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Original : anglais PROJET DE PRINCIPES DIRECTEURS POUR LE DEVELOPPEMENT ET LA PROMOTION DE L'INFORMATION DU DOMAINE PUBLIC Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture Paris, 2003

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Original : anglais

PROJET DE PRINCIPES DIRECTEURS POUR LE DEVELOPPEMENT ET LA PROMOTION DE L'INFORMATION

DU DOMAINE PUBLIC

Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture Paris, 2003

Original : anglais (CI-2003/WS/2)

Projet de principes directeurs pour le développement et la promotion de l'information

du domaine public

par

Paul Uhlir

Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues de l'UNESCO.

Les appellations employées dans cette publication et la présentation des éléments qui y figurent n'impliquent de la part de l'UNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

Notice recommandée pour le catalogue :

Projet de principes directeurs pour le développement et la promotion de l'information du domaine public/document établi par Paul Uhlir - Paris, UNESCO, 2003. - v, 29 p. ; 30 cm - (CI-2003/WS/2)

I - Titre

II - UNESCO

PREFACE

En application de la résolution 29 C/28 adoptée par la Conférence générale de l'UNESCO en 1997, par laquelle celle-ci invitait le Directeur général à prendre des mesures en vue de "faciliter l'accès à l'information relevant du domaine public en vue de la constitution, à terme, d'un répertoire électronique général de toute l'information de caractère public intéressant les domaines de compétence de l'UNESCO", le Secrétariat de l'UNESCO a fait établir le présent projet de guide qui vise à définir ce que l'on entend par domaine public quand il s'agit de l'information, à mieux cerner le sujet et en débattre, et à aider les Etats membres à mettre au point des politiques et stratégies en la matière qui correspondent à la fois aux besoins du pays et à la pratique à l'échelon international.

L'auteur du présent projet est M. Paul Uhlir (the National Academies, Etats-Unis d'Amérique) qui l'a établi à titre personnel. Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles de M. Uhlir et ne reflètent pas nécessairement les vues des National Academies.

Ce projet sera diffusé aussi largement que possible pour permettre aux organes officiels des Etats membres ainsi qu'aux personnalités compétentes de formuler leurs remarques à ce sujet. Ces remarques seront utiles au Secrétariat de l'UNESCO pour établir une version améliorée du guide qui tiendra compte en particulier des traditions et usages du domaine public dans les différentes régions et pays du monde. Le Secrétariat espère pouvoir rendre disponible cette nouvelle version d'ici à la fin de 2003.

Toutes remarques et suggestions concernant des améliorations seront les bienvenues et sont à adresser à :

M. John Rose Division de la société de l'information UNESCO 7, place de Fontenoy 75352 PARIS 07 SP Tél. : 33 (0) 1.45.68.45.29 Fax : 33 (0) 1.45.68.55.83 Adresse électronique : [email protected]

TABLE DES MATIERES

Page

PREFACE

1. INTRODUCTION ............................................................................................................. 1

1.1 Objet .................................................................................................................................... 1

1.2 Périmètre............................................................................................................................. 1

1.3 Structure .............................................................................................................................. 2

2. DEFINITIONS................................................................................................................... 2

2.1 Information faisant l'objet du droit de propriété (information propriétaire)........................ 2

2.2 L'information du domaine public ........................................................................................ 4

2.3 Libre accès........................................................................................................................... 6

3. IMPORTANCE DE L'INFORMATION DU DOMAINE PUBLIC............................. 7

3.1 Le rôle économique et la valeur de l'information du domaine public ................................. 7

3.2 Avantages pour la société .................................................................................................... 9

4. GRANDS DEFIS ET PERSPECTIVES .......................................................................... 10

4.1 Combler la fracture numérique............................................................................................ 10

4.2 Promouvoir la production, la diffusion et la conservation de l'information numérique du domaine public ............................................................................................................... 11

5. PRINCIPAUX ELEMENTS DE FONDS CONCERNANT L'INFORMATION DU DOMAINE PUBLIC CREEE PAR LES POUVOIRS PUBLICS ......................... 12

5.1 Introduction ......................................................................................................................... 12

5.2 Elargir le champ de l'information du domaine public créée par les pouvoirs publics......... 12

5.3 Etablir une politique-cadre de l'information gouvernementale pour la gestion et la diffusion des ressources d’information publiques ....................................................... 14

5.4 Législation concernant la liberté de l'information ............................................................... 26

Bibliographie succincte............................................................................................................... 28

1. INTRODUCTION

1.1 Objet

L'un des buts suprêmes de toute société est de rendre chacun de ses membres maître de son destin en lui donnant les moyens d'accéder à l'information et aux connaissances et de les utiliser. Toute personne et tout pays doivent avoir d'égales possibilités de profiter de la diversité culturelle et du progrès scientifique, droit de l’homme élémentaire en ces temps de révolution de l'information et d'émergence d'une société du savoir. L'"accès universel" aux technologies de l'information et de la communication (TIC) et en particulier aux réseaux mondiaux d'information numérique (dits aussi réseaux télématiques ou Internet) est indispensable à la réalisation des buts de cohésion sociale et de développement économique. De plus, le multilinguisme dans le cyberespace est d'une importance stratégique vitale si l'on veut garantir le droit à l'information et à la diversité culturelle. La promotion et la pratique du multilinguisme et l'accès universel au cyberespace sont en rapport étroit avec le processus de mondialisation économique.

Il est un aspect essentiel, quoique très sous-estimé, de la société de l'information naissante et qui est l'existence d'un important volume d'informations qui sont d'ores et déjà dans le domaine public ou qui pourraient y être placées. Or, le débat politique et l'action normative portent presque exclusivement sur les moyens de mieux protéger l'information faisant l’objet d’une appropriation privée. Il est rarement question du rôle de l'information du domaine public, spécialement de l'information produite par le secteur public et ce rôle est généralement mal compris.

Les résolutions, déclarations et rapports officiels émanant des Nations Unies et d'Etats membres abondent et viennent justifier l'établissement d'un guide pour le développement et la promotion de l'information du domaine public : on trouvera quelques-unes unes des sources les plus intéressantes en la matière dans la bibliographie succincte qui figure à la fin de la présente publication.

L'objet de ce guide est donc de contribuer à développer et promouvoir l'information relevant du domaine public à un niveau national et surtout l'information présentée sous forme numérique. Il s'agit de mieux définir ce type d'information et d'en décrire le rôle et l'importance, en particulier dans les pays en développement ; de proposer des principes pour la mise en place des politiques, infrastructures et services nécessaires pour mettre l'information créée par les pouvoirs publics à la disposition de la population ; de contribuer à la production, l'archivage et la diffusion au service du développement des informations électroniques du domaine public en s'efforçant de garantir le multiculturalisme et le multilinguisme des contenus et enfin, de contribuer à améliorer l'accès de tous, y compris les populations défavorisées, à l'information nécessaire à l'épanouissement des individus et au progrès social.

1.2 Périmètre

Le présent guide se propose uniquement de débattre des principales questions, des principes et mesures pouvant aider à assurer et promouvoir la production, la diffusion, la conservation et l'utilisation de l'information relevant du domaine public dans les pays en développement et les pays les moins avancés.

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1.3 Structure

Le corps du document est divisé en quatre sections. Les sections 2 à 4 cernent la question, son importance et les défis et perspectives qui s'y attachent. La section 5 propose des mesures, des principes et des procédures pour produire, diffuser et conserver les informations d’origine gouvernementale relevant du domaine public.

2. DEFINITIONS

2.1 Information faisant l'objet du droit de propriété (information propriétaire)

L'information faisant l'objet d'un droit de propriété s'entend de l'information bénéficiant d'une protection juridique, sous une forme ou une autre, qui confère des droits à l'auteur ou à ses ayants droit et impose certaines limites à ce que les autres peuvent en faire. Cette information est protégée pour des raisons économiques et morales par le droit d'auteur et les droits voisins. Elle peut aussi être protégée par les lois et règlements pour des raisons de sécurité nationale, de confidentialité ou de respect de la vie privée.

2.1.1 Droit d'auteur

Les oeuvres littéraires et artistiques sont protégées dans le monde entier par le droit d'auteur. Cette protection s'applique à l'expression des idées et non aux idées elles-mêmes. Aujourd'hui, on reconnaît quasi universellement que cette protection est un moyen important d'encourager la créativité humaine et la production d’œuvres littéraires et artistiques, ainsi que tous les types d'informations originales et créatives, notamment dans le secteur privé. Les auteurs trouvent une motivation dans la reconnaissance et la possibilité d’obtenir une juste récompense économique.. Cette protection favorise aussi une large diffusion en ce qu'elle garantit que les oeuvres de création peuvent être mises à la disposition du public en bénéficiant d'une protection juridique contre la copie ou la rediffusion non autorisée.

Parallèlement, il importe de souligner que le droit d'auteur confère, sous la forme d'un droit de propriété exclusive, un monopole légal dont la durée est limitée. La Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques1 fixe la durée minimale de protection à celle de la vie de l'auteur, plus 50 ans. De nombreux pays, dont en particulier certains membres de l'Union européenne et les Etats-Unis, ont largement prolongé la durée de cette protection. Lorsqu'il s'agit d'un auteur individuel, cette durée est la vie de l'auteur, plus 70 ans. Aux Etats-Unis, la période légale de protection des oeuvres au bénéfice d’une personne morale (dites "work made for hire") est soit de 95 ans à compter de la date de la première publication soit de 120 ans à compter de la création, la durée la plus courte étant prise en considération. Les pays en développement ont pour la plupart inscrit dans la loi uniquement la durée minimale de protection.

En plus de cette limitation de la durée de la protection, la législation sur le droit d'auteur connaît diverses dérogations et limites. Le droit consenti au créateur ou à son ayant droit n'est pas absolu car son objectif n'est pas uniquement d'assurer au créateur une reconnaissance personnelle et des avantages économiques, c'est aussi un moyen de contribuer au progrès culturel, intellectuel et social de chaque pays et à l'économie dans son ensemble. C'est pourquoi la recherche d'un juste équilibre entre les droits du créateur ou de ses ayants droit et les intérêts plus larges de la société a toujours été un facteur de première importance dans l'établissement du droit d'auteur. Ainsi, une bonne partie de l'information et des autres oeuvres de création qui ne relèvent pas de la protection

1 Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, Acte de Paris du 24 juillet 1971,

modifié le 28 septembre 1979.

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résultant du droit d'auteur sont dans le domaine public, comme on le verra à la section 2.2, bien que les choses soient en train d'évoluer.

Avec l'apparition des TIC numériques et des réseaux mondiaux d'information ces dernières années, toutefois, d'autres formes de protection légale ou technologique de l'information propriétaire ont émergé, ou ont étendu le champ d'application des lois existantes, notamment une mouture actualisée de la protection du droit d'auteur s'appliquant à l'information numérique2.

2.1.2 Contrats de licence

Un autre mécanisme juridique important très utilisé pour diffuser les données et informations numériques propriétaires est le contrat de droit privé, dit "licence", entre le détenteur des droits sur cette information et ses clients ou consommateurs. En règle générale, le contrat sert à limiter l'accès à cette information en ce sens qu'il précise les conditions d'utilisation permises et les éventuelles sanctions applicables. Comme dans ces circonstances, l'information n'est pas vendue mais transmise pour usage sous licence, le titulaire des droits peut vouloir conserver un droit de contrôle sur les utilisations ultérieures de l'information que ferait son client, ce qui rend inopérantes les diverses limitations et dérogations dont l'utilisateur pourrait autrement se saisir en vertu du droit d'auteur traditionnel. Toutefois, les conditions de la licence n'ont d'effet que pour les parties au contrat. De ce fait, les tiers qui pourraient avoir accès à cette information ne sont pas liés par les termes de la licence, à la différence des cas relevant du droit d'auteur, qui s'applique automatiquement et à tout un chacun.

2.1.3 Protection légale des bases de données qui ne peuvent relever du droit d'auteur

Le dernier progrès important s'agissant des droits patrimoniaux portant sur une information propriétaire est représenté par l'adoption, en 1996, par l'Union européenne de la Directive relative à la protection juridique des bases de données3, qui crée ex nihilo des droits de propriété exclusive sur les bases de données non protégeables au titre du droit d'auteur. Aux termes de la législation sur le droit d'auteur, seules les oeuvres qui sont suffisamment originales et créatives bénéficient d'un droit de propriété exclusive limité. La justification avancée pour étendre le droit de propriété exclusive à des compilations qui ne pourraient autrement bénéficier d'une protection au titre du droit d'auteur est de promouvoir et de protéger les investissements dans de telles compilations, compte tenu de la valeur économique élevée de beaucoup de bases de données et de l'industrie des bases de données en général, ainsi que de la facilité avec laquelle les bases de données numériques peuvent être copiées et rediffusées. Ce texte, qui a été repris dans la législation nationale de la totalité des Etats membres de l'Union européenne et de la plupart des Membres associés, restreint énormément le volume des informations disponibles dans le domaine public. Toutefois, il a été critiqué par les juristes spécialisés et par l'ensemble des scientifiques et des bibliothécaires au motif qu'il réduit beaucoup les utilisations des données et des informations factuelles non protégées par le droit d'auteur4 qui étaient antérieurement permises dans l'intérêt du public.

2 Voir le Traité sur le droit d'auteur de l'OMPI, adopté à Genève le 20 décembre 1996. 3 Directive 96/9/EC du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 relative à la protection juridique des

bases de données, 1996 J.O. (L77, p. 20). 4 Voir pour des informations d'ordre général, J.H. Reichman, Database Protection in a Global Economy (2002),

Revue internationale de droit économique, 455-504.

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2.1.4 Autres formes de protection légale de l'information faisant l'objet d'un droit de propriété intellectuelle

D'autres textes de lois invoquant des considérations de sécurité nationale, de confidentialité et de respect de la vie privée sont aussi utilisés très largement pour protéger l'information émanant aussi bien du secteur public que du secteur privé. Le champ d'application de ces textes varie très sensiblement d'un pays à l'autre mais ces textes comportent fréquemment des dispositions instituant des sanctions pénales très lourdes en cas d'infractions. De nombreux pays en développement continuent de protéger la majeure partie des informations émanant des pouvoirs publics au titre de lois sur la sécurité nationale ou sur la confidentialité administrative, écartant ainsi du domaine public la quasi-totalité de l'information ou en en interdisant pratiquement la libre consultation.

2.1.5 Technologies de gestion des droits numériques

Enfin, il existe quantité de moyens technologiques qui sont d'ores et déjà utilisés ou sont en voie d'élaboration pour protéger l'information numérique propriétaire. Ces technologies, englobées sous l'expression "technologies de gestion des droits numériques" (DRM) complètent les divers droits dont il a été question ci-dessus et servent à les appliquer. Il s'agit de systèmes simples ou complexes déchiffrement basés sur la cryptographie, de "systèmes certifiés" concernant les matériels et logiciels, ainsi que de moyens de contrôle de l'accès aux bases de données en ligne et de systèmes limitant le téléchargement. Ces technologies, quand elles sont appliquées parallèlement à des réglementations de plus en plus restrictives en matière de protection de la propriété intellectuelle, sont sans doute ce qui pourrait diminuer le plus le volume d'informations disponibles dans le domaine public, en particulier les éléments non protégés des informations par ailleurs protégeables, comme on le verra dans la section suivante.

2.2 L'information du domaine public

L'histoire de l'expression "domaine public" révèle qu'il s'agit d'une expression qui désigne traditionnellement les portions du territoire appartenant à l'Etat et qui n'a jamais eu une signification particulièrement claire lorsqu'elle est appliquée à l'information. De fait, on trouve peu de choses dans les documents officiels et même dans la littérature savante qui dissipe parfaitement l'ambiguïté. La plupart des experts en droit définissent l'information du domaine public par ce qu'elle n'est pas, c'est-à-dire toute information qui n'est la propriété de personne, le revers d'une médaille dont l'avers serait l'information protégée à titre de bien intellectuel. Or, une telle définition est insuffisante car elle ne caractérise ni ne décrit convenablement ce que l'information du domaine public est en fait, et n'offre aucun critère au regard duquel évaluer son rôle positif et sa valeur pour la société de l'information, en particulier s'agissant du développement économique et social.

Un groupe d'experts convoqué par l'UNESCO en 2001 a proposé la définition suivante dans la section I de son rapport (g) : "Le domaine public informationnel ou "bien commun mondial de l'information" est constitué par l'information librement accessible, les oeuvres intellectuelles ou les supports sur lesquels elles sont stockées, dont l'utilisation ne porte atteinte à aucun droit de propriété intellectuelle, ne viole aucun autre droit communautaire (par exemple, les droits des populations autochtones) ou n'enfreint aucune obligation de confidentialité ... Peuvent, par exemple, faire partie du domaine public informationnel : certains ouvrages anonymes (à condition qu'il n'y ait aucune atteinte à un intérêt d'une autre partie prenante dans cette information) ; faits ; les catalogues de bibliothèques publiques ; les dépôts, collections et catalogues des archives publiques et des musées ; les informations ne donnant lieu à aucun droit de propriété intellectuelle ou sur lesquelles ces droits sont éteints ; les informations officielles produites par des gouvernements ou des organisations internationales ; les informations dont la divulgation est dans l'intérêt du public et sert l'objectif du bien public ; les informations destinées par leur auteur, leur propriétaire ou leur

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dépositaire à être rendues publiquement disponibles ; et les méta-données (données sur des données) se rapportant aux catégories susmentionnées. Pour éviter tout doute, même si l'information peut appartenir au domaine public, il ne faut pas présumer qu'elle est affranchie de tout autre intérêt ou contrôle".

Aux fins du présent guide, une définition de l'information du domaine public un peu plus succincte a été adoptée qui ne contredit pas la définition de l'UNESCO citée précédemment : "Les sources et catégories de données et d'informations dont les utilisations ne sont pas restreintes par le droit de la propriété intellectuelle ni d'autres dispositions légales et qui sont en conséquence mises à la disposition du public pour qu'il puisse en faire usage sans autorisation ni restriction"5. Pour l'analyse, on divise l'information du domaine public en deux grandes catégories :

1. l'information qui n'est pas sujette à protection au titre de droits de propriété intellectuelle exclusifs ; et

2. l'information qui remplit les conditions pour être protégée au titre de dispositions quelconques relatives à la propriété intellectuelle, mais qui est contractuellement ou légalement considérée comme non protégée.

Il existe une troisième catégorie, apparentée, à savoir l'information qui devient librement accessible en vertu de limitations prescrites par la loi et de dérogations aux droits de propriété afférents à une information par ailleurs protégée. Au lieu d'être dans le domaine public parce qu'il s'agit d'une oeuvre non protégeable, il s'agit d'un contenu, par ailleurs propriétaire, dont certaines utilisations sont malgré tout légalement autorisées dans des conditions précises, appréciées au cas par cas. Ces limitations et exceptions permettent d'utiliser des informations propriétaires à certaines fins - études, recherches, ouvrages de critique, commentaires, articles de journaux -, mais leur nature et leur étendue varient grandement d'un pays à l'autre. Généralement englobées sous le qualificatif "usage loyal" ou d’exceptions, elles font cependant l'objet de controverses et sont fréquemment contestées par les titulaires des droits. Elles ne constituent pas "des informations du domaine public" en tant que telles parce qu'elles bénéficient à des catégories d'utilisateurs particulières (par exemple, les chercheurs, les journalistes, les bibliothécaires, les aveugles, etc.). Etant donné leur complexité, leur variété et leur caractère controversé auxquels s'ajoute le fait qu'il ne s'agit pas, à proprement parler, d'informations du domaine public, il n'en sera pas autrement question dans ce guide.

2.2.1 Information non sujette à protection au titre de droits de propriété exclusifs

La première grande catégorie d'information du "domaine public" peut être sous-divisée en trois sous-catégories : (i) information que les droits de propriété intellectuelle ne peuvent protéger du fait de la nature de la source qui l'a produite ; (ii) information protégeable tombée dans le domaine public parce que la durée de la protection légale a expiré ; et (iii) éléments d'une information par ailleurs protégeable qui ne peuvent être protégés ou ne remplissent pas les conditions pour l'être.

(i) Dans la législation de nombreux pays, l'information produite par le gouvernement ou par certaines entités de l’administration centrale/gouvernementales relève de la première sous-catégorie d'information dont la source n'est pas protégeable. Par exemple, aux Etats-Unis, les informations produites par le gouvernement ne peuvent être couvertes par les droits de propriété intellectuelle et relèvent du domaine public, même si certains types d'informations

5 Définition reprise, avec quelques remaniements, de J.H. Reichman et Paul F. Uhlir (2003). "A Contractually

Reconstructed Research Commons for Scientific Data in a Highly Protectionist Intellectual Property Environment", 66 Law and Contemporary Problems.

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sont protégés pour des raisons de sécurité nationale, de confidentialité ou de respect de la vie privée. Dans d'autres pays, l'information émanant de certaines catégories d'institutions de l'Etat (par exemple, le Parlement national) ou certains secteurs (par exemple, les données de la recherche fondamentale) relèvent de par la loi du domaine public ou doivent être accessibles au terme d'une "loi sur la liberté de l'information". L'information produite par les pouvoirs publics est l'une des principales catégories de l'information du domaine public, principal objet du présent guide.

(ii) La deuxième sous-catégorie d'information qui n'est pas susceptible d'être protégée en vertu de droits de propriété exclusifs est l'information tombée dans le domaine public parce que la durée de protection légale est venue à échéance. Il y a là encore un corpus considérable de documents et d'informations d'une grande importance culturelle et historique.

(iii) La dernière sous-catégorie d'information non susceptible d'être protégée par des droits de propriété intellectuelle exclusifs est composée des éléments non protégeables ou ne remplissant pas les conditions pour être protégés, d'une information par ailleurs protégeable comme par exemple une idée, un fait, une procédure, un système, un mode opératoire, un concept, un principe ou une découverte, autant de matières expressément exclues du champ de la protection légale dans la plupart des pays. De ce fait, telle idée ou tel fait contenu dans une oeuvre par ailleurs protégée est dépourvu de protection et peut être utilisé librement. Bien que ces éléments d'information appartenant au domaine public se rencontrent dans tous les types d’œuvres, ils intéressent particulièrement la recherche et l'éducation. L'accès à ce genre de matériel et surtout son utilisation sont aujourd'hui très précisément encadrés par des lois de plus en plus protectionnistes et par les technologies décrites dans la section précédente.

2.2.2 Information déclarée non réservée par contrat

La deuxième grande catégorie d'information du domaine public est l'information qui remplirait les conditions pour être protégée dans le cadre d'un régime de protection de la propriété intellectuelle mais qui est déclarée par contrat comme non réservée. Ces informations, qui se présentent en général sous la forme de collections de données individuelles, sont mises à la libre disposition d'autrui, souvent par un dépôt libre de toute condition dans des établissements classés domaine public : centres de données universitaires ou gouvernementaux, bibliothèques, archives ou musées. Un autre mécanisme auquel on a de plus en plus recours pour placer des informations dans le domaine public est celui des licences d'utilisation publique par lequel le titulaire limite les droits de propriété (essentiellement les droits d'auteur) que lui confère la loi sur ces informations ou y renonce.

Toutefois, l'information qui n'émane pas d'une source non sujette à protection est présumée protégeable, à moins que l’œuvre n'ait été placée dans le domaine public par renonciation expresse à tout droit de propriété. La qualité d'information du domaine public est nécessairement liée à une action en ce sens du titulaire des droits.

2.3 Libre accès

En dehors de l'information produite par les pouvoirs publics et appartenant au domaine public, tel que définie ci-dessus et auquel ce guide est expressément consacré, il existe un important volume d'informations couvertes par des droits de propriété intellectuelle qui sont à la disposition du public en "libre accès". On entend par libre accès le fait que des informations protégées soient ouvertement et librement en ligne ou rendues accessibles sur d'autres supports par le titulaire des droits mais celui-ci conserve en tout ou partie ses droits exclusifs en vertu de la législation sur la

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propriété intellectuelle6. Tous les types de sources publiques et privées peuvent offrir le libre accès à leurs produits d'information.

Bien entendu, l'information du domaine public peut aussi être mise à disposition gratuitement de la même manière, bien que cela ne soit pas toujours le cas. La différence, c'est qu'une fois que l'on y a eu accès, l'information du domaine public peut être utilisée sans autorisation ni restriction, alors que l'information réservée mise à disposition par des techniques de libre accès reste soumise à toutes restrictions légales ou contractuelles applicables à son utilisation. L'accès libre à l'information protégée peut avoir une finalité analogue à l'information du domaine public, en particulier lorsqu'elle est largement diffusée sur l'Internet ; elle est d'une grande utilité comme aide au développement7.

3. IMPORTANCE DE L'INFORMATION DU DOMAINE PUBLIC

Si on le considère dans son ensemble, le corpus d'informations du domaine public dont nous parlons constitue une masse énorme dont on peut dire qu'elle contribue largement au développement économique et social du monde entier. Dans le contexte de la société mondiale de l'information et compte tenu de l'objectif d'accès universel à l'information, "l'information du domaine public" englobe toutes les catégories précitées. Si l'objectif est de combler le fossé entre les inforiches et les infopauvres, un élément important de la stratégie à mener à cet effet est d'accroître la quantité et la qualité de l'information du domaine public et en particulier de l'information créée dans le secteur public ou dans des institutions oeuvrant dans l'intérêt du public, et de faciliter par-là la liberté et l'équité de l'accès de tous au savoir et aux avantages procurés par ce patrimoine informationnel commun. Mais avant de nous pencher sur les moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour parvenir à ces fins, il importe de préciser pourquoi cela devrait être fait.

3.1 Le rôle économique et la valeur de l'information du domaine public

Pas plus le rôle économique que la valeur de l'information du domaine public ne sont aisément chiffrables, et ce pour plusieurs raisons. L'une d'entre elles est qu'une bonne partie de l'information émanant du secteur public - générée soit par des entités gouvernementales, soit à l'aide de crédits publics - se crée hors des forces du marché qui régissent la création et la circulation des informations réservées dans le secteur privé. La valeur de l'information créée à l'aide des deniers publics dans l'intérêt de tous n'est pas toujours facile à calculer. Certes, dans un cas comme dans l'autre, que cette information soit du domaine public ou non, certains produits d'information n'ont pas la moindre valeur économique ou sociale apparente et peuvent même avoir des effets externes hautement négatifs (liés par exemple à des erreurs, à une tromperie ou à la volonté de nuire). Mais même l'information dont on pourrait penser qu'elle a des effets positifs peut être difficile à apprécier.

Une façon de faire consiste à additionner les coûts de production des informations du domaine public et à prendre le résultat pour valeur de base. Par exemple, le budget du Gouvernement fédéral des Etats-Unis pour 2003 s'élève à plus de deux mille milliards de dollars dont une importante fraction se montant au total à plusieurs dizaines de milliards de dollars, sert à payer la production d'informations appartenant au domaine public. Si l'on fait la somme des montants investis chaque année par l'ensemble des instances publiques des pays du monde à tous les niveaux (intergouvernemental, national, provincial et local) pour créer, jour après jour, de l'information du

6 Ibid. 7 Voir National Research Council (à paraître 2003), actes de l'International Symposium on Open Access and the

Public Domain In Digital Data and Information for Science, National Academies Press, Washington DC.

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domaine public, on prend facilement conscience de l'échelle à laquelle se situe la production de ces informations non réservées.

Mais l'analyse ne s'arrête pas là car aussi sûrement que certaines informations peuvent avoir des effets secondaires négatifs, la plupart des autres informations dégagent des effets positifs beaucoup plus nombreux. Prenez par exemple les données et informations météorologiques qui sont rassemblées et diffusées dans tous les pays par des organismes d'Etat agissant dans le cadre du service public. Aux Etats-Unis, les organismes qui accomplissent ces tâches, le National Weather Service et la National Oceanic and Atmospheric Administration diffusent largement ces données sans qu'elles soient assorties d'aucune protection juridique.

Il se constitue ainsi une base d'utilisateurs énorme qui peut être utilisée sans entraves pour de multiples applications dans des domaines nombreux, dont l'éducation et la recherche, et sur laquelle s'est appuyé le développement d'un secteur privé de l'information météorologique dynamique dont l'activité économique génère plus de 500 millions de dollars chaque année8. Cela étant, dans de nombreux autres pays, la météorologie nationale et les organismes d'observation des phénomènes de météorologie par satellite vendent ou concèdent sous licence leurs données à des tarifs commerciaux et protègent leurs produits au moyen des lois sur la propriété intellectuelle, de contrats et de technologies de gestion des droits numériques. Dans ces pays, les entreprises privées d'information météorologique sont très sous-développées car elles ne peuvent exercer une activité concurrentielle en utilisant les données qui sont propriété de l'Etat et que celui-ci vend cher. Elles n'ont donc généré qu'une faible activité économique9. Il en va de même pour ce qui est des données géospatiales et d'autres catégories d'information créées dans le secteur public10.

Les effets externes positifs de l'information du domaine public sont potentiellement bien supérieurs quand cette information est affichée sur les réseaux télématiques mondiaux. En réalité, la valeur de cette information tient pour beaucoup à son caractère de bien public. Outre le fait que cette valeur est calculée en fonction du coût de production de l'information et des ventes que celle-ci génère, elle est d'autant plus grande pour l'économie dans son ensemble et la société que l'information sert à des usages économiquement productifs et socialement bénéfiques. C'est donc l'information dont l’accès et l'usage seront les moins difficiles qui en théorie pourra atteindre le plus large auditoire. On estime que le nombre potentiel d'utilisateurs de tout produit d'information du domaine public transitant par les réseaux télématiques mondiaux (par exemple l'Internet) est actuellement supérieur à 1 milliard et ne cesse de croître. C'est ce qu'on appelle en économie un effet de réseau. A l'instar des téléphones et des télécopieurs, les réseaux télématiques ont un effet en retour positif élevé et une valeur qui connaît une croissance exponentielle étant donné le développement du nombre de ses utilisateurs. A lui seul, ce facteur est un argument sans appel en faveur d'une expansion des réseaux dans les pays en développement et d'un accroissement du volume de l'information mise à disposition gratuitement ou sans restriction aux fins de réutilisation.

Une autre catégorie d'information du domaine public décrite dans la section précédente est représentée par l'information initialement propriétaire mais dont la durée de protection est échue. On calcule souvent la valeur économique directe de ce genre d'information en analysant ses ventes quand elle était encore protégée, ainsi que les ventes des produits dérivés auxquelles elle a donné lieu. Une fois la protection légale éteinte, ce corpus énorme et qui ne cesse de s'enrichir que constituent la littérature, les arts, la musique et autres moyens d'expression devient un élément du

8 Weiss, Peter (2003), Borders in Cyberspace: Conflicting Government Information Policies and Their Economic

Impact, in Proceedings of the Symposium on the Role of Scientific and Technical Data and Information in the Public Domain, National Academies Press, Washington DC.

9 Ibid. 10 PIRA International (2000), "Commercial Exploitation of Europe's Public Sector Information", Rapport final pour

la Commission européenne, Direction générale de la société de l'information.

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patrimoine mondial culturel et intellectuel et peut être librement diffusé et exploité à toutes sortes d'usages. Certes, une bonne partie de ces oeuvres sombrent dans l'oubli avant même de tomber dans le domaine public mais certaines deviennent parfois plus populaires et plus exploitées qu'à l'époque de leur création. Les pièces de William Shakespeare ou certains contes pour enfants qui sont dans le domaine public en sont des exemples évidents. Comme dans le cas de l'information du domaine public produite par les gouvernements, cette information dont la protection est éteinte peut avoir un potentiel économique (et autre) qualitativement et quantitativement différent à partir du moment où elle figure sur les réseaux numériques mondiaux. Les possibilités qui en découlent pour toute personne qui a accès à ces réseaux et au patrimoine intellectuel et culturel accumulé par l'humanité sont d'une immensité incalculable. C'est pourquoi l'un des problèmes essentiels à traiter dans ce guide est de savoir comment élargir la communauté des utilisateurs dans le monde en développement en abaissant autant qu'il est possible les obstacles à l’accès et à l'utilisation de l'information présente sur ces réseaux, de manière que les infopauvres disposent des mêmes chances d'épanouissement personnel et de croissance sociale que les inforiches.

3.2 Avantages pour la société11

Mieux vaut peut-être décrire les avantages de l'information du domaine public en termes non économiques. S'agissant de l'information produite par les pouvoirs publics, la valeur non économique peut-être la plus importante qui tienne au fait que cette information publique soit dans l'espace public est la transparence de la gouvernance et la promotion des idéaux démocratiques qui en résultent. Plus l'information émanant des pouvoirs publics et les concernant est aisément accessible, moins ceux-ci seront en mesure de dissimuler des agissements illicites et des faits de corruption et de mauvaise gestion. Dans le cas contraire, l'excès de secret engendre la tyrannie.

La diffusion libre et sans entrave de l'information de caractère public est en outre favorable à la santé et à la sécurité publique et au bien-être social général car les citoyens sont mieux à même de prendre des décisions en toute connaissance de cause sur les questions touchant à leur vie quotidienne, à leur environnement et à leur avenir. Assurément, les objectifs sociaux qui sous-tendent la diffusion de contenus publics sont extrêmement variés. Il y a notamment la volonté d’œuvrer pour le "bien public" ou dans "l'intérêt du public". Cela implique des circonstances où le bien-être de la population est mieux assuré par la divulgation de l'information que par une approche paternaliste où les décisions sont prises par le gouvernement au nom de la population sans informer ou consulter celle-ci. Citons comme exemple le fait de donner des informations sur un prestataire de services de santé - laboratoire ou hôpital - dont les diagnostics ou les traitements sont de qualité insuffisante. Quel que soit le statut, public ou privé, de ce prestataire de service, les citoyens sont en droit d'obtenir ces informations pour un certain nombre de raisons, par exemple pour pouvoir éviter des risques pour leur santé ou pour choisir un autre prestataire ou encore agir pour qu'il soit remédié à ce dysfonctionnement. Le même raisonnement s'applique lorsqu'il s'agit de problèmes d'environnement ou d'un mauvais usage des fonds publics, etc.

Le volume d'informations publiques s'accroît aussi pour satisfaire l’exigence de protection du consommateur. La multiplication des lois concernant la protection du consommateur a eu pour effet d'accroître le volume et la diversité des informations appartenant au domaine public. Aujourd'hui, on exige dans de nombreux pays des organismes tant privés que publics qu'ils se soumettent à de nombreuses obligations déclaratives conçues pour réguler certains comportements ou activités dans l'intérêt général. Ces lois garantissent notamment l'accès des consommateurs et des actionnaires à l'information financière et commerciale afin qu'ils puissent prendre des décisions économiques plus judicieuses. Elles ont aussi pour objectif de compliquer la tâche aux entreprises ou organismes qui

11 Cette section s'inspire en grande partie d'une étude de Mme Elisabeth Longworth (UNESCO, 2000).

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voudraient monopoliser l'information et porter ainsi préjudice aux personnes ou aux consommateurs.

La reconnaissance de l'importance du capital social de chaque nation est un autre objectif indissociable de l'enrichissement du patrimoine commun informationnel à l'aide de l'information du domaine public. Il y a beaucoup à gagner sur le plan social à ce que la population soit mieux informée. Le financement public des bibliothèques, des archives, des musées, des établissements d'enseignement et de recherche sont autant de manifestations de cette reconnaissance, en dépit du fait qu'une bonne partie de l'information détenue par ces institutions, même si elle est librement accessible, reste une information propriétaire. Les pouvoirs publics ont un rôle capital à jouer dans chacun de ces domaines qui contribuent au renforcement des capacités, en particulier en classant dans le domaine public autant d'informations émanant des pouvoirs publics que possible.

Enfin, toutes les informations appartenant au domaine public - qu'elles viennent d'une source publique, que leur protection soit éteinte ou qu’elles constituent un élément non protégeable d'une information par ailleurs propriétaire - jouent un rôle éducatif et culturel essentiel dans toute société.

4. GRANDS DEFIS ET PERSPECTIVES

4.1 Combler la fracture numérique

On a beaucoup écrit sur le vaste fossé qui va souvent en s'élargissant entre les inforiches et les infopauvres, à l'échelon des pays comme à l'échelle internationale. En dépit des grands progrès accomplis dans le domaine des TIC et des technologies de gestion de l'information, des déséquilibres graves et attestés subsistent dans le monde12.

Le développement et la promotion de l'information du domaine public au sein du secteur public peuvent contribuer à combler ce fossé de deux façons. Tout pays possède, tant au niveau national qu'au niveau infranational, quantité d'informations qui sont d'ores et déjà du domaine public ou qui pourraient être classées comme telles. Ce genre d'informations sont pour la plupart produites par le secteur public, soit dans les services même de l'Etat soit avec le concours d'un financement public. Dans de nombreux pays en développement où la production d'informations n'est pas aussi importante dans le secteur privé que dans le secteur public, l'information produite dans le secteur public constitue donc une très importante part de l'information créée dans le pays et au sujet du pays. Une mise à disposition large et ouverte de cette information contribue grandement à l'édification d'une démocratie participative ; elle favorise un débat ouvert et un fonctionnement correct de l'Etat. Elle offre aussi à chacun un moyen de s'informer sur son pays, ses concitoyens et son gouvernement, en obtenant des informations qu'il est bien souvent impossible de se procurer auprès d'autres sources.

Cela étant, comme l'Internet est un réseau international de réseaux, toutes les informations du domaine public qui sont mises en ligne deviennent immédiatement un élément du domaine public mondial. Ce fait a lui aussi d'importantes conséquences pour le développement et pour la réduction de la fracture numérique. En effet, l'ensemble des documents qui appartiennent au domaine public mondial deviennent ainsi une ressource partagée ou commune et forment un patrimoine mondial au bénéfice de tous. Dans la mesure où les sociétés "du savoir", qui sont les sociétés les plus avancées économiquement, créent et diffusent beaucoup plus d'informations du domaine public, elles sont à

12 Voir, par exemple, Banque mondiale (1999), Rapport sur le développement dans le monde : le savoir au service

du développement, Editions Eska, Paris ; et Programme des Nations Unies pour le développement (2001), Rapport mondial sur le développement humain, mettre les nouvelles technologies au service du développement humain, De Boeck Université, Paris-Bruxelles.

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l'origine d'une forte proportion de cette information librement mise en commun, laquelle peut être exploitée par tous les pays en développement et leur population à leur profit. S'il est vrai qu'une bonne partie de ces informations se réfèrent à un lieu géographique précis et ne sont pas d'intérêt général ni susceptibles de larges applications, beaucoup ont néanmoins une utilité qui va au-delà des limites institutionnelles ou communautaires dans lesquelles elles ont été produites. Dans leur cas, le plus grand obstacle à leur utilisation dans d'autres pays ou cultures est sans doute d'ordre linguistique.

4.2 Promouvoir la production, la diffusion et la conservation de l'information numérique du domaine public

C'est aux gouvernements qu'il appartient au premier chef d'élargir l'accès à l'information du domaine public et d'intensifier son utilisation. La première difficulté tient aux attitudes. Les dirigeants doivent avoir la volonté politique de tenir compte des avantages qu'il y a à diffuser l'information. Il faut pour cela qu'ils comprennent ce que l'accès à l'information apporte en termes de bonne gouvernance, de développement du capital social et de bien-être économique. Pour parvenir à ces objectifs, les gouvernements doivent se doter d'une politique nationale de l'information exhaustive et intégrée qui oblige à respecter un plan d'action coordonné dans chacun des grands domaines qui relèvent d'une action législative ou réglementaire ; le développement humain, technique, et des infrastructures institutionnelles ; la gestion de l'information ; et la recherche. S'il existe déjà une telle politique nationale exhaustive de l'information dans quelques pays, il en reste beaucoup où cela n'est pas encore le cas ou bien où elle ne fait que s'ébaucher13.

Bien que l'amélioration de l'accès aux TIC et à tous les types d'informations - qu'il s'agisse d'informations appartenant ou non au domaine public - soit une étape capitale dans la recherche du développement économique et social, il ne faudrait pas pour autant exagérément défendre cette idée. L'accès universel à de telles informations est une condition nécessaire mais non suffisante du développement. Les TIC et l'information qu'elles diffusent ne rendent pas instantanément instruit, ne guérissent pas les maladies, ne nourrissent pas ceux qui ont faim ni ne soulagent la pauvreté. Elles constitueront, néanmoins un pilier essentiel de l'infrastructure indispensable pour s'attaquer efficacement et de manière durable à ces problèmes, et elles pourraient finalement conduire à l'édification d'une société du savoir reposant sur les valeurs de la bonne gouvernance. Elles apporteront aussi les avantages économiques et sociaux dont il a été question à la section 3. Le soin que l'on prêtera à ces questions sera rendu au centuple à l'avenir.

Nous aborderons dans le reste de ce guide, un sous-ensemble de questions importantes, identifiées par l'UNESCO comme domaines prioritaires, qui doivent figurer en priorité dans tout cadre national d'action relatif à l'information. Il s'agira plus précisément d'énumérer les principes et les mesures susceptibles : d'orienter la mise en place des infrastructures et des services nécessaires pour communiquer l'information du domaine public à la population ; de contribuer à la production, l'archivage et la diffusion d'informations numériques du domaine public en vue du développement en en garantissant le contenu multiculturel et multilingue ; et d'aider à promouvoir l'accès de tous citoyens, et spécialement des populations défavorisées, à l'information indispensable à l'épanouissement des individus et au développement social. Du fait que la situation au regard du développement et les besoins de chaque pays lui sont propres, ces principes et mesures ne sont que des indications d'ordre général et doivent être adaptés et mis en oeuvre en fonction du régime et de la culture de chaque pays.

13 Op. cit., note 11.

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5. PRINCIPAUX ELEMENTS DE FONDS CONCERNANT L'INFORMATION DU DOMAINE PUBLIC CREEE PAR LES POUVOIRS PUBLICS

5.1 Introduction

Comme on l'a vu dans les sections qui précèdent, une des grandes catégories de l'information qui relève du domaine public ou potentiellement désignée comme telle correspond à l'information créée ou diffusée par les pouvoirs publics. Les pouvoirs publics (expression dans laquelle on englobe le gouvernement au niveau central et infranational, les organismes régionaux et intergouvernementaux et les autorités communales) détiennent de grandes quantités d'informations recueillies avec l'argent du contribuable et qui sont donc publiques, à défaut d’être juridiquement dans le domaine public. Ce sont, par exemple, des documents de fond établis par des services de l'Etat, des services nationaux d'archives ou d'état civil (par exemple, listes électorales, documents cadastraux, évaluations foncières et immobilières, registres des services des cartes grises et des tribunaux de commerce, registres des actions des sociétés enregistrées, etc.). Il s'agit aussi des comptes-rendus in extenso et analytiques des réunions, des ordonnances et des lois, des décisions judiciaires, des innombrables bases de données scientifiques, des compilations statistiques, des enquêtes culturelles, des comptes-rendus de recherche de toute sorte, des rapports officiels et de la myriade de produits d'information et autres données créés par des entités gouvernementales dans le cadre de leurs missions de service public. Les possibilités d'accès à ce genre d'information varient énormément en fonction de la manière dont chaque pays conçoit ses modes de gouvernance et de politique d'information, en fonction aussi de ses capacités et pratiques de diffusion de l'information (par exemple, en particulier sur les réseaux télématiques, comme on le verra) et du degré d'alphabétisation de la population14.

Il faut donc une approche globale de l'action législative et administrative si on veut réussir à promouvoir la production, la diffusion et l'utilisation des informations en question. Trois grands facteurs doivent être réunis pour cela. Premièrement, il faut définir l'étendue de l'information qui doit être qualifiée d'information du domaine public et juridiquement déclarée comme telle. Deuxièmement, il faut établir une politique-cadre de l'information publique couvrant tous les aspects de la gestion et de la libre diffusion de ces ressources. Et troisièmement, il faut que les pays qui n'ont pas encore de loi sur la liberté de l'information en adoptent une.

5.2 Elargir le champ de l'information du domaine public créée par les pouvoirs publics

De nombreuses raisons, déjà évoquées à la section 3, militent en faveur de la mise dans le domaine public d'autant d'informations produites par des entités gouvernementales qu'il est possible et pour une libre diffusion de celles-ci au moindre coût possible. Peut-être vaut-il la peine de les indiquer brièvement ici à nouveau :

→ Une entité gouvernementale n'a pas besoin de l'incitation juridique que représentent les droits de propriété intellectuelle exclusifs pour créer de l'information, à la différence des auteurs et des investisseurs et éditeurs du secteur privé. Aussi bien les activités menées par le gouvernement que l'information qu'ils produisent du fait de cette activité constituent un bien public.

→ Le contribuable a dû payer pour la production de cette information. On peut légitimement affirmer que le droit moral à cette information appartient aux citoyens qui l'ont payée et non à l'organe d'Etat qui l'a produite en leur faveur.

14 Ibid.

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→ Le fait de restreindre l’accès et le libre usage de l'information et données publiques par les citoyens porte atteinte à la transparence de la gouvernance et aux valeurs démocratiques. Corollairement, le droit des citoyens à la liberté d'expression est entravé par toute limitation de la rediffusion de l'information publique et en particulier des données factuelles. Ce n'est pas une coïncidence si c'est dans les régimes politiques les plus répressifs que l'information est la moins disponible et la liberté d'expression la plus bridée.

→ Nombreux sont les effets externes positifs - en particulier grâce à l'effet de réseau - qui peuvent être obtenus et croître de façon exponentielle à la suite de la libre diffusion des données et informations du domaine public sur l'Internet. Ces avantages ne sont souvent pas quantifiables et débordent de beaucoup la sphère économique pour pénétrer le champ social, éducatif, culturel et la bonne gouvernance - autant de valeurs qui vont dans le sens des objectifs nationaux de développement15.

L'avantage de la transparence de la gestion de l'information publique et de la qualification juridique d’information du domaine public n'est pas absolu, cependant. Il faut faire la part des intérêts légitimes qui viennent les contrebalancer, voire les annuler et qui sont ceux de la sécurité nationale, de la protection de la vie privée et de la confidentialité, ainsi que les droits de propriété intellectuelle. Néanmoins, sur le plan des principes, l'information produite par des instances gouvernementales dans tous les secteurs et à tous les niveaux doit être présumée du domaine public.

la qualification juridique d’information du domaine public attribuée par défaut à que toute information émanant des pouvoirs publics excluant l’application de droits de propriété intellectuelle est relativement simple. Il suffit d'inclure une disposition dans la loi nationale sur le droit d'auteur disposant que l'information émanant des pouvoirs publics n'est pas sujette à protection au titre de cette loi. Une règle identique peut être établie dans le cadre de tout autre texte légal sur la propriété intellectuelle. Par exemple, la section 105 de la loi sur le droit d'auteur aux Etats-Unis (U.S. Copyright Act, 1976) dispose simplement : "la protection découlant du droit d'auteur au titre de cette disposition n'est applicable à aucun travail émanant du Gouvernement des Etats-Unis"16. Cette exclusion ne s'applique pas automatiquement à l'information produite aux Etats-Unis aux niveaux des Etats et des échelons locaux mais il y a beaucoup d'Etats qui ont placé les informations qu'ils produisent dans le domaine public.

S'il est donc simple d'établir par la loi que toute information émanant des pouvoirs publics est une information du domaine public, l'affaire se complique cependant beaucoup sur le plan politique dans les pays où traditionnellement la loi sur la propriété intellectuelle protège ce genre d'informations. On peut certes changer un statut juridique d'un trait de plume mais les résistances bureaucratiques dans les ministères et les organes de l'Etat, où l'on tient à cette protection, sont fortes et viennent en compliquer l'abandon. De plus, vu les difficultés budgétaires croissantes auxquelles se heurtent tous les pays, les gouvernements font de plus en plus pression sur les administrations pour qu'elles rentrent davantage dans leurs frais de diffusion en relevant les tarifs d'accès à l’information, voire en faisant de la diffusion une activité commerciale ou même en la privatisant. Etant donné que les lois sur la propriété intellectuelle instaure un monopole sur une information qui est diffusée à des prix élevés, les fonctionnaires de l'administration centrale en sont d'autant plus opposés à une réduction de cette protection.

15 J. H. Reichman et Paul F. Uhlir, op. cit., note 5. 16 Copyright Act of 1976, 17 United States Code 105.

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S'il est sans doute difficile de changer de fond en comble le régime de protection des informations gouvernementales, certaines modifications sont possibles, surtout en ce qui concerne certains secteurs ou certains types d'informations. Il est en particulier possible d'ouvrir plus largement l'accès à divers types de ressources d'informations publiques et de réduire au minimum les interdictions légales de réutilisation de ces informations sans devoir nécessairement changer des pans entiers ou le fond des lois sur la protection de la propriété intellectuelle17.

En conséquence, tous les pays et toutes les instances gouvernementales devraient revoir les lois et politiques en vigueur concernant l'information en vue de réduire la portée des limitations à l'accès aux informations propriétaires, en mettant le plus possible à la disposition du public les informations en leur possession. Ils devraient légiférer sur des dérogations appropriées aux dispositions relatives à la propriété intellectuelle et au secret administratif qui restreignent inutilement et de façon contre-productive l'accès aux informations gouvernementales et leur réutilisation et placer ces informations dans le domaine public ou les rendre consultables en libre accès. En outre, toutes les organisations intergouvernementales financées sur fonds publics devraient assurer gratuitement le libre accès à toutes leurs publications, au bénéfice en particulier des utilisateurs potentiels des pays en développement.

5.3 Etablir une politique-cadre de l'information gouvernementale pour la gestion et la diffusion des ressources d’information publiques

Le second grand volet de la politique de l'information gouvernementale qu'il convient d'adopter pour promouvoir la mise dans le domaine public des ressources d’informations publiques est une politique-cadre globale de l'information qui porte sur la gestion et la diffusion des ressources 18 . Ce cadre devrait avoir une portée suffisamment vaste pour englober aussi bien l'information sur papier que l'information numérique et il devrait comporter des lignes directrices précises concernant, d'une part, la gestion et, d'autre part, la diffusion par des moyens électroniques. La politique-cadre exposée ci-après porte uniquement sur les grands principes, problèmes et objectifs et se termine par un bref résumé des principales procédures d'application à prendre en considération. En fonction de la situation et des besoins de chaque pays, des précisions devront être apportées. L'idée force devra cependant toujours être de produire et de diffuser l'information publique qui correspond aux besoins de tout citoyen aussi ouvertement et par des moyens aussi bon marché que possible, en ayant toujours présent à l'esprit le multiculturalisme et les populations défavorisées.

5.3.1 Hypothèses et éléments de travail

1. L'information gouvernementale est une ressource nationale précieuse. Le libre accès à cette information du domaine public contribue à la transparence des affaires de l'Etat, à la gestion de ces affaires, à la bonne santé de l'économie et à une juste perspective de la société, pour ne citer que quelques-uns de ses avantages.

2. Dans tous les pays, les pouvoirs publics sont le premier producteur, collecteur, consommateur et diffuseur de l'information. Etant donné l'ampleur des activités d'information du gouvernement et le fait que ces activités dépendent de la coopération du public, la gestion de ses ressources en information reste en permanence importante pour tous les organes gouvernementaux et pour le public.

17 Voir, par exemple, Conseil de l'Union européenne, 29 janvier 2002, Directive concernant l'accès du public à

l'information sur l'environnement, Bruxelles, 11878/01 REV 1, favorable à l'accès libre ou à bas prix à l'information sur l'environnement et à l'imposition par les Etats membres de l'Union européenne d'un minimum de restrictions à la réutilisation de ces informations.

18 Inspirée de l'Office of Management des Etats-Unis et de la Budget Circular A-130 (1994), Section 8a.

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3. Une circulation sans entraves de l'information entre les pouvoirs publics et le public est essentielle à la démocratie et à la promotion d'une bonne gouvernance. Il est aussi essentiel que les pouvoirs publics réduisent au minimum la charge que représentent leurs activités d'information pour le public et en maximisent l'utilité.

4. Pour abaisser le coût et accroître l'utilité de l'information gouvernementale les avantages publics et privés qu'on peut en attendre doivent être supérieurs au coût public et privé de l'information, sachant toutefois que ces avantages ne sont pas toujours quantifiables.

5. Parmi les informations dont le libre accès peut être profitable à la Nation figurent non seulement celles émanant des administrations centrales mais aussi celles émanant des différentes administrations infranationales. Celles-ci produisent de grandes quantités d'informations concernant de nombreux domaines tels que l'éducation, la santé, l'agriculture, la protection de l'environnement, la protection sociale, le travail et les transports, et c'est pourquoi le niveau central doit gérer les ressources en information en coopération avec elles.

6. La gestion stratégique et systématique des archives gouvernementales est un élément essentiel d'une bonne gestion des ressources publiques. Gestion et conservation des archives contribuent toutes deux à la mémoire de l’Etat ; elles aident à rendre compte aux citoyens et sont les garants des droits juridiques et financiers de l’Etat et du public.

7. Puisque la divulgation au public de l'information gouvernementale est essentielle au fonctionnement d'une Administration bien gérée selon des principes démocratiques, la gestion des ressources en informations gouvernementales doit protéger le droit d’accès et d'utilisation par le public de ces informations. Parallèlement, le droit de tout citoyen au respect de sa vie privée doit être protégé dans toute activité gouvernementale supposant l'enregistrement de données personnelles.

8. Une circulation efficace et sans entrave des informations scientifiques et techniques financées par les pouvoirs publics à l'aide de fonds publics, sous réserve de l'application des prescriptions de sécurité nationale et dans le respect des droits de propriété intellectuelle d'autrui, est un facteur d'excellence de la recherche et de bon usage des crédits publics de recherche et de développement.

9. Les technologies de l'information ne sont pas une fin en elles-mêmes ; elles ne constituent qu'un ensemble de ressources susceptibles d'accroître l'efficacité et l'efficience des services gouvernementaux. Cela étant, le recours à des technologies de l'information de pointe ouvre la porte à des améliorations des structures de l'Etat, des processus de travail et des modes d'interaction avec le public. La possession d'informations de caractère public sur différents supports, sous forme numérique en particulier, donne aux fonctionnaires et au public plus de souplesse dans l'utilisation de ces informations.

10. Aussi bien les créateurs que les utilisateurs des ressources d’informations gouvernementales doivent avoir les compétences, les connaissances et la formation nécessaires pour s'acquitter efficacement de leurs fonctions et faire un usage optimal de ces ressources.

5.3.2 Prescriptions en matière de gestion de l'information

La politique nationale de gestion de l'information devra traiter des fonctions suivantes. Chaque pays adaptera ces prescriptions, en ajoutant des détails et des modalités d'application, à sa situation particulière et à ses propres besoins.

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5.3.2.1 Planification de la gestion de l'information

Toute entité gouvernementale à laquelle cette politique est applicable doit :

1. aborder la question de la gestion des ressources en information dans sa globalité, c'est-à-dire dans une perspective centrée sur la durée de vie de l'information, depuis le stade de la planification jusqu'à ceux de la production, de l'organisation, de la diffusion, de l'utilisation, de la conservation et, le moment venu, de la suppression (c'est-à-dire de son exclusion des sources officielles consultables) de l'information ;

2. analyser les effets des décisions et des actions prises au titre de cette politique sur le public et les entités gouvernementales et veiller à organiser des consultations entre toutes les parties prenantes ;

3. satisfaire les nouveaux besoins en matière d'information au moyen de partenariats entre services gouvernementaux ou de partage de l'information ou encore en s'adressant à des sources commerciales, si nécessaire, avant de créer ou de rassembler des informations nouvelles ;

4. former le personnel aux techniques correspondant aux informations qu'il est chargé de gérer ;

5. protéger les informations gouvernementales selon le niveau de risque et l'ampleur des dommages qui pourraient résulter de leur perte, de leur mauvais usage, de leur consultation sans autorisation ou de leur modification ;

6. analyser l'effet des mesures prises au titre de la politique nationale de l'information sur les droits au respect de la vie privée des individus et veiller à ce que les mesures de protection juridiques et techniques appropriées soient appliquées ;

7. enregistrer, conserver et rendre accessibles suffisamment d'informations pour garantir la bonne gestion et la transparence des activités gouvernementales et pour protéger les intérêts légaux et financiers de l’Etat ;

8. intégrer des fonctions de gestion des documents et d’archivage des documents dans les systèmes d'information à tous les stades (conception, développement et implémentation) pour répondre aux exigences suivantes :

(a) Permettre l'accès du public aux documents en tant que de besoin.

(b) Rassembler ou créer uniquement les informations nécessaires pour l'exécution normale des fonctions gouvernementales approuvées et d'utilité pratique.

(c) Utiliser les techniques électroniques de collecte et de création de l'information quand elles allègent la charge qui pèse sur le public, augmentent l'efficacité des dispositifs publics et réduisent le coût encouru par le gouvernement et le public ou rendent un meilleur service au public. Les conditions dans lesquelles la collecte ou la création électronique se justifie sont les suivantes :

(i) l'information suppose, pour être réunie, la production d'un fort volume de données ou doit être diffusée à une importante fraction de la population ;

(ii) la production de l'information est récurrente ;

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(iii) il existe un besoin de transférer l'information sur support électronique,

(iv) on sait qu'une part importante du public intéressé a facilement accès aux moyens technologiques nécessaires pour consulter l'information ; et

(v) à supposer qu'il soit obligatoire, le transfert sur support électronique n'entraînera pas de grosses dépenses ou autres inconvénients pour le public, spécialement pour les instances de l’Administration locale ou pour les petites structures privées ayant une faible activité.

5.3.2.2 Gestion des documents courants

S'agissant de tous les produits officiels d'information gouvernementale qui doivent être conservés indéfiniment (c'est-à-dire les documents), les entités gouvernementales entrant dans le champ d'application de cette politique doivent :

1. veiller à ce que l'établissement d'une documentation adéquate soit prévue dans leurs programmes de gestion des documents ;

2. veiller à ce que l'on puisse avoir accès aux documents, sous quelque forme ou support qu'ils se présentent ;

3. établir les critères de tri et de conservation et des calendriers de dépôt en archive des documents courants en consultation avec le directeur des archives nationales et conformément aux dispositions légales ; et

4. former et conseiller comme il se doit les fonctionnaires, agents et sous-traitants du gouvernement au sujet de leurs responsabilités en matière de gestion des documents.

5.3.2.3 Fourniture des informations au public

Il incombe à toutes les entités gouvernementales de fournir au public les informations en rapport avec les missions que la loi leur impartit. A cet effet, elles doivent :

1. informer sur leur organisation, leurs activités, leurs programmes, leurs réunions, leurs systèmes documentaires et toutes ressources informatives et indiquer au public comment obtenir l'accès à ces ressources ;

2. ouvrir l'accès à leurs archives courantes en vertu des dispositions de la loi sur la liberté de l'information (voir section 5.4 ci-après) sous réserve des protections et limitations prescrites par cette loi ;

3. ouvrir à la consultation toutes informations nécessaires ou utiles à l'exercice normal des fonctions de l'organisation ;

4. en ce qui concerne le choix des informations à diffuser au public et les modalités de cette diffusion, les entités gouvernementales doivent :

(a) diffuser l'information de telle sorte qu'elle soit à la fois la plus utile et la moins coûteuse pour le gouvernement et le public ;

(b) diffuser l'information de façon équitable et en temps opportun ;

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(c) se saisir de tous les moyens de diffusion - à tous les niveaux du gouvernement, dans les bibliothèques, les organismes du secteur privé et les médias qui conviennent le mieux pour chaque catégorie d'information ; et

(d) aider le public à localiser les informations détenues par ou pour le gouvernement.

5.3.2.4 Activités de gestion de la diffusion de l'information

Les entités gouvernementales doivent posséder et mettre en oeuvre un système de gestion de tous les produits de diffusion de l'information qui permette, au minimum :

1. de garantir que les produits de diffusion de l'information sont ceux qui s'imposent pour que l'organisation puisse s'acquitter comme il se doit de ses fonctions ;

2. de décider si un produit de diffusion de l'information disponible auprès d'autres sources gouvernementales est équivalent et serait raisonnablement satisfaisant au regard des responsabilités de l'organisation en matière de diffusion ;

3. d'établir et de tenir à jour des inventaires de tous les produits de diffusion de l'information de l'Organisation ;

4. d'établir tout autre instrument de recherche utile pour localiser les produits de diffusion de l'information de l'organisation, notamment des catalogues et des répertoires susceptibles de répondre convenablement aux objectifs de diffusion recherchés ;

5. d'indiquer dans les produits de diffusion la source de l'information si celle-ci est une autre organisation ;

6. de veiller à ce que les usagers handicapés que l'organisation a la charge d'informer soient raisonnablement à même d'avoir accès aux produits de diffusion de l'information ;

7. d’établir et garder des contacts avec des représentants des usagers et avec des instances infranationales publiques de manière à pouvoir créer des produits de diffusion de l'information correspondant à leurs besoins ;

8. de prévenir suffisamment à l'avance de la mise en route, de la modification ou de l'arrêt des produits de diffusion de l'information ayant une certaine audience ;

9. de veiller à une application rapide et méthodique des dispositions de la présente politique dans tous les domaines où elle ne l'était pas auparavant.

5.3.2.5 Eviter d'inutiles restrictions à la diffusion et à l'utilisation des informations gouvernementales

Les entités gouvernementales doivent :

1. éviter d'établir ou de permettre à autrui d'établir en leur nom des dispositifs de distribution exclusive, limitative ou autre qui viendrait entraver la diffusion de l'information en temps utile et dans des conditions d'équité ;

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2. éviter d'établir des dispositions restrictives ou des réglementations, notamment le paiement d'un droit ou d'une redevance, pour la réutilisation, la revente ou la rediffusion de produits de diffusion d'informations gouvernementales par le public ;

3. fixer le montant des redevances d'utilisation des produits de diffusion de l'information de telle sorte qu'elles couvrent le coût de la diffusion (c'est-à-dire le coût marginal) mais pas plus. Il ne faut pas inclure dans le calcul du montant de la redevance le coût initial afférent à la collecte et au traitement de l'information. Lorsque l'information est diffusée sur les réseaux télématiques, le coût marginal est égal à zéro. Les cas où il peut être dérogé à ces principes sont les suivants :

(a) lorsque d'autres prescriptions légales disposent du contraire.

(b) lorsque la collecte, le traitement et la diffusion de l'information sont effectués par l'organisation au profit d'une collectivité nommément identifiée et non dans l'intérêt général.

(c) lorsque l'organisation décide de percevoir des redevances inférieures aux coûts de diffusion au motif qu'une redevance plus élevée s'opposerait gravement à l'exercice de ses missions, notamment l'empêcherait d'atteindre le public qu'elle est chargée d'informer ; ou

(d) lorsqu'il s'agit d'informations sous forme numérique qui sont diffusées en ligne, auquel cas elles doivent être fournies gratuitement, puisque le coût marginal de la fourniture de l'information à chaque utilisateur supplémentaire est dans ce cas égal à zéro ; ou

(e) lorsque la plus haute autorité au niveau central chargée de l'application de cette politique juge qu'une dérogation peut être accordée.

5.3.2.6 Diffusion de l'information par les voies électroniques

1. Les entités gouvernementales doivent utiliser les moyens électroniques, y compris les réseaux publics et privés, en tant que de besoin et compte tenu des contraintes budgétaires, pour rendre les informations gouvernementales plus aisément accessibles et plus utiles au public. Dans l'ensemble, la diffusion d'informations par les pouvoirs publics sur les réseaux télématiques, fréquemment qualifiée de nos jours de service de "gouvernement en ligne" ou e-gouvernement a d'ores et déjà amélioré dans de nombreux pays les services étatiques d'information s aux particuliers et aux entreprises, de même que l'efficience et l'efficacité des activités propres aux Administrations et des relations intergouvernementales 19 . Il est indiqué d'utiliser les voies et supports électroniques pour la diffusion de l'information au minimum dans les cas semblables à ceux énoncés à la section 5.3.2.1 (8) (c) pour la collecte ou la création d'informations sous forme électronique, énumérés - où :

2. l'organisation établit et conserve l'information sous forme électronique ;

3. les supports ou formats électroniques sont un moyen pratique et économique d'offrir au public un accès à un important volume d'informations très détaillées ;

19 Pour une liste et une description des initiatives de gouvernement en ligne dans le monde, voir

www.egovlinks.com.

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4. l'organisation diffuse le produit d'information en cause fréquemment ;

5. l'organisation sait qu'une part importante des utilisateurs ont facilement accès au matériel technologique nécessaire et possèdent la formation voulue pour utiliser les produits de diffusion de l'information sous forme électronique ;

6. le passage à la diffusion par les voies électroniques, à l'exclusion de tout autre moyen de diffusion, n'imposera pas aux utilisateurs, spécialement aux Administrations infranationales et aux petites structures privées de faible activité des dépenses importantes d'acquisition de matériel ou de formation.

5.3.2.7 Protection de l'information du domaine public

Il importe également d'instituer des protections appropriées dans le cadre de la gestion des informations gouvernementales . Les entités gouvernementales doivent :

1. veiller à ce que les informations bénéficient d'une protection à la mesure du risque de perte, de mauvais emploi, d’accès non autorisé ou de modification de ces informations, ainsi que de l'ampleur des dommages qui en résulteraient ;

2. limiter strictement la collecte d'informations permettant d'identifier des personnes à ce qui est autorisé par la loi et à ce qui est nécessaire pour le plein accomplissement des fonctions de l'organisation ;

3. limiter le partage d'informations permettant d'identifier des personnes ou contenant des informations protégées par le droit d'auteur à ce qui est autorisé par la loi, et imposer des conditions d'utilisation qui préservent en permanence la confidentialité de l'information ;

4. autoriser les personnes, à leur demande, à consulter les dossiers les concernant et à y rectifier les erreurs éventuelles.

5.3.3 Gestion des systèmes d'information et des technologies de l'information

5.3.3.1 Evaluation et mesure des performances

Les entités gouvernementales doivent assurer au mieux une bonne gestion de leurs ressources en informations publiques en mettant en oeuvre différentes procédures d'examen, dont les suivantes :

1. rechercher tous les gisements d'efficacité et d'efficience que pourraient receler les activités d'information en procédant à des examens périodiques des processus de travail et en se servant à bon escient des technologies de l'information ;

2. procéder, en l'actualisant en tant que de besoin pendant toute la durée du cycle de vie du système en question, à une analyse coût-avantages de chaque système d'information :

(a) au niveau de détail correspondant à l'ampleur de l'investissement ;

(b) en suivant une méthode rigoureuse et éprouvée ; et

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(c) en faisant appel à des mesures systématiques de la performance, notamment de l'efficacité de l'exécution des programmes, de l'efficience de leur administration et de la réduction des charges, y compris de collecte de l'information, imposées au public.

3. procéder, à l'échelle de l'organisation tout entière, à des analyses coût-avantages dans le cadre d'opérations de contrôle systématiques de la gestion, de manière à rentabiliser au maximum les investissements et à réduire autant que faire se peut le risque financier et opérationnel lié aux investissements dans les grands systèmes d'information ;

4. procéder à des examens des systèmes d'information après leur mise en route pour vérifier la concrétisation des avantages escomptés et décrire les pratiques de gestion de document efficaces qui pourraient être reprises ailleurs.

5.3.3.2 Planification stratégique de la gestion des ressources en information

Les entités gouvernementales doivent instituer et mettre en oeuvre une procédure de planification stratégique de la gestion des ressources en information selon les principes suivants :

1. une planification stratégique portant sur les moyens de mettre la gestion des ressources informationnelles au service de l'accomplissement des missions de l'organisation. Ces procédures doivent servir à établir et mettre en oeuvre un plan qui traduise et anticipe les changements dans la mission de l'organisation, dans ses orientations, ses capacités technologiques et l'ampleur de ses ressources ;

2. une planification de l'information qui en favorise l'utilisation tout au long de son cycle de vie en en optimisant l'utilité, en en réduisant le plus possible la charge pour le public et en en préservant l'intégrité, la disponibilité et la confidentialité ;

3. une planification opérationnelle des technologies de l'information qui lie celles-ci aux besoins à prévoir pour l'exécution des programmes et des missions de l'organisation, qui tienne compte des contraintes budgétaires et étaye les demandes de crédits. Cette planification doit déboucher sur l'établissement et la mise en oeuvre d'un plan actualisé, obéissant à la logique du cycle de planification établi à l'échelon national pour les autres programmes et qui comporte :

(a) une liste des grands systèmes d'information existants et en projet ;

(b) une liste des acquisitions de technologies de l'information prévues ;

(c) une explication des relations entre les grands systèmes d'information énumérés et les acquisitions de technologies de l'information prévues ainsi que de la manière dont les uns et les autres contribuent à l'accomplissement des missions de l'organisation ; et

(d) un compte-rendu succinct sur les systèmes et procédures de sécurité informatique ; et

4. une coordination avec les autres procédures de planification en usage dans l'organisation, y compris en ce qui concerne les ressources humaines et financières.

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5.3.3.3 Contrôle de la gestion des systèmes d'information

Les entités gouvernementales doivent établir des mécanismes de contrôle de la gestion des systèmes d'information en vue :

1. de garantir que chacun des systèmes d'information répond aux exigences de la mission de l'organisation ;

2. d'instituer des examens périodiques des systèmes d'information pour déterminer :

(a) dans quelle mesure les impératifs de la mission de l'organisation ont changé ;

(b) si le système d'information continue de répondre aux impératifs actuels et à prévoir de cette mission ; et

(c) quel degré de maintenance faudrait-il assurer pour garantir que le système d'information réponde aux impératifs de la mission de façon efficace.

3. de veiller à ce que le fonctionnaire qui administre un programme au moyen d'un système d'information soit responsable et comptable de la gestion de ce système pendant toute la durée de vie de celui-ci ;

4. d'organiser une formation appropriée des utilisateurs des ressources d’informations gouvernementales ;

5. d'établir des règlements nationaux concernant les systèmes d'information qui ne restreignent pas indûment les prérogatives des Administrations infranationales et autres groupes ou institutions du pays qui disposent d'une certaine indépendance ou autonomie juridique ;

6. de veiller à ce que les grands systèmes d'information progressent au rythme voulu vers les jalons convenus, au cours du cycle de vie du système d'information, répondent aux besoins des utilisateurs et apportent les avantages attendus à l'organisation et aux utilisateurs concernés, par des décisions concertées au sujet des ressources informationnelles, humaines, financières et autres ressources d'appui.

5.3.3.4 Utilisation des ressources en information

Les entités gouvernementales doivent établir et mettre en oeuvre des cadres techniques et organisationnels pour l'utilisation des ressources en information qui précisent les liens entre les besoins de la mission, le contenu informatif et les possibilités technologiques. Ces cadres doivent guider la planification tant stratégique qu'opérationnelle de la gestion des ressources en information. Ils doivent aussi prévoir les étapes nécessaires pour créer un environnement en système ouvert. Les principes à respecter en la matière sont les suivants :

1. Mettre au point les systèmes d'information de telle sorte qu'ils facilitent la nécessaire interopérabilité, portabilité et extensibilité des applications informatisées entre des réseaux hétérogènes sur le plan du matériel, des logiciels et des plates-formes de communication.

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2. Veiller à ce que les améliorations apportées aux systèmes d'information existants et le développement des systèmes d'information prévus ne viennent pas inutilement doubler des systèmes d'information existant au sein de l'organisation, dans d'autres entités gouvernementales ou dans le secteur privé.

3. Partager les systèmes d'information disponibles et les capacités technologiques avec d'autres entités gouvernementales dans la mesure autorisée par la loi et suivant les possibilités techniques.

4. Sécuriser l'ensemble des systèmes d'information autant que le nécessitent le risque de perte, de mauvais emploi d’accès non autorisé ou de modification des informations, et l'ampleur des dégâts qui en résulteraient.

5.3.4 Mesures à prendre pour que les populations multilingues ou défavorisées puissent avoir accès à l'information et l'utiliser au niveau local

La langue constitue le fondement de la communication entre les personnes et fait partie du patrimoine et de la tradition culturels de chacun. C'est pourquoi la langue d’un utilisateur ne doit pas faire obstacle à l'accès au patrimoine multiculturel disponible sur l'Internet et par les autres moyens de communication. Le développement harmonieux de la société de l'information et de l'économie a tout à gagner de l'existence d'une information multilingue et multiculturelle disponible.

Il y a sur le territoire de nombreux pays deux, voire plus, langues officielles ainsi que de langues d'usage. La diversité de la population du point de vue de la langue et des traditions soulève une foule de problèmes épineux concernant la gestion de l'information du domaine public. Les objectifs précis à rechercher pour répondre à la nécessité d'ouvrir l'accès des populations multilingues ou défavorisées à l'information et à son utilisation au niveau local sont les suivants :

1. Toute entité nationale ou infranationale doit s'attacher à éviter la ségrégation linguistique dans l'accès aux informations du domaine public qu'elle détient.

2. Il convient de mettre à profit les technologies pour faciliter l’accès à et l'utilisation de l'information dans toutes les langues nationales afin de garantir au mieux l’expression personnelle, l'éducation, la science, la culture et la communication. L'information du domaine public doit être produite et diffusée sous des formes appropriées, les populations défavorisées devant être associées à la production et à l'utilisation des informations d'intérêt local. Aux technologies de l'information et de la communication les plus modernes, comme les réseaux télématiques, doivent cependant s'ajouter le recours permanent aux réseaux de communication existants (centres et bibliothèques communautaires locales par exemple) et l'utilisation de petits équipements audiovisuels (par exemple, radio, cassettes audio et vidéo). Il faut aussi recourir aux modes de communication traditionnels couramment en usage dans le pays.

3. Les entités gouvernementales appropriées doivent se doter d'une stratégie concernant le développement de matériels d'enseignement des langues librement accessibles et diffuser ces matériels gratuitement en ligne et par tout autre moyen approprié. Parallèlement, la traduction dans les langues et dialectes locaux des ressources en information du domaine public les plus importantes doit être engagée.

4. Les initiatives prises par le secteur privé pour mettre au point des contenus multilingues et les diffuser, en particulier au niveau local à l'intention des populations défavorisées, doivent être encouragées et soutenues.

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5. Les instances gouvernementales appropriées doivent s'employer, avec le concours d'experts nationaux et internationaux, à la mise au point de :

(a) moteurs de recherche Internet et navigateurs Web dotés d'amples fonctionnalités multilingues ;

(b) dictionnaires et ouvrages de référence en ligne ;

(c) logiciels de traduction automatique concernant les langues et les applications négligées par le secteur privé ; et

(d) produits et services d'information répondant aux besoins particuliers des personnes handicapées physiques.

5.3.5 Chaîne des responsabilités

5.3.5.1 Création d'une direction de haut niveau

Pour assurer la conduite de l'élaboration, de la mise en oeuvre, de la coordination et du contrôle de la politique-cadre de l'information au niveau national, il est indispensable de nommer une personnalité à la tête d'une direction de haut niveau au sein de l'exécutif de l'Etat, qui disposerait d'un budget et d'un mandat suffisants pour l'accomplissement des tâches qui lui seront assignées. Cette personnalité, dont le titre pourrait être celui de Directeur de la politique et des programmes nationaux de l'information (ci-après dénommé "le directeur") ou tout autre titre équivalant, rendrait compte directement au chef de l'Etat. Le directeur présiderait également un Conseil des hauts responsables de l'information, hauts responsables dont les fonctions sont décrites dans la section suivante.

5.3.5.2 Désignation d'un haut responsable de l'information dans chaque grande entité gouvernementale

Il devrait être nommé dans chaque grande entité gouvernementale un haut responsable de l'information, disposant du personnel d'appui nécessaire, qui sera chargé :

1. de gérer au premier chef les ressources en information de l'organisation ;

2. de veiller à ce que les politiques, principes, normes, directives, règles et règlements en matière d'information prescrits dans la politique nationale de l'information soient dûment mis en oeuvre ;

3. d'élaborer les politiques et procédures internes de l'organisation en matière d'information et de contrôler, évaluer et examiner périodiquement les activités de gestion des ressources en information de l'organisation pour s'assurer de leur conformité aux politiques nationales fixées ;

4. superviser les acquisitions et l’inventaire des équipements, logiciels et documentation associée pour l'ensemble de l'organisation ;

5. établir et faire respecter les politiques et procédures applicables de gestion des documents, y compris les critères d'archivage des informations sur support électronique, en particulier aux niveaux de la planification, de la conception et de l'utilisation des systèmes d'information ;

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6. signaler au directeur tout obstacle légal, réglementaire ou autre à une bonne gestion des ressources en informations gouvernementales et lui recommander toute mesure légale, politique, procédure ou autre propre à améliorer cette gestion ;

7. apporter, son concours au directeur dans ses travaux en mettant à sa disposition les services, le personnel et les installations nécessaires pour l'accomplissement de certaines missions précises ;

8. établir et remettre au directeur un rapport annuel sur la mise en oeuvre par l'organisation de la politique nationale de l'information, comprenant notamment un exposé des cas où la politique n'a pas été respectée et une description des mesures prises pour y remédier.

5.3.5.3 Etablissement d'entités chargées d'autres fonctions spécifiques

Il pourrait être nécessaire de créer d'autres organismes ou emplois pour mettre pleinement en oeuvre tous les éléments de la politique nationale de l'information et les programmes y afférents. Ces créations feront l'objet d'une évaluation au cas par cas.

5.3.6 Principaux éléments de procédure concernant l'établissement d'une politique-cadre nationale de l'information

1. La politique-cadre nationale de l'information doit énumérer toutes les lois et documents sur lesquels elle est fondée. Dans tous les cas où les lois et règlements sont caducs ou inexistants, il faudra peut-être passer les lois voulues préalablement. La politique relative à l'information du domaine public représente un aspect important de cette grande politique-cadre nationale de l'information.

2. Lorsqu'on établit une politique-cadre de l'information de haut niveau et un plan de mise en oeuvre détaillé à l'échelle nationale, il est essentiel d'associer les représentants de l'ensemble des principales parties prenantes de manière consultative. Cette façon de faire garantira la mise au jour des principaux problèmes et leur prise en compte et permettra aux intéressés de considérer comme sien les résultats finalement atteints.

3. Un certain nombre de facteurs de nature analytique (juridiques, économiques, institutionnels, sociaux et culturels, ainsi que ceux relatifs à la recherche et à l'enseignement) doivent être systématiquement pris en compte sur chacun des éléments individuels de la politique : Certains domaines ou secteurs d'application nécessitant la définition d'objectifs particuliers sur le plan de l'information et de l'application des prescriptions, tels que la santé, l'environnement, l'énergie, les transports, les finances, la défense, etc., qui pour la plupart correspondent à des ministères ou des organismes nationaux., nécessite la même prise en considération individuelle Les questions à se poser en ce qui concerne l'élaboration de la politique et sa mise en oeuvre sont les suivantes :

(a) Quelles sont les mesures spécifiques qui sont recommandées ?

(b) Pourquoi sont-elles proposées ? (C'est-à-dire quel est l'état de la situation et pourquoi faut-il y apporter des changements ?)

(c) Qui doit être associé à l'élaboration, l'approbation et la mise en oeuvre des mesures en question ? (C'est-à-dire les personnes, les institutions et les parties prenantes ?)

(d) A quels niveaux ces mesures doivent-elles s'appliquer ? (C'est-à-dire international, régional, national, infranational ?)

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(e) Quand ces mesures doivent-elles être appliquées et actualisées ?

(f) Comment, plus précisément, ces mesures doivent-elles être mises en oeuvre ? (Nécessité de donner des indications détaillées sur les procédures ou mécanismes qui seront utilisés pour appliquer les mesures.)

4. Une fois la politique-cadre de l'information mise définitivement au point et officiellement approuvée, le haut responsable de l'information de chaque grande entité gouvernementale devrait établir un plan d'application détaillé de toutes les orientations dans le cadre de ses activités officielles et de son domaine de compétences. Ces plans garantiront la mise en oeuvre des orientations et leur application de manière appropriée et efficace compte tenu du contexte particulier dans lequel l'organisation déploie ses activités et des besoins de celle-ci. L'achèvement de ces plans d'exécution distincts doit être mené à bien rapidement une fois la politique-cadre officiellement adoptée (par exemple en l'espace d'une année).

5. Etant donné l'évolution rapide que connaissent les secteurs de l'information et de la communication, la politique-cadre de l'information doit être revue et actualisée tous les quatre ou cinq ans, selon un calendrier fixé lors de son adoption, si l'on veut qu'elle reste pertinente et utile.

6. Une autre activité complémentaire qui doit être envisagée lors de l'élaboration de la politique cadre de l'information est un examen de la démarche suivie par d'autres pays en matière de gestion de l'information du domaine public et de technologies y afférentes. Il y a beaucoup à tirer de l'expérience d'autres pays pour éviter de commettre les mêmes erreurs et pour s'inspirer des modèles juridiques ou autres qui pourraient être repris et adaptés au contexte national.

5.4 LEGISLATION CONCERNANT LA LIBERTE DE L'INFORMATION

Pour couronner toute démarche globale visant à promouvoir l'accès aux informations gouvernementales du domaine public et leur utilisation, il convient d'adopter une loi portant sur la "liberté de l'information". En fait, on observe depuis quelque temps dans le monde entier une tendance des gouvernements à informer davantage le public. Depuis dix ans, nombre de pays ont ainsi adopté des lois sur ce point, ce qui est un élément essentiel de la tendance dont nous venons de parler. Aujourd'hui plus de 40 pays dispose d’une loi qui facilite l'accès aux informations gouvernementales, et une trentaine de pays au moins s'apprêtent à faire de même20.

Ces lois sur la liberté de l'information renversent le principe du secret d'Etat en faveur de celui de la mise à disposition. Les informations détenues par un gouvernement qui ne sont pas mises systématiquement à la libre disposition du public, peuvent être obtenues par lui sur demande. Les lois sur la liberté de l'information sont destinées à garantir le droit des citoyens à accéder à l'information qui a été créée par leur gouvernement à leur bénéfice.

Aussi faut-il que des pays qui n'ont pas encore adopté de loi sur la liberté de l'information concernant les informations gouvernementales en adoptent une, après analyse comparée des lois analogues dans d'autres pays21. La notion sur laquelle repose la loi sur la liberté de l'information de nombreux pays est celle de la primauté de l'intérêt général ou du « test du bien public » pour justifier la délivrance de l’information demandée. Une autorité indépendante doit être créée pour

20 Voir David Banisar, "Freedom of Information and Access to Government Records around the World", 2 juillet

2002 sur le site www.freedominfo.org. 21 Pour une étude exhaustive de l'ensemble des lois sur la liberté de l'information dans le monde, voir Banisar, ibid.

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décider s'il convient ou non d’accéder à la demande d'information. Cette autorité devra statuer relativement rapidement et ses décisions devront être assez transparentes et soumises à un certain contrôle. En outre, si l'on veut qu'il soit efficace, le système retenu évitera d'imposer aux requérants des frais si élevés qu'ils empêcheraient les citoyens ordinaires d’obtenir l'information demandée.

Néanmoins ces lois sont généralement le fruit d'un compromis car d'autres raisons justifient fréquemment une non divulgation de l'information, de même que la défense de certains intérêts peut empêcher que certaines informations soient déclarées du domaine public. C'est pourquoi les lois sur la liberté de l'information sont assorties de dérogations en vertu desquelles une entité gouvernementale peut refuser de communiquer l'information demandée pour des raisons expressément spécifiées dans la loi. Les raisons les plus couramment invoquées en ce sens sont la protection de la vie privée des personnes, le secret défense et la sécurité de l'Etat, le secret de l'instruction, la nécessité de laisser aux conseillers des ministres toute latitude pour formuler leurs avis en toute franchise ou la protection du secret des affaires ou d'informations faisant l'objet de droits de propriété intellectuelle. La frontière entre information divulgable et information non divulgable est dans certains cas assez floue et la décision donc difficile à prendre.

Bien que les lois sur la liberté de l'information soient un facteur essentiel pour appliquer la présomption selon laquelle les informations gouvernementales font partie du domaine public et pour promouvoir une société plus ouverte et une gouvernance plus transparente, elles ne sont pas à elles seules suffisantes. En pratique, ces lois instituent généralement une procédure bureaucratique, lourde et fréquemment chère par laquelle le citoyen est tenu de passer pour obtenir une information qui est légalement dans le domaine public et devrait être divulguée. De plus, le citoyen peut aussi devoir mener une enquête pour savoir de quelles informations le gouvernement dispose et repérer celles qu'il peut demander. Les fonctionnaires sont souvent peu enclins à communiquer les informations qu'ils possèdent et les mécanismes légaux peuvent être insuffisants ou inapplicables. Enfin, des pressions politiques sur l'entité gouvernementale qui détient l'information ou sur le particulier demandeur peuvent faire qu'une demande d'information au titre du dispositif sur la liberté d’expression reste sans effet ou soit même à déconseiller22.

Cela étant, pris ensemble, le changement de législation sur le statut du domaine public et la liberté de l'information ainsi que l'adoption d'une politique-cadre de l'information administrative conduiront à l'adoption de politiques, procédures et programmes qui seront très favorables à un accès libre, facile et peu coûteux à l'information du domaine public, ce pour le plus grand bien de la nation tout entière.

22 Ibid.

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BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE

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