post’u fmc-hge || syndrome de l’intestin irritable post-infectieux

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89 PostU (2010) 89-94 •••••• •••••• Syndrome de l’intestin irritable post-infectieux Objectifs pédagogiques Connaître lépidémiologie Connaîtreles particularités phys h h io- pathologiques Connaître lesparticularités évolu- tives Introduction Le syndrome de lintestin irritable (SII) est le plus fr équent destroubles fonc- tionnels intestinaux. Sa prévalence dans la population générale est chif- fr ée entre1 0 à 12 % avec les critères de finition actuels avec une atteinte féminine prédominante (sex-ratio : 2/1) [1]. Il semanifesteparune dou- leur ouuninconfort chroniquede labdomen qui survient en dehors de toute anomalie anatomique caractéri- sée et qui s’associe à des perturba tions dutransit intestinal (constipation, diarrhée ou alternancedes deux)qui sont plus marquées lors des poussées douloureuses. Le SII est une maladie mul t i f act or i elle mai s les f act eurs clenchants dessymptômes demeu- rent le plus souvent mal identifiés. Cependant, lanamnèse ane parfois à suggérerunlien chronologique clair entre une infection intestinale initiale et lapparition ultérieurede symp- tômes du SII. On parle alors de SII post-infectieux (SII-PI). Cette hypo- tse a été soulevée par des observa- tions anecdotiques dans les années 1960-70 [2, 3], notamment par les données de Chaudhary et Truelovequi rapportaient dansune étude rétrospec- tivequeles symptômes de SII appa- raissaient au décours dune diarrhée aiguëi nfe c t ie us e c he z25% de s patients [3]. Ces observations fur ent confirmées par des études épidémio- logiquesultérieures [4-8] et lexistence d’un SII est sormai s admi se. Ce SII-PI se caractérise essentiellement parune forme diarrique avec une datededéclenchement dessymptômes bien identifiée par le patient. Comme cheztous les patients souffr ant d’un SII selon les critères diagnostiques habituels, les explorations biologiques et morphologiques de routine sont normales en cas de SII-PI. Épidémiologie Le SII-PI survientsurtout aprèsune infection bactéri enne ( Salmonel l a, Shigella, Campylobacter jejuni,E. coli 0 157:H7) [4-8]. Cettehy h h potsede SII-PI s’est trouvée confortée notamment par le suivilon- gitudinaldedeux cohortes impor - tantes de malades ayantsouffert ini- tialement d’une gastro-entérite aiguë, l’une en Ontario (Canada) [7], lautre en Espagne [8]. En 2000, 2300 habi- tants de la ville de Walkerton (Ontario) fur ent atteints par une gastroentérite aiguëdorigi ne hydriquel iée à l a contamination des réservoirs deau de la ville par deux souches bactériennes, Ca mp y lo bac t e r j e j u ni e t E. c oli 0157:H7. Ausein de cette cohorte, 1 368malades fur entrevus entre 2 et 3 ans après linfection initiale et leur évolutionsymptomatiquefut compa- réeàcelle de 70 1 habitants de la ville nayant pasdéveloppé l a gast r o- entérite aiguë bactérienne : lincidence du SII était 5foi s plus grande chez les habitants contaminés que chez ceux non affectés par lépimie de gas- troentérite [7]. Desrésultats équiva- lents sont venus ensuite dEspagne. En juin 2002, 1 243 des 9 000 habitants d ’u ne pe t i t e v i lle de Ca t a l ogn e contractèrentune salmonellose pro- voquée par lingestion de gâteaux à la crème contaminés. Quatre cent quatre vingt unmembres decette cohorte de patients infectés et 547 habitants de la même ville nayant pas contractéla salmonellosefur ent suivis pendant 1 an avec des visites à 3, 6 et 12 mois. Ce suividémontra quelincidencedu SII 6 et 12 mois après la salmonellose ét ai tvoi si ne de 10 %, et quel es chiffr es dincidence chez les habitants non contaminés par Salmonella ente- ri tidi s étai entrespecti vement 5 et 1 0 fois plus fa ibles aux mêmes dates de suivi [8]. Lanal ysedel ensemble desséri es publes dans la littératurepermet de conclureque 1 0 à 15% des SII définis selon les critères de Rome II seraient des SII-PI et que le risque relatif de velopperun SII est multiplié par 5 (IC 95 % : 3, 69, 4) durant les6 à 12 moissuivant lépisode aigu [9]. Pl us i eur s f act eur s infl uencent ce risque. La durée de linfection initiale paraît terminantepuisqu’il existe une corrélation entrelaugmentation de ce risqueet la durée de linfection : la probabilitéde voir apparaître un SII au cours de linfection est multipliée par 11 lorsquelinfection initiale dure P . P P Ducrotté P . P P Ducrotté() ADEN EA 431 1/ IFRMP 23 Département d’hépato-gastroentérologieet de nutrition CHRU,Hôpital Charles Nicolle, 76031 Rouen Cedex E-mail : philippe.ducrotte@chu-rouen.fr

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Page 1: Post’U FMC-HGE || Syndrome de l’intestin irritable post-infectieux

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Post’U (2010) 89-94• • • • • •

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Syndrome de l’intestin irritable post-infectieux

Objectifs pédagogiques– Connaître l’épidémiologie– Connaître les particularités physhh io-pathologiques

– Connaître les particularités évolu-tives

Introduction

Le syndrome de l’intestin irritable (SII)est le plus frff équent des troubles fonc-tionnels intestinaux. Sa prévalencedans la population générale est chif-frff ée entre 10 à 12 % avec les critèresde définition actuels avec une atteinteféminine prédominante (sex-ratio :2/1) [1]. Il se manifeste par une dou-leur ou un inconfort chronique del’abdomen qui survient en dehors detoute anomalie anatomique caractéri-sée et qui s’associe à des perturbar tionsdu transit intestinal (constipation,diarrhée ou alternance des deux) quisont plus marquées lors des pousséesdouloureuses. Le SII est une maladiemultifactorielle mais les facteursdéclenchants des symptômes demeu-rent le plus souvent mal identifiés.Cependant, l’anamnèse amène parfoisà suggérer un lien chronologique clairentre une infection intestinale initialeet l’apparition ultérieure de symp-tômes du SII. On parle alors de SIIpost-infectieux (SII-PI). Cette hypo-thèse a été soulevée par des observa-tions anecdotiques dans les années1960-70 [2, 3], notamment par lesdonnées de Chaudhary et Truelove quirapportaient dans une étude rétrospec-tive que les symptômes de SII appa-

raissaient au décours d’une diarrhéeaiguë infectieuse chez 25 % despatients [3]. Ces observations furff entconfirmées par des études épidémio-logiques ultérieures [4-8] et l’existenced’un SII est désormais admise. CeSII-PI se caractérise essentiellementpar une forme diarrhéique avec unedate de déclenchement des symptômesbien identifiée par le patient. Commechez tous les patients souffrff ant d’unSII selon les critères diagnostiqueshabituels, les explorations biologiqueset morphologiques de routine sontnormales en cas de SII-PI.

Épidémiologie

Le SII-PI survient surtout après uneinfection bactérienne (Salmonella,Shigella, Campylobacter jejuni, E. coli0157:H7) [4-8].

Cette hyhh pothèse de SII-PI s’est trouvéeconfortée notamment par le suivi lon-gitudinal de deux cohortes impor-tantes de malades ayant souffert ini-tialement d’une gastro-entérite aiguë,l’une en Ontario (Canada) [7], l’autreen Espagne [8]. En 2000, 2300 habi-tants de la ville de Walkerton (Ontario)furff ent atteints par une gastroentériteaiguë d’origine hydrique liée à lacontamination des réservoirs d’eau dela ville par deux souches bactériennes,Campylobacter jejuni et E. coli0157:H7. Au sein de cette cohorte,1368 malades furff ent revus entre 2 et3 ans après l’infection initiale et leurévolution symptomatique futff compa-rée à celle de 701 habitants de la ville

n’ayant pas développé la gastro-entérite aiguë bactérienne : l’incidencedu SII était 5 foiff s plus grande chez leshabitants contaminés que chez ceuxnon affectés par l’épidémie de gas-troentérite [7]. Des résultats équiva-lents sont venus ensuite d’Espagne. Enjuin 2002, 1243 des 9000 habitantsd’une petite ville de Catalognecontractèrent une salmonellose pro-voquée par l’ingestion de gâteaux à lacrème contaminés. Quatre cent quatrevingt un membres de cette cohorte depatients infectés et 547 habitants dela même ville n’ayant pas contracté lasalmonellose furff ent suivis pendant1 an avec des visites à 3, 6 et 12 mois.Ce suivi démontra que l’incidence duSII 6 et 12 mois après la salmonelloseétait voisine de 10 %, et que leschiffrff es d’incidence chez les habitantsnon contaminés par Salmonella ente-ritidis étaient respectivement 5 et10 fois plus faff ibles aux mêmes datesde suivi [8].L’analyse de l’ensemble des sériespubliées dans la littérature permet deconclure que 10 à 15 % des SII définisselon les critères de Rome II seraientdes SII-PI et que le risque relatif dedévelopper un SII est multiplié par 5(IC 95 % : 3, 6–9, 4) durant les 6 à12 mois suivant l’épisode aigu [9].Plusieurs facteurs influencent cerisque. La durée de l’infection initialeparaît déterminante puisqu’il existeune corrélation entre l’augmentationde ce risque et la durée de l’infection :la probabilité de voir apparaître un SIIau décours de l’infection est multipliéepar 11 lorsque l’infection initiale dure

P.PP Ducrotté

■ P.PP Ducrotté ()ADEN EA 4311/IFRMP 23

Département d’hépato-gastroentérologie et de nutrition

CHRU, Hôpital Charles Nicolle, 76031 Rouen Cedex

E-mail : [email protected]

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plus de 3 semaines, alors qu’elle estnon différente de celle d’une popula-tion contrôle pour une infection brève(moins de 7 jours) [5, 9]. Les autresfacff teurs de risque de SII-PI sont liésau terrain : un âge inférieur à 60 anslors de l’infection ainsi qu’un terrainanxieux et/ou dépressif sous-jacentaugmentent le risque [9]. En revanche,les différentes études n’ont pas réussià démontrer de différence d’incidenceentre les cas où un germe avait étéidentifié lors de l’épisode aigu et ceuxchez qui l’identification n’avaa ait pas étépossible [5].

Lorsqu’un malade souffrff e d’une gas-troentérite aiguë, peut-on évaluer sonrisque de développer un SII ? Uneéquipe canadienne a pris en compteneuf variables cliniques lors de la diar-rhée aiguë : le sexe du sujeu t, son âgelors de la gastroentérite, la durée de ladiarrhée, le nombre de selles quoti-diennes, l’existence de crampes abdo-minales, de rectorragies, d’une pertede poids, d’une fièvre, d’un terrainanxieux ou déprimé. Sur la base del’évolution des malades de Walkerton,ils ont proposé un score basé sur lasomme des paramètres précédentsaffectés d’un coefficient (Tableau 1).Un score supérieur à 69 définit unhaut risque de SII-PI, un score infé-rieur à 42 un faff ible risque, un scoreentre 43 et 68 un risque inter-médiaire [10].

Parmi les autres agents infectieux quipeuvent déclencher un SII-PI, le rôledéclenchant d’une parasitose ne doitpas être méconnu. Cette remarqueconcerne notamment l’infection àGiardirr a duodenalis dont la prévalence

est comprise entre 1 et 2 % dans lapopulation frff ançaise. Des auteurs nor-végiens ont montré qu’un SII-PI pou-vait apparaître au décours d’une giar-diose [11]. Le suivii i de malades infectésà la suite d’une contamination desréservoirs d’eau d’une ville norvé-gienne de 50000 habitants (2500 gas-troentérites aiguës dont 1250 liées àune giardiose) a montré que, 3 ansaprès l’infection aiguë, le risque de SIIétait multiplié par 3 chez les sujeu tsinfectés. La giardiose multipliait éga-lement le risque de voir le sujeu t souf-frff ir d’une dyspepsie fonctionnelle(risque multiplié par 3 à 4) et d’unsyndrome de faff tigue chronique.

Un SII-PI succédant à une infectionvirale (norovirus) est une éventualitépossible mais plus rare. Ce type deSII-PI paraît avoir une évolutionbrève [12].

SII-PI :quelle physiopathologie ?

lle n’est pas complètement compriseet il existe plusieurs explications phyhh -siopathologiques. Comme au cours desautres formes de SII, des anomaliesnon spécifiques de la motricité diges-tive et une hyhh persensibilité viscéraleà la distension ont été observées encas de SII-PI [13]. Ceci n’est pas sur-prenant puisqu’un stimulus inflamma-toire résultant d’une infection peutmodifier la fonction sensorimotrice dutube digestif. Mais la particularitéphysiopathologique du SII-PI est lapersistance d’un état « inflammatoire »local après l’infection aiguë [14]. Dans

la majoa rité des infections intestinales,l’inflammation déclenchée par l’agentpathogène disparait rapidement. Ainsi,l’analyse de biopsies muqueuses pré-levées 2, 6 et 12 semaines après uneinfection par CampCC ylpp obacter jejuni arévé élé que l’infiltration de la muqueusepar les macrophages, les lympho-cytes T et les cellules neuroendocrinesdisparaissait dès la 6e semaine [15].AuAA cours du SII-PI, l’analyse des biop-sies muqueuses a abouti dans plu-sieurs études à la démonstration d’undiscret infiltrat inflammatoire et à uneactivii ation immunitaire muqueuse per-sistante impliquant plusieurs typescellulaires [15, 16]. Cette anomalie aété essentiellement mise en évidenceau niveau du rectum. La réalisationsystématique de biopsies rectales 2, 6,12 et 52 semaines après l’infection apermis à l’équipe de Nottingham demettre en évidence une infiltration pardes cellules inflammatoires et entéro-chromaffines [15, 17]. Les auteurssoulignent que l’analyse histologiqueconventionnelle des prélèvementsaurait considéré la muqueuse commenormale. Seule la quantification desdifférents typeyy s cellulaires dans le rec-tum ou l’iléon terminal a permis defaff ire apparaître ces différences. Lesbiopsies rectales des patients souffrff antd’un SII contiennent un excès delymphocytes intraépithéliaux et delymphocytes CD3, CD4 et CD8 dans lalamina propria. Cette anomalie n’estpas spécifique puisqu’elle a été égale-ment rapportée chez des patientsayant un SII sans facff teur infectieuxdéclenchant. Spiller et al. ont montréque les patients qui développaient unSII-PI étaient ceux qui conservaientune expression élevée de l’interlerr ukine1b dans leur muqueuse 3 mois aprèsl’infection [18]. Une multiplicationpratiquement par 10 du nombre decellules entérochromaffines, notam-ment des mastocytes, plus d’un anaprès l’infection en cas de SSI-PI, aégalement été rapportée alors qu’unetelle infiltration est seulement transi-toire lors d’une infection aiguë. Cettehyperplasie mastocytaire est à l’ori-

Tableau 1. Score d’évaluation du risque de SII-PI au décours d’une diarrhée aiguë [10]

Âge ≤ 60 ans = 6 ; > 60 ans = 0Sexe masculin = 0 ; féminin = 9Durée de la diarrhée moins de 7 jours = 0 ; plus de 7 jours = 7Nombre de selles quotidiennes moins de 6 = 0 ; plus de 6 = 8Selles sanglantes oui = 4 ; non = 0Crampes abdominales oui = 32 ; non = 0Perte de poids > 5 kilos oui = 6 ; non = 0Fièvre > 38,5 °C oui = 8 ; non = 0Pathologie psychiatrique absente = 0 ; peu sévère = 1 ; sévère = 10

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gine d’une libération excessive demédiateurs qui pourrait expliquerl’hyhh persensibilité viscérale dont souf-frff ent ces patients [13, 19]. Elle pro-voque en effet une libération accruede sérotonine qui est un médiateurreconnu dans le contrôle de la motri-cité et de la sensibilité digestives, etdont la présence au contact des neu-rones afférents primaires dans la paroiintestinale est corrélée à la sévérité dela douleur abdominale [20]. L’hyhh per-plasie mastocytaire pourrait être éga-lement une des explications à l’hyhh per-sérotoninémie post-prandiale observéechez certains malades souffrff ant deSII-PI [21].

Des séquelles neuronales induites parl’infection peuvent contribuer à la sur-venue d’un SII-PI. Les modèles ani-maux ont révélé qu’une infection pro-voque une libération accrue desubstance P par les neurones du sys-tème nerveux entérique avec commeconséquence une libération accrue detachyhh kinines et d’autres neuropeptidesdans la muqueuse et la musculeuseintestinales. L’infection pourrait aussiaccroître le nombre de neurones àTPV1 impliqués dans la genèse d’unehyhh persensibilité viscérale [22].

Enfin, le SII-PI pourrait être faff voriséou entretenu par une perméabilitéintestinale accrue. La perméabilitéparacellulaire intestinale aux petitesmolécules augmente de façff on contem-poraine de l’infection aiguë chez laplupart des malades lors d’une gastro-entérite avant de se normaliser. Uneperméabilité intestinale accrue a étérapportée chez des malades SII-PI plusde 4 ans après l’infection initiale [23].Cette perméabilité anormale faff vorisele contact des antigènes luminaux,bactériens ou alimentaires avec lescellules immunocompétentes et lesterminaisons sensitives des neuronesafférents primaires. Elle peut êtrefaff vorisée par la dégranulation exagé-rée des mastocytes. Elle peut être aussila résultante d’une exposition à unstress chronique. Chez l’animal, unstress chronique altère les jonctionsserrées qui unissent les cellules épi-

théliales et augmente la perméabilitéintestinale [24]. Cette hypothèsephyshh iopathologique permet d’intégrerles observations de Gwee et al.qui montrent qu’un stress chroniqueet/ou desévénements de vie dou-loureux faff vorisent la survenue d’unSII-PI après une infection intestinaleaiguë [25, 26].

Certains travaux comparant les résul-tats de patients souffrff ant d’un SII-PIà ceux de sujeu ts témoins, appariéspour l’âge et le sexe, ont montré quele développement du SII-PI pourraitêtre facff ilité par une prédispositiongénétique. Une première étude, réali-sée chez des sujeu ts SII non sélection-nés, a permis de mettre en évidence lafaff ible prévalence dans cette popula-tion du génotypeyy permettant une forteproduction de cytokines anti-inflam-matoires IL-10 et de TGF-b [27]. Cerésultat suggère qu’au sein de la popu-lation des patients SII certains maladesseraient exposés à une réactioninflammatoire prolongée du faff it deleur incapacité à limiter dans le tempscette inflammation par la productionde cytokines anti-inflammatoires. Plusrécemment, d’autres variations géno-miques concernant le TLR9 (facff teur dereconnaissance bactérienne), l’IL6(facff teur d’inflammation) et le CDH1(facff teur impliqué dans la perméabilitéintestinale) ont été observées ava ec unefrff équence particulière en cas de SII-PI.De telles variations génétiques nes’observent pas au cours du SII non PIà la différence d’autres variations por-tant sur les voies sérotoninergiques oules cytokines anti-inflammatoirescomme l’IL10 (28).

Pour l’instant, la mise en évidence deces anomalies physiopathologiquesn’a pas conduit à une prise en chargespécifique.

Pronostic

Les informations sur ce point sontencore frff agmentaires. En Angleterre,le suivi pendant 6 ans de 14 cas deSII-PI et de 13 patients ayant un SII

non PI a révélé que, dans les deuxgroupes, moins d’un malade sur deuxpouvait être considéré comme guériau terme de ce suivi et que la sévéritédes symptômes résiduels à 6 ans étaitla même dans les deux typeyy s de SII [29].Le suivi de la cohorte de Walkertonqui est désormais de 8 ans apporte desinformations un peu plus optimistes.L’amélioration a été en effet l’évolu-tion symptomatique la plus habituelleavec une diminution progressive de laprévalence du SII avaa ec le temps : 28 %à 2 ans d’évolution, 21 % à 4 ans,14 % à 6 ans, 15 % à 8 ans. Cependant,sur les 105 malades qui répondaientaux critères de SII (selon Rome I) 4 ansaprès la gastroentérite aiguë, 75 répon-daient encore à ces mêmes critères auterme des 8 ans de suivi et dans cettecohorte de Walkerton, la prévalencedu SII chez les malades infectés 8 ansauparavant est restée supérieure àcelle calculée chez les habitants dela région n’ayant pas souffert d’unegastroentérite aiguë lors de la conta-mination du réservoir d’eau de la ville.Les données sont concordantes poursouligner qu’un terrain dépressif ouanxieux et une exposition à un stresschronique sont des facff teurs de mau-vais pronostic, allongeant la durée duSII-PI [25, 26].

Aspects thérapeutiques

Les objeb ctifsff du traitement sont lesoulagement de la douleur abdominaleet la correction des troubles du transit,avaa ant tout la diarrhérr e. Jusqu’à présent,aucune étude n’a établi l’intérêt d’uneprise en charge spécifique.

La première ligne de traitement pouraméliorer la douleur abdominalerepose toujou urs sur les antispasmo-diques, les argiles ou le citrate d’alvé-rine. Il n’y a aucun conseil diététiqued’utilité validée et l’enrichissement dela ration alimentaire par des fibres,notamment insolubles, a souvent uneffet délétère sur le confort abdominal.Le lopéramide mais aussi la colestyra-mine sont efficaces pour stopper la

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diarrhée. Lorsque la douleur résiste àcette stratégie initiale, la prescriptiond’antidépresseurs notamment tricy-cliques, à des doses inférieures à cellesutilisées dans la dépression, est indi-quée avec un risque relatif d’amélio-ration par rapport à un placebo de 2à 4 selon les essais [30].

La notion de l’existence d’un étatinflammatoire a minima dans lamuqueuse soulèvèè e la question de l’inté-rêt d’un traitement anti-inflammatoire,basé soit sur la corticothérapie, soitsur les dérivés salicylés au cours duSII-PI. Une étude pilote italiennerécente a montré que cette optionthérapeutique supprimait l’hyhh persen-sibilité viscérale [31]. Un essai théra-peutique randomisé a été réalisé :Dunlop et al. ont testé l’efficacitésymptomatique d’une corticothérapie(30 mg/ j) pendant 4 semaines [32].Cet essai de faff ible puissance a aboutià des conclusions négatives sur l’effetsymptomatique du traitement malgréla démonstration d’une réduction del’infiltration muqueuse par les lym-phocytes [32]. Ce résultat n’a pas misun terme au débat sur l’utilité possibled’un traitement anti-inflammatoire encas de SII, notamment post-infectieux.En effet, un travaa ail brésilien pour l’ins-tant uniquement publié sous forme derésumé a suggéré qu’un dérivé sali-cylé, la mésalazine, améliorait la dou-leur abdominale et la diarrhée aussibien au cours du SII-PI que du SII nonPI [33].

Les probiotiques ont-ils un intérêt ?L’option des probiotiques est de plusen plus discutée dans le cadre du SII.Dans les méta-analyses, les probio-tiques diminuent de 25 % le risque dedemeurer symptomatique à la fin d’untraitement, par rapport à un pla-cebo [34]. D’autre part, l’administra-tion de certains probiotiques provoquela réduction du taux de cytokines pro-inflammatoires circulantes [35, 36].Mais aucun essai n’a jusqu’alors testéun probiotique dans le cadre spéci-fique d’un SII-PI.

Faut-il discuter une option thérapeu-tique non médicamenteuse ? Certaines,

telles que l’hyhh pnose, ont faff it la preuvede leur efficacité [30]. De plus, corrigerl’anxiété ou améliorer un état dépres-sif par une méthode non médicamen-teuse paraît logique compte tenu ducaractère péjoratif des troubles del’humeur dans le SII-PI. Mais commepour les probiotiques, aucun essai cli-nique dédié à ce sous-type particulierde malades n’a été publié.

Conclusion

Le SII-PI est une entité désormaisadmise. Sa physiopathologie et lesfacff teurs qui faff vorisent son apparitionsont mieux identifiés et les donnéespronostiques dont nous disposonspermettent de plutôt rassurer lesmalades sur leur devenir à moyenterme. Plusieurs questions attendentdes réponses : Peut-on proposer untraitement préventif,ff notamment auxmalades à risque, au décours immédiatd’une infection intestinale aiguë ?Quelle est la place des agents théra-peutiques qui agissent sur la flore, enparticulier les probiotiques dans saprise en charge ? Un sous-groupe demalades peut-il bénéficier d’unecorticothérapie ou d’un traitement parles salicylés ?

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Les 5 points forts� Le SII-PI qui correspond à une douleur abdominale chronique associée àdes troubles du transit, sans anomalie anatomique, et évoluant depuisplus d’un an après une gastroentérite initiale, est une entité désormaisreconnue. Dix à 15 % des SII seraient des SII-PI.

� Les facteurs de risque associés au développement d’un SII-PI après uneinfection intestinale aiguë, avant tout bactérienne, sont : a) un âge< 60 ans, b) une durée de l’infection > 7 jours, c) un terrain anxieuxet/ou dépressif caractérisé.

� Sur un plan physiopathologique, la persistance d’une inflammation intes-tinale a minima, des altérations neuronales et une augmentation de laperméabilité intestinale sont les trois facteurs paraissant clés dansla survenue du SII-PI.

� Cette forme de SII peut évoluer sur plusieurs années mais sa durée d’évo-lution semble plus courte que celle des SII non infectieux.

� Il n’existe, pour l’instant, aucune prise en charge thérapeutique spécifique.

Question à choix unique

Question 1

Quelle fraction des malades atteints de SII souffre d’un SII post-infectieux ?

� A. 1 %� B. 2 %� C. 5 %� D. 15 %� E. 25 %

Question 2

Parmi les facteurs suivants, quel est celui qui augmente le risque de voir apparaître un SII-PI après une gastro-

entérite aiguë ?

� A. Le sexe masculin� B. Un âge supérieur à 60 ans� C. L’origine hyhh drique de la gastro-entérite aiguë� D. La mise en évidence d’une bactérie sur les coprocultures lors de la gastro-entérite aiguë� E. Une infection intestinale d’une durée > 7 jours

Question 3

Quelles sont les propositions exactes concernant l’évolution du SII-PI ?

� A. Le pronostic est fonction de la durée de l’infection initiale� B. Le pronostic paraît moins faff vorable en cas d’infection virale initiale� C. Tous les malades sont guéris 4 ans après l’infection initiale� D. Un terrain anxieux ou une dépression faff vorisent une durée d’évolution plus longue� E. L’efficacité des probiotiques pour raccourcir la durée d’évolution est démontrée