus exigées (et espérons-lefacilitées) le retour sur investissement d’une entreprise ne doit plus se mesurer àl’échelle d’un individu, mais à l’échelle de tous les individus composant la société.C’est ce qu’ont compris depuis longtemps les entreprises nordiques qui n’hésitentpas à prendre en charge des formations longues de leurs salariés même si elles sontconscientes que ceux-ci peuvent en profiter pour obtenir des promotions externes.

Mais de quel type d’« obligation légale » est-il question ? Jusqu’à présent lesentreprises de 20 salariés et plus devaient verser 0,9 % de leur masse salariale autitre du « Plan de formation », 0,5 % de leur masse salariale au titre de la« Professionnalisation » et 0,2 % au titre du « CIF »73.

En % de la massesalariale

Plan de formation Professionnalisation CIF Total

Entreprises de 20salariés et plus

0,9 0,5 0,2 1,6 %

Entreprises de 10 à19 salariés

0,9 0,15 - 1,05 %

Entreprises de moinsde 10 salariés

0,4 0,15 - 0,55 %

Deux possibilités sont envisageables : soit les entreprises continuent à verser un %de leur masse salariale, % qui devra correspondre aux nombre d’heures deformation alimentant tous les comptes formation ; soit on évalue pour chaque

73 Soit au total 1,6 % de la masse salariale, contre 1,05 % pour les entreprises de 10 à 19 salariés et0,55 % pour les entreprises de 1 à 9 salariés.

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entreprise le nombre de salarié équivalent temps plein sur une année et on exiged’elle le paiement (auprès de la Caisse des dépôts) des heures de formationcorrespondantes. Dans tous les cas il faut que chaque personne puisse savoirprécisément où en est son « compte formation » et à quel tirage il peut prétendre.

Encadré 17 - Les avantages d'une suppression de l'obligation légale au titre du Plan

Il existe nombre d’actions de courte durée qui ne sont pas considérées comme des« formations », c’est-à-dire qu’elles ne sont pas comptabilisées dans l’obligation légale definancement par les entreprises.• actions relevant de la simple prise en main d’un matériel ou de familiarisation avec unposte de travail ;• prestations de recrutement et de conseil (sauf dans le cas ou ces dernières sontintrinsèquement liées à des actions de formation) ;• dépenses de matériel, de documentation… quand elles ne peuvent pas être rattachées àdes dépenses de formation ;• pratiques de « coaching » de tutorat ou d’accompagnement, qui ne constituent pas, enelles-mêmes des actions de formation. En revanche, la formation de personnels encadrantà ces pratiques peut constituer une formation effective ;• actions – en générale obligatoire – liées à la sécurité des personnes employées danscertaines situations ou fréquentant certains locaux, les exercices d’évacuation…, qui sontexclues de la participation des employeurs par l’article L. 231-3-1 du Code du travail. Acontrario, les formations spécifiques de personnels affectés à des tâches particulières liéesà la sécurité et permettant d’acquérir, en la matière, des qualifications utilisables dans dessituations de travail diversifiées, sont imputables ;• actions qui relèvent de la thérapie, du bien-être ou des loisirs.

J’ai estimé plus haut que le coût approximatif du « compte formation » pour lesentreprises serait de 3,65 milliards d’euros par an. A cela il faut ajouter les 1,84milliards au titre de la professionnalisation. On aboutit ainsi à 5.49 milliards d’eurosde dépenses « légales », c’est-à-dire obligatoire, pour les entreprises. D’autresobligations, conventionnelles, pourront être contractées en fonction de la situation etdes besoins des différentes branches professionnelles. Selon ce nouveau schéma,les entreprises ne paieraient, dans leur ensemble, pas plus qu’actuellement. Et sielles le faisaient ce serait de leur plein gré, parce qu’elles auraient compris tout cequ’elles peuvent y gagner. Plutôt que d’obliger les entreprises à payer pour lesystème de formation, ce qui revient le plus souvent à faire un chèque pour êtredébarrassé, il vaut mieux les inciter à investir dans la FPC, c’est-à-dire lesconvaincre de leurs intérêts. C’est toute la mission des OPCA.

Il n’en reste pas moins que ma proposition ne manquera donc pas de susciter moultrésistances chez les partenaires sociaux. Ceux-ci redoutent en effet que lerenoncement à l’obligation légale au titre du Plan conduise les entreprises à diminuerencore davantage leur investissement financier dans la formation. Les syndicats desalarié craignent que les salariés soient désormais considérés comme les seulsresponsables de leur « employabilité » et prennent à leur charge (en terme financieret/ou sur leur temps « hors-travail ») leur formation. Les organisations patronales (enparticulier la CGPME) dénoncent le risque de creuser les inégalités entre les grandes

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entreprises très formatrices et les petites qui bénéficient de la mutualisation issue del’obligation légale. Des soucis beaucoup plus prosaïques sont à coup-sûr trèsprésents dans les esprits de tous ces acteurs, puisque l’obligation légale accroîtsensiblement les ressources des OPCA et finance par là même les syndicats(patronaux et de salariés). Mais l’enjeu n’en demeure pas moins de taille : commentassurer une réelle mutualisation pour que les entreprises (et donc les salariés qui lescomposent) les plus éloignées de la formation s’en rapprochent ?

Rappelons que je ne décharge aucunement les entreprises de leur obligation deformation mais simplement d’une obligation de financement de la formation. Ellesdemeurent responsables de la trajectoire professionnelle de leur salarié. Par ailleurs,je ne préconise pas la suppression de toutes les obligations légales qui pèsent surles entreprises, mais uniquement celle portant sur le Plan de formation. Lamutualisation au titre de la « professionnalisation » s’est avérée extrêmementefficace pour les petites entreprises, il n’est donc pas question de la modifier. Cetteefficacité est essentiellement due à la fongibilité des fonds reçus par les différentesentreprises : les petites entreprises peuvent recevoir des fonds versés par lesgrandes entreprises. Ce n’est pas le cas pour le Plan de formation puisqu’il existe enréalité des comptes séparés. « Pour les entreprises de moins de dix salariés, on aune mutualisation étanche, c’est-à-dire qu’on met les moins de dix entre elles. Donc,ce n'est pas mutualisé avec les plus grandes entreprises. Les calculs faits par laDARES (et qui sont rarement contredits) montrent qu'il s'agit d'une mutualisation auprofit des grandes entreprises et pas au profit des petites. Et c'est une faussemutualisation la plupart du temps, c'est-à-dire que c'est une mutualisation dessoldes : chacun a son compte ouvert dans l'OPCA et tire dessus, et lorsque ladépense n'est pas totale, on dit en fin de parcours : ‘‘qui en veut ?’’. Et à ce momentlà, les plus habiles disent : ‘‘moi, moi’’. Ce sont les plus grandes entreprises qui enprofitent » (Théry, 2008). C’est pourquoi j’ai proposé plus haut un autre type definancement pour soutenir les TPE et les PME.

Schéma - Participation financière des entreprises

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Conclusion

Je n’ai évidemment pas discuté, dans cette étude, de tous les enjeux, toutes lesquestions et tous les problèmes relatifs à la formation professionnelle. Je n’ai pasdavantage présenté un diagnostic exhaustif de ce qui existe aujourd’hui. L’objectifétait tout autre : remédier aux problèmes de (il)lisibilité et de (in)cohérence inhérentsaux innombrables bénéficiaires, dispositifs, circuits financiers, acteurs politiques ouopérationnels impliqués dans la FP. Comme le note Jean-Louis Dayan (2008, p.2),« le terme ‘‘régime’’ peut sembler impropre puisqu’il n’existe pas de dispositif unifiéde formation professionnelle, mais une juxtaposition de segmentsinstitutionnellement et financièrement distincts, qui font difficilement système ».

D’où ma proposition (tentative) de reconsidérer l’ensemble du système français àpartir de la personne, de ses besoins et de ses possibilités d’action, et ce quel quesoit son statut (salarié du secteur privé ou public, demandeur d’emploi, inactif,« jeunes »). Bref, je suggère de prendre au sérieux l’idée si souvent mentionnéemais si peu mise en œuvre d’« individualisation » de la formation. Concrètement,cela signifie qu’il faut fonder le système à partir des besoins de formation « tout aulong de la vie » et ainsi en déduire un cadre juridique (un droit de la formation et desdroits à la formation), une gouvernance politique, des parcours de formationclairement identifiés (avec des instances d’accompagnement ad hoc) et des circuitsde financement.

Cette personnalisation nécessite en premier lieu d’identifier les « moments » d’unparcours professionnel et d’en déduire les objectifs de la FP correspondants :l’insertion professionnelle (que ce soit pour des jeunes entrants sur le marché dutravail ou pour des demandeurs d’emploi) ; la qualification professionnelle (diplôme,titre ou Certificat de Qualification Professionnelle, CQP dans le cadre d’une formationen alternance) ; l’adaptation à son poste / métiers ; la mobilité professionnelle interneà une entreprise ;la mobilité professionnelle externe (perfectionnement,reclassement, reconversion) ; la diplômation (obtention d’un diplôme ou titre délivrépar les pouvoirs publics en dehors d’une formation en alternance). Ces différentsobjectifs correspondent à 3 parcours de formation distincts : dans le cadre de laProfessionnalisation (vers l’entreprise) ; dans le cadre du Plan de formation (dansl’entreprise) ; dans le cadre du Compte formation (par-delà l’entreprise).

La personnalisation implique ensuite d’ajuster la formation au plus près des besoinsdes individus et du développement économique. C’est pourquoi il me paraît essentield’assumer la logique régionale de la formation (plutôt que nationale ou de Brancheprofessionnelle) à travers : deux types d’acteurs (les Conseils régionaux et lespartenaires sociaux situés au niveau régional), deux instances d’orientation (l’AgenceRégionale pour l’Orientation, la Professionnalisation et l’Apprentissage [AROPA] etl’Agence pour la Formation Professionnelle [AFP]) ; et une instance de coordination :le Comité de Coordination Régional de l’Emploi et de la Formation Professionnel(CCREFP).

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Enfin, la personnalisation impose des structures d’accompagnements visibles,accessibles et efficaces au niveau local. L’enjeu n’est en effet pas simplementd’« individualiser » la formation, c’est-à-dire de donner à un individu abstrait desressources une fois pour toutes, mais de prendre en compte la diversité descaractéristiques socio-biographiques et économiques des individus et mettre enplace des institutions qui les accompagnent dans l’élaboration de leurs parcours. Ilne suffit pas d’octroyer des capitaux financiers, humains ou sociaux aux personnesqui en sont dépourvus pour mettre tous les individus sur un pied d’égalité, et ainsipouvoir les laisser seul maîtres, et responsables, de leur trajectoire selon le principeméritocratique. D’où l’idée de mettre en place des AFP locales pour tout ce quiconcerne le Compte formation, AFP qui seraient elles-mêmes intégrées à des« Maisons de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi » (MOFE). D’où aussi lanécessité de redéfinir les missions et le fonctionnement des OPCA afin que celles-cisoient réellement au service des entreprises, et tout particulièrement des plus petitesd’entre elles.

Deux chantiers majeurs n’ont pu être abordés dans le cadre restreint de cette étude,ils devraient pourtant faire l’objet d’un examen attentif si l’on veut parvenir à uneréforme efficace. Le premier est l’offre publique ou privée de formation. Sur lesquelques 45 000 organismes de formation déclarés aujourd’hui, seuls quelquesmilliers sont réellement actifs. Aucun agrément n'est requis comme préalable àl'exercice de l'activité de dispensateur de formation. Il faut ainsi, comme le préconisele rapport Seillier-Carle (2007, p.97), réfléchir « aux moyens de nature à préserver laliberté d'accès à ce marché tout en apportant de nouvelles garanties aux acheteursde formations qui ont parfois bien des difficultés à se repérer à travers lefoisonnement de l'offre ».

Le second chantier concerne la motivation et l’implication des individus dans leprocessus de formation : ceux qui ont aujourd’hui le plus besoin de formation sont lesmoins convaincus de l’intérêt de s’y engager, tant ils assimilent la formationprofessionnelle au système scolaire de formation générale dans lequel elles ont,pour nombre d’entre elles, échoué. On connaît encore mal les ressorts de cette (non)motivation et on sait encore moins bien la stimuler. La définition d’un cadreorganisationnel et juridique tel que je le présente dans cette étude peut sans doute ycontribuer mais ne sera pas suffisant. Il faudrait en effet se confronter directement àcette délicate question : la formation, pour quoi faire ? Comme le disent Jean-LouisDayan et Jenny Eksl (2007, p.2) : « alors que la formation remplit essentiellementpour les diplômés une dimension d’adaptation à l’emploi, les moins qualifiés ont desobjectifs plus ambitieux (changement d’emploi, obtention d’un diplôme,reconnaissance d’une qualification) et de fortes espérances en termes de gainsalarial et de mobilité ascendante, avec un risque de déception d’autant plus grandau vu des faibles effets de la FPC en la matière ». Présenter la formation comme unsimple moyen de préserver son « employabilité », c’est-à-dire comme un moyen dene pas subir un déclassement professionnel (et donc social), est une perspectivedéfensive et peu engageante… La formation doit au contraire impliquer unepossibilité réelle de mobilité ascendante. Il faut de ce point de vue revenir à l’espritqui a fondé le système de FP dans les années 1950 : la formation avait une tripledimension économique (croissance forte de l’après-guerre qui nécessite desqualifications supérieures), sociale (deuxième chance pour ceux qui ont échoué dans

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le système scolaire républicain) et politique (facteur d’apaisement des conflitssociaux, alternative à la vision d’une société de classes opposées) (Palazzeschi,1999). Michel Debré, à l’initiative à l’époque de trois lois et de multiples décrets,pensait ainsi la formation comme un réel projet politique de promotion sociale.

Le contexte économique et social a certes profondément changé mais cet objectif depromotion me semble d’autant plus nécessaire aujourd’hui. Nécessaire et possible,dès lors que l’on envisage les expériences professionnelles dans le cadre d’unparcours de mobilité. C’est pourquoi, au-delà de l’architecture politique etorganisationnelle, c’est peut-être surtout le socle philosophique qui doit être repenséà l’aune de cette nécessité/exigence de personnalisation : comment assurer lacontinuité professionnelle des personnes par-delà la diversité des situations detravail et de non-travail ? Comment favoriser la mobilité ascendante sur le moyen-long terme et dépasser les éventuels accidents de parcours ?

Différents auteurs ou courants de pensée ont proposé des pistes fécondes mais bienpeu entendues : les notions d’« état professionnel » et de « droits de tirage sociaux »d’Alain Supiot, je l’ai dit, mais également celle de « contrat d’activité » de JeanBoissonnat qui permet d’élargir la relation d’emploi et ainsi de garantir des mobilitéssécurisées. Un programme de recherche mérite également tout particulièrementd’être développé : les « Marchés Transitionnels du Travail74 » (MTT). Les transitions,qui était jusqu’alors perçues comme des phases temporaires, relativement limitées etdonc secondaires, sont désormais être considérées comme le cœur du processus demobilité : « On peut nommer ‘‘transitions’’ les situations, voulues ou subies, destravailleurs qui sont en écart au point fixe de l’emploi stable à temps plein pour unsalaire fixé : fluctuations de primes et de salaires, d’horaires, périodes de formation,de chômage partiel ou total, de temps partiel, de recyclage, de stage, de congésabbatique ou parental… Les fluctuations et mobilités sur le marché du travail etautour de lui sont envisagées d’abord, mais la démarche ne peut se comprendresans introduire les fluctuations et « chocs » au sein de l’entreprise75 ». L’emploi estainsi appréhendé comme un processus dynamique et non comme un état.Privilégiant le passage d’une sécurité d’emploi (job security) à une sécurité del’emploi (employment security), il s’agit d’encadrer ces transitions par des nouveauxdroits dans la mesure où l’intégration sociale des salariés ne repose plus surl’obtention d’un emploi stable. Il est nécessaire de créer de « nouveaux « noyaux destabilité » (Gazier, 2007) en y introduisant d’une part une variété d’options etd’ajustements réalisés en interne au niveau de l’entreprise au sens large (branches,secteurs, groupements...) et, d’autre part une intervention des acteurs locaux(régions, municipalités, associations, agences de l’emploi...) dans le but de garantiraux individus une ‘‘sécurité d’options’’ ». C’est précisément dans ce esprit que j’aiproposé une nouvelle philosophie du système de FP : partir des besoins despersonnes, développer des structures accompagnant les transitions, créer un74 Le concept de « marchés transitionnels du travail » a été initialement développé dans le milieu desannées 1990 par des chercheurs du centre WZB (Wissenschaftszentrum, Berlin). Il prend appui sur laporosité des frontières entre les différents « états » représentés par l’emploi, le chômage et l’inactivité,et sur la discontinuité croissante des carrières.75 Bernard Gazier, « Assurance-chômage, employabilité et marchés transitionnels du travail »,Communication au Commissariat Général du Plan, Séminaire ‘‘Transformations du marché du travailet continuité de la protection sociale’’, Paris, mars 1999, p.8, http://matisse.univ-paris1.fr/doc2/mse903.pdf

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Compte formation pour une réelle formation tout au long de la vie. Il s’agit, comme ledisent Jérôme Gautié et Bernard Gazier (2003), non seulement d’« équiper les genscomme pour le marché » mais peut-être surtout d’« équiper le marché pour lesgens ».

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Synthèse analytique

Pour une nouvelle philosophie du système de FPC

1- Le modèle de protection sociale français est fondé sur une logique bismarkienne,c’est-à-dire sur la centralité du statut professionnel dans l’acquisition des droitssociaux. Or si ce modèle semblait globalement efficace dans le cadre d’undéveloppement économique industriel, d’un noyau familial relativement stable et d’unEtat national fort, il paraît moins adapté aujourd’hui en raison d’un nouveau moded’organisation caractérisé par des entreprises de services, des situations familialesdiversifiées (et davantage précaires) et un Etat national inscrit dans un processus demondialisation qui le dépasse et qui, à bien des égards, le contraint.

2- Il faut donc transformer nos représentations, nos normes, de ce qu’est le travailclassique (conception du modèle fordiste). Avec la tertiarisation de l’économie, ledéveloppement des nouvelles technologies et des services, le travail en tant que tela changé, et avec lui l’ensemble de ses règles d’organisation et de coordination.C’est alors le statut salarial « classique » qui parait dépassé, nécessitant d’une« adaptation active », c’est-à-dire la réinstitutionnalisation du rapport au travail. Il fautreconstruire un droit général du travail qui assure la continuité de l'état professionneldes personnes par-delà la diversité des situations de travail et de non-travail. Il s’agitfinalement de substituer à une sécurité fondée sur la permanence de la situationd'emploi une sécurité rattachée à la personne du travailleur, les interruptions decarrière et les réorientations d'activité étant considérées comme des conditionsnormales de cet état professionnel.

3- Le rapport Supiot (1999) a esquissé ce que pourrait être ce nouvel « étatprofessionnel » à travers quatre cercles concentriques de droits : droit propre autravail salarié qui ne devrait contenir que les dispositions directement liées à lasubordination dans l’emploi ; droit commun de l’activité professionnelle (libertésyndicale, protection sociale de type « travailleur indépendant », hygiène etsécurité) ; droits fondés sur le travail non professionnel (charge de la personned’autrui, travail bénévole) ; Les droits sociaux « universaux », c’est-à-dire garantis àtout individu indépendamment de tout travail (éducation, soins de santé, aide socialeminimale, etc.)

4- A partir de ces différents cercles, on peut clarifier aussi bien les objectifs de laformation professionnelle et les référents organisationnels/financiers, que lesdispositifs à mettre en place :

- la formation professionnelle relève de l’état professionnel, c’est-à-dire du travail, etn’a donc pas vocation à divertir ou à contribuer à l’épanouissement hors du travail ;elle est donc distincte des « droits fondamentaux »

- les objectifs de la FPC comme autant de « moments » d’un parcours professionnel :

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* l’insertion professionnelle (que ce soit pour des jeunes entrants sur le marchédu travail ou pour des demandeurs d’emploi) ;

* la qualification professionnelle (diplôme, titre ou Certificat de QualificationProfessionnelle, CQP dans le cadre d’une formation en alternance) ;

* l’adaptation à son poste / métiers ;

* la mobilité professionnelle interne à une entreprise ;

* la mobilité professionnelle externe :

o par perfectionnement (lorsque l’individu change - ou souhaite changer -d’entreprise tout en restant dans le même profil de poste/métier)

o par reclassement (lorsque l’activité économique d’une entreprise oud’un secteur contraint les individus à changer de poste, de métier et/oude branche) ;

o par reconversion (lorsque les individus souhaitent changer de métier).

* la diplômation (obtention d’un diplôme ou titre délivré par les pouvoirs publics endehors d’une formation en alternance) ;

- ces objectifs de la FPC correspondent tantôt à des droits inscrits dans l’emploi(adaptation, mobilité interne), tantôt à des droits communs professionnels (insertion,reclassement, reconversion, perfectionnement, qualification professionnelle), tantôt àdes droits communs non professionnels (diplômation). L’objectif est en réalité decombiner une organisation stabilisée de la relation d’emploi et une organisationdynamique des transitions entre différentes situations de travail.

5- Aux différents types de droits identifiés correspondent des modes de financementdistincts : ce qui relève du « droit commun » doit faire l’objet d’une obligation légalede financement ; ce n’est pas le cas de ce qui relève des droits inscrits dansl’emploi :

- les droits inscrits dans l’emploi ne donnent lieu à aucune « créance » chez lessalariés, ils sont inscrits dans le cadre du Plan de formation qui relève de la seuleresponsabilité des entreprises. Si celles-ci ne sont donc pas soumises à uneobligation légale (de moyens), elles ont en revanche une obligation de résultat : lemaintien dans l’emploi de leurs salariés.

- les droits communs (professionnels et non professionnels) se traduisent, eux, parun droit de tirage dans un compte formation ad hoc. Ce compte, dont l’unité seraitl’heure de formation (et non de l’argent), serait alimenté par l’ensemble des acteurs(entreprises, Régions, Etat, individu) qui sont co-responsables des missions deformation. La constitution de la créance proviendrait ainsi de droits distincts : unepart vient du capital initial de formation délivré par l’Etat ; une autre vient des

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entreprises au titre du travail non-professionnel ; une encore vient des Régions ; unedernière peut également venir des individus eux-mêmes (RTT, épargne temps).

- entre le Plan de formation et le compte formation demeure une catégorieintermédiaire : la Professionnalisation. Correspondant à un objectif d’« insertion »dans l’emploi, il s’agit de toutes les actions où l’individu est directement en contactavec une entreprise afin d’intégrer (ou de retourner sur) le marché du travail.

Pour une nouvelle architecture politique et organisationnelle du système de FPC

1- Ce cadre philosophique et juridique permet de mettre l’individu au cœur desdispositifs de formation. L’enjeu n’est pas simplement d’« individualiser » laformation, c’est-à-dire de donner à un individu abstrait des ressources une fois pourtoutes, mais plutôt de « personnaliser » la formation : prendre en compte la diversitédes caractéristiques socio-biographiques et économiques des individus. Une tellepersonnalisation n’est possible que s’il existe une structure politique territoriale et desparcours de formation clairement balisés (c’est-à-dire des institutions quiaccompagnent les individus dans l’élaboration de leurs parcours).

2- Il faut assumer la gouvernance territoriale (et non plus par branche professionnelleou nationale) de la FPC. L’Etat doit rester le garant et le responsable du droitcommun non professionnel, et uniquement de celui-ci. Il n’intervient doncfinancièrement qu’à ce titre et ce, pour permettre à chaque individu d’accéder à unniveau de qualification/diplôme supérieur. L’Etat doit intervenir dans le champ de laFP en tant que « superviseur », avec un rôle d’orientation générale, d’expertise et decontrôle. Pour autant il est clair que, outre ce qui concerne l’acquisition des savoirsfondamentaux, l’Etat doit rester présent afin de garantir la cohérence d’une actionmulti-partenaires et l’équité nationale (accès à la formation et à l'emploi, appareil deformation et financement). Il doit notamment être vigilant à ce que la régionalisationne débouche pas sur de fortes inégalités territoriales.

3/ Le cœur du pilotage politique pourra être composé de deux types d’acteurs : lesConseils régionaux et les partenaires sociaux.

- Si l’Etat et les branches professionnelles doivent toujours fournir un cadre politiqueglobal et veiller à ce qu’il n’y ait pas d’inégalités très fortes entre territoires, lavéritable élaboration stratégique doit s’opérer au niveau régional.

- S’il est indispensable que les partenaires sociaux conservent un rôle central dans lepilotage et l’organisation du système de FPC, il est essentiel que ceux-ci repensentleur engagement selon une logique territoriale et non plus seulement selon unelogique de Branche.

- Pour inscrire les partenaires sociaux au cœur des territoires, les CommissionsParitaires Territoriales de l’Emploi (CPTE), combinées aux Commissions ParitairesInterprofessionnelles Régionales pour l’Emploi (COPIRE), devraient désormais avoirun rôle central de pilotage politique. Elles détermineraient en effet les priorités

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définies par les partenaires sociaux qui seraient débattues aussi bien dans l’AROPAque dans l’AFP (cf. ci-après).

- Les Conseils régionaux (CR) doivent, eux, mieux coordonner les départementséducation - formation – emploi en créant par exemple un référent FP (et une équipead hoc) directement auprès du Président du Conseil régional.

- Ils doivent également renforcer leurs outils de pilotage et de contractualisationjusque là dispersés, et surtout s’approprier un outil insuffisamment utilisé pourl’heure : le Plan Régional de Développement des Formations (PRDF). Elargi auxfonctions d’accueil, d’information, d’orientation, de Professionnalisation comme à laformation professionnelle continue des adultes, le PRDF pourrait alors êtreprescriptif, c’est-à-dire contraignant, pour tous les acteurs concernés. Ce n’est qu’àcette condition qu’il deviendra l’instrument d’une stratégie globale de formationprofessionnelle.

- Enfin, les CR doivent s’impliquer fortement dans les instances décisionnelles(AROPA et AFP) et de coordination (CCREFP, CESR)

4- Au-delà des acteurs, il faut surtout définir deux instances d’orientationstratégique :

Agence Régionale pour l’Orientation, la Professionnalisation et l’Apprentissage[AROPA]

- Afin d’articuler enseignement (scolaire, universitaire, professionnel) et entreprises,cette instance intégrera l’orientation, la professionnalisation et l’apprentissage.L’AROPA pourra ainsi être le lieu où se contractualise tout ce qui a trait à la« Professionnalisation » (au niveau les politiques de développement descompétences avec les branches professionnelles, au niveau des relations Etat –Régions).

- A un niveau plus opérationnel, l’AROPA devra constituer un espace de rencontresentre les professionnels de l’orientation, de l’éducation et de la formation : missionslocales et PAIO qui tentent d’insérer les jeunes dans la vie active, chambresconsulaires, nouveau « Pôle Emploi », et bien évidemment entreprises. Au niveaulocal, elle se déclinera et s’intègrera à la Maisons de l’Orientation, de la Formation etde l’Emploi (MOFE). L’AROPA constituera ainsi, au sein de chacune d’elles, un pôlespécialisé de l’orientation et de la professionnalisation. Elle ne s’adresserait passpécifiquement aux « jeunes » mais à toute personne souhaitant intégrer uneentreprise.

Agence pour la Formation Professionnelle [AFP].

- Elle serait, pour tout ce qui concerne les Comptes Formation des individus, la seuleinstance prescriptive de formation, aussi bien pour les salariés que pour les

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demandeurs d’emploi. Elle doit dès lors être l’expression d’un consensus/compromisentre les enjeux-intérêts des territoires, ceux des entreprises et ceux des salariés.D’où la nécessité d’une gestion politique tripartite (Conseil régional, partenairessociaux) ; l’acceptation d’une formation doit s’inscrire dans un projet professionnelqui dépend aussi bien des intérêts/vœux des individus que des besoins/opportunitésdes secteurs professionnels sur un territoire donné.

- Le rôle des AFP régionales serait finalement double : (1) définir, à travers undocument d’orientation annuel, les priorités politiques en matière de qualification,reclassement, reconversion et plus globalement tout ce qui concerne la mobilitéprofessionnelle. (2) examiner (c’est-à-dire étudier et refuser/accepter) les demandesde formation au titre du Compte formation après qu’elles auront été « instruites » parles AFP locales.

- Les Conseil régionaux et les partenaires sociaux seraient ainsi les responsablespolitiques mais pas financiers de la formation. Les « fonds » proprement ditsseraient confiés à la CDC afin de désolidariser au maximum le financement dusystème de formation de son orientation politique. On garantit à chaque personne unaccès possible à la formation (via son compte) et on confère aux Régions et auxpartenaires sociaux le soin de gérer les priorités politiques et l’accompagnement desparcours.

5- Pour relier ces instances mais également les autres parties prenantes, ons’appuiera sur une instance de coordination : le Comité de Coordination Régional del’Emploi et de la Formation Professionnel (CCREFP).

- Structure de « coordination » existant déjà aujourd’hui, le (bon) fonctionnement duCCREFP dépend fortement de l’impulsion des pouvoirs publics et de l’implication desdifférents acteurs. Pour inciter les parties prenantes à s’y investir davantage, onpourra lui attribuer un triple rôle d’expertise (centres de ressources pour l’ensembledes acteurs), de coordination (point névralgique où se rencontrent tous les acteurs)et de validation des stratégies politiques :

- instaurer une sorte de « comité de prospective » composé des instancesd’évaluation déjà existantes mais pour le moment très dispersées : OREF, CARIF,CESR, d’éventuels laboratoires de recherche universitaires). L’objectif est derassembler, organiser ou même commanditer des enquêtes, études, évaluations enmatière de FP.

- constituer un lieu d'échange pour traiter conjointement des questions d'emploi et deformation professionnelle et ainsi favoriser une forme de démocratie localequadripartite.

- rendre des avis par rapport aux plans régionaux de FP. Il s’agit d’un rôle consultatifsur les stratégies et décisions arrêtées aussi bien en matière d’orientation,d’apprentissage, de professionnalisation ou de FP continue.

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6- Enfin la déclinaison locale des politiques de formation pourra se faire parl’intermédiaire de Maisons de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi (MOFE)

- chaque personne doit pouvoir identifier rapidement le périmètre de la FP etdisposer d’un interlocuteur dédié. C’est pourquoi il faut scinder clairement, dans lesmodes de prescription du moins, ce qui relève de la formation de ce qui relève de larecherche d’emploi. D’où l’idée d’une AFP qui soit autonome du « Pôle Emploi » quiest en train de voir le jour. Ce dernier devra, en matière de FPC, se contenterd’indemniser les bénéficiaires des formations lorsque ceux-ci utilisent leur compteformation (objectif de diplômation et de mobilité externe).

- ce faisant il existe à l’inverse un risque de coupure entre l’emploi et la formation. Orsi l’on raisonne désormais en terme de « parcours » et de « projet » professionnel(dans lequel s’inscrivent des moments de formation), il faut impérativement articulerl’AFP et le Pôle Emploi. D’où l’idée de distinguer clairement, au niveau politique, lechamp de la FPC du Service Public de l’Emploi (SPE), et en même temps d’inscrire,au niveau opérationnel, la FPC dans des Maisons de l’emploi élargies et rebaptisées« Maisons de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi » (MOFE).

- Il faut pour cela imposer qu’au moins les principaux acteurs de l’emploi et de laformation (Pôle Emploi, AFP locale, DDTEPF, collectivités locales, éventuellementun deuxième cercle composé des chambres consulaires locales et de l’AFPA locale)se réunissent en un même lieu accessible à tous les publics.

Pour une clarification des parcours de formation

A cette prise en charge politique (régionale) et opérationnelle (locale) doitcorrespondre des types de « parcours » de formation clairement établis : la formationvers l’entreprise, grâce à la Professionnalisation ; la formation dans l’entreprise,grâce au Plan de formation ; la formation par delà l’entreprise, grâce au Compteformation

1- Les OPCA et la Professionnalisation

Les Opca ont un rôle déterminant pour tout ce qui concerne la Professionnalisationet le Plan de formation. Ils sont en effet les mieux placés pour s’adresser auxentreprises et en particulier aux plus petites d’entre elles. Mais il faut dès lorsredéfinir leur rôle et même leur philosophie : passer d’une logique de gestion à unelogique de service. D’où la nécessité de : développer un maillage étroit au niveauterritorial ; restructurer profondément le paysage des OPCA (aujourd’hui trèsdisparate) : ne conserver que des OPCA de branche élargis (par famillesprofessionnelles, avec un seuil de collecte plus élevé) et les deux OPCAinterprofessionnels (si tant est que ces derniers fassent la preuve de leurcomplémentarité et de leur égale utilité).

Afin que les OPCA disposent de moyens financiers et humains suffisants pouraccomplir leur mission, il faut :

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- relever le seuil minimum de collecte (aujourd’hui fixé à 15 millions d’euros par an,seuil qui n’est déjà pas respecté par certains OPCA…).

- imposer aux établissements de s’acquitter de leur obligation légale (au titre de la« Professionnalisation ») uniquement auprès d’un OPCA (et non pas un chèquelibératoire au Trésor Public).

- distinguer les frais de conseil des frais de gestion.

- créer un « fond de mutualisation pour la formation dans les TPE » (abondé par lesentreprises de plus de 20 salariés) en contrepartie de la suppression de l’obligationlégale au titre du Plan (la mutualisation des fonds est aujourd’hui inopérante).

2- Les individus et leur Compte formation

- Il faut doter (ou aider à se doter) l’individu de « capitaux » (assets) qui vont luipermettre d’agir en véritable acteur de son parcours. Dans cette perspective,énoncer un droit de la formation qui instaure un droit à la formation est une étapecruciale : droit de tous les citoyens, inactifs, à la recherche d’un emploi ou déjà enemploi, salariés du secteur public ou privé. Il faut qu’un individu puisse bénéficierd’une formation pour améliorer son employabilité, pour se reclasser, pour sereconvertir, etc.

- Les individus sont donc véritablement au cœur du système. Aucun schéma ou planstratégique ne pourra être efficace si les personnes ne sont pas convaincues del’intérêt et de la nécessité de se former régulièrement. Aucun schéma au planstratégique ne pourra être opérationnel sans une prise de conscience généralisée niune implication forte. S’il ne paraît pas raisonnable d’exiger de ces personnes uneparticipation financière (laquelle ne ferait que renforcer les inégalités déjàexistantes), on peut en revanche mettre en place un système d’abondement de leurcompte individuel par leurs jours de RTT, de congés, ou d’épargne-temps. Il estégalement indispensable de réfléchir à l’investissement possible en dehors du tempsde travail en fonction des objectifs des formations suivies et de leur durée.

- Mais il faut aussi se soucier des possibilités réelles qu’on les individus de mobiliserces capitaux pour mener à bien leurs projets de vie. Tous les individus n’ont pas lesmêmes « capacités » - « capabilités » pour reprendre les termes d’Armartya Sen - àutiliser leurs capitaux, à élaborer des projets (personnels et/ou professionnels). Au-delà de la liberté formelle donnée à tous les citoyens, il faut se préoccuper de leurliberté réelle, laquelle est fonction de leurs capabilités fort variables suivant lesindividus. D’où la nécessité de créer des AFP locales qui accompagnent le projet etle parcours de formation.

- Chaque personne qui souhaitera se former ou simplement avoir desrenseignements quant au système de formation devra pouvoir appeler un numérovert national (ou visiter un site Internet). Ce numéro et cette adresse web devrontêtre indiqués sur chaque fiche paie. Le standard téléphonique (comme le site web)

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devra ensuite rediriger vers l’« Agence de Formation Professionnelle » (AFP) localedont la personne dépendra (identifiée par son code postal).

- Chaque AFP locale devra être en mesure d’accueillir - par téléphone, Internet et/oupar rendez-vous - tous les publics, quel que soit leur statut (« jeune », demandeurd’emploi, inactif ou salarié).

- L’AFP locale sera ainsi une unité opérationnelle qui permettra à chaque individud’élaborer son projet professionnel (à travers un bilan de compétences, une VAE,des entretiens personnalisés), d’informer sur d’éventuelles structuresd’accompagnement plus spécialisées (CCI, Branches professionnelles, réseau desmissions locales et des permanences d’accueil, d’information et d’orientation[ML/PAIO], etc.), de monter un dossier de demande de formation qui sera, le caséchéant, validé par l’AFP régionale.

- L’AFP locale sera elle-même intégrée, géographiquement et opérationnellement, àla « Maison de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi » (MOFE).

- Chaque AFP locale dépendra, sur un territoire donné, d’une AFP régionale, entitépolitique décisionnelle. Décider d’entamer (et de financer) une formation relèvera del’AFP régionale et uniquement de celle-ci (et non pas de l’ANPE-Unedic parexemple).

- En cas d’acceptation du projet de formation (sur la base de la pertinence du projet,de la cohérence avec les besoins économiques du territoire et d’une réserve decréances suffisantes), l’AFP locale donnera au bénéficiaire la possibilité de faire sonchoix (critères de réactivité, de proximité d’avec la personne et de coût) parmi lesoffres proposées par les organismes de formation.

- La formation validée, l’organisme de formation facturera directement auprès de laCaisse des dépôts (CDC) qui mutualisera les fonds et qui dégrèvera le compteformation de la personne du nombre d’heures effectuées. La CDC, qui agira commesimple intermédiaire financier, ne pourra s’opposer au financement

- On pourra ainsi clarifier les rôles des différents acteurs en distinguant leprescripteur, qui prescrit ou valide l'entrée dans un parcours, le payeur qui finance laformation, et enfin les opérateurs, c'est à dire les prestataires de service qui réalisentla formation : la prescription doit relever de la seule Agence de la Formationprofessionnelle (et non, par exemple, du Pôle Emploi ou de l’AFPA) ; le paiementprovient de la Caisse des dépôts et consignation pour ce qui concerne les actions deformation stricto sensu, et du Pôle Emploi pour, le cas échéant, la rémunération despersonnes formées (cf. partie suivante sur le financement) ; la mise en œuvreconcrète des actions de formation est le fait des organismes de formation, qu’ilssoient publics (AFPA, chambres consulaires, CNAM, CNED, etc.) ou privés.

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- Si la demande d’usage du compte provient d’une personne salariée, unediscussion-négociation sera nécessaire avec l’employeur afin que celui-ci accepte delaisser le salarié partir en formation. Il s’agira donc nécessairement d’une co-décisioncomme dans le cas du DIF ou du CIF CDI aujourd’hui. Un refus de l’employeur devraêtre justifié et ne pourra être que temporaire sur le modèle de ce qui existeactuellement avec le CIF. En cas de différend durable entre l’employeur etl’intéressé, l’inspecteur du travail dont relève l’entreprise pourra, comme c’est aussile cas pour le CIF, être saisi par l’une des parties et pris pour arbitre. Si l’on parle de« droit », ce droit devra pouvoir être exécuté dès lors que les conditions d’éligibilitésont réunies ; un recours devant un tribunal compétent devra dès lors, le caséchéant, être possible.

- Si la demande d’usage du compte provient d’une personne hors de l’entreprise, ladécision reviendra uniquement à l’AFP régionale qui validera ou non le projet deformation. L’individu ne pourra, seul, décider de la manière dont il usera de soncompte formation. Il ne s’agira pas d’un compte bancaire sur lequel il pourra tirer àsa guise, mais d’un droit de tirage sous conditions, lesquelles seront 1/ que lecompte soit suffisamment provisionné, 2/ que la demande de formation soitcohérente avec la trajectoire professionnelle passée et envisagée, et 3/ qu’ellecorresponde aux objectifs et priorités définis par l’AFP au regard des besoinséconomiques du territoire.

- Le contenu de ce compte (libellé en heures) devra être évalué au regard desbesoins de formation tout au long de la vie : formations tantôt courtes(développement personnel, perfectionnement d’une langue étrangère, cours debureautique par exemple), tantôt de durée moyenne (perfectionnement à un poste detravail, complément de qualification), tantôt de longue durée (diplômation,reconversion). A titre d’exemple, on pourra considérer que toute personne aurabesoin (et donc droit) de : une action de formation longue (en moyenne 800 h) danssa vie, dans une optique de diplômation ; une action de formation de durée« moyenne » (160 h environ, soit 20 jours à temps plein) tous les 10 ans ; une actionde formation courte (en moyenne 32 h, soit quatre jours pleins) tous les 5 ans.

- Concrètement un individu devra pouvoir, quelle que soit sa situation d’activité, seformer en puisant dans ce fond. Ce dernier ne devra donc pas être limité à certainspublics ou dépendre de conventions entre acteurs, mais au contraire être ouvert àtous, indépendamment des formations qu’une personne sera susceptible de recevoirpar/dans l’entreprise dans laquelle il travaillera (dans le cadre du Plan de formationou de la Professionnalisation).

3- Les entreprises et le Plan de formation

- Les entreprises sont les uniques responsables de l’adaptation de leurs employés àleur poste de travail et sont co-responsables de l’ensemble de leur trajectoireprofessionnelle. Elles doivent donc à la fois financer les formations de leurs salariésdans le cadre du Plan de formation, se soumettre à une obligation légale au titre de

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la Professionnalisation (versement obligatoire à un OPCA) et des comptesformations (versement obligatoire à la Caisse des dépôts et consignation).

- Les entreprises sont libres de leur stratégie de développement économique maisaussi humain. Elles peuvent choisir de former les salariés qu’elles souhaitent si celacorrespond à leurs besoins et donc impérativement rester maîtresses de leur Plan deformation (ou de leurs choix de Professionnalisation).

- Mais simultanément, elles sont (co)responsables de l’employabilité de leurssalariés, que ce soit directement par rapport à leur situation dans l’emploi (maintiendans l’emploi et mobilité interne), qu’indirectement par rapport à l’ensemble de leurtrajectoire professionnelle (mobilité externe). L’entreprise ne peut donc pas sedéfausser de sa responsabilité et renvoyer tout l’effort de formation vers l’utilisationdu compte individuelle de formation, et encore moins considérer que le salarié (oules pouvoirs publics) est désormais le seul gestionnaire de son parcoursprofessionnel.

- Les entreprises doivent se plier à deux types d’obligation :

o Ce qui relève du droit inscrit dans l’emploi correspond au Plan deformation. Je suggère de passer d’une obligation de moyen (obligationlégale de financement) à une obligation de résultat : accroître lesqualifications-compétences des salariés afin que ceux-ci puissentconserver leur emploi.

o Ce qui relève en revanche du droit commun professionnel dépasselargement les intérêts des seules entreprises et participe du bonfonctionnement de la collectivité. Il est donc logique qu’une obligationlégale leur soit dès lors exigée.

- Le Plan de formation (qui rassemble aujourd’hui l’ensemble des actions deformations définies dans le cadre de la politique de gestion du personnel del’entreprise) pourra, quant à lui, être simplifié. Plutôt que de conserver le système declassification en 3 catégories (actions d’adaptation au poste ; actions liées àl’évolution des emplois ou participant au maintien dans l’emploi ; actions dedéveloppement des compétences), on pourra conserver le Plan de formation dans saphilosophie mais le restructurer autour de deux objectifs clairs : l’adaptation dusalarié à son poste ; la mobilité du salarié vers un autre poste ou emploi au sein del’entreprise (mobilité « interne »).

- L’adaptation au poste de travail est une obligation légale de résultat (et non pas demoyen). La loi impose aux entreprises de maintenir l’employabilité de leurs salariés,et elles peuvent être – certaines l’ont effectivement été – condamnées si elles n’yparviennent pas. Cette règle doit être confirmée afin, notamment, que les entreprisesne se défaussent sur l’usage d’un éventuel Compte formation.

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Annexe

Dépenses de formation professionnelle dans l’Union européenne

1998 2006BelgiqueDépense totale (en millions d’€)Par habitant en âge de travailler (en €)

363,854,3

632,891,2

AllemagneDépense totalePar habitant en âge de travailler

8593,1155,7

7859,8144,1

IrlandeDépense totalePar habitant en âge de travailler

196,379,9

367,4126,1

EspagneDépense totalePar habitant en âge de travailler

819,130,4

1424,347,0

FranceDépense totalePar habitant en âge de travailler

5452,0147,4

5170,2131,6

ItalieDépense totalePar habitant en âge de travailler

2853,873,8

3187,482,3

Pays-BasDépense totalePar habitant en âge de travailler

331,931,3

693,663,3

AutricheDépense totalePar habitant en âge de travailler

413,277,5

1031,9186,5

PortugalDépense totalePar habitant en âge de travailler

239,735,0

389,354,7

FinlandeDépense totalePar habitant en âge de travailler

616,1180,4

624,0179,1

SuèdeDépense totalePar habitant en âge de travailler

2871,5506,4

1032,7173,5

Royaume-UniDépense totalePar habitant en âge de travailler

578,115,2

374,49,6

NorvègeDépense totalePar habitant en âge de travailler

547,9192,6

692,4226,1

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Taux d’accès à la formation professionnelle

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Investissement actuel de l’Etat dans la formation professionnelle

Source : Alain Lambert, « Les relations entre l’Etat et les collectivités locales », Rapport du groupe detravail de la Révision générale des politiques publiques, décembre 2007, p.38, http://www.premier-ministre.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_etat_collterritoriales_071207.pdf

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Les contributions financières des entreprises depuis l’ANI de 2003

Contributions Taux 76 Utilisation

Contributions des entreprises demoins de 10 salariés :

Formation professionnelle continue 0,40 %

Versement obligatoire à un OPCAProfessionnalisation et DIF 0,15 %

CIF-CDD77 1 %

Contributions des entreprises de 10- 20 salariés :

Plan de formation et versements divers 0,9 % Versement à un OPCA et/ou utilisationdirecte.

Professionnalisation et DIF 0,15 %Versement obligatoire à un organisme

collecteur (OPCA, OPACIF)CIF-CDD 1 %

Contributions des entreprises deplus de 20 salariés :

Plan de formation et versements divers 0,9 %Versement à un OPCA et/ou utilisation

directe.

Professionnalisation et DIF 0,50 %

Versement obligatoire à un organismecollecteur (OPCA, OPACIF)CIF - CDI 0,20 %

CIF - CDD 1 %

76 % de la masse salariale.77 Pour les CIF – CDD il s’agit d’un % de la masse salariale des CDD uniquement.

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Page 112: Personnaliser la formation professionnelle continue. Une proposition de réforme

La négociation de branche en matière de formation p rofessionnelle 78

Le contenu de cette négociation est extrêmement large puisque aux termes del'article L. 934-2 du code du travail, il porte « notamment » sur les points suivants :

1 - La nature des actions de formation et leur ordre de priorité ;2 - La reconnaissance des qualifications acquises du fait d'actions de formation ;3 - Les moyens reconnus aux délégués syndicaux et aux membres des comitésd'entreprise pour l'accomplissement de leur mission dans le domaine de laformation ;4 - Les conditions d'accueil et d'insertion des jeunes dans les entreprises du point devue de la formation professionnelle, notamment dans le cadre des contratsd'insertion en alternance ;5 - Les objectifs en matière d'apprentissage, les priorités à retenir en termes desecteurs, de niveaux et d'effectifs formés ainsi que les conditions de mise en oeuvredes contrats d'apprentissage ;6 - Les actions de formation à mettre en oeuvre en faveur des salariés ayant lesniveaux de qualification les moins élevés, notamment pour faciliter leur évolutionprofessionnelle ;7 - La définition et les conditions de mise en oeuvre des actions de formation en vued'assurer l'égalité d'accès des hommes et des femmes à la formationprofessionnelle ;8 - Les conditions d'application, dans les entreprises qui consacrent à la formation deleurs salariés un montant au moins égal à l'obligation minimale légale ou celle fixéepar convention ou accord collectif de branche relative à la participation desemployeurs au financement de la formation professionnelle continue, d'éventuellesclauses financières convenues entre l'employeur et le salarié avant l'engagement decertaines actions de formation et applicables en cas de démission, les versementseffectués au titre de ces clauses étant affectés par l'entreprise au financementd'actions dans le cadre du plan de formation ;9 - La recherche de réponses adaptées aux problèmes spécifiques de formationdans les petites et moyennes entreprises et en particulier dans celles ayant moins dedix salariés ;10 - Les conséquences éventuelles des aménagements apportés au contenu et àl'organisation du travail ainsi qu'au temps de travail sur les besoins de formation ;11 - Les conséquences de la construction européenne sur les besoins et les actionsde formation ;12 - Les conséquences sur les besoins et les actions de formation du développementdes activités économiques et commerciales des entreprises françaises à l'étranger ;13 - Les modalités d'application par les entreprises des dispositions de l'éventuelaccord de branche résultant de ladite négociation

78 Bernard Seillier et Jean-Claude Carle, « Formation professionnelle : le droit de savoir », Rapport dela mission commune d’information du Sénat, juillet 2007, http://www.senat.fr/rap/r06-365-1/r06-365-172.html

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Répertoire des sigles utilisés

AFP : Agence de Formation Professionnelle

AFPA : Association de Formation Professionnelle des Adultes

ANI : Accord National Interprofessionnel

ANPE : Agence Nationale Pour l’Emploi

AROPA : Agence Régionale de l’Orientation, de la Professionnalisation et del’Apprentissage

BEP : Brevet d’Etudes Professionnelles

BTS : Brevet de Technicien Supérieur

CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle

CCI : Chambre de Commerce et d’Industrie

CCP : Certificats de Compétence Professionnelle

CCREFP : Comité de Coordination Régional de l’Emploi et de la FormationProfessionnelle

CESR : Conseil Economique et Social Régional

CFA : Centre de Formation des Apprentis

CIF : Congé Individuel de Formation

CNAM : Conservatoire National des Arts et Métiers

CNCP : Commission Nationale de la Certification Professionnelle

CNFTLV : Conseil National de la Formation Tout au Long de la Vie

COM : Contrat d’Objectifs et de Moyens

COPIRE : Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales pour l’Emploi

CPNE : Commission Paritaire Nationale pour l'Emploi

CPNFP : Comité Paritaire National pour la Formation Professionnelle

CPTE : Commission Paritaire Territoriale pour l’Emploi

DARES : Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques

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Page 114: Personnaliser la formation professionnelle continue. Une proposition de réforme

DGEFP : Direction Générale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle

DIF : Droit Individuel à la Formation

DUT : Diplôme Universitaire de Technologie

FUP : Fonds Unique de Péréquation

GRETA : Groupements d’établissements publics locaux d’enseignement

IUT : Institut universitaire de technologie

ML : Mission Locale

MOFE : Maison de l’Orientation, de la Formation et de l’Emploi

OF : organisme de formation

OPCA : Organisme Paritaire Collecteur Agrée

OREF : Observatoire Régional Emploi Formation

PAIO : Permanence Accueil Information Orientation

PRDF : Plan Régional de Développement des Formations

RNCP : Répertoire National des Certifications Professionnelles

SRDE : Schéma Régional des Développements Economiques

VAE : Validation des Acquis de l’Expérience

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Page 115: Personnaliser la formation professionnelle continue. Une proposition de réforme

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