praxéologies de reprise de l'étude et leur écologie dans l
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AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ
MÉMOIRE DE MASTER MATHÉMATIQUES ET APPLICATIONS
SPÉCIALITÉ ENSEIGNEMENT ET FORMATION EN MATHÉMATIQUES
PARCOURS DIDACTIQUE
Praxéologies de reprise de l'étude et leur
écologie dans l'enseignement secondaire
Karine SAADA
Sous la direction de Michèle ARTAUD
Jury :
Pierre ARNOUX, professeur des universités, Aix-Marseille Université
Michèle ARTAUD, maitre de conférences, Aix-Marseille Université
Teresa ASSUDE, professeur des universités, Aix-Marseille Université
Yves CHEVALLARD, professeur des universités émérite, Aix-Marseille Université
Yves MATHERON, professeur des universités, Institut Français de l’Éducation – ENS Lyon
Septembre 2015
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Remerciements
Je tiens à remercier tout particulièrement Michèle Artaud, ma directrice de mémoire, pour sa
disponibilité, son accompagnement toujours bienveillant, et sans qui ce travail n’aurait pas pu
voir le jour.
Je tiens également à remercier Yves Chevallard, pour sa disponibilité et ses conseils
méthodologiques tout au long de ce travail.
Je voudrais aussi remercier l’équipe enseignante pour la qualité de leurs interventions et leurs
exigences de travail : Pierre Arnoux, Michèle Artaud, Teresa Assude, Tracy Bloor, Yves
Chevallard, Yves Matheron.
Un grand merci également à l’ensemble des enseignants de mathématiques de l’ESPE d’Aix-
Marseille pour leur soutien tout au long de ce travail, ainsi qu’à mes camarades de promotion
sans qui cette aventure aurait été moins belle.
Une pensée chaleureuse à mes enfants, Léo et Simon, pour leur patience et leur soutien.
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Sommaire
Introduction p. 5
1. La reprise de l’étude, le temps didactique et le milieu : éléments de problématisation p. 7
1. 1. Reprise de l’étude et temps didactique p. 7
2. 2. Reprise de l’étude et milieu p. 8
2. Analyse praxéologique : la profession et la reprise de l’étude aujourd’hui p. 11
2. 1. Le temps didactique dans les textes officiels p. 11
2. 2. L’évaluation diagnostique pour reprendre l’étude p. 15
2. 2. 1. Dans les ressources officielles p. 17
2. 2. 2. Sur les sites académiques p. 19
2. 3. Reprise de l’étude au sein d’un système didactique auxiliaire p. 26
2. 4. Reprise de l’étude dans les manuels scolaires p. 40
2. 4. 1. Le cas de la symétrie axiale en sixième p. 40
2. 4. 2. Le cas du théorème de Thalès en troisième p. 43
3. Élaboration d’une praxéologie de reprise de l’étude par des professeurs débutants p. 45
3. 1. Analyse praxéologique d’une formation à la reprise de l’étude p. 45
3. 2. Équipement praxéologique de professeurs débutants p. 54
3. 3. Évolution de la formation et ces conséquences p. 60
4. La voix du professeur p. 65
4. 1. Une enquête par questionnaire p. 65
4. 2. La reprise de l’étude comme geste professionnel p. 66
Conclusion p. 77
Bibliographie p. 79
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Introduction
… il y a reprise d’étude dans une classe chaque fois qu’on y étudie un objet qui a déjà été
étudié dans une classe antérieure (on peut, de ce point de vue, se référer aux programmes des
dites classes) ou même dans l’année en cours. En fait, il est sans doute bon d’inclure parmi les
situations de reprise d’étude ces situations où l’on utilise un « objet » peu souvent utilisé, sans
pour autant prétendre l’étudier à nouveaux frais – sans qu’il soit tenu, donc, pour un enjeu
didactique. Cette extension de la notion de reprise d’étude se justifie par le fait que, dans une
classe, la frontière entre le didactique et le non-didactique (ou entre objet d’étude et « simple »
outil d’étude) est très perméable : l’utilisation d’un objet « ancien » peut ainsi toujours susciter
un « rappel », sinon une véritable « révision », relativement à cet objet. (Chevallard, 2015,
p. 22)
Les phénomènes liés à la reprise de l’étude telle qu’elle est définie par Yves Chevallard dans
la citation précédente apparaissent vifs aux yeux de l’observateur informé du système scolaire
et, en tant que formatrice à l’IUFM, puis à l’ESPE, d’Aix-Marseille nous y avons été
régulièrement confrontée. En particulier, il nous a été donné de constater des difficultés, plus
résistantes que d’autres, chez les professeurs débutants en formation pour se constituer une
praxéologie pertinente de reprise de l’étude, soit une praxéologie de nature à favoriser, voire
permettre, une direction de l’étude fructueuse lorsque le thème à l’étude était au programme
de l’année précédente.
Nous avons donc choisi d’étudier, dans notre mémoire de master, les praxéologies de reprise
de l’étude des professeurs de mathématiques de l’enseignement secondaire français. Nous
nous placerons pour cela dans le cadre de la théorie anthropologique du didactique
(Chevallard, 2007) en examinant la question suivante, qui relève de la problématique
possibiliste (Chevallard, 2011) :
Quelles praxéologies de reprise de l’étude peuvent-elles être rencontrées, voire apprises, par
un professeur de mathématiques de l’enseignement secondaire aujourd’hui ?
L’identification d’une praxéologie qu’il est possible de rencontrer, voire d’apprendre, soulève
la question des conditions et des contraintes sous lesquelles elle est, de fait, rencontrée ou
apprise, et nous nous intéresserons donc également à la problématique de base (Chevallard,
2011), duale de la problématique possibiliste, en examinant la question :
Dans quelles conditions et sous quelles contraintes est-il possible de rencontrer, voire
d’apprendre, une praxéologie de reprise de l’étude donnée ?
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1. La reprise de l’étude, le temps didactique et le milieu : éléments de
problématisation
Telle qu’elle a été définie par Yves Chevallard dans la citation donnée en introduction, la
reprise de l’étude dessine, pour les didacticiens, un vaste territoire d’enquête. Cela est
augmenté par le fait que relativement peu de travaux se sont intéressés à ces phénomènes.
Le dernier en date nous semble dû à Mirène Larguier (2009) et porte sur la reprise de l’étude
de l’organisation numérique issue du collège dans la classe de 2de
. L’auteure s’intéresse
principalement à l’écologie de cette organisation mathématique et les praxéologies
professionnelles des professeurs interviennent surtout comme conditions ou contraintes
d’existence de cette organisation mathématique. Cette étude, intéressante à maints égards,
livre un état des travaux antérieurs sur cette question, auquel nous renvoyons le lecteur, et met
plus particulièrement en évidence, par l’étude clinique de l’enseignement de deux professeurs
de seconde, d’un côté, l’absence d’une praxéologie professionnelle routinière de reprise de
l’étude ; d’un autre côté, les manques à la fois d’ingrédients praxéologiques et
d’amalgamation des organisations mathématiques produites. À cet égard, l’étude effectuée
traque minutieusement les utilisations, dans la classe de 2de
, des objets numériques étudiés au
collège. Par contraste, nous avons choisi dans notre travail de nous centrer sur les
praxéologies professionnelles de reprise de l’étude, leurs conditions d’élaboration et
d’existence, sans considérer un domaine mathématique particulier, et nous avons également
fait le choix d’examiner les reprises de l’étude officiellement désignées ou repérées comme
telles. C’est dire que, dans notre enquête, nous partons des niveaux pédagogique et
disciplinaire de l’échelle de codétermination didactique (Chevallard, 2002).
1. 1. Reprise de l’étude et temps didactique
La reprise de l’étude est indissociable du temps didactique et de ses caractéristiques dont
l’émergence est consubstantielle de la transposition didactique (Chevallard, 1985) :
Dans la relation didactique (qui unit enseignant, enseigné, et « savoir »), l’enseignant est le
servant de la machine didactique dont le moteur est la contradiction de l’ancien et du
nouveau : il en nourrit le fonctionnement en y introduisant ces objets transactionnels que sont
les objets de savoir convenablement apprêtés en objets d’enseignement. Il est celui qui,
toujours – s’il veut remplir son rôle, tenir sa « place » – doit « étonner ». Il relance l’horloge
didactique en parant à l’obsolescence interne qui amènerait l’arrêt du temps – ou, du moins,
son ralentissement, son exténuation. (p. 71)
…l’enseignant reçoit de l’enseigné cette exigence : « étonnez-moi ! ». Il est celui qui, chaque
fois, doit relancer le mouvement. Il devra s’assurer les moyens de son hégémonie s’il ne veut
pas tomber aux basses œuvres de la coercition (pour utiliser le langage de Gramsci). (p. 73)
Ce temps didactique, qui avance de manière linéaire et segmentaire, s’est forgé
historiquement sous l’influence de Comenius et de Descartes (Chevallard & Mercier, 1987) :
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Le temps du savoir se définit d’abord par son caractère linéaire : « conduire par ordre » ses
pensées, telle est l’impérative consigne à quoi il faut plier cela même qui semble y répugner
(« supposant même de l’ordre … »). Temps progressif, qui va des « objets les plus simples et
les plus aisés à connaitre, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance
des plus composés ». (p. 55)
À ce caractère linéaire du temps de l’étude s’ajoute chez Descartes l’idée que la construction
du savoir est un processus irréversible :
Voilà ainsi une autre de nos fictions : celle d’acquis définitifs. Descartes en trace fort
nettement la loi : « n’y ayant qu’une vérité de chaque chose, écrit-il, quiconque la trouve en
sait autant qu’on peut en savoir ; et […], par exemple, un enfant instruit en arithmétique, ayant
fait une addition suivant ses règles, se peut assurer d’avoir trouvé, touchant la somme qu’il
examinait, tout ce que l’esprit humain saurait trouver ». Fiction d’un temps du savoir sans
rebroussements, d’une progression dans la connaissance qui toujours va de l’avant, sans
retouche aucune. (ibid., pp. 56-57)
C’est à ce problème des « retours » et de leur prise en charge dans les organisations de l’étude
que la reprise de l’étude d’un thème s’attaque : il s’agit bien, comme nous le verrons, de faire
vivre la fiction que le temps didactique avance « sans rebroussements ». Le temps didactique
va donc conditionner et contraindre les praxéologies de reprise de l’étude.
1. 2. Reprise de l’étude et milieu
Comme il en va classiquement en théorie anthropologique du didactique depuis plusieurs
années, nous modéliserons le processus d’étude d’une question Q à l’aide du schéma
herbartien que nous reproduisons ci-dessous sous sa forme développée (Chevallard, 2014) :
Dans le cas où la question Q amène à reprendre l’étude d’un thème , la réponse R va
intégrer des éléments neufs relatifs à , éventuellement articulés à des éléments anciennement
étudiés. L’écologie nouvellement créée de ces éléments anciens va produire un nouveau
rapport institutionnel. Mais la production de la réponse R
va s’appuyer sur un milieu d’étude
dont le thème fait partie avec le rapport institutionnel anciennement établi.
Dans la conduite du processus d’étude de Q, si l’on excepte la stratégie résidant dans
l’ignorance de l’aménagement du milieu, deux voies au moins paraissent pouvoir être
suivies : la première consiste pour les aides à l’étude à s’assurer de la disponibilité dans le
milieu d’étude des praxéologies pertinentes relativement à avant le début de l’étude de Q ;
la seconde consiste à aménager le milieu en cours d’étude si et lorsque cela s’avère
nécessaire.
Compte tenu des citations précédentes relatives au temps didactique, les deux voies paraissent
délicates car elles peuvent être vues comme venant arrêter la progression du temps de l’étude
voire, au moins dans le cas de la seconde, rebrousser chemin.
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C’est cet aspect des praxéologies de reprise de l’étude que nous examinerons principalement
dans ce travail ; c'est-à-dire l’équipement praxéologique mis en œuvre pour que le milieu
d’étude contienne les éléments pertinents antérieurement étudiés du thème dont on reprend
l’étude.
De ce point de vue, notre étude n’est pas sans lien avec la gestion de la mémoire du système
didactique (Brousseau et Centeno, 1991 ; Matheron, 2000). Notamment, dans le cas où le
thème a été étudié dans une classe antérieure, la reprise de l’étude va mobiliser, pour
constituer le milieu d’étude, une mémoire institutionnelle, produit d’une histoire qui n’est ni
celle de l’ensemble des élèves ni celle des aides à l’étude. Il est donc probable que la reprise
d’étude d’un thème donne à voir des phénomènes mémoriels. Mais compte tenu du temps
dévolu à ce travail, nous avons choisi de nous centrer dans ce qui suit sur la constitution du
milieu d’étude.
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2. Analyse praxéologique : la profession et la reprise de l’étude aujourd’hui
Nous examinerons ici les recommandations institutionnelles concernant la reprise de l’étude
dans l’enseignement des mathématiques au secondaire et étudierons de quelle manière la
profession s’en est emparée pour se constituer un équipement praxéologique.
2. 1. Le temps didactique dans les textes officiels
Le bulletin officiel n° 6 du 28 août 2008 définissant les programmes de l’enseignement de
mathématiques du collège précise dans le paragraphe 4 « Organisation des apprentissages et
de l’enseignement » du préambule pour le collège de la partie Mathématiques (MEN, 2008) :
Il est nécessaire d’entretenir les capacités développées dans les classes antérieures,
indispensables à la poursuite des apprentissages et à la maîtrise du socle commun par tous les
élèves. Cet entretien doit être assuré non par des révisions systématiques mais par des activités
appropriées, notamment des résolutions de problèmes. […]
L’enseignement prend en compte les connaissances antérieures des élèves : mise en valeur des
points forts et repérage des difficultés de chaque élève à partir d’évaluations diagnostiques.
Ainsi l’enseignement peut-il être organisé au plus près des besoins des élèves, en tenant
compte du fait que tout apprentissage s’inscrit nécessairement dans la durée et s’appuie sur les
échanges qui peuvent s’instaurer dans la classe.
Il convient de faire fonctionner les notions et «outils » mathématiques étudiés au cours des
années précédentes dans de nouvelles situations, autrement qu’en reprise ayant un caractère de
révision. En sixième, particulièrement, les élèves doivent avoir conscience que leurs
connaissances évoluent par rapport à celles acquises à l’école primaire. (pp. 10-11)
Le repérage des difficultés des élèves apparaît ainsi clairement, avec la précision qu’il se fera
à partir d’évaluations diagnostiques ; et, l’entretien des capacités des élèves développées dans
les classes antérieures ne doit pas être assuré par des révisions systématiques. On notera que
ces éléments étaient signifiés à l’identique dans le programme qui est paru en 2007.
Une recherche dans les différents programmes actuels du lycée sur les mots « révisions » ou
« diagnostique » ne fournit aucune occurrence. En revanche, on retrouve la même
recommandation concernant les révisions systématiques dans le paragraphe 1 « Le cadre
général » de la partie III « Organisation de l’enseignement et du travail des élèves » de
l’introduction des anciens programmes des séries technologiques du lycée (MEN, 2006) :
Les programmes de la classe de première et de la classe terminale forment un tout ; dans
chaque classe, les activités de résolution d’exercices et de problèmes fournissent un champ de
fonctionnement pour les capacités acquises dans les classes antérieures et permettent, en cas
de besoin, de consolider ces acquis ; on évitera en revanche les révisions
systématiques. (p. 16)
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Comme l’indique cette introduction, « les différentes rubriques du programme comportent des
indications sur la continuité des objectifs poursuivis ».
Nous voyons ainsi que les différents programmes, même si on y insiste davantage au collège,
recommandent de ne pas effectuer de révisions systématiques ; les connaissances antérieures
des élèves doivent être entretenues et sont mobilisées au cours de résolutions de problèmes.
Il est à noter que ce ne fut pas toujours le cas, comme le rappelle Yves Chevallard dans la
notice du Dictionnaire de didactique des mathématiques 1997-1998 consacrée au temps de
l’étude :
En dépit du malaise que les révisions ne manquent donc pas de susciter, les programmes
officiels ont longtemps prescrit la révision d’une partie du programme de la classe précédente,
comme le rappelle l’extrait reproduit ci-après du programme de mathématiques des classes de
quatrième d’août 1937.
Programme des classes de 4e du 30 août 1937 (extrait)
GÉOMÉTRIE
I. – Révision d’une partie du programme de la classe précédente et compléments
Cas d’égalité des triangles quelconques et des triangles rectangles.
Notions, d’après des exemples, de théorèmes réciproques, de conditions nécessaires et suffisantes, de
propriétés caractéristiques.
Droites parallèles. Propriétés angulaires caractéristiques. Angles à côtés parallèles.
Propriétés caractéristiques du parallélogramme, du rectangle, du triangle rectangle (médiane relative à
l’hypoténuse), du losange.
Sommes des angles d’un triangle (angles intérieurs et extérieurs). Applications à un polygone
décomposé en triangles.
II. – Programme particulier à la classe
Tout aussi officiellement, pourtant, de telles révisions sont aujourd’hui proscrites, les textes
officiels distinguant deux manières opposées, l’une fortement déconseillée, l’autre vivement
recommandée, de faire figurer le passé dans le présent : d’un côté, par des révisions, pratique
condamnée sans appel quand elle est « systématique » ; de l’autre, par l’activation, dans les
tâches mathématiques proposées, des objets mathématiques antérieurement étudiés et qui ne
sont plus des enjeux didactiques, stratégie qu’il convient au contraire de développer de
manière systématique. (Chevallard, 1998, pp. 27-28)
On retrouvera des prescriptions de révisions dans différentes parties du programme de 1945,
publié par Jean-Luc Bregeon sur son site personnel, dont nous reproduisons ci-dessous deux
extraits (MEN, 1945) :
Classe de Seconde A et B
[…] Géométrie
1. Révision : rapport de deux segments, points partageant un segment dans un rapport
arithmétique donné.
[…]
3. Révision des notions vues en troisième sur les polygones réguliers usuels, sur la longueur
d'un arc de circonférence (on admet que la longueur de la circonférence est 2πR). Radian.
4. Révision des formules vues en Troisième relatives aux aires ; aire d'un secteur de cercle (on
admet que l'aire du cercle est πR²)
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CLASSE DE MATHÉMATIQUES
[…] Géométrie
Le programme de géométrie de la classe de Mathématiques est un programme de complément,
réduit à des lignes essentielles : l’enseignement comporte l’exposé magistral des théories
nouvelles, de leurs principales applications, la révision et la mise au point des connaissances
acquises dans les classes antérieures par l’exécution d'exercices nombreux et gradués. Il
demeure comme par le passé l’enseignement fondamental de la classe de Mathématiques, celui
qui requiert plus de soins et le plus de temps.
Dans la période 1960-1985, les pratiques et les instructions relatives aux révisions vont être
contrastées. Ainsi, trouve-t-on dans les indications préliminaires relatives au programme de
sixième de 1957 (MEN, 1957) les notations suivantes :
[L]e programme de cette classe n’apporte, formellement, aucune connaissance nouvelle mais il
ne s’agit ni d’une répétition ni d’une révision plus ou moins détaillée du programme du
« cours moyen ».
Il conviendra d’abord, à l’occasion de chacun des chapitres, de procéder à l’inventaire de ce
qui est déjà connu et correctement assimilé afin d’éviter de fastidieuses redites. Puis les
diverses questions seront reprises et étudiées non en imposant aux élèves quelques formules et
quelques règles impératives mais en s’efforçant de leur apprendre à regarder et à réfléchir.
(ibid., p. 2569)
Le programme de terminale C de 1967 paru au bulletin officiel n° 26 du 30 juin 1966, livre
également dans le paragraphe introductif aux « compléments de géométrie dans
l’espace » que ce thème ne doit pas donner lieu à des révisions :
Le rappel des notions de géométrie analytique dans le plan et dans l’espace acquises en
Seconde et en Première, interviendra naturellement à l’occasion de l’étude de divers chapitres
du présent programme et à l’occasion de problèmes ; il ne doit pas donner lieu à une révision
systématique1. (MEN, 1967)
Alors que dans le programme de première D de 1970, on peut lire : « produit scalaire dans le
plan vectoriel. Révision2 de ses propriétés : norme d’un vecteur ; inégalité de Cauchy-
Schwarz ; inégalité triangulaire ». (in Gautier, Girard &Lentini, 1970, p. 7)
La pratique des révisions avait encore cours dans les années 1970. Ainsi, dans un ouvrage
pour le professeur associé au livre de quatrième de la collection Maugin (Fauvergue, Jeanmot
& Rieu 1979), dans lequel « le programme est traité en 31 chapitres » pouvons-nous lire :
« Les chapitres 1 à 7 sont consacrés, en très grande partie, à des révisions ». Ou encore, dans
1
C’est nous qui soulignons.
2 C’est nous qui soulignons.
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le guide pédagogique associé à l’ouvrage de quatrième de la collection Monge (Monge et al.,
1974) que « les révisions des notions étudiées en Cinquième sont regroupées dans les trois
premiers chapitres » sur les 15 que compte la première partie consacrée aux nombres
décimaux relatifs et à l’approche des réels : le premier chapitre « Ensembles et relations » est
« entièrement consacré à la révision de notions acquises au cours du cycle d’observation », et
le « début du chapitre » intitulé « Applications, bijections » est « consacré à la révision de la
notion d’application d’un ensemble dans un ensemble. Nous profitons de cette révision pour
introduire quelques compléments ».
Pourtant, à propos des relations, le complément au commentaire des programmes de
quatrième et de troisième, paru en 1973 explicitait nettement (MEN, 1973, p. 628-629) :
La notion de relation, abordée en sixième, révisée et enrichie en cinquième, ne doit plus du tout
faire ici l’objet d’un chapitre méthodiquement développé, qui lasserait d’emblée les élèves par
des redites fastidieuses ; il s’agit seulement ici, au début de l’année, de prendre en main les
élèves, de toute provenance, pour préciser brièvement leur acquis et unifier leur langage, pour
les préparer surtout à greffer sur cet acquis les nouveautés du programme toute l’année durant et
chacune au moment opportun, en particulier la notion de groupe.
Ce terme de révision apparaitra dans les programmes publiés à partir de 1985 pour être
proscrit comme nous l’avons vu plus haut pour les programmes de 2006. Ainsi peut-on lire,
dans le programme de sixième publié en décembre 1985 (MEN, 1985) : « Il convient […] de
faire fonctionner à propos de nouvelles notions et autrement qu’en reprise ayant un caractère
de révision, les notions et “outils” mathématiques antérieurement étudiés. ». On peut penser
que les modifications de la société, dont le mouvement de mai 1968 et la réforme des
mathématiques modernes sont issus, ont influé sur ce revirement de la noosphère qui conduit
à intégrer la contrainte de l’avancée « sans retour » du temps didactique. Une étude plus
approfondie serait sans doute nécessaire pour comprendre ces choix mais nous ne la mènerons
pas ici. Nous noterons simplement que des contraintes du niveau de la société vont donc peser
sur les choix didactiques des professeurs alors que cet héritage historique des révisions vient
créer des conditions de niveau pédagogique favorisant chez certains des techniques de reprise
de l’étude basées sur les révisions en début de séquence, voire en début d’année scolaire,
comme nous le verrons plus loin.
Les documents de la collection Ressources pour les classes du collège confirment cette
volonté de ne pas procéder à des révisions systématiques énoncée dans les programmes depuis
les années 1980, mais sans qu’une technique de reprise de l’étude des praxéologies
antérieurement étudiées soit véritablement précisée avant 2007 : le maigre viatique fourni est
qu’il faut faire « autrement » en les mettant au service de l’étude du « nouveau ». L’indication
technique que nous avons vue mise en avant en 2007, « l’évaluation diagnostique », est
enregistrée dans les documents les plus récents. Voici un extrait du document « Raisonnement
et démonstration au collège » (MEN, 2009a), paragraphe 3 « Raisonnement et évaluation »,
mentionnant l’évaluation diagnostique comme favorisant l’apprentissage si elle est suivie
d’un travail transitionnel, soit d’un travail favorisant la mise en conformité avec le rapport
institutionnel du rapport personnel de chacun des élèves de la classe :
15
Évaluation de raisonnements par le professeur :
Ce procédé est porteur d’apprentissage à la condition d’un dialogue effectif entre l’élève et le
professeur quant aux procédures utilisées, au raisonnement suivi : un retour aux productions et
un travail sur l’erreur s’imposent. Cela est vrai dans le cadre d’une évaluation diagnostique ou
formative pour accéder aux représentations des élèves. (p. 25)
Nous nous pencherons maintenant sur cette notion d’évaluation diagnostique et l’utilisation
qui en est proposée dans les textes des documents des collections Ressources pour les classes
du collège et Ressources pour les classes du lycée ainsi que sur certains sites académiques.
2. 2. L’évaluation diagnostique pour reprendre l’étude
La notion d’évaluation diagnostique est dument enregistrée par l’institution scolaire en 2007,
l’année de son apparition dans le programme de sixième. Dans le bulletin officiel n° 33 du 20
septembre 2007, la commission générale de terminologie et de néologie en publie une
définition :
évaluation diagnostique
Domaine : Éducation-Formation.
Définition : Évaluation intervenant au début, voire au cours d’un apprentissage ou d’une
formation, qui permet de repérer et d’identifier les difficultés rencontrées par l’élève ou
l’étudiant afin d’y apporter des réponses pédagogiques adaptées.
Équivalent étranger : diagnostic assessment, diagnostic evaluation. (MEN, 2007)
On notera qu’elle est associée au repérage des besoins didactiques et à la réponse que l’on
doit y apporter sans qu’on puisse la voir a priori comme exclusivement attachée à la reprise
de l’étude puisqu’elle peut intervenir « au cours d’un apprentissage » : une utilisation pour
« faire le point » sur l’étude en cours serait ainsi possible. Cependant, la définition suivante
laisse penser que c’est la reprise de l’étude qui a lieu au cours de l’apprentissage, le travail de
mise au point de l’étude en cours étant dévolu à l’évaluation formative :
évaluation formative
Domaine : Éducation-Formation.
Définition : Évaluation intervenant au cours d’un apprentissage ou d’une formation, qui
permet à l’élève ou à l’étudiant de prendre conscience de ses acquis et des difficultés
rencontrées, et de découvrir par lui-même les moyens de progresser.
Équivalent étranger : formative assessment, formative evaluation. (ibid.)
On ajoutera que cette utilisation de la notion d’évaluation diagnostique est partiellement
conforme aux éléments mis en avant dans les écrits pédagogiques sur l’évaluation. Voici par
exemple la définition figurant dans le glossaire de l’Encyclopédie de l’évaluation en
formation et en éducation (De Peretti, Boniface & Legrand, 1998/2013) :
Évaluation :
16
- démarche opératoire par laquelle on apprécie une réalité donnée en référence à des critères
déterminés (jugement de valeur) ; en d’autres termes, opération qui mesure l’écart entre un
résultat et un objectif, et en recherche les causes. Elle peut avoir lieu par consultation, ou
individuellement ou en groupe (interview) ou de façon mixte ; […]
- diagnostique : fondée sur une « identification des acquis » (J.-M. Barbier) déjà réalisés par
un élève, et de ses attitudes, permettant par la suite des ajustements à son cursus scolaire et
une rectification de son image ; (p. 535)
Dans un autre ouvrage consacré à l’évaluation des apprentissages du point de vue de la
psychologie cognitive, l’auteur, Jacques Grégoire, consacre dans le premier chapitre trois
pages à une synthèse sur « l’évaluation diagnostique des apprentissages ». Nous le citerons ci-
après un peu longuement :
Se référant à la typologie des formes d’évaluation proposées par Bloom et ses collaborateurs,
Scallon (1988a) souligne que, pour ces auteurs, l’évaluation diagnostique remplit deux
fonctions. La première est de nature préventive et concerne l’intégration des élèves dans une
nouvelle séquence d’apprentissage. Dans ce cas, l’évaluation diagnostique vise à mettre en
évidence les forces et les faiblesses de chaque élève afin de préciser le point d’entrée adéquat
dans la séquence d’apprentissage et de déterminer le mode d’enseignement le plus adapté.
Une seconde fonction de l’évaluation diagnostique est de « déterminer la cause des difficultés
persistantes chez certains élèves » (Scallon, 1988a, p. 69). Sous certains aspects, cette fonction
rejoint celle de l’évaluation formative qui a également pour but de déceler les difficultés
pouvant se présenter en cours d’apprentissage afin d’y remédier rapidement. Par rapport à
l’évaluation formative, la spécificité de l’évaluation diagnostique est d’être à la fois plus
approfondie et plus globale (prise en compte des facteurs motivationnels,
environnementaux …). Mais les limites restent floues. Scallon propose une distinction plus
nette en se référant aux types de cause des difficultés d’apprentissage. L’évaluation
diagnostique s’intéresserait aux causes exogènes à la situation d’apprentissage alors que
l’évaluation formative prendrait uniquement en compte les causes endogènes à cette même
situation. En ce sens, le caractère diagnostique de l’évaluation formative resterait
spécifiquement pédagogique. (Grégoire, 1996, pp. 20-21)
L’institution scolaire adopte donc, semble-t-il, la première fonction de l’évaluation
diagnostique formulée par Gérard Scallon.
J. Grégoire poursuit en présentant deux types de démarches d’évaluation diagnostique en
mathématiques. Pour les premières, centrées sur les performances, il aboutit à ce verdict sans
appel :
… une approche en terme de performance se révèle rapidement insuffisante pour le diagnostic.
Tout au plus permet-elle de réaliser une première appréciation de la situation. Mais elle n’offre
pas de véritable compréhension des difficultés rencontrées par les sujets et, partant, n’offre
17
guère d’assise solide à une prise en charge remédiative efficace. Celle-ci risque de n’être
qu’une répétition des explications qui ont précédemment échoué. (Grégoire, 1996, p. 24)
Les secondes, centrées sur les compétences, ont davantage les faveurs de l’auteur car elles
« apportent des informations plus riches et plus intéressantes pour les actions rééducatives que
les démarches d’évaluation centrées sur les performances ». Mais il contraste son discours
pour proposer une articulation des deux démarches :
C’est pourquoi, nous pensons que les évaluations normatives centrées sur les performances
gardent une place dans l’examen diagnostique. Elles permettent en effet de réaliser un passage
en revue rapide de la situation de l’élève. En cas de problème, une investigation plus
approfondie peut alors être conduite dans un secteur précis des apprentissages. (Grégoire,
1996, p. 36)
C’est dans ce contexte que se forgent les praxéologies institutionnelles d’évaluation
diagnostique pour reprendre l’étude.
2. 2. 1. Dans les ressources officielles
Conjointement à son apparition dans les programmes, la constitution d’une évaluation
diagnostique et son utilisation en classe commence à apparaître dans les textes qui les
accompagnent, nous l’avons dit. Voici par exemple le document intitulé Ressources pour la
classe de première générale et technologique – Analyse de mars 2012 qui propose quelques
« scénarios pédagogiques » développés autour de neuf « grandes problématiques » (MEN,
2012a). L’une d’elles nous intéresse plus particulièrement ici : « Comment utiliser des
évaluations diagnostiques ? ». Cette problématique apparait dans 3 scénarios sur les 15 que
comporte le document cité.
Le premier présente « une évaluation diagnostique réalisée en cours de Mathématiques suivie
d’une séance développée dans le cadre de l’Accompagnement Personnalisé » afin de préparer
« une séance portant sur la démarche d’investigation » (ibid.) :
L’évaluation a débouché sur la formation de trois groupes de besoins en fonction des profils
repérés. (p. 23)
Pour permettre le progrès de tous les élèves, quels que soient leurs besoins, une remédiation
plus ciblée, fondée sur les points forts de chacun, est proposée en Accompagnement
Personnalisé.
Le support, commun aux trois groupes, est un exercice du même type que celui proposé en
évaluation diagnostique. Le travail demandé à chaque groupe est, par contre, différent. (p. 25)
Les corrections et les synthèses des différentes démarches proposées à chaque groupe d’élèves
sont faites en Accompagnement Personnalisé. Chaque groupe expose son travail au reste de la
classe, favorisant ainsi la communication orale. Cette synthèse offre à chaque élève la
18
possibilité de choisir l’une des démarches pour un même problème en fonction de ses
compétences. (p. 27)
Ici, l’évaluation diagnostique proposée n’est pas affichée dans le cadre de la reprise de l’étude
d’un thème mathématique, mais d’une praxéologie d’étude des mathématiques. L’énoncé que
nous reproduisons ci-après la fait clairement apparaitre comme venant reprendre l’étude des
fonctions du second degré qui vient d’être menée, et son usage relève donc davantage de la
mise au point pour relancer un moment de travail de l’organisation mathématique en cours
d’étude – ce qui relèverait, nous l’avons vu, de l’évaluation formative du point de vue des
praxéologies mathématiques :
Après plusieurs relevés, un scientifique a modélisé une passe de volley-ball, la passe de
Clément à son coéquipier Florian. La hauteur du ballon h(t) en fonction du temps t est :
h(t) = ‒ 0,525t² + 2,1t +1,9
où h(t) est exprimée en mètres et t en secondes.
a) À quelle hauteur Clément commence-t-il sa passe ?
b) Quelle hauteur maximale le ballon atteint-il ?
c) Florian ne réussit pas à toucher le ballon que Clément lui passe. Combien de temps
après la passe de Clément le ballon tombe-t-il au sol ?
d) Durant combien de temps le ballon est-il en phase de descente ?
La hauteur du filet est de 2,43 mètres. Durant combien de temps le ballon est-il situé
au-dessus du filet ?
Les réponses sont à justifier. (ibid., p. 23)
L’explicitation de la technique de réalisation du moment de travail portant sur l’utilisation de
ressources – cours, fiche méthode, logiciel de calcul formel peut cependant donner une
infrastructure pour un dispositif de travail transitionnel mis en place dans un système
didactique auxiliaire, l’accompagnement personnalisé, sur lequel nous reviendrons plus loin.
Le deuxième scénario présente une activité ayant « pour but d’anticiper les difficultés,
d’assurer une meilleure homogénéité des connaissances à l’approche du chapitre sur la
dérivation. Elle fait suite à un repérage des besoins sur les notions d’équations de droites, de
coefficient directeur, de pente ». (ibid., p. 28) On est donc là nettement dans le cadre d’une
évaluation diagnostique pour s’assurer du milieu adéquat à l’abord d’un nouveau thème. Mais
aucune information n’est donnée sur la manière dont ce « repérage » s’est déroulé. C’est le
travail transitionnel qui est décrit : il se fait individuellement en accompagnement
personnalisé et se prolonge par l’élaboration d’une « fiche méthode » personnelle.
Ce n’est que dans le troisième scénario qu’on voit apparaitre une évaluation diagnostique
proposée aux élèves en « introduction au chapitre sur la dérivation » :
Afin de faire le point sur certaines connaissances des élèves portant sur les fonctions,
nécessaires à une bonne compréhension du chapitre sur la dérivation, le professeur a conçu un
QCM comprenant en particulier des distracteurs permettant de repérer quelques erreurs
19
spécifiques. L’objectif de l’enseignant est ainsi d’effectuer en direct des remédiations
personnalisées en classe entière.
Pour chaque question du QCM, l’élève doit voter pour la réponse qu’il pense être la bonne. Le
tableau récapitulatif des résultats s’affiche ensuite sur le T.B.I. Le professeur relève les erreurs
commises en temps réel, sans que la notion de sanction ne soit présente. Il repère un élève
concerné par une erreur et lui demande d’expliquer son raisonnement. L’enseignant peut alors
démonter les mécanismes erronés.
Cette expérimentation a duré 2 heures. Elle a permis de faire le point sur des notions
essentielles portant sur les fonctions et a aidé les apprenants à créer leurs propres fiches
méthodologiques. En effet, les élèves consignent, dans un petit cahier personnel, les aides, les
méthodes, les outils de contrôle à l’aide des TIC (calcul formel, logiciel de géométrie…), les
rappels de cours dont ils estiment avoir besoin, ainsi que leurs erreurs analysées et corrigées.
(ibid., p. 36)
Pour chaque question de l’évaluation, le document donne des pistes de remédiation et propose
à la fin de poursuivre ces remédiations en accompagnement personnalisé. On a ici un repérage
« en direct » des difficultés des élèves, suivi automatiquement d’un travail transitionnel en
classe entière, et poursuivi au sein d’un système didactique auxiliaire. Il est à remarquer que
la responsabilité didactique des élèves est peu engagée et que ce dispositif utilisé de façon
routinière n’optimisera pas l’utilisation du temps d’horloge. La place que prend le système
didactique auxiliaire d’accompagnement personnalisé dans le dispositif de reprise de l’étude
proposé par l’institution est à souligner, et nous l’étudierons ultérieurement.
2. 2. 2. Sur les sites académiques
Un certain nombre de sites académiques relaient et développent l’usage de l’évaluation
diagnostique pour reprendre l’étude, certains le liant aux progressions spiralées. Ainsi, à la
rubrique « Ressources collège / Progressions », le site de l’académie d’Orléans-Tours justifie
d’abord le choix des progressions spiralées comme présentant de nombreux avantages pour
l’apprentissage des élèves. Un article de présentation générale des progressions spiralées
(Diger, Dofal & Olivier, 2012) donne tout d’abord des ingrédients technologico-théoriques
justifiant le recours au caractère spiralé d’une progression :
Trois grandes raisons commandent le recours au caractère spiralé de la progression :
1. Le respect des instructions officielles sur lesquelles en l'occurrence la communauté
mathématique s'accorde : […]
2. Une gestion de l'année qui contribue à réduire le stress généré par le contrôle du temps pour
le professeur : […]
3. Des occasions de comprendre adaptées, renouvelées et des savoirs pérennisés pour les
élèves : […] (pp. 2-3)
Le deuxième élément met en évidence, en le nommant autrement, la difficulté pour le
professeur de faire avancer le temps didactique. La réponse à cette difficulté développée par
les auteurs de l’article, IA-IPR de mathématiques, consiste à « rendre autant que possible
20
permanente l'étude de certains grands thèmes mathématiques sur l'année », au moyen d’une
progression spiralée. La question des révisions est abordée dans le troisième point ; écoutons
les auteurs :
Des révisions intégrées dans la spirale de l'année :
Le processus décrit précédemment s'applique le plus naturellement du monde au cas
particulier des révisions des connaissances de l'année précédente. Il s'agit pour une
connaissance qui est à réactiver d'essayer de l'éclairer sous un angle nouveau et adapté au
programme de l'année en cours. Là encore l'efficacité en terme d'utilisation du temps est
réelle : on entre directement dans le travail proposé sur l'année en cours sans révisons
systématiques consommatrices d'un temps précieux qui fera défaut ensuite pour traiter
l'essentiel. On n'ennuie pas les élèves par des redites inefficaces pour les bons élèves qui n'en
ont pas besoin mais également pour les élèves fragiles qui ne trouvent rien de nouveau leur
offrant une chance de comprendre ce qui leur a échappé l'année précédente.
Ces problèmes concernant la place à réserver aux révisons se posent avec encore plus d'acuité
dans les classes de 6ème
[sic] et 2de. Dans les deux cas, on observe une propension à accorder
une place aux révisions systématiques qui déséquilibre et condamne l'année dès les premières
semaines. Par exemple en 2de, aborder l'équation x² = a sans le recours au graphique de la
fonction carré ou rechercher le signe de ax + b sans utiliser le sens de variation de la fonction
affine amène à répéter un travail de 3ème
[sic] sans l'éclairer autrement. Ce n'est qu'après ce
nouvel éclairage que le lien avec les techniques vues en 3ème
[sic] peut être établi avec profit.
(ibid., p. 4)
On a là un élément de l’environnement technologico-théorique à propos de la nécessité
d’éviter les révisons systématiques qui fait défaut dans les programmes et dont le lien avec la
tyrannie du temps didactique est réelle mais non explicitée. La nécessaire prise d’informations
sur « l’état des connaissances des élèves » est justifiée par la mise en œuvre d’une progression
spiralée. Les auteurs apportent des ingrédients techniques pour la réalisation de ce geste
professionnel qui ne sont pas sans rappeler ceux qui figuraient sur la notice « Le temps de
l’étude » (Chevallard, 2006) intégrés à la formation de l’IUFM, puis de l’ESPE d’Aix-
Marseille :
Ces tests doivent évidemment être très courts pour ne pas constituer un investissement trop
lourd en temps de classe et en temps de correction. L'apparition des QCM dans les épreuves
des bac S et ES, et l'occasion d'une réflexion qu'elle fournit sur ce type d'évaluation, devrait
faire que les QCM apparaissent ici comme un outil à privilégier. (Diger et al., 2012, p. 6)
On soulignera pourtant que l’utilisation privilégiée de QCM risque de signifier un rapport
personnel ou institutionnel en position d’élève non conforme sans pour autant que les raisons
de l’absence de conformité soient visibles.
Le travail transitionnel est mentionné :
En se limitant à l'essentiel et en l'organisant suffisamment tôt, un tel test permet d'apporter des
réponses adaptées avant d'aborder le cours : préparation d'un petit groupe d'élèves en utilisant
21
l'aide individualisée, préparation différenciée de la classe en heures dédoublées (modules)…
(ibid., p. 6)
On notera que la mention des modules laisse penser que l’article a été écrit avant 2009 bien
que la date de dernière modification figurant sur le site soit 2012.
Le dispositif du test d’entrée suivi d’un travail transitionnel est le septième point d’une
« esquisse de méthodologie » qui en comporte 13. Il est explicité ainsi :
La conduite des grands thèmes pluriannuels pose des problèmes spécifiques liés à la reprise de
l'étude notamment d'une année sur l'autre. Il est désormais acquis que les révisions
systématiques sont d'une inefficacité manifeste et que plus grave, elles compromettent
largement l'étude du programme de l'année en cours. Quelques temps avant d'aborder un
thème donné, l'organisation d'une évaluation rapide et bien conçue, par exemple à l'aide d'un
QCM, permet un diagnostic précis de l'état du savoir des élèves et des besoins de chacun d'eux
en vue de pouvoir profiter pleinement du travail prévu dans la suite. Ce diagnostic permettra
d'utiliser au mieux, avant d'entamer le travail prévu en classe, les différents dispositifs
spécifiques (aide, modules…) pouvant exister dans la classe. Dans les cas où aucun dispositif
de différenciation n'est prévu, on pourra s'appuyer sur un devoir en temps libre à la maison où
[sic] une série d'exercices dispersés sur quelques jours. (ibid., p. 8)
On retrouve les éléments technologico-théoriques déjà cités et on note l’apparition de la
notion de « diagnostic » ainsi que la mention de dispositif permettant d’assurer le travail
transitionnel dans les cas où aucun système didactique auxiliaire institutionnel n’est prévu :
« devoir en temps libre à la maison », « série d'exercices dispersés sur quelques jours ».
La même page du site académique d’Orléans-Tours propose ensuite des spécimens de
progressions spiralées, une en sixième, en cinquième, en troisième et deux en quatrième, ainsi
que trois exemples de progressions verticales sur « la symétrie axiale », « les quotients », « les
débuts de l’algèbre ». À l’exception d’une en quatrième, les progressions spiralées sont toutes
du même auteur, Philippe Arzouménian, professeur au collège Pablo Neruda de Saint-Pierre
des Corps, que le site présente comme « formateur très engagé en formation continue ». Sur
celle de sixième, l’expression « Reprise de l’étude » apparait trois fois : « en géométrie »,
« sur les écritures décimales et fractionnaires » et « sur la symétrie axiale ». Elle semble
uniquement utilisée pour rappeler au lecteur la poursuite de l’étude de ces thèmes vus dans les
classes antérieures. De la même manière, on trouve sur la progression de cinquième le titre
« Reprise de l’étude en géométrie ». Plus surprenant, il est mentionné dans la première
séquence de l’année « Fiche 1 : révisions de 6e ; équations ; notion de quotients », qu’on ne
commentera pas plus avant. Les progressions de quatrième et troisième font aussi référence à
des reprises de l’étude en géométrie et sur le calcul littéral, auxquelles s’ajoutent celles sur la
connaissance des systèmes de nombres et sur la proportionnalité en troisième. Le site propose
également des tests d’entrée ; trois en quatrième placés aux première, deuxième et huitième
séquences sur onze portant sur le calcul d’expressions littérales, les programmes de calculs et
tests d’égalité, la résolution d’équations du premier degré à une inconnue ; deux en troisième
au cours de la deuxième séquence sur treize portant sur les programmes de calculs et tests
22
d’égalité, les expressions littérales et la distinction entre développer et résoudre. Chaque fiche
proposée est accompagnée d’une fiche pour le professeur mentionnant les objectifs, les
conditions de passation, les points à repérer sous forme d’items et des pistes de remédiation
classées par items, ainsi que quelques commentaires pédagogiques. Le travail transitionnel est
proposé en autonomie pour l’élève à travers des exercices disponibles sur l’espace élève de
l’académie.
On y voit donc une utilisation formelle de l’expression « reprise de l’étude » et un recours à la
marge du test d’entrée dans l’étude d’un thème. Les recommandations institutionnelles ne
semblent pas aisées à intégrer dans l’équipement praxéologique du professeur, si l’on se
réfère à l’exemple de ce professeur pourtant impliqué dans la formation continue.
Une enquête sur Internet révèle que l’article précédemment cité est mis en ligne sur différents
sites institutionnels comme ceux des académies de Toulouse, de Rouen ou d’Aix-Marseille.
On trouve de même de très nombreuses références aux progressions spiralées reprenant les
idées précédentes, ainsi que des exemples à différents niveaux.
Le site des inspecteurs de mathématiques de l’académie de Bordeaux met en ligne le compte
rendu d’un atelier portant sur les « progressions sur un thème géométrique » qui a eu lieu lors
des journées inter-académiques des 13 et 14 décembre 2004.
Dans une première partie, le rapporteur de l’atelier, chargé de mission de l’académie
d’Orléans-Tours (Petit, 2004), expose les raisons justifiant le recours à des progressions
spiralées et donne la technique citée plus haut. La seconde partie est un exemple de
progression en géométrie sur la symétrie axiale en sixième. Elle se découpe en quatre temps :
Temps 1 : reprise de l'étude sur la géométrie.
Temps 2 : reprise de l'étude sur la symétrie axiale.
Temps 3 : axe de symétrie d'une figure.
Temps 4 : la symétrie axiale outil d'étude mathématique pour étudier des figures simples.
(p. 3)
Le premier temps comprend trois activités permettant de reprendre les notions de droite et de
cercle, et d’introduire celle de la médiatrice d’un segment. Elles sont suivies d’applications
techniques et d’une synthèse. Le deuxième temps, moins détaillé dans le rapport d’atelier,
propose de travailler sur des activités permettant de faire le lien entre symétrie axiale et
médiatrice. Le troisième temps « aborde la notion de figure invariante et d'axe de symétrie
d'une figure ». Enfin, le dernier temps introduit les figures au programme et justifie leurs
propriétés.
Là encore, il apparait que le septième point de la technique reproduite plus haut n’est pas
envisagé.
De nombreux sites proposent par ailleurs des évaluations diagnostiques. Certaines, comme
celles de l’académie de Montpellier, ont pour objectif l’évaluation à l’entrée dans le niveau
d’étude, équivalent des évaluations nationales à l’entrée en sixième ou en seconde qui ont pu
exister dans les années antérieures, et que l’on pourrait qualifier d’évaluation de rentrée. Nous
n’étudierons pas ici ce type d’évaluation. Nous nous intéresserons aux évaluations
23
diagnostiques conformes à celles mentionnées dans l’introduction des programmes de collège.
Nous suivrons ici encore l’académie d’Orléans-Tours qui en fait une large présentation sur
son site à travers un « dossier académique » (Académie d’Orléans-Tours, 2011). Le texte
débute par un exposé sur les « trois formes d’évaluation communément recensées :
l’évaluation diagnostique, l’évaluation formative et l’évaluation sommative ». Il plaide pour le
développement d’une pratique de l’évaluation diagnostique, peu utilisée par les professeurs de
mathématiques, pour pallier aux manques de l’évaluation sommative notée :
L’évaluation diagnostique ne vise pas à réaliser un bilan global mais à cartographier ou à
photographier l’état des acquisitions chez un élève donné et à un moment précis. Ce diagnostic
ne peut évidemment pas se traduire par une note. La note n’a donc aucun sens, et n’est pas
utilisée, dans ce type d’évaluation. Au contraire de l’évaluation sommative, l’évaluation
diagnostique permet de mesurer les acquis sur les connaissances et les savoir-faire mais aussi
sur les compétences.
La cartographie des acquis et des manques que cette évaluation affiche dans ses résultats
amènent naturellement à s’intéresser aux erreurs, à en assurer le traitement. Elle entre donc
bien en harmonie avec une approche de type socio-constructiviste qui cherche à utiliser ces
erreurs comme indicateurs de certaines conceptions erronées qui, une fois repérées, permettent
de tracer des pistes de travail et de remédiation. Ce raisonnement conduit évidemment à
utiliser ce type d’évaluation à des moments où l’apprentissage n’est pas achevé donc en début
ou en cours de ce processus d’apprentissage.
L’évaluation diagnostique possède donc des caractéristiques qui s’opposent franchement à
celle de l’évaluation sommative. En reprenant un à un les reproches adressés à l’évaluation
sommative on peut vérifier que l’évaluation diagnostique fournit un contrepoids indispensable
à la pratique dominante qu’est l’évaluation sommative. En produisant un résultat sous forme
de cartographie des acquis et des manques :
l’évaluation diagnostique évite les effets pervers liés à la note,
elle fournit au professeur un matériau précieux pour guider l’organisation de
l’enseignement à venir,
elle donne des renseignements individualisés précis permettant de mettre en place une
différenciation de l’enseignement,
elle responsabilise l’élève en lui permettant de prendre conscience de ses forces, de
ses faiblesses et donc des points sur lesquels il doit se mobiliser,
elle évite la stigmatisation des plus faibles en ne permettant pas de comparaisons
instantanées et superficielles des performances,
elle constitue un outil indispensable pour optimiser l’utilisation des dispositifs d’aide
existants.
Le BO n°29 du 17 juillet 2003 est tout à fait clair sur le rôle assigné à l’évaluation d’entrée en
sixième « L’objectif premier est de permettre l’observation des compétences et d’apprécier les
réussites et les difficultés éventuelles de chaque élève considéré individuellement, à un
moment précis de la scolarité ».
L’évaluation diagnostique fournit une carte précise des forces et des faiblesses de chaque élève
pris individuellement. C’est bien ce point qui donne à l’évaluation diagnostique toute sa force
et toute sa capacité à enclencher une gestion positive de l’hétérogénéité des élèves.
24
Il est intéressant de souligner que les éléments avancés pour « défendre et illustrer »
l’utilisation de l’évaluation diagnostique sont liés à l’amélioration de l’enseignement et de
l’apprentissage, en lien avec la gestion de l’hétérogénéité des élèves. C’est d’ailleurs cette
« gestion positive de l’hétérogénéité des élèves » qui est mise en avant dans le paragraphe
suivant pour faire de l’évaluation diagnostique un point d’appui efficace à la conduite de
systèmes didactiques auxiliaires du type accompagnement personnalisé.
Le dispositif retenu pour « faire entrer la pratique de cette évaluation diagnostique dans les
pratiques ordinaires, d’une manière continue au cours de l’année » est celui de « tests d’entrée
dans l’étude » :
… les tests proposés auront vocation à être utilisés à chaque fois que la reprise de l’étude d’un
thème se présente, soit parce que ce thème a été traité l’année précédente, soit parce que ce
thème a fait l’objet d’un passage précédent dans la progression spiralée de l’année en cours.
Pour rapprocher les pratiques ordinaires du dispositif proposé, les tests d’évaluation seront
organisés autour de contenus. Une cause fréquente d’échec de certaines séances qui
n’atteignent pas les objectifs que le professeur avait définis, est que les élèves ne se trouvent
pas au niveau de maîtrise que le professeur avait prévu. Le test d’entrée dans l’étude visera à
éliminer ce problème fréquent. Pour cela le test devra être réalisé en amont de la séance. Il
permettra de déceler sur les besoins recensés pour l’entrée dans l’étude prévue, les lacunes qui
risquent de faire obstacle chez certains élèves. Le laps de temps disponible entre ce test et la
séance prévue doit permettre de remédier, chez les élèves qui en ont besoin, aux lacunes
repérées.
Pour être réalisable, ce dispositif doit se limiter très strictement aux acquis indispensables.
Pour être acceptable, il doit être souple et léger, ne pas exiger des temps de passation et de
correction trop longs. Pour être efficace, il doit viser juste, c’est à dire évaluer les acquis précis
qui seront indispensables à l’apprentissage prévu ce qui impose une réflexion didactique
pertinente sur la construction des apprentissages.
L’article se termine par une liste d’ingrédients techniques nécessaires à la réalisation d’un test
d’entrée dans l’étude, mais aussi à la mise en œuvre du travail transitionnel à développer à sa
suite :
Les contenus évalués se limitent aux seuls éléments dont la maîtrise est indispensable
à l’élève pour qu’il puisse entrer avec profit dans le travail prévu ultérieurement en
classe.
La passation dure entre 5 et 15 minutes (seules les compétences et les connaissances
indispensables à la reprise de l’étude sont investiguées).
La correction d’un test n’excède pas une minute par élève.
Le test ne donne pas lieu à une note mais il inclut par contre un repérage des erreurs
importantes pour la conduite de l’apprentissage.
25
La passation s’effectue au moins trois semaines avant la reprise du travail prévue en
classe.
Au cours de ces trois semaines, les remises à niveau que le test fait apparaître comme
indispensables sont effectuées.
Ces remises à niveau peuvent notamment s’organiser autour des dispositifs suivants :
Si le nombre d’élèves à conforter n’excède pas un tiers de la classe, l’aide
individualisée est un dispositif adapté.
Si le nombre d’élèves à conforter est compris entre un tiers et deux tiers de la
classe, un travail en module est un dispositif adapté.
Ce n’est que dans le cas où le nombre d’élèves à conforter excède les deux tiers de
la classe, qu’une reprise en classe en classe entière est justifiée.
Dans tous les cas, un travail, qu’on peut différencier, peut prendre appui sur :
o un devoir en temps libre,
o des exercices à la maison,
o des exercices sur support informatique notamment sur l’espace élèves du
serveur académique.
Le site de l’académie d’Orléans-Tours propose des évaluations diagnostiques et des outils de
remédiation pour les classes de la sixième à la seconde dans les domaines de « l’algèbre et le
calcul littéral », « la géométrie dans l’espace », « les fonctions». Les fiches destinées à l’élève
sont accompagnées de fiches pour le professeur explicitant les objectifs, les conditions de
passation, les points à repérer sous forme d’items et des pistes de remédiation classées par
items, ainsi que quelques commentaires pédagogiques. La remédiation est proposée à
différents niveaux ; pour chaque niveau et chaque item, la technique est donnée, puis
développée sur un exemple. L’élève peut ensuite résoudre les exercices associés en ligne.
Regardons à titre d’exemple les trois évaluations diagnostiques proposées sur les fonctions en
classe de 2de
: « Fonctions linéaires et affines (1) » (Test F21) ; « Fonctions linéaires et affines
(2) » (Test F22) ; « Parenthèse, notation f(x) » (Test F23) qui sont reproduites en annexe
2.2.2. La première propose les représentations graphiques de quatre fonctions dans un même
repère orthonormé ; les élèves ont à entourer la bonne réponse parmi trois pour quatre items et
compléter trois phrases. La deuxième est un « vrai / faux » sur huit affirmations. La troisième
donne l’expression algébrique de deux fonctions du second degré, l’une sous forme
développée, l’autre sous forme factorisée ; les élèves doivent calculer l’image d’une valeur
pour chacune d’elles et résoudre une équation avec la forme factorisée. On remarquera que les
deux premières évaluations diagnostiques ne demandent aucune justification et que la forme
des énoncés ne permet pas de prendre de l’information sur les techniques utilisées.
Sur le même site, on trouvera des « devoirs en temps libre », certains destinés à la reprise de
l’étude d’un thème : fonctions en seconde, résolution d’équations en troisième, triangle
rectangle et théorème de Pythagore en troisième, aires et périmètres en quatrième et en
sixième. Chaque fiche explicite pour le professeur les objectifs, la place dans l’année, les
modalités de passation et de correction, la différenciation et les prolongements possibles,
accompagnés de commentaires pédagogiques et sur le socle.
26
D’autres sites académiques enregistrent la nouvelle demande institutionnelle et consacrent des
pages à l’évaluation diagnostique. Ainsi, l’académie de Clermont-Ferrand met en ligne sur
son site des évaluations diagnostiques élaborées par un groupe mixte IREM – Rectorat de
Clermont-Ferrand, sur différents thèmes de la sixième à la seconde. Chaque outil explicite
pour le professeur l’objectif, les conditions et consignes de passation, ainsi que le codage
utilisé et une aide à l’analyse des erreurs. Là encore, la plupart des tests proposés ne
demandent pas d’expliciter la ou les techniques mises en œuvre ni de justifier les réponses
apportées.
La plupart des sites académiques font référence au site institutionnel de l’éducation nationale
dans lequel les outils sont classés par niveau et discipline : banque d’outils d’aide à
l’évaluation disponible à l’adresse http://www.banqoutils.education.gouv.fr/index.php. Pour
les mathématiques, on peut ensuite affiner la recherche en choisissant « un champ ou une
capacité » : « nombres et calcul numérique », « réaliser : choisir », « réaliser : concevoir »,
« réaliser : exécuter », « s’informer : organiser l’information », « s’informer : prélever
l’information », « travaux géométriques ». Le choix peut ensuite se faire par « compétence »
ou par « mots clés ». Les fiches sont construites de la même manière que la plupart de celles
trouvées sur les sites académiques plus haut, modèle que ceux-ci ont dû vouloir reproduire.
Le manque d’information sur l’équipement praxéologique des élèves est donc constitutif des
évaluations diagnostiques proposées, qui relèvent ainsi d’une « démarche centrée sur les
performances » ; le travail transitionnel, lorsqu’il est envisagé – ce qui est loin d’être la
règle –, a alors toute chance de ne pas être adéquatement calibré comme le faisait remarquer
en d’autres termes Jacques Grégoire cité plus haut. Ce travail transitionnel, nous l’avons vu,
est souvent délégué à un système didactique auxiliaire, lorsqu’il existe, l’accompagnement
personnalisé. Nous nous attacherons maintenant à ce dispositif et aux fonctions de reprise de
l’étude que l’institution lui fait exercer.
2. 3. Reprise de l’étude au sein d’un système didactique auxiliaire
Le dispositif d’accompagnement personnalisé, mis en place de la seconde à la terminale lors
de la réforme des lycées en 2010, est introduit en classe de 6e à la rentrée 2011 (MEN, 2011),
se substituant ainsi au dispositif d’aide au travail personnel :
L'accompagnement personnalisé est un temps d'enseignement intégré à l'horaire des élèves,
dans lequel tous les professeurs sont invités à s'impliquer.
L'accompagnement personnalisé est mis en place en classe de sixième avec la volonté de
renforcer la liaison entre l'école primaire et le collège. Les deux heures qui lui sont consacrées
dans chaque division peuvent être traitées conjointement ou séparément (par exemple, une
heure à destination de tous les élèves et une heure dédiée aux élèves à besoins spécifiques).
L'une ou l'autre peuvent également être annualisées (36 ou 72 heures accentuant la
personnalisation de la prise en charge, sous la forme de modules de remise à niveau).
L'accompagnement personnalisé s'appuie sur les programmes de collège et sur les
compétences attendues au palier 2. En fonction des difficultés rencontrées par les élèves,
27
l'accompagnement personnalisé peut prendre place dans un programme personnalisé de
réussite éducative (PPRE). […]
L'équipe pédagogique, sous la responsabilité du chef d'établissement, élabore le projet
d'accompagnement personnalisé. Celui-ci recense les difficultés des élèves, précise la
constitution des groupes, l'organisation hebdomadaire et annuelle, les modalités de l'évaluation
de l'accompagnement personnalisé. Pour chacune des activités proposées aux élèves, sont
définis les objectifs visés, la ou les compétences travaillées en lien avec le socle commun, les
modalités pédagogiques choisies ainsi que les termes d'une évaluation de l'efficacité de
l'accompagnement. Le projet est examiné par le conseil pédagogique qui formalise la
proposition. […]
Les modalités d'organisation de l'accompagnement personnalisé relèvent de l'autonomie de
l'établissement. Tout ou partie de l'horaire peut être annualisé.
L'adaptation des contenus de l'accompagnement personnalisé aux besoins des élèves sera
facilitée par l'organisation des groupes en barrette sur plusieurs classes de sixième.
Les groupes peuvent évoluer en cours d'année, en fonction des progrès constatés et des besoins
des élèves.
On remarquera que le texte comporte des ambigüités qui laissent finalement une grande
latitude de mise en œuvre dans les établissements : tous les élèves ne sont pas obligatoirement
intégrés dans le dispositif d’accompagnement personnalisé ; ceux qui en bénéficient ne sont
pas forcément pris en charge au sein du même dispositif, la fonction d’accompagnement
personnalisé pouvant être remplie par un PPRE ; l’accompagnement personnalisé n’est pas
systématiquement réalisé par l’enseignant ayant la classe en responsabilité ; et les
regroupements des élèves peuvent être constitués à partir de plusieurs classes. De plus, le
dispositif proposé ne concerne que les élèves de sixième. Ainsi l’institution ne semble-t-elle
pas voir comme nécessaire de déléguer à un système didactique auxiliaire la reprise de l’étude
dans les autres niveaux de classe du collège. Cette singularité de la sixième pour le collège
peut se voir au moins partiellement justifiée par, d’un côté, le fait que la quasi-totalité des
thèmes à l’étude dans cette classe ont été étudiés à l’école primaire ; d’un autre côté,
l’existence de deux ordres d’enseignement distincts qui gêne la formation d’une mémoire du
système didactique.
En mars 2013, le ministère de l’éducation nationale a publié des documents constituant des
ressources pour l’accompagnement personnalisé en sixième (MEN, 2013/2015), et un
document cadre sur ces fiches pédagogiques est paru en mars 2014 (MEN, 2014). Il précise
que ces fiches ont pour objectif une remise à niveau des élèves n’ayant pas validé l’ensemble
des compétences du palier 2 du socle commun à l’issue de l’école primaire. L’accent est mis
sur deux disciplines : le français et les mathématiques. Le repérage des difficultés de l’élève
est fondé sur le livret de compétences au palier 2 complété par un entretien avec les
enseignants de l’école élémentaire. Les fiches proposées sont structurées de manière
identique : un diagnostic sur « le savoir-faire et les compétences visées » suivi d’une
28
verbalisation des erreurs constatées, une prise en charge des difficultés qui peut être
personnalisée et des prolongements possibles.
Du point du vue du diagnostic, on voit une articulation entre un travail écrit et un travail oral
de façon à expliciter les éléments de l’équipement praxéologique des élèves tout en leur
donnant une part de responsabilité didactique (MEN, 2014) :
A. Le diagnostic
[…]
Le diagnostic vise l’identification des différences entre les élèves quant à leurs difficultés
devant les tâches scolaires ; il doit donc affiner le constat du problème pédagogique,
par des activités réalisées individuellement, vérifiant précisément certaines capacités :
à cet effet peuvent être proposées plusieurs petites activités sériant les difficultés
potentielles, plutôt qu’un seul exercice global ;
par la verbalisation, telle que décrite ici.
La verbalisation a pour but d’affiner l’analyse des erreurs : il s’agit de concevoir un dispositif
qui permette
aux élèves de verbaliser leur démarche, leur compréhension, leurs interrogations ;
au professeur de s’informer pour comprendre « ce qui bloque et pourquoi » (ce qui
pose problème à l’élève) en y associant l’élève pour qu’il en prenne conscience ;
à chaque élève de s’auto-informer par ce biais, de revenir sur la procédure utilisée et
de l’expliciter (cf. « L’entretien d’explicitation »), ce qui permet la prise de conscience
aussi bien de l’erreur que de la réussite dans la tâche.
Pour ce « dialogue pédagogique » indispensable au diagnostic, l’on peut concevoir plusieurs
sortes de dispositifs. Dans la situation de classe il peut être avantageux de viser la
verbalisation des représentations des élèves. Cela permet de mettre en évidence ce qui peut
bloquer l’apprentissage : verbalisation par petits groupes sur la manière dont ils comprennent
l’activité, sur la manière dont ils ont procédé et leur représentation de la tâche scolaire et de ce
qu’ils y travaillent, telle qu’elle est pratiquée en narration de recherche par exemple (« Qu’ai-
je fait ? », « Qu’ai-je appris ? »).
Du test et de l’activité de verbalisation découlent l’analyse des erreurs constatées et des choix
d’activités de remédiation proposées.
Cette phase de diagnostic ne doit pas être occultée : elle est indispensable à l’efficacité des
réponses apportées.
La prise en charge de la difficulté relève clairement du travail transitionnel sur les besoins
didactiques repérés par le professeur et reconnus par l’élève. On note une volonté de remettre
à l’étude les praxéologies problématiques (ibid.) :
B. La prise en charge de la difficulté
Pour aider les élèves à dépasser blocages ou postures erronées et accéder à un travail réflexif
nécessaire à la construction de la notion, les fiches proposent des stratégies volontairement
différentes des activités ordinaires. Elles s’attachent à :
varier les activités de remédiation en AP, à les différencier tout en gardant le même
objectif, de façon à ce qu’elles répondent à la diversité des difficultés constatées ;
29
proposer moins des « exercices » que de véritables activités d’apprentissage renvoyant
aux postures et processus que l’élève n’a pas encore construits : acte intellectuel, geste
mental, capacité, habileté … à construire (activité pour « faire des inférences », non
répondre à des questions) ; on ne considèrera donc pas que l’élève peut apprendre par
imitation, imprégnation ou répétition d’exercices systématiques : les stratégies seront
explicitées et enseignées.
Cette prise en charge de la difficulté est proposée selon deux axes :
une approche constructive et différenciée qui peut être mise en œuvre aussi bien en
classe entière que dans les dispositifs d’aide en petits groupes : les activités
d’apprentissage sont conçues de manière à ce que le professeur puisse
o les différencier dans la simultanéité (petits groupes, binômes … dispositifs
de classe variés),
o les différencier dans la successivité, d’une séance à l’autre dans la
séquence.
une approche plus personnalisée traitée dans la rubrique « personnalisation ».
Les fiches d’A.P. mettent en particulier l’accent sur le traitement de difficultés spécifiques à
certains élèves à partir de ce que l’on a diagnostiqué.
Les prolongements proposés peuvent être vus comme participant d’un moment de travail des
praxéologies dont l’étude a été reprise ou pas (ibid.) :
C. Les « prolongements »
Les activités sont conçues pour être mises en œuvre en variant les dispositifs et en reliant le
temps de l’aide au quotidien de la classe : que l’on se focalise sur une ou plusieurs séances, ou
qu’on la mette en œuvre dans un temps plus long, l’aide personnalisée requiert un travail en
séquence, pour une progression des acquisitions, et conduit aux prolongements possibles pour
la consolidation des acquisitions.
Telle activité faite en A .P peut à tout moment être reliée à ce qui est fait dans le groupe classe,
notamment en anticipation des difficultés, pour valoriser les élèves qui en bénéficient.
Pour les mathématiques, les fiches présentées sont au nombre de dix :
‒ Choisir la bonne opération ;
‒ Connaître et utiliser les durées ;
‒ Décrire et identifier des figures simples ;
‒ La symétrie axiale ;
‒ Lire des graphiques ;
‒ Lire et écrire les nombres entiers ;
‒ Passer de l’écriture fractionnaire décimale à l’écriture décimale ;
‒ Reconnaître et résoudre une situation de proportionnalité ;
‒ Unités et conversions ; ‒ Utiliser quelques fractions simples.
30
Parce qu’il constitue un secteur d’étude entier du domaine de la géométrie au programme de
la classe de 6e, nous nous sommes plus particulièrement intéressée au document sur la
symétrie axiale.
On notera que la symétrie axiale a fait l’objet d’un certain nombre de travaux de didactique
des mathématiques, qui permettent de repérer certains éléments de l’organisation
mathématique à l’étude. Les travaux de Denise Grenier (1988), notamment, mettent au jour
trois variables didactiques :
‒ La position de la figure et des axes de symétrie sur la feuille de papier (horizontale,
verticale, oblique) et la valeur de l’angle formé entre le segment et l’axe ;
‒ L’intersection de la figure avec l’axe (l’axe ne coupe pas la figure ; l’axe touche la figure ;
l’axe coupe la figure) ;
‒ Le type de papier (blanc ou quadrillé). (p. 16)
Dans ses travaux, Iranète Lima (2006) a développé ces variables didactiques selon leurs
valeurs en les croisant avec trois types de problèmes :
Problèmes de reconnaissance de la figure symétrique, de l’axe de symétrie ou des
propriétés de la symétrie
Problèmes de construction de la figure symétrique ou de l’axe de symétrie
Problèmes de preuve : il s’agit en général de prouver un énoncé en utilisant les
propriétés géométriques de la symétrie. Un problème de construction ou de
reconnaissance peut être considéré comme problème de preuve, si l’on demande de
justifier la réponse. (p. 64)
Si les deux premiers « types de problèmes » recouvrent principalement les types de tâches que
l’on peut formuler ainsi : Reconnaitre la figure symétrique d’une figure donnée, un axe de
symétrie d’une figure donnée ; Construire la figure symétrique d’une figure donnée, un axe de
symétrie d’une figure donnée ; le troisième « type de problèmes » permet de reconnaitre la
symétrie axiale comme environnement technologico-théorique pour déterminer une longueur,
une aire, un angle, un alignement, etc. Il fournit ainsi une raison d’être de la symétrie axiale.
C’est d’ailleurs pour justifier les techniques de réalisation des types de tâches Déterminer une
longueur, une aire, un angle, un alignement, … que l’on sera amené à reconnaitre les
propriétés de la symétrie.
Nous reproduisons ci-dessous le tableau obtenu (Lima, 2006, p. 71) :
31
Cette typologie des variables didactiques et de leurs valeurs permet de faire une analyse des
programmes en découpant les types de tâches en sous-types de tâches et en donnant des
ingrédients de techniques. Par exemple, le type de tâches Construire la figure symétrique
d’une figure donnée peut se découper ainsi en prenant en charge certaines des variables
citées :
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure donnée qui ne touche
ni ne coupe l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure donnée qui touche
l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure donnée qui coupe l’axe
de symétrie ;
32
‒ Construire sur papier quadrillé la figure symétrique d’une figure donnée qui ne
touche ni ne coupe l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier quadrillé la figure symétrique d’une figure donnée qui touche
l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier quadrillé la figure symétrique d’une figure donnée qui coupe
l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier pointillé la figure symétrique d’une figure donnée qui ne
touche ni ne coupe l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier pointillé la figure symétrique d’une figure donnée qui touche
l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier pointillé la figure symétrique d’une figure donnée qui coupe
l’axe de symétrie.
Ce premier découpage en type de tâches peut s’affiner : on peut par exemple spécifier
davantage la nature de la figure et on obtiendrait ainsi pour le premier des types de tâches
précédents :
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure géométrique usuelle
codée qui ne touche ni ne coupe l’axe de symétrie et dont un axe de symétrie est
parallèle ou perpendiculaire à l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure géométrique usuelle
codée qui ne touche ni ne coupe l’axe de symétrie et dont un axe de symétrie n’est ni
parallèle ni perpendiculaire à l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure géométrique usuelle
non codée qui ne touche ni ne coupe l’axe de symétrie et dont un axe de symétrie est
parallèle ou perpendiculaire à l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure géométrique usuelle
non codée qui ne touche ni ne coupe l’axe de symétrie et dont un axe de symétrie n’est
ni parallèle ni perpendiculaire à l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure complexe codée qui ne
touche ni ne coupe l’axe de symétrie et dont un axe de symétrie est parallèle ou
perpendiculaire à l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure complexe codée qui ne
touche ni ne coupe l’axe de symétrie et dont un axe de symétrie n’est ni parallèle ni
perpendiculaire à l’axe de symétrie ;
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure complexe non codée
qui ne touche ni ne coupe l’axe de symétrie et dont un axe de symétrie est parallèle ou
perpendiculaire à l’axe de symétrie ;
33
‒ Construire sur papier blanc la figure symétrique d’une figure complexe non codée
qui ne touche ni ne coupe l’axe de symétrie et dont un axe de symétrie n’est ni
parallèle ni perpendiculaire à l’axe de symétrie ;
Etc.
La symétrie axiale est un thème déjà à l’étude au cycle 3. Le document intitulé « Progressions
pour le cours élémentaire deuxième année et le cours moyen » de janvier 2012 donne les
éléments « de connaissances et de compétences » attendus (MEN, 2012b) :
‒ Au CE2 : Reconnaître qu’une figure possède un ou plusieurs axes de symétrie, par
pliage ou à l’aide du papier calque ; Tracer, sur papier quadrillé, la figure symétrique
d’une figure donnée par rapport à une droite donnée ;
‒ Au CM1 : Compléter une figure par symétrie axiale. (p. 3)
Nous voyons ici deux types de tâches :
Déterminer l’axe de symétrie d’une figure, avec la notification de deux techniques,
l’une consistant à plier la figure selon l’axe de symétrie supposé et vérifier que l’on
obtient une superposition des deux sous-figures, l’autre consistant à décalquer l’axe
supposé et la figure, à retourner le calque et à vérifier que l’on obtient une
superposition de la figure décalquée avec la figure donnée en superposant les axes, la
manière de retourner le calque dépendant de l’orientation de l’axe par rapport au bord
de la feuille ;
On soulignera que l’influence de l’orientation de l’axe par rapport aux bords de la
feuille peut être neutralisée en insérant une étape préalable : positionner la figure de
façon à ce que l’axe de symétrie supposé soit vertical.
Construire la figure symétrique d’une figure donnée par rapport à une droite
donnée.
On notera que nous présentons l’organisation mathématique de façon amalgamée puisque
nous la considérons à l’issue de l’école élémentaire et que, dans cette amalgamation, le type
de tâches Compléter une figure par symétrie axiale est inclus dans Construire la figure
symétrique d’une figure donnée par rapport à une droite donnée dès lors que l’on donne la
partie de la figure située d’un côté de l’axe et que l’on a donc à construire la figure symétrique
de cette sous-figure. On est ainsi dans le sous type de tâches identifié précédemment où l’axe
touche la figure.
On ajoutera, pour le second type de tâches, que si l’on a une indication de la technique de
construction en CE2 puisque l’instrument de construction est le papier quadrillé, il n’en est
pas de même au CM1 ; et on peut penser que deux techniques seront privilégiées, celle
reposant sur le papier quadrillé, et celle utilisant le papier calque, la technique par pliage
pouvant venir s’insérer comme étape de vérification.
34
Concernant le thème de la symétrie axiale, le programme de sixième (MEN, 2008) précise
que l’élève doit savoir :
‒ Construire le symétrique d’un point, d’une droite, d’un segment, d’un cercle (que l’axe de
symétrie coupe ou non la figure) ;
‒ Construire ou compléter la figure symétrique d'une figure donnée ou de figures possédant un
axe de symétrie à l'aide de la règle (graduée ou non), de l'équerre, du compas, * du
rapporteur ;
‒ Effectuer les tracés de l’image d’une figure par symétrie axiale à l’aide des instruments
usuels (règle, équerre, compas). (p. 17)
Les commentaires ajoutent (ibid.) :
L’élève peut utiliser la méthode de son choix.
Dans la continuité du travail entrepris à l'école élémentaire, les activités s'appuient encore sur
un travail expérimental (pliage, papier calque) permettant d'obtenir un inventaire abondant de
figures simples, à partir desquelles sont dégagées les propriétés de « conservation » de la
symétrie axiale (conservation des distances, de l'alignement, des angles et des aires).
* Le rôle de la médiatrice comme axe de symétrie d’un segment est mis en évidence. (p. 17)
Ainsi le type de tâches principal est Construire la figure symétrique d’une figure donnée, mais
on note des évolutions de la praxéologie ponctuelle qui se construit autour de ce type de
tâches. Du point de vue des techniques, il s’agit de découper la figure donnée en éléments
géométriques de base (point, segment, droite, cercle) et d’en construire les symétriques à
l’aide des instruments classiques de la géométrie élémentaire (règle graduée ou non, équerre,
compas, rapporteur). On voit donc s’intégrer ici des types de tâches formulés précédemment,
et notamment Construire la figure symétrique d’une figure géométrique usuelle et ses sous
types de tâches. Du point de vue de l’environnement technologico-théorique, on s’appuie sur
les propriétés de la symétrie orthogonale : conservation des distances, de l’alignement, des
angles géométriques, axe de symétrie comme médiatrice du segment d’extrémités un point et
son symétrique.
Certains commentaires des programmes des trois premières années du collège évoquent
l’insertion de cette praxéologie mathématique dans une praxéologie régionale relative à la
géométrie plane, notamment du point de vue technologico-théorique (MEN, 2008) :
‒ En sixième :
La symétrie axiale est mise en jeu pour mettre en évidence certaines propriétés. (p. 16)
Ce commentaire fait référence aux propriétés des quadrilatères usuels : le carré, le rectangle et
le losange.
La justification de la construction de la bissectrice à la règle et au compas est reliée à la
symétrie axiale. (p. 17)
‒ En cinquième :
Figures simples ayant un centre de symétrie ou des axes de symétrie. (p. 23)
Les figures simples à l’étude sont le carré, le rectangle et le losange.
35
‒ En quatrième :
La justification de la construction de la bissectrice à la règle et au compas est reliée à la
symétrie axiale. (p. 31)
C’est sous ces conditions épistémologiques que le travail de la symétrie axiale en
accompagnement personnalisé dans la classe de 6e est supposé s’accomplir. La fiche proposée
sur le site Eduscol à propos de ce thème se donne pour objectif un « savoir-faire » et trois
items de la compétence 3 (MEN, 2013/2015) :
Comprendre la notion de pliage propre à la symétrie axiale.
Compléter une figure par symétrie axiale (palier 2) ;
Représenter des figures géométriques (palier 3) ;
Raisonner, argumenter, pratiquer une démarche expérimentale ou technologique, démontrer
(palier 3).
On note d’emblée que la formulation du « savoir-faire » présente davantage un élément de
l’environnement technologico-théorique qu’une pratique. Bien que l’ensemble des objectifs
permette de penser que ce qui est à l’étude est la construction de la figure symétrique d’une
figure donnée, on ne voit pas d’indication de technique et l’environnement technologico-
théorique annoncé se réduit à la notion de pliage.
Conformément à ce que nous avons vu explicité plus haut, la première partie est consacrée à
un diagnostic « à réaliser de façon individuelle en classe entière et [qui] prendra au plus
35 min », suivi d’un questionnement possible (« verbalisation ») des élèves à l’issue du travail
écrit. Ce sont trois exercices qui figurent dans cette partie, assortis de sources d’erreurs
possibles.
Dans le premier exercice, une image possédant un « effet miroir » est proposée et on demande
à l’élève de repérer des erreurs sous l’hypothèse que la figure possède un axe de symétrie.
Exercice 1 : La figure ci-contre devrait posséder un axe de symétrie mais des erreurs
se sont glissées.
Combien en trouves-tu ?
Entoure-les.
36
On notera que, dans cet exercice, la notion de symétrie n’est pas nécessaire puisque les
« erreurs » sont des oublis de représentations de certains éléments de l’image (par exemple, la
fleur sur l’un des chapeaux, un bouton de l’un des costumes, etc.). On est là davantage dans
un jeu classique « des sept erreurs ».
Dans le deuxième exercice, l’élève doit tracer les axes de symétrie, s’ils existent, de huit
panneaux de signalisation.
Exercice 2 : Sur les panneaux suivants, trace le ou les axes de symétrie, s'il(s)
existe(nt) :
La difficulté réside dans le fait de considérer deux figures, l’une usuelle qui donne la forme du
panneau et l’autre interne à celle-ci qui en complète la signification. On a donc à examiner
dans le cas où les deux figures admettent des axes de symétrie si les axes de symétrie de l’une
sont des axes de symétrie de l’autre.
Dans le troisième exercice enfin, l’élève doit compléter trois figures sur quadrillage pour que
la droite tracée soit axe de symétrie ; dans le premier spécimen, l’axe est vertical ; dans le
deuxième, il est oblique suivant la diagonale d’un rectangle formé par deux carreaux du
quadrillage ; dans le dernier, il est horizontal.
Exercice 3 : Complète, par symétrie axiale, les figures suivantes :
37
On peut souligner que les figures proposées auraient pu être simplifiées sans perdre de
renseignements sur l’équipement praxéologique de l’élève.
D’un point de vue global, le diagnostic proposé parait à la fois adapté concernant les types de
tâches proposés qui, on l’a vu, ont été étudiés à l’école primaire, et inadéquat quant au
repérage des besoins didactiques des élèves dont le rapport personnel à la symétrie axiale est
encore peu robuste. En effet, pour un élève qui échoue devant les deux exercices significatifs
du diagnostic, il est mal aisé de savoir si cet échec est lié à un problème de mise en œuvre de
la technique ou si c’est la complexité de la figure donnée qui est en cause. À cet égard, il est
significatif de constater que le document proposé est avare d’éléments techniques. Tout au
plus trouve-t-on mentionné comme source d’erreur possible pour l’exercice 2 le visionnage du
« pliage » sans le réaliser de façon concrète avec le calque.
À l’issue du « diagnostic », une « prise en charge » est proposée sous la forme de quatre
exercices, les deux premiers pouvant être réalisés en binômes et les deux derniers, de façon
individuelle. L’utilisation du papier calque est cette fois-ci spécifiée dans les consignes des
trois premiers exercices mais un commentaire précise qu’il « faut cependant que les élèves
parviennent à s’en dégager progressivement » sans que des indications pour une technique
alternative soit explicitée.
Dans le premier exercice, on demande à l’élève de décalquer une figure composée d’une
droite et de sept points placés de part et d’autre de la droite et de déterminer si un point
semble symétrique d’un autre point.
38
Dans le deuxième exercice, douze figures sont proposées sur quadrillage et on demande de
déterminer si la droite tracée est axe de symétrie. Dans quatre spécimens, l’axe est vertical ;
dans quatre autres, il est horizontal ; et dans les quatre autres, il est oblique suivant la
diagonale d’un carreau de quadrillage. Le papier calque peut être utilisé pour vérifier.
Dans le troisième exercice, l’élève doit tracer les axes de symétrie, s’ils existent, de seize
figures ; pour les quatre premières, l’élève doit d’abord décalquer les figures.
39
Dans le quatrième exercice, l’élève doit compléter trois figures sur quadrillage pour que la
droite tracée soit axe de symétrie. Dans un spécimen, l’axe est vertical ; dans le suivant, il est
horizontal ; dans le dernier, il est oblique suivant la diagonale d’un carreau de quadrillage.
Dans l’ensemble, les spécimens de figures proposés sont plus simples que ceux figurant dans
le diagnostic et l’instrument privilégié des techniques envisagées est le papier calque. Un type
de tâches apparait dans l’exercice 2 : Vérifier que deux figures sont symétriques par rapport à
une droite donnée ; type de tâches qui devrait être un ingrédient de la technique relative à la
construction de la figure symétrique d’une figure donnée assurant le contrôle de la
construction.
L’évaluation diagnostique et le travail transitionnel proposés souffrent, nous semble-t-il, d’un
manque d’analyse de l’organisation mathématique dont on veut s’assurer la présence dans le
milieu : si les types de tâches sont correctement identifiés, il manque de l’amalgamation
centrée autour du type de tâches Construire la figure symétrique d’une figure donnée, ce qui
tient à l’absence d’attention portée sur les techniques. Du point de vue de l’organisation de
40
l’étude, les spécimens choisis pour le diagnostic sont, lorsqu’ils sont pertinents, trop
complexes pour permettre une mise au jour des besoins didactiques éventuels des élèves.
2. 4. Reprise de l’étude dans les manuels scolaires
Pour compléter cette exploration de l’équipement praxéologique institutionnel à l’égard de la
reprise de l’étude, nous avons examiné la façon dont les manuels scolaires prennent en charge
cet aspect de l’organisation de l’étude. Le lecteur trouvera en annexes 2.4.1 et 2.4.2 ce que
nous avons mis au jour dans chacun des manuels étudiés à propos de deux thèmes : la
symétrie axiale en sixième et le théorème de Thalès en troisième. Nous en présenterons ci-
après un peu rapidement une synthèse.
2. 4. 1. Le cas de la symétrie axiale en sixième
Notre enquête a porté sur huit spécimens de manuels classiquement utilisés dans les classes
que nous nommerons ci-après par le nom des collections : Odyssée, Triangle, Phare, Déclic,
Nouveau prisme, Zénius, Transmath, Hélice. Nous y avons ajouté un manuel en ligne, celui
du site de Sésamath, et un manuel pour l’enseignant édité par le CRDP de l’académie de
Nantes.
Dans chaque ouvrage pour la classe, le chapitre débute par une évaluation diagnostique qui
porte des noms variés selon le manuel : « Tremplin : quiz élève pour bien commencer le
chapitre » (Odyssée, 2014) ; « Je fais le point sur mes connaissances » (Triangle, 2009) ;
« Pour s’y remettre » (Déclic, 2009) ; « Je révise » (Nouveau prisme, 2009) ; « Je me
rappelle » (Zénius, 2009) ; « Vérifier mes acquis du CM2 » (Transmath, 2009) ; « QCM pour
commencer » (Hélice, 2009). Seule la collection Phare (Phare, 2009) ne nomme pas sa
rubrique introductive dans laquelle figure un seul exercice. La collection Triangle propose,
elle aussi, un seul exercice. Les collections Odyssée et Transmath proposent trois exercices.
Les quatre autres collections (Déclic, Nouveau prisme, Zénius, Hélice) proposent une
évaluation diagnostique sous la forme d’un QCM assez court (trois à cinq questions) « appuyé
sur des connaissances et des compétences travaillées dans les classes antérieures » (Déclic,
2009). Dans cinq ouvrages, les auteurs font des commentaires en début de manuel pour
qualifier la rubrique introductive du chapitre : « test » (Transmath, 2009), « test
diagnostique » (Hélice, 2009), « les indispensables pour aborder le chapitre » (Triangle,
2009) ; ou pour en préciser l’objectif : « réviser les connaissances nécessaires pour aborder le
nouveau chapitre » (Nouveau prisme, 2009), « vérifier ses connaissances et entrer dans le
chapitre » (Zénius, 2009).
On voit ainsi que l’évaluation diagnostique proposée doit pouvoir remplir sa fonction de
rendre disponible le milieu nécessaire à la poursuite de l’étude du thème. Cependant, l’analyse
des types de tâches évalués (voir annexe 2.4.1) montre une inadéquation avec ce qui a été
rencontré à l’école primaire pour six manuels, ce qui soulève le problème du repérage de ce
qui a été étudié antérieurement, geste professionnel difficile nous le verrons, amplifié par la
position du professeur de 6e qui n’appartient pas à la même institution d’enseignement que
celle dans laquelle l’élève a rencontré le thème d’étude.
41
L’un d’entre eux (Hélice) mentionne même des notions qui ne relèvent pas de l’étude à
l’école primaire : médiatrice, bissectrice, codage des figures.
Le manuel Zénius propose des questions sans lien direct avec la symétrie axiale mais jugées
utiles pour aborder le nouveau chapitre. Ce sera donc le seul à tester des sujets d’étude faisant
partie du milieu sans constituer un enjeu didactique pour le chapitre abordé. Mais on
remarquera qu’il mentionne, lui aussi, la médiatrice non rencontrée à l’école élémentaire, ou
encore le compas comme outil pour reporter une longueur alors qu’il est utilisé pour comparer
des longueurs à l’école élémentaire.
L’exercice du manuel Phare est l’exception qui confirme la règle puisqu’il est entièrement
adapté au programme de l’école élémentaire, mais le dispositif de reprise de l’étude reste très
succinct.
Un seul manuel (Triangle) complète l’évaluation diagnostique par un travail transitionnel
« pour réactiver mes connaissances […] si nécessaire ». Il est composé de huit exercices qui
font travailler le type de tâches de l’évaluation diagnostique Déterminer si deux figures
données sont symétriques par rapport à une droite donnée mais, nous l’avons noté, ce dernier
ne figure pas explicitement au programme de l’école élémentaire bien qu’il puisse intervenir
comme étape de vérification dans la technique de réalisation du type de tâches Construire la
figure symétrique d’une figure donnée par rapport à une droite donnée. Les spécimens
peuvent aussi représenter des sous types de tâches différents de ceux de l’évaluation
diagnostique, en faisant varier le paramétrage de la position relative des deux figures, de
l’intersection de la figure avec l’axe ou encore du support papier.
On retrouve donc dans l’ensemble de ces manuels un manque d’analyse de l’organisation
mathématique dont on veut s’assurer de la présence dans le milieu.
Jusqu’à la dernière version de 2013, le manuel en ligne de Sésamath (Association Sésamath,
2013) ne faisait aucune référence à des éléments de reprise de l’étude en début de chapitre.
Les auteurs ont enrichi cette dernière version de deux nouveaux chapitres N0 « Nombres
entiers (1) » et G0 « Éléments de géométrie » qui, « faisant le lien entre le CM2 et la 6e,
permettent de consolider l’acquisition de notions de base ». Cependant, ces chapitres sont
structurés de la même manière que tous les autres chapitres du manuel avec quatre parties
pour G0 « Activités de découverte », « Cours et méthodes essentielles », « Exercices », « À
toi de jouer », « Exercices d’entrainement » et seulement les trois dernières pour N0. Les
parties « Exercices d’approfondissement », « Se tester avec le QCM ! » et « Récréation
mathématique » des autres chapitres n’apparaissent pas. Il semblerait que les auteurs voient
ces chapitres comme des chapitres de révisions pour lesquels ils indiquent aussi qu’ils sont « à
utiliser selon les acquis des élèves en accompagnement personnalisé ». Nous ne pouvons nous
empêcher de faire le lien avec l’analyse faite précédemment sur l’accompagnement
personnalisé, l’ajout de ces deux chapitres à la version de 2013 étant vraisemblablement dû à
l’apparition de ce système didactique auxiliaire en classe de 6e, d’autant que les auteurs n’ont
pas fait d’ajout aux manuels des autres niveaux de classe.
Si nous nous intéressons au chapitre G0 dans lequel on pourrait s’attendre à voir la symétrie
axiale, les activités de découverte relèvent du type de tâches « Reproduire une figure » sur
42
papier quadrillé ou blanc, ou à l’aide d’un logiciel de géométrie dynamique ; les cours et
méthodes consistent en du vocabulaire et des notations mathématiques sur les segments,
droites, demi-droites, points alignés, droites sécantes, et l’appartenance d’un point à une
droite. La notion de demi-droite et les notations mathématiques des objets géométriques
n’étant pas au programme de l’école élémentaire, nous ne pouvons considérer, à l’instar des
auteurs, ce chapitre comme un chapitre de révisions ; aucune méthode n’y est d’ailleurs
rappelée, et les exercices qui suivent relèvent de types de tâches à l’étude de la classe de 6e.
Deux chapitres G4 « Symétrie axiale » et G5 « Axes de symétrie » sont consacrés au thème de
la symétrie axiale. Aucune reprise de l’étude du thème n’est visible, comme si les auteurs ne
prenaient pas en compte ce qui a été fait à l’école élémentaire.
Contrairement aux spécimens que nous avons analysés ci-dessus, le manuel pour l’enseignant
éditée par le CRDP de l’académie de Nantes (Bonjean Le Bechec, Rouquès & Stainer, 2014)
n’est pas un ouvrage pour la classe mais un livre s’adressant « à tout enseignant (débutant ou
chevronné) qui chercherait à inventer, à réinventer sa propre pratique, et à s’approprier au
mieux l’espace de liberté pédagogique dont tout professeur dispose pour atteindre de manière
tout à fait personnelle les objectifs fixés par l’institution ». L’inspectrice générale de
mathématiques et l’IA-IPR de mathématiques le préfaçant ajoutent : « Il s’agit là de
remarquables ressources tant mathématiques que pédagogiques ou didactiques, mises à
dispositions [des étudiants inscrits dans les parcours Mathématiques des nouveaux Masters
Éducation Enseignement et Formation] ». (p. 10)
Dans une première partie, les auteurs exposent « les généralités de la pratique ». À la question
« Quelles séquences plaçons-nous en début d’année ? » (p. 41), ils donnent des ingrédients
technologiques justifiant de ne pas faire de révisions :
Nous ne faisons pas de révisions et n’employons d’ailleurs jamais ce mot. Nous choisissons,
en début d’année, au moins une notion entièrement nouvelle pour provoquer l’intérêt […] et
plutôt des notions qui ne présentent pas d’obstacles trop importants pour les élèves en
difficulté, afin de les mettre en réussite. Les élèves à l’aise ont tout de suite quelque chose à se
mettre sous la dent et les élèves en difficulté ne pensent pas d’emblée qu’ils sont nuls parce
qu’ils sèchent sur des exercices de révisions. (p. 41)
La reprise de l’étude se fait essentiellement par des « exercices de préparation des séquences
[…], faits à distance de la séquence en question. En général, ce ne sont pas de véritables
nouveautés du programme de sixième ni des révisions classiques ; ils réactivent et renforcent
des notions de l’école ». (p. 41)
Pour les quinze séquences traitées dans le livre, cette « phase de préparation » apparait huit
fois. Les auteurs justifient leur pratique par des ingrédients technologiques que nous
soulignons dans l’extrait ci-dessous :
Nous travaillons sur les prérequis en redonnant, en particulier, du temps pour des notions du
socle commun des années précédentes. Cette préparation permet non seulement d’étaler
l’apprentissage dans le temps, mais aussi d’éviter par la suite des obstacles parasites,
c’est-à-dire ceux qui ne se franchissent pas grâce au nouveau savoir. […] Ces obstacles
43
nécessiteraient un arrêt de la classe qui risquerait de perturber une phase importante de
l’apprentissage. Nous choisissons de les travailler, à part, en amont.
Nous menons souvent la préparation à distance de l’apprentissage proprement dit pour
donner aux élèves en difficulté un temps assez long d’assimilation et pour qu’il nous soit
possible d’y revenir si nécessaire. Cela fait également du futur apprentissage une
véritable occasion de réinvestir ces prérequis. […]
Nous ne voulons pas que cette phase soit ressentie par les élèves comme un temps de
révisions. Cela pourrait démobiliser ceux qui pensent savoir et provoquer un désarroi
chez ceux qui pensent qu’ils devraient savoir. Pour cela, nous posons le plus souvent
possible des questions ouvertes, de manière à ce que l’exercice constitue un véritable
problème pour tous, et nous accompagnons plus particulièrement les élèves en difficulté.
(p. 44)
Les auteurs précisent encore que le dispositif du « rituel de début de séance », constitué « [d’]
exercices courts, en général techniques, à faire individuellement sur le cahier de recherche »,
travail ne durant « pas plus de dix minutes », peut aussi être l’occasion de « réactiver des
savoirs anciens prochainement nécessaires ». (p. 58). On notera que cette nouvelle
praxéologie de reprise de l’étude cautionnée par les IA-IPR de mathématiques va se
développer chez les professeurs stagiaires comme nous le verrons plus loin.
La séquence 8 « Symétrie axiale (première partie) » ne bénéficie pas de la « phase de
préparation ». Cependant, l’étape 1, sur les trois étapes qui constituent cette séquence
(« temps indicatif : environ cinq ou six séances »), est donnée comme une « phase de prise en
main de notions de primaire ». Il apparait ici un nouveau dispositif de reprise de l’étude sous
la forme d’activités réalisées en classe. Nous le retrouvons dans les cinq premières séquences
intitulées « Découvrir des numérations pour mieux comprendre la nôtre », « Dessins
géométriques », « Opérations avec des nombres entiers », « Programmes de construction » et
« Nombres en écriture fractionnaire, nombres en écriture décimale ». Il peut s’étaler sur
plusieurs séances : entre 1 et 4 étapes d’une séquence.
Cette édition récente de livre pour le professeur, qui n’existe que pour les niveaux 6e, 5
e et 4
e,
propose ainsi un dispositif de reprise de l’étude qui varie selon les séquences
d’enseignement : exercices préparatoires, « véritables problèmes pour tous », à faire à la
maison en amont de la séquence ; petits exercices rituels techniques en début de séance ;
activités pour prendre en main les notions de primaire.
Même si les auteurs précisent qu’ils accompagnent « plus particulièrement les élèves en
difficulté », rien n’est dit sur la manière dont ce geste professionnel est réalisé, la façon
d’accompagner « plus particulièrement les élèves en difficulté », comme s’il s’agissait d’un
problème transparent.
2. 4. 2. Le cas du théorème de Thalès en troisième
Afin d’appréhender si la contrainte liée au changement d’institution influe sur la reprise de
l’étude en classe de 6e, nous enquêtons maintenant dans des manuels de 3
e pour l’étude du
44
thème relatif au théorème de Thalès. Une analyse préalable de ce que dit le programme de
troisième à ce sujet (MEN, 2008, pp. 37-38) a été réalisée (voir annexe 2.4.2).
Nous avons choisi d’enquêter dans quatre spécimens des collections sélectionnées en 6e
(Triangle, Phare, Nouveau prisme et Zénius). Comme nous avons pu le souligner plus haut, le
site Sésamath ne prend pas en charge la reprise de l’étude et le manuel pour l’enseignant de la
collection Des maths ensemble et pour chacun de l’académie de Nantes n’a pas été édité pour
la classe de 3e.
Comme pour la classe de 6e, le chapitre débute par une évaluation diagnostique : « Je fais le
point sur mes connaissances » (Triangle, 2008) ; « Je prends un bon départ » (Nouveau
prisme, 2012) ; « Pour commencer » (Zénius, 2014) ; non nommée dans la collection Phare
(Phare, 2012). Elle prend des formes différentes : exercices (Triangle, Phare) ; QCM
(Nouveau prisme) ; phrases à compléter (Zénius). Dans ce dernier dispositif, la collection
Zénius fait le choix de n’évaluer que des sujets d’étude ne constituant pas un enjeu didactique
pour le chapitre mais faisant partie du milieu, comme nous l’avons signalé plus haut pour la
classe de 6e. Les trois autres collections font une large part au type de tâches Déterminer la
mesure d’une longueur (neuf spécimens dans Triangle, un dans Phare et cinq dans Nouveau
prisme), mais on y trouve aussi des types de tâches travaillés en classe de 4e pour lesquels le
théorème de Thalès permettra d’élaborer de nouvelles techniques en troisième : Démontrer
que deux droites sont parallèles ; Démontrer qu’un point est le milieu d’un segment ;
Démontrer que trois points sont alignés. En revanche, le type de tâches Agrandir ou réduire
une figure ne sera pas testé et prendra place dans un autre chapitre pour les collections Phare
et Nouveau prisme ; on n’en trouve pas de trace dans la collection Triangle.
Là encore, seule la collection Triangle met en place un dispositif pouvant aider au travail
transitionnel dans sa rubrique « Réactiver les connaissances » où figurent 11 exercices
reprenant les mêmes praxéologies que celles testées dans l’évaluation diagnostique.
On soulignera que, même si le repérage de ce qui a été antérieurement étudié semble plus aisé
à ce niveau de classe – ce qui confirme notre hypothèse de difficulté liée au changement
d’institution scolaire en classe de 6e –, les dispositifs de reprise de l’étude restent mal calibrés
avec notamment un travail transitionnel globalement inexistant et une identification du milieu
d’étude à tester insuffisante.
L’enquête menée sur les praxéologies de reprise de l’étude au sein de la profession fait ainsi
apparaitre que la profession repère le type de tâches à accomplir : reprendre l’étude d’un
thème ; l’élargit à la constitution du milieu pour l’étude ; donne des éléments pour constituer
un équipement praxéologique autour de ce type de tâches pour le moins parcellaire, dans
lequel les ingrédients techniques sont rares et peu développés. Cet équipement praxéologique
repose sur des éléments technologiques qui font apparaitre le plus souvent la pression du
temps de l’étude sous couvert des réactions des élèves, voire de la gestion de l’hétérogénéité,
et qui prennent appui sur l’évaluation diagnostique.
45
3. Élaboration d’une praxéologie de reprise de l’étude par des professeurs
débutants
Nous poursuivrons notre enquête en examinant ici l’équipement praxéologique de professeurs
débutants formés à l’ESPE d’Aix-Marseille durant l’année 2013-2014.
Ces jeunes professeurs étaient étudiants à l’ESPE en deuxième année de master
« Enseignement et Formation en Mathématiques » et avaient en charge, pour la plupart,
six heures d’enseignement dans un établissement secondaire avec un statut de contractuel. Sur
ces 16 étudiants, pour des raisons diverses, 5 d’entre eux étaient en stage de pratique
accompagnée. Tous avaient simultanément à passer en avril les épreuves d’admission du
CAPES session exceptionnelle 2014, l’admissibilité ayant été obtenue en juillet 2013, ainsi
que l’écrit de la session 2014 rénovée.
La formation dispensée comprenait trois unités d’enseignement (UE) de didactique, deux au
premier semestre (48 h chacune) et une au second semestre (48 h) auxquelles s’ajoutaient une
UE relative au mémoire professionnel au second semestre (48 h) et deux UE de tutorat (20 h
par semestre) qui permettaient de suivre plus particulièrement le stage. La reprise de l’étude a
été étudiée dans une UE du premier semestre, et a été travaillée sous diverses formes au
second semestre. L’équipement praxéologique relatif à la reprise de l’étude de ces professeurs
débutants s’est donc façonné alors qu’ils étaient assujettis à une institution de formation : le
travail effectué en formation à ce propos constitue alors un ensemble de conditions sous
lesquelles le rapport à la reprise de l’étude a été construit – même si d’autres conditions ont
contribué à sa construction. C’est donc par l’examen de ce que recelait la formation dispensée
que nous débuterons cette étude.
3. 1. Analyse praxéologique d’une formation à la reprise de l’étude
La notion de reprise d’étude a été abordée dès la première séance de formation, le lundi 9
septembre 2013, à travers l’étude de la quatrième partie d’une notice rédigée par Yves
Chevallard (2006), dans le cadre de la formation des élèves professeurs de l’IUFM d’Aix-
Marseille, et portant sur le temps de l’étude. Cette notice met d’abord en avant une
contrainte que nous avons identifiée au premier chapitre : le professeur doit faire avancer, à
toute force, le temps de l’étude et les élèves y sont particulièrement attentifs :
La situation dominée des élèves par rapport à l’avancée de l’étude les porte à être vigilants : ils
attendent en particulier du professeur qu’il fasse avancer le temps didactique ; et, s’il est vrai
qu’ils s’entendent souvent à freiner cette avancée – en « traînant les pieds », en faisant de la
résistance d’une manière ou d’une autre –, le professeur se méprendrait, au risque d’essuyer
bientôt de vives critiques, voire de perdre une partie de sa légitimité, s’il succombait à la
tentation de se rendre à ce type de sollicitations, alors que les élèves attendent de lui qu’il
avance en dépit même des ralentissements qu’ils cherchent à lui imposer. (p. 8)
46
Cette vigilance relative à l’avancée de l’étude vient justifier l’abandon des « révisions
systématiques » (Chevallard, 2006) :
Une telle attente est à l’évidence antinomique de la pratique des révisions systématiques.
Longtemps, il est vrai, les programmes officiels ont prescrit la révision – augmentée de
compléments – d’une partie du programme de la classe précédente avant d’aborder le
« programme particulier à la classe ». Tout aussi officiellement, pourtant, de telles révisions
sont aujourd’hui proscrites. « Il convient, énonçait ainsi d’emblée l’ancien programme de 6e,
de faire fonctionner, à propos de nouvelles situations et autrement qu’en reprise ayant un
caractère de révision, les notions et “outils” mathématiques antérieurement étudiés. »
L’injonction est reprise dans l’Introduction générale pour le collège qui ouvre la brochure
présentant le nouveau programme de mathématiques du cycle central, où on lit : « Il convient
de faire fonctionner les notions et “outils” mathématiques étudiés au cours des années
précédentes dans de nouvelles situations, autrement qu’en reprise ayant un caractère de
révision. En sixième, particulièrement, les élèves doivent avoir conscience que leurs
connaissances évoluent par rapport à celles acquises à l’école primaire. » Ignorant sur ce point
les instructions officielles, nombre de professeurs débutants semblent enclins à commencer
l’année par des révisions systématiques, qu’on a vu parfois se prolonger jusqu’aux premières
vacances scolaires de l’année ! Plusieurs facteurs concourent sans doute à nourrir ces
errements : souci de « rassembler » la classe (par exemple lorsqu’il s’agit d’une 2de
, formée
d’élèves qui, provenant de différents collèges, tendent à constituer au sein de la classe autant
de « clans » qui s’ignorent, voire se combattent), mais aussi désir plus ou moins inconscient de
captation des élèves, à qui le professeur, fût-ce à son insu, signifie ainsi que « la vie
commence avec lui » (ce que certains élèves peuvent vivre d’ailleurs comme une forme subtile
d’agression narcissique). À cela il faut ajouter que la pratique des révisions permet au
professeur novice de différer le moment où il devra affronter, au double plan psychologique et
technique, la difficile tâche consistant à créer du temps didactique : dans les révisions, en
effet, de même par exemple que dans les leçons particulières (qui constituent fréquemment la
seule expérience de direction d’étude du professeur novice), on travaille sur du temps
didactique créé par d’autres, et on n’a donc pas véritablement à créer du temps didactique ex
nihilo. Par contraste, la fonction chronogène qu’assume normalement le professeur ayant la
responsabilité d’une classe apparaît alors comme extrêmement exigeante : elle appelle un
effort didactique et psychologique non négligeable. (p. 8)
Après avoir mis en évidence les injonctions institutionnelles relatives à la reprise de l’étude
que nous avons examinées plus haut, l’auteur explicite trois conditions qui poussent en avant
chez les professeurs débutants la pratique des « révisions systématiques » : exigence de
rassemblement de la classe, désir de s’imposer comme seul maître du savoir, difficulté de
création du temps didactique.
Les révisions viennent cependant occuper une fonction de reprise de l’étude même si, on l’a
vu, ce dispositif n’est pas adapté aux conditions et aux contraintes des institutions scolaires
d’aujourd’hui vis-à-vis du temps didactique (Chevallard, 2006) :
47
Le problème des révisions surgit notamment lorsque, dans une classe donnée, le programme
comporte un thème déjà en partie étudié dans les classes précédentes, c’est-à-dire lorsqu’il y
a reprise de l’étude du thème , celui-ci apparaissant donc à nouveau comme un enjeu
didactique. Dans un tel cas, la stratégie officiellement préconisée, qui, de manière plus ou
moins subreptice, permet la poursuite de l’apprentissage du thème par son activation dans le
cadre de l’étude de thèmes 1, 2, ..., n nouvellement étudiés, cesse d’être appropriée
puisqu’elle suppose précisément que n’est plus un enjeu didactique. Or les situations de
reprise d’étude sont aujourd’hui fréquentes dans le curriculum secondaire, dans la mesure
notamment où les programmes sont conçus dans une perspective progressive, l’étude d’un
thème introduit dans une classe se poursuivant en général dans la classe suivante, voire au-
delà. Dans un tel cas, la mise en évidence de ce qu’il y a de nouveau dans l’étude du thème ,
c’est-à-dire de ce qui constitue véritablement l’enjeu didactique autour duquel le travail va se
développer dans la classe constitue un élément crucial de la direction d’étude. Deux principes
s’imposent notamment au professeur à cet égard. Tout d’abord, il doit se garder de reprendre
ab initio l’étude du thème et s’efforcer au contraire de faire apparaître ce qui, de , est
réellement neuf, et se trouve donc à étudier, par rapport à ce qui est ancien et ne saurait plus
être légitimement étudié dans cette classe : objectivement, en effet, du temps didactique a été
dépensé dans la classe précédente sur le thème , et le redoublement de cette dépense dans la
classe, sans acquis nouveau, ou du moins sans que cette reprise soit présentée comme un
rappel visant la remémoration collective de faits déjà rencontrés, constitue alors, aux yeux des
élèves, un gaspillage de temps – sentiment qui s’exprime le plus souvent par une certaine
inattention, un brouhaha persistant, voire des propos implicitement ou explicitement
protestataires : « L’an dernier c’est pas comme ça qu’on faisait ! », « M’sieur, on l’a déjà
fait ! », etc. Ensuite, il convient de faire que les élèves qui ne maîtriseraient pas l’ancien de
manière satisfaisante puissent se mettre à jour sur ces parties du thème qui ne peuvent plus
légitimement recevoir le statut d’enjeu didactique dans le travail de la classe. Si la
responsabilité didactique de l’élève vis-à-vis de ses propres apprentissages est, ici comme en
d’autres circonstances, pleinement engagée, le professeur n’est pas pour autant dégagé de
toute responsabilité : il lui incombe de prendre sa part dans la gestion de cette reprise d’étude.
Lorsque les élèves arrivent dans la classe, le thème ne leur est pas inconnu : le problème
didactique posé au professeur est alors celui, non du recommencement, mais de la reprise et
de la poursuite de l’étude du thème. (p. 9)
On voit, là encore, émerger des éléments technologico-théoriques de la praxéologie de reprise
de l’étude, éléments liés d’une part, au temps didactique qui doit avancer ; d’autre part, aux
positions respectives du professeur et de l’élève dans le processus d’étude.
Le formateur illustre alors à l’aide d’un extrait de compte rendu d’observation, portant sur
l’étude de la proportionnalité en classe de 5e, les écueils soulignés par la notice (Artaud,
2013). Le professeur débutant observé fait en effet « comme si » le type de tâches
Reconnaitre un tableau de proportionnalité était enjeu de l’étude en proposant en outre des
spécimens où ne figurent que des entiers – ce que les élèves ne manquent pas de lui reprocher,
48
explicitement, par des commentaires comme « on a fait ça depuis le CP » ou implicitement,
par leur agitation et leur inattention (voir annexe 3.1a).
Cela permet au formateur d’introduire un premier type de tâches que le professeur doit
accomplir pour reprendre l’étude d’un thème : repérer le tracé de la « frontière » entre ce qui a
été antérieurement étudié et ce qui est enjeu de l’étude de la classe considérée. Il donne deux
exemples, l’un relatif au domaine des fonctions en seconde et l’autre sur la proportionnalité en
sixième et en cinquième. Nous examinerons ici l’étude du premier d’entre eux (voir annexe
3.1b).
La technique qui émerge peut se résumer ainsi :
Déterminer l’organisation mathématique institutionnellement enjeu de l’étude de la
classe précédente et la comparer avec celle qui est enjeu de l’étude de la classe
considérée – la seconde ici.
Ce travail prend appui sur une enquête dont le milieu comprend le programme des deux
classes (MEN, 2008, 2009b), le document de la collection Ressources pour les classes du
collège portant sur la proportionnalité et les fonctions (MEN, 2005), deux manuels de
mathématiques pour la classe de 3e (J. Malaval et al., 2008, pp. 108-111 ; C. Deschamps
(dir.), 2008, pp. 120-125) et l’énoncé d’un sujet du diplôme national du brevet (MEN, 2009).
Les traces écrites du résultat de l’enquête font apparaitre d’abord une différence entre les deux
organisations mathématiques en termes d’ingrédients technologico-théoriques (Artaud,
2013) :
… si la notion de fonction et d’image, et de façon plus limitée celle d’antécédent, ont été
travaillées dans le cadre du programme de troisième, le sens de variation des fonctions relève
clairement du programme de seconde, y compris en ce qui concerne les fonctions linéaires et
affines. (pp. 12-13)
On trouve ensuite un certain nombre de types de tâches autour desquels se constitue
l’organisation mathématique de la classe de 3e (ibid.) :
Déterminer si un point appartient à la courbe représentative d’une fonction,
ce qui suppose de Déterminer l’image d’un nombre par une fonction ;
Déterminer l’antécédent d’un nombre par une fonction (technique graphique ou via un tableau
de valeurs si la fonction n’est pas affine) ;
Déterminer les coordonnées d’un point d’une courbe représentative ;
auxquels il faudrait ajouter la modélisation d’une situation par une fonction et la
représentation graphique d’une fonction donnée par son expression algébrique. (p. 16)
Cela permet au formateur de caractériser ainsi la « frontière » entre la classe de 3eet la classe
de 2de
sur le domaine des fonctions (ibid.) :
… la ligne de démarcation entre le collège et le lycée se fait sur les variations d’une fonction ;
on a également une différence liée à la formalisation qui a davantage de place en seconde
49
qu’elle n’en a eu en troisième où, si certaines notations sont introduites, elles le sont
généralement sur des spécimens. (p. 17)
Le dernier point laisse penser que des éléments sur les techniques ont été mis en évidence
oralement, mais le texte du cours n’en porte pas d’autres traces, exception faite d’une annexe
reproduisant des extraits des manuels cités plus haut.
Une fois le repérage de la « frontière » effectué, il s’agit d’examiner si les élèves sont au point
sur ce qu’ils ont antérieurement étudié. Pour cela, la notice examinée (Chevallard, 2006)
propose un dispositif nommé « test d’entrée dans l’étude du thème ». Voici comment Y.
Chevallard le présente :
Le problème didactique que le professeur doit chercher à résoudre comporte alors deux
difficultés. Tout d’abord, il lui faut explorer et identifier, avec les élèves, leurs besoins d’étude
– leurs besoins didactiques – relativement au thème considéré. Ensuite, une fois ces besoins
didactiques reconnus par le professeur comme par les élèves, il devra concevoir et animer le
travail permettant de les satisfaire, et cela en évitant bien entendu la reprise générale de l’étude
du thème considéré. La détermination des besoins didactiques des élèves relativement à un
thème d’étude peut se faire par la technique du test d’entrée dans l’étude du thème – test qui
constitue le pendant des classiques devoirs de contrôle (« interrogations écrites », « devoirs
surveillés », etc.), lesquels portent généralement sur des types de problèmes récemment
étudiés et constituent des tests de sortie de l’étude des thèmes figurant au programme du
contrôle. Un test d’entrée peut prendre la forme d’une épreuve de 15 à 20 minutes, phase de
travail individuel écrit suivie d’une phase de travail collectif en classe, immédiatement, ou lors
de la séance suivante. La phase de travail individuel écrit apparaît indispensable pour que
l’élève puisse apprécier par lui-même sa capacité – ou son incapacité – à s’affronter avec
succès aux types de tâches mathématiques proposés. Ce travail écrit peut faire l’objet d’une
double évaluation. L’évaluation réalisée par l’élève, qui appréciera ainsi sa capacité à résoudre
les problèmes des types proposés, pourra être consignée sur la copie, au moment où le
professeur met un terme à la session de travail individuel écrit, et être exprimée sur une échelle
en quelques points (par exemple : très faible, insuffisant, moyen, satisfaisant, très satisfaisant).
L’évaluation réalisée par le professeur pourra, quant à elle, se traduire par une note chiffrée,
dont le poids dans la série des notes attribuées à l’élève devra cependant rester très limité.
Le test d’entrée doit permettre à l’élève et au professeur d’apprécier la maîtrise réelle qui est
celle de l’élève sur les types de problèmes situés à la frontière entre l’une et l’autre classe.
D’une manière générale, la principale difficulté de fabrication d’un tel test est liée à la
contrainte de temps : parce qu’il doit relancer l’étude, et non l’arrêter durablement, un test
d’entrée, on l’a dit, doit être bref. Cette exigence conduit à renoncer à représenter, dans
l’échantillon de tâches mathématiques proposées, l’ensemble des types de tâches qui ont pu
être rencontrées dans les classes précédentes, et à s’en tenir à quelques spécimens de difficulté
graduée. (2006, pp. 9-10)
50
On le voit, le dispositif proposé prend la forme d’un travail écrit en classe d’une durée limitée.
On peut remarquer que ce travail écrit peut être noté même si le poids dans la moyenne
trimestrielle sera limité alors que nous avons vu dans le chapitre précédent un site académique
affirmer que « ce diagnostic ne peut évidemment pas se traduire par une note » (Académie
d’Orléans-Tours, 2011). Dans le cas du dispositif proposé et compte tenu des conditions
prévalant aujourd’hui dans la société pour laquelle les notes donnent une visibilité au travail
scolaire, une note peut contribuer à favoriser l’insertion de ce type de travail dans la classe.
Un ingrédient technologique est explicitement donné pour justifier le caractère écrit et
individuel : l’élève doit pouvoir « apprécier par lui-même sa capacité – ou son incapacité – à
s’affronter avec succès aux types de tâches mathématiques proposés ». Il est lié, on le verra, à
l’assomption par l’élève d’une certaine responsabilité vis-à-vis du processus d’apprentissage.
Le formateur donne alors un exemple de test d’entrée à propos des fonctions en
seconde (Artaud, 2013) :
1. On considère la fonction qui à x associe f(x) = 3x² – 5x + 4.
a) Déterminer l’image de − 1
3 par f.
b) Le point A(1 ; 2) appartient-il à la courbe représentative de f ? On justifiera la réponse.
c) Déterminer un antécédent de 2 par f ?
2. Armelle souhaite travailler quelques heures par mois dans un musée pour gagner de l’argent
de poche. On lui propose de lui verser 40 euros au début du mois, puis 6 euros par heure de
travail.
a) Parmi les quatre fonctions suivantes, laquelle modélise cette situation ?
f(x) = 40x + 6 ; g(x) = 6x + 40 ; h(x) = 60 + 4x ; j(x) = 6x – 40.
b) Déterminer le nombre d’heures qu’Armelle doit travailler pour avoir 85 euros d’argent de
poche par mois. (p. 19)
On y voit des spécimens des types de tâches identifiés précédemment comme faisant partie de
l’enjeu de l’étude en troisième :
‒ Déterminer l’image d’un nombre par une fonction ;
‒ Déterminer si un point appartient à la courbe représentative d’une fonction ;
‒ Déterminer l’antécédent d’un nombre par une fonction ;
‒ Déterminer la fonction qui modélise une situation donnée.
51
On peut noter que, dans l’exemple proposé, ce n’est pas la modélisation de la situation qui est
demandée, mais le choix d’un modèle pertinent parmi quatre modèles donnés, de façon à
respecter les contraintes horaires.
La troisième et dernière étape consiste à exploiter le test d’entrée et à mener lorsque cela
s’avère nécessaire un travail transitionnel (Chevallard, 2006) :
Un test d’entrée n’est qu’un élément de l’organisation d’ensemble de l’entrée dans l’étude du
thème. Censé permettre la détection – et l’auto-détection – des élèves présentant un déficit net
sur le thème considéré, il ne vise pas à contrôler les élèves sur l’ensemble des points sensibles
du thème. En fait, le test doit simplement éclairer le professeur (et les élèves) sur l’action à
engager, laquelle peut consister : 1) à ne rien faire de plus, et à aborder sans attendre l’étude de
ce qui est vraiment nouveau ; 2) à proposer à certains élèves, supposés en petit nombre et pour
lesquels la chose semble s’imposer, un travail personnel adapté, et ne reprendre l’étude
collective du thème que quelques jours plus tard ; 3) à diriger en classe entière, ou, de manière
plus ciblée, dans un cadre approprié (en module, s’il s’agit d’une 2de
, par exemple), un travail
transitionnel spécifique sur le thème à étudier. Dans les deux derniers cas évoqués, les types de
problèmes laissés volontairement de côté lors du test d’entrée pourront être spécialement
travaillés : ainsi en ira-t-il, s’agissant du thème des inéquations en 2de
, avec les problèmes de
modélisation algébrique élémentaire. Dans le deuxième cas, on notera que, même aidé, le
travail personnel demandé à l’élève suppose de sa part une certaine autonomie didactique, en
même temps qu’il engage clairement sa responsabilité didactique et citoyenne, l’élève devant
en effet s’efforcer de ne pas retarder trop l’avancée du temps didactique dans la classe. Le
délai de quelques jours entre le travail d’évaluation et de bilan, d’une part, et la poursuite
collective de l’étude, d’autre part, assume à cet égard une fonction clairement symbolique, en
ce qu’il manifeste que la classe attend les élèves en retard, et en même temps que cette attente
ne saurait se prolonger indûment. (p. 10)
Les résultats du test d’entrée ouvrent, on le voit, trois directions possibles d’entrée dans
l’étude du thème. La première, ne rien faire de plus, suppose que l’équipement praxéologique
de la classe est conforme au rapport institutionnel au thème à l’issue de l’étude menée
antérieurement. Lorsque ce n’est pas le cas, selon la proportion d’élèves dont on a constaté les
besoins didactiques, il s’agira de réaliser un moment de travail, hors classe lorsque peu
d’élèves sont concernés, en classe entière ou dans des systèmes didactiques auxiliaires sinon.
On soulignera la mention, dans le cas du travail hors classe, d’un ingrédient technologique
appuyé sur la contrainte d’avancée du temps didactique liée, comme nous l’avons signalé
précédemment, à la responsabilité didactique de l’élève, elle-même permise par
l’appartenance de l’élève à la classe. Dans le cas où c’est une majorité d’élèves qui a des
besoins didactiques sur le thème, la portée de cet ingrédient technologique sera moindre.
Lorsque le moment de travail se situe hors classe, la notice esquisse une technique appuyée
sur trois dispositifs : feuille de travail préparée par le professeur, choix d’exercices d’un
ouvrage, « atelier de mise à jour » (Chevallard, 2006) :
52
L’organisation propice au travail personnel adapté suppose un dispositif approprié, et trois
scénarios peuvent à cet égard être par exemple envisagés : 1) le professeur fournit aux élèves
concernés une ou plusieurs feuilles de travail qu’il a préparées dans ce but et qui seront le
support du travail personnel demandé ; 2) il peut aussi remplacer une telle production
spécifique par un choix d’exercices que l’élève ira découvrir dans un ou plusieurs ouvrages à
consulter au CDI (on préfèrera pour cela des ouvrages simples et concis, qui marquent assez
nettement une situation de transition par rapport à la classe précédente) ; 3) il peut enfin
diriger les élèves concernés vers un dispositif de travail approprié, fonctionnant comme un
« atelier de mise à jour ». (p. 11)
Si le professeur doit emprunter la voie d’un moment de travail en classe entière, la notice
propose une technique qui prend en charge deux positions d’élève, les « plus déficitaires » et
ceux « ayant une maitrise du thème jugée suffisante », tout en prévoyant un dispositif
permettant de cohérer didactiquement la classe (ibid.) :
Dans le cas où le professeur décide de diriger un travail transitionnel spécifique pour
l’ensemble de la classe, les élèves pourront, dans le cadre des modules, avoir à mener à bien
soit un travail de développement, réservés aux élèves les plus déficitaires, soit un travail de
mise au point, pour les élèves ayant une maîtrise du thème jugée suffisante. La cohésion
didactique de la classe peut alors être assurée, par exemple, d’une part en utilisant dans le
travail de mise au point le même matériel que celui utilisé dans le travail de développement,
mais en moindre quantité et augmenté de quelques exercices simples de modélisation, d’autre
part en demandant aux élèves engagés dans un travail de développement, éventuellement
groupés en binômes pour certains d’entre eux, de remettre, dans la semaine qui suit, un travail
écrit présentant la solution des exercices complémentaires étudiés en « mise au point », devoir
pour lequel chacun des élèves ou des binômes reçoit l’aide de l’un des élèves ayant participé
au travail de mise au point.
Un tel travail transitionnel spécifique portera sur les types de problèmes situés à la frontière
avec la classe précédente et aura prioritairement pour objet de travailler et de « faire
travailler » la technique standard correspondante mise en place dans cette classe, si une telle
technique canonique existe ; ou, dans le cas contraire, de rassembler la classe autour d’une
technique dont il apparaît que, à un titre ou un autre, elle a un avenir dans la suite de l’étude.
Dans tous les cas, on s’efforcera d’enrichir la technique travaillée de variantes diverses qui
fourniront notamment des moyens d’anticipation et de contrôle, en vue d’aller collectivement
vers une meilleure maîtrise des types de problèmes considérés. La transition didactique faite,
la classe pourra s’attaquer à ce qu’il y a de vraiment nouveau dans le programme de l’année,
en prenant appui sur la technique travaillée jusque-là, et en essayant alors d’en étendre la
portée aux cas nouvellement rencontrés. (p. 11)
Le dernier paragraphe de la notice met en avant un élément venant justifier la nécessité de la
reprise de l’étude : permettre la mise en accord du temps de l’apprentissage de la classe et de
chaque élève avec le temps didactique (ibid.) :
53
L’obligation de créer du temps didactique ne doit pas conduire à oublier que l’étude est un
moyen au service d’une fin : l’apprentissage. Si le temps didactique impulsé par le professeur
fixe un cadre collectif de progrès, c’est bien le travail des élèves qui peut faire que les temps
de l’apprentissage apparaissent globalement en phase avec l’avancée officielle de l’étude,
dont le professeur reste le garant. À cet égard, l’exigence contractuelle d’un temps didactique
séquentiel et irréversible ne doit pas être plaquée mécaniquement sur les processus effectifs
d’apprentissage, qui se développent au contraire dans un décalage nécessaire avec l’actualité
didactique officielle, et où triomphent travail d’après-coup et retours en arrière. Les
dynamiques cognitives individuelles se cachent souvent derrière un certain immobilisme
apparent ; l’apprentissage se réalise bien rarement« en temps didactique réel », et le professeur
ne saurait donc se contenter d’être l’ordonnateur du temps didactique officiel. Il est tout autant
un aide à l’étude qui, à travers divers dispositifs didactiques (modules, soutien, etc.), contribue
de manière décisive à favoriser la mise en accord du temps individuel de chaque « apprenant »
avec le temps collectif de l’étude. (pp. 11-12)
En dehors de l’étude de la notice, qui a pris place lors de la première séance, le test d’entrée a
donné lieu à une séance de travaux dirigés (le jeudi 19 septembre 2013) dont l'objet était que
certains étudiants présentent un test d'entrée sur un thème donné. Les notes de cours en
donnent un compte rendu lapidaire (Artaud, 2013) :
On n’a pas à « tout » tester sur un thème donné et il s’agit de se concentrer sur ce qui a été
étudié dans la classe précédente et qui est directement utile pour constituer le milieu de l’étude
à venir. Il n’est pas utile de répéter plusieurs fois le même type de tâches et il faut formuler les
consignes de façon à être « presque sûrs » d’obtenir les techniques mises en œuvre. Trois
items semblent un étalon acceptable. (p. 44)
On y voit principalement des ingrédients techniques : donner autour de trois items, se
concentrer sur ce qui a été étudié et qui est directement utile pour constituer le milieu de
l’étude à venir. D’un point de vue technologique, c’est la constitution du milieu qui est
explicitement mobilisée par le formateur pour justifier le choix des types de tâches à tester.
Les notes de cours de l’UE de didactique du second semestre ne portent pas trace de la reprise
de l’étude, hormis une réponse du formateur dans le cadre du dispositif du « forum des
questions » lors de la troisième séance de formation, le mardi 18 février 2014 (Artaud,
2014a) :
Avant un test d’entrée, je demande aux élèves de savoir telle ou telle notion vue en cinquième.
Beaucoup d’élèves ne gardent pas leurs affaires des années antérieures. Pouvons-nous leur
donner une fiche récapitulative sur les années antérieures pour les tests d’entrée ? Par exemple,
une fiche avant chaque test.
Réponse express
1. On notera que le travail demandé pour le test d’entrée permet de fonctionnaliser la nécessité
de disposer de ressources, que ces ressources soient les notes prises les années précédentes (ce
qui donne une raison d’être à l’attention à porter à la qualité des traces écrites) ou encore se
présentent sous la forme d’une petite bibliothèque, papier ou numérique. Un ouvrage
54
d’exercices corrigés pour la classe de 6e, lorsqu’on est en cinquième, peut permettre de remplir
la fonction demandée mais bien d’autres ressources sont disponibles sur internet, dont par
exemple les cours de l’académie en ligne. Supposons qu’en 5e, on veuille préparer
l’enseignement de la statistique et que l’on ait donc à faire un test d’entrée à ce propos. Voici
ce que propose le site de l’académie en ligne sur la gestion des données en sixième :
http://www.academie-en-ligne.fr/College/RessourcesInformatives.aspx?
PREFIXE=AL4MA61&CONCEPT=AL4MA61-INTR-194914-1. (Examiné en séance) On
peut également utiliser les ressources de la médiathèque, voire les « exerciciels », à condition
d’avoir travaillé préalablement avec les élèves l’utilisation de ce type de ressources.
2. Si l’on s’oriente sur la distribution de fiches, il faut prendre soin d’y faire figurer la
praxéologie dans son ensemble, et pas uniquement l’environnement technologico-théorique, et
l’assortir de deux ou trois énoncés d’exercices complétés par un corrigé. (p. 20)
L’accent est ici mis sur le travail personnel de l’élève en amont du test d’entrée, travail qui
consiste notamment à travailler des œuvres antérieurement étudiées à partir de ressources,
certaines élaborées antérieurement alors qu’il appartenait à un autre système didactique,
d’autres disponibles en ligne. La responsabilité didactique de l’élève est engagée tant du point
de vue de la constitution d’un milieu d'étude adéquat que de la volonté de se mettre à jour afin
de ne pas retarder l’avancée du temps didactique de la classe. On y voit aussi la mise en place
d’un dispositif d’étude, la fiche de synthèse, élaborée par le professeur, œuvre supplémentaire
disponible dans le milieu.
3. 2. Équipement praxéologique de professeurs débutants
Sous les contraintes de la formation, une praxéologie autour de la réalisation d’un test
d’entrée se met difficilement en place. Ainsi lors d’une séance de travaux dirigés mi-
novembre, le formateur fait une enquête.
Voici le compte rendu contenu dans les notes de cours (Artaud, 2013) :
Une enquête sur le test d’entrée a été réalisée lors de la séance de TD du 14 novembre. Sur les
11 élèves professeurs en responsabilité ayant rendu l’enquête, 4 ont fait un test d’entrée relatif
au thème en cours d’étude, 6 non et 1 signale deux thèmes, l’un ayant fait l’objet d’un test
d’entrée l’autre pas.
Parmi les raisons avancées pour justifier la non réalisation d’un test d’entrée, deux évoquent
des problèmes de gestion du temps de préparation ; deux la mise en place d’un autre
dispositif : travail à faire sur du « vocabulaire », exercice donné hors classe ; deux le fait que
le thème qui aurait dû être testé a été travaillé précédemment et évalué ; un enfin le fait que le
niveau des élèves dans le domaine le satisfait. (p. 101)
Il insiste sur deux ingrédients technologiques pour justifier la nécessité du dispositif (ibid.) :
Dans les réponses fournies, il apparaît nettement deux points problématiques : d’un côté, la
plupart « oublie » une des fonctions du test d’entrée, qui est d’aider à la fabrication du milieu
55
pour l’AER ; d’un autre côté, la nécessité pour le professeur d’avoir une image « objective »
des techniques que les élèves ont en main. (p. 101)
Les réponses à l’enquête (voir annexe 3.2) que nous avons pu nous procurer laisse voir que
parmi les quatre élèves professeurs qui mettent en place un test d’entrée, deux d’entre eux le
font porter principalement sur l’environnement technologico-théorique :
Oui. À partir d'une figure, il devait donner le rayon, le diamètre, le centre ; quel instrument
utilisent-ils pour construire un cercle et quelle était la particularité du triangle rectangle. Ce
test avait pour but de voir s'ils maitrisaient le vocabulaire car j'avais déjà fait en début d'année
un test sur la construction.
Un autre teste une organisation mathématique qui ne comprend pas les éléments étudiés
l’année précédente : « Oui, test sur l'OM généralités sur les fonctions (image / antécédent,
ensemble de définition, tableau de variations) ». Ce qui frappe surtout, c’est que tous sont
capables de restituer, avec parfois quelques flottements, les raisons d’être de ce dispositif,
sans pour autant le mettre en œuvre. Bien entendu, ce sont des débutants et nous sommes au
milieu du premier semestre de l’année universitaire et scolaire, mais il y a bien là une
résistance particulière : en effet, même s’ils ont des difficultés, ils n’envisageraient pas de ne
pas mettre en place d’évaluation de fin d’étude du thème à ce moment de l’année. On notera
cependant que la contrainte de la formation fera effet puisque à la fin de l’année huit d’entre
eux mettent en place un test d’entrée dans la séquence qui sert de support à l’évaluation – ce
qui ne garantit pas que ce geste soit routinisé (voir infra).
Les rapports de visites du premier semestre se font l’écho de problèmes liés à l’absence d’une
reprise de l’étude adaptée. Sur les 12 rapports transmis, 3 regrettent qu’un test d’entrée n’ait
pas été mis en place en attribuant partiellement sans doute à son absence les problèmes de
disponibilité du milieu observé :
On voit aussi que l’absence de dispositif de test d’entrée dans l’étude n’a pas permis au
professeur de mesurer la stabilité du milieu nécessaire à la réalisation de l’activité pour faire
émerger un savoir nouveau, et que le manque de milieu fait du bruit. (Saada, 2013)
Un autre met en évidence qu’un test d’entrée pertinent a été mis en place mais que c’est son
exploitation qui est inadéquate. En effet, si l’élève professeur fait un rapport de correction
rapide pour se concentrer sur le troisième exercice qui a posé des difficultés à la majeure
partie de la classe, il adopte « un mode de travail relevant de l’émergence d’une organisation
mathématique inédite alors qu’il s’agit de la correction d’un test d’entrée, qui sert de travail
transitionnel sur une organisation mathématique déjà étudiée ». (Artaud, 2014b)
Les difficultés observées persistent jusqu’à la fin du premier semestre. Lors de l’épreuve
écrite en temps limité, les élèves professeurs sont interrogés sur le dispositif du test d’entrée,
et si le repérage de la frontière entre l’ancien et le nouveau semble s’être intégré à
l’équipement praxéologique de ces débutants du moins du point de vue de la conception, la
56
présence du travail transitionnel éventuel à mener à l’issue du test d’entrée semble beaucoup
plus incertaine.
Le test d’entrée faisait l’objet de la deuxième question de l’épreuve dont nous reproduisons
ci-dessous la première partie de l’énoncé :
On considère un élève professeur, P, ayant en charge une classe de 4e, qui prépare et réalise
une séquence d’enseignement sur l’addition et la soustraction des nombres relatifs en écriture
fractionnaire. On trouvera en annexe 1 les extraits du programme de cinquième et de
quatrième sur ce sujet, ainsi qu’un extrait du document « Ressources... » sur le calcul
numérique au collège.
Question 1 (4 points)
On trouvera en annexe 2 une ébauche d’organisation mathématique relative au sujet traité.
L’évaluer et la développer conformément au programme.
Question 2 (6 points)
Comme il s’agit d’une reprise de l’étude de la classe de 5e, P prépare un test d’entrée d’une
durée de 10 minutes dont voici l’énoncé :
La calculatrice est interdite.
Exercice 1 : Compléter les égalités suivantes : 5
6 =
…
30
2
7 =
…
21
1
5 =
…
20
− 8
11 =
…
66
Exercice 2 : Calculer et donner le résultat sous forme de fraction : 7
29 +
5
29 =
17
9 ‒
8
9 =
3
8 +
5
4 =
11
25 +
3
5 =
16
21 ‒
2
7 =
− 2
3 ‒
11
15 =
a) P montre ce test d’entrée à son tuteur. Celui-ci lui indique qu’il manque un sous-type de
tâches et qu’interdire la calculatrice n’est pas pertinent. Justifier les remarques du tuteur et
modifier le test d’entrée de façon à les prendre en compte.
b) Expliciter un dispositif qui permette d’exploiter ce test d’entrée.
12 des 14 élèves professeurs présents repèrent que le test d’entrée propose des spécimens
inadéquats, ceux avec des nombres négatifs puisque le programme de la classe de 5e
indique
que le calcul sur les nombres en écriture fractionnaire porte uniquement sur des nombres
positifs : ils les suppriment dans leur modification de l’énoncé. Concernant l’utilisation de la
calculatrice, huit d’entre eux précisent qu’elle donne un moyen de vérification des résultats et
un ajoute qu’elle permet aussi d’anticiper. Ils modifient alors le test d’entrée en demandant
aux élèves de laisser les traces de la technique employée, ou d’écrire des étapes à trous.
Six élèves professeurs n’ont pas compris la dernière question ou n’y ont pas répondu. Parmi
les huit autres, cinq précisent que le test d’entrée doit être proposé une semaine avant le début
57
de l’étude ; quatre qu’il permet au professeur de prendre connaissance des manques de ses
élèves et un ajoute qu’il permet aussi « de les informer de ce qu’ils sont sensés savoir ».
Plusieurs dispositifs sont alors proposés pour la mise en œuvre du travail transitionnel. Nous
citons ci-dessous les commentaires de ces élèves professeurs (EP) :
‒ … faire quelques rappels si [le professeur] constate que la classe entière a des difficultés,
donner quelques exercices sous formes [sic] de DM si seulement quelques éléments de la
classe présentent des lacunes ou alors, [le professeur] ne fera aucun supplémentaires [sic]
après avoir remarquer [sic] avec fierté, que toute la classe s’en sort (EP1) ;
‒ … si les résultats sont largement insuffisants revoir avec les élèves ces 2 techniques (EP2) ;
‒ … retravailler (EP3) ;
‒ … si la classe a échoué massivement un exercice particulier […] il sera nécessaire de revenir
brièvement sur les compétences attendues […] et de donner du travail à la maison pour
rattraper ce retard (EP4) ;
‒ Si une grande majorité des élèves n’ont [sic] pas acquis ces techniques, le professeur peut
rappeler brièvement la technique aux élèves et les inciter à revoir leur cours et exercices de
l’années précédentes [sic] (EP5) ;
‒ Chaque élève retravaille sur ses difficultés chez lui (EP6) ;
‒ Ainsi il pourrait être donné aux élèves de manière individualisée différentes planches
d’exercices à faire à la maison, chaque planche reprenant un type de tâche [sic] particulier (ou
un sous type de tâche [sic]) qui doit être maitrisé avant le début de la séquence (EP7) ;
‒ Si le taux de réussite n’est pas assez élevé à l’une ou l’autre des parties du test d’entrée, il
faudra faire un/des rappels le moment voulu (quand les élèves en auront besoin) (EP8).
Ainsi les techniques de réalisation du travail transitionnel restent à ce stade de l’année pour
beaucoup d’élèves professeurs à l’état d’ébauche.
L’équipement praxéologique relatif à la réalisation de la reprise de l’étude de ces professeurs
débutants évolue au cours du second semestre avec une mise place du test d’entrée plus
importante, même si ce dernier ne constitue pas un dispositif didactique routinier. En
revanche, l’organisation du travail transitionnel reste peu présente. À la fin du second
semestre, les élèves professeurs sont interrogés sur la réalisation de la reprise d’étude dans la
deuxième question de l’épreuve écrite en temps limité. L’examen porte sur une séquence
d’enseignement que l’élève professeur a conçu et mis en œuvre dans l’une de ses classes en
responsabilité, le choix du thème d’étude étant laissé au candidat. Nous en reproduisons ci-
dessous l’énoncé :
Question 1
Présenter rapidement la structure et le contenu de la séquence choisie.
Question 2
Comment la reprise de l’étude a-t-elle été réalisée dans la séquence choisie ? Quel jugement
peut-on porter sur cette réalisation ? (analyse et évaluation)
Question 3
Quel a été le topos de l’élève dans la réalisation du moment exploratoire ? Quel jugement
peut-on porter sur la qualité de ce topos ? Quelle modification pourrait-on proposer de façon à
58
améliorer la qualité du topos de l’élève dans la réalisation de ce moment ? (analyse, évaluation
et développement)
Sur les 16 élèves professeurs présents, 3 justifient qu’ils n’ont pas effectué de test d’entrée
« par manque d’anticipation » ou par le fait que le milieu nécessaire portait sur un thème
étudié précédemment dans l'année scolaire. Un autre a fait des rappels les deux semaines
précédentes sur les techniques et les éléments technologiques nécessaires à l’entrée dans le
thème nouveau, et dix évoquent la mise en place d’un test d’entrée. Parmi ces derniers, 8
donnent les modalités de sa réalisation. Certains évoquent une correction du test par le
professeur suivie de rappels mais peu indiquent les modalités d’un travail transitionnel. Nous
citons ci-dessous quelques passages :
Pour la reprise de l’étude, j’ai proposé un test d’entrée aux élèves. […]Test qui n’a pour autant
pas été noté. Il a été donné la veille des vacances de février […] et a duré une dizaine de
minutes. […] À la rentrée nous avons corrigé le test assez rapidement. […] À l’arrivée des
élèves dans la salle, le test d’entrée était rétro-projeté et les copies, annotées, étaient
distribuées sur les bureaux. Une fois les élèves dans le calme et prêts à travailler, la correction
de l’exercice était principalement dans le topos des élèves : ils ont tenté de corriger tout
d’abord, seuls, sur leur copie, ce qui n’allait pas ou ce qu’il manquait. Après quelques minutes
de travail individuel, les élèves pouvaient discuter par deux pour s’aider, puis nous sommes
passés à une mise en commun pour une correction en classe entière. Une fois ce travail
effectué, nous avons rappelé les principales propriétés … (EP6)
Le test d’entrée a été donné aux élèves ; avant chaque question, le professeur à demander [sic]
à la classe quelles techniques pouvaient être utilisé [sic] pour répondre à la question, il a écrit
les réponses données par les élèves au tableau. Puis chaque élève a fait le travail demandé seul
sur sa feuille. Une correction par un des élèves, quand l’ensemble de la classe a fini l’exercice,
a été faite au tableau. Une amélioration de la rédaction (formulation et justification) a été
apporté [sic] par d’autres élèves et le professeur. (EP9)
Face aux difficultés rencontrées pour certains, j’ai décidé de faire travailler mes élèves sur ces
difficultés en leur donnant les exercices suivants à faire à la maison. (EP3)
Dans les réponses à la troisième question, deux élèves professeurs précisent que le topos de
l’élève aurait pu être amélioré en ménageant un milieu didactique suffisant :
Le premier point de remédiation serait donc de s’assurer qu’un milieu suffisant est déjà acquis
par les élèves. (EP7)
Je pense que la seule manière d’améliorer la qualité du topos de l’élève lors de cette séance
aurait été de faire un travail de rappel sur les vecteurs encore plus approfondi, peut-être donner
un DM à faire sur ces rappels. (EP4)
59
On notera que le premier d’entre eux, en stage de pratique accompagnée, n’a pas mis en place
de test d’entrée en raison des contraintes fixées par le professeur titulaire de la classe, et le
second était dans le cas « test avec correction suivi de rappels », les élèves ayant en quasi-
totalité échoué au test d’entrée – ce qui augure de son calibrage.
Ainsi, à la fin de cette année de formation, il apparait que l’équipement praxéologique
concernant la reprise de l’étude de ces élèves professeurs est relativement maigre, même si
certains éléments technologiques ont pu être intégrés et qu’une pratique balbutiante se met en
place.
Au cours de l’année universitaire qui a suivi, le formateur a eu l’occasion de rencontrer à trois
reprises trois de ces professeurs débutants venus, sur la base du volontariat, échanger sur leurs
praxéologies professionnelles. Même si le petit nombre et les conditions de réalisation de ce
partage ne permettent pas de généraliser, nous voyons apparaître un nouveau dispositif qui
vient se substituer au test d’entrée, celui des rituels en début de séance. Voici ce qu’en dit EP3
lors de la première séance de travail :
Moi je me sers beaucoup des rituels. J’essaie de revenir sur les chapitres d’avant ou sur le
chapitre qu’on est en train de faire. Au début, je faisais plus de tests d’entrée que de rituels,
mais maintenant c’est l’inverse parce qu’ils aiment bien en fait. Ils comprennent plus. Ils
savent que lorsque je fais l’appel, ils font ça et après on corrige ensemble. Pour eux, c’est
normal. Et là je fais systématiquement pour les obliger à apprendre. Donc c’est pas vraiment
des tests d’entrée mais j’arrive pas à tout faire. (EP3)
On voit ici, d’une part, que la routinisation des dispositifs est un élément qui favorise leur
existence au sein du système didactique ; et, d’autre part, la difficulté pour ce débutant de
moduler la routinisation en fonction des besoins didactiques de la classe – on pourrait en effet
avoir une routine de « fin de chapitre » et pas seulement une routine de début de séance. En
d’autres termes, la routinisation est sans doute non seulement un moyen de négocier
l’existence de certains dispositifs auprès des élèves mais aussi de faciliter le travail du
professeur en allégeant la pression de l’avancée du temps de l’étude. Du point de vue de la
reprise de l’étude, ce dispositif de « rituels » diminue fortement la responsabilité didactique de
l’élève mais, compte tenu des données dont on dispose, on ne sait pas quels effets cette
diminution a sur le fonctionnement de la classe. On peut noter que nous avions vu apparaitre
les rituels pour reprendre l’étude dans un des ouvrages analysés au chapitre précédent, le
manuel pour l’enseignant édité par l’académie de Nantes (Bonjean Le Bechec, Rouquès &
Stainer, 2014), et que l’équipement praxéologique issu de la formation se modifie donc au
contact de la profession.
La raison du manque de temps est souvent invoquée par ces professeurs débutants pour
justifier le non recours au test d’entrée. L’un d’eux met en avant des contraintes liées à
l’emploi du temps empêchant une avancée suffisante du temps didactique :
Les tests d’entrée sont souvent trop proches de la séance où on travaille le thème, cela ne
permet pas toujours un retour en classe (mais plutôt à la maison). (EP10)
60
Ils commencent cependant à développer des dispositifs de mise en œuvre du travail
transitionnel :
… je leur donne un petit travail à faire, ou alors je leur dis de revoir et le lendemain on fait un
petit exercice, ou alors je leur dis qu’on arrête et on le reprend la fois prochaine. […] Je vais
reprendre beaucoup, si je vois qu’il y a une grosse difficulté. (EP3)
Si on voit que c’est seulement quelques élèves, je dépose un document sur Chamilo. Si c’est
une majorité d’élèves, on fait des exercices supplémentaires en rappelant les méthodes. […]
On va passer du temps si on voit que c’est vraiment une difficulté de la classe. Je travaille
surtout les exercices dont je vais avoir besoin pour le chapitre suivant. S’il y des difficultés, on
refait un exercice. (EP10)
Notons pour terminer que des difficultés persistent, que certains identifient nettement, comme
en témoigne l’extrait suivant : « Souvent les tests d’entrée sont trop longs, du mal à cibler les
points les plus importants. Dans la correction je ne fais pas apparaitre toutes les techniques
possibles la plus utilisée et la plus rapide, avec une vérification » (EP9).
Compte tenu de ce que nous avons mis en évidence dans le chapitre précédent, l’étude, dans
les années à venir, des questions restant problématiques va sans doute avoir du mal à
s’appuyer sur les ressources institutionnelles.
3. 3. Évolution de la formation et ces conséquences
À la suite de la réforme de la formation des enseignants, les lauréats des concours de
l’enseignement sont fonctionnaires stagiaires à mi-temps en établissement et ont obligation de
suivre parallèlement la formation dispensée par l’ESPE ; certains ont en outre à valider dans
le même temps leur deuxième année de « Master Enseignement Éducation et Formation ». Le
groupe d’étudiants de la promotion 2014-2015 en position de professeur stagiaire est ainsi
constitué de lauréats du CAPES interne, du CAPES externe, de l’Agrégation, de professeurs
en renouvellement ou en report de stage lauréats des anciens concours. Certains (un quart
environ) ont déjà suivi dans leur cursus des cours de didactique ; les autres découvrent cette
discipline. L’accompagnement du stagiaire est réalisé suivant un « tutorat partagé » par un
tuteur de terrain et un tuteur de l’ESPE, intervenant ou pas dans la formation. Leur
titularisation est conditionnée par trois avis, celui du chef d’établissement, celui de
l’institution de formation et celui du corps d’inspection. L’assujettissement de ces professeurs
débutants à ces différentes institutions constitue un ensemble de conditions et de contraintes
qui vont influer sur la formation de leur équipement praxéologique.
La formation dispensée ne comprend plus qu’une UE de didactique lors de chaque semestre
(30 heures au premier et 24 heures au second). La reprise de l’étude y a été abordée lors de la
cinquième séance de formation, le mardi 14 octobre 2014, par l’analyse du paragraphe 4
« Organisation des apprentissages et de l’enseignement » du préambule pour le collège du
programme de mathématiques (MEN, 2008), examiné au chapitre précédent, et de la
quatrième partie de la notice citée plus haut (Chevallard, 2006). Au cours de la séance 6, le
61
mardi 4 novembre 2014, les professeurs stagiaires avaient à poursuivre le travail en groupe de
trois selon la consigne que nous reproduisons ci-dessous, le formateur circulant dans les
groupes comme aide à l’étude :
Sur le thème d’étude choisi et pour lequel vous avez déjà constitué l’organisation
mathématique après analyse des programmes et documents ressources ; reprendre la
délimitation de la frontière entre le niveau de classe antérieur et celui actuel, puis concevoir un
test d’entrée dans l’étude.
Ce travail a été poursuivi en autonomie pour être inséré au dossier rendu le 18 décembre 2014
pour l’évaluation de l’UE : dans ce dossier, les professeurs stagiaires avaient à fournir les
extraits des programmes pertinents, des documents ressources et manuels consultés ; une
analyse des programmes et l’organisation mathématique à enseigner ; un test d’entrée, une
AER accompagnée d’un guide de questions cruciales et d’une analyse a priori des épisodes
des moments de l’étude réalisés.
Les 12 dossiers rendus témoignent d’une technique de constitution du test d’entrée intégrée
aux praxéologies de reprise de l’étude chez ces professeurs stagiaires. Les tests sont
correctement calibrés au niveau des exercices proposés. Cependant deux d’entre eux
présentent des manques, l’analyse du milieu nécessaire n’ayant pas été suffisante, et un autre
propose deux exercices (sur les quatre constituant le test) faisant travailler des types de tâches
de l’année en cours. On voit que c’est le repérage de la frontière entre l’ancien et le nouveau
qui fait ici défaut.
Au cours du second semestre, la reprise de l’étude a été mentionnée à nouveau lors de trois
séances de formation : au cours de la cinquième séance, le mardi 10 mars 2015, le formateur a
exposé les résultats d’une enquête sur la gestion de la reprise de l’étude dans les manuels de
sixième sur le thème de la symétrie axiale dont nous avons donné les éléments au chapitre
précédent ; lors des séances 7 et 8 des 7 et 14 avril 2015, les professeurs stagiaires avaient à
décrire, analyser et évaluer la réalisation de la reprise de l’étude d’une séquence
d’enseignement menée par un collègue à partir des traces écrites que ce dernier avait
apportées en séance. Ces exposés ont été suivis par une mise en commun et des commentaires
oraux sur les praxéologies développées par les professeurs stagiaires. La plupart dit être
consciente de la pertinence du test d’entrée, mais la majorité ne le met pas en œuvre. Les
motifs évoqués sont analogues à ceux que nous allons voir mobilisés dans les réponses à
l’évaluation analysée ci-après.
En effet, comme l’année précédente, les élèves professeurs sont interrogés sur la réalisation de
la reprise d’étude dans la deuxième partie de l’épreuve écrite en temps limité en fin de
semestre (le 12 mai 2015). L’examen porte sur une séquence d’enseignement que l’élève
professeur a conçu et mis en œuvre dans l’une de ses classes en responsabilité, le choix du
thème d’étude étant laissé au candidat. Nous en reproduisons ci-dessous l’énoncé :
Partie 1
Présentez le thème de la séquence choisie, l’organisation mathématique retenue et le
déroulement de l’étude sur la séquence.
62
Partie 2
Comment la reprise de l’étude a-t-elle été réalisée dans la séquence ?
Quel jugement peut-on porter sur cette réalisation ?
Partie 3
Présentez une AER proposée aux élèves au cours de la séquence (énoncé et guide des
questions cruciales).
Quelle a été la place de l’élève au cours de la réalisation de cette AER ? Quelle(s)
modification(s) pourrait-on apporter pour en améliorer la qualité ?
Sur les 29 professeurs stagiaires présents, 2 justifient de ne pas réaliser la reprise de l’étude
par le fait que le thème d’étude est nouveau au niveau considéré, 2 autres d’une reprise de
l’étude limitée en raison de la place de la séquence dans l’année (la première). Quatre
présentent un dispositif très sommaire de reprise de l’étude à partir soit d’un questionnement
oral de la classe avant de débuter l’activité, soit par des exercices sans que l’on sache s’ils ont
été ramassés ou non par le professeur ni comment la correction a été réalisée.
14 professeurs stagiaires évoquent le dispositif du test d’entrée mais 6 disent de pas y avoir eu
recours dans cette séquence soit en raison du fait que le milieu nécessaire ne comporte que
des notions vues l’année en cours (un professeur) ; soit en raison de la non difficulté du thème
d’étude : ces deux professeurs ont alors préféré démarrer directement l’étude par une activité ;
soit en raison de la difficulté ressentie du thème (le calcul littéral) : ces deux professeurs ont
donc décidé d’en reprendre l’étude ab ovo ; soit en raison d’un contrôle commun qui a
précédé l’étude. Ce dernier professeur note le manque d’efficacité de ce dispositif et indique
qu’il a alors mis en place un travail transitionnel :
… elle n’a pas été pertinente dans l’immédiat, puisque, suite au contrôle commun, plusieurs
élèves ont eu des difficultés dans des factorisations et développements d’expressions. Un
travail de remédiation a donc dû être réalisé en cours de chapitre, relativement tôt
heureusement.
Cela montre ainsi que réaliser des exercices de révisions, bien que utile pour certains, n’est pas
révélateur sur l’ensemble du niveau car des informations sur certains élèves ne pourront être
récolté [sic] avec précision, contrairement à une épreuve ramassée.
Parmi les huit professeurs stagiaires qui ont effectué un test d’entrée, un seul de ces
enseignants donne comme ingrédient technique la réalisation de la frontière entre les deux
niveaux de classe pour la constitution de test d’entrée. Deux disent compléter le test d’entrée
par des rituels en début de séance tout en précisant qu’un tel dispositif est surtout efficace
pour le calcul mental. Et deux évoquent brièvement un travail transitionnel : « soutiens oraux
ou écrits et accompagnement spécifique durant les temps de travail personnels »,
« remédiation – consolidation en utilisant LaboMep ».
Les sept derniers professeurs stagiaires décrivent des dispositifs alternatifs au test d’entrée :
fiche à faire à la maison ramassée et corrigée oralement, rappels dans le cours,
63
questionnement oral au cours de l’activité, recherche au CDI, devoir maison, rituels. Deux
analysent le manque d’efficacité du dispositif utilisé car il ne permet pas de cibler les
difficultés de chaque élève et empêche la mise en place d’un travail transitionnel.
On retrouve dans l’ensemble les résultats obtenus l’année précédente, sous des conditions un
peu différentes. La conception d’un test d’entrée ne pose pas véritablement de difficulté à être
dans l’équipement praxéologique. C’est la mise en œuvre du dispositif de reprise de l’étude
intégrant le test d’entrée qui est la pierre d’achoppement principal. À cet égard la proportion
d’élèves professeurs ayant mis en place un test d’entrée dans la séquence qu’ils ont choisie
pour l’évaluation diffèrent sensiblement : 10 sur 16, soit 62,5 %, en 2013-2014, contre 8 sur
29, soit 27,6 %, en 2014-2015. Malgré le peu de robustesse de nos données statistiques, on ne
peut s’empêcher d’y voir l’influence de la diminution horaire de la formation qui
s’accompagne d’une légitimité plus faible du travail didactique mené à l’ESPE.
64
65
4. La voix du professeur
Nous examinerons ici les réponses obtenues à un questionnaire diffusé dans l’académie
d’Aix-Marseille auprès de trois populations : des professeurs stagiaires au cours de l’année
2014-2015, des tuteurs de terrain de ces professeurs stagiaires et des professeurs titulaires
n’ayant pas de responsabilité institutionnelle envers ces derniers. Nous les nommerons
stagiaires, tuteurs et professeurs dans la suite. Nous comparerons les réponses de ces trois
populations et nous les éclairerons avec les résultats de notre étude précédente. Ce
questionnaire a également été diffusé auprès de formateurs à l’ESPE d’Aix-Marseille mais
nous n’avons eu aucune réponse en retour. Nous aurions pu le proposer à des formateurs
d’une autre académie mais le temps a manqué pour effectuer cette démarche.
4. 1. Une enquête par questionnaire
L’idée de diffuser un questionnaire est apparue au début de l’année 2015. Ne sachant
comment construire un tel questionnaire sans révéler l’objet de notre étude, nous avons fait
appel à Yves Chevallard qui a accepté de nous rencontrer pour nous donner quelques conseils
méthodologiques. Après cet entretien, nous avons élaboré un premier questionnaire
demandant aux enseignants de mathématiques sondés de porter un jugement sur l’efficacité de
quatre praxéologies qu’ils ont pu observer ou mettre en œuvre en justifiant leurs propos.
Commenté par Yves Chevallard lors de la séance 4 du 1er avril 2015 du cours « sur les
praxéologies de recherche en didactique » qu’il donnait aux étudiants du master Recherche en
didactique des mathématiques (Chevallard, 2015), nous l’avons repris, et constitué en
parallèle un deuxième questionnaire basé sur les propositions alternatives données par Y.
Chevallard. Nous les nommerons questionnaire 1 et questionnaire 2 dans la suite. Le lecteur
pourra les consulter en annexe 4.1.
Dans un premier temps, ces questionnaires ont été diffusés auprès des professeurs stagiaires
en formation à l’ESPE à la fin de la séance de travaux dirigés du 7 avril de l’UE de didactique
(questionnaire 1 au groupe 2 et questionnaire 2 au groupe 1 pour des raisons d’emploi du
temps). La contrainte du moment de diffusion de ces questionnaires a permis de récolter 27
retours (13 pour le questionnaire 1 et 14 pour le questionnaire 2). À la lecture des réponses
obtenues, il nous est apparu intéressant de continuer à proposer les deux questionnaires. Nous
avons demandé aux professeurs stagiaires de les diffuser auprès des professeurs de
mathématiques de leur établissement. Nous les avons aussi distribués aux professeurs en
formation au CAPES interne de mathématiques et aux étudiants du master Recherche en
didactique des mathématiques. Nous avons obtenu 10 réponses de tuteurs (6 pour le
questionnaire 1 et 4 pour le questionnaire 2) et 28 réponses de professeurs (11 pour le
questionnaire 1 et 17 pour le questionnaire 2). Ainsi l’analyse qui suit porte sur 65 réponses
récoltées. Le faible nombre de tuteurs ayant répondu ne nous permettra pas d’avoir une
représentativité suffisante de cette population pour en tirer systématiquement des
enseignements significatifs. Pour cette raison, nous la rassemblerons avec celle des
professeurs, tout en spécifiant certains éléments quand cela nous paraîtra pertinent.
66
4. 2. La reprise de l’étude comme geste professionnel
Nous avons rassemblé les réponses obtenues dans un tableau synthétique par type de
techniques de reprise ou de pratiques de professeur que nous nommerons pour alléger
l’écriture technique A, technique B, technique C et technique D. Le lecteur pourra s’y référer
en annexe 4.2a. Les propos des enquêtés ont été recopiés sans correction des fautes
d’orthographe. Nous analyserons les réponses par type de techniques et nous finirons par une
synthèse.
La technique A a pu être observée ou mentionnée par la grande majorité des enquêtés ; près
des trois quarts (72 %) des professeurs ou tuteurs ont entendu parler de cette technique contre
un peu plus de la moitié des stagiaires (58 %). Ils sont en revanche peu à la pratiquer ou à
l’avoir pratiquée (respectivement 40 % et 22 %) ; la différence pouvant s’expliquer par la
longueur de la carrière des premiers. L’efficacité moyenne s’établit à un peu plus de 2 pour
les professeurs et les tuteurs, et un peu moins pour les stagiaires. On peut noter une évaluation
de l’efficacité accrue chez les quatre tuteurs qui répondent au deuxième questionnaire sans
que des justifications viennent véritablement éclairer ce point ; ce sont trois des quatre tuteurs
ayant répondu au deuxième questionnaire qui forment les bâtons relatifs à 4 et 5 dans les
diagrammes ci-dessous mais deux d’entre eux n’avancent pas d’explication.
Sur le premier questionnaire, les stagiaires sont un peu plus nettement du côté de l’inefficacité
que les professeurs mais dans l’ensemble, on note le même comportement, comme le
montrent les diagrammes en bâtons ci-dessous :
0
0,5
1
1,5
2
2,5
1 2 3 4 5
A - tuteurs quest. 2
0
1
2
3
4
5
1 2 3 4 5
A - tuteurs quest. 1
0
1
2
3
4
5
1 2 3 4 5
A - profs quest. 1
0
1
2
3
4
5
6
1 2 3 4 5
A - stagiaires quest. 1
67
L’environnement explicatif montre une nécessité de revoir ce qui a été étudié ; cependant on
note une disqualification massive des révisions en début d’année. L’ingrédient justificatif
majoritairement avancé est le manque d’efficacité, ou de programme trop lourd pour se
permettre de perdre du temps d’horloge :
‒ … peu efficace, ça ennuie les élèves qui maitrisent et replace en situation d’échec les autres,
pas constructif (P1)
‒ Ce n’est pas très efficace car extrêmement chronophage tout en faisant travailler des élèves
sur des notions qu’ils connaissent pour la plupart et qui seront de toute façon revue [sic] dans
l’année. (P3)
‒ Les programmes sont si denses qu’il me parait malvenu d’entamer de telles révisions. (P8)
‒ … les révisions demandent du temps et le programme risque de ne pas être bouclé (S13)
On retrouve le problème relevé plus haut dans notre étude du temps didactique qui doit
avancer, ce qui se cache ici parfois sous la motivation ou l’intérêt des élèves.
Il est intéressant de noter la contrainte de la progression commune relevée par un stagiaire
comme ayant favorisé cette technique dans sa pratique professionnelle et l’analyse
d’inefficacité qu’il en a tiré :
J’ai été obligé de part [sic] la progression commune à suivre cette pratique. Je trouve que cette
pratique est une perte de temps. Les élèves ayant déjà compris tout ceci s’ennuient et nous
n’avons pas le temps de vraiment aider les élèves en difficulté à comprendre ces notions. (S10)
Un tuteur avance cependant un ingrédient favorable à cette technique : « Les élèves oublient
et certaines notions ont besoin d’être remises correctement “à plat” régulièrement » (T’4 qui a
0
2
4
6
1 2 3 4 5
A - profs quest. 2
0
2
4
6
1 2 3 4 5
A - stagiaires quest. 2
0
2
4
6
8
10
1 2 3 4 5
A - profs total
0
2
4
6
8
10
12
1 2 3 4 5
A - stagiaires total
68
évalué à 4 l’efficacité de cette technique A) ; mais on peut interpréter davantage cet argument
comme une nécessité de reprendre l’étude en début de chapitre ou quand le besoin s’en fait
ressentir que l’on retrouve dans certains autres propos : « Par contre, il est souvent utile, en
début de chapitre, de rappeler quelques prérequis » (P5). Ce tuteur avance en effet l’argument
suivant en référence à la technique D : « Toujours besoin de reprendre les notions basiques à
de nombreuses reprises et dans des conditions aussi variées que possibles » qui peut venir
faire écho à l’injonction que nous avons vue mentionnée dans les programmes de faire
fonctionner les connaissances acquises.
L’efficacité moyenne plus faible chez les stagiaires se trouve expliquée par des références aux
demandes de l’institution que nous avons étudiées précédemment : « Il est déconseillé par
l’institution de procéder à des révisions systématiques en début d’année » (S’4) ; ce qui fait
sans doute écho au fait qu’ils débutent et que la formation s’appuie sur les demandes de
l’institution pour, partiellement sans doute, justifier les pratiques qu’elle pousse en avant.
L’un d’eux mentionne aussi un dispositif que nous avons relevé précédemment dans notre
étude des praxéologies de reprise de l’étude dans la profession : « ne pas le faire sous forme
de révisions mais sous forme de rituels de début de classe » (S3) ; dispositif qui ne semble pas
avoir pris place dans les pratiques des professeurs ou des tuteurs dont les questionnaires ne
mentionnent jamais ce dispositif. On notera qu’un seul stagiaire évoque un dispositif de
travail transitionnel : « Sur le calcul algébrique en début d’année, de nombreux élèves été
[sic] en difficulté. J’ai donc consacré une séance d’AP sur le sujet » (S’14) ; dispositif qui
prend donc place dans le système didactique auxiliaire que nous avons précédemment étudié.
La technique B est dans l’ensemble jugée plus efficace que la technique A avec une efficacité
moyenne plus importante chez les stagiaires. Elle est aussi moins connue des stagiaires
(46 %), mais une plus grande proportion la met en œuvre (41 %). On remarque que les
diagrammes en bâtons sont quasiment inversés entre les professeurs et les stagiaires :
On peut expliquer cette différence par une mise en œuvre plus importante chez les professeurs
(48 %), qui la jugent par conséquent moins efficace.
Même si cette technique est dans l’ensemble davantage utilisée que la technique A (43 %
contre 33 %), les commentaires indiquent qu’elle n’est en rien « routinisée » dans les
pratiques des enseignants : « Appliquée systématiquement, cette technique peut ennuyer
certains élèves ». (P’4)
0
2
4
6
8
10
1 2 3 4 5
B - profs total
0
2
4
6
8
10
1 2 3 4 5
B - stagiaires total
69
Une efficacité plus importante est relevée par les stagiaires répondant au premier
questionnaire par rapport à ceux ayant eu le deuxième. On peut l’expliquer par le fait que les
premiers analysent souvent la technique B comme relevant du dispositif du test d’entrée
travaillé en formation, comme en témoignent certains commentaires :
‒ L’idée du test d’entrée est correcte, mais il faut adapter, améliorer ce que l’on trouve sur le
livre. (S4)
‒ Elle peut servir de test d’entrée dans le chapitre (à voir en fonction du contenu de ces
exercices). (S7)
On note que les stagiaires mettent aussi en avant le fait que les exercices ne sont pas
forcément adaptés à une reprise de l’étude ; ce que l’on retrouve dans certains commentaires
de professeurs : « Cette rubrique n’est pas toujours présente, et souvent les exos sont
purement techniques et sans fondements [sic] » (P1). Aucun ne mentionne explicitement
cependant que la non adaptation peut concerner les mathématiques en jeu.
Les stagiaires sont les seuls à évoquer la correction des exercices mentionnés dans la
technique B : « En revanche, la correction en classe est chronophage » (S4) ; « Une correction
formelle me parait une perte de temps » (S11). On retrouve ici une justification liée à
l’avancée du temps d’horloge, très rarement donnée dans le cas de cette technique.
La technique C est connue des trois quarts des enquêtés et environ les deux tiers l’ont déjà
mise en œuvre, même si on note une plus forte proportion chez les stagiaires (73 % contre
63 % chez les professeurs et les tuteurs). Elle est jugée beaucoup plus efficace que les deux
techniques précédentes (près d’un point d’écart avec la technique B) dans l’ensemble, mais
avec davantage d’écart (plus d’un point) entre professeurs / tuteurs (2,9 d’efficacité moyenne)
et stagiaires (4,17 d’efficacité moyenne) qui s’accompagne en outre d’une dispersion plus
importante chez les professeurs (voir diagrammes ci-dessous).
Cette efficacité moyenne élevée chez les stagiaires peut s’expliquer par le fait que ceux-ci ont
reconnu dans la technique C le dispositif du test d’entrée travaillé en formation ‒ même si
certains reconnaissent des difficultés à la mettre en œuvre :
‒ Manque de temps et d’expérience. Mais je la mettrais [sic] en place l’année prochaine au vu
de son efficacité. (S’5)
‒ On nous a appris à faire ainsi, et en plus ça a l’air de marcher. (S’7)
‒ On nous a conseillé pour connaitre les acquis des élèves. Manque de temps. (S’8)
0
2
4
6
8
1 2 3 4 5
C - profs total
0
2
4
6
8
10
12
1 2 3 4 5
C - stagiaires total
70
‒ Trop compliqué à mettre en œuvre à mon niveau d’expérience même si je pense que cette
technique est la meilleure. (S’14)
On note trois commentaires sur le travail transitionnel :
‒ … pour être à 100 % efficace cela nécessite des « heures supplémentaires » pour les élèves
qui en ont besoin. (T3)
‒ Mais le moment de correction en classe est inutile d’après moi, ainsi que les exos à faire à la
maison. (S2)
‒ Si la notion n’est pas compris [sic], faire les exercices à la maison va être compliqué. (S8)
On y retrouve une contrainte institutionnelle liée au temps de l’étude qui gêne la mise en
œuvre de ce travail transitionnel, mais aussi des contraintes pédagogiques relatives à la
diminution, dans les dernières années, des systèmes didactiques auxiliaires qui favorisent une
prise en charge différenciée des élèves.
Il est intéressant de noter qu’un tuteur mentionne la responsabilité didactique des élèves dans
la technique C : « Si c’est fait les élèves peuvent se sentir davantage responsabiliser [sic] »
(T6) ; ce qui n’est pas relevé dans les autres techniques.
La technique D est largement connue (86 %) et mise œuvre (81 %) par l’ensemble des
enquêtés. Cependant même si elle est mise en œuvre par près des deux tiers des stagiaires
(65 %), on note une proportion très élevée chez les professeurs/tuteurs (92 %) avec
l’unanimité chez les tuteurs seuls. La technique D est jugée plutôt efficace par les enquêtés
(3,27) avec une efficacité moyenne plus élevée pour les tuteurs (3,7). On remarque une
répartition de l’efficacité moyenne vers des valeurs plus élevées dans le cas du questionnaire
1 alors qu’elle est plus dispersée pour le questionnaire 2, comme le montrent les diagrammes
en bâtons ci-dessous :
0
2
4
6
8
1 2 3 4 5
D - stagiaires quest. 1
0
2
4
6
1 2 3 4 5
D - profs quest. 1
71
Même si la technique D est largement mise en œuvre, les sondés, et plus particulièrement les
stagiaires, précisent qu’elle ne doit pas empêcher l’avancée du temps didactique :
‒ Cela peut être utile si le rappel est bref. Il ne faut pas que cela prenne toute la séance. (S5)
‒ Il faut que ce soit bref et ponctuel sinon c’est laborieux. (S8)
‒ Cela ne doit prendre trop de temps. (S13)
‒ Je trouve le procédé utile uniquement s’il est succinct et si ça ne transgresse pas trop avec la
tenue du cours. (P11)
‒ Valable ponctuellement pour avancer dans le cours. (P11)
L’argument avancé en faveur de la technique D est que les rappels apparaissent motivés :
‒ Il faut s’adapter en temps réel aux difficultés de sa classe et ne pas laisser les élèves bloqués.
(P4)
‒ Oui, les élèves sentent alors le besoin de maitriser ces compétences, il est alors plus facile de
les motiver sur ces tâches. (P9)
On retrouve aussi un aspect déjà relevé pour la technique A, à savoir le ménagement de
l’intérêt des élèves, révélateur de la pression du temps didactique : « En fonction des besoin
[sic] des élèves ; ils sont donc plus intéressés et demandeurs ». (P’4)
Par contre, un stagiaire apporte un commentaire en défaveur de la technique D lié à la
responsabilité didactique de l’élève : « Je pense malgré tout que c’est une pratique peu
efficace car elle favorise l’aspect passif chez l’élève ». (S7)
Il est intéressant de noter qu’on trouve davantage de commentaires sur la mise en place d’un
travail transitionnel dans le cas de cette technique D que pour les techniques précédentes :
‒ Là aussi nécessite des « heures supplémentaires » pour ceux qui en ont besoin. (T3)
‒ Pour les plus faibles, on peut fournir des fiches de révisions. (P4)
‒ Il arrive qu’une notion non maitrisée soit fait appel dans un chapitre sans s’y être préparé
donc on y revient rapidement en proposant par la suite des exercices à faire à la maison. (S’9)
De plus, en cette fin de questionnaire, on voit apparaitre d’autres techniques de reprise de
l’étude :
0
1
2
3
4
1 2 3 4 5
D - stagiaires quest. 2
0
2
4
6
8
1 2 3 4 5
D - profs quest. 2
72
‒ … le mieux étant une fiche que les élèves peuvent lire chez eux ou encore mieux un lien
vidéo … (P2)
‒ Parfois il est nécessaire de maitriser certaines notions avant d’en aborder de nouvelles. Par
ex, je distribue un résumé du cours sur les parallélogrammes en début de 4e. (P5)
On remarquera ici que la reprise est déléguée aux élèves sans que l’on sache de quelle
manière elle est pilotée au sein du système didactique principal.
Nous aurions pu exploiter les réponses à ces questionnaires de manière plus approfondie, par
exemple en analysant les différences entre les enseignants de collège et ceux de lycée. Il
aurait aussi été intéressant de les compléter par des entretiens individuels avec certains sondés
pour voir notamment les pratiques que ceux-ci mettent véritablement en place et la réception
de certains ingrédients technologiques, mais là encore, le temps a manqué ... Cependant, nous
pouvons avancer que la nécessité de la reprise de l’étude est mise en avant par la majorité des
enseignants et qu’elle doit être motivée pour ne pas gêner l’avancée de l’étude. On voit aussi
se faire jour une nécessité de pouvoir différencier le travail selon les besoins des élèves mais
avec une prise en charge de cette différenciation pour laquelle les enseignants semblent
démunis du point de vue technique, ce qui se traduit par une demande de temps
supplémentaire.
La notion de révision est malgré tout toujours présente, comme nous pouvons le voir à
plusieurs endroits dans les commentaires des tuteurs ou professeurs au sujet des techniques
autres que A :
‒ En général, je n’utilise pas le livre sauf au moment des révisions. (B – P5)
‒ Les exos de révisions et la correction en classe sont plus judicieux. (C – T1)
‒ … des petites révisions à plusieurs reprises permet [sic] en général une meilleure
mémorisation (D – T4)
‒ … éventuellement qques ex de « révision » à ce moment (D – T’1)
‒ Révision en début d’année inutile. À faire au moment du chapitre. (D – P’16)
Elle voisine avec la notion de rappel que l’on voit apparaitre dans les commentaires avant la
technique D :
‒ Par contre, il est souvent utile, en début de chapitre, de rappeler quelques prérequis. (A – P5)
‒ Des petits rappels au moment opportuns [sic] sont préférables. (A – S2)
‒ Le rappel a postériori, en se basant sur les difficultés rencontrées est plus efficace que la
méthode du professeur A. (B – S4)
‒ Les rappels sont une remédiation pour que tous les élèves puissent suivre la séquence. (B –
S7)
‒ … les rappels peuvent être nécessaires (B – S13)
‒ … la correction est rapide et fait office de « rappel » (B – S’10)
73
Le commentaire d’un professeur au sujet de la technique D est révélatrice de cette affinité
entre rappels et révisions qui seront finalement intégrés au travail de la classe et apparaitront
dans les traces écrites :
Permet un ciblage ponctuel des notions à revoir, personnalisable au niveau de la classe, voire
de l’élève si besoin.
Permet une valorisation des souvenirs des élèves par le biais de questions orales, leurs
réponses composant la trace écrite du rappel (avec les modifications nécessaires).
Le côté « écrit dans le cours » permet aux élèves de chercher la référence rapidement en cas de
besoin.
Remarque : le statut de rappel n’est pas toujours explicite, il peut être caché dans un premier
chapitre, voire une leçon complète, par exemple la leçon sur les identités remarquables de 3e
est précédée chez moi par une leçon sur le calcul littéral qui commence à 2x + 3x = 5x et se
finit au double développement.
Enfin, les rappels dépendent aussi des niveaux de classe et des attendus à ce niveau ; en 5e
pour les parallélogrammes, on commence par se demander comment on trace 2 droites
parallèles. En 3e pour le théorème de Thalès, on considère que c’est acquis. (P’7)
Nous pouvons remarquer que l’accompagnement personnalisé, système didactique auxiliaire
que nous avons relevé comme recommandation institutionnelle, n’est quasiment pas signalé
dans les réponses des enseignants.
L’évaluation diagnostique est un dispositif qui fait sens, mais on peut voir dans certains
commentaires au sujet de la technique C de tuteurs ou professeurs que le rapport qu’ils ont à
cette notion n’est pas véritablement conforme avec le rapport institutionnel que nous avons
mis en évidence dans un chapitre précédent :
‒ Je suis contre l’évaluation diagnostique qui suppose des rappels préliminaires. (T1)
‒ Je fais une interro le premier jour de l’année, pour avoir une idée générale du niveau de la
classe. (P5)
Certains ne font pas non plus de distinction entre les techniques B et C, comme on le voit dans
ce commentaire d’un professeur identique pour les deux techniques :
Notions mal maitrisées : inutile de passer par le biais d’une évaluation diagnostique, quelle
que soit sa forme (exercices à faire et évaluation à la volée ou type contrôle) pour anticiper les
difficultés des élèves, 1 mois de cours me suffit pour savoir assez précisément les points sur
lesquels insister dans l’année (ce qui n’empêche pas des surprises, bonnes ou mauvaises mais
très rares). (P’7)
On remarque ici une position de professeur dans le système didactique qui laisse assez
clairement de côté la position de directeur d’étude pour occuper celle d’enseignant, qui
ignore, ou feint d’ignorer, le travail de conception d’un enseignement qui permette au plus
grand nombre de progresser et fait comme si l’étude dépendait peu de la classe dans laquelle
elle se fait. On le retrouve, de manière un plus abrupte encore, dans le commentaire d’un autre
74
professeur : « Après 20 ans d’expérience, on connait bien déjà les erreurs usuelles, leçon par
leçon, calcul par calcul. Très grande surcharge de travail pour un rendement pas toujours bien
meilleur que la technique D ». (P’9)
On voit là un refus de prendre en charge les besoins des élèves du point de vue des dispositifs
d’étude, mais aussi une disqualification de la nécessité de prendre des informations précises
sur le rapport institutionnel de la classe, sans parler des rapports personnels des élèves qui la
composent, qui gênent sans doute l’existence du travail transitionnel et la constitution d’un
milieu adéquat pour l’étude.
La technique D valorisée dans ces propos est semble-t-il la technique la plus répandue dans la
profession : 92 % des professeurs ou des tuteurs la pratiquent. On est loin des autres
techniques comme le signifie le tableau ci-après :
Pourtant le score d’efficacité est moins fort que celui auquel on pourrait s’attendre,
notamment chez les professeurs. Nous avons vu que l’efficacité moyenne est de 3,15 mais la
médiane est de 3 et le premier quartile est de 2. On a donc 25 % des professeurs qui pratiquent
cette technique tout en la jugeant peu efficace. Il en va de même de la technique C mais celle-
ci n’est pratiquée que par 63 % des professeurs et des tuteurs. On peut donc penser qu’une
partie de la profession met en œuvre des techniques qu’elle juge peu efficaces et nous
regrettons d’avoir manqué de temps pour pousser l’enquête de façon à obtenir des éléments
technologiques à cet égard.
Nous terminerons cette analyse en signalant que nous avons obtenu peu de différences
significatives entre les réponses obtenues aux deux questionnaires. On notera seulement une
proportion plus grande de non réponse dans le deuxième questionnaire.
Pour à la fois mettre à l’épreuve et approfondir l’analyse effectuée, nous avons utilisé deux
logiciels en ligne Wordle (http://www.wordle.net/create) et Online-Utility
(http://www.online-utility.org/text/analyzer.jsp) permettant l’analyse textuelle des éléments
justificatifs apportés dans le premier questionnaire. Le lecteur trouvera un tableau synthétique
des résultats obtenus en annexe 4.2b.
On relèvera que le mot élèves apparait très massivement, et tout particulièrement chez les
stagiaires, un peu moins fortement chez les professeurs pour les techniques C et D. On ne le
voit pas pour les techniques A et B chez les tuteurs, mais l’analyse peut être perturbée par le
peu de réponses obtenues auprès de ce public. Cependant, nous pouvons dire qu’il manipule
la notion de chapitre que nous ne voyons pas chez les professeurs et les stagiaires. Le mot
difficultés est aussi relevé pour les techniques A et B, essentiellement chez les stagiaires. On
75
remarque que le mot professeur est peu présent ; on le voit uniquement pour les techniques B
et C respectivement chez les stagiaires et les professeurs. On retrouve une présence
importante du mot temps, qui, on l’a vu, joue comme contrainte sur les praxéologies de
reprise de l’étude ; il est lié au mot perte dans la technique A. Le mot révisions apparait
fortement sur la technique A en raison de la description même de cette technique. Le mot
notions est aussi très présent. On retrouve chez les stagiaires l’affinité constatée plus haut
entre les techniques B et C, avec la présence des mots test et diagnostique.
Malgré le petit nombre de données analysées, le lexique employé par les enquêtés met en
lumière la relation entre les techniques envisagées et le contenu mathématique, qui nous a
semblé moins présente dans les discours institutionnels. On a également la confirmation de la
prégnance du temps, didactique et d’horloge, dans l’évaluation d’organisations de l’étude.
76
77
Conclusion
L’étude que nous avons menée a permis de mettre en évidence des praxéologies de reprise de
l’étude au sein de la profession de professeur de mathématiques de l’enseignement secondaire
français. Signalons cependant que reprendre l’étude d’un thème reste clairement aujourd’hui
un problème de la profession (Cirade, 2006 ; Larguier, 2009), même si, on l’a vu, des points
de progrès apparaissent.
Les résultats de notre travail peuvent se lire comme apportant des éléments pour analyser un
processus de transposition mêlant aspects didactiques et aspects archididactiques (Artaud,
1993) qui peut se schématiser ainsi :
Institution de recherche en didactique
Transposition Transposition
didactique archididactique
École de formation
des professeurs
Transposition
didactique
Profession de professeur : noosphère
Institution de l’enseignement secondaire :
Position de professeur
En ce qui concerne les aspects archididactiques, on a noté la difficulté de diffusion d’éléments
existants dans la sphère de production du savoir didactique. Cette difficulté relève sans doute
de plusieurs facteurs, mais nous avons principalement mis en évidence la faible prise en
charge de l’environnement technologico-théorique des praxéologies transposées, et un
développement insuffisant des techniques à mettre en œuvre ‒ le second n’étant que
partiellement lié au premier. Une des conditions qui favorise, voire permet, ce sous-
développement nous parait être la non reconnaissance par la profession du caractère
fondamental de la didactique pour les praxéologies professorales (Artaud, 2007), mais aussi le
caractère non savant du savoir didactique ‒ les deux aspects nous semblant articulés dès lors
78
que, pour devenir un « savoir savant », la reconnaissance par la société de utilité de ce savoir
est un élément essentiel.
Comme nous l’avions relevé dans le premier chapitre, le temps didactique est un ingrédient
incontournable dans l’élaboration, le contrôle, ou la modification de praxéologies de reprise
de l’étude. Cependant, conformément à ce que nous venons de signaler, les ingrédients
développés par la recherche en didactique des mathématiques sur ce point sont absents de
l’environnement technologico-théorique que nous avons mis en lumière. En particulier, le fait
que le temps didactique officiel est une fiction nécessaire au fonctionnement du système
didactique, mais qu’il convient de réguler pour permettre une mise en cohérence de ce temps
avec le temps de l’apprentissage, nous parait devoir faire partie de l’équipement
praxéologique d’un professeur pour développer les praxéologies de reprise de l’étude
existantes, et notamment pour que ces dernières permettent la constitution d’une partie du
milieu de l’étude nécessaire à l’avancée du temps didactique. Dans la noosphère que constitue
la profession de professeur, les sites académiques nous sont apparus comme un acteur non
négligeable du processus de transposition archididactique, mais il est probable que l’ambition
régionale de ces sites gêne la réalisation du processus de transposition archididactique stricto
sensu. Ce processus de transposition archididactique stricto sensu est en outre entravé par
certains ingrédients technologico-théoriques que nous avons pu mettre en évidence. Parmi
ceux-ci, on mettra l’accent sur deux d’entre eux consubstantiels de la position de professeur :
‒ le professeur s’adresse à une classe et non à une collection d’individus isolés ;
‒ le professeur est le gardien de la chronogénèse.
Ils semblent empêcher la prise en charge du rôle de l’élève dans l’avancée du temps
didactique en faisant obstacle à la prise en charge spécifiée, sinon individualisée, des besoins
didactiques des élèves par des dispositifs permettant à chacun de progresser.
Ces caractéristiques de la transposition archididactique contraignent le processus de
transposition didactique, en limitant grandement l’intégration, dans l’équipement
praxéologique des élèves professeurs, de matériaux élaborés dans la formation ‒ on pense ici
notamment au travail transitionnel ‒, mais aussi en nuisant à la diffusion de ces matériaux
dans la profession par le truchement du processus de transposition didactique. À cet égard
vient s’ajouter le fait que la position de professeur est encore dans le paradigme du « petit
producteur indépendant ». Pourtant certains éléments technologiques, et les techniques qu’ils
permettent de produire et de justifier, issus de la recherche en didactique, s’intègrent à
l’équipement praxéologique des professeurs débutants ‒ comme par exemple le test
d’entrée ‒, sans doute parce qu’ils renvoient à des objets existants dans la profession ‒
l’évaluation diagnostique, par exemple.
Les éléments dégagés par notre étude permettent d’ouvrir, selon nous, au moins deux voies de
recherche. Il serait, d’un côté, important d’approfondir l’analyse de l’environnement
technologico-théorique de la profession ainsi que les conditions de réception par cette
dernière d’ingrédients technologiques issus de la théorie didactique ; d’un autre côté, il nous
semble nécessaire d’examiner plus largement les praxéologies de constitution du milieu
d’étude dont la reprise de l’étude n’est qu’un aspect.
79
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