philodoc_hist-géo_ lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/philodoc … · web...

13
φ DOC DOC ; Hist-Géo ; Hist-Géo Les 5 lycéens de Buffon 1943 Les 5 lycéens de Buffon 1943 Vous trouverez l’original à l’adresse ci-dessous http://perso.wanadoo.fr/memoire78/pages/bu.html Les lieux de mémoire des "cinq martyrs du lycée Buffon" L’action des cinq étudiants du lycée Buffon symbolise la résistance lycéenne contre l’occupant nazi. C’est une résistance adolescente, isolée, peu entraînée, mal armée, fragile et forte d’un idéal. L’histoire leur a fourni l’opportunité d’exercer leur goût du refus et de la contestation propre à leur âge. D’instinct, ces jeunes hommes ont dit "non" et se sont battus alors que la majorité des Français s’accomodaient de "l’attentisme", parfois de compromis voire même de délation. Voici leur histoire : Les cinq étudiants du lycée Buffon Le texte ci-dessous est extrait de la brochure DMPA, collection "Mémoire et Citoyenneté n°31: "Les cinq étudiants du lycée Buffon". Après la défaite et la signature, le 22 juin 1940, de l’armistice qui aboutit à l’occupation d’une partie du territoire national par les troupes allemandes, tous les français ne se résignent pas. Tandis que, répondant à "l’Appel du 18 juin", certains parviennent à rejoindre le général de Gaulle en Angleterre, d’autres choisissent de poursuivre la lutte de l’intérieur. Des noyaux de résistance se forment; les actes de résistance, individuels ou collectifs, se font de plus en plus nombreux. Dans les facultés et les lycées parisiens, la rentrée scolaire s’effectue dans une atmosphère de sourde opposition. Des tracts appelant à la lutte commencent à circuler, des slogans anti-allemands apparaissent sur les murs. La croix de Lorraine inscrite dans le "V" de la victoire. Graffiti "de type" Tract de la Résistance étudiante parisienne appelant à la célébration du 11 novembre 1940 à l’Arc de Triomphe sur la tombe

Upload: others

Post on 27-Aug-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

φφ DOC DOC  ; Hist-Géo; Hist-Géo Les 5 lycéens de Buffon 1943 Les 5 lycéens de Buffon 1943

Vous trouverez l’original à l’adresse ci-dessous http://perso.wanadoo.fr/memoire78/pages/bu.html

 Les lieux de mémoire des "cinq martyrs du lycée Buffon"

L’action des cinq étudiants du lycée Buffon symbolise la résistance lycéenne contre l’occu-pant nazi. C’est une résistance adolescente, isolée, peu entraînée, mal armée, fragile et forte d’un idéal. L’histoire leur a fourni l’opportunité d’exercer leur goût du refus et de la contestation propre à leur âge. D’instinct, ces jeunes hommes ont dit "non" et se sont bat-tus alors que la majorité des Français s’accomodaient de "l’attentisme", parfois de compro-mis voire même de délation. Voici leur histoire :

 Les cinq étudiants du lycée BuffonLe texte ci-dessous est extrait de la brochure DMPA, collection "Mémoire et Citoyenneté n°31: "Les cinq étudiants du lycée Buffon".

Après la défaite et la signature, le 22 juin 1940, de l’armistice qui aboutit à l’occupation d’une partie du territoire national par les troupes allemandes, tous les français ne se résignent pas. Tandis que, répon-dant à "l’Appel du 18 juin", certains parviennent à rejoindre le général de Gaulle en Angleterre, d’autres choisissent de poursuivre la lutte de l’intérieur. Des noyaux de résistance se forment; les actes de résistance, individuels ou collectifs, se font de plus en plus nombreux. Dans les facultés et les lycées parisiens, la rentrée scolaire s’effectue dans une atmosphère de sourde opposition. Des tracts appelant à la lutte commencent à circuler, des slogans anti-allemands apparaissent sur les murs.

La croix de Lorraine inscrite dans le "V" de la victoire. Graffiti "de type" gaulliste marqué à la craie sur un mur de Paris en 1943. Dès 1941, les V et les croix de Lor-raine inscrites sauvagement dans l’espace public se multiplient pour contrecarrer la propagande nazie et de Vichy. ( coll.BHVP)

Tract de la Résistance étudiante parisienne appelant à la célébration du 11 novembre 1940 à l’Arc de Triomphe sur la tombe du Soldat inconnu. Les jeunes étudiants et lycéens -environ 3000 - participants à cette manifestation interdite par les autorités françaises et allemandes seront violemment réprimés par les soldats allemands aidées des forces de l’ordre française. Le vrai visage de la politique de collaboration apparaît ainsi au grand jour: elle est synonyme de complicité du gouvernement avec l’occupant et de répression. (coll. Musée de la Résistance nationale- Champigny-sur-Marne, 94)

Page 2: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

Paris. Défilé des troupes alle-mandes à l’Etoileen juin 1940. (coll. DMPA)

Plaque commémorative en hommage aux étudiants qui ont manifesté le 11 novembre 1940 devant la tombe du soldat inconnu à l’Arc de Triomphe, Paris - 8ème arr. (coll. Jean Vantin)

Au lycée Buffon, comme dans d’autres établissements parisiens (Janson-de-Sailly, Carnot, Henri IV, Vol-taire...), le mouvement de résistance se dessine, tant chez les élèves que chez les enseignants. Le 11 novembre 1940, ils sont présents dans le cortège des étudiants venus fleurir la tombe du Soldat incon-nu lors de la manifestation patriotique organisée à l’Arc de Triomphe en dépit de l’interdiction des au-torités allemandes et de la Préfecture de Police.

La façade principale du lycée Buffon, 16, boulevard Pasteur,Paris 15ème. arrondissement.(coll. privée).

Les cinq étudiants du Lycée Buffon : Pierre Benoît, Jacques Baudry, Pierre Gre-lot, Lucien Legros, Jean-Marie Arthus. Tous en classe de Première au moment de leur arrestation à l’exception de Jacques Baudry en classe préparatoire Mathéma-tique- spéciale.(coll. DMPA)

Le même désir d’agir, de lutter par tous les moyens contre l’occupant, anime Jean-Marie Arthus (15 ans en 1940), Jacques Baudry (18 ans), Pierre Benoît (15 ans), Pierre Grelot (17 ans) et Lucien Legros (16 ans). Cinq adolescents de la bourgeoisie parisienne (fils de prof, de psychiatre, de fonctionnaire), cinq élèves jusqu’ici sans histoire du lycée Buffon. Distribuant des tracts, collant des papillons, ils multi -plient les appels auprès de leurs camarades. Ils s’efforcent de leur faire comprendre que la guerre n’est pas finie; qu’il faut lutter contre l’armée d’occupation. Ils installent une petite imprimerie qui leur per-met de reproduire leurs appels chez l’un d’entre eux où ils cachent également leurs premières armes. Ils prennent des pseudonymes: "Marchand, André, Françis, Paul, Jeannot". Les services de police s’in-quiètent des activités de ces jeunes gens dont ils ne connaissent pas encore l’identité.

Au cours de l’année 1941, les groupes et les réseaux de résistance se développent; les attentats et les sabotages se multiplient contre l’occupant dont les mesures de répression s’intensifient. Les cinq condisciples décident durant l’hiver de s’engager plus avant dans la résistance armée en adhérant au mouvement qui donnera naissance aux Francs-Tireurs et Partisans (FTP).

Page 3: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

Raymond Burgard, profes-seur de Lettres au lycée Buf-fon et membre fondateur du mouvement de résistance "Valmy".

"Valmy", l’un des plus anciens journal de la Résistance à la-quelle participe Raymond Bur-gard.

En avril 1942, un professeur de Lettres au Lycée Buffon, Raymond Burgard, un des principaux meneurs du mouvement de résistance "Valmy", est arrêté à son domicile par l’Abwehr. La réaction de ses élèves est immédiate. Ils décident de protester publiquement. Durant les vacances de Pâques, ils organisent une manifestation qui se déroule le jeudi 16 avril 1942, jour de la rentrée. A la récréation du matin, une cinquantaine d’élèves d’autres établissements, conduits par Lucien Legros, force l’entrée du lycée et rejoint le groupe de Buffon (un cinquantaine d’élèves), mené par Pierre Benoît. Jean-Marie Arthus, Jacques Baudry et Pierre Grelot. Ils sont chargés de surveiller et de donner l’alerte en cas de danger. La manifestation se dirige vers "la cour des grands" en criant : "Libérez Burgard" et en chantant la Mar-seillaise.

Couloirs, arcades et cour du lycée Buffon.(coll.privée)

Couloirs, arcades et cour du lycée Buffon.(coll.privée)

Page 4: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

Couloirs, arcades et cour du lycée Buffon.(coll.privée)

Couloirs, arcades et cour du lycée Buffon.(coll.privée).

Pendant dix minutes, tracts et appels sont lancés. Les élèves commencent à se disperser alors que la cloche retentit mais un agent du lycée a fait fermer les issues et prévenir la police. Les cinq jeunes réussissent à s’enfuir, Arthus et Legros par "le petit lycée", Baudry, Benoît et Grelot en se cachant dans les caves de l’établissement avec l’aide de Jacques Talouarn. Lors de ce coup d’éclat, Lucien Legros et Pierre Benoît sont reconnus et dénoncés aux autorités. Désormais fichés comme "Jeunes gens très dan-gereux" et recherchés, ils sont désormais obligés de vivre dans la clandestinité.

Loin de cesser, l’activité des cinq amis s’intensifie. Le groupe passe à la lutte armée. En moins de trois mois, ils participent à deux attentats contre des soldats et des officiers allemands, rue de l’Armorique dans le 15ème puis quai Malaquais dans le 6ème arrondissement. Tireurs novices, aucun d’entre eux ne blesseront grièvement leurs adversaires. Aussi, Ils lancent des grenades contre un amiral allemand et ses invités au cours d’une réception donnée à bord d’une vedette amarrée quai de Tokyo. Les dé-gâts occasionnés par cette action sont minimes. Enfin, ils continuent à glisser des tracts sous des portes, coller des affiches... accomplissant tous ces gestes, "petits" et "grands", qui contribuent à saper le moral de l’occupant et à entretenir un climat d’insécurité.

Les 3 et 4 juin 1942, quatre d’entre eux sont arrêtés, sur dénonciation. Seul Pierre Benoît parvient à s’échapper. Le 17 juin, Lucien Legros, Jean-Marie Arthus et Pierre Grelot comparaissent devant le tribunal spécial de Paris pour avoir participé à une manifestation rue de Buci. La sanction est sans appel: travaux for-cés à perpétuité pour les trois jeunes gens. Compromis par ailleurs dans des attentats contre les troupes d’occupation, ils sont remis, ainsi que Jacques Baudry, aux autorités militaires allemandes. Pierre Benoît, en fuite, est condamné à mort par contumace.

Page 5: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

Circulaire de la Préfecture de Police de Paris - service des Renseignements Généraux -adressé à toutes les forces de l’ordre du pays, concernant Pierre Benoît : "(...) Il s’agit d’un chef terroriste très dangereux, toujours armé et se sachant recherché."

Pierre Benoît rejoint un groupe FTP de Seine-et-Marne, à Moret-sur-Loing, près de Fontainebleau ou il poursuit la lutte. Il participe avec ce nouveau groupe à des sabotages et à des attentats contre des col-laborateurs. Signalé par les renseignements généraux et les services de police comme "chef terroriste très dangereux, toujours armé et se sachant recherché ", il est activement recherché dans toute la France. Pierre Benoît tombe finalement entre les mains de la police française, le 28 août 1942, alors qu’il avait rendez-vous, près de la gare Saint-Lazare, avec une résistante arrêtée la veille. Après avoir été longuement interrogé, il est livré aux Allemands.

Le 15 octobre 1942, après un nouveau procès, les cinq jeunes sont condamnés à mort par le tribunal de la Luftwaffe et transférés à la prison de Fresnes. Ils poursuivent leur action au sein même de la pri-son où ils s’efforcent de rallier leurs gardiens et refusent de recevoir la visite de l’aumônier allemand car il porte l’uniforme SS. Considérés comme fortes têtes, ils sont privés de courrier et de visites. Jacques Baudry et Lucien Legros tentent à deux reprises de s’évader mais sont repris et mis aux fers. Le 8 février 1943, vers 11 heures du matin, ils sont fusillés au stand de tir d’Issy-les-Moulineaux. Puis, leur corps est jeté dans une fosse commune du cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine.

Page 6: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

Cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), divi-sion 40. Stèle du souvenir erigée sur le lieux même où les corps des résistants-fusillés étaient hativement ense-velis après leur execution au Mont Valérien ou au stand de tir d’Issy-les-Moulineaux (Balard). C’est dans cette fosse commune que l’on retrouve et identifie, à la Libéra-tion, les restes des cinq étudiants de Buffon. (coll. ONAC78)

Après la fin de la guerre, Jean-Marie Arthus, Jacques Baudry, Pierre Benoît, Pierre Grelot et Lucien Le-gros ont été décorés à titre posthume de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre et de la Médaille de la Résistance et cités à l’Ordre de la Nation. Leurs services ont été homologués au ministère des Ar-mées avec le grade d’officier.

 Les lieux du souvenir des cinq martyrs du lycée Buffon :

Plaque en hommage au professeur Burgard, du mouvement de résistance Valmy, située dans le hall d’entrée du lycée Buffon. (coll.-privée)

Plaque en hommage aux cinq lycéens résis-tants située dans le hall d’entrée du lycée Buffon. (coll.privée)

Page 7: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

Plaque commémorative - numéro 6 de l’avenue de la porte de Sèvres - Paris, 15ème.arr. Plaque scellée sur un mur d’enceinte d’un bâtiment de l’armée de l’air. Le lieu d’exécution de ces résis-tants - le stand de tir d’Issy-les-Moulineaux- a été rasé lors de la construction du boulevard périphérique dans les années 50. Sur cette plaque figurent les noms des 160 fusillés du stand de tir d’Issy

dont les cinq étudiants de Buffon. (coll.privée)

Paris, limite entre le 14 et 15ème. arrondisse-ment : Place des cinq martyrs du lycée Buf-fon entre la place de la Catalogne et le boule-vard Pasteur qui mène au lycée Buffon (coll. ONAC 78).

Paris, 15 ème arrondissement, près de la Porte de Vanves, rue portant le nom d’un des cinq étudiants-résistants du lycée Buf-fon : Jacques Baudry.(coll. ONAC 78)

Des plaques, stèles ainsi que des rues rappèlent aujourd’hui aux passants l’existence de ce groupe de très jeunes résistants. Dans le hall d’entrée du lycée Buffon, une plaque à leur mémoire ainsi qu’à celle de Raymond Burgard, professeur-résistant, ont été apposées. L’appellation de "cinq martyrs du lycée Buffon" qui rappelle leur communauté de destin dans la mort, est perpétué avec la nomenclature de la voirie parisienne. En 1958, le pont qui enjambe les voies ferrées de la gare Montparnasse est baptisé "Pont des cinq martyrs du lycée Buffon". Lors de la refonte de ce secteur en quartier d’affaires au dé -but des années 90 (Z.A.C. de Vaugirard), le pont est transformé en place et la référence aux jeunes ly -céens résistants a été conservée. De plus, une rue du 15ème arrondissement porte le nom du plus âgé des cinq lycéens résistants: Jacques Baudry. Enfin, en 1952, leurs corps sont incinérés et l’urne conte-nant leurs cendres est placée dans la crypte de la chapelle de la Sorbonne au côté de douze universi -taires-résistants. Désormais, les cinq lycéens reposent dans l’enceinte de l’une des plus anciennes et prestigieuses universités d’Europe.

Page 8: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

La chapelle de la Sorbonne, Paris 5ème.arr.Les cinq étudiants de Buffon reposent dans la crypte de la chapelle.

 Les dernières lettres des cinq étudiants du lycée Buffon :

Ce sont surtout les dernières lettres, rédigées à la prison de Fresnes et adressées à leurs familles à l’approche de leur exécution, qui contribuent à les faire entrer dans la postérité. Dans ces témoi-gnages, ils parlent d’amour, prodiguent des recommandations à leurs proches, affirment la justesse de leur combat et semble attendre sereinement le dernier moment. Ces lettres, simples, émouvantes et profondes sont l’ultime acte de résistance de ces jeunes qui, face à la mort, reste digne.

Lettre de Pierre Benoît (18 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février 1943, jour de leur exécution

"Mes chers parents, mes chers amis,

C’est la fin ! On vient nous chercher pour la fusillade.Tant pis... Mourir en pleine victoire*, c’est un peu vexant, mais qu’importe ! le rêve des hommes fait événement...Nano, souviens-toi de ton frangin. Jusqu’au bout il a été propre et courageux et, devant la mort même,je ne tremble pas.Adieu petite maman chérie. Pardonne-moi tous les tracas que je t’ai faits. J’ai lutté pour une vie meilleure; peut-être un jour que tu me comprendras !Adieu mon vieux papa. Je te remercie d’avoir été chic avec moi. Garde un bon souvenir de ton fils.Toto, Tototte, adieu, je vous aimais comme mes autres parents. Nano sois un bon fils, tu es le seul fils qui leur reste, ne fais pas d’imprudence.Adieu tous ceux que j’ai aimés, tous ceux qui m’aimaient, ceux de Nantua et les autres.La vie sera belle. Nous partons en chantant. Courage ! Ce n’est pas si terrible après six mois de prison.

Page 9: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

Mes derniers baisers à vous tous

Votre Pierrot".

* Note : Allusion à la capitulation de l’armée allemande à Stalingrad le 2 février 1943 face à l’armée so-viétique.La défaite de Stalingrad marque pour le IIIème Reich un tournant décisif dans la guerre à l’Est. Après cette date, l’Allemagne accumule les revers sur les différents fronts.

 Lettre de Lucien Legros (18 ans) à sa famille. Prison de Fresnes, le 8 février 1943, jour de leur exécution:

"Mes parents chéris, mon frère chéri,

je vais être fusillé à onze heures avec mes camarades.Nous allons mourir le sourire aux lèvres car c’est pour le plus bel idéal.J’ai le sentiment à cette heure d’avoir vécu une vie complète.Vous m’avez fait une jeunesse dorée; je meurs pour la France, donc je ne regrette rien.Je vous conjure de vivre pour les enfants de Jean.Reconstruisez une belle famille...Jeudi j’ai reçu votre splendide colis: j’ai mangé comme un roi.Pendant ces quatre mois, j’ai longuement médité: mon examen de conscience est positif, je suis en tout point satisfait.Bonjours à tous les parents et amis. Je vous serre une dernière fois sur mon coeur.

Lucien".

 Lettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février 1943,  jour de leur exécution

Page 10: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

La dernière lettre de Jacques Baudry à ses parents (MRN-Champigny-sur-Marne)

"Mes pauvres Parents chéris,

On va m’arracher cette vie que vous m’avez donnée et à laquelle je tenais tant. C’est infiniment dur pour moi et pour vous ! J’ai eu la chance de savoir avant de mourir que vous étiez courageux. Restez-le. surtout ma petite maman, que j’embrasse de tout mon pauvre coeur. Mes pauvres chéris. J’ai accepté le combat, vous le savez. Je serai courageux jusqu’au bout. La guerre sera bientôt finie. Vous serez quand même heureux dans la paix, un peu grâce à moi. Je veux retourner à Douchy à côté de Pépère et Mémère. J’aurai voulu encore vivre pour vous aimer beaucoup. Hélas, je ne peux pas. La surprise est amère. J’ai eu les jour-naux. Nous mourons en pleine victoire *. Exécution ce matin à 11 heures. Je penserai à vous. A Nicole. Hélas, nos beaux projet d’avenir ! Qu’elle ne m’oublie pas non plus, ni mes Parents. Mais surtout la vie continue pour elle. Qu’elle profite de sa jeunesse. Papa, Maman, mes chéris, qui m’avez tant aimé. Adieu. Je vous étreins bien fort tous trois. Courage. Vivez. Je vous embrassele plus tendrement pour la vie. Adieu Papa, Maman.

Adieu Nicole. Vive la France !

Votre Jacques. "

Lettre reproduite dans le cahier iconographique n° 17 et 18.* Note : Allusion à la capitulation de l’armée allemande à Stalingrad le 2 février 1943 face à l’armée so-viétique.

Extraits de la Lettre de Pierre Grelot (20 ans) à sa mère.Prison de Fresnes, le 8 février 1943, jour de leur exécution

Page 11: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

"Maman chérie,

La censure allemande ne me permettant pas de mettre sur mes lettres tout ce que je désirerais te faire savoir, je te fais parvenir ce message que tu ne liras qu’après la Victoire.Je voudrais te dire tout d’abord le chagrin que j’ai de ton malheur, et mon angoisse quand j’ai appris que vous aviez failli être fusillés et que ce n’est qu’à la dernière minute que vous avez été sauvés. Il ne suffisait pas que tu me perdes, il fallait aussi que toute la famille expie le crime d’avoir voulu sauver la Patrie.(...)Je voudrais maintenant te dire, maman chérie, ce qu’a été ma vie depuis le 30 juin. Je suis seul dans une cellule sans soleil, comme la plupart des autres camarades de souffrances et de combat, mourant de faim, sale, à peine à manger, pas de promenade, pas de lecture, souffrant de froid, et depuis le 7 juillet, je porte nuit et jour les menottes derrière le dos. Je serais un bien mauvais Français, si je n’avais pu trouver le moyen de les ôter !Le seul réconfort à tous ces supplices (j’oubliais les coups de nerfs de boeuf que j’ai reçus à la Gesta-po), c’est la certitude de la victoire * (car bien qu’au secret, on réussit à avoir quelques nouvelles) et l’héroïsme des camarades qui partent à la mort en chantant. La France peut-être fière d’avoir de tels enfants. J’espère que la patrie reconnaissante saura récompenser votre sacrifice, qui est celui e tant de familles, et qu’elle saura reconstruire tous les foyers détruits par la barbarie impérialiste.

J’ai été jugé avec mes camarades le 15 octobre. Cela n’a été qu’une comédie. Nous savions à l’avance quel serait le verdict puisque, pour rien, on condamne à mort. Mon acte d’accusation portait : "propa-gande antifasciste et contre l’armée d’occupation, port et détention d’armes et de munitions, etc.". Une seule de toutes ces choses suffisait pour me faire condamner à mort, aussi il n’y avait pas de salut possible. Nous avons tous été condamnés à la peine de mort. Notre attitude devant le tribunal a été digne et noble. Nous avons su imposer le respect à ceux qui assistaient au procès. Les soldats étaient émus, et j’en ai vu un qui pleurait. Pense que nous avions de 17 à 20 ans. Quand, après l’arrêt, le pré-sident nous a demandé si nous vouliions ajouter quelque chose à nos déclarations, nous avons tous dit notre fierté de mourir pour la Patrie. J’ai moi-même répondu : "Je suis fier de mériter cette peine". S’il leur restait encore quelques scrupules, ça les leur a enlevés.(...)Je t’embrasse une dernière fois de tout mon coeur, Maman chérie. Je meurs en Français, le front haut, ton nom sur les lèvres, ta pensée dans mon coeur.Ton petit Pierre."(...)Lettre reproduite dans le cahier iconographique n°20.(* Note : Allusion à la capitulation de l’armée allemande à Stalingrad le 2 février 1943 face à l’armée soviétique.)

 Lettre de Jean Arthus (18 ans) à son père. Prison de Fresnes, le 8 février 1943, jour de leur exécution:

Jean-Marie ARTHUS

"Mon grand chéri,

Je ne sais si tu t’attendais à me revoir, je m’y attendais; on nous a appris ce matin que c’était fini. Alors, adieu ! Je sais que c’est un coup très rude pour toi, mais j’espère que tu es assez fort et que tu vas continuer à vivre en gardant confiance en l’avenir.Travaille, fais cela pour moi; continue les livres que tu voulais écrire; pense que je meurs en Français

Page 12: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

pour ma patrie.

Je t’embrasse bien.Aux enfants, à André et à ma filleule.Adieu, mon grand chéri.

Jean Arthus."

(Lettre reproduite dans le cahier iconographique n°20.)

 Poème de Paul Eluard, ami de la famille Legros, en hommage à Lucien Legros et à ses ca-marades, 1944 :

La nuit qui précéda sa mortFut la plus courte de sa vieL’idée qu’il existait encoreLui brûlait le sang aux poignetsLe poids de son corps l’écoeuraitSa force le faisait gémirC’est tout au fond de cette horreurqu’il a commencé à sourireIl n’avait pas UN camaradeMais des millions et des millionsPour le venger, il le savaitEt le jour se leva pour lui.

Paul Eluard.Paul Eluard par Fernand Léger pour illustrer le célèbre poème "Liberté".

Sculpture en hommage "Aux étudiants morts dans la Résistance" de Gaston-Clotaire Wat-kin, 1956.Sculpture qui s’inspire des paroles du "Chant des Partisans" : "Ami si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place" et se présente comme le symbole de l’union salvatrice et du sacrifice d’une jeunesse fran-çaise. Jardin du Luxembourg, Paris 6ème. arrondissement. (coll. DMPA)

 Sources et bibliographie :

Brochure de la DMPA, collection "Mémoire et citoyenneté" n°31, "Les cinq étudiants du lycée Buffon",éd: DMPA-Ministère de la Défense, février 2003.

Page 13: PhiloDoc_Hist-Géo_ Lycéens de …ddata.over-blog.com/xxxyyy/1/20/77/12/word/PhiloDoc … · Web viewLettre de Jacques Baudry (21 ans) à ses parents. Prison de Fresnes, le 8 février

"La jeunesse française répond merde", film documentaire d’ Alexandre Dolgorouki et de Jacqueline Bé-nazeraf sur les cinq du lycée Buffon et la jeunesse dans la Résistance. Productions: Light production/ France 5, 2003.

"La vie à en mourir. Lettre de fusillés, 1941-1944", présentées par M. Guy Krivopissko. Paris, éd. Tallen-dier, 2003.

DVD-Rom, "la Résistance en Ile-de-France", Paris, éd. AERI, 2004. Articles de Mme Cécile HOCHARDsur "les cinq de Buffon" et sur "Raymond Burgard". Article de M. Fabrice BOURREE sur "le stand de tir d’Issy-les-Moulineaux".

Ouvrage collectif : "Signes de la collaboration et de la résistance", Ecole supérieur des arts décoratifs de Strasbourg. Paris, éd. Autrement -DMPA, 2002.