pour l’obtention du des d’anesthésie...
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ACADEMIE DE PARIS
Année 2011
MEMOIRE
Pour l’obtention du DES d’Anesthésie Réanimation
Coordonnateur : Monsieur le Professeur Didier Journois
Par Mai-Anh Céline Roussel
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Présenté et soutenu le 19 Octobre 2011
Impact de la retransfusion du sang du circuit de CEC sur l’hémostase et le saignement post opératoire: apport de la thromboélastographie dans le diagnostic d’héparinisation
résiduelle en chirurgie cardiaque
Travail effectué sous la direction du Dr Nejma MABROUK ZERGUINI et du Professeur Dan LONGROIS
2
Remerciements
-‐ Aux membres du jury : Pr Didier Journois, Pr Jacques Duranteau, Pr Marc Fischler, Pr Gilles
Orliaguet, je vous remercie d’avoir accepté d’évaluer ce travail.
-‐ Au Pr Dan Longrois. Je vous remercie vivement pour votre aide et votre grande
disponibilité.
-‐ Au Dr Nejma Mabrouk Zerguini. Je te remercie de m’avoir guidée durant ce travail. Merci
pour ton immense disponibilité et ton soutien.
-‐ Un grand merci également aux équipes (médecins anesthésistes réanimateurs, IADE) qui
ont participé à cette étude et ont permis son bon fonctionnement.
3
Table des Matières
Introduction…………………………………………………………………………………………………………………………………….…4
Patients et méthodes …………………………………………………………………………………………………………………….....7
I. Population étudiée…………..……………………………………………………………………………….………7
II. Déroulement de l’étude…………..………………………………………………………….……………………8
III. La thromboélastographie (TEG)……………………………………………………………………………….11
IV. Analyse statistique…………..…………………………………………………………………………….……….16
Résultats………………………………………………………..…..……………………………………………………………………………17
Discussion………………………………………………………………………………………………………………………………………..24
Conclusion……………………………………………………….……………………………………………………………………………...31
Bibliographie………………………………………………….……………………………………………………………………………..…33
Annexes………………………………………………………….……………………………………………………………………………....36
4
Introduction
La circulation extracorporelle (CEC), indispensable à la plupart des procédures de
chirurgie cardiaque, engendre des perturbations des phénomènes hémostatiques par divers
mécanismes : hyperfibrinolyse, hémodilution, dysfonction et consommation plaquettaire,
activation et consommation des facteurs de la coagulation, une anticoagulation volontaire et
souvent à hautes doses, sans oublier l’hypothermie [1, 2]. En outre, les patients opérés en
chirurgie cardiaque sont souvent sous traitement altérant l’hémostase en pré opératoire:
antiagrégants plaquettaires, anticoagulants oraux ou par voie parentérale. Ces désordres
intrinsèques ou acquis de la coagulation peuvent favoriser la survenue d’un saignement
excessif avec ses répercussions pouvant aggraver la morbidité et la mortalité : transfusions
de produits sanguins labiles (PSL), reprises chirurgicales [3, 4], durées de ventilation
mécanique et d’hospitalisation prolongées, sepsis.
Dans le cadre de la stratégie d’épargne transfusionnelle en chirurgie cardiaque, une des
méthodes utilisées en fin de procédure consiste à retransfuser au patient soit le sang total
contenu dans les circuits de CEC et le réservoir de cardiotomie, soit les globules rouges
obtenus par centrifugation-‐lavage avec le « laveur de globules ».
Dans notre institution, afin de retransfuser au patient plasma et plaquettes, le choix s’est
porté sur la retransfusion directe du sang du circuit de CEC et du réservoir de cardiotomie
(SCCEC). Ce sang est fortement hépariné (anti Xa = 3 à 6 UI/ml, correspondant aux
concentrations mesurées en routine) et sa retransfusion au patient survient de façon
retardée, après la fermeture chirurgicale. Une dose complémentaire de protamine est alors
5
habituellement administrée. Cependant, l’impact fonctionnel de cette procédure sur
l’hémostase du patient n’est pas connu [[5, 6]] et des interrogations subsistent sur sa
capacité à induire des saignements postopératoires par réhéparinisation.
Or à l’heure actuelle, l’étude de l’héparinisation d’un patient nécessite le dosage, au
laboratoire, de l’activité anti Xa (aXa), qui est le test de référence. D’autres outils de biologie
délocalisée ont été proposés pour effectuer cette mesure de l’héparinisation, comme la
thromboélastographie (TEG). Développée dans les années 50, cet examen est réalisé sur
sang total. De fait, la TEG tient compte des interactions entre les différents intervenants du
processus de la coagulation (à l’exception des vaisseaux et de l’endothélium), et en permet
une évaluation globale, depuis la formation du caillot jusqu’à sa stabilisation puis sa lyse.
Son utilisation a été abandonnée dans les années 60 au profit des tests plasmatiques
standardisés qui présentaient l’intérêt d’être plus rapides et réalisables sur une plus grande
série de patients. Cependant, depuis une trentaine d’années, elle bénéficie d’un regain
d’intérêt grâce à sa miniaturisation, sa modernisation notamment par l’emploi de
consommables à usage unique et l’informatisation du tracé de thromboélastogramme, son
gain en fiabilité, sa simplicité d’utilisation et d’interprétation par rapport à ses débuts [7]. En
résumé, ses caractéristiques concourent à obtenir une analyse très rapide de l’hémostase du
sang étudié et sa maniabilité permet son utilisation au lit du patient.
Contrairement à la TEG, les tests de coagulation effectués en routine au laboratoire sont
réalisés uniquement sur la fraction plasmatique du sang, obtenue après centrifugation, et
étudient ainsi l’activité quantitative d’un élément en dehors de ses interactions avec les
autres intervenants, cellulaires notamment, du processus hémostatique. Ils mesurent, en
outre, le délai d’apparition des premières traces de fibrine et ne tiennent pas compte de la
cinétique ultérieure de la coagulation.
6
L’utilisation de la TEG, comme outil simple et rapide de monitorage de la coagulation, de
la fonction plaquettaire et de la fibrinolyse a été validée en situation chirurgicale à haut
risque hémorragique comme la chirurgie de transplantation hépatique [8] où elle permet de
diminuer le recours à la transfusion, en obstétrique [9] ou encore chez le polytraumatisé
[10]. En chirurgie cardiaque, son utilisation a été intégrée dans des algorithmes décisionnels
afin de guider la transfusion [11], permettant là aussi une épargne transfusionnelle.
Chez les patients de chirurgie cardiaque bénéficiant de la retransfusion du sang hépariné
du circuit de CEC (SCCEC), l’objectif de notre étude a donc été d’analyser la corrélation entre
les paramètres de la TEG et l’activité aXa, pour le diagnostic d’héparinisation résiduelle. Dans
un second temps, il s’agissait d’étudier l’impact de la transfusion du SCCEC sur l’hémostase
du patient et le saignement post opératoire.
7
Patients et méthodes
Cette étude non interventionnelle prospective et monocentrique, a été conduite au bloc
opératoire et aux soins intensifs de Chirurgie Cardiaque du CHU Bichat -‐ Claude Bernard
entre Décembre 2009 et Février 2010. La réalisation de cette étude ne modifiait ni le schéma
diagnostique, ni l’attitude thérapeutique vis-‐a-‐vis des patients. En chirurgie cardiaque, des
prélèvements sanguins sont effectués à intervalles réguliers sur la ligne artérielle selon le
protocole du service, tout au long de l’intervention et en postopératoire immédiat. Pour les
échantillons à analyser, nous avons utilisé des déchets opératoires, à savoir le sang restant
dans les seringues une fois les tubes destinés au laboratoire remplis, ce sang étant
habituellement jeté, en salle d’intervention ou en réanimation. De plus, les échantillons
utilisés n’ont pas été conservés. De ce fait, l’accord du CPP de notre institution et l’accord
écrit des patients n’étaient pas requis.
I. Population étudiée
Etaient inclus les patients adultes opérés de chirurgie cardiaque programmée sous
circulation extracorporelle (CEC).
N’étaient pas inclus les patients ayant une anti coagulation efficace préopératoire (temps
de céphaline avec activateur TCA > 1,5 et/ou activité anti Xa > 0,3 UI/ml), une maladie
cirrhotique, un angor instable et une chirurgie en urgence.
Ont été exclus de l’étude, les sujets ayant présenté d’une part la survenue d’une
hémorragie massive en fin de CEC avec instabilité hémodynamique, et d’autre part ayant
8
nécessité une transfusion, un remplissage massif ou l’administration de protamine pendant
la retransfusion du SCCEC et/ou durant les 10 minutes suivant la transfusion de ce sang.
II. Déroulement de l’étude
a. Prise en charge au bloc opératoire
La prise en charge peropératoire repose, selon le protocole du service, sur un
monitorage incluant électrocardioscope, fréquence cardiaque, saturation artérielle, pression
artérielle invasive et pression veineuse centrale et monitorage de la profondeur d’anesthésie
par la mesure de l’index bispectral (BIS). L’anesthésie est induite avec de l’étomidate ou du
propofol, du sufentanil et de l’atracurium et entretenue au propofol -‐ sufentanil grâce au
système d’anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC) pour un objectif de
BIS compris entre 40 et 60. Une administration systématique d’acide tranexamique
(Exacyl®) est débutée à l’incision sous forme d’un bolus de 20mg/kg suivie d’une perfusion
de 2mg/kg/h jusqu’à la fermeture cutanée. La valeur basale de l’Activated Clotting Time
(ACT) est mesurée (Hemochron Jr. Gamida, France) après incision cutanée et administration
du bolus d’acide tranexamique.
Avant la mise en place des canules du circuit de CEC par le chirurgien, l’HNF est
administrée à la dose initiale de 300 UI/kg dans le cathéter veineux central et un
complément est réalisé si besoin pour atteindre un objectif d’ACT (mesuré toutes les 30
minutes) entre 400 et 450 s, qui est maintenu pendant toute la durée de la CEC au moyen de
bolus itératifs d’HNF. Le priming de la CEC (modèle Stockert S5, Sorin Group USA) comporte
un mélange de 400 ml de bicarbonate de sodium 1,4 0 /00, 500 ml de colloïdes (Voluven®),
9
600 ml de Ringer Lactate, 5000 UI d’HNF, l’antibioprophylaxie (Céfamandol 750 mg ou
Vancomycine 1g en cas d’allergie), et 1g d’acide tranexamique (Exacyl®). En cas
d’insuffisance rénale, le Voluven et le Ringer Lactate sont remplacés par du sérum salé
isotonique. Toutes les CEC sont réalisées en normothermie.
Après sevrage de la CEC, l’antagonisation de l’héparine par la protamine est réalisée
selon un ratio minimal de 80% de la dose totale d’héparine éventuellement complétée pour
retour à un ACT de base ± 10%. Un complément de protamine peut également être injecté
lors de l’hémostase chirurgicale à la demande du chirurgien. Après la fermeture sternale, le
circuit de CEC et le réservoir de cardiotomie sont vidangés par déclivité dans la poche de
recueil du SCCEC. Après transfusion et remplissages éventuels, une vérification ultime de
l’ACT précède la retransfusion du SCCEC. Celle-‐ci est débutée à la fermeture chirurgicale et
s’achève à l’arrivée en réanimation où elle est suivie par l’administration systématique d’un
bolus de 5000 UI de protamine.
b. Prélèvements
Collecte des échantillons sanguins
L’ensemble des prélèvements sanguins sont réalisés selon le protocole du service et
comportent, outre la mesure de l’ACT et selon le temps opératoire: une numération
sanguine et plaquettaire et/ou un gaz du sang artériel et/ou un bilan de coagulation (aXa,
TCA, Taux de prothrombine (TP) et fibrinogénémie (Fg)). Ils sont effectués sur la ligne
artérielle du patient, après une purge soigneuse d’au moins 10 ml. Une fois les tubes
destinés au laboratoire remplis, le reste de sang dans la seringue (déchet) est injecté dans un
10
tube citraté pour analyse en TEG ; moins de 2 ml sont nécessaires pour la réalisation des
tests TEG. Enfin, un prélèvement de SCCEC directement dans la poche de recueil est effectué
avant sa retransfusion au patient, pour la mesure de l’aXa au laboratoire et une mesure en
TEG sur le reste de sang dans la seringue.
Chronologie et nature des tests d’hémostase (figure 1)
• « Base » : Prélèvement réalisé après l’incision chirurgicale et administration du
bolus d’acide tranexamique, en pré-‐CEC : ACT et analyse TEG sur kaolin avec et
sans héparinase (TEGk/kh).
• « Avant SCCEC » : Prélèvement réalisé en post-‐CEC, après l’antagonisation initiale
de l’héparine à au moins 80% pour obtenir l’ACT de base ± 10%, et AVANT la
retransfusion du SCCEC : aXa, TP, TCA, Fg, TEGk/kh.
• « Après SCCEC » : Prélèvement réalisé 10 min APRES la fin de la retransfusion du
SCCEC, AVANT l’administration du bolus de 5000 U.I de protamine : aXa, TP, TCA,
Fg, TEGk/kh
• « Après protamine » : Prélèvement réalisé 10 min APRES l’administration du
bolus de 5000 U.I de protamine en réanimation : aXa, TP, TCA, Fg, TEGk/kh
• L’analyse du SCCEC lors de son recueil comporte la mesure de l’aXa et du TEGk/kh
Méthode de réalisation des tests d’hémostase
1. aXa : La mesure de l’activité aXa était réalisée au laboratoire par méthode
chromogénique sur du sang citraté (tubes de 4 ml).
11
2. TEGk/kh .
Figure 1 – Déroulement de l’étude et chronologie des prélèvements.
III. La Thromboélastographie (TEG)
a. Principe de la TEG
La TEG permet d’évaluer l’ensemble du processus hémostatique et les propriétés
mécaniques du caillot fibrino-‐plaquettaire [12, 13]. L’appareil (TEG 5000 ®, Haemoscope
Corp, Niles, IL, USA ) est constitué d’une cupule contenant du sang total activé dans lequel
plonge un piston relié à un ressort à tension lui même relié à un ordinateur. La cupule est
mise en rotation selon un angle de 4,45° autour du piston (Figure 2).
Initialement, le sang est à l’état fluide, la cupule et le piston sont indépendants, et le
piston reste immobile. Puis au fur et à mesure que se développe le caillot, le sang devient de
plus en plus visqueux et la cupule se lie au piston par les ponts fibrine -‐ plaquettes et lui
applique ses mouvements d’oscillation de façon croissante. Les mouvements du piston entré
« Avant SCCEC » « Après SCCEC » « Après protamine»
12
progressivement en rotation sont transmis à un ressort à torsion et génèrent un signal
électrique enregistré dans le temps, traduit graphiquement et qui constitue le
thromboélastogramme.
Deux analyses sont effectuées simultanément sur les 2 canaux de l’appareil : d’une part
l’étude du tracé de TEG au kaolin (TEGk), pour lequel 340 µl de sang citraté recalcifié par 20
µl de calcium à 0,2 M et activé au kaolin (Activateur Kaolin, Haemoscope Corp, Niles, IL, USA)
sont déposés dans une cupule nue qui est mise en rotation ; d’autre part l’étude du tracé de
TEG au kaolin et héparinase (TEGk/h) ,pour lequel la même quantité de sang recalcifié et
activé au kaolin est déposée dans une cupule coatée d’héparinase (cupules héparinase,
Haemoscope Corp, Niles, IL, USA), capable de neutraliser l’effet de l’héparine.
Figures 2 et 3 - Principe et appareil de thromboélastographie.
13
b. Interprétation du thromboélastogramme
Le tracé peut être décomposé en 3 parties. (Figure 4)
La première représente un segment rectiligne résultant de l’absence de mouvement du
piston. Il correspond à la phase initiale durant laquelle le sang activé est encore à l’état
fluide. C’est le temps de réaction ou reaction time (R), intervalle de temps durant lequel les
processus enzymatiques s’activent pour générer les premières traces de fibrine. Il prend fin
lorsque le caillot en formation développe une force de 2 mm, matérialisée par la division du
segment en 2 branches symétriques reflétant l’oscillation du piston.
La seconde partie correspond au développement progressif du caillot matérialisé par
l’écartement croissant des 2 branches du tracé. Cette phase est mesurée par l’angle α entre
les tangentes aux 2 branches du tracé et par la valeur K qui est définie comme l’intervalle de
temps nécessaire à l’obtention d’une amplitude de 20 mm. La cinétique de formation du
caillot et du réseau de fibrine atteint une force maximale définissant l’amplitude maximale
du tracé (MA).
Enfin la troisième partie du tracé est un reflet de la stabilité du caillot dont l’amplitude
reste maximale durant un certain temps, jusqu’à apparition des processus physiologiques de
fibrinolyse qui vont aboutir à la dégradation du caillot. L’effet de la fibrinolyse est mesuré
par le pourcentage de réduction de la MA à 30 et 60 minutes, respectivement LY30 ETLY60.
14
Figure 4 – Phases du thrombélastogramme
Figure 5 - Diagnostic de l’héparinisation en TEG kaolin avec et sans héparinase : ΔR= Rk - Rk/h
Tracé vert : TEG au kaolin sans héparinase (TEGk)
Tracé rouge : TEG au kaolin avec héparinase (TEGk/h)
Rk : temps de réaction R en TEGk
Rk/h : temps de réaction R en TEGk/h
15
c. Diagnostic de l’héparinisation en TEG
L’héparine exerce son effet anticoagulant en prolongeant la phase initiale de réactions
enzymatiques plasmatiques, ce qui se traduit en TEGk par un allongement du temps de
réaction R. L’héparinase neutralise l’héparine contenue dans le sang et normalise le tracé, ce
qui se traduit par l’existence d’une différence ΔR entre les temps R en TEGk et TEGk/h (Figure
5).
Les données colligées (déjà recueillies dans la base de codage institutionnelle) étaient les
suivantes: caractéristiques démographiques, comorbidités, traitements, dose totale
d’héparine et de protamine, durée de CEC / Clampage aortique (CA), hémofiltration per CEC,
température minimale pendant la CEC, transfusion per opératoire, volume des solutés
administrés en peropératoire, volume et durée de la retransfusion du SCCEC.
Le contenu en héparine du SCCEC est défini comme étant le produit du volume de SCCEC
par sa concentration en héparine. En postopératoire, les données suivantes ont été
recueillies : la survenue éventuelle d’une hémorragie aigüe, définie par un saignement de
plus de 100 ml/h, le saignement à 24 et à 36 heures, la transfusion en réanimation, une
reprise chirurgicale éventuelle pour hémostase. Les paramètres de la TEG, aXa, TP, TCA, Fg,
NFS plaquettes, pH, Ca2+, Cl-‐ ont été relevés.
16
IV. Analyse statistique
L’objectif principal de l’étude consistait à étudier le coefficient de corrélation entre les
paramètres de la TEG et l’aXa. Le calcul d ‘effectif pour un coefficient de corrélation r à 0,6,
un risque α à 0,05, un risque β à 0,2, estimait le nombre de patients nécessaires à inclure à
20. Les corrélations entre aXa et les paramètres de la TEG aux différents temps ont été
réalisées par régression linéaire. Les variations de l’aXa et des paramètres TEG au fil du
temps (avant SCCEC, après SCCEC, après protamine) ont été analysées par méthode ANOVA
(analyse de variances). Les résultats sont exprimés en moyenne (± écart type), en médiane
[25ème -‐ 75ème percentile], en nombre de cas (pourcentages).
17
Résultats
Vingt-‐cinq patients ont été inclus dans cette étude. Un patient a été exclu pour données
manquantes. Le tableau 1 regroupe les caractéristiques générales des patients. Aucun
patient n’a été traité par HNF ou héparine de bas poids moléculaire (HBPM) en
préopératoire.
Les données concernant la chirurgie et la période per opératoire sont regroupées dans le
tableau 2. La transfusion per opératoire a été nécessaire chez 10 patients (41,6%). Dans tous
les cas, il s’agissait de concentrés globulaires. Aucune reprise chirurgicale pour hémostase
n’a été nécessaire.
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Total
N=24
Age (ans) 68 ± 13
Sexe H/F 10/14
IMC (kg/m2) 26,6 ± 3,3 Comorbidités: n (%)
HTA
Diabète
Obésité
Dyslipidémie
Insuffisance rénale
BPCO
16 (66,7)
16 (66,7)
2 (8,3)
13(54,2)
6(25)
2 (8,3)
Traitement: n (%)
Béta bloquants
IEC
Inhibiteurs calciques
Statines
Aspirine
Clopidogrel
HNF
HBPM
15 (62,5)
13 (54,2)
9(37,5)
17(70,8)
14(58,3)
7(29,2)
0(0)
0(0)
Tableau 1 - Caractéristiques démographiques, comorbidités et traitements
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Chirurgie: n (%)
Pontages aorto coronariens
Remplacements valvulaires
Complexes
10 (41,7)
10 (41,7)
4 (16,6)
Hémofiltration: n (%) 0(0)
Transfusion per opératoire: n (%)
CGR
CUP
PFC
10 (41,7)
10 (41,7)
0(0)
0(0)
Durée (min): Médiane [25ème -‐ 75ème percentile]
CEC
Clampage de l’aorte
53,5 [40,5-‐68,5]
37,5 [32,5-‐54]
Données per opératoires:
(Médiane [25ème-‐75èmepercentile])
Température minimale per CEC (°C)
HNF (UI)
Protamine (UI)
ACT initial (s)
ACT final (s)
Volume total de perfusion (mL)
Volume du SCCEC (mL)
Durée de passage du SCCEC (min)
36,05 [35,65-‐36,35]
25500 [24000-‐28850]
22000 [18600-‐24000]
133 [119-‐139]
129 [121-‐139,5]
1500 [1000-‐1750]
500 [487,5-‐600]
40 [34,25-‐53]
Tableau 2 - Chirurgie et caractéristiques per opératoires
20
La première partie de l’étude consistait à étudier les corrélations entre les paramètres de
la TEG, R et ∆R, et la mesure de l’héparinémie (tableau 3).
N=24 AVANT SCCEC APRES SCCEC APRES PROTAMINE p
Héparinémie (aXa) 0,1[0,04; 0,16] 0,4[0,2; 0,6] † 0,02[0,008; 0,068] < 0,05*
R (minutes) 7[6; 14] 13[7; 75] † 7[6; 10] <0.01*
ΔR (minutes) 1[0; 5] 5[0; 57] † 0[0; 1] <0.01*
Corrélation entre R et aXa r=0.3**, p=0.17 r=0,8**, p<0,001 r=0.17**, p=0.45
Corrélation entre ΔR et aXa r=0.44**, p=0.036 r=0,9**, p<0,001 r=0,3**, p=0,22
Tableau 3 – Corrélations entre les paramètres de la TEG, R et ∆R, et l’aXa du patient, avant puis après transfusion du SCCEC et après protamine.
* ANOVA; † Après SCCEC significativement différent d’Avant SCCEC et Après Protamine
** Régression linéaire.
21
Caractéristiques du SCCEC
(N = 24)
Médiane 25ème
percentile
75ème
percentile
Volume (ml) 550 500 1000
Héparinémie (UI/ml) 4 4 7
Contenu en héparine (UI) 2460 1720 4200
Tableau 4– Caractéristiques du sang du circuit de CEC (SCCEC)
Les caractéristiques du SCCEC figurent dans le tableau 4. La médiane du volume de
saignement en postopératoire était de 615[340-‐1100] et 785[465-‐1470] à H24 et H36,
respectivement.
22
la
Figures 6 A,B,C,D – Corrélations entre, en abscisse la concentration en héparine (HPOCHE) et le
contenu en héparine du SCCEC (HNF poche), et en ordonnée le saignement post opératoire à 24 (SG
24) et 36 h (SG 36).
Les corrélations entre le saignement post opératoire et les caractéristiques du SCCEC
sont représentées par les figures 6A, 6B, 6C, et 6D.
r = 0,51
p = 0,013
SG 24
SG36
r = 0,46
p = 0,04
SG 24
SG36
r = 0,57
p = 0,005
r = 0,49
p = 0,030
A
C D
B
23
Dans le tableau 5 sont répertoriées les corrélations entre les caractéristiques de SCCEC
(volume, concentration en héparine et contenu en héparine) et l’héparinémie des patients
d’une part, et le saignement post opératoire aux différents temps, d’autre part.
Corrélation entre r p
Saignement à 24H / Héparinémie du SCCEC 0,51 0,013
Saignement à 36H / Héparinémie du SCCEC 0,57 0,005
Saignement à 24H / Contenu en héparine du SCCEC 0,46 0,04
Saignement à 36H / Contenu en héparine du SCCEC 0,49 0,03
Saignement à 36H / Volume du SCCEC 0,11 0,63
Saignement à 24H / Héparinémie des patients après SCCEC 0,33 0,146
Saignement à 36H / Héparinémie des patients après SCCEC 0,22 0,336
Tableau 5 - Corrélation entre le saignement post opératoire à 24 et 36h, et les caractéristiques du
sang du circuit de CEC (SCCEC) et l’héparinémie des patients après SCCEC.
24
Discussion
Dans cette étude, nous avons montré que, pour la mesure de l’effet anticoagulant de
l’HNF, les paramètres de la TEG, R et plus particulièrement ΔR, sont fortement corrélés à
l’aXa, test de référence, pour des intervalles d’héparinémie modérée (0,2 à 0,6). De plus,
notre étude montre que l’héparinémie du SCCEC est significativement corrélée au
saignement postopératoire.
Depuis les années 90, des progrès technologiques notables ont concerné non seulement
la TEG (informatisation, consommables, activateurs de la coagulation), mais également la
prise en charge des opérés de chirurgie cardiaque, comme la normothermie, les
antifibrinolytiques ou les nouvelles interfaces sang -‐ vaisseaux. Or, si la TEG a fait l’objet de
nombreuses études montrant son intérêt dans le domaine de l’épargne transfusionnelle, elle
n’a pas fait l’objet d’une réévaluation et d’une nouvelle validation de sa valeur diagnostique
vis-‐à-‐vis des tests de laboratoire de référence, eu égard à toutes ces modifications. La
question de l’héparinisation résiduelle en chirurgie cardiaque concerne non seulement la
période qui suit immédiatement la pose de CEC et l’antagonisation de l’HNF, mais également
les 24 premières heures postopératoires, avec la problématique du « rebond d’héparine »,
qui fait l’objet d’une littérature abondante [14, 15], et dont l’effet sur le saignement est
controversé.
La retransfusion de SCCEC, fortement hépariné, en fin de procédure chirurgicale, dans
notre institution, offrait de ce fait un modèle quasi « expérimental » de réhéparinisation de
patient à un degré intermédiaire, correspondant à un intervalle d’héparinisation
cliniquement pertinent (0,2 à 0,6). Notre étude montre que la corrélation entre TEG et anti
25
Xa est particulièrement importante pour des intervalles d’héparinémie modérée (r = 0,9 ; p
0,001), alors qu’il n’est pas ou peu significatif pour des intervalles d’héparinémie faible. En
pratique clinique, en dessous de 0,2 UI/ml d’héparinémie, la part imputable d’une
héparinisation résiduelle sur la survenue et l’entretien d’une situation hémorragique après
CEC est plutôt faible. En revanche, pour des intervalles plus importants et qui correspondent
aux situations plus fréquemment rencontrées en cas de saignement excessif dans les suites
d’une CEC pour chirurgie cardiaque, dans cette étude entre 0,2 et 0,6 UI/ml, les paramètres
R et ΔR pourraient permettre une sanction thérapeutique appropriée d’antagonisation par
la protamine s’ils révélaient la persistance d’héparine circulante chez le patient. Pour des
héparinémies supérieures (dose curative), le diagnostic et l’imputabilité du saignement à
l’HNF peuvent être considérés comme évidents.
A notre connaissance, notre étude est la première à valider les paramètres R et ΔR par
rapport à l’aXa pour la mesure de l’effet de l’HNF, et ce non chez le volontaire sain, mais en
situation clinique, chez l’opéré cardiaque, au décours des modifications majeures entraînées
par la CEC en matière d’activation du processus hémostatique et d’hémodilution [16-‐20],
ainsi que de modifications hémodynamiques, inflammatoires et pharmacodynamiques. Une
étude récente [21] s’intéressant à l’effet d’une héparine de bas poids moléculaire, la
dalteparine, chez le volontaire sain, a montré que le paramètre R de la TEG était bien corrélé
à l’aXa pour l’intervalle de 0,5-‐1 UI/ml (r = 0,8). Cette relation a également été observée chez
des patients en post opératoire de chirurgie orthopédique [22].
Ainsi, en contexte de post-‐CEC, où le diagnostic positif d’héparinisation résiduelle est
fondamental, les paramètres R et ΔR de la TEG pourraient être plus fiables que l’ACT [16-‐20]
ou l’Hepcon HMS, qui semblent plus faiblement corrélés à l’aXa [23].
26
Par ailleurs, notre étude montre que ΔR est mieux corrélé à l’aXa que R (coefficients de
corrélations de 0,9 et 0,8, respectivement). Une des hypothèses qui pourrait expliquer cette
meilleure corrélation, serait que ce premier paramètre reflète exclusivement la modification
de la coagulation par la présence d’héparine. En effet, la mesure de ΔR sous-‐tend la
comparaison entre les propriétés hémostatiques de deux sangs activés différant seulement
par la présence ou pas d’héparinase, toutes choses étant égales par ailleurs. ΔR isole ainsi
spécifiquement l’effet de l’héparine sur la première partie du tracé de TEG. En revanche,
l’allongement du temps R pris isolément traduit une altération de la cascade enzymatique de
la coagulation sans être spécifique de la présence d’un anticoagulant. Il peut être le témoin
d’un déficit quantitatif ou qualitatif en facteurs de coagulation (déficit constitutionnel,
consommation, hémodilution), ou de la présence d’un autre anticoagulant.
L’héparinémie reste cependant le dosage de référence. C’est une technique standardisée
de dosage de l’activité anti Xa par méthode chromogénique. Réalisée au laboratoire, elle
permet de quantifier la diminution d’hydrolyse d’un substrat chromogène du facteur Xa par
inactivation de ce dernier par l’héparine. L’utilisation de cette technique de mesure de
l’héparinémie comporte des inconvénients dont le premier est le délai entre le prélèvement
sanguin et la récupération des résultats. Ce délai est de l’ordre de 45 min à 1 heure voire
plus selon les centres et souvent incompressible: acheminement du prélèvement,
centrifugation, automate de coagulation, validation et exposition des résultats sur le
système informatique. En revanche, pour la TEG, la procédure de manipulation aisée et de
lancement de l’analyse extrêmement rapide ne se résume plus qu’à quelques minutes. Enfin,
une fois la session lancée, le délai d’obtention du temps R est de l’ordre d’une douzaine de
minutes. De fait, en plus de la délocalisation de l’appareil au lit au patient, et compte tenu
27
de la brièveté de réalisation de la TEG et de la disponibilité rapide de ses résultats, son
utilisation en situation hémorragique permettrait d’exclure rapidement l’héparinisation
résiduelle comme source de saignement excessif après chirurgie cardiaque.
Il n’en reste pas moins que les domaines d’application de la TEG sont variés en chirurgie
cardiaque. Ainsi, la TEG peut aider à l’identification des patients à risque de complications
hémorragiques pendant et après une CEC. Des études ont en effet montré une meilleure
acuité de la TEG à prédire le risque de saignement post opératoire par rapport aux tests
biologiques standards [24, 25]. Essel et al [26] ont montré qu’à sensibilités équivalentes, la
spécificité de la TEG surpasse celle des examens d’hémostase habituels pour discerner les
patients à risque de saignement excessif. Tuman et al. [27] ont constaté, dans une étude
observationnelle, que sur 42 patients à haut risque hémorragique ayant subi une chirurgie
cardiaque avec CEC, la TEG est performante pour prédire le saignement excessif chez 9
patients ayant saigné, là où les tests de coagulation de routine ne retrouvent pas
d’anomalies. Récemment, Wasowicz [28] dans une étude rétrospective observationnelle de
434 patients, valorisait la TEG intégré dans un modèle prédictif de saignement excessif (SE)
qui permet d’améliorer la reclassification des patients en haut risque de 12%. Ces résultats
sont cependant modérés par d’autres études [29-‐31]. Nuttall et al. [32] ont retrouvé une
meilleure sensibilité et spécificité des tests de coagulation conventionnels à l’exception de
l’hémoglobine par rapport à la TEG qui est ici mise en défaut dans l’identification des
patients à risque de saignement après CEC.
En outre, la TEG permet également de discerner un saignement d’origine chirurgical
souvent associé à un profil de TEG normal, d’un saignement de cause médicale par troubles
de l’hémostase [26]. Spiess et al. [33], dans une étude rétrospective portant sur 1075
28
patients opérés de chirurgie cardiaque, ont retrouvé une diminution du nombre de reprises
chirurgicales pour saignement (1,5% contre 5,7%) lorsqu’un protocole basé sur la TEG était
employé.
Enfin en matière d’épargne transfusionnelle, la transplantation hépatique [8] n’est pas le
seul domaine où son efficacité a été prouvée en diminuant le recours à la transfusion, la TEG
a également montré sa performance en chirurgie cardiaque à ce sujet. De fait, dans une
étude prospective randomisée portant sur 105 patients, Shore Lesserson et al. [11] ont
montré une réduction significative du nombre de patients transfusés ainsi que du nombre de
produits sanguins labiles consommés en utilisant un algorithme intégrant la TEG comparé à
l’utilisation de tests standards de la coagulation. L’épargne transfusionnelle concernait
essentiellement les produits hémostatiques (plasma frais congelés, plaquettes). D’autres
travaux ont conduit à la même conclusion [34, 35] ainsi qu’à une diminution du nombre de
reprises au bloc opératoire pour exploration [33, 36].
Dans la deuxième partie de l’étude, nous avons constaté qu’après transfusion du SCCEC,
la médiane de l’aXa des patients augmentait significativement de 0,1 [0,04; 0,16] à 0,4 [0,2;
0,6] et redescendait après administration des 5000 UI de protamine à 0,02 [0,008; 0,068],
soit à un intervalle d’héparinémie encore plus faible que celui qui précédait la transfusion de
SCCEC. Le choix de cette dose de protamine dans notre institution était fondé sur une
évaluation ancienne du contenu en héparine du SCCEC dans notre établissement ; l’étude
actuelle évalue la médiane du contenu en héparine du SCCEC à 2460 UI, avec un maximum,
parmi les 24 patients inclus, de 4200 UI. Ainsi, la procédure de neutralisation systématique
de l’HNF apportée par le SCCEC par 5000 UI de protamine dans notre institution semble
efficace et adaptée.
29
Cependant, bien que le saignement postopératoire en chirurgie cardiaque soit
multifactoriel, notre étude a montré que le saignement post opératoire à H24 et H36 était
modérément corrélé à la concentration en héparine du SCCEC (r = 0,51 (p 0,013) et r = 0,57
(p 0,005) respectivement), et à un moindre degré à son contenu en héparine (r = 0,46 (p
0,04) et r = 0,4 (p 0,03) respectivement) mais en aucun cas au volume du SCCEC. De plus, la
corrélation entre l’héparinémie des patients après passage du SCCEC et le saignement
postopératoire n’est pas significative. Le saignement postopératoire serait donc
modérément lié au contenu et à la concentration en héparine du SCCEC mais pas par le biais
de l’augmentation de l’héparinémie des patients, et ce d’autant plus que la procédure de
neutralisation de l’HNF mise en place dans notre institution semble efficace. L’explication de
ce phénomène paraît difficile à fournir à l’issue de notre étude. Une des hypothèses
explicatives pourrait être que l’aXa du SCCEC représente la concentration en héparine du
sang présente dans le circuit en fin de CEC, cette concentration étant elle-‐même la
conséquence directe de la façon dont la CEC a été anticoagulée. Dans la littérature,
l’influence de la gestion de l’héparinisation des patients per-‐CEC, et particulièrement de la
dose totale d’héparine utilisée, sur le saignement postopératoire, est sujette à controverse
[37, 38].
Notre étude présente plusieurs limites. Tout d’abord, l’effectif inclus est faible. Celui-‐ci a
été calculé pour l’étude de la corrélation entre la valeur du R de la TEG et la valeur de l’aXa,
objectif principal de l’étude, et non sur le saignement, objectif secondaire, ce qui ne nous
permet pas de conclure avec certitude en ce qui concerne l’impact de la transfusion de sang
hépariné issu du circuit de CEC sur le saignement post opératoire. Par ailleurs, l’impact de ce
saignement sur le recours à la transfusion n’a pas été analysé, étant donné le petit effectif
30
de l’étude. Une étude prospective randomisée sur un large effectif, comparant l’impact
transfusionnel de l’utilisation d’un dispositif de centrifugation-‐lavage (« laveur de globules »)
à la retransfusion du SCCEC permettrait de répondre à cette question.
Ainsi dans cette étude portant sur des patients opérés de chirurgie cardiaque avec
utilisation de la CEC, la retransfusion du SCCEC en fin d’intervention s’accompagne d’une
réhéparinisation modérée et transitoire des patients, attestée par l’ascension de l’aXa. A
cette occasion, la recherche d’une corrélation entre l’héparinémie, dosage de référence de
l’aXa, et les paramètres de la TEG a été réalisée et a montrée une forte corrélation avec les
variables R et surtout ΔR. Ces résultats pourraient donner lieu à d’autres études pour valider
cet outil dans le diagnostic d’héparinisation résiduelle après CEC. En outre, le saignement
post opératoire à 24 et 36 heures est très modérément corrélé à la concentration et au
contenu en héparine du SCCEC mais pas à l’héparinémie des patients après transfusion du
SCCEC. Cependant, l’étude actuelle ne nous permet pas de conclure avec certitude quant à
l’impact de la retransfusion du SCCEC sur le saignement postopératoire.
31
Conclusion
Introduite dans les années 50, la thromboélastographie (TEG) est un appareil de
monitorage de l’hémostase réalisé sur sang total. Outre sa rapidité d’utilisation et sa
délocalisation au lit du patient, son intérêt en termes d’épargne transfusionnelle en
chirurgie cardiaque a été démontré.
L’héparinémie constitue l’examen de référence pour le diagnostic d’héparinisation et
notamment dans les situations où elle pourrait persister après CEC en chirurgie cardiaque,
favorisant le saignement postopératoire. Cependant dans ce contexte, le délai de
récupération des résultats fait courir le risque de retard diagnostique et thérapeutique.
Une corrélation entre l’héparinémie et les paramètres de la TEG a été constatée surtout
chez des volontaires sains et uniquement dans le cas d’héparine de bas poids moléculaire.
Par conséquent, nous avons conduit une étude prospective non interventionnelle dont le
but était de rechercher une corrélation entre l’héparinémie et la TEG dans le diagnostic
d’héparinisation résiduelle chez des patients opérés de chirurgie cardiaque avec utilisation
de CEC.
Une forte corrélation a été observée entre l’héparinémie et les paramètres R et surtout
ΔR de la TEG (r = 0,8 et 0,9 respectivement et p < 0,001 dans les 2 cas).
L’origine du saignement en chirurgie cardiaque étant souvent multifactorielle,
l’identification rapide et précise d’un trouble de l’hémostase permet non seulement
d’apporter une mesure correctrice rapide et ciblée, mais également d’éviter une reprise
chirurgicale inutile. Dans ce contexte, la TEG pourrait être fiable pour diagnostiquer, parmi
tous les troubles de l’hémostase, l’héparinisation résiduelle après CEC. Outre son excellente
32
corrélation avec l’aXa, elle permet surtout un gain de temps de l’ordre de 75%, dont l’utilité
peut s’avérer cruciale chez les patients les plus hémorragiques. En effet, une réponse
thérapeutique adéquate et rapide peut permettre dans ce cas non seulement d’enrayer
l’hémorragie, mais d’empêcher, par sa pérennisation, l’aggravation des troubles de
l’hémostase et l’évolution vers la CIVD. En outre, la TEG permettrait d’éviter le recours à des
produits transfusionnels de façon empirique pour la réserver à des indications appropriées
et pourrait contribuer ainsi à la diminution de la morbi-‐mortalité induite par ces pratiques.
D’autres études sur de plus larges effectifs sont nécessaires afin de valider
définitivement la TEG en tant qu’outil de monitorage délocalisé et de l’intégrer dans la
pratique quotidienne de monitorage de la coagulation et du saignement en chirurgie
cardiaque [39]. Son exploitation nécessite d’être standardisée et également homologuée en
concertation multidisciplinaire avec chirurgiens, médecins anesthésistes réanimateurs et
hémostasiens.
33
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Annexes
Figures 7 et 8 - Récupération par déclivité du SCCEC et retransfusion au patient.