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Pistes pédagogiquesAnatomies
Elles permettent, en plus du livret de l’exposition qui l’accompagne, d’établir une relation étroite avec les programmes de premier et second cycle pour cet accrochage.
Cet accrochage est composé d’œuvres de cinq artistes. Ce qui est interrogé ici c’est l’anatomie. Il faut l’entendre dans un sens élargi, c’est aussi de l’anatomie de l’œuvre elle-même dont il est question. Les questions sous-jacentes à cet accrochage sont liées au corps tels que les posent les programmes du collège et du lycée, mais aussi d’image.
« L’expérience sensible de l’espace, entre le corps du spectateur et l’œuvre » (Programme de 3ème) :
Le rapport qu’établit l’artiste entre l’espace de l’œuvre et l’espace du spectateur est
spécifique à chaque œuvre et ne peut se percevoir que devant l’œuvre réelle et
non devant sa reproduction. Les élèves pourront faire eux-mêmes ce qui est de
l’ordre de l’expérience dans la relation de vis-à-vis. Il sera question ici de
format. L’une des caractéristiques de cet accrochage est en effet le rapport
intimiste imposé par les dimensions des œuvres. Les deux tableaux de Philippe
Cognée : Cœur et Cervelle sont ce que l’on pourrait nommer des tableautins.
Seules les deux vanités de Frédéric Castaldi et l’œuvre de Ghada Amer ont des
formats qui imposent un rapport plus distancié. Le rapport intimiste à l’œuvre
pourra être accentué ou au contraire atténué par les choix (ou les impératifs)
d’accrochage. C’est ici la question de la présentation qui est en jeu tel qu’abordée au collège et en
terminale option. D’autre part cette distance entre l’œuvre et le spectateur, prise en compte
dans certaines pratiques artistiques picturales comme celle de Marc Rothko qui prenait en
compte cette distance entre l’œuvre, pourtant de grand format, et le spectateur, est aussi en
relation avec le motif. Ainsi les élèves pourront prendre conscience de la complexité de cette
question.
Frédéric Castaldi - Vanité (série n°2) – 1995 - acrylique sur toile – 100x73
« Lisibilité du processus de création » :
Il est symptomatique que parmi les œuvres présentées plusieurs posent la
question de la lisibilité de l’image et que celle-ci découle directement du
processus de réalisation. Un peu comme si l’artiste après avoir produit
l’image s’évertuait à en faire disparaître la trop grande évidence.
Les abats de Philippe Cognée, Cervelle et Cœur, disparaissent
presque sous le traitement glacé de la surface picturale. C’est à partir
de polaroïds qu’il réalise des images, que l’on imagine très réalistes. Les
images sont peintes à l’encaustique et repassées ensuite « pour les faire basculer (…)
dans l’univers pictural » dit Bernard Martin (Ninety n°22, p69). On amène ainsi « l’élève à
reconnaître la réalité concrète d’une œuvre ». Les qualités tactiles, la brillance, la
rugosité, sont visibles dans ces peintures. Ces œuvres s’imposent au regard par leurs
qualités physiques qui leur donnent une présence incontestable. On peut donc deviner le
processus qui conduit de la lente élaboration de l’image à son brouillage. Celui-ci
procède d’une forme de hasard puisque la disloquation de la forme dans la matière sous
l’action de la chaleur n’est pas complètement maîtrisable. Cette notion de hasard
apparaît dès le début du XXème siècle, avec Marcel Duchamp, par exemple, qui définit
ses Trois Stoppages Etalons comme « du hasard en conserve ». A
l’occasion d’une exposition intitulée prolifération (Prolifération entretien avec
Bertrand Godet – chapelle du Genêteil, Château-Gontier, 1998), il s’expliquait sur
l’incidence de la technique dans la réalisation de l’image et combien la
pratique prend tout son sens : « laisser une trace puissante, créer un
contraste maximal exige de trouver un lieu pour ce faire. Une épaisse
couche de liant et de pigments blancs étalés grossièrement sur la feuille
de papier constitue un terrain propice à recevoir la morsure d’un fusain
qui par la force du geste dessinant, se réduit rapidement en état de poussière. Le
fusain laboure littéralement la surface picturale et le dessin réduit à l’état de schéma
prend alors son caractère dense et grave. La surface ainsi préparée est alors
recouverte d’une feuille de plastique sur laquelle est passé un rouleau. Les sillons
creusés par le fusain sont alors en partie comblés tandis que les fragments de bois
calcinés, en éclatant, libèrent une source d’énergie. Le travail initial s’en trouve certe
altéré, mais l’image, loin d’être atteinte, apparaît alors dans son essence, sa force
profonde. »
Philippe Cognée – Cœur – 1994 – encaustique sur toile marouflée sur bois – 14x22
Denis Falgoux (1959- )Sans titre – 1994 – collage sur papier – 30x25
Mike d’Aziz et Cucher donne, quant à elle, la possibilité de voir ce
qu’explorer la virtualité de l’image et sa dématérialisation peut signifier.
L’infographie est le moyen pour ces artistes de changer radicalement
l’apparence de l’individu. Par un jeu de « copier coller » la texture de la
peau couvre le visage obstruant tous les orifices, coupant court à toute
communication avec le monde.
« Faire travailler les élèves sur la relation du corps à la production
artistique en leur faisant découvrir des quantités de gestes leur paraissant jusqu’alors
étrangers à la création artistique » était-il précisé dans le précédent
dossier d’accompagnement des programmes de troisième. De ce point
de vue deux œuvres sont particulièrement éloquentes. Tout d’abord
l’œuvre de Denis Falgoux, avec Sans titre, qui à une pratique très délicate du collage,
celle-ci pouvant s’apparenter au travail du tailleur. Ensuite celle de Ghada Amer où c’est
la pratique très féminine de la broderie qui est utilisée. Elle précise dans une interview
comment lui est venue cette idée de la broderie : « J’ai commencé à travailler « en
couturière », après avoir vu en Egypte, une revue de presse féminine. C’est une revue
de patrons de robes, style « Burda » ou « Modes et Travaux » : des modèles
occidentaux exactement comme celles qui posent pour Burda sauf qu’elles étaient
habillées avec des robes longues, elles portaient soit des chapeaux, soit un voile, soit
les deux (en tout cas on ne voyait jamais la chevelure). En regardant de plus près, on
s’aperçoit que toute la revue est « fabriquée », c’est une suite de
photomontages !!! Il y avait comme ça une superposition, plutôt un
plaquage de deux modèles : l’un oriental, l’autre occidental. En résumé,
ce qu’on voyait c’était la photo de femmes occidentales (elles étaient
blondes aux yeux bleus) qui portaient des modèles de robes occidentaux
rehaussés à la sauce orientale : quand les robes étaient trop courtes, on
les rallongeait, quand elles étaient trop serrées, on les élargissaient,
trop décolletées, on les fermait, les chapeaux se substituaient au voile…
puis à la fin on trouvait un livret avec les patrons de toutes ces robes qu’on pouvait
faire soi-même. Ce décalage ou cet écart entre les deux modèles m’a intéressé et j’ai
eu envie de travailler avec les patrons de ces robes »
http://www.unc.edu/depts/europe/francophone/Francophone_art/art_fren/ghada.htm . C’est donc une
forme de collage auquel elle a recours un peu donc comme Frédéric Castaldi.
Ghada Amer (1963- )Sans titre (femme salle de bain), 1997-1998Acrylique, broderie et gel médium sur toile, 91,5 x 122
Anthony Aziz, Sammy Cucher Mike -1994 - Cibachrome - 100 x 80
« Le corps figuré » (programme de terminale, enseignement de spécialité) : « L’image » (programmes du cycle central)
Dans ces « anatomies » le corps apparaît, parfois de manière très allusive, parfois
s’imposant au regard du spectateur par une rhétorique percutante. C’est
le cas des quatre tableaux de Frédéric Castaldi Vanité (série n°2). Cet
ensemble est tout d’abord un autoportrait. Castaldi, non sans humour,
prend les traits de sportifs à la musculature hypertrophiée ou de
Superman. D’autres empruntées à la statuaire antique comme ici
au Discobole de Myron ou Thésée et le taureau. C’est une forme de
« peinture montage » (dans le sens du photomontage) auquel il procède
dans la mesure où il prête ses traits à la statuaire antique. Autre
particularité de cette peinture c’est le fond jaune d’or sur lequel le personnage se
détache accentuant ainsi le processus « d’iconisation » (par analogie aux icônes à fond
doré) en isolant ainsi la figure. La peinture « léchée », lisse, sans aspérité autant que le
corps est sans défaut, idéalisé.
Bien différentes sont les images du corps, mais un corps dépecé, comme dans un
état avancé de La leçon d’anatomie de Rembrandt, dans les deux œuvres de Philippe
Cognée. Ici c’est la viande, sans la violence du Bœuf écorché, qui s’expose : « la peinture
est une pensée que l’on dépose sans les mots, mais avec toutes sortes de substances »
écrit Roland Cognée (in Ninety n°22 p69). Les transformations qui se produisent par
rapport à un référent quel qu’il soit, fut-il imaginaire, sont au cœur du travail des arts
plastiques et la condition même de la création artistique, ce que l’on
nomme écart.
C’est une sorte de mise à distance entre le référent et l’image produite.
Cette question de la ressemblance traverse un grand nombre de
démarches artistiques contemporaines dans le domaine pictural. Philippe
Cognée précise son projet « Il ne s’agit pas de reproduire par la peinture
un objet, une scène. Il s’agit plutôt de faire basculer le réel dans la
peinture ; comme si deux univers coexistaient : le réel et le pictural. La
peinture est un continent parallèle, comme une cinquième dimension ».
(Philippe Cognée Entre nous Bernard martin ed. Joca service 1998). Ce passage de l’image à la
peinture et à ce qui fait la peinture est un point important que les programmes de
collège abordent.
Philippe Cognée (1957- )Cervelle – 1995 – encaustique sur toile marouflée sur bois – 17.5x23
Frédéric Castaldi (1964- )Vanité (série n°2) – 1995 - acrylique sur toile – 41x33
Ghada Amer est une artiste à la double culture (elle est née en
Egypte et travaille en France), et son travail en porte la trace ici au
travers de la silhouette d’un corps et des fleurs comme motif décoratif.
« La féminité comme ouvrage féminin partagée entre deux cultures,
deux modes de représentation d’elle-même, presque opposés. L’un
occidental qui incite à la représentation et mise en scène de soi, l’autre
au contraire qui condamne toute image. Comment conjuguer ces deux
impératifs contradictoires, d’un coté séquentiel et individualiste, de
l’autre figé, familial et religieux ? Ghada Amer refuse l’un et l’autre,
mais ne cherche pas non plus à les métisser et à les brasser […]Derrière l’imagerie de la
condition féminine, ses « peintures » brodées dénoncent sans tapage le langage en
pointillé, le langage minoritaire dans lequel la féminité est entretenue». (Olivier Zahm i http://www.unc.edu/depts/europe/francophone/Francophone_art/art_fren/ghada.htm )
Préfigurant ce que Dominique Baqué nomme les « fictions prométhéennes du Post-
Human » (Photographie plasticienne, l’extrême contemporain ed. du Regard), le duo
d’artiste Anthony Aziz et Sammy Cucher procède à l’ablation des signes et à
l’effacement des capacités sensorielles. Au travers de ces photographies, de la série
Dystopia, retravaillées numériquement, ils posent un regard critique sur certains
progrès techniques de la photographie. « La disparition de la vérité en photographie
s’accompagne parallèlement d’une perte de confiance […] Chaque image, chaque
représentation est devenue aujourd’hui une imposture potentielle. » (Propos rapportés dans
Les nouveaux médias dans l’art de Michael Rush p188).
Le tailleur avant de tailler dans le vif des étoffes procède en réalisant des
patrons, sorte de développé du corps. C’est un peu ce à quoi s’apparentent les
découpages de Denis Falgoux. C’est une silhouette flottante à la surface du papier.
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Document réalisé par Patrice Leray professeur correspondant culturel auprès du FRAC, permanence le mardi de 10h à 12h tel : 04 73 905000 [email protected]
Denis Falgoux (1959- )Sans titre – 1994 – collage sur papier – 30x25