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UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1 FACULTE DE PHARMACIE
INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES
2016 THESE n° 19
T H E S E
pour le DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE
présentée et soutenue publiquement le 13 avril 2016
par
Mme CROIZAT Marie
Née le 15 juin 1976
à Roanne
*****
PREVENTION ET TRAITEMENT DES HEMORRAGIES DU POST-PARTUM DUES A UNE ATONIE UTERINE DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT :
INTERET DU MISOPROSTOL ET ENREGISTREMENT VIA LA PROCEDURE
ARTICLE 58 DU REGLEMENT (CE) N° 726/2004
*****
JURY
M. LOCHER François, Professeur en droit de la santé
M. ULMANN André, Docteur en Médecine
Mme ASTECKER Anne-Laure, Docteur en Pharmacie
1
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1
ISPB -Faculté de Pharmacie Lyon
LISTE DES DEPARTEMENTS PEDAGOGIQUES DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DE SCIENCES PHYSICO-CHIMIQUE ET PHARMACIE GALENIQUE
• CHIMIE ANALYTIQUE, GENERALE, PHYSIQUE ET MINERALE Monsieur Raphaël TERREUX (Pr) Monsieur Pierre TOULHOAT (Pr - PAST) Madame Julie-Anne CHEMELLE (MCU)
Monsieur Lars-Petter JORDHEIM (MCU) Madame Christelle MACHON (AHU)
• PHARMACIE GALENIQUE -COSMETOLOGIE Madame Marie-Alexandrine BOLZINGER (Pr) Madame Stéphanie BRIANCON (Pr) Madame Françoise FALSON (Pr) Monsieur Hatem FESSI (Pr) Monsieur Fabrice PIROT (PU - PH) Monsieur Eyad AL MOUAZEN (MCU) Madame Sandrine BOURGEOIS (MCU) Madame Ghania HAMDI-DEGOBERT (MCU-HDR) Monsieur Plamen KIRILOV (MCU)
Monsieur Damien SALMON (AHU)
• BIOPHYSIQUE Monsieur Richard COHEN (PU – PH) Madame Laurence HEINRICH (MCU) Monsieur David KRYZA (MCU – PH - HDR) Madame Sophie LANCELOT (MCU - PH) Monsieur Cyril PAILLER-MATTEI (MCU-HDR)
Madame Elise LEVIGOUREUX (AHU) DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE PHARMACEUTIQUE DE SANTE PUBLIQUE
• DROIT DE LA SANTE Monsieur François LOCHER (PU – PH) Madame Valérie SIRANYAN (MCU - HDR)
• ECONOMIE DE LA SANTE
Madame Nora FERDJAOUI MOUMJID (MCU - HDR)
Madame Carole SIANI (MCU – HDR) Monsieur Hans-Martin SPÄTH (MCU)
2
• INFORMATION ET DOCUMENTATION
Monsieur Pascal BADOR (MCU - HDR)
• HYGIENE, NUTRITION, HYDROLOGIE ET ENVIRONNEMENT Madame Joëlle GOUDABLE (PU – PH)
INGENIERIE APPLIQUEE A LA SANTE ET DISPOSITIFS MEDICAUX
Monsieur Gilles AULAGNER (PU – PH) Monsieur Daniel HARTMANN (Pr)
• QUALITOLOGIE – MANAGEMENT DE LA QUALITE
Madame Alexandra CLAYER-MONTEMBAULT (MCU) Monsieur Vincent GROS (MCU-PAST) Madame Audrey JANOLY-DUMENIL (MCU-PH) Madame Pascale PREYNAT (MCU PAST)
• MATHEMATIQUES – STATISTIQUES Madame Claire BARDEL-DANJEAN (MCU-PH) Madame Marie-Aimée DRONNE (MCU) Madame Marie-Paule PAULTRE (MCU - HDR)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE SCIENCES DU MEDICAMENT
• CHIMIE ORGANIQUE Monsieur Pascal NEBOIS (Pr) Madame Nadia WALCHSHOFER (Pr) Monsieur Zouhair BOUAZIZ (MCU - HDR) Madame Christelle MARMINON (MCU) Madame Sylvie RADIX (MCU -HDR) Monsieur Luc ROCHEBLAVE (MCU - HDR)
• CHIMIE THERAPEUTIQUE
Monsieur Roland BARRET (Pr) Monsieur Marc LEBORGNE (Pr) Monsieur Laurent ETTOUATI (MCU - HDR) Monsieur Thierry LOMBERGET (MCU - HDR) Madame Marie-Emmanuelle MILLION (MCU)
• BOTANIQUE ET PHARMACOGNOSIE
Madame Marie-Geneviève DIJOUX-FRANCA (Pr) Madame Marie-Emmanuelle HAY DE BETTIGNIES (MCU) Madame Isabelle KERZAON (MCU) Monsieur Serge MICHALET (MCU)
3
• PHARMACIE CLINIQUE, PHARMACOCINETIQUE ET EVALUATION DU MEDICAMENT
Madame Roselyne BOULIEU (PU – PH) Madame Magali BOLON-LARGER (MCU - PH) Madame Christelle CHAUDRAY-MOUCHOUX (MCU-PH) Madame Céline PRUNET-SPANO (MCU) Madame Catherine RIOUFOL (MCU- PH-HDR)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DE PHARMACOLOGIE, PHYSIOLOGIE ET TOXICOLOGIE
• TOXICOLOGIE Monsieur Jérôme GUITTON (PU – PH) Madame Léa PAYEN (PU-PH) Monsieur Bruno FOUILLET (MCU) Monsieur Sylvain GOUTELLE (MCU-PH)
• PHYSIOLOGIE
Monsieur Christian BARRES (Pr) Monsieur Daniel BENZONI (Pr) Madame Kiao Ling LIU (MCU) Monsieur Ming LO (MCU - HDR)
• PHARMACOLOGIE
Monsieur Michel TOD (PU – PH) Monsieur Luc ZIMMER (PU – PH) Monsieur Roger BESANCON (MCU)
Monsieur Laurent BOURGUIGNON (MCU-PH) Madame Evelyne CHANUT (MCU)
Monsieur Ronald GUILLOUX (MCU) Monsieur Nicola KUCZEWSKI (MCU) Madame Dominique MARCEL CHATELAIN (MCU-HDR) Monsieur Olivier CATALA (Pr-PAST)
Madame Corinne FEUTRIER (MCU-PAST) Madame Mélanie THUDEROZ (MCU-PAST)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DES SCIENCES BIOMEDICALES A
• IMMUNOLOGIE Monsieur Jacques BIENVENU (PU – PH)
Monsieur Guillaume MONNERET (PU-PH) Madame Cécile BALTER-VEYSSEYRE (MCU - HDR)
Monsieur Sébastien VIEL (AHU)
• HEMATOLOGIE ET CYTOLOGIE Madame Christine VINCIGUERRA (PU - PH) Madame Brigitte DURAND (MCU - PH)
4
• MICROBIOLOGIE ET MYCOLOGIE FONDAMENTALE ET APPLIQUEE AUX BIOTECHNOLOGIE INDUSTRIELLES
Monsieur Patrick BOIRON (Pr) Monsieur Jean FRENEY (PU – PH)
Monsieur Frédéric LAURENT (PU-PH-HDR) Madame Florence MORFIN (PU – PH) Monsieur Didier BLAHA (MCU) Madame Ghislaine DESCOURS (MCU-PH) Madame Anne DOLEANS JORDHEIM (MCU-PH) Madame Emilie FROBERT (MCU - PH) Madame Véronica RODRIGUEZ-NAVA (MCU-HDR)
• PARASITOLOGIE, MYCOLOGIE MEDICALE
Monsieur Philippe LAWTON (Pr) Madame Nathalie ALLIOLI (MCU) Madame Samira AZZOUZ-MAACHE (MCU - HDR)
DEPARTEMENT PEDAGOGIQUE DES SCIENCES BIOMEDICALES B
• BIOCHIMIE – BIOLOGIE MOLECULAIRE - BIOTECHNOLOGIE Madame Pascale COHEN (Pr) Monsieur Alain PUISIEUX (PU - PH)
Madame Emilie BLOND (MCU-PH) Monsieur Karim CHIKH (MCU - PH) Madame Carole FERRARO-PEYRET (MCU - PH-HDR) Monsieur Boyan GRIGOROV (MCU) Monsieur Hubert LINCET (MCU-HDR) Monsieur Olivier MEURETTE (MCU) Madame Caroline MOYRET-LALLE (MCU – HDR) Madame Angélique MULARONI (MCU) Madame Stéphanie SENTIS (MCU) Monsieur Anthony FOURIER (AHU)
• BIOLOGIE CELLULAIRE
Madame Bénédicte COUPAT-GOUTALAND (MCU) Monsieur Michel PELANDAKIS (MCU - HDR)
• INSTITUT DE PHARMACIE INDUSTRIELLE DE LYON
Madame Marie-Alexandrine BOLZINGER (Pr)
Monsieur Daniel HARTMANN (Pr) Monsieur Philippe LAWTON (Pr)
Madame Sandrine BOURGEOIS (MCU) Madame Marie-Emmanuelle MILLION (MCU) Madame Alexandra MONTEMBAULT (MCU)
Madame Angélique MULARONI (MCU) Madame Valérie VOIRON (MCU - PAST)
5
• Assistants hospitalo-universitaires sur plusieurs départements pédagogiques
Madame Florence RANCHON
• Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche (ATER)
Madame Charlotte BOUARD (86ème section) Madame Laure-Estelle CASSAGNES(85ème section)
Monsieur Karim MILADI (85ème section) Madame Laurence PAGES (87ème section) Pr : Professeur PU-PH : Professeur des Universités, Praticien Hospitalier MCU : Maître de Conférences des Universités MCU-PH : Maître de Conférences des Universités, Praticien Hospitalier HDR : Habilitation à Diriger des Recherches AHU : Assistant Hospitalier Universitaire PAST : Personnel Associé Temps Partiel
6
REMERCIEMENTS
A Monsieur François LOCHER,
Professeur de Droit de la Santé à l’Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de
l’Université Claude Bernard Lyon 1, qui me fait l’honneur de présider cette thèse.
Veuillez trouver dans ce travail l’expression de ma reconnaissance et de mon profond
respect.
A Monsieur André ULMANN,
Docteur en médecine, qui me fait l’honneur de diriger cette thèse.
Veuillez trouver dans ce travail ma profonde gratitude et mes sincères remerciements.
A Madame Anne-Laure ASTECKER
Pharmacien responsable des Affaires Réglementaires au sein du laboratoire HRA Pharma
spécialisé en santé féminine, qui me fait le plaisir et l’honneur d’être membre de ce jury.
7
A mes grands-parents, qui auront été pour moi de véritables éclaireurs sur le chemin des
études de santé, et en particulier à ma grand-mère maternelle, si bienveillante, qui aura
inlassablement contribué (pâtisseries caloriques à l’appui…) à ce que je ne sombre jamais
dans l’hypoglycémie lors du marathon des révisions du concours de première année de
pharmacie, avec mon plus tendre souvenir.
A mes parents, pour leur soutien indéfectible, leur amour inconditionnel…et leur patience
infinie : il leur aura fallu attendre la bagatelle de 40 ans pour que j’achève enfin mes études
de pharmacie, avec tout mon amour.
A mon mari et mes enfants, qui ont eu l’indulgence de m’écouter disserter durant des mois
entiers sur les hémorragies du post-partum…sujet dont ils n’auraient théoriquement jamais
dû entendre parler si j’avais daigné rédiger et soutenir cette thèse un peu plus prestement
dans mon cursus universitaire…avec tout mon amour.
A mes beaux-parents, frères et sœur (et en particulier à Blandine, qui doit me bénir de
l’avoir sélectionnée parmi mille pour la relecture d’un ouvrage traitant des hémorragies de
l’accouchement alors qu’elle débute (sereinement…) de son côté son 9ème mois de
grossesse !), beaux-frères, belles-sœurs, neveux et nièces qui m’entourent depuis toujours
de leur confiance et de leur amour.
Et à tous mes amis drôles et inestimables (…Anne Laure pour m’avoir « énergiquement »
encouragée à entreprendre la rédaction de cette thèse un jour dans le Tyrol…Audrey pour
m’avoir non moins énergiquement encouragée à la finaliser en usant de l’argument
scientifique de poids qu’à nos âges avancés, une soutenance de thèse était aussi une
occasion non négligeable (même si largement sous-estimée…) de faire la fête !
« Que chacun s'efforce dans le milieu où il se trouve de témoigner à d'autres une véritable
humanité. C'est de cela que dépend l'avenir du monde. »
Docteur Albert Schweitzer
8
A Jules, Léon et Louise.
9
TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ............................................................................................................. 6
TABLE DES ABREVIATIONS ......................................................................................... 11
TABLE DES FIGURES ...................................................................................................... 13
INTRODUCTION ............................................................................................................... 14
1. Prévention et traitement de l’hémorragie du post-partum dans les pays en développement ..................................................................................................................... 16
1.1 Définition, causes et épidémiologie de l’hémorragie du post-partum .................. 16
1.1.1 Définition et diagnostic ..................................................................................... 16
1.1.2 Causes ................................................................................................................ 18
1.1.3 Epidémiologie .................................................................................................... 19
1.2 Prévention de l’hémorragie du post-partum : « Gestion Active de la Troisième Phase de l’Accouchement » ............................................................................................. 20
1.2.1 Administration prophylactique d’utérotoniques ........................................... 21
1.2.2 Clampage du cordon ........................................................................................ 26
1.2.3 La traction contrôlée du cordon ...................................................................... 27
1.2.4 Le massage utérin prolongé ............................................................................. 27
1.3 Traitement de l’hémorragie du post-partum ......................................................... 28
1.3.1 Traitement médicamenteux ............................................................................. 29
1.3.2 Traitement mécanique ..................................................................................... 31
1.3.3 Traitement chirurgical ..................................................................................... 34
2. Le misoprostol : intérêt thérapeutique et enregistrement via la procédure Article 58 du règlement (CE) N° 726/2004 ..................................................................................... 36
2.1 Le misoprostol : solution alternative aux utérotoniques conventionnels dans les pays en développement .................................................................................................... 36
2.1.1 Reconnaissance du misoprostol comme « médicament essentiel » de l’HPP ..................................................................................................................................... 36
2.1.2 Distribution communautaire du misoprostol ................................................. 39
2.2 Enregistrement du misoprostol : la procédure « Article 58 » ............................... 49
2.2.1 Contexte législatif et champ d’application ..................................................... 49
2.2.2 Eligibilité ........................................................................................................... 51
2.2.3 Avis scientifique ................................................................................................ 55
2.2.4 Soumission de la demande d’opinion scientifique au CHMP ....................... 56
2.2.5 Inspections BPF pré-opinion ........................................................................... 63
2.2.6 Evaluation scientifique de la demande ........................................................... 64
2.2.7 Post-opinion scientifique : phase nationale .................................................... 65
2.2.8 Particularités de la procédure « Article 58 » versus la procédure centralisée classique ...................................................................................................................... 68
10
CONCLUSION ................................................................................................................... 70
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................. 73
ANNEXES .......................................................................................................................... 82
ANNEXE 1 : supports éducatifs pour la formation des acteurs communautaires au bon usage et à la distribution du misoprostol ............................................................................. 83
11
TABLE DES ABREVIATIONS
ACOG American College of Gynaecology
AMM Autorisation de Mise sur le Marché
ANSM Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé
ARS Autorité Règlementaire Stricte
ASMF Active Substance Master File
BPC Bonnes Pratiques Cliniques
BPL Bonnes Pratiques de Laboratoire
BPF Bonnes Pratiques de Fabrication
CHMP Committee for Medicinal Products for Human use
CMP Certificate of Medicinal Product
DIA Drug International Association
eCTD electronic Common Technical Document
EMA European Medicines Agency
EPAR European Public Assessment Report
ERA Environmental Risk Assessment
FDA Food and Drug Administration
FIGO Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique
FNUAP Fonds des Nations Unies pour la Population
GATPA Gestion Active de la Troisième Phase de l’Accouchement
HPP Hémorragie du Post-Partum
ICDRA International Conference of Drug Regulatory Authorities
ICM International Confederation of Midwives
IM Intramusculaire
IV Intraveineuse
12
NICE National Institute for Health and Excellence
OMD Objectifs du Millénaire pour le Développement
OMS Organisation Mondiale de la Santé
ONU Organisation des Nations Unies
PGR Plan de Gestion de Risque
PIP Plan d’Investigation Pédiatrique
PSUR Periodic Safety Update Report
RCOG Royal College of Gynaecology
TGA Therapeutic Goods Administration
UI Unités Internationales
UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
USAID Agence des Etats-Unis pour le Développement International
WHO World Health Organisation
13
TABLE DES FIGURES
Figure 1 : critères de diagnostic d’une HPP (d’après [5]) ................................................... 18 Figure 2 : Recommandations de la FIGO concernant les utérotoniques à administrer pour la prévention et le traitement de l’HPP (d’après [2]) .............................................................. 26 Figure 3 : le massage utérin (d’après [2]) ............................................................................ 29 Figure 4 : le tamponnement intra-utérin à l’aide d’un gant ou d’un ballonnet (d’après [19]) ............................................................................................................................................. 31 Figure 5 : compression bimanuelle de l’utérus (d’après [20])............................................. 32 Figure 6 : compression aortique externe [20] ...................................................................... 33 Figure 7: vêtement antichoc non pneumatique (d'après [21]) ............................................. 34
14
INTRODUCTION
La présente thèse traite de la place et de l’intérêt du misoprostol pour prévenir et traiter les
hémorragies du post-partum (HPP) dans les pays en développement.
L’HPP incarne depuis de nombreuses années un véritable problème de santé publique dans
les pays en développement puisqu’elle y représente encore aujourd’hui la principale cause
de mortalité maternelle.
Elle se caractérise par des saignements abondants faisant suite à l’accouchement, est
généralement liée à une atonie utérine et peut être aisément évitée par la pratique d’une
procédure clinique reconnue appelée « gestion active de la troisième phase de
l’accouchement » (GATPA).
Cette prise en charge active, réalisée immédiatement après la naissance de l’enfant,
consiste en une succession d’interventions permettant d’accélérer la délivrance dont la
principale est l’administration d’un utérotonique conventionnel (ocytocine, ergométrine)
par voie parentérale.
Dans la plupart des pays en développement, l’accès à ces utérotoniques conventionnels est
limité en raison des contraintes logistiques liées aux difficultés d’approvisionnement et de
conservation de ces produits injectables en zones rurales reculées ainsi que de la pénurie
d’établissements de santé et de prestataires de soins qualifiés à l’endroit où les femmes
accouchent.
Tout ceci fait obstacle à une mise en œuvre immédiate de la GATPA pourtant
indispensable à la réduction de la mortalité maternelle dans le monde.
Une hémorragie sévère après la naissance de l’enfant peut en effet tuer une femme en
bonne santé en deux heures seulement si elle ne bénéficie d’aucune assistance.
C’est dans ce contexte que le misoprostol, médicament se présentant sous forme d’un
comprimé facile à administrer, ne requérant pas de conservation au réfrigérateur et
présentant peu d’effets indésirables, fait figure de candidat idéal pour réduire la mortalité
maternelle liée aux HPP dans les zones où les utérotoniques conventionnels sont
indisponibles ou ne peuvent être administrés.
15
Ce misoprostol, en raison de ses propriétés contractiles sur l’utérus, est utilisé depuis
plusieurs dizaines d’années dans diverses indications de la santé de la reproduction, dont
l’HPP, sans pour autant être systématiquement officiellement approuvé dans ces
indications par les autorités réglementaires compétentes.
De façon à parer aux problèmes de pharmacovigilance liés à une utilisation massive de
spécialités à base de misoprostol de piètre qualité, souvent utilisées hors indications
revendiquées par les femmes accouchant à domicile dans des pays aux ressources limitées,
le laboratoire Linepharma a enregistré en 2014 l’Hemoprostol, une spécialité à base de
misoprostol exclusivement dédiée à la prise en charge de l’HPP, via une procédure
réglementaire d’évaluation très spécifique décrite dans l’article 58 du Règlement (CE) N°
726/2004.
Cette procédure d’enregistrement présente la particularité d’être menée conjointement par
des évaluateurs de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) et de l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) et permet, à terme, une commercialisation exclusive du
médicament dans les pays en développement.
A ce jour, le misoprostol ne peut éthiquement être enregistré dans la prévention et le
traitement de l’HPP dans les pays développés dans la mesure où l’ocytocine, traitement
plus efficace de première intention, y est approuvée et disponible.
Dans ce contexte très spécifique où l’obtention d’une AMM pour un produit à base de
misoprostol indiqué dans l’HPP est impossible et ne présente pas d’intérêt en santé
publique dans les pays développés mais est en revanche indispensable dans les pays en
développement, la procédure d’enregistrement dite « Article 58 » semble particlulièrement
adaptée.
En première partie du présent document seront décrites l’HPP et sa prise en charge dans les
pays en développement.
La seconde partie traitera plus spécifiquement de la place prépondérante du misoprostol
dans l’arsenal thérapeutique des pays aux ressources limitées ainsi que de la description de
la procédure réglementaire « Article 58 » très spécifique via laquelle il peut y être
enregistré.
16
1. Prévention et traitement de l’hémorragie du post-partum dans les pays en développement
1.1 Définition, causes et épidémiologie de l’hémorragie du post-partum
1.1.1 Définition et diagnostic
L’hémorragie physiologique accompagnant un accouchement « normal » est généralement
comprise entre 50 et 300 ml.
L’HPP primaire est, quant à elle, communément définie comme étant une perte sanguine
d’au moins 500 ml par le tractus vaginal supérieur dans les vingt-quatre heures suivant un
accouchement par voie basse ou d’au moins 1000 ml suivant un accouchement par
césarienne. Elle devient persistante si les saignements perdurent 30 minutes après
énonciation du diagnostic d’HPP malgré une prise en charge initiale bien conduite [1].
L’HPP est dite sévère lorsque la perte sanguine dans les vingt-quatre heures suivant
l’accouchement excède 1000 ml. C’est à partir de ce seuil de 1000 ml que la vie de la mère
se trouve réellement menacée.
L’HPP secondaire est enfin définie comme étant une perte sanguine anormale ou excessive
par le canal génital qui survient entre vingt-quatre heures et six semaines à la suite d’un
accouchement [2].
La grande majorité des HPP comprises entre 500 et 999 ml sont généralement bien tolérées
par l’organisme maternel.
L’intérêt du seuil de 500 ml pour établir une HPP est donc discutable en pratique puisqu’il
cible mal les vraies situations d’urgence vitale. Il doit cependant rester le repère
indispensable pour objectiver l’HPP et déclencher sa prise en charge active permettant de
l’endiguer et d’en prévenir les complications maternelles sévères [3].
De nombreux travaux scientifiques ont démontré la sous-estimation systématique de
l’évaluation des pertes sanguines au cours d’un accouchement [4].
Afin d’optimiser l’évaluation de ces pertes et d’établir de façon plus précise et plus rapide
le diagnostic d’HPP, de nombreuses sociétés savantes de gynécologie et d’obstétrique
recommandent l’utilisation de sacs de recueil lors d’accouchements par voie basse.
17
Ces sacs de recueil sont des sacs gradués que l’on place sous le siège de la mère juste après
la naissance et dont les graduations permettent de quantifier les pertes sanguines en temps
réel.
Si un sac de recueil n’a pas été mis en place en amont du diagnostic d’HPP, il doit alors
l’être dès le diagnostic établi afin de ne pas sous-estimer les pertes sanguines ultérieures
[1].
Si le diagnostic d’HPP due à une atonie utérine est initialement établi par quantification
des pertes sanguines, il est souvent confirmé par l’observation des deux facteurs cliniques
suivants :
- L’état général de la patiente : l’HPP s’accompagne en effet généralement d’une
altération de cet état général avec apparition potentielle d’un malaise pouvant aller
jusqu’à la perte de connaissance, d’une pâleur en particulier au niveau des
conjonctives, des paumes des mains ou du contour de la bouche, de sueurs,
d’anxiété et de confusion, d’une sensation de soif intense, d’un débit urinaire très
faible (inférieur à 30 ml/h), d’une respiration rapide (trente respirations par minute
ou plus), d’un pouls rapide et filant (110 battements par minute ou plus) et d’une
tension artérielle basse (tension artérielle systolique inférieure à 90 mm de
mercure).
- La tonicité utérine : l’HPP est très souvent accompagnée d’une atonie utérine.
L’utérus, peu ou pas contractile, est perçu largement au-dessus de l’ombilic à la
palpation.
18
Les critères de diagnostic d’une HPP sont résumés dans la figure 1.
1.1.2 Causes
L’HPP est une urgence obstétricale potentiellement fatale, il est donc très important d’en
rechercher la cause sans délai.
La cause d’HPP la plus fréquente est l’atonie utérine qui correspond à une absence de
contractions normales de l’utérus. Elle est responsable de 70% des HPP primaires [6].
D’autres causes peuvent également en être à l’origine incluant :
- Les traumatismes génitaux (déchirures cervicales, vaginales ou périnéales),
- La rupture ou l’inversion utérine,
- La rétention de tissu placentaire (complète ou partielle),
Figure 1 : critères de diagnostic d’une HPP (d’après [5])
19
- Les troubles de la coagulation (coagulopathie pré-existante ou acquise) chez la mère [2]
[7].
Les facteurs de risques anténataux suivants ont également été identifiés comme pouvant
favoriser la survenue d’une HPP : obésité, antécédents d’HPP, grande multiparité,
grossesse multiple, cicatrice utérine, hématome rétro-placentaire, placenta prævia, bébé de
grande taille et âge maternel avancé (supérieur à 40 ans) [8].
Certains facteurs de risques sont également directement liés à l’accouchement en lui-même
tels que le déclenchement ou la prolongation du travail, l’épisiotomie, ou encore la
césarienne [9].
Il est enfin important de noter que dans 70% des cas, l’HPP survient de façon inopinée et
imprévisible chez des femmes ne présentant aucun facteur de risque clinique identifiable,
d’où l’importance d’instaurer des mesures de prévention systématique chez toutes les
femmes donnant naissance. [10]
1.1.3 Epidémiologie
L’HPP est une pathologie très commune puisqu’elle a une incidence globale de 5 à 15%
des naissances.
Chaque année, huit millions de femmes qui accouchent dans le monde développent une
HPP.
Elle est aussi la première cause de mortalité maternelle dans le monde, responsable
d’approximativement un quart des décès maternels. Ce taux équivaut à 140 000 décès
maternels par an [11].
La plupart de ces décès surviennent dans les pays sans ressources en Afrique (31%) et en
Asie (34%) où une majorité de femmes pauvres et marginalisées accouchent à domicile
sans possibilité d’avoir accès à une méthode de prévention ou de traitement de l’HPP [12]
[13].
Face aux taux de mortalité maternelle encore très importants dans les pays à faibles
niveaux de ressources, l’Organisation Mondiale de la Santé a fait de la surveillance de la
mortalité maternelle liée à l’HPP une de ses priorités.
20
1.2 Prévention de l’hémorragie du post-partum : « Gestion Active de la Troisième Phase de l’Accouchement »
La plupart des décès imputables à l’HPP surviennent pendant les premières vingt-quatre
heures suivant l’accouchement. La majorité de ces décès pourrait être évitée par une prise
en charge appropriée de l’HPP en temps opportun [7].
Depuis 2007, la « Gestion Active de la Troisième Phase de l’Accouchement » (GATPA)
est inscrite au rang des interventions essentielles de prévention de l’HPP selon les
recommandations de l’OMS. Elle a été placée au cœur des stratégies des gouvernements du
monde entier destinées à réduire les risques d’HPP et les taux de mortalité maternelle.
La « troisième phase du travail », autrement dénommée délivrance, est la phase de
l'accouchement faisant suite à la sortie de l'enfant. Elle correspond à l'expulsion des
membranes et du placenta. Lors d’un accouchement sans complications, cette phase se
déroule en seulement quelques minutes et s’achève généralement dans le quart d'heure
suivant l'accouchement.
La GATPA est une intervention prophylactique s’articulant autour des
composantes suivantes :
- Administration d’un utérotonique, de préférence l’ocytocine, dans la minute suivant
l’expulsion du nouveau-né,
- Clampage et section du cordon ombilical,
- Traction contrôlée du cordon ombilical afin de faciliter l’expulsion du placenta.
- Massage du fond utérin après expulsion du placenta. [2].
Par opposition à la GATPA, l’attitude « expectative » consiste à attendre les signes de
décollement du placenta et son expulsion spontanée sans intervenir.
La GATPA est associée à une réduction de plus de la moitié des HPP supérieures à 500 ml
et à 1000 ml par rapport à l’expulsion spontanée. Toutes les sociétés savantes et
organismes de santé internationaux s’accordent donc à dire qu’il faut recourir à une
GATPA pour tous les accouchements [9].
21
La GATPA est vitale et cruciale dans l’amélioration des soins de santé promulgués aux
femmes durant l’accouchement. Elle permet une réduction de 50 à 70% de la perte
sanguine et une diminution de 66% de l’incidence de l’HPP [8] [14].
Il est donc primordial de former les agents de santé des pays en développement à cette
prise en charge et de leur donner accès à des médicaments utérotoniques appropriés pour
ce faire.
1.2.1 Administration prophylactique d’utérotoniques
L’administration prophylactique d’utérotoniques est la première étape de la GATPA.
Au cours de la troisième phase du travail, les muscles de l’utérus se contractent,
provoquant la constriction des vaisseaux sanguins qui traversent la paroi utérine pour
atteindre la surface placentaire. Cet effet provoque l’arrêt de la circulation sanguine et la
séparation du placenta de la paroi utérine.
L’absence de contractions utérines, définie sur le plan clinique comme une atonie, peut
donner lieu à une perte sanguine excessive. Afin d’éviter telle situation, l’administration
d’utérotoniques permet de favoriser la survenue des contractions utérines, prévenant ainsi
l’atonie et accélérant la délivrance du placenta [15].
L’administration systématique d’un utérotonique en prévention de l’HPP constitue donc la
composante la plus importante de la GATPA.
L’agent utérotonique recommandé en première intention est l’ocytocine, administrée à la
dose de 5 à 10 unités internationales (UI) par voie intraveineuse (IV) ou intramusculaire
(IM).
D’autres utérotoniques injectables ainsi que le misoprostol sont administrés en tant que
traitements alternatifs pour la prévention de l’HPP, uniquement dans les cas où l’ocytocine
n’est pas disponible [16].
L’arsenal thérapeutique complet existant dans la prévention de l’HPP est détaillé ci-après.
1.2.1.1 L‘ocytocine
L’ocytocine, nonapeptide secrété physiologiquement par la post-hypophyse et administré
sous forme d’une hormone de synthèse, est le traitement utérotonique de première
intention dans la prévention de l’HPP liée à une atonie utérine.
22
Elle est recommandée par toutes les lignes directives internationales (Word Health
Organization (WHO), UK National Institute for Health and Care Excellence (NICE) et
International Federation of Gynecology and Obstetrics (FIGO)).
C’est par ailleurs l’utérotonique le plus évalué dans la prévention de l’HPP.
Elle peut être administrée soit au dégagement de l’épaule antérieure de l’enfant, dans le cas
d’une délivrance dirigée, soit après l’expulsion du placenta.
Elle est administrée par voie intramusculaire ou intraveineuse à la dose de 5 ou 10 UI.
Le niveau de preuve est actuellement trop faible pour privilégier l’une ou l’autre des voies
d’administration [9].
Elle réduit significativement le temps de rétention placentaire en agissant sur les récepteurs
du myomètre, conduisant à des contractions rapides survenant une à deux minutes après
son administration mais de courte durée : la demi-vie de l’ocytocine est d’environ dix
minutes [8].
Au total, par rapport à une délivrance sans recours aux utérotoniques, l’administration
prophylactique d’ocytocine par voie IV ou IM diminue d’environ 50% le risque d’HPP
supérieure à 500 ml et à 1000 ml.
L’administration prophylactique d’ocytocine est recommandée pour tous les
accouchements par voie basse pour diminuer l’incidence des HPP [9].
L’ocytocine présente pourtant quelques inconvénients :
Elle est en effet à l’origine des effets indésirables suivants : hypotension, tachycardie
réflexe, nausées et vomissements.
Il faut donc l’utiliser avec précaution chez les patientes présentant des risques
cardiovasculaires.
Elle doit par ailleurs être administrée par un personnel qualifié et conservée à température
contrôlée entre 2°C et 8°C ce qui pose problème dans les pays en développement où
l’accès à un établissement hospitalier est souvent difficile.
Face à la courte durée d’action de l’ocytocine, d’autres stratégies thérapeutiques ont été
développées afin de prolonger l’effet ocytocique.
Ces stratégies incluent notamment la combinaison de l’ocytocine avec l’ergométrine,
alcaloïde de l’ergot de seigle, dont la durée d’action est beaucoup plus longue [8].
23
1.2.1.2 Les alcaloïdes de l’ergot de seigle
L’ergométrine et la methylergométrine sont des alcaloïdes de l’ergot de seigle administrés
par voie intra musculaire, voie de prédilection, ou par voie intraveineuse.
Elles augmentent le tonus utérin en induisant des contractions intenses et rythmées du
myomètre. Ces contractions sont significativement plus longues que celles provoquées par
l’administration d’ocytocine.
Les alcaloïdes de l’ergot de seigle sont considérés comme une alternative à l’ocytocine
dans la prévention de l’HPP [17].
Ils sont également préconisés en traitement de seconde intention en cas d’HPP réfractaire à
l’ocytocine.
Les inconvénients des dérivés de l’ergot de seigle sont les suivants :
Ils sont à l’origine de nombreux effets indésirables hémodynamiques, en particulier après
administration intraveineuse rapide, conduisant à une augmentation des pressions veineuse
et artérielle à l’origine sur le plan clinique de poussées hypertensives sévères.
Ils sont donc contre-indiqués chez de nombreuses femmes présentant des prédispositions
vasculaires, en cas notamment de pré-éclampsie, d’éclampsie, d’hypertension artérielle ou
de pathologie cardiaque.
Ils peuvent également provoquer des contractions tétaniques de l’utérus et retarder
l’expulsion du placenta, entrainant ainsi une rétention placentaire [9].
Ils sont enfin instables à température élevée. A l’instar de l’ocytocine, il doivent être
conservés à température entre 2°C et 8°C à l’abri de la lumière ce qui limite souvent la
possibilité de leur utilisation dans les pays en développement [16].
Pour les raisons évoquées ci-dessus, ils sont donc moins fréquemment utilisés que
l’ocytocine, en dépit d’une efficacité similaire voire supérieure dans la prévention de
l’HPP selon l’OMS [1].
Leur utilisation est donc préconisée uniquement lorsque l’ocytocine n’est pas disponible.
1.2.1.3 La carbétocine
La carbétocine est un analogue synthétique agoniste de l’ocytocine à durée d’action
prolongée. Son action dure en effet une à deux heures.
Elle est administrée par voie intraveineuse ou intramusculaire.
Il s’agit d’un traitement de troisième ligne en cas d’échec des traitements à l’ocytocine et
aux dérivés de l’ergot de seigle [8].
24
Ses effets hémodynamiques ne sont pas significativement différents de ceux de l’ocytocine
mais elle est associée à un besoin moins important d’effectuer un massage utérin ou
d’administrer des utérotoniques complémentaires suite à un accouchement par voie basse
ou par césarienne.
Elle est actuellement spécifiquement préconisée dans la prévention de l’atonie utérine
faisant suite à un accouchement par césarienne.
Elle présente également des inconvénients :
Elle est associée plus d’une fois sur deux à des hypotensions maternelles [16].
Il s’agit par ailleurs d’un produit considérablement plus onéreux que l’ocytocine,
actuellement instable à température ambiante et ne pouvant être administré que par des
médecins. Tout ceci compromet aujourd’hui son utilisation dans les pays en
développement.
Une formulation thermostable de la carbétocine est actuellement en cours de
développement et à l’étude dans un essai clinique conduit par l’OMS. Elle pourrait être à
l’avenir plus facilement utilisable dans les pays en développement [9].
1.2.1.4 La syntométrine
La syntométrine est une association fixe d’ergométrine et d’ocytocine administrée par voie
intramusculaire.
Elle est particulièrement utilisée dans certains pays anglo-saxons où elle est considérée
comme plus efficace et potentiellement moins délétère que la methylergométrine seule [9].
Elle présente en revanche de nombreux inconvénients :
Elle est en effet à l’origine d’une augmentation de la pression diastolique, de nausées et de
vomissements. En raison de ces effets indésirables, elle n’est plus disponible dans certains
pays occidentaux tels que l’Allemagne ou le Canada.
Elle requiert en outre un transport et une conservation à l’abri de la lumière et sous
température contrôlée, limitant son utilisation dans les pays en développement [16].
1.2.1.5 Le misoprostol
Le misoprostol est recommandé en tant que traitement alternatif pour la prévention de
l’HPP uniquement dans la situation particulière suivante : lorsque l’ocytocine n’est pas
disponible et dans les milieux où il n’y a pas d’accoucheuses qualifiées.
25
Il est alors administré par les agents de santé communautaires et le personnel non médical
dans les pays en développement [7].
Le cas du misoprostol est décrit en détail en seconde partie du présent document.
Les recommandations de la FIGO concernant les médicaments utérotoniques à administrer
en prévention de l’HPP sont similaires à celles de l’OMS. Elles sont résumées en figure 2
et confirment que l’ocytocine est l’utérotonique de choix à privilégier en première
intention dans la prévention de l’HPP [2].
26
1.2.2 Clampage du cordon
Après l’administration prophylactique d’utérotoniques, la seconde étape de la GATPA est
le clampage suivi de la section du cordon ombilical. Ces deux manœuvres sont
indispensables pour séparer le nouveau-né du placenta.
On distingue classiquement le clampage précoce, réalisé dans la minute suivant la
naissance, du clampage tardif pratiqué à l’abolition du pouls funiculaire, généralement
entre la première et la troisième minute suivant l’accouchement [9].
Le clampage précoce du cordon n’est pas recommandé, sauf dans certaines situations
d’urgence lorsque le nouveau-né présente une asphyxie et doit être transporté très
rapidement en service de réanimation.
Figure 2 : Recommandations de la FIGO concernant les utérotoniques à
administrer pour la prévention et le traitement de l’HPP (d’après [2])
27
Le clampage tardif du cordon ombilical est recommandé pour toutes les naissances ne
nécessitant pas de prise en charge urgente du nouveau-né, simultanément à l’instauration
des soins néonataux essentiels.
Il permet une atténuation de l’anémie chez le nouveau-né ainsi que des taux accrus
d’hémoglobine et de ferritine jusqu’à l’âge de 6 mois [15].
Les effets du clampage tardif du cordon sont particulièrement bénéfiques chez les
nouveau-nés prématurés [7].
1.2.3 La traction contrôlée du cordon
La traction contrôlée du cordon est souvent utilisée pour le diagnostic du décollement
placentaire ou pour aider à la délivrance du placenta. Elle est bénéfique si, et seulement si,
le personnel la pratiquant a été formé à cette technique [9].
Dans les milieux où des accoucheuses qualifiées sont disponibles, la traction contrôlée du
cordon est recommandée pour les accouchements par voie basse si le prestataire de soin et
la parturiente considèrent la légère réduction de la perte sanguine et de la durée de la
délivrance comme importante. Elle est en effet associée à de légers effets bénéfiques sur la
perte sanguine, la réduisant en moyenne de 11 ml, et sur la durée de la délivrance, la
réduisant en moyenne de six minutes.
Elle est également l’intervention de choix dans le traitement de la rétention placentaire
correspondant à l’incapacité de procéder à la délivrance du placenta dans un délai de trente
à quarante-cinq minutes suivant la naissance [7].
Il est à noter que la traction contrôlée du cordon réduit le taux de rétention placentaire
uniquement lorsqu’il y a eu prophylaxie avec une association ocytocine / ergométrine.
Le taux de rétention placentaire n’est pas réduit en cas de traction contrôlée du cordon
faisant suite à une prophylaxie à l’ocytocine seule [8].
Dans les milieux ne disposant pas d’accoucheuses qualifiées, la traction du cordon n’est
donc pas recommandée.
Elle conduit généralement à une réduction seulement modérée de la perte sanguine et de la
durée de la troisième phase du travail.
1.2.4 Le massage utérin prolongé
Le massage utérin préventif consiste à appliquer de façon répétée des mouvements de
compression manuelle de l’utérus afin de générer des contractions utérines.
28
Ces contractions ont pour objectif de favoriser le décollement placentaire et de lutter contre
l’atonie en post-natal [9].
Le massage utérin prolongé n’est cependant pas une intervention recommandée en
prévention de l’HPP chez les femmes ayant reçu une prophylaxie par ocytocine car il peut
induire un inconfort maternel, requiert un personnel qualifié et n’aboutira pas forcément à
une réduction de la perte sanguine.
En revanche, c’est la surveillance et l’évaluation du tonus utérin au travers de la palpation
abdominale après l’accouchement qui sont recommandées chez toutes les femmes afin de
permettre l’identification d’une éventuelle atonie utérine post-partum.
L’évaluation du tonus utérin joue un rôle prépondérant dans le diagnostic précoce de l’HPP
[7].
En résumé, l’administration d’utérotoniques conventionnels par voie parentérale est la
principale intervention de la GATPA. La mise en pratique de cette GATPA est donc
réservée aux naissances assistées d’un personnel de soin qualifié et est généralement
pratiquée au sein d’un établissement hospitalier.
1.3 Traitement de l’hémorragie du post-partum
Il est possible que, malgré une prise en charge active de la troisième phase de travail bien
conduite, les saignements persistent et demeurent abondants.
Au-delà de 500 ml de pertes dans les vingt-quatre heures suivant l’accouchement, le
diagnostic d’HPP doit alors être explicitement formulé et un traitement approprié
impérativement et urgemment mis en place.
Une femme chez laquelle une HPP est diagnostiquée meurt en moyenne en deux heures si
elle n’est pas immédiatement prise en charge [18].
Dès que l’HPP liée à une atonie utérine a été diagnostiquée, il est recommandé de procéder
à un massage utérin ainsi qu’à une réanimation liquidienne par perfusion d’un soluté de
cristalloïdes isotoniques par voie IV.
Le massage utérin, décrit en figure 3, consiste à masser l’utérus en exerçant des
mouvements manuels sur l’abdomen et doit être poursuivi jusqu’à l’arrêt du saignement ou
la contraction de l’utérus.
29
(d’après [2])
Il existe différents types de traitements de l’HPP à mettre en place graduellement selon
l’évolution des saignements, la première intervention étant le traitement médicamenteux.
1.3.1 Traitement médicamenteux
Le traitement médicamenteux consiste en l’administration d’utérotoniques.
L’ocytocine seule administrée par voie IV est le traitement de première intention
recommandé conjointement par l’OMS et par la FIGO dans le traitement de l’HPP due à
une atonie utérine, y compris chez les femmes ayant déjà reçu ce médicament en
prévention de l’HPP [8].
Dans les cas où l’ocytocine par voie intraveineuse n’est pas disponible ou lorsqu’elle n’a
aucun effet sur l’hémorragie (i.e. hémorragie persistante trente minutes après diagnostic
malgré une prise en charge initiale bien conduite à l’ocytocine), il convient alors de
rapidement mettre en œuvre des actions de prise en charge complémentaires.
Parmi ces actions de prise en charge alternatives figure l’administration d’un utérotonique
autre que l’ocytocine tels que l’ergométrine ou l’ergométrine-ocytocine à dose fixe par
voie intraveineuse ou les prostaglandines (sulprostone ou misoprostol à la dose de 800 mcg
par voie sublinguale).
Ergométrine, ergométrine-ocytocine et misoprostol ont déjà été décrits dans le cadre de
l’arsenal thérapeutique existant pour la prévention de l’HPP [7].
La sulprostone (prostaglandine E2) n’a en revanche pas encore été décrite car elle est
considérée, de manière non équivoque, comme un médicament devant être indiqué dans le
traitement et non dans la prévention de l’HPP.
Figure 3 : le massage utérin (d’après [2])
30
Elle est recommandée pour la prise en charge des HPP d’origine endo-utérine sévères ou
persistantes résistant aux ocytociques et son administration doit intervenir dans les trente
minutes suivant le diagnostic d’HPP en cas d’échec de l’ocytocine.
Elle induit des contractions puissantes et soutenues du myomètre et est recommandée en
cas de saignements prolongés réfractaires à l’ocytocine et aux alcaloïdes de l’ergot de
seigle.
La sulprostone est à l’origine de nombreux effets indésirables potentiellement graves tels
que nausées, diarrhées, hypertension, maux de tête, troubles cardiovasculaires, spasmes
bronchiques et fièvre.
En raison de son effet bronchostricteur, elle est contre-indiquée chez les patientes
asthmatiques.
Elle est enfin plus chère que l’ocytocine et doit, comme elle, être administrée par voie
intraveineuse et conservée au réfrigérateur, ce qui en limite l’utilisation dans les pays en
développement [16].
Si les données scientifiques actuelles permettent d’affirmer que l’ocytocine est
l’utérotonique à administrer en première intention pour traiter l’HPP, elles ne permettent
en revanche pas de formuler de recommandations formelles quant à l’utérotonique à
administrer en seconde intention lorsque l’administration d’ocytocine par voie
intraveineuse n’a pas permis de mettre fin à l’hémorragie.
En présence d’une telle situation, le choix de l’utérotonique doit être décidé au cas par cas
en fonction de l’expérience du prestataire de soin, des médicaments disponibles, du profil
de la patiente et des contre-indications connues [7].
L’administration d’acide tranexamique (agent antifibrinolytique) est conseillée en cas de
persistance d’une hémorragie indifféremment due à une atonie utérine ou à un traumatisme
vaginal et non contrôlée par les utérotoniques.
Elle permet de réduire la perte sanguine.
Il s’agit là d’une option thérapeutique sans danger pour le traitement des saignements
d’origine traumatique [8].
31
1.3.2 Traitement mécanique
En cas d’hémorragie réfractaire aux utérotoniques ou d’indisponibilité de l’ocytocine, des
techniques invasives d’hémostase doivent alors être rapidement mises en place pour
juguler les pertes sanguines.
La prise en charge mécanique de l’atonie utérine via tamponnement intra-utérin par
ballonnet est alors recommandée.
Le tamponnement consiste en l’application d’une pression intra-utérine artificielle. Il est
réalisé à l’aide d’un ballonnet dont le mode d’action est triple : compression du lit
placentaire, contraction utérine réactionnelle et diminution du flux vasculaire utérin.
Le ballonnet est un dispositif peu couteux et simple d’utilisation permettant dans certaines
situations, lorsque le traitement médicamenteux a échoué, d’éviter le recours à la chirurgie.
Il est très utilisé dans les pays en développement puisqu’il est bon marché et peut même,
dans certains cas, être remplacé par un gant ou un simple préservatif.
Son utilisation est laissée à l’appréciation libre du praticien.
Sur le plan pratique, il n’existe pas de protocole validé de mise en œuvre.
La technique d’insertion d’un ballonnet est relativement simple et nécessite simplement
que l’opérateur s’assure que le ballonnet se situe intégralement au-delà du canal cervical.
Une fois inséré et comme décrit en figure 4, le ballonnet est rempli d’une solution stérile
jusqu’à ce que l’hémorragie cesse [15]. Le gonflement du ballon est ajusté à l’efficacité
clinique constatée sur l’abondance du saignement.
Il est également recommandé de mettre une œuvre une antibioprophylaxie simultanément à
la mise en place du tamponnement en raison du risque infectieux potentiel.
Figure 4 : le tamponnement intra-utérin à l’aide d’un gant ou
d’un ballonnet (d’après [19])
32
Le ballonnet peut être laissé en place pendant huit à quarante-huit heures, pour ensuite être
graduellement dégonflé puis retiré.
L’utilisation du tamponnement ne doit pas retarder la mise en œuvre des procédures
invasives. Il est primordial de ne pas retarder la prise en charge chirurgicale en cas d’échec
immédiat du tamponnement, l’échec étant défini par la persistance d’un saignement à
l’issue du positionnement et du gonflement du ballon.
Le tamponnement intra-utérin par ballonnet permet dans la majorité des cas d’éviter un
recours à une prise en charge chirurgicale et est recommandé par les collèges anglais,
canadien et américain (RCOG, SOGC et AGOC) ainsi que par la FIGO [1].
La compression bimanuelle de l’utérus, la compression aortique externe et l’utilisation
d’un vêtement antichoc non pneumatique sont d’autres mesures mécaniques
recommandées par l’OMS et la FIGO pour ralentir l’hémorragie et gagner du temps
jusqu’à ce que des soins appropriés puissent être fournis [2] [7].
La compression bimanuelle de l’utérus est très efficace mais doit généralement être utilisée
en dernier recours car elle est douloureuse et très invasive.
Comme décrit en figure 5, elle est pratiquée de la façon suivante : une main est placée au-
dessus de l’utérus de l’extérieur, tandis que l’autre est placée à l’intérieur du vagin afin
d’appliquer une pression sur le segment inférieur de l’utérus.
La mise en œuvre d’une compression constante au moyen des deux mains engendre une
compression externe de l’utérus permettant d’atténuer la perte sanguine.
Figure 5 : compression bimanuelle de l’utérus (d’après
[20])
33
Cette intervention peut se poursuivre jusqu’à ce que d’autres mesures soient mises en place
[15].
La compression aortique externe est également très efficace pour la réduction de la perte
sanguine. Elle consiste à exercer une pression vers le bas avec le poing fermé sur l’aorte
abdominale, directement à travers la paroi abdominale. Il faut alors rechercher le pouls
fémoral avec l’autre main de façon à vérifier si la compression est suffisante : si le pouls
est palpable, la compression est insuffisante.
Bien qu’inconfortable, la compression aortique, comme décrite en figure 6, peut être
maintenue pendant une heure si besoin jusqu’à maitrise du saignement et s’avère d’une
importance prépondérante en cas d’HPP sévère due à une rétention placentaire [5].
Le vêtement antichoc non pneumatique, illustré en figure 7, est un vêtement néoprène à
enrouler de façon très serrée autour des jambes et de l’abdomen. Il comprime ainsi l’utérus.
Ce vêtement réduit l’espace intravasculaire, provoquant ainsi une augmentation de la
pression artérielle.
Figure 6 : compression aortique externe [20]
34
Il présente un intérêt considérable dans les pays aux faibles ressources puisqu’il est facile
d’utilisation, ré-utilisable et relativement peu onéreux. C’est une mesure permettant de
gagner du temps dans l’attente du transfert de la patiente vers une structure de soins
chirurgicaux [8].
1.3.3 Traitement chirurgical
Si les saignements persistent malgré les traitements médicamenteux et mécanique décrits
précédemment, une intervention chirurgicale doit alors être pratiquée sans délai.
Il convient en premier lieu d’opter pour des approches chirurgicales conservatrices, telle
que l’embolisation des artères utérines, permettant d’épargner l’utérus et d’ainsi préserver
la fertilité de la mère.
L’embolisation des artères utérines nécessite un accès rapide à des techniques d’imagerie
et à des radiologistes interventionnels, ce qui n’est donc pas facile à mettre en œuvre dans
les pays en développement [15].
Si ces approches chirurgicales conservatrices échouent, des interventions plus invasives
doivent alors être mises en œuvre incluant : des sutures permettant de comprimer l’utérus,
la ligature de l’artère utérine, des artères hypogastriques et du ligament utéro-ovarien.
Figure 7: vêtement antichoc non pneumatique (d'après [21])
35
Si un saignement potentiellement fatal persiste à l’issue de ces interventions, une
hystérectomie subtotale, également appelée supracervicale, ou totale devra alors être
réalisée [7].
En tout état de cause et si la délivrance dure plus de trente minutes, il convient de pratiquer
la traction contrôlée du cordon et d’administrer simultanément une dose supplémentaire de
10 UI d’ocytocine par voie IV ou IM pour prendre en charge la rétention placentaire.
En cas de rétention placentaire et de survenue d’une hémorragie, le placenta doit être
extrait manuellement.
Pour toute extraction manuelle du placenta, l’administration prophylactique d’une dose
unique d’antibiotiques (ampicilline ou céphalosporine de première génération) est
recommandée.
La mise en œuvre de toutes les interventions mentionnées ci-dessus requiert un personnel
formé et qualifié. Ce personnel formé et qualifié est souvent inaccessible aux femmes
accouchant en zones rurales dans les pays en développement.
36
2. Le misoprostol : intérêt thérapeutique et enregistrement via la procédure Article 58 du règlement (CE) N° 726/2004
2.1 Le misoprostol : solution alternative aux utérotoniques conventionnels dans les pays en développement
2.1.1 Reconnaissance du misoprostol comme « médicament essentiel » de l’HPP
2.1.1.1 Histoire de l’HPP et place du misoprostol dans l’arsenal thérapeutique
Le misoprostol présente actuellement un intérêt majeur comme solution alternative à la
réduction de la mortalité liée aux HPP dans les pays en développement.
Afin de souligner l’importance de son rôle, il est intéressant de relater les étapes
essentielles de l’histoire de la prise en charge de l’HPP.
L’histoire de cette prise en charge débute en 1953 par le décryptage de la séquence
d’amino-acides de l’ocytocine et la mise au point de sa synthèse biochimique [22] [23].
Elle se poursuit en 1962 avec l’identification des différentes composantes de la « gestion
active de la troisième phase de l’accouchement » ou GATPA dont la principale est
l’administration d’un utérotonique [24].
Il faut alors attendre le début des années 1980 pour que de premiers résultats cliniques
révèlent une réduction significative de 70% de la survenue d’HPP après GATPA par
comparaison à l’« attitude expectative » [25].
Vingt ans plus tard, en 2003, la FIGO et la fédération internationale des sages-femmes
(ICM) publient conjointement leurs premières recommandations sur l’efficacité de la
GATPA dans la prévention de l’HPP en précisant bien que cette dernière ne peut être mise
en œuvre que par des accoucheuses qualifiées, excluant ainsi les femmes accouchant à
domicile de l’accès à cette intervention salvatrice [26].
Cette situation encourage les chercheurs à identifier un traitement alternatif que l’on
pourrait mettre à disposition des femmes accouchant hors des établissements de santé et à
évaluer le potentiel d’un analogue de prostaglandine formulé sous forme de comprimé : le
misoprostol.
C’est ainsi qu’en 2006 sont publiés les premiers résultats probants d’une étude clinique
comparative misoprostol versus placebo pour la prévention de l’HPP chez des femmes
accouchant à domicile [27].
37
C’est à partir de cette étape que le misoprostol est officiellement reconnu comme solution
alternative dans la prévention des HPP lorsque la GATPA est impossible à mettre en œuvre
chez les femmes n’ayant pas accès à des structures de soin.
En 2006, l’OMS organise une réunion technique de consultation afin d’évaluer les
solutions existantes pour prévenir et traiter l’HPP à l’issue de laquelle elle publie l’année
suivante ses premières recommandations officielles sur l’utilisation du misoprostol pour la
prévention de l’HPP, uniquement lorsque l’ocytocine n’est pas disponible [28].
A partir de la publication de ces recommandations, de nombreux pays en développement se
mobilisent pour promouvoir l’intérêt du misoprostol dans la prévention et le traitement de
l’HPP.
En 2006 également, les autorités de santé nigérianes sont les premières à enregistrer un
produit à base de misoprostol spécifiquement dédié à l’HPP [29].
Sous cette impulsion positive, le comité d’experts de l’OMS décide en 2011 d’inclure le
misoprostol sur la « liste des médicaments officiels de l’OMS » pour une utilisation dans la
prévention de l’HPP lorsque l’ocytocine n’est pas disponible ou ne peut pas être utilisée en
toute sécurité. Le champ de cette indication est étendu en avril 2015 pour y inclure le
traitement de l’HPP [30].
En 2012, l’OMS publie une nouvelle version de ses recommandations selon lesquelles le
personnel non médical ou les agents de santé communautaires sont autorisés à procéder à
l’administration du misoprostol en l’absence d’accoucheuse qualifiée ou en cas
d’indisponibilité de l’ocytocine, en cas d’accouchement à domicile par exemple [7].
La reconnaissance officielle et consensuelle du misoprostol comme médicament essentiel
dans la prévention et le traitement de l’HPP dans les pays en développement par
l’ensemble des organisations internationales constitue une avancée cruciale dans le
programme d’amélioration de la santé maternelle, cinquième objectif du Millénaire pour le
développement (OMD) ratifié par la communauté internationale en 2000 (programme de
l’Organisation des Nations Unies (ONU) au travers duquel les pays se sont engagés à
réduire de trois quarts la mortalité maternelle entre 1990 et 2015).
2.1.1.2 Atouts du misoprostol
L’intérêt du misoprostol prévaut exclusivement dans les situations où l’utilisation
d’ocytocine est inenvisageable. De manière consensuelle, l’ocytocine représente
actuellement le traitement de choix, autrement dénommé « gold standard » par les anglo-
38
saxons, dans la prévention et le traitement de l’HPP en raison de sa grande efficacité et de
son excellent profil de sécurité.
Elle doit en revanche être administrée par voie injectable, ce qui requiert à la fois un
équipement stérile et la présence d’un personnel qualifié.
De plus, elle doit être conservée au réfrigérateur entre 2°C et 8°C et se décompose
rapidement lorsqu’elle est exposée à des températures excédant 30°C.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, son usage reste donc le privilège des femmes
accouchant dans des établissements de santé et/ou en présence d’un prestataire de soin
qualifié dans des zones où la chaine du froid peut être maintenue [31].
Dans la majorité des pays en développement, les communautés rurales sont localisées dans
des zones géographiques reculées, difficiles à sillonner, où les établissements de santé sont
rares et isolés et la couverture utérotonique en ocytocine limitée.
Dans ces zones défavorisées où plus de 50% des femmes accouchent à domicile, assistées
d’un personnel non qualifié, et où la GATPA, pourtant primordiale, est malheureusement
souvent impossible à mettre en œuvre, il est indispensable de pouvoir proposer une
solution alternative permettant de prévenir la survenue d’HPP [32].
Le misoprostol, analogue de la prostaglandine E1, se présente sous forme d’un comprimé.
A l’origine, il a été enregistré pour prévenir les ulcères gastriques associés à la prise d’anti-
inflammatoires non stéroïdiens.
En raison de ses propriétés contractiles sur le myomètre, la molécule a également été
étudiée parallèlement de façon intensive pour ses indications obstétriques et
gynécologiques, incluant l’HPP [16].
C’est ainsi que plusieurs études cliniques menées dans des pays aux ressources limitées ont
démontré que, dans les situations où l’ocytocine est indisponible ou ne peut être
administrée, le misoprostol, à la dose de 600 microgrammes (trois comprimés de 200
microgrammes) par voie orale juste après la délivrance du nouveau-né, peut être utilisé en
toute sécurité pour la prévention de l’HPP chez les femmes accouchant à domicile [27]
[33].
Ces études ont également permis d’aboutir à la conclusion que l’administration de
misoprostol par des travailleurs communautaires formés à son utilisation dans la
39
prévention de l’HPP contribuait largement à étendre la couverture utérotonique dans les
zones défavorisées et y réduisait significativement les taux de mortalité [34] [35].
Le misoprostol suscite donc un intérêt considérable dans les pays en développement en
raison de son faible cout, de sa facilité de conservation et de la facilité avec laquelle il est
administré. Il est en effet significativement moins cher que les prostaglandines injectables,
stable à température ambiante et facile d’administration puisqu’il se présente sous la forme
d’un comprimé. Il ne requiert donc ni l’utilisation d’instruments stériles, ni l’intervention
de personnel formé et habilité à administrer des produits par voie parentérale,
contrairement aux utérotoniques conventionnels.
Il présente également un profil de sécurité intéressant puisque ses effets indésirables (fièvre
et tremblements étant les plus fréquents) sont tolérables et de courte durée et que, à
l’inverse des autres utérotoniques, il peut être administré chez des femmes souffrant
d’asthme ou d’hypertension, n’ayant lui-même aucun effet sur la pression artérielle ou sur
les voies respiratoires (par opposition à de nombreuses prostaglandines responsables de
broncho-constriction) [8]
Il existe aujourd’hui un consensus général quant à l’intérêt indéniable du misoprostol dans
la prévention et le traitement de l’HPP en l’absence de structures de soins et de personnel
de santé qualifié pour assister les accouchements.
Ce potentiel du misoprostol à réduire la mortalité maternelle liée à l’HPP doit être
maximalisé en favorisant son accès aux femmes qui en ont besoin à l’endroit même où
elles accouchent. Dans cette optique, approvisionner ces femmes en misoprostol en amont
du travail ou de la délivrance est un choix raisonnable.
Les organisations non gouvernementales et les associations professionnelles d’obstétriciens
et de gynécologues se mobilisent donc aujourd’hui pour mettre à jour les lignes directives
cliniques nationales sur l’HPP en y recommandant l’utilisation communautaire du
misoprostol et en encourageant la mise en place de programmes de distribution du
misoprostol à grande échelle dans les pays en développement [36].
2.1.2 Distribution communautaire du misoprostol
Quarante-six pour cent des naissances dans le monde ayant lieu sans assistance en dehors
d’un établissement de soins, la distribution communautaire de misoprostol en cours de
période prénatale pour une administration pendant la délivrance incarne une stratégie
40
efficace pour assurer une couverture utérotonique à toutes les femmes n’ayant pas d’autre
alternative en matière de prévention de l’HPP.
Elle permet de réduire ainsi morbidité et mortalité maternelles dans les pays aux faibles
ressources [37].
Près de 50% des accouchements se déroulant en l’absence de prestataire de soin qualifié
dans cinquante et un pays en développement, de nombreux programmes de distribution ont
donc déjà été lancés, dont la plupart avec succès, et ont démontré que l’administration de
misoprostol par des agents communautaires et du personnel non médical, tels que les
accoucheuses traditionnelles, à des femmes accouchant à domicile était associée à une
diminution substantielle des saignements et de l’anémie du post-partum [38] [39] [40] [41]
[42].
Grâce à une coopération fructueuse entre le ministère de la santé et un comité technique
universitaire, le Nigeria est le premier pays où eut lieu en 2008 la mise en place d’une
étude en faveur de la distribution du misoprostol par des membres de la communauté.
Ce programme pionnier mené au sein de trois communautés fut un succès.
Il permit à 83% des femmes accouchant à domicile d’obtenir une protection contre l’HPP
dont elles n’auraient pu bénéficier sans ce programme.
La conséquence directe de la réussite de cette étude fut l’adoption de lignes directives
spécifiques sur l’usage communautaire du misoprostol dans la prévention et le traitement
de l’HPP en 2010 ainsi que de l’inscription du misoprostol sur la liste nigériane des
médicaments essentiels [43].
Les grandes organisations internationales, sous l’égide de l’ONU, encouragent donc
l’inclusion de programmes similaires à celui mis en place au Nigéria dans le systèmes
nationaux de santé publique moyennant le respect des exigences suivantes : formation des
agents communautaires et du personnel non médical à l’administration du misoprostol en
tenant compte des spécificités socio-culturelles nationales, mise en place d’un circuit
logistique de distribution du misoprostol intégrant les critères spécifiques de chacun des
pays et contrôle / suivi indispensables de l’administration du misoprostol pour en assurer
une utilisation en toute sécurité.
Il est également important que ces programmes soient conduits en partenariat avec
gouvernements et ministères de la santé de façon à en optimiser la mise en place en
41
utilisant, entre autres, les services sociaux locaux et les protocoles de distribution de
médicaments déjà établis dans les pays concernés [44].
La mise en place de politiques nationales favorables est donc une première étape
primordiale.
L’adoption de directives nationales sur l’administration efficace et sécurisée du
misoprostol, son homologation pour l’HPP et son inscription sur les listes nationales de
médicaments essentiels sont autant de politiques permettant de favoriser la disponibilité et
le diffusion communautaire du misoprostol pour l’HPP.
2.1.2.1 Formation des acteurs de distribution
Former et mobiliser une main d’œuvre robuste et suffisante dans des pays manquant
cruellement de professionnels de santé est un véritable défi.
Les programmes éducatifs destinés à promouvoir la bonne utilisation du misoprostol
constituent la pierre angulaire de toutes les stratégies de distribution communautaire.
Il est primordial de mettre en place des programmes éducationnels sur l’HPP et le rôle du
misoprostol dès l’instauration de ces programmes, en intégrant notamment des supports
radiophoniques ou des matériaux éducatifs imagés permettant d’atteindre également les
populations analphabètes [45].
Quelques exemples de supports éducatifs sont présentés en Annexe 1.
Ces formations et campagnes d’information doivent être axées sur le bon usage du
misoprostol.
Elles doivent notamment souligner l’importance du mode d’administration correct à la
bonne dose et au bon moment et doivent également décrire précisément les effets
indésirables les plus fréquents, de façon à sécuriser l’utilisation du misoprostol et à
prévenir son mésusage à des fins abortives ou un risque de rupture utérine lié à son
administration avant la naissance de l’enfant ou du deuxième enfant (en cas de grossesse
multiple) [8] [44].
Ces formations doivent également contribuer à faire comprendre aux acteurs de la
communauté les situations d’urgence qui peuvent être fatales à la mère. Elles doivent les
aider à identifier le seuil à partir duquel la perte sanguine doit être considérée comme trop
importante ainsi que les situations d’urgence pour lesquelles l’orientation vers une
structure de soin devient indispensable [46].
42
Elles doivent décrire la conduite à tenir en cas de persistance des saignements ou autres
complications potentielles consécutives à l’administration du misoprostol [8] [44].
Il est important d’impliquer dans ces programmes les femmes enceintes elles-mêmes mais
aussi les personnes clés de leur entourage tels que les membres de la famille proche (mari,
belle-mère), les « travailleurs non médicaux », les « accoucheuses traditionnelles » ou
toute personne susceptible d’être présente lors de l’accouchement et d’encourager la
femme à la prise du misoprostol [44].
Les « travailleurs non médicaux » et « accoucheuses traditionnelles », formés de façon
adéquate à la manière d’administrer le misoprostol et d’en recueillir les éventuels effets
indésirables et les comprimés non utilisés le cas échéant, sont les véritables acteurs de ces
programmes puisque ce sont eux qui sont aux côtés de la mère et qui interviennent au
moment de l’accouchement.
Ils jouent généralement un rôle prépondérant dans la sensibilisation et la mobilisation de la
population à l’utilisation de misoprostol [47].
Il est enfin primordial de former l’ensemble des acteurs de ces programmes à encourager
en priorité toute future mère à rejoindre un établissement de santé pout y accoucher lorsque
cela est possible [44].
2.1.2.2 Circuit de distribution
Le misoprostol doit être mis à disposition de femmes vivant dans des zones reculées et
disposant d’un accès restreint à des établissements de santé.
Dans ces zones, la couverture utérotonique est généralement très faible, voire inexistante.
Pour faire face à ce challenge, le modèle de distribution du misoprostol doit prendre en
compte quatre critères principaux que sont : le taux de participation de la future mère aux
consultations prénatales, la prévalence locale d’accoucheurs qualifiés, la couverture en
« travailleurs non médicaux » et la disponibilité d’« accoucheuses traditionnelles » dans la
communauté considérée.
Chaque modèle de distribution sera adapté de façon spécifique en fonction de ces
différents critères.
C’est ainsi par exemple que dans des pays où les femmes n’assistent pas à toutes les
consultations prénatales, en raison d’un accès difficile et limité aux structures de soins
43
locales, la distribution du misoprostol au moment de l’accouchement par des travailleurs
communautaires incarne une alternative raisonnable.
Dans ceux en revanche où les consultations prénatales à l’hôpital ou les visites à domicile
par des « travailleurs non médicaux » sont de mise, la distribution de misoprostol en fin de
grossesse est alors envisageable [44].
La distribution peut être assurée selon le cas par un accoucheur qualifié ou, en son absence,
par un membre de la communauté tel qu’un « travailleur non médical » ou une
« accoucheuse traditionnelle » ayant reçu une formation adéquate.
L’avantage d’une distribution par un membre de la communauté est qu’il peut atteindre le
plus grand nombre de femmes, y compris celles de la communauté qui n’assistent pas aux
consultations prénatales ou celles issues des populations migrantes.
Les points de distribution sont les établissements de soin (au cours des visites de
consultation prénatales le cas échéant) lorsqu’ils existent, les pharmacies (par des
pharmaciens agréés par le gouvernement local) ou directement le domicile (au cours des
visites par les « travailleurs non médicaux » et les « accoucheuses traditionnelles » en
cours de grossesse ou au moment de l’accouchement) dans les zones où il n’existe pas
d’établissement de soin.
Le schéma de distribution est donc à adapter en fonction de l’organisation de la
communauté et de la présence ou non d’établissements de soin, de façon à optimiser la
couverture en utérotoniques [39].
Le misoprostol de la plupart des programmes pilotes de distribution est fourni par
donation. La conduite de programmes à grande échelle devient plus difficile lorsqu’il est
de la responsabilité du gouvernement local d’allouer un budget à l’achat du misoprostol. Il
est donc crucial pour les gouvernements d’intégrer l’achat de ce médicament dans leurs
budgets nationaux [44].
2.1.2.3 Auto-administration par la femme enceinte et recommandations de l’OMS
Afin de garantir l’accès au misoprostol aux femmes accouchant seules à domicile, la
distribution de misoprostol aux femmes enceintes elles-mêmes durant le troisième
44
trimestre de la grossesse pour une auto-administration après l’accouchement a été
considérée comme une approche intéressante qui méritait d’être promue [41] [48] [49].
Malgré les preuves tangibles supportant l’utilisation du misoprostol dans la réduction de
l’HPP lorsqu’il est administré par un personnel non médical formé, une distribution
communautaire à grande échelle, en particulier à la femme enceinte elle-même en amont
de son accouchement, introduit de nouvelles problématiques [27] [50] [51].
Au vu des préoccupations soulevées par le passé concernant la distribution du misoprostol
au niveau communautaire et des graves conséquences potentielles qu’induirait son
administration au cours de la grossesse (dans le cadre d’une utilisation hors AMM à des
fins abortives ou pour une induction du travail), le comité d’experts de l’OMS adopte de
son côté une approche beaucoup plus prudente et juge aujourd’hui que les données
factuelles existantes sont insuffisantes pour recommander la distribution de misoprostol
aux femmes enceintes pendant la période prénatale en vue d’une auto-administration en
prévention de l’HPP.
L’OMS est préoccupée par le fait qu’une connaissance accrue des différentes possibilités
d’utilisation du misoprostol pourrait inciter les femmes y ayant accès facilement via la
distribution communautaire avant l’accouchement à procéder à des avortements.
L’approvisionnement des communautés en misoprostol pourrait également favoriser
l’apparition d’un « marché noir » du misoprostol à des fins d’interruption de grossesse
[44].
L’OMS insiste donc sur l’importance de former les personnes chargées d’administrer le
misoprostol d’une part et de mettre en œuvre des interventions de surveillance de la
distribution au niveau communautaire basées sur une méthodologie de bonne qualité
scientifique et des indicateurs appropriés, d’autre part.
L’OMS reconnait par ailleurs qu’un certain nombre de programmes de distribution ont déjà
été lancés avec succès au niveau communautaire mais juge néanmoins qu’une telle
distribution doit avoir lieu dans le cadre de recherches contrôlées.
45
Selon les bilans respectifs de différents programmes de distribution mis en place
jusqu’alors, les femmes ayant bénéficié de la distribution de misoprostol au niveau
communautaire pour accoucher à domicile sont globalement très satisfaites, seraient prêtes
à réitérer l’expérience le cas échéant, à la recommander à une autre femme et seraient
même, dans certains cas, prêtes à payer pour obtenir le misoprostol [41] [44].
Dans les pays en développement dans lesquels l’administration d’utérotoniques injectables
est impossible, l’étude des effets de la distribution de misoprostol aux femmes au cours de
la période prénatale en vue de son auto-administration pendant la délivrance constitue une
grande priorité de recherche de l’OMS dans son objectif d’amélioration de la qualité des
soins en matière de santé maternelle et néonatale en cas d’HPP [7].
Une étude pilote (MamaMiso) a été menée en 2012 en Ouganda avec le produit
Hemoprostol afin d’évaluer les bénéfices et les risques d’une stratégie de distribution
anténatale de 600 microgrammes de misoprostol à des fins d’auto-administration après
l’accouchement.
Les résultats de cette étude sont encourageants et favorables à la distribution de
misoprostol au cours des consultations prénatales en vue d’une auto-administration.
Sur la base de ces résultats prometteurs, il est désormais indispensable de conduire des
études à très grande échelle de façon à confirmer les bénéfices de la distribution du
misoprostol et à démontrer formellement la réduction significative des évènements d’HPP
à la suite d’une auto-administration [52].
2.1.2.4 Contrôle et suivi du programme de distribution
Comme dans tout programme intégrant la distribution d’un produit de santé, il est
indispensable de mettre en place un système de contrôle et de suivi de la distribution du
misoprostol au sein de la communauté, en particulier lorsqu’il est mis à disposition de la
future mère en cours de grossesse, en amont de son utilisation.
Ce système de contrôle et de suivi sera à adapter selon les communautés et leur
organisation interne et devra notamment être plus drastique dans les zones où l’avortement
n’est pas légal par exemple afin de prévenir tout risque de mésusage du produit à des fins
abortives [44].
46
Les stratégies de contrôle dépendent largement de l’organisation communautaire et
pourront être conduites par des personnes qualifiées (sages-femmes, pharmaciens) ou non
qualifiées (« travailleurs non médicaux » et « accoucheuses traditionnelles ») idéalement
formées sur initiative de programmes gouvernementaux, l’essentiel étant de contrôler le
misoprostol depuis sa distribution (en traçant le nombre de comprimés distribués via des
formulaires spécifiques à compléter lors de la visite de consultation prénatale) jusqu’à son
administration, de collecter les doses de misoprostol non administrées et les boites vides
(lors des visites de suivi post-natales), de gérer les stocks de comprimés inutilisés et
d’éventuellement reporter des évènements de pharmacovigilance [44] [53].
Ces programmes de contrôle et de suivi nécessitent des ressources financières
conséquentes et sont difficiles à exécuter dans les zones où la majorité des acteurs assistant
aux naissances sont illettrés et donc dans l’impossibilité de compléter un formulaire de
suivi [47].
2.1.2.5 Programmes pilote et à grande échelle
En raison de la spécificité de chaque modèle communautaire, chaque programme de
distribution doit être adapté.
Le modèle est généralement construit selon les critères suivants : taux de participation des
futures mères aux consultations prénatales, nombre d’accoucheuses qualifiées, de
travailleurs non médicaux et d’accoucheuses traditionnelles dans la communauté [47].
Afin de prendre en compte l’ensemble de ces spécificités, il est souvent indispensable de
débuter par une étude pilote de distribution dans seulement quelques circonscriptions du
pays dans un premier temps de façon à évaluer la robustesse du modèle.
Une telle étude permet de fournir les arguments et preuves nécessaires à l’élargissement du
programme ainsi que d’identifier le schéma de distribution le mieux adapté au modèle du
pays ou d’une circonscription du pays [44].
L’élargissement progressif de la distribution à d’autres circonscriptions puis à l’ensemble
du pays, se fera ensuite étape par étape, de manière collaborative.
La mise en place de « groupes de travail » agissant en étroite collaboration avec les
gouvernements et les sociétés d’obstétrique et de gynécologie locaux peuvent être un outil
efficace pour parvenir à une distribution de grande envergure.
47
De nombreux programmes pilotes de distribution menés à bien dans certains pays en
développement (Nigéria, Népal, Bangladesh entre autres) ont déjà donné des résultats
probants sur la sécurité de la distribution du misoprostol au niveau communautaire.
Ils ont permis la publication de lignes directives locales sur l’utilisation du misoprostol
dans la prévention et le traitement de l’HPP.
Ils peuvent donc servir d’exemple aux responsables politiques locaux de ces pays, les
rassurer et les encourager à engager des programmes de distribution de grande envergure
au niveau national permettant de diminuer la mortalité et la morbidité des mères
accouchant à domicile [46].
Il est également notable que dans certains pays, l’accès au misoprostol sans prescription est
déjà une réalité. Face à telle situation, il semble encore plus pertinent d’étendre l’utilisation
de programmes permettant de contrôler la distribution du misoprostol par des personnes
formées dans l’optique de l’utiliser et de l’administrer dans les meilleures conditions [44].
Selon les résultats d’une étude réalisée en 2012 dans trente-sept pays en développement,
seize ont affirmé avoir mis en place des études pilotes de distribution du misoprostol aux
femmes accouchant à domicile.
Seulement cinq d’entre eux (Afghanistan, Bangladesh, Ethiopie, Népal et Nigéria) ont
ensuite étendu ces programmes à l’échelle nationale.
Les représentants de sept pays ont rapporté un manque de soutien de leurs gouvernements
à la mise en place de tels programmes de distribution [54].
Une caution supplémentaire de l’OMS sur le déroulement de ces programmes de
distribution influencerait sans doute positivement l’opinion des gouvernements à accepter
des programmes de grande envergure sur leurs territoires [44].
La conduite de programmes rigoureux de recherche comparant l’efficacité et la sécurité de
différentes stratégies de distribution de misoprostol à grande échelle, incluant en particulier
la distribution pour une auto-administration par la femme après l’accouchement, est
indispensable pour permettre à l’OMS ainsi qu’aux gouvernements d’étendre le champ de
leurs recommandations [55].
48
La distribution communautaire de misoprostol est entièrement conditionnée par son
inscription sur la « liste nationale des médicaments essentiels » de chacun des pays
concernés.
Ces listes recensent un nombre limité de médicaments répondant aux besoins de santé
publique nationaux les plus urgents, qui sont en outre les seuls à être remboursés par les
systèmes publics d’assurance santé.
Elles sont établies par des comités d’experts scientifiques, directement inspirées de la liste
des médicaments essentiels publiée par l’OMS et validées par les ministères de la santé
locaux.
Une fois un médicament inscrit sur la liste des médicaments essentiels, le financement de
son approvisionnement et de sa distribution est alors généralement pris en charge par des
fonds gouvernementaux [56].
Le misoprostol a été inscrit en mars 2011 sur la « liste de médicaments essentiels de
l’OMS » pour une utilisation dans la prévention de l’HPP lorsque l’ocytocine n’est pas
disponible ou ne peut pas être utilisée en toute sécurité.
Le champ de cette indication a été élargi en avril 2015 pour y inclure le traitement de
l’HPP [57] [58].
Bien qu’inscrit sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS, le misoprostol ne figure
sur la liste des médicaments essentiels que de vingt et un pays en développement sur les
trente-sept ciblés dans une étude menée en 2012 [54].
Considérant ce faible taux de 57%, il est impératif de convaincre les décideurs politiques
des pays en développement dans lesquels la prévalence de l’HPP est importante de l’intérêt
majeur du misoprostol dans la lutte contre la mortalité maternelle et de les inciter à mettre
des médicaments de qualité à base de misoprostol à disposition des futures mères dans le
secteur public en les incluant sur les listes nationales des médicaments essentiels et en leur
attribuant des Autorisations de Mise sur le Marché.
Le misoprostol est actuellement enregistré dans plus de trente pays en développement dans
l’indication de l’HPP.
49
Il s’agit cependant généralement de spécialités de qualité variable, parfois fabriquées sur
des sites de production ne respectant pas strictement les BPF, ce qui soulève bien des
préoccupations.
Il n’existe en effet actuellement qu’un nombre limité de fabricants de misoprostol
garantissant sa qualité et exportant vers les pays en développement, de sorte que les
produits à base de misoprostol achetés par les gouvernements nationaux sont souvent de
faible cout mais de qualité douteuse.
Il appartient donc aux gouvernements eux-mêmes de s’assurer que les spécialités à base de
misoprostol présentes sur leurs territoires soient des produits dont la qualité a été évaluée
selon les exigences réglementaires des agences les plus strictes et validée par une pré-
qualification de l’OMS [57]. Ce processus de pré-qualification est décrit en détail en
section 2.2.2 du présent document.
Actuellement, il existe seulement deux produits à base de misoprostol préqualifiés par
l’OMS dont un uniquement a été évalué par l’EMA dans l’indication de l’HPP :
l’Hemoprostol approuvé via la procédure d’enregistrement « Article58 ».
2.2 Enregistrement du misoprostol : la procédure « Article 58 »
2.2.1 Contexte législatif et champ d’application
De nombreux pays en développement disposent de capacités d’évaluation réglementaire
limitées. Les Autorités de Santé des pays concernés, en raison de cette pénurie de
ressources, accordent généralement les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) de
médicaments sur leurs territoires respectifs sur la base d’un procédé de reconnaissance
d’une évaluation déjà réalisée pour ces mêmes médicaments par les Autorités de Santé
d’un pays développé, dites Autorités Réglementaires Strictes (ARS).
Ces ARS sont des organismes mondialement reconnus pour la qualité de leur évaluation,
les plus renommées étant la Food and Drug Administration (FDA) américaine, l’Agence
Européenne du Médicament (EMA) ou l’Australian Therapeutic Goods Administration
(TGA) [59].
Cependant, et en dépit du principe d’enregistrement décrit ci-dessus, de nombreux
médicaments à usage humain indispensables dans les pays en développement ne disposent
pas d’AMM dans les pays développés.
50
C’est le cas en particulier de nombreux médicaments destinés à traiter des pathologies
ayant une faible prévalence dans les pays développés telles que les pathologies virales
(SIDA) ou parasitaires (leishmaniose, schistosomiase sévissant dans des zones tropicales
hors Union Européenne) et qui ne représentent donc aucun intérêt économique et n’ont
aucune viabilité dans ces pays-là.
Afin de faciliter l’inclusion de ces médicaments d’un intérêt souvent crucial dans l’arsenal
thérapeutique des pays en développement, la Commission Européenne a intégré dans son
règlement (CE) No 726/2004 un article décrivant une procédure selon laquelle le comité
d’évaluation des médicaments à usage humain à l’EMA (CHMP) est autorisé à adopter une
opinion scientifique pour des médicaments à usage humain exclusivement destinés à être
commercialisés dans des pays ne faisant pas partie de l’Union Européenne.
Cette opinion scientifique résulte d’une évaluation de l’EMA en collaboration avec
l’organisation mondiale de la santé (OMS).
Cette procédure particulière, connue sous le nom d’« Article 58 du règlement (CE) No
726/2004 » (et qui sera renommée « Article 58 » tout au long de ce document), a été
adoptée le 31 mars 2004 et est entrée en vigueur le 20 mai 2004.
L’« Article 58 » répond donc à un besoin de santé publique ainsi que d’assistance
scientifique aux pays n’appartenant pas à l’Union Européenne afin de leur permettre un
accès rapide, via des AMM obtenues sur la base d’une opinion positive du CHMP et d’un
« Certificate of Medicinal Product » (CMP) délivré par l’OMS et destiné aux autorités
sanitaires des pays importateurs tiers à l’Union européenne, à des médicaments
indispensables et hautement prioritaires sur le plan de la santé publique.
L’opinion scientifique délivrée à l’issue de la procédure « Article 58 » est de qualité
parfaitement équivalente à celle des opinions délivrées pour les médicaments destinés à
être commercialisés en Union Européenne [60].
Huit produits (sur neuf dossiers soumis) ont été gratifiés d’une opinion scientifique
positive via la procédure « Article 58 » depuis son intégration dans le règlement européen
en 2004. Deux de ces huit produits ont été retirés depuis pour des raisons commerciales.
Parmi les six produits restants figure l’Hemoprostol (misoprosol) indiqué dans le
traitement de l’HPP [61].
51
2.2.2 Eligibilité
Les médicaments à usage humain éligibles pour la procédure « Article 58 » sont des
médicaments destinés à prévenir ou traiter des pathologies présentant un intérêt majeur en
santé publique dans les pays aux ressources limitées et donc exclusivement dédiés aux
pays hors Union Européenne.
La procédure « Article 58 » concerne donc en particulier :
- Les vaccins utilisés dans le programme d’immunisation de l’OMS,
- Les vaccins indiqués dans la protection contre une pathologie d’intérêt majeur en
santé publique pour l’OMS,
- Les vaccins appartenant au stock de l’OMS en cas d’urgence sanitaire,
- Les médicaments indiqués dans les pathologies cibles de l’OMS que sont le SIDA,
le paludisme, la tuberculose, l’éléphantiasis, le trachome, la leishmaniose, la
schistosomiase, la trypanosomiase humaine africaine (maladie du sommeil),
l’onchocercose (cécité des rivières), la fièvre jaune, la maladie de Chagas et la
lèpre.
Cette liste n’est ni exhaustive ni définitive et chaque demande d’éligibilité, selon la
pathologie évoquée, doit donc être évaluée au cas par cas.
La liste des produits éligibles peut en effet également être étendue à ceux concernés par le
programme d’évaluation pour pré-qualification de l’OMS qui concerne des produits de
haute priorité inscrits sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS.
Dans le cas particulier du produit Hemoprostol, la réduction des mortalités maternelle et
infantile est une cible majeure des Objectifs du Millénaire pour le Développement de
l’ONU. Chaque année, près de quatre millions de nouveau-nés meurent avant l'âge d'un
mois et on compte un nombre similaire d’enfants mort-nés. Dans le même temps, plus d'un
demi-million de mères meurent des suites de leur grossesse et la majeure partie de ces
décès surviennent dans les milieux défavorisés. Cela fait du misoprostol indiqué dans la
prévention et le traitement de l’HPP un produit répondant parfaitement aux critères
d’éligibilité à la procédure « Article 58 » [62].
Afin de pouvoir bénéficier d’une évaluation selon la procédure « Article 58 », chaque futur
titulaire doit déposer une demande officielle d’éligibilité à cette procédure auprès des
52
services de l’EMA au moins sept mois avant la date planifiée de soumission du dossier et
au moins quatre mois avant la demande d’avis scientifique le cas échéant.
Cette demande d’éligibilité est gratuite et ne peut être soumise que par un demandeur établi
sur le territoire européen.
Le contenu du dossier de demande d’éligibilité est précisément décrit dans la ligne
directive EMEA/CHMP/5579/04 Rev.1 (Guideline on procedural aspects regarding a
CHMP Scientific Opinion in the context of cooperation with the World Health
Organisation (WHO) for the evaluation of medicinal products intended exclusively for
markets outside the community).
Ce dossier de demande est constitué en particulier d’un formulaire d’éligibilité (« Article
58 Eligibility Request Form ») mentionnant la base légale selon laquelle la soumission sera
réalisée, accompagné de différentes annexes incluant la preuve de l’établissement du
demandeur d’opinion scientifique en Union Européenne, le projet de Résumé des
Caractéristiques du Produit, la lettre de justification de l’éligibilité présentant le rationnel
de la demande ainsi que la liste des pays dans lesquels le futur titulaire de l’opinion
scientifique envisage de commercialiser le produit incluant un engagement formel et signé
à ne jamais le commercialiser dans un pays de l’Union Européenne, condition sine qua
none à une soumission via la procédure « Article 58 ».
Dans le cas particulier de l’Hemoprostol, la liste des pays a été établie en considérant la
prévalence de l’HPP ainsi que les zones géographiques dans lesquelles la majorité des
accouchements avaient lieu hors des établissements de santé et en l’absence de prestataires
de soin qualifiés.
C’est en effet dans ces pays d’Afrique sub-saharienne ou d’Asie du Sud-Est, où 50% des
femmes accouchent hors établissements de santé, que les besoins en misoprostol pour la
prévention et le traitement de l’HPP sont prépondérants [63].
Cette demande d’éligibilité, une fois reçue par l’EMA, est immédiatement transmise en
parallèle à l’OMS pour évaluation.
Après évaluation conjointe de la demande, l’EMA, en consultation avec des experts de
l’OMS, informe le demandeur de l’éligibilité ou non de son médicament à la procédure
“Article 58” [64].
53
La décision d’éligibilité d’un produit à la procédure « Article 58 » est prise au cours d’une
réunion mensuelle du CHMP.
En théorie, et selon les lignes directives européennes, la décision concernant l’éligibilité est
transmise au demandeur dans les deux mois suivant le dépôt de sa demande.
Ce délai théorique peut être augmenté en fonction de la liste de priorités et des ressources
disponibles à l’EMA.
Sur le plan pratique et dans le cas particulier de l’Hemoprostol indiqué dans le traitement
de l’HPP, l’éligibilité à la procédure « Article 58 » a été conjointement accordée par
l’EMA et l’OMS dans les quatre mois suivant la soumission de la demande.
Une fois l’éligibilité accordée, l’EMA et l’OMS transmettent respectivement une lettre
(« WHO eligibility feedback letter » et « EMA/CHMP eligibility letter ») au demandeur lui
confirmant qu’un rapporteur, un co-rapporteur ainsi qu’un chef de projet seront rapidement
désignés pour l’évaluation du médicament et que, ce dernier étant considéré comme
hautement prioritaire par l’OMS, il sera en parallèle automatiquement inclus dans son
programme de pré-qualification.
Le processus de pré-qualification de l’OMS s’applique aux médicaments, aux dispositifs
médicaux, aux produits de diagnostic et aux vaccins.
Les médicaments candidats à la pré-qualification sont ceux figurant sur la Liste des
Médicaments Essentiels de l’OMS et/ou ceux recommandés par le Fonds des Nations
Unies pour l’Enfance (UNICEF) et l’Agence des Etats-Unis pour le Développement
International (USAID) pour une distribution dans les pays en développement.
Le processus de pré-qualification consiste en une évaluation de l’innocuité, de l’efficacité
et de la qualité du médicament ainsi qu’en l’éventuelle inspection des fabricants de
principe actif et de produit fini de façon à ce que l’OMS puisse s’assurer que les
médicaments fournis par les organismes d’achat internationaux soient bien conformes aux
normes acceptables.
La liste de tous les médicaments pré-qualifiés est alors publiée par l’OMS [65].
Les médicaments pré-qualifiés sont des médicaments indiqués dans des pathologies
également ciblées par la procédure « Article 58 » que sont le SIDA, la tuberculose, le
paludisme, la santé génésique et la grippe.
54
Selon la procédure classique, le fabricant ou le titulaire de l’AMM du médicament le cas
échéant soumet une manifestation d’intérêt auprès du bureau de pré-qualification de
l’OMS.
Il est alors tenu de soumettre à l’OMS l’équivalent de la partie qualité du dossier d’AMM
(correspondant aux modules 2.3 et 3) qui sera évaluée par des experts.
Le site de fabrication est inspecté pour vérifier le bon respect des BPF.
Lorsque le rapport d’évaluation du dossier et le(s) rapport(s) d’inspection(s) sont
considérés comme satisfaisants, le produit est alors pré-qualifié. Le processus de pré-
qualification dure en moyenne vingt mois.
La pré-qualification est un atout considérable pour la distribution d’un médicament dans
les pays en développement puisque les agences de l’ONU ou les donateurs privilégient les
produits pré-qualifiés lors d’appels d’offres internationaux [66].
Hemoprostol n’a pas été soumis au processus classique de pré-qualification tel que décrit
ci-dessus.
Il a en effet été inscrit automatiquement sur la liste des médicaments pré-qualifiés de
l’OMS à l’issue de la procédure « Article 58 » sur la base de l’opinion scientifique positive
du CHMP.
La conformité aux BPF des sites de fabrication du principe actif et du produit fini a en effet
été évaluée en cours de procédure « Article 58 » par les experts de l’OMS participants.
Cette pré-qualification du misoprostol permet à des organismes tels que le Fonds des
Nations Unies pour la Population (FNUAP) d’utiliser leurs larges réseaux pour appuyer la
planification, l’approvisionnement groupé et la distribution efficace du misoprostol dans
les pays en développement. Le programme mondial pour améliorer la sécurité
d’approvisionnement en produits de santé génésique du FNUAP apporte un soutien
technique et financier aux gouvernements pour qu’ils puissent avoir accès et distribuer
efficacement les médicaments et produits de santé maternelle et reproductive.
Une fois l’éligibilité à la procédure « Article 58 » accordée, l’OMS s’engage alors à
identifier des experts (membres de l’OMS ou représentants d’autorités de santé nationales
de pays dans lesquels la pathologie concernée par la demande « Article 58 » présente un
intérêt majeur sur le plan de la santé publique) dits « observateurs » qui suivront
activement le procédé d’évaluation et assisteront aux réunions du CHMP au cours
desquelles sera évalué le médicament éligible.
55
Ces experts « observateurs » n’ont en revanche pas de droit de vote lors des séances
plénières du CHMP.
Etant basée sur un besoin de santé publique pour les pays en développement, la décision
d’éligibilité est généralement valable pour une période d’une durée indéterminée.
Dans le cas cependant où un délai de trois ans s’écoulerait entre l’accord de l’éligibilité et
la soumission effective du dossier, l’EMA se réserve la possibilité d’exiger que soit
reconfirmée l’éligibilité par la soumission d’une nouvelle demande (c’est notamment ce
qui peut se produire en cas de changement de la situation épidémiologique liée à la
pathologie concernée par la demande initiale) [60].
2.2.3 Avis scientifique
Dans le cadre de la procédure « Article 58 », comme dans celui de toute procédure
centralisée évaluée par le CHMP, le demandeur dispose de la possibilité de demander un
avis scientifique en amont de la soumission du dossier ou en post opinion du CHMP.
La procédure classique d’avis scientifique est applicable également dans le contexte d’une
évaluation du CHMP en collaboration avec l’OMS.
La durée de la procédure d’avis scientifique dans le cadre de la procédure « Article 58 » est
généralement de soixante-dix jours.
Le montant de la taxe correspondante est identique à celui d’une demande d’avis
scientifique dans le cadre d’une procédure centralisée classique [67].
Dans le cas particulier du dossier Hemoprostol, l’avis scientifique a été demandé auprès de
l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) en amont
de la demande d’éligibilité à l’EMA car le laboratoire demandeur disposait déjà d’une
AMM pour une spécialité à base de misoprostol enregistrée en France dans une autre
indication de santé génésique. Il s’agissait donc d’une demande d’avis scientifique
national.
En conclusion de cet avis scientifique, l’ANSM a souligné l’importance du besoin sur le
plan de la santé publique de mettre une spécialité à base de misoprostol à disposition des
populations des pays en développement dans lesquels l’ocytocine n’était pas disponible ou
ne pouvait être administrée pour prévenir et traiter les HPP.
En revanche, il a également été clairement stipulé dans le compte rendu d’avis scientifique
qu’il était éthiquement et scientifiquement impossible aux évaluateurs de l’ANSM
56
d’accorder au misoprostol une AMM dans la prévention et le traitement de l’HPP en
France ou tout autre Etat Membre de l’Union Européenne, dans la mesure où l’ocytocine,
traitement de première ligne des HPP, y était approuvée et disponible.
Les évaluateurs de l’ANSM ont donc proposé au demandeur d’opter pour une soumission
via la procédure « Article 58 » qui permettait de s’affranchir de ces obstacles éthique et
scientifique et d’obtenir une opinion scientifique européenne spécifique pour un produit
exclusivement destiné aux pays situés hors Union Européenne.
2.2.4 Soumission de la demande d’opinion scientifique au CHMP
La procédure de soumission d’une demande d’opinion scientifique dans le cadre d’une
procédure « Article 58 » reflète parfaitement celle d’une demande d’opinion pour un
produit destiné à être commercialisé au sein de l’Union Européenne.
Les mêmes standards de jugement et d’évaluation sont utilisés, en tenant compte de
certains ajustements possibles relatifs aux critères dits « pays spécifiques » comme par
exemple les critères des études de stabilité pour des produits destinés à être commercialisés
dans des pays de zones climatiques différentes de celles des pays de l’Union Européenne.
L’évaluation du dossier d’enregistrement est réalisée par un partenariat EMA / OMS,
offrant la possibilité d’une intervention d’experts de l’OMS lorsque c’est cela est jugé
nécessaire.
En sus des évaluateurs de l’EMA et de l’OMS, des observateurs de l’OMS ainsi que des
représentants d’autorités de santé de pays en développement (ayant été recommandés par
l’OMS et portant généralement un intérêt particulier pour le produit en cours d’évaluation)
sont invités à assister aux réunions plénières du CHMP sur le produit concerné.
L’intégralité des experts et observateurs impliqués dans la procédure sont soumis aux
règles de l’EMA concernant les déclarations d’intérêt et de confidentialité.
S’il considère que cela est nécessaire pour compléter son évaluation, le CHMP peut exiger
la mise en œuvre d’une inspection BPF (Bonnes Pratiques de Fabrication), BPC (Bonnes
Pratiques Cliniques) ou BPL (Bonnes Pratiques de Laboratoire), fonction du produit
concerné durant la procédure d’évaluation.
En théorie et à l’instar du déroulement d’une procédure centralisée classique, l’opinion
scientifique est délivrée dans les 210 jours suivant le début de la procédure, en excluant les
57
périodes de « clock stop » durant lesquelles le demandeur prépare les réponses à
d’éventuelles questions.
Un rapport final d’évaluation du CHMP est préparé en cours de procédure et joint en
annexe de l’opinion scientifique finale du CHMP. Ce rapport contient les conclusions sur
la qualité, la sécurité et l’efficacité du produit et tient également compte du rapport
bénéfice / risque du produit fonction des populations auxquelles il est destiné [59].
A l’issue de la procédure et à obtention de l’opinion scientifique, l’EPAR ainsi que le
résumé du Plan de Gestion de Risque sont publiés sur le site de l’EMA.
La seule différence avec une procédure centralisée classique réside dans la dernière étape
puisque l’opinion du CHMP clôturant la procédure « Article 58 » n’est pas entérinée par la
Commission Européenne mais au niveau local via l’attribution d’une AMM nationale par
les autorités de santé de chaque pays en développement sélectionné.
2.2.4.1 Phase de pré-soumission
2.2.4.1.1 Réunion de pré-soumission
La réunion de pré-soumission à l’EMA est une opportunité pour le demandeur de discuter
en amont de la soumission de diverses questions réglementaires concernant le type de
procédure d’enregistrement pour lequel opter ainsi que la base légale à adopter pour la
soumission du dossier.
Elle réunit un chef de projet entouré d’experts dans différents domaines scientifiques
(qualité, non clinique, clinique, réglementaire).
Il convient, lors de la demande d’une telle réunion, de compléter un formulaire particulier
(« pre-submission meeting request form for article 58 scientific opinion application
submissions »).
Ce formulaire décrit l’ensemble des thèmes le plus souvent abordés dans le cadre de la
préparation à la soumission d’une procédure « Article 58 » tels que :
- « Qualité et BPF » (développement, inspections, conditions de conservation,
faisceaux de distribution),
- « Non clinique, clinique, BPC et BPL ».(développement, inspections)
- « Pharmacovigilance » (système de pharmacovigilance, inspections, plan de gestion
du risque)
- « Procédure réglementaire » (éligibilité, base légale, nom de marque)
58
- « Information produit et transparence » (Information produit, test de lisibilité des
notices)
- « Questions administratives » (taxes de soumission, calendrier d’évaluation)
Lors de cette réunion sont évoqués tous les sujets sur lesquels le demandeur souhaiterait
obtenir des conseils ou éclaircissements de la part de l’EMA.
Un document synthétisant cette demande ainsi qu’une présentation sur support
informatique sont préparés et envoyés en amont de la réunion de pré-soumission afin d’être
présentés lors de la réunion.
A l’issue de cette réunion, un compte rendu rédigé par le demandeur est envoyé pour
validation au chef de projet puis mis en circulation auprès de tous les participants à la
réunion.
A cette réunion participent également le rapporteur et le co-rapporteur désignés pour cette
procédure.
C’est également à l’issue de cette réunion qu’est validée la date approximative à laquelle le
demandeur estime être en mesure de soumettre son dossier de demande d’opinion
scientifique à l’EMA.
2.2.4.1.2 Lettre d’intention de soumission
Le demandeur est tenu d’envoyer à l’EMA une lettre d’intention de soumission au moins
six mois avant la date prévisionnelle de soumission du dossier.
Cette lettre contient diverses informations incluant l’indication du produit, le principe actif
et la voie d’administration, la nature et la taille du (des) conditionnement(s), la date
d’éligibilité à la procédure « Article 58 », la base légale de soumission, la mention d’un
avis scientifique le cas échéant, la classification présumée du produit (sujet ou non à
prescription médicale), le nom du titulaire de l’Active Substance Master File (ASMF) le
cas échéant, le(s) nom(s) du (des) fabricant(s) du produit fini, une préférence éventuelle
pour un rapporteur et un co-rapporteur en particulier et le statut de l’entreprise du titulaire
(« Petite et Moyenne Entreprise » ou « micro entreprise ») afin qu’il puisse bénéficier,
selon sa taille et le cas échéant, d’une réduction des taxes à payer à soumission [60].
C’est théoriquement lors de la réunion du CHMP suivant la réception de la lettre
d’intention par l’EMA que sont désignés chef de projet, rapporteur et co-rapporteur de la
procédure d’évaluation.
59
En pratique et dans le cas du dossier Hemoprostol, chef de projet, rapporteur et co-
rapporteur ont été désignés lors de la réunion du CHMP ayant eu lieu quatre mois après
réception de la lettre d’intention.
Le choix des rapporteur et co-rapporteur mentionnés dans la lettre d’intention par le
demandeur a bien été respecté.
Il est à noter que, dans le cadre de la procédure Hemoprostol, le choix du rapporteur (Pays-
Bas) a été fait par le demandeur suite à une conférence internationale concernant l’HPP
ayant eu lieu aux Pays-Bas et organisée par le ministère des affaires étrangères néerlandais.
Cette conférence, à laquelle participaient des représentants d’organisations non
gouvernementales, présentait l’ensemble des traitements disponibles dans l’arsenal
thérapeutique de la prévention et du traitement de l’HPP et mettait en exergue le besoin
impérieux de donner accès à des traitements de qualité aux populations de pays aux faibles
ressources ne disposant pas de produits adaptés.
Dans ce cadre, le misoprostol avait été identifié comme étant un produit particulièrement
intéressant en raison de ses conditions d’administration et de conservation adaptées à ces
pays.
Fort de cette expérience et en règle générale, il est judicieux d’orienter son choix de
rapporteur et co-rapporteur selon l’intérêt particulier potentiel qu’ils peuvent porter pour la
pathologie dans laquelle le produit à enregistrer est indiqué au moment de sa soumission.
Il est également recommandé de contacter ces rapporteur et co-rapporteur présumés en
amont de la réunion de pré-soumission afin d’évaluer leur intérêt et leur disponibilité pour
participer à la procédure d’évaluation et d’éventuellement demander à les rencontrer afin
qu’ils puissent par la suite se porter volontaires en connaissance de cause lors de la réunion
de désignation du CHMP.
En réponse à la lettre d’intention de soumission, une lettre officielle en provenance de
l’EMA est alors transmise en retour au demandeur lui notifiant la désignation des
rapporteur et co-rapporteur, mentionnant leurs noms respectifs et donnant des indications
sur le montant des taxes à payer et sur le contenu du dossier à soumettre.
60
2.2.4.1.3 Nomination des experts
Dans les trois mois précédant la soumission effective du dossier, le rapporteur et le co-
rapporteur notifient au CHMP les noms des experts qu’ils ont nommés pour les assister
dans l’évaluation du dossier.
Le chef de projet transmet alors au demandeur l’information à ce sujet.
Dans le cadre particulier de la procédure « Article 58 », le CHMP dispose également de
l’opportunité de s’adresser à des experts de l’OMS pour collaborer à l’évaluation du
dossier.
Pour la procédure Hemoprostol, un expert de l’OMS sud-africain a été nommé pour
l’évaluation du dossier, l’HPP étant un sujet de santé publique de grand intérêt sur ce
territoire.
En pratique, le nom de l’expert n’a été communiqué au demandeur que dans la semaine
précédant la soumission du dossier.
Le calendrier de la procédure « Article 58 » n’est dans les faits pas exactement conforme à
la théorie énoncée dans les lignes directives de l’EMA dans la mesure où cette procédure
fait intervenir des interlocuteurs et experts de l’OMS en plus de ceux de l’EMA dont il est
fastidieux de concilier les agendas.
Tous les acteurs, qu’ils soient de l’EMA ou de l’OMS, doivent compléter les documents
relatifs aux liens et potentiels conflits d’intérêt en amont du début de la procédure
d’évaluation.
2.2.4.2 Phase de soumission
2.2.4.2.1 Dossier de soumission
En dépit du fait que la procédure « Article 58 » concerne une opinion scientifique destinée
à des pays situés en dehors de l’Union Européenne, le demandeur doit néanmoins
impérativement être établi sur le territoire européen de façon à démontrer sa capacité à
endosser toutes les responsabilités légales inhérentes au statut de détenteur d’une opinion
scientifique européenne, en particulier en matière de pharmacovigilance et de qualité.
Il doit donc disposer d’une preuve d’établissement sur le territoire européen à inclure en
module 1 du dossier de soumission (extrait K-bis du tribunal de commerce ou équivalent,
selon l’Etat Membre concerné, ou autorisation d’ouverture d’établissement si le titulaire est
un établissement pharmaceutique).
61
Un numéro de procédure européenne est attribué lors de la confirmation de l’éligibilité du
produit à la procédure « Article 58 ». Ce numéro de procédure figure dans la lettre de
confirmation d’éligibilité reçue de l’EMA et présente la particularité, par rapport à un
numéro de procédure centralisée classique, d’intégrer un W dans sa formule
(EMA/H/W/…), le W représentant la première lettre du sigle WHO (OMS).
Le demandeur propose une date de soumission dont il a toute liberté de discuter avec le
chef de projet. La date présumée de soumission est donc décidée d’un commun accord
entre le demandeur et l’EMA.
Le dossier doit être transmis sous format eCTD (electronic Common Technical Document)
à l’EMA en amont de la date de soumission entérinée et selon le calendrier de soumission
publié par le CHMP.
En parallèle et afin de ne pas retarder le début de la procédure d’évaluation, il est fortement
recommandé au demandeur de soumettre de façon concomitante une copie du dossier
complet sous format eCTD au rapporteur et au co-rapporteur ainsi qu’une copie des
modules 1 et 2 du dossier aux experts de l’OMS faisant partie de l’équipe d’évaluation.
Le contenu du dossier ainsi que le nombre de copies et les modalités de soumission sont
entièrement décrits et détaillés sur le site internet de l’EMA sur la page de « presubmission
guidance : questions and answers».
Contenu et modalités de soumission du dossier sont en parfaite adéquation avec ceux d’une
procédure centralisée classique, à l’exception de la nécessité d’une soumission des
modules 1 et 2 du dossier en plus aux experts de l’OMS identifiés comme participant à
l’évaluation, comme évoqué ci-dessus.
Si le fabricant de principe actif déclaré dans le dossier dispose d’un ASMF, il doit
également transmettre la partie fermée de cet ASMF à l’EMA, au rapporteur et au co-
rapporteur en amont de la date de soumission [68].
62
2.2.4.2.2 Validation du dossier
Dans les dix jours suivant la réception du dossier (« deadline for submission » selon le
calendrier d’évaluation publié sur le site de l’EMA), l’EMA finalise l’étape de validation
[69].
Dès que l’ensemble des acteurs de l’équipe d’évaluation ont émis leurs commentaires, un
fax ou un email incluant l’intégralité des questions de validation ou demandes de
clarifications est alors transmis au demandeur.
Ce dernier doit alors soumettre son document de réponse (sous forme d’une nouvelle
séquence eCTD) à l’EMA, au rapporteur et au co-rapporteur au plus tard deux jours avant
la date de début de procédure (indiquée comme « start date » dans le calendrier
d’évaluation publié sur le site de l’EMA), de façon à ce que l’équipe d’évaluateurs ait le
temps de valider le contenu des nouvelles données reçues.
Si le document de réponse n’est pas soumis par le demandeur dans les délais impartis, la
date de début de procédure est alors reportée à celle du mois suivant, selon le calendrier
d’évaluation publié sur le site de l’EMA.
A l’issue de la phase de validation, lorsque toutes les réponses à questions ont été
positivement validées, le chef de projet au sein de l’EMA informe le demandeur que la
procédure d’évaluation peut alors débuter et lui transmet le calendrier d’évaluation officiel,
tel que publié sur le site de l’EMA.
Dans l’hypothèse d’une issue négative à cette validation, le demandeur devra alors retirer
son dossier et le re-soumettre ultérieurement, en s’acquittant une nouvelle fois des taxes de
soumission correspondantes.
Dans le cadre de la procédure Hemoprostol, le chef de projet a fait la faveur au demandeur
de lui transmettre les questions au fur et à mesure de leur émission par les évaluateurs, sans
attendre d’obtenir la liste consolidée de toutes ces questions.
Cela a offert l’opportunité au demandeur de débuter le traitement des premières questions
en amont de la réception de la liste officielle.
De plus, certaines questions de validation étant considérées comme non bloquantes pour
débuter la procédure, le chef de projet au sein de l’EMA a donc décidé que les réponses à
63
ces questions pourraient être apportées en cours de procédure, ne décalant ainsi pas le
calendrier d’évaluation.
Une étroite communication avec le chef de projet, primordiale durant cette phase, permet
de faciliter et d’accélérer son déroulement de façon pragmatique.
2.2.5 Inspections BPF pré-opinion
Lorsque le CHMP considère que cela est nécessaire dans le cadre de l’évaluation du
dossier, il est en droit d’exiger qu’une inspection BPF d’un ou plusieurs sites de fabrication
du produit évalué soit réalisée en cours de procédure.
Une telle inspection peut être inopinée et conduite par des inspecteurs de l’autorité
compétente d’un des états membres de l’Union Européenne.
L’EMA n’a dans ce cas qu’un rôle de coordination.
Dans le cas où le site de fabrication inspecté est situé dans un état membre de l’Union
Européenne, l’inspection est réalisée par l’autorité compétente de cet état membre.
Dans le cas où le site de fabrication inspecté est situé en dehors de l’Union Européenne, et
dans la mesure où, dans le cas particulier de cette procédure « Article 58 », le produit n’est
à terme pas destiné à être importé en Union Européenne, l’inspection est alors réalisée par
l’autorité compétente de l’état membre du rapporteur (ou une autre autorité compétente
désignée par le rapporteur dans le cas où celle de son pays ne serait pas disponible).
Une inspection est généralement déclenchée lorsque l’un des sites de fabrication du
principe actif ou du produit fini concernés n’ont jamais été inspectés, qu’ils l’ont été mais
que l’inspection BPF date de plus de trois ans ou encore que le rapport d’inspection
correspondant n’est pas jugé satisfaisant.
La demande d’inspection est adoptée par le CHMP et cette dernière doit être menée et
achevée avant le 210ème jour de la procédure « Article 58 ».
Le chef de projet notifie le demandeur en cas de décision de mener une inspection et
l’informe de toutes les modalités de cette inspection.
64
Un rapport est rédigé par les inspecteurs dans les quinze jours suivant la fin de chaque
inspection et est envoyé au site de fabrication concerné. Le site de fabrication dispose alors
de quinze jours pour commenter les écarts soulevés.
Un mois après la transmission du rapport d’inspection au site de fabrication, il est alors
transmis à l’EMA, au rapporteur et au co-rapporteur.
Cette étape doit être finalisée au plus tard au 180ème jour de la procédure [60].
Dans le cadre de la procédure Hemoprostol, aucune inspection BPF n’a été requise. Les
sites de fabrication du principe actif et du produit fini disposaient en effet tous d’un
certificat BPF en bonne et due forme daté de moins de trois ans et émanant d’une autorité
compétente de l’Union Européenne.
2.2.6 Evaluation scientifique de la demande
La particularité de l’évaluation dans le cadre de la procédure « Article 58 », par rapport à
celle d’une procédure centralisée classique, est qu’elle est réalisée selon les lignes
directives de l’EMA mais également selon celles de l’OMS.
Cette évaluation est réalisée par un partenariat d’experts de l’EMA et de l’OMS. Il peut
également y avoir intervention d’observateurs appartenant aux autorités compétentes de
pays en développement dans lesquels la pathologie ciblée représente un problème de santé
publique.
Le déroulement de la procédure « Article 58 » et ses étapes clés sont en tous points
identiques à ceux d’une procédure centralisée classique.
L’opinion scientifique est donc obtenue au 210ème jour de procédure.
Après adoption de l’opinion scientifique, un rapport d’évaluation public européen (EPAR)
d’une opinion scientifique en coopération avec l’OMS est publié.
Le rapport d’évaluation final de la procédure est annexé à l’opinion scientifique.
Un résumé de l’opinion scientifique est préparé par l’EMA en collaboration avec le
demandeur pour être ensuite publié sur le site de l’EMA [59].
65
2.2.7 Post-opinion scientifique : phase nationale
2.2.7.1 Certification
Avant de délivrer une Autorisation de Mise sur le Marché à un produit, les autorités
compétentes des pays tiers à l’Union Européenne exigent un certificat indiquant que le
produit détient une AMM reconnue dans un pays ou une région disposant d’instances
réglementaires à l’évaluation stricte et reconnue.
Actuellement, le schéma de certification de l’OMS assure l’édition de Certificats de
Produits Médicinaux (CMPs) pour les produits bénéficiant d’une Opinion Scientifique en
coopération avec l’OMS, via la procédure « Article 58 ».
L’EMA émet ces CMPs sur demande du titulaire de l’Opinion Scientifique selon un
procédé exactement identique à celui des médicaments ayant une AMM européenne. La
taxe à verser pour une demande de CMP pour un produit bénéficiant d’une opinion
scientifique obtenue via « Article 58 » est d’un montant identique à celle d’un CMP de
produit enregistré via procédure centralisée classique [59].
2.2.7.2 Maintien de l’Opinion Scientifique et gestion du cycle de vie
Les autorités compétentes des pays se basant sur un CMP dans le cadre de leur procédé
d’évaluation et d’attribution d’une AMM sont en droit d’exiger que ces CMPs reflètent
strictement le statut réglementaire à jour du produit considéré.
Pour cette raison, le titulaire d’une Opinion Scientifique est tenu responsable de son
maintien et de sa mise à jour continuels via la soumission de variations, de « Periodic
Safety Update Reports » (PSURs) et de mesures de suivi auprès des services de l’EMA.
En parallèle, il doit également informer les autorités compétentes des pays en
développement dans lesquels le produit a obtenu une AMM nationale de toute opération de
maintien de l’Opinion Scientifique et soumettre, le cas échéant et si l’autorité compétente
du pays concerné l’exige, la documentation nécessaire à l’approbation de cette soumission.
Concernant les variations, la réglementation applicable aux produits bénéficiant d’une
opinion scientifique via la procédure « Article 58 » est celle applicable aux produits
enregistrés via une procédure centralisée classique (“2013/C 223/01 Guidelines on the
details of the various categories of variations, on the operation of the procedures laid down
66
in Chapters II, IIa, III and IV of Commission Regulation (EC) No 1234/2008 of 24
November 2008 concerning the examination of variations to the terms of marketing
authorisations for medicinal products for human use and veterinary medicinal products and
on the documentation to be submitted pursuant to those procedures”).
La classification des variations soumises pour maintenir une opinion scientifique obtenue
via la procédure « Article 58 », leur champ d’application, leur procédure d’évaluation ainsi
que le montant des redevances attenantes sont analogues à ceux des variations soumises en
procédure centralisée dite classique.
La seule différence réside dans le fait qu’aucune décision de la Commission Européenne
n’est émise à l’issue de la procédure « Article 58 ».
La liste de l’ensemble des procédures de maintien soumises en post-opinion scientifique
est publiée sur le site de l’EMA pour chacun des produits bénéficiant d’une opinion
scientifique sous « Article 58 ».
Toute mise à jour d’une opinion scientifique via la procédure « Article 58 » est également
reflétée dans l’EPAR mis à jour en parallèle.
2.2.7.3 Phase nationale
L’EMA n’est plus du tout impliquée dans les étapes nationales faisant suite à une opinion
scientifique accordée selon la procédure « Article 58 ».
Toute étape nationale est de la responsabilité directe du titulaire de l’opinion scientifique
issue d’une procédure « Article 58 ».
Chaque titulaire doit donc, dans l’optique d’obtenir une AMM nationale pour son produit
dans un pays hors Union Européenne, soumettre auprès des autorités nationales
compétentes de chacun des pays, dont il a soumis la liste lors de la phase d’éligibilité et
dans lesquels il souhaite commercialiser son produit, un dossier d’AMM ainsi que tous les
requis spécifiques à chacun des pays sélectionnés, de façon à ce que la procédure
d’évaluation réglementaire nationale puisse débuter.
67
Il est à noter que, eu égard à l’obtention de l’opinion scientifique européenne et sur gage de
qualité de l’évaluation effectuée par l’EMA en collaboration avec l’OMS, les titulaires
d’AMM des produits concernés bénéficient généralement d’une procédure nationale
d’enregistrement dite accélérée (« fast-track »).
Le calendrier de chaque procédure d’enregistrement est en tout état de cause à discuter au
cas par cas avec les autorités compétentes des pays concernés.
En fin de procédure « Article 58 », l’EMA formule des recommandations sur certains
points particuliers du dossier, dépendant généralement étroitement de la nature du produit
et de son mode d’utilisation, sur lesquels elle ne statue pas formellement et définitivement.
C’est alors aux autorités compétentes des pays en développement concernés de prendre les
décisions inhérentes, en parfaite connaissance des problématiques locales.
Parmi ces points particuliers figure le statut de dispensation du médicament : sujet ou non à
prescription médicale.
La décision sur ce statut est prise au niveau local par l’autorité compétente concernée et
non directement par l’EMA.
Le CHMP peut néanmoins émettre des recommandations ou promulguer des conseils sur le
statut de dispensation du produit mais la responsabilité de la décision ultime incombe aux
autorités nationales compétentes qui ont tout pouvoir pour imposer les restrictions sur la
future dispensation du produit, en accord ou non avec les recommandations du CHMP.
Il en est de même du Plan de Gestion de Risque (PGR) inclus dans le dossier qui, bien que
rédigé selon les lignes directives européennes, doit évidemment être adapté à la manière
dont il est envisagé de distribuer, d’administrer et d’utiliser le produit dans les pays en
développement dans lesquels le titulaire de l’opinion scientifique et des futures AMM
nationales a l’intention de le commercialiser.
Le titulaire de l’opinion scientifique doit donc, en accord avec les autorités nationales
compétentes des pays où le produit est commercialisé, informer l’EMA de tout écart au
Plan de Gestion de Risque approuvé au niveau européen en justifiant les raisons de ces
écarts.
Le CHMP peut alors modifier son opinion sur la base de ces nouvelles informations [70].
68
Une fois l’AMM nationale obtenue et le produit mis sur le marché sur un territoire, le
titulaire d’opinion scientifique est responsable de la communication auprès des autorités
nationales compétentes des pays dans lesquels le produit est commercialisé de tout défaut
qualité qui pourrait conduire à un rappel de lot ou à une perturbation de la chaine
logistique, en cas de rupture de stock par exemple, et de proposer des actions correctives le
cas échéant.
Il doit en parallèle en informer l’EMA.
Dans le cas où ces problèmes de qualité ou de logistique ne peuvent être résolus, le CHMP
est alors en droit de réviser son opinion scientifique en conséquence [68].
2.2.8 Particularités de la procédure « Article 58 » versus la procédure centralisée classique
Comme déjà évoqué dans les parties précédentes, les étapes générales et le calendrier de
soumission et d’évaluation d’un dossier soumis via une procédure « Article 58 » sont
globalement analogues à ceux d’une procédure centralisée dite classique.
Malgré ces similitudes, il n’en demeure pas moins que, outre la composition de l’équipe
d’évaluation, quelques critères et étapes de la procédure « Article 58 » la distinguent de la
procédure centralisée classique.
L’équipe d’évaluation d’une procédure « Article 58 » n’inclut pas exclusivement des
membres de l’EMA mais fait également intervenir, en tant qu’observateurs, des experts
membres de l’OMS et/ou des experts d’autorités nationales compétentes de pays en
développement désignés par l’OMS.
Cela permet l’obtention d’un avis objectif d’observateurs ayant l’expertise d’une
population et/ou d’une pathologie en particulier, spécifiques d’un pays en développement.
Comme déjà évoqué, la procédure “Article 58” se conclut au niveau européen par
l’attribution d’une opinion scientifique.
Cette opinion scientifique n’est pas suivie d’une décision de la Commission Européenne
comme c’est le cas en procédure centralisée puisque les produits évalués en procédure
« Article 58 » ne sont pas destinés à être commercialisés sur le territoire européen.
Ce fait même que les produits évalués via la procédure « Article 58 » ne soient pas destinés
à une commercialisation en Europe exemptent donc les titulaires d’opinion scientifique de
69
plusieurs exigences réglementaires purement européennes de la procédure centralisée que
sont :
- La soumission du nom de marque du produit (et évaluation inhérente par le « Name
review group ») [71].
Dans le cas de l’Hemoprostol, le nom de produit inventé a été accepté tacitement
par l’EMA sans avoir été soumis au préalable au groupe de revue.
- La soumission des « maquettes » et « specimens » des éléments de
conditionnement du produit puisque ces conditionnements primaires et secondaires
seront ultérieurement validés nationalement par les autorités compétentes des pays
en développement concernés selon les exigences réglementaires locales [72].
- La soumission d’échantillons pour analyses : ces échantillons ne sont pas requis à
soumission mais pourront éventuellement être demandés ultérieurement lors de la
procédure d’évaluation (au 90ème ou au 120ème jour).
Dans le cadre de la procédure Hemoprostol, aucun échantillon n’a été requis durant
l’évaluation, les rapports d’inspection des sites de fabrication du produit ayant été
jugés satisfaisants.
- La soumission du rapport d’évaluation du risque pour l’environnement (ERA) : une
justification de non soumission doit être intégrée en module 1.6 du dossier
d’enregistrement.
De façon logique, le risque pour l’environnement n’est pas évalué au niveau
européen dans la mesure où le produit est destiné à être utilisé en dehors de l’Union
européenne et n’aura donc aucun impact environnemental sur le territoire européen.
Par ailleurs, la décision d’exemption d’autres obligations inhérentes à une procédure
européenne centralisée doit être évaluée au cas par cas :
- La réglementation pédiatrique (Regulation (EC) No 1901/2006 as amended) n’est
pas applicable aux produits évalués en procédure « Article 58 » et non destinés à
être commercialisés dans l’Union européenne.
Il n’y a donc pas lieu de soumettre de Plan d’Investigation Pédiatrique (PIP) pour
ces produits. Il peut néanmoins être judicieux de demander un avis sur la question
en cours de procédure d’avis scientifique à l’EMA car de nombreux produits
actuellement approuvés selon la procédure « Article 58 » sont des vaccins destinés
à être administrés chez l’enfant.
Dans ces cas précis, un PIP peut être exigé.
70
Le produit Hemoprostol étant indiqué dans le traitement de l’HPP, et donc destiné à
des femmes en âge de procréer, aucun PIP n’a été exigé dans le cadre de la
procédure. Aucune indication pédiatrique ne figure en conséquence dans son
Résumé des Caractéristiques du Produit.
- Le test de lisibilité des notices : ce test de compréhension de la notice patient n’est
pas obligatoire dans le cadre de la procédure « Article 58 ». Cette exemption est
néanmoins évaluée au cas par cas et la réalisation du test peut dans certains cas très
particuliers être requise.
Il est à noter que dans le cas de l’Hemoprostol, rapporteur et co-rapporteur ont
fortement recommandé la réalisation de ce test dans une optique de réduction du
risque de santé publique.
Le demandeur ayant choisi d’opter pour un statut « non sujet à prescription
médicale » pour son produit, il était important de s’assurer que les patientes ayant
un accès direct au médicament et la possibilité de se l’auto-administrer aient une
compréhension parfaite de la notice qui leur était dispensée.
CONCLUSION
71
72
73
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82
ANNEXES
83
ANNEXE 1 : supports éducatifs pour la formation des acteurs communautaires au bon usage et à la distribution du misoprostol
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
L’ISPB-Faculté de Pharmacie de Lyon et l’Université Claude Bernard Lyon 1 n’entendent
donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces
opinions sont considérées comme propres à leurs auteurs.
L’ISPB-Faculté de Pharmacie de Lyon est engagé dans une démarche de lutte contre le
plagiat. De ce fait une sensibilisation des étudiants et encadrants des thèses a été réalisée
avec notamment l’incitation à l’utilisation de méthodes de recherche de similitudes.
95
CROIZAT Marie Prévention et traitement des hémorragies du post-partum dues à une atonie utérine dans les pays en développement : intérêt du misoprostol et enregistrement via la procédure Article 58 du règlement (CE) N° 726/2004
Th. D. Pharm., Lyon 1, 2016, 95 p.
RESUME
L’hémorragie du post-partum (HPP) incarne un véritable problème de santé publique dans les pays en développement.
Dans nombre de ces pays, les femmes accouchant loin des structures de soin n’ont pas accès à l’ocytocine, traitement de première intention de l’HPP liée à une atonie utérine, et succombent généralement des suites de saignements abondants qui auraient pu être endigués par l’administration prophylactique de misoprostol.
L’objectif de ce travail est de successivement décrire l’HPP, l’intérêt et l’importance de l’utilisation et de la distribution du misoprostol dans les zones communautaires reculées où les taux de mortalité maternelle liée à l’HPP sont encore trop importants ainsi que la procédure d’enregistrement spécifique, dite procédure Article 58 du règlement (CE) N° 726/2004, utilisée pour qu’un médicament de qualité à base de misoprostol, l’Hemoprostol, soit agréé par les ministères de la santé locaux des pays en développement.
MOTS CLES
Misoprostol
Hémorragie du Post-Partum
Pays en développement
Article 58
JURY M. LOCHER François, Professeur de droit de la santé
Mr ULMANN André, Docteur en Médecine
Mme ASTECKER Anne-Laure, Docteur en Pharmacie
DATE DE SOUTENANCE
Mercredi 13 avril 2016
ADRESSE DE L’AUTEUR
6, rue du docteur Heulin – 75017 PARIS