piemonte - les expositiones in ierarchiam coelestem
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7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
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GUSTAVO A. PIEMONTE
Les Expositiones in lerarchiam
coe/estem
de Jean Scot
et un opuscule hbreu pseudpigraphique du xnresiecle
Introduction*
279
Au dbut
du
xme
siecle,
l'influence
.des
ides
rigniennes
avait
dpass
le
cadre
des coles thologiques et philosophiques de la Chrtient -
ou elle
avait t consi
drable durant le siecle prcdent : et s'tendaita es groupes htrodoxes tels que
les amauriciens et, p a r a i t ~ i l les
cathares;
l'utilisation des textes
de
Jean Scot par
ces
mouvements hrtiques explique sans doute, dans une large
mesure,les
condamna
tions ecclsiastiques qui frapperent le
Periphyseon, et dont
la plus grave
fut
celle
* Le prsent travail est une version condense d'une tude indite.
Abrviations principales
- ffiuvres de Jean Scot: - Expos., Expositiones =
Expositiones
in Ierarchiam coelestem, d.
J. Barbet, Turnliout
1975
(Corpus Christianorum, Continuatio medaeualis, XXXI). -
Periph. = Periphyseon (De diuisione naturae), d. I. P. Sheldon-Willams, Dublin, livres I
(1968), II (1972) et III (1981) (Scriptores Latn Hibernae, VII,
IX
et XI): page et
Jigne
du
volume respectif sont indiques entre parentheses. Les livres
IV
et V sont cits d'apres
PL
122.
-
De
praed. =
De
diuina praedestinatione liber, d.
G.
Madec, Turnhout 1978 (Corpus
Chrst., Cont. med.,
L . - Comm. ln. =
Commentaire
sur
/ vangile de
lean
d.
E.
Jeau
neau, Pars
1972
(Sources chrtiennes,
180).
-
Hom. =
Hom/ie
sur le
prologue de
lean
d.
E.
Jeauneau, Pars
1969
(Sources chrtiennes, 151).- Carmina,
d.
Traube =
MGH, Poetae
latin aevi Carolini,
t.
III, Berln 1896, pp. 518-556.
Autres: PG,
PL
= Series graeca et
Series latina
de la Patrologie de
J. P.
Migne. MGH =
Monumenta Germaniae
Historica.- JSEHP= lean Scot Erigene
et
l histore de la philoso-
phie, Actes du Colloque
de
Laon Guillet 1975), d.
R
Roques, Pars 1977.
-
Orig.
=
Gershom
G.
Scholem,
Les
origines
de
la
Kabbale,
trad.
J.
Loewenson, Pars
1966
(Pardes).- Ursprung= Idem, Ursprung und
Anflinge
der Kabbala, Berln 1962 (original de
l'ouvrage prcdent). - Kabbalah = Idem, Kabbalah, Jerusalem
1974
(Library of Jewsh
Knowledge).-
Le
Nom = Idem, Le
Nom
et
les
symboles de Dieu dans la
mystiquejuive, trad.
M. R
Hayoun- G. Vajda,
Pars
1983 (Patrimoines. Juda isme). -
Rech.
= Georges Vajda,
Recherches
sur la
philosophie
et la Kabbale dans
la pensejuive du Moyen Age,
Pars-
La
Haye
1962.
- Comm.
=
Idem, Le Commentaire d Ezra
de
Grone
sur le Can
tique
des
Can -
ques
(traduction et Notes Annexes),
Pars
1969 (Pardes). - Notas ; Gustavo A. Pie
monte, ''Notas sobre la creato de
nhilo en
Juan Escoto Erigena , dans Sapentia (Buenos
Aires),
XXIII (1968),
37-58 et
115-132.
-
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d'Honorius III (1225)
1
Or c'est justement a
cette
poque que
se
manifesta au sein
du
Judai"sme europen, dans
le
Midi de la
France
d'abord,
en Espagne
ensuite,
le
courant de pense sotrique appel
Kabbale
(tradition), lequel
se fondait
sur une
rinterprtation des doctrines bibliques et talmudiques faite
a
l'aide d'lments
gnostiques et noplatoniciens
2
Et parmi les philosophes de cette orientation
qui
ont
probablement influenc les premiers kabbalistes spculatifs, l
faut
compter, non
seulement
des
auteurs juifs
comme
Isaac
Israel
ou
Saloman
Ibn
Gabirol,
mais
encore,
d'apres G. G. Scholem- l'un des plus minents ~ p c i l i s t e s
du
sujet -, au
moins
un
penseur chrtien de langue
latine,
qui n'est autre que Jean Scot. Cette
hypothese sur
la
prsence rignienne aux origines de
la Kabbale, a
laquelle
Scholem
attachait une grande importance
3
,
n'a pas toujours r e ~ u , amon avis, la con
sidration qu'elle mrite: les historiens de la pense hbra'ique,
a
quelques excep
tions pres, semblent a ~ o i r accul illie.avec une certaine
rserve
4
; les rignistes, pour
Translittration
de
l'hbreu
M
.
::1
B
l
G D i1.
H
w t
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1:1
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Q
R
~
s
U
s
n
T
Les
mots cits directement de 'original
du
pseudo-Ha"i Gaon sont donns d'apres
le
texte
consonantique
de
l'dition Jellinek
(cf. infra,
n.
14),
p.
ex., M'WRWT;
les
autres termes
hbreux sont
vocaliss, p.
ex., hitpasse; les noms propres sont adapts au f r a n ~ a i s ,
p.
ex.,
Ha"i.
1
Cf.
M.
Cappuyns, lean Scot Erigen e; sa vie, son reuvre, sa
pense,
Bruxelles 1969 (rimpr.
de l'd. orig., 1933), pp.
245
et suiv.; plus rcemment: P. Lucentini, Platonismo medievale;
contributi perla storia dell'eriugenismo, Firenze,
2a. ediz.
riveduta,
1980,
notamment pp.
40-56,77-80. La mention
des
'novos Albigenses' se trouve chez le chroniqueur Albric de
Trois-Fontaines,
MGH,
Script., XXVI,
p. 915;
sur rapports possibles de
la
Kabbale
avec
les
Cathares,
voir
p.
ex.
Orig.,
pp.
20
et
suiv.,
211, 249
et
suiv.
2
Sur l'influence noplatonicienne dans
la
Kabbale spculative, voir notamment les nom
breux passages marqus a 'lndex d'Orig., p. 519,
sous
"Platonisme", et aussi G. Scholem,
,Das
Ringen
zwischen dem biblischen Gott und dem Gott Plotins in der alten Kabbala",
dans Eranos-Jahrbuch,
33
(1964), 9-50 (trad. f r n ~ i s e dans LeNom,
pp.
17-53). Ce dernier
travail a t reproduit dans:
G.
Scholem,
tlber
einige Grnndbegriffe des Judentums, Frank
furt
a.M.
1970,
pp.
9-52; dans ce m8me recueil on peut trouver aussi, aux pp. 53-89, une
version revue et augmente d'un autre
essai
importan a et
gard:
"SchOpfung aus Nichts
und Selbstverschriinkung Gottes".
3
On trouvera les principaux textes de Scholem sur cette question rassembls dans "Notas",
pp.
116
et suiv.; on peut y. qjouter, p.
ex.,
Le
Nom,
pp. 24-26, 168-170.
4
Voir
les hsitations
de
Georges Vajda
a
ce sujet dans la Revue de l'hist. des relig.,
CLXIV
(1963), p.
46, et le scepticisme de Ch. Touati dans
JSEHP,
pp; 462-463; b
Biale, Gershom
Scholem,
Kabbalah
and
Counter-History, Cambridge (Mass.)-London 1979, omet toute
rfrence acette question. En
faveur
de l'hypothese de Scholem cf. Gabrielle Sed-Rajna,
"L'influence de Jean Scot sur la doctrine
du
kabbaliste Azriel de Grone", JSEHP, 453-
462.
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leur part, ne s'en sont
guere
occups
5
: Le modeste article que j'ai consacr moi
meme acette question
l
y a
plusieurs
annes se proposait surtout de
rsumer
le5
contributions de
Scholem
6
, quoique certaines comparaisons additionnelles y
taien1
suggres. C'est un
de ces
nouveaux rapprochements queje reprends maintenane.
en
le dveloppant sur la
base
du texte hbra'ique de l'crit
kabbalistique
respectif; ce
recours
a
'original a permis de confirmer que les ressemblances entre l'opuscule
en
question et
le
passage
de
Jean
Scot
que
j'avais
signal
comme
sa source
probable
concement non seulement le contenu doctrinal, mais encare le vocabulaire choisi
et
l'agericement du texte. On a done le droit de penser
que
ce rapprochement pourrai1
constituer une
preuve
directe de l'influence rignienne sur l'sotrisme juif
jusqu'ici
conteste. Je ne crois pas ncessaire
de
prciser, cependant,
queje ne
prtends point avoir puis le sujet abord dans la prsente tude; cela excede large
ment ma comptence, car, entre autres, les textes que l'on va comparer ont trait au
11
n'est peut-etre
pas
inutile de rappeler que
des
affinits entre la pense de Jean Scot et
certaines doctrines kabbalistiques avaient t autrefois signales par Pierre Duhem, et
bien avant lui (quoique
plus
vaguement), par
J.
Brucker, en
1743
(cf.les observations de F
Vernet, dans
le Dict.
de thol.
cathol.,
t. V, Pars 1913, col. 409). On pourrait meme
sE
demander si ces affinits n'auraient pas t p e r ~ u e s des le XVII siec e; l est en tout ca
digne de mention que Thomas Gale,
le
premier diteur du
De
diuisione
naturae
(Oxford
1681),
avait
plus d'un lien
avec
Cambridge,
mi
les
Platonists
comme
Ralph
Cudworth
el
Henry More s'intressaient
alors
activement
a
a Kabbale (More collabora
mme
dans l'ur.
des
ouvrages
les
plus importants consacrsa
e
sujeten langue latine, la
Cabbala denuda
u
de son
ami Chr.
Knorr von Rosenroth, publie aSulzbach
en 1677-1684). Notons que,
i
une poque ou l'on croyait
a
une anciennet des crits kabbalistiques bien plus grandE
que celle que
la
critique historique leur assigne aujourd'hui, on pouvait penser que c'tail
la
Kabbale qui avait influenc Jean Scot, et non pas l'inverse; cette vue tait encore parta
ge
par
P. Vulliaud
en
1910
(cf. F. Vernet, loe. cit., et ci-dessous,
n.
114).
En fait,
'Erigen
n'a
pas
pu s'inspirer
de
textes qui
ne
sont guere antrieurs
au
xm
siecle; et
s'il montn
parfois quelque connaissance de certaines doctrines (semi-)sotriquesjuives
qui
ont pr
cd ia Kabbale, c'est pour les critiquer iprement: cf. la rfrence a "inanis inutilis
que sapientia' des Juifs en
Periph.,
IV, 850 A-C, et l'allusion ' aut nimium perfidus' de:
Expos., XV, 280-282 (sur la perfidie impute aux Juifs
cf.
Hom.,
p.
260,
n.
3;
Comm.
Jn., p
94, n.
1). Dans
ces
deux textes,
Jeari
Scot semble viser des conceptions du genre de
celle:
du
Srifer
Ye ra et du
Si
'ur Qoma, que d'ailleurs il devait connaitre indirectement,
p.
ex.
pa
le
De iudaicis superstitionibus
et
erroribus d' Agobard de
Lyon
(d. L. Van Acker, Turnhou
1981 (Corpus Christianorum, Continuatio mediaeualis, LII), p. 205,51 et suiv.). (B
Blumenkranz,
Les auteurs
chrtiens
latins
du
M
oyen
Age sur
les
Juifs et
le
Judai:Sme,
Paris
La Haye 1963, p. 207, cite quelques textes de Jean
Scot,
mais ceux queje
viens
d'indique
semblent lui avoir chapp.)
6
Voir
la
seconde partie de "Notas",
pp.
115 et
suiv.
Le Professeur
Scholem
voulut bier
m'crire apropos de
cet
article, le 20 octobre 1968, une lettre
ou
l
me
disait, entre au res
"1
am
especially
glad
that you have made such a thorough study ofmy contributions to
thi:
problem. 1still hope that further research will open
up
more links between Eriugena anc
the thinking and technical
language
of the first speculative Kabbalists".
7
Cf.
"Notas", point e), pp. l7-128.
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282
GUSTAVO
A
PJEMONTE
symbolisme de la lumiere, sujet immense et complexe, aux origines tres anciennes,
et
enrichi
pendant le
Moyen Age
de nombreux dveloppements
8
l. Le pseudo-HaY Gaon et Jean Scot
Le
texte kabbalistique tudi ici fait partie
des
crits
du
gtoupe
appel "cercle du
'/yyun n lesquels
sont
tous,
ou bien
anonymes,
ou bien,
comme dans
notre
cas, pseu
dpigraphiques. Ces crits ont vu le jour entre 1200 et 1225 enviran, quoique
certains
ont
pu
8tre rdigs
entre 1225 et 1240; composs
daos
le Midi de la France,
ils
sont
parvenus peu
apresen
Espagne
(Grone,
TolMe). I
s'agit pour
la
plupart
de
pieces courtes ou de fragments, ou
les
doctrines de la gnose
juive
se
prsentent
souvent
combines, tant bien
que mal,
avec des
symboles
et des
concepts tirs
de la
philosophie n o p l a t o n i c i e n n ~ ; malgr
leur contenu difficile, et
parfois
bizarre, ces
documents ont une
grande valeur
pour l'claircissement
des
phases initiales de la
Kabbale provenya e
9
Parmi les
personnages historiques auxquels ont t faussement attribus daos ce
gro
upe
des
crits thosophiques on trouve l'illustre Hai Gaon, mort en
1040,
demier
chef de l'cole talmudique de Babylone et auteur d'une reuvre considrable,
comprenant entre autres
de
nombreuses "Consultations"
(tesubot,.
rponses a
des
questions).
A
ces
consultations authentiques ont t ajoutes
plus
tard d'autres
apocryphes,
dont
celle qui nous occupera
1
; on
mettait galement
sous sori
nom
d'autres ouvrages dont on ne conserve
que
des
fragments,
p. ex. une sentence sur la
cration de la matiere cite par le
~ r
ha- 'Iyyun, quila meten rapport
avec les
ensei
gnements
des "sages
de la nature" et
des
"philosophes" ou "mtaphysiciens", daos
une phrase ou
l'on a pen;:u une
allusion assez claire au
titre et
au
contenu
du Periphy
seon11. Nous
avons
la
un premier lien entre la
figure de
"Hai Gaon" et l'reuvre
de
Jean
Scot.
La
Consultation mentionne, cependant, ne renferme aucune rfrence
explicite
aux
enseignements
de
la
philosophie
ni
aux textes
rigniens. Elle
a t
probablement
compose
en Provence,
vers
1230, pour rpondre a la question que
posait
le
dsaccord
entre le nombre
treize,
correspondant aux attributs
(middot)
divins
d'apres
les
talmudistes, et
le
nombre
dix,
fix aux
sejirot
par
le Sefer Y e ~ r a
ouvrage cosmogonique
ancien
qui
jouissait d'une grande autorit
12
Cette question
8
Cf.
l'ouvrage rcent de
Kl.
Hedwig,
Sphaera Lucs.
Studien
zur
Intelligibilitiit
des
Seienden
im
Kontext
der
mittela/ter/ichen Lichtspekulation
Mnster 1980 (Beitr. zur Gesch. der Phi .
und Theol. des Mittelalters, N. F., Band 18), ou l'on trouvera une abondante biblio
graphie.
9
Sur le "cercle du 'Jyyun voir surtout Orig., pp. 327 et suiv.
1
Cf. Orig.,
pp. 340, 346
(n.
241), 358-359, 367-375; ci-dessous, n. 119.
Cf. Orig.,
p. 336; Le Nom, p. 25, n. 6. L'expression que Scholem traduit "mtaphysique" est
en hbreu bokmat ha-mebqar, littralement "sagesse de l'investigation"; voir irifra, n. 70.
12
Dans cet opuscule, qui pourrait remonter aux
n
m siecles de notre ere, ies sefirot ne sont
pas encare ce qu'elles deviendront dans la Kabbale, c'est
a
dire des aspects internes de
la
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Jan Scot et un opuscule hbreu pseudpigraphique
283
recevait des rponses diverses chez les premiers kabbalistes
13
; rsumons en quel
ques mots la solution assez singuliere que lui donne la Consultation du pseudo-Hai,
avant
de
citer
le passage qui nous
iritresse
directement
14
. Dans son introduction
A, p. 11,10-17)
l'auteur
souligne la
difficult
de
la
rponse
qui lui
est demande et
annorice
qu'il ne la communiquera que succincte
ment.
Ayant
conscience
de
la
nouveaut
de
sa
solution,
i
se
rclame
de la
tradition
secrete des anciens et des prophetes pour lajustifier
15
: de tellesinvocations seront
habituelles chez les kabbalistes, et la technique d'allguer des sources supposes
dont
le
prestige doit impressionner
le
lecteur - alors que les
sources
relles sont
passes sous silehce - sera considrablement perfectionne dans des ouvrages
postrieurs
comme
le Zohar
Le
pseudo-Hai nonce ensuite
(B, p.
11,18- p.12,14)
le prncipe gnral de sa solution: les treize middot sont des
"ramifications"
issues
des
"racines''
que
l'on nomme
sejirot;
pour complter
le
nombre
treize,
i
faut ajouter
a ces demieres trois autres entits occultes, "principes des prncipes". Apres
avoir
expliqu brievement les dix sejirot, il
passe
aexposer sa these sur ces trois "luminai
res
supremes" qui
sont au-dessus
d'elles (C, p. 12,14- p. 13,7;
le
texte intgral de
cette partie est
donn
plus
bas.). La
Consultation traite,
enfin D, p.
13,7-
p. 14,5),
des noms de la
divinit
et en particulier
du
Ttragramme, dont chaque lettre symbo
lise une tape de la formation et de la manifestation des
sejirot.
Ces trois
lumieres
du
pseudo-Hai, qui sont une
seuie
lumiere et existent
sans
commencement
dans
l'essence
elle-m8me
de
la
divinit
cache,
constituent assur
ment, ainsi qu'on l'a dit, une "triade nigmatique";
mais
un autre mot vient encare
invitablement aux levres en parlant d'elles, celui de trinit: Scholem lui-meme
l'emploie a leur sujet
17
Sans
vouloir nullement estomper les diffrences tres
relles
qui
sparent cette these du pseudo-Hai
de la
doctrine chrtienne
de
la Trinit,
on
peut
faire
noter qu'une influence
de
cette demiere n'est
pas
a exclure a priori, puis
que la structuration spculative
de la Kabbale
s'est faite en Occident,
ou
le Christia
nisme
dominait,
et que certains themes kabbalistiques montrent bien des traces
divinit, analogues aux ons de la gnose et ressemblant sous plusieurs rapports aux 'cau
sae primordiales' de Jean Scot.
13
Voir p. ex. les solutions cites dans Orig., pp. 361, 368, 369.
14
Cette Consultation, conserve dans beaucoup de manuscrits, a t imprime pour la
premiere fois par MoYse Cordovero dans son Pardes Rimmonim Cracovie 1592; le texte de
Cordovero a t reprodut par A. Jellinek, Beitriige zur Geschichte der Kabbala, Heft 2,
Leipzig 1852, pp. 11-14.
Jeme
suis bas sur l'dition Jellinek, dont mes rfrences indi
quent la page et la lgne (c'est moi qui ajoutela division en sections, A-D). N'tant pas un
hbrai'sant de mtier,je me suis guid dans ma traduction sur la version de Scholem (assez
complete, quoique
non
pas intgrale), Orig., pp. 369-372
(=Ursprung,
pp. 309 et suiv.;
cf.
aussi
Kabbalah,
pp. 95-96)
et
sur celle de Vajda,
Rech.
pp.179-181 (fragments). Je fournis
d'ailleurs le texte consonantique de Jellinek
pour
les passages importants.
15
Cf. p. 11,10-15. 20-21; p. 12; 3-4. 17-18; p. 13,2-3. 19-20.
16
Cf. G. Scholem, Les grands
courants de
la mystique juive Paris 1960, p. 190.
17
Cf. Orig., pp. 373-375;
Kabbalah,
p. 95:
a
kind of kabbalistic trinity"; p. 96: "strange
trinity".
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d'influence d'auteurs chrtiens. Le Professeur Scholem a soulign cela aplusieurs
reprises
18
; cependant, bien qu'il eut par
ailleurs
insist aussi, commeje l'ai rappel
plus haut, sur
la
prsence d'ides rigniennes chez les sotristes juifs, i n'a
pas
dcel le role
qu'a
eu
Jean
Scot
dans cecas particulier
19
suffit
en effet delire les
Expositiones in lerarchiam coelestem, 1,61 et suiv., pour constater
de
notables simili
tudes
avec la
partie que j'ai nomme C
de
la
Consultation attribue
a
Hai Gaon,
ainsi
que le montreront les textes reproduits ci-dessous. Mais voyons d'abord rapidement
le contenu gnral des premieres
pages
du Commentaire rignien. Apres avoir
expliqu le titre du chapitre 1(1,1-22), Jean
Scot
commente Jac.,
1,17,
verset que le
pseudo-Denys met
en
exergue;
ce
commentaire, tres long
(1,23-138),
peut
~ t r
divis en
trois
parties:
1,23-56:
explication de
la
distinction entre 'datio' et 'dona
tio'20; 1,56-75:
dveloppement trinitaire
de
l'expression 'Pater luminum';
1,76-138:
question connexe: comment toutes les choses qui sont sont-elles des luminaires. En
1,138,
l'Erigene commence enfin
a
'occuper
du
texte dionysien proprement
tel;
on
ne
retiendra pour l'instant de cette partie que les lignes 138-193.
lean Scot
Pseudo-Hai
a (I, 54-61) a ) (p. 12, 14-18)
Omnis itaque datio optima et omnis donatio
perfecta desursum est, desursum descendit.
A quo, nisi a fonte ineffabili omnium bono-
. rum, a Patre luminum?
Quodcumque enim, seu sensu corporeo
internuntiante, seu puro intellectu inuesti
gante, in uniuersitate condita ad liquidum
percipitur atque cognoscitur in substitutioni
bus nature et perfectionibus gratie, non
aliunde nisi a Patre luminum procedit.
Et maintenant,
je
vous indiquerai les trois
/umfnaires
suprBmes (HG'
M WRWf
H'LYWNWf)
au-dessus des dix sefirot. Ils n'ont pas de
commencement, car ils sont nom et essence
18
Cf.
p. ex.
Les
grands
courants,
pp. 226,
250,
399, avec n. 97 et, sur le mBme phnomene
dans le Sabbatianisme du XVII siecle, pp, 325 etsuiv.;
Orig.,
p. 473, n.
184
(Nahmanide de
Grone utilise des sources chrtiennes et cite meme dans un passage le Nouveau Testa
ment); Le Nom, pp. 103, 115-116, 123-124 (a propos de l'exgese biblique, cf. aussi
Notas , p.
124,
n.
104).
On
peut ajouter qu'Abraham Aboulafia fait usage de formules
d'aspect clairement trinitaire, bien qu'il soit tout a ait oppos au Christianisme
(cf.
Les
grands
courants,
pp.
144
avec n.
37, 156);
quant aAzriel de Grone, je crois que les deux
triades dont i1 parle, lesquelles sont
en
rapport avec les trois
sejirot
suprieures (cf.
Orig.,
pp. 460-461, 468-469), pourraient avoir quelque chose
a
voir avec la pense rignienne,
comme d'autres ides de cet auteur.
19
I faut dire que le savant isralien, qui renvoie
a
plusieurs reprises au
Periphyseon,
ne
semble pas avoir frquent, en revanche, les Expositiones de l'Erigene.
20
Sur ce theme,
cf.
p.
ex.
Comm.
Jn., p.
252, n. 3.
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
7/32
Jean
Scot
b) (l, 61-67)
1) _Pater autem luminum est Pater celestis,
fumen primum atque intimum,
(
f. ci-dessous, e)
( f. ci-dessous,
e)
2) a quo
fumen uerum,
Verbum suum per quod facta sunt omnia
et in quo substituta sunt omnia, unige
nitus suus Eilius nascitur,
3) a quo, Patre dico,
coessentiale sibi Verboque suo
fumen
procedit Spiritus Sanctus, Spiritus Patris et
Filii,
in quo et per quem donationes gratiarum
distribuuntur in omnia.
Pseudo-Hai
de la Racine
21
de toutes les racines, et la
pense n'est pas capable de les saisir, carla
comprhension et le savoir de toute crature
sont insuffisants pour
[les]
comprendre.
Au nom de nos saints anciens nous avons
re;u leurs noms:
b )
(p.
12, 18-20)
1 )
fumiere intime
primordiafe
('WR PNYMY
QDMWN),
d)
(p. 12,
18)
et
el/e est2
2
e ) (p. 12, 19-20)
se diffusant (MTPST) dans la Racine
occulte,
respfendissanf
3
(MTNWSS) par la force de
sa diffusion
a la ressemblance de deux grandes
lumieres,
2 )
fumiere plus-que-claire ('WR MSWI:ISf.I)
3')
et fumiere claire (W WR
Sl;l)
21
Je suis ici le texte d'Isaac Mar Hayyim, qui cite la Consultation dans une lettre rdige
Naples en 1491, et publie par Y. Nadav dans Tarbiz, 26 (1957), 440-458:
e[
pp.
450-45J
KYHM SM W'SM LSRSKL HSRSYM (voir la traduction de Scholem,
Orig.,
pp.
371,
3
73:
le texte de.Jellinek porte
UJSRS
ils sont nom et essence
et raclne .
(cf. Vajda, Rech.,
I
180).
22
Littralement: et il (WHW'), 'WR, lumiere , tant masculin en hbreu.
23
Je demande de l'indulgence pour ces traductions serviles, dont l'intention est de fair
ressortir les deux participes,.paralleles
a
eux de Jean Scot en e; le sens est, videmmen
et elle se diffuse
...
resp lendit
...
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
8/32
286
GUSTAVO A. PIEMONTE
lean Scot
e) (I, 67-68)
Et hec est
trina lux
et trina bonitas,
tres substantie
24
( f.
ci-dessous, j
d) 1,
68-69)
in una essentia,
Pater et Filius et Spiritus Sanctus,
unus
Deus,
una bonitas,
unum
lumen
e) 1,
69-73)
di.ffusum
in omnia
que sunt, ut essentia
liter subsistant,
splendens
in
omnibus que sunt, ut in
amorem et
cognitionem
pulchritudinis sue
conuertantur omnia,
supereminens omnia que sunt, ut
perfec
tionis
sue plenitudine fruantur omnia.
./)
(1, 73-75)
Et
in ipso omnia
tinum sunt.
A Patre itaque luminum
omnia
lumina
descendunt.
g)
(1,
76-138)
Pseudo-Hai
(if. ci-dessus,
/ (p.
12,
20)
tout
(KLW)
el) (p.
12,
20-21)
lumiere une ('WR 'I:ID)
et
essence une
(W SM
'I:ID)
et racine
une
(WSRS
'I:ID)
occulte a 'infini.
( f.
ci-dessus, 1)
(if.
ci-dessus,f)
g
(p.
12,
21 - p.
13,
2)
Et les sages du Talmud avertissent concer
nant l'explication
de la
sagesse et
de la
pen
se, dont il n'y a pas de comprhension pour
le
cr,
et ils disent: ,Dans ce qui
est
plus
merveilleux que toi, ne cherche
pas;
tu n'a
pas a 'OCCUper
des
mysteres."
25
24
faut
sans doute restituer
ici ce
mot, qui appara't
dans
la plupart
des
manuscrits, et
dont l'absence dans
le
Douai
202
(suivi par l'dition Batbet) s'explique probablement par
les
scrupules de quelque
copiste
qui, ignorant le sens rignien de 'substantia' =
hypos
tase), 'a pris pour un synonyme de "essence". Ce mot ne semble d'ailleurs pas important
pour la
comparaison propose dans
la
prsente tude.
25
Cf.
Sir.,
3, 21-22.
Ces
versets
deBen
Sira,
cits dans
le Talmud, paraissent assez souvent
chez les premiers kabbalistes (cf. Oriv
. n.
1 rnmm
n o7
.. ~ ~
. . _
'
n .
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
9/32
Jean
Scot
et un opuscule hbreu pseudpigraphique 287
lean Scot
Sed fortassis quis dixerit:
quomodo
omnia que sunt
lumina
sunt?
Quamuis
enim uniuersitas rerum omnium a
Patre
per Filium et Spiritum Sanctum
con
dita
sit,
Pater quippe uult; Filius
facit, coope-
ratur Spiritus Sanctus, 'proprie tamen et spe
cialiter
de
intellectualibus et rationalibus
creaturis condita
lumina
a Patre luminum
per genitum
fumen
perque
26
/umen procedens .
opportet predicari, cetera uero
plus
illumi
nari quam lumina esse credenda sunt.
Sed
hui
e consulta ratione intellecta
con
spiciuntur
(83-103: dbut de
la rponse
a
a
question pose)
quid mirum,
si omne quod inaccessibilem
lucem
quodam modo, ut accessibilis sit
puris
inte/1ectibus,
introducit,
lumen il/umlnans animas
et in cognitionem
creatoris sui
eos
reuocans,
nulla ratione obstante, intelligatur? Verbi
gratia, ut ex intimisl
1
nature ordinibus paradigma sumamus:
lapis
iste
.... unificat et
facit (108-138: dve
/oppement de l'ide
nonce)
h) (1,
138-193)
Beatus autem Dionysius ... numerositatem
multiplicata
(138-162: commentaire de la
premiere
priciJpe de Denys, cite 144-148)
Pseudo-Hai
Et ce que
disent (WMH
S
MRW)
les
mystiques,
que
les
sefirot
sont
a
a
ressemblance
de
luminaires
(M'WRW1),
ce
n'est
pas
a
la ressemblance
du
lumi-
.
naire (M 'WR) du soleil, de la
une et
des
toiles,
mais
des
luminaires
(M'WRW1)
spirituels
(RWI;INYWI'),
subtils et
purs
(DQWT
WZKWT),
intimes (PNYMYWI),
splendeur resp/endissant [sur} les
ames
(ZHR
MZHYR
HNPSW1).
h ) (p. 13, 2-7)
26
Avant 'perque', l'dition Barbet met un point absolument injustifi, cf. Periph., 11,565 C
(p. 90, 14-15).
27
J'adopte ici la le9on de PL 122,
129
B. convient de noter que la variante choisie par
l'dition Barbet, 'ab extimis',
ne
se
prsente
que
dans
le
~ e x _ ~ e
c ~ : r ~ g d u
ms. Douai
202;
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
10/32
Jean
Scot
Qua
autem
ratione IIATPOKINETOC, id
est pater motus, a Grecis dicitur,
non incongrue queritur.
Quomodo enim immutabilis mouetur, uel
a quo mouetur,
uel in
quid et
ad
quid
mouetur,
non infructuose a sapientibus inuestigatur.
Mouet igitur seipsum non localiter, non tem
poraliter, sed superessentialiter super loca et
tempora mouetur a
seipso.
Nulla siquidem
causa
precedit que
ipsum
moueat, cum sit
ipsa prima unaque causa omnium motuum.
Ipse est motus et status, motus stabilis et sta
tus mobilis. Quo argumento, die queso,
approbas immobilem Patrem moueri?
Ex
nomine
argumentar.
Si queris
nomen
il ud,
audi.
In
utraque
lingua, greca
uidelicet latinaque
Pater uocatur;
et grece quidem comporitur IIATHP,
hoc
est llANTA
THPQN,
omnia seruans. Num
tibi
uidetur
recte
moueri, ut custodiat
omnia, qui seruat et saluat omnia que
in
unigenito suo fecit?
Audi
etiam illild:
Pater et Deus uocatur,
hoc
est 8EOC, currens, nomen
ex
8EQ uerbo,
id
est
curro, deriuatum.
Currit enim per omnia ...
Filii
sui.
(179-186:
le
Verbe et / Esprit comme m o t ~ s
du Pre)
Summa itaque Trinitas
trinus immobilis motus est:
Pater mouetur ... copiase disserit (187-193:
le
mouvement
de
la Trinit; conclusion)
Pseudo-Hai
Et nous avons cherch (l.IPSNW)
avec
toutes sortes d investigations aupres
de nos
maltres (BKL
SDDY
HI;IQYRH
MRBWI'YNW) qui
ont re"illa tradition de la
bouche des anciens
des
premiers temps,
afin
de savoir
s'il y a
pour les trois
[entits]
supremes (LSLS
'LYWNWT)
des noms (SMWT) propres,
comme pour
celles qui
sont au-dessous
d'elles.
Et nous avons trouv que tous s'accordent
apenser
qu'elles n'ont pas de
nom connu (SM
YDW )
a
cause de
la
grandeur
de
leur occultation,
sauf les
noms
(SMWT) qui leur correspon
dent
u
nom
(BSM) de
luminaires.
Et de
meme
(WKN),
la Racine sans commencement n'a
pas de
nom
connu (SM
YDW ).
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
11/32
LU
En comparant
la
structure d'ensemble des textes
paralleles
cits, on remarque que si
ie
pseudo-Hai' s'est inspir
de
Jean
Scot
- c'est l'hypothese que l'on dveloppera
dans les pages
qui
suivent - a
soumis
les matriaux emprunts aux
Expositiones
a
trois sortes de modifications: 1)
transpositions
(p. ex., de e , insr dans b );
2)
omis
sions (p. ex.
dans b et d ) et
raccourcissements
(p. ex.
dans
g: condensation de la lon
gue section
g);
3) additions (notamment au dbut de g ). On verra plus loin quelques
raisons
probables de ces changements
28
11.
Examen
dtaill
des relations entre les
deux
textes compars
29
l Les trois lumieres incres (b-b')
30
Il
est vrai que l'ide en soi
de
trois prncipes suprieurs aux
sefirot, conc;us
comine
autant
de
luminaires, aurait
pu
naitre
chez
le pseudo-HaY
m
eme s'il n'avait
pas eu connaissance de la Trinit de lurniere de Jean
Scot;
cependant, il est
moins
probable que, p. ex., sa caractrisation de la premiere de ces lumieres
aurait
alors
concord si parfaitement avec
celle
des Expositiones. En effet,
il
ne l'appelle pas seu
lement "premiere" ou "primordiale" (QDMWN), - ce qui pourrait paraltre plutot
banal-
31
,
mais encore "intime" (PNYMY), tout
a ait comme
l'Erigene, qui parle
d'un 'lumen
primum
atque
intimum .
Attardons-nous
un
moment sur ce dernier
adjectif.
est frquent chez l'Irlandais:
on
le
rencontre, tout d'abord,
dans
son
expression 'intimis naturae sinibus', avec le sens "intime, profond" et la connotation
"cach, secret"
32
;
on le voit ailleurs attach ades substantifs
tels
que 'speculatio',
28
Cf.
ci-dessous,
II, en
particulier 1, 3 et
5.
Sur la prolixit
du
chap. I de
son
commentaire,
reconnue par Jean
Scot
lui-meme,
cf. Expos., I, 661-664.
29
Au
cours
de cette analyse comparative seront,
a
'occasion, rapprochs de la Consultation
quelques textes rigniens appartenant
a
d'autres
pages des Expositiones - en
particulier
du chap. I - et
au
livre II du Perlphyseon. En ce qui conceme ce dernier, i
y
a lieu de dire
qu'il prsente plusieurs points
de
contact
avec
le dbut
du
Commentaire sur la Hirarchie
Cleste
p, ex., la citation
de
Jac., 1,17 dans
565
C;
p.
90, 9-10; cf.
aussi
ci-dessus, n. 26); il
me semble tres probable, d'ailleurs, que
le
pseudo-Ha connaissait
aussi
quelques parties
au moins
du Periphyseon,
mais cette hypothese supplmentaire n'est pas indispensable
pour
la validit
de
la
principale.
30
Pour la section
a ,
ouje trouve plusieurs ressemblances avec des textes rigniens,
mais
non pas
avec
la section des Expositiones,
voir
irfra, n
6.
31
Cf.
p. ex. les rfrences
a
"lumiere primordiale" dans l'Index d Orig.,
p.
516.
32
Cf.
Periph.,
V,
970 A,
981
A;
Expos.,
II, 1082;
Comm.
Jn.,
IV,
IV,
11
(334
D);
aussi
Periph.,
III,
711
C (p. 236,10-11); V, 984
D;
Expos.,
I, 107
(voir ci-dessus, n. 27). 'Intimus' est
aussi
employ dans un sens similaire,
avec
d'autres substantifs, p. ex. en Periph.,
JI, 554
B (p.
66,17);
m;
703
D
(p. 218,30); 902 B, 944 B, 1018 B; Expos., I, 530; VII, 123.127; XV, 434;
Comm. Jn., N,VII,Sl-52 (338 D);
VI,
II, 53 (341 C). D'autre part, 'sinus naturae'
se pr
sente galement accompagn des
acljectifs
'occultis', 'secretis', 'arcanis': cf. E. Jeauneau,
Quatre themes rlgniens, Montral-Paris 1978, pp. 39-44 et Comm.
Jn.,
p. 298,
n.
2. Dans
le De
praedestinatione, 'intimus'
ne
paraissait qu'une
fois,
dans une citation
de
saint
Augustin
(16,139).
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
12/32
290 GUSTAVO A. PJEMONTE
'theologia', 'theoria' ou 'contemplatio', pour marquer une
forme
spciale de
connais
sance
surnaturelle, rserve aun petit nombre
(dans
cet
usage on
le rendrait quel
quefois volontiers
par mystique )
33
; dans certains
passages,
enfin,
'intimus' est,
comme dans
notre texte, appliqu
a
lux'
ou
'lumen',
ou
bien
associ
a
primus'
34
Quant
aPNYMY,
terme qui
avait
en hbreu biblique le sens purement physique de
intrieur
35
,
il
acquiert depuis le XIIe
siecle
une
signification
technique prcise:
cach ,
sotrique . Cet
usage,
tres rpandu dans le
cercle du
lyyurr
6
a t
mis
en
rapport
avec un
phnomene smantique
analogue
que l'on constate en arabe
37
;
cependant, il rappelle aussi, amon
sens,
l'emploi rignien de 'intimus': c'est ainsi
que l'expression /fokma penimit, sagesse intime ,
des
kabbalistes, ne parait
pas
tres
loigne
de la 'intima contemplatio'
de
Jean Scot. Quoi qu'il en
soit,
la ''lumiere
intime primordial
e
de
la
Consultation
fait
bien l'impression
d'Btre
inspire
du
pas
sage
cit
des
Expositionesl
8
En ce qui concerne
les
deux
autres lumieres, une simple lecture suffit a aire
comprendre que, des
lignes que l'Erigene leur
consacrait, un
auteur juif ne pouvait
pas
conserver grand-chose, en raison
de
leur aspect manifestement chrtien; par
ail
leurs, ces lignes ne
sont
pas
symmtriques, carla troisieme lumiere n'y
e ~ o i t
aucun
adjectif. Le pseudo-Hai'
a
alors
introduit deux
adjectifs corrlatifs, MSWI;ISI:I, signa
lant apparemment une clart excessivement brillante, au point d'etre insaisissable,
et
SI:I
qui veut
dire
clair tout court; ces qualiflcatifs, il a pu
les
emprunter
a
d'au
tres crits
du
meme groupe de kabbalistes, dont le
vocabulaire dans
le domaine de la
lumiere est tres
riche
39
, ou les
choisir lui-m8me. Il est toutefois intressant
de
noter
que
le
premier semblerait correspondre
assez
bien
au
superlatif 'clarissimus', que
Jean Scot utilise ailleurs dans les Expositiones pour qualifier
le
rayon du soleil divin
dont
parle l'Aropagite (Denys, pour
sa
part,
se
servait d'un nologisme,
1tOAqw
t o ~ ) ;
orce
rayon
est identifi par l'Erigene
au
Verbe
de
Dieu
40
Par
ailleurs,
si l'on
se
tourne
vers le
Periphyseon,
II, on
y trouvera,
dans
l'analogie trinitaire 'ignis - radius-
33
Vor
p.
ex. Periph., V, 926 B-C, 970 C, 983 A, 1020 D; Expos., U, 13-14.16-17.1161-1162;
V11,479; XV,641-642.1056-1057; Hom., 1,6-7; 11,21; III,5-6; IV,11.
34
Cf.
Periph., III, 627
B
(p.
46,1): 'intima lux'; Expos., Vll,471-472: 'intimum
1umen' (voir
aussi III,31-32); Periph.,
1,454
C (p. 64,30-31): 'motus ille noster intimus et primus'.
35
Cf.
L
Koehler- W. Baumgartner, Lexlcon
in
Veteris Testamenti Libros, Leiden 1958, s. v.
36
Voir
Orig., pp. 277-278; p.
343,
n. 235; sur l'usage
de
cet adjectifdans l'cole de Grone,
cf., p.
ex.,
Comm.,
pp.
264
(n. 47), 355,
364
(n.
11),
393.
37
Cf.
Orlg.,
p. 277, n. 120; Le Nom, p. 115.
38
On rencontre
dans
un autre crit du groupe du 1yyun l'expression
penimiyut
qadmonit,
intimit primordiale ,
mais il
s'agit d'un texte tardif(Orig.,
pp. 342-343
et
n.
235),
qui
doit
etre postrieur anotre Consultation; par ailleurs, le
Midrai
de Simon le Juste, ou l'in
fluence
rignienne est tres probable (cf.
irfra, la
Note Annexe) y est cit a itre de source.
39
De fait, 'WR SI:I
parart,
avec d'autres noms
de
lumieres,
dans
la
urce
de la Sagesse
(Orig.,
p. 354; voir,
sur cet opuscule, ci-dessous, III,
3).
4
Cf. Expos.,
XIII, 540; XV, 855-857 (dans l'dition
de
la Hirarchie cleste
de
Sources
chr
tiennes, 58bis, .
186, M.
de Gandillac traduit
noA.r w-ro ;
ar multi-lumineux ). L'identi-
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
13/32
Jean
Scqt
et un opuscule hbreu pseudpigraphique
291
splendor', une conception
du rayon,
incomprhensible aux sens a
cause
de
sa subti
lit
et ne devenant graduellement
saisissable
que
lors de sa
descente
dans
les
lments infrieurs,
qui
peut etre
mise aussi
en parallele
avec celle de la
lumiere
plus-que-claire
(ou
t r a n s p a r e n t e ' ~
du
pseudo-Hai'
11
;
au
'splendor'
de
Jean
Scot,
qui baigne toutes les choses visibles, correspondrait, de son cot, la lumiere claire .
2. L'unit des trois lumieres (e, d-d', f)
L'crit hbreu introduit la section
d
non par une formule similaire a
celle
qu'emploie Jean Scot en e mais au moyen d'un tout
qui
voque plutot
la
sectionf
des Expositiones. Cependant, d dpend clairement de
d:
tout d'abord, la rptition
intentionnelle
de
'l;ID,
un , corresponda
celle
du
numral 'unus' (/'una'/'unum')
dans
le
texte rignien
42
Mais les substantifs sont galement paralleles, en partie
du
moins.
Afin
de
mieux
le voir, o m m e n ~ o n s
par schmatiser la structure des
sections
e et d:
(e)
t
lux
na
et trina
(d)
bonitas,
bstantie
m una{
{tres
m
l
ssentia,
l
Pater
e
ll unus
t
Filius
et Spiritus Sanctus,
Deus,
una
bonitas,
unum
lumen
L'lment gnrateur de
ce
schma est probablement l'opposition 'trina ux unum
lumen', inspire,
comme
on
le verra plus
loin
43
, d'un texte patristique; elle est dou
ble
de
l'opposition 'trina bonitas-
una
bonitas', laquelle a on tour attire la formule
trinitaire 'tres substantie ... unus Deus'
44
;
par ailleurs, 'essentia', 'bonitas' et 'deitas'
41 Cf. Periph., 11 608 B-C
(p.
186,24- p. 188,4); aussi Expos.,XIII,116 et suiv. Je prcise que
MSWI:ISI:I
est traduit transparente ou plus-que-claire par Scholem,
O r i ~ . ,
p. 369
=
Ursprung,
p.
309: ,durchsichtige (oder ber-klare) ), et blouissante par
V8,1da,
Rech., p.
180.
42
Bien entendu, l'effet
de style que
Jean Scot obtient par la variation masculin-fminin
neutre
(cf.
irfra, III,l) n'est
pas
repris en hbreu. Je signale par ailleurs que la rptition de
'I:ID, bien perceptible dans
la
version allemande
de
Scholem,
Ursprung,
p. 310, a malen
contreusement disparu de
Orig.,
p. 371.
43
Voir ci-dessous,
111
l. .
4
4 'Trina bonitas' paralt aussi en
Periph.,
III, 632 D (p. 58,1); Carmina, d. Traube,
IV,
1 80.
.
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
14/32
figurent
dja ensemble dans
le Periphyseon
45
; on
remarquera enfin
la
squence
'unus ... una ... unum', qui cherche videmment un effet
de
style.
Le
pseudo-Hai'
ne reprend le schma rignien qu'en partie et en le modifiant. Il
supprime, encore
une fois, la mention des
personnes
de la Trinit, et aussi les rf
rences a
la
'bonitas'
6
; d'autre part,
il
oppose directement l'unit
des
trois lumieres a
l'numration de ces lumieres donne en
b :
lumiere une
prend
ainsi
chez lu la
premiere
place;
"essence
47
une", ensuite,
correspond
videmment a '(in) una essen
tia';
enfin,
racine une est sans doute l'quivalent de 'unus Deus': en
effet,
l'auteur
juifne peut pas
se
servir du vocable hbreu signifiant Dieu ( Elohim), car
dans
la
Kabbale ce nom ne s'applique en gnral qu'aux
sejirot,
c'est-a-dire a 'aspect mani
fest de
la
divinit, alors qu'ici c'est
son
cot suprieur cach qui est vis.
Il
adopte
done le
mot racine ,
qui dails
son vocabulaire
remplace
cause4
8
:
faut-il
rappeler
que Jean
Scot
lui-meme dit aussi souvent 'omnium causa' au lieu de 'deus'
49
? Quant
a
a
qualification occulte
a
'infini",
i
est
facile de
signaler
des
paralleles rigniens a
ses deux composants; cf., p. ex., saos quitter les
Expsitiones:
'lpsum siquidem
summum bonum quod Deus est, per seipsum inuisibile est et occultum
50
; et,
pour
la
tournure adverbiale, les expressions 'in infinitum', 'in infinitam numerositatem', 'in
infinitatem' et similaires
51
3. La diffusion
et le resplendissement de la lumiere (e-e', f)
A premiere
vue,
les
lignes
de
la
Consultation
qui
s'intercalent, en
b
entre
le
nom
de
la
premiere lumiere et celui de la
seconde,
sembleraient une addition de l'auteur
hbreu a laquelle rien
ne
rpond
dans le
texte rignien. Cependant,
on
rencontre
45
II, 567 C (p. 94,23-26); cf. IV, 741 C.
46
Le
pseudo-Ha ayant
dja
constitu un groupe " l u m i l ~ r e - e s s e n c e - r a c i n e " , l'addition d'une
mention de la bont divine aurait perturb le schma temaire, qu'ilsemble prfrer
(cf.
p.
12,15-16; p.
13,13);
par ailleurs,
si
l'attribut de bont
(middat ubo)
sera diversement inter
prt dans
la
Kabbale,
en
gnral
on ne le
situe,je
crois,
qu'au
niveau des sejirot (la
'boni
tas' rignienne, par contre, est bien, d'un cat, la premiere des causes primordiales,
mais
d'un autre cat elle remplit souvent,
comme
ici, le rale d'une sorte d'quivalent
de
'diuini
tas' ou 'deitas').
7
Le
terme
'SM
peut etre traduit "substance" ou "essence"; Scholem adopte la premiere
quivalence dans
Orlg.,
p. 371 (=Ursprung, p.
310)
et
la
seconde dans Kabbalah, p.
95;
Vajda
semble prfrer "essence" (Rech., p. 180).
Le
texte parallele de Jean
Scot
suggere
que
le
sens est bien ce demier.
48
Sur la substitution de "racine"
a
deus', cf. aussi irfra
n.
71, et sur "racine des racines , n 6,
l
49
Voir,
p. ex., dans le
chap.
I des
Expositiones,
les lignes 121, 503; on trouvera d'autres rf
rances dans
Hom.,
p. 204, n.
2,
injine.
50
Expos., IV, 293-295;
cf. I,
240; IX, 210-221;
XII, 104-105;
XV,
277;
etc.
51
Expos.,
1,142.
161-162.203;
voir aussi
ibid., 15-16,206-208,212.
Les
kabbalistes substanti
veront
plus
tard cette tournure
et-en
tireront
le nom
' E n ~ s o , qu'ils donneront a la divinit
cache (Le
No
m,
pp. 27-33);
la
doctrine rignienne de l'infinit de Dieu
(cf., parmi
beau
coup d'autres textes,
Periph., II, 592
C-D; p.150,25-28; Expos., IV, 81-82) pourrait, amon
avis, avoir quelque rapport avec cette conception.
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
15/32
un peu plus loin dans les Expositiones la section e laquelle prsente une
resser
blance gnrale indniable avec les
lignes
indiques du pseudo-HaY (queje nomn
pour cette raisort e'):
deux
concepts fondamentaux sont en effet
communs
a eet
ceux de diffusion
et
de
resplendissement, et ils sont exprims
daos
un
cas
et
da
l'autre pardes
participes
52
Il
est pourtant
vrai
que plusieurs
dtails
divergent et qu
faudrait tout d'abord rendre compte du dplacement de cette section
dans
Consultation. Notons a
ce
propos que
la
fonction
que remplit
e
consiste
a
expliqu
l'origine de
la
deuxieme et de la troisieme lumiere a partir de
la
premiere: e'
probablement pour rpondre au besoin de fournir cette
explication
que
le
pseuc
HaY a transpos des coqcepts qui dans les Expositiones avaient une application
dif
rente.
Urt tel
besoin, a
on
tour, naissait des coupures qu'il avaitfaites
daos
les
text
emprunts a son modele: en
effet,
les mots 'nascitur' et 'procedit' de Jean Scot, q
en b clairaient respectivement 'origine du deuxieme 'lumen'
=
e
Fils,
et
du
tr
sieme
=
l'Esprit
Saint
53
,
taient tombs
avec les
au res lments
s p i f i q u e m ~
chrtiens.
De
ces concepts communs aux
deux auteurs, celui
de ditfusion
a
une imp
tance particuliere. Daos l'reuvre rignienne, la 'diffusio' prend tres souvent un
sE
mtaphysique dfini
54
; des le dbut des Expositiones,
p.
ex., Jean Scot affirme qm
bont divine 'diffimdituruniuersaliter in
ea
que sunt, ut sint ;
il
insiste sur cette
k
en e et ailleurs daos son commentaire
55
; elle est galement prsente daos plusiel
passages
du
Periphyseon, rfre notamment au Verbe de Dieu, dont 'ipsa
diffu
subsistentia oninium est'
56
(daos
le
meme seos sont
employs
les
termes 'extensi
'expanditur'
57
. Le pseudo-Hai',
pour
sa
part,
utilise
en e'le participe
MTPST, app
tenant au verbe
hitpasse,
dont drive aussi le substantif hitpassefut,
diffusion
expal).sion ;
ces termes
se
prsentent, des les premiers
documents
kabpalistiqu
dans les exposs de l'manation des
sejirot
a partir de la Cause premiere;
mentionne en p a r t i c u l i ~ r a ce sujet /jokma
la
Sagesse
58
; on
vient
de voir
que
J
Scot
attribuait surtout la 'diffusio'
au
'Verbum
=
Sapientia'. De meme, les
aute
juifs emploient la formule hitpasse,tut
hawaya,
"expansion d'essence";
or
l'Erig,
dit,
p .ex., que le prototype (Dieu, daos ce texte) diffunditur per omnia distribu
52
On
peut ajouter que
ces
participes ne sont pas
lis
entre eux par des conjonction
53
De mSme,
dans
la
section
g
i1 est question
du
'lumen genitum' et du 'lumen p r o e d ~
cf. Periph., ll, 565 C (p. 90,13-15).
54
Ce
sens
est
encore
absent du verbe 'diffundo'
dans
le De praedestinat/one
(seule
oc
rence:
17,87).
55
Cf. Expos.,
1
7-8, 69-70; XIII, 93 et 486-489.
56
Cf., sur la 'diffusio',
de Dieu
en gnral, Periph.,
1,
519
D-
520 A (p. 212,13 et suiv.);
IL
A
(p;
202,5-6); III,
633
D-634 A (p. 60,9-11); IV,
788 A; V,
1020 B-C. Sur
celle du
V
en
particulier,
voir
surtout III,
642
A -
643
C
(p. 78, 19-82,18;
texte
cit ci-dessu
80,15-16), et aussi Expos., 1; 315 et suiv.;
352
et
suiv.; X,
46-47.53.
51
Cf. Periph.,
III,
643 B (p.
82,1-:8) (sur ce
texte, voir infra, n.
114);
Expos., I, 333-335;
981
et suiv.
58
Sur la
hitpasseut,
voir
surtout Comm., pp. 312-314 (n.
14).
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
16/32
294
GUSTAVO
A.
PJEMONTE
eis essentiam'
Ajoutons que le verbe himmasek a dans la Kabbale un sens tres
proche de hitpasset;
on
le rencontre entre autres dans la phrase "l'expansion
qui
s'coule
(ha-nimsak) de la
source : cette expression voque une fameuse page du
Periphyseon,
III, ou le
cours du
fleuve
divin,
qui
nait
de
la 'fons omnium', est dcrit a
l'aide
des verbes 'protendatur', 'deffunditur
16
Dans
le meme passage, l'Erigene
parle
de
la 'a se ipsa in se ipsa
ad
se
ipsam
diffusio'
de
la bont divine
61
, ce
qui
suggere que la diffusion 'in omnia que sunt',
affirrne
dans les Expositiones, n'est pas
incompatible
avec
la
diffusion
"dans la racine
occulte
du pseudo-Hai-6
2
Bref,
le
vocabulaire technique et les conceptions sous-jacentes des lignes analyses de eet
de e', sur la
diffusion de
la lumiere
divine,
semblent bien apparents. Du reste,
i1
conviendrait, je crois,
de
prendre en considration
la
possibilit d'une influence
gnrale
rignienne sur 'ensemble
de
l'important theme kabbalistique
de
la
hitpassetut
63
Le tableau suivant rcapitule certains aspects des conceptions compares:
Jean Scot
Periph.
//
l ignis
2.
radius
Expositiones
turnen primum atque
intimum
(supereminens)
turnen uerum
(diffusum)
3. splendor lumen
(ex uirtute
gnea
(splendens)
per radium procedens)
64
4.
Les
luminaires
crs
(g-g')
Pseudo-Hai
lumiere intime
primordiale_
lumiere plus-que-claire
(se
diffusant)
lumiere
claire
(resplendissant par la
force de sa diffusion)
La question que la section gdes Expositiones attribuait a un sujet indterrnin et
hypothtique
('
fortassis quis dixerit') portait sur la maniere dont toutes
choses
peu-
59
Cf. Comm., p. 109, 295; Periph., II, 585 e (p. 134,17-18). (Scholem a dja remarqu, en ce
qui concerne hawaya, que ce nologisme- traduit "en it" par
Vsjda-
parait imit du latin
'essentia': Orig., p. 297).
60
Voir Comm.,
p.
205;
Periph.,
III, 632 B-C (p. 56,23 et suiv.).
61
/bid.
632 D (p. 58,2-3). .
62
er. aussi, dans la eonsultation, p. 13,14-15,
mi
revient l'ide
d une
diffusion d ~ n s
l'essence de la racine".
La
diffrence de point de vue entre Jean Scot et l'auteur juifpro
vient du fait que ce dernier applique la section e a 'origine des lumieres intradivines,
comme on vient de le dire; quoique, en dfinitive, l'rignisme et la Kabbale sont d'accord
sur le principe fondamental selon Jeque rien n'existe en dehors de Dieu
(cf.
"Notas", p.
120).
63
Cela n'exclut pas, naturellement, d'autres influences probables, p.ex. celle des noplatoni
ciens juifs
(cf. Orig., p.
143, n.l31;
Comm.,
p. 312).
64
Periph.,
II, 609 C (p. 190,9);
cf.
ibid.,
A (p. 188,22-23).
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
17/32
Jean Scot et un opuscule hbreu pseudpigraphique
295
vent etre
des
luminaires ; a sa place,
on
trouve chez le
pseudo-HaY
une assertion
des
mystiques qu'il faut interprter, laquelle
se
rfere d'ailleurs
aux
sefirot, et non
pasa la totalit du
rel.
y a lieu de rappeler que Jean Scot met
aussi
parfois
le
sym
bole
des luminaires en tpport
avec
les archtypes;
ici
meme, vers
la
fin d'un long
paragraphe que l'auteur hbreu n'a pas repris, il s'leve 'ad intelligibilium rerum
puras
species
...
, c'est-a-dire, en dfinitive,
aux causes
primordiales, nommes
explicitement
au
dbut de lasection suivant
5
Mais meme
les
cratures corporelles
les plus
humbles, une pierre ou un morceau
de
bois,
illui:ninent
notre esprit, par
les
perfections participes qu'il y rencontre, et
le
menent, au dela
de
toute
la
cration
visible
et invisible, aa 'lux inaccessibilis'
de
Dieu. Dans
ce
sens, chaque chose est un
"luminaire", et
la
structure du monde le 'maximum lumen'
66
Le pseudo-Hai',
de
son
cOt, se
rfere
plus simplement aux luminaires de l'univers au sens littral et physi
que,
aux
astres
67
,
pour y opposer
ces
au tres luminaires spirituels que sont
les
sefirot.
Toutefois, ses considrations, beaucoup plus breves que
celles.de
Jean Scot, se
con
densent en une
formule
dont
les
ressemblances tres frappantes
avec
une expression
que l'on
lit
dans les
Expositiones
dcoulent tant
du
contenu
que
de
la
forme:
l substantif sujet
(sing.)
(sens gnral: "lumiere")
2.
participe
de
la
meme
racine que le
substantif
3. substantif
compl.
direct (pi.)
(sens gnral: "intellect 1
etre dou .d'intellect")
Jean Scot
lumen
illuminans
animos
Pseudo-HaY
ZHR
MZHYR
HNPswrs
65
er. Expos., I, 131-133 et 141; IV, 267.279-280; voir galement Periph., II, 558 B (p. 74,18)
et suiv.
66
Expos., I, 94 et suiv. L'expression 'illuminans lumen 1 lux' revient, p. ex., en Expos., XV,
520-524. Sur la contemplation "pure et intime" de la 'mens', on peut voir, parmi beaucoup
de passages, Expos., II, 13 et suiv.; VII, 122-127. L'inspiration augustinienne de ces the
mes est manifeste;
cf.,
p. ex., De vera religione, LV,
113
(texte bien connu de Jean Scot);
voir Kl. Hedwig, Sphaera Lucis, pp. 34
et
suiv.; par ailleurs, au-dela d Augustin, la "lumiere
qui illumine l'intelligence" remonte, bien entendu, a
Jn., 1,9 (cf. Expos.,
I, 534-539, ou
l'allusion a I'Evangile
n a
pas t releve
par
l'diteur).
67
Les astres, et en particulier le soleil et la une
du
rcit
9e
la cration, sont, dans d'autres
crits kabbalistiques, interprts symboliquement (voir,
p.
ex., Comm., pp. 115, 303-304;
on peut y comparer l'exgese rignienne de
Gen.,
1,14 et suiv., dans
Periph.,
IV,
783
784 e; cf aussi, sur Is., 30,26, Periph., V, 990 e et suiv.)
68
Le choix de ce terme suggere que le pseudo-Ha pourrait avoir u dans les Expositiones
'animas' au lieu de 'animas'; mais i1 ne distinguait peut-8tre pas tres nettement les signifi
cations de ces deux mots latins. En tout cas, i1 ne doit pas avoir trouv daos son exemplaire
la variante 'oculos', propre a certains manuscrits du Commentaire rignien
(cf.
infra, III,
2).
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
18/32
Le
choix de
ZHR, "splendeur", par l'auteur hbreu, au Iieu d'un quivalent plus
direct de 'lumen', obit peut-etre
a
son
dsir
d'viter une rptition, car
le
terme
M'WRWT, "luminaires", venait d'etre employ a a Iigne prcdent
9
; par ailleurs,
le verbe
hizhir,
apparent aZHR,
lui
convenait tres bien, puisqu'il signifle a a fois
"resplendir" et "avertir, instruire": orle pseudo-HaY a videmment ten u a miter la
figure
stylistique
de
son modele, en adoptant un participe de la m eme racine que
le
sujet.
5. Les noms
de la
divinit (h-h')
Apres quelques l i n ~ s sans analogue dans la Consultation, le Commentaire ri
gnien traite une question sur
le vocable dionysien
IIATPOKINETOC
qui,
par
contre, y a
laiss des
traces, quoique le rapport entre
les
deux textes est maintenant
d'opposition implicite, plutot que de conformit, En etfet,
la
mention des "recher
ches"
et
de
l"'investigation aupres
des
maltres" rappelle
le
'queritur' et
le
'a sapienti
bus inuestigatur'de Jean Scot1.
Plus
encore:
ces
recherches du
pseudo-HaYauraient
port sur 'existence
de noms
propres pour les
trois
prncipes supremes: orles
Expo-
sitiones invoquent les tymologies supposes des noms grecs IIATHP et 9EOC
pour prouver que le Dieu immuable se meut (dans un sens mtaphysique)
7
Mais le
rsultat des investigations
de
l'auteur juif aurait t, d'apres lui, ngatif: aucun nom
"connu" ne convient
aux
trois luminaires, ce qui se rapporte sans doute directement
aux
noms
divins de
la
Tora
72
du
Talmud et
de
l'enseignement sotrique;
mais
l'exclusion pourrait s'apliquer aussi ades
noms comme
'Pater', lequel, selon la
source qu'il
suivait sans la
nommer, est donn
a
Dieu 'in u traque
Iingua, greca uideli
cet latinaque'. Une
allusion
critique du pseudo-HaY a ce passage rignien
me
semble tres probable; Et, comme pour justifler le procd
par
lequel il
avait systma-
69
P.13,1;
ce
mot
dsigne
galement
les
~ i f i r o t n p.12,8. 9.10. 14.24, alors qu'il se rtere aux
trois
prncipes supremes
en p.
12,14; p.
13,6.
(YM), "lumiere(s)", pour sa part,
qui
s'app ique a
ces
trois prncipes
en
p. 12,18.20, est e'mploy galement pour les sifirot
en
p.
12,6.7.12; p.
13,14.
On voit done que l'usage du pseudo-Ha ne distingue pas rigoureuse
ment "luminaire" de "lumiere"; Jean
Scot,
de son cl)t, utilise 'lumen' pour les trois
personnes divines, mais dans 1, 84 et suiv.
il
oppose a Dieu
=
lux',
les
'lumina condita'.
70
Le theme
de
l"inuestigatio' est typique de Jean
Scot; voir,
p. ex., Periph., 11 615 C-D
(p.
204,5-7);
IV, 858 B;
V, 1022 B. Cf.
D.
O'Meara, "L'investigationet
les
investigateurs daos
le
De diuisione naturaede Jean Scot Erigene", JSEHP, 225-233. Chez
les
kabbalistes, l'ex
pression "sagesse de l'investigation" (cf. supra, n. 11) dsignera la philosophie rationnelle,
et dans
le
cercle
du
1yyun
s'appliquera surtout
aux
sources noplatoniciennes
(cf.
Orig.,
p.
334
(n.
218); Rech., pp. 376-377, 393; etc.).
7
Sur l'tymologie de 8ec;, voir
aussi
Periph., 1, 452B
(p. 60,10)
et
suiv.
est intressant de
constater qu'a l'explication du mot 'Deus'
des Expositiones
semble
faire
pendant dans la
Consultation l'affirmation
de
l'impossibilit d'assigner un no m a la
racine
sans commen
cement", ce qui confirmerit le rapport entre
les
deux dsignations suggr
supra,
n 2.
72
Dans les lignes suivantes (section D),
le
pseudo-Hai' prcisera que tous ces noms, y com- .
pris
le ttragramme YHWH,
ne
se rapportent qu'a la "Gioire cre" =
ax
seflrot); cf.
sur ce theme Le Nom,,pp. 27, 82,
109
et suiv.
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
19/32
Jean
Scot
et un opuscule hbreu pseudpigraphique
tiquement supprim tout lien entre ses trois lumieres et les noms des 'substanti;
divines qu'utilisait son modete
73
,
notre kabbaliste invoque
ici
a 'appui 'avis ur
nime des "tmoins
de la
tradition primordiale"
Le pseudo-HaY assigne nanmoins certaines dsignations d'ensemble aux trt
lumieres:
1)
"trois
[degrs] occultes,
prncipes
des
prncipes" (SLSH GNWZWT F
SY
R'SYM,
p.
11,19-20):
cf.
infra,
n
6,
1; 2)
"les trois
luminaires
supremes"
(Ht
M'WRWT
H'LYWNWf, p.
12,14-15): cp.
'trina lux', section
e;
3)
"trois
[entitt
supremes"
(SLS
'LYWNwr, p. 13,3-4): cp. 'summa Trinitas",
expression
maint
fois employe par Jean Scof\ 4) "les trois degrs qui sont nom, essence et racin.
(HG' M'LWf SHM SM 'SM WSRS, p. 13,12-13): certains passages du Periphysec
rendent un son
similaire
75
6.
Ides et formules
du pseudo-Hai'
dont on peut trouver
des analogues
dans d'autn
textes de Jean
Scot7
6
1)
Les
expressions "racine" et "racine des racines"
Ces
expressions images sont surtout utilises dans
la
Kabbale par le groupe d
lyyun et
par
Azriel
de
Grone
77
Elles ont une saveur gnostique marque: tant
dar
les tmoignages des Peres de l'Eglise sur le systeme valentinien que dans
les
doct
ments dcouverts
a
Nag Hammadi on rencontre une terminologie assez
proche
7
Mais
un autre facteur joue
aussi ici,
notamment
en
ce qui concerne
la
formule
redoublement "racine
des
racines"
(ou
"de toutes
les racines"):
l'influence
noplatc
73
Non seulement 'Pater', mais aussi 'Verbum/'Filius' et 'Spiritus Sanctus' sont
encot
employs plusieurs fois dans cette section des Expositiones ( ignes
181-191).
(Dans l
Kabbale
on
se servira aussi du nom "pere", mais en corrlation avec "mere", et au
nivea
des
sifirot;
ces noms dsigneront respectivement la 2 seflra /fokma) et la 3
(Bina).
C
Orig., p. 146.)
74
Dans
le
seul chapitre 1
des
Expositiones,
on
la
trouve aux
lignes 186-187,
396-39
('summa ac sancta'), 460-461 ('summa sanctaque'), 463, 475.
15
Voir, p. ex.,
Periph.,
11
600 A-B (p.
168,18-19).
76
Les expressions tudies ici correspondent surtout a la section a'.
77
Cf. Orig.,
pp. 364,
377-378;
G. Vajda,
"Un chapitre
de
l'histoire du
conflit
entre la
Kabbalf
et la philosophie", dans
Archives d'hist. doctr.
et
lit/.
du
Moyen
Age,
XXIII
(1956),
45-144:
voir l'Appendice III,
pp.
136-144
(le
texte d'Azriel traduit dans
ce
supplment contient un
passage dont-la source,
non
identifie jusqu'ici, n'est autre,
amon
avis, que Jean
Scot;
j'espere revenir la-dessus prochainement).
78
Voir
lrne
de Lyon,
Contre
les
Hrsies,
livre
1,
d.
A.
Rousseau -
L.
Doutreleau,
Pars
1979 (Sources chrtiennes, 264),
1,1,19:
'radicem omnium'; 1,1,26: 'radicem
et
substan
tiam
omnium';
1,2,14:
'eam
quae
sine initio est radicem', TIv vapxov P Cav (cp. pseudo
HaY
p.
13,6-7:
HSRS
S'YN
LW
HTI,ILH). Pour
les
textes coptes, cf.
The
Nag Hammadi
Library
in English,
d. dirige
par
J. M.
Robinson, Leiden, 2nd. ed.,
1984;
p. ex.
The
Gospe/
ofTruth (1,3), 41, 17-19. 25-26; 42,33-34; dans The Tripartite
Tractate
(1,5), on dit notam
ment que le Pere a cr" the aeons as
roots
and springs and fathers (68,9-10), ce qui
rappelle singulierement une ligne du
pseudo-HaY:
"et
les
racines,
qui
sont les peres,
s'appellent
sifirot
(p. 11,22).
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
20/32
298
GUST
YO A. PJEMONTE
nicienne. La formule en question n'est en effet, parait-il, qu'une version
colore
de
l e x p r e s s i ~ n
p h i l o s o ~ h i q u e bien connue
"Cau,se des causes" ("de
toutes
les
causes");
cette
dermere, tradu1te en
hbreu ou en aramen, sera
aussi
employe littralement
par les
premiers kabbalistes
79
. Je crois pertinent
de
souligner que la dnomination
'causa causarum
(omnium)', commune,
certes,
a
lusieurs auteurs, est bien prsente
chez Jean Scot,
en
particulier dans son expos sur la Trinit
du livre
II
du
Periphy
se?n80. Elle
a dans l'reuvre rignienne une
signification prcise,
opposant les
causes
p ~ 1 m o r d i a l e s
a
Dieu, ~ u i , les ayant
cres, estau sens
strict la "cause des causesB
1
;je
fms
remarquer
a e
SUJet
que le
pseudo-Hai'
paralt
aussi
donner A
a
Iocution
"racine
des racines"
une valeur plus concrete que
celle
d'un pur superlatif; car elle veut
dire
pour
cet
auteur "racine
des
sejirot (=racines) .
La
formule
cite se
double parfois
dans
le
Periphyseon
d'une autre parallele, 'omnium principiorum
principium8
2
dont
on
a
vu
ci-dessus
(no 5, 1) un
quivalent
chez le
pseudo-HaY.
Dans un
pass;ge
la
"cause
des
causes"
est identifie au :{lere, tandis que dans d'autres textes r i g n i . ~ n s
cette
dnomination
se
rapporte au Verbe
83
;
mais les plus
intressants sont ceux ou
elle est applique A
a
Trinit,
p.
ex.:
'in
ipsa causa causarum
omnium in trinitate
dico
.. .'
84
C'est
la un
prcdent objectif
du caractere
ternaire
de
la racie
de
toutes
les
racines"
chez le pseudo-Ha ,
que ce dernier n'ignorait peut-etre
pas.
2)
Les trois
luminaires
supremes n'ont
pas de
commencement
L'ide de la
"cause des causes"
se prsente chez Jean Scot lie, comme
celle
de la
"racine des racines" dans la Consultation, a
celle
de l'absence de prncipe cette
derniere notion
est frquemment exprime par l'Irlandais Al'aide
du term'e grec
vetpxo;, lequel est
tant6t appliqu
A
Dieu en
gnral
85
,
tant6t
au
Pere
ou au Verbe
79
Voir Orig.,
pp. 224,
227, 238, 261-262, 380, 421-422,
425,
467-468; Kabbalah,
p.
89; Le
Nom, p. 52;
Rech.,
pp.
174-175.
80
Elle Yparalt a u moins onze fois; on en trouve d'autres exemples dans le Periphyseon {III et
V),
mais
non, ama connaissance; dans le De praed.
81 ef .
.
p.
ex.,
Periph.,
Il,
553
e (p. 64,21-25); 554 C (p. 66,23-25); 555
D 556
A (p. 68,36- p.
70,2).
82
er.
Periph.,
II, 555 A (p. 68,8-9); les deux formules reapparaltront ensemble
au
XIII"
siecle,
dans
le
De
causis primis et secundis
(voir ci-dessous, eonclusion); cf.
u s ~ i
le Livre
des
deux principes des cathares, d. Chr. Thouzellier, Pars 1973 (Sources chrtiennes,
198):
7,10-12; 19,37-39. .
83
Le Pere comme cause des causes: Periph.,
II,
600 B (p.
168,21-25); le Verbe:
Periph.,
II,
609
B (p.
188,28-30);
V,
892
D-893
A.
84
Periph.,
II,
562
A (p. 82,22-23; cf.
ibid.,
26); voir aussi
556
A (p. 70,6.8-11); 615 C-D (p.
204,5-8). -
85
er.
Periph.,III, 619
e (p. 26,19-24). Pour
&vapxoc;
dit
de
Dieu en gnral, cf. 1
451
e n
(p.
58,21-23);
516
A
(p.
204,6-7);
II,
585
A
(p.
134,
1-2);
111,688
e D (p.
184,24-26).
(D'au
tres em lois de cet ad ectif: II 562
A: o.
82.1 R-1
TTT
t >?
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
21/32
Jean Scot et un opuscule hbreu pseudpigraphique
299
en
particulierB
6
; mais on le trouve
galement
rfr a oute la Trinit: 'trinitas coes
sentialis in tribus substantiis, vapxo;,
hoc
est sine
principio
.. .'
87
On peut rcapituler les
ressemblances
signales dans un tableau:
le n
Scot
Pseudo-Har
Causarum omnium causa
Racine de
toutes les
racines
omniumque principiorum principium (trois) prncipes des prncipes
----:::=--
1
=
SVMMA
TRINITAS
1
1 =
TROIS
[entits]
SUPREMES
1
ANAPXOC,
hoc est sine
principio
n'ont pas de commencement
causae primordiales
racines = sefirot
3) Et la pense n est p s capable de les
saisir,
carla comprhension et le savoir de
toute
crature sont
insuffisants
pour
[les]
saisir''
88
.
n'est pas ncessaire
de
s'attarder sur l'importance
du
theme
de
l'incomprhen
sibilit divine
dans
la doctrine rignienne; Scholem a dja.suggr qu'une expres
sion des kabbalistes assez
proche
de celles que l'on lit dans la Consultatibn,
ma se en
ha-maJ:saba
masseget,
"ce
que
la
pense ne
saisit pas",
pourrait etre
une
traduction
de
l incomprehensibilis' que Jean
Scot
utilise, p.ex.,
dans la
dfinition du nant par
excellence"
89
. Cette ide revient frquemment dans l'reuvre de l'Erigene; en voici
un
seul exemple, tir du chap. I des Expositiones: la vrit
divine
en elle-meme'
hulli
creature
comprehensibilis est, super omnem sensum et intellectum exaltata, omni
uisibili et inuisibili creatura remota'
90
; des assertions
similaires
abondent
dans
le
Periphyseon, 11
au sujet de la Trinit
9
. Notons enfin
que
la phrase
du
pseudo-Hai"
concernant
les
sQirot: il n'y a
pas
de chem n pour
les
saisir, sauf pour Celui qui les a
cres, est, pour sa part, tres proche
de
beaucoup d'affirmations rigniennes sur les
causes primordialea9
2
86
Le
Pere 'comme &vapxoc; = Periph., V, 909 A-B;
le
Verbe: V,
893
A.
87
Periph., IV, 741 C.
88
Vor auss p. 11,25 - p. 12,1; p. 12,22.
89
ef.
Orig.,
p.
286;
Periph., III, 680 D - 681 A (p.
166,19.
26-27).
90
Expos., I, 601-604
(cf.
608); voir
aussi
ibid., 97-99, 103-104, 316-317, 361-364, 378-379.
91
P.
ex.:
'diuinae bonitatis substantialis trinitas ... cum sit ah omni creatura remota omni-
que intellectui incognita .. .' (579 A;
p.
120,10-11.13-14);
voir
aussi
576
A (p. 112,34-35);
579 B (p. 120,18-20);
614
e (p. 200,30-34);
615
A (p. 202,7-8.13-15).
92
Voir
la
consultation, p.
11,24-25.
Pour des textes sur l'incomprhensibilit des
causes
primordiales,
on
peut
voir
mon
article "Las
realidades que superan toda inteligencia , dans
-
7/24/2019 Piemonte - Les Expositiones in Ierarchiam Coelestem
22/32
III.
Possibilit et probabilit d'une
influence
rignienne
sur le
pseudo-HaY
S'il n'est pas vraisemblable que toutes
les
correspondances
de
contenu et
de
forme entre la Consultation du pseudo-HaY et
le
Commentaire
de
Jean Scot que l'on
vient
de
mettre en vidence
ne
soient que l'effet
du
hasard, ou
le
fruit
de
simples
analogies structurelles entre deux penses affines,
l faut
conclure que les textes
compars doivent etre
lis
entre eux par un certain rapport historique-littraire,
directe
ou indirecte. Dans les paragraphes qui suivent on considrera sommaire
ment, et a itre
provisoire,
quelques questions dont
la
dtermination aiderait a clai
rer la nature
de
ce rapport.
l.
Les
ressemblances entre la Consultation et les Expositiones
ne
s'expliquent proba
blement
pas
par une source commune
convient
de
rioter, en premier lieu, qu'une hypothese inverse
de
celle que l'on
a expose ci-dessus, c'est-a-dire
celle qui
supposerait une dpendance del'oouvre
rignienne
a
'gard du pseudo-Hai',
ne
serait pas soutenable, pour e pures raisons
de
chronologie
93
Mais on
pourrait se demander
si
Jean
Scot
n'aurait pas utiljs des
lments
qui
auraient t
aussi
connus
plus
tard, indpendamment de lui, par l'au
teur juif. Puisqu'on est loin d'avoir identifi toutes les sources de la synthese
rig
nienne94,
une
telle
question n'est pas
facile
a
pondre
avec
certitude;
il
est cepen
dant loisibl
de risquer quelques conjectures sur
les
auteurs dont s'inspirent proba
blement
les
pages
cites des Expositiones, afin d'tablir si qn y trouve des matriels
suffisants pour rendre compte des similitudes
signales.
Remarquons d'abord que,
si
Jean Scot
croyait
dcouvrir la Trinit de lumiere
dans
certains
passages de
Denys
95
,
la prsence
de
cette ide au dbut
des Expositiones
provient d'une laboration du
commentateur, car le chapitre I
de la
Hirarchie cleste mentionne bien
le
'Pater
luminum'
et,
plus loin, le 'lumen uerum' J s u ~ ) , mais non pas 'Esprit Saint. Dans
d'autres lignes
du
texte rignien,
des
rminiscences
de
saint Augustin sont incon
testables, en particulier en ce
qui
concerne l'illumination intrieure
96
. Mais je vou
drais
m'arreter un instant
a
une autre
influence,
moins apparente,
qui
me
s e m l ~
fondamentale, celle de Marius
Victorinus.
En plus de certains
vers
des
Hymnes
91
on
93
M@me
le
vritable
ga on
HaY est
d'ailleurs postrieur a
Jean
Scot.
94
Des
ressemblances
assez
singulieres entre
certains
textes
gnostiques
et
quelques passages
du Periphyseon
parattraient
parfois suggrer la possibilit d'une influence;
cependant,
si
cette influence
a
exist,
elle
a
probablement
t
indirecte,les
voies de
transmission
tant
peut-etre le
pseudo-Denys ou
d'autres
auteurs grecs, et, parmi
les
Latins,
surtout
Marius
.Victorinus.
95
Voir,
en
Expos.,
VII,
518-526, le
commentaire
sur
l'adjectif
dionysien tplqavolc; (Hir.
cl.,
VII,2; PG