présentation de l’institution du médiateur de la...
TRANSCRIPT
Rapport de stage soutenu par Mlle NADIA MAMACHE
Le rôle du Médiateur de la République dans les relations entre l’administration et les agents publics
Paris I Panthéon-SorbonneMaster 2 Professionnel Administration et Gestion publique
Année universitaire 2006-2007
1
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier l’ensemble des personnes que j’ai rencontré chez le Médiateur de la
République pour leur accueil.
Ma gratitude va tout d’abord à celle qui m’a recrutée, Mme Delval, la conseillère du secteur
agents publics-pensions pour sa disponibilité constante.
Je voudrai également remercier les chargés de mission pour leur sympathie et leurs conseils.
Enfin, je souhaiterais remercier mes proches pour leur soutien tout au long de mon stage.
2
SOMMAIRE
Introduction p. 5
I/ La nécessité d’actualiser les coordonnées des correspondants du secteur AGP pour un meilleur fonctionnement de ce secteur p. 14
II/ Le champ d’action du Médiateur de la République quant aux demandes des agents publics p.16 III/ Une étude juridique sur les pensions de réversion p. 26
IV/ La médiation : un instrument de protection des droits des administrés p. 30
V/ Les fondements de l’intervention du secteur AGP du Médiateur de la République p. 34
VI/ Les principaux moyens d’action du secteur AGP du Médiateur de la République p. 41
VII/ Le bilan de mon expérience professionnelle au sein du secteur AGP p. 46
Conclusion p. 47
Bibliographie p. 48
Table des matières p. 52
Table des annexes p. 54
3
LISTE DES ABREVIATIONS
AGE : (le secteur) affaires générales
AGP : (le secteur) agents publics-pensions
BOP : budget opérationnel de programme
CE : Conseil d’Etat
CNRACL : Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales
CPAM : Caisse primaire d’assurance maladie
CRAMIF : Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile- de France
DGAFP : Direction générale de l’administration et de la fonction publique
DGME : Direction générale de la modernisation de l’Etat
EDF : Electricité de France
FPE : Fonds professionnels pour l’emploi
HLM : habitation à loyer modéré
IRCANTEC : Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’Etat et des
collectivités publiques
Loi DCRA : loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations
LOLF : Loi organique relative aux lois de finances
NBI : nouvelle bonification indiciaire
RATP : Régie autonome des transports parisiens
SGG : Secrétaire Général du Gouvernement
SNCF : Société nationale des chemins de fer de France
« Quand l’autorité n’a pas d’oreilles pour écouter, elle n’a pas de tête
4
pour gouverner ». A. DUMAS
Introduction
La réforme de l’Etat et la légitimité de l’action publique posent la question de la
relation des administrés avec l’administration au cœur de laquelle se situe le Médiateur de la
République.
Le Médiateur de la République a été créé par la loi n° 73-6 du 3 janvier 19731. Il s’agit d’une
autorité administrative indépendante2 qui met gracieusement ses compétences au service des
administrés, personnes physiques ou morales3 pour améliorer leurs relations avec
l’administration et les services publics. Le Médiateur de la République ne reçoit d’instruction
d’aucune autorité, car il est préservé de toute subordination à quelque pouvoir que ce soit. Le
Médiateur de la République (actuellement Jean-Paul Delevoye) est nommé par décret du
Président de la République délibéré en Conseil des ministres. Il dispose d’un mandat de six ans
non renouvelable ; il est irrévocable et inamovible.
La saisine du Médiateur de la République est gratuite. Elle ne peut s’effectuer que par
l’intermédiaire d’un parlementaire (article 6-1 de la loi du 3 janvier 1973) qui s’assure que
l’affaire relève bien de la compétence de celui-ci et méritait son intervention. En pratique,
l’intervention des délégués du Médiateur tend à réduire les défauts de la saisine indirecte4.
L’administré peut saisir le Médiateur de la République sans aucune condition de délai. Il est
toutefois obligé d’effectuer au préalable « les démarches nécessaires auprès des administrations
intéressées » (article 7 de la loi du 3 janvier 1973).
Le Médiateur de la République veille depuis plus de trente ans au respect de la légalité
et à la promotion du concept d’équité. Il a peu à peu réussi à s’imposer en gardien de la légalité
et de manière plus générale à développer la médiation comme méthode de régulation des
1 Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, JO, 4 janvier 1973, p.164. Cette loi figure à l’annexe n° 1.2 Toutefois, la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d’ordre social (JO, 14 janvier 1989, article 69, p.542) avait seulement qualifié le Médiateur de la République d’ « autorité indépendante ». Pour plus d’informations voir l’annexe n° 2 sur la nature juridique du Médiateur de la République.3 En effet, la loi d’orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République (JO, 8 février 1992, article 9, p. 2064) a ouvert aux personnes morales la faculté de saisir le Médiateur de la République.4 Par la mise en place des délégués départementaux dans les préfectures ou dans les structures de proximité comme les maisons de la Justice et du droit.
5
relations entre l’administration et les administrés. Le Médiateur de la République n’a pas le
pouvoir de prendre des décisions ayant un caractère contraignant pour l’administration. Il n’est
pas un organisme coercitif, mais un régulateur des déséquilibres engendrés par la
modernisation de la société.
L’activité de contrôle du Médiateur, réalisée le plus souvent par la voie de la négociation,
permet ainsi de résoudre des dysfonctionnements administratifs qui n’auraient pas toujours pu
être réglés par le juge administratif. Le Médiateur de la République est parvenu à tempérer les
rigueurs de la législation, à personnaliser les affaires, à régler les différends en équité plutôt
que sur la seule base de la légalité. La place prépondérante du Médiateur de la République dans
le règlement des litiges entre l’administration et les administrés démontre son utilité. Ainsi en
atteste le nombre croissant des réclamations reçues chaque année par le Médiateur de la
République. Leur nombre est passé de 14 000 en 1986 à 48 000 en 1997. En 2006, le nombre
d’affaires transmises au Médiateur de la République, services centraux et délégués, a augmenté
de 4,5 % par rapport à 2005 ; le nombre total d’affaires reçues en 2006 est de 62 8225. Les
demandes d’information et d’orientation auprès des délégués ont progressé de 4,3 % par
rapport à l’année précédente. L’Institution a traité 33 824 réclamations dont 6 948 par les
services centraux du Médiateur de la République et 26 876 réclamations ont été traitées par
l’échelon de proximité : les délégués6. Les administrés ayant eu recours aux services du
Médiateur en sont dans la majorité des cas satisfaits puisque le taux de réussite des médiations
s’élève à 80 %.
L’Institution doit sa réactivité et son efficacité à plusieurs caractéristiques :
- A la qualité des collaborateurs de la Médiature7 : les chargés de mission sont pour la
plupart des juristes généralistes ou spécialisés et sont recrutés (par la voie du
détachement ou de la mise à disposition) après une expérience d’au moins quelques
années dans une structure administrative, exigence garantissant la compréhension du
fonctionnement de l’administration et la capacité à analyser ses dysfonctionnements.
- A sa présence territoriale assurée par 300 délégations, à sa souplesse d’action et au
travail en réseau qui caractérisent l’Institution. Les délégués organisent des réunions
régionales ou interdépartementales entre eux sur diverses thématiques. En outre, les
délégués suivent une formation annuelle au Siège d’une durée d’une semaine pendant
5 Voir l’annexe n° 8 sur l’activité du Médiateur de la République tableau 1 et 2.6 Rapport annuel 2006 du Médiateur de la République, p. 4.7 La Médiature est une expression utilisée pour désigner le siège du Médiateur de la République rue Saint Florentin dans le 8ème arrondissement de Paris ; voir l’annexe n° 4 « organigramme des services centraux du Médiateur de la République » et l’annexe n° 9 relative aux moyens humains du Médiateur de la République, tableau 1 « Personnel en fonction dans les services de la Médiature ».
6
laquelle ils rencontrent, au cours de réunions, les conseillers et les chargés de mission
de l’ensemble de l’Institution8. Les délégués ont des compétences de juristes
généralistes ; les réclamations pour lesquelles ils sont sollicités sont pour la majorité
relatives aux domaines social, judiciaire et fiscal. Ils interviennent rarement en matière
d’agents publics et de pensions. Pour les questions les plus difficiles, les délégués du
Médiateur de la République peuvent contacter les chargés de mission du Médiateur par
mail ou par téléphone.
Les dossiers reçus, tant au siège de l’Institution à Paris, que par les délégués sur le terrain,
suivent en principe un parcours bien défini. Ils font l’objet d’un premier examen par le
service de la recevabilité, et sont instruits par l’un des cinq secteurs9 :
- Affaires générales (AGE),
- Agents publics-pensions (AGP),
- Justice,
- Social,
- Fiscal.
M. Bernard Dreyfus, le délégué général anime et coordonne l’ensemble des services de
l’Institution. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi organique relative aux lois de finances
(LOLF) le 1er janvier 2006, M. Dreyfus est responsable du budget opérationnel de programme
(BOP), qui garantit l’autonomie financière de l’Institution10. Ce dernier a pour supérieur
hiérarchique direct M. Jean-Paul Delevoye, le Médiateur de la République.
Tous les secteurs sont organisés de la même façon : ils sont chacun dirigé par un conseiller,
dont le supérieur hiérarchique est le délégué général, et sont composés de plusieurs chargés de
mission. Ce fonctionnement autour de chargés de mission est une caractéristique des autorités
administratives indépendantes qui les différencient des administrations de gestion et leur donne
une souplesse d’action comparable aux administrations de mission.11
L’objectif du Médiateur de la République est d’inciter à réviser les situations
individuelles et à réformer l’action administrative. Le Médiateur de la République traite les
8 Cette année leur session de formation s’est déroulée du lundi 4 au vendredi 8 juin 2007, la réunion avec le secteur AGP et les délégués a eu lieu le 7 juin après-midi, chaque chargé de mission a présenté un thème et à partir de ceux-ci les délégués posent leurs questions en fonction des cas qu’ils rencontrent sur le terrain.9 Voir l’annexe n° 6 sur les compétences de chaque secteur d’instruction.10 Voir l’annexe n° 9 sur la gestion budgétaire du Médiateur de la République, tableau 2 « le budget de l’année 2006 ».11 Sur la question de la distinction entre administrations de gestion et administrations de mission, voir l’article d’Edgar Pisani. « Administration de gestion, administration de mission », Revue française de sciences politiques, 1956, Vol. 6, Numéro 2, p. 315-330.
7
litiges dont il est saisi au cas par cas, vérifie si l’organisme objet d’une plainte s’est conformé à
la mission de service public dont il a la charge. Il relève les dysfonctionnements administratifs
et défend les droits du réclamant.
Le Médiateur de la République, avec la coopération des agents de tous les secteurs, publie un
rapport annuel afin d’établir un bilan de son activité. Le contenu de ce rapport permet de
relever les différents cas de « maladministration », véritable maladie de la fonction
administrative12. La « maladministration » est un phénomène multiformes : il est nécessaire de
distinguer la « maladministration » de comportement13 et la « maladministration » résultant
d’iniquités engendrées par les textes juridiques eux-mêmes. Ce second type de
« maladministration » pourrait être qualifié de « maladministration structurelle », car il n’est
pas le fait des individus, mais il est la conséquence du système administratif.
Lorsqu’une décision administrative, pourtant conforme à la règle de droit, semble
inéquitable pour une catégorie d’individus, le Médiateur de la République dispose d’un pouvoir
de recommandation en équité. L’équité implique la possibilité de statuer en marge du droit, et
donc parfois même contre le droit14. L’introduction de l’équité comme fondement de l’action
du Médiateur par la loi du 24 décembre 1976 n’a pas été critiquée par la doctrine 15. Elle
constitue l’ « aveu » du législateur que les textes législatifs ou réglementaires ne sont pas
toujours fondés en équité.
Le Médiateur de la République peut faire usage de son pouvoir d’injonction lorsque l’Etat ne
se conforme pas à une décision prise par la justice en faveur des administrés.
Le Médiateur de la République est également doté d’un important pouvoir de proposition de
réforme législative et réglementaire depuis la loi n° 76-1211 du 24 décembre 197616 qui lui
permet de contribuer à l’amélioration des procédures administratives pour que le droit soit
adapté aux évolutions de la société et que cessent les iniquités. Ce pouvoir place le Médiateur
12 SABOURIN Paul, « Recherches sur la notion de « maladministration » dans le système français », AJDA, 1974, p. 396-407.13 Elle comprend : a) le formalisme dans l’application des règles juridiques. Derrière l’administration, il y a des individus avec leurs défauts et leurs faiblesses. b) l’exécution contradictoire des règles par les services. c) la lenteur à appliquer les textes. d) l’hésitation à agir.14 Ce sont notamment les cas où le Médiateur de la République fait une recommandation qui contredit la lettre d’un texte ou la base juridique d’une jurisprudence.15 Contrairement à la création du Médiateur de la République dont le rôle et l’utilité ont été mis en doute par plusieurs auteurs, par exemple : PIEROT Patrice, Le Médiateur : rival ou allié du juge administratif ? , in Mélanges Waline, L.G.D.J, 1974, p 683.16 Loi n° 76-1211 du 24 décembre 1976 complétant la loi du 3 janvier 1973, JO, 28 décembre 1976, p.7493.
8
en observateur privilégié de notre société et l’amène sur le plan national à intervenir dans les
grands débats17.
La présence et l’action du Médiateur de la République se révèlent aujourd’hui comme
une condition sine qua non du bon fonctionnement des services de l’Etat. Au-delà du rôle d’un
simple « guichet des réclamations », la fonction du Médiateur est perçue comme liée à la
défense des droits, par le biais d’un contrôle actif de l’activité administrative. Le Médiateur de
la République joue un rôle majeur dans le règlement amiable des litiges avec l’administration
et les services publics que lui soumettent les administrés.
Le Médiateur de la République est parvenu à s’imposer comme une institution incontournable
du fonctionnement de la sphère administrative18. La médiation est devenue un mode de gestion
à part entière des relations entre l’administration et les administrés, faisant émerger la notion de
« citoyenneté administrative »19. Une partie de l’activité administrative semble pourtant avoir
des difficultés à bénéficier de cette transformation, notamment en ce qui concerne les
réclamations des agents publics en activité.
Ayant accomplis mon stage au secteur agents publics-pensions (AGP) du Médiateur de la
République, je me suis interrogée sur la place que la médiation tient dans la gestion de la
fonction publique. Est-ce que la médiation administrative est compatible avec un modèle de
gestion de la fonction publique fondé sur le pouvoir hiérarchique et le règlement juridictionnel
des différends ? Le Médiateur de la République a progressivement réussi à faire usage de son
pouvoir d’influence au sein des administrations afin d’améliorer les relations entre les agents
publics et leurs employeurs. Le Médiateur est néanmoins confronté à des obstacles qui sont de
nature à freiner son action dans ce domaine : une compétence légale limitée, des pouvoirs
d’incitation qui se heurtent parfois à des résistances au changement et une situation
d’éloignement par rapport aux problématiques concrètes de gestion des ressources humaines.
Le secteur agents publics-pensions
17 Le Médiateur de la République va se voir confier une mission de contrôle extérieur des prisons en application d’une recommandation du Conseil de l’Europe adoptée le 29 mai 2006 qui invite les Etats à « renforcer le rôle des Médiateurs […] en matière de contrôle des lieux de détention afin de garantir la mise en œuvre effective des règles pénitentiaires européennes ».18 Voir l’annexe n° 3 « le Médiateur de la République de 1973 à 2007, un rôle affirmé, des compétences élargies ».19 Traditionnellement les libertés publiques étaient indissociables de la qualité de citoyen. Avec l’émergence de droits nouveaux et spécifiques reconnus aux administrés (obligation de motivation des actes administratifs, accès aux documents administratifs, accès au Médiateur de la République…) la doctrine a dégagé le concept de « citoyenneté administrative » qui définirait un nouveau statut pour les administrés. A ce sujet voir la thèse de Gilles DUMONT - La citoyenneté administrative. Thèse de droit public, Paris II, 20 décembre 2002, 744 p.
9
Mon stage se déroule au secteur agents publics-pensions20. Ce secteur est dirigé par une
conseillère : Mme Delval, ma maître de stage. Elle m’a recrutée en décembre 2006, notamment
en raison de mon profil de juriste publiciste et d’étudiante en 3ème cycle Administration et
gestion publique. Arrivée en août 2006 à la tête du secteur AGP, Mme Delval, chef de service,
a un rôle d’encadrement, elle anime une équipe de neuf personnes. Mme Delval, agent de
changement21, a cherché à réorganiser le service. Elle a fixé comme premier objectif
l’écoulement des stocks de dossiers (de réclamations) les plus anciens22. Pour atteindre cet
objectif des lettres-types ont été créées en fonction de la nature du litige. Soucieuse d’une
« démarche qualité », ma maître de stage a également suggéré aux chargés de mission
d’adresser aux réclamants des « lettres d’attentes » pour les dossiers concernés par des
évolutions législatives ou réglementaires en cours. Mme Delval a fait appel à plusieurs
stagiaires afin d’améliorer l’efficacité du secteur. Les stagiaires se voient confier en priorité
des travaux d’études juridiques et traitent, en complément, des réclamations. Cela permet aux
chargés de mission de se concentrer exclusivement sur les dossiers des réclamants. Mme
Delval souhaite que soient organisées des réunions entre les secteurs d’instruction, afin de
favoriser l’échange des bonnes pratiques. Elle participe aux réunions concernant le secteur
AGP ainsi qu’à celles des chefs de service. Elle rédige des notes destinées à l’information des
délégués du Médiateur de la République. Enfin elle vérifie sur le fond et sur la forme les lettres
rédigées par les chargés de mission adressées aux réclamants.
Mme Delval est assistée par deux secrétaires : Marie-line Gain et Michèle Bobant. Elles
enregistrent sur Poseïdon23 tous les événements tels que la réception des courriers des
réclamants (afin de connaître l’état d’avancement de leurs dossiers), des parlementaires ou des
organismes concernés par les affaires en cours ou encore les événements internes au
Médiateur.
Le secteur AGP reçoit environ 800 dossiers par an. Le délai moyen de traitement des
réclamations au sein de ce secteur varie entre sept mois et un an.
La répartition des dossiers n’est pas assurée par la conseillère, Mme Delval. M. Guillemot, un
des chargés de mission se charge de la « codification » (il fait un résumé de la réclamation de
l’administré sur Poseïdon) et apprécie le degré d’urgence des dossiers qui seront traités par les
20 Voir l’annexe n° 5 « organigramme fonctionnel du secteur agents publics-pensions ».21 La typologie d’Ulrich, Human Resources Champions, Harvard Business School Press, 1997.22 Ce retard dans le traitement des dossiers était dû à une insuffisance d’effectifs au sein du secteur AGP. Aujourd’hui l’équipe est au complet.23 Poseïdon a été créé en 2004 par l’entreprise Sesin. Il s’agit d’une application numérique qui facilite la gestion des courriers et des dossiers.
10
chargés de mission de manière prioritaire. Ensuite, les chargés de mission choisissent eux-
mêmes les dossiers qu’ils traiteront notamment en fonction de leur spécialité ; mais les chargés
de mission du secteur AGP n’excluent pas la possibilité de traiter d’autres types de dossiers. Ce
système a pour avantage d’accorder une grande liberté aux chargés de mission mais il ne
favorise pas l’échange d’informations. L’attribution des dossiers dans le cadre d’une réunion
collégiale en présence de tous les chargés de mission inciterait davantage à la communication.
Cinq chargés de mission composent le secteur AGP : Karine Brusetti, Joseph Guillemot,
Nicole Joffre, Véronique Nansot et Martine Thuillier. Quatre d’entre eux sont mis à disposition
(pour une durée moyenne de trois ans) du Médiateur de la République par leur administration
et une personne est en détachement (sur contrat de trois ans renouvelable une fois) afin de
suppléer au manque de personnel propre du Médiateur. Ces chargés de mission ont des profils
plutôt généralistes ce qui n’empêche pas en pratique une répartition des dossiers selon des
thématiques correspondantes à leurs compétences. A titre d’exemple Nicole Joffre, qui a été
pendant presque trente ans directrice des ressources humaines au sein de différentes
collectivités territoriales, traite une grande partie des dossiers relatifs aux agents de la fonction
publique territoriale.
Deux fonctionnaires stagiaires de l’Institut régional d’administration de Lille ont passé neuf
semaines au secteur AGP. Actuellement deux personnes y effectuent un stage de fin d’études :
Maud Berry et moi-même.
Le secteur AGP instruit les réclamations présentées par les agents publics titulaires et
non-titulaires, à temps partiel et à temps incomplet relevant des trois fonctions publiques (Etat,
collectivités territoriales, établissements hospitaliers). Il traite également des litiges relatifs à
l’application du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Une grande
partie des réclamations concerne les litiges relatifs à la carrière des agents publics
(reconstitution, rémunération, cessation d’activité, congés, indemnités). Le nombre de dossiers
ayant trait aux pensions civiles et militaires de retraite (éléments de liquidation, constitution
des droits à pension) a diminué depuis 2005, de même que ceux concernant le recrutement des
agents (conditions d’accès et titularisation). Ainsi en 2006, les litiges ayant trait aux pensions
civiles et militaires ont représenté 50 % de la totalité des dossiers présentés par les agents
publics, contre 45 % pour ceux concernant la carrière, et 5 % pour ceux touchant au
recrutement.
11
Ma première mission a été d’élaborer la liste des Médiateurs du service public24 ainsi
que la liste des correspondants et interlocuteurs des chargés de missions du secteur agents
publics-pensions25.
Ma deuxième mission me permet de réaliser une analyse juridique. En effet, je dois
rédiger une note qui porte sur la compétence matérielle (du secteur agents publics-pensions) du
Médiateur de la République en étudiant plus particulièrement l’ambiguïté de l’article 8 de la
loi du 3 janvier 1973 relatif aux agents publics, afin de savoir dans quels cas le secteur AGP (et
plus largement le Médiateur de la République) est compétent et dans quels cas il ne l’est pas.
Au secteur AGP, les problèmes rencontrés résultent notamment de difficultés d’interprétation
de cet article. Dans un premier temps, l’application de l’article 8 faisait que toutes les
réclamations des agents publics en activité n’étaient pas traitées par le secteur AGP du
Médiateur de la République. Puis, peu à peu, l’article 8 a été interprété plus largement afin
d’élargir le champ de la compétence matérielle du Médiateur de la République. Mais à l’usage,
il apparaît que le traitement de certains thèmes pose de difficiles questions d’interprétation.
Une note avait déjà été réalisée par Eliane Le Coq Bercaru, la précédente conseillère du secteur
AGP, mais elle se révèle incomplète.
Ma troisième mission a été de mener une étude juridique sur les pensions de reversion.
La complexité de certains dossiers sur ce sujet a nécessité un éclaircissement des statuts
juridiques des bénéficiaires de pensions de reversion.
Ma quatrième mission consiste à traiter les réclamations des administrés relatives au
fonctionnement des services publics. J’examine les dossiers qui me sont confiés par la
conseillère ou les chargés de mission afin de régler les différends. Je recherche, par la voie
d’accord amiable, un terrain d’entente avec les services concernés. En dernier recours, je peux
éventuellement utiliser certains moyens de pression (recommandation, injonction) pour
convaincre l’administration en cause de remédier aux dysfonctionnements constatés.
24 Les Médiateurs du service public sont regroupés dans un club appelé « le club des Médiateurs ». Ils sont 12.25 Les correspondants sont désignés officiellement dans la quasi totalité des administrations, ils occupent généralement des postes à haute responsabilité. En revanche, les interlocuteurs ne sont pas désignés, ils n’ont pas de titres spécifiques. Le lien se créé par la pratique de la médiation.
12
I/ La nécessité d’actualiser les coordonnées des correspondants du secteur
AGP pour un meilleur fonctionnement de ce secteur
La mission de dresser une liste complète des membres du club des Médiateurs du
service public et des correspondants et interlocuteurs du Médiateur de la République m’a été
confiée car aucune mise à jour n’avait été réalisée. En conséquence, certains courriers n’étaient
13
pas adressés au bon interlocuteur, ce qui a eu pour effet de ralentir le processus de transmission
des informations. En outre, chaque chargé de mission avait créé son propre réseau
d’interlocuteurs, mais suivant l’ancienneté des chargés de missions le nombre d’interlocuteurs
variait considérablement. Pour ces différentes raisons Mme Delval, la conseillère du secteur
agents publics-pensions, m’a demandé de rassembler ces informations qui seront accessibles,
par le biais d’un fichier partagé, à l’ensemble des agents du secteur AGP. Ma mission ne s’est
pas limitée à une simple collecte d’informations recueillie auprès des chargés de mission. En
effet, j’ai dû, moi-même, effectuer une recherche dans différentes administrations (par mail ou
par téléphone) des correspondants et interlocuteurs actuels ou potentiels.
J’ai finalement établi deux documents. Le premier réalisé avec Excel dresse la liste et les
coordonnées complètes et actualisées des douze Médiateurs du service public. En 2002, les
« Médiateurs du service public » se sont regroupés pour dialoguer sur leurs fonctions et leurs
pratiques avec pour objectif d’améliorer le service rendu au public. Les personnes faisant partie
du club des Médiateurs ont signé le 9 décembre 2004 la charte des Médiateurs du service
public. Celle-ci détaille les bonnes pratiques de la médiation pour éviter sa banalisation mais
aussi ses dérives. Les signataires de cette charte sont les Médiateurs de certaines
administrations, entreprises, institutions et collectivités en charge d’un service public.
Liste des Médiateurs du service public
Service public concerné Nom du Médiateur
Caisse des dépôts et consignation Michel Darmedru
Electricité de France François Metais
Fédération française des sociétés d’assurance François Frizon
France 2 Christian-Marie Monnot
14
France 3 Marie-Laure Augry
Gaz de France Michel Astruc
Mairie de Paris Frédérique Calandra
Ministère de l’Education nationale Jean-Marie Jutant
Mutualité sociale agricole Pierre-Henry Degregori
La Poste Pierre Ségura
Régie autonome des transports parisiens Cyrille de La Faye
Société nationale des chemins de fer Bernard Cieutat
Le Médiateur de la République approuve les principes de la charte des Médiateurs du
service public et suit attentivement les différentes phases d’avancée du club. La signature de
cette charte a eu lieu au Siège de l’institution sous la présence du Médiateur de la République.
Toutefois, il ne fait pas partie du club des Médiateurs, puisqu’il n’a pas signé la charte. Ceci
s’explique par le fait qu’il est « indépendant » et qu’il ne veut adhérer à aucun groupe.
Le second document qui a été réalisé sur Word donne la liste de l’ensemble des
correspondants ministériels du Médiateur de la République et des interlocuteurs actuels et
potentiels du Médiateur, liste non exhaustive. J’ai recensé trente administrations dont font
partie quatre vingt huit interlocuteurs actuels ou potentiels. Les correspondants servent de
relais entre le Médiateur de la République et leurs administrations. Ils interviennent dans
l’instruction des réclamations et des propositions de réforme les concernant.
Le secteur agents publics-pensions comme son nom l’indique est compétent pour les
réclamations de diverses natures qui ont trait aux agents publics.
II/ Le champ d’action du Médiateur de la République quant aux demandes
des agents publics
Le champ d’action du Médiateur de la République semble très vaste (A), tandis que le
champ d’intervention du secteur AGP est malaisé à délimiter en raison de l’ambiguïté de
l’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 (B) ; pour mieux comprendre le contenu de cet article il
15
est nécessaire d’étudier l’usage qu’en font les agents du service de la recevabilité et du secteur
AGP (C).
A/ Un champ d’action étendu
A priori, la compétence du Médiateur de la République a été définie d’une manière
extrêmement large. En effet, conformément à l’article premier de la loi du 3 janvier 1973, en
relèvent les « administrations de l’Etat, des collectivités publiques territoriales, des
établissement publics et de tout autre organisme investi d’une mission de service public ».
Ainsi, il est compétent tant à l’égard des ministères et de leurs directions, que des collectivités
territoriales : régions, départements et communes. Le recours au critère fonctionnel de service
public donne aux contours de la compétence du Médiateur un aspect relativement vague,
éclairé par la pratique de la Médiature. « En règle générale, le Médiateur considère qu’il y a
mission de service public dès lors que l’organisme visé s’attache à la satisfaction d’un besoin
d’intérêt général ou dès qu’il existe un élément, même lointain, de contrôle de l’administration
sur cet organisme » (Rapport du Médiateur 1974, p. 98). Le Médiateur applique les critères
posés par le Conseil d’Etat pour définir les organismes investis d’une mission de service public
relevant de son contrôle (Rapport du Médiateur 1987, p. 12). Le fondement de sa compétence
se trouve dans l’inégalité des situations entre l’administré et l’autorité publique. A contrario, en
l’absence de déséquilibre, le Médiateur déclinera sa compétence.
La compétence de l’institution déborde le domaine traditionnel d’application du droit public,
puisqu’il est compétent non seulement à l’égard des établissements publics administratifs, mais
aussi des établissements publics à caractère industriel et commercial et des personnes morales
de droit privé chargées de gérer un service public comme Electricité de France (EDF), la
Société nationale des chemins de fer (SNCF), la Régie autonome des transports parisiens
(RATP), France Télécom, la Poste ou encore les organismes de sécurité sociale, de retraite,
d’assurance chômage, d’habitation à loyer modéré (HLM). La défense nationale et les affaires
étrangères entrent également dans le champ de compétence du Médiateur. Ce dernier est
compétent pour tous les secteurs d’activités de l’administration. Toutefois, il est nécessaire que
la réclamation de l’administré soit relative au fonctionnement de cet organisme (article premier
de la loi du 3 janvier 1973).
La définition de la compétence du secteur AGP n’est pas aussi vaste (puisque ce secteur ne
représente qu’une partie du Médiateur de la République) et elle est parfois malaisée à délimiter.
16
B/ L’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 : une limite à la compétence du secteur AGP
L’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 définit sous une forme négative la compétence du
secteur AGP. En 2005 des tentatives ont été menées par le secteur AGP afin de modifier la
rédaction de cet article. La conseillère (Eliane Le Coq Bercaru) souhaitait aboutir à une
formule positive énumérant les domaines de compétence. Finalement ce projet n’a pas abouti
(aucune liste indiquant précisément les cas de compétence du secteur AGP n’a été élaborée).
Les agents du secteur AGP ont, à l’époque, considéré pour la majorité d’entre eux que le
caractère équivoque de la rédaction de cet article pouvait leur servir, dans la mesure où la
limite de leur compétence n’est pas très explicite.
L’article 8 restreint l’accès au Médiateur de la République aux agents publics
confrontés à des différends mettant en cause l’exercice du pouvoir hiérarchique et disciplinaire
de leur administration (1), mais cet accès est ouvert aux agents publics ayant cessé leurs
fonctions (2).
1) L’exercice du pouvoir hiérarchique et disciplinaire de l’administration : une
restriction à la compétence du secteur AGP
L’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 définit ainsi la compétence du Médiateur de la
République : « Les différends qui peuvent s’élever entre les administrations et organismes
publics et leurs agents ne peuvent faire l’objet de réclamations auprès du Médiateur de la
République. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables à ces agents après la
cessation de leurs fonctions ». Cette règle, si elle est respectée scrupuleusement, constitue une
limitation importante de la compétence du Médiateur de la République. Le secteur AGP
instruit les réclamations présentées par les agents publics ne mettant pas en cause l’exercice du
pouvoir hiérarchique et disciplinaire de l’administration et ayant cessé leurs fonctions. Il est
intéressant de noter que, contrairement au Médiateur de la République, le Médiateur de
l’Education nationale26, qui est actuellement Jean-Marie JUTANT, est compétent pour tous les
litiges opposant l’administration de l’Education nationale à ses agents y compris ceux qui
ressortent du lien hiérarchique. Ainsi, le Médiateur de l’Education nationale assure un service
26 Le Médiateur de l’Education nationale a été créé par le décret n° 98-1082 du 1er décembre 1998. Il est nommé pour trois ans par le Ministre chargé de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur.
17
de médiation interne dans les conflits opposant son administration à ses agents, notamment les
enseignants.
La formule de l’article 8 exclut de la compétence du Médiateur de la République tous les
problèmes touchant à l’ordre intérieur des administrations. Cette limite est motivée par le souci
de ne pas interférer avec les procédures existantes et surtout de ne pas porter atteinte aux
prérogatives du pouvoir hiérarchique et disciplinaire de l’administration. Ainsi, le Médiateur de
la République ne peut agir dans les litiges concernant le statut des agents, le déroulement de
leur carrière, leur rémunération et la gestion de leurs emplois (notations, promotions,
affectations et licenciements).
Selon l’interprétation du Médiateur de la République, la restriction législative ne s’applique
qu’aux agents publics et non aux agents soumis au droit privé (selon une pratique initiée par M.
Paul LEGATTE, Médiateur de la République entre 1986 et 1992) alors même que la loi
n’établit pas cette distinction. Cette interprétation est déduite de la finalité de l’article 8 qui est
de protéger les prérogatives de droit public des administrations. De même la restriction
législative ne concerne pas les agents en service dans les cas où le litige les met en cause
comme administré et non comme agent public.
La loi n° 76-1211 du 24 décembre 1976, confirmant une pratique adoptée par le Médiateur de
la République, a néanmoins autorisé les agents qui ont cessé leurs fonctions à saisir celui-ci.
2) Le secteur AGP : un accès réservé aux agents publics ayant cessé leurs fonctions
Le secteur AGP du Médiateur de la République interprète de façon extensive l’article 8
de la loi du 3 janvier 1973 dans la mesure où ne sont pas considérés en fonction ceux qui en
sont « éloignés », bien que l’agent n’est pas perdu tout lien avec l’administration (Rapport du
Médiateur 1987, p.14). Tel est le cas des candidats à un emploi public (ils ne feront pas l’objet
de développements car ils ne concernent que 5 % des réclamations du secteur AGP27); des
agents publics en congés maladie ou ayant subi un accident de service (a), des agents publics
indemnisés au titre du chômage (b) ou encore des personnes bénéficiant d’une pension civile
ou militaire de retraite (c).
27 En matière de recrutement, le secteur AGP est compétent pour les litiges relatifs à l’entrée en fonction des agents publics et aux modalités d’organisation des concours de la fonction publique puisqu’un candidat à un emploi public n’est pas considéré comme un agent public en activité selon l’interprétation du Médiateur de la République.
18
a) Les maladies professionnelles et les accidents de services : un domaine de compétence
du secteur AGP
En ce qui concerne les maladies professionnelles (congés de longue durée, de longue
maladie) et les accidents de service, le Médiateur de la République a été confronté à une
divergence d’appréciation de l’état de santé des fonctionnaires des trois fonctions publiques de
la part des différentes instances et autorités médicales, ceux-ci ne parvenant pas à obtenir, pour
ce motif, la reconnaissance de leur maladie au titre d’une maladie professionnelle ou d’un
accident de travail.
En premier lieu, le Médiateur de la République a constaté que les délais d’instruction de ces
dossiers par les comités médicaux départementaux étaient particulièrement longs et que ce
dysfonctionnement administratif était lié soit à une erreur de présentation des dossiers devant
ces instances médicales, soit aux nombreuses expertises et contre-expertises diligentées à la
demande des requérants ou à celle des administrations. Des difficultés ont également été
identifiées au niveau de l’organisation du service même du comité médical supérieur qui est
l’instance nationale de recours des avis des comités médicaux départementaux.
En second lieu, bien qu’il ne lui appartienne pas de porter une appréciation dans le domaine
médical, le Médiateur de la République a parfois demandé un nouvel examen de ces dossiers
avec le souci de rechercher une solution plus conforme aux avis quasi unanimes des médecins
qui avaient eu à en connaître.
b) L’indemnisation au titre du chômage : un domaine de compétence du secteur AGP
Le refus croissant des employeurs publics d’assumer la charge de l’indemnisation au
titre du chômage28 entraîne une augmentation des réclamations relatives au versement de
28 le secteur AGP est compétent pour les litiges se rapportant au versement d’allocations de chômage pour perte d’emploi et d’indemnités de licenciement, en ce qui concerne les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; les fonctionnaires de l’Etat, pour qui le risque de perte d’emploi est beaucoup plus faible, ne bénéficient pas de l’indemnisation du chômage (article L 351-12 du Code du travail).
19
l’allocation pour perte d’emploi. Ce problème se pose notamment lorsque les agents ont
volontairement démissionné ou refusé d’accepter un nouveau poste.
Hypothèse du caractère volontaire de la démission
S’agissant du caractère volontaire de la démission, les employeurs publics estiment
parfois qu’ils ne doivent pas subir les conséquences financières du choix personnel de leurs
anciens agents. Toutefois, l’examen des dossiers a fait apparaître que, postérieurement à ce
départ volontaire, ces derniers ont parfois exercé une ou plusieurs activités dans le secteur
privé pendant au moins 91 jours. Dans ces conditions, conformément au règlement annexé à la
convention du 1er janvier 2001 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du
chômage, la conséquence du caractère volontaire de la démission s’efface au profit d’un droit
retrouvé au bénéfice de l’indemnisation du chômage dont la charge relève des employeurs
publics, lorsque les agents ont accompli auprès de ceux-ci la durée d’emploi la plus longue
pendant la période d’affiliation retenue. Ces employeurs publics ont quelquefois fondé leur
refus sur un arrêt du 15 juin 2000 de la Cour administrative d’appel de Nancy, qui semblait, de
manière contestable, avoir ignoré la réglementation précitée. Informé de l’annulation de cette
décision de justice prononcée aux termes d’un arrêt rendu le 30 décembre 2002 par le Conseil
d’Etat, le Médiateur de la République est intervenu dans plusieurs cas, pour demander aux
employeurs concernés une juste et entière application des règles.
Hypothèse dans laquelle l’agent public refuse d’accepter un nouvel emploi.
Quant au refus d’accepter un nouvel emploi, il arrive que des employeurs publics
privent leurs anciens agents de toute indemnité au titre du chômage ou suspendent le versement
de celle-ci, en estimant que les motifs de refus allégués par ces agents ne sont pas légitimes. Le
Médiateur de la République a rappelé à ces employeurs que, selon la jurisprudence constante
du Conseil d’Etat, il leur appartenait de saisir le directeur départemental du travail, de l’emploi
et de la formation professionnelle, seul compétent pour apprécier la légitimité d’un refus
d’emploi et pour prononcer la sanction pouvant aboutir au non paiement de l’allocation pour
perte d’emploi. Le Médiateur de la République a constaté que, lorsque les conditions étaient
remplies, ses demandes de rétablissement des droits étaient satisfaites.
c) Un rôle prépondérant du secteur AGP en matière de pensions de retraite
20
La compétence du Médiateur de la République est très large en matière de pensions de
retraite. En effet, elle recouvre l’ensemble du champ couvert par les textes sur le régime des
pensions civiles et militaires (le Fonds professionnel pour l’emploi, FPE et la Caisse nationale
de retraites des Agents des collectivités locales, CNRACL), ainsi que ceux couvrant la retraite
des non-titulaires et des ouvriers de l’Etat. Cette compétence s’étend aussi aux militaires
invalides de guerre et aux victimes civiles de la guerre, aux nationaux des pays antérieurement
sous souveraineté française et ayant accédé à l’indépendance, et aux ayants-cause des titulaires
du droit (veuves, orphelins, ascendants en cas de pension militaire d’invalidité et de victimes
de guerre).
Le Médiateur de la République intervient également lorsque les litiges portent sur l’application
des règles de cumul d’une pension et d’une rémunération d’activité ; sur les litiges relatifs au
rétablissement des droits à l’assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale29 et au
régime complémentaire de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de
l’Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC), lorsque l’agent n’atteint pas la durée des 15
ans de services pour percevoir une pension ; pour les litiges concernant la révision d’une
pension concédée. Enfin, dans le contexte récent de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003
portant réforme des retraites, le Médiateur de la République est compétent pour les
réclamations relatives à la suspension des droits à pension, la saisie et la cession des pensions.
Plus généralement, le Médiateur de la République est saisi des réclamations présentées par
d’anciens agents publics qui rencontrent des difficultés pour obtenir la liquidation ou la
révision de leur pension. Le Médiateur de la République s’attache à faire bénéficier les agents
publics de l’intégralité de leurs droits à pension. Celui-ci est intervenu, à plusieurs reprises, en
faveur de réclamants qui, toujours en fonction, ne parvenaient pas à obtenir le remboursement
de cotisations de retraites prélevées à tort sur leurs rémunérations.
L’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 est interprété à la fois par le service de la recevabilité et
par le secteur AGP, mais leur interprétation semble variée.
C/ L’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 : une interprétation à harmoniser entre le
service de la recevabilité et le secteur AGP
Au cours de mon étude sur l’article 8 de la loi du 3 janvier 1973, je me suis rendue
compte, par l’intermédiaire de Poseïdon, qui est une base de données propre au Médiateur de la
29 Le secteur AGP peut être saisi pour ce type de litige lorsqu’un individu a, au cours de sa carrière, été affilié au régime général de la sécurité sociale, puis au régime spécial des fonctionnaires.
21
République, que les chargés de mission de la recevabilité étaient eux-aussi amenés à utiliser
l’article 8 sur le fondement duquel ils rejettent certaines réclamations. En effet, le service de la
recevabilité oppose l’irrecevabilité lorsque les dossiers sont relatifs aux problèmes de
titularisation, de harcèlement moral, de mutation, de réintégration, et de suppression
d’indemnités. Or, certains chargés de mission du secteur AGP auraient souhaité examiner
certaines de ces réclamations. Une réunion a donc été organisée avec mon secteur et le service
de la recevabilité le 21 mai 2007 afin d’en discuter. Cependant, ce jour là Mme Haon, la
conseillère du service de la recevabilité, s’est présentée à cette réunion sans ces chargés de
mission alors qu’ils y étaient conviés.
A l’occasion de cette réunion, j’ai appris que 2 % de l’activité de la recevabilité (soit 86
dossiers sur 4500) portent sur l’application de l’article 8 de la loi du 3 janvier 1973. La
conseillère du service de la recevabilité affirme que 10 % des dossiers relatifs aux agents
publics sont transmis au secteur AGP les autres étant déclarés irrecevables.
Au service de la recevabilité, la conseillère et les chargés de mission ont, semblerait-il,
tendance à respecter scrupuleusement la lettre de l’article 8 de la loi du 3 janvier 1973, afin
d’éviter l’ « engorgement » du Médiateur de la République. Cet article dispose que : « Les
différends qui peuvent s’élever entre les administrations et organismes publics [et leurs agents
en activité] ne peuvent faire l’objet de réclamations auprès du Médiateur de la République ».
Selon eux tel est notamment le cas des litiges ayant pour objet le statut, la rémunération, le
déroulement de carrière ou la gestion des emplois des agents publics en activité.
Pour mieux comprendre l’usage de l’article 8 par le service de la recevabilité j’ai décidé, avec
l’accord de Mme Delval, de rencontrer la conseillère ainsi que les chargés de mission du
service de la recevabilité. Apparemment certains agents du service de la recevabilité ont eu
l’impression que le secteur AGP voulait remettre en cause la qualité et leurs méthodes de
travail.
J’ai rencontré deux chargés de mission du service de la recevabilité : Mme Lenclud et M.
Kahli.
Mme Lenclud considère que l’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 est clair, elle n’a pas de
problème d’interprétation avec cet article. En outre, elle dit appliquer les consignes de Mme
Haon. Cette dernière oriente les dossiers entre les secteurs. En cas de doute Mme Lenclud dit
avoir déjà pris contact avec Joseph Guillemot, un chargé de mission du secteur AGP.
M. Kahli considère également que l’article 8 est clair. A partir du moment où un agent public
en activité a un litige avec sa hiérarchie relatif à une nomination, une promotion, une notation,
une demande de détachement, d’affectation, de mutation, une décision d’avancement,
22
disciplinaire, de licenciement, de mise à disposition ou relative à la reconstitution de carrière,
aux rémunérations et aux régimes indemnitaires, il oppose automatiquement l’article 8, le
Médiateur de la République est incompétent.
Au service de la recevabilité, dans ces hypothèses, les chargés de mission recommandent au
réclamant d’exercer les recours gracieux, hiérarchique et juridictionnel dont il dispose et ils lui
conseillent éventuellement de saisir le Médiateur de l’Education nationale si le réclamant est
un enseignant, ou tout autre médiateur institutionnalisé (Médiateur de la SNCF…) en fonction
de l’administration à laquelle est rattaché le réclamant.
M. Kahli reconnaît toutefois que la frontière entre activité et inactivité (absence de service
effectif) peut être dans certains cas difficile à définir. A titre d’exemple il a évoqué l’existence
d’un litige entre un agent public en arrêt maladie pendant plusieurs semaines et son
administration. Dans cette hypothèse il estime que le secteur AGP est compétent.
Au secteur AGP, les agents considèrent que le Médiateur de la République est
compétent dans tous les différends qui opposent un agent public à sa hiérarchie, dès lors que
celui-ci ne relève pas des attributions du pouvoir hiérarchique ou disciplinaire de
l’administration.
Le secteur AGP n’est pas compétent en ce qui concerne le déroulement de carrière, car cela
relève des attributions du pouvoir hiérarchique de l’administration. Toutefois, le secteur AGP
est compétent en matière de reconstitution de carrière. Le Conseil d’Etat a admis que
l’administration a l’obligation de procéder à la reconstitution de la carrière telle qu’elle se
serait déroulée depuis l’éviction illégale (CE, 26 décembre 1925 Rodière).
Le Médiateur de la République a d’ailleurs déjà été saisi de réclamations des fonctionnaires
anciens combattants portant sur la reconstitution de leur carrière en réparation de leur
préjudice résultant de la guerre.
En cas de reconstitution de carrière, l’administration doit prendre des actes rétroactifs qui
restitueront au fonctionnaire irrégulièrement évincé les avancements à l’ancienneté dont il
aurait bénéficié en application des règlements en vigueur. Ainsi, l’agent a droit rétroactivement
à l’avancement au choix, déterminé en considération à la fois de sa valeur propre avant son
éviction et de ses chances de promotion comparable à celle de ses collègues. L’administration
est également tenue de rétablir l’intéressé dans ses droits à pension ( CE Sect., 18 novembre
1957, Veuve Champion).
23
En matière de remboursement des trop-perçus de traitement, de pension ou d’indemnité,
les chargés de mission du secteur AGP ne peuvent pas agir sur le fond du litige, mais ils sont
habilités à saisir les trésoreries générales en vue d’obtenir soit la remise partielle ou totale de la
dette, soit l’échelonnement de celle-ci.
Au sein du secteur AGP, en matière de nouvelle bonification indiciaire (NBI), le texte
de référence est l’article 27-I de la loi du 18 janvier 1991 qui dispose que : « la nouvelle
bonification indiciaire instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois
comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par
décret ». Le décret du 24 juillet 1991 fixe les conditions. En vertu de ces dispositions, le
Conseil d’Etat, dans son arrêt n° 133640 du 9 septembre 1994, a considéré que le bénéfice de
la bonification qu’elle institue est lié non au corps d’appartenance ou aux grades des
fonctionnaires, mais aux emplois qu’ils occupent, compte tenu des fonctions attachées à ces
emplois ; qu’un tel avantage ne revêt, dès lors, pas un caractère statutaire ; que son bénéfice n’a
pas de conséquence en termes d’avancement ou de déroulement de carrière, mais a un caractère
temporaire qui cesse avec la cessation des fonctions y ouvrant droit. La jurisprudence du
Conseil d’Etat est constante en la matière (cf. CE, 30 juillet 2003 ; CE, 27 juillet 2005).
A l’inverse au service de la recevabilité, lorsqu’un agent public à un litige avec son employeur
au sujet d’une NBI, la plupart des agents du service de la recevabilité, se fonde sur l’article 8
de la loi du 3 janvier 1973 en considérant qu’ils ne peuvent intervenir dans les différends qui
s’élèvent entre les administrations ou organismes investis d’une mission de service public et
leurs agents.
A travers ce travail, il apparaît qu’une harmonisation inter-sectorielle sur
l’interprétation de l’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 est utile, mais délicate à effectuer.
Comme nous l’avons vu le secteur AGP traite un grand nombre de réclamations
concernant les pensions civiles et militaires de retraite. Celles-ci représentent 50 % de la
totalité des dossiers présentés par les agents publics parmi lesquels certaines réclamations
portent sur les pensions de réversion.
24
III/ Une étude juridique sur les pensions de réversion
Il m’a d’abord semblé utile de réaliser un tableau comparatif relatif aux conditions
d’attribution des pensions de réversion dans le régime spécial des fonctions publiques par
rapport au régime général de la sécurité sociale (A). J’ai ensuite mené une étude plus
approfondie sur les pensions de réversion dans le régime des trois fonctions publiques afin de
savoir qui est le bénéficiaire de la pension en cas de pluralité de conjoints : concubin, séparé de
corps ou divorcé ou encore lorsqu’il y a des enfants issus du mariage avec le ou la
fonctionnaire défunt(e) (B).
25
A/ Entre le régime spécial des fonctionnaires et le régime général de la sécurité sociale, en
matière de pensions de réversion : des différences substantielles
Dans la fonction publique
Dans le secteur privé
Base juridique Code des pensions civiles et militaires de retraites Art. L. 38 et suivants
Code de la sécurité socialeArt. L. 353-1, L. 353-3 et suivants
Age minimum requis
Non Diminution progressive jusqu’à sa suppression prévue en 2011Dès le 1er juillet 2005 : 52 ansDès le 1er juillet 2007 : 51 ansDès le 1er juillet 2009 : 50 ansDès le 1er janvier 2011 : suppression de la limite d’âge
En cas de remariage du conjoint survivant
Droit à pension supprimé pendant la durée de l’union
Droit à pension maintenu
Condition de durée minimum de mariage
Oui, 2 à 4 ans selon les casArt. L. 39 du Code des pensions civiles et militaires de retraites
Non, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a supprimé à compter du 1er juillet 2004 la condition de durée minimale (4 ans de mariage),Art. L. 353-1 du Code de la sécurité sociale
Condition de ressources
Non Oui, le plafond de ressources annuel est de 16 702,40 € pour une personne seule.
A l'origine le droit à réversion était réservé aux veuves, il se justifiait par un contexte
économique, social et démographique précis : l'espérance de vie des femmes était supérieure à
celle des hommes, leur taux d'activité était, au contraire, très inférieur et, la plupart se
consacrant donc à leur foyer, elles risquaient de se trouver sans ressources au décès de leur
mari, n'ayant pu acquérir aucun droit à pension pour elles-mêmes.Ce fondement a longtemps subsisté, le législateur n'a effacé les traces visibles de
discrimination entre les hommes et les femmes dans le code de pensions, et en particulier
s'agissant de la réversion, que par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
B/ les pensions de réversion dans le régime des fonctions publiques
26
Base légale destinataires Conditions Art. L. 38 c. des pensions (Loi n° 2003-775 du 21 août 2003, art-56-I)
Les conjoints d’un fonctionnaire civil ont droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire.
Art L.39 c. des pensions : Le droit à « pension de réversion » est reconnu aux conjoints30 (conditions non cumulatives): → En cas de mise à la retraite d’office, le mariage doit être antérieur d’au moins 2 ans à la mise à la retraite ou à la mort du fonctionnaire.→ Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage (même si la condition tenant à l’antériorité du mariage n’est pas respectée).→ Si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l’activité, a duré au moins 4 années31.
Art. L. 44 c. des pensions (Loi n° 82-599 du 13 juillet 1982, art.15-II)
Le conjoint séparé de corps et le conjoint divorcé ont droit à la pension de réversion.
Le conjoint divorcé qui s’est remarié avant le décès du fonctionnaire et qui, à la cessation de cette union, ne bénéficie d’aucun droit à pension de réversion peut faire valoir ce droit s’il n’est pas ouvert au profit d’un autre ayant cause32.
Art. L. 50 c. des pensions (Loi En cas de décès d’un Le conjoint divorcé qui s’est
30 L’octroi de la pension de réversion est subordonné à l’existence d’un mariage, le terme « conjoint » fait donc référence au mari ou à l’épouse.31 Selon une jurisprudence constante, le Conseil d’Etat (CE) a toujours refuser de prendre en compte toute période de concubinage antérieure au mariage en matière de pension de réversion (CE,7 décembre 1955, Dame Veuve Chailly ; pour une période de trente six années de concubinage, CE, 6 avril 1979 de la Coussaye requête n° 6182).Si le législateur a subordonné le droit à pension de réversion, en l’absence d’enfants, à une condition de durée de mariage de quatre années, une telle condition destinée à faire dépendre la dette de l’Etat de la stabilité du mariage en évitant les risques de fraudes, est fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec les buts de la loi. Un tel critère relatif à l’état matrimonial des personnes ne saurait être regardé comme portant atteinte au principe du droit au respect de la vie privée posé par les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ni comme constituant une discrimination prohibée par l’article 14 de cette convention (CE, 27 juillet 2005, n° 272443, Chantal Margain).
32 Le bénéfice de la pension de réversion est subordonné, pour le conjoint divorcé remarié avant le décès du fonctionnaire, à la double condition qu’à la cessation de cette union, ce droit ne soit pas ouvert au bénéfice d’un autre ayant cause et qu’il ne bénéficie d’aucun droit à pension de réversion, que celui-ci soit ouvert en application de la législation française ou, sous réserve des stipulations d’une convention internationale, étrangère. L’intéressée qui bénéficiait, du chef de son époux, d’une pension de réversion versée par l’Etat uruguayen, ne pouvait prétendre à l’attribution d’une pension de réversion à la suite du décès de son premier époux (CE, 19 juin 2006, n° 2006-070331).
27
n° 2003-775 du 21 août 2003, art.61)
fonctionnaire civil ou militaire par suite d’un attentat, d’une lutte dans l’exercice de ses fonctions, d’un acte de dévouement dans un intérêt public ou pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes, une pension de réversion est concédée aux conjoints.
remarié avant le décès du fonctionnaire et qui, à la cessation de cette union, ne bénéficie d’aucun droit à pension de réversion peut faire valoir ce droit s’il n’est pas ouvert au profit d’un autre ayant cause.
Art. L.45 c. des pensions (Loi n° 2003-775 du 21 août 2003, art. 58-I)
Lorsque, au décès du fonctionnaire, il existe plusieurs conjoints, divorcés ou survivants, ayant droit à la pension de réversion, la pension est répartie entre ces conjoints au prorata de la durée respective de chaque mariage.
Si l’un des bénéficiaires décède, sa part est transmise le cas échéant aux orphelins de moins de 21 ans (et au delà en cas d’infirmité), légitimes ou naturels, issus de son union avec le fonctionnaire ou le titulaire de la pension, ou adopté au cours de cette union33.
Art. L. 46 c. des pensions (Loi n° 82-599 du 13 juillet 1982, art.15-IV)
Le conjoint survivant ou le conjoint divorcé, qui se remarie ou « vit en état de concubinage notoire », perd son droit à la pension partielle de réversion. Dès cet instant , ses droits passent aux enfants âgés de moins de 21 ans (et au delà en cas d’infirmité).
Si le conjoint survivant ou le conjoint divorcé, a dissout sa nouvelle union ou s’il cesse de vivre en état de concubinage notoire, il pourra recouvrer son droit à pension de réversion.
33 Dans un arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 2002, n° 230456, Buzare, la requérante soutenait que la première épouse divorcée de son mari, militaire décédé en service, vivait en concubinage notoire et en conséquence elle demandait à ce que les droits à pension de réversion passent à elle-même ou, à défaut, à sa fille mineure. Le CE a estimé que la part de la pension attribuée à la femme divorcée est supprimée pendant la période où elle vit en concubinage, mais elle est accordée de nouveau si le concubinage cesse. En conséquence, la seconde épouse du défunt ne peut jamais se prévaloir du concubinage notoire de la première épouse pour bénéficier des droits dont celle ci serait privée. Le juge administratif a reconnu que le concubinage notoire dans lequel vit la première épouse divorcée a pour conséquence de faire passer la pension à la fille mineure née de ce mariage et en aucun cas aux enfants mineurs nés du mariage suivant.
28
Art. L. 40 c. des pensions (Loi n° 2003-775 du 21 août 2003, art 57-I)
En cas de décès du conjoint survivant les droits à pension de réversion passent aux enfants âgés de moins de 21 ans. Chaque orphelin34 a droit à une pension égale à 10 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu’il aurait pu obtenir au jour de son décès.
Art. L. 57 c. des pensions (Loi n° 75-1242 du 27 décembre 1975, art.16 ; Loi n° 2003-775 du 21 août 2003, art.60-1°)
Lorsqu’un titulaire d’une pension de réversion, a disparu de son domicile et que plus d’un an s’est écoulé sans qu’il est réclamé les arrérages de sa pension son conjoint et les enfants âgés de moins de 21 ans qu’il a laissé peuvent obtenir, à titre provisoire, la liquidation des droits à la pension qui leur seraient ouverts en cas de décès35.
Les pensions de réversion sont un sujet complexe, car en la matière la législation n’est pas
simple. Les chargés de mission du secteur AGP sont souvent confrontés à cette difficulté
lorsqu’ils font de la médiation.
IV/ La médiation : un instrument de protection des droits des administrés
La médiation est un mode alternatif de règlement des différends (A) ; la nature des actes
édictés par le secteur AGP du Médiateur de la République est spécifique aux autorités de
régulation (B). Effectuer mon stage chez le médiateur de la République m’a permis de voir en
quoi consiste la médiation (C) et j’ai découvert ce qu’on appelle « une médiation réussie » (D).
34 Les enfants naturels reconnus et les enfants adoptifs sont assimilés aux orphelins légitimes.35 L’article L. 57 du Code des pensions ne prévoit pas la même solution au profit du fonctionnaire homme mais au seul profit des orphelins lorsque c’est la femme fonctionnaire qui a disparue. Ce caractère dissymétrique du régime des pensions ne résulte pas selon le Conseil d’Etat d’une volonté délibérée du législateur et « ainsi l’article L. 57 doit être regardé comme s’appliquant à tous les ayants cause d’un bénéficiaire du Code des pensions quel que soit leur sexe » (CE, 17 mai 1999, M. Le Briquir).
29
A/ La médiation : un mode alternatif de règlement des conflits
Le médiateur de la République est une autorité dépourvue de tout pouvoir coercitif,
cette caractéristique permet de le distinguer d’une juridiction. Ainsi, l’absence de pouvoir de
décision, d’annulation ou de substitution est générale. Le Médiateur de la République joue son
rôle en exerçant une sorte de « magistrature d’influence »36. La médiation n’a cessé d’étendre
son emprise sur les différents secteurs de la vie sociale. L’expression médiation est souvent
employée dans les discours officiels à la fois comme une exhortation au changement et comme
la manifestation d’une certaine modernité des institutions administratives, sociales et
politiques.
La médiation se définit comme un processus de création du lien social, « un mode de gestion
de la vie sociale grâce à l’entremise d’un tiers, neutre, indépendant, sans autre pouvoir que
l’autorité que lui reconnaissent les « médiés37 » qui l’ont choisi ou reconnu librement »38.
L’entrée de la médiation dans le domaine juridique l’a placée dans la sphère des modes
alternatifs de règlement des conflits (arbitrage, conciliation, négociation). L’objectif est d’une
part, de désengorger les tribunaux et, d’autre part, de faire gagner du temps et de l’argent aux
parties. La médiation est complémentaire de l’action du juge. Le contrôle juridictionnel a
toujours joui d’une place privilégiée dans le règlement des litiges administratifs. Mais cette
situation ne constitue pas une panacée et ceci pour diverses raisons. Benjamin Boumakani39 a
mis en exergue que « le contrôle [juridictionnel] est souvent trop lent pour être suffisamment
efficace et manque de prise sur toutes les manifestations de l’action administrative, du fait des
limites que s’impose le juge par rapport au contrôle de l’opportunité et au jugement en pure
équité. Or c’est justement par rapport à ces limites que la médiation se construit et y tire sa
raison d’être ».
La médiation est essentielle dans la mesure où elle permet de renforcer la protection des droits
des administrés. Cette protection est confortée grâce à la nature extra-juridique de ces actes qui
lui permet d’agir avec souplesse.
B/ La nature des actes édictés par le secteur AGP : une spécificité propre aux autorités
administratives indépendantes
36 BOUMAKANI Benjamin, « la médiation dans la vie administrative », RDP, n° 3-2003, p.868.37 L’expression désigne les personnes ayant choisi la médiation pour le règlement de leur litige.38 GUILLAUME-HOFNUNG Michèle, La Médiation, Que sais-je ? n° 2930, PUF, 1995, p.74.39 BOUMAKANI Benjamin, ibid
30
Le Médiateur de la République ne dispose pas d’un pouvoir de décision pour imposer
une solution. Les actes non contraignants qu’il édicte sont considérés comme des actes non
réglementaires.
Le Médiateur de la République a une mission de régulation. Il s’efforce de réduire les conflits
entre l’administration et les administrés, en détectant, grâce aux réclamations qui lui sont
soumises, les phénomènes de « maladministration » et, enfin, en cherchant à en supprimer la
cause par ses propositions de réforme. Le Médiateur doit convaincre plutôt qu’ordonner, car
aucune amélioration profonde et durable n’est à attendre de l’administration sans la
participation de ses membres. La caractéristique des autorités de régulation est alors, selon
l’expression du professeur Gaudemet, l’ « utilisation d’une normativité incertaine, efficace et
contraignante en fait, mais étrangère aux formes ordinaires et classiques ». Ce procédé est
qualifié de « soft law », il est indissociablement lié à la notion de régulation. Ce droit « mou »
permet à l’administration de prendre les mesures adaptées avec plus de souplesse et
d’efficacité.
Ces actes ont de surcroît pour avantage de faciliter une intervention plus discrète que la
sanction du juge comme j’ai pu le constater au secteur AGP.
C/ La médiation au concret au sein du secteur AGP
La loi du 3 janvier 1973 confère au Médiateur de la République une mission de
régulation dans les relations administration-administrés afin de lutter contre le phénomène de
« maladministration » et de pallier à la faiblesse qualitative et quantitative du contrôle
juridictionnel de l’administration. Le secteur AGP du Médiateur de la République, comme
nous l’avons vu, peut être saisi de réclamations qui concernent une large gamme de problèmes
entre l’administration et les agents publics. Il contribue notamment en période de crise, à
rétablir la paix sociale par la recherche de solutions d’apaisement. La conciliation aura sans
doute « l’autorité de la chose médiatisée »40, mais les parties seront libres de l’exécution.
La légitimité du Médiateur de la République se trouve dans sa faculté à développer un
statut moral qui convainc de son impartialité et de son objectivité. Les interventions du secteur
40 M. Bernard Malignier estime que cette expression constitue un néologisme. Elle s’inspire de la formule « autorité de la chose jugée » (B.MALIGNIER, Les fonctions du Médiateur, PUF, Série Science Administrative-11, Paris II, 1ère édition, 2è trimestre 1979, p. 231) tout autant que celle déjà connue d’ « autorité de la chose décidée » proposée par M. le Professeur Schwartzenberg. De la même façon qu’on a cherché à savoir quelle force juridique s’attachait aux décisions du juge comme à celle émanant de l’administration, on cherche à déterminer quelle est l’autorité juridique qui s’attache aux « décisions » du Médiateur de la République.
31
AGP peuvent avoir des effets multiples : déblocage d’un dossier en souffrance, redressement
d’une erreur de l’administration, assouplissement de son attitude, amélioration du
fonctionnement d’un service. Ainsi, il peut être à la fois conciliateur, juriste, réformateur… Il
détecte grâce aux réclamations qui lui sont transmises les dysfonctionnements de
l’administration. L’intervention des agents du secteur AGP se réalise en deux temps : ils font
une analyse de la « maladministration », puis ils procèdent à sa correction.
Le Médiateur de la République tente de mettre un terme aux iniquités. Cette notion est plus
morale que juridique ce qui influe sur la manière d’y remédier. Le Médiateur de la République
a une fonction pédagogique visant à limiter les incompréhensions entre les administrés et les
administrations.
Par ailleurs, au sein du secteur AGP, la plupart des réclamations sont relatives à la défense
d’intérêts matériels, c’est-à-dire à la reconnaissance d’un droit (exemple : la bonification de
pension pour enfant) ou à l’attribution d’un avantage. A l’inverse, peu de réclamations des
administrés mettent en cause la protection des libertés fondamentales telle que la liberté
d’expression. Ceci s’explique par le fait que le Gouvernement français considère que la
défense des droits individuels et des libertés publiques doit rester l’apanage des tribunaux.
Le taux de réussite des médiations au sein des services centraux du Médiateur de la
République s’élève à 80 %. Mais que faut-il entendre par « médiation réussie » ?
D/ Dans quel cas peut-on dire qu’une médiation est réussie ?
Réussir une médiation revient généralement à trouver un compromis entre les deux
parties. Au secteur AGP, on considère que cela ne signifie pas automatiquement donner raison
au réclamant. Une médiation peut être réussie même si elle n’est que partielle. Enfin, une
médiation sera réussie si l’agent du Médiateur de la République a su réorienter l’administré
vers l’autorité compétente pour régler son différend. En 2006, les services centraux ont reçu 6
948 affaires dont 2 600 constituaient des demandes d’information et de réorientation.
32
A titre d’exemple, j’ai dû réorienter un stagiaire de la fonction publique hospitalière, qui se
plaignait d’une éventuelle discrimination au motif qu’il n’avait pas obtenu sa titularisation
alors que tous ses collègues l’avaient obtenue, vers la Haute Autorité de Lutte contre les
Discrimination et pour l’Egalité dont le Président est M. Louis Schweitzer.
Le secteur AGP, comme tous les secteurs d’instruction du Médiateur de la République,
ne jouit pas d’une totale liberté d’intervention. En effet, son action doit être fondée soit sur « le
bon fonctionnement du service », soit sur l’ « équité ».
V/ Les fondements de l’intervention du secteur AGP du Médiateur de la
République
Le Médiateur de la République peut fonder son action sur des concepts extra-juridiques
en utilisant des notions telles que « le bon fonctionnement du service » (A) ou l’« équité » (B).
A/ Le bon fonctionnement du service
33
Le secteur AGP vérifie, dans le cadre de la réclamation individuelle qui lui a été
transmise, si l’organisme a fonctionné « conformément à la mission de service public qu’il doit
assurer » (article 6 de la loi du 3 janvier 1973). On recherche non seulement si le
fonctionnement du service est conforme au droit, mais également s’il n’a pas provoqué des
phénomènes de « maladministration » troublant le bon sens et échappant au contrôle du juge.
Face aux lenteurs ou aux négligences de l’administration, le Médiateur de la République peut
recommander une attitude plus conforme aux exigences du service public. Ainsi, le contrôle de
la « maladministration » fondé sur le « bon fonctionnement du service » fait l’originalité du
contrôle du Médiateur par rapport à celui du juge.
De plus, depuis la loi du 24 décembre 1976, le Médiateur de la République peut également
intervenir sur le fondement de l’équité.
B/ L’équité, une notion prise en compte au sein du secteur AGP
En 1976, le législateur a innové en introduisant l’équité (1), mais l’équité est une notion
aux contours imprécis (2). Le Médiateur de la République peut remédier aux injustices par le
biais des recommandations en équité (3).
1) L’introduction de l’équité par voie législative : une évolution majeure
L’intégration du concept d’équité, par le biais de la loi du 24 décembre 1976, modifiant
l’article 9 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, marque une
évolution des mentalités dans un pays de droit écrit comme la France. En effet, la loi de 1976
prévoit en son article 3 que le Médiateur de la République, à l’occasion d’une réclamation dont
il est saisi, et s’il lui apparaît que l’application des dispositions législatives et réglementaires
aboutit à une solution inéquitable, peut notamment recommander à l’organisme mis en cause
toute solution permettant de régler en équité la situation du réclamant. Il s’agit d’une
innovation majeure, puisque le législateur reconnaît que le strict respect de la loi peut générer
une iniquité, c’est-à-dire un grave déséquilibre au détriment d’un usager visé, par exemple, par
une décision administrative. Cela semble alors supposer que le Médiateur de la République
peut recommander une solution qui serait contraire à la lettre de la loi sur le fondement de
l’équité. Alain-Serge Mescheriakoff ne partage pas ce point de vue. En effet, ce juriste
considère que « cette autorité indépendante ne doit faire triompher l’équité que chaque fois
qu’elle n’est pas contraire au droit »41.41 MESCHERIAKOFF Alain-Serge, « La place du Médiateur dans les institutions françaises : un bilan de dix ans d’existence », RDP administratif, 1983, n° 27, juillet-septembre 1983, pp.533-553.
34
Les accommodements à la lettre du texte, suggérés par les agents du secteur AGP doivent être
compatibles avec l’esprit de la loi. Il est évident que l’action du Médiateur de la République,
comme celle du juge, se fonde avant tout sur le droit. Lorsqu’un litige lui est soumis, il
recherche d’abord si l’administration n’a pas commis d’erreur dans l’application de la règle de
droit et a bien respecté le principe de légalité. Puis, il essaie, lorsque cela est possible, de
motiver les solutions qu’il propose sur un fondement légal.
La notion d’équité sous-tend une évolution juridique qui s’est manifestée
progressivement. La notion d’équité est apparue en premier lieu dans l’appareil juridique
européen, grâce à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des
libertés fondamentales adoptée par le Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950. En effet,
l’article 6 de cette Convention fait référence à la notion de procès équitable. En pratique, il
n’existe guère d’action à juger qui exclue totalement l’équité42.
L’équité est une notion à différencier de l’égalité. En effet deux situations égales peuvent ne
pas être équitables. L’équité est un concept qui se prête mieux à une définition négative. Par
conséquent, il est difficile de définir avec précision cette notion fluctuante.
2) L’équité : une notion aux contours flous
L’équité est une notion éminemment difficile à définir, dans la mesure où il n’y a pas eu
de débats devant le Parlement pour préciser ce que le législateur entendait par « équité ».
Néanmoins, le Lexique des termes juridiques43 définit l’équité : il s’agit d’« une réalisation
suprême de la justice, allant parfois au-delà de ce que prescrit la loi » ; juger en équité revient à
« appliquer pour la solution d’un litige donné, des principes de la Justice, afin de combler les
lacunes du droit positif ou d’en corriger l’application lorsqu’elle serait trop rigoureuse ».
Le secteur AGP du Médiateur de la République met en œuvre un « principe d’équité »,
complémentaire du traditionnel principe de légalité. Les rapports entre ces deux principes sont
délicats à expliquer, mais découlent de l’idée générale selon laquelle l’équité complète le droit.
La notion d’équité permet, plus que le droit, de faire prévaloir l’idée de bonne administration,
notion « étanche » aux catégories juridiques.
42 RIBS Jacques, Introduction. Justice, médiation et équité, Colloque Droit et Démocratie, La Documentation Française, Paris, 1992 p.7.43 Lexique des termes juridiques, 14e édition, Dalloz, 2003.
35
Toutefois, le triomphe de l’équité dans un cas particulier peut entraîner l’injustice,
puisque n’en bénéficie que la seule personne qui s’est adressée au Médiateur de la République.
Il est alors indispensable de passer de l’équité individuellement distribuée à l’équité collective,
« sociale ». C’est précisément ce que réalise l’action réformatrice du Médiateur, lorsqu’elle
aboutit à faire modifier telle disposition législative ou réglementaire dans le sens de l’équité.
Dominique Latournerie, conseiller d’Etat, estime que l’équité demeure une notion
subjective, susceptible d’applications inégales. Il a ajouté qu’ « il est préoccupant qu’en
modifiant, par la loi du 24 décembre 1976, celle du 3 janvier 1973, le législateur lui-même ait
dû reconnaître qu’une situation de légalité puisse ne pas correspondre à une situation
d’équité »44. Le législateur a donc donné au Médiateur un pouvoir d’une nature nouvelle : il lui
est désormais permis d’apprécier les conséquences d’une loi ou d’un règlement, alors que cette
appréciation est du ressort du législateur pour la loi et du Gouvernement pour le règlement.
La pratique du secteur AGP démontre qu’avant d’intervenir, il s’assure que la décision
ou le comportement administratif a des conséquences inéquitables justifiant son action ;
ensuite, que la situation de l’iniquité n’a pas été prévue et acceptée par le législateur ; et, en
définitive, que la prise en compte de la mesure destinée à compenser l’iniquité est conforme à
l’esprit de la loi et ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Cette liberté laissée au Médiateur
de la République est tolérable, dans un Etat de droit, puisque son action est fondée sur sa
complémentarité avec l’action du juge et le devoir de solidarité45.
Néanmoins, le règlement en équité pose des problèmes dans le cadre d’un Etat de droit.
En effet, les décisions prises en équité, et contraires aux lois et règlements, sont illégales et
sont susceptibles d’être un jour censurées par le juge de l’excès de pouvoir et la Cour de
discipline budgétaire et financière. A l’heure actuelle, le Médiateur de la République endosse la
responsabilité morale des décisions prises sur le fondement de l’équité.
Toutefois, il est nécessaire de préciser que les « décisions » (par exemple les recommandations
faites aux administrations concernées) contraires aux lois et aux règlements sont très
marginales. En effet, lorsque la décision émanant de l’administration est fondée en droit les
agents du secteur AGP considèrent, dans l’immense majorité des cas, qu’il n’est pas possible
d’examiner la réclamation de l’administré en équité. J’ai moi-même adopté ce raisonnement en
traitant un dossier portant sur un refus de prise en compte d’une bonification pour enfant dans 44 LATOURNERIE Dominique, Médiation et justice, in Documents et études du Conseil d’Etat, 1983-1984, p. 86.45 DELAUNAY Bénédicte, Médiateur de la République, PUF, Que sais-je ?, 1ère édition, 1999
36
le calcul de la pension de retraite de Mme X. Le texte de référence applicable s’agissant des
droits à bonification pour enfant est l’article L.12 b) du Code des pensions civiles et militaires
de retraite. Cet article dispose que pour les enfants nés, adoptés, ou dont la prise en charge a
débuté avant le 1er janvier 2004, « les fonctionnaires bénéficient d’une bonification fixée à un
an, à condition qu’ils aient interrompu leur activité dans les conditions fixées en Conseil
d’Etat ».
Le décret pris précise à l’article R.13 de ce Code que « le bénéfice des dispositions du b) de
l’article L.12, est subordonné à une interruption d’activité d’une durée continue au moins
égale à deux mois, dans le cadre d’un congé pour maternité, d’un congé pour adoption, d’un
congé parental ou d’un congé de présence parentale […] ou d’une disponibilité pour élever un
enfant de moins de huit ans ».
Ainsi, en application de cette réglementation, il faut avoir interrompu son activité pendant une
période continue d’au moins deux mois dans le cadre d’un congé statutaire pour pouvoir
bénéficier de cette bonification.
Dans le cas présent, l’enfant est arrivé, au sein du foyer de la réclamante, alors qu’il était âgé
de onze ans. La réclamante ne pouvait justifier à l’égard de cet enfant d’une interruption
d’activité. En revanche, Mme X remplit les autres conditions requises pour l’octroi de cette
bonification, à savoir qu’elle a élevé pendant neuf ans cet enfant avant son vingt et unième
anniversaire.
Dans cette affaire, je n’ai pu que constater que la décision de rejet à la demande de bonification
pour enfant par le service des pensions du ministère de l’Economie situé à la Baule est fondée
en droit. Ce service a fait une exacte application des dispositions en vigueur. Dès lors, je n’ai
pu intervenir utilement en sa faveur.
Certes le Médiateur de la République a le pouvoir d’apprécier les conséquences d’une loi ou
d’un règlement au regard de l’équité, aux termes de l’article 9 de la loi n° 73-6 du 3 janvier
1973, mais mon intervention ne peut se justifier que si le préjudice subi par le réclamant est
exceptionnel, suffisamment grave et distinct de celui supporté par l’ensemble des personnes
auxquelles les textes s’imposent. Or, telle n’est pas la situation de la réclamante. J’ai donc
renvoyé son dossier au parlementaire qu’elle avait sollicité.
Les recommandations en équité visent à pallier aux iniquités d’origine législatives ou
réglementaires.
3) Les recommandations en équité : un pouvoir permettant de remédier aux injustices
37
J’ai eu l’occasion d’effectuer une recommandation en équité46 fondée sur l’article 9 de
la loi du 3 janvier 1973 qui dispose que : « le Médiateur de la République fait toutes les
recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et,
notamment recommande à l’organisme mis en cause toute solution permettant de régler en
équité la situation de l’auteur de la réclamation ».
Mon attention a été appelée sur la situation de Mme Y, agrégée depuis 1967. Elle a exercée ses
fonctions, d’une part, en qualité d’agent non titulaire de l’Etat (maître contractuel de
l’enseignement privé) et, d’autre part, en qualité d’enseignante dans un organisme privé. En
2003, elle a fait l’objet d’un reclassement dans le corps des maîtres de conférences, en
application du décret n° 85-465 du 26 avril 1985 relatif aux règles de classement des personnes
nommées dans les corps d’enseignants chercheurs des établissements d’enseignement supérieur
et de la recherche relevant du ministère de l’Education nationale.
Conformément à l’article 7-1 du décret précité, seule la situation constatée à la date de
nomination dans le nouveau corps est prise en compte lors du reclassement. Ainsi seuls les
services effectués par l’intéressée en tant qu’enseignante à l’Institut catholique de Paris ont été
pris en compte, à raison du tiers jusqu’à 12 ans, en vue du calcul de l’ancienneté. Ses 24 années
passées en tant qu’agent non titulaire de l’Etat n’ont donc pas été reconnues. Mme Y a contesté
son arrêté de reclassement. Elle a également saisi le tribunal administratif de Nancy qui n’a pu
que rejeter sa demande d’annulation de l’arrêté de reclassement, ce dernier étant légal puisqu’
issu d’une stricte application du décret de 1985. Mme Y a alors saisi les services du ministère
de l’Education nationale, afin de les alerter sur les conséquences désastreuses de l’application
des dispositions du décret de 1985 sur la carrière des agents, dans un premier temps, et sur leur
retraite, dans un second temps.
En l’espèce, les modalités de reclassement précédemment exposées ont entraîné pour
l’intéressée une véritable inversion de carrière car elle se retrouve classée au 3ème échelon du
corps des maîtres de conférences, indice 563, indice de rémunération qu’elle détenait en 1975.
Mme Y a, par diverses correspondances adressées à la Direction des personnels enseignants et
au Médiateur de l’Education nationale, demandé qu’une réforme du décret de 1985 soit
envisagée. En 2004, le Médiateur de l’Education nationale a soulevé dans son rapport annuel,
le problème des difficultés posées par le reclassement des enseignants chercheurs,
recommandant une réforme des modalités de prise en compte des services effectués par les
personnes reclassées. En outre, il a précisé qu’il conviendrait de veiller à ce que les personnes
46 Au sein du secteur AGP, le nombre de recommandations en équité, par an, varie entre dix et vingt.
38
reclassées en application des actuelles dispositions ne se trouvent pas, après l’entrée en vigueur
de la réforme, dans une situation moins favorable que les personnels recrutés après elles.
Mme Y, prochainement en retraite, s’est inquiétée de l’évolution du projet de réforme et de ses
modalités d’application. Particulièrement sensible à la situation de l’intéressée, j’ai pris contact
avec la Direction des personnels enseignants, afin de connaître l’état d’avancée du projet de
texte modificatif du décret de 1985. Cette direction m’a indiquée que le projet de texte était en
cours de finalisation. Il prévoit notamment, comme l’avait très justement proposée Mme Y, des
dispositions plus favorables en matière de reclassement. En effet, pour la reprise d’ancienneté,
ce ne sera plus la dernière situation de l’agent qui sera prise en compte, mais la plus favorable.
La direction des personnels enseignants m’a également informé que ce texte ne serait pas
applicable de manière rétroactive et, de ce fait, ne pourrait pas bénéficier à Mme Y.
Mme Y m’a fait part de son sentiment de profonde injustice. Il me semble équitable, compte
tenu des circonstances, de lui appliquer, à titre exceptionnel et dérogatoire, les modalités plus
favorables de reclassement (prise en compte de la situation la plus favorable et non de la
dernière situation) prochainement réglementaires.
J’espère que les services du ministère de l’Education nationale constaterons comme
moi-même la spécificité de la situation de Mme Y et que ma recommandation47 sera prise en
compte.
Les recommandations en équité ne sont pas des décisions faisant grief, donc elles échappent au
contrôle juridictionnel (le Conseil d’Etat l’a d’ailleurs rappelé dans un arrêt du
18 octobre 2006, M. et Mme Claude A.). Ainsi, en cas d’inexécution de la recommandation, le
Médiateur de la République peut seulement la rendre publique (article 9 de la loi du
3 janvier 1973).
Les interventions du Médiateur de la République, les actes de médiation, sous toutes
leurs formes, participent au règlement ou à la prévention des litiges par des voies et en des
termes qui peuvent être extra-juridiques.
47 Une recommandation consiste à conseiller à l’administration la solution susceptible de régler le différend. Il s’agit d’une mesure purement incitative que l’autorité compétente n’est pas obligée de suivre.
39
VI/ Les principaux moyens d’action du secteur AGP du Médiateur de la République
Le Médiateur de la République dispose de plusieurs moyens d’action pour faire face aux
dysfonctionnements de l’administration. L’existence de ces pouvoirs d’action assure
l’efficacité de son intervention et affirme son autorité. Le Médiateur de la République joue un
rôle de correcteur des dysfonctionnements administratifs (A) et il veille également à mener une
action préventive de ces dysfonctionnements (B).
A/ Une action principalement correctrice
40
Le Médiateur de la République est pourvu de moyens d’investigation en vue de pouvoir
accéder aux dossiers qui lui sont utiles et de moyens de pression afin de pouvoir procéder au
règlement des litiges administratifs.
Le Médiateur de la République peut coopérer avec l’administration. A ce titre la loi du 3
janvier 1973 en son article 12 dispose que « les Ministres et toutes autorités publiques doivent
faciliter la tâche du Médiateur de la République ». La loi précise cette obligation en ajoutant
qu’ « ils sont tenus d’autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre aux questions et
éventuellement aux convocations du Médiateur de la République, et les corps de contrôle à
accomplir, dans le cadre de leur compétence, les vérifications et enquêtes demandées par le
Médiateur de la République ». En cas d’inobservation de ces dispositions, les agents de
l’administration s’exposent à des sanctions disciplinaires.
Toutefois les pouvoirs d’instruction dont dispose le Médiateur de la République sont restreints.
En effet, ses pouvoirs d’enquête sont limités, puisqu’il ne peut procéder à une expertise ou à
une visite des lieux.
La loi du 24 décembre 1976 a conféré au Médiateur de la République un pouvoir d’injonction48
à l’égard de l’administration en cas d’inexécution des décisions de justice. Il faut toutefois que
la décision soit « passée en force de chose jugée ». Mais ce pouvoir n’est assorti d’aucune
sanction juridique. Le Médiateur de la République n’a aucun moyen pour obliger
l’administration à se conformer à l’injonction.
Si les pouvoirs de contrôle du Médiateur de la République sont essentiellement de nature
incitative, il peut toutefois engager de son propre chef, en cas de carence de l’autorité
responsable, des poursuites disciplinaires ou pénales à l’encontre des agents responsables. Le
Médiateur de la République a une fonction d’intercesseur exclusive de tous pouvoirs répressifs.
Le Médiateur de la République a pour but d’améliorer les rapports entre l’usager et
l’administration, afin que cette dernière réduise les phénomènes d’injustice et soit plus à même
de répondre aux besoins des administrés. M. le Professeur Drago a, dans un premier temps
contesté l’utilité de la création de cette institution dans les pays ayant une forte justice
administrative (comme la France). Puis en 1979, il a reconnu que « l’ombudsman est utile
dans un pays qui n’a pas de véritable juge de l’administration. Mais il est également utile dans
un pays qui possède un juge de l’administration. Dans chacun des deux cas, il n’a pas la même
48 La loi du 24 décembre 1976 a accordé un pouvoir d’injonction au Médiateur de la République, cela constitue une nouveauté, étant donné que le juge administratif n’en était pas encore pourvu.
41
mission »49. En effet, en France, le Médiateur a une fonction de résorption des phénomènes de
« maladministration ».
Ainsi, ces moyens d’intervention visent plutôt à corriger une situation et à remédier aux
erreurs commises par l’administration. Le Médiateur de la République est également doté
d’une fonction dissuasive. La portée de l’action préventive du Médiateur complète et
démultiplie l’action corrective résultant du traitement des cas individuels par une action
réformatrice, et s’inscrit dans la politique de modernisation de l’administration.
B/ Une action préventive
La plupart des moyens d’action utilisés par le Médiateur de la République sont extra-
juridiques. Pour le Conseil d’Etat, peu importe que le Médiateur de la République n’édicte pas
de décisions exécutoires, dès lors que son « pouvoir d’influence et de persuasion voire
d’imprécation aboutit au même résultat »50. Cette institution a une autorité morale, une fonction
d’influence renforcée d’une part, grâce à la publicité qu’il donne à son action (1) et d’autre
part, par le pouvoir de proposition en matière de réformes (2).
1) La publicité : un moyen d’action préventif efficace
La publicité se matérialise par le rapport annuel d’activité du Médiateur de la
République. Celui-ci est déposé à l’intention du Président de la République et du Parlement. La
loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République dispose en son article 9
qu’ « à défaut de justification satisfaisante dans le délai qu’il a fixé, il peut rendre publique ses
recommandations. L’organisme mis en cause peut rendre publique la réponse faite et, le cas
échéant, la décision prise à la suite de la démarche faite par le Médiateur de la République ».
L’article 26-4° de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations (DCRA), en modifiant le deuxième alinéa de l’article 9, étend en
outre aux propositions du Médiateur le dispositif applicable à ses recommandations. Ainsi, le
Médiateur de la République pourra rendre publiques ses propositions lorsqu’aucune réponse
satisfaisante ne lui aura été donnée51.49 Roland DRAGO, cité in DELAUNAY Bénédicte, Le Médiateur de la République, Que sais-je ?, n° 3422, PUF, 1999, p. 109.50 Rapport 2001, Etudes et Documents du Conseil d’Etat, la Documentation française, 2002, n° 52, p. 290.51 PISSALOUX Jean-Luc, « Relations des citoyens avec les administrations : le changement dans la continuité », Petites Affiches, 15 février 2001, n° 33, p. 5-14.
42
Cependant, l’impact du procédé de publicité est à relativiser, dans la mesure où son
étendue varie en fonction de l’importance que lui consacre l’opinion publique. Lorsque les
médias s’intéressent à un sujet particulier, comme l’insertion des personnes handicapées dans
la vie active, l’action du Médiateur de la République a davantage de poids.
Le Médiateur de la République publie également une revue mensuelle : « Médiateur actualité »
à laquelle participent les secteurs d’instruction. Cette revue est diffusée aux agents du Siège
ainsi qu’aux délégués du Médiateur de la République, aux administrations de l’Etat (aux
ministres et aux directeurs de cabinet), aux collectivités territoriales et aux hôpitaux, aux
journalistes, aux cabinets d’avocats et aux universités. L’objectif du Médiateur de la
République est de faire connaître son action en toute transparence. Ainsi il informe et
sensibilise les individus sur des problèmes d’actualité tel que le surendettement52.
La publicité et le pouvoir de proposition de réforme sont complémentaires, ils poursuivent la
même finalité : remédier de façon préventive aux dysfonctionnements administratifs.
2) Le pouvoir de proposition de réforme : un pouvoir d’action favorisant le passage
de « la justice individuelle à la justice collective »
Le Médiateur de la République peut agir en amont grâce à son pouvoir de proposition
en matière de réformes53. La loi du 3 janvier 1973 permettait au Médiateur de la République de
faire « toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l’organisme concerné ».
Puis, la loi de 1976 a étendu le pouvoir du Médiateur aux réformes d’ordre législatif et
réglementaire. Lorsque des réclamations portent sur un problème récurrent et que l’application
des dispositions législatives ou réglementaires aboutit à une iniquité, il peut proposer les
modifications qui lui paraissent opportunes. Toutefois, ce pouvoir ne pouvait être exercé qu’à
partir des réclamations dont il est saisi. Mais la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations a élargi ce cadre en lui conférant un droit
d’auto-saisine en matière de réformes. Ainsi, suite à l’adoption de l’article 26-3° de la loi
précitée, le Médiateur de la République peut, de façon générale, lorsque cela lui semble
nécessaire, proposer des mesures susceptibles de remédier aux situations inéquitables ou aux
dysfonctionnements d’un organisme chargé d’une mission de service public.
52 Le Médiateur de la République préfère employer l’expression « malendettement » qui est le mauvais recours au crédit.53 Au sein du secteur AGP, chaque année une dizaine de propositions en matière de réformes est émise. Voir l’annexe n° 7 sur « le processus et l’instruction d’une proposition de réforme ».
43
Les propositions de réformes du Médiateur de la République sont adressées aux
ministres concernés, ainsi qu’au ministre de la Fonction publique et au secrétariat général du
Gouvernement, qui ont conjointement la charge de suivre leur instruction. Le service concerné
du Médiateur de la République, en collaboration avec le service réforme, s’occupe
éventuellement de les concrétiser en un projet. A titre d’exemple au secteur AGP, une des
propositions de réforme en cours porte sur l’amélioration de l’information des agents publics
dans les relations avec leurs administrations, et plus particulièrement sur les voies et délais de
recours en faveur de ces agents. Il s’est avéré que le défaut de la mention des voies et délais de
recours gracieux ou hiérarchique, dans les décisions prises par l’administration concernant ses
agents, pouvait leur porter préjudice. En effet, il est constant que l'absence d'indication des
voies et délais de recours n'empêche pas le déclenchement des délais à l'encontre de l'auteur
d'un recours administratif (gracieux ou hiérarchique) dirigé contre une décision le concernant.
Le délai commence à courir, dans cette hypothèse, dès la naissance d'une décision implicite de
rejet, soit deux mois après réception du recours administratif.
La proposition de réforme vise à améliorer l’information des agents sur le déclenchement des
délais de recours et les voies de recours administratifs, gracieux ou hiérarchiques. La mention
des voies et délais de recours administratifs devrait être indiquée sur la décision initiale elle-
même. Certaines administrations le font déjà, une harmonisation de cette pratique
administrative est donc souhaitée.
Cependant, l’obligation de délivrer un accusé de réception pour « toute demande adressée à
une autorité administrative » connaît une exception notable, celle des « relations entre les
autorités administratives et leurs agents », posée par l’article 18 de la loi DCRA de 2000,
comme le relève le professeur René CHAPUS dans son ouvrage ( Droit du contentieux
administratif, 9ème édition, Montchrestien, 2001).
Le fait que l’administration ne soit pas tenue d’accuser réception des demandes formées par les
agents envers les autorités administratives dont ils dépendent a pour conséquence que les
intéressés peuvent se voir opposer la forclusion d’un recours pour excès de pouvoir à
l’encontre d’une décision implicite de rejet. La Haute juridiction administrative a précisé, à
propos des « relations entre l'administration et ses agents », visées à l’article 4 du décret n°
83-1025 du 28 novembre 1983, que celles-ci « doivent s'entendre comme visant les relations
du service tant avec les agents en activité qu'avec ceux ayant été admis à la retraite » (CE, 1er
mars 2000, Jouany, n°195749).
44
La nécessité d’une réforme dans les relations, statutaires ou contractuelles, des agents avec leur
administration apparaît notamment à l’occasion de litiges concernant la radiation des cadres
d’agents ou la mise en disponibilité d’office pour maladie.
Pour une meilleure information des agents publics l’accusé de réception devrait notamment
mentionner les délais et les voies de recours à l'encontre des décisions implicites de rejet. La
sanction de la méconnaissance de cette obligation serait l’inopposabilité des délais.
Ainsi, le Médiateur de la République peut se proclamer « co-promoteur de la réforme ».
La crainte que le Médiateur ne se transforme en une sorte de « ministère des réformes » a
conduit à certaines contestations. Il peut paraître nécessaire de conforter le rôle du Parlement,
élu et investi du pouvoir législatif par le peuple ; tandis que le Médiateur de la République ne
dispose pas de légitimité démocratique. Il existe non pas une concurrence, mais une
complémentarité entre le Médiateur de la République et le ministère chargé des réformes
administratives ( le ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique
auquel est désormais rattachée la Direction générale de la modernisation de l’Etat, DGME et la
Direction générale de l’administration et de la fonction publique, DGAFP). En effet, le pouvoir
politique tranche et le Médiateur use de son influence morale.
Le Médiateur de la République contribue, de cette façon, à la simplification et à la
modernisation des services publics.
VII/ Le bilan de mon expérience professionnelle au sein du secteur AGP
Travailler chez le Médiateur de la République m’a permis non seulement de découvrir
une institution atypique, mais aussi d’enrichir ma représentation du monde administratif grâce
au rôle central que tient le Médiateur. Ce stage a élargi ma « culture administrative ». J’ai pu
renforcer mes compétences en matière de gestion publique. Ainsi, ce stage s’inscrit dans le
prolongement de mon Master 2 professionnel Administration et gestion publique. S’agissant de
45
la LOLF et de l’application de ces principes je n’en avais qu’une connaissance théorique
acquise pour la plus grande partie cette année à la Sorbonne. Chez le Médiateur de la
République j’ai pu percevoir une approche pratique et complémentaire en la matière.
L’existence du lien entre la nouvelle gestion publique, le budget et la gestion des ressources
humaines me paraît plus clair et cohérent. J’ai également pu développer mes connaissances
dans le domaine de la conduite du changement. Le Médiateur de la République présente à de
nombreux égards un caractère évolutif. L’effectif de cette institution a augmenté, son budget
également, son champ de compétence s’est accru. Enfin la notoriété de cette institution ne
cesse de croître.
J’ai découvert les méthodes permettant de remédier aux dysfonctionnements administratifs,
que sont les recommandations en équité et les propositions de réforme.
Les missions qui m’ont été confiées m’ont aussi permis d’approfondir mes connaissances en
droit de la fonction publique dans la mesure où j’ai eu l’occasion d’étudier des problèmes
juridiques généraux des trois fonctions publiques tels que les pensions de réversion, les
bonifications pour enfant dans le calcul de la pension de retraite et les difficultés liées au
déroulement de carrière des agents publics.
La préoccupation essentielle des chargés de mission réside dans l’équilibre à tenir entre
rapidité et efficacité pour le traitement des réclamations. Ce stage m’a ainsi permis de mieux
cerner les qualités nécessaires à un juriste polyvalent de l’administration qui sont : rigueur,
qualité rédactionnelle, bases juridiques solides, capacité à comprendre les difficultés des
administrés, et notamment des agents publics et enfin savoir clarifier la complexité du système
juridique.
Conclusion
Nul ne peut, aujourd’hui, contester l’utilité du Médiateur de la République et les vertus
de son action face aux phénomènes de « maladministration », notamment pour régler les litiges
administratifs. La présence d’un juge administratif en France, aussi prestigieux soit-il, ne rend
pas superflu le développement des contrôles non juridictionnels et leur exercice par un organe
indépendant.
46
Le secteur agents publics-pensions vérifie l’absence de discrimination dans les décisions
administratives individuelles et dans les pratiques de gestion des agents publics, il prête
attention aux délais dans la prise des actes individuels de gestion de carrière, enfin il veille à la
justesse et à la pertinence des informations délivrées par l’employeur public.
La spécificité des agents publics, qui ont une relation indissociable avec le service public et
sont responsables de sa bonne administration, justifie une place particulière dans la médiation
publique. Une évolution de la compétence du Médiateur de la République dans le champ de la
fonction publique devra prendre en considération la « citoyenneté » du fonctionnaire et
l’évolution de ses exigences en matière d’information sur les décisions qui le concernent.
Toutefois, le secteur AGP est confronté à certains freins et obstacles qui sont : la lenteur, le
caractère parcellaire voire dans certains cas l’inexistence des réponses aux saisines des
organismes publics et leurs réticences vis à vis de la médiation jugée facultative et sans
obligation.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
Ouvrages généraux
AUBY Jean-Marie, AUBY Jean-Bernard, DIDIER Jean-Pierre et TAILLEFAIT Antony, Droit de la fonction publique (Etat, Collectivités locales, Hôpitaux), 5e édition, précis Dalloz, 2005.
47
BRILLAT Dominique, Libertés publiques et droits de la personne humaines, Gualino éditeur,
2003, pp.189-201.
CHAPUS René, Droit administratif général, 15e édition, Montchrestien, 2001, pp.441-467, 817-823.
CHAPUS René, Droit du contentieux administratif, 9ème éd., Montchrestien, 2001, pp 1214.
DUPUIS Georges, GUEDON Marie-josé, CHRETIEN Patrice, Droit administratif, 9e édition, Armand Colin, 2004, pp.59-71.
FRIER Pierre Laurent, Précis de droit administratif, Montchrestien, 3e édition, 2004, pp.119-122, 361-363, 405-410.
GOHIN Olivier, Institutions administratives, LGDJ, 4e édition, 2002, pp. 229-263.
Ouvrages spéciaux
BOTERO-ANGEL Christina, Pouvoir de recommandation des autorités administratives indépendantes (AAI), Mémoires 2003, Paris II, 48 p.
CARPENTIER Chantal, Institution d’un Médiateur en France sous la Vème République : Un Médiateur pour quoi faire ?, Mémoire DES, science politique, Paris II, 1974.
DELAUNAY Bénédicte, Le Médiateur de la République, PUF, Que sais-je ?, 1ère édition, 1999, 126 p.
DELAUNAY Bénédicte, L’amélioration des rapports entre l’administration et les administrés, Thèse en droit, Librairie générale de droit et de jurisprudence (L.G.D.J.), Paris, 1993, p. 940.
GUILLAUME-HOFNUNG Michèle, La Médiation, Que sais-je ? n° 2930, PUF, 1995, p.74.
LE CLAINCHE Julien, Le Médiateur et la transparence administrative, in Jacques CHEVALLIER (dir.), Information et transparence administrative (centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie), PUF, 1988. Ces rapports ont été présentés à un colloque sur la transparence administrative qui s’est tenu le vendredi 11 mars 1998 à la maison de la Culture d’Amiens).
LATOURNERIE Dominique, Médiation et justice, in Documents et études du Conseil d’Etat, 1983-1984, p.86.
LEGATTE Paul, L’intervention du Médiateur de la République dans le domaine de l’équité, Colloque droit et démocratie : Justice, Médiation et équité, La documentation française, 1992, p. 9.
LEGATTE Paul, Les autorités administratives indépendantes en France. Le Médiateur est-il une autorité administrative indépendante ? in Claude- Albert COLLIARD et Gérard TIMSIT (dir.) Les autorités administratives indépendantes, Les Voies du droit, Paris, PUF, 1988, pp.135 et s.
48
MALIGNIER Bernard, Les fonctions du Médiateur, Paris, PUF, 1979, p. 231
PIEROT Patrice, Le Médiateur : rival ou allié du juge administratif ?, in Mélanges Waline, L.G.D.J, 1974, p 683.
RIBS Jacques, Introduction. Justice, médiation et équité, Colloque Droit et Démocratie, la Documentation française, Paris, 1992 p.7.
Articles
AMSON Daniel, « L’institution du Médiateur : un coup d’épée dans l’eau », JCP, 1973, I. 2547.
BOUMAKANI Benjamin, « La médiation dans la vie administrative », RDP, n° 3-2003.
BRAIBANT Jacques, « Les rapports du Médiateur et du juge administratif », Rapport présenté au 8e Colloque juridique franco-britannique de la société de législation comparée (Paris, 14 décembre 1976), Actualité juridique du droit administratif (AJDA), 1977, p.283.
BRAIBANT Guy, « Nouvelles réflexions sur les rapports du droit et de l’équité », in Médiateurs et Ombudsmans, Revue française d’administration publique, octobre-décembre 1992, n° 64, Institut International d’administration Publique.
CHEVALLIER Jacques, « Réflexions sur l’institution des autorités administratives indépendantes », J.C.P., 1986, I.3254.
COLIN Frédéric, « La médiation de proximité », Revue administrative, n° 335, 1/9/2003, pp. 517-524.
COSTA Jean-Paul, « Le Médiateur peut-il être autre chose qu’une autorité administrative indépendante ? », AJDA, 1987, p. 341.
DEBBASCH C., BOURDON J., FRAYSSINET J., PONTIER J-M, RICCI J-L., « Le Médiateur, cinq ans de pratique », Revue du droit public et de la science politique, 1978, n° 4-6, juillet-décembre, p. 1104.DELAUNAY Bénédicte, « La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrés », Revue du Droit Public et de la science politique, n° 4, 1/9/2000, pp. 1191-1238.GAUDEMET Yves, « Toujours à propos du Médiateur », AJDA, 1987, p. 520.
GAUDEMET Yves, « Le Médiateur est-il une autorité administrative ? », in Mélanges Charlier, Paris, Editions de l’université et de l’enseignement moderne, 1981.
GUILLAUME-HOFNUNG Michèle, « La médiation hors du champ administratif-son avenir », in Médiateurs et Ombudsmans, Revue Française d’Administration Publique, octobre-décembre 1992, n° 64, Institut International d’Administration Publique.
GUILLAUME-HOFNUNG Michèle, « Les modes alternatifs de règlement des litiges, la médiation », AJDA, n° 10, 20/1/1997, pp.30-40.
49
LINDON Raymond, « L’Ombudsman à la mode française : le Médiateur », JCP, n° 2634, 1974.
LINDON Raymond, « Le Médiateur a deux ans », JCP, 1975, I. 2746.
LINDON Raymond, « Le Médiateur a trois ans », JCP, 1976, I. 2810.
LINDON Raymond, AMSON Daniel, « Un Ombudsman en France ? », JCP, 1970, I. 2322.
MESCHERIAKOFF Alain-Serge, « La place du Médiateur dans les institutions françaises : un bilan de dix ans d’existence », Revue du droit public, 1983, n° 27, juillet-septembre 1983, pp. 533-553.
PELLETIER Jacques, « Vingt ans de Médiation à la française », in Médiateurs et Ombudsmans, Revue Française d’Administration Publique, octobre-décembre 1992, n° 64, Institut International d’Administration Publique.
PELLETIER Jacques, « Le Médiateur de la République, une originalité parmi les institutions françaises », La Gazette du Palais, n° 31, 2/2/1993, pp.117-122.
PISANI Edgar. « Administration de gestion, administration de mission », Revue française de sciences politiques, 1956, Vol. 6, Numéro 2, p. 315-330.
PISSALOUX Jean-Luc, « Relations des citoyens avec les administrations : le changement dans la continuité », Petites Affiches, 15 février 2001, n° 33, p.5-14.
SABOURIN Paul, « Les autorités administratives indépendantes - une catégorie nouvelle », AJDA, 1983. 275.
SABOURIN Paul, « Recherches sur la notion de « maladministration » dans le système français » , AJDA, 1974, p. 396-407.
VALETTE Bernard, « Quelles perspectives pour la médiation administrative ? », Petites affiches, n° 138, 13/7/1999, pp. 12-17.
Rapports
Rapport 2001, Etudes et Documents du Conseil d’Etat, la Documentation française, 2002, n° 52.
Rapport annuel 1974 du Médiateur de la République, la Documentation française.
Rapport annuel 1987 du Médiateur de la République, la Documentation française.
Rapport annuel 2005 du Médiateur de la République, la Documentation française.
Rapport annuel 2006 du Médiateur de la République, la Documentation française.
50
Sites Internet
http://www.legifrance.gouv.fr
http://www.mediateur-republique.fr
TABLE DES MATIERES
Remerciements p. 2
Sommaire p. 3
Liste des abréviations p. 4
51
Introduction p. 5
I/ La nécessité d’actualiser les coordonnées des correspondants du secteur AGP pour un meilleur fonctionnement de ce secteur p.14
II/ Le champ d’action du Médiateur de la République quant aux demandes des agents publics p. 16
A/ Un champ d’action a priori étendu, p. 16
B/ L’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 : une limite à la compétence du secteur AGP, p. 17
1) L’exercice du pouvoir hiérarchique et disciplinaire de l’administration : une restriction à la compétence du secteur AGP, p. 17
2) Le secteur AGP : un accès réservé aux agents publics ayant cessé leurs fonctions, p. 18
a) Les maladies professionnelles et les accidents de services : un domaine de compétence du secteur AGP, p. 19
b) L’indemnisation au titre du chômage : un domaine de compétence du secteur AGP, p. 20
c) Un rôle prépondérant du secteur AGP en matière de pensions de retraite, p. 21
C/ L’article 8 de la loi du 3 janvier 1973 : une interprétation à harmoniser entre le service de la recevabilité et le secteur AGP, p. 22
III/ Une étude juridique sur les pensions de réversion p. 26
A/ Entre le régime spécial des fonctionnaires et le régime général de la sécurité sociale, en matière de pensions de réversion : des différences substantielles, p. 26
B/ les pensions de réversion dans le régime des fonctions publiques, p. 27
IV/ La médiation : un instrument de protection des droits des administrés p. 30
A/ La médiation : un mode alternatif de règlement des conflits, p. 30
B/ La nature des actes édictés par le secteur AGP : une spécificité propre aux autorités administratives indépendantes, p. 31
C/ La médiation au concret au sein du secteur AGP, p. 31
D/ Dans quel cas peut-on dire qu’une médiation est réussie ?, p. 33
V/ Les fondements de l’intervention du secteur AGP du Médiateur de la République p. 34
52
A/ Le bon fonctionnement du service, p. 34
B/ L’équité, une notion prise en compte au sein du secteur AGP, p. 34
1) L’introduction de l’équité par voie législative : une évolution majeure, p. 34
2) L’équité : une notion aux contours flous, p. 35
3) Les recommandations en équité : un pouvoir permettant de remédier aux injustices, p. 38
VI/ Les principaux moyens d’action du secteur AGP du Médiateur de la République p. 41
A/ Une action principalement correctrice, p. 41
B/ Une action préventive, p. 42
1) La publicité : un moyen d’action préventif efficace, p. 42
2) Le pouvoir de proposition de réforme : un pouvoir d’action favorisant le passage de « la justice individuelle à la justice collective », p. 43
VII/ Le bilan de mon expérience professionnelle au sein du secteur AGP p. 46
Conclusion p. 47
Bibliographie p. 48
Table des annexes p. 54
TABLE DES ANNEXES
53
Annexe n° 1 - Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République p. I
Annexe n° 2 - La nature juridique du Médiateur de la République p. VI
Annexe n° 3 - Le Médiateur de la République de 1973 à 2007, un rôle affirmé,
des compétences élargies p. VII
Annexe n° 4 - Organigramme des services centraux du Médiateur p. IX
Annexe n° 5 - Organigramme fonctionnel du secteur agents publics-pensions p. X
Annexe n° 6 - Les compétences des différents secteurs d’instruction p. XI
Annexe n° 7 - Le processus et l’instruction d’une proposition de réforme p. XIII
Annexe n° 8 - Activité du Médiateur de la République en 2006 p. XIV
Annexe n° 9 - La gestion budgétaire et les moyens humains du Médiateur de la République p. XVI
54